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LIMOGES ET LA HAUTE-VIENNE DOSSIER RÉALISÉ PAR ÉDOUARD DE MARESCHAL Spécial Limoges sous l’Occupation Avril 1944. Des officiers allemands, au premier rang d’un concert de la chanteuse Lys Gauty, en tournée à Limoges. Dans le centre-ville, une barricade allemande, en juillet 1944, peu avant la Libération. ARCHIVES MUNICIPALES DE LIMOGES LAPI/ROGER-VIOLLET

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LIMOGESET LA HAUTE-VIENNE

DOSSIER RÉALISÉ PAR ÉDOUARD DE MARESCHAL

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Avril 1944.Des officiers allemands,au premier rangd’un concertde la chanteuseLys Gauty,en tournée à Limoges.

Dans le centre-ville,une barricadeallemande,en juillet 1944,peu avantla Libération.

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entreradansLimoges,mi-novembre1942,après l’annexion de la zone libre.Et là, tout change…> En effet, même si les troupes de laWehrmacht sontpeunombreuses et com-poséesde soldats assez âgés.Uneantennede la Gestapo s’installe dans la villa Ti-voli, à proximité duChampde Juillet. Elledeviendra le symbole de la répression etde la torture. L’occupant surveille lespoints stratégiques, comme la gare. Ilcontrôle le poste émetteur de Nieul – leplus important de la région. Enfin, il serend maître de la mine de wolfram, àSaint-Léonard-de-Noblat. Enfin, les Al-lemands installent un petit hôpital decampagne à Magnac-Laval.

Pourquoi la Résistance a-t-elleété ici plus forte qu’ailleurs ?> D’abord parce qu’elle se situedans une région de gauche. En1939, parmi les 23 parlementairesdu Limousin, 17 sont favorablesau Front populaire, dont le socia-liste LéonRoche, l’un des rares quirefusera, en 1940, d’accorder lespleins pouvoirs à Pétain. Cette tra-ditionde gauche vanotamment setraduire par l’émergence d’une ré-sistance rurale, qui va s’organiserautour des maquis et dont la plusbelle figure estGeorgesGuingouin(voir page XI). Au printemps 1944,Guingouin se trouve à la tête d’unmaquis extrêmement important,capable de mener des opérationsde sabotage multiples et auda-cieuses. Il est considéré comme

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es « Un des hauts lieux

de résistance du pays »Pascal Plas* est historien, responsable du pôle scientifiqueet éducatif du Centre de lamémoire d’Oradour-sur-Glane,directeur de la rédaction de la revue Histoire et Mémoires.Il revient pour L’Express sur les grands événementsqui ontmarqué l’occupation, puis la libération,de Limoges et de la Haute-Vienne.

A la veille de la déclaration deguerre,quel est le contexte économique etsocial de la Haute-Vienne ?> En1939, Limoges est une ville ouvrière.Elle possède de nombreuses entreprises,dont certaines joueront un rôle impor-tant pendant la guerre, comme l’usinede fabricationdemoteursd’avionGnome& Rhône. Le monde rural, lui, vit en au-tarcie. C’est un élément très importantcar, sous l’Occupation, cette fermeturefacilitera l’accueil des résistants.Le 3 septembre 1939, comment ladéclaration de guerre est-elle ac-cueillie par les Limougeauds ?> Contrairement à l’enthousiasme ob-servé en1914, l’atmosphère est empreintede résignation et de tristesse. Desurprise, aussi : les gens sont éton-nés par la mauvaise organisationde l’armée. Par la suite, les Limou-geauds s’impliqueront davantage,en suivant notamment les exploitsdu régiment de la ville, le 20e Dra-gon, dont des éléments vont s’il-lustrer pendant la drôle de guerre.A quoi ressemble la vie quoti-dienne des Limougeauds ?> Dansununivers rural commece-lui de la Haute-Vienne, la plupartdes habitants de la ville ont des pa-rents proches dans le monde agri-cole. Ils vont en profiter pour s’ap-provisionner,malgré lesmesuresderestriction, enutilisantnotammentle réseau de tramways qui dessertla campagne.Audébutde laguerre,on mange donc plutôt bien. La fa-

mille Pompidou, de passage à Limogesen1940, se souviendra longtempsd’un re-pas extraordinaire ! En revanche, par lasuite, ceuxquine sontpasoriginairesd’icisubissent de plein fouet le rationnement.Comment se comportent lesAllemands ?> Jusqu’en1942, Limoges se situe enzonelibre et relève donc du gouvernement deVichy. A cette période, les Allemands res-tent assez discrets. Personne ne les voit– ils sont en civil – mais ils réalisent unimportant travail de renseignement. Ilsrépertorient les entreprises intéressantespour l’économie allemande. Ils fichentles particuliers. Cela permettra à laWehr-macht d’être en terrain connu lorsqu’elle

ÉDOUARD DE MARESCHAL

La principale manifestation pétainiste limougeaudeeut lieu pour la visite officielle du maréchal, en juin 1941.

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l’un des pires ennemis de Vichy et desforces d’occupation. La deuxième com-posantede laRésistance est urbaine, avecdes réseaux et des mouvements (Libéra-tion, Franc-Tireur, Combat). Ils adressentdes renseignements à Londres, qui lesutilisepourpréparer sesbombardements,notamment ceux de la gare de triage duPuy-Imbert et de l’usineGnome&Rhône.Au total, on estime que, en 1944, la luttecontre l’occupant a compté ici plusieursmilliers d’hommes. Ce qui en fait un deshauts lieux de la Résistance du pays.Vous décrivez un département degauche. Cela n’empêche pas d’ob-server des manifestations pétai-nistes à Limoges…> La principale manifestation maré-chaliste est celle de juin 1941. Limogesaccueille le maréchal lors de son voyageofficiel dansunevéritable liesse.Une fouleconsidérable se réunit dans la rue. Desportraits géants de Pétain sont placésdans la ville, les boutiques sont décoréeset la corporationdes bouchers l’accueilleen lui remettant les clefs de la ville.Outre Guingouin, quelles sont lesautres grandes figures de la Résis-tance du département ?> Parmi d’autres, on peut citer FrançoisPerrin, fusillé auMont-Valérien, le 2 octo-

bre1943 ; JeanGagnant, arrêtépar laGes-tapo, déporté à Dachau, où il mourra endécembre1944,ouencoreGeorgesDumas,lepèredeRoland, l’ancienministre.Arrêtéen mars 1944, il sera fusillé à Brantôme.Limogessecaractériseégalementpar l’en-gagementde jeunes gens issusdemilieuxouvriers communistes, comme HenriLagrange,maisausside jeunescatholiques,dont Jean Traversat, qui mourra en 1944.Comment s’exerçait la répression ?> Elle est le fait aussi bien des forcesallemandes que de la police, de la gen-darmerie et de la milice françaises. Cettedernière est particulièrement violente.Elle arrête, torture et livre auxAllemands.Cesontainsidesmiliciensqui,le27juin1944,abattent 11 résistants à Saint-Victurnien.Les Allemands, eux, font appel à destroupesextérieuresauLimousinpourme-ner de vastes opérations de ratissage dumaquis au cours desquelles les popula-tions civiles souffrent particulièrement.En 1944, après le débarquement en Nor-mandie, la tristement célèbre 2e divisionblindée Waffen SS Das Reich arrive dansla région avec un ordre de mission clair :opérer une frappe « immédiate et bru-tale», afindebriser l’élande laRésistance.Cela conduira au massacre de 642 per-sonnesàOradour-sur-Glane (voir page VII).

La libération de Limoges a pourparticularité de s’être déroulée sanseffusion de sang. Comment s’est-elle passée ?> Au mois de juin 1944, Georges Guin-gouin refusedeprendreLimoges, contrai-rement aux instructions du Parti com-muniste. Il estimeque la ville est tropbiendéfendue par les forces d’occupation etque l’on risque, après Oradour, un nou-veau bain de sang. Il préfère encercler laville, pour obliger l’état-major allemandà négocier. Les contacts se nouent parl’intermédiaire de Jean d’Albis, représen-tant officieux de la Suisse, avec le capi-taine américain Brown et le major an-glais Staunton, parachutésdans lemaquisGuingouin. Ce qui permet l’entrée desmaquisards dans la ville le 21 août 1944,sans victimes. Ce jour-là, le gros destroupes nazies est déjà parti et il ne resteque quelques soldats. Côté allemand,cette capitulation ne sera pas du goûtde tous. Le général allemand Gleiniger,qui l’a acceptée,mourra assassinéparunrégiment de police SS.

� PROPOS RECUEILLIS PAR

ÉDOUARD DE MARESCHAL

* Il vient de publier Scènes de la vie dumaquis,d’Henri Nanot (Ed. Lucien Souny, 251 p., 18 €).

TRADITION Région de gauche, le Limousin voit l’émergence d’une résistance rurale qui s’organise autourdes maquis, qui mèneront des opérations de sabotage multiples et audacieuses (ici, des maquisards).

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aux populations d’accueilque le dialecte alsacienn’avaitrien à voir avec la langue del’ennemi héréditaire », indi-que Laird Boswell, profes-seur d’histoire à l’universitédu Wisconsin-Madison, auxEtats-Unis, qui a travaillé surle sujet *. Un pieux mensonge– l’alsacien est, linguistique-ment, un parler alémanique–jugé nécessaire pour faciliterla cohabitation.Mais cela ne suffit pas. Dès

que les esprits s’échauffent,les Alsaciens redeviennenttrès vite des « Yaya », des« Boches » ou, tout simple-

ment, des « Allemands ». Enmai 1940, Le Populaire du Cen-tre rapporte la condamnationd’un Alsacien « pas très fran-çais » à deux ans de prisonpour avoir tenudesproposdé-faitistes contre Daladier, pré-sident duConseil de l’époque.

Une cohabitation difficileavec les AlsaciensDès juin 1939, la Haute-Vienne accueille environ 65 000 réfugiésd’Alsace-Moselle. Les différences linguistiques, culturelles et économiquesrendent parfois la cohabitation difficile.

«Mais vous êtes desBoches ! » Voilà cequ’entendent les

réfugiés alsaciens de Saint-Priest-Taurion (Haute-Vienne),alors qu’ils dénoncent les pil-lages commispar l’armée fran-çaise à Lauterbourg, leur terred’origine. C’est un fait : lorsquelesHauts-Viennois accueillentles réfugiés alsaciens et mo-sellans, cela ne se passe passans accrocs.Le premier problème, c’est

la langue. Lespersonnesâgées,notamment, neparlent pasunmot de français. « L’adminis-tration s’empressa d’expliquer

CONTRASTES Fervents croyants, les Alsaciens et lesMosellans installés dans le Limousin se sontretrouvés dans l’une des régions françaises les plus déchristianisées (ici, des enfants évacués d’Alsace).

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LES PERSONNESÂGÉESNE PARLENTPAS UN MOTDE FRANÇAIS

Pis, le même mois, deuxfemmes alsaciennes sont car-rément lynchéesparungroupede Limougeaudes. D’alluremasculine, dotéesd’un fort ac-cent germanique, elles avaientété prises pour des espionsallemands…

Les réfugiés ouvrentleurs propres écoles

La religion aussi est un sujetde tensions. Les Alsaciens etMosellans, fervents protes-tants ou catholiques, viventdésormais dans l’une desrégions les plus déchristiani-sées de France. « Le contrasteétait également marqué auniveau institutionnel. La sé-parationde l’Eglise et de l’Etatne s’appliquait pas en Alsace-Lorraine, où le Concordatétait toujours en vigueur, oùles prêtres et les pasteursétaient payés par l’Etat et oùl’enseignement religieux étaitdispensé dans les écoles pu-bliques », rappelle Laird Bos-well. Très rapidement, les ré-fugiés ouvrent leurs propresécoles à l’intérieur des bâti-ments publics. « Le Syndicatnational des instituteurscraignait qu’à terme l’Eglisene profite de cette situationpour réintroduire le prêtredans les écoles, commentel’historien. Et ne fasse reculerla laïcité. » Un sujet ultrasen-sible en Limousin. �

* « Fissures dans la nation fran-çaise : les réfugiés alsaciens et lor-rains en 1939-1940 », extrait de1940, la France du repli, l’Europede la défaite. Privat, 2001.

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« saturée » par la préfecture. Ils sont en-voyés à la campagne et internés dansdes groupements de travailleurs étran-gers (GTE). Dès 1942, les persécutionscommencent. Leurs biens sont confis-qués. La première grande rafle de juifsétrangers a lieu en août de la même an-née. Près de 800 d’entre eux sont inter-nés au camp de Nexon, en attendant leurtransfert à Drancy. Après l’invasion dela zone libre par les Allemands, en 1942,la Wehrmacht exige des résultats de lapolice de Vichy, réclame des listes denoms ainsi qu’une application strictedes lois antisémites.

Il fournissait des fauxpapiers aux fugitifs

Soupçonné de résistance, AbrahamDeutsch est arrêté ennovembre 1943 parla Gestapo pendant quelques jours, cequi déclencheune vaguedepaniquedanssa communauté. Le rabbin participait eneffet à la dissimulation des enfants juifs,

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A vant la guerre, ils étaient moinsd’une centaine. A partir de sep-tembre1939, ils serontentre2 000

et2 500 juifs venusd’Alsace (lesplusnom-breux),dePologneoud’Allemagne.Unchif-fre significatifdansunevillequin’avaitpasconnu de rabbin depuis le… XIe siècle !La ville doit s’organiser en hâte pour

accueillir au mieux cette nouvelle com-munauté. Lieudeprière, logement, nour-riture, école… Tout reste à faire. Très ra-pidement,unhommes’imposepourdirigerlacommunauté, le grandrabbinAbrahamDeutsch. Il créeuneassociationculturellerattachée au consistoire du Bas-Rhin–non soumis au régimede séparationdel’Egliseetde l’Etat.Deuxsynagoguesvoientle jour. Une première, rue Manigne, dansles locauxd’uneancienne imprimerie.Uneseconde, rue Cruveilhier, dans un vastelocal pouvant accueillir 250 personnes.Il obtient aussi l’autorisation d’ouvrir

une boucherie kasher et d’installer uncarré israélite dans le cimetière de Li-moges. « Dans cette région acquise de-puis longtemps aux idéaux de la laïcité,leur refus d’être enterrés avec le commundes mortels et leurs “superstitions” enmatière alimentaire n’allaient pas vrai-ment de soi, explique Pascal Plas, histo-rien. Toutefois, ces réticences n’ontquasiment jamais été motivées parl’antisémitisme. »A l’été 1941, les juifs étrangers sont

chassés de la ville, considérée comme

Synagogue, Torah, kasher… Autant de termespratiquement inconnus à Limoges jusqu’en 1939.L’arrivée de milliers de réfugiés juifs va changer la donne.Avec, à leur tête, un religieux exceptionnel.

notamment par le biais de l’Œuvre de se-cours aux enfants (OSE), très active dansla région. Il fournissait également desfaux papiers aux fugitifs. « Il avaitmis aupoint une technique très habile : il faisaitsemblant de discuter de certains thèmesde la Torah avec son visiteur et lui pro-posait de consulter la Bible à la page s’yréférant. Les faux papiers se trouvaientlà », explique Pascal Plas.Autant d’actions qui lui valent d’être

arrêté une seconde fois en 1944, par laMilice, cette fois. Interné au camp de dé-tention de Saint-Paul-d’Eyjeaux, il s’en-fuit grâce à une intervention des FFI.Capturé de nouveau par les troupes al-lemandes lors de la bataille dumontGar-gan, il est interrogé et torturé. Seule la li-bération de la ville lui permettrad’échapper à la déportation. �

>À LIRE :Mémoires du grand rabbinDeutsch, sous la directionde Pascal Plas et Simon Schwarzfuchs.Ed. Lucien Souny.

L’incroyable destindu rabbin Deutsch

Soupçonné de résistance, AbrahamDeutschfut arrêté deux fois par les Allemands.

UN RÉFUGIÉNOMMÉ LUCIENGINSBURG

P lusieurs personnalités du mondedes arts se sont réfugiées enHaute-Vienne sous l’Occupation. Parmi les

plus connus, le jeune Lucien Ginsburg, aliasGainsbourg, sera scolarisé à Saint-Léonard.Mais aussi Marcel Mangel, le futur mimeMarceau ; RaoulHausmann, le dadaïste ber-linois ; le grandmarchandd’art Daniel HenryKahnweiler ouArthur Koestler. L’auteur duZéro et l’Infini racontera dans La Lie de laterre une partie de son séjour à Limoges. � Serge Gainsbourg,

adolescent.

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Le roi Léopold III vient de capituler de-vant les Allemands. Mais, pour eux, pasquestion que leur pays courbe l’échinedevant l’ennemi.

Ils considèrent le monarquecomme « une sorte d’illuminé »Le maire socialiste de l’époque, LéonBetoulle, accueille bien volontiers sesconfrères infortunés, auxquels il ouvre lasalle des mariages pour y tenir une réu-nion extraordinaire. Dans une ambianceirréelle, entassés dans cette salle pleineà craquer, les parlementaires belgesdésavouent leur roi déchu. Ils refusent lacapitulation«dontLéopold III a pris l’ini-tiative et dont il porte l’exclusive res-ponsabilité devant l’Histoire ». Et consi-dèrent le monarque comme « une sorted’illuminé frappé d’une véritable défi-cience physique et mentale », à l’instardu Premier ministre, Paul-Henri Spaak.Leur conclusion ? Le roi ne règne pluset le pouvoir exécutif de l’Etat belge setrouve désormais ici, entre les mains dugouvernement. C’est ainsi que Limogesdevient, pour quelques semaines, lacapitale de la Belgique. �

Dans le désordre de la débâcle,c’est à Limoges que se dérouleun événement marquant de

l’histoire…belge. Le 27mai 1940, 140par-lementaires d’outre-Quiévrain, accom-pagnés de leur gouvernement, posentleurs valises sur les bords de la Vienne.

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Limoges,capitale de la Belgique

REFUS Dans la salle des mariages de la mairie limougeaude, 140 parlementaires belgestiennent une réunion extraordinaire et reprennent en main l’exécutif de leur Etat.

Des camps d’internement sansbarbelés. » Voilà commentBernard Reviriego*,

des Archives départementales dela Dordogne, qualifie les groupementsde travailleurs étrangers (GTE).Des camps pas comme les autresdestinés aux étrangers « en surnombredans l’économie nationale »,que Vichy va utiliser comme un vivierde main-d’œuvre bon marché.La Haute-Vienne en comptera au moinscinq, dont il ne reste aucune traceaujourd’hui. Le 313e GTE à Saint-Sauveur,près de Bellac, pour les Allemandset les Autrichiens qui avaient fui devantla montée du nazisme. Le 642e,essentiellement composé d’Espagnols,

à Nergout-par-Beaumont. Le 643e,à Oradour-sur-Glane jusqu’en 1942, puisà Aixe-sur-Vienne, qui comptera500 personnes, dont 62 travailleursétrangers juifs entre 1942 et 1943.Le 644e à Saillat-sur-Vienne, destiné auxrépublicains espagnols. Selon lesestimations, le nombre d’internés dansle département aurait été compris entre800 et 1 300. Le 931e, enfin, à Saint-Cyr,destiné aux Polonais non juifs.D’un camp à l’autre, les modalitésd’internement sont très différentes.« Certains sont incorporés dansdes fermes, où ils résident. Quelques-uns retournent même chaque soirdans leurs familles », explique BernardReviriego. Mais, en général,

les conditions de travail et d’hygiènesont déplorables. Sur le maigre salairequ’elle leur octroie, l’administrationprélève des frais de nourriture,de chauffage ou de logement ! On estproche de l’exploitation pure et simple.A partir de juin 1941, les juifssont séparés des autres travailleurs.Une procédure qui se transformeraen « piège lors des rafles d’août 1942et de février 1943 », souligne BernardReviriego. Le camp de Nexon servirade camp régional de regroupementdes juifs raflés. La plupart ne reviendrontpas de la déportation. �

* « L’internement sans barbelés », extraitde la revue Histoire et Mémoires. Dossier àparaître en septembre.

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LES CAMPS OUBLIÉS DE LA HAUTE-VIENNEMéconnus du grand public, les groupements de travailleurs étrangers constituerontun vivier de main-d’œuvre bon marché. Le département en a compté plusieurs.

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En juin 1940, le Parlementbelge désavoue l’actede capitulation de son roi.Et s’installe en Limousin.

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Robert Hébras, garagiste retraité, est l’un des cinq rescapés du massacre du 10 juin 1944.Agé aujourd’hui de 85 ans, il raconte cette journée maudite.

Ce samedi 10 juin, les Allemandssont arrivés à 14 heures. C’étaitla première fois qu’ils venaient à

Oradour. Audépart, j’ai supposé qu’ils nefaisaient que traverser le village pour re-joindre le front de Normandie. Mais lacolonne s’est arrêtée enhaut de la grand-rue. Des soldats ont descendu la rue etont conduit la population au rassemble-ment. Ma mère et ma sœur faisaient lavaisselle. Elles sont sorties dans la rue etnous sommes tous partis vers la place duChamp-de-Foire. Ils nous ont expliquéqu’ils cherchaient un dépôt d’armescaché dans le village et nous ont rassu-rés : ceux qui n’étaient pas concernésseraient relâchés.Ils ont dirigé les femmes et les enfants

vers le côté droit de la place. Puis ils ontréparti les hommes en différents pointsdu village. Je me suis retrouvé dans unegrange, où il faisait terriblement chaud.Cinq soldats nous encadraient. On nes’est pasméfiés tout de suite en les voyantinstaller leurs armes. Mais ils nous ontdemandé de nous mettre debout. C’estalors que le massacre a commencé.Ils tiraient surnousà lamitrailleuse. Les

balles ont d’abord fauché les hommes si-tués devant. A mon tour, je suis tombé.

Lesgenscriaient, appelaient leurs familles.Puis les Allemands ont marché vers lescadavres etontachevé les survivants.Moi,j’ai survécu parce qu’ils ne m’ont pas vu :j’étais sous les autres. Ensuite, ils ont prisdu bois et du foin entreposés dans lagrange et y ont mis le feu.

« J’étais convaincu qu’ils avaientépargné les femmes »

C’est lorsque les flammes m’ont atteintque j’ai décidé de sortir. J’étais blessé aubras droit, au sein gauche, un peu à lacuisse droite et à la tête. Je ne réalisaisplus vraiment si j’étais mort ou vivant. Jeme suis d’abord cachédans l’étable à côtéde la grange, où j’ai rencontré quatre au-tres villageois. Nous sommes passés degrange en grange, au fur et à mesure dela progression du feu. Trois de mes ca-marades sont partis. Le dernier est restéavec moi. Il s’appelle Jean Darthout ets’était fait faucher les deux jambes parles balles. Nous nous sommes réfugiésdans des clapiers, où l’on a trouvé unpeud’eau pour étancher notre soif. Aux alen-tours de 19 heures, nous avons dû nousenfuir devant les flammes qui gagnaienttout le village.A ce moment précis, j’étais persuadé

que toute ma famille avait survécu. Cejour-là, mon père travaillait à l’extérieurd’Oradour et j’étais convaincu qu’ilsavaient épargné les femmes. Ce n’est quele lendemain soir que nous avons dé-couvert la vérité. Mon père est retournéà Oradour, sur sa bicyclette. Il s’est ap-prochéde l’église et adécouvert des corpscalcinés de femmes du village.J’ai longtemps éprouvé de la haine pour

ceux qui ont fait ça. Je suis entré dans laRésistance pour me venger. Mais je n’enai pas eu l’occasion et, aujourd’hui, j’ensuisbienheureux.Avec le temps, j’ai réussià admettre que le peuple allemandn’étaitpas responsable, et encore moins les gé-nérations suivantes. Aussi pourmoi, Ora-dour, ce sera toujours ni haine ni oubli. »

� PROPOS RECUEILLIS PAR

ÉDOUARD DE MARESCHAL

Note : Le réalisateur Patrick Séraudie (La Pe-tite Russie : récits d’unmaquis, en 2008,Au boutde la nuit, en 2009), en collaboration avecPascal Plas, travaille actuellement sur un do-cumentaire intitulé Une vie après Oradour. Ilretracera le parcours de Robert Hébras ce10 juin 1944, heure par heure, appuyé par unereproduction en synthèse du village tel qu’ilétait avant le drame. Produit par Pyramideproduction, il devrait sortir fin 2011.

«

« Je suis entré dansla Résistance pour me

venger », expliqueRobert Hébras, mais je

n’en ai pas eu l’occasionet, aujourd’hui, j’en suis

bien heureux. »

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Oradour-sur-Glane« Ni haine ni oubli »

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Elle a gard cette valise pendant sept ans sousson lit.˙ Je n?avais pas le courage de l?ouvrir. J?aurais

eu le sentiment de violer l?intimit de mes parents¨,confie Laura Elman-Marbouty, 69ans aujourd?hui.Son p re, un m decin d?origine roumaine arriv enFrance en 1930 pour poursuivre ses tudes, engagvolontaire pendant la guerre puis r sistant, y avaitconsign tous ses souvenirs: les lettres adress essa femme, des photos de classe, des papiers admi-nistratifs Une v ritable mine d?or pour qui s?int-resse au parcours d?un immigr juif europ en dansla France des ann es sombres.˙Lorsque je l?ai ouverte pour la premi re en fois, en2007, j? tais la fois triste et mue. C? tait donnerune seconde vie mes parents.¨ A travers eux, ellea pu en savoir un peu plus sur leur parcours. ˙Lesgens de leur g n ration ne racontaient pas ces mo-ments-l . Et nous, les enfants, nous ne posions pasde questions. C? tait tabou.¨ En ouvrant ce bagage,Laura Elman-Marbouty veut participer au devoir de

Toute une vie dans une valise

ÉMOTION En haut, Laura Elman-Marbouty tient dans ses mainsune photo de ses parents. Elle avait alors environ 1 an. A sescôtés, la valise de souvenirs de son père. Ci-dessus, différentspapiers d’identité de Moïse Elman. A droite, le livret d’engagédélivré à son père en 1939. Juif roumain, il était résolu à participerà l’effort de guerre du pays. Il rejoignit la Résistance en 1942.

Immigré juif roumain, résistant, Moïse Elman avait conservé ses souvenirs de la Francedes années noires. Pour que l’Histoire ne se répète pas, sa fille les partage aujourd’hui.

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UN PARCOURS EUROPÉEN En haut (de gauche à droite) : Marcella et Moïse avec leurfille Laura. Moïse au lycée juif de Galatz, en Roumanie, en 1928-1929.

Puis étudiant à la faculté de Montpellier, en 1930. En bas, à droite de l’étoile jaune,une photo de famille de 1955 sur laquelle Moïse et Marcella sont en

compagnie de leurs neuf enfants. Laura, aux côtés de sa mère, est alors âgée de 14 ans.

UN PASSÉ DOULOUREUXQuelques objets personnels du Dr Elman. Leur enfermement pendant quelque

soixante ans dans cette valise traduit la difficulté pour de nombreusesfamilles juives de revenir sur cette période terrible. Certaines y parviennentaujourd’hui, encouragées notamment par des historiens comme Pascal Plas.

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Parmi les hauts lieux de la Résis-tance en France, on compte lemont Mouchet ou le plateau des

Glières. Mais le mont Gargan reste malconnu. Pourtant, c’est là que se livra, enjuillet 1944, l’une des victoires les plusimportantes des résistants sur lestroupes allemandes. « Chacun en estdès lors convaincu : les Allemands netiennent plus la région », explique Mi-chel Kiener, historien et coauteur d’unouvrage sur le sujet *. La Wehrmacht sefait moins agressive, les effectifs de laRésistance s’étoffent. Si bien que la gar-nison de Limoges tombera le 21 aoûtsuivant, « comme un fruit mûr », et laville sera libérée sans effusion de sang.Le 16 juillet 1944, trois colonnes alle-

mandes épaulées par des miliciens, soit2 500 hommes, convergent vers le montGargan et le prennent en tenaille. Ob-jectif : en finir avec un noyau insurrec-tionnel qui bloque l’axe Paris-Toulouse.Face à ces soldats aguerris, les hommesde Georges Guingouin. Surnommé le« préfet du maquis », ce communisteFrancs-Tireurs et Partisans (FTP)contrôle un vaste territoire englobantSaint-Germain-les-Belles, Magnac-Bourg, Linards, Saint-Léonard-de-Noblat, Châteauneuf-la-Forêt, Eymou-tiers et Chamberet. Ses hommes : unevingtaine de combattants chevronnés,mais aussi des jeunes sans expériencemilitaire, pour l’essentiel réfractairesau Service du travail obligatoire (STO).

En contact direct avec Londres, ils ontété rejoints dans la nuit du 7 juin 1944par quatre Britanniques membres duSpecial Operations Executive. Uneéquipe dont la mission est de formerles maquisards au maniement desarmes et de participer à des opérationsde sabotage. Ce qui prouve queGuingouin est identifié par Londrescomme le chef d’un maquis puissant.Les Anglais effectuent deux parachu-tages de près de 2 000 conteneursd’armes, de médicaments et d’équipe-ments sur le mont Gargan. Trois joursaprès le second largage, le 17 juillet,commence une guerre de harcèlement.Malgré la puissance de feu des troupesallemandes, Guingouin choisit l’af-

La bataille du mont GarganEn juillet 1944, le maquis du colonel Guingouinmet en échec l’armée allemande. Une victoire peu connuequi ouvre la voie de la libération de Limoges.

Le 14 juillet 1944,avant le débutde l’affrontement,les forteressesvolantes de l’USAir Force larguentleurs conteneursd’armes,de médicamentset d’équipementau cœur du massif.A dr., un campementde maquisards.

En juin 1944,le maquisd’Amboiras abat unReggiane Re 2002,un avion italienréquisitionnépar les Allemands.A dr., GeorgesGuingouin défileà la tête deses troupes dansLimoges libérée,en septembre 1944.

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frontement direct sur un terrain qu’ilconnaît par cœur. Après neuf jours decombats souvent violents, le généralJesser décroche et regagne Limoges.Malgré 38 morts et 54 blessés, les ré-sistants sortent victorieux. « Les Alle-mands sont repartis sans détruire lesforces en place, et sans espoir de pou-voir utiliser les routes du département »,explique Michel Kiener.

Sans l’aide des Britanniquesni des Américains

Cette victoire est également très im-portante sur le plan symbolique. EnHaute-Vienne, la libération du territoirefrançais est réalisée par des Françaisseuls, sans l’aide des Britanniques nides Américains. Un argument de poidspour le général de Gaulle, qui tente aumême moment d’imposer l’indépen-dance du pays face aux velléités améri-caines et soviétiques. �

* Eté 1944 : la bataille du Mont Gargan.Maquis au combat en Limousin,M. C. Kiener, P. Plas.Ed. Lucien Souny, 2008.

En 1953, un mythe s’écroule.Georges Guingouin, le hérosde la Résistance, le compa-

gnonde la Libération, est accuséde…complicité de meurtre ! Que lui re-proche-t-on ?D’avoir, alors qu’il étaitmaire deLimoges, ennovembre 1945,organisé un guet-apens pour exécu-ter deux paysans. Convoqué par lejuge d’instruction de Tulle, il est in-carcéré, passé à tabacpar ses geôlierspuis transféré àToulousedansunétatgrave. L’alerte, donnée par d’anciensrésistants, permet l’intervention desmédecins, qui constatent des tracesde sévices. Il est finalement libéré,mais garderade graves séquelles phy-siques et psychologiques de cet épi-sode. Lors de son procès, en 1959, àLyon, lemagistrat chargé de requérircontre lui déclarera : « Je ne com-prendspas, enmonâmeetconscience,que l’on ait pu envisager des pour-suites contre Georges Guingouin. »Lequel bénéficiera d’un non-lieu.« Il s’agit d’une machination

politico-judiciaire comparableà l’affaire Dreyfus, explique MichelTaubmann, journaliste, auteur d’unouvrage sur le sujet. De la même ma-nière que le capitaine juif avait étéutilisé pour mener une campagneantisémite, l’affaire Guingouin ser-vira de prétexte à la première grandecampagne de dénigrement de la Ré-sistance, dix ans après la Libération.En jetant un résistant en pâture àl’opinion publique, on voulait dé-culpabiliser les non-résistants. »

En l’espacede quelques années,le « préfet du maquis »passe du statut de hérosde la Résistanceà celui d’assassin.Retour sur une affairepolitico-judiciaireparticulièrementtrouble, exploitéepar des adversairespersonnels et « son »Parti communiste.

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1913Naissance, le 2 févrierà Magnac-Laval, en Haute-Vienne.1935 Nommé instituteurà Saint-Gilles-les-Forêts.Adhère au Parti communiste.1940 Blessé, il s’enfuitde l’hôpital militaire de Moulins(Allier) afin d’éviter d’êtrefait prisonnier. De retour àSaint-Gilles-les-Forêts, il reprendclandestinement ses activitésdemilitant communiste.1941 Surnommé Lou Gran(« Le Grand », en langue d’oc),il prend le maquis.1944 Remporte la batailledumont Gargan. Libère Limogessans effusion de sang.1945 Nommémairede Limoges. Il le resterajusqu’en 1947, où il est battupar le socialiste Léon Betoulle.1952 Exclu du Particommuniste.Déménage dans l’Aube.1998 Réhabilitation parle Parti communiste.2005 Décède à Troyes.

BIOGRAPHIE

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Georges Guingouin,commandant en chefdes Forces françaisesde l’intérieur (FFI)de la Haute-Vienne.

L’affaire Guingouin

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UNMUSÉEPROVIDENTIELLe musée de la Résistance,qui doit ouvrir fin 2011,prendra place dans l’îlotProvidence rénové. Occupation,Résistance et déportationseront traitées en dix séquences.

Un espace de 1 400 mètres carrés dé-dié à laRésistance dans le centre anciendeLimoges. L’îlotProvidence, ancien cou-vent du XVIIe siècle, accueillera ce nou-veau musée consacré à la SecondeGuerremondiale. En travauxdepuis sep-tembre2009, le bâtiment rénovédevraitouvrir aupublic fin2011.Pouruncoût to-tal de 10 millions d’euros, l’îlot Provi-dence réhabilité accueillera égalementl’espaceCommunication, information, té-lédiffusion, échanges (CITE). Interactifet modulable, celui-ci sera à la disposi-tion desmusées de la ville pour organi-ser expositions, colloques ou confé-rences.Unprojet soutenu financièrementpar l’Europe, l’Etat, les collectivités ter-ritoriales et la Fondation du patrimoine.Avec, pour fil conducteur, laRésistance,

l’Occupation et la déportation enHaute-Vienne, le parcours muséographiquesera décliné en dix séquences. Chacunereviendra sur un aspect particulier decette période : l’entrée en guerre de laFrance, la vie quotidienne ou encore larépression allemande et vichyste.Les collections permanentes de

l’actuel musée Henri-Chadourne se-ront enrichies : nouveaux documents,films d’actualité et objets, parmi les-quels un avion italien réquisitionné parles Allemands et abattu en juin 1944par les maquisards.Le programme scientifique a été éla-

boré parOlivierWieviorka et Pascal Plas,deux historiens spécialistes de cetteépoque. Le projet est suivi par AnnieMartin, responsable de l’actuel muséede la Résistance. La scénographie estconfiée à Frédéric Casanova. Il compteplusieurs réalisations à son actif, dontle musée du Quai-Branly, à Paris. Unemise en scène soignéemais surtoutmo-dulable, afin d’intégrer à la collectiond’éventuels nouveaux éléments histo-riques ou documentaires. Car, en lama-tière, il reste beaucoup à découvrir. �

Selon lui, la machination aurait étémontée par des policiers et des magis-trats avec lesquels Georges Guingouinaurait été en conflit pendant la guerre.Leur but : salir la réputation d’un ré-sistant atypique et populaire, qui s’étaitmis à dos une bonne partie des élitesde la région.

Les instances nationalesdemandent son exclusion du PartiCar la déférence n’a jamais été la meil-leure qualité de ce communiste convain-cu, même envers son parti. Dès 1940, ilmécontente le PCF en refusant de pac-tiser avec les soldats allemands, malgréle pacte germano-so-viétique. De nouvellesdissensions apparais-sent fin 1941 : Guin-gouin est partisan de laguérilla, alors que leParti préconise la pra-tique des attentats. Maisc’est la libération de Li-moges qui brise défini-tivement le lien entre le « préfet du ma-quis » et lePCF. «Finmai 1944,Guingouinrefuse de prendre la ville, considérantcet assaut comme prématuré, expliqueMichel Taubmann. Sa décision permetde sauver de nombreuses vies humaines,

>>> mais, ce faisant, il se met en travers dela volonté de prise du pouvoir des com-munistes » (voir page II-III).Ses relations avec le Parti se détériorentrapidement. En novembre 1945, il estattaqué lors de l’assemblée des élus mu-nicipaux communistes de France parun proche de Maurice Thorez, l’hommefort du PCF. Le mois suivant, il est dé-mis de ses fonctions au sein de la fédé-ration de la Haute-Vienne. En 1952, lesinstances nationales demandent sonexclusion du Parti. Guingouin demandeet obtient sa réintégration dans la fonc-tion publique (il est instituteur) et samutation dans l’Aube, le département

d’origine de sa femme.Autant dire que, lorsquela machination déclen-chée contre lui éclate,en 1953, le Parti com-muniste ne fait pas vrai-ment le maximum pourle soutenir.Il faudra attendre 1998pour que le Parti « ré-

habilite » officiellement Guingouin.Décédé en 2005, le « préfet du maquis »repose aujourd’hui, comme il le sou-haitait, à Saint-Gilles-les-Forêts, la pe-tite commune de la Haute-Vienne où,en 1940, il entra en résistance. �

SALIR LARÉPUTATIOND’UN RÉSISTANTATYPIQUEET POPULAIRE

( SOUS L’OCCUPATION )

REBELLE Dès 1940, Georges Guingouin (ici, dans les années 1950) mécontente le PCF enrefusant de pactiser avec les soldats allemands. Puis les liens ne cessent de se détériorer.

STF/

AFP