l'infectivité des porteurs de gamétocytes de...

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- - - - c Y I1 est d’usage d’estimer la transmission moustique homme par le biais de paramètres entomologique: classiques (Bruce-Chwatt, 1985). L’évaluation de la transmission homme-mous tique est beaucoup plus rarement faite.C’estpourtant un paramètre essentiel pour juger de l‘efficacité de certaines mesures de lutte. Certainsmédicamentsantipaludiques comme la sulfadoxine-pyriméthamine, la pyriméthamine et le proguanil ont tendance à augmenter la production de gamétocytes après traitement de l’accès palustre (Findlayetaf., 1946;MackerrasetErCole, 1947;Shute et Maryon, 1951 ; Ramakrishnam et al., 1952).Mais il nesemble pas y avoirde renforcementdel’infectivité des sujets traités(voir1a synthèsedecarter &Gwadz, 1990). L’utilisationd’un médicament antipaludiqueen zone de forte résistance à ce médicament peut favoriser la gamétocytogénèse (en faisant souffrir le parasite ré- sistant sans le tuer). Par conséquent l’infectivité des souches parasitaires chimiorésistantes risque d’augmenter, avec comme risque essentiel, celui de transmettre préférentiellementces souches résistan- tes. Quelques études ont abordé ce problème, tant sur le plan expérimental ir2 vivo (Ramakaran&Peters, 1969) que sur le plan humain in vivo (Wilkinson et Gould, 1976 ; Hogh et al., 1995 ; Robert et d., 1996 ; Handunnetti et al., 1996). Les résultats ont été con- trastés. Lavaccinationanti-gamète dePjalcipnrnmcommence à être testée chez l’animal (Kaslow et al., 1994)et est déjà prévue chez l’homme en phase expérimentale. Ellevaêtre certainementessayéesurdes populations vivant en zone d’endémie dans un avenir assez proche. Ce vaccin entraîne la production par le sujet vacciné d’ anticorps anti-gamètes qui, absorbés par le moustique lors de son repas sanguin, inhibent le 1. Laboratoire de Recherches sur le Paludisme - LM 302 - WEAC - BP 288 Yaoundé - Cameroun. développement d u cycle sporogonique du parasite chez le moustique vecteur et par conséquent réduit ou supprime la transmission homme-vec teu r (Kaslow, 1993). Pour tester l’efficacité de ce vaccin dans les conditions naturelles, il est nécessaire de suivre le devenir de l’infectivi té des populations humaines pour les moustiques vecteurs, avant et après vaccination. Pour toutes les raisons développées ci-dessus, l‘es- timation de l’infectivité d’une population pour les moustiques vecteurs devient un impera tif essen tiel dans l’étude de l’épidémiologiedu paludisme avant et après introduction de certaines mesures de lutte. I1 y a plusieurs moyens pour estimer cette infectkit6 de l’homme pour le moustique. LE XÉNODIAGNOSTIC Ce test consiste à faire gorger des moustiques sains d’élevage, directement sur la peau du sujet (Muirhead-Thomson, 1957). C’est probablement la méthode qui se rapproche le plus des conditions naturelles ; mais elle est difficilement applicable en médecine de masse pour des raisons d’éthique. L’INFECTION ARTIFICIELLE Ce test consiste à prélever du sang veineux chez un sujet supposé porteur de gamétocytes età le donner à ingérer à des moustiques d’élevage à travers un appareillage ingénieux qui maintient le sang à 37°C (Rutledgeet al., 1964).Ce test expérimental s’éloigne assez des conditions naturelles, n’est pas très reproductible et nécessite l’adaptation d’une souche de moustique capable de se gorger en piquant à travers une membranedecellophane, cequin’estpas simple. Mais ce test ne pose pas de problème d‘éthique et, fait sur un nombre suffisammentgrand de sujets, permet des comparaisons interprétables avant et après intervention malgré sa mauvaise reproduc- tibilité. - - .

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c

Y

I1 est d’usage d’estimer la transmission moustique homme par le biais de paramètres entomologique: classiques (Bruce-Chwatt, 1985). L’évaluation de la transmission homme-mous tique est beaucoup plus rarement faite. C’estpourtant un paramètre essentiel pour juger de l‘efficacité de certaines mesures de lutte. Certainsmédicaments antipaludiques comme la sulfadoxine-pyriméthamine, la pyriméthamine et le proguanil ont tendance à augmenter la production de gamétocytes après traitement de l’accès palustre (Findlayetaf., 1946; Mackerras etErCole, 1947;Shute et Maryon, 1951 ; Ramakrishnam et al., 1952). Mais il nesemble pas y avoirde renforcementdel’infectivité des sujets traités(voir1a synthèsedecarter &Gwadz, 1990). L’utilisation d’un médicament antipaludiqueen zone de forte résistance à ce médicament peut favoriser la gamétocytogénèse (en faisant souffrir le parasite ré- sistant sans le tuer). Par conséquent l’infectivité des souches parasitaires chimiorésistantes risque d’augmenter, avec comme risque essentiel, celui de transmettre préférentiellement ces souches résistan- tes. Quelques études ont abordé ce problème, tant sur le plan expérimental ir2 vivo (Ramakaran &Peters, 1969) que sur le plan humain in vivo (Wilkinson et Gould, 1976 ; Hogh et al., 1995 ; Robert et d., 1996 ; Handunnetti et al., 1996). Les résultats ont été con- trastés. Lavaccinationanti-gamète dePjalcipnrnm commence à être testée chez l’animal (Kaslow et al., 1994) et est déjà prévue chez l’homme en phase expérimentale. Ellevaêtre certainementessayée surdes populations vivant en zone d’endémie dans un avenir assez proche. Ce vaccin entraîne la production par le sujet vacciné d’ anticorps anti-gamètes qui, absorbés par le moustique lors de son repas sanguin, inhibent le

1. Laboratoire de Recherches sur le Paludisme - LM 302 - WEAC - BP 288 Yaoundé - Cameroun.

développement du cycle sporogonique du parasite chez le moustique vecteur et par conséquent réduit ou supprime la transmission homme-vec teu r (Kaslow, 1993). Pour tester l’efficacité de ce vaccin dans les conditions naturelles, il est nécessaire de suivre le devenir de l’infectivi té des populations humaines pour les moustiques vecteurs, avant et après vaccination. Pour toutes les raisons développées ci-dessus, l‘es- timation de l’infectivité d’une population pour les moustiques vecteurs devient un impera t i f essen tiel dans l’étude de l’épidémiologie du paludisme avant et après introduction de certaines mesures de lutte. I1 y a plusieurs moyens pour estimer cette infectkit6 de l’homme pour le moustique.

LE XÉNODIAGNOSTIC

Ce test consiste à faire gorger des moustiques sains d’élevage, directement sur la peau du sujet (Muirhead-Thomson, 1957). C’est probablement la méthode qui se rapproche le plus des conditions naturelles ; mais elle est difficilement applicable en médecine de masse pour des raisons d’éthique.

L’INFECTION ARTIFICIELLE

Ce test consiste à prélever du sang veineux chez un sujet supposé porteur de gamétocytes età le donner à ingérer à des moustiques d’élevage à travers un appareillage ingénieux qui maintient le sang à 37°C (Rutledge et al., 1964). Ce test expérimental s’éloigne assez des conditions naturelles, n’est pas très reproductible et nécessite l’adaptation d’une souche de moustique capable de se gorger en piquant à travers une membranedecellophane, cequin’estpas simple. Mais ce test ne pose pas de problème d‘éthique et, fait sur un nombre suffisamment grand de sujets, permet des comparaisons interprétables avant et après intervention malgré sa mauvaise reproduc- tibilité. - - .

MESURE DE LA PROBABILI^ D’INFECTION D’UN MOUSTIQUE

(COEFFICIENT IC)

Ce n’est pas un test mais une simple estimation mathématiqueobtenue parle produitdela prévalence gamétocytaire dans la population, par le pourcen- tage moyen de moustiques infectés après gorgement sur des porteursde gametocytes (Graves etnl., 1988). Ce paramètre parait facile à obtenir, encore faut il estimer très exactement la prévalence réelle des por- teurs de gamétocytes (avec un seuil de lecture de 1 gamétocyte/mm3) et obtenir la proportionmoyenne

* de moustiques infectés après gorgement naturel sur différents porteurs de gamétocytes (faibles, moyen- nes et hautes densités).

LE MODÈLE MATHÉMATIQUE DE LINES

Cemodèlemathématique meten relationlepourcen- t,jgp t i r moustiques infectés dans les conditions na- turelles et l’âge physiologique des femelles (Lines et nl., 1991). En établissant une courbe semi- lvgarithmique du pourcentage de moustiques néga- tif (non infectés) en fonction de l‘âge physiologique des femelles anopheles (cicatrices ovariennes), on obtient une relation linéaire dont la pente mesure la probabilité d’infection d‘un moustique à chaque cy- cle gonotrophique, donc après chaque repas sanguin. Ce modèle est séduisant, mais il est particulièrement difficile de fixer I’âge physiologique des femelles anophèles après la 3ème ponte, d’où une certaine imprécision de la courbe et donc de la pente. D’autre part, il émet un certain nombre d’hypothèses rare- ment vérifiées dans la nature. Toutes ces estimations ont été développées indépen- damment les unes des autres, et souvent sans mettre en relation leurs estimations avec les véritables con- ditions de transmission du paludisme obtenues par des procédés classiques d’épidémiométrie. Le test d’infection expérimentale de moustiques d‘élevage soit par xénodiagnostic, soit par infection artificielle a été le plus utilisé. 11 existe un certains m m I ~ e d’études qui ont déjà été publiées et qui peuvent permettre des comparaisons. C‘est pour cette raison que dans cette revue de synthèse, nous n’enViSageI‘onS que ces 2 tests d’estimation de l’infectivité d’une population.

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A partir des données des auteurs, il est possible d’estimer un certain nombre de paramètres et de les comparer. -La proportion de sujets d‘une tranche d’âge dans la population réelle (Ai). - La proportion de porteurs de gamétocytes par tranches d‘âge (Gi) et la densité gamétocytaire moyenne par âges (DGi). - La proportion de moustiques infectés parmi les moustiques gorgés disséqués et ceci pour chaque tranche d‘âge (Ci). - La charge oocystique moyenne par, estomac de mous tiques gorgés sur des individus infectants d’une certaine tranche d’âge (Oi). -La proportion de sujets infectants par tranched’âge (Bi). - La contribution de chaque tranche d’âge au réser- voir infectant (Di), qui peut être estimée par (Ai) x (Bi) avec (Ai : proportion de chaque tranche d‘âge dans la population) et (Bi : proportion observée de sujets infectants dans chaque tranche d’âge). - La proportion théorique de la population partici- pant au réservoir infectant. Elle peut être estimée par la formule suivante : D = somme des Di. - La contribution proportionnelle de chaque tranche d’âge au réservoir infectant (à différencier de la contribution de chaque tranche d’âge au réservoir infectant). Elle est estimée par (Pi) =Fi / (Fl+F2+ ... Fi), où F1, F2, Fi sont calculés de la manière suivante. (Fi) est le produit de : (Ai) proportion du groupe d’âge dans la population, par (Bi) proportion d’individus infectants dans ce groupe d’âge et par (Ci) propor- tion moyenne de moustiques infectés pour cette tran- che d’âge. - Enfin il est possible d’évaluer le pouvoir infectant d‘ungamétocyte. Ce paramètre peut êtreutile quand on sait qu’il existe une relation entre densité gamétocytaire et pouvoir infectant d‘un porteur (re- lation non linéaire). Ce pouvoir infectant d‘un gamétocyte (PI) s’estime par le pourcentage de sujets infectésdivisé par la densitégamétocytairemoyenne de gamétocytes (à seuil de lecture comparable). On comprendra mieux ces formules en consultant les tableaux compara t i fs. La première tentative d’estimation de l’infectivité d’une population a été faite par Muirhead-Thomson, en 1957 (Muirhead-Thomson loc. cit.), dans une zone holoendémique de forêt équatoriale du Liberia, Des

Bull liais doc OCEAC 1997 : 30(2)

- ). -P

moustiques d'élevage (A. gambine) ont été gorgés sur 347 sujetsvolontaires de Oà 70 ans, selon la technique du xenodiagnostic. La prévalence gamétocytaire observée était de 20% pour un seuil de détection de 6 gam&ocytes/mm3. Les densités moyennes n'ont pu être estimées B partir des données. La proportion observée de sujets infectants a été de 9'2%. Le pour- centage observé d'individus infectés a diminué avec l'âge, en relation avec la diminution de la prévalence gamétocytaire en fonction de l'âge. La proportion théorique de sujets infectant dans chaque tranche d'âge a été d'environ 3% avec au total 10% de la popuhtion théoriquement infectante. Environ 21% des moustiques gorgés sur sujet infectant ont été infectés. Les pourcentages de moustiques positifs ne variaient pas avec l'âge. La charge oocystique moyenne a été de 23 oocystes par estomac positif et n'a pas diminué avec l'âge. Il n'a pas été observé de différence significative entre les tranches d'âge pour les paramètres suivants: proportion théorique de sujets infectants par tranches d'âges et contribution proportionnelle de chaque tranche d'âge au réser-

OZ. loc. cit.). Les auteurs ont effectue 2 la fois un xénodiagnostic sur 201 personnes de différents ages et une infection artificielle sur des porteurs de gametocytes. Des moustiques d'élevage (A. furn-rlti, vecteur local) ont été Utilisés pour cette étude. La prévalence gamétocytaire a été tres faible (4%)' mais leseuildelecturen'était pasmentionnédans l'article. Les densités gamétocytaires moyennes n'ont pas pu être estimées. Le pourcentage observé de sujets infectants a été lui aussi très faible (4%)' probable- ment en relation avec la faible prévalence des por- teurs de gametocytes. Le Pourcentage théorique d'infec tivité de chaque tranche d'âge a été faible chez les enfants de moins de 4 ans, élevé chez les enfants de 5 à 19 ans puis faible chez les adultes. La propor- tion de moustiques infectés sur des sujets infectants a été élevée (37,9%). Mais nous n'avons pas pu étu- dier les variations de ce pourcentage en fonction de l'iige. Nous n'avons pas pu comparer les autres paramètres (Ci), (Di) et (Pi) en fonction de I'âge (tableau 2). Une troisième tentative a eu lieu au Kenya, zone de

Différents paramètres épidémiologiques, de la transmission homme-moustique (d'après Muirhead-Thomson, 1957)

Groupes d'âges

Pourcentage Pourcentage Poucentage de la observé théorique de

population Gamétocyte d'individus I'infectivité de représenté Pjalcipaninz infectants chaque par chaque --------- pour les groupe d'âge

groupe moustiques d'âge Prev Dens

Pourcentage Pourcentage Pouvoir de théorique de infectant

moustiques chaque moyen d u n infectes groupe dâge gametocyte après dans la

gorgement contribution sur un sujet au reservoir

infectant infectant

(Ci) (Pi) (4 (Pii) (e)

<1 3

1 -5 12 28 3,3 19 31'2

6-15 25 12 3,o 24 35,2

>15 60 6 3,6 19 33,5

Total n=347 20 9 2 9 3 20,9

a : Prévaletice ganzéfo ytaire (Seziil de lectiire 6g/nini3) b : Densifé gaméfo ytaire (moyenne géoméfriqzie) c : D i = A i x B i d : Pi = F i n F i avec Fi = Aix Bi x Ci e : PII' = Bi / Demité gaméto ytaitre moyenne de i

voir infectant (tableau 1). Une deuxième tenta tivea été effectuée par Graves et d. en Papouasie Nouvelle Guinée en 1988 (Graves et

savane d'Afrique de l'Est, par l'équipe de Githeko et al. en I992 (Githeko ef al., 1992). Les auteurs ontutilis6 un xénodiagnostic sur 383 personnes volontaires, de

' <-,2,% Bull liais doc OCEAC 1997 ; 30(2)

2

- -

Différents paramètres épidémiologiques de la transmission homme-moustique (d'après Good et RI, 1988)

Groupes d'âges

Pourcentage de la

population représenté par clla ue groupe 3âge

Prev Dens

Pourcentage observé

d'individus infectants pour les

moustiques

Poucentage théorique de I'infectivité decha ue

groupe &ge

Pourcentage Pourcenta e Pouvoir de tiiGorique 3e infectant

moustiques chaque moyen d'un infectes groupe d'âge gamétocyte après dans la

gorgement contribution sur un sujet au reservoir

infectant infectant

0-4 16,3 8 53 0A6

5-9 14,s 5 8,6 124 10-19 23,7 25 43 1,13

>19 45,5 13 12 034

Total Il = 20 1 4 4 3,77

a : Prévalence gaméfocytaire (Seuil de lecture inconnu) b : Densité gaméfocytaire (moyenne géométrique) c : Di = A i x Bi d :Pi = FiEFiavec Fi = A i x Bi x Ci e : Pli = Bi /Densité gamétocytaitre moyenne de i

tvus les âges, avec des moustiques d'élevage (A. ,gnmbine). La prévalence gamétocytaire a été de 24%' avec un seuil de lecture tres élevé (20 gametocytes/ "3) cequi laisse supposer une fortesousestimation de ce pourcentage. Les densités gamétocytaires moyennes par âge ont été très élevkes mais ne sont pas précises et interprétables en raison du seuil de lecture. La proportion observée d'individus infectants a été de 21,4%, avec une forte proportion d'infectants chez les enfants de 1 B 9 ans, puis une décroissance avec l'âge. Il faut noter ici l'absence d'infectivité des enfants de moins de 1 an. La charge oocystiquemoyenne a oscillée entre33et 1,l oocystes par estomac positif, décroissante avec I'âge. Les pourcentages observés et théoriques d'individus infectants,les pourcentages observés de moustiques infectés sur sujets infectants et la charge oocystiques moyenne des mous tiques positifs ont diminués avec l'âge. Parallèlement, la contribution de chaque tran- che d'âge au réservoir infectant a diminué avec l'âge (tableau 3). Enfin une dernière tentative a eu lieu en zone de Savane d'Afrique de l'Ouest au Burkina en 1993 par Boudin et al. (Boudin et al., 1993). Les auteurs ont utilis6untest d'infectionartificielle enfaisantgorger des moustiques d'élevage (A. gnrnbiae) su r du sang

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veineux de 322 sujets de plus de 4 ans. La prévalence gamétocytaire moyenne a été de 52% avec un seuil de lecturede3gamétocytes/mm3. Paradoxalement, cette prévalence et les densités moyennes n'ont pas diminué avec I'âge. La proportion observée d'indi- vidus infectants a été de 48'4% et n'a pas varié avec l'âge. La proportion de moustiques infectés sur su- jets infectants a été de 113%. La charge oocystique moyenne par moustique positif a été de 1,9 oocyste/ estomac. I1 n'y a pas eu de diminution significative en fonction de l'âge. La proportion théorique de sujets infectants par tranche d'âge et la contribution de chaque tranche d'âge au réservoir infectant n'a pas varié avec l'âge (tableau 4). De toutes ces donnkes, il ressort un certain nombre d'observations intéressantes. Tout d'abord, la prévalence et la densi té gamétocytaires dépendent naturellement du seuil de lecture et très probable- ment de la zone d'endémie. Notre expérience per- sonnelle nous montre que pour des seuils allant de 2083 gamétocytes/mm3,lenombre de gamétocytes détectés croît de manière exponentielle. Ce n'est qu'à partir de 2 gamétocytes/mm3 (seuil de lecture recommandé) que la prévalence gamktocytaire et la densité deviennent constan tes.

ßli11 liais doc OCEAC 1997; 30(2)

. .. . . . . Différents paramètres épidémiologiques de la transmission homme-moustique (d'après Githeko e t al, 1992)

Pourcentage Pourcentage Poucentage Pourcentage de la observé théorique de

Groupes population Gametocyte d'individus de moustiques d'âges représenté P.fnlcipamm infedants l'infectivité infec,t"

par c h a r --------- pour les de chaque ap res groupe 'âge moustiques groupe gorgement

Prev Dens d'âge sur un sujet infectant

Pourcenta e Pouvoir théorique %e infectant

chaque moyen groupe d'âge d'un

dans la gamétocyte contribution au reservoir

infectant

(i) (Ai) (a) (b) (Bi) (Ci) (Pi) (d) (PII) (e)

(Di) (c)

<1 3 86 36 O O O O O

1-4 13 48 29 423 5 3 16 %,1 0003

5-9 17 42 30 282 43 14 33'9 op04 10-14 14 15 29 1 8 1 26 7 9 0,002

15-21 13 18 25,9 39 3 2Y

>21 40 15 20 8 5 168

Total n=397 24 21,4 242

a : Prévalence gaméìocytaire (Seuil de lecture = 20g/m3) b : Deilsité gamétocytaire (moyenne géométriqtie) c: D i = A i x B i d :P i = F i Ei? avec Fi = A i x Bi x Ci e : Pli = Bi / Deiisite'gaméfocytaifre moyenne de i

Différents paramètres épidémiologiques de la transmission homme-moustique (d'apr8s Boudin e t al, 1993)

Groupes d'âges

Pourcentage Pourcentage Poucentage Pourcentage Pourcenta e Pouvoir de la observé théorique de de théorique 3e infectant

population Gametocyte d'individus l'infedivíté moustiques chaque moyen d'un reprsenté Pjalcipmum infectants decha ue infectés groupe d'âge gamétocyte --_--__-_ pour les groupe %Sge aprk dans la

moustiques gorgement contribution Prev Dens sur un sujet au reservoir

groupe par chaF age

infectant infectant

O 4 16,6 58

5-14 28,5 49 3 55,8 15,9 11,4 39,5 0,04

1429 25,6 59 2,4 442 11,3 13,4 329 OP4

>29 29,3 45 22 43,s 12,8 9,9 27,6 0,05

Total n=322 52 48,4 40 11,5

I'

a : Prévalence gamétocytaire (Seuil de lecture = 3g/m3) b : Demité gamétocytaire (moyenne g6ométrique) c : D i = A i x B i d :Pi =Fi EFi avec F i =Aix B i x Ci e : PU = Bi 1 Densité gamétocytaitre moyenne de i

Bull liais doc OCEAC 1997 : 30f2)

9 -

I

L‘infectivité d’une population pour les moustiques, mesurée par le xénodiagnostic, semble grandement varier en fonction des zones géographiques et de la prévalence gamétocytaire. Cettevariation ne dépend pas uniquement des différences de méthodologie. I1 faut noter aussi que le pourcentage observé ou théorique d’infectivité par tranche d‘âge peut dans certaines zones diminuer avec l’iige ou rester stable. D’une manière générale, le rôle des adultes (peu porteur de gamétocytes) n’est pas à négliger dans le réservoir potentiel de sujets infectants, en raison essentiellement de leur surreprésentation dans la population (Ai élevé). I1 faut noter aussi que les nourrissons ne semblent pas très infectants dans les conditions naturelles, les moustiques n’ayant pas une forte attirance pour ces sujets (Githeko et ul. loc. cit.). En Papouasie Nouvelle Guinée, la prévalence gamétocytaire semble très faible (4%) bien qu’on ne connaisse pas le seuil de lecture. Elle peut expliquer en partie le faible taux d’infectivité de la population (4%)’ bien qu’il n’y ait pas de corrélation étroite entre prévalence gamétocytaire et infectivité d’une popu- lation. Au Burkina la prévalence gamé tocytaire est très for te (52% pour un seuil de 3 gam/mm3) et I’infectivité théoriqueatteint lechiffrerecordde40Y0.I1fautnoter ici que les prévalences gamétocytaires ne diminuent pas avec l’âge et que c’est la seule observation où les adultes infectent autant les moustiques que les en- fants. Ceci peut traduire une absence complèted’im- munité bloquant la transmission. Au Kenya la prévalence gamétocytaire est de 24% avec un seuil de lecture extrêmement élevé (20 gam/ “3) ce qui veut dire que cette prévalence est nettement sous evaluée. On s’attend donc B une infectivité élevée. En fait elle n‘est que modérée

(24%). Ceci peut s’expliquer par l’existence d’un certain degré d’immunité bloquant la transmission comme le souligne les auteurs. En effet, l’infectivité diminue fortement avec l’âge. C’est d’autre part;,.la seule observation où le pourcentage de moustiques infectés et la charge oocystique moyenne diminue fortement avec 1’âge. Au Liberia, la densité gamétocytaire est d‘environ 20% avec un seuil de lecture de 6 gam/mm3. L‘infectivité de la population est de seulement 10%. C’est donc une situation intermédiaire.

i I .

22 0 -

Ces premisres observations montrent bien l’intérêt potentiel de ces nouveaux paramètres épidémio- métriques dans l’analyse de la transmission liomme- moustique.Maisseule1a répétitiondece typed’étude, avec des méthodologies bien standardisées et com- parables, permettra de choisir les meilleurs paramètres. I1 faut noter toutefois la décroissance possible de ces paramètres avec l’âge, dans certaines circonstances épidémiologiques. Ceci n’est pas sans rappeler la décroissance des prévalences et densités parasitaires asexuées en fonction de l’âge, du degré d’expérience palustre et donc du statut immunitaire. 11 devient capital de coupler aux études d’infectionexpérimen- tales des études sérologiques sur l’immunité antigamète afind’estimer le rôle possible d’anticorps naturels antigamètes dans le blocage ou l’inhibition de transmission homme-moustique. I1 reste aussi à déterminer les modalités d’apprécia- tion de cette infectivité des populations humaines pour les moustiques. Les 2 techniques envisagées ici (le xénodiagnostic et l’infection artificielle) n’ont pas encore été comparées entre elles. On ne sait donc pas si elles peuvent refléter la réali té épidémiologique et quelle technique donnerait les meilleurs résultats. 11 existe en outre d’autres moyens d’apprécier indirectementl’infectivitéd’une population. Ilsn‘ont été que très rarement étudiés et toujours indépen- damment de la situation épidémiologique locale du paludisme et indépendamment les uns des autres. Seules des études intégrées, pluridisciplinaires et dans différentes zones de transmission, pourraient permettredechoisir un test op6rationnel. Ce type de programme de recherche pourrait être conduit par l’équipe paludisme de I’OCEAC dans les 2-3 années à venir. A terme, nous souhaitons pouvoir disposer d’un test fiable permettant de juger de l’impact de certaines mesures de lutte sur la transmission homme-vecteur, impact que nous sommes incapables d’apprécier à l’heure actuelle. Depuis que nous tentons d’intervenir sur la trans- mission du paludisme, nous ne pouvons pas nous flatterdesuccèsdurables. Bien pire,il semblequenos différentes interventions aient entraîner des effets secondaires parfois dramatiques. Les tentatives d’éradicationont probablementabouti àun retard d’appari tion de l‘immunoprotection chez

Bull liais doc OCEAC 1997 ; 30(2)

L

+ “’ , ,b

i i

les populations locales, avec flambée de la morbidité, quand les mesures de lutte ont été abandonnées. A cette époque nous ne disposions pas des outils immunologiques permettant d’estimer et de suivre ledegré d’immunoprotection des populations, avant et après intervention. Les tentatives de chimiothérapie de masse à l’aveu- gle ont peut être favorisé l’extension d e la chimiorésistance aux antipaludiques. A cette époque nous ne possèdions pas encore la maîtrise de la culture in vitro du parasite pour apprécier les effets secondaires d’une telle stratégie. La lutte chimique contre le vecteur a sélectionné des souches résistantes. A cette époque nous ne possèdions pas encore les outils de biologie moléculaire permettant de caractériser les souches et les mécanismes de résistance. Qu‘en sera t’il de l’impact du futur vaccin dtruistes anti-gamète ? N’allons nous pas Ià encore déclencher des effets secondaires néfastes, faute d’avoir disposé à temps d’une technique permettant d’estimer et de suivre l’évolution de l’infectivité des populations humaines pour les moustiques. Tels sont les prochains enjeux sur le plan de I’épidémiologie et de la lutte contre le paludisme, enjeux aux quels I’OCEAC se doit de participer.

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ISSN 0255-5352

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de liaison et de documentation

Volume 30(2) : 2ème trimestre 1997

2 3 JUIN 1937

ORGANISATION DE COORDINATION POUR LA LUTTE CONTRE LES ENDEMIES EN AFRIQUE CENTRALE

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