l'isem - abdul-hadi 1911

Upload: purushaprakriti

Post on 01-Jun-2018

219 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    1/14

    L'IDENTITE SUPRME DANS L'ESOTERISMEMUSULMAN

    Abdul-HadiLa Gnose, 1911

    Le petit trait que nous voulons traduire est un des plus intressants qui existentsur la question. Le texte arabe n'a jamais t imprim nulle part, autant que je lesache. Les manuscrits abondent, mais ils sont rarement exacts et prsentent beaucoupde variations du texte primitif. Celui-ci est donc restituer, mais ce travail n'offre pasde grande difficults en la circonstance. La pense dominante est trs claire, de sorteque les diffrentes rdactions et les nombreuses fautes des copistes ne constituentaucun obstacle l'intelligence parfaite du texte. Le seuls points contestables sont letitre de l'ouvrage et le nom de l'auteur.

    L'ouvrage est souvent dsign par : L'ptre de la connaissance du Seigneur parla connaissance de soi-mme. C'est aussi le sujet de la dissertation. Autres titres :Le trait de la connaissance de soi-mme, - La clef de la connaissance(d'Allah), - Kitbul-Alif , - Kitbul-Ajwibah, - Le trait de Balabni(d'aprs le nom d'un auteur prsum). Le titre le plus frquemment employ par lescrivains aussi bien que par les Derwishes est : Rislatul-Ahadiyah, ou l'ptre del'Unit. C'est celui-ci que nous avons adopt.

    La question de l'auteur ne laisse pas d'tre discutable. Nous pouvons affirmer qu'ils'appelle toujours Mohammad Abd-Allah, mais cela ne nous avance par beaucoup.Les manuscrits qui prcisent davantage le nom de l'auteur se divisent en deuxcatgories : les uns disent que l'auteur est Mohammad Abu Abd-Allah ibn AliMohyiddin ibn Arabi el-Htimi et-T'i el-Andalsi, surnomm le plus grands desSheikhs (m. 638 H.). Je suis persuad que notre grand Matre est, en effet, l'auteur decet admirable trait. Le style l'indique d'une faon assez suffisante. D'autresmanuscrits l'attribuent un Mohammad ou un Abd-Allah Balabni, Bilbni oumme Balayni. Quel est ce Sheikh ? Il y a un Awhadud-Din Abd Allah Balayni (m.

    686 H.). Il se pourrait aussi que Balabni soit un surnom kurdo-persan, de Bala =haut, et Bn = voix. Les savants kurdes ont toujours eu, plus que les autres, unegrande vnration pour Mohyiddin. Balabni serait donc une paraphrase kurde de Es-Sheikhul-Akbar = le plus grand des Sheikhs ou Matres spirituels. Allah connat lemieux la vrit l-dessus.

    J'ai entendu dire que quelques manuscrits attribuent la paternit de ce trait undes Soytis. Il me parat invraisemblable qu'un pareil ouvrage ait pu sortir d'aucun deces deux savants, car il n'est pas un produit d'rudition, mais de matrise sotrique.La question du vritable auteur reste pourtant ouverte jusqu' nouvel ordre. Je suisintimement persuad que l'auteur en est Mohyiddin ibn Arabi, mais je ne puis, l'heure actuelle, rfuter scientifiquement une opinion contraire.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    2/14

    J'ai ma disposition une dizaine de manuscrits, dont aucun n'est correct, mme peu prs. Ma traduction tait aux trois quarts termine lorsque j'appris que l'ouvrage adj t traduit en anglais, je ne sais o, quand et par qui. Dans tous les cas, il n'enexiste aucune traduction franaise. Nous ferons suivre la ntre de la rdactiondfinitive du texte quand l'imprimerie arabe de cette revue sera bien installe.

    ***

    LE TRAITE DE L'UNITE(RISLATUL-AHADIYAH)

    par le plus grand des Matres spirituels

    MOHYIDDIN IBN ARABI

    Au nom d'Allah, le Clment, le Misricordieux.Nous implorons Son secours.Gloire Allah, avant l'Unit(1)duquel il n'y a pas d'antrieur, si ce n'est Lui qui est

    ce Premier(2); aprs la Singularit(3)duquel il n'y a aucun aprs, si ce n'est Lui qui estce Suivant(4). propos de Lui(5), il n'y a ni avant, ni aprs, ni haut, ni bas, ni prs, niloin, ni comment, ni quoi, ni o, ni tat, ni succession d'instants, ni temps, ni espace,ni tre(6) : "Il est tel qu'Il tait". "Il est l'Unique, le Dompteur" (7) (sans les

    conditions ordinaires de) l'Unit(8). Il est le Singulier(9)sans singularit(10). Il n'est pascompos de nom et de nomm, car le nom est Lui et le nomm est encore Lui (11). Iln'y a pas de nom sauf Lui. Il n'y a pas de nomm en dehors de Lui. C'est pourquoi ilest dit qu'Il est le nom et le nomm(12). Il est le Premier sans antriorit. Il est leDernier sans les conditions ordinaires de la finalit, c'est--dire sans finalit absolue.Il est l'vident sans extriorit. Il est l'Occulte sans intriorit. Je veux dire qu'Il estl'existence des Glyphes de l'externe comme Il est l'existence de ceux de l'interne. Iln'y a ni externe ni interne hormis Lui, et cela sans que ces Glyphes se changent pourdevenir Lui, ou que Lui, Il se change pour devenir ces Glyphes(13). Il importe de bien

    comprendre cet arcane, de peur de tomber dans l'erreur de ceux qui croient aux(1) El-Wahdaniyah.(2)Qablu.(3) El-Fardniyah.(4)Baadu.(5) Mot mot : avec Lui,Maaho.(6) Kawn, l'tre changeable, conditionn, temporel.(7)El-Whid, El-Qahhr.(8)El-Whidiyah(9)El-Fard.(10)El-Fardniyah.

    (11)Ha= 11 = (voir La Gnose, 2 anne, n5, p. 151).(12) Il est encore le nommant, comme nous le verrons plus tard en traitant de la Seigneurie divine, Er-Rabbniyah, ou

    plus spcialement ici El-Marbbiyah.(13)Hurf= Lettres, c'est--dire lments spirituels (voir le Spher ha-Zohar).

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    3/14

    incarnations de la Divinit. Il ne se trouve pas dans quelque chose et aucune chose nese trouve dans Lui par une entre ou une sortie quelconque(14). Il faut le connatre decette faon, non par la science, l'intelligence, l'imagination, la sagacit, les sens, lavision extrieure, la vision intrieure, la comprhension ou le raisonnement. Personnene peut Le voir, sauf Lui-mme. Personne ne Le saisit, sauf Lui(-mme). Personne ne

    Le connat, sauf Lui(-mme). Il Se voit par Lui(-mme)(15)

    . Il Se connat par Lui(-mme). Autre-que-Lui(16) ne peut Le voir. Autre-que-Lui ne peut Le saisir. Sonimpntrable voile est Sa propre Unicit. Autre-que-Lui ne Le dissimule pas. Sonvoile est Son existence mme. Il est voil par son Unicit d'une faon inexplicable.Autre-que-Lui ne Le voit pas : aucun prophte envoy, aucun saint parfait ou angeapproch(17). Son prophte est Lui(-mme). Son messager (aptre)(18) est Lui. Samissive (apostolat) est Lui. Sa Parole est Lui. Il a mand Son ipsit par Lui-mme deLui-mme vers Lui-mme, sans aucun intermdiaire ou causalit (extrieure) queLui-mme. Il n'y a aucune disparit (de temps, d'espace ou de nature) entre Celui qui

    envoie, entre le Message, et le Destinataire de cette missive. Son existence est celledes Lettres de la prophtie, pas d'autre. Autre-que-Lui n'a pas d'existence (ou denominalit), et ne peut donc s'anantir, (n'ayant jamais exist). C'est pourquoi leProphte a dit : Celui qui connat son me (c'est--dire soi-mme), connat sonSeigneur. Il dit encore : J'ai connu mon Seigneur par mon Seigneur . LeProphte d'Allah a voulu faire comprendre par ces mots que tu n'es pas toi, mais Lui ;Lui et non toi ; qu'Il ne sort pas de toi et tu ne sors pas de Lui. Je ne veux pas dire quetu es ou que tu possdes telle ou telle qualit. Je veux dire que tu n'existes absolumentpas, et que tu n'existeras jamais ni par toi-mme ni par Lui, dans Lui ou avec Lui. Tune peux cesser d'tre, car tu n'es pas. Tu es Lui et Lui est toi, sans aucune dpendanceou causalit. Si tu reconnais ton existence cette qualit (c'est--dire le nant), alorstu connais Allah, autrement non.

    La plupart des initis disent que la Gnose, ou la Connaissance d'Allah, vient lasuite du Fan el-wujdi et du Fan el-jan'i, c'est--dire par l'effet de l'extinction del'existence et de l'extinction de cette extinction. Or, cette opinion est tout fait fausse,il y a l une erreur manifeste. La Gnose n'exige pas l'extinction de l'existence du moiou l'extinction de cette extinction ; car les choses n'ont aucune existence, et ce quin'existe pas ne peut cesser d'exister. Dire qu'une chose a cess d'exister, qu'elle

    n'existe plus, quivaut affirmer qu'elle a exist, qu'elle a joui de l'existence. Donc, situ connais ton me, c'est--dire toi-mme, si tu peux concevoir que tu n'existes pas et,partant, que tu ne t'teins pas, alors tu connais Allah, autrement non. Attribuer laGnose au Fan et au Fan el-jan'i est un crdo idoltre. Car, si tu attribues la Gnoseau Fan et au Fan el-jan'i, tu prtends qu'autre-qu'Allah puisse jouir de l'existence.C'est Le nier, et tu es formellement coupable d'idoltrie. Le Prophte a dit : Celuiqui connat son me(19)(c'est--dire lui-mme) connat son Seigneur . Il n'a pas

    (14)Autrement dit : Il n'entre en rien et rien n'entre en Lui ; Il ne sort de rien et rien ne sort de Lui.(15)Nafsaho, mot mot : Son me, c'est--dire Lui-mme, Son ipsit.

    (16) Gharoho(17) Qorn, IV, 170.(18) Il faut observer les nuances entre le Prophte (Nab), Aptre (Rasl) et Saint (Wal).(19)Man yaraf nafsaho.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    4/14

    dit : Celui qui teint son me(20)connat son Seigneur . Si l'on affirme l'existenced'un autre, on ne peut plus parler de son extinction, car on ne doit parler del'extinction de ce qu'on ne doit affirmer. Ton existence est nant, et nant ne peuts'ajouter une chose, temporaire ou non. Le Prophte a dit : Tu n'existes pasmaintenant, comme tu n'existais pas avant la cration du monde . Le mot

    maintenant (est pris ici dans son sens de prsent absolu,) signifie l'ternit sanscommencement, aussi bien que l'ternit sans fin. Or, Allah est l'existence de l'ternitsans commencement, et de l'ternit sans fin, ainsi que la prexistence. Ces troisaspects de l'ternit sont Lui. (Allah est l'existence de ces trois aspects de l'ternit,sans qu'Il cesse d'tre l'Absolu.) S'il n'en tait pas ainsi, Sa Solitude ne serait pas ; Ilne serait pas sans partenaire. Or, il est d'obligation (rationnelle, dogmatique etthologique) qu'Il soit seul et sans compagnon aucun. Son partenaire serait celui quiexisterait par lui-mme, non par l'existence d'Allah. Un tel n'aurait pas besoin d'Allah,et serait, par consquent, un second Seigneur Dieu, ce qui est impossible. Allah n'a

    pas de partenaire, de semblable ou d'quivalent. Celui qui voit une chose avec Allah,d'Allah ou dans Allah, mme en la faisant relever d'Allah par la Seigneurie (21), rendcette chose partenaire d'Allah, relevant de Lui par la Seigneurie. Quiconque prtendqu'une chose puisse exister avec Allah (peu importe que cette chose existe par elle-mme ou bien par Lui), qu'elle s'teigne de son existence ou de l'extinction de sonexistence, un tel homme, dis-je, est loin d'avoir la moindre perception de laconnaissance de son me et de soi-mme(22). Car celui qui prtend qu'autre-que-Luipuisse exister (peu importe que ce soit par lui-mme ou bien par Lui ou dans Lui),puis disparaisse et s'teigne, puis s'teigne dans son extinction, etc., etc., un telhomme tourne en un cercle vicieux par l'extinction sur l'extinction indfiniment. Toutcela est idoltrie sur idoltrie et n'a rien faire avec la Gnose. Un tel homme estidoltre, et il ne connat rien ni d'Allah ni de lui-mme ou de son me.

    Si l'on demande par quel moyen on arrive connatre son me (c'est--dire le"proprium', soi-mme) et connatre Allah, la rponse est : La voie vers ces deuxconnaissances est indique par ces paroles : Allah tait et le nant avec Lui(23). Ilest maintenant tel qu'Il tait . Si quelqu'un dit : Je vois mon me (mon"proprium", moi-mme) autre qu'Allah, et je ne vois pas qu'Allah soit mon me , larponse est : Le Prophte veut dire par le terme me le proprium , ton

    existence (particulire), ce que tu appelles moi-mme , et non pas l'lmentpsychique qui s'appelle tantt l'me imprieuse ou celle qui pousseirrsistiblement vers le mal , l'me qui reproche , la rassrne , etc., etc. (24) ;mais il veut dire par me tout ce qui est autre qu'Allah, comme il a dit : Fais-moi voir ( Dieu !) les choses telles qu'elles sont , dsignant par les choses tout

    (20) Man afna nafsaho.(21) Er-Rubbiyah; c'est, au point de vue exotrique et mme pitiste, la glorification.(22) Mot mot :... est loin de sentir le parfum de la connaissance de l'me, c'est--dire de lui-mme.(23) VoirLa Gnose, 1re anne, n12, p. 270.(24) L'me, En-nafs, , de la racine nafasa, respirer, souffler. Ce mot signifie beaucoup de chose en arabe, mais surtout :

    (a) Le pronom personnel mme , pour accentuer l'individuel d'un tre vivant, de prfrence raisonnable. De l lesens de proprium chez les Soufites. On dit communment nafsndans le sens d'goste. (b) L'me vitale,animale ou humaine, dont l'volution graduelle travers sept stations est le but moral du Derwishisme. Ce sujet adj t effleur par plusieurs orientalistes ; nous y reviendrons plus tard.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    5/14

    ce qui n'est pas Allah, qu'Il soit exalt. Il a voulu dire : Fais-moi connatre ce quin'est pas Toi, afin que je sache et afin que je connaisse (la vrit sur) les choses,si elles sont Toi ou bien autre-que-Toi ; sont-elles sans commencement ni fin, oubien ont-elle t cres et vont-elles disparatre ? Alors, Allah lui fit voir que toutce qui n'est pas Lui est (l'homme) lui-mme, et que tout ce qui n'est pas Lui n'a

    aucune existence. Et il vit les choses telles qu'elles sont ; je veux dire qu'il vit qu'ellestaient la quiddit d'Allah, hors du temps, de l'espace et de toute attribution (25). Leterme les choses peut s'appliquer l'me comme n'importe quoi. L'existence del'me et celle des choses s'identifient dans l'ide gnrale de chose(26). Donc, celui quiconnat les choses connat son me, son "proprium", c'est--dire lui-mme, et celuiqui se connat soi-mme connat le Seigneur(27). Car ce que tu crois tre autre-qu'Allahn'est pas autre-qu'Allah, mais tu ne le sais pas. Tu Le vois, et tu ne sais pas que tu Levois. Du moment que ce mystre a t dvoil tes yeux, que tu n'es pas autre-qu'Allah, tu sauras que tu es le but de toi-mme, que tu n'as pas besoin de t'anantir,

    que tu n'as jamais cess d'tre, et que tu ne cesseras jamais d'exister, jamais, commenous l'avons dj expliqu. Tous les attributs d'Allah sont tes attributs(28). Tu verrasque ton extrieur est le Sien, que ton intrieur est le Sien, que ton commencement estle Sien et que ta fin est la Sienne, cela incontestablement et sans doute aucun. Tuverras que tes qualits sont les Siennes et que ta nature intime est la Sienne, cela sansque tu sois devenu Lui ou que Lui soit devenu toi, sans (transformation,) diminutionou augmentation quelle qu'elle soit. Tout prit sauf Sa face (29), dans l'extrieur etdans l'intrieur. Cela veut dire qu'il n'existe aucun autre-que-Lui ; qu'autre-que-Luin'a aucune existence, mais est fatalement perdu, de sorte qu'il ne reste que Sa figure ;autrement dit : rien n'est stable hormis Sa figure(30). (Quelques manuscrits ajoutent : Partout o vous vous tournez, vous vous tournez vers la Face de Dieu :Coran, II, I09.) Un exemple : Un homme ignore quelque chose, puis il l'apprend. Cen'est pas son existence qui s'est teinte, mais seulement son ignorance. Son existencereste, elle n'a pas t change contre celle d'un autre ; l'existence du savant n'est pasvenue s'ajouter l'existence de l'ignorant ; il ne s'agit d'aucun mlange de ces deuxexistences individuelles ; il n'y a que l'ignorance qui a t enleve. Ne pense donc pasqu'il est ncessaire d'teindre ton existence, car alors tu te voiles avec cette mmeextinction, et tu deviens toi-mme (pour ainsi dire) le voile d'Allah(31). Commemaintenant le voile est autre-qu'Allah, il s'ensuit qu'autre-que-Lui puisse Le vaincre

    en repoussant les regards vers Lui, ce qui est une erreur et une mprise grave. Nous

    (25) VoirLa Gnose, 1re anne, n12, P. 272.(26) Sheyyiyah= choset , de Shey = chose.(27) Sic : Er-rabb; on devrait dire son Seigneur rabbaho, selon la formule consacre (voir La Gnose, 2me anne,

    n5, p. 152).(28) Dans quelques manuscrits, on trouve : Tu verras que toutes tes actions sont celles d'Allah et que tous Ses attributs

    sont les tiens.(29) VoirLa Gnose, 1re anne, n 12, p. 270.(30) Ce passage peut s'interprter, donc se traduire, de diffrentes faons, mais le sens traditionnel est que les choses

    n'existent que par notre ignorance. Elles disparaissent au fur et mesure que notre ignorance diminue. Leurexistence tant une illusion, leur disparition n'est qu'une faon de parler. J'ai voulu expliquer cette ide fondamentale

    de l'sotrisme musulman dans La Gnose : Pages ddies au Soleil, 2me anne n2, p. 63, etL'Universalit enl'Islam, 2me anne, n 4, P ; 121. J'ai dsign les choses par la ralit collective .

    (31) Allah n'est jamais voil. Il parat ainsi, mais c'est une illusion. C'est l'homme qui est voil, par lui-mme ou par lesautres, de sorte qu'il ne peut voir son Seigneur. Telle est la tradition.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    6/14

    avons dit plus haut que l'unicit et la singularit sont les voiles d'Allah, pas d'autres.C'est pourquoi il est permis au Wil, c'est--dire celui qui est arriv la Ralit(personnelle)(32), de dire : Je suis le Vrai Divin , ou bien : Gloire moi ; que macelsitude est grande ! Un tel Wiln'est pas arriv un degr aussi sublime sansavoir cru que ses attributs sans les attributs d'Allah et que son tre intime est l'tre

    intime d'Allah, sans aucune transformation d'attributs ou transsubstantiation d'treintime, sans aucune entre dans Allah ou sortie de Lui (ou vice versa). Il voit qu'il nes'teint pas dans Allah et qu'il ne persiste pas avec Allah non plus. Il voit que son me(c'est--dire son "proprium") n'existe pas du tout, non pas comme ayant exist, puiss'tant teinte, mais il voit qu'il n'y a ni me ni existence sauf la Sienne.Le Prophte a dit : N'insultez pas au Sicle(33), car il est Allah. Il a voulu dire parces paroles que l'existence du Sicle est l'existence d'Allah (qu'il soit glorifi etmagnifi). Il est trop lev pour avoir un partenaire, un semblable ou un quivalentquelconque. Le Prophte dit dans une tradition Qods (34) : Allah dit : Mon

    serviteur ! J'tais malade, et tu ne M'as pas visit. J'avais faim, et tu ne M'as pasdonn manger. Je t'ai demand l'aumne, et tu l'as refuse. Il a voulu dire quec'tait Lui qui tait le malade et le mendiant. Comme le malade et le mendiantpeuvent tre Lui, alors toi et toutes les choses de la cration, accidents ou substances,peuvent aussi tre Lui. Quand on dcouvre l'nigme d'un seul atome, on peut voir lemystre de toute la cration, tant intrieure qu'extrieure. Tu verras qu'Allah n'a passeulement cr toutes choses, mais tu verras encore que, dans le monde invisibleaussi bien que dans le monde visible, il n'y a que Lui, car ces deux mondes n'ontpoint d'existence propre. (Tu verras) qu'Il n'est pas seulement leur nom, mais aussiCelui qui (les) nomme et Celui qui est nomm (par eux), ainsi que leur existence. Tuverras qu'Il n'a pas seulement cr une chose une fois pour toutes, mais tu verras qu'Il est tous les jours en l'tat de Crateur sublime (35)(Coran, LV, 29), parl'expansion et l'occultation de Son existence et de Ses attributs en dehors de toutecondition intelligible. Car Il est le Premier et le Dernier, l'Extrieur et l'Intrieur. Ilparat dans Son unit et Se dissimule dans Sa singularit. Il est le Premier par Sapersit. Il est le Dernier par Son ternelle permanence. Il est l'existence des Glyphesdu Premier et du Dernier, de l'Extrieur et de l'Intrieur, comme l'existence de cesGlyphes est Lui. Il est Son nom ; Il est celui qui est nomm. Comme Son existenceest fatale, logique et dogmatique, de mme est fatale la non-existence de tout autre-

    que-Lui. Ce que nous pensons tre autre-que-Lui n'est pas, au fond, un bi-existence,car Son existence Lui signifie qu'une bi-existence n'existe pas ; sans quoi cette bi-existence serait Son semblable. Or, autre-que-Lui n'est pas, car Il est exempt de cequ'un autre-que-Lui soit autre-que-Lui. Cet autre est encore Lui sans aucunediffrence intrieure ou extrieure. Celui qui est ainsi possde des attributs sansnombre ni fin.

    Celui qui est ainsi qualifi possde des attributs innombrables. Comme celui qui

    (32) VoirLa Gnose,2me anne, n2, Pages ddies au Soleil, et n4,L'Universalit en l'Islam.

    (33) Ed-dahru : voir La Gnose, 2me anne, n2, p. 63.(34) Les traditions ainsi nommes contiennent ce qu'Allah a dit directement au Prophte. Le Qorn est la Parole d'Allah,

    rvle par l'entremise de l'ange Gabriel.(35) Qorn, LV, 29.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    7/14

    meurt, dans le sens propre du mot, est spar de tous ses attributs louables oublmables, de mme, celui qui meurt, au sens figur, est spar de tous ses attributslouables ou blmables. Allah qu'Il soit bni et exalt est sa place dans toutesles circonstances(36). La nature intime d'Allah tient lieu de sa nature intime ;les attributs d'Allah tiennent lieu de ses attributs . C'est pourquoi le Prophte

    qu'Allah prie sur lui et le salut a dit : Mourez avant que vous ne mouriez ,c'est--dire : connaissez vous-mmes (vos mes, votre proprium ) avant quevous ne mouriez . Il a dit encore : Allah dit : Mon adorateur ne cessed'approcher de Moi par des uvres surrogatoires jusqu' ce que Je l'aime. Etlorsque Je l'aime, Je suis son oue, sa vue, sa langue, sa main, etc. (37). LeProphte veut dire : Celui qui tue son me (son proprium ), c'est--dire celui qui seconnat, voit que toute son existence est Son existence. Il ne voit aucun changementen sa nature intime ou en ses attributs . Il ne voit aucune ncessit ce que sesattributs deviennent les Siens. Car il a compris qu'il n'tait pas lui-mme l'existence

    de sa propre nature intime , et qu'il avait t ignorant de son proprium et de cequ'il tait au fond. Lorsque tu prends connaissance de ce qu'est ton proprium , tues dbarrass de ton dualisme(38), et sauras que tu n'es autre qu'Allah. Si tu avais uneexistence indpendante, une existence autre qu'Allah , tu n'aurais pas t'effacer ni connatre ton proprium . Tu serais un Seigneur Dieu autre que Lui. Qu'Allah soitbni, de sorte qu'il n'y a pas de Seigneur Dieu autre que Lui.

    L'intrt de la connaissance du proprium consiste savoir, mais avoir lacertitude absolue que ton existence n'est ni une ralit ni une nihilit, mais que tu n'espas, que tu n'as pas t et que tu ne seras jamais. Tu comprendras clairement le sensde la formule :L ilaha ill'Allah(= il n'y a pas de Dieu si ce n'est Le Dieu) (39), c'est--dire qu'il n'y a pas de Dieu autre que Lui, il n'y a pas d'existence autre que Lui, il n'y apas d'autre que Lui, et il n'y a pas de dieu si ce n'est Lui.

    Si quelqu'un objecte : Tu abolis Sa Seigneurie (40), je rponds : Je n'abolis pas SaSeigneurie, car Il ne cesse pas d'tre (Seigneur) magnifiant, non plus qu'Il ne cessed'tre (adorateur) magnifi. Il ne cesse pas d'tre Crateur, non plus qu'il ne cessed'tre cr.Il est maintenant (41) tel qu'Il tait. Ses titres de Crateur ou de Seigneurmagnifiant ne sont point conditionns par (l'existence) d'une chose cre ou d'un

    (adorateur) magnifi. Avant la cration des choses cres, Il possdait tous Sesattributs.Il est maintenant tel qu'Il tait. Il n'y a aucune diffrence dans son Unit,entre la cration et la prexistence. Son titre de l'Extrieur implique la cration deschoses, comme Son titre de l'Occulte ou de l'Intrieur implique la prexistence. Sonintrieur est Son extrieur (ou Son expansif, Son vidence), comme Son extrieur estSon intrieur ; Son premier est Son dernier et Son dernier est Son premier ; le tout est

    (36) Allah est ici considrer comme la formule de la Destine, universelle ou individuelle.(37) Une clbre Tradition sainte (Hadt qods)(voirLa Gnose, 2me anne n6, p. 174, note 2).(38) Itnaniyah= dualisme ; bi-existence ; croyance en deux divinits ; de Itnain= deux. Dans quelques manuscrits, je

    trouve :Ananiyah= gosme, de Ana = je, moi.(39) VoirLa Gnose, 2me anne, n2, p. 64, et n3, p. 111 (errata du n2).(40) Er-rubbiyah, c'est--dire l'influence segneuriale, la magnificatrice, glorifiante.(41) Il s'agit toujours de la Permanente Actualit .

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    8/14

    unique et l'unique est tout. Il est qualifi : Tous les jours Il est en l'tat de CrateurSublime ; rien autre que Lui n'tait avec Lui ; Il est maintenant tel qu'Il tait. Enralit, autre-que-Lui n'a pas d'existence. Tel qu'Il tait de toute ternit, tous les joursen l'tat de Crateur Sublime. (Il n'y a) aucune chose (avec Lui) et aucun jour (decration, l'exclusion d'un autre), comme il n'y a dans la prexistence de chose ni de

    jour(42)

    , car l'existence des choses ou leur nant est tout un. S'il n'en tait pas ainsi, ilaurait fallu la cration de quelque chose de nouveau qui ne ft pas compris dans SonUnicit, ce qui serait absurde. Son titre de l'Unique Le rend trop glorieux pour qu'unepareille supposition ft vraie.

    Lorsque tu peux voir ton proprium ainsi qualifi sans combiner l'ExistenceSuprme avec un adversaire, partenaire, quivalent ou associ quelconque, alors tu leconnais tel qu'il est (c'est--dire tu le connais rellement). C'est pourquoi le Prophtea dit : Celui qui connat son proprium connat son Seigneur . Il n'a pas dit :

    Celui qui teint son proprium connat son Seigneur . Il sut et il vit qu'aucunechose n'est autre que Lui. Ensuite, il dit que le connaissance de soi-mme du proprium (de son me), c'est l la Gnose ou la connaissance d'Allah. Connais ceque c'est que ton proprium , c'est--dire ton existence(43) ; connais qu'au fond tun'es pas toi, mais que tu ne sais pas. Sache que (ce que tu appelles) ton existence n'est(en ralit) ni ton existence ni ta non-existence. Sache que tu n'es ni existant ni nant,que tu n'es pas autre qu'existant ou autre que nant. Ton existence et ta nihilitconstituent Son Existence (absolue, telle que l'on ne peut ni doitdiscuter si Elle est ousi Elle n'est pas)(44). La substance de ton tre ou de ton nant est Son Existence. Donc,lorsque tu vois que les choses ne sont pas autres que ton existence et la Sienne, etlorsque tu peux voir que la substance de Son tre est ton tre et ton nant dans leschoses, sans (toutefois) voir quoi que ce soit avec Lui ou dans Lui, alors tu connaiston me, ton proprium . Or, se connatre soi-mme d'une telle manire, c'est l laGnose, la connaissance d'Allah, au-dessus de toute quivoque, doute ou combinaisond'une chose temporaire avec l'ternit, sans voir que l'ternit ou par elle ou ctd'elle autre chose que l'ternit.

    Si quelqu'un demande : Comment alors s'opre l'Union (El-wial), puisque tuaffirmes qu'autre-que-Lui n'est pas ? Une chose qui est unique ne peut s'unir qu'avec

    elle-mme , la rponse est : En ralit, il n'y a ni union (wal) ni sparation (fal),comme il n'y a ni loignement (buud) ni approchement (qurb). On ne peut parlerd'union qu'entre deux, et non lorsqu'il s'agit d'une chose unique. L'ide d'union oud'arrive comporte l'existence de deux choses, analogues ou non(45). Analogues, ilssont semblables. S'ils ne sont pas analogues, ils se font opposition. Or, Allah qu'Ilsoit exalt est exempt de tout semblable ainsi que de tout rival, contraste ou

    (42) C'est--dire : Il y a actuellement, notre point de vue humain, de chose avec Dieu ni de jour de crationparticulire, pas plus maintenant qu'avant la cration du monde.

    (43) C'est--dire ce que pouvait tre ta vie individuelle spare de la vie universelle.

    (44) Les mots entre parenthses sont les tentatives du traducteur pour prciser le sens du texte selon la pense del'auteur. Une traduction (Tarjumah) de l'arabe ou du chinois en une langue occidentale correspond exactement uncommentaire indigne, dans la langue mme du texte.

    (45)Mutaswi= parallle.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    9/14

    opposant. Ce qu'on appelle ordinairement union , proximit ou loignement(46), nesont point tels (dans le sens propre du mot). Il y a union sans unification,approchement sans proximit, et loignement sans aucune ide de loin ou de prs.

    Si quelqu'un demande : Qu'est-ce que c'est que la jonction dans la jonction, laproximit dans la proximit, ou l'loignement dans l'loignement ? , la rponse est :Je veux dire que, dans l'tat que tu appelles proximit (qurb), tu n'tais pas autreque Lui qu'Il soit exalt. Tu n'tais pas autre que Lui, mais tu ne connaissais paston proprium ; tu ne savais pas que tu tais Lui et non pas toi. Lorsque tu arrives Allah, c'est--dire lorsque tu te connais toi-mme sans les lettres de laconnaissance (47), tu connatras que tu es Lui, et que tu ne savais pas auparavant si tutais Lui ou non(48). Lorsque la connaissance (El-Irfn) te sera arrive, tu sauras que

    tu as connu Allah par Allah, non par toi-mme. Prenons un exemple : supposons quetu ne sais pas que ton nom est Mahmd, ou que tu dois tre appel Mahmd car levrai nom et celui qui le porte sont, en ralit, identiques. Or, tu t'imagines que tut'appelles Muhammad ; mais, aprs quelque temps d'erreur, tu finis par savoir que tues Mahmd et que tu n'as jamais t Muhammad. Cependant, ton existence continue(comme par le pass), mais le nom Muhammad est enlev de toi ; cela est arrivparce que tu as su que tu es Mahmd et que tu n'as jamais t Muhammad. Tu n'aspas cess d'tre Muhammad par une extinction de toi-mme (El-fan an nafsika), carcesser d'exister (fan) suppose l'affirmation d'une existence antrieure. Or, quiaffirme une existence quelconque hormis Lui, donne un associ Lui qu'Il soitbni, et que Son nom soit exalt. (Dans notre exemple), Mahmd n'a jamais rienperdu. Muhammad n'a jamais vcu (mot mot : respir, nafasa) dans Mahmd, n'est

    jamais entr dans lui ou sorti de lui. De mme Mahmd par rapport Muhammad.Aussitt que Mahmd a connu qu'il est Mahmd et non Muhammad, il se connat,c'est--dire il connat son proprium , cela par lui-mme et non par Muhammad.Celui-l n'tait pas. Comment aurait-il pu informer d'une chose quelconque ?

    Donc, celui qui connat et ce qui est connu sont identiques, de mme que

    celui qui arrive et ce quoi on arrive , celui qui voit et ce qui est vu sont identiques. Celui qui sait est Son attribut (ifa) ; Ce qui est su est Sasubstance ou nature intime (dt). Celui qui arrive est Son attribut ; Ce quoion arrive est Sa substance. Or, la qualit et ce qui la possde sont identiques. Telle

    (46) Wil, qurb, buaud ; terme soufites trs frquents. Dsignant des phnomnes psychologiques, ils s'emploientsurtout en morale. C'est pourquoi ils sont tombs, plus que les autres ides soufites, dans la vulgarit sentimentale,aprs avoir perdu leur vritable signification. Il incombe aux mtaphysiciens de rendre le sens primitif aux mots quidsignent les principes. Comme un grand artiste transforme un fait-divers banal en un monument immortel, demme le mtaphysicien purifie les lieux communs en dbarrassant la Tradition de la routine.

    (47) Par la synthse transforme et vivifie des connaissances dtailles et prcisables.

    (48) Mes manuscrits diffrent beaucoup les uns des autres. Dans quelques-uns, je lis : si tu tais Lui ou bien unautre que Lui . Ailleurs je trouve : si tu tais Lui ou que Lui tait autre que Lui . Une troisime catgorie demanuscrits donne : si tu tais Lui ou que Lui tait Lui . La confusion n'est qu'apparente, car la tradition est,comme nous le verrons plus tard, qu'Il est la Gnose et que la Gnose est Lui. On voit Dieu par l'il de Dieu.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    10/14

    est l'explication de la formule : Celui qui connat, connat son Seigneur. Qui saisit lesens de cette similitude comprend qu'il n'y a ni union (jonction ou arrive), nisparation. Il comprend que Celui qui sait est Lui, et que Ce qui est su estencore Lui. Celui qui voit est Lui ; Ce qui est vu est encore Lui. Celui quiarrive est Lui ; Ce quoi on arrive dans l'union est encore Lui. Aucun autre que

    Lui ne peut se joindre Lui ou arriver Lui. Aucun autre que Lui ne se spare de Lui.Quiconque peut comprendre cela est tout fait exempt de la grande idoltrie(49).

    La plupart des initis qui croient connatre leur proprium ainsi que leurSeigneur et qui s'imaginent chapper aux liens de l'existence disent que la Voien'estpraticable ou mme visible que par l'extinction de l'existence (El-fan) et par l'extinction de cette extinction (Fan-el-fan'i). Ils ne dogmatisent ainsi que parcequ'ils n'ont point compris la parole du Prophte qu'Allah prie sur lui et le salue.

    Comme ils ont voulu remdier l'idoltrie (qui rsulte de la contradiction)

    (50)

    , ils ontparl tantt de l'extinction , c'est--dire celle de l'existence, tantt de l'extinctionde cette extinction , tantt de l'effacement (El-mahw) et tantt de ladisparition (El-itilm). Mais toutes ces explications reviennent l'idoltrie pure etsimple, car quiconque avance qu'il existe quoi que ce soit autre que Lui, laquellechose s'teint par la suite, ou bien parle de l'extinction de l'extinction de cette chose,un tel homme, disons-nous, se rend coupable d'idoltrie par son affirmation del'existence prsente ou passe d'un autre que Lui (51). Qu'Allah que Son nom soitexalt les conduise, et nous aussi, dans le vrai chemin.

    (Vers :) Tu pensais que tu tais toi. Or tu n'es pas et tu n'as jamais exist. Situ tais toi, tu serais Le Seigneur, le second de deux ! Abandonne cette ide, Car il n'y a aucune diffrence entre vous deux par rapport l'existence. Il nediffre pas de toi et tu ne diffres pas de Lui, Si tu dis par ignorance que tu esautre que Lui, Alors tu es d'un esprit grossier. Lorsque ton ignorance cesse, tudeviens doux, Car ton union est ta sparation et ta sparation est ton union. Tonloignement est une approche et ton approche est un dpart (52). C'est ainsi que tudeviens meilleur. Cesse de faire des raisonnements et comprends par la lumire del'intuition, Sans quoi t'chappe ce qui rayonne de Lui (53). Garde-toi bien de

    donner un partenaire quelconque Allah, Car alors tu t'avilis, et cela par la hontedes idoltres.

    Si quelqu'un dit : Tu prtends que la connaissance de ton proprium est laGnose, c'est--dire la connaissance d'Allah que Son nom soit exalt ; l'homme

    (49) Mot mot : l'idoltrie de l'idoltrie, Shurkus-Shurki.(50) L'idoltrie de la bi-existence (le dualisme) n'a chapp aucun thologien islamite qui a pens en arabe. Cette

    langue est algbrique, de sorte que l'tude de sa grammaire est, pour ainsi dire, l'exposition du mcanisme de lapense. Il est difficile de faire un faux raisonnement en arabe sans faire des fautes de syntaxe, de lexique ou autres ?La perspicuit de la phrase arabe est la meilleure preuve de la saintet de cette langue, c'est--dire de sa

    primordialit ou de son dnisme. Dans le chinois, et en partie dans le malais, on trouve des choses analogues.(51) C'est--dire : il est dualiste, car il croit la bi-existence de ce qui existe.(52)Fa waluka hijrun wa hijruka walum Wa bu'duka qurbun wa qurbuka bu'dun.(53) Lecture incertaine : je traduis ce dernier vers au hasard.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    11/14

    est autre qu'Allah, dt-il connatre son proprium (54) ; or, celui qui est autrequ'Allah, comment peut-il Le connatre ? Comment peut-il arriver jusqu' Lui ? , larponse est : Qui connat son proprium connat son Seigneur(55). Sache quel'existence d'un tel homme n'est ni la sienne, ni celle d'un autre, mais celle d'Allah (56)(sans une fusion quelconque de deux existences en une), sans que son existence entre

    dans Dieu, sorte de Lui, collatre avec Lui ou rside dans Lui. Mais il voit sonexistence telle qu'elle est(57). Rien n'est devenu qui n'ait pas exist auparavant (58), etrien ne cesse d'exister par un effacement, extinction ou extinction d'extinction.L'annihilation d'une chose implique son existence antrieure. Prtendre qu'une choseexiste par elle-mme signifie croire que cette chose s'est cre elle-mme, qu'elle nedoit pas son existence la puissance d'Allah, ce qui est absurde aux yeux et auxoreilles de tous. Tu dois bien noter que la connaissance que possde celui qui connatson proprium , c'est l la connaissance qu'Allah possde de Son proprium , deLui-mme, car Son proprium n'est autre que Lui. Le Prophte qu'Allah prie sur

    lui et le salue a voulu dsigner par proprium (nafs) l'existence mme.Quiconque est arriv cet tat d'me, son extrieur et son intrieur ne sont autres quel'existence d'Allah, la parole d'Allah (59); son action est celle d'Allah, et sa prtentionde connatre son "proprium" est la prtention la Gnose, c'est--dire laconnaissance parfaite d'Allah(60). Tu entends sa prtention, tu vois ses actes, et tonregard rencontre un homme qui est autre qu'Allah (comme tu te vois toi-mme autrequ'Allah), mais cela ne provient pas du fait que tu ne possdes pas la connaissance deton proprium . Donc, si le Croyant est le miroir du croyant (61)alors il est Lui-mme (par sa substance, ou par son il)(62), c'est--dire par son regard. Sa substance(ou son il) est la substance (ou l'il) d'Allah ; son regard est le regard d'Allah sansaucune spcification (kefiyah)(63). Cet homme n'est pas Lui selon ta vision, ta science,ton avis, ta fantaisie, ou ton rve, mais il est Lui selon sa vision, sa science et son

    (54) La nuance accentue vient du traducteur ; mot mot, on lit : Celui qui connat son proprium est autre qu'Allah.(55) L'auteur rpond, son tour, par la formule dogmatique. Cette attitude dans la discussion est facile comprendre ici.(56) C'est--dire : il est devenu parfaitement fataliste. Il connat sa destine, c'est--dire sa raison d'tre dans l'conomie

    universelle, sa place dans la hirarchie de tous les tres. Il excute volontairementsa mission cosmique. Il est dansl'obissance directe, ce qui donne son progrs l'harmonie des lignes. Cet abandon la Volont d'Allah est l'Islam .

    (57)Bihalihi, c'est--dire : il voit sa place dans l'ordre. Maintenant, l'ordre est tel que tout est chacun et chacun est tout.

    Chaque place, chaque dtail comporte tout l'ensemble, et tout l'ordre se retrouve dans chaque place. C'estpourquoi chaque chose qui est sa place, si infime qu'elle soit, reprsente la totalit. Qui est dans l'ordre est l'ordrelui-mme. Or, Dieu est l'ordre.

    (58) Nous considrons ce trait comme la meilleure exposition de la pense islamo-smitique, cause de sa ngation dutemps et du progrs. Sans cette notion, on ne peut rien comprendre de la vivante immobilit, laquelle, sousdiffrentes nominations, est le principe de l'art, de la magie, du moral et de l'sotrisme.

    (59) Ailleurs, en d'autres manuscrits, on trouve : ...sa parole est la parole d'Allah , ce qui est plus conforme latradition.

    (60) Variante : sa prtention de connatre son proprium est la prtention divine Se connatre Soi-mme. Autre variante : sa prtention la Gnose est la connaissance de son proprium .

    (61) El-mu'minu mir'atul-mu'mini , clbre tradition qui peut s'interprter de diffrentes manires, car El-mu'min= lecroyant est aussi un nom d'Allah). On peut lire : le croyant est le miroir du croyant, ce qui est l'interprtation socialo-morale ; ou : le croyant est le miroir du Croyant, ce qui est l'ide dans l'ordre psychologique. Celle que nous avons

    prfre dans le texte est l'ide dans l'ordre mtaphysique.(62)Bianihi;An= il, puis source, substance ; s'emploie ordinairement dans le sens de mme , ainsi que les

    expressions : binafsihi, bidtihi, etc.(63) Mot scolastique tir de la particule kef= comment.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    12/14

    rve(64). S'il dit : Je suis Allah , coute-le attentivement, car ce n'est pas lui, maisAllah Lui-mme qui (par sa bouche) prononce les mots : Je suis Allah . Mais tun'es pas arriv au mme degr de dveloppement mental que lui. Si tel tait le cas, tucomprendrais sa parole, tu dirais comme lui et tu verrais ce qu'il voit.

    Rsumons : l'existence des choses est Son existence sans que les choses soient. Nete laisse pas garer par la subtilit ou l'ambigut des mots, de sorte que tu t'imaginesqu'Allah soit cr. Certain initi a dit : Le f est ternel , mais il n'a parl ainsique depuis que tous les mystres (lui) ont t dvoils et que tous les doutes ousuperstitions ont t disperss. Cependant, cette immense pense ne peut convenirqu' celui dont l'me est plus vaste que les deux mondes. Quant celui dont l'men'est qu'aussi grande que les deux mondes, elle ne lui convient pas (65). Car, en vrit,cette pense est plus grande que le monde sensible et le monde hypersensible, tous les

    deux pris ensemble.Enfin, sache que Celui qui voit et Ce qui est vu , que Celui qui fait

    exister et Ce qui existe , que Celui qui connat et Ce qui est connu , que Celui qui cre est Ce qui est cr , que Celui qui atteint par lacomprhension et Ce qui est compris sont tous Le-mme. Il voit Son existencepar Son existence, Il la connat par elle-mme et Il l'atteint par elle-mme, sansaucune spcification, en dehors des conditions ou formes ordinaires de lacomprhension, de la vision ou du savoir. Comme Son existence est inconditionne,Sa vision de Lui-mme, Son intelligence de Lui-mme et Sa science de Lui-mmesont galement inconditionnes.

    Si quelqu'un demande : Comment regardez-vous ce qui est repoussant ouattrayant ? Si tu vois par exemple une salet ou une charogne, est-ce que tu dis quec'est Allah ? , la rponse est : Allah est sublime et pur, Il ne peut tre ces choses.Nous parlons avec celui qui ne voit pas une charogne comme une charogne ou uneordure comme une ordure. Nous parlons aux voyants, et non aux aveugles. Celui quine se connat pas est un aveugle, n aveugle. Avant que cesse son aveuglement,naturel ou acquis, il ne peut comprendre ce que nous voulons dire. Notre discours est

    avec Allah, et non avec autre que Lui, ou avec des aveugles-ns. Celui qui est arriv la station spirituelle qu'il est ncessaire d'avoir atteint pour comprendre, celui-l saitqu'il n'y a rien qui existe, hormis Allah. Notre discours est avec celui qui chercheavec ferme intention et parfaite sincrit connatre son proprium (au nom) de laconnaissance d'Allah qu'Il soit exalt lequel, en son cur, garde en toute safracheur la forme(66) dans sa demande et dans son dsir d'arriver Allah. Notrediscours n'est pas adress ceux qui n'ont ni intention ni but.

    (64) Il est inutile de dire aux lecteurs de La Gnosequ'il est Lui selon Sa vision.(65) Dans le texte : Cette bouche est pour celui dont le gosier est plus large que les deux mondes. Elle ne convient pas

    celui dont le gosier n'est aussi grand que les deux mondes.(66) urah, la forme, l'image. J'ai prfr la forme : 1 pour viter l'anthropomorphisme autant que possible ; 2 parce

    que la forme, voire mme la formule, a une importance beaucoup plus grande et tient une place plus leve enl'Islam qu'ailleurs. Je me propose de dvelopper ce sujet plus tard.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    13/14

    Si quelqu'un objecte : Allah qu'Il soit bni et saint a dit : Les regards nepeuvent L'atteindre, mais Lui, Il atteint les regards(67); toi, tu dis le contraire ; o estla vrit ? , la rponse est : Tout ce que nous avons dit revient la parole divine :Les regards ne peuvent L'atteindre, c'est--dire ni personne, ni les regards de qui que

    ce soit ne peuvent L'atteindre. Si tu dis qu'il y a dans ce qui existe un autre que Lui, tudois convenir que cet autre que Lui puisse L'atteindre. Or, (dans cette partie de Saparole arabe) : les regards ne peuvent L'atteindre , Allah avertit (le croyant) qu'iln'y a pas un autre que Lui. Je veux dire qu'un autre que Lui ne peut L'atteindre, maiscelui qui L'atteint, c'est Lui, Allah, Lui et aucun autre. Lui seul atteint et comprend Savritable nature intime (Ed-dt), pas un autre. Les regards ne L'atteignent pas, carils ne sont autre chose que Son existence(68).

    propos celui qui dit que les regards ne peuvent L'atteindre, car ils sont crs, et

    le cr ne peut atteindre l'incr ou l'ternel, nous disons que cet homme ne connatpas encore son proprium (69). Il n'y a rien, absolument rien, regards ou autreschoses, qui existe hormis Lui, mais Il comprend Sa propre existence sans (toutefois)que cette comprhension existe d'une faon quelconque.

    (Vers :) J'ai connu mon Seigneur par mon Seigneur sans confusion ni doute. Ma nature intime (dt) est la Sienne, rellement, sans manque ni dfaut. Entre nousdeux il n'y a aucun devenir(70), et mon me est le lieu o le monde occulte semanifeste. Depuis que je connus mon me sans mlange ni trouble, Je suisarriv l'union avec l'objet de mon amour sans qu'il y ait plus de distances entrenous, ni longues ni courtes. Je reois des grces sans que rien descende d'en haut(vers moi), sans reproches, et mme sans motifs. Je n'ai pas effac mon me cause de Lui, et elle n'a eu aucune dure temporelle pour tre dtruite aprs(71).

    Si quelqu'un demande : Tu affirmes l'existence d'Allah et tu nies l'existence dequoi que ce soit (hormis Lui) ; que sont donc ces choses que nous voyons ? , larponse est : Ces discussions s'adressent celui qui ne voit rien hormis Allah. Quant celui qui voit quelque chose hormis Allah, nous n'avons rien avec lui, ni question nirponse, car il ne voit que ce qu'il voit ; tandis que celui qui connat son proprium

    ne voit pas autre chose qu'Allah (en tout ce qu'il voit). Celui qui ne connat pas son proprium ne voit pas Allah, car tout rcipient ne laisse filtrer que de son contenu. Nous nous sommes dj beaucoup tendu sur notre sujet. Aller plus loin seraitinutile, car celui qui n'est point fait pour voir ne verra pas davantage (au moyen de

    (67) Qorn, ch. VI, v. 103.(68) A un certain point de vue, qui cependant n'est pas le ntre, on pourrait dire que c'est la matire qui prend

    conscience d'elle-mme. Un athe qui n'est pas un cynique est, en gnral, assez bien prpar pour comprendre lamtaphysique de l'Islam.

    (69) Variante : est loin de connatre... (70) Donc pas de transsubstantiation, d'incarnation, etc. Variante :Hijrn= vasion, migration ;Harn= tonnement,

    etc.(71) Plusieurs variante, plus obscures les unes que les autres, surtout cause du mauvais tat des manuscrits qui rend la

    lecture incertaine. Quelques manuscrits ont mme un verset de plus qui commence : Wa niltu= je suis arriv. Lereste est illisible.

  • 8/9/2019 L'ISEM - Abdul-Hadi 1911

    14/14

    nos efforts). Il ne comprendra pas et ne pourra atteindre la vrit. Celui qui peut voir,voit, comprend et atteint la vrit (d'aprs ce que nous avons dit). celui qui est(hyperconsciemment) arriv, il suffit d'une lgre indication pour qu' cette lumire ilpuisse trouver la vraie Voie, marcher avec toute son nergie et arriver au but de sondsir, avec la grce d'Allah.

    Qu'Allah nous prpare ce qu'Il aime et agre en fait de paroles, d'actes, descience, d'intelligence, de lumire et de vraie direction. Il peut tout, et Il rpond toute prire par la juste rponse. Il n'y a de moyens et de pouvoir qu'auprs d'Allah, leTrs-Haut, l'Immense. Qu'Il prie sur la meilleure de Ses cratures, sur le Prophteainsi que sur tous les membres de sa famille. Amen.

    (Le Trait de l'unit attribu Ibn Arab - Traduction Abdul-Hdi / Ivan Agueli,1911).