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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy L’Influence des Technologies sur l’Homme : par Bojoly Baptiste Recherche Philosophique en Architecture Mémoire encadré par Hervé Gaff, Benoit Goetz et Jean-Pierre Marchand en vue de l’obtention du diplôme d’état d’architecte Septembre, 2010

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La volonté de ce mémoire fut de comprendre l‘influence des technologies que nous utilisons dans la vie de tous les jours et plus particulièrement en architecture. Pour ce faire, le sujet a fait appel plusieurs fois à l'histoire, en analysant le développement d'anciennes civilisations et leurs relations avec des technologies. Quels déséquilibres peuvent elles créer dans ce développement? Cette recherche voulait éviter les critiques directes négatives et décelée à partir de quand un outil technologique peut s'avérer néfaste. J'ai pu ensuite commencer à définir une première échelle de mesure de ces dangers. La dernière partie consisté a appliqué cette échelle de mesure au domaine de l'architecture et de la tester sur le projet de PFE. L'ensemble de ce mémoire est appuyé par une lecture croisée des œuvres de Hannah Arendt, Hans Jonas et Günther Anders.

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Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy

L’Influence des Technologies sur l’Homme :

par

Bojoly Baptiste

Recherche Philosophique en Architecture

Mémoire encadré par Hervé Gaff, Benoit Goetz et Jean-Pierre Marchand en vue de l’obtention du diplôme d’état d’architecte

Septembre, 2010

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Tables des Matières Introduction 4 Partie I. – L’influence des Technologies sur le Travail : La Déconscientisation, de l’Outil Technique vers l’Outil Technologique 5 Chapitre I. - L’Aveuglement Face Aux Contraintes de Notre Environnement 5

La théorie de Rodgers et l’exemple des Harrapas 5 La déconscientisation 6

Chapitre II. - La Rupture du Cycle Travail/Apaisement et la Notion de Sacrifice 6 De l’outil technique à l’outil technologique 6 La libération de la nécessité 7 Le Sacrifice 8 Les Râpas Nuis 9 Chapitre III. - Dernières étapes de déconscientisation, la machine : Vers un homme spécialisé faiseur d’objets sans âmes 10 Aux rythmes des machines 10 De l’homme autonome à l’homme spécialisé, l’homme aliéné 11 Des objets sans âmes 11 La machine, un dispositif 12 Transition 13 Partie II. – La Disparition de l’Homo Faber : de la Vie Contemplative vers la Vie Active de la Pensée. 14 Chapitre I. - L’Homo Faber, Homme de Contemplation 14 La vita contemplativa 14 La perversion des stades d’accès à la vérité 14 La perte de la fin en vue des moyens 15 La menace invisible 16 Chapitre II. - La Perte de la Foi en Nos Sens et Notre Environnement 17 L’illusion des sens 17 Le doute cartésien 17 Les sentiments sur la raison 18 Chapitre III. - Un Savoir Fragile Difficile à Juger 18 La géométrie du sensible et la pureté des mathématiques 18 La vitesse d’apparition de nouveaux objets et notre faculté de jugement 20 La pyramide inversée des énergies 21 Transition 21

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Partie III. – Cas Pratique 23 Chapitre I. – Construire Avec le Site 23 Données 23 La construction en terre 24 Les concepts Chapitre II. – La Transmission des Savoirs et l’Honnêteté Architecturale 25 Participer pour mieux retenir 25 L’honnêteté architecturale 26 Conclusion 27 Bibliographie 28

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Introduction Dans son œuvre, Condition de l‘Homme Moderne, Hannah Arendt, fait la distinction entre la vie active (vita activa) et la vie contemplative (vita contemplativa) propre à tout homme. La vie active pourrait être résumée comme le déclenchement de différents processus, de moyens en vue d‘une fin. Quant à la vie contemplative, elle est essentiellement dédiée à la vie de l’esprit. Elle a pour objectif principal d’enrichir la vie active. Arendt regroupe dans la vie active le travail, l’œuvre et l‘action. Le travail (labor : fatigue, peine), caractérisé par l‘animal laborans répond à un besoin physiologique de nécessité vital sans quoi, l‘homme ne pourrait vivre. L‘œuvre, détache l‘homme de l‘animal, car elle permet de rompre le cycle infini du processus vital et fait entrer l‘homo faber (homo faber, homme qui fabrique) dans un monde d‘objets d‘artifices qui sont nécessaires à la reconstruction perpétuelle de son monde, sans quoi il s‘effondrerait, laissant place à la suprématie de l‘animal laborans. Si l‘animal laborans serait représenté par une forme géométrique, ce serait un cercle alors que l‘homo faber serait un vecteur avec une origine, ses idées (idea : image), et une direction, sa volonté d’améliorer son monde. Son œuvre n‘est pas forcément toujours matérialisée, comme une pièce de théâtre. Une scène va disparaitre à l‘instant où elle va être jouée, c’est pourquoi elle devra être réifiée sur un support pour faire partie de la mémoire de la culture humaine. Si la Nature met en mémoire ses expériences dans les entités qu’elle crée, l‘homme doit faire de même s’il veut conserver son monde. L‘action et la parole, derniers éléments de la vie active permettent de maintenir les affaires humaines et la politique en général, créant les souvenirs d’un peuple, c’est à dire son histoire. La volonté de ce mémoire est de comprendre l‘influence des technologies dans le travail et dans l‘œuvre à travers différentes civilisations et différentes périodes de l’histoire pour mieux appréhender son impact à notre époque. Quels déséquilibres peuvent-elles créer entre ces deux processus et de ce fait comment les éviter ? Y a–t-il une origine de ces déséquilibres dans l’acte de création ou même encore plus tôt dans l’acte de penser? Les deux premières parties seront consacrées à une phase analytique sur le travail et l’œuvre. Le but ne sera pas non plus de pencher à une vision extrême et de dénigrer toutes formes de technologies mais de voir à partir de quand, elles peuvent s‘avérer néfaste pour l’homme. La troisième partie essayera de donner des solutions issues de ces analyses et complétera le travail du PFE.

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Partie I. – L’Influence des Technologies sur le Travail : La Déconscientisation, de l’Outil Technique vers l’Outil Technologique

Chapitre I. L’Aveuglement Face aux Contraintes de Notre Environnement La théorie de Richard Rodgers et l’exemple des Harrapas L‘équilibre ressources, démographie, environnement est lié à la survie d‘une espèce. Ce constat de Richard Rodgers1 fut le point de départ de ce mémoire. L‘ancienne civilisation des Harrapas vivait dans le Nord de l’actuelle Pakistan. Elle est connue pour être une des premières grandes civilisations après celles de Mésopotamie et d’Egypte. Grâce au développement de nouvelles techniques agraires et surtout d’irrigation permettant de vivre dans un environnement contraignant, cette civilisation a su faire face à de fortes périodes de sécheresse et continua à s‘accroitre. Un des effets négatifs est qu’il a fallu très vite créer une classe de population consacrée uniquement à l’entretien des nouveaux systèmes de digues. Chaque classe finit donc par se spécialiser et devint dépendante l’une de l’autre. Si une disparaissait, l’autre suivrait ne pouvant à la fois entretenir les digues et les terres cultivables. Le processus de fragilisation devint alors presque irréversible. Un siècle plus tard, malgré des techniques de plus en plus pointues, les sols s’épuisèrent et ne purent subvenir aux besoins de tous. On pense ensuite que ce peuple a abandonné ce système et s’est dispersé en s’assimilant à d’autres civilisations pour retrouver un environnement plus favorable. Le constat que fait Rodgers est qu‘une espèce vit autour d‘un équilibre fragile basé sur ses ressources, son site et sa population. Il faut aussi souligner que l‘apport de nouvelles techniques plus efficaces n‘a fait que donner un sursis et non résoudre le problème de cette équation. Dans le contexte actuel, il est intéressant de voir comment l‘attente sur de nouvelles technologies de plus en plus complexes liée à une débauche d’énergie a surement dû être perçue de la même manière à cette époque. Aujourd‘hui, comme hier, c‘est trois mots clés ne sont toujours pas remis en cause. Tous nos systèmes de production, de déplacement et de vie sont basés sur une énergie qui a mis des millions d‘années à accumuler la force du soleil, l’énergie fossile. C‘est cette formidable ressource qui nous a permis de maintenir nos technologies. Lorsqu’elle aura disparu une simplification technologique, économique et sociale deviendra inévitable2. La première question qui vient à l’esprit suite à ce constat est de savoir pourquoi les gens sont victime de ce phénomène de perte de conscience face à leur environnement. Pourquoi ils ne ressentent plus cette fragilité dans laquelle ils vivent et continuent de parler de croissance comme solution. Pour répondre à cette question, nous allons essayer de voir comment ce phénomène se matérialise à notre époque. 1 Richard Rodgers, Des Villes pour une Petite Planète, Le Moniteur, Paris, 2000, p. 21 2 Les Cahiers de Science et Vie, Les Civilisations sont-elles Vouées à Disparaître ?, Numéro 109, 2009, p. 27

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La déconscientisation L’exemple des Harrapas nous permet de cibler à partir de quand une technologie peut s’avérer néfaste. C’est ce qu’on pourrait appeler une forme de déconscientisation, c’est à dire de perte de conscience des réalités de son environnement et de l’impact des technologies utilisées. On peut comprendre que aussi efficace une technologie puisse être, elle ne pourra jamais créer des ressources à partir du néant. C’est une des dures lois de la nature. Un site est fait de contraintes quelles soient climatiques ou géologiques et de ressources limitées qui peuvent mettre un certain temps à se régénérer. Ces contraintes font que le lieu ne peut accueillir qu’une certaine taille de population. Une technologie comme l’irrigation ne fait que contourner les carences du site. Elle ralentit son effondrement mais ne l’interrompt pas. La réalité de la nature finit toujours par rattraper ceux qui croient pouvoir la nier. On pourrait penser que l’exemple des Harrapas fut l’erreur d’une civilisation qui n’eut pas l’expérience de l’histoire. Pourtant, l’impensable se produit encore de nos jours. En plein désert comme à Las Vegas ou à Dubaï le même scénario se reproduit. Aveuglé par le profit, les hommes ont négligé encore une fois la pauvreté d’un milieu pour s’établir. Des milliers de litres d’eau sont pompés chaque jour pour alimenter les fontaines des casinos asséchant les lacs situés à plusieurs kilomètres et détruisant la faune et la flore environnantes. De même pour Dubaï qui maintient en vie, en plein désert, des milliers d’habitants grâce à une seule énergie, le pétrole. Sans ces technologies des réseaux et de gestion qui maintiennent ces monstres en vie, ces villes seraient déjà éteintes et asséchées. La femme africaine qui va porter l’eau extraite du puits au village à toute la conscience de la préciosité de l’eau et du lourd effort a donné pour alimenter sa famille afin de la maintenir en vie. Si chaque habitant de Las Vegas ou de Dubaï faisait le même geste, il y a longtemps qu’ils auraient débranché les connectiques d’assistance de ses villes pour se tourner vers une façon de vivre plus simple. Nous allons maintenant continuer notre recherche pour déceler quels éléments dans l’outil technologique rendent cette déconscientisation possible et à partir de quand elle peut apparaître. Chapitre II. La Rupture du Cycle Travail/Apaisement1 et la Notion de Sacrifice De l’outil technique à l’outil technologique Outil technique + acteur + savoir-faire + force de travail = œuvre + apaisement Outil technologique + acteur + savoir-faire + énergie = œuvre Jusqu’à la révolution industrielle, l’outil (utensilis : dont on peut faire usage) technique (techne : art), fait à partir d’un ou plusieurs savoir-faire, avait pour but de soutenir l‘homme dans son travail, on pouvait le voir comme un prolongement de son corps servant à soulager ses difficultés1. La distinction que l’on pourrait faire par rapport à l’outil technologique (techne : art, logia : science) est que ce dernier fait appel à une science des savoirs beaucoup plus complexe et notamment des notions de

1 Hannah Arendt, Condition de l’Homme Moderne, Agora, Paris, p. 161

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thermodynamique qui à partir d’autres énergies effacent la souffrance de l’homme dans sa tache. Là où l’homme a encore conscience d’une force de travail à fournir en utilisant une énergie musculaire animale, puisqu’il doit entretenir son bétail quotidiennement, elle disparaît totalement avec une énergie ayant accumulée la force du soleil pendant des millions d’années ou bien encore en jouant avec les forces qui régissent l’univers, comme la puissance nucléaire. Si l’homme, au bout de son escalade vers le savoir finit par percer le secret de la fusion nucléaire, c’est à dire l’utilisation uniquement de l’énergie de la matière sans la production de déchets, pour cultiver ses industries, il pourrait libérer une partie de la planète de la nécessité vitale. Le danger est que si l‘outil technologique n‘épuise plus l‘animal laborans dans sa quête de survie, qu‘est-ce qui va épuiser son appétit, la société de consommation rencontrant déjà des problèmes pour trouver les ressources fabriquant ces produits? La libération de la nécessité La technologie libératrice de nécessité mérite d’être commentée à ce niveau du mémoire. En effet Hans Jonas si est déjà penché en formulant des hypothèses sur l’utopie Marxiste1. Dans son œuvre, le Principe de Responsabilité, il tente d’extrapoler l’idéal Marxiste par l’absurde en envisageant l’état final de l’utopie communiste. Selon Marx, l’homme sera libéré de sa nécessité par les technologies de production moyennant une faible participation de ces nouveaux citoyens dans des tâches extrêmement spécialisées et peu contraignantes. Comment l’homme pourra se rendre compte de sa libération de la nécessité si elle n’est plus présente par lui rappeler ce qu’est la liberté. Il faut prendre en compte aussi les dérives d’une population libérée de sa contrainte. De tout temps les classes privilégiées ont été celles qui déclaraient les guerres et autres catastrophes ou même exploitaient les gens. Toutes leurs difficultés pour exister reposaient sur le fait de maintenir une classe laborieuse domestiquée et capable d’accepter son triste sort. Pourtant la liberté des chaînes de leurs nécessités ne s’est pas toujours fait en leurs faveurs. On peut observer encore aujourd'hui les jeunesses dorées qui ont besoin de se sentir exister par des sensations extrêmes en se livrant à l’alcool et à la drogue. Quant aux classes moyennes, il leur reste l’obésité provoquée par la malnutrition et les maladies dépressives. Voilà le constat que fait Jonas, au même titre que Arendt recommande la présence du cycle travail/apaisement pour faire apparaître la nécessité, Jonas confirme qu’il faut en plus le cycle liberté/nécessité pour que la liberté existe. Le deuxième prix que l’on risque de payer dans cette course à l’utopie technologique est que l’environnement sera incapable de supporter une telle exploitation de ses ressources pour cette nouvelle civilisation. Si l’homme n’accepte pas son labeur qui est le prix à payer pour sa vie, cette énergie métabolique sera transférée ailleurs dans une autre ressource et il n’est pas certain que la nature accepte de travailler pour bientôt 7 milliards d’hommes. Pourquoi l’homme a perdu cette reconnaissance qu’il a toujours eue envers la nature qui le nourrissait. La nécessité est pourtant un bon régulateur de civilisation car lorsqu’elle est trop présente, elle permet de

1 Hans Jonas, Le Principe de Responsabilité, Edition du Cerf, Paris, 1990, p384

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donner un goût de révolte de ceux qui sont exploités par les « libérés ». Pire si l’homme atteindrait l’immortalité biologique, il figerait à jamais sa vanité dans le temps. La volonté de laisser quelque chose aux autres avant de partir disparaissant, il ne resterait plus que la futilité de la consommation de l’animal laborans. Les anciens voyaient la mort comme la fin d’un cycle naturel menant au repos là où nous la considérons comme une maladie que les sciences peuvent guérir. Le sacrifice Le commerce mondiale dénature complètement le bilan des ressources d‘un site. Toujours grâce au pouvoir des technologies, on peut pratiquement disposer de tout ce que l’on désire, de chez soi, sans se déplacer. N‘ayant plus de regard sur les richesses de son environnement, l’homme perd la conscience de ce qu’il arrache à la nature pour perpétuer son monde. C‘est pour cela qu‘il est très courant de voir dans des civilisations qui disposent de cette vision de proximité sur leur site, une conception proche de celle du sacrifice (sacrificium, sacer facere : rendre sacrer), une envie d‘honorer ce qu‘une entité supérieure nous donne, par une offrande en retour ou même des sacrifices plus ou moins cruels. Les religions chamanistes et animistes voient dans chaque élément de la nature un esprit. Les Shintoïstes les considèrent même comme des dieux, d’où leur nous les Kamis (神 : dieux). Lorsque les Bororos, peuple d’Amazonie centrale, abattent un arbre qu’ils considèrent nécessaire à leur survie, ils font une cérémonie et en replantent un autre juste après. Seul des civilisations proche de leur environnement qui le voient affaiblit ou en bonne santé peuvent éprouver une telle marque de respect, qui a pour avantage de participer à la régénération de leur site. Aujourd’hui ce sens du sacrifice ayant disparu, on peut considérer, l’utilisation des objets de la nature comme un acte de viol ou de profanation (du sacré vers le non sacré), puisque finalement l’homme prend quelque chose qui ne lui appartient pas, pas toujours pour une nécessité vitale, et sans rien redonner en retour. Les ressources d’un peuple vont donc essentiellement dépendre de l’équilibre entre sacrifice et profanation. En effet dès que l’homme fait entrer un objet dans son domaine, il le soumet à son processus de consommation qui le dégrade et il ne peut le restituer intégralement après utilisation. L’idée n’est pas de savoir si cet acte de sacrifice est juste ou non mais de mettre l’accent sur le fait que des anciennes tribus âgées parfois de plusieurs milliers d’années sont toujours présentes aujourd'hui à l’instar des Harrapas ou peut être bientôt de la notre. Il ne faut pas oublier non plus les peuples qui auraient pu être toujours d’actualité à défaut de leur extermination par les colonisateurs espagnols ou encore ceux qui risquent bientôt de s’éteindre ne soupçonnant pas la valeur des gisements de pétrole qui sommeillent sous leurs pieds et du danger qui plane au dessus de leur tête.

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Les Râpas Nuis L‘exemple de l‘ile de Pâques fournit un cas intéressant. On connait le destin tragique de ses habitants qui épuisèrent leurs ressources, en bois notamment, pour pouvoir ériger des géants de Pierre, les Moais. La destruction d’une partie de leur écosystème pourrait être expliquée par une forte période de sécheresse qui entraina une construction intense de statues pour implorer les dieux de ramener la pluie. Une des tribus de l’île, les Hanau Eepe (La race large aux longues oreilles), auraient contraint une autre, les Hanau Momoko (La race mince aux courtes oreilles), à participer à cette frénésie1. La morale qui ressort de cette histoire et qui permet de prouver la nécessité que l’homme doit garder une conscience du cycle de travail/apaisement est que les hommes épuisés d’être exploités, et voyant leur espace vital se détruire, se sont révoltés. Les premiers explorateurs de l’île ont découvert des carrières regroupant des statues non achevées et des sites marqués par des luttes intestines. Encore une fois comme pour les Harrapas, cette civilisation ne s’est pas éteinte brusquement, elle s’est seulement « réorganisée » différemment. Lors du passage de M. de La Pérouse, responsable de l’expédition française qui visita l’île en 1786, son jardinier déclara que « trois jours de travail par an » pourraient subvenir au besoin de la population. L’île regorgée encore d’autres sols fertiles et de cultures de patates douces selon le botaniste faisant partie de l’expédition. Ce qui a failli faire disparaître ce peuple est bel est bien l’homme. En effet, l’arrivée des colons et l’exportation des Râpas Nuis pour les faire travailler dans les champs de cotons ont brusquement fait chuter le nombre de ces habitants à 111. On peut ajouter à cela les maladies comme la petite vérole qui ont décimées la plupart des rescapés. A l’inverse, si on se réfère à des exemples de la vie contemporaine, on peut citer comme révolution ou plutôt comme grève, celle des ouvriers de la Brooklyn Navy ARD qui militaient pour maintenir leurs droits à produire leurs arsenaux de guerre plutôt que leurs reconversions dans le nucléaire civil2. Encore plus récent, avec les salariés de la raffinerie Total à Lille qui protestaient pour continuer de produire l’énergie à l’origine des déséquilibres de leur environnement. Comment là où les Râpas Nuis se sont révoltés pour sauver leur monde, est on arrivé à des révoltes des temps modernes réclamant le droit à s’autodétruire. C’est ce questionnement qui va annoncer le chapitre suivant recherchant les causes d’une déconscientisation si poussée, après l’avoir caractérisée comme un perte du cycle travail/apaisement et comme une illusion dans ses ressources.

1 http://www.critique-sociale.info/index.php/histoire/111-les-luttes-sociales-sur-lile-de-paques 2 Günther Anders, Hiroshima est Partout, Edition le Seuil, Paris, 2008, p. 500

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Chapitre III. - Dernières Etapes de Déconscientisation, la Machine : Vers un Homme Spécialisé Faiseur d’Objets Sans Ames Aux rythmes des machines Machine = outil technologique + énergie Dans l’utilisation de l’outil technologique servant à créer une œuvre, il y a encore présence d’un acteur pour mettre en mouvement la force de travail, donc potentiellement une faculté, même quelques fois infime, de jugement sur ce que pourrait produire l’objet. Lors du travail de la machine, l’acteur disparaît, de même que son savoir-faire. Si l’outil qu’il soit technique ou technologique est le prolongement d’une connaissance, dans le cas de la machine c’est l’inverse, c’est la machine qui en dispose. Les techniques sont figées en elle et elle va spécialiser l’acteur. La mémorisation du savoir-faire dans la machine se fait en amont par un homo faber. C’est cet homo faber qui aura en réalité la conscience du produit à créer et qui va conditionner les gestes des ouvriers « spécialisables ». Prenons l’exemple d’un jardinier. Lorsqu’il retourne la terre avec une pelle, il insuffle un rythme à son outil, un mouvement de va et vient qui crée l’acte de travail. Dans le cas d’une machine industrielle, la thermodynamique liée à une ressource fossile mettant en mouvement les machines, l’homme ne contrôle plus son mouvement, il fait en fonction des machines. L’homme n’est plus un élément indispensable auquel on recherche son savoir-faire pour fabriquer un objet, il est une unité de production, une force de travail que l’on peut remplacer ou déplacer dans d’autres circuits et qui opèrent des tâches extrêmement fonctionnalisées et simplifiées qui lui demande le moins de réflexion possible. Toutes personnes prises dans ces machineries témoignent du grand bénéfice du travail à la chaine. Ils ne sont plus obliger de penser et peuvent laisser leurs esprits s’imaginer l’utilisation de leurs revenus dûment gagnés. Le problème est bien là, le pouvoir des machines à la chaîne a dépassé celui de l’outil technologique où l’homme pouvait encore avoir un regard, un jugement sur ses actes. Dans le cas des machines, on a la possibilité d’effacer la conscience des milliers d’ouvriers sans qu’ils ne s’en rendent compte, et même de leur transmettre un certain attachement à leur inconscience1. Cette conscience est finalement rapportée à un seul homme voire un seul groupe d’homme, qui n’est pas forcément l’homo faber à l’origine des machines. C’est cette entité morale qui a la vue d’ensemble sur la chaîne de fabrication des ressources utilisées et des conséquences possibles de leurs actes. C’est là que réside le mal de la mécanisation et de l’automatisation, elles ont la capacité de créer une classe laborieuse « heureuse » apte aux actes les plus destructeurs sans pourtant en être volontaire. La puissance des hommes lorsqu’ils sont réunis est d’une force incommensurable. Ils ont su prouver par le passé qu’ils pouvaient ensemble déplacer des montagnes. Ces actes ont toujours résulté d’une volonté d’agir ensemble. Le grand danger est que à cause des machines ce pouvoir peut être remis dans les mains d’un seul homme. Il est temps de se demander pourquoi l’homme au service

1 Ibid. p 9

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d’une seule entité, bien qu’il voit par les médias ce qui se passe à son insu, n’est pas emporté par ce même sentiment de révolte qui avait animé les Râpas Nuis. Cette fois, il ne sera plus à l’aube de son effondrement mais de son anéantissement par la machine nucléaire1. De l’homme autonome à l’homme spécialisé, l’homme aliéné L’homo faber détenant des savoirs vitaux élémentaires à sa survie a disparu. Désormais, au même titre que les villes sont maintenues en vie par tous ces réseaux, l’homme doit y rester connecté pour rester en vie. Où est passé l’homme qui pouvait se révolter lorsque sa conscience lui demander de le faire ? En sommeil dans en état d’hibernation sous cette masse de tuyaux ? L’homme pratiquant ses révolutions saines pour soigner une structure rongée par la maladie de la tyrannie est bel et bien encore en train de rêver. Dans l’Antiquité, le citoyen disposé automatiquement d’une parcelle de terre extraite du domaine publique et rendu privé, comme un droit à la vie. Ainsi chaque homme avait une sorte d’autonomie et de responsabilité du maintien de son existence. Il disposait toujours d’un foyer, une structure personnelle. Même si la vie politique était en ébullition, le cercle familiale privée était toujours là pour assurer une certaine stabilité dans la vie des individus. Ce droit à la vie n’est dorénavant plus inné, il faut le payer. L’homme est donc mis en position de supplication si il veut vivre. Il est aliéné, étranger aussi du monde de la Nature qu’il ne connaît pas et pourtant dont il dépend tellement pour vivre et même si il voudrait renouer des liens avec elle, il est lié par le travail pour acheter son droit à la vie. Travailler pour vivre ou vivre pour travaillé, le choix a déjà été fait pour nous. Nous venons de dessiner la réalité actuelle, si l’homme accepte si facilement son triste sort, c’est qu’il est prit dans les engrenages de ses machines qui l’aliénisent face au monde de la Nature et au monde des hommes. On ne devrait jamais dépendre d’un métier pour vivre, ce n’est qu’une prise d’otage d’un droit à renoncer à l’irraisonnable. Des objets sans âmes Les objets d’artifices de l’homo faber avaient pour but de faire avancer son monde et de garder en mémoire tous ses efforts mais maintenant ils n’ont plus d’autre sens que d’être prisonnier de l’appétit de l’animal laborans. Dans son processus de création, l’homo faber enregistre une idée, qui pourra être repris par la suite par un autre homo faber à partir du moment où l’objet créé dispose d’assez de transparence pour laisser apparaître cette idée. L’évolution des techniques et des arts, c’est toujours transmise de cette façon. Maintenant que ce passerait-il si dans les œuvres fabriquées par l’homo faber l’idée que l’œuvre doit être consommé comme un produit soit mémorisée. Si une œuvre peut se caractérisait par son utilité quelle soit technique ou esthétique, sa durabilité et sa beauté, à quoi correspond l’acte de produire inconsciemment par le travail à la chaine un objet éphémère, peu utile et dont les qualités esthétiques laissent

1 Ibid. p151

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parfois à désirer. C’est le problème qu’à essayer de dénoncer le philosophe Bernard Stiegler1. Affecté par des objets standardisés et des biens identiques d’un bout à l’autre de la planète, l’individu vit les mêmes expériences esthétiques et n’arrive plus à se trouver une identité propre puisque tous ceux qui l’entourent, vivent les mêmes expériences. Il en vient à un dégout de lui, faute de narcissisme nécessaire pour s’aimer, et comment aimer les autres si on arrive à peine à s’aimer soi-même. Stiegler voit donc dans ce défaut d’expériences esthétiques développé par les industries de consommation une cause des actes barbares visibles dans les cités ou même les milieux ruraux isolés, victimes de misère symbolique. Cela ne veut pas dire non plus qu’il faut une multitude d’objets différents pour qu’une personne puisse avoir un amour propre suffisant. Peut être, est-ce aussi la vocation de l’homo faber que de créer en un objet une charge esthétique extrêmement puissante. Nous parlions à l’instant, du danger lorsque l’œuvre emprunte le modèle du produit de consommation ou pire aucun modèle c’est à dire l’idée du néant. En effet, plus grave est à l’œuvre, puisque sur des chaines de productions sont mis encore aujourd'hui les premiers objets qui ont la faculté de consommer, une fois utilisés, son propre utilisateur et tout ce qui l’entoure. Tel est la vocation de l’arme atomique. La machine, un dispositif Avant de terminer cette partie de l’influence des technologies sur le travail et afin de conserver une vision impartial qui ne se base pas que sur des points négatifs, il est nécessaire de voir si l’outil technologique voire les machines ont néanmoins des vertus et dans quel cas ils pourraient être pertinent. Reprenons notre caractéristique de la déconscientisation. Elle nait dans l’acte de travail à partir du moment où l’épuisement des ressources n’est pas perçu directement, où le cycle travail/apaisement n’a pas lieu et où la finalité des actes du travail n’existe plus. Donc selon ce principe, ils pourraient être justifiés à partir du moment où en ne contournant pas ces caractéristiques, ils rétabliraient un désordre découlant dans l’équation population/ressources/environnement susceptible de détruire des vies, comme une catastrophe naturelle. La racine étymologique du mot machine est très proche de celle de dispositif. Giorgio Agamben le définit comme un ensemble de pratiques et de mécanismes qui ont pour objectif de faire face à une urgence pour obtenir un effet plus ou moins immédiate2. De cette manière, l’utilisateur actionnant la machine dans l’urgence de sauver des vies aurait cette fois un sens, puisque l’apaisement serait présent à travers l’acte de protéger des vies d’une mort certaine. La finalité de l’acte serait aussi simultanément perçue au moment du sauvetage. Un exemple concret serait un hélicoptère cherchant à secourir les victimes d’un tsunami. Il faut être vigilant sur le fait que à partir du moment où il perd sont caractère d’urgence qui est le principe du dispositif, il n’a plus lieu d’être. Dès que l’hélicoptère va alimenter les habitants d’une île aux faibles ressources, ceux ci n’auront plus le regard sur les richesses qu’ils exploitent, le prix qu’il en coute pour transporter ces produits, et l’impact

1 Bernard Stiegler, De La Misère Symbolique, Le Monde, 11 octobre 2003 2 Giorgio Agamben, Qu’est-ce qu’un dispositif ? Payot et Rivage, Paris, 2007, p 20

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final qu’ils vont créer. Un déséquilibre population/ressource/site en découlera à plus ou moins long terme. On remarque néanmoins que la conscience des ressources énergétique nécessaire dans l’acte de sauvetage n’est pas forcément présente. Elles peuvent donc être utilisées en abondance et épuiser voire détruire un autre site. De ce fait l’utilisateur ne sera pas conscient de détruire un lieu pour sauver des vies. C’est le prix à payer envisageable pour protéger la vie. Dans tous les cas, pourquoi ne conserve–t-on pas ces énergies, désormais si rares, pour les cas d’urgence plutôt que de les gaspiller dans des actes banales tel que de se balader en voiture. Transition Nous avons essayé de voir dans cette première partie quels étaient les dangers possibles des outils technologiques dans l’acte de travail et pourquoi ils avaient lieu. En effet ces dangers apparaissent à partir du moment où l’homme n’a plus conscience de ses actions, au niveau des ressources qu’il épuise et dans l’énergie nécessaire pour l’acte de travail. Les risques qui en résultent sont qu’il n’a pas conscience de l’état d’épuisement de son environnement et surtout du fait qu’il remplace systématiquement son énergie musculaire pour sa survie par une autre énergie tirée de son environnement, il accélère le vieillissement de son environnement plus rapidement. La menace plane sur sa biosphère qui n’a pas le temps de se régénérer assez vite pour que l’homme puisse continuer de se maintenir. Même effleurant cette légère conscience de la destruction de son écosystème grâce aux médias, il renonce à se révolter tout simplement parce que son droit à la vie lui a été refusé. Si il se refuse à une action qu’il estime destructrice pour son environnement il doit abandonner son métier et donc son droit à la vie. Il faut encore se posé la question de qu’est-ce qui s’est produit chez l’homo faber pour qu’il crée ces machines et autres objets technologiques. De plus pourquoi ces technologies ne sont pas plus critiquées. De la même façon que nous avons vu l’influence des technologies dans l’acte de travail nous allons rechercher les défauts dans l’acte de création de l’œuvre qui permettent de donner la vie à ces outils technologiques déconscientisant, comme si l’inconscience de l’homo faber se transmettait jusque dans les objets qu’il crée. Cette quête des origines annonce la seconde partie.

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Partie II. - La Disparition de l’Homo Faber : De la Vie Contemplative vers la Vie Active de la Pensée

Chapitre I. – La Fin de l’Homo Faber La vita contemplativa Pour débuter cette partie il est nécessaire, de définir la deuxième condition de l’homme moderne après la vie active qui est la vie contemplative. Elle est l’essence de l’acte de création. Il sera intéressant de voir durant cette deuxième partie quels sont les dysfonctionnements dans la vie contemplative, si ils ont bien lieu, qui permettent la création d’objets technologiques déconscientisants. Dans la contemplation, le but est de laisser les images et les pensées surgissant de l'inconscient passer comme des « nuages dans le ciel », sans chercher à les analyser ni à s'en préoccuper. En maintenant un tel état, on arriverait à la « non pensée », au-delà de toute pensée. Une analogie est parfois utilisée : « Un bol plein d'une substance ne peut plus contenir autre chose. Un bol vide est disponible pour recevoir n'importe quoi ».

La perversion des stades d’accès à la vérité par le mépris de la pensée

Tout commence par l‘idée, à laquelle l’homo faber accède soit par l‘observation de son environnement, soit par la vie contemplative, à travers un état d’attente jusqu‘à être transpercé par la vérité. Tels étaient les premiers pas qui menaient à la naissance des outils et des objets d‘arts du monde des artifices que l‘on se situe dans les premiers âges de l’outil jusqu‘au au Moyen Âge. Actuellement on peut remarquer, que dans la plupart des processus qui visent à créer, la recherche ne se fait plus de la même manière. Appuyé par l‘avènement du doute cartésien, l‘homme n‘entre plus en phase d‘attente ou d‘observation mais véritablement de recherche c‘est à dire qu‘il va inlassablement se questionner jusqu‘à obtenir une réponse. La vie monastique et celle de la pensée, tant respectées dans l’antiquité et à l’époque médiévale, ne sont plus assez productives pour la machine économique d’aujourd’hui. La preuve en est que même dans nos systèmes de rémunération, seul la force de travail est reconnue et payée, la force de la pensée étant trop improductive et même quasiment impossible à décompter. Est-ce que le chercheur ou le théoricien s’arrête de pensée lorsqu’il sort de son laboratoire ? Non et pourtant il n’est pas plus récompensé. C’est ce mépris pour la vie de la pensée à l’instar de la force de travail qui pervertit le cycle naturel de création de l’homo faber et va sûrement se transmettre dans ses œuvres. Pourtant, le grand avantage de premier procédé, plus long, permettait de fabriquer des objets de qualité et surtout en parfaite adéquation avec son environnement qui avait le temps de se régénérer suite à l’acte de viol qu’il subissait. De plus, l’acte de pensée se faisait toujours dans le domaine privé alors qu’aujourd‘hui il est exposé aux yeux de tous comme si le simple fait de ne pas montrer que l’on travaille était un acte de paresse.

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La perte des fins en vue des moyens

Les attentes aux réponses face à la contemplation ne suffisant plus, il faudra alors aller les chercher. Les machines de l’industrie déversant trop rapidement leurs produits dans le domaine public, il faut sans cesse en trouver de nouveaux et toujours de plus en plus vite.

Si aujourd’hui les règles se sont inversées c’est parce que à cause de ce détournement de la pensée improductive nous sommes passés du « faire », dans le sens où je me lance dans une entreprise avec projet final, à l’ « agir » qui a pour sens de commencer quelque chose sans pour autant vouloir l’achever. Les lois de la nature étant constante il est bien plus facile de provoquer des actions, de voir leurs conséquences et de retenir leurs résultats pour avancer dans la recherche plutôt que d’attendre. L’acte de faire découlait toujours d’une fin à atteindre grâce à des moyens à disposition. Par exemple, j’ai besoin d’un endroit agréable pour m’asseoir. J’ai à proximité de la paille de riz et autres fibres végétales issues de ma récolte, alors je fabrique un tatami. Dans l’autre cas ce serait qu’est-ce qui pourrait bien se passer si je mélange ces deux produits ensemble. On peut aller plus loin avec, qu’est-ce qui se passe lorsque je bombarde cette atome avec ces neutrons. Les plus grandes découvertes ont toujours étaient des accidents dérivés d’expérience. Les scientifiques admettent que la plupart des productions de leur recherche ne sont pas désiré, ce ne sont que quelques résultantes. Les savants de la bombe atomique ne recherchaient pas la destruction du monde à la base, mais en partie une vérité caché sur la matière. Ils furent étonnés de leur découverte et encore plus lorsqu’ils virent que l’on se passerait de leurs avis quant à son utilisation. Désormais, le monde des sciences est bientôt à la fin de son escalade. Ses expériences qui étaient jusque là confinées en laboratoire ou dans une zone contrôlée, ont prouvées qu’elles pouvaient s’affranchir de leurs limites et englobaient la planète toute entière comme nouveau terrain de jeu.

Hannah Arendt voyait comme résultats de l’agir, qui était à la base présent dans la vie politique, l’imprévisibilité et l’irréversibilité. Les contrepoints respectifs de ces deux conséquences étaient la promesse et le pardon. Le pardon avait pour avantage de donner une nouvelle chance face à l’irréversibilité des actes du citoyen, de lui permettre d’évoluer en le libérant du poids de ses erreurs passées. Maintenant que l’agir est passé dans le domaine scientifique qu’est-ce qui pourrait pardonnait l’utilisation de l’arme nucléaire. Claude Eatherly, après avoir donner l’ordre de lâcher la bombe, a reçu la souffrance de 200 000 personnes en pleine conscience. Même après la lettre écrite par les jeunes filles rescapées d’Hiroshima1, il ne put effacé cette culpabilité. Un tel acte que l’esprit humain est à incapable de supporter ne peut qu’engendrer la folie. C’était bien le danger des machines vu précédemment, celui de mettre en commun la puissance des hommes lorsqu’ils se réunissent, pour la déposer dans les mains d’une seule entité morale.

1 Günther Anders, Hiroshima est Partout, Edition le Seuil, Paris, 2008, p. 340

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La menace invisible

Le 26 avril 1986 le nuage de Tchernobyl venait d’être lâché dans l’atmosphère et de démontrer que à la base une expérience, dont le but était de prouver que l’on pouvait relancé le réacteur seulement avec des générateurs diesel, a pulvérisé les barrières humaines du site, quelles soient spatiales ou temporelles, pour se répandre dans l’ensemble de la biosphère terrestre. L’homme a désormais montré que son pouvoir sur la matière le dépassait totalement. En voulant domestiquer l’invisible, le biologique puis l’atome, il s’est créé un nouvel ennemi qu’il ne pourra plus jamais contrôler. Le parcours du nuage fut si aléatoire que les sciences de l’homme ne suffirent à pouvoir le maîtriser. Il est encore impossible de chiffrer le nombre de victimes exactes puisque des victimes subissent encore ses conséquences, 25 ans après.

Cet accident peut s’expliquer par la troisième cause de la déconscientisation, l’impossibilité d’appréhender la conséquence de nos actes. Comme nous l’avons vu précédemment la machine industrielle, liée à celle des transports empêche l’ouvrier de percevoir l’impact de son travail dans le monde à plus ou moins long terme. Dans le cas de la manipulation de l’invisible grâce à un outil technologique, cette inconscience a lieu dans l’immédiateté. Le défaut d’interface sensorielle des machines avec l’homme lui empêche d’évaluer l’infiniment petit avec ses sens. C’est les mathématiques, science pure détachée du sensible, qui vont se charger de les mesurer. On parle là de désensibilisation. Par exemple, lorsque je regarde une pierre, j’arrive à m’imaginer quelle force il faudra pour la soulever grâce à mes expériences précédentes du monde sensible. Lorsque je mets ma main sur une flamme, je suis certain que je vais me brûler, je cherche donc à éviter ce danger. Le défaut d’expériences de l’homme avec le monde de l’invisible l’empêche donc d’appréhender le danger. C ‘est cette pauvreté des sens, aveuglée par l’illusion des possibilités de l’outil technologique, qui a permis l’emballement en cascade des accidents au niveau du réacteur, à l’origine de la libération du panache de poussières radioactives dans l’atmosphère. L’invisible n’a que faire des barrières morales humaines

La stabilité du système référentiel Nature ne pouvait que permettre la découverte de l’atome. A force d’évoluer dans un système fini, l’homme serait-il à l’aube de ses dernières découvertes. Les lois sont toujours les mêmes, rien ne se crée rien ne disparaît et pourtant il continue sa quête de produire plus avec moins. L’an zéro de la prochaine catastrophe nucléaire a commencé, l’homme peut désormais s’autodétruire. Même si l’ensemble de l’humanité pouvait renoncer à l’utilisation du nucléaire civil et militaire, une seule personne, contre, suffirait pour appuyer sur le détonateur et tout effacer. Pire même si la totalité de l’humanité aurait trouvé un compromis et supprimé toutes recherches sur l’atome, telles les idées indestructibles de Platon, l’homme pourra toujours redécouvrir ce pouvoir et l’utiliser contre lui. Dans ce cas on ne parlera plus d’effondrement, comme les Harrapas ou les Râpas Nui, car la reconstruction était encore sous entendues dans le déclin de ces civilisations, ce sera le néant absolu. Même si l’arme nucléaire ou un objet nucléaire n’effacerait pas la totalité du monde après sa détonation, les particules issues de la fission nucléaire ont le pouvoir d’être mortel pendant des milliers d’années. Ainsi un nuage de poussières radioactives pourrait faire sombrer la planète dans un hiver nucléaire, le temps de voir mourir toutes formes de vie.

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D’autres menaces, biologiques et chimiques cette fois, planent aussi au dessus

de nos têtes toujours à cause de cette volonté de contrôler les rouages invisibles de la Nature. D’où vient cette volonté de maitriser l’invisible ? C’est ce que nous allons comprendre dans ce deuxième chapitre en recherchant les causes d’une telle quête de vérité aux prix même de l’effacement du monde des hommes et de la Nature.

Chapitre II. - La Perte de Confiance en Nos Sens et Notre Environnement L’illusion des sens

Quel fut le terrible effroi lorsque l’homme découvrit que la terre était ronde alors que le sol sur lequel il marchait était plat. Quel du être la terreur lorsque que l’on comprit que les astres tournaient autour du soleil alors que l’œil humain était persuadé que la Terre était fixe, les astres tournant autour d’elle. A chaque fois, cette même sensation, que nos sens nous transmettaient des informations corrompues était perçue. Comment pouvait-il alors garder confiance en cette Nature qui se jouait de ses perceptions. Il serait tentant de donner cette explication comme unique raison de cette envie d’expérience sans limite et d’exploitation de la matière. Pourtant les Grecs avaient déjà pressentis l’existence de l’atome avant même sa découverte réelle par la science. Est-ce que la pensée doit annoncer les futures découvertes ou les découvertes doivent conditionner l’esprit humain ? Le doute cartésien

Le doute introduit par Descartes a marqué un tournant radical, ancré dans nos systèmes actuels de pensée. Là où l’étonnement (thaumazein), base de la Philosophie, nous avait été légué depuis l’antiquité, Descartes nous laisse cette habitude de ne croire en rien. Si il y a une crainte à avoir, elle réside dans la pensée cartésienne qui s’est immiscée dans le plus petit acte de la pensée moderne. Son cauchemar, d’un dieu trompeur qui s’amuserait d’avoir mis des hommes doués de sens qui ne leur affirmeraient qu’une réalité falsifiée, était devenu notre cauchemar à tous. Rien ne fut plus facile de faire approuvé cette nouvelle conception de la pensée des hommes, eux mêmes ayant déjà constatés la fausseté de leur sens. Notre existence ne sera plus déterminée par sa pensée (je pense, donc je suis) mais son doute (je doute, donc je suis).

Seul l’introspection en nous-mêmes peut nous faire espérer trouver la réponse à au moins un semblant de vérité, car tout ce qui provient de la Nature est faux. De plus, cette pensée introduisit un nouveau système de valeur s’emboitant parfaitement avec celui de la productivité industrielle. Elle ne pouvait qu’être accueillie à bras ouvert par la critique. Ce n’est plus un dieu démiurge passif qui demande à être découvert mais un dieu actif qui nous voile la vérité et s’en réjouit, qui hantera nos esprits. La découverte de certains outils comme la lunette astronomique, qui ont la capacité de prendre sur le fait le mode de fonctionnement de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit a permis de nous faire comprendre que nos sens n‘étaient pas forcément juste, qu‘ils pouvaient

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même nous trahir. C‘est dans cette peur que la recherche de nouveaux outils et façon de penser pris son sens. Si la nature nous trompe et ne veut rien nous livrer alors je la domestiquerai et lui ferai avouer ses secrets, je finirais bien par le savoir en la harcelant.

Face à cela, l’humanité put développer de nouvelles sciences s’orientant vers les mondes de l’infini, à l’exploration dans l’espace d’un monde plus favorable ou d’une forme de vie qui pourra nous aider et à la recherche dans la génétique d’un nouvel homme fait par l’homme, immortel et indépendant de son environnement. Dans ce cas, qu’est-ce qui justifiera la survie de la Nature face à la menace nucléaire si il n’a plus besoin d’elle pour vivre ? Les sentiments sur la raison

Comment contester que nos actes et nos jugements de valeur soient bien plus influencés par nos affects et nos passions que par notre raison. Elle n’offre guère de rempart face à nos désirs. L’équipage de l’Enola Gay qui a lâché la bombe A l’a fait pour la gloire de son pays et malheureusement en était fier. Les scientifiques qui ont découvert l’atome l’on fait pour la reconnaissance par le monde scientifique de leur grandeur intellectuelle. De plus, la recherche scientifique est motivée par cette pleine satisfaction qui sera obtenue lorsque les moindres désirs de l’homme pourront être réalisés.

Pour trouver un lien entre illusion des sens et doute de la pensée, il fallait aussi rechercher du côté des sentiments. Bien que ce mémoire n’a pas la prétention de rechercher les causes d’une telle folie dans la pensée métaphysique humaine, il est néanmoins important de rajouter sur la liste de l’origine de cette défiance face à notre environnement, après le doute cartésien appuyé par le perte des sens, la curiosité humaine. De voir tout simplement ce qui pourrait se passer plutôt que de se l’imaginer.

Malgré tout il faut encore souligner que ce désir de déclencher des processus sans connaître leurs conséquences est détenu par les hommes les plus influençables sur l’évolution de notre sphère, en l’occurrence le monde scientifique. Pourquoi le reste des hommes acceptent-il cette avalanche de produits issus des sciences dont ils dépendent tant et pourtant qu’ils comprennent à peine. Quels sont les facteurs qui permettent de laisser le progrès scientifique continuait à jouer à dieu par simple délit de passion, de recherche de gloire ou encore de curiosité de défier cette nature trompeuse.

Chapitre III. – Un Savoir Fragile Difficile à Juger

La géométrie du sensible et la pureté des mathématiques

A présent, nous allons tenter de déterminer pourquoi le monde scientifique est si difficile à juger par la plupart. La première question à poser serait de savoir comment les anciennes civilisations procédaient pour assimiler un savoir immense et complexe. A cela on comprend qu’il était plus efficace de mémoriser ce savoir par des moyens mnémotechnique se référant à des éléments déjà existants dans leurs environnements, plutôt que de créer une nouvelle science codifiée à laquelle rien de concret ne s’y

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attache. Le chemin le plus simple était donc de se référer à la Nature pour leurs permettre de sauvegarder leurs pensées dans le temps.

En architecture, dans la construction japonaise traditionnelle, le système de référence était normalisé par des mesures et des proportions découlant du corps humain. Ainsi un Ken, la taille de l’homme debout, fait 1,80m. Le Shaku, son sixième, fait la longueur d’un pied1. Cette méthode est relativement efficace puisque les mesures sont directement écrites sur nous. Quoi de plus facile à transmettre que ce qui est notre plus petit dénominateur commun à tous, le corps. De même, la surface d’une pièce se compte par nombre de tatamis représentant l’empreinte d’un homme couché ou de deux assis. Une pièce n’est pas décrite en mètre carré mais en nombre de personnes qu’elle peut accueillir. Les japonais, après la période de reconstruction de la seconde guerre mondiale ont été complètement perdus face à un nouveau système de normes internationales standardisées oubliant le principe du tatamis et basées non plus sur une science du sensible mais sur une science de l’intelligible, les mathématiques. Voilà la différence que l’on pourrait établir entre les mathématiques et la géométrie.

Le langage est aussi une forme de sauvegarde de la mémoire. D’abord dans ses idéogrammes qui symbolisent des entités sensibles puis dans les mots qui par leur étymologie ont une histoire. A quelle histoire va se référer un nombre ? Si les sciences qui nous gouvernent prennent leur base dans les mathématiques alors nous ôtons aux hommes la faculté de critiquer naturellement ces sciences car il est dans leurs incapacités de les mettre en corrélation avec les objets qui les entourent.

Ce savoir beaucoup plus complexe va donc être détenu par une classe de population, le plus souvent celle libérée de sa nécessité vitale. Ne tirant pas sa source dans l’objectivité du monde réel, le savoir de cette tranche de population victime d’amnésie entrainerait l’effondrement de toute notre civilisation, c’est exactement la même fragilisation qui était présente chez les Harrapas avec leurs systèmes de d’irrigation, sauf que notre irrigation est numérique. Essayons d’aller plus loin. Le cerveau humain ne calculant pas assez vite, il a fallu l’épauler en utilisant une intelligence artificielle non seulement dans nos recherches mais aussi dans tout ce qui maintient nos réseaux en vie. Après avoir enlevé dans l’outil, l’énergie de l’homme et son savoir-faire, il ne restait plus qu’à lui effacer sa conscience. Au final, le maintien de tous ces systèmes n’est même plus détenu par une classe de population mais par des machines.

Pour appuyer mon idée, il faut poser une seconde question faisant ressortir la complexité de notre savoir. Est-ce qu’un scientifique serait capable de créer un ordinateur lui même de ses propres mains avec sa propre pensée, de l’écran jusqu’au moindre petit transistor en évitant le principe de déconscientisation. C’est à dire qu’il va devoir lui même rechercher les ressources matérielles et énergétiques, les transformer si nécessaire et les assembler avec la précision d’une machine. Une fois cette tâche accomplie, il devra encore programmer le système d’exploitation. Seul un génie pourrait réaliser cette prouesse et encore il devrait y passer une partie de sa vie. Faute de génies nécessaires, un monde d’ordinateur refusant le principe de déconscientisation est impossible. Nos sciences sont si complexes qu’aucun homme ne peut les emmagasiner dans leurs entièretés. Notre savoir doit donc être parcelliser au détriment,

1 Heino Hengel, Measure and Construction of the Japanese House, Periplus, Hong Kong, 1985, p. 19

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la plupart du temps, des sciences de l’éthique. Il faut donc fabriqué des machines qui créent des machines, en attendant que les capacités intellectuelles de l’homme soient un jour capable de maitriser mais dans ce cas est-ce que ces machines nous seront encore utile pour penser, l’esprit humain les ayant dépassé ? Ne faut il donc pas court-circuiter par avance ce processus, cultiver nos richesses intellectuelles plutôt que nos machines.

Si une personne veut comprendre notre monde elle devra passer par une science extrêmement complexe dite pure sans quoi elle ne pourra pas pénétrer notre savoir et le remettre en question si nécessaire. Chaque personne a un regard différent et unique sur le monde, si l’on désensibilise nos connaissances au lieu de les rendre naturellement accessibles alors on se prive d’autant de jugements neufs capables de rejeter un outil technologique néfaste. La vitesse d’apparition des nouveaux objets et notre faculté de jugement

Nous venons de voir l’absurdité et la fragilité de nos savoirs qui sont détenus non

plus par l’homo faber mais par ses machines, aptes à accueillir toute cette complexité. Le problème qui en découle est notre difficulté à pouvoir juger notre monde. Du fait qu’il évolue plus vite que notre savoir, nous peinons à le suivre. Nous avons toujours un train de retard pour le juger.

Chez les mayas, les nouvelles inventions étaient accueillies avec un certain scepticisme. Par exemple, la roue, forme pure comme le soleil ne pouvait qu’appartenir au monde des Dieux. C’est pour cela, que bien que son emploi aurait pu être bénéfique pour les transports de produits et l’agriculture favorisant ainsi la croissance de cette population, elle fut malgré tout réduite au rang de jouet pour enfant. Leur culture étant assimilable par tous, la morale et la religion ont pu intervenir facilement dans le temps de réflexion nécessaire pour introduire ce nouvel objet avec délicatesse dans leurs rythmes de vie. En effet, ils auraient pu développer très vite de nouvelles technologies d’agriculture et connaître la même fin d’épuisement des ressources et d’augmentation de la population dont fut victime les Harrapas. A l’inverse, l’introduction de nouveaux objets dans note monde augmentant de plus en rapidement, les juges potentiels abandonnent facilement leurs rôles pourtant primordial. La matière, l’énergie et la vitesse sont liées. Si nous voulons mettre en mouvement nos machines de plus en plus vite, cela se fera au prix de consommation de matières et d’énergies de plus en plus importantes que seul la puissance d’un nouveau dieu crée par l’homme, appelé tokamak, pourra alimenter.

Les créations de l’homo faber avaient pour habitude d’être évalués sur la place du marché, dans l’espace publique. Il y avait un réel échange entre l’acheteur et le vendeur. L’œuvre pouvait donc être jugée, se distinguer par rapport à d’autres et au cas où elle était défectueuse, elle pouvait être revue au sein dans la paix du domaine privé de l’homo faber. Un contrat sacré, basé sur la promesse, liait les deux contractants. Même si l’acheteur n’avait aucune idée sur les ressources utilisées dans la fabrication de l’œuvre il faisait confiance au vendeur quant à leur provenance. Réciproquement, le vendeur pouvait espérer que l’acheteur utilise son œuvre à bon escient. Qu’en est-il aujourd’hui de la promesse du responsable des ventes d’un quelconque service marketing qui a perdu ce pouvoir d’assurer la transmission de la conscientisation dans

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l’acte d’acheter.

La pyramide inversée des énergies

Pour démontrer la fragilité de nos savoirs emmagasinés dans nos machines et de notre civilisation, il est nécessaire de démontrer la fragilité de ce qui met en action nos machines, c’est à dire nos énergies. En effet, sachant que nous dépendons de façon vitale de nos technologies, il aurait été capital de s’assurer d’une solidité de nos ressources énergétiques. Commençons par ordre chronologique.

Le bois vit naître le premier feu des hommes. Cette énergie sera présente tant que le monde végétal sera maintenu. Elle est donc potentiellement inépuisable. Puis vinrent les ressources fossiles tel le charbon mais surtout le pétrole issu de la dégradation sur plusieurs millions d’années de matières organiques. Cette énergie, la plupart du temps sous forme liquide peut être facilement transportée mais demande beaucoup de ressources pour être exploitée, notamment au Canada où elle est à peine rentable car présent sous forme bitumeuse (1 baril consommé pour en produire 2). Malgré la destruction environnementale nécessaire pour raffiner ce type de pétrole, sa production est maintenue par la pression économique. Pour l’instant nous consommons approximativement 30 milliards de barils par an. Les réserves mondiales sont estimées à 1000 milliards. Il n’est donc pas difficile de prévoir qu’à ce rythme 30 ans de plus assècherons les réserves restantes. Nous aurons épuisés en moins de 2 siècles une énergie qui à mis plusieurs millions d’années à se constituer. De plus cet or noir est inégalement réparti. De nombreux problèmes géopolitiques en sont la conséquence. Pour finir, ce n’est plus notre croissance qui en dépend mais notre maintient. On voit que cette solution sera vite obsolète.

Ce fut au tour du nucléaire qui fut accueilli en France à bras ouvert en 1956 puisqu’il permettait de se libérer de la dépendance des pays importateurs de pétrole. De même que pour le pétrole, il a un risque, ces déchets et ces catastrophes qui comme on l’a vu précédemment englobent la terre et donc la vie comme terrain à risque. Ces risques dépassent le simple effondrement de notre civilisation pour devenir l’anéantissement de toutes vies.

Voyons maintenant, les nouvelles énergies éoliennes et solaires photovoltaïques. Leurs rendements sont encore faibles et surtout dépendent des deux premières énergies pour être transportées et fabriquées. L’émission de carbone qu’elles permettent d’économiser est minime puisqu’il a fallu une grande quantité d’énergie pour les produire. On voit donc que ces énergies sont une impasse car ce sont au final des énergies secondaires. De même, l’énergie hydraulique nécessite en plus de détruire des écosystèmes entiers comme ce fut le cas en Chine. Que nous reste il alors ?

On pourrait se demander si au final l’utilisation d’une autre énergie voulant remplacer celle de l’homme n’est pas déjà une impasse en soi. Tout le monde accepte les énergies qui remplacent nos actions mais personne ne veut voir de pollution, de déchets et de paysages dévastés. Faut-il alors regarder la vérité en face et accepter le poids de notre nécessité vitale ou alors continuer de vivre dans l’illusion jusqu’à notre effondrement. La seule énergie renouvelable est et a toujours été l’homme.

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Transition

Dans cette deuxième partie nous avez essayé de délimiter les causes possibles à l’origine de la mise en place de ces technologies déconscientisantes qui avaient pour effets néfastes de nous masquer l’épuisement de notre environnement, de nous effacer le besoin de notre nécessité et de nous faire perdre la conscience de nos actes. Les principales influences proviendraient donc de cette peur en la nature qui nous trompe et nous fait douter. Le corps scientifique, animé par cette curiosité de découverte et doté d’un savoir codifié et complexe, est libre d’ « agir » comme bon lui semble et non plus de « faire ». Même si l’homme contre ce danger de l’ « agir » désirerait renverser ce système, il dépend lui même de ces machines qui l’aliénisent face à son environnement. Il ne lui reste plus que pour vivre des objets sans âmes lui ôtant toutes possibilités de se créer une identité esthétique favorisant un narcissisme suffisant pour pouvoir s’aimer soi même si ce n’est les autres. La machine est-elle au final la dernière évolution de l’outil technologique déconscientisant indépendante de son utilisateur comme le voulait l’hypothèse de départ ou plutôt est-elle toujours restée le prolongement de l’homo faber, mais cette fois celui de son inconscience et de sa recherche sans fins. Il n’est alors pas hasardeux que la création d’une machine effaçant toutes fins possibles lors de son utilisation, soit présente parmi nous. Appelons-la arme atomique. Pour terminer ce mémoire, après une phase analytique, nous allons consacrer une dernière partie à un exercice qui à alimenter le PFE, qui consistait à partir de toutes ces hypothèses d’intervenir dans la démarche de projet architectural.

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Partie III. – Cas Pratique Chapitre I. – Construire Avec Le Site

Données

Ce premier chapitre de la dernière partie vise à répondre aux problèmes de

déconscientisation d’un individu sur son site en se plongeant dans le domaine de l’architecture. Le site concerne un ancien complexe industriel en périphérie de la ville de Lunéville. À la suite d’un premier plan d’aménagement effectué lors du premier semestre il a fallu engager une réflexion à l’échelle de l’habitat sur une partie du nouveau plan masse. C’est là qu’entre en jeu la réflexion de l’influence des technologies sur l’homme. Le principe était de construire le plus longtemps possible avec uniquement ce dont on disposait sur le site, pour retrouver une conscientisation des individus par rapport à leur environnement. Il fallait qu’ils voient l’impact de leurs actes d’habiter dans un lieu et mieux qu’ils participent à cet acte de création. Après une étude préalable, j’en ai conclu que la meilleure ressource disponible en abondance sur le terrain était la terre. C’est pourquoi avait d’aller plus loin dans ce cas pratique, il faut introduire les principes de la construction en terre.

La construction en terre

La construction en terre est liée à l’homme depuis l’aube de l’humanité. Les

premiers habitats étaient façonnés en terre argileuse, en adobes, c’est à dire en briques de terre crue séchées au soleil, ou alors en terre mélangée à de la paille, le premier liant utilisé avant le ciment. Plus récent encore, l’architecture en pisé, l’ancêtre du béton, se caractérise par une terre compressée dans des coffrages en bois. La particularité de l’argile, contenu dans la terre et mélangé à l’eau, fait que par compression les forces de capillarité vont agir comme un liant suffisant pour que le mur en terre se tienne de lui même. Ce matériau a la particularité d’être sensible au temps. Un logement victime d’infiltration d’eau ou de remontée capillaire mettra moins d’un an pour devenir inhabitable. Mais la question n’est pas de savoir quel matériau est le plus durable mais quelle énergie je déploie pour le rendre durable. Est-ce que j’utilise peu d’énergie, comme l’effort musculaire et entretien une à deux fois pour an mon habitat privé donc à proximité ou alors est-ce que j’emploie beaucoup d’énergie (par exemple le ciment issu de la décarbonation de la chaux et de la déshydratation de particules argileuse nécessitant une cuisson importante à 1400C°) pour figer dans le temps un matériau imprégné de savoir faire. Cette deuxième une vision d’une architecture éternelle avait pour habitude d’être utilisé avant la révolution industrielle dans les édifices publics, comme les temples ou les bibliothèques. L’architecture commerciale ayant pris le relais, est-ce vraiment ce que nous voulons garder en mémoire, le règne de l’animal laborans. Le but de l’architecture en terre était aussi de faire rappeler la fragilité du monde d’artifices des hommes et de ramener le maintient du domaine privé dans les mains de l’habitant.

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Construire avec le site ne veut pas dire forcément construire que avec de la terre. Le site s’y prêté par des tests d’observation de terre (odeur, touché, déformation) qui démontraient sa très bonne teneur en argile. Si le site avait offert une résurgence de produits goudronneux alors il aurait été utilisé dans la construction comme produit imperméable. Cette façon de construire appartient à une vision qui cherche à utiliser au mieux le peu de matériaux présent à proximité. Un environnement difficile rend l’architecture plus intelligentes où le gaspillage n’existe pas. Les Larabangas, au Ghana construisent des structures de terre en forme d’œuf dans lesquelles ils ne retirent pas les branches servant d’échafaudage. C’est presque comme s’ils ne pouvaient construire que d’une seule façon, avec ces faibles ressources et ces données géographiques contraignantes, tellement elle est évidente.

Nous nous sommes demandés précédemment d’où pouvait provenir le respect d’une population face à la nature, comme dans l’architecture japonaise traditionnelle. C’est peut être tout simplement lorsqu’elle se montre à la fois dure et cruelle, et douche et magnifique, comme les îles volcaniques nippones, qu’on ne peut que la voir comme divine.

Les concepts L’idée était de se réapproprier cette architecture africaine en terre en essayant de l’adapter à un courant d’architecture plus contemporain. De plus, pour chaque conséquence négative, délimitées précédemment, de l’outil technologique pouvant participer à l’acte d’édifier, un principe préventif y a été appliqué : - Déconscientisation dans ses ressources La meilleure solution est sans nul doute d’utiliser au mieux les ressources déjà présentes. Cette contrainte, qui n’en a pas toujours été une, aurait pour avantage par exemple de montrer qu’un simple caprice comme de construire tout en bois précieux parce que c’est devenu un style, peut détruire un paysage unique. L’intérêt est de réanimer ce sentiment de sacrifice nécessaire à l’équilibre fragile de l’environnement. - Déconscientisation du cycle travail/apaisement et de la conséquence des objets crées Cela devait forcément passer par l’autoconstruction partielle ou totale. L’architecture en terre est très simple à manipuler, elle peut même dans certain cas se passer d’outil. En sensibilisant les futurs habitants, on peut espérer que leurs nécessités vitales réclamant plus d’espace vital soit restreintes par la présence de l’effort. Les nouvelles constructions ont toujours pour habitude d’être construites trop grande, notamment grâce aux technologies de chauffage plus performantes et coutant moins cher qui déconscientisent l’habitant sur la provenance de l’énergie qu’il utilise pour se chauffer, en l’occurrence, en France, l’énergie nucléaire pour les chauffages électriques. Lorsque l’homme construit lui même il subit le travail qui l’épuise. Il cherchera donc à construire moins mais mieux plutôt que grand et n’importe comment. C’était cette pensée que je voulais introduire dans l’organisation des espaces des futurs logements. Il était intéressant de défonctionnaliser les espaces et de les organiser selon leurs

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ambiances, leurs relations avec l’extérieur et la lumière plutôt que de les organiser selon leurs fonctions. Ainsi un espace orienté sur un patio, invitant à la contemplation, aura la fonction de se reposer, de se laver ou d’accueillir. Chapitre II. – La transmission des savoirs et l’honnêteté architecturale Participer pour mieux retenir L’implication des constructeurs était l’élément clé de la transmission des savoirs. Il fallait aussi travailler avec des éléments modulaires, facilement transportables et dimensionnés par rapport à l’homme. Outre ces composants, j’ai opté aussi pour l’architecture en terre compressée, qui en plus de répondre à cette facilité d’emploi, avait des qualités esthétiques exceptionnelles. En effet, elle laissait apparaître les différentes couches de terre compressées pour donner une lisibilité du procédé. L’architecture en terre de pisé connu son apogée dans le sud de la France au XVII siècle sous l’influence de l’architecte François Cointreaux. Les chantiers n’employaient pas d’ouvriers mais faisaient appel aux habitants du village qui construisait au fur et à mesure les habitats de chacun ensemble. Le savoir était toujours détenu par le charpentier qui le transmettait à son tour à travers la participation. Cette technique put s’améliorer de génération en génération. Les hommes étaient ainsi capables d’entretenir leur demeure voire de la reconstruire en entier de leurs mains si elle subissait de grave dommage. Ils vivaient dans la fragilité mais disposé d’un savoir élémentaire tiré d’expériences sensibles avec leur environnement. Ce type de savoir perdu, comme on la vu dans la première partie, ne pouvait que laisser l’homme aliéné face à son monde en proie aux systèmes de la machine industrielle. La phase, qui précédait la construction, consistait toujours à observer son environnement. Les contraintes pouvaient être clairement identifiées. Par exemple, les façades exposées aux vents étaient renforcées par des parements de briques, ou alors était laissées comme telles et entretenues régulièrement. L’important est que l’architecture de terre, laissée transparaitre une sorte d’honnêteté architecturale, c’est à dire que d’un simple regard on pouvait comprendre les parties où les murs souffraient, les endroits où il fallait les soulager et comment ils étaient édifiés. L’honnêteté architecturale Cette façon de voir l’architecture était à mon sens la plus utile et la plus belle. Dans toute la démarche de conception, j’ai essayé de faire en sorte que n’importe qui soit capable de comprendre la façon dont les espaces ont été créés pour qu’il puisse à son tour les reproduire ou les améliorer. Par exemple le système de chauffage d’hiver n’est plus une machine extérieure que l’on rapporte pour pallier à un défaut de conception, mais il est directement ancré dans l’architecture. C’est pour cela que j’ai opté pour un chauffage hypocauste utilisé par les thermes romaines et systématiquement dans l’architecture coréenne traditionnelle. Le principe très élémentaire mais efficace consiste à utiliser le vide sanitaire pour évacuer la chaleur de combustion émise par la cheminée pour la répartir dans l’inertie du sol en pierre où elle pourra être rediffusée

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harmonieusement dans les espaces de vies. C’est la différence que je fais entre l’architectonique où l’art et la science sont intégrés dans la construction et l’architechnologique où chaque omission lors de la conception nécessite le rajout d’un outil technologique ou d’une machine. A l’inverse, pour donner un autre exemple, le fait de vouloir effacer les traces de coffrage et les orifices laissés par les tirants sur un mur béton serait un forme de tricherie architecturale qui dans le geste de dissimiler des procédés efface simultanément un savoir-faire. Un faux plafond, comme son nom l’indique, a aussi pour vocation de gommer une technique. Si un plafond veut paraître lisse et massif alors il devra être fait de telle sorte à ce qu’il laisse transparaitre la méthode utilisée. Ce phénomène de mensonge architectural touche la plupart des matériaux liés à la construction bon marché. On cherche à imiter un savoir sans l’utiliser pour rendre le produit moins cher. Envahis par ces substituts de la vérité, nous ne pouvons pas nous imaginer reproduire ces objets, que pourtant nous utilisons pour habiter, car seul nos machines en sont capables. Nous retombons à nouveau dans ce problème d’aliénation de l’homme par rapport à son monde et son environnement.

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Conclusion Pour conclure cette dernière partie et ce mémoire, il aurait encore fallu parler de l’influence des technologies sur la troisième condition de la vie active, l’acte et la parole. A l’origine de l’imprévisibilité et de l’irréversibilité, ils ne pouvaient que faire partie de la vie publique et politique, là où le pardon peut les effacer. Désormais, l’acte, passé du domaine public vers celui des sciences, le pardon, ne servant qu’à résoudre des problèmes moraux, il est désarmé face aux expériences non contrôlées de la sphère scientifique. Pourtant, cette communauté croit toujours pouvoir prédire rationnellement l’incertitude de la somme des actes et des paroles de chaque individu, c’est à dire l’histoire. La prise en compte de cette troisième condition de la vie active était sûrement l’élément qui aurait pu être le plus approfondi dans ce cas pratique. Elle a été faite en partie dans la gestion des espaces publiques durant le premier semestre. Comme par exemple, avec l’attention toute particulière portée sur la place de la voiture qui est en fait une externalisation de l’espace privé dans l’espace public. Une rangée de stationnement va créer de véritables barrières privées dans un domaine pourtant lié au fonctionnement de la vie citoyenne. L’autre faiblesse est que le site aurait pu être remis en question car il était probablement plus intéressant d’appliquer ces concepts à la ville déjà existante. Le problème, est que la création d’un environnement où les gens sont gouvernés par une pensée unique, développe la plupart du temps un milieu communautaire vivant en autarcie et sans relation par rapport à la vie publique à proximité. Ce résultat possible était l‘inverse du but recherché. L’imprévisibilité multipliée par 6,5 milliards fait que la conséquence des machines et des outils technologiques sur la vie publique est plus difficile à évaluer. Le travail de l’animal laborans et l’œuvre de l’homo faber dans la sphère réduite du domaine privée étaient plus faciles à étudier. De nouvelles technologies comme celles liées aux réseaux bouleversent complètement ces principes de privé/public. L’internet a la faculté de percer les limites du privé pour connecter les gens entre eux rendant la vie citoyenne obsolète. Nous disposons désormais d’une véritable bibliothèque d’Alexandrie numérique. Chaque individu peut se lier à elle et rechercher la solution à ses moindres problèmes sans pour autant y trouver des précautions d’utilisation. La mondialisation de la connaissance n’offre qu’un savoir parcellisé qui se passe de critique et de jugement. Quant à la vie politique, elle est aussi touchée par les technologies et influence leurs présences. Le métier d’homme politique dépend encore une fois de la nécessité vitale qui agit sur les choix pris pour la vie publique. En effet, le mandat de cette fonction étant plus court qu’un problème environnemental, la solution la plus rapide et le plus souvent la plus complexe va être retenue pour pouvoir montrer des résultats visibles à court terme et espérer ainsi remporter de nouveaux mandats. Ce système va donc favoriser la complexification de notre monde. Pour résumer, un outil technologique n’est pas néfaste. Il suffit seulement que son utilisateur le comprenne dans son entièreté. A partir de là, deux solutions s’offrent à nous. Attendre à risque que l’esprit humain ait les capacités de les comprendre, ou alors accepter le simplification de nos outils vers notre pensée. Ce mémoire ne voulait en rien ordonner sur ce qu’il faut faire mais à partir de quand le seuil du mal est atteint car c’est en présence du mal, plus facile à identifier, que le bien et le juste se révèle. Nous sommes tous embarqués dans le même train, chacun dans un wagon spécialisé. Une classe trop occupée à la joie d’alimenter aveuglement les machineries, met en mouvement une autre, enfermée dans sa carapace de complexification et de soif de connaissance qui lui masque le fossé de l’anéantissement total. Laquelle aura le courage d’abandonner ses outils déconscientisants et de descendre à temps pour interrompre l’autre ?

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Bibliographie

- Richard Rodgers, Des Villes pour une Petite Planète, Le Moniteur, Paris, 2000

- Les Cahiers de Science et Vie, Les Civilisations sont-elles Vouées à Disparaître ? Numéro 109, 2009 - Hannah Arendt, Condition de l’Homme Moderne, Agora, Paris, 2002 - Günther Anders, Hiroshima est Partout, Edition le Seuil, Paris, 2008 - Heino Hengel, Measure and Construction of the Japanese House, Periplus, 1985 - Hans Jonas, Le Principe de Responsabilité, Edition du Cerf, Paris, 1990

Sources Internet

Bases de recherche sur les Râpas Nuis disponible sur : http://www.critique-sociale.info/index.php/histoire/111-les-luttes-sociales-sur-lile-de-paques