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VOL. 54,No 9 SIÈGE SOCIAL: MONTRÉAL, SEPTEMBRE 1973 L’importance despetites choses L’ÉTAT SUPÉRIEUR auquel l’homme est parvenu dans l’évolution desespèces estattribuable au fait que petit à petit son intelligence s’est développée au cours des temps et qu’il a appris grâce à elle à connaître la qualité deschoses et à maîtriser les moyens de les améliorer. Tout ce que l’être humain a inventé et accompli sur la terre a connu desdébuts modestes. Lesplus grands succès sportifs tiennent souvent à desfractions de points. Le nageur le plus rapide du monde n’a devancé ses concurrents que de quelques pouces. Dans le slalomgéant fémininde Squaw Valley, il n’y eutqu’une différence d’un dixième de seconde entre le vainqueur et le gagnant du deuxième prix. Léonard de Vinci notadans son carnet quelors- qu’une goutte d’eau tombe dans la mer toute la surface de la mer s’élève imperceptiblement; et, ailleurs, que "la position dela terre est modifiée par le poids d’un petit oiseau qui vient s’y poser". La "goutte d’eaudans l’océan" n’estpas sans importance. Elle peut avoir une très grande portée parle résultat quien découle. Prenons par exemple les affaissements de terrain au Québec etles effondre- ments dans certaines parties des États-Unis. On ne retrouve aucun grand cataclysme à la source de ces événements terrifiants et deces pertes deterre arable, mais uniquement de petits cours d’eau rongeant leurs rives ou unefaible chute du niveau desnappes d’eau souterraines. La mise en orbite du deuxième satellite canadien de télécommunications intérieures, AnikII, fut retardée de 24 heures parla disparition d’un petit morceau de ruban adhésif là où il aurait dû être sur un accessoire de la plate-forme de lancement. Dans un vitrail, chaque menu triangle ou carré de verre compte. Dans une mosaïque, chaque morceau de pierre ou de marbre estindispensable. Un auteur nous conseille de penser, en regardant la queue d’un paon, à la petite particule de matière de l’oeuf d’où elle tire son origine. En écrivant: "Prendre septparties de salpêtre, cinq de charbon et cinq de soufre", le moine anglais Roger Bacon ne pouvait prévoir l’influence qu’aurait sa formule sur lecours dela civilisation. Ils’agissait deséléments de la poudre à canon. La machine la plus connue dans le monde à l’heure actuelle est l’automobile. Pensez aux millions de pneus gonflés à l’air quiroulent surnosroutes. Ils furent inventés à Belfast, en Irlande, par levétérinaire JohnDunlop, qui imagina de garnir les roues en bois de la bicyclette de son fils d’un bandage tubulaire pneumatique. Veut-on des exemples qui noustouchent de plus près. Songeons aux gains de temps et d’argent que représentent lespetits travaux d’entretien faits au moment voulu. Le serrage d’une visà bois, le grais- sage d’un essieu, le nettoyage d’un tuyau, la répara- tion d’uninterrupteur défectueux, voilà autant de petites choses qui contribuent à nousépargner de l’argent, du temps et des ennuis. Les petites choses sontimportantes non pas en elles-mêmes, mais parce qu’elles sont liées ou con- duisent inévitablement à quelque chose de trèsim- portant. Pascal affirme dans ses Pensées que si le nez de Cléopâtre eûtétéplus court, toute la face de la terre aurait changé. Tout commence modestement Que notre but soit d’accomplir quelque chose, de faire quelque chose, d’améliorer quelque chose, de défendre quelque chose, tout n’est d’abord qu’une petite idée ouune petite action. Ilfaut faire beaucoup de petites choses pour en réaliser uneseule grande. Un artiste peut dessiner ou peindre à large coups de pinceau une suite infinie de hautes montagnes, mais il en marquera lesfuyants parde fines lignes ou un léger estompage. Il fautuserde notre sensdes proportions pour juger de ce quiestpetit et de ce quiest grand. Les choses qui semblent importantes à l’heure et dans les circonstances actuelles paraîtront peut-être insigni- fiantes demain et dans un contexte différent. Lorsque des capsules commémoratives furent en- fouies dansles profondeurs du sol de New-York en

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VOL. 54, No 9 SIÈGE SOCIAL: MONTRÉAL, SEPTEMBRE 1973

L’importance des petites choses

L’ÉTAT SUPÉRIEUR auquel l’homme est parvenu dansl’évolution des espèces est attribuable au fait quepetit à petit son intelligence s’est développée au coursdes temps et qu’il a appris grâce à elle à connaître laqualité des choses et à maîtriser les moyens de lesaméliorer. Tout ce que l’être humain a inventé etaccompli sur la terre a connu des débuts modestes.

Les plus grands succès sportifs tiennent souvent àdes fractions de points. Le nageur le plus rapide dumonde n’a devancé ses concurrents que de quelquespouces. Dans le slalom géant féminin de SquawValley, il n’y eut qu’une différence d’un dixième deseconde entre le vainqueur et le gagnant du deuxièmeprix.

Léonard de Vinci nota dans son carnet que lors-qu’une goutte d’eau tombe dans la mer toute la surfacede la mer s’élève imperceptiblement; et, ailleurs, que"la position de la terre est modifiée par le poids d’unpetit oiseau qui vient s’y poser".

La "goutte d’eau dans l’océan" n’est pas sansimportance. Elle peut avoir une très grande portéepar le résultat qui en découle. Prenons par exempleles affaissements de terrain au Québec et les effondre-ments dans certaines parties des États-Unis. On neretrouve aucun grand cataclysme à la source de cesévénements terrifiants et de ces pertes de terre arable,mais uniquement de petits cours d’eau rongeant leursrives ou une faible chute du niveau des nappes d’eausouterraines.

La mise en orbite du deuxième satellite canadiende télécommunications intérieures, Anik II, futretardée de 24 heures par la disparition d’un petitmorceau de ruban adhésif là où il aurait dû être surun accessoire de la plate-forme de lancement.

Dans un vitrail, chaque menu triangle ou carré deverre compte. Dans une mosaïque, chaque morceaude pierre ou de marbre est indispensable. Un auteurnous conseille de penser, en regardant la queue d’unpaon, à la petite particule de matière de l’oeuf d’oùelle tire son origine.

En écrivant: "Prendre sept parties de salpêtre,cinq de charbon et cinq de soufre", le moine anglais

Roger Bacon ne pouvait prévoir l’influence qu’auraitsa formule sur le cours de la civilisation. Il s’agissaitdes éléments de la poudre à canon.

La machine la plus connue dans le monde à l’heureactuelle est l’automobile. Pensez aux millions depneus gonflés à l’air qui roulent sur nos routes. Ilsfurent inventés à Belfast, en Irlande, par le vétérinaireJohn Dunlop, qui imagina de garnir les roues enbois de la bicyclette de son fils d’un bandage tubulairepneumatique.

Veut-on des exemples qui nous touchent de plusprès. Songeons aux gains de temps et d’argent quereprésentent les petits travaux d’entretien faits aumoment voulu. Le serrage d’une vis à bois, le grais-sage d’un essieu, le nettoyage d’un tuyau, la répara-tion d’un interrupteur défectueux, voilà autant depetites choses qui contribuent à nous épargner del’argent, du temps et des ennuis.

Les petites choses sont importantes non pas enelles-mêmes, mais parce qu’elles sont liées ou con-duisent inévitablement à quelque chose de très im-portant. Pascal affirme dans ses Pensées que si le nezde Cléopâtre eût été plus court, toute la face de laterre aurait changé.

Tout commence modestement

Que notre but soit d’accomplir quelque chose,de faire quelque chose, d’améliorer quelque chose,de défendre quelque chose, tout n’est d’abord qu’unepetite idée ou une petite action. Il faut faire beaucoupde petites choses pour en réaliser une seule grande.

Un artiste peut dessiner ou peindre à large coups depinceau une suite infinie de hautes montagnes, maisil en marquera les fuyants par de fines lignes ou unléger estompage.

Il faut user de notre sens des proportions pourjuger de ce qui est petit et de ce qui est grand. Leschoses qui semblent importantes à l’heure et dans lescirconstances actuelles paraîtront peut-être insigni-fiantes demain et dans un contexte différent.

Lorsque des capsules commémoratives furent en-fouies dans les profondeurs du sol de New-York en

1965, nous y avons enfermé des spécimens des chosesdont nous sommes fiers: photographies de villes, denavires, d’automobiles, d’avions et de fusées; échan-tillons d’objets en plastique, d’outils, d’articles detoilette; livres reproduits sur microfilms. Comme ceschoses paraîtront banales et pitoyables à ceux quiouvriront les coffrets dans cinq mille ans! Le contenuest déjà dépassé.

La nécessité de l’observation

Il est peu judicieux d’attribuer un trop grand rôleau hasard ou à l’inspiration dans la genèse des idées,des inventions et des succès. Le hasard n’invente rien;il offre seulement l’occasion à celui qui sait observerd’appliquer son esprit à la situation qu’il révèle.

Lorsque son enfant renversa un rouet, laissant lefuseau tourner verticalement, James Hargreaves eutl’idée de réaliser une machine à filer à plusieursbroches. C’est le hasard qui permit à George Stephen-son de mettre en mouvement une machine vapeur quiavait besoin de réparations, puis de construire unelocomotive. Charles Dickens voulait devenir acteur,mais on le refusa parce qu’un rhume de cerveau luiavait laissé la voix enrouée. Cette circonstancefortuite lui fit adopter le métier d’écrivain où il acquitune célébrité universelle.

Voilà des hasards qui ont apporté des idées et desoccasions favorables à des hommes assez perspicacespour les déceler. D’ordinaire, la chance ne s’imposepas à notre attention avec ses bienfaits. Il nous fautêtre aux aguets pour saisir le moindre indice de lapossibilité de faire quelque chose de valable.

Un proverbe birman dit: "I1 n’y a pas d’or danstoutes les pierres, mais il n’y a pas de mal à regarder."Sherlock Holmes met à la base de ses découvertesson souci d’observer les vétilles, comme il le dit àWatson dans Le Mystère de la vallée de Boscombe.

Le radar et la pénicilline comptent parmi lesdécouvertes remarquables des dernières années. Tousdeux sont nés de l’observation par un chercheurattentif d’un phénomène sans rapport avec ses préoc-cupations immédiates. Dans un cas comme dansl’autre, l’attention a éveillé la curiosité et l’imaginationde l’homme de science.

Il est d’autres exemples. Un soir, un professeur demusique, Robert Foulis, revenait chez lui, dans lebrouillard, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick.Prêtant l’oreille au son du piano familial pour savoirsi sa fille exerçait le morceau qu’il lui avait donnépour leçon, il constata avec étonnement qu’elle nesemblait jouer qu’une seule note grave et basse.C’est alors que lui vint l’idée géniale que c’était làl’unique note qui perçait le brouillard. Il fabriqua unechaudière à vapeur et y relia un sifflet dont le soncorrespondait à la note en question. Et c’est ainsi quefut inventée la corne de brume à vapeur.

Le petit grain de sénevé

Certaines observations produisent des idées quimettent longtemps à se confirmer et à se propager.

Dès 1899, Nicola Tesla prédisait que les ondes hert-ziennes pouvaient servir à établir la position et laroute d’un objet en mouvement, tel un navire en mer.En 1930, Robert Watson-Watt, à la tête d’une petiteéquipe de recherche, constate que des avions en volrenvoient des signaux réfléchis lorsqu’ils sont heurtéspar des ondes radio-électriques. C’est ainsi quenaquit le radar.

L’idée est comme une graine. Il faut la semer, lacultiver et en cueillir les fruits. "Dans mes plaidoyersau tribunal, nous dit Pline, je sème à tout vent diversarguments comme autant de graines, afin de récoltertout ce qui pourrait en lever."

On ne rejette pas une idée uniquement parcequ’elle est petite. Saisissez-vous de la moindre idéeet exploitez-la avant qu’elle s’évanouisse, peut-êtrepour toujours. Le matin où K. C. Gillette trouva sonrasoir à manche un peu trop émoussé, il commençaà se demander pourquoi il avait été jugé nécessaired’affiler une longue lame d’acier alors qu’on n’avaitbesoin que d’un fin tranchant. Cette idée lui inspirale rasoir de sûreté à lame mince.

On insiste souvent sur la nécessité de ne pas avoird’idée préconçue, et c’est assurément une qualitédigne d’éloges. Mais il faut aussi avoir un espritinterrogateur, qui n’accepte pas d’emblée toutenouveauté, mais l’arrête à la porte pour en vérifier lepasseport.

Nous devons être capables de discerner les valeurset de les analyser. Considérez une idée comme unechose précieuse et fragile. Prenez-en note sur-le-champ. Aussi bien ne pas avoir une idée que del’avoir et ne pas savoir qu’on la possède. Puis re-tournez-la en tous sens dans votre esprit. Mettez, sivous le voulez, au compte de l’intuition votre premiercoup d’oeil dans l’inconnu, mais faites les contrôleset les rectifications nécessaires. Soumettez les abstrac-tions à l’épreuve de l’expérimentation afin d’apprendrecomment leur faire prendre corps.

Utiliser l’acquis

On rencontre des personnes qui font grand mystèrede la source des idées auxquelles ils doivent leur réus-site. Roger Bacon a énoncé sa formule de la poudre àcanon sous la forme d’un cryptogramme latin. Cer-tains écrivains attribuent leurs �uvres à une étincelledivine. Des hommes d’affaires rapportent leurs coupsde maître à une lueur d’inspiration. Pourtant, ces idéesne leur seraient pas venues s’ils n’avaient pas aupréalable meublé leurs esprits de connaissances utili-sables par l’étude. Une idée ne trouve guère où sepercher dans un cerveau vide.

Au moment où vous prenez votre stylo pour rédigerune lettre, un article ou une communication savante,vous avez déjà réuni beaucoup de petites choses quivont vous être utiles. Vous avez tu les détails de laquestion, étudié les cas analogues, rassemblé les faitset contrôlé leur exactitude, cherché dans votre mé-moire des exemples et des événements appropriés,

parcouru les livres et les documents se rapportant àvotre sujet, et vous avez groupé tout cela sous formede notes faciles à consulter.

La recherche ne consiste pas à scruter l’inconnuau hasard dans l’espoir de tomber sur quelque chosed’utile ou intéressant. C’est un état d’esprit, une façonordonnée de découvrir les éléments composants d’uneidée, de décider s’il vaut la peine d’y travailler, deprévoir ce qui peut en résulter, puis de s’attaquer auxdétails avec patience et ténacité. Si la contributionde Bacon au progrès des sciences a été si précieuse,c’est qu’elle était une révolte contre les renseignementsde seconde main. Sa méthode consistait à rechercherles faits.

Viser en tout à la simplicitéEn démontrant par une expérience effectuée au

laboratoire et sur le campus de l’Université McGillque le rayonnement pénétrant détecté dans l’at-mosphère ne provenait pas de la surface de la terre,Sir Ernest Rutherford (dont le tombeau se trouve l’abbaye de Westminster) révéla l’existence des rayonscosmiques. On lui doit aussi les premières expériencesréussies concernant la fission nucléaire. En 1908, ilméritait les prix Nobel de physique et de chimie.Dans ces travaux de recherche et d’expérimentation,Rutherford utilisa des appareils d’une simplicité telleque l’on ne peut guère parler de ce savant sans yfaire allusion.

Une petite idée, insignifiante en soi, comme celle defrotter un morceau d’ambre et de s’en servir pourattirer des pailles, peut croître et se développer aupoint de changer la face de la terre et les habitudes despeuples. Thalès de Milet, l’un des sept sages de laGrèce, fut le premier à remarquer ce phénomène, quidevait à la suite d’expériences nombreuses et variéesaboutir à la mise au point de la télévision 2,523 ansplus tard.

Le grand obstacle qui se dresse entre la conceptiond’une idée et la suite qu’on y donne est l’inertiementale. Ce ne sont pas les esprits indolents, obtus etindifférents qui dégagent les grandes pensées despetites idées, mais ceux qui sont actifs, sérieux etinquisiteurs.

David Fife eut l’heureuse idée de rechercher unevariété de blé qui aurait le temps de mûrir pendantla courte saison de culture de l’Ouest. Ayant réussià se procurer un petit sac de blé en Europe, il s’empres-sa d’en semer le contenu dans sa ferme de Peterbor-ough en Ontario. Trois grains seulement germèrent,et une vache en mangea un. Les deux autres vinrentà maturité dix jours plus tôt que le blé qu’il avaitsemé jusque-là. La troisième année, il en récolta unboisseau, qu’il expédia dans l’Ouest. Ce blé s’y révélavraiment hâtif, et l’initiative et le patient travail deFile permirent d’ouvrir les provinces des Prairies àl’agriculture.

L’inventionPeu de personnes commencent leur carrière comme

inventeurs. L’étudiant qui sort de l’école en exhibantavec fierté son parchemin ne se met pas tout de suiteà fabriquer de nouveaux antibiotiques, des moteursd’automobile non polluants ou des engins spatiaux.Toutes ces choses ont d’abord existé à l’état de petitesidées, que quelqu’un a eu la sagacité de percevoir et desaisir, l’intelligence de comprendre et le bon sens demettre au point.

Les idées dorment parfois pendant longtemps avantqu’un ramasseur de petits riens ne s’avise d’en décou-vrir les possibilités. Les personnes les plus intelligenteselles-mêmes ne s’arrêtent pas toujours aux menusévénements qui portent en eux le germe de la grandeur.

Dans son célèbre ouvrage La Richesse des nations,publié en 1775, Adam Smith ne consacre qu’un courtalinéa à l’industrie cotonnière, alors que sir RichardArkwright avait déjà ouvert sa filature révolutionnairedepuis six ans. John Evelyn écrivait dans son Journal,le 12 avril 1682, qu’il avait dégusté un souper où toutavait été cuit dans des marmites de Papin, mais cen’est qu’au XXe siècle que l’usage de l’auto-cuiseurdevait se répandre dans les ménages.

Inventer c’est réaliser quelque chose d’inédit. Ilpeut s’agir d’une chose entièrement nouvelle ou d’unemeilleure façon de procéder, ou encore du réa-gencement des parties d’un appareil en vue d’enutiliser toutes les possibilités.

Dans les premières machines à vapeur, des petitsgarçons étaient chargés d’ouvrir et fermer la com-munication entre la chaudière et le cylindre. Mais runde ces enfants remarqua un jour qu’en attachant aubalancier de la machine avec une ficelle le robinet deréglage de cette communication, celui-ci s’ouvrait etse fermait sans son intervention.

L’inventeur de la machine à coudre, Elias Howe,connut le succès en mettant le chas et la pointe à lamême extrémité de l’aiguille, ce qui nous valut lepoint de navette.

Les petits gaspillages font boule de neige

Dans une usine comme dans une cuisine, lëlimina-tion du gaspillage est l’une des fonctions de la direc-tion. Il n’est pas nécessaire qu’une fuite soit trèsconsidérable pour causer une perte appréciable. Ungaspillage de un pour cent dans le cas d’une mar-chandise coûtant $100 exige qu’on la rende cent foispour se rattraper.

Les gens intelligents doivent déclarer la guerre augaspillage. Épargner un peu de temps par-ici, unpetit effort par-là et un peu de matière première àl’atelier ou au foyer se traduit en fin de compte pardes économies notables.

Il faut de la réflexion pour découvrir les menuesprodigalités qui grignotent nos revenus. Selon unrapport du Service des produits alimentaires desÉtats-Unis, la population de ce pays jette chaqueannée pour plus de 20 millions de dollars de restes decuisine.

Le temps n’est pas moins important que les choses.

Il est fait de secondes qui, tout en étant très brèves,forment 8,760 heures par an. Après avoir travaillé,dormi, mangé et vaqué aux occupations courantes, ilnous reste quelque 2,400 heures dont nous pouvonsdisposer à notre gré. Pourtant, dit un auteur, leprétexte que nous gaspillons presque tous le plus de cetemps si précieux à invoquer pour nous excuser denotre manque d’effort et de progrès est que "nousn’avons pas le temps".

Nous devons extirper de nos vies les petits gaspil-lages de temps de toutes sortes. Si nous perdons cinqminutes par jour pour trouver un objet mis à lamauvaise place, nous aurons dissipé trente heures à lafin de l’année.

Pour faire le meilleur usage de son temps et avoirainsi l’occasion de chercher, de trouver et d’appro-fondir des idées, il n’est pas nécessaire d’établir unhoraire rigide. Tout ce qu’il faut, c’est de repérer lespetites périodes de temps qui se perdent dans notrejournée, puis de les occuper à quelque chose d’im-portant.

S’il est fort bien de veiller à tirer parti des petiteschoses, il importe d’autre part de se garder de perdreson temps et son énergie à des bagatelles. Ceux quiont l’habitude de découvrir et d’élaborer des idéessont trop absorbés par ce travail agréable pours’occuper de futilités. Ils savent discerner entre cequi mérite considération et ce qu’il faut écarter com-me sans importance.

Petites causes, grands effets

Les petites choses influent souvent sur le cours del’histoire. "Un simple soldat, un enfant, une fille à laporte d’une auberge, dit Edmund Burke, ont changéla face du destin et peut-être celle de la Nature."

Parlant de Clio, la muse de l’Histoire, John Buchan(plus tard le baron Tweedsmuir et gouverneur généraldu Canada) écrivait: "Je me la représente le plusfacilement avec la mine intriguée et curieuse d’unenfant, les yeux braqués sur le kaléidoscope dessiècles et riant--oui, riant--d’une inconséquencequi défie la logique et de bizarreries dépassant ceque l’art a de plus fantasque."

L’histoire est remplie de petites choses capitales:l’accident qui laisse la vie sauve à un personnageprédestiné; les conditions atmosphériques qui dé-cident de l’issue d’une bataille; le rigoureux hiver de1788 qui entraîna la famine de 1789 et peut-être laRévolution française; une idée soudaine qui inspireune grande invention.

Au cours d’une émission de télévision présentée en1972, un commentateur affirmait que s’il n’avait pasplu le jour de l’ouverture du Parlement, en 1936, le roiEdouard VIII n’aurait peut-être pas abdiqué. Selonce commentateur, le roi avait espéré qu’une foulenombreuse de partisans borderait le parcours ducortège royal, ce qui aurait amené le gouvernementà changer d’avis et à le laisser épouser Mme Simpson,mais seules quelques personnes bravèrent le mauvaistemps.

PUBL|Ë AUSSI EN ANGLAIS ET EN BRAILLE

Pour un simple chavirement, Louis Jolliet se vitprivé du titre public de premier explorateur duMississipi. Il était déjà en vue de Montréal, au retourde son expédition, lorsque son canoë chavira au pieddes rapides de Lachine et que ses notes furent em-portées par les eaux.

Réussir dans la vie

Chacun s’efforce tant bien que mal de comprendrela vie et de s’accommoder de la plaçe qu’il y occupe.Or, cet objectif exige que l’on soit attentif auxpetites choses.

La vie est une longue série d’options qui s’offrentà notre sens des valeurs, à notre jugement de ce quiest important et ce qui ne l’est pas, et à notre per-ception de ce qui est grand et de ce qui est petit.Pour vivre, l’homme doit agir; pour agir, il doitfaire des choix; pour faire des choix, il doit tenircompte des valeurs; et les valeurs se fondent sur depetites choses.

La manière d’envisager les valeurs d�pend de lapersonnalité de chacun. Prenons, par exemple, notremode de vie canadien. Il est fait d’une multitude depetites choses dont aucune ne peut être retranchéesans détruire l’unité de la mosaïque. Aux yeuxde certaines personnes ces petites choses nousdivisent en suscitant entre nous des rivalités; d’autresles considèrent comme les fragments d’un tout d’unegrande beauté. Comme la crainte, la haine et l’envied’une part, la confiance, l’amour et le partage d’autrepart sont une foule de petites choses.

Le tact, l’une des qualités indispensables pourréussir dans les affaires et la vie sociale ne tient-ilpas lui aussi à de petites choses. Il procède à la fois del’esprit et du c�ur. C’est un sentiment délicat desconvenances, du bon goût et du beau.

Un petit geste de courtoisie élève son auteur au-dessus du vulgaire, tout comme un tantinet de bontécompréhensive. Un petit compliment ou une pincéed’éloges favorise le bon vouloir et met du soleil dansla vie de celui qui donne comme de celui qui reçoit.Un chant de Noël ne nous parle-t-il pas du petittambour qui n’avait d’autre cadeau à offrir qu’unrataplan de son instrument, mais dont il fut remerciépar un sourire.

On se demande souvent comment les personnes quioccupent des hauts postes dans les affaires, les profes-sions libérales, les arts, la politique et la société y sontparvenues. Dans l’immense majorité des cas, ensachant discerner les petites occasions favorables, enprenant l’initiative de les saisir et en déployantl’énergie nécessaire pour les exploiter. Il suffit toutsimplement d’avoir le désir de créer, la volontéd’agir et la force de persévérer.

Les hommes et les femmes vraiment compétentsont appris à profiter des petites choses--brefsinstants, petites idées, menus avantages--et à entirer tout le parti possible.

"Les petites choses, a dit Michel-Ange, font laperfection, et la perfection n’est pas une petite affaire."

LA BANQUE ROYALE DU CANADA 1973/IMPRIMÉ AU CANADA