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LIVRE BLANC SUR L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET LA RECHERCHE DANS L’UEMOA LECONS ET PERSPECTIVES DU PROJET D’APPUI A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DANS L’UEMOA JUIN 2014 DOCUMENT DE REFLEXION

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LIVRE BLANC SUR L’ENSEIGNEMENT

SUPERIEUR ET LA RECHERCHE

DANS L’UEMOA

LECONS ET PERSPECTIVES DU PROJET D’APPUI

A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DANS L’UEMOA

JUIN 2014

DOCUMENT DE REFLEXION

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DOCUMENT DE REFLEXION

LIVRE BLANC SUR L’ENSEIGNEMENT

SUPERIEUR ET LA RECHERCHE

DANS L’UEMOA

------------------------------------------------------

LECONS ET PERSPECTIVES DU PROJET D’APPUI

A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR DANS L’UEMOA

Juin 2014

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Copyright © 2014 Commission de l’UEMOA

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement, quelque système de stockage et de récupération d’information) des pages publiées dans le présent ouvrage faite sans autorisation écrite de la Commission de l’UEMOA.

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SOMMAIRE

LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES ------------------------------------------------ 4

AVANT-PROPOS ---------------------------------------------------------------------------------------------- 5 INTRODUCTION ---------------------------------------------------------------------------------------- 7 I. BILAN CRITIQUE DU PROJET D’APPUI A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ----- 9

1. Les raisons d’un projet régional pour soutenir l’enseignement supérieur ........... 9 2. Les succès du projet ........................................................................................ 11 3. Les insuffisances de la 1ère phase du projet ..................................................... 12

II. ORIENTATIONS EN MATIERE D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ------------------ 15

1. Quelle vision pour l’intervention communautaire ? ......................................... 15 2. De nouveaux paradigmes et des attentes sociales fortes .............................. 16 3. Les principes directeurs dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une seconde

phase du PAES .............................................................................................. 23 III. PERSPECTIVES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA SECONDE PHASE DU PROGRAMME D’APPUI A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ---------------------------- 26

1. Des actions en cours à consolider ................................................................. 26 2. Des nouvelles approches à envisager ........................................................... 31

CONCLUSION ----------------------------------------------------------------------------------------- 37 BIBLIOGRAPHIE -------------------------------------------------------------------------------------- 38 WEBOGRAPHIE --------------------------------------------------------------------------------------- 38

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LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES

AUF : Agence Universitaire de la Francophonie

ANAQ : Agence Nationale d’Assurance Qualité

BAD

FAD

: Banque Africaine de Développement

Fonds Africain de Développement

BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CAMES : Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur

DAAD : Deutscher Akademischer Austauschdienst

IFGU : Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire

LMD : Licence, Master, Doctorat

OOAS : Organisation Ouest Africaine de la Santé

PACER : Programme d’Appui et de développement des Centres d’Excellence Régionaux de l’UEMOA

PADTICE : Projet d’appui au développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) pour le renforcement des capacités de mise en œuvre de la réforme Licence, Master, Doctorat dans les institutions d’enseignement supérieur de l’UEMOA

PAES : Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur

PPP : Partenariat Public-Privé

REESAO : Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest

STIM : Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques

TICE : Technologie de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement

UGP : Unité de Gestion du Projet

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture

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AVANT-PROPOS

Ce Livre Blanc présente une réflexion menée sur les enjeux de l’Enseignement

Supérieur et la Recherche dans l’espace l’UEMOA et contribue à un débat public

informé sur ces questions.

Il a été rédigé par le Département du Développement Humain de la Commission de

l’UEMOA. L’équipe de rédaction était constituée de :

- Monsieur Augustin NIANGO, Directeur de Cabinet ;

- Professeur Bréhima TOUNKARA, Directeur de l’Enseignement Supérieur et

de la Formation Professionnelle ;

- Monsieur Emmanuel BARRY, Chargé de l’Enseignement Supérieur.

La transcription des discussions d’experts sur le cadrage du projet de livre blanc a

été réalisée par Monsieur Inoussa ZONGO, doctorant en stage à la Commission de

l’UEMOA.

Pour sa rédaction, le Livre a bénéficié, des précieuses contributions des experts

suivants, consultés lors d’une retraite tenue du 23 au 26 septembre 2013 et sollicités

pour leurs remarques et amendements au document :

- Professeur Ramata BAKAYOKO LY, Président de l’Université Félix

Houphouët-Boigny ;

- Professeur Drissa DIAKITE, Conseiller Technique, Ministère des

Enseignements Secondaire et Supérieur du Mali, Point focal du Projet d’Appui

à l’Enseignement Supérieur (PAES) ;

- Professeur Gustave KABRE, Conseiller Technique, Ministère des

Enseignements Secondaire et Supérieur du Burkina Faso ;

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- Professeur Abou NAPON, Directeur des Programmes, Conseil Africain et

Malgache de l’Enseignement Supérieur (CAMES) ;

- Professeur Abdou Karim N’DOYE, Conseiller Technique n° 1, chargé des

Affaires académiques et pédagogiques au Ministère de l’Enseignement

Supérieur et de la Recherche du Sénégal, Point focal du PAES au Sénégal ;

- Monsieur Aboubacry LY, Consultant international en TIC et stratégie ;

- Monsieur Aly Diadjiry COULIBALY, Directeur par intérim du Centre de

Programmation Stratégique, de Recherche et de Veille de la Commission de

l’UEMOA.

Les opinions exprimées dans ce document ne reflètent pas nécessairement celle de la

Commission de l’UEMOA. Il s'agit d’une réflexion sur l’orientation générale mettant

l'accent sur la manière d'aborder certaines questions stratégiques de l’enseignement

supérieur et de la recherche. Il fournit une tribune pour l’analyse des grands défis

auxquels est confronté l’enseignement supérieur dans l’UEMOA et favorise un débat

éclairé sur ces questions.

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INTRODUCTION

Ce Livre Blanc sur l’enseignement supérieur dans l’espace UEMOA vise à capitaliser l’expérience acquise par la Commission de l’UEMOA depuis février 2004, date à laquelle a été lancée une vaste réflexion régionale sur l’enseignement supérieur qui a servi à la mise en place de deux initiatives majeures destinées à la réforme du secteur dans les Etats membres :

- la Directive n° 03/2007/CM/UEMOA du 04 juillet 2007 portant adoption du système Licence, Master, Doctorat (LMD) ;

- le Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur (PAES), objet d’un financement de la Banque Africaine de Développement (BAD), accordé en 2006 et démarré au cours de l’année 2007.

A l’heure où l’UEMOA célèbre ses vingt ans, le présent document a pour ambition de faire le bilan de l’appui apporté aux Etats membres, d’identifier les succès et les échecs pour repérer les défis à relever au cours des années et de répondre de façon plus efficace aux besoins de renforcement du capital humain de l’espace, à travers des systèmes d’enseignement supérieur de qualité.

Le Livre Blanc est le résultat d’une réflexion, menée du 23 au 26 septembre 2013, par la Commission, au sein de son Département du Développement Humain, et de son Centre de Programmation, de Veille et de Recherche à laquelle ont été associés des experts de l’espace UEMOA.

C’est le lieu de remercier les Professeurs Ramata BAKAYOKO-LY1, Drissa DIAKITE2, Gustave KABRE3, Abdou Karim NDOYE4, Abou NAPON5, et Monsieur Abou Bacry LY6, pour leurs précieuses contributions qui ont servi à l’élaboration de ce document.

L’état des lieux analysé dans ce Livre se veut sans concession, afin de permettre à chacun de prendre à leur juste mesure les défis qui se jouent dans l’espace UEMOA au travers de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La réflexion conduite a été l’occasion de porter un regard critique sur l’appui que l’Union a tenté, par le biais de la Directive et du Projet, d’apporter aux systèmes d’enseignement supérieur pour les accompagner dans les réformes mises en œuvre au cours de ces dernières années.

1 Le Professeur Ramata BAKAYOKO-LY est recteur de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan.

2 Le Professeur Drissa DIAKITE, Conseiller Technique du Ministre de l’Enseignement supérieur du Mali, titulaire d’un Doctorat

en histoire et diplômé de linguistique appliquée, est professeur à l'Université du Mali à Bamako. Il aussi été le point focal du PAES pour le Mali. 3 Le Professeur Gustave KABRE est Conseiller Technique au Ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur du

Burkina Faso. Il a été le point focal du PAES pour le Burkina. 4 Le Professeur Abdou Karim NDOYE, enseignant chercheur, Conseiller Technique du Ministre de l’Enseignement supérieur et

de la Recherche Scientifique de la République du Sénégal, membre de la Commission d’élaboration de de la Politique d’Enseignement Supérieur du Sénégal. 5 Le professeur Abou NAPON est le Directeur des Programmes du Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur

(CAMES). 6 Monsieur Abou LY est Consultant en Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement (TICE). Il a

participé à l’élaboration du cahier des charges pour l’acquisition des équipements du Projet d’appui au développement des TIC dans la mise en œuvre du LMD au sein de l’UEMOA.

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Structuré autour de deux axes principaux, le Livre Blanc s’efforce tout d’abord d’établir un bilan critique du Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur (PAES), principal instrument de mise en œuvre de la stratégie de la Commission en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Sont ensuite abordés les défis nouveaux auxquels sont confrontés les systèmes d’enseignement supérieur dans l’espace UEMOA et les nécessaires leviers de toute action de transformation destinée à les rendre aptes à être de véritables outils au service de la paix et de la prospérité de l’Union. Les faiblesses du Projet, l’accélération sans précédent de la massification des effectifs, le caractère récurrent des conflits sur les campus, la légitime quête de plus d’autonomie, les exigences de bonne gouvernance et de rajeunissement des personnels enseignants, le développement des Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Education (TICE) dans l’enseignement supérieur et la nécessaire coopération régionale pour la mise en commun des ressources, sont analysés dans le Livre Blanc pour repérer les leviers de l’action régionale destinée à renforcer l’enseignement supérieur.

De façon spécifique, à l’heure où l’UEMOA fête ses vingt ans et entreprend un tournant majeur avec la mise en œuvre du Plan Stratégique 2011-2020 de la Commission, le Livre Blanc fournit des pistes pour orienter le dialogue entre l’Union et ses partenaires financiers intéressés à contribuer au renforcement de la performance des systèmes d’enseignement supérieur dans l’espace à travers des projets dédiés.

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I. BILAN CRITIQUE DU PROJET D’APPUI A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

1. Les raisons d’un projet régional pour soutenir l’enseignement supérieur En 2004, saisissant l’opportunité de l’intérêt exprimé par la Banque Africaine de Développement (BAD), la Commission de l’UEMOA a conduit, sur le mode participatif, une réflexion destinée à identifier les problèmes des systèmes d’enseignement supérieur de la sous-région et à y apporter des réponses durables. Cette initiative répondait à un constat majeur : la dégradation constante, depuis la fin des années 80, des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche dans l’espace UEMOA, dans un contexte où la compétition économique et la place du capital humain comme moteur du succès des pays, exigeaient de ces systèmes un mouvement inverse. En l’espace de treize ans, en effet, de 1990 à 2003, les effectifs étudiants dans l’Union sont passés de 78 000 à près de 320 000 , avec une capacité d’accueil qui n’avait guère changé du fait des restrictions budgétaires dictées par les impératifs d’ajustement structurel de la décennie passée. A l’occasion de la réflexion qui a associé les principaux acteurs de l’enseignement supérieur, outre la confirmation des maux qui minent le système et leur diagnostic, les 400 personnes consultées ont reconnu l’urgence d’agir et demandé à l’ensemble des partenaires d’y contribuer.

Tableau 1 : Evolution des effectifs au niveau de l’Enseignement Supérieur dans l’UEMOA

Pays

Effectifs par année académique

Accroissement des effectifs (en %)

2007-2008

2008-2009

2009-2010

2007-08 / 2008-09

2008-09 / 2009-10

Bénin 62 518 82 751 114 643 32,4 38,5

Burkina Faso 44 645 48 257 52 345 8,1 8,5

Côte d'ivoire 149 511 152 896 144 270 2,3 -5,6

Guinée-Bissau 4 768 4 310 4 899 -9,6 13,7

Mali 64 517 70 658 71 282 9,5 0,9

Niger 13 647 17 565 19 784 28,7 12,6

Sénégal 90 672 91 983 93 866 1,4 2,0

Togo 44 930 49 843 59 030 10,9 18,4

UEMOA 475 208 518 263 560 119 9,1 8,1

Source : Commission de l’UEMOA, Annuaires Statistiques de l’Enseignement Supérieur, 2007 à 2010.

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Dans les conclusions de leurs travaux, ils ont suggéré que cette nécessaire action soit articulée autour de cinq axes majeurs :

- l’amélioration de la pertinence et de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche par la réforme et l’adoption des standards internationaux ;

- la reconfiguration de l’offre d’enseignement supérieur en vue d’en améliorer l’accès et l’équité ;

- l’amélioration de la gouvernance de l’enseignement supérieur ;

- la promotion du dialogue social afin de prévenir et de répondre aux conflits récurrents sur les campus ;

- la mise en place des moyens technologiques et environnementaux pour tirer le meilleur profit des opportunités offertes par les technologies de l’information et de la communication (TIC).

Examinant les conclusions de cette vaste réflexion participative, la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Commission, tenant compte de leurs ressources limitées, ont choisi de donner la priorité à l’axe d’amélioration de la pertinence et de la qualité de l’enseignement supérieur en lançant, au cours de l’année 2007, le Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur (PAES). Il s’agissait, à travers ce projet, de s’attaquer en priorité, à une question face à laquelle il était devenu urgent d’agir : la mondialisation de la réforme Licence Master Doctorat (LMD), consacrée à l’échelle européenne par le processus de Bologne de 1999. C’est du reste en réponse à cette urgence que le Conseil des Ministres de l’Union a adopté la Directive N°03/CM/UEMOA/2007 par laquelle les Etats membres de l’UEMOA se sont engagés à harmoniser leurs systèmes en adoptant une architecture commune de leurs diplômes et en mettant en place un mécanisme de transfert de crédits, gage d’une plus grande mobilité interuniversitaire. En lançant le PAES, il s’agissait pour l’UEMOA de mettre à la disposition des Etats les moyens de concrétiser cet engagement. D’un coût total de 23,20 millions d’UC dont 20 millions de don FAD7 et 3,2 millions de fonds propres inscrits sur l’aide budgétaire française à l’UEMOA, le Projet a été articulé autour de deux composantes majeures :

i) appui aux réformes et à l’harmonisation des systèmes d’enseignement supérieur ;

ii) appui à la recherche universitaire.

7 Fonds Africain de Développement.

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2. Les succès du projet A travers la fourniture d’une expertise internationale de haut niveau, la mise à disposition de financements légers et d’équipements informatiques et de mise en réseau, les interventions du projet ont permis aux universités publiques et aux ministères de tutelle de se doter d’extrants qu’il aurait été difficile de mobiliser sans l’existence du PAES. Les six exemples suivants illustrent bien ces réalisations. Ainsi, une expertise a permis d’aider la Guinée-Bissau et le Niger à élaborer leurs politiques nationales d’enseignement supérieur. Des financements ont facilité la conduite d’une large campagne de sensibilisation au système LMD dans tous les Etats membres de l’Union. De la même manière, dans le cadre d’un fonds compétitif, 80 projets de recherche logés dans les institutions d’enseignement supérieur et de recherche de l’ensemble des pays, ont bénéficié de financements du projet. Des questions peu traitées, comme l’animation d’un cadre partenarial entre universités et secteurs professionnels, ont fait l’objet de proposition de modèles mis à la disposition des universités. L’expertise fournie par le projet a appuyé les Etats membres dans l’élaboration de deux éditions d’annuaires statistiques de l’enseignement supérieur dans chacun des huit Etats membres ainsi qu’une synthèse régionale. Cette activité, qui a connu un réel succès, a été l’occasion de former des équipes nationales dédiées à la pérennisation de ces annuaires et de les doter en équipements informatiques. De plus, le projet, après avoir accompagné chacun des Etats dans la conception des curricula de 22 filières porteuses de formation, a pris des dispositions pour assurer la fourniture d’ouvrages de référence et l’abonnement des bibliothèques à de la documentation scientifique appropriée. Enfin, le projet a aidé à l’amélioration de la gouvernance des universités par le lancement d’un long programme de formation continue en management des universités, conduit au profit d’une quarantaine de gestionnaires en poste dans les institutions d’enseignement supérieur de l’espace. Certes, certaines activités restent encore à réaliser, notamment la mise en réseau des universités, la formation pédagogique des enseignants chercheurs. Toutefois, d’une façon globale, le projet a permis des réalisations dont l’intérêt, à bien des égards, est reconnu par tous.

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3. Les insuffisances de la 1ère phase du projet En dépit des résultats sus-évoqués, il a été relevé des critiques notamment sur deux points principaux : la conception d’une part, et les modalités d’exécution qui en ont réduit l’efficacité et l’utilité, d’autre part.

Une conception du projet fortement critiquée

La conception du Projet en 2005 était motivée par le souci de deux institutions africaines d’accompagner les nécessaires mutations des systèmes d’enseignement supérieur de l’Union. L’intention était louable et salutaire. Elle intervenait dans un contexte où, en dépit des recommandations pertinentes de la Conférence Mondiale de 1998, l’enseignement supérieur en Afrique était encore considéré comme un secteur peu rentable et source de gaspillage de ressources publiques.

Cependant, l’adhésion à sa mise en œuvre dans la communauté universitaire a été sérieusement remise en question par le choix des axes d’intervention du projet. En effet, en choisissant de concentrer les modestes financements acquis pour le démarrage du projet, sur l’appui à la réforme LMD et en laissant de côté la question jugée urgente de la reconfiguration de l’offre de formation d’éducation, la Commission et la BAD ont pris le risque de soulever le profond mécontentement d’une frange importante de ceux qui avaient participé aux réflexions de 2004 et 2005. En effet, ces réflexions avaient recommandé la prise en compte systémique de plusieurs composantes, au risque de décevoir les grands espoirs suscités par le projet.

Alors que plusieurs institutions d’enseignement supérieur attendaient du projet qu’il mît des ressources à leur disposition, la Commission et la BAD ont pris l’option de loger les financements dans une Unité de Gestion du Projet (UGP) qui, placée sous la responsabilité de la Commission, a eu la charge d’exécuter directement les activités destinées aux bénéficiaires. Cette option a souvent été présentée comme répondant à la nécessité d’assurer un caractère multinational intégrateur au projet tout en évitant le risque de juxtaposition de huit composantes nationales.

Dans ce contexte, le projet a connu une remise en cause quasi générale pendant les deux premières années de démarrage. De sérieuses critiques ont ainsi été formulées par les institutions d’enseignement supérieur contre l’importance jugée excessive donnée aux services de consultants au détriment d’une mobilisation de l’expertise interne d’experts au sein des universités. Ces contestations, reflets d’un dialogue insuffisant avec les bénéficiaires lors de la préparation, ont retardé le démarrage rapide du projet. Ainsi, prévu pour être achevé à la fin de l’année 2012, il ne prendra fin qu’au 31 décembre 2014.

De façon plus accessoire, les critiques ont insisté sur le fait que des questions essentielles comme celle de la nécessaire relève d’un corps enseignant vieillissant n’aient pas été ciblées. Elles ont de la même façon regretté que les bourses n’aient été prévues que pour une année quand un appui de deux ans et plus est nécessaire pour finaliser des travaux de thèse de doctorat.

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Des difficultés liées aux modalités de mise en œuvre et aux

procédures d’exécution du projet

L’exécution du projet était articulée autour de deux leviers majeurs :

- le Comité de pilotage, composé des points focaux nationaux du projet, désignés par les Ministères en charge de l’enseignement supérieur ;

- l’Unité de Gestion du Projet, placée sous la responsabilité directe du Département du Développement Humain de la Commission.

Au plan financier, les ressources du projet, le don FAD et la contrepartie de l’UEMOA, ont été logées dans des comptes dédiés, ouverts à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Les acquisitions et les paiements effectués au titre du projet devaient respecter les règles de procédures de la Commission et de la BAD. A l’exécution, quoique d’apparence simple, celles-ci se sont heurtées à de nombreuses contraintes qui ont considérablement rallongé les délais et contribué à renforcer la méfiance vis-à-vis du projet et les interrogations sur sa pertinence. En effet, les procédures de la Banque et un excès de prudence des services de la Commission de l’UEMOA ont considérablement ralenti le rythme de son exécution conformément au chronogramme.

En 2007, la non préparation de la Commission de l’UEMOA à exécuter un projet multilatéral s’est manifestée à travers des procédures de gestion lourdes et mal adaptées à une opération de courte durée, destinée à répondre à des préoccupations d’urgence. L’orientation qu’ont donnée les services de la Banque au document de projet a, quant à elle, privé son exécution de la nécessaire souplesse qu’il était essentiel d’observer pour la réalisation d’un premier projet conçu dans des délais si courts. Sa mise en œuvre a mobilisé une multitude d’acteurs (Direction de l’Enseignement Supérieur et de la Formation Professionnelle, Services financiers de la Commission, Unité de Gestion du Projet, BAD, prestataires, points focaux, etc.) dont les rôles et responsabilités n’avaient pas été suffisamment précisés lors du processus de préparation.

Le choix et le positionnement institutionnel des points focaux nationaux, dont le rôle était pourtant essentiel pour assurer la mobilisation des acteurs nationaux autour du projet, ont été fréquemment remis en question par les bénéficiaires. Une observation faite à ce propos : l’ancrage des points focaux hors de la communauté universitaire ne leur permettait pas de jouer pleinement le rôle de relais attendu d’eux.

A ces faiblesses, s’est ajoutée l’insuffisante implication de partenaires institutionnels et techniques, acteurs clés de l’enseignement supérieur, au profit du recours exclusif aux services de consultants. Des structures partenaires comme le Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO), le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES), l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) sont restés en marge du projet alors que leur expertise aurait pu être utilement mobilisée à des coûts moindres que ceux mobilisés pour solliciter l’expertise internationale de bureaux de consultants.

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Globalement, le sentiment général est que l’exécution du PAES, même si elle a permis des réalisations qui peuvent être consolidées, n’a pas su être à la hauteur des enjeux et des urgences. En cause, une conception non contextualisée qui aurait pu être plus participative, et des modalités de gestion contraignantes, tenant peu compte des capacités des bénéficiaires.

La prochaine partie présente les principales orientations de l’intervention communautaire en matière d’enseignement supérieur.

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II. ORIENTATIONS EN MATIERE D’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

1. Quelle vision pour l’intervention communautaire ?

Au cours des travaux conduits à l’occasion du processus d’élaboration du projet de

politique régionale d’enseignement supérieur de l’UEMOA, une vision a semblé être

partagée par tous, celle de « Bâtir un enseignement supérieur et une recherche

scientifique de qualité, porteurs d’une croissance inclusive et durable pour

l’émergence économique et l’intégration régionale et internationale des pays de

l’UEMOA ». Cette vision est en harmonie avec le Plan stratégique 2011-2020 de la

Commission de l’UEMOA qui identifie dans son axe relatif au "Marché commun et

prospérité", un objectif spécifique relatif à des facteurs de production disponibles et

concurrentiels.

Il sera donc essentiel que toute intervention de l’Union en matière d’enseignement supérieur contribue de façon directe à la traduction dans les faits de cette vision. La seconde édition d’un projet d’appui à l’enseignement supérieur devra donc s’y attacher.

« Bâtir un enseignement supérieur et une recherche

scientifique de qualité, porteurs d’une croissance

inclusive et durable pour l’émergence économique et

l’intégration régionale et internationale des pays de

l’UEMOA »

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2. De nouveaux paradigmes et des attentes sociales fortes

Le défi démographique et la massification

La massification des effectifs de l’enseignement supérieur amorcée depuis le début

des années 1980 tend à s’accélérer sous la poussée démographique. Les

aspirations légitimes des populations de l’Union à une éducation de niveau supérieur

n’ont pas été prises en compte par les Etats à leur juste valeur. En effet, l’accès à

l’enseignement supérieur reste très faible et son potentiel de croissance est très

élevé. Dans la majorité des Etats, la mise en conformité aux normes de l’UNESCO

signifierait un décuplement de la population estudiantine. Or, les systèmes

actuellement en place ne sont pas en mesure d’absorber cet afflux massif.

Les actions mises en œuvre par la Commission devront apporter des réponses à

cette évolution, notamment par la multiplication des alternatives à l’enseignement

supérieur classique et par la promotion de l’emploi.

Tableau 2 : Evolution du nombre d’étudiants pour 100,000 habitants dans quelques Etats de l’UEMOA

PAYS 2007/2008 2008/2009 2009/2010

BURKINA FASO 303 317 323

COTE D’IVOIRE 719 712 732

MALI 647 487 551

SENEGAL 766 734 768

UEMOA 556 563 628

Moyenne OCDE entre 3 500 et 6 000

Norme UNESCO 2,000 étudiants pour 100,000 habitants

(2% de la population)

Sources : - UEMOA, Suivi des indicateurs de l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA, Octobre 2012.

- UNESCO.

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Le paradigme d’une approche holistique de l’éducation

Depuis 2005, date d’élaboration du Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur, de nombreuses évolutions ont fait jour dans le contexte mondial ; des leçons ont été apprises des réformes entreprises à travers le monde et des succès enregistrés dans de nombreux pays. Il en ressort que ceux qui réussissent à mettre en place un enseignement supérieur de qualité sont ceux qui privilégient une approche de type holistique, en mettant l’accent sur les liens systémiques existant entre les différents ordres d’enseignement. Cette vision a l’avantage de susciter chez les universitaires, une réflexion permanente sur leurs rôles et responsabilités dans la résolution des problèmes de la société. De fait, la nécessité de ce décloisonnement de l’enseignement supérieur ne saurait être une question subsidiaire dans la perspective d’une seconde édition du PAES. Une des conséquences évidentes de ce changement de paradigme est que l’on ne saurait viser une réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche sans une rénovation de l’enseignement secondaire, en général, et du baccalauréat, en particulier. Dans le dispositif institutionnel du projet, il sera donc essentiel d’envisager un point focal à composition plurielle de type "mécanisme de coordination nationale", par la mobilisation d’acteurs directement concernés.

Le défi de l’employabilité des diplômés

La crise persistante de l’emploi à laquelle sont confrontés les pays membres de l’Union met au cœur des défis à relever par les systèmes d’enseignement supérieur, leur capacité à y apporter des réponses durables. Dans cette optique, le comportement de leurs produits sur le marché du travail constituera un des principaux critères de mesure de leur performance. Au cours des années à venir, la question de l’employabilité des sortants ne saurait être encore absente des préoccupations des institutions d’enseignement supérieur qui devront y porter une attention particulière. Dans la première édition du PAES, quelques actions ont été réalisées dans ce cadre, notamment les préconisations faites pour aider à créer des cadres de partenariat entre les universités et les milieux professionnels. Il s’agira d’aller plus loin dans le rapprochement entre l’institution universitaire et l’entreprise en mettant en place des espaces de dialogue et de participation de l’entreprise à la formation.

En conséquence, le projet devra être attentif à des activités de soutien notamment au niveau des travaux d’harmonisation du baccalauréat en cours dans les Etats membres de l’Union. En outre, l’adéquation entre les formations et l’emploi nécessitera une adaptation des curricula pour répondre aux besoins en constante évolution des secteurs productifs.

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L’adoption des standards internationaux et le pilotage du processus

de gestion du changement

La mondialisation impose aux systèmes d’enseignement supérieur et de recherche, l’adoption de normes de qualité qui exigent une remise en cause des modes de fonctionnement traditionnels. Naturellement, ces changements majeurs susciteront à n’en point douter des résistances. Pour les vaincre, la capacité des acteurs de la réforme à conduire de véritables stratégies de gestion du changement sera tout aussi importante que la promotion d’une culture du dialogue social comme mode de prévention et de gestion des conflits sociaux sur les campus.

Les défis d’une gouvernance universitaire rénovée

Pour s’adapter à un environnement en perpétuel mouvement et à une demande sociale pressante, les institutions d’enseignement supérieur sont contraintes d’adopter un mode de gouvernance nouveau. Au cours des années à venir, le modèle d’une université publique, dépendante de la tutelle ministérielle et de subventions publiques sera fortement remis en question. Déjà, les institutions publiques revendiquent une plus grande autonomie. Mais celle-ci exige une réforme en profondeur de la gouvernance qui devra se traduire par une plus grande ouverture de l’université sur son environnement, à travers la participation d’acteurs divers à ses instances de pilotage (chefs d’entreprises, parents d’étudiants, leaders d’opinions, etc.), par l’adoption de règles de gestion plus transparentes, l’implantation d’une culture du résultat et de l’imputabilité.

Dans cette perspective, l’examen de la question de l’autonomie des institutions d’enseignement supérieur sera incontournable. Seule une réelle autonomie est de nature à rendre les universités publiques mieux à même de mobiliser efficacement des ressources, à en assurer une gestion rigoureuse et à rendre compte. Ces transformations exigeront un engagement politique fort et une implication des enseignants eux-mêmes dans la conduite du changement. Certaines universités de l’espace ont démontré que ces changements sont possibles et que les acteurs de l’institution universitaire sont parfaitement capables de les piloter.

Il est donc intéressant pour des institutions d’enseignement supérieur publiques et privées de lancer des processus de changement impulsés par elles-mêmes, à travers la mobilisation de leurs propres ressources humaines.

Les institutions d’enseignement supérieur devront aussi être en mesure de s’adapter constamment aux changements de leur environnement. Cela demandera de la part des acteurs du milieu, plus de courage pour la prise de décision à des étapes charnières. Ainsi, le contingentement ou la fermeture de certaines filières dans des institutions où elles ont du mal à avoir les ressources pédagogiques nécessaires pour assurer tout un cycle jusqu’au niveau doctoral au profit d’autres institutions de l’Union, capables de répondre aux besoins de tous les Etats, ne doit pas constituer un tabou dans les discussions.

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Une seconde phase du PAES pourrait soutenir de tels processus de réformes internes permettant d’aligner la gouvernance universitaire aux normes admises en la matière.

La recherche comme socle d’un enseignement supérieur de qualité et

de l’innovation

Les experts consultés pour l’élaboration du présent Livre Blanc ont tous insisté sur les évolutions récentes intervenues dans la recherche universitaire dans l’espace UEMOA. Ainsi, la traditionnelle approche de coopération en matière de recherche à travers laquelle, les pays du Nord finançaient et encadraient pratiquement la recherche africaine est de plus en plus remise en cause. Par ailleurs, les experts insistent sur la recherche collaborative qui met en avant la mutualisation des efforts et des bénéfices. Celle-ci a tendance à prendre le pas sur les travaux individuels. Les fonds compétitifs, qui ont été le mode opératoire principal des recherches en coopération, doivent céder le pas à « la recherche collaborative » qui met l’accent sur des actions structurantes bâties autour de thématiques à la fois transnationales et fédératrices impliquant les chercheurs, les institutions de recherche et les utilisateurs des produits de la recherche. Des questions majeures comme le VIH/SIDA, les énergies renouvelables, la sécurité alimentaire, le renforcement des infrastructures, les questions liées à la paix et à la sécurité, les langues et cultures africaines, etc. devront être au centre d’une recherche davantage tournée sur les préoccupations de l’espace. Après plus de dix ans de mise en œuvre d’initiatives de l’UEMOA destinées à l’enseignement supérieur et à la recherche, il est nécessaire de porter une véritable politique de recherche à la dimension des ambitions de la sous-région. Dans cette perspective, il est opportun d’aller au-delà de l’approche d’actions ponctuelles comme le sont les fonds compétitifs, pour mettre davantage l’accent sur des actions structurantes visant à instaurer une culture de la recherche au sein des institutions d’enseignement supérieur. Un appui devra être apporté aux universités pour la mise en place d’incubateurs ou de pôles d’innovation.

La mise à profit du dividende démographique et des autres atouts de

l’Afrique

Il faut dire qu’un des changements essentiels qui, au cours des dix prochaines années, ne saurait être ignoré par l’Union en matière d’enseignement supérieur est le constat unanime que l’Afrique retient maintenant l’attention du fait de sa forte croissance démographique, de son potentiel en ressources naturelles et de l’augmentation sans précédent de la demande d’éducation de sa jeunesse.

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Ces potentialités imposent à l’Afrique d’être présente sur le marché mondial de la connaissance au risque de ne devenir qu’un continent de simples consommateurs sans aucune contribution à la valeur ajoutée mondiale. Pour profiter de ces formidables atouts, l’enseignement supérieur, la recherche et la formation professionnelle devront être conçus et être mis à la disposition du plus grand nombre.

Un secteur privé de l’enseignement supérieur à mieux encadrer

Absentes jusqu’au début des années 1990, les institutions d’enseignement privées ont connu une croissance fulgurante au sein des Etats. Avec la massification des effectifs, les Etats de l’Union ont généralement répondu par une libéralisation du secteur de l’enseignement supérieur sans mettre en place des mécanismes d’assurance qualité adaptés. Ainsi, souvent peu contrôlées sur le plan académique, les institutions privées naissantes attirent de plus en plus d’étudiants, notamment ceux désireux de suivre des années académiques complètes. Les formations dispensées essentiellement au niveau Licence et Master sont orientées en priorité vers les services (gestion, marketing, etc.).

En outre, avec la croissance de la demande pour l’enseignement supérieur, le privé attirera toujours plus d’étudiants, d’où la nécessité de mettre en place des cadres règlementaires pour leurs activités. Au-delà de la qualité des formations offertes dans ces institutions, leur multiplication entraîne une distorsion importante au niveau des institutions d’enseignement supérieur public.

Tableau 3 : Nombre d’institutions publiques et privées d’enseignement supérieur dans l’UEMOA

Pays

Universités ou centres

universitaires publics

Instituts ou écoles publics d'enseignement supérieur

Nombre total d'institutions

publiques

Universités privées

Instituts ou écoles privés

d'enseignement supérieur

Nombre total d'institutions

privées

Bénin 2 n/d n/d 7 76 83

Burkina Faso

7 4 11 5 61 66

Côte d'ivoire

6 6 12 24 51 75

Guinée-Bissau

2 7 9 2 2 4

Mali 2 5 7 0 30 30

Niger 4 12 16 2 50 52

Sénégal 5 5 10 7 141 148

Togo 2 5 7 1 23 24

UEMOA 30 44 72 48 434 482

Source : Enquête UEMOA, février 2012.

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En effet, les enseignants des universités publiques en quête de revenus complémentaires, délaissent souvent leurs charges pédagogiques à des assistants pour dispenser des cours dans le secteur privé. Ce phénomène accentue la pénurie de personnel pédagogique qualifié dans le public.

Bien que l’apport de ces institutions soit indéniable et que certaines offrent des cursus de bonne qualité, leur encadrement demeure un enjeu majeur sur lequel une approche communautaire peut porter des fruits. En effet, face aux critiques sur la facilité d’obtenir des accréditations institutionnelles pour ouvrir des établissements privés, certains Etats se sont engagés au début des années 2010 dans la mise en place de dispositif d’accréditation et d’assurance qualité. Généralement logées au sein du Ministère de l’Enseignement Supérieur dans une direction, ces structures disposaient de peu de moyens de contrôle et transféraient une grande partie de la responsabilité sur le CAMES, qui a la charge de l’accréditation des diplômes et de l’évaluation des enseignants.

Ce nouveau défi de la qualité dans le privé devient une question centrale pour assurer la crédibilité des diplômes délivrés dans l’UEMOA. Sans un mécanisme garantissant la qualité des formations, le principe de libre circulation des personnes et des biens prôné par l’Union, risquerait de ne pas être mis en œuvre. En effet, des diplômes peu reconnus par les entreprises limiteront les perspectives de mobilité à la fois à l’échelle nationale et internationale, notamment pour les diplômés recherchant des emplois dans un Etat voisin.

Un état des lieux des mécanismes d’assurance qualité de l’enseignement supérieur réalisé par le CAMES en 2014, montre que la sous-région a du chemin à faire pour atteindre un niveau acceptable aussi bien au plan quantitatif que qualitatif, les mécanismes se limitant généralement à assurer uniquement la fonction d’accréditation institutionnelle des institutions privées.

Tableau 4 : Part des effectifs dans les institutions d’enseignement supérieur privé en 2012

Pays Effectif

total /étudiants

Effectif total/ étudiants du

Privé

Proportion d’étudiants

dans le privé (%)

Bénin 82 402 20 438 24,80

Burkina Faso 62 889 9 668 15,37

Côte d'ivoire 156 772 72 250 46,08

Guinée-Bissau

6 091 3 224 50,81

Mali 67 380 3 095 3,59

Niger 17 800 4 534 25,47

Sénégal 94 371 28 114 29,79

Togo 47 303 3 361 7,10

UEMOA 535 008 144 684 27,04

Source : UEMOA, SCET-TUNISIE & EMI, Etude d’élaboration de la Politique Régionale de l’Enseignement Supérieur de l’UEMOA, 2012.

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Un financement public insuffisant

Malgré des besoins croissants, la contribution des Etats n’a pas suivi la même tendance. La dynamique a même été marquée dans certains pays par une baisse du financement public moyen par étudiant. L’effet de ce déficit de ressources pour les institutions d’enseignement supérieur public est direct et se traduit par une vétusté des équipements pédagogiques et des infrastructures, une baisse de motivation du personnel enseignant et administratif, les poussant vers le secteur privé, un désintérêt croissant des étudiants, et des difficultés de plus en plus importantes à trouver des partenaires intéressés par la mise à niveau des infrastructures.

L’enseignement supérieur est résolument engagé dans une réforme majeure qui ne pourra être conduite et atteindre toutes les ambitions qui lui sont fixées qu’avec des ressources financières à la hauteur des besoins. Les actions futures ne pourront constituer des solutions pérennes que si elles sont accompagnées d’un véritable plan d’affaires pour la mise à niveau des infrastructures sans laquelle la mutation souhaitée sera vouée à l’échec. Au même titre que le développement du secteur industriel ou de l’agriculture, l’enseignement supérieur doit devenir une priorité absolue des Etats et bénéficier des mêmes ressources pour réussir son adaptation à s’orienter vers l’emploi, le développement personnel et collectif.

Tableau 5 : Dépenses moyennes de l’Etat par étudiant dans l’enseignement supérieur en FCFA

(secteur public uniquement)

Pays

Années académiques

2007-2008 2008-2009 2009-2010

Bénin 347 020 431 254 331 054

Burkina Faso 489 797 527 196 527 196

Côte d’Ivoire 695 935 616 065 n/d

Guinée-Bissau 343 028 n/d 109 689

Mali 571 508 627 808 n/d

Niger 960 343 710 000 n/d

Sénégal 849 648 990 710 n/d

Togo 144 892 204 760 229 069

Moyenne UEMOA

550 271 537 166 n/d

OCDE 6 858 500 8 997 762 9 001 698

Source : UEMOA, SCET-TUNISIE & EMI, Etude

d’élaboration de la Politique Régionale de

l’Enseignement Supérieur de l’UEMOA, 2012.

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3. Les principes directeurs dans l’élaboration et la mise en œuvre d’une seconde phase du PAES

Trois principes devant présider aux décisions et aux activités de la seconde édition du PAES semblent devoir être appliqués afin de faire du nouveau projet un point fort des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche des Etats de l’UEMOA.

Le principe de subsidiarité dans la définition des activités et des rôles

Aussi bien dans le domaine de la coordination des politiques macro-économiques que sectorielles, la Commission inscrit son action dans la recherche de l’efficacité et de la valeur ajoutée régionale dans le respect du principe de subsidiarité. Ce principe met en avant le fait que les actions menées au niveau régional, ne devraient pas dupliquer celles conduites au niveau national si la valeur ajoutée de l’action régionale n’est pas prouvée. L’action régionale complète donc et rend plus efficace l’action nationale, notamment en ce qu’elle met en avant la mutualisation des moyens et la spécialisation des rôles en tenant compte des avantages comparatifs. C’est ainsi que le choix des interventions de l’Union a jusqu’ici porté sur des actions à valeur ajoutée régionale, comme les formations de niveau du troisième cycle de l’enseignement supérieur et la formation professionnelle de haut niveau où la pertinence de la mutualisation semble évidente. Chaque Etat membre n’a, en effet, pas nécessairement besoin d’une école spécialisée dans tous les domaines pointus de formation de haut niveau. Plusieurs institutions nationales peuvent être mutualisées et bénéficier par conséquent de ressources communes afin d’atteindre un niveau d’excellence suffisant pour être au service de l’ensemble des ressortissants de l’Union. Du reste, l’adoption d’un règlement portant égalité de traitement des étudiants ressortissants de l’Union dans l’accès aux institutions publiques d’enseignement supérieur, vise à garantir l’accès de tous, aux mêmes conditions, aux prestations des institutions où qu’elles se trouvent sur le territoire de l’Union.

En outre, pour chacune des actions qui seront promues, les meilleurs opérateurs devront être identifiés pour en assurer le pilotage. Cela permettra en même temps de renforcer leurs capacités internes pour la conduite de ces actions.

Le principe de l’adhésion et de la participation active des parties prenantes à la gestion de tout projet régional

L’application du principe de subsidiarité implique une responsabilisation forte des acteurs, bénéficiaires de l’intervention tant au moment de sa préparation, de sa planification, de sa mise en œuvre que de son évaluation. C’est pourquoi, celle-ci devra être un élément essentiel dans le cadre d’une deuxième édition du projet d’appui à l’enseignement supérieur. Dans ce contexte, la maîtrise d’ouvrage déléguée ainsi que l’adhésion et l’implication de tous les acteurs, en fonction de leurs positions et capacités respectives, devront donc être les principaux critères à privilégier par les porteurs du projet.

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En gardant constantes à l’esprit les remises en question enregistrées lors du démarrage du projet, les partenaires de la deuxième phase du PAES devront accorder une attention particulière à l’implication des parties prenantes, aussi bien à la conception qu’à la définition des modalités opérationnelles de mise en œuvre et d’évaluation d’impact. A cette fin, la définition d’un véritable schéma de partenariat prenant en compte la diversité des acteurs constituera un critère primordial.

De la même façon, il sera essentiel de revoir entièrement la fonction de « point focal du projet » en prenant en compte les faiblesses constatées. Comme toutes les missions de suivi du projet l’ont fait ressortir, les points focaux n’ont pas, à quelques exceptions près, su jouer leur rôle. A cette faiblesse, deux raisons majeures : le choix de faire reposer la coordination nationale sur une seule personne, d’une part et d’autre part, le positionnement institutionnel du point focal qui n’a pas toujours permis à celui-ci de disposer du réseau et des marges de manœuvre nécessaires pour conduire sa mission. De façon unanime, tous les acteurs notent que la mise en place d’une équipe dédiée, associant les ministères, les institutions d’enseignement supérieur publiques et privées, aurait permis une meilleure appropriation du projet ainsi qu’ une meilleure prise en charge des diligences.

Par ailleurs, pour assurer le succès de toute coordination d’un projet de l’envergure régionale et de l’ambition du PAES, on ne saurait faire l’économie d’équipes nationales dotées d’un minimum d’autonomie et de ressources humaines, matérielles et financières leur permettant de veiller à la mobilisation des acteurs locaux.

Unanimement, un point focal devrait être davantage investi de la mission de suivi de l’application des Directives adoptées sur l’enseignement supérieur et la formation professionnelle dans les Etats de l’UEMOA dans la mesure où leur application crée les conditions d’un environnement propice à l’atteinte des objectifs du projet.

A cet effet, il sera possible pour la coordination nationale du projet, d’assurer le caractère transversal de sa mise en œuvre et sa cohérence avec les autres projets. Cette organisation est mieux à même de permettre d’éviter les duplications qui ont pu être constatées avec d’autres projets. Pour assurer une coordination du projet selon les principes décrits ci-dessus, l’examen précis de la répartition des rôles entre la Commission, les coordinations nationales et les bénéficiaires du projet au sein des institutions universitaires, sera un indispensable préalable.

En outre, le recours quasi exclusif aux services de consultants internationaux devra être clairement abordé. Dans certains domaines par exemple, le recours à des partenariats judicieux pourrait être à la fois plus efficace et bien moins onéreux.

Le principe du traitement différencié

Il a été souvent reproché au Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur de privilégier une approche uniforme dans la conduite des activités programmées. Une telle démarche, même si elle évite des querelles entre Etats bénéficiaires, ne tient nullement compte des particularités et des préoccupations spécifiques.

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Il est clair que la sensibilisation au système LMD ne peut être de même taille selon que l’on soit en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou en Guinée-Bissau. Quelle que soit la similarité des situations nationales en matière d’enseignement supérieur, il y a des nuances que le projet n’a pas suffisamment intégrées, réduisant les financements du projet à une distribution homogène de ressources. Avec une telle approche, les risques d’une exécution mécanique de certaines activités et partant de leur faible impact, ont été particulièrement importants. Dans de nombreux pays, comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal, beaucoup ont regretté le « saupoudrage » opéré par le projet. Les longs délais d’exécution d’activités comme la sensibilisation au système LMD, les concertations nationales, le financement des bourses de recherche, l’élaboration de curricula de 22 filières par pays, etc. démontrent la nécessité d’œuvrer à un projet mieux centré sur les besoins précisément identifiés dans chacun des Etats.

Il est donc essentiel d’œuvrer davantage à un projet qui privilégie une approche respectant le principe d’un traitement différencié de façon à ancrer ses activités en fonction des besoins spécifiques clairement identifiés. De la même façon, il est essentiel d’être attentif à la situation de crise ou de post crise des Etats bénéficiaires du projet.

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PARTIE III - PERSPECTIVES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA SECONDE PHASE DU PROGRAMME D’APPUI A L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR

1. Des actions en cours à consolider Plusieurs actions programmées dans le PAES se sont révélées très pertinentes avec un impact considérable sur l’amélioration des systèmes d’enseignement supérieur. Le panel d’experts a fortement recommandé de les poursuivre en tirant leçon de leur mise en œuvre.

La poursuite du développement et de l’implantation des curricula de filières porteuses

L’intérêt porté à cette activité par tous les experts rencontrés a été justifié par sa pertinence au regard de l’ampleur du chômage des diplômés et de l’incapacité des filières classiques des universités à y faire face. A l’évidence, les gestionnaires et les enseignants s’accordent sur l’incapacité des systèmes d’enseignement supérieur à constituer de sérieuses réponses à la crise de l’emploi. Ils soulignent, par ailleurs, que tant que les systèmes ne mettront pas en place des mécanismes internes capables de veiller à l’insertion professionnelle des sortants, il sera difficile de changer la situation. Par ailleurs, tous reconnaissent que la question pourtant primordiale de la responsabilité sociale des universités est mal traitée et que pour assurer des transformations majeures, il sera nécessaire de changer de paradigmes et de faire de cette thématique une question centrale dans la gouvernance des universités. Il sera essentiel de consolider la formation et l’accompagnement qui a été apporté aux enseignants en matière d’élaboration des curricula de filières porteuses. Pour aller plus loin qu’à la première édition du PAES, il sera indispensable d’envisager de travailler davantage à soutenir le processus d’implantation et de démultiplication des curricula ainsi élaborés. En effet, une chose est de concevoir les curricula, mais l’autre est d’assurer leur mise en application effective. Ceci nécessitera une adaptation et un accompagnement de l’Union dont il faudra tenir compte dans la phase d’opérationnalisation du futur PAES. Une seconde édition du PAES portant sur l’activité sera l’occasion d’éprouver et de consolider l’expertise acquise par les nationaux en leur confiant la responsabilité de renouveler l’exercice, au besoin avec un accompagnement international de courte durée. Une telle démarche impliquera d’imaginer des mécanismes internes de mobilisation de l’expertise régionale, disponible dans les institutions d’enseignement supérieur de l’ensemble des Etats membres. Dans le but de pérenniser les acquis en matière de constitution d’une expertise régionale d’élaboration de curricula, la deuxième édition du PAES devra veiller à soutenir l’implantation de programmes diplômants du type « Master en développement de curricula » ou « Master en ingénierie de la formation ».

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Enfin, certains ordres professionnels ont engagé un exercice d’élaboration et d’harmonisation des curricula depuis plusieurs années. A titre d’exemple, l’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS)8 a entrepris avec l’ensemble des collèges médicaux et paramédicaux, un exercice visant à harmoniser leurs curricula. Cet exercice étant en voie d’être finalisé, les ressources de l’Union ne devraient pas y être consacrées à titre de doublon. Il s’agirait plutôt de capitaliser cette expérience et de mettre en place des mesures d’accompagnement dans les Etats pour la démultiplication de l’exercice dans les autres champs disciplinaires de l’enseignement supérieur et de veiller au respect des standards harmonisés.

La formation pédagogique des enseignants chercheurs

La formation pédagogique a été une des activités phare du projet. En dépit de sa pertinence, les effectifs d’enseignants bénéficiaires ont été relativement faibles au regard des besoins. En effet, le projet a permis de former 1,720 enseignants dans l’Union. Or, en comparaison, rien qu’au Sénégal, 3,500 enseignants du supérieur sont répertoriés, dont le tiers partira à la retraite d’ici l’année 2017. La question de la formation de la relève devient donc un enjeu crucial. En réponse à ce défi de ressources humaines qualifiées pour assurer la qualité de l’enseignement supérieur, les analyses ont insisté sur l’attention particulière à porter à la mise en place des dispositifs nationaux et régionaux consacrés à la formation pédagogique des enseignants chercheurs. De façon spécifique, à l’échelle nationale, le projet devra prévoir des ressources pour renforcer les cellules pédagogiques des universités en les aidant notamment à rendre obligatoire pour tout postulant à l’enseignement dans le supérieur, la validation d’une unité d’enseignement en pédagogie universitaire. Ces formations pédagogiques devront toutefois être adaptées aux réalités des Etats. Pour soutenir les institutions nationales et consolider leurs capacités d’innovation et de renouvellement de la pratique, la recherche en réseau, voire le soutien à une institution régionale sera encouragé par le projet. L’expérience intéressante de l’Institut de la Francophonie pour la Gouvernance Universitaire (IFGU) lancée par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a été longuement citée comme modèle à examiner et à envisager à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest. De la même façon, l’initiative de l’UNESCO, destinée à renforcer les capacités des écoles normales de la sous-région pourrait être consolidée par le projet.

Le développement des TICE dans l’enseignement supérieur et la

recherche

La mise en œuvre du volet du PAES, consacré aux TICE, s’est particulièrement focalisée sur la mise en réseaux des institutions d’enseignement supérieur par la fourniture de matériels de connexion et le financement d’accès au réseau. L’intérêt pour cette composante du projet a été grand.

8 L’Organisation Ouest Africaine de la Santé (OOAS) est l’institution spécialisée de la Communauté Economique Des Etats de

l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en charge des questions de santé.

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Cependant, des efforts et des investissements restent encore à consentir pour rendre disponibles des plates-formes de campus numériques. Par ailleurs, la question des terminaux, accessibles à tous sur les campus est encore loin d’être réglée. Aussi, les actions à privilégier sur la composante TICE d’une seconde édition du PAES devront concerner en priorité, la mise en place de campus virtuels, l’amélioration significative de la disponibilité du très haut débit sur les campus et la fourniture au plus grand nombre de terminaux à moindre coût. En effet, il y a des avancées importantes dans les Etats qui posent la question du positionnement même des interventions de la Commission. La solution unique « mur à mur » pour tous les Etats apparaît de moins en moins pertinente car certains pays ont engagé des chantiers majeurs en matière de TICE. Par exemple, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar a finalisé l’architecture des systèmes sur tout son campus et le déploiement au sein de l’université est en cours. Le nouveau plan directeur prévoit une connexion de l’ensemble des sites du campus à la fibre optique et au réseau wifi. Il y a aussi un projet de mise en place d’un réseau sans fil d’entreprise. Un autre projet au sein de la même institution est celui de la gouvernance et du financement de l’enseignement supérieur avec comme partenaire financier la Banque Mondiale qui prévoit tout un volet de renforcement des TICE. Finalement, des appels d’offres sont en cours pour la refonte des infrastructures réseaux et systèmes des cinq universités publiques sénégalaises et l’interconnexion de ces cinq institutions est prévue avant la fin de l’année 2014. Des démarches similaires sont en cours dans les principales universités publiques de l’Union. Néanmoins, ces avancées font apparaître des défis sur lesquels le levier de la Commission pourra être important dans le respect du principe de subsidiarité. Il s’agit notamment des volets de :

1. la régulation avec le constat d’une absence de concurrence sur les licences disponibles sur le marché ;

2. la tarification : avec des tarifs onéreux malgré l’atterrissement des câbles sous-

marins sur les côtes des Etats de l’UEMOA et le très bas débit disponible dans la plupart des universités. A cet effet, la Commission pourrait appuyer les Etats dans le plaidoyer. Dans notre espace, les prix moyens varient entre environ 300 000 F et 800 000 FCFA par mégabit, parfois plus. Des discussions sont en cours à travers différents réseaux comme le West and Central African Research and Education Network (WACREN) avec des opérateurs de câbles sous-marins pour offrir de la connectivité à un coût se situant autour de la moyenne mondiale de 50 000 F par mégabit.

Ces volets plus politiques peuvent être pris en charge efficacement par la Commission dans le cadre d’une nouvelle phase du PAES. La réussite de la plupart des programmes de développement des TICE étant fortement liée à la disponibilité d’une bande passante de très haut débit, la seconde édition du PAES devra inscrire des actions de plaidoyer en faveur des Etats pour que des investissements soient faits pour renforcer la bande passante des institutions d’enseignement supérieur.

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Néanmoins, le développement des TICE ne suffira pas. Il faudra envisager des mesures d’accompagnement des enseignants pour le « e-learning » qui requiert des compétences spécifiques et la mise en place d’une stratégie d’intéressement des enseignants à cette pratique.

Le renforcement des capacités des Systèmes d’Information et de Gestion (SIG)

Bien que le PAES ait permis de mettre en place pour la première fois dans l’histoire de l’enseignement supérieur dans l’espace UEMOA, un cadre de collecte, de consolidation régionale, de diffusion et de partages d’informations statistiques sur l’enseignement supérieur, un important chantier complémentaire reste à réaliser dans ce domaine. En effet, l’absence de données fiables sur les différents indicateurs clés de l’enseignement supérieur rend aléatoire toute politique visant son amélioration. Ce travail d’approfondissement devra être réalisé dans le cadre d’une seconde édition du projet. Il s’agira notamment d’aller au-delà de la simple collecte et diffusion de l’information statistique pour renforcer les systèmes d’information de manière à ce qu’ils deviennent de véritables outils de pilotage de la gestion des universités et des grandes écoles. A cet égard, le renforcement des capacités des structures en charge des statistiques doit être poursuivi et consolidé dans une démarche d’intégration de l’information statistique avec d’autres données plus qualitatives comme les curricula et les paquets d’ingénierie pédagogique à mutualiser entre les Etats et les institutions. D’excellentes passerelles seront à établir avec les campus virtuels dont il a été fait mention plus haut.

La poursuite de la sensibilisation et de la formation à l’application de la

réforme LMD

En vue de vaincre les inévitables résistances aux changements induites par la réforme LMD, le projet avait mis la sensibilisation des acteurs au cœur de ses préoccupations. Les procédures de recrutement complexes auxquelles le projet était soumis et les interminables revendications du leadership de cette activité par les bénéficiaires, ont lourdement handicapé l’atteinte des impacts de cette activité.

En dépit des nombreuses activités organisées par les acteurs eux-mêmes, la sensibilisation au LMD a souffert de beaucoup d’insuffisances. La plupart des enseignants estiment que les actions organisées ont eu une portée très limitée, n’ayant impliqué qu’une très faible proportion d’acteurs. Les nombreuses grèves de rejet du LMD en sont les manifestations les plus évidentes.

Pour assurer l’efficacité de cette activité, il est essentiel que celle-ci soit repensée dans la seconde édition du projet en accordant le leadership aux enseignants chercheurs tout en assurant la maîtrise des modalités de généralisation de ces formations et des sessions de sensibilisation. Un accent particulier sera mis sur une méthodologie rigoureuse d’appropriation des concepts et des démarches pratiques

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d’application du LMD de manière à provoquer le véritable changement de paradigme pédagogique qu’exige la réforme LMD.

Au-delà des enseignants, les étudiants, en tant que principaux bénéficiaires d’un enseignement supérieur de qualité, doivent être partie prenante du processus de construction. L’intégration du LMD doit constituer une réponse à leurs préoccupations en matière d’emplois. Ce processus de consultation permanente doit être clairement repensé pour qu’il permette réellement l’adhésion de tous.

La prise en compte du genre comme composante à part entière du PAES

Sans explicitement prévoir des ressources et des actions dédiées à la prise en compte du genre dans l’enseignement supérieur, le Projet, dans ses modalités d’intervention a, de façon systématique, accordé la priorité aux bénéficiaires du genre féminin (bénéficiaires de bourses, participation aux programmes de sensibilisation et de formation, etc.).

Cependant, comme le notait une des dernières missions de supervision du projet organisée par la BAD elle-même, l’exécution du projet n’a pas suffisamment tenu compte de l’équité du genre dans son exécution tant en ce qui concerne les formations organisées, les financements de travaux de recherche que les bourses d’excellence octroyées.

Dans ses réflexions aussi bien sur l’enseignement supérieur et la recherche que sur l’institutionnalisation du genre, la Commission note, cependant, la persistance de la lenteur des progrès dans l’accès et le maintien des filles et des femmes dans l’enseignement supérieur à la fois en tant que bénéficiaires et actrices à cause notamment des retards cumulés dans l’accès aux ordres d’enseignement primaire et secondaire. Le constat est donc fait sur l’inefficacité des timides mesures de discrimination positives appliquées d’ailleurs de façon subsidiaire lors de l’exécution du PAES. Ces mesures doivent être complétées par d’autres actions plus structurantes, plus vigoureuses, notamment la promotion de clubs féminins sur les campus, l’appui aux chaires UNESCO et aux initiatives de diverses associations qui œuvrent à la promotion du genre sur les campus. Ces entités essentiellement animées par la société civile, pourraient bénéficier d’appuis du projet afin d’être en mesure de piloter l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies plus volontaristes d’amélioration de la participation de la femme à l’enseignement supérieur et la recherche avec à la clé, des objectifs chiffrés sur des horizons temporels précis. De façon plus immédiate, le levier des bourses aux étudiantes doctorantes, dans les domaines des Sciences, des Technologies, de l’Ingénierie et des Mathématiques (STIM9) pourrait être utilisé.

Toutes ces actions doivent être prolongées par les traditionnelles actions de sensibilisation à la scolarisation des filles et par la lutte contre la pauvreté qui limite l’accès et le maintien des filles à l’Ecole en général et dans l’enseignement supérieur en particulier.

9 Equivalent en langue anglaise: STEM (Science, Technology, Engineering, and Mathematics).

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2. Des nouvelles approches à envisager

Le renforcement des mécanismes d’assurance qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les institutions d’enseignement supérieur de l’Union sont absentes des principaux classements mondiaux. Ces classements, bien que controversés, prennent en compte de nombreux critères comme le nombre de publications dans des revues internationales. Ainsi, aucune université de l’espace UEMOA ne se retrouve dans les 500 meilleures universités mondiales. Sur le plan africain, la première université de l’Union, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, ne se classe qu’à la 15e place. L’Université de Ouagadougou, seule autre université classée, se situe en 37e position. Ce constat démontre l’importance de mettre en œuvre des actions visant à renforcer la qualité des formations et de la recherche.

La Directive portant adoption du système LMD invite, d’ailleurs, la Commission de l’UEMOA à mettre en place un mécanisme d’assurance qualité de l’enseignement supérieur. Elle place la démarche qualité au cœur de la réforme. La recherche constante de la qualité dans tous les domaines doit être le fil conducteur des interventions. Ce principe constitue le socle de la transformation au niveau des ressources humaines, de la gouvernance, des équipements, etc.

Certes, en la matière, des actions embryonnaires ont été initiées par divers organismes (DAAD10, UNESCO, UEMOA, AUF, etc.). Quelques pays, dont le Sénégal, ont créé leur agence nationale d’assurance qualité. Cependant, ces initiatives restent limitées et leurs effets encore faibles en termes d’instauration d’une véritable culture de l’évaluation et de l’auto-évaluation. Dans ce contexte, la mise en place de mécanismes nationaux et régionaux d’assurance qualité de l’enseignement supérieur sera une des priorités absolues d’une seconde phase du PAES. Elle

10 Deutscher Akademischer Austauschdienst est une association de droit privé dont les membres sont les établissements d'enseignement supérieur allemands ainsi que les représentants de leurs étudiants et qui a vocation d'informer sur l'enseignement supérieur et la recherche en Allemagne.

Tableau 6 : Classement des 100 premières universités d’Afrique

Université Pays

1 University of Cape Town Afrique du Sud

2 University of South Africa Afrique du Sud

3 University of Pretoria Afrique du Sud

4 Universiteit Stellenbosch Afrique du Sud

5 University of the Witwatersrand Afrique du Sud

15 Université Cheikh Anta Diop Sénégal

37 Université de Ouagadougou Burkina Faso

Source: International Colleges and Universities,

http://www.boursedetude.org/la-liste-des-100-premieres-universites-

dafrique/

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constituera la base de la réforme et l’ensemble des actions contribueront à renforcer la qualité des enseignements dispensés. L’appui de l’Union pourrait donc viser à favoriser la mise en place amorcée des Agences d’Assurance Qualité et des mécanismes nationaux d’accréditation tout en s’assurant à un niveau régional, d’avoir un dispositif capable d’en coordonner le contrôle et le pilotage. Il s’agira d’encourager l’effort déjà amorcé par les Etats dans la mise en place des Agences Nationales d’Assurance Qualité (ANAQ). Ces ANAQs assureront aussi la fonction d’instance nationale d’accréditation des institutions alors que le CAMES, se situant à un niveau régional, jouerait le rôle d’harmonisation des dispositifs nationaux d’accréditation en édictant des lignes directrices.

Le Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur, dont c’est le mandat, devrait être soutenu pour remplir efficacement cette mission qui devient de plus en plus essentielle pour un enseignement supérieur de qualité dans l’espace UEMOA.

La mobilisation de prêts et de dons pour le financement de

l’enseignement supérieur et la recherche

Le volet du financement des infrastructures physiques d’enseignement supérieur et de recherche, bien qu’identifié dans l’étude sur l’enseignement supérieur préalable au lancement du PAES, n’a pas été amorcé faute de ressources communautaires suffisantes. Les Etats ont tous identifié cette problématique comme un frein majeur à la mise en œuvre effective de la réforme LMD. Il conviendra donc d’envisager des solutions à cette question en recherchant des dispositifs de mobilisation de ressources. Cette réflexion devra porter notamment sur la possibilité d’utiliser les dispositifs similaires à ceux qui ont été mis en place par l’UEMOA pour assurer le financement des infrastructures de transports et d’énergie dans l’Union. Des mécanismes de bonification d’intérêt pour obtenir des ressources concessionnelles auprès de divers bailleurs pourraient être explorés avec attention.

D’autres dispositifs innovants sont désormais disponibles, notamment les « Welcome Trust », les Dépôts à Terme dédiés à l’enseignement, les Fonds de Réserve des institutions d’enseignement supérieur et de recherche investis sur les marchés des capitaux, etc. Ils devront faire l’objet d’une analyse pour proposer aux Etats des alternatives pérennes pour le financement de leurs systèmes d’enseignement supérieur.

La nécessaire augmentation de la contribution des bénéficiaires au

financement de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

L’une des pistes de financement de l’enseignement supérieur, qui se heurte à une forte résistance dans l’espace et qui a du mal à aboutir, est l’augmentation de la contribution des bénéficiaires à leur propre formation. Les fréquents échecs rencontrés sur cette question obligent à remettre à plus tard toute décision en la matière. Pourtant, les systèmes d’enseignement supérieur auront tout à y gagner.

L’instauration d’une gouvernance rénovée, l’implication des étudiants dans la vie des universités et le recours au dialogue social comme mode de prévention et de gestion des conflits pourraient permettre de faire des progrès sur la question de

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l’augmentation des frais de scolarité. Les résistances actuelles à toute augmentation de frais de scolarité sont peut-être liées aux doutes sur la transparence dans la gestion des institutions d’enseignement supérieur.

Les activités génératrices de revenus sur les campus

La piste de l’amélioration des ressources internes des institutions d’enseignement supérieur et de recherche par la valorisation de l’expertise interne à travers des activités de consultation a été largement examinée. Les institutions recèlent en leur sein une expertise potentielle qu’il s’agira d’organiser de façon à mettre l’université au service de son environnement et de mobiliser en retour des ressources additionnelles. Certains experts du panel réuni par la Commission ont même proposé la création de bureaux d’études propres aux institutions d’enseignement supérieur. Ces actions devront aussi associer des étudiants et permettre ainsi de développer l’entreprenariat dans la mesure où le marché du travail requiert désormais, que les finissants soient en mesure de créer leurs propres emplois. Les expériences d’incubation de jeunes entrepreneurs au sein des centres de formation professionnelle devront occuper une place de choix dans les actions futures.

Les actions de renforcement de l’enseignement des Sciences, de la Technologie, de l’Ingénierie et des Mathématiques (STIM)

L’explosion de la demande d’enseignement supérieur est un indicateur des progrès réalisés dans l’accès à cet ordre d’enseignement. Toutefois, à l’ère des sociétés du savoir, les déséquilibres entre les filières scientifiques et littéraires restent encore très importants. Or, le développement de la science a une importance décisive, pour les pays développés comme pour ceux en développement. Ainsi, si les Etats-Unis d’Amérique font des STIM une urgence nationale, et si les pays émergents ont justement construit leur développement sur un investissement décidé, vigoureux et soutenu dans le secteur des STIM, il doit en être encore plus dans les pays en développement dont l’émergence est tributaire d’une politique de développement des sciences et des techniques.

Ces diverses considérations conduisent à comprendre que les systèmes d’enseignement supérieur de l’espace UEMOA doivent prendre la pleine mesure de cette exigence. C’est à cette condition qu’’ils pourront se refonder en mettant l’accent sur le développement des filières d’enseignement scientifique et technique, en choisissant résolument la voie des STIM. Or, présentement, ils ne semblent pas en prendre la direction. En effet, dans les pays de l’UEMOA, l’écart entre les filières scientifiques et celles humaines ne cesse de s’élargir. A titre d’exemple, au Sénégal, 70 % des 44 000 bacheliers en 2013 sont des diplômés des séries littéraires. Dans plusieurs pays, certaines séries scientifiques sont en voie d’extinction, faute de bacheliers scientifiques. La tendance aujourd’hui est mondiale et nécessite que la sous-région intègre l’incitation à l’accès de la grande majorité des jeunes aux études scientifiques, techniques et mathématiques. Pour faire de l’Afrique « la prochaine frontière des investisseurs », il faut lui donner des atouts dans la conjoncture nouvelle qui se dessine. Autrement dit, il faut assigner aux systèmes d’enseignement supérieur africains, notamment ceux de l’espace UEMOA, dans leurs composantes publique et privée, la tâche, d’une priorité absolue, de former dans les STIM les

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ressources humaines qui seront un des leviers de l’affirmation de l’Afrique. Ainsi, une seconde édition du PAES devra orienter son programme de bourses sur l’incitation des jeunes vers les études scientifiques et techniques. Elle devra soutenir les Etats qui ont la volonté de conduire une politique vigoureuse de développement d’infrastructures scientifiques et techniques (blocs scientifiques) et de laboratoires mutualisés de recherche. Par ailleurs, une politique d’encouragement des filles/femmes qui s’inscrivent dans des filières scientifiques et techniques et une politique d’appui aux formateurs des formateurs dans les séries techniques, scientifiques et mathématiques pourraient être programmées parmi les actions prioritaires à envisager.

L’appui aux écoles doctorales

Le document de politique régionale d’enseignement supérieur de l’UEMOA préconise d’investir massivement dans l’appui aux écoles doctorales sans lesquelles il ne sera pas possible de relever le défi du déficit de masse critique d’enseignants et de chercheurs dans l’espace.

Aussi, le soutien à des écoles doctorales similaires au Programme de Troisième Cycle Interuniversitaire (PTCI), bâties autour d’enseignants de rang magistral provenant de toutes les institutions d’enseignement supérieur de l’espace, sera-t-il une option à entrevoir. La seconde édition du PAES pourrait prévoir des ressources pour accompagner de telles innovations. Cet appui visera principalement la poursuite de la mise en œuvre du LMD à travers le développement des écoles doctorales en s’appuyant sur les structures existantes (CAMES, REESAO11, universités).

Le renforcement du dialogue social

La question du dialogue social devra être au centre du PAES tant le caractère récurrent des conflits sociaux sur les campus est devenu aujourd’hui un risque majeur pour l’enseignement supérieur et pour la paix dans la sous-région. La faiblesse des ressources, les frustrations accumulées pendant des décennies par les acteurs de l’enseignement supérieur, la politisation de l’espace universitaire entre autres, sont devenus des ferments permanents de la violence dans le milieu scolaire et universitaire.

Face à la prise de conscience d’un changement inéluctable de paradigme pour la résolution des crises, les réflexions menées par la Commission auprès des acteurs du système d’enseignement supérieur ont permis de souligner le caractère impératif de la mise en place de mécanismes nationaux et régionaux de dialogue social ainsi que la nécessité de renforcer l’implication des acteurs et leurs organisations syndicales dans la vie des institutions d’enseignement supérieur.

Aussi, le panel d’experts préconise-t-il l’appui aux syndicats d’enseignants, aux associations d’étudiants, d’enseignants et de parents d’étudiants à travers des actions de renforcement de leurs capacités en matière de dialogue social. La gestion récente des conflits scolaires et universitaires ayant mis en lumière le caractère systémique des crises portées par les syndicats d’étudiants, d’élèves, d’enseignants

11

Le Réseau pour l'Excellence de l'Enseignement Supérieur en Afrique de l'Ouest est un réseau de coopération universitaire ouest africaine.

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et de parents d’élèves, le dialogue social doit être promu dans une approche globale impliquant à la fois tous les ordres d’enseignement et toutes les composantes de la communauté universitaire.

Des approches spécifiques devront aussi être développées pour répondre aux besoins des Etats en situation post conflit tels que la Côte d’ivoire et le Mali. Des appuis ciblés pourraient être mis à leur disposition pour mener des actions renforçant le dialogue social afin de prévenir les situations vécues par le passé.

Le développement de l’Enseignement Technique et Professionnel comme complément et alternative viable à l’Enseignement Supérieur

Dans le contexte de massification, il est crucial que l’Université prenne en compte les impératifs imposés par un marché de l’emploi exigeant des qualifications toujours plus spécifiques. Toutes les forces vives ne pouvant être formées dans les universités, il s’agit d’envisager des parcours parallèles, plus professionnels axés sur les besoins du marché de l’emploi. Cette approche permettrait ainsi d’orienter les étudiants vers les domaines les plus demandés et de limiter l’accès notamment aux facultés de sciences humaines, lettres, et de gestion qui se caractérisent par des effectifs pléthoriques et qui ont du mal à répondre aux besoins du marché de l’emploi.

Un dispositif de gestion de projet flexible et adapté au contexte

La première phase du PAES, tel que rappelé précédemment, a été marquée par de nombreuses difficultés de gestion des ressources mises à disposition par les partenaires financiers de la Commission. La reconduction dans le cadre d’une deuxième phase des mêmes principes, conduirait aux mêmes insuffisances. Il conviendra donc de revoir le dispositif mis en place au sein de la Commission pour la gestion de ce type de projet. La contractualisation avec les meilleurs opérateurs présents sur le terrain permettra de conduire diligemment les actions prévues. Les Etats devront être mieux responsabilisés dans l’exécution des actions financées par la Commission. Les solutions uniformes à tous les Etats ayant montré leurs limites, il s’agira, dans une nouvelle phase, de tenir compte des besoins spécifiques de chacun à l’intérieur d’un cadre normatif précis tout en garantissant le caractère régional et structurant du programme.

La Commission devra en outre, diversifier ses sources de financement en mobilisant tous les partenaires intéressés par des actions visant l’Enseignement Supérieur et la Recherche et en sollicitant les ressources propres de l’Union.

Un appui spécifique à la nouvelle université de Guinée-Bissau en phase

de démarrage

Bien que la Guinée-Bissau ait bénéficié d’une attention particulière lors de la mise en œuvre des actions en matière d’enseignement supérieur, la création récente d’une nouvelle université publique nécessitera un appui spécifique de la part de l’Union.

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Cet appui pourrait prendre de nombreuses formes allant du financement simple à l’appui au développement de partenariats avec les autres institutions de l’espace communautaire. Ces dernières pourraient mettre à la disposition de cette nouvelle université, des ressources lui permettant de se doter des capacités nécessaires pour la dispensation d’un enseignement de qualité.

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CONCLUSION

Lancé en 2007 pour accompagner les nécessaires mutations des institutions d’enseignement supérieur dans l’UEMOA, le PAES, dont le financement a été assuré par la BAD et par les ressources propres de l’Union mobilisées auprès de l’aide budgétaire française à l’Union, a offert un cadre d’intervention structurant de l’Union dans les institutions d’enseignement supérieur.

Le projet a ainsi offert une opportunité pour sensibiliser la communauté universitaire au système LMD, pour renforcer les capacités des enseignants en matière d’élaboration de curricula, de gouvernance universitaire et de pédagogie. Il a permis d’entamer un processus de collecte d’informations sur le système, d’accompagner des travaux de recherche universitaire, d’améliorer le niveau d’accès aux TICE. Il a aussi encouragé le dialogue entre institutions d’enseignement supérieur de l’espace. Somme toute, le projet a permis d’accroître de façon notable les perspectives d’amélioration de la qualité, de la pertinence, de l’efficacité et de l’efficience des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche des Etats de l’UEMOA.

Conçu pour apporter des réponses urgentes, le projet n’a cependant pas su tenir toutes ses promesses. Du fait d’un montage peu flexible et de contraintes de divers ordres, il n’a pas été exécuté dans des délais satisfaisants, alimentant ainsi les critiques sur son utilité et sa pertinence.

Il reste qu’en dépit de ces limites, la nécessité de consolider le PAES et de l’amplifier est ressentie par tous. La pression de la demande pour un enseignement supérieur de qualité, les défis d’une action conjuguée pour apporter des réponses aux défis que doit affronter notre espace, rendent plus que jamais nécessaire un engagement plus fort en faveur de l’enseignement supérieur.

Pour aller au-delà des réalisations de la première édition du PAES, une meilleure prise en compte des besoins des institutions d’enseignement supérieur, dans le cadre d’un dialogue inclusif et constructif, le montage d’un projet plus audacieux et des actions mieux alignées aux nécessaires améliorations seront le gage du succès.

En terminant, il est utile de rappeler que la transformation des systèmes d’enseignement supérieur a un coût aujourd’hui très élevé. Toutefois ce coût est largement compensé par les bénéfices économiques et sociaux importants qui résulteront de l’investissement consenti. Elle permettra de construire le "Citoyen UEMOA" de demain. A terme, les Etats devront offrir à tous les jeunes de l’Union l’opportunité d’accéder à un enseignement supérieur reconnu internationalement et à un marché du travail axé sur des emplois de qualité et tourné vers l’avenir. Pour cela, la construction du système doit être centrée sur les aspirations de ses citoyens.

« L'enseignement devrait être ainsi : celui qui le reçoit le recueille comme un don inestimable mais jamais comme une contrainte pénible » (Albert Einstein).

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BIBLIOGRAPHIE

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4. Commission de l’UEMOA, Plan stratégique de la Commission de l'Union Economique et

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7. Commission de l’UEMOA, Rapport de la revue à mi-parcours du PAES, 2010 ;

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10. Commission de l’UEMOA, SCET-TUNISIE & EMI, Etude d’élaboration de la Politique

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WEBOGRAPHIE

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2. UNESCO, www.unesco.org.