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;.1.1.1.iISTE2.1, DE LA CJ3PLI:MIOT,; INSEE

DDÉ Département de la Coopération Administrative Service de Coopération

SOMMAIRE

N° 23 - JUIN 1980

Page

- Editorial 3

- Les stages dans la formation un exemple :

l'I.T.P.E.A. (Alger) 6

- Un raodele sectoriel agricole 53

- La programmation linéaire, outil d'investigation

en railieu rural africain 82

- La diffusion des données 91

- Aéthodologie de la mesure des migrations, commentaires

sur la reunion du groupe d'experts tenue à Londres 99

- L'alimentation mondiale : l'échec des solutions

productivistes 109

STATLCO : Bulletin de liaison non officiel des Statisticiens et

Economistes exerçant leur activité en Africue.

Directeur de la Publication : Yves FRANCEET

Secrétariat de la rédaction : INSEE - Service de Coopération

!Ladaue DONJOUU 18, Boulevard Adolphe Pinard

75675 PARIS Cedex 14

Tirage : 1.0-0 exemplaires.

ÉDITORIAL

Yves FRANCHET

'Il y a peu d'unité dans ce nouveau numéro de

STATECO. La diversité des six articles qui le composent est au con-

traire une illustration de la variété des préoccupations des statis-

ticiens économistes.

L'article de Roland l‘enAST et Han1id CHETTI est une réflexion

très riche sur l'expérience des stages à l'IXPEA (1) d'Alger, expérien-

ce vecue pendant plusieurs années. Les questions qu'il pose sont bien

connues de ceux qui ont la responsabilité de former des statisticiens

praticiens : pourquoi des stages, quel rôle leur donner, cannent assurer

leur utilité. Les solutions adoptées à l'f2PEA sont à maints égards en avance sur ce qui se fait dans d'autres instituts de formation.

L'économiste tunisien Boubaker THABET nous présente ensuite

un modéle linéaire d'optimisation utilisé pour évaluer les politiques

de prix, d'emploi, d'investissement et de crédit dans l'agriculture tu-

nisienne. Cet article sera suivi dans le prochain numéro de STATECO par

une présentation des principaux résultats obtenus en utilisant ce modèle.

L'article de J.11. BOUSSARD et de J. BOURLIAUD présente aussi une méthode quantitative d'analyse du milieu rural, la programmation

linéaire. Il montre en particulier comment cette technique est utilisa-

ble pour modéliser un comportement des agriculteurs souvent qualifié

"d'irrationnel" et qui apparalt proche de l'optimal lorsqu'on tient

compte du nombre suffisant de contraintes. De nombreux travaux faits

par ailleurs, par exemple ceux de THENEVIN sur la Haute Volta, sont une

confirmation de cette approche intéressante.

(1) Institut des Techniques de Planification et d'Econanie Appliquée.

4

Dans un tout autre domaine, J. rUMER a résumé pour STATECO

son intervention au Centre de Munich Juillet 78 sur la diffusion des

travaux statistiques. Il est souvent reproché au statisticien de ne

pas donner à cet aspect de son travail une importance suffisante alors

que, en fin de compte, il en conditionne souvent l'utilisation. MEYER

présente brièvement les problèmes liés à la définition d'un programme

de diffusion, à l'organisation des services de diffusion, à l'apprécia-

tion des services rendus.

Un colloque sur la mesure des migrations s'est tenu à Londres

en Septembre 1979, et R. CLAIRIN commente les discussions qui s'y sont

tenues.

Enfin, ce numéro se termine par une "bonne famille" extraite

des dossiers de la Fondation Internationale pour un autre développement

(FIAD). Beaucoup d'entre vous connaissent ces dossiers où s'expriment,

souvent d'une façon très radicale, des éconamistes cherchant un autre

développement pour le Monde où nous vivons. Face au pessimisme et à

l'absence d'imagination du discours des instances officielles sur le

développement, les opinions exprimées dans ces cahiers sont parfois

enrichissantes. Nous avons choisi aujourd'hui de présenter l'article

récent de J. CHONCHOL qui préconise le développement de politiques

d'autosuffisance alimentaire.

J'ai récemment demandé au Camité de Rédaction de STATECO

de me décharger de mes fonctions de rédacteur en chef, et Jean HOSSENLOPP

a bien voulu accepter de me remplacer dans cette fonction à partir du

n° 24.

Dans le prunier numéro où j'ai exercé cette fonction

(n° 7, Avril 1976), Michel GAUD avait ainsi défini les objectifs à

atteindre : "être un lien, faire part des travaux des uns et des autres,

de leurs réflexions et de leurs projets, être un instrument méthodolo-

-

gigue et technique".

Une partie de ces objectifs me semble avoir été atteints.

La grande diversité des articles de STATECO, traduit en partie le

champ trés ouvert des préoccupations des statisticiens économistes ;

l'aspect méthodologique de ces articles est souvent prépondérant, et

en particulier STATECO a joué et joue encore un rôle dans la diffusion

des travaux du groupe de recherche AMIRA, les rédacteurs sont pour

l'essentiel des praticiens qui font part de leurs réflexions et de leur

expérience.

Deux regrets, cependant : STATECO n'est pas un instrument

d'échanges, au moins directement. Au cours de ces quatre années, la

rédaction n'a pour ainsi dire jamais reçu de réaction d'un lecteur à

un article publié. De plus, la participation des statisticiens et

économistes du Tiers Monde à la rédaction d'articles est restée trop

faible.

Je souhaite que dans l'avenir ces dimensions encore absentes

puissent se développer.

LES STAGES DANS LA FORMATION UN EXEMPLE : L'I.T.P.E.A. Mine

par : R. TATAAST (1) H. CHETTI (2)

1. L'Institut et les stages

L'Institut des Techniques de Planification et d'Econamie Appli-

quée (I.T.P.E.A.) (3), sous tutelle du Ministère du Plan, a pour mission

de former statisticiens et planificateurs pour le secteur public Algérien.

Le recrutement s'effectue au niveau du baccalauréat, sur concours. Les

pranotions sont, à l'entrée, d'un peu plus d'une centaine d'étudiants.

L'enseignement est à forte base d'économie et de mathématiques + statis-

tiques ; sur option, à partir de la 3° année, c'est l'une de ces deux dis-

ciplines qui est renforcée, et devient dominante. L'Institut délivre, au

terme de quatre ans d'études, le diplâme d'ingénieur statisticien ou d'ana-

lysté de l'économie (suivant option, le partage étant à peu près égal dans

chaque pranotion). Les diplâmés, qui ont tous bénéficié d'un présalaire

pendant leurs études, sont engagés à servir l'Etat pour dix ans, fonctionna-

risés et affectés par le Plan - en priorité à ses besoins.

L'Institut a été créé pour former ce qu'on appellerait, ailleurs,

des "ingénieurs des-travaux" (mais pranis à beaucoup d'initiative). Il était

nécessaire d'étoffer les services centraux, de prendre en charge des ser-

vices régionaux de planification ; d'autres ministères et l'industrie na-

tionale - où les anciens élèves peuvent être détachés, par dispositions

particulières - manquaient aussi d'économistes et de statisticiens. L'abon-

dance et la nature du besoin ont donc orienté la visée de l'enseignement :

FORMER DES PRATICIENS, OUI SOIENT DE VRAIS GENERALISTES.

(1) Maître de recherches ORS TOM. Enseignant - chercheur à

(2) Responsable des stages à

(3) I.T.P.E-A. 11, Chemin Doudou Mokhtar - Ben Aknoun - ALGER - ALGERIE

7

Les diplômés peuvent être rapidement chargés de responsabilités,

dans des domaines changeants ; et l'on ne doit pas compter que les services

d'accueil soient déjà si fort organisés, structurés, étoffés, qu'ils assu-

rent automatiquement l'encadrement détaillé des nouveaux arrivants. Ceux-

ci doivent savoir promptement prendre une vue d'ensemble, pour développer

- parfois créer - opportunément un système d'informations.

Aussi s'est-on gardé, à l'Institut, de trop pousser les spéciali-

sations. Le cursus prévoit trois sortes d'activités :

. des cours (initiation critique à l'économie, à ses concepts,

puis application à des domaines précis, de planification ; initiation à

la statistique, à sa démarche, à la théorie et aux techniques ; compléments

d'analyse spatiale, de graphique, de langues...)

. des travaux dirigés (vérifiant, au rythme de l'apprentissage

en cours, l'assimilation des principaux instruments enseignés)

. des smnrs enfin, et c'est l'originalité de l'Ecole, disposant

d'un important crédit horaire.

A ces stages, le décret instituant l'I.T.P.E.A. prévoit de consa-

crer, durant les trois premières années du cursus, trois onzièmes (3/11) du

temps de formation. La quatrième année est en outre, pour plus de moitié,

une mise en situation pré-professionnelle, sous double encadrement de l'Ins-

titut et du Ministère du Plan ; elle s'apparente ainsi aux stages, et les

travaux d'étudiants de 4° et 3° années se sont plusieurs fois articulés. Un

budget permet de règler, aux étudiants et enseignants, indemnités journa-

lières et frais de déplacement sur terrain.

QUE FAIRE de si larges possibilités de stage ? Passé le temps des

séductions superficielles, il est besoin, sur ce sujet, de se faire doctri-

ne. Nous préciserons (§ 2) celle adoptée par l'Institut, et la formule des

stages, qui en a découlé (§ 3). Ce n'est pas une réponse figée (rien ne

l'est, à l'I.T.P.E.A.) ; mais qui résulte de la correction d'erreurs et

tentations antérieures (bien répandues en la matière : § 4) ; elle continue

d'être remaniée en détails, et critiquée sur le fonds (§ 5). Reste crue for-

te d'une longue expérience, et soutenue par l'institution, l'organisation

des stages à l'I.T.P.E-A., suivant une formule relativement stable et con-

sidérée satisfaisante, de 1975 à 1979, nous parait l'une des plus intéres-

santes existant.

2. Les principes

Que faire des stages ? Parce qu'on ne le sait trop, on tend sou-

vent à s'en dessaisir aussitôt.

2.1. Le premier principe est, au contraire, aue les

stages sont PARTIE INTEGRANTE de la formation. Il n'est donc pas

question d'en remettre la conduite à d'autres que les formateurs -

et notannent aux seules structures d'accueil.

Positivement, ce principe entraîne que les enseignants

encadrent les stages (de la préparation à l'exploitation, terrain

campris) : c'est leur service dû, pendant lequel ils sont déchar-

gés de cours. Les stages sont pensés pour l'ensemble d'une promo-

tion, organisés canine un travail collectif ; ils sont axés en

auelques domaines choisis de recherche, accumulant ainsi des ré-

sultats dont bénéficie l'Institut.

A contrario, il n'est donc pas question d'affecter les

étudiants un par un, à des tâches hétéroclites, suivant les sim-

ples commodités d'accueil (1). Le principe exclut les stages

''Ide contact", "d'imprégnation", "d'entreprise', "de mise en

poste", où les étudiants sont confiés seuls, (souvent en ∎ tenps restreint), à des structures professionnelles. Il exclut inverse-

ment les simples "visites de chantier", où les étudiants en masse

envahissent un domaine agricole, une usine, un service adminis-

tratif, dont le cours normal est détourné. Enfin, le principe

interdit de confondre avec les stages, les conférences (que peu-

(1) qu'elles résultent de l'entregent de quelques encadreurs, ou de l'ini-

tiative d'une cellule -de placement" dans l'Institut.

vent délivrer, à l'Institut, des professionnels de l'extérieur),

et les 'voyages d'étude' (qu'on devrait plutôt tenir pour des

travaux dirigés hors les murs : cf. 4).

2.2. Le deuxième principe est eue les stages sont

PA2TIE SPEC]TIÇUE du cursus. Ils ne doivent pas être redondants

avec cours et T.D. Autrement dit : existe-t-il un bénéfice

rédagogiaue propre aux stages ? Et lequel ? L'I.T.P.E.A. choisit

la réponse suivante :

Positivement, le bénéfice attentu se résume ainsi :

LES STAGES SONT LE T.u.U)S DE LA FORMATION METEODOLOGICUE.

Ils sont notament

. l'occasion de montrer la nécessité (et la difficulté)

de construire les faits, l'objet, le problème à traiter (1)

. l'occasion de mettre en oeuvre, hors d'exercices de

circonstance, des concepts et des techniques appris, comme outils

de choix pour l'analyse d'une situation concrète

. l'occasion de mettre à l'épreuve les éléments de

théorie et les techniques enseignés ; d'en mesurer le champ et

les limites d'application ; de libèrer l'imagination, l'invention

conceptuelle et technique appelée par l'observation des faits,(2)

(1) Double illusion à dissiper : celle de la préexistence des faits, de

l'objet, du problème à traiter 'dans la réalité" (i.e. tels que les "donne"

le sens commun) ; celle de leur préexistence dans une connaissance supérieu-

re (donnée au/par le professeur). Enseignants et stagiaires devront être

simultanément et visiblement mis devant la nécessité préalable d'identifier

le problème à traiter, de le construire, de bâtir une "problématique'.

(2) C'est aussi l'occasion, pour l'Institut, d'apprécier l'adéquation de

ses programmes, pour les modifier si besoin.

- 10 -

. enfin le moment de repèrer les obstacles à la con-

naissance, produits non seulement par des lacunes conceptuelles

au techniques, mais par les prénotions, préconceptions, préjugés,

par les contraintes institutionnelles et les fonctions sociales

occupées, par les difficultés de l'auto-analyse : on s'y sensi-

bilisera à la fécondité, sur ces points, de l'auto-critiaue

exercée au sein d'une "communauté scientifique".

La poursuite de ces objectifs suggère qu'encadreurs

et stagiaires soient ensemble affrontés à la réalisation d'une

étude - qui ne concerne pas un sujet "d'école", mais un thème

d'intérêt et d'actualité pour le pays : débats et travaux en

cours porteront à la recherche de résultats "professionnels", et

non scolaires.

A contrario, si l'objectif principal est la formation

méthodologique, il suit que :

. l'illustration des cours est un objectif secondaire

. la pratique technique est un objectif secondaire.

Cela signifie qu'aucun de ces objectifs ne suffit à jus-

tifier le choix d'un thème, ni à guider l'exploitation (ou l'éva-

luation) du stage. Cela signifie que ces deux objectifs devront

être poursuivis par des moyens propres (T.D, études de cas...),

mais que les stages n'en sont pas la voie spécifique. Cela veut

dire enfin aue les thèmes, et le calendrier des stages ne sont

pas déterminés par le programe, son contenu et son déroulement :

ils se conforment à leur logique propre, celle de la "recherche",

de son objet, de ses opérations et de ses rythmes. Cette dissocia-

tion importe d'autant plus, clue le rôle des encadreurs-enseignants

est fort.

2.3. Principe de terrain

C'est en accordant large place aux TRAVAUX DE TERRAIN

cu'on cherchera à corriger certaines déformations liées à l'en-

seignement dans les murs. Il s'agit de :

. ne pas étouffer l'intérêt des étudiants pour l'ana-

lyse des réalités ;

. développer leur souci de ne pas s'isoler, par les

études, du monde du travail ;

. substituer à l'autorité magistrale d'école, une

stimulation encadreurs/stagiaires ;

. manifester et déployer les compétences étudiantes

(et pas seulement la maîtrise de connaissances générales).

Le terrain confronte à l'imprévu :

- il fournit le matériau susceptible de porter au-

delà d'analyses d'école ;

- il fait céder la compétence instituée, à la critique

mutuelle affrontant des expériences variées ;

- il nécessite la familiarité avec les acteurs sociaux,

la saisie et l'acceptation de leur logique ; il fait sortir de

soi, heurte les préjugés, requiert de grandes qualités de con-

tact ;

- il porte à mesurer l'erreur d'observation, les condi-

tions d'application des divers instruments ; il souligne l'impor-

tance de chaque tâche de la recherche, et l'aberration de leur

hiérarchisation bureaucratique, dans le métier de statisticien.

Chaque stage s'attachera donc, pour une part essentielle

et dès les premières années, à la collecte de données originales

SUR TERRAIN : matériaux de première main, qu'analyseront ceux mêmes

qui les ont rassemblés. Lieux et thèmes seront variés, dans le

cursus de chaque étudiant.

3. La formule des stages

Nous examinerons maintenant le dispositif de stages (quels lieux,

- 12 -

et quel calendrier, combien de thèmes et lesquels ?), puis cuelcues condi-

tions essentielles à la réussite (participation étudiante, liée à la ques-

tion délicate de l'évaluation ; participation enseignante ; rôle d'un

bureau des stages...).

3.1. Combien de THE'ES de stage, par année ?

Chaque étudiant dispose de 2 mois de stages par an.

La tentation est forte, de fragmenter ce temps en périodes mul-

tiples et courtes, correspondant à ce que chacun considère comme

une expérience-clé : la reconnaissance de la diversité régiona-

le, la familiarité avec divers agents de l'économie (l'entrepri-

se, la banque, le Plan...) ; la connaissance des expériences de

transformation sociale en cours (Révolution Agraire, Gestion

Socialiste des Entreprises...) ; la manipulation de telle pré-

cieuse méthode (l'analyse de données...) ; l'appropriation de

divers champs d'étude (industrialisation, scolarisation...)...

Mais nul ne s'entendra sur les points de passage vraiment obligés :

chacun a ses critères, qu'on peut multiplier ; subrepticement,

ils ramènent au découpage des matières scolaires. A vouloir

"passer partout", pour observer brièvement des points fixés d'a-

vance, on manque la proportion et le rapport des choses, leur

place, en situation concrète. On morcelle aussi la recherche,

on masque la plupart des pièges de méthode ; ceux-ci s'attachent

à chaque étape d'une étude entière , et à leur enchaînement.

L'I.T.P.E.A. choisit donc le dispositif suivant :

. Plutôt eue de se voir proposer l'approche (superfi-

cielle) de multiples objets, les étudiants ont chaque

année, par petits groupes (de 4 ou 5 membres) à cons-

truire une étude entière, de la problèmatique aux

conclusions : y compris prise de connaissance du do-

maine, choix de variables, formulation d'hypothèses,

choix des instruments d'investigation, programme et

réalisation d'enquêtes, diagnostic et propositions

- 13 -

d'action. En préparation, en cours d'étude, en exploi-

tation, sous encadrement permanent, ils analysent

leur pratique, repèrent et corrigent les erreurs de

méthode.

Les étudiants travaillent donc en petits groupes (dits

groupes de stage). Et l'unicité de thème est imposée, pour

l'année, à chacun de ces groupes. Mais l'Institut limite en outre,

le nombre de thèmes abordés, par les groupes de stage dans chaque

promotion : en 1° année le thème est unique, en 2° année on dis-

pose de 1 à 3 thèmes, en 3° année de 5 thèmes. Pourquoi ?

. des raisons pédagogiques militent en ce sens : l'ef-

ficacité de l'encadrement demande que les enseignants n'aient

pas à se disperser sur trop de domaines divers (qu'il leur faut

travailler à connaître) ; on souhaite en outre que tout "thème"

soit encadré par des enseignants de disciplines diverses (au moins

2 par conséquent : les collectifs d'année comprenant 10 enseignants 10 permanents, on ne peut dépasser -2--= 5 thèmes) ;

. mais il est d'autres raisons, plus décisives car

méthodologiques. Il s'agit :

- d'éviter la parcellisation du travail confié aux étu-

diants ;

- d'éviter la superficialité des enquêtes, faute de

forces suffisantes engagées.

En effet, plus les thèmes se multiplient, moins de grou-

pes étudiants se consacrent à chacun d'eux. A la limite, chaque

groupe investit dans un champ différent, sur un "sujet" sans

rapport avec aucun autre. On n'échappe alors pas à l'un des deux

inconvénients :

- ou le champ proposé est cohérent, entier, complexe

(ex. : "politique de lutte contre la malnutrition"). riais tout

le temps se passe, pour les quelques étudiants engagés, à le

714-

mesurer théoriquement ; à faire de vastes projets d'enquête

frustrants parce qu'irréalisables ; pour finalement se rabattre

sur un exposé de généralités, un programme de "ce qu'il y aurait

à chercher", sans résultats nouveaux, enquêtes ni démonstrations

faites.

- ou bien la question traitée est neuve, mais très limi-

tée, partie d'un champ qui n'a pas été jalonné par les étudiants

mêmes ; le travail apporte des résultats intéressants, à des

responsables qui l'ont commandité ; mais ce n'est pour les étu-

diants que l'élément d'un puzzle, dont la vision d'ensemble reste

dérobée, dont la place n'est pas saisie - dans le mouvement d'une

réflexion globale.

Pour échapper à ce dilemme, quand la complexité de la

question ou l'ampleur de la source traitée le réclament, il faut

pouvoir faire converger des forces nambreuses, et mettre leurs

résultats à disposition commune. C'est ce que vise la limitation

des thèmes.

Le "THEME" désigne un champ d'étude, non un sujet étroit

(Ainsi : les réactions à la scolarisation, le développement rural

en steppe, l'industrialisation de 2° ceinture et ses effets dans

l'arrière-pays...). Le thème est un domaine focal d'interventions,

à l'intérieur duouel, pour accélérer et approfondir la recherche,

peut s'organiser soit la division des tâches entre groupes étu-

diants, soit leur coopération. Sur plusieurs années, des résul-

tats s'accumulent, une problèmatique s'approfondit à l'Institut,

raccourcissant le chemin à parcourir par de nouveaux groupes pour

aboutir à des synthèses, ou de nouveaux résultats. Par exemple :

sur le thème annuel "efficience du système sanitaire", vingt

étudiants ont collaboré en 1978 à l'élaboration d'une problèmati-

que - se partageant, et donc multipliant, les travaux bibliogra-

phiques et les contacts extérieurs nécessaires. Après trois mois,

l'unité de perspective étant construite, un groupe (de 5 étudiants)

- 15 -

s'est consacré à l'analyse institutionnelle du fonctionnement

d'un secteur public hospitalier, un autre à l'analyse de la

filière médicaments ; tandis que deux s'associaient pour dé-

pouiller une source d'intérêt (hors de portée d'aucun étudiant

ou petit groupe isolé) : un échantillon représentatif d'un an

de dossiers proposés au remboursement de la Sécurité Sociale.

Les résultats ainsi construits ont donné lieu à un colloque avec

le Ministère de la Santé, et servi à soutenir, l'année suivante,

d'autres travaux sur le même thème. De façon générale :

. Le nombre des thèmes proposés aux étudiants d'une

même année est limité (de 1 à 5). Sur un thème donné,

l'activité des groupes de stage engagés est coordonnée

au sein d'un grand groupe, dit "groupe de thème".

Celui-ci sert notamment de cadre à la préparation, à

l'établissement d'une problèmatique, puis à des ren-

contres periodiaues de mise au point, de synthèse

partielle, au moment de l'exploitation. Un même "thème",

ou champ d'étude, est généralement conservé 3 ou 4

ans par : expérience des encadreurs, et

résultats s'y accumulent, au bénéfice de l'Institut,

de sa notoriété, et de la Qualité des travaux que pro-

duiront de nouveaux groupes de stage, intervenant ul-

térieurement sur le thème.

La constance du thème favorise les négociations avec les

structures d'accueil : celles sollicitées sont averties d'emblée

du domaine étudié (et des lignes de recherche précédemment sui-

vies). Un descriptif prévisionnel de travaux leur est proposé.

Avec celles intéressées s'engage une négociation, portant sur

les parties du champ que, par convention, les partenaires préfè-

rent approfondir cette année là. Dans ce cadre, une large gentille

de sujets reste à choisir, pour analyse détaillée, par l'Institut

et ses étudiants. L'Institut conserve ainsi un fort degré de

liberté, permettant aux voeux et au tempérament des étudiants,

ainsi qu'aux réquisits pédagogiaues (adaptant le sujet aux acquis

- 16 -

théoriques et pratiques) de se réaliser. On a déjà cité 4 sujets

articulés autour de "l'efficience du sytème sanitaire" : mais

d'autres avaient précédé 1 an plus tôt (analyse des prescriptions

dans une consultation de secteur public ; fonctionnement campa-

ré de plusieurs secteurs sanitaires) et d'autres ont suivi

(analyse des "urgences" traitées en hôpital ; efficience d'un

programme de Protection Maternelle et Infantile ; étude des non

recours à l'appareil médical ; esquisse de comptes nationaux de

santé) : la variété est considérable, mais les résultats s'appuient

mutuellement, dans une cohérence de perspective. Dans le cas cité,

on approfondissait chaque année les questions : qu'est-ce qu'un

système de santé ? Comment en représenter le fonctionnement ?

qu'est-ce que l'efficience ? et comment planifier en ce domaine ?...)

Chaque étudiant, pour sa part, change de thème chaque

année. Un thème est en effet généralement réservé aux étudiants

d'un niveau donné (1°, 2°, ou 3° année) : parce que son degré

de complexité correspond mieux aux connaissances acquises à ce

stade ; parce qu'il entraîne à certaines qualités de méthode,

qu'on souhaite développer à ce niveau ; mais aussi pour éviter un

penchant à la spécialisation, pour développer la polyvalence. La

reprise d'un même thème par un étudiant (ou un groupe) n'est ac-

ceptée que si elle est recommandable en méthode (par exemple :

analyse des transformations d'une commune - déjà étudiée en 1°

année - sous l'effet de la Révolution Agraire...).

Pour l'Institut par contre, la constance en quelques

thèmes présente de nombreux avantages : Nous avons dit déjà

qu'elle assurait une accumulation de résultats, et d'expérience

de l'encadrement, profitables à la formation ultérieure. Elle

entraîne aussi à des exigences plus élevées, dans leur travail,

les étudiants comme les enseignants. A terme, une confrontation

est inéluctable avec les professionnels, puis avec la "communau-

té scientifique" (par le biais de publications et colloques).

Or, celle-ci est seule à même d'exercer, sans complaisance et

sans acrimonie (c'est sa vocation) un contrôle méthodologique,

condition de la vigilance et sanction des insuffisances - gui

- 17 -

assure objectivité à l'évaluation de la réussite pédagogique.

Il n'est plus question de se réfèrer à une échelle de valeurs

purement interne, mais de disposer d'une norme de qualité, éta-

blie de l'extérieur, oui situera au moins la valeur des travaux

les meilleurs. On peut ancrer, de là, une évaluation réaliste

des autres "mémoires", par comparaison.

3.2. Lieux et calendrier des stages

L'exigence : traiter, de façon opératoire, une question

d'éconamie aui exige l'enauête, conduit à adopter, Four chaque

groupe étudiant un seul et même terrain dans l'année. L'Institut

n'a ras vocation aux enquêtes statistioues nationales, et fait

élection d'enquêtes socio-éconamiques de base. En ce damaine,

l'unicité du lieu de travail conditionne le sérieux des analyses.

La simple pénétration du milieu (pour y obtenir l'agrément des

enauêtés, même superficiel) nécessite une dizaine de jours. L'é-

chantillon constant est ici préférable à l'échantillon tournant,

car il diminue l'erreur d'observation (bien au-delà de ce qu'on

peut perdre en précision).

Bien sûr, cette intervention durable au même lieu est

une contrainte plus lourde pour les structures d'accueil. Si elle

a pu se réaliser jusqu'aujourd'hui, on le doit tout d'abord à

la très remarquable volonté des responsables, administratifs ou

techniciens, et des gens eux-mêmes (qui estiment à honneur êt

devoir de recevoir les étudiants en formation dans le pays). On

le doit encore à l'organisation du bureau des stages ; enfin, à

la qualité des travaux étudiants, qui est l'un des meilleurs ar-

guments dans les "prospections" ultérieures.

Le calendrier des stages devrait être lié aux rythmes

m'impose chaque recherche. Mais l'institution, enseignante, est

obligée d'en fixer les temps, en tenant campte d'autres contrain-

tes : administratives (la régie doit être prévenue des départs

sur terrain, 2 mois par avance), d'hébergement (les structures

- lb -

d'accueil, ayant donné leur accord pour certaines dates, ne sau-

raient les modifier au dernier moment), pédagogiques enfin (les

stages ne doivent pas intervenir trop tôt, avant que soient ac-

quises des connaissances suffisantes ; ils ne doivent pas hacher

l'enseignement d'un module ; et toute une pranotion doit cesser

et reprendre les cours ensemble). Le calendrier des stages, prévu

dès le début d'année (Septembre), devient impossible à changer

quand la prospection des structures d'accueil est lancée : en

Décembre au plus tard. Cela ne manque pas de provoquer des ten-

sions, à l'approche des dates définitives de stage (cours en

retard, régie imprévoyante, quelques accueils encore incertains...).

Mais les véritables affrontements se jouent dès Septembre, quand

on arrête la progranaation de principe. Aux exigences propres des

stages s'opposent la commodité administrative, ou les "priorités"

enseignantes. Le désir de s'assurer avant tout de l'achèvement

du programme (cours et T.D.) induit pour telle ou telle pranotion

à prôner le report, en fin d'année, de tout le temps de stage ;

ou à l'amputer d'un temps rendu à l'enseignement dans les murs.

Deux fois seulement ces suggestions ont été retenues, vérifiant

aux résultats les protestations élevées par le bureau des stages :

dans un cas, huit jours de terrain (au lieu de 20) n'ont apporté

que des résultats superficiels et des informations sans lien ;

dans l'autre, un stage unique en fin d'année est apparu trop long :

par lassitude, moins d'informations ont été réunies sur sa fin ;

et l'omission de la précieuse réflexion, entre deux terrains sur

le matériau recueilli, n'a pas permis d'apPrcevoir à temps inco-

hérences et lacunes.

. la disposition la plus satisfaisante est semble-t-il

celle de deux (ou 3) stages de terrain, chacun de deux

à trois semaines. Le premier trimestre est consacré

à une solide préparation de l'étude ( ,prograniuée pour

les étudiants demi journée par semaine - une journée

pleine en 3° année) ; le hireau des stages assure,

pendant ce temps, la prospection des lieux d'accueil.

Le premier stage intervient en début de 2° trimestre ;

- 19 -

et le second trois mois plus tard aux mêmes lieux.

Cette dissociation est doublement importante :

. elle limite la durée de chaque "terrain" à la période

où il est possible de maintenir une grande tension, une intense

activité - dans des conditions de vie souvent inconfortables ;

. elle laisse entre deux les informateurs "se reposer",

mieux accepter l'enquête, oublier leurs défenses ;

. méthodologiquement, elle permet de prendre recul vis-

à-vis du matériau d'abord collecté : d'en repèrer les manques et

les inconsistances - et de prévoir des compléments de terrain ;

de revenir, au vu des résultats, sur les hypothèses initiales ;

d'en corriger les présupposés, de préciser de nouvelles questions

pertinentes, de rectifier le programme et le matériel d'enquête :

démarche essentielle du perfectionnement méthodologique, exigeant

le va-et-vient, réitéré de la problématique au terrain.

Pour conclure sur le DISPOSITIF, adoptons ce bref

résumé :

. Le principe est de CONCENTRER les forces : de concen-

trer les étudiants, travaillant en groupes, par pério-

des bloquées, en un petit nombre de lieux, sur un

petit nanbre de thèmes ;

. C'est ce qui permet :

- d'accumuler, pour les enseignants, de l'ex-

périence et des connaissances particulières, servant

l'encadrement ;

- d'accumuler, pour l'Institut, des résultats

et des travaux de qualité, dans un domaine précis, ser-

vant sa notoriété ;

- d'assurer, pour les étudiants, un enseigne-

ment de méthode, à l'occasion de recherches véritables

et non d'exercices scolaires.

-20--

3.3. Le choix des thèmes

Le thème désigne à la fois :

. un objet (concret) d'analyse : l'appareil de scola-

risation, une commune rurale, une opérations industrielle ;

. une question d'actualité, se rapportant à la trans-

formation de cette réalité (transformation de fait ou transfor-

mation voulue, toujours envisagée sous l'angle des chemins pos-

sibles) : instauration de la médecine gratuite, révolution

agraire, décentralisation industrielle, maîtrise de l'exode rural...

L'explicite mention de ce contexte doit servir à orienter la

collecte de données, et la problématique de planification, mon-

trant que celle-ci se pose toujours les questions que permet, et

suscite, la conjoncture, théorique et sociale.

Le choix de thème s'inscrit dans une progression, en

fonction des prodeauttes et des acquis étudiants, de la 1° à la

4° année. On distingue donc :

. des thèmes de 1° cycle (1° et 2° années) entraînant

particulièrement à la conquête des faits (sur les préjugés, les

préconstructions...), à la précision de l'observation, au choix

et à la critique des instruments d'investigation, au souci_de

vérification expérimentale.

. des thèmes de 2° cycle (3° et 4° années) entraînant

à la construction automne d'une problèrnatique, à la formulation

d'hypothèses et au choix de variables, à la formulation de dia-

gnostics rigoureux et de propositions réalistes d'action. A

titre indicatif, un choix de thèmes retenus de 1975 à 1978 pour

diverses années est le suivant :

. en 1° année : monographies, en vue de la planification, de

communes rurales

- montagnardes, bénéficiant de "procircuutes spéciaux"

- ou steppiques, durant la 3° phase de Révolution

-21 -

Agraire.

en 2° année : construction "d'indicateurs sociaux" (i.e. analy-

se du mouvement spontané, et des réactions à plu-

sieurs de ses correctifs, en matière de scolari-

sation, population, santé, ou habitat) = effets

de l'industrialisation de deuxième ceinture sur

l'arrière-pays (études de cas). 0 - . en 3° année : médecine gratuite et planification de l'appareil

sanitaire ;

= bilan économique et social d'actions de déve-

loppement agricole (grande et petite hydraulique ;

périmètres d'aménagement ou Révolution Agraire...)

= planification d'une branche industrielle (= le

textile) ; planification de l'enseignement supé-

rieur etc...

. en 4° année : Sujets très divers, fixés souvent par les structu-

res d'accueil (Ministère du Plan, Wilayate...)

Le choix d'un thème résulte de propositions et de dis-

cussions émanant du collectif enseignant, du bureau des stages,

de la sous-direction des études, et d'étudiants, réunis hebdama-

dairement dès le début de l'année pour examiner minutieusement :

- l'intérêt et l'actualité de la question suggérée, du

point de vue du pays, des gens de métier, scientifiques et pro-

fessionnels), de la tutelle (Plan).

- son inscription dans un domaine où l'Institut a déjà

cumulé expérience et résultats.

- sa faisabilité (matérielle, du point de vue des

savoirs nécessaires et de l'accessibilité de l'information).

- son articulation aux programmes.

Toute suggestion doit s'appuyer d'un justificatif, sur

ces quatre plans. La majorité des thèmes concerne un domaine connu

déjà de l'Institut. Mais il faUt chaque année innover, pour pré-

parer l'avenir = ouvrir de nouveaux champs, précèder l'actualité.

-22-

Quelques stages exploratoires, faisant l'objet d'une préparation

particulière, servent à mesurer l'espace de travaux futurs.

Il s'agit en tous cas de conduire les participants,

presque certainement, sur le chemin d'une recherche qui produira

des resultats originaux, d'intérêt pour les professionnels eux-

mêmes - scientifiques ou praticiens.

La réussite en ces travaux requiert des participants -

des étudiants en premier lieu - un investissement considérable =

beaucoup de travail, et l'acceptation de contraintes (inconfort

du terrain, sollicitation de la critique, vigilance constante à

l'égard de soi-même...). L'entreprise implique en outre certain

renversement des habitudes scolaires : la démarche n'est pas

d'exposé, mais à l'inverse, de recherche ; l'objectif n'est pas

l'assimilation de connaissances, mais leur mise à l'épreuve ;

les qualités de "compétence culturelle" ne sont plus suffisantes ;

l'enjeu proposé dépasse la note = c'est l'atteinte d'une qualité

scientifique, susceptible d'être confrontée aux normes de la pro-

fession et aux sanctions de la pratique.

Pour que les étudiants acceptent de s'y donner, il faut

qu'ils n'en soient pas pénalisés (pour "négligence de leurs

études"), ou déçus (par la sanction d'une note ramenant à des

critères scolaires). Voilà qui pose un double et crucial problème : - celui de l'évaluation

- et celui de la participation étudiante.

3.4. L'évaluation = travail en groupe et note collective

Les stages comptent lourdement dans la notation annuelle

des étudiants : 1/4 en principe, c'est-à-dire autant que chaque

discipline "principale" (économie, ou mathématiques + statistiques).

Mais, à la différence de l'évaluation dans les disciplines ensei-

gnées, leur notation est collective, et peu sélective. Il en résulte

- 23 -

de réguliers conflits : certains enseignants, ou responsables

des études, réclament soit l'élimination ou la diminution de

la part de la note de stage dans l'évaluation finale, soit la

notation (ou du moins sa modulation) individuelle. Je ne suis

pas d'Ir qu'il y ait de "bonne" solution à ce conflit. Mais voici

quelques considérations personnelles.

Un principe est en jeu : celui de la notation collective

(même note à tous les membres d'un grouse de stage). Sa suppres-

sion endammagerait gravement le dispositif des stages. La nota-

tion collective s'associe en effet indissolublement au travail

de groupe.

Nous avons déjà dit que ce travail est indispensable

pour concentrer les forces. Le recours à des "sujets" individuels

exclurait le traitement de auestions canplexes, de matériaux éten-

dus, réduisant les travaux à la campilation, à la superficialité,

au pointilliste de résultats minuscules et sans lien. L'actuelle

possibilité d'organiser en outre la coopération et la division des

tâches entre groupes de stage, disparaitrait pratiquement : avec

elle, tous les avantages d'un "thème" unique, de la non parcelli-

sation des tâches, d'une pratique de recherche et de l'enseigne-

ment de méthode associé.

Le travail de groupe a une justification de plus. Il

révèle des qualités, qui ne sont celles d'aucun des membres mais

de la caffibinaison qu'ils ont su_créer ; ainsi que des qualités

"personnelles", qui ne se réalisent qu'en groupe : capacités de

collaboration, d'animation, d'initiative ; habilité, pour aména-

ger les relations avec les collègues et entre collègues...

D'autres qualités ne peuvent s'imputer qu'au groupe : capacité

d'organisation, de coopération et division du travail, de distri-

bution des tâches aux compétences de chacun ; cohésion, courage

pour assumer les actes du groupe, capacité collective de réponse

aux difficultés rencontrées (en cours d'enquête, ou... face à

l'évaluation) ; stimulation interne, acceptation de la critique

-24-

mutuelle : tout groupe développe une pédagogie mutuelle, souvent

efficace, ouvrant les uns aux qualités de terrain, d'autres à

des connaissances jusqu'alors négligées faute d'en _Wir l'usage.

Le travail de groupe est enfin l'indispensable auxiliai-

re d'un enseignement de méthode. Il entraîne à la mise en cammun

des données ; au traitement polémique de leurs divergences, à

leur acceptation came base de nouvelles hypothèses ; à la criti-

que mutuelle, reçue et sollicitée carme en une "ccmnunauté scien-

tifique". Le groupe affronte, en les multipliant, non seulement

les préconceptions de tous, qu'il débusque et révèle, mais la

diversité des points de vue et pratiques d'enquêtes, dont il mon-

tre l'enracinement dans les positions institutionnelles et l'ex-

périence sociale propre à chacun. Il empêche de réduire le mCmde

à la rationalisation d'une expérience personnelle, érigée en

universel (1). Il valorise la réciprocité de perspectives. Il

contraint à la meilleure connaissance de soi, des obstacles que

chacun, personnellement, oppose inconsciemment à la construction

de la connaissance.

La notation s'appauvrirait, en manquant d'exprimer le

camportement du groupe ; et si elle anettait de valoriser la pé-

dagogie mutuelle, le travail de méthode qui s'y opèrent. Faute

d'enjeu, ces pratiques disparaitraient : la discipline de la

critique mutuelle deviendrait non plus souhaitable mais insuppor-

table, et chacun tenterait de se mettre en valeur sur "son" sujet,

par des procédés étroitement scolaires.

La notation individuelle est en outre moins assurée que

celle des groupes. Un professeur encadre vingt étudiants ; se con-

sacrant à chacun personnellement, il ne lui accordera que 2 ou 3

(1) Biais de ncmhreux savants, travaillant isolés ! le travail

de groupe fait connaître la recherche came pratique sociale.

séances de travail en =mois ; sans plus faire lui-même de

terrain (pour corriger ses propres biais), il ne connaîtra

ainsi que des manents épars (et peut-être non significatifs)

de la recherche, des états successifs de l'enquête, et rien de

sa démarche (des blocages et de leur raison)(1). Un tel dispo-

sitif rend malaisée l'appréciation, et porte au conformisme :

le résultat à produire doit s'accorder à l'idée que se fait le

professeur, de la question à poser et de sa solution.

Mieux vaut partiellement délèguer au groupe la fonction

de contrôler ses membres. Ce relais étant trouvé, multiplie les

possibilités d'intervention du professeur. Présent (5 fois plus)

à chaque équipe, il connait mieux leurs membres et leur apport

personnel ; mais aussi les qualités du groupe, invisibles de loin,

essentielles aux résultats = variété d'approches, invention tech-

nique, à propos dans les réactions de terrain ; pédagogie mutuel-

le (2).

Pour résumer :

. Amputant la formation méthodologique, entravant le

déploiement de qualités utiles en profession, abais-

sant la qualité des travaux, appauvrissant l'évalua-

tion, et la rendant plus incertaine, la notation

individuelle est incompatible avec le travail en grou-

pe, et le dispositif de stages ITPEA.

(1) Difficultés tendanciellement rencontrées, pour évaluer les

travaux de 4° année = ceux-ci portant sur des thèmes fort divers,

s'effectuent en tous petits groupes (binômes ou trinômes), ou

individuellement. Les divergences d'appréciation entre membres du

jury - malgrè une grille d'évaluation détaillée, et le suivi (loin-

tain) des travaux par les jurés, sont plus ardentes et fréquentes

qu'en d'autres années.

(2) C'est au groupe qu'il revient alors partiellement de s'apprécier. ;

et certains critères d'évaluation traduisent exclusivement une per-

formance de groupe.

-26-

Mais la notation collective n'est-elle pas injuste ?

Ne fait-elle pas excessivement régresser au classement de "bons

élèves" aux connaissances avérées ? Ne permet-elle pas, inverse-

ment, à de "mauvais élèves", habilement infiltrés dans des grou-

pes efficaces, de passer même en année supérieure, quand ils

n'y pourront suivre ?

Fort heureusement, 11 1TPEA n'établit pas de classement

(ou ne lui affecte pas d'enjeu). Seul le second cas peut faire

litige. Pratiquenent, la question s'est très rarement posée.

C'est que l'insuffisance d'un seul membre handicape

le groupe. Dans la tension du stage, il n'est guère tolérable

de supporter d'incapables ou d'oisifs.

- Soit le groupe éclate = c'est la pire des issues,

redoutée de tous les étudiants : repartant sur un nouveau terrain,

un nouveau sujet, en tous cas diminuée en m'ambre et capacité de

travail, chaque moitié de groupe ne peut plus espérer de résul-

tat que médiocre (et le plus souvent mauvais).

- Soit le groupe marginalise qui s'est désengagé. L'en-

cadreur en est vite averti. Si la mise à l'écart produit l'inac-

tivité irréductible, délibérée du membre éloigné - malgrè tous

efforts de pédagogie mutuelle - après mises en demeure, et sur

accord du groupe, la NOTE SERA MODULÉE INDIVEDŒLLEMMT. Ces deux

situations se présentent chaque année, en quelques cas.

- Mais le plus souvent, un groupe affronté à ces diffi-

cultés les assume. Beaucoup d'ingéniosité se déploie, pour tirer

le meilleur parti des qualités de chacun ; beaucoup de temps s'em-

ploie, pour mettre les autres "à niveau" ; le groupe, retardé,

y perd ; mais il témoigne aussi d'une précieuse qualité, qui vaut

d'être notée = celle de savoir travailler dans un environnement

de campétences diverses (et parfois insuffisantes).

En tous cas, si les excellents résultats en stage d'un

-27-

groupe ne traduisent pas, chez tous ses membres, des connaissan-

ces très bonnes (mais au moins suffisantes), un groupe de trop

inégale composition n'atteint par contre que des résultats moyens :

insuffisants, pour faire échapper au redoublement l'un de ses mem-

bres, qui en serait menacé.

Pour en finir avec ces réflexions sur l'évaluation, je

dirais que - classement ou pas - je tiens que les stages ont la

place d'une matière principale, que la notation doit en être

maintenue, l'évaluation étant collective, et multi-dimensionnelle.

Les stages "matière principale" ? Oui, si l'on admet

pour essentiels ces objectifs = cultiver le goût pour l'analyse

des réalités,

= éditer la coupure, par les études,

avec le monde du travail,

= déployer toutes les qualités per-

sonnelles, utiles en profession (et non seulement la maîtrise

des connaissances générales),

= enfin si l'on reconnaît que l'en-

trainement,à1a méthode est autre chose, aussi important que l'ac-

quisition de connaissances conceptuelles et techniques : reste

en effet à savoir opportunément s'en servir, et à connaître les

obstacles, y compris personnels, qui s'opposent à chaque pas à

la construction scientifique de la connaissance.

La notation est à maintenir, parce que, dans un contex-

te scolaire soumis à l'hégémonie de la note, je craindrais que

sa suppression n'entraîne la désaffection d'une part significa-

tive d'étudiants et d'enseignants. Pourrait-on proposer d'autres

enjeus ? S'agissant des publications, ou communications des meil-

leurs travaux en séminaires et colloques, il n'y aurait là que

de quoi faire concourir une élite, dont les stages deviendraient

l'apanage exclusif (devenant quasi facultatifs) = ce serait per-

dre la formation méthodologique et professionnelle pour tous,

-28-

en même temps que la puissance de recherche qu'elle représente

pour l'Institut : et le foisonnement de justes remarques, des

résultats fins, épars dans une multiplicité de 'rapports" et

"mémoires".

L'évaluation a besoin d'être collective, pour les

raisons déjà indiquées.

L'évaluation sera aussi multi-dimensionnelle : c'est la

question des grilles d'évaluation.

3.5. Grilles d'évaluation et formation des jurys

Pour chaque niveau d'études, une grille d'évaluation est

minutieusement établie par le collectif enseignant, selon une tren-

taine de dimensions.

En toutes années, l'évaluation portera sur l'intensité

de l'activité déployée au long du stage, et sur l'habileté du

groupe au travail collectif.

Les exigences scientifiques varient selon les niveaux.

- en 1° année, on demande aux étudiants, non tant de cons-

truire une problématique complexe, mais de montrer de la curiosi-

té, de s'exercer aux qualités de l'observation, du terrain, de

l'interprétation (y campris en prêtant toute attention aux résul-

tats surprenants) : c'est sur ces aptitudes, et sur la présenta-

tion des données (statistique descriptimaeartographie) que porte

l'essentiel de la note.

- en 2° année, ces mêmes qualités sont réexaminées ;

mais on demande aussi un premier effort autonane, pour caractéri-

ser le champ d'études et formuler le probléme traité ; plus d'in-

vention, pour construire les faits non patents, importants ; un

-29-

traitement plus imaginatif et sophistiqué des données (1).

- en 3° annee, les oualités de terrain, l'exactitude

des données, la richesse du matériau sont des exigences : leur

défaut déclasserait le groupe (il diminuerait d'un à deux ni-

veaux sa note globale). Cette note prend en compte de nouvelles

qualites : la justesse problématique (mesure du domaine d'étude,

situation et formulation du problème traité dans son sein) ; la

pertinence du choix de variables, des hypothèses posées ; le

respect des données et leur fine interprétation ; la rigueur

de la démonstration et l'agrément de la présentation....

Chaque année, ces grilles sont plus ou moins modifiées ;

et leur progression est adaptée à chaque promotion, sur quatre

ans.

. La constante en est la variété des critères, et la minutie

de leur établissement. La multiplicité des qualités considérées

explique d'ailleurs le caractère, relativement peu sélectif, des

notes attribuées. Chacun et chaque groupe, à condition de s'être

engagé dans le stage, en a manifesté certain nombre ; si les très

bonnes notes sont rares (supposant la réussite dans une combinai-

son de dimensions), les très mauvaises le sont plus encore (tra-

duisant un désintérêt du stage).

Par qui sont délivrées les notes ? Essentiellement par

un jury complexe = composé d'au moins deux professeurs (3 en 3°

année), ce jury est pluridisciplinaire ; il compte un encadreur

du groupe, et un non encadreur (néanmoins au fait du thème traité).

(1) Par exemple, une étude sur la scolarisation ne se contentera

plus de taux en indiquant le niveau et l'évolution (par sexe, CSP,

ou milieu d'habitat). Mais on comparera ces évolutions, et notam-

ment les inflexions des courbes de scolarisation, en les rapportant

à l'équipement et au dispositif pédagogique disponibles, aux attentes

parentales, à des caractéristiques socio-économiques et historiques,

pour dégager des zones ou catégories sociales homogènes - dans leur

rapport à l'école, à l'éducation.

-30-

On cherche à corriger ainsi des biais tendanciels :

- la surestimation par un professeur de la matière

qu'il enseigne

- la surestimation par l'encadreur de ses observations

faites sur le groupe à l'occasion principalement du terrain (ou

de la preparation du rapport)

- la surestimation par le non encadreur des seules

qualités visibles du produit fini

- l'engagement trop fort (favorable ou défavorable)

que certain encadreur ou professeur peut avoir vis-à-vis de

tel ou tel groupe (ou d'un de ses membres).

Les étudiants peuvent pour leur part récuser l'un des

mandores du jury, ou demander l'élargissement du jury à un pro-

fesseur tiers de leur choix (au fait de la question étudiée). En

3° année, partie de la notation a pu être élaborée avec les étu-

diants = le "groupe de thème`" apprécie (contradictoirement avec

les encadreurs) la contribution de chaque "groupe de stage" à la

problematique d'ensemble, l'opportunité de son sujet, et l'apport

résultant pour la synthèse.

Les soutenances de mémoires et rapports sont, enfin,

toujours publiques. Lorsqu'elles sont achevées, le collectif en-

seignant de l'année se réunit, et prend connaissance des travaux

réputés extrêmes (les "meilleurs" et les "moins bons", chaque

professeur ayant en outre participé à cinq jurys au moins, et

donc évalué un éventail des rapports présentés). Le collectif

réduit alors les conflits d'appréciation qui ont pu surgir au

sein de certains jurys ; il procède à l'harmonisation des échelles

de notation de différents jurys. La référence aux grilles d'éva-

luation est ici un guide précieux, qui a toujours permis, après

discussions parfois laborieuses, un consensus du collectif. Les

notes sont alors prioclanées : tout groupe en peut faire appel,

un nouveau jury etant constitué. Mais les surprises sont assez

rares, pour que cette contestation soit peu fréquente. A ma con-

-31 -

naissance, les notes primitives n'en ont pas été modifiées (mais

peut-être mieux expliquées, et le débat s'est clos).

3.6. La participation étudiante

Ce titre recouvre au moins 3 questions :

exposé),

cherche ,

- l'existence d'un système loyal d'évaluation (déjà

- la maîtrise étudiante d'un processus complet de re-

- l'adhésion étudiante au travail proposé.

LA MAITRISE ETUDIANTE D'UN PROCESSUS COMPLET DE RECHERCHE

repose sur trois dispositions :

. La pièce maîtresse est l'inscription à l'emploi du

temps étudiant, continûment pendant l'année, d'une

demi-journée hebdamadaire, encadrée, de PREPARATION-

EXPLOITATION DU STAGE. C'est ce temps qui permet,

avant le premier stage d'en construire la problémati-

que ; entre deux stages de procéder à la revision cri

tique du matériau collecté, de réfléchir à ses manques,

à ses contradictions, de revenir sur les hypothèses,

de bâtir un nouveau plan d'enquête. La continuité

permet de garder le travail en tête, favorise sa matu-

ration. Après le dernier stage, reste un temps d'ex-

ploitation, biome cette fois en quinze jours : des

rédactions successives permettent de perfectionner

l'interprétation, le raisonnement, le rapport final.

. Le deuxième dispositif est celui du TRAVAIL DE GROUPE :

c'est lui qui autorise le traitement de questions can-

plexes et de sources amples, évitant de se cantonner

aux campilations, ou aux travaux de détail, qui seraient

- 32 -

le lot d'étudiants isolés.

. Le troisième principe est celui des THEMES sur les-

quels se concentre l'analyse. En un long travail de

préparation, les étudiants cammencent, en "groupe de

thème", à mesurer le danaine à s'approprier. L'abord

en est facilité par la familiarité des encadreurs avec

la question ; par l'accumulation à l'Institut de ré-

flexions et de résultats la concernant ; par un réseau

constitué de relations extérieures utiles à son sujet.

La division du travail et la mise en commun au sein

du groupe sont possibles. Il est ainsi loisible, en 2

à 3 mois, de prendre connaissance du plein champ du

danaine étudié ; d'y situer la place de sujets qui

seront plus tard choisis pour approfondissement ; de

préciser l'intérêt - la valeur et les limites - des

enquêtes qui seront entreprises ; la portée des ré-

sultats recherchés. Le travail ultérieur est ainsi re-

placé dans une vue d'ensemble ; les considérations qui

le justifient ne demeurent pas elliptiques ; elles peu-

vent être à tous moments reparcourues par les étudiants.

-En 3° année, cette première phase de préparation s'achève

par la rédaction d'un document provisoire, qui légitime le choix

(et la formulation) d'un sujet au sein d'une problèmatiaue plus

large. Même en 1° année, où l'on n'exige pas de problèmatique en

forme, ce même cadrage général occupe les deux premiers mois de

préparation (cf. plan des préparations étudiantes à la "monogra-

phie" cammunale en steppe).

C'est donc un principe, et les moyens en sont pris, de

ménager à tous les étudiants le temps (et de leur faire obliga-

tion), avant de partir sur le terrain, de savoir qu'y chercher

et pourquoi ; de préciser leurs objectifs et de justifier leurs

catégories d'analyse, par référence à un danaine large ; de

- 33 -

procéder ensuite, à toutes les opérations d'une recherche ample,

non parcellisée, dont ils ont à connaître et maîtriser chaque

étape.

L'INVESTISSEMENT ETUDIANT DANS LES STAGES ainsi conçus

est considérable. A preuve, l'immense travail qu'ils y consa-

crent :

. l'intensité de l'activité de terrain est considérable.

On s'en fait quelque idée à parcourir les 100 000 pages de rapports

et mémoires actuellement existants, et la richesse du matériau

qu'ils contiennent (pourtant sélectionné dans une documentation

brute 2 ou 3 fois plus développée). On l'imagine, .à considérer le

descriptif des travaux requis d'étudiants de 1° année en leur pre-

mier stage : les dossiers prévus ont toujours été cons-

ciencieusamant remplis, et le programite de loin débordé au cas

général.

. la qualité des travaux de 3° année témoigne dans le

même sens : plusieurs ont alimenté colloques et publications, nour-

rissant d'intéressants débats avec les spécialistes de la discipli-

ne (cf. par exemple travaux cités sur "l'efficience du système de

santé", 1978, publiés in "Revue de l'INSP"). •

. mais aussi tous les étudiants, quel que soit leur

niveau, demeurent fiers de leurs travaux : à juste titre, car

ils condensent d'intéressants résultats, et une somme de travail,

d'expériences, qui laissent les plus grands souvenirs. Week-ends

et jours fériés, le temps libre, passent, en cours d'année à ren-

contrer des responsables, des spécialistes, à parachever la col-

lecte ; et, en fin d'année, à traiter dans la fièvre les derniers

matériaux, à mettre en forme et confectionner avec soin les rap-

ports et mémoires. Les 'meilleurs" rapports sont connus des étu-

diants, et circulent activement. Les soutenances sont suivies.

Les étudiants de 3° et 4° année, qui ont obtenu de ronéoter leurs

memoires, ne se quittent pas en fin d'année, sans s'être constitué,

-34-

par échanges, une bibliothèque de travaux ; fournissant eux-

mêmes le papier, tapant les stencils, les groupes désireraient

augmenter le tirage au-delà des dix exemplaires qui leur sont

accordés, pour conserver des documents dont faire état dans leur

vie professionnelle proche. Séminaires et colloques suscitent

une fièvre plus intense encore, dans les groupes préparant com-

munication, et ne manquent pas de déplacer les étudiants - de

tous niveaux.

Mais en stage, il se passe bien autres choses encore.

Les stages sont réputés l'occasion d'une expérience so-

ciale. Ils le sont doublement :

= principalement, d'abord, parce qu'ils obligent à par-

tager la vie et se mettre à l'écoute de milieux différents, avec

sympathie et sans préjugés ; et non à l'occasion d'un bref passa-

ge, laissant des impressions vives sans lien ; mais longuement,

de façon méditée, pour les besoins d'une étude construite.

= ensuite parce que le groupe de stage lui-même joue le

rôle d'un révélateur = celui de la personnalité, et des préven-

tions sociales de chacun, se confrontant, se heurtant, et se pu-

rifiant comme en un sociodrame. Le terrain est le lieu privilégié,

où faire "retraite", pour détruire les stéréotypes sociaux, pour

remettre en place les idées - mais aussi les comportements, entre

garçons et filles, membres de groupes sociaux ou de pays (1) dif-

férents. Le constant exercice de la critique, le brassage d'idées,

dans la tension du stage et l'intensité de la communauté que forme

le groupe, s'y prêtent : le bénéfice n'en est pas seulement métho-

dologique, mais reconstruit les personnes. Les étudiants ont sou-

(1) admet environ 10 % d'étrangers.

-35-

vent recherche cette occasion, en formant leur groupe (1) ; ils

en conservent de profonds souvenirs.

Cette libération potentielle, du rôle étudiant, et des

rôles tenus dans la communauté étudiante, des parti-pris théori-

ques et techniques, assure bonne part de l'intérêt des stages.

3.7. Les enseignants en stage

La réussite des stages repose pour l'essentiel sur l'en-

cadrement enseignant. Celui-ci nécessite que les professeurs ac-

ceptent bien des gênes ; matérielles d'abord : le suivi sur le

terrain demande quelque ascèse ; intellectuelles ensuite : la

conduite d'une recherche oblige à sortir de sa spécialité, et

changer sa dëmarche ; celle, familière, de l'exposé n'a plus

cours ; inconfort professionnel encore : le professeur, par ses

études, est mal préparé aux enquêtes, et peu familier du terrain ;

le savoir qu'il enseigne se trouvera mis à l'épreuve, et lui-même

en situation de révéler publiquement des ignorances, des erreurs,

des prejugés : son rôle est de reconnaître méprises et surprises,

les siennes les premières ; et de faire exemple de sa manière de

les reconnaître, de les analyser, pour les rectifier ; le profes-

seur sera confronté, enfin, à d'autres "autorités" : les profes-

sionnels hôtes (qui ont leur propre analyse des situations étu-

diées), la communauté scientifique, tranchant sur la valeur de la

(1) Les groupes de stage se forment par choix mutuel, en début d'an-

née (et se refont chaque année). Il n'est évidemment pas ques-

tion d'affecter autoritairenent ensemble des gens qui ne s'en-

tendraient pas, pour concourir à une oeuvre commune ! La com-

position des groupes est passionnante à suivre (les étudiants

ont 1 mois pour y procéder) ; certains semblent constitués

par la curiosité d'une confrontation, recherchée, entre per-

sonnalités fortes traditionnellement privées de relations : le

choix mutuel des 4 leaders d'une promotion n'a pas donné le

meilleur résultat d'étude, mais de très fructueux et profonds

échanges - au fond aussi importants -

_36_

méthode et la qualité des résultats (cf. § 3.8). Voilà qui

brise le confort de l'habituel tête à tête, entre les murs

d'ecole, de l'enseignant et l'enseigné.

Un bon encadrement, enfin, suppose un investissement

en temps, bien au delà du service dû. Et tout d'abord pour pren-

dre connaissance du thème. Un dispositif est ici important :

. Le collectif enseignant d'une année inscrit à son

propre emploi du temps une PREPARATION DES ENSEIGNANTS

au stage, demi-journée par semaine, toute l'année

depuis son début. Les trois premiers mois sont consa-

crés à la prise de connaissance (bibliographique) du

thème à traiter (avec partage des tâches et mises en

commun). En outre, chaque spécialiste initie ses

collègues aux rudiments de sa discipline (car la gra-

phique ou la cartographie peuvent être inconnues du

statisticien, ou l'analyse des données de l'éconamis-

te !). Enfin les enseignants s'entraînent à la métho-

de et se forment aux techniques, à la connaissance des

sources existant. A ces travaux s'ajoutent des débats

avec des professionnels invités, et des réalisations

pédagogiques : il faut élaborer le progroame de "pré-

paration étudiante", et les T.D. qui le soutiendront.

Entre deux stages, la "préparation enseignants" se

consacre à réfléchir aux difficultés de terrain ob-

servées, ainsi qu'à l'harmonisation du dépouillement

et du traitement des données.

Cette"préparation" est sage d'un encadrement homogène

et plus efficace :elle entraîne les enseignants à consentir un

très important travail scientifique, préparant celui des étu-

diants.

Dira-t-on qu'elle vise à leur assurer une avance sur les

-37-

étudiants, les rétablissant en position dominante et susceptible

d'influer intempestiveuent sur la démarche des stagiaires ? Sur

le dernier point, non : dès la "préparation étudiante" (qui con-

siste en exposés, discussions et T.D.) les stagiaires font preu-

ve de beaucoup d'indépendance, et plus encore sur le terrain,

dont ils finissent par être bien plus familiers, et où ils con-

duisent une pratique très autonome d'enquête. Riches de leur ma-

tériau, qu'ils sont prêts à critiquer, réexaminer, mais pas à

renier, ils savent malicieusement opposer les faits surprenants

aux dogmes ; et convier les encadreurs à la discussion sans for-

malisme.

Malgré les contraintes, une majorité d'enseignants se

consacre passionnément aux stages. Ce n'est pas qu'une hiérarchi-

sation des tâches gratifie leur participation - les faisant stra-

teges de la recherche ; ni qu'ils s'approprient le mérite des

travaux (si communication il y a, elle s'effectue en nom collec-

tif : cf. § 3.8). mais précisément, lors des stages, comme pour

les étudiants, dans cette division non bureaucratique du travail,

une connaissance différente se noue, des relations d'estime, de

perfectionnement mutuel, entre encadreurs et avec les stagiaires,

qui enrichissent les rapports ultérieurs.

L'occasion (la seule à,l'Institut) de réaliser des tra-

vaux, de se confronter aux pratiques sociales, correspond aussi

au besoin pour les enseignants d'exercer leurs compétences ; au

souci de mettre à jour leurs savoirs, et d'en éprouver l'intérêt.

Un résultat de qualité (confirmée par la communauté scientifique

cf. § 3.8), confère enfin à la pertinence de l'enseignement et

à l'efficience pédagogique une force probatoire sans égale - pour

les étudiants comme les enseignants.

3.8. Un autre enjeu que la note Publications, colloques,

seàinaires.

Pour que les stages n'entraînent pas à l'application

-38-

machinale de règles, il faut éviter qu'ils tournent au jeu

d'école ! Pour que le système reste vivant, il est indispensa-

ble que l'extérieur soit pris à témoin de l'intérêt des travaux.

Trois dispositions y concourent :

. LFS STRUCTURES D'ACCUEIL se voient soumettre, pour

accord conventionnel, le thème de stage ; si ce thè-

me est "scolaire", s'il ne correspond pas à leurs

préoccupations, il est rejeté : plus d'accueil, pas

de stages.

. DES PROFESSIONNELS participent aux jurys de 4° année :

éconanistes ou statisticiens du Plan, qui ont suivi

le travail en cours d'année.

Dans les autres années, on ne peut réunir la pluralité

d'interlocuteurs qu'ont eus les étudiants pour mener

leur travail à bien. Plutôt que de privilégier un

correspondant unique de la structure d'accueil qui ne

serait pas au fait de l'ensemble de la démarche, et de

lui faire formellement remplir une fiche d'évàluation

(limitée à des dimensions superficielles), l'Institut

préfère ADRESSER. TOUS LES TRAVAUX achevés aux structu:,

res d'accueil. La sanction vient l'année suivante,

avec l'acceptation ou non de l'accueil pour de nouveaux

stages.

. Le principal dispositif est LA COMMUNICATION des meil-

leurs travaux, d'abord à l'occasion de SEM:MAIRES OU

COLLOQUES ; PUIS LEUR PUBLICATION, si les spécialistes

en ont prisé la qualité. L'avantage est de ne plus

faire intervenir des juges isolés, mais la cammunauté

scientifique. Les débats ouverts, non seulement con-

trôlent chaque aspect de méthode avec exigence, mais

enrichissent les résultats de caununications nouvelles,

et donnent le ton des préoccupations d'avenir. Pour

l'Institut, c'est l'occasion de vérifier la pertinen-

ce de ses "thèmes", la valeur de ses travaux, et d'an-

ticiper de nouveaux sujets de recherche. Pour les étu-

-39-

diants, celle d'apercevoir l'intérêt d'une critique

sévère mais désintéressée des "pairs", de s'intégrer

à un débat scientifique, de prouver leurs compétences

et de trouver un autre enjeu que la note.

En fait, un bon ensemble de communications ne s'ob-

tient qu'après 2 ou 3 ans de travaux consacrés à

explorer un thème, par divers stages de la 1° à la

4° année. Vient alors un marrent où la qualité générale

des travaux s'élève, où la majorité des groupes enga-

gés sur le "thème" devient capable de produire des

résultats d'intérêt : les coups d'éclat ne sont plus

sans lendemain. C'est la différence avec une recherche

réservée à quelques enseignants, ou à des groupes ex-

ceptionnels. Ce dispositif est stimulant pour les étu-

diants, avertis de la qualité que peut revêtir leurs

travaux, et qu'ils s'acharnent à atteindre.

On peut seulement regretter que du temps manque encore,

pour tirer du dispositif et des efforts consentis leur

plein bénéfice. L'ensemble des rapports est certes con-

servé par l'Institut, et les meilleurs sont publiés.

Mais reste à CONSTITUER UNE TRIPLEMMDIRE DES STAGES :

. celle des résultats bien établis, de nota-

tions fines de terrain, dispersées en de nombreux rap-

ports, et qui formeraient un précieux recueil de données,

pour servir à des synthèses ou des travaux ultérieurs.

Le temps manque en fin d'année pour en faire le répertoi-

re, puis d'autres tâches accaparent chacun.

. dans une perspective pédagogique, chaque

stage offre aussi d'excellents exemples des limites ou

de l'opportune application de techniques et concepts.

C'est une source inépuisable de "travaux dirigés", de

statistique, d'analyse économique ou spatiale, qui vau-

- 40

draient d'être rassemblés en manuels.

. enfin, la pratique de recherche révèle à

chaud de nombreux points de méthode-: il serait bon

de conserver trace de la démarche qui les a mis au

jour, corrigeant, au besoin, des erreurs exemplaires.

Bien qu'on ne voie guère, pour l'heure, comment réaliser

cette triple mémoire dans le cadre tendu des chartes de travail

existant, il est souhaitable qu'à terme bref des enseignants, des

étudiants, ou les deux conjointement, s'attachent à faire le point

des résultats acquis - au moins en quelques danaines -, qu'ils

les rendent publics, accessibles, pour servir de nouveaux travaux

et l'enseignement à venir.

3.9. Rôles d'un bureau des stages

Chaque groupe étudiant (de 4 ou 5 membres) a la responsa-

bilité d'enquêter, en 6 à 8 semaines de terrain, sur un objet

propre, en un lieu précis.

Matériellement, l'organisation de cette intervention

nécessite l'accomplissement, par une cellule spécialisée, de tâ-

ches diverses :

- il faut s'assurer l'accord, sur le thème et les moda-

lités d'intervention, des autorités de la zone d'accueil (Wila-

yate, APC, sociétés nationales...)

- il faut garantir à tous les étudiants, aux dates pré-

vues, le transport et l'hébergement dans des conditions décentes

- il faut s'assurer de la possibilité matérielle de

(sur) vie des étudiants pendant le stage. Les étudiants disposent

de frais de stage, mais leur modicité conduit à solliciter les

structures d'accueil, pour qu'elles financent l'hébergement et

la restauration : il faut donc qu'elles soient intéressées au

stage (à son thème, à ses résultats), et qu'elles en reçoivent

à temps la contrepartie (au moins la livraison des rapports de

- 41 -

stage, dès leur achèvement).

LE BUREAU DES STAGES, cellule spécialisée de la Sous-

Direction des Etudes, accomplit ces tâches avec un matériel et

un personnel propres. Il comprend de 2 à 4 permanents (dont 1

dactylo, et des "enseignants-chercheurs"). Il entretient un fi-

chier des structures d'accueil, passées et potentielles ; il or-

ganise les démarches auprès d'elles : soit par courrier (un thè-

me étant choisi est proposé, et si besoin plusieurs fois rappe-

lé, aux autorites de zones d'aCcueil adéquates en nombre triple

du nécessaire : ce qui assure à peu près le placement des groupes

étudiants engagés sur le thème) ; puis directement, par déplace-

ment sur le terrain, pour négociation d'une "convention" d'ac-

cueil, précisant le thème et les travaux à effectuer, leurs lieux

et leur calendrier, les documents à réaliser et leurs destinatai-

res ; facilitant l'accès à l'information et le séjour de terrain

. Le bureau des stages continuera d'entretenir

ces relations pendant et après le stage, ses membres participant

à l'encadrement de terrain, se chargeant alors souvent des "rela-

tions publiques", puis assurant la diffusion prévue des travaux,

et s'enquérant des réactions des hôtes ; il leur reste pour finir

à constituer une "mémoire du stage", un dossier résumant l'intérêt

du thème et des travaux faits, les procèdures de prospection et

la qualité d'accueil, les échecs, les réussites et leur raison,

pour servir l'organisation de futurs stages.

Mais le rôle du "bureau des stages"a un deuxième versant.

Pédagogiquement, c'est à lui de lancer, en temps utile, et d'ani-

mer les réunions du collectif enseignant, d'abord (avec des étu-

diants) pour choisir le thème de stage ; puis pour l'élaborer,

l'analyser, arrêter un programme de terrain, un plan, un protocole,

un calendrier d'enquêtes. C'est au bureau des stages de sans cesse

avancer les exigences de la formation méthodologique (contradic-

toirement avec celles de l'assimilation des cours) ; d'analyser,

et d'ordonner en un parcours pédagogique les difficultés du métier

de statisticien ; d'y intéresser les étudiants et les enseignants,

7-:42

au delà de leurs rôles institutionnels : favorisant l'établis-

sement d'un langage commun (inter-disciplinaire) entre enca-

dreurs ; familiarisant les enseignants avec les résultats et

les méthodes d'autres disciplines que la leur ; avec les instru-

ments d'enquête, leur valeur et leurs limites ; avec les ques-

tions de méthode ; et guidant les étudiants, au moyen d'un en-

cadrement homogène, averti, dans le parcours des mêmes étapes,

au long de leur préparation, de leur terrain, de l'exploitation,

conduisant à faire oeuvre de travailleurs scientifiques.

C'est encore au bureau des stages de discerner les

résultats à mémoriser, ou mettre au domaine public ; d'impulser,

de revendiquer la carmunication des meilleurs travaux, la tenue

de seminaires et colloques. C'est à lui, pour la continuité,

d'entretenir un réseau de relations scientifiques, de se tenir

au fait des travaux effectués hors institut, pour prévoir, initier,

suggerer, entreprendre opportunément les nouvelles recherches qui

seront d'actualité, d'utilité maximale, au marrent où leurs résul-

tats seront prêts.

Ici encore, la nécessité se fait jour, d'une cellule

spécialisée dans ces tâches et préoccupations, contrebalançant

les soucis strictement professoraux (et contrebalancée par eux).

C'est pourquoi le "bureau des stages" gagne à se canposer de

personnes versées dans le métier, éventuellement de chercheurs

(ou "d'enseignants-chercheurs" qui accentueront ce dernier trait

de leur profil, tant qu'ils demeureront en fonction dans la

cellule stages). C'est aussi pourquoi la désignation officielle

(et plus juste) du bureau des stages est à l'Institut celle de

"BUREAU DiLoamITE APPLIQUEE". Il lui revient de pressentir,

défendre, encourager les travaux d'intérêt scientifique, à portée

de l'Institut, d'en favoriser la réalisation, d'en mémoriser et

valoriser les résultats.

-- 43 -

4. Erreurs et panneaux

S'il est loin d'être achevé ni parfait, le dispositif de stages

qui s'est construit par essais - erreurs, permet au moins de

savoir ce qu'il vaut d'éviter. Rappelons ici quelques tentations, "natu-

relles" a la mise en place d'un système de stages, et qui nous paraissent,

avec recul, des impasses.

. Le premier danger est celui de stages sans objectif ni stratégie

de formation. C'est le cas, nous l'avons dit, de stages "professionnels"

dont l'organisation est toute remise aux structures d'accueil. Or, les

étudiants ne sont pas des professionnels : le rôle de l'Institut est pré-

cisément d'analyser le métier, ou plutôt la méthode, pour l'enseigner,

Far parties et en raccourci, selon une pédagogie construite. "L'immersion"

dans la profession n'a pas de vertus instructives de soi : elle peut n'ap-

prendre qu'un recueil hétéroclite de "tours de min", de savoir-faire par-

cellisés, plus ou moins assimilables selon leur congruence avec les techni-

ques et les concepts connus.

De même, les stages "d'imprégnation" ("ouvriers", "paysans"), ou

de pur depaysement ("voyages d'étude"), se fiant aux impressions vives re-

çues en situation deroutante, ne laissent trop souvent qu'un kaléidoscope

de sentiments (bénéfiques à des sensibilités justes, mais peu construits,

médités, stables, came les acquis laissés par une étude effectuée dans le

milieu).

L'Institut est peu tombé, sinon aux tout débuts, dans les travers

ici évoqués. liais ont doit voir que leur persistance conduirait à margi-

naliser les stages, tenus hors du temps de formation programmée (pendant

les vacances...), et hors contrôle pédagogique.

. Deuxième danger, â l'inverse : les stages trop étroitement liés

aux programmes. L'Institut a connu cette formule, impliquant 4 ou 5 stages

par an, aux théines exactement subordonnes à l'enseignement éconamique. Mais,

peut-on "donner à voir" (et non à construire) des "rapports de production" ?

Ét si c'est dans une unite de production isolée, pour la simplicité péda-

-44-

gogique, n'y a-t-il pas artifice, condamnable en méthode ? Le concept ne

sera éprouvé que s'il sert, par exemple, à expliquer la Révolution Agraire,

sa nécessité et son développement - mettons, en steppe... Les travaux ef-

fectués très près du cours montrent une précieuse attention aux détails

(de remarquables descriptions des forces productives, par exemple) ; mais

une moindre réussite dans l'analyse de situations camplexes ; et trop de

dogmatisme : les conclusions sont prévues d'avance - restitution du cours

dont on sait qu'il s'agit de l'appliquer ; restriction au thème étroit

imposé - même si la situation concrète appelait d'autres concepts, d'autres

techniques, une autre problématique ; exclusion de la variété des préoc-

cupations. Le dispositif dénie aux stages tout objectif Propre de forma-

tion ; c'est au contraire ce qu'il faut rechercher. A chaque institution

de choisir sa réponse. Pour (et ce choix me senble pouvoir

être partagé), l'objectif des stages est la formation méthodologique. Il

faut, de là, une stratégie et de l'organisation dans les stages.

. Le troisième danger est précisément de sous-estimer cette

nécessité d'organisation.

- Soit aucune cellule spécialisée n'existe, et la tâche repose

sur le collectif enseignant. Inutile surcharge pour les professeurs, le

dispositif est peu efficient : les responsabilités se diluent, la coordina-

tion est difficile ; les prospections de structures d'accueil, tard entre-

prises, n'évitent pas les ennuis de groupes encore non placés à la dernière

minute ; peu d'archives des stages - de fichiers d'adresses, de modèles de

lettres, de cannunications avec les hôtes après accueil, se constituent

pour servir des prospections ultérieures ; les relations nouées, par quel-

ques professeurs avec des interlocuteurs privilégiés, se perdent au départ

des uns ou des autres. La création d'un bureau des stages est indispensable,

pour entretenir un réseau cumulatif d'accueil.

- A l'inverse, il est aussi dangereux de remettre à cette cellule

la totalité de certaines opérations : soit de spécialiser le bureau des

stages dans l'intendance, et le collectif enseignant dans la conception ;

soit de tout abandonner au bureau des stages. La première solution reporte

vers une soumission trop étroite des stages aux progranues. La seconde ris-

que de subordonner thèmes et pédagogie aux facilités d'accueil. Dans le

-45-

premier cas, l'apprentissage de la méthode est embryonnaire ; il se confond

avec la mise en oeuvre de savoirs - dans les conditions exclusives de leur

meilleure réussite ; dans le second, la méthode risque d'être fétichisée,

isolée carme un savoir propre, réduite à un recueil de préceptes.

Il importe au contraire que les stages soient "montés" par le

bureau des stages et le collectif enseignant conjointement ; et que les

relations entre les deux partenaires demeurent conflictuelles : au premier

revient de mettre en avant les exigences propres d'un enseignement métho-

dologique ; de rendre sensibles les contraintes d'accueil, la pression de

l'actualité, de la communauté scientifique, du public, de l'extérieur de

l'institution. Au second de réaliser le lien avec les progranues, et d'a-

vancer l'exigence d'une pédagogie.

. Rappelons pour finir quelques impasses toujours menaçants :

- le refus du travail de groupe, la notation et les sujets "indi-

viduels", condamnant les travaux à la superficialité, à la parcellisation,

ou les réduisant à des compilations sans originalité (cf. § 3.1 et 3.4).

- la multiplication des thèmes, l'adoption d'un sujet différent

pour chaque groupe de travail : non seulement l'efficience de l'encadrement

y perd (les professeurs se dispersant, ou le recours devenant nécessaire à

des vacataires spécialistes de chaque question, mais non nambres du collec-

tif enseignant - dont le rôle disparaît) ; mais la concentration des forces

et son bénéfice se perdent (cf. § 3.1).

- l'adoption de thèmes ou sujets trop ambitieux : confusion d'un

sujet avec un "thème annuel", ou de celui-ci avec un champ d'études si

large qu'il ne peut faire l'objet que d'une investigation pluri-annuelle (1).

(1) L'avatar est arrivé à l'I.T.P.E.A., se proposant en 1977 de traiter

de "l'industrialisation de 2° ceinture et ses effets sur l'arrière-pays"

en une seule année, sous tous les aspects...

-46-

5. Critiques

Le dispositif de l'I.T.P.E.A., tel qu'il vient d'être exposé, fait

l'objet de discussions à l'Institut même. La plus sérieuse critique (1)

est qu'il se place exclusivement sur un plan de perfectionnement pédagogi-

que. "Aux problèmes pédagogiques, deS solutions pédagogiques : c'est le

principal défaut". Or, "l'acadectisme ou l'empirisme" étudiants, que les

stages pretendent réduire, puisent leur détermination dans l'institution

même, et sa fonction sociale : comme tout établissement de formation,

c'est un "lieu relativement clos, prevu pour qu'on s'y enferme dans les

rapports asymétriques entre (contre-)maîtres et apprentis du savoir", sans

pratique sociale. Rien alors d'étonnant si les élèves en majorité "cherchent

plus à obtenir de bonnes notes qu'a parfaire leur formation",; ni si l'ap-

propriation des theories enseignées porte au dogmatisme, si l'on hésite à

poser soi-même hypothèses et problèmes, si l'on tend à s'enfermer dans une

technicité surestimée... Les stages eux-mènes ne posent pas le problème de

la relation entre théorie et pratique, mais seulement confrontent la for-

maticin "théorique" telle qu'elle est dispensée, et l'observation de la réa-

lité ; tandis que la théorie, chose vivante, "naît de et dans les luttes",

s'y confronte et s'y- modifie : là réside "le véritable lien entre théorie

et pratique". Il ne faut donc pas s'illusionner sur la portée des stages.

La critique est forte et juste. Retenons volontiers que les

stages ne modifieront pas les contraintes institutionnelles, ni la fonction

sociale des établissements de formation ; qu'eux-mêmes en sont contraints,

biaisés, et risquent de retomber dans un jeu académique (cf. § 3.8). Mais

dans l'institution, et vis-à-vis de son coeur (le rapport "enseignants/en-

seignés"), ils se sont assigné - rappelons le - des objectifs originaux :

(1) Exposée dans le document 092/SG/76/ITPEA.

-47-

- alimenter l'intérêt des étudiants pour l'analyse des "réalités'

(: des pratiques sociales)

- développer le souci de ne pas s'isoler, par les études, du

monde du travail

- manifester et déployer les compétences étudiantes (et pas

seulement la maîtrise de connaissances générales)

- substituer, à l'autorité magistrale habituelle, une stimulation

encadreurs/stagiaires.

Les obstacles à ce programme„ notamment à son dernier point, ne

manquent pas de surgir à chaque pas de la préparation, et de la réalisation

des stages : débat sur les thèmes à traiter (ne sont-ils pas trop "éloignés

des prografraes", trop 'engagés dans l'actualité", trop "ambitieux'' ?) ;

hésitation à associer des étudiants aux choix de sujet, et de problématique ;

indécision à publier les résultats produits, à confier aux étudiants mêmes

leur communication dans des colloques professionnels... Nul dispositif n'em-

pêchera des luttes à ces sujets. L'avantage du présent dispositif est de

leur donner lieu... L'idéal serait de né laisser subsister d'asymétrie que

ce qui est fécond dans la formation, et non ce qui l'entrave. L'essentiel

demeure que les stages, s'étant fixé pareil objectif, empêchent l'extinction

d'un débat là-dessus, suscitent initiatives et polémiques en ce domaine :

c'est le cas â l'Institut, et signe que l'activité y conserve sa vie, sa

fonction critique, sa capacité de stimulation, de et dans l'institution (1).

Autre éludent de la critique : l'énergie des étudiants

est mobilisée pour l'analyse, non la pratique, c'est vrai ; les travaux

(1) Ce qu'accordent les auteurs de la critique, estimant qu'il y a seulement

à toujours perfectionner un dispositif qui déjà, "par rapport à d'autres

établissements enseignants, atténue et corrige même partiellement l'asymé-

trie des rapports maître/élève, aiguillonnant les uns et les autres jusqu'à

produire un "travail considérable' - en préparation et sur le terrain" -

pour obtenir des résultats de qualité meilleure.

-48-

effectués sont d'observation, non d'action. Un premier avantage - pédago-

gique - est de confronter au moins l'enseignement à l'observation des

faits ; de mettre les programmes à l'épreuve - y triant le sclérosé, le

rituel, de l'utile et de ce qui garde 'mordant". Mais aussi, construire

une étude est une pratique : la seule qu'on puisse vraisemblablement (1)

proposer à des étudiants, hors l'apprentissage didactique : celle de

recherche, référant aux normes et sanctions de la caununauté scientifique.

Cr, il est important, précisément, qu'il y ait alternative de pratiques,

pour rendre sensibles les contraintes institutionnelles et les fonctions

sociales, pesant sur chacune. C'est pourquoi nous renvoyons le plus volon-

tiers au jugement de la communauté scientifique, et nous considérons que

l'enjeu alternatif de la "note" est la validation des résultats, par cette

communauté : question de cohérence. Cela ne veut pas dire que tous les grou-

pes auront à produire des résultats de valeur scientifique, mais que le

dispositif vise à en rapprocher le plus grand nombre (cf. § 3.8) ; et crue

tous ont à faire preuve d'objectivité, dans le traitement des questions qu'ils

abordent. Cela ne veut pas dire, aussi, que le souci d'application des résul-

tats soit absent : tout au contraire, le choix des thèmes y porte, et l'e-

xigence en est présentée, lors de l'évaluation ; mais il s'agit que les grou-

pes y procèdent, au lieu de préjuger de solutions ; qu'ils proposent un

cheminement possible de transformation, après analyse des objectifs et des

contraintes en toute indépendance d'esprit ; qu'ils ne postulent pas une

voie imaginaire d'évolution, faisant fi de déterminations réelles.

Dernier point : les stages n'évitent pas "la coupure du monde du

travail". L'observation, même en sympathie, n'est pas la transmutation en

l'un des acteurs sociaux. Mais l'objectif existe, tendanciel : il s'agit,

au moins, d'éviter la méritocratie naïve. Le "principe de terrain" nous

parait ici essentiel. Non seulement par l'ouverture à de nambreux milieux,

à laquelle, pratiquement, il oblige ; mais par le refus d'une hiérarchisa-

tion des tâches, le parcours d'une pratique entière, qui est, non seulement

de bonne formation pour la vie professionnelle, mais objet de réflexion

sur les hiérarchisations sociales, prenant indûment prétexte d'une réparti-

(1) i.e. : dont le "jeu" soit vrai, qui puisse être intégralement parcourue,

avec ses enjeux et conséquences pratiques.

-49-

tion technique des tâches. La familiarisation édifiée en cours d'enquête,

avec les réalités du pays, avec les conditions de vie et de travail,

ouvrieres et paysannes en particulier, ne sont pas moins utiles. Il n'y

a pas là de quoi remplacer les "stages ouvriers" prônés par certains :

mais pour ma part je doute que de tels stages constituent, pour une ma-

jorité d'étudiants, une pratique "vraisemblable" : autre chose qu'une

parenthèse, dans le cours institutionnel de leur formation ; la doctrine

en resterait, en tous cas, à construire.

Après celles là, d'autres critiques sont mineures. N'en retenons

qu'une : celle de tenir les thèmes de stage relativement indépendants du

programme (en tous cas de ses intitulés) : on a déjà qu'un thème est bien

entendu choisi (c'est un des critères) pour sa faisabilité compte-tenu

des acquis étudiants ; les instruments qu'il permettra de mettre en oeuvre

sont soigneusement recherchés dès ce choix, puis élaborés, diffusés auprès

de tous les encadreurs, introduits en des T.D. de préparation étudiante.

Mais ce n'est pas d'eux que l'on part, et rien n'empêchera d'en utiliser

d'autres, en cours d'étude, fût-ce hors programmes, si les faits le deman-

dent. C'est bien ce qui se passe (1), et nous paraît de bonne méthode, à

l'inverse d'une programmation étroitement soumise à l'application de

concepts ou techniques pré-établis. Nous avons expliqué pourquoi (§ 4)

cette dernière solution nous paraît même une erreur de taille, dans la

conception des stages.

La dernière critique à mentionner, parfaitement justifiée, tient

à l'insuffisante diffusion des travaux. Certes, un exemplaire de tous les

rapports et mémoires est conservé, pour consultation, au Bureau des Stages.

Mais de nombreuses parts (Plan, Ministères, Centres de recherche, étudiants

thésards,... Institut même), une diffusion plus accessible est souvent

réclamée. Nous avons dit l'intérêt que présenterait la publication, non

seulement des meilleurs travaux, mais de synthèses par stage et mieux par

thème, ainsi que de recueils, mémorisant les résultats les plus fins et

les mieux établis, les trouvailles pédagogiques - mises en forme de T.D.

(1) Des travaux "Santé" ont ainsi conduit à développer le cours d'analyse

des données, et perfectionner celui de "sondage" : d'abord pour les étudiants

concernés, et l'année suivante pour tous.

oudetudes de cas -, les leçons méthodologiques. Encore une fois, la ques-

tion est celle du temps disponible, pour enseignants ou étudiants, qu'on

n'a su jusqu'ici trouver, tant que les uns et les autres sont en activité,

de plein temps, à l'Institut.

6. Conclusion

L'expérience I.T.P.E.A. des stages dans la formation de statis-

ticiens et planificateurs repose sur un dispositif institutionnellement

favorable :

- important crédit horaire (3/11° du temps de formation)

- principe d'un encadrement enseignant intensif (durant lequel

les professeurs sont déchargés de leurs autres tâches)

- budget permettant le déplacement, sur terrain, des encadreurs

et stagiaires pour une longue durée (1 à 2 mois).

Pour bien user de ces moyens, il a fallu dégager une doctrine,

qui précise le bénéfice propre espéré des stages. L'objectif principal

retenu est celui de FORMATIONMETHODOLOGIQUE : reconnaître les obstacles,

y compris personnels, que chacun oppose à la construction scientifique de

la connaissance ; rechercher la critique scientifique des pairs ; mettre

en oeuvre et à l'épreuve les instruments appris, de construction et d'ob-

servation des faits, de traitement des données ; mesurer leur valeur et

leurs limites, leur champ d'application ; les choisir opportunément...

Les stages auront aussi à corriger certaines déformations d'un enseignement

dans les murs : à familiariser les étudiants avec l'imprévu des réalités

sociales, observable à travers le pays et les milieux divers ; à subvertir

l'autorit&macristrale dans ses aspects sclérosants. La poursuite de ces

objectifs repose sur la formule suivante :

- le travail des étudiants en groupe (4 à 5 membres)

- la construction, par chaque groupe, chaque année, d'une étude

entière (de la problèmatique aux conclusions), portant sur une question

d'actualité, concernant une transformation sociale en cours, observable

- la concentration des forces : la coopération d'au moins 5

-51 -

groupes étudiants travaillant sur un même thème, l'Institut choisissant

d'intervenir chaque année en un petit nombre de lieux, dans un petit nan-

bre de damaines (reconductibles, et où il accumule expérience et résul-

tats).

- l'importance des travaux de terrain (1 mois à 1 mois 1/2,

scindés en 2 stages que sépare une réflexion méthodologique)

- l'inscription toute l'année à l'emploi du temps étudiant d'une

préparation hebdamadaire (établissement d'une problématique, reconsidé-

ration du matériau et des procédés de collecte, traitement des données)

- l'institution d'une préparation parallèle du collectif ensei-

gnant, l'entraînant à la recherche, aux tâches d'encadrement, et homogé-

néisant ses interventions

- l'intervention d'une cellule spécialisée, le bureau des stages,

non seulement pour préparer matériellement l'accueil et mémoriser l'expé-

rience acquise, mais pour faire valoir les réquisits propres de la formation

méthodologique, entretenir des relations scientifiques, mettre en jeu des

compétences, des exigences d'hommes de métier, de chercheurs.

- la prise à témoin de l'extérieur, pour apprécier les travaux,

particulièrement de la cammunauté scientifique à propos des meilleurs :

colloques et séminaires, publications donnent un autre enjeu que la note,

et permettent d'ancrer celle-ci à une échelle de valeurs "objective",

autre qu'étroitement institutionnelle.

Sauf cas exceptionnel, la notation des rapports et mémoires de

stage est collective (mène note pour tous les membres du groupe). Elle est

élaborée par un jury, tenant canpte d'une grille d'évaluation minutieuse-

ment construite, et considérant de multiples dimensions.

Non seulement de tels stages éveillent le vif intérêt, des étu-

diants came des enseignants. Mais sans s'illusionner sur leur portée

(ils ne résolvent pas au fond la question du lien théorie/pratique ; ils

n'évitent pas toute coupure du monde du travail ; ils ne subvertissent

pas toute autorité magistrale indue), on peut les créditer d'une saune

de résultats sur le plan des objectifs poursuivis (formation méthodologique

et désenclavement d'une formation dans les murs) ; et sur celui des données

originales, scientifiquement construites (notamment en matière de bilans

-52-

agraires, de planification sanitaire, industrielle...). En stimulant l'ins-

titution, ils contribuent à lutter utilement contre les défauts courctnent

reprochés au statisticien : surestimation de la précision, défaut de pro-

blumatique, manipulations techniques irréfléchies, méconnaissance de

l'erreur d'observation...

Toutes les conditions ici mises en oeuvre sont-elles nécessaires

pour un tel résultat ? Celles présentées forment assurément un tout. Une

autre institution pourrait créer d'autres dispositifs, selon ses contrain-

tes institutionnelles propres : mais nulle ne peut faire l'économie de

ces préceptes :

. l'objectif doit être clair, autonome à l'égard du bénéfice

attendu de cours et T.D.

. la formation méthodologique est un objectif essentiel. Mais la

méthode s'enseigne mal : elle s'exerce, sous vigilance collective

. le terrain a pour cela de grandes vertus : le temps, le budget,

l'enrdrement qui y sont nécessaires sont des contraintes incompressibles,

qu'il revient à l'institution d'accepter

. les stages ont besoin d'être intégrés au cursus, de faire l'ob-

jet d'une pédagogie, non désarticulée du reste des activités didactiques,

des préoccupations professorales

. enfin, l'exigence, méthodologique, de vigilances croisées,

recommande le caractère collectif de l'activité, ici multiplié par la

mise en jeu de groupes étudiants, du collectif enseignant, de la cellule

spécialisée qu'est le bureau des stages, et en dernier ressort de la com-

munauté scientifique, dont le jugement est sollicité.

-53-

UN MODELE SECTORIEL AGRICOLE (1)

par : B. THABET

- SOMMAIRE -

1. 1[4220DUCTION

2. DESCRIPTION DU MODELE SECTORIEL

2.1. Les activités

2.2. Les lignes et les contraintes

2.3. Les colonnes auxiliaires

2.4. La fonction d'objectif

3. LE MODELE SECTORIEL ET US MODE FS D'OPTIMISATION CLASSIQUES

3.1. La demande des produits

3.2. Interaction entre les secteurs

4. UTILISATIONS POSSIBLES DU MODFT.E. SECTORIEL

4.1. Le raodèle sectoriel et les projections sectorielles

de production

4.2. Politiques de prix

4.3. Les politiques d'emploi

4.4. Les politiques de crédit et d'investissement

b. QUELQUES RESULTATS DU MODELE

5.1. Déplacement de la demande

5.2. Limitation de l'importation des céréales

5.3. Effets d'augmentation des salaires

- CONCLUSION

- DISCUSSION

- BIBLIOC;RAPHIE

(1) Extrait d'un cours sur l'analyse des projets agricoles présenté à

Tunis en Juin 1977, lors d'un séminaire réalisé en liaison avec la FAO.

-54-

1. INTIUDUCTICN

Dans le cadre de l'analyse sectorielle formalisée (1) et dans

le but de mieux asseoir les plans agricoles, un travail a été entamé

pour l'élaboration d'un modèle sectoriel de type linéaire pour le

secteur agricole.

Une version de ce modèle a été mise au point. Elle est actuel-

lement en cours d'actualisation et d'expérimentation en Tunisie.

Le premier but de ce modèle est de donner au planificateur un

cadre analytique de référence afin qu'il puisse faire des tests de co-

hérence des objectifs du plan et confronter ces objectifs aux moyens à

utiliser pour y arriver. Ce modèle servira aussi à évaluer certaines

politiques : notamment les politiques de prix, d'emploi, d'investisse-

ment et de crédit.

La méthodologie suivie a été de construire un modèle global où

seraient confrontés les différents secteurs de production agricole d'une

part, l'offre et la demande des produits agricoles d'autre part, enfin,

toutes les ressources agricoles (afin de les étudier simultanément).

Ce modèle se distingue des autres modèles de programmation

linéaire d'optimisation du fait que, par la fonction d'objectif, il

recherche la réalisation d'un équilibre entre l'offre et la demande pour

les principaux produits agricoles.

(1) J. VEPCUEIL "Analyse sectorielle de l'Agriculture"

Séminaire FAO-GINEA Tunis Juin 1977

A. CONDOS et C. CAPPI "Agricultural Sector Analysis" A linear FAO Octobre 1976

-55-

L'élaboration de ce modèle a commencé par l'établissement d'un

tableau (ou matrice) de toutes les spéculations agricoles, chacune re-

présentée par un vecteur reliant les intrants aux rendements.

La note qui va suivre comportera quatre parties :

. La preniere sera consacrée à la description détaillée du modèle secto-

riel

. La deuxième analysera les différences entre cette approche et les

modèles d'optimisation classiques,

. La troisième exposera les utilisations possibles du modèle,

Enfin, la dernière illustrera certains résultats. Il s'agit de trois

types d'expériences utilisant le modèle.

2. DESCRIPTION DU MCDFnE SECTORIEL •

Le modèle sectoriel se compose de quatre parties : les activi-

tés (ou variables d'objectif), les lignes (ou inéquations), les niveaux

de contraintes et la fonction d'objectif.

2.1. Les activités

On distingue tout d'abord les activités de production propre-

ment dites, ensuite la demande représentée par plusieurs colonnes de

différents produits ; enfin des colonnes qui donnent au résultat des

totaux soit de production, d'importation, d'exportation, de crédits ou

autres (colonnes auxiliaires).

a) - Les activités de production

Bien qu'il s'agisse d'un modèle macrosectoriel, c'est-à- dire

simulant le secteur agricole à un niveau assez agrégé, un découpage

du pays en grandes régions agro-éconamiques a été fait, afin de faire

ressortir les disparités régionales.

Aussi par souci de représentativité du modèle des réalités

Exploitations privées

Exploitations modernes

Exploitations traditionnelles

Exploitations publiques

2

Exploitations modernes

Exploitations traditionnelles

Exploitations publiques

Exploitations privées

-57-

agricoles tunisiennes, a-t-on regroupé les exploitations agricoles en

classes selon leur niveau technologie. Il s'en est suivi quatre gran-

des régions : le Nord-Est, le Nord-Ouest, le Centre et le Sud. Au sein

de chaque région, il existe deux types d'exploitations : modernes et

traditionnelles. Les Unités de Coopératives de Production (UŒ) et les

Agro-CaMbinats ont été regroupés à part, sous une mène rubrique appe-

lée "exploitations publiques". A l'intérieur de chaque type d'exploita-

tion, il a été défini un certain nombre d'activités ou colonnes qui ne

sont autres que les spéculations agricoles. Le tableau suivant résume

cet agencement.

Il est à remarquer, que pour les régions III et VI il n'a

pas été possible de disposer de données réelles permettant de distinguer

entre les niveaux technologiques des exploitations agricoles. Pour celà,

il n'y a qu'une seule catégorie d'exploitations que l'on suppose appar-

tenant toutes à des privés.

Ainsi donc on trouve pratiquement toutes les spéculations cou-

rantes (céréales, cultures maraichères, arboriculture et élevage) dans

chaque type d'exploitation. Le groupe des céréales comporte le blé dur,

le blé tendre, l'orge et les céréales secondaires. Les deux types de blé

peuvent être soit des variétés à haut rendement, soit des variétés ordi-

naires. L'arboriculture groupe les principaux arbres fruitiers, oliviers,

agrumes, amandiers, abricotiers, dattiers, etc...

Les exploitations maraichères, en plus de la distinction suivant

le niveau technologique qu'on a pu faire, peuvent être classées en 2

types d'exploitations : celles qui font des cultures maraichères de

saison, et celles qui font des cultures maraichéres en contre saison.

Pour ce qui est de l'élevage, on a procédé à une ventilation

entre les différents troupeaux : bovins, ovins, caprins, etc... ensuite

en bovins de race pure, bovins croisés et bovins d'origine locale. Quant

aux ovins, on a distingué les ovins laitiers du reste du troupeau.

Tanate

Piment

Culture de Panne de terre Saison Cucurbitacées

Artichaut

Divers

Tomate

Piment

Culture H. Pomme de terre Saison Cucurbitacées

-58-

Voici schématiquement la classification obtenue :

Blé dur à haut rendement

ordinaires

> Blé tendre____,Variétés à haut rendement ------->Variétés ordinaires

Orge et céréales secondaires

Céréales

Vesce avoines

Fourrages irrigués !Cultures Fourragères I

1 Arboriculture '

Oliviers

Agrumes

Dattes

Amandier

Abricotiers

Autres

- 59 -

Bovins Bovins de race pure Bovins croisés Bovins locaux

Ovins

Elevage

prins

Ovins laitiers tres ovins

idés et camélidés

(servant à la traction)

Chacune de ces spéculations représente un vecteur (ou activité

ou variable objectif) dans lequel sont reliés tous les intrants agrico-

les au rendement de la spéculation par unité de sol (hectare) ou d'ani-

maux (unité zootechnique).

b) - La demande

Les rendements obtenus, pour les différentes spéculations,

sommés donnent des productions globales. Prenons l'exemple du blé dur

à haut rendement. Celui-ci est représenté dans le modèle par un. vecteur.

La solution donne x hectares de cette spéculation. Si on multiplie le

rendement par x on obtient la production de blé dur à haut rendement.

Il en est de mène pour le blé tendre. La somme des productions du blé

dur et du blé tendre est égale à la production totale du secteur en

blé. On procède de la mâme façon pour les autres cultures. De plus, à

chacun de ces produits, correspond une demande formulée par les consom-

mateurs. S'il n'y a ni exportation ni importation, les produits seront

consommés localement. Quand il y a transaction avec l'étranger, nous

avons l'équation suivante :

Production locale + Importation = Demande Locale + Exportation

La demande d'une façon générale est essentiellement fonction

des prix des produits et du revenu du consommateur. Dans le cas parti-

culier du modèle sectoriel, elle est exprimée individuellement pour

les principaux produits et se situe au niveau producteur.

-60-

La formule qui donne les demandes est alors du type COBB-

DOUGLAS, c'est-à-dire ayant des élasticités de prix et de revenu cons-

tantes.

Soit : 0 = a Pc)( R p (1)

a : Constante

Q : Quantité demandée d'un produit donne

P : Prix de ce produit

R : Revenu du consommateur

Une transformation de cette équation donne :

log q = loga + o( log P + 13 log R

1 Log q = A +0(1cg P + g log R (2)

Pour connaître une courbe de demande déterminée à un niveau

de revenu donné, il suffit de connaître l'élasticité du prix de cette

demande et un point sur cette courbe. C'est ce qui a été fait dans le

cadre de ce modèle.

(1) - Dans cette première version du modèle sectoriel, les effets

croisés des prix sont négligés.

(2) - Un développement mathématique simple permet de voir que coÇ est

l'élasticité prix alors que 13 est l'élasticité revenu.

-61 -

Effectivelaent on est parti d'une situation de base connue

en prix et en quantité (1976) et on a utilisé des élasticités prix

estimées au niveau producteur (1). Le tableau suivant donne les élas-

ticités prix qui ont servi à l'établissement du modèle.

PRODUIT : EIASTICITE PRIX

Blé dur - 0,40

Blé tendre - 0,45

Orge - 0,20

Légumineuses - 0,10

Tomates - 0,50

Piments - 0,8

Pomme de terre de saison - 1,26

Pomme de terre H. saison - 2,0

Melons - Pastèques - 1,0

Oignons - 1,0

Artichauts - 4,5

Petits pois - 1,5

Autres légumes - 0,9

Oranges - 1,65

Autres fruits - 2,2

Viande bovine - 2,0

Viande ovine - 3,0

Lait - 3,5

L'introduction de cette demande dans le modèle s'est faite

par le biais d'un certain nombre de colonnes correspondant à un décou-

page de la courbe en étapes (ou segments). Ces étapes constituent en

quelque sorte des niveaux différents sur la dite courbe parmi lesquels

le modèle peut choisir librement pour équilibrer l'offre.

(1) La plupart des élasticités utilisées proviennent d'une étude faite par

J. HAMMOND. "Analyse des prix des produits agricoles tunisiens". BDPA.

1972.

- b2 -

Ainsi dans ce cas, il existe 15 étapes. A chaque étape choisie

le modèle essaye de respecter l'inégalité suivante :

IPRODUCTION - DEMANDE > O

Ce qui veut dire que la production doit au moins égaler la

demande.

2.2. Les lignes et les contraintes

Les lignes dans le modèle sectoriel correspondent aux ressour-

ces qui rentrent dans les productions agricoles telles que : terre,

main d'oeuvre, traction, engrais, eau, etc.

Les contraintes sont de deux types : des contraintes sur les

ressources et des contraintes sur les productions. Alors que les con-

traintes sur les ressources sont endogènes, il s'agit des disponibili-

tes existantes, les contraintes sur les productions sont exogènes et

portent sur les niveaux de production introduits.

: Niveau des contraintes Demande : sur les ressources 1BD 01

Terre région I

Moderne

Main d'oeuvre

Traction mécanique

Traction animale

Moisson

Engrais

Traitement

Rendement

Paille

Son

1 Ha

a journées

b heures

c journées

d heures

e dinars

f dinars

q quintaux

h quintaux) utilisés

quintaux) animaux es taux)anamalux

- D

-63-

Les coefficients a à i représentent les inputs utilisés par

Ha afin de produire q quintaux de blé ou les sous-produits de blé pro-

venant de 1 ha qui peuvent être soit vendus soit utilisés pour la consom-

mation animale.

Ecaminons les ressources une à une :

. La terre : Les terres sont classées par région, par type d'exploitation

et par vocation culturale. On parlera par exemple, des terres de la région

I appartenant aux exploitations modernes et à destination céréalière.

. La main d'oeuvre :

Elle a été aussi regroupée selon les régions, selon les dispo-

nibilités au courant de l'année et selon son origine. Ainsi, on a pu

distinguer trois saisons où les fréquences de main d'oeuvre varient :

soit salariée soit familiale.

- La saison 1 : correspond aux 4 premiers mois de l'année

Janvier, Février, Mars et Avril

- La saison 2 : correspond aux 4 mois suivants

- La saison 3 : correspond aux 4 derniers mois de l'année

. La traction : Même chose que pour la main d'oeuvre

. La moisson : Un coefficient représentant la durée de la moisson en

heures par hectare figure dans les lignes.

. L'engrais et les autres produits d'entretien et de traitement :

Les doses appliquées à l'hectare sont évaluées, un coefficient

(exprimé en dinars) est exprimé dans le vecteur input-output.

En plus des lignes mentionnées ci-dessus, il existe d'autres

lignes qui sont soit des lignes comptables c'est-à-dire permettant de

faire des comptes (entre production et demande par exemple) soit des

b4 -

contraintes de production indiquant des minima de production (par exem-

ple pour satisfaire les besoins d'un groupe de famille appartenant à

une catégorie donnée).

2.3. Les Colonnes Auxiliaires

Ces colonnes ou variables sont à usage pratique. Elles permet-

tent de lire directement dans la solution du modèle des totaux de tout

genre : totaux d'utilisation demain d'oeuvre ; soit pour l'ensemble du

secteur, indiquant ainsi la contribution du secteur agricole à l'emploi

national, soit une main d'oeuvre saisonnière, soit encore une main d'oeu-

vre régionale. On peut concevoir la même chose pour la traction, les

engrais, l'eau, les productions agricoles elles-mêmes, etc... La forma-

tion de ces colonnes peut se schématiser came suit (1) :

: B. dur: B. dur: Total: Total: Deuand: Niveau de B.ord.: H. rend 11.0 : trac.: :contraint.

Terre

Main d'oeuvre

Traction

Rendement

1 1

a : b : - 1 : :

:• c d - I

e : f :

4.0

Balance produit BDO - 1

Balance produit BDHR : - 1

Balance produit B.D 1 ' I - q

(1) - Le tableau ci-dessus est incamplet à la base, car il mancue cer-

taines lignes. Il sera campleté au fur et à mesure que la description

• du modèle devient plus complète.

65 -

La _onction objectif

Il est su rose, lors de l'établissement de ce modèle, au'il

existe cies demandes pour les produits agricoles formulées par les consom-

mateurs, Que les producteurs cherchent à satisfaire.

Il faUt noter que l'offre et la demande sont interdépendantes.

Généralement, les consaamateurs connaissent bien les marchés (souvent

fluctuants). Ils ajustent alors leurs revenus de façon à satisfaire

au maxiiituni leurs besoins.

Les producteurs, pris dans leur ensemble vont réagir en produi-

sant ce qui peut être le plus rentable de façon à maximiser leur profit.

Ce mecanisme du marché reste d'ordre général, abstraction faite

de ce qu essayer de simuler le modèle sectoriel. En effet, le modèle

sectoriel n'est qu'un outil mathematiaue acceptant n'importe quelle for-

mule. Il appartient donc au modelisateur d'exprimer clairement l'objectif

a donner à ce modèle.

Supposons cue l'on veuille simuler dans la fonction d'objectif

une situation qui se trouvait au-dessus du point d'équilibre entre l'of-

fre et la demande. Ce cas survient quand l'Etat soutient les prix. Les

producteurs ont alors tendance à augmenter leurs productions au-delà du

point d'équilibre. Les consommateurs par contre diminuent leur demande.

Ainsi, il résulte un surplus sur le marché local qu'il faut soit expor-

ter, soit stocker. Ceci peut être bon, mais le consommateur est moins

rassasie, sauf si les prix locaux sont établis différemment.

La situation inverse entrainerait un déficit à combler par

des importations.

Il est démontre en théorie (1) aue la seule situation qui pourrait

satisfaire à la fois les consommateurs et les producteurs est celle qui

(1) - SAUTWON "Spacial price equilihrian and linear programming" -

American Economic Review Vol 42 Juin 1952.

766-

correspond à l'équilibre entre l'offre et la demande.

Pour ce qui est du modèle sectoriel, le choix a été fait dans

ce sens, c'est-à-dire que le modèle réalise des équilibres de marché pour

les différents produits. Il y a croissance des productions jusqu'au

moment où les coûts marginaux croisent les courbes de demande des pro-

duits correspondants. En observant la réalité, on se rend compte que le

marché tunisien des produits agricoles n'est ni canpétitif, ni pur, ni

parfait. C'est tout simplement un aspect de marché canpétitif qui est

simulé dans la fonction objective et qui implique que tous les frais de

production sont rémunérés ni plus, ni moins. Toutefois, cet objectif

n'est pas sans fondement. En effet, il garantit que tous les producteurs

pratiquent des prix qui couvrent les frais de la dernière unité qu'ils

produisent.

D'autre part, cette situation étant définie, nul n'empêche l'u-

tilisateur du modèle de la modifier, en introduisant des contraintes

de tout genre. Car il faut distinguer entre l'objectif du modèle et celui

de son utilisateur. Pour la fonction du modèle, il s'agit d'augmenter

les productions agricoles (constituant ainsi l'offre des produits) jus-

qu'à ce qu'elles croisent les demandes respectives des produits. Cette

situation suppose par conséquent que les frais de production sont complè-

tement couverts par les prix des produits. Quant aux objectifs de l'uti-

lisateur du modèle, il est possible qu'ils soient différents, et qu'ils

ne réalisent pas uniquement des équilibres de marché. En effet, on peut

très bien avoir comme objectif de tester une politique de prix de pro-

duit et/ou de facteur, ou un certain niveau d'emploi etc... en analysant

par exemple leurs implications sur la répartition des ressources et

l'équilibre entre les sous-secteurs. En principe, tout objectif que

l'utilisateur du modèle veut étudier s'introduit canne contrainte au

modèle. Ainsi, l'on peut imaginer autant de contraintes que l'on veut (1).

Cependant, du riment que le modèle cherche toujours à équilibrer l'offre

(1) - Bien entendu en respectant certaines propriétés théoriques du

modèle entre autre que le nombre de colonnes soit supérieur au nombre

de lignes.

-67-

et la demande, tout test ou évaluation de contrainte se fait sous ces

conditions.

A titre d'exemple, l'évaluation des implications d'une certai-

ne politique d'emploi se réalise tout en respectant les équilibres de

marché des divers produits agricoles.

3. LE MODEnE SECTORIEL ET TRS mul-Fs D'OPTIMISATION CLASSIQUES

On s'intéressera dans cette partie essentiellement à ce qui

différencie le modèle sectoriel de certains modèles d'optimisation qui

sont en géneral conçus pour des entreprises économiques de dimensions

relativement petites : des exploitations agricoles, des petites régions

naturelles etc... Ces différences constitueront le fondement de la struc-

turation du modèle telle qu'elle a été définie plus haut.

3.1. La demande des produits

Lorsqu'il s'agit d'une entreprise de dimension réduite, on peut

facilement admettre que sa production ne va pas avoir d'effet sur le prix

existant sur le marché de ces produits. C'est ce qui fait qu'en général

on suppose que les prix sont constants et exogènes à l'entreprise. En

d'autres termes la demande des produits de cette entreprise est parfaite-

ment élastique.

Par contre, lorsqu'il s'agit d'un secteur en entier, par exemple

le secteur agricole, il est presque impossible de faire la mène hypothè-

se. C'est ainsi que dans le cadre du modèle sectoriel au lieu de supposer

que les prix sont exogènes, on suppose plutôt que la demande des produits

est une donnée exogène pour le secteur agricole. Les producteurs ne font

qu'ajuster leurs productions à la demande des consommateurs.

3.2. Interactions entre les Secteurs

Il est parfois préconisé de construire des modèles dont la

fonction objectif est de maximiser la production, l'emploi, la valeur

ajoutée, etc... Encore une fois dans certains cas bien spécifiques,

notamment au niveau d'une exploitation, ceci pourrait se justifier.

Mais au niveau du secteur, il serait aberrant de ne pas tenir

compte d'un certain nombre de facteurs qui varient selon l'objectif

bien sûr, mais qui sont indispensables pour toute planification secto-

rielle qui se veut efficace.

a) - Maximisation de la Production

Ceci ne peut se faire sans l'examen de ce qu'est au moins la

demande locale. La production doit se faire d'une part dans le but de

satisfaire la demande et d'autre part s'orienter vers ce qui est le plus

demandé. De plus, aucune augmentation de la production ne peut être

attendue sans tenir compte du niveau des prix des produits à encourager

ou des facteurs qui vont entrer dans les processus de production.

b) - Maximisation de l'emploi

Bien que la maximisation de l'emploi soit souhaitable, il est

difficile d'appliquer les résultats d'un tel modèle. Les raisons sont

multiples, nous en évoquerons quelques unes. On peut avoir des conséquen-

ces néfastes sur la production et son ajustement à la consommation. Des

déséquilibres importants peuvent apparaître. D'autre part, comment peut-

on imaginer que l'agriculteur, pour faire travailler plus de personnes

puisse renoncer a une partie de son profit.

c) - Maximisation de la valeur ajoutée

La valeur ajoutée du secteur agricole représente par défini-

tion la différence entre la valeur des productions qui quittent le sec-

teur et la valeur des facteurs de production que le secteur agricole

achète des autres secteurs de l'économie - C'est en quelque sorte, le

profit que réalise le secteur. Maximiser la valeur ajoutée du secteur

agricole revient à considérer que ce dernier se comporte caffime un mono-

pole ("Puisqu'il n'a pas de concurrents) qui, pour maximiser son profit

-69-

égaliserait son coût marginal avec son revenu marginal. Ceci se tra-

duirait par des réductions de l'offre des produits agricoles.

Pratiquement, dans le cadre du modèle sectoriel, cet objectif

est facile à introuire puisqu'il y figure une ligne comptable que l'on

appelle revenu du secteur et qui n'est autre que sa valeur ajoutée.

4. UTILISATIONS POSSIBLES DU MCDFLE SECTORIEL

Une fois actualisé et mis au point, le modèle sectoriel agri-

cole pourrait être d'une grande utilité aux planificateurs notamment

lors de :

1/ - La détermination des projections sectorielles aussi bien

dans le carire du budget économique que des plans à moyen

terme.

2/ - L'évaluation des politiques de prix.

3/ - Pour montrer les incidences de certaines politiques

et enfin :

4/ - Pour evaluer des investissements et des enveloppes de

crédit.

4.1. Le modèle sectoriel et les projections sectorielles de

production :

Il est supposé que les changements de production entre une

annee 1 et une année n données sont le résultat d'une part des ajuste-

ments de cette production par les agriculteurs de manière à équilibrer

les variations que subissent les demandes de produits pendant la période

écoulée et d'autre part des incidences des projets d'investissement.

Pour ce qui est de la demande globale d'un produit, elle varie

entre 2 dates données essentiellement sous l'effet de l'accroissement

de la population et du revenu par tête d'habitant.

Pour faire les projections en question, il suffit de faire des

hypotheses sur ces taux d'accroissement et de disposer l'élasticité

-70-

revenus pour chaque produit que l'on veut projeter.

Quant aux projets dont va bénéficier le secteur, il est néces-

saire de les formuler aussi concrètement que possible. En principe,

chaque projet intéresse un aspect bien déterminé de l'agriculture. Son

introduction dans le modèle sera par conséquent assez particulière. Mais

en général, il y a deux façons possibles de les intégrer :

a/ - En créant de nouvelles variables, si par exemple le projet

va permettre, soit la création d'un produit, soit un mode

nouveau de production.

b/ - En modifiant les niveaux de constraintes. A titre d'exemple,

un projet de reconversion des zones marginales céréaliè-

res en cultures fourragères d'une région bien déterminée

se matérialisera dans le modèle par une modification des

niveaux de contraintes des terres céréalières et fourragè-

res de cette région.

Dans ce cadre on peut imposer au modèle toute contrainte sur

les productions en leur appliquant soit des limites supérieures, soit

des limites inférieures, selon l'objectif de l'utilisateur.

4.2. - Politiques de prix :

Il y a aussi au moins deux manières d'évaluer les prix des pro-

duits agricoles, l'une à partir des prix d'équilibre (ou prix de référen-

ces) arrêtés par le modèle et l'autre en supprimant les courbes de deman-

de.

a/ - A partir des prix d'équilibre :

Si le prix courant d'un produit donné est inférieur au prix

d'équilibre indiqué par le modèle pour ce produit, il en résulte que le

premier ne couvre pas tous les frais de production du produit en question.

Si pour une raison ou une autre, on veut encourager cette production, il

y aurait lieu soit augmenter le prix de ce produit, si l'on veut que les

- 71 -

agriculteurs réagissent dans le bon sens, soit de prévoir des subven-

tions.

Si au contraire, le prix courant est supérieur au prix équili-

bre on pourrait par exemple penser à mettre une taxe sur le produit,

car les producteurs couvrent leurs frais de production et réalisent de

gros profits.

b/ - En supprimant la demande :

Ceci consiste â empêcher la solution du modèle de se déplacer

sur la courbe de demande. Le prix du produit à évaluer se substitue à

sa courbe de demande. Tout se passe carme si cette dernière est devenue

campletement elastique. L'évaluation se fera par conséquent, en exami-

nant les incidences de cette politique sur les productions, l'emploi, la

valeur ajoutée et d'autres variables que l'on jugera importantes.

4.3. Les politiques d'emploi

Une fois l'objectif d'emploi connu, il est possible de l'intro-

duire came contrainte au modèle. Ainsi, un certain nombre de niveaux

d'emploi pourraient être testés.

4.4. Les politiques de crédit et d'investissement :

Lors de l'introduction du crédit agricole dans le modèle secto-

riel, il a été supposé que le crédit correspond aux dépenses des agri-

culteurs en intrants agricoles. Par ailleurs, on a admis que ce crédit

ne peut avoir pour origine que les institutions gouvernementales (banques

et autres), les agriculteurs entre eux et l'autofinancement.

Ainsi, lors des processus de production chaque unité d'intrant

utilisé est canptabilisée dans une ligne appelée crédit. La résolution

du modèle pour une campagne agricole donne directement le besoin du sec-

teur en crédit (Institutionnel, non institutionnel et autofinancement).

-72-

Pour ce qui est des investissements, il s'agit bien entendu

d'investissement sous forme de projet. Pour en faire une approche, il

faut les décomposer autant que possible, pour qu'en les introduisant

dans le modèle, il ne survienne pas de difficulté.

Une fois le projet introduit dans le modèle, soit sous forme

d'activités nouvelles, soit sous forme de nouveau niveaux de contraintes

(voir III, plus haut), on mesure le bénefice réalisé par le projet en

comparant les valeurs des fonctions objectives avec et sans le projet.

En connaissant le coût du projet, il est possible alors de dé-

duire par exemple, le rapport bénéfice/coût, critère bien connu dans

l'évaluation des projets. Par ailleurs, on peut étudier l'évolution du

secteur (productions, besoins en ressources, emploi, valeur ajoutée

etc...) avec et sans projet. Ce oui permet d'avoir des indications

non négligeables pour l'évaluation canplète du projet d'investissement.

Le tableau ci-joint montre la structure canplète du modèle pour un produit

typique : le ble dur ordinaire.

5. QUELQUES RESULTATS DU MODFLR

Pour le besoin du séminaire, il a été réalisé trois expériences

avec le modèle sectoriel. La première a consisté à faire déplacer les

demandes des produits, sans introduire de contraintes au modèle et en

faisant des hypothèses sur les taux d'accroissement de la population et

du revenu par tête d'habitant.

La seconde expérience s'est proposée l'introduction des céréa-

les dans le modèle afin d'atteindre l'objectif du Vème Plan : 15 millions

de quintaux de céréales sont à produire afin d'éviter l'importation, à

l'horizon 1981.

La troisieue expérience a eu pour but de montrer l'effet d'une

augmentation poSsible du prix d'un facteur de production.

- 73 -

5.1. Deplaceaent de la daaande

Les taux d'accroisse:Lent sont ceux du Verne Plan : 2,43 % pour

la population et 5,4 % pour le revenu.

Le but de cette experience est de pouvoir comparer les raretés

relatives, ciui s'expriment par les prix de référence des produits à

l'horizon 1941 et de pouvoir comparer ceux actuellement produits.

Les resultats ont été les suivants :

- 1976 -

rRODUIT Prix d'écuilibres à la Production (D/el)

1 9 7 6 1 9 6 1 •

Blé dur : 8,490 : 10,960

Blé tendre : 6,300 : 6,800

Orge : 4,500 : 4,500

Légumineuses : : 5,840 7,700

Oranges : 4,150 4,150

Tomate de saison 3,533 4,300

Tomate hors saison : 6,393 6,950

Piment de saison 6,395 10,413

Paume de terre hors saison : 6,390 7,210

Paume de terre de saison 5,757 6,350

Viande bovine : 73,460 65,000

Viande ovine 110,210 115,000

Lait : 5,010 6,000

D'après ces prix de référence, on constate que le prix actuel

du blé dur notamment (6,120) et les prix actuels de la viande sont loin

de correspondre aux prix d'équilibre entre l'offre et la demande. Ceci

suggére que l'objectif d'auto-suffisance en produits céréaliers et en

viande a l'horizon 191, çui est aussi l'un des objectifs du Véme Plan,

-74-

va impliquer des relèvements assez importants du prix du blé dur et celui

de la viande.

A titre d'exemple, pour les céréales le modèle indique qu'avec

la structure actuelle des prix, la production restera stationnaire, au

niveau de l'année 1976, soit environ 11 millions de quintaux. La demande

locale serait camplée par l'importation.

Ceci nous amène à penser à la deuxième expérience.

5.2. Limitation de l'importation des céréales :

Une contrainte a été introduite qui consiste à rejeter hors du

modèle l'importation susceptible de combler la demande locale en céréales.

Le niveau choisi par le Vème Plan de 250.000 T de blé tendre, a été pris

comme limite supérieure à l'importation de blé.

Le résultat a été, qu'en gardant la structure actuelle des prix,

la production ne dépasserait pas 12 millions de quintaux. Ce fait milite

essentiellement en faveur d'une révision du prix du blé dur (assez avanta-

geux en Tunisie) (1). La révolution verte a montré que c'est le blé dur

qui a accru la production de près d'un million de quintaux et non pas les

autres céréales.

5.3. Effets d'augmentation des salaires :

On a supposé une augmentation du prix de la main d'oeuvre (en

tant que facteur de production) de l'ordre de 33 % à l'horizon 1981.

L'effet sur les différentes productions agricoles est consigné dans le

tableau suivant.

(1) - S. GAFSI "The Green revolution : The TUnisian experience" These

de doctorat - Université de Minnesota - U.S.A. -

- 75 -

POURCENTAGE DE VARIATION DES PRODUCTIONS AGRICOLES

SOUS L'Enue D'UNE AUGMENTATION DES SALAIRES

AGRICOLES DE 33 %

PRODUIT % AGE DE VARIATION

CLREALLS

- Ble dur

- Ble tendre - 11,4

- Orge

CULTURES MARAICHERES

- Tcluate - 8,9

- Piment - 1,3

- Pomme de terre - 31,0

ARBORICULTURE

- Olives - 0,7

- Agrumes - 10,7

- Vignes - 4,4

FLEVAGE

. Bovins

- Viande - 2,7

- Lait - 5,5

. Ovins

- Viande - 11,4

- Lait

76 -

CONCLUSION

Le modèle sectoriel repose sur une hypothèse fondamentale, à

savoir que ce sont les agriculteurs qui gèrent le secteur agricole. Ils

ne substituent une culture à une autre que s'ils voient leur bénéfice

s'accroître. Le Gouvernement ne fait que les inciter à produire telle ou

telle culture, afin d'orienter la production.

Quant aux consommateurs, en tant qu'agents économiques, ils

cherchent à allouer une part de leurs revenus aux produits agricoles

de façon à satisfaire dans les meilleures conditions leurs besoins.

Toute ëvaluation de politiques agricoles se fait en respectant

ces données.

La phase essentielle de l'élaboration du modèle consiste à

avoir une image la plus canplete et la plus réaliste de l'agriculture,

afin de raisonner sur des bases bien solides. Les données statistiques

doivent être nombreuses, afin de permettre les détails.

Par ailleurs, plus on a de détails, plus grand devient le modè-

le et plus difficile à manier. Ainsi, on cherchera toujours un compromis

entre la représentativité du modèle sectoriel de l'agriculture, oui con-

siste à avoir un modèle le plus détaillé possible et la dimension de ce

dernier qu'il est utile et pratique de garder à un niveau raisonnable.

Le modèle sectoriel agricole ne doit pas se substituer aux

organes de planification ni dicter les performances du secteur agricole.

Que l'on retienne tout simplement qu'il s'agit d'un outil théoriquement

cohérent qui permet d'éclairer sur les politiques intéressant l'agricul-

ture.

Une fois ces politiques connues par le planificateur, il est

possible de prévoir les incidences qu'elles peuvent avoir sur les varia-

bles agricoles qui en dépendent.

Les résultats préliminaires mentionnés dans le présent rapport,

-77-

ne font qu'illustrer des utilisations possibles d'une approche formali-

see tel que le modele sectoriel.

Ainsi, on retiendra qu'il est bon de réfléchir plus profondé-

ment à la formation du prix du blé dur qui constitue l'avenir de la

cérealiculture en Tunisie. Il faudrait étendre les variétés à haut

rendement plutôt que de faire passer le prix actuel (6D.120) à 11

Dinars le quintal en 1981.

Enfin, l'usage d'un modèle multisectoriel alourdit la tâche,

et nécessite des moyens humains et matériels importants, pas toujours

disponibles.

Avec le développement du service des statistiques agricoles

et l'amélioration des outils de travail, on espère, dans l'avenir, être

plus utile â la planification.

-78-

-DISCUSSION-

Les questions qui ont été posées par les personnes présentes

au séminaire ont porté sur deux thèmes essentiels : la structure du

modèle et les résultats mentionnés dans le rapport.

A. - QUESTIONS SUR LE MOUFLE

La plupart des questions revenaient à la signification de la

fonction d'objectif.

Nous avons repris l'explication donnée dans le texte de l'ex-

pose à savoir que le modèle recherche des ajustements (ou équilibres)

entre l'offre et la demande des produits agricoles. En d'autres termes,

il s'agit de maximiser à la fois les surplus du consommateur et du pro-

ducteur. Cela ne veut pas dire que le marché Tunisien est compétitif,

bien qu'il peut l'être pour certains produits. L'objectif qu'on se pro-

pose permet de distinguer, entre coûts de production, coûts économiques

ou autres coûts que l'utilisateur du modèle ne peut pas évaluer.

Des détails supplémentaires ont été fournis concernant la natu-

re de la demande et l'offre des produits agricoles. Comme il a été indi-

qué, la courbe de demande est discontinue sous forme de segments (ou

étapes) en escalier. L'offre que l'on détermine de façon endogène, a,

elle aussi, une courbe d'escalier. Chacun de ces niveaux correspond au

degré d'efficience économique des types d'exploitations en question.

Les courbes d'offre et de demande se présentent canne suit :

Offre en escalier

demande en escalier a•

-79-

Fonction d'objectif du modèle

Prix

qi Quantités

Le Wri représente l'aire camprise entre la courbe de demande,

l'axe des prix et l'axe des quantités. L'objectif du modèle est de maxi-

miser le W, ce qui correspond à la réalisation de l'équilibre entre

l'offre et la demande.

L. - QUESTIONS SUR US RESULTATS DU MODFLE

Ici également, il a été rappelé que l'on ne doit pas s'arrêter

aux résultats en tant uue tels, plutôt essayer de les retrouver à par-

tir du modele, le sàainaire ayant pour but la formation et non la vul-

garisation.

Par ailleurs, il ne fanarait pas être choqué par certains ré-

sultats, peut-être aberrants en apparence, mais qui, en vérité, trouvent

leur explication dans une analyse plus fine (le modèle sectoriel).

-80-

-BIBLIOGRAPHIE-

J. VEPCUEIL "Analyse Sectorielle de l'Agriculture"

Séminaire FAO - CNEA Tunis, Juin 1977

A. CONDOS & C. CAPPI

"Agricultural Secto Analysis :

A linear programmingfor Tunisia"

FAO - Octobre 1976

J. HAMMOND "Analyse des prix des produits agricoles

Tunisiens" - - Tunis, 1972

P.A. SAMUELSON

"Spacial price eguilibrium and linear

Frogramming"American Econamic Review -

Vol 42 Juin 1952

S. GAFSI

"The Green Revolution : The Tunisian

EXperience" Thèse de doctorat - Univer-

sité de Minnesota U.S.A. 1975.

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- t32 -

LA PROGRAMMATION LINEAIRE

Outil d'investigation en milieu rural africain (1)

par : J.M. BOUSSARD

et

J. BOURLIAUD

La programmation linéaire est une méthode d'optimisation qui

permet de résoudre le problème suivant :

Trouver x maximisant cx, et vérifiant ax < b, où c est un

vecteur ligne, x et b des vecteurs colonnes et A une matrice de dimen-

sion convenable.

Beaucoup de problèmes d'économie agricole se mettent sous

cette forme. Par exemple, supposons que se représentent les surfaces

à attribuer aux différentes cultures, et chaque élément de c le béné-

fice espéré sur 1 ha de chaque culture. Il est facile d'écrire sous la

forme Ax < b des contraintes du type : "La somme des cultures ne peut

excéder la surface disponible", ou bien" à chaque période de l'année,

les besoins en travail de l'ensemble des cultures ne doivent pas dépas-

ser les quantités de travail disponible". Alors, maximiser le bénéfice

de l'ensemble de l'exploitation revient à résoudre le problème précé-

dant.

En pratique, cependant, la méthode n'a pas souvent été utilisée

en Afrique. Ceci tient à l'existence de diverses croyances, dont la plu-

part ne sont pas fondées : on s'imagine que l'instrument n'est valable

que pour de très grandes exploitations, ou qu'il exige des données très

fines, disponibles seulement dans les pays développés. Ce n'est pas

exact, à condition cependant d'utiliser l'instrument à bon escient.

(1) Cette note a été préparée pour le colloque MIRA, 10-12 Janvier 1979.

- 83 -

La source de toutes ces objections vient de ce que la P.L.

(programmation linéaire) a souvent été présentée carme un moyen de

gérer finement des exploitations modernes dont on ne pouvait espérer

améliorer les résultats autrement. Elle était vue comme un outil quel-

que peu technocratique, qui allait permettre de découvrir des gains de

productivité là où on désespérait d'en trouver. Sans doute, si cela

était vrai, cette technique serait probablement inutile en Afrique.

Mais il se trouve que se n'est pas le cas. En fait, lorsqu'on tente

d'appliquer la P.L. dans le cadre de l'agriculture développée, il arri-

ve que l'on découvre des plans d'exploitation "optimaux" bien meilleurs

que ceux qui sont rais en oeuvre par les agriculteurs. Mais on découvre

alors très souvent que ces plans sont en fait irréalisables : on a

oublié une ou plusieurs contraintes importantes, qui font que ces plans

mirifiques ne peuvent pas être appliqués. Si l'on modifie le "modèle"

pour tenir compte de ces contraintes, on se rend compte alors le plus

souvent que les plans optimaux qui sortent de l'ordinateur sont en fait

peu différents de ceux qui sont effectivement choisis par les agricul-

teurs.

Sans doute, il y a des exceptions : Il arrive parfois que l'on

découvre ainsi des possibilités d'amélioration réelles pour les agricul-

teurs. Toutefois, la chose est assez rare pour qu'il soit possible de

considérer que la solution d'un programme linéaire bien construit ne doit

normalement pas différer significativement des systèmes de production

réels. Cette propriété a été utilisée pour construire des modèles de com-

portement de certaines populations d'agriculteurs : on peut, en effet,

après avoir vérifié que le modèle représente correctement la réalité,

étudier "ce qui se passerait" si les conditions technico-éconanique chan-

geaient : Par exemple, si l'on introduisait l'irrigation dans une région

où elle est absente, ou bien si l'on changeait les prix de certains pro-

duits, etc. Ainsi, la programmation linéaire n'est plus considérée dans

les pays développés carme un outil "normatif" destiné à découvrir "ce

qui devrait se faire", mais bien plutôt carme un outil descriptif des-

tiné avant tout à reproduire la réalité. L'optimisation n'est plus un but

en soi. C'est un moyen d'atteindre ce but. Son emploi résulte de deux

considérations : d'abord les agriculteurs sont rationnels. Ils cherchent

-84-

maximiser une fonction d'utilité. Par conséquent, le meilleur moyen

de reproduire leur comportement est précisément de chercher à maximiser

cette même fonction d'utilité. Ensuite, l'utilisation d'une procédure

d'optimisation présente un avantage accessoire qui n'est pas négligea-

ble : c'est un moyen précieux de découvrir les erreurs de spécification

du modèle.

Ceci mérite quelques explications : lorsqu'on utilise un

simulateur ordinaire - par exemple, un modèle dont les coefficients

sont calculés au moyen des "moindres carrés" ou d'une technique simi-

laire - il arrive souvent que des hypothèses complètement fausses per-

mettent néanmoins d'obtenir une coincidence raisonnable entre modèle

et réalité. Ceci provient de ce que, dans des conditions moyennes un

modèle faux donne souvent d'aussi bons résultats qu'un modèle juste.

Par contre, avec l'optimisation, on est sûr d'obtenir toujours un ré-

sultat extrême : si l'on oublie une contrainte importante, on obtiendra

toujours un résultat qui tirera parti au maximum de l'absence de cette

contrainte, et qui Fera par conséquent grossièrement erroné, au point

que même un non spécialiste verra du premier coup d'oeil que "quelque

chose ne va pas". La recherche des causes de l'anamalie sera parfois

laborieuse, et exigera peut être le recours à un spécialiste. Du moins

sera t--on sûr de ne pas utiliser un modèle inexact.

Pour ces raisons, les modèles à base de programmation linéaire

sont plus fiables, quoique plus difficiles à construire que la plupart

des autres modèles, lorsqu'il s'agit de vérifier le diagnostic porté

sur une situation, et de s'assurer que les hypothèses que l'on fait à

son sujet sont raisonnables.

Pourquoi la même technique ne serait-elle pas utilisable en

Afrique ? La seule hypothèse fondamentale est celle selon laquelle les

agriculteurs maximisent quelque chose (pas nécessairement leur revenu).

Il n'est pas nécessaire de beaucoup la discuter au sein du groupe AMIRA.

Pour le reste, la plus grande liberté est laissée au constructeur de

. modèle, qui peut, dans le cadre très général de la maximisation sous

contrainte, traduire à peu près n'importe quoi. Voici quelques exemples

-85-

d'utilisations possibles :

a) L'identification des centres de décision :

Qui prend les décisions de production dans une organisation

du type sénégalais, où le chef de carré est investi d'une autorité

nominale importante, mais où les ménages qui composent le carré sont

soumis à toute sorte de tentations centrifuges ? Essayons de bâtir deux

modèles, l'un qui maximise le revenu du chef de carré, l'autre, celui

des ménages. Il arrivera que selon le degré d'intégration du carré à

l'économie marchande, tantôt l'un, tantôt l'autre de ces modèles corres-

pondra mieux à la réalité.

b) La vérification des données sur les cultures : Les résultats

de programmes linéaires sont habituellement très sensibles aux hypothè-

ses faites sur les rendements, les temps de travaux, et les autres coef-

ficients techniques. D'un autre côté, ces données sont souvent peu fia-

bles en milieu rural africain. La construction d'un prograuue linéaire

permet souvent de découvrir que telle "fiche de culture" est manifestement

soit beaucoup trop optimiste, soit trop pessimiste. On peut ainsi partir

de données beaucoup moins fantaisistes, et beaucoup plus cohérentes qu'on

ne le fait souvent.

c) Le rôle des intermédiaires, et des circuits de commerciali-

sation traditionnels : on a souvent sous-estimé ou surestimé le rôle

exact joué dans la société traditionnelle africaine par les Pakistanais,

Libanais, et autres Syriens, - avec des conséquences parfois catastro-

phiques pour le développement régional, les politiques mises en oeuvre

en fonction d'une analyse insuffisante de la situation ayant souvent

conduit à des résultats complètement opposés à ceux qui étaient escomptés.

Pourtant ces intermédiaires traditionnels ne méritent souvent ni les

exces d'éloges, ni l'indignité dont on les a couvert. Ils s'adaptent à

la situation qui leur est faite d'une façon qui n'est pas toujours opti-

male du point de vue de l'intérêt général, mais qui n'est pas forcément

dépourvue de tout avantage. Toute intervention à leur égard doit partir

d'une analyse fine des services qu'ils rendent, et des obstacles qu'ils

mettent à l'amélioration des situations locales. Pour tester une pareille

-86-

analyse, il faut arriver à reproduire en quelque sorte "in vitro" les

courants d'échanges qui existent entre ces intermédiaires et les pay-

sans. Ces échanges sont multiples et complexes, depuis la fourniture

d'engrais et de semences, et la commercialisation des récoltes, jusqu'à

l'octroi de crédit dans des conditions souvent moins léonines Qu'on ne

le décrit habituellement (le report des dettes sans intérêt supplémen-

taire étant souvent la règle). La programmation linéaire permet dans

ce cadre de vérifier beaucoup d'hypothèses préalablement spécifiées :

le plus souvent, en montrant que les choses sont moins simples Qu'il

ne le parait à première vue.

d) Les conflits fonciers : S'il est un domaine dans lequel

les situations varient à l'extrême d'une région à l'autre de l'Afrique,

c'est bien celui des problèmes fonciers. On trouve toutes les situations

intermédiaires, entre la terre absolument gratuite parce que abondante

en quantité illimitée, jusqu'aux régimes fonciers incroyablement compli-

qués qui résultent de la surpopulation et de la pression démographique.

Or ces situations non seulement coexistent souvent à quelques dizaines

de km de distance, mais encore évoluent très vite avec le progrès techni-

que. Telle innovation - par exemple, la culture du coton ou la traction

attelée - qui améliore la productivité du travail, transforme une situa-

tion d'abondance de terre en situation de pénurie - avec les conflits

de pouvoir qui en résultent. Ici encore, la P.L. est un outil précieux

pour détecter l'éventualité de tels changements, en raison de son apti-

tude à identifier les catégories de terre "contraignantes" ou "non

contraignantes". Il y a peu de chances de voir apparaître des conflits

à propos des catégories de terres "non contraignantes". Au contraire,

lorsque l'introduction d'une nouvelle technique rend "contraignante"

une catégorie de terre qui ne l'était pas auparavant, on peut s'atten-

dre à des difficultés. Naturellement, la P.L. ne permet en aucun cas

de savoir comment se résoudront les conflits correspondants. Par exemple,

les "puissants" locaux pourront profiter des rentes créées par la nouvel-

le technique, ou bien, au contraire, la communauté sera assez forte

pour éviter les conflits en refusant l'innovation, ou encore une troisiè-

me éventualité se présentera : cela, la programation linéaire ne sera

pas capable de la prévoir, dans la mesure où les solutions apportées

-87-

à ces difficultés sont larganent indéterminées. Du moins sera-t-elle

capable de prévoir l'occurence de ces difficultés, et par conséquent,

peut-être de mettre en place à froid des solutions qui seraient beau-

coup plus difficiles à imposer à chaud.

On vient de passer en revue quelques uns des domaines dans

lesquels la programmation linéaire peut constituer un instrument d'in-

vestigation efficace. Ceci ne veut pas dire que l'outil puisse servir

dans n'importe quelle circonstance, ni que son emploi soit très facile.

A vrai dire, c'est bien là que se trouve le principal obstacle à sa

diffusion. D'une part, il s'est trouvé des chargés d'étude pour l'emplo-

yer à tort et à travers avec un résultat souvent désastreux. D'autre

part, il est de fait que cet instrument est coûteux et délicat à manier,

et qu'on ne trouve pas toujours chez le même chargé d'étude à la fois

l'imagination créatrice nécessaire à la traduction des hypothèses en

termes de programmation linéaire, et la patience et la minute nécessai-

res pour dialoguer avec l'ordinateur, purger les fichiers de leurs

erreurs, et maitriser les langages de cammande indispensables. D'un autre

côté, la demande de telles études n'est pas telle, à l'heure actuelle,

qu'il puisse se constituer sur une base commerciale, de petites équipes

de personnes complémentaires dans les différents rôles qui viennent d'être

évoqués. Il est néanmoins certain que l'amélioration de la rigueur des

nombreuses études effectuées en milieu rural africain passe par une plus

large diffusion de ces méthodes.

Il y a cependant quelques conditions à remplir pour qu'une

étude à base de P.L. puisse rendre les services qui viennent d'être

évoqués.

D'abord le modèle de quelque façon qu'il ait été construit,

doit avoir été testé par comparaison entre le plan de production "optimal"

dans des conditions observables données, et les plans de production effec-

tivement mis en oeuvre par les agriculteurs dans ces mêmes conditions.

-88-

A vrai dire, cette phase de test représente souvent l'essentiel

de l'étude : au manent où l'on obtient une bonne coincidence entre

modèle et réalité, on peut dire que l'on a une bonne connaissance de

la situation étudiée. L'étude ultérieure de "ce qui arriverait" si la

situation changeait n'est plus parfois qu'une enjolivure.

Ensuite, il existe un certain nombre de contraintes qui doivent

être à peu près obligatoirement introduites dans le modèle. Ces contrain-

tes sont évidemment les contraintes techniques habituelles (disponibi-

lité en terre, en travail, éventuellement en machines, alimentation du

bétail, etc...). liais il ne faut pas non plus oublier des contraintes

moins courantes, qui jouent cependant un rôle de financement - qui peu-

vent s'exprimer à la fois en termes monétaires disponibilité d'argent

liquide pour les achats indispensables - et en termes physiques - pour

les semences en particulier, ou pour les cultures vivrières, et des

contraintes de sécurité,l'agriculteur ne peut envisager de prendre des

risques excessifs. Il importe de noter que ces contraintes sont liées :

l'aversion pour le risque augmente lorsque la situation financière se

détériore. Ces contraintes sont liées également de façon étroite à la

question des cultures vivrières et à l'imperfection des marchés : la

justification profonde des cultures vivrières nécessaires pour satisfaire

les contraintes de "financement" exprimées en termes physiques pour les

produits alimentaires vient du fait que l'achat d'aliments sur les mar-

chés se fait à un prix beaucoup plus élevé que la vente de ces mêmes

denrées lorsqu'elles sont produites en excédent.

Enfin, la prise en compte de ces contraintes de financement (au

sens large) implique presque toujours que le programme linéaire à cons-

truire soit presque toujours dynamique : au lieu de chercher à représen-

ter l'état d'équilibre d'une exploitation fonctionnant en régime perma-

nent, on cherche à décrire les changements qui doivent survenir par rap-

port à une situation initiale donnée. Ceci complique encore un peu les

modèles, et soulève à la fois le problème de l'horizon de planification

(1 an, 2 ans, 3 ans ?) et celui de la fonction économique à maximiser.

Il est difficile de traiter ces questions en détail dans une note aussi

brève. Bornons nous à signaler que des théorèmes assez forts permettent'

- 89 -

de penser que la nature exacte de la fonction â maximiser a relative:tent peu d'importance, pourvu Qu'elle soit une fonction croissante de la richesse de l'exploitant. En même temps, un horizon de planification assez court (2 ans), suffit presque toujours à expliquer les ccraporte-ments observés.

-90-

ORIENTATIONS BTRLTOGRAPHIQUES

1 : Exemple de travaux

BOUSSARD , J.M. :

L'application du modèle du type "Provence" à l'étude

des exploitations agricoles de l'Ouest Malgache. Econanie

Rurale, N° 88, Mme trimestre 1971.

BOURLIAUD, J. ; BOUSSARD, J.M. ; LE13LANC, J. :

La programmation linéaire comme outil descriptif

du comportement des agriculteurs : une étude pilote au Sénégal.

Monde en Développement N° 17, 1977, pp. 51-74.

LEBLANC, J. :

Simulation mathématique des politiques agricoles.

Technique et Développement, N° 1, Avril 1972, pp. 11-18.

2 : Théorie de la programmation linéaire appliquée à l'agriculture

BOUSSARD , J .

Time horizon, objective function and uncertainty in

a linear programming model of firm growth. American J. of

Agricultural econanics 53 (3), Août, 1971, pp. 467-477.

BOUSSARD, J.TI. :

Programmation mathématique et théorie de la production

agricole, Cujas, Paris, 1970.

- 91 -

LA DIFFUSION DES DONNEES (1)

par : J. MAYER

Une information statistique n'a de valeur que si elle est

reçue par celui auquel elle est destinée. L'activité de diffusion est

donc un complément indispensable de l'activité statistique. Un Institut

de statistique doit y consacrer les ressources nécessaires en personnel

et en matériel.

On examinera successivement les questions suivantes :

I - Cannent définir un programme de diffusion ?

II - Cannent organiser les services de diffusion d'un institut

statistique ?

III - Cannent apprécier la qualité des services rendus au

public ?

(1) Note rédigée à l'occasion du séminaire sur l'organisation d'un servi-

ce statistique - Munich - 3 au 24 Juillet 1978.

- 92 -

I - Carment définir un progrcuume de diffusion ?

a) Necessité d'un prograutne de diffusion.

Toutes les opérations statistiques doivent aboutir à des pro-

duits susceptibles d'être diffusés. Le progranue de travail d'un Institut

de statistique doit donc préciser les conditions dans lesquelles les

données ou ouvrages produits seront diffusés. Le regroupement de ces

indications dans un programme de diffusion permettra d'une part de donner

aux utilisateurs de statistiques une idée précise de ce dont ils pourront

disposer. Ce programme devra donc avoir lui-même une large diffusion.

Il permet, d'autre part, de répartir justement les ressources de l'Ins-

titut entre les activités de production et les activités de diffusion

(ressources en personnel, budgétaires, informatiques). Si une partie de

la diffusion est payante, le progrdane de diffusion permet aussi de pré-

voir les recettes que cette activité procure à l'Institut.

b) Contenu d'un programme de diffusion.

De nombreux choix sont à faire, sur la base d'un programme de

production donné, pour aboutir à un programme de diffusion : que doit-on

publier, avec quelle rapidité, avec quelle technique, à quel prix ?

i) Que doit-on publier ?

Ces choix demandent une bonne connaissance du public potentiel,

ils doivent être souvent remis en cause. Il est rare en particulier qu'un

Institut de statistique atteigne directement le grand public. Les publi-

cations générales doivent plutôt chercher à intéresser des organismes

relais qui transformeront ce qui leur est fourni pour en tirer de l'in-

formation intéressant les diverses couches de la population. Ces relais

peuvent être la presse, générale ou spécialisée, ou les associations

diverses.

Ces choix dépendent également des moyens disponibles. Fournir

de l'information à la demande permet d'atteindre un plus large public

- 93 -

mais demande des moyens très importants et une excellente organisation.

ii) Avec quelle rapidité ?

Un second type de choix concerne la rapidité de diffusion dans

la mesure ou, ne serait-ce que pour des raisons matérielles, on ne peut

pas avoir des publications à la fois très rapides et très développées.

Or certains utilisateurs ont besoin rapidement de chiffres globaux,

d'autres au contraire ne se satisfont que par des données de type mono-

graphique â un niveau élevé de détail.

Les statistiques conjoncturelles sont évidemment les plus

pressées et leur production doit être organisée de façon à permettre

leur diffusion rapide. Un objectif est d'arriver à publier les statis-

tiques mensuelles concernant le mois n avant la fin du mois n + 1, les

statistiques trimestrielles concernant le trimestre n avant la fin du

trimestre n + 1 et de même pour les statistiques annuelles. Les statis-

tiques de caractère structurel supportent en général des délais de pu-

blication plus longs bien que la diffusion de résultats provisoires avan-

ces puisse être recommandée quand elle est possible.

Un programme de publication comporte donc en général des ouvra-

ges périodiques, pour lesquels la stricte régularité de parution est

d'une importance capitale, des collections spécialisées donnant, par

exemple, les résultats des enquêtes et des ouvrages de références (mé-

thodologie, classifications).

iii) Avec quelle technique ?

Le choix des supports et des techniques de diffusion repose

lui aussi sur de multiples facteurs. Une fois le programe de diffusion

adopte, la technique choisie peut permettre une diffusion plus ou moins

rapide, plus ou moins luxueuse et plus ou moins coûteuse :

La publication sur papier est encore aujourd'hui pour la plupart

des statistiques le moyen de diffusion le plus courant. Elle permet une

-94-

consultation facile et est accessible à des utilisateurs individuels.

La diffusion d'information sur microfilms et surtout micro-

fiches se développe pour les publications de gros volume. Microfilms

et microfiches sont en effet, bon marché, surtout les microfiches. Ils

demandent des appareils de lecture relativement peu coûteux mais sont

de consultation moins facile que les documents imprimés.

La bande magnétique convient pour l'utilisateur qui doit traiter

ou simplement manipuler un gros volume d'information. Elle demande

évidemment un appareillage informatique.

Les banques de données donnent déjà, à l'intérieur des organisa-

tions statistiques ou de l'administration centrale, un moyen puissant

d'utiliser de l'information stockée dans les fichiers informatiques. A

l'avenir, des réseaux informatiques permettront une diffusion plus large

de l'information qu'elles contiennent.

En ce qui concerne les publications, on peut distinguer trois

possibilités :

- la reproduction offset de supports peu élaborés : frappe

dactylo, listes d'ordinateur. C'est une solution rapide et bon marché

mais transférant la mise en page de l'imprimeur vers les auteurs. Elle

convient pour la diffusion rapide ainsi que pour les gros volumes traités

par l'informatique ;

- la typographie : c'est une solution lente et coûteuse. Elle

peut parfois être avantageuse lorsqu'il s'agit d'une mise à jour régu-

lière dans un cadre de base. Elle est à proscrire pour les ouvrages

comportant de nombreux tableaux qui ne sont publiés qu'une seule fois

(résultats d'enquête) ;

- la photocomposition autanatique : une solution rapide et bon

marché, comparable à la reproduction offset, mais avec une qualité de

loin meilleure. Elle peut permettre des économies de papier, car, du

-95-

fait de sa meilleure qualité, elle permet de mettre plus d'information

par page. Elle exige des équipements d'une technique avancée mais que

possédent la plupart des pays. En outre, les données doivent être trai-

tées en informatique.

iv) Aspects commerciaux de la diffusion.

Le choix se pose toujours entre la vente et la diffusion gra-

tuite, il doit être fait de façon à développer l'utilisation de l'infor-

mation par le statisticien et dépend beaucoup de la connaissance du

public visé. Un certain niveau de diffusion gratuite est de toutes fa-

çons nécessaire pour faire connaître les publications, pour assurer le

service public vis-à-vis de certaines collectivités, et pour alimenter

des échanges de publications. Si cette partie devenait trop importante,

cela pourrait aboutir à un gaspillage de ressources : il est inutile

d'envoyer des documents qui vont directement à la corbeille à papier

sans être lus. Mais, ce n'est qu'en fournissant une information de qua-

lité à ceux qui en ont besoin qu'on développera l'habitude de l'utiliser

et par conséquent qu'on créera les conditions d'un développement ultérieur

d'un marché de l'information payante.

La fixation du prix se fait le plus souvent sur la base du coût

moyen du support de diffusion, sans imputation pour le coût de la collec-

te et du traitement des statistiques. Mais des éléments purement commer-

ciaux peuvent intervenir.

Certaines publications ont un caractère général, d'autres seront

specialisées. C'est sur les premières qu'il faut axer la pranotion des

ventes ;,elles peuvent servir aussi de support publicitaire pour les

publications spécialisées. En ce qui concerne ces dernières, il faut

faire connaître leur existence et leur contenu par les moyens appropriées

dans les milieux intéressés et au moment le plus propice.

Il ne faut pas hésiter à faire de la publicité pour les publi-

cations statistiques dans la presse générale, dans la presse spéciali-

sée, dans les publications professionnelles, etc.

-96-

II - Comment organiser les services de la diffusion ?

Qu'il s'agisse de publications générales ou de publications

spécialisées, le service créateur de l'information à diffuser est un

service statistique. C'est le statisticien qui doit avoir la responsa-

bilité de la préparation initiale du document à publier : tableaux et

textes. Cependant un certain nombre de fonctions spécialisées de diffu-

sion doivent être exercées dans un institut statistique : fonction

d'éditeur, fonction commerciale, fonction d'information du public.

Suivant la taille de l'Institut, ces fonctions peuvent être exercées

par un seul service ou par trois services différents.

a) Fonction d'éditeur

Elle doit s'exercer vers l'amont, c'est-à-dire vers le service

producteur, et vers l'aval, c'est-à-dire les services techniques et commer-

ciaux.

S'il est vrai que les producteurs connaissent mieux les besoins

des utilisateurs et peuvent mieux tenir compte des aspects techniques

particuliers, les services de la diffusion pourront les orienter vers

les formes les mieux adaptées à la satisfaction du public, corriger et

alléger leur rédaction, leur proposer de varier les formats, d'introduire

des graphiques, etc... Un de leur rôle sera d'exiger des producteurs le

respect des délais et de maintenir l'ampleur des publications dans les

limites qui avaient été fixées.

Envers les services techniques et commerciaux, ils sont au

contraire les représentants des statisticiens pour exiger le respect

des normes et des calendriers adoptés et d'une façon générale, la bonne

tenue des publications.

Le partage des responsabilités entre service auteur et service

éditeur peut varier suivant la taille de l'institut et même suivant la

nature de la publication : pour une publication générale qui reprend de

l'information produite dans de nombreux services d'un institut, ce sera

-97-

souvent le service éditeur qui aura la responsabilité de la préparation

de la publication et même de son contenu. Mais en général c'est le ser-

vice auteur qui a cette responsabilité, sous le contrôle du Directeur

de l'Institut.

b) Fonction carinerciale.

Elle consiste à définir la politique cammerciale de l'institut

en matière de diffusion (tarification, publicité, diffusion gratuite)

et à la mettre en oeuvre.

c) Fonction d'information au public.

C'est une des responsabilités d'un office statistique de faire

en sorte que le public le plus large puisse avoir accès à l'information

statistique. Pour cela il doit créer un service ouvert au public ou capa-

ble d'aider un demandeur à préciser sa demande et à la satisfaire. Beau-

coup d'utilisateurs potentiels (individus, entreprises moyennes ou pe-

tites, administrations régionales) ne sont pas susceptibles, sans une

aide, de s'orienter dans l'enseMble des publications statistiques qu'ils

connaissent mal.

La forme que peut prendre un tel service qui peut être centra-

lisé ou décentralisé dépend de la taille et de l'organisation adminis-

trative du pays, et des ressources que l'Institut de statistique peut

y consacrer.

III - Cament apprécier la qualité des services rendus au public ?

La qualité d'un progremite de publication doit se juger sur une

longue période en appliquant un esprit constant de remise en cause et de

critique.

Dans une large mesure se sont les services producteurs qui

reçoivent le plus directement l'information leur permettant de juger

leàrs publications. Car ce sont eux qui ont le plus de contact de tra-

-98-

vail avec les milieux qui les utilisent. Mais ils ne sont pas des criti-

ques impartiaux. C'est donc une responsabilité d'un service central de

diffusion d'obtenir des éléments de critique lui permettant d'inciter

les producteurs à remettre en cause leurs travaux.

Un des moyens est évidement de surveiller attentivement les

ventes : évolution des abonnements, abonnements nouveaux et désabonne-

ments, répartition des abonnements (et si possible de la vente au numéro)

par région et par nature des acheteurs, etc...

Un deuxième moyen est de faire des enquêtes auprès des lecteurs.

Les enquêtes par écrit donnent très peu de résultats utilisables. Les

enquêtes orales sont plus efficaces ; elles le sont d'autant plus que

la publication est importante pour le public et que l'on connaît mieux le

public que l'on va interviewer.

Un troisième moyen est l'analyse de la demande que reçoivent

les services d'information du public quand ils existent, et de la manière

dont elle a pu être satisfaite.

-99-

METBCDCLOGIE DE LA MESURE DES MIGRATIONS

Commentaires sur la réunion du groupe d'experts

tenue à LONDRES (25-17/9/79)

par : R. CLAIRIN

Au cours de cette réunion, les débats ont porté sur les points

suivants :

- Définition, concepts et typologie des migrations,

- Besoins des utilisateurs,

- Collecte et analyse des données,

- Etudes de cas,

- Création d'une "banque de données" sur les migrations.

I - Définition, concepts et typologie des migrations

Définitions : Ce point a donné lieu à des discussions parfois

animées et souvent intéressantes, mais dont on ne peut pas dire qu'elles

aient fait faire de grands pas vers une solution. Il pouvait difficile-

ment en être autrement : d'une part, dès lors qu'une étude porte sur

un effectif relativement important, il n'est pas possible de prendre

en considération tous les déplacements des individus, mais par contre

on ne voit pas carment trouver de critères universels pour faire la

distinction entre migration et simple "mouvement" : cette distinction

dépend des conditions locales et des besoins des utilisateurs. D'où une

première conclusion (largement majoritaire) : les recherches doivent

porter sur la mobilité en général, aucun type de déplacement n'étant

exclu a priori.

Avant de passer au problème de la typologie, il a fallu cons-

tater que la définition de concepts fondamentaux tels que ménage (c'est

l'unité normale d'observation et d'enregistrement), appartenance à un

ménage, résidence principale, localité, agglamération, centre urbain,

etc... peut varier énormément d'un pays à l'autre et même à l'intérieur

- 100 -

d'un même pays. C'est d'autant plus grave que la définition même du

phénomène dépend de ces concepts : par exemple suivant la définition

adoptée pour la localité ou l'agglomération, un même individu pourra

ou non être classé comme migrant.

Finalement, on a reconnu que lorsque l'enquête porte sur des

migrations internes, chaque pays est, par la force des choses maitre

de ses définitions, mais que lorsqu'il s'agit de migrations internatio-

nales, il est indispensable de procéder à une standardisation qui n'est

certes pas facile.

Les problèmes du classement et de la typologie des migrations

sont tout aussi épineux. Les seuls critères qui aient fait l'unanimi-

té sont ceux d'espace et de durée (encore que leur application pratique

soulève aussi des problèmes).

Tous les autres critères avancés ont donné lieu à des objec-

tions : on a notamment proposé de faire une distinction entre les mi-

grations volontaires et celles qui se font sous la contrainte (écolo-

gie, politique, etc...), ou entre celles qui ont des motivations éco-

nomiques et celles qui sont dues à des facteurs sociaux. Mais, en pra-

tique, on doit reconnaître que ces distinctions sont souvent arbitrai-

res.

II - Besoins des utilisateurs (et aspects politiques)

C'est un point sur lequel on a insisté avec raison. L'expé-

rience montre que beaucoup d'enquêtes ont été entreprises par des

démographes, dont le but était d'enrichir la connaissance scientifique

des populations. Les autorités locales n'ont pas été suffisamment

associées à la préparation de l'opération et c'est seulement lors de

la présentation des résultats que les responsables ont exprimé leurs

objections et, trop souvent, constaté que ces résultats ne répondaient

pas à leurs besoins.

Quel que puisse être son désir légitime d'Indépendance in-

tellectuelle, le responsable d'une enquête est bien obligé de prendre

- 101 -

en considération les problèmes politiques liés aux migrations - que le

gouvernement cherche à les favoriser ou à les empêcher - et il doit

donc orienter sa recherche de façon à donner aux autorités les élé-

ments d'appréciation adéquats.

- Collecte des données sur les migrations

Les recensements sont les seules opérations susceptibles de

fournir des données globales sur les soldes migratoires au niveau géo-

graphique le plus fin. Mais on ne peut pas en attendre de renseignements

sur les causes et conséquences des mouvements migratoires.

On a constaté très fréquemment que l'exploitation des recen-

sements n'a pas été suffisamment poussée dans le danaine de l'obServa-

tion des caractéristiques des migrants et de la mesure des migrations.

Les données les plus élémentaires sur les mouvements migra-

toires fournies par un recensement résultent du rapprochement entre

le lieu de naissance et le lieu de résidence au moment du recensement.

En pratique, même ce renseignement est souvent difficile à exploiter.

On ne peut codifier qu'au niveau de circonscriptions administratives

d'une certaine taille. Les recensés ne savent pas toujours la circons-

cription à laquelle appartient leur localité de naissance et il y a

des homonymies ou des appellations multiples, sans parler des modifi-

cations administratives ou politiques.

La seconde question généralement posée est celle de la rési-

dence antérieure. Celà peut se faire de deux façons :

a) Quelle était votre précédente résidence ? Depuis combien

de temps résidez vous ici ?

b) Où résidiez-vous à une date donnée (n années auparavant

ou lorsqu'un événement notable s'est produit) ?

La question a) est la plus facile à poser et celle qui est

susceptible de fournir les renseignements les plus fiables. Mais son

exploitation soulève des difficultés presque insurmontables. C'est

- 102 -

pourquoi on l'a écartée en principe.

En ce qui concerne la question b), les difficultés pratiques

sont évidentes, plus particulièrement chez les populations peu instrui-

tes. On a envisagé divers intervalles : lan, 5 ans, 10 ans, 15 ans.

Les deux derniers semblent trop longs. D'autre part, des expériences

ont montré que la précision n'était pas meilleure avec un intervalle

de 1 an, qu'avec un intervalle de 5 ans. Ce dernier semble être le

plus intéressant.

Avec les enquêtes, on entre dans un domaine extrêmement

touffu. Remarquons tout d'abord que l'on a accordé peu d'attention aux

enquêtes à passages répétés, bien qu'elles soient particulièrement

bien adaptées à l'étude des mouvements migratoires. L'une des raisons

est que les projets en cours portent sur des enquêtes à passage unique.

On peut aussi avancer qu'il est préférable de passer du simple au com-

plexe et de mettre d'abord au point la méthodologie du passage unique.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'une opération très lourde

isolée: dans le temps qui ne constitue pas le point de départ d'une

observation continue, constitue un véritable gaspillage.

Les nombreux points abordés n'ont pu, en général, être trai-

tés en profondeur, faute de temps. Notons par exemple le problème des

personnes absentes au moment de l'enquête. Faut-il demander les ren-

seignements les concernant à une autre personne, ce qui est fatalement

moins précis ou bien les exclure de l'interrogatoire, ce qui introduit

un biais considérable en raison de la corrélation entre le fait d'être

absent et la propension à migrer. Le problème est encore plus épineux

quand tous les membres d'un ménage sont absents le jour de l'enquête.

On a évoqué un certain nombre d'enquêtes en projet ou en

cours de réalisation, entre autres le projet d'étude des migrations

de l'Ouest Africain sous les auspices de la Banque Mondiale approuvé

à Ouagadougou en Janvier 1979.

Le projet de la CESAP (ou ESCAP) Commission Econanique et

Sociale pour l'Asie et le Pacifique est à considérer à part en raison

- 103 -

de son importance et du fait que son exécution a commencé.

Le problème de l'exploitation de la masse énorme de renseigne-

ments extrêmement diversifiés obtenus dans une enquête sur les migra-

tions n'a été traité que très sommairement. Or, on sait que, dans un

très grand nombre de cas, les déboires les plus sérieux ont été rencon-

trés à ce stade, entrainant des retards considérables, quand les résul-

tats ne sont pas restés purement et simplement inutilisés.

On peut mène avancer que l'ordre le plus logique et le plus

rentable dans lequel devrait se dérouler la préparation d'une enquête

serait de commencer par les instructions portant sur l'analyse des

données, puis par celles de l'exploitation, pour passer ensuite par

la codification pour aboutir au questionnaire.

De toute façon, il faudra prévoir dans ce danaine l'assistance technique de spécialistes en "software", familiarisés avec ce genre de

travail.

- L'enquête de la CESAP sur les migrations

L'objectif de cette opération est d'étudier les relations entre

l'évolution dans le temps du développement urbain et du développement

rural et les variations des mouvements migratoires du point de vue de

la typologie, du volume et de la direction des courants.

A cet effet, on s'efforcera d'identifier les facteurs socio-

éconaniques et socio-psychologiques qui sont, soit la cause, soit la

conséquence des migrations et de la redistribution de la population.

Ce qui revient en pratique à déterminer :

- qui migre ?

- pourquoi migre-t-on ?

- quelles sont les conséquences de ces migrations :

. pour les individus

. pour la collectivité

- 104 -

On remarquera que cette étude s'intéresse en priorité aux

migrations internes. En effet, en Extrême-Orient - tout au moins

jusqu'aux récents événements d'Indochine - les problèmes se posent

surtout à l'intérieur des états, le cas le plus frappant étant celui

de l'Indonésie. Par contre, dans une région canne l'Afrique de l'Ouest,

la situation est complètement différente.

Les-. enquêtes conservent un caractère national. Elles sont

effectuées sous la responsabilité de chaque pays avec l'assistance

technique des Nations Unies.

Toutefois, il existe une étroite coordination sur le plan

régional et un Cavité Consultatif a été créé, qui doit tenir sa pre-

mière réunion à Bangkok du 29 Octobre au 1er Novembre 1979.

Les pays intéressés jusqu'ici sont les suivants : Corée du

Sud, Philippines, Indonésie, Sri Lanka, Malaysia, Pakistan, Thailande.

L'étude comporte trois phases :

1) Macro-analyse des migrations et de l'urbanisation. Il

s'agit en fait d'une exploitation approfondie des données déjà exis-

tantes, essentiellement les recensements (cette phase a commencé en

Juillet 1977).

2) Micro-analyse des mouvements au moyen d'enquêtes natio-

nales. C'est la partie qui nous intéresse le plus.

3) Utilisation des résultats pour élaborer une politique de

population dans le cadre d'un programme de développement.

On a vu que l'on procède à des enquêtes à un seul passage

par sondage aléatoire.

La taille de l'échantillon est, pour chaque pays, de 6 000

à 8 000 ménages. Dans chaque ménage, on tire aléatoirement deux per-

sonnes de 12 ans et plus (ou de 12 à 65 ans), sans distinction de

sexe, qui font l'objet d'un interrogatoire approfondi.

- 105 -

Dans chaque localité où se trouvent des ménages échantillons,

on procède à un relevé des conditions et caractéristiques géographi-

ques, écologiques, économiques et sociales.

Le questionnaire est lourd et complexe et le projet de la

CESAP ne constitue qu'un minimum ("core questionnaires"), auquel

chaque pays peut ajouter des glestions, campte tenu de ses problèmes

spécifiques.

Le tenps moyen de remplissage d'un questionnaire est estimé

à 45 minutes en zone rurale et à une heure en milieu urbain.

Le "core questionnaire" comporte une cinquantaine de pages.

Une première partie (6 pages environ) est consacrée au ména-

ge puis dans son ensemble : renseignements sur les membres du ménage

présents ou absents et les . Caractéristiques et équipement du logement.

La seconde partie, de loin la plus importante, est constituée

par les questionnaires individuels. Elle canprend six sections, la

première n'intéresse que les personnes ayant émigré pour une durée

égale ou supérieure à un an au moins une fois au cours de leur existen-

ce. La dernière ne s'applique qu.!aux femmes mariées, veuves ou divor-

cées de moins de 50 ans. Les autres intéressent toutes les enquêtes.

1 - Histoire des migrations

LA- Ensemble des migrations à long terme (au moins

12 mois) au cours de l'existence de l'enquête.

LB-Migrations d'une durée inférieure à 12 mois au

cours des trois dernières années.

1C- Renseignements détaillés sur le dernier change-

ment de résidence : situation au départ, motivations et or-

ganisation du départ, conditions à l'arrivée, difficultés,

emploi, envois de cadeaux et d'argent, etc...

- 106 -

2 - Attitude et intentions vis-à-vis des migrations

On pose la question suivante :

Avez-vous l'intention de changer de résidence ?

Si non, pourquoi ?

Si oui, on remplit un questionnaire détaillé

assez analogue au précédent (1C)sur les desi-

derata de l'intéressé.

3 - Caractéristiques et attitudes sociales

Langue, ethnie, religion, histoire matrimoniale,

enfants, proches parents, relations familiales, attitudes

sociales et mène degré de satisfaction.

4 - Niveau d'instruction (y compris qualification profession-

nelle)

5 - Activités éconaniques

Renseignements détaillés, y compris activité secon-

daire et revenus.

6 - Questionnaire fécondité (femmes mariées, veuves et

divorcées de moins de 50 ans).

C'est un questionnaire rétrospectif sur l'ensemble

des naissances vivantes : date, lieu, survie de l'enfant.

En outre pour les faunes mariées on pose la ques-

tion : Etes-vous enceinte ? et si la réponse est négative,

on l'interroge sur son attitude vis-à-vis de la fécondité et

de la contraception.

- Résultats -

Les résultats attendus peuvent se classer sous les

-107 -

rubriques suivantes :

1) Description des mouvements migratoires

Mesure des courants

Classement par types

2) Causes des migrations

Caractéristiques des migrants comparées à celles des non-

migrants.

Motivations et attitudes.

Relations entre le développement socio-éconanique et les

types de migration.

Facteurs de la décision d'émigrer.

Degré d'assimilation de l'immigrant (sociale, psychologique,

culturelle).

Relations entre les mouvements de population et les structures

familiales.

3) Conséquences des migrations

Impact des efforts de développement rural.

Impact des systèmes agricoles (migrations saisonnières).

Impact du développement des transports.

Liens des émigrants avec leur lieu d'origine (y canpris les

envois d'argent).

Impact sur les zones rurales de départ.

Problèmes posés par l'influx des migrants dans les villes

(logement, services éducatifs et sociaux, pollution).

Effet des migrations sur le volume de la main-d'oeuvre urbaine

et rurale.

Effet des migrations internationales sur le pays d'arrivée et

le pays d'origine.

-108-

4) Caractéristiques et importance numérique des migrants

potentiels

Prévisions de migrations.

- Création d'une "banque de données" sur les migrations

C'est le seul point qui ait fait l'objet de recommandations,

adoptées à l'unanimité. Si celà aboutit, ce sera indubitablement une

réalisation positive.

Constatant que l'on est mal informé sur les études existan-

tes en matière de migration, on a donc proposé la création d'un orga-

nisme centralisé, qui, compte tenu des besoins des producteurs et des

utilisateurs, remplirait les fonctions suivantes :

a) Archivage des données et autres renseignements sur les

migrations et échange d'information sur les recherches en cours.

b) Examen critique et synthèse des études existantes, en

prenant en considération toutes les sources possibles de données en

tenant compte notamment des techniques de collecte et d'exploitation.

c) Etude critique des méthodologies d'analyse et de publica-

tion des résultats, caupte tenu des besoins des utilisateurs.

d) Examen des problèmes soulevés par l'exécution d'enquêtes

nationales par sondage sur les migrations.

e) Recherche de la meilleure façon d'apporter une assistance

technique efficace aux états en ce qui concerne la collecte, l'analyse

et l'utilisation des données sur les migrations.

f) Publication et large diffusion des résultats de ces travaux.

On n'a pas fait de recommandation quant aux modalités prati-

ques de réalisation de ce programme assez ambitieux. Le point crucial

sera de déterminer qui coiffera l'organisation centralisée, on peut

s'attendre à une vive compétition dans ce domaine.

- 109 -

L'ALIPTFNTATION LIONDIALE : L'ECHEC DES SOLUTIONS PRODUCTIVISTES (1)

par : J. CHONCHOL

I. La situation alimentaire du Tiers Monde avant la Conféren-

rence de Rame

En 1972, une grave crise alimentaire fut révélée devant

l'opinion publique internationale. La production d'aliments diminua

pour la première fois depuis le début des années 50. La production de

céréales baissa de 33 millions de tonnes alors que l'accroissement

annuel des besoins était de 25 millions. Cette brusque chute créa un

grave déficit au mcraent même où de grands pays exportateurs de céréales

comme les U.S.A. appliquaient des politiques de contrôle de la produc-

tion pour éviter la chute des cours mondiaux.

Les réserves de blé, de riz et de céréales secondaires dimi-

nuèrent considérablement jusqu'à atteindre un seuil critique. Cela dé-

clencha une rapide augmentation des prix en 1973 et 1974, malgré les

bonnes récoltes de 1973. Simultanément, les prix des autres produits ali-

mentaires s'accrurent considérablement, ce qui créa de sérieuses diffi-

cultés pour de nombreux pays du Tiers-Monde. N'ambre de ceux-ci étaient

très dépendents des importations alimentaires pour couvrir leurs besoins

et avaient en plus de graves difficultés de balance de paiement. Il

faut rappeler que 1973 fut aussi l'année de la brusque hausse des prix

du pétrole et des engrais. Par surcroît, et came conséquence de la

montée des prix des aliments et de la diminution des réserves, l'aide

alimentaire multilatérale et bilatérale vers les pays les plus pauvres

fut réduite.

(1) Article paru dans =A, dossier n° 13, Novembre 1979.

7110-

L'ensemble de ces faits amena la communauté internationale à

réexaminer la situation alimentaire mondiale, particulièrement en ce

qui concernait les pays du Tiers-Morde. Cet examen mit en évidence une

conjonction de faits négatifs pour les perspectives alimentaires de ces

populations, particulièrement pour les groupes économiquement les plus

défavorisés.

On observa, par exemple, que si entre 1952 et 1962, le taux

moyen annuel d'accroissement de la production alimentaire par habi-

tant avait été de 0,7 % pour l'ensemble des pays du Tiers-Monde, ce

taux avait baissé à 0,3 pendant la période 1962-72 (1).

Sur 97 pays du Tiers-Monde dont on a étudié la situation ali-

mentaire en 1970, 61 avaient un déficit global par rapport à leurs

besoins. Dans l'ensemble des pays du TiersMonde à économie capitaliste,

la sous-alimentation calculée sur des critères très modérés touchait

plus de 400 millions de personnes. Avec des critères plus rigoureux,

ce nombre s'élevait considérablement (2).

Un facteur très important dans l'augmentation des prix des

céréales était leur demande rapidement croissante en vue de satisfaire

(1) Dans les pays du Tiers-Monde à économie capitaliste, ce taux avait

diminué jusqu'à 0,2 %. Voir Evaluation de la Situation Alimentaire Mon-

diale : présent et futur (Rame : Nations-Unies, Document préparatoire

pour la Conférence Alimentaire Mondiale, Novembre 1974).

(2) Même source que celle de la note 1, ci-dessus. Nous pouvons ajouter

que selon le Professeur Joseph Elatzmann, les mal nourris dans le monde

du point de vue de l'insuffisance de calories et de protéines seraient

environ 2 milliards ; ils se trouvent surtout en Asie. Voir son ouvrage

Nourrir dix milliards d'hommes ? (Paris : Presses Universitaires de

France, 1975).

les besoins de consommation en viande des pays industrialisés. Ces

pays, où vivait 30 % de la population mondiale, consamnaient en 1969-

71 51 % de toutes les céréales utilisées dans le monde. Les 370 mil-

lions de tonnes de céréales utilisées dans ces pays carme fourrages

dépassaient la consammation des populations de la Chine et de l'Inde

ensemble, c'est-à-dire 1 milliard et demi de personnes représentant

40 % de la population mondiale.

Cette situation, plus la gravité de la crise conjoncturelle

de 1972-73, menèrent la communauté internationale à chercher la défi-

nition d'une nouvelle politique alimentaire. Ce fut l'objectif de la

Conférence Alimentaire Mondiale qui, sous les auspices des Nations-Unies,

se deroula à Rame du 5 au 16 Novembre 1974.

H. La Conférence de Rame et ses principales résolutions

Les objectifs de cette Conférence peuvent se regrouper autour

de quatre principaux types de mesures :

. mesures pour augmenter la production d'aliments dans les

pays dits "en voie de développement" ;

. politiques et prograitaes pour améliorer la situation ali-

mentaire de leurs populations ;

. actions pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale ;

. politiques de commerce, de stabilisation et d'ajustement (1).

(1) Pour de bons résumés sur les résultats de la Conférence, on peut

consulter Stuart W. Cordell, The Inbrld Food Conference, Rame 1974 : The

Irapetus, the Action and the Results, document de travail préparé pour

une réunion d'experts organisée par le Centre de Développement de

l'OCDE, (Paris : Novembre 1978), ainsi que Alain Rondeau : "La Confé-

rence Aondiale de l'Alimentation ou le triomphe de la rhétorique" Tiers-

Monde (no. 63, Juillet-Septembre 1975).

-112-

Les résultats de la Conférence s'expriment dans une Déclara-

tion pour "l'élimination définitive de la faim et de la malnutrition"

suivie de 22 résolutions. La Déclaration, très générale, constitue un

résumé d'intentions que personne ne peut refuser, mais non d'engage-

ments fermes.

Parmi les résolutions, une dizaine concernent les actions à

mener sur le plan national et international pour accroître la produc-

tion alimentaire dans le Tiers Monde et pour améliorer le niveau nu-

tritionnel de ses populations. Elles définissent des objectifs et des

stratégies pour la production alimentaire, les priorités à donner à

l'agriculture et au développement rural, le besoin d'augmenter l'aide

et la production d'engrais, les progranutes de recherche et de vulgari-

sation alimentaire et agricole, la nécessité d'établir une carte mon-

diale des sols et du potentiel de production des terres, l'expansion

des systèmes d'irrigation et l'aménagement scientifique des eaux, les

facilités pour l'obtention des pesticides et de semences, etc.

De plus, la Conférence accorda la création ou le renforcement

d'un ensemble d'institutions devant assurer l'action dans le domaine de

la sécurité alimentaire, d'une meilleure aide alimentaire, ou destinées

à favoriser les investissements agricoles dans le Tiers Monde. Huit

furent les institutions ainsi créées ou renforcées :

. le Conseil Alimentaire Mondial, pour intégrer et coordonner

la suite à donner aux résolutions de la Conférence ;

. le Fonds International pour le Développement Agricole, pour

aider au financement des projets de développement agricole

et de production alimentaire dans le Tiers Monde ;

. le Comité pour la Sécurité Alimentaire Mondiale, pour évaluer

les perspectives de la demande, de l'offre et des réserves

des principaux produits alimentaires et pour reccmmander

des solutions aux situations critiques pouvant se présenter ;

. le Comité d'Aide et de Programmes Alimentaires, pour les

consultations intergouvernementales à propos des programmes

d'aide alimentaire bilatéraux ou multilatéraux ;

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. le Groupe Consultatif sur la Production et l'Investisse-

ment Alimentaire, pour encourager un flux accru de ressour-

ces externes destinées à renforcer la production alimentai-

re ;

. le Systeme Mondial d'Information et d'Alerte sur l'Alimenta-

tion et l'Agriculture, pour surveiller les activités des

différents organismes nationaux et internationaux et faci-

liter l'établissement d'un système d'information sur les

conditions climatiques pouvant affecter la situation ali-

mentaire mondiale ;

. le Groupe Consultatif sur la Recherche Agricole Internatio-

nale, pour appuyer les activités de recherche des centres

de recherche agricole localisés dans le Tiers Monde ;

. et l'Engagement International sur la Sécurité Alimentaire

Mondiale, pour l'établissement d'une coopération au sujet

des réserves permettant d'assurer les aliments de base,

surtout les céréales, afin de faire face à d'éventuelles

difficultés d'approvisionnement et réduire les fluctuations

de la production et des prix.

III. Les développements après la Conférence et l'évolution de

la situation alimentaire mondiale entre 1975 et 1978

La mise en place de ce plan d'action destiné à améliorer la

situation et la sécurité alimentaire mondiales dépendaient évidement

pour ses résultats de la volonté politique des gouvernements. Volonté,

d'une part, des gouvernements du Tiers Monde pour mener à bien les

actions nécessaires afin d'augmenter la production alimentaire et

d'améliorer la situation nutritionnelle des groupes les plus pauvres

de leur population. Volonté, d'autre part, des pays industrialisés de

les aider, par l'investissement et le transfert technologique, à ré-

aliser leurs objectifs. Il était bien évident que le problème essentiel,

plutôt que du damaine technique ou scientifique, relevait de la volonté

politique pour la mise en pratique des recommandations et des résolu-

tions approuvées.

Il ne s'agit pas ici de faire une évaluation détaillée des

-114 -

suites de la Conférence. Cela pourra être retrouvé en détail dans

divers documents (1). Notre propos est d'analyser danS ses grandes

lignes l'évolution de la situation alimentaire entre 1975 et 1978

et de vérifier dans quelle mesure l'évolution de cette situation a

été influencée par les résolutions de la Conférence.

Dans les apparences, la situation alimentaire pour les pays

du Tiers Monde s'est beaucoup améliorée à partir de 1974 par rapport

aux années immédiatement précédentes. En effet, l'indice de la fluctu-

ation de la production alimentaire annuelle calculé par la FAO, pour

l'ensemble du Tiers Monde est passé de - 0,8 % par personne (pour la

moyenne annuelle des années 1970-74) à + 0,6 % (pour les années 1974-

78). L'accroissement de cette production a été particulièrement impor-

tant en Extrême-Orient (de - 1,0 à + 1,5) et en Amérique Latine (de

- 0,3 à + 0,7) tandis que la situation ne s'est pas améliorée d'une

façon significative en Afrique (de - 1,8 à - 1,4) et a rétrogadét au

Moyen-Orient (de + 0,2 à - 0,4).'Dans les pays socialistes d'Asie, la

croissance de la production alimentaire par personne a ralenti son

rythme d'accroissement (de + 1,1 à + 0,9).

D'autre part, plusieurs bonnes récoltes généralisées ont per-

mis de reconstituer les stocks alimentaires, lesquels, sans inclure

ceux détenus par la Chine et l'U.R.S.S., sont remontés de 107 millions

de tonnes en 1973-74 à 178 millions de tonnes en 1977-78, l'équivalent

de presque 20 % de la consommation mondiale.

(1) Voir à ce sujet FAO, la Situation Mondiale de l'Alimentation et de

l'Agriculture en 1978 (74è session, Rame : 27 Novembre - 8 Décembre

1978) et Conseil Alimentaire Mondial, Toward a World without Hunger :

Progress and prospects for completing the unfinished agenda of the

World Food Conference, Report by the Executive Director (Fifth Minis-

terial Session, Ottawa, 4-7 September 1979).

-115-

En troisième lieu, le flux des investissements destinés à

appuyer la croissance de l'agriculture dans le Tiers Monde a augmenté

oonsidèrablement, en passant d'un montant total de 2,5 milliards de

dollars en 1973 à près de 4,3 milliards ed 1977, spécialement par l'ac-

tion des organisations financières internationales.

Mais, parallèlement à ces signes positifs, d'autres sont né-

gatif s. En effet, d'une part, pour satisfaire leurs besoins alimentai-

res les pays du Tiers Monde ont dû continuer à accroître d'une façon

très rapide leurs importations. En considérant seulement le blé et les

céréales secondaires, ces importations sont passées de 28 millions de

tonnes par an (moyenne 1969-71) à 48 millions de tonnes en 1974 et à

68 millions de tonnes en 1977-78, dont l'aide alimentaire n'en représen-

te que 9 millions.

D'autre part, mène en considérant les très bonnes récoltes de

ces dernières années et l'accroissement des importations, la situation

alimentaire des groupes les plus pauvres des populations du Tiers Monde

a continué de se dégrader. Selon la FAO, en utilisant des critères très

modérés pour mesurer la mulnutrition, le nombre des mal nourris dans

ces pays est passé de 400 millions en 1969-71 à 455 millions en 1972-

74. Ces chiffres représentaient près de 30 % de la population totale

en Afrique et en Extrême-Orient et plus de 15 % en Amérique Latine et

au Proche-Orient.

Selon la Banque Mondiale, qui utilise d'autres critères pour

mesurer la malnutrition, celle-ci atteindrait aujourd'hui plus d'un

milliard de personnes dans les pays du Tiers-Monde.

Donc, mène en considérant que les bonnes récoltes des der-

nières années ont permis une reprise favorable de la production alimen-

taire dans le Tiers-Monde et que les importations alimentaires augmen-

tent, l'objectif que s'était fixé la Conférence de Rame de libérer

le monde de la faim et de la malnutrition en dix ans (objectif pour

1985), au lieu de se rapprocher, semble s'éloigner.

- 116 -

D'autre par, obtenir un taux de croissance moyen annuel de

la production alimentaire de 4 % semble un objectif encore lointain.

Entre 1974 et 1978, la production alimentaire dans le Tiers-Monde a

augmenté à un taux global de 3,1 % et à un taux moyen par personne de

0,6 %.

Nous pouvons donc conclure, quant aux suites de la Conférence,

même en considérant que certains progrès ont été réalisés du point de

vue de la production alimentaire (1) et des investissements pour l'agri-

culture, que ceux-ci n'ont pas permis d'assurer une amélioration de la

situation alimentaire mondiale. Celle-ci continue à se dégrader pour

un secteur considérable de la population : les plus pauvres des campagnes

et des villes des pays du Tiers-Monde. L'examen de cette situation nous

mène à nous poser la question de savoir si les résolutions de la Confé-

rence étaient les meilleures et suffisantes pour atteindre leur objec-

tif : la suppression de la faim et de la nulnutrition dans le monde.

IV. Les conditions d'une politique alimentaire

La réponse à la question antérieure ne peut être que négative.

Les résolutions trop exclusivement centrées sur les problèmes de l'aug-

mentation de la production, de l'accroissement des investissements

agricoles, de l'aide alimentaire et des ajustements entre l'offre et la

demande au niveau du marché, n'ont pas assez pris en compte le problème

de la consammation alimentaire qui dépend aussi de beaucoup d'autres

facteurs, peut-être plus importants encore que ceux de la production

et du commerce. Celà mène à la question fondamentale : de quoi dépendent

les systèmes alimentaires et quels sont les facteurs qui les déterminent ?

Quelles sont les canposantes d'un système alimentaire pour un pays donné ?

Et, pour définir une politique alimentaire correcte il est absolument

(1) Dus surtout à des facteurs indépendants de la volonté des hommes,

et non permanents, comme les bonnes conditions climatiques.

-117 -

nécessaire de partir de cette analyse (1).

Disons d'abord que l'approche globalisante par pays ne semble

pas la meilleure pour commencer cette analyse. Elle empêche de voir les

grandes différences qui existent entre les divers groupes de population

d'un même pays. Et ceci est d'autant plus vrai pour les pays du Tiers-

Monde que pour les pays industrialisés. Dans ces derniers, les systèmes

alimentaires ont tendance à devenir beaucoup plus homogènes pour l'en-

semble de la population tandis que dans les premiers, on trouve d'énor-

mes différences dans la situation alimentaire selon le niveau de revenu

et l'habitat physique urbain ou rural.

Il faudrait plutôt commencer à faire cette analyse à partir

du concept d'une population donnée, soit au niveau national, régional

ou local. Ceci permettrait de mieux saisir l'ensemble des composants

du système alimentaire de cette population.

En regardant les choses ainsi, il est nécessaire de confronter

d'une part, les facteurs qui influencent la disponibilité alimentaire

de cette population et, d'autre part, ceux qui influencent sa consomma-

tion alimentaire.

Parmi les facteurs qui influencent la disponibilité, nous

trouvons les suivants : la production alimentaire du territoire où

habite cette population, le stockage et la conservation de cette pro-

duction durant l'année, les exportations et les importations de pro-

duits alimentaires de la région, et les systèmes de distribution aussi

bien pour la production régionale que pour les produits alimentaires

importés.

(1) Pour une bonne analyse de la complexité des systèmes alimentaires,

voir UNRISD, Systèmes Alimentaires et Société (16è session du Conseil

d'Administration, Genève, 10-11 Juillet 1978).

- 118 -

A leur tour, parmi les facteurs qui déterminent la consommation

alimentaire, en plus de la disponibilité, il faut tenir compte d'un en-

semble assez complexe d'éléments, parmi lesquels l'on peut signaler :

le taux d'accroissement de la population, le niveau de revenu et sa

distribution (par classes sociales et par zones urbaines ou rurales),

la culture alimentaire et les changements des habitudes induites par

l'influence culturelle, financière et commerciale des pays dominants

et, finalement, le rapport entre les variations des coûts de l'alimen-

tation et les variations du niveau de revenu de la majorité de la po-

pulation.

C'est seulement la considération de tout cet ensemble de fac-

teurs pour une population donnée et non le simple accroissement de la

disponibilité de certains produits de préférence consommés par les po-

pulations des pays riches de l'Occident, qui permettra de résoudre

effectivement le problème de la sous-alimentation et de la faim.

Si nous observons, en fonction de ce qui précède la réalité

spécifique de la plupart des pays du Tiers-Monde, nous voyons qu'est en

train d'agir chez eux un ensemble de facteurs qui empéche la satisfac-

tion des besoins alimentaires des groupes les plus démunis de leurs

populations. Si l'on veut donc résoudre le problème alimentaire c'est

sur ces facteurs qu'il faut agir. Ici se trouvent les véritables obsta-

cles qu'il faut aborder.

Nous signalons à continuation ceux qui semblent les plus impor-

tants.

Obstacles à la disponibilité alimentaire

Agissant négativement sur les disponibilités alimentaires

pour les populations de ces pays, l'on trouve quatre obstacles qui sont

les plus redoutables.

Premièrement, le système de production établi pendant la domi-

nation coloniale et maintenu en grande partie, sinon renforcé, pendant

- 119 -

la période post-coloniale, dans lequel on donne la priorité aux _produits

agricoles d'exportation par rapport aux productions vivrières tradition-

nelles consommées par la majorité de la population nationale. Cette

priorite implique l'utilisation des meilleures terres, la sécurité de

l'irrigation, l'utilisation de la plus grande partie du capital dispo-

nible, des ressources technologiques et de l'appui de l'état pour les

produits d'exportation au détriment de l'agriculture vivrière.

Même quand les gouvernements mettent l'accent sur l'autonomie

nationale et prennent des dispositions tres fermes contre l'impérialis-

me des grandes puissances, quand ils cherchent à réaliser leur dévelop-

pement, ils le font par un effort croissant d'intégration aux exigences

du marché mondial, ce qui implique essayer d'exporter le plus possible

et au moindre prix pour être compétitif, soit de leurs produits d'expor-

tation agricoles traditionnels établis durant la période coloniale,

soit des nouveaux produits agricoles pranus aujourd'hui par l'agro-

industrie des pays industrialisés.

Cela conduit à l'insuffisance de la production vivrière inter-

ne face à l'accroissement des besoins et à la couverture des déficits

par des importations accrues de produits vivriers qui pèsent d'une

façon de plus en plus lourde sur la balance commerciale et qui augmentent

la fragilité des systèmes alimentaires globaux.

Un deuxième obstacle apparaît là où- daminent les systèmes

d'éconanie capitaliste, c'est-à-dire orientés par le pouvoir d'achat

des groupes minoritaires de la population qui pèsent le plus sur le

marché, le manque d'appui à la production alimentaire interne, sauf

quand il s'agit d'un marché urbain important par le poids monétaire

des classes moyennes privilégiées. On produit alors pour ces marchés

internes avec des techniques modernes importées de l'Occident qui sont

très coûteuses du point de vue de la cambinaison des ressources dispo-

nibles. Au même temps, on augmente considérablement le coût de cette ali-

mentation par sa transformation à travers une industrie agro-alimentaire

calquée sir celle des pays industrialisés, et dont l'objectif essentiel

est d'augmenter de plus en plus la valeur ajoutée industrielle et de

services par rapport à la valeur agricole de ces produits. Le type de

-120-

production alimentaire ainsi élaboré à un prix de marché qui l'éloigne

de plus en plus du pouvoir d'achat des groupes les plus pauvres, au

même temps qu'il voit diminuer son apport nutritionnel.

Un troisième obstacle est celui des pertes très importantes

après récolte, par l'insuffisance des moyens appropriés de stockage,

de conservation et par les mauvaises conditions de la distribution.

Ces pertes varient selon les experts d'un minimum de 10 % de la récolte

pour les céréales et légumineuses à un minimum de 20 % ou plus pour

les autres cultures de base et les différentes denrées périssables. Des

estimations plutôt modérées évaluaient ces pertes pour l'ensemble du

Tiers-Monde à 107 millions de tonnes de produits alimentaires en 1976.

Les pertes en céréales et légumineuses seules permettraient de satis-

faire les besoins alimentaires de 168 millions de personnes (1).

Finalement, un quatrième obstacle agissant sur les disponibi-

lités alimentaires dans la plupart des pays du Tiers-Monde est celui

des facilités physiques pour la distribution. Même là où il n'y a pas

trop de difficultés financières pour couvrir les déficits alimentaires

par l'importation (cas des pays de l'OPEP), l'insuffisance notable du

système portuaire, de stockage et de transport font grandement obstacle

aux problèmes de la distribution à l'ensemble de la population, particu-

lièrement à la population rurale vivant plus éloignée des ports.

Influences sur la consommation

Quant aux facteurs agissant sur la consommation et qui empê-

chent la satisfaction généralisée des besoins alimentaires minima, spé-

cialement des groupes les plus pauvres de la population, il faut signa-

ler les suivants :

(1) Voir National Aeademy of Sciences, Postharvest Food Losses in

Developing Countries (Washington, D.C. : 1978).

- 121 -

Tout d'abord l'insuffisance du revenu et les très fortes

inégalités dans sa distribution, ce qui est lié d'une façon très

étroite au problème du sous-emploi et de la faible productivité des

postes de travail disponibles pour une grande majorité de la popula-

tion active. On meut affirmer sans aucun doute qu'ici se trouve, et

non au plan de l'insuffisance de la production alimentaire, l'obstacle

essentiel à l'amélioration de la situation alimentaire mondiale,

Le sous-emploi et la sous-productivité de la majorité de la

population active des pays du Tiers-Mônde sont la conséquence, à leur

tour, de l'extension et de la pénétration dans la plupart de ces écono-

mies du modèle de croissance capitaliste. Celui-ci se développe aujour-

d'hui dans un contexte socio-économique fort différent de celui qui ca-

ractérisa les pays capitalistes industrialisés à des étapes similaires

du processus d'accumulation du capital. Les principales différences

étant l'accroissement beaucoup plus rapide de la population et de la

force de travail et la disponibilité de technologiestrès intensives

dans l'utilisation du capital et cherchant à employer un nombre réduit

de travailleurs hautement qualifiés.

Cela implique l'absorption dans le secteur productif moderne

d'une faible proportion de la population active et la marginalisation du

plus grand nombre qui deviennent soit des travailleurs sans terre à

l'emploi incertain et instable, soit des producteurs agricoles réfugiés

dans des toutes petites parcelles de terrain incapables de satisfaire

leurs besoins minima, soit des sous-prolétaires urbains travaillant quand

ils le peuvent dans ce que quelques-uns appellent le "secteur informel

urbain" (1), soit dans les services personnels ou le petit commerce. Pour

ces majorités de pauvres, les bas niveaux et l'insécurité de leurs reve-

nus les empêchent de satisfaire leurs besoins alimentaires essentiels

et c'est parmi eux et leurs familles que se trouvent les mal nourris et

les sous-alimentés.

(1) Entreprises constituées par des travailleurs indépendants, de petite

taille, disposant de peu de capital, utilisant des technologies tradition-

nelles, etc. Voir à ce sujet Dagmar Raczynski, El Sector Informai Urbano :

interrôgantes y controversias (Santiago de Chile : Convenio PRLLC-CIEPLAN,

011, 1977).

- 122

Un seul exemple, celui de l'Inde : elle peut être considérée

à la fois le pays ayant le dixième produit national dû monde, où vi-

vent 100 millions d'hommes modernes, fondamentalement urbains, à des

niveaux de productivité aussi avancés que les plus industrialisés du

monde, et simultanément, le pays où vivent 540 millions de pauvres dans

une situation qui a peu changé depuis des siècles. L'agriculture indien-

ne a fait d'énormes progrès ces dernières années. La récolte de 1978

fut une récolte record de 125 millions de tonnes de céréales, plus que

le nécessaire pour satisfaire convenablement les besoins alimentaires

de sa population. Le pays produit 4 fois plus d'engrais qu'il y a dix

ans et a augmenté sa surface irriguée de 50 %. Mais, même avec tous

ces progrès, des millions d'Indiens continuent de se trouver dans une

situation de sous-alimentation. En 1971-72, 15 % des unités familiales

indiennes urbaines et rurales disposaient de moins de 2.000 calories

par jour et par personne à cause de l'insuffisance de leurs revenus (1).

Des différences considérables dans la consammation alimentaire

existent aussi à l'intérieur d'un même pays selon le niveau de dévelop-

pement des différentes régions et l'emplacement rural ou urbain de la

population.

Si nous prenons par exemple le cas du Brésil et nous comparons

la situation alimentaire des habitants du Nord-Est avec celle des habi-

tants du Sud du pays, nous voyons que dans le Nord-Est urbain, 48 % des

unités familiales disposaient en moyenne de moins de 2.000 calories par

jour et par personne et dans le Nord-Est rural, 57 % des unités familia-

les disposaient de moins de 2.140 calories (2). Dans le Sud du Brésil

par contre, seulement 15 % des unités familiales urbaines disposaient

de moins de 2.000 calories par jour et par personne et, apparemment

selon les statistiques, toutes les unités familiales rurales dans le

Sud dépassaient la disponibilité des 2.000 calories. De nouveau, tout

(1) Voir FAO, The Fourth World Food Survey (Pane : 1977).

(2) Quoique les maxima ne soient pas strictement comparables étant donné

la façon dont sont présentées les statistiques, ils sont assez proches.

Voir document cité en note(1) ci-dessus.

-123-

ceci est lie au niveau et à la distribution du revenu parmi la popula-

tion de ces régions. Il est donc erroné, si ce problème essentiel

n'est pas aborde dans les politiques de développement, de penser que

le simple accroissement de la production alimentaire, m'âne au taux de

4 % annuel recammandé par la Conférence de Rame, résoudra le problème

de la malnutrition parmi les pauvres du Tiers-Monde à économie de

marché.

Un autre facteur essentiel agissant sur la consommation ali-

mentaire et renforçant les effets qui viennent d'être analysés est

celui de la pénétration et l'extension du sypème ou du modèle alimen-

taire des pays industrialisés dans les pays du Tiers Monde. Dans cette

penetration, les sociétés agro-industrielles multinationales tiennent

une place de choix. Came l'a démontré d'une façon très documentée

Susan George (1), le système alimentaire dont sont propagatrices ces

sociétés et qui connaît sa forme la plus avancée aux Etats-Unis

d'Amérique, s'est introduit et se développe, avec des degrés divers de

succès, dans les systèmes alimentaires du Tiers Morde. Il utilise toute

sa puissance financière, idéologique et technique pour essayer de deve-

nir universel, en utilisant pour celà un ensemble de moyens complémen-

taires. D'une part, la propagation de certaines pratiques culturelles,

camme celles de la "révolution verte". Liée à celle-ci, la création de

nouveaux marchés pour les inputs technologiques produits directement

ou sous contrôle des transnationales. D'autre part, le changement des

habitudes alimentaires des populations des pays périphériques par la

publicité et aussi par l'aide alimentaire. En rapport avec ceci, l'éla-

boration de plus en plus sophistiquée de la production alimentaire pour

augmenter sa valeur ajoutée industrielle et en services, où l'on fait

le gros du profit, ce qui conduit à la production d'un type d'alimenta-

tion de plus en plus coûteux, très en-dessus du pouvoir d'achat des

masses populaires. Dans la mesure où ce type d'alimentation se dévelop-

pe dans le Tiers Monde, la situation des masses pauvres, au lieu de

(1) Voir sa these de doctorat intitulée Stratégies d'Intervention des

Pays Industrialisés dans les Systèmes Alimentaires des Pays Périphéri-

cues Fresentée à l'Université de Paris III en Décembre 1978.

-124--

s'améliorer, se dégrade. Maints exemples pourraient être cités, des-

quels peut être l'un des plus connus est celui de la substitution du

lait maternel pour l'allaitement des enfants par du lait en poudre

donné au biberon. Nombreux sont aussi les exemples dans lesquels on

voit que la substitution d'aliments ou de boissons traditionnels par

des produits appelés 'Modernes" ont impliqué une baisse de la situa-

tion alimentaire précédente des populations du Tiers Monde. On peut

donc affirmer que la pénétration parmi les pauvres de ces habitudes

alimentaires conduit à les faire payer plus cher pour les faire manger

moins bien. Cela est très grave quand on vit, de par son revenu, à la

limite de la- subsistanbe et constitue aujourd'hui un facteur essentiel

dans l'augmentation du nombre oies mal nourris.

L'analyse qui précède permet, pour conclure, de signaler

quelles seraient les actions à mener dans le Tiers Monde pour arriver

à une situation d'autosuffisance alimentaire.

V. Une politique d'autosuffisance alimentaire

Celle-ci n'implique pas, comme certains peuvent le penser,

l'objectif de produire au niveau national, régional ou local toute

l'alimentation dont a besoin la population vivant sur ce territoire.

Ce renfermement absolu dans des frontières déterminées pour satisfaire

tous les besoins alimentaires serait trop coûteux et n'est pensable

qu'en situations exceptionnelles (cas de guerre ou impossibilité phy-

sique de tout échange avec l'extérieur), ou pour des populations iso-

lées vivant dans des systèmes de totale autosubsistance.

Par contre, une politique d'autosuffisance alimentaire impli-

que la recherche d'un équilibre approprié entre plusieurs variables

qui doivent être intégrées et coordonnées en fonction de la situation

spécifique de chaque population.

Ces variables sont les suivantes :

a) Un système de production alimentaire et de développement

rural qui n'implique pas la marginalisation croissante des masses

paysannes en tant que producteurs et consommateurs. Est-ce dire un

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système capable de produire les aliments en créant les emplois produc-

tifs nécessaires pour assurer un revenu satisfaisant à l'ensemble de

la rnpulat_inn ruralP. Cela mené à une révision très profonde dans les pays du fliersionde des rapports actuels entre : terres disponibles -

emplois à assurer - technologies à utiliser - et types de productivité

à maximiser.-

b) Un système de production alimentaire qui cherche à faire

la meilleure utilisation des ressources disponibles du point de vue

des aliments à produire. Il faut tenir campte de la qualité des terres,

de leurs aptitudes pour les différentes production, de l'influence des

facteurs climatiques et des facilités existantes (irrigation par exem-

ple). Il faut étudier quel est l'ensemble de produits alimentaires

capable de fournir le maximum de calories et de protéines pour une popu-

lation donnée, au moirxire coût, étant donné les différentes alternati-

ves de production possibles, les habitudes alimentaires de la population

et son revenu moyen au niveau de la majorité des masses populaires. Ceci

conduit à ne pas rechercher per se ou parce que c'est considéré moderne,

le type actuel de production alimentaire des pays industrialisés et

tempérés de l'Occident, surtout quand il s'agit de populations vivant

en milieu tropical.

c) Un système de consommation et de distribution des aliments

qui cherche à éviter au maximum les pertes après récolte par des méthodes

économiquement compatibles avec le niveau de développement du pays.

Système qui assure, d'autre part, le contrôle de ces récoltes par les

producteurs eux-mènes et par les associations de consammateurs, et non

par des puissants intermédiaires exploitant producteurs et consommateurs.

d) Un système de rapports entre variations des niveaux de reve-

nus de la population et variations des coûts de production et de distri-

bution qui rende possible la satisfaction au niveau du revenu existant

pour la majorité, des besoins alimentaires essentiels.

e) Finalement, un système d'échange international qui ne drai-

ne pas vers les populations des pays industrialisés, à cause de leur niveau beaucoup plus élevé de richesse, le gros de la production phy-

sique alimentaire mondiale, en fonction d'un type d'alimentation terri-

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blauent gaspilleur des ressources existantes et conduisant â une mal-

nutrition par excès (cas des céréales utilisées de plus en plus pour

étre transformées en viandes pour les peuples les plus riches).

Nous pensons que c'est seulement en fonction de l'analyse du

fonctionnement de ces variables qu'on pourra élaborer pour chaque situa-

tion concrète une politique d'autosuffisance alimentaire â la hauteur

du défi qui se pose aujourd'hui pour la majorité de la population mon-

diale.

lmp. Nat.

0671 334 T