l’île maurice pendant la seconde guerre...

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L’île Maurice pendant la Seconde Guerre mondiale Comment était la vie à l’île Maurice pendant la Seconde Guerre mondiale ? Bien qu’elle fût très loin du théâtre des combats, les traces et les effets de la guerre étaient effectivement visibles et palpables dans l’île. Récit. Alors l’île Maurice n’a pas été épargnée par les effets de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). L’île a subi un profond bouleversement et les choses n’allaient plus être les mêmes. Le premier domaine à être affecté a été les communications avec l’extérieur. La ligne des Messageries Maritimes ne fonctionna plus et l’île a été coupée de l’Europe. Madagascar ravitaillait déjà l’île Maurice à l’époque, mais l’interruption des communications entre les deux îles du début de la guerre et ce jusqu’en 1942, coupa net tout ravitaillement. Il y eut un rationnement des denrées de base tout au long du conflit, ce qui profita au marché noir. L’île Maurice, colonie britannique, participa à la guerre avec la présence sur le front de plusieurs contingents d’artisans et de pionniers, tels que le Mauritius Regiment, le Corps of Royal Engineers, le Royal Pioneer Corps, l’East African Army Service Corps, et d’autres unités encore, comme celle des Forces françaises libres (composée de Blancs et de gens de couleur). Beaucoup de jeunes gens s’enrôlèrent dans la Royal Air Force (R.A.F.). Un nouveau mouvement, le Mauritius Women’s Volunteers Corps, fut créé en février 1945, et il se mit à la disposition des services britanniques au Moyen-Orient. Régime martial Pendant toute la durée de la guerre, l’île Maurice a vécu dans la peur d’être envahie par les forces ennemies, par le Japon surtout. Le régime martial était en vigueur dans l’île, les habitants devant creuser des tranchées qui serviraient d’abris en cas d’attaques aériennes. Le couvre-feu fut instauré. On ne sonna plus les cloches d’églises ; à la place, il y eut un rugissement des sirènes. Certaines écoles furent regroupées et des locaux réquisitionnés pour des usages militaires. La circulation des lettres, à l’intérieur ou vers l’extérieur, fut soumise à la censure. La phobie d’espionnage ou d’allégation d’allégeance pétainiste fut telle que le gouverneur de l’île ordonna la détention de quelques Mauriciens à la prison militaire de Phoenix par souci de prétendue sécurité. L’île eut sa propre milice locale, avec un uniforme spécifique démarquant chaque corps. La Mauritius Territorial Force, fondée en 1934, fut rebaptisée Mauritius Regiment. Prirent naissance parallèlement la Home Guard (plus tard appelée Mauritius Defence Force), le Coastal Defence Squadron et la Mauritius Auxiliary Defence Force. Il y eut de même une multitude d’unités de soutien. Des recrues du secourisme ou de l’Air Raid Precaution portèrent avec fierté l’uniforme. Le 9 novembre 1943, un régiment des King’s African Rifles – au sein duquel se côtoyaient surtout des Kenyans et des Ougandais – établit sa base dans l’île. Positionnement géographique Le positionnement géographique de l’île Maurice joua en sa faveur. En 1942, le Japon faisait

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L’île Maurice pendant la Seconde Guerremondiale

Comment était la vie à l’île Maurice pendant la Seconde Guerre mondiale ? Bien qu’elle fût très loin duthéâtre des combats, les traces et les effets de la guerre étaient effectivement visibles et palpables dans l’île. Récit. Alors l’île Maurice n’a pas été épargnée par les effets de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). L’île a subi un profond bouleversement et les choses n’allaient plus être les mêmes.

Le premier domaine à être affecté a été les communications avec l’extérieur. La ligne des Messageries Maritimes ne fonctionna plus et l’île a été coupée de l’Europe. Madagascar ravitaillait déjà l’île Maurice à l’époque, mais l’interruption des communications entre les deux îles du début de la guerre et ce jusqu’en 1942, coupa net tout ravitaillement. Il y eut un rationnement des denrées de base tout au long du conflit, ce qui profita au marché noir.

L’île Maurice, colonie britannique, participa à la guerre avec la présence sur le front de plusieurs contingents d’artisans et de pionniers, tels que le Mauritius Regiment, le Corps of Royal Engineers, le Royal Pioneer Corps, l’East African Army Service Corps, et d’autres unités encore, comme celle des Forces françaises libres (composée de Blancs et de gens de couleur). Beaucoup de jeunes gens s’enrôlèrent dans la Royal Air Force (R.A.F.). Un nouveau mouvement, le Mauritius Women’s Volunteers Corps, fut créé en février 1945, et il se mit à la disposition des services britanniques au Moyen-Orient.

Régime martialPendant toute la durée de la guerre, l’île Maurice a vécu dans la peur d’être envahie par les forces ennemies, par le Japon surtout. Le régime martial était en vigueur dans l’île, les habitants devant creuser des tranchées qui serviraient d’abris en cas d’attaques aériennes. Le couvre-feu fut instauré. On ne sonna plus les cloches d’églises ; à la place, il y eut un rugissement des sirènes.

Certaines écoles furent regroupées et des locaux réquisitionnés pour des usages militaires. La circulation des lettres, à l’intérieur ou vers l’extérieur, fut soumise à la censure. La phobie d’espionnageou d’allégation d’allégeance pétainiste fut telle que le gouverneur de l’île ordonna la détention de quelques Mauriciens à la prison militaire de Phoenix par souci de prétendue sécurité.

L’île eut sa propre milice locale, avec un uniforme spécifique démarquant chaque corps. La Mauritius Territorial Force, fondée en 1934, fut rebaptisée Mauritius Regiment. Prirent naissance parallèlement laHome Guard (plus tard appelée Mauritius Defence Force), le Coastal Defence Squadron et la Mauritius Auxiliary Defence Force. Il y eut de même une multitude d’unités de soutien. Des recrues du secourisme ou de l’Air Raid Precaution portèrent avec fierté l’uniforme. Le 9 novembre 1943, un régiment des King’s African Rifles – au sein duquel se côtoyaient surtout des Kenyans et des Ougandais – établit sa base dans l’île.

Positionnement géographiqueLe positionnement géographique de l’île Maurice joua en sa faveur. En 1942, le Japon faisait

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officiellement son entrée dans la guerre aux côtés de son alliée, l’Allemagne, tandis que Singapour tombait. Face à la tournure de ces événements, l’Angleterre construisit en hâte une base navale et aérienne à Maurice.

Le ravitaillement des bâtiments de guerre fut effectué dans la baie de Grand-Port qui fut rouverte devant l’urgence de la situation. Un aérodrome fut construit dans cette partie de l’île, à Plaisance, tandisqu’une base d’hydravions était inaugurée à Baie-du-Tombeau. La Royal Air Force y installa aussi une station d’observation pour protéger les hydravions contre les intempéries. Ces hydravions faisaient le va-et-vient entre Maurice et les Seychelles. La guerre terminée, cette base passa sous le contrôle du gouvernement. Elle fut plus tard transférée à Plaisance.

Même si Maurice était à des milliers de kilomètres de l’horreur qui se déroulait sur le vieux continent, les traces de la guerre étaient bien visibles partout à travers l’île, à l’exemple des baraques militaires érigées aux points les plus vulnérables de la côte. Des juifs - hommes et femmes - trouvèrent refuge dans les bâtiments de l’Industrial School à Beau-Bassin ainsi qu’à la prison de la localité. Ces centainesde juifs fugitifs de l’Europe centrale, n’avaient pu entrer en Palestine et furent déportés par la Grande-Bretagne à Maurice. 1 500 hommes, femmes et enfants arrivèrent dans l’île le 9 décembre 1940, dans ladeuxième année de la guerre. Après cinq ans de détention, ils étaient 1 320, bien qu’une soixantaine d’enfants aient pris naissance sur le sol mauricien.

Le contingent juif quitta le pays à la fin de la guerre, le 25 août 1945, et la majorité d’entre eux regagnala Palestine. Du nombre des juifs qui moururent à Maurice pendant leur détention, 126 furent enterrés dans une enclave du cimetière Saint-Martin.

PersonnalitéReza Khan Pahlevi, le shah de Perse, s’attira les foudres des autorités britanniques à cause de ses tendances pro-germaniques. Le 18 octobre 1941 sa suite et lui-même furent emmenés, à Maurice et ils furent logés, sous les directives du gouverneur Bede Clifford, à Val-Ory, château en béton armé, situé à Moka et construit par Aristide et Maurice Regnard. Le shah et le gouverneur quittèrent tous deux l’île moins d’un an plus tard, le 16 avril 1942.

Une autre personnalité étrangère qui a été installée à Val-Ory par les autorités britanniques fut Milan Stoyadinovich (1888-1961), Premier ministre de la Yougoslavie, que l’Angleterre soupçonna d’être l’allié des Allemands. Il fut transféré à Maurice le 14 avril 1941. Après un passage à Réduit avant d’êtretransféré à Val-Ory, il fut plus tard logé à l’hôtel Dupont, Vacoas. Il quitta l’île pour Buenos Aires un anavant la fin de la guerre, en 1948.

Source : Le défi média 27/11/2011http://www.defimedia.info/dimanche-hebdo/dh-reportage/item/1'île-maurice-pendant-la-seconde-guerre-mondiale.html

Comme dans toute guerre, le tribut à payer est lourd. Beaucoup de nos compatriotes engagés dans l’armée britannique tombèrent sur les champs de bataille, à Benghazi, à Tobrouk ou ailleurs. 218 Mauriciens périrent sur le front, 71 trouvant la mort en action. Ils faisaient partie des unités suivantes : Mauritius Regiment, Mauritius Volunteer Air Force, Corps of Royal Engineers, Royal Pioneers Corps, East African Army Service Corps et East African Army Ordinance Corps.

Ceux qui rentrèrent à la maison étaient souvent estropiés. Les survivants des combats de la Seconde

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Guerre mondiale purent raconter leurs exploits au sein de la 8e armée sous les ordres du général Montgomery, fin stratège de la bataille qui se déroula à El Alamein en Afrique et dont il sortit vainqueur le 23 octobre 1942.

Outre des Mauriciens au sein de la Royal Air Force ou encore des milliers de nos compatriotes opérant au Moyen-Orient, dans les pays de la Méditerranée, en France, en Italie et en Angleterre, des Mauriciens ont été des agents secrets en France. On en recensa quatorze - douze hommes et deux femmes. D’autre part, des soldats mauriciens engagés au sein des unités alliées participèrent à la reconquête du Mont Cassin en Italie. Les combats furent acharnés.

Le recrutement des Mauriciens pour la Seconde Guerre mondiale ne se fit pas sans les préjugés à cause de la couleur de peau, la faute à plus de deux siècles de colonialisme tissé dans la trame de la société mauricienne. Il y avait des bataillons réservés aux Blancs et d’autres pour les hommes de couleur ce quiirrita le député Raoul Rivet qui, lors d’une intervention magistrale, fit appel au patriotisme de ses concitoyens pour que cesse cette discrimination. « Le mauricianisme est possible », proclama-t-il. Bien entendu, sa motion fut rejetée.

Les navires étrangers se firent rares dans la rade de Port-Louis, de même que les denrées de première nécessité. La distribution des aliments était rationnée. Chaque habitant avait droit une fois par semaine à cinq livres de riz, trois livres de farine, deux livres de grains secs, deux livres de sucre, trois livres de maïs ou quatre livres de patate. Le gouvernement obligea l’industrie sucrière à consacrer 20 % de ses terres aux cultures vivrières, telles que maïs, manioc et patates.

Si la guerre causa une pénurie de ravitaillement, elle créa parallèlement des milliers de petits boulots temporaires et plutôt bien rétribués. On construisit de nombreuses casernes pour les besoins de l’armée,on procéda à des installations au port et à la construction de l’aérodrome de Plaisance.La maladie fut une autre source de souci pendant la guerre. La population fut affectée par la malaria et la tuberculose. Dans la dernière année de la guerre, en 1945, éclata à Maurice une épidémie de poliomyélite qui allait laisser de nombreuses séquelles. On procéda en hâte à l’aménagement d’un centre médical dans les baraques militaires de Mangalkhan, à Floréal, pour y accueillir ceux atteints de la paralysie.

L’armée britannique versa des pensions substantielles aux familles des soldats mauriciens. Cette sourcede revenus fut astucieusement exploitée par les jeunes recrues. Avant de partir en guerre, ils contractèrent à la hâte le mariage civil avec une célibataire. Ainsi, elle devenait la bénéficiaire de la prestation de « femme de pionnier ». Ce fut une toute autre histoire à la démobilisation.

Nation unieLa Seconde Guerre mondiale unifia la nation mauricienne. La propagande patriotique de l’Angleterre fut telle que Maurice se sentit partie intégrante de l’empire britannique. Le pays se sentit fier de se porter au secours de la mère patrie, l’Angleterre. Une authentique colonie de la Couronne ne pouvait être insensible si la mère patrie était en danger.

Pour faire appel au sens de patriote de chaque Mauricien, enfant ou adulte, on exposa dans tous les bureaux et bâtiments publics des photos du roi George VI, de la famille royale, du légendaire Premier ministre d’alors, sir Winston Churchill, ou du maréchal Montgomery. Ce qui fit encore vibrer la fibre patriotique des Mauriciens aptes à se rendre sur le front fut l’escale à Port-Louis de l’impressionnant croiseur Mauritius.

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Les Mauriciens offrirent même à l’armée de l’air anglaise deux Spitfires, un hydravion pour le croiseur Mauritius ainsi que quelques cantines mobiles à la ville de Londres. Ces dons furent possibles grâce à une souscription publique et des recettes provenant des courses hippiques spéciales organisées le 26 octobre 1942 par le Mauritius Turf Club et le Mauritius Jockey Club.

L’industrie sucrière apporta aussi sa pierre à l’édifice en versant au gouvernement britannique en 1943 une contribution de 96 227 livres sterling. Pour témoigner de la gratitude de l’Angleterre pour l’effort de participation de Maurice, sir Stafford Cripps, secrétaire d’Etat aux colonies, donna le nom de Mauritius à l’une de ses escadres aériennes.

L’effort de guerre de l’île Maurice, en termes financiers, fut à vrai dire substantiel, avec des prélèvements du Trésor public et des contributions et des souscriptions des entreprises et des particuliers.

La guerre terminée, l’amirauté britannique conserva un poste de télécommunications dans l’île. Des années plus tard, en 1959, suite à la venue du HMS Mauritius, on commença à opérer une station de télécommunications ultra-perfectionnée et d’une importance considérable pour l’hémisphère sud.

Henri Souchon voulait piloter un Spitfire !Fasciné comme tous les jeunes par les avions de chasse, l’adolescent Henri Souchon caressa l’ambition de piloter un Spitfire pour aller bombarder les Allemands. Pour satisfaire son rêve, il se rendit un jour à la base aérienne de l’armée britannique à Baie-du-Tombeau où il passa la nuit.

Le lendemain, il prit place à bord d’un hydravion qui le mena à Madagascar où les Alliés (coalition des armées américaine, britannique, française, etc.) avaient établi une base à Diego Suarez pour contrer toute tentative des sous-marins allemands. Souchon y resta un bout de temps à la base avant de partir pour le Kenya afin de rejoindre la base des Alliés à Nairobi.

« C’était un camp immense, se souvient le père Souchon, âgé de dix-huit ans à l’époque. Je me rappelleencore de tous ces avions alignés sur l’aérodrome situé au bord de Nairobi. Au camp, on se nourrissait du porridge qui était préparé dans de gros pots. »

Le jeune Souchon ne put satisfaire son ambition de piloter un Spitfire puisque la guerre prit fin quelques mois plus tard. De toute façon, pour devenir pilote de chasse, l’apprentissage était long. Il pritle chemin du retour pour regagner le domaine familial.

« Si j’étais allé par avion, je suis rentré au pays par bateau. Le soir, nous montions la garde à tour de rôle, posté pendant deux heures au sommet du mât. Je me souviens encore de la mer qui était lumineuse. C’est comme si le bateau fendait une mer en or. »

Souchon était parti en compagnie de quatre autres jeunes dont son cousin, Christian d’Unienville, qui deviendra plus tard l’administrateur de la propriété sucrière de Médine. « Nous étions une bande de joyeux lurons. Malheureusement, je devais perdre de vue trois amis de la bande. Ce fut toutefois une expérience enrichissante », raconte-t-il.

Si Souchon était parti avec la bénédiction de son père, sa mère fut toute heureuse de le voir rentrer au bercail. « À la maison, on était à onze, papa, maman et les enfants, dont les cousins. Comme le monde était en guerre, le ravitaillement était rationné.

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En semaine, on mangeait des patates et du manioc. Le riz était un luxe et il n’était servi que les dimanches. Notre génération était bien différente de la génération des jeunes d’aujourd’hui qui font la fine bouche à la maison, refusant de manger certains légumes par exemple. Ma génération a été formée à la dure », raconte-t-il.

Souchon trouva de l’emploi à Sans-Souci, la plus grosse propriété sucrière de l’époque. Il fut en chargedes turbines et de l’emballage. « Ce fut une belle période de formation en ce qu’il s’agit du monde du travail et du contact humain », dit-il.

Celui qui allait plus tard embrasser la prêtrise et être connu comme le père Henri Souchon se vit offrir peu après une bourse pour aller étudier la loi en Angleterre. Il préféra choisir la voie du Seigneur. « J’avais connu la Seconde Guerre mondiale, du moins tous les soucis, toutes les privations, tous les bouleversements dont un pays puisse être l’objet en période de guerre. J’ai opté pour l’inverse, la paix », indique-t-il pour justifier son choix.

Source : Le défi média 08/01/2012

http://www.defimedia.info/dimanche-hebdo/dh-reportage/item/4074-l'île-maurice-durant-la-seconde-guerre-mondiale.html

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Les héros mauriciens de la Seconde Guerremondiale

Ils ont été nombreux nos aînés à avoir participé à la Seconde Guerre mondiale. Un petit nombre a été recruté pour des missions bien précises afin de nuire à l’ennemi d’alors, les Allemands, et faciliter le travail des combattants sur le terrain. Tel était le rôle des agents du Special Operations Executive (SOE).France Antelme, Claude de Baissac et sa sœur Lise, Jean Joseph Roger Clarenc, Philippe Duclos, Jean Larcher et son frère Maurice, Amédée Maingard de la Ville-ès-Offrans, Edmund Mayer et ses frères James et Percy, Marcel Rousset et Alix D’Unienville ont officié comme agents secrets dans la section “F” du SOE anglais au cours de la Seconde Guerre mondiale. Le SOE avait aussi un réseau français, la section “RF”, qui a compté dans ses rangs une certaine Odette Ernest, considérée comme une héroïne. Outre leurs aptitudes personnelles, c’est le bilinguisme des Mauriciens qui a été un des facteurs déterminants à leur enrôlement au sein des forces britanniques. En signe de reconnaissance, plusieurs rues portent les noms de ces anciens combattants et agents secrets du SOE. Parmi, on retrouve ceux d’Odette Ernest, d’Amédée Maingard, de Maurice Larcher…

Missions importantes.Le Special Operations Executive (SOE) ou Direction des Opérations Spéciales a été créé en juillet 1940sous les ordres de Winston Churchill, alors Premier ministre du Royaume-Uni. Cette structure avait pour mission de soutenir les différentes forces de résistance dans les pays européens occupés par les Allemands. Le service a progressivement étendu ses tentacules aux autres pays en guerre, allant jusqu’àl’Extrême-Orient. Maurice étant une colonie britannique, plusieurs de nos compatriotes ont été enrôlés dans l’armée, comme lors de guerre de 14-18, au cours de laquelle les Mauriciens ont fait forte impression par leur débrouillardise.Pour la Seconde Guerre mondiale, le SOE a confié aux Mauriciens des missions importantes : établir etmaintenir des contacts avec les résistants, leur fournir des moyens pour mener la lutte contre l’ennemi et les encadrer. Nos compatriotes avaient aussi leurs gadgets et armes secrètes : des crayons renfermant une lame, des porte-mines pouvant servir de pistolet, des explosifs, etc.Les Mauriciens se sont vus attribuer diverses missions d’envergure et ont mené des actes de sabotage. Claude de Baissac a été à la tête de l’important réseau de résistance “Scientist”, son nom de code opérationnel. Il a été blessé, comme son compagnon d’infortune, qui devait agir comme opérateur radiolors de leur parachutage dans le sud-ouest de la France, en juillet 1942. Les résistants se sont attaqués aux abris dans le port et dans la campagne. Le réseau de Claude de Baissac a également participé à la résistance en Normandie, de février 1944 à la Libération, en mai de la même année.

Agent de liaison.Lise de Baissac a été l’une des deux premières femmes du SOE à être parachutée. Son nom de code : “Odile”. Sa mission : former, organiser et mener le réseau “Artist” à Poitiers. Son appartement, situé non loin du quartier général de la Gestapo, a servi de lieu de rencontre aux agents du SOE. Elle devait assurer le repérage des zones de parachutage et d’atterrissage et servir d’agent de liaison entre trois autres réseaux, car elle n’avait pas d’opérateur radio à sa disposition. Parmi ses missions fructueuses : cinq parachutages d’armes à Poitiers, Vouillé et Ruffec, en 1943. Jusqu’au débarquement, elle a organisé 35 parachutages d’armes et a récupéré douze agents SOE et des officiers SAS.Marcel Rousset, opérateur radio, a été un agent mauricien qui a accompli des missions de sabotage en

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France, de mars à septembre 1943. Recruté par l’armée britannique, il a été élevé au rang de sous-lieutenant quand il a été transféré de la King’s Royal Rifle au SOE. Il a été promu lieutenant, une fois son entraînement complété. Le réseau “Prosper” a organisé des sabotages ferroviaires entre Sablé-sur-Sarthe et Angers. En septembre 1943, Marcel Rousset et plusieurs membres de son organisation ont été arrêtés par la Gestapo. Pendant plusieurs mois, il a induit les Allemands en erreur en leur donnant de fausses informations, avant de s’évader pour participer aux combats pour la Libération.

Distinctions.Le nom d’Amédée Maingard de la Ville-ès-Offrans est aussi à retenir. Après avoir servi dans les services secrets pendant la Seconde Guerre mondiale, il est devenu un entrepreneur à succès. C’est lui qui a participé à la création de la compagnie d’aviation civile Air Mauritius en 1967, après avoir lancé des agences touristiques et fait construire plusieurs hôtels, dont Le Morne Plage, Le Chaland et l’hôtel Trou aux Biches. Pendant la guerre, il a été l’opérateur radio principal du réseau “Stationer”, d’avril 1943 à avril 1944. Ces 248 messages envoyés ont contribué au succès du réseau. Opérant par la suite comme chef du réseau “Shipwright”, il a organisé 125 opérations aériennes et plusieurs sabotages.Nos agents secrets mauriciens ont obtenu des distinctions pour leurs actions héroïques du Royaume-Uni et de la France. Ils ont été distingués par la Croix de Guerre ou sont devenus membres de l’Ordre de l’Empire Britannique, entre autres.

Rôle des SOE mauriciensLa participation et le rôle des SOE mauriciens et autres agents d’outre-mer sera au centre du quatrième colloque annuel de la Fédération nationale Libre Résistance, dans le cadre du 74e anniversaire de la création de cette organisation secrète qui a joué un rôle prépondérant durant la Seconde Guerre mondiale. Le colloque se tiendra le vendredi 17 octobre à l’École Militaire de France. C’est Alain Antelme, neveu de France Antelme, agent du SOE, qui parlera de la participation des Mauriciens au cours de cette guerre. France Antelme a été exécuté par les Allemands.

Le Mauricien, 9 octobre 2014

Source : http://www.lemauricien.com/article/histoire-les-heros-mauriciens-la-seconde-guerre-mondiale

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Les soldates mauriciennes

Quand on parle de guerre à Maurice, surtout de la Deuxième Guerre mondiale, on évoque toujours l'abnégation, le courage,l'endurance et l'intelligence des soldats, jamais des femmes qui firent partie de l'armée et qui jouèrent un rôle importantpendant la guerre. Savez-vous qu'il y eut, au cours de la Deuxième Guerre mondiale des pionnières qui se rendirent sur lefront africain et des agents secrets féminins qui firent autant que leurs compatriotes masculins dans la résistance en France ?Savez-vous qu'il y eut d'autres Mauriciennes qui participèrent à l'effort de guerre dans les administrations et que d'autres seportèrent volontaires pour aller sur le front ? En voici trois exemples.

Mauriciennes agents secrets

Les Mauriciennes ne se firent pas remarquer que dans les bureaux de l'armée anglaise pendant la Deuxième Guerre mondiale. Certaines d'entre elles furent envoyées non seulement sur le front mais également à l'arrière des lignes ennemies allemandes. Ces intrépides mauriciennes n'ont rien à envier à leurs compatriotes mâles qui se sont illustrés avec éclat pendant cette guerre, comme Amédée Maingard, dont nous avons déjà retracé les exploits. Dans The women who lived for danger (*), l'historien britannique Marcus Binney rend hommage à l'action des agents féminins de la Special Operation Executives, créé par Winston Churchill. Les éléments féminins de ce corps étaient entraînés pour "handle guns and explosives, work undercover, endure interrogation by Gestapo and use complex code". L'auteur consacre un chapitre de son livre à Lise de Baissac,la première des agents de la SOE à avoir été parachutée en France occupée et un autre à Alix d'Unienville parachutée en France en 1944.

Née à Maurice en 1905, Lise de Baisac s'installe à Paris avec ses parents alors qu'elle est âgée de 14 ans. Sa famille quitte Paris pour le sud du pays quand les Allemands occupent la France en 1940. Le frère aîné de Lise, Jean, s'engage dans l'armée anglaise et se retrouvera en Afrique du Nord tandis que Lise et son autre frère, Claude, parviennent, grâce à leur nationalité britannique, à se rendre en Grande-Bretagne après avoir attendu de longs mois en Espagne et au Portugal. Quelque temps après son arrivée en Grande-Bretagne, Lise est engagée dans la section féminine de la SOE et commence un long entraînement pour être parachutée derrières les lignes allemandes en France. Lise de Baisac, souligne Marcus Binney, "belonged to an importantgroup of very capable and successful agents who came from the island of Mauricien". Faisaient partie de ce groupe, Amédée Maingard, France Antelme, les frères Mayer et Claude, le jeune frère de Lise de Baisac. Cette dernière est parachutée en France, en compagnie d'une autre femme Andrée Borel en septembre 1942 pour "form a new circuit and provide a centre where agents could go with complete security for material help and information on local details." Elle s'installe à Poitiers sous l'identité d'une veuve venant de Paris et organise un réseau qui fut d'une grande efficacité pour fournir des renseignements à Londres et organiser les parachutages d'hommes et d'armes destinés aux résistants français. Elle retourne à Londres onze mois plus tard et sera de nouveau parachutée en France en avril 1944 pour réactiver un réseau de résistance dans la région de Toulouse avant d'aller rejoindre son frère Claude. Ce dernier était en mission dans le sud de la France pour soutenir, de l'intérieur, le débarquement des troupes alliées. Elle seconda son frère de manière efficiente au point où, après la guerre, le capitaine d'une des unités anglaises parachutées la recommanda pour un Order of the British Empire à la place du Member of the British Empire généralement accordée aux agents féminins. En 1945 le Colonel Maurice Buckmaster décrivit ainsi Lise de Baissac dans son rapport : "A very courageous, very diplomatic women. Loved by all the members of my groups, she was known everywhere. Shedid all types of work, sabotage, receptions, sheltering of airmen and radio operators, even guerrilla attacks…she has been the inspiration to all those who met her end played a large role in the liberation." Mariée à un peintre décorateur Lise de Baissac vit aujourd'hui à Marseille.

Née en 1919 à Maurice, Alix d'Unienville quitte Maurice pour la France à l'âge de sept ans. Sa famille quitte la France pour Londres en 1940 où son frère va s'engager dans les forces françaises libres du général Charles de Gaulle. Après avoir écrit des textes d'émissions de radio, Alix est engagée comme secrétaire au quartier général du bureau du général de Gaulle à Londres et se spécialise rapidement dans la production de tracts de propagande destinés à être répandus en France occupée. En 1943, Alix d'Unienville elle est engagée dans la SOE et commence son entraînement. Elle est parachutée en France en compagnie d'un jeune agent secret dansle Loir et Cher le 31 mars 1944 avec des containers et une valise contenant 40 millions de francs. Récupérée

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par des résistants locaux, elle prend le train pour Paris, sa destination finale. Dans la capitale française, elle estattachée au responsable du délégué de De Gaulle contrôlant la zone nord de la France. Avec un rang de lieutenants, Alix d'Unienville est chargée d'organiser des transmissions de radio. Elle travaille en étroite collaboration avec la résistance française sous le nom de code de Myrtille. Après avoir accompli plusieurs missions consistant à recevoir des renseignements d'agents de la résistance et à les transmettre par radio à Londres, elle est arrêtée le jour du débarquement en Normandie. Après un long interrogatoire, les agents allemands fouillent son appartement et établissement la preuve de son appartenance à la résistance en découvrant une grosse somme d'argent. Elle est emprisonnée, longuement interrogée par les Allemands et va leur donner de faux renseignements. Son compagnon de lutte arrêté en même temps qu'elle sera torturée à plusieurs reprises. Enfermée à la prison de Fresnes, d'où elle essaie plusieurs fois de s'enfuir sans succès, elle feint la folie avant d'être enfermée à l'hôpital psychiatrique de Ste-Anne puis retournée dans une autre prison. Elle parvient à s'enfuir lors d'un transfert de prisonniers en direction des camps de prisonniers en Allemagne. Recueillie par des villageois, elle parvient à se cacher alors que les armées alliées progressent en France. Elle se retrouve à la libération, à Paris. Alix D'Unienville sera faite MBE et recevra la légion d'honneur. Devenue hôtesse de l'air après la guerre, elle écrira un livre sur son métier en 1949, un deuxième sur Les Mascareignes : vieille France en mer indienne et un roman dont l'action se déroule à Rodrigues : Le point zéro. Elle vit aujourd'hui quelque part en France dans une région qui domine la Méditerranée.

(*) Marcus Binney The women who lived for danger - éditions Hodder & Stoughton, Londres

Sylvie de Kersaint Seal, engagée volontaire

Sylvie de Kersaint Seal a été une des premières Mauriciennes à obtenir les galons de sergent dans la police coloniale mauricienne, avant de s'engager comme volontaire dans l'armée britannique en 1945. Cette grand-mère de tout juste 83 ans vient d'effectuer un séjour à Maurice au cours duquel elle nous a raconté son passage mouvementé dans la police et dans l'armée.

Née en grandie à Vacoas, Sylvie de Kersaint Giraudeau fréquente l'école Mazérieux de Curepipe puis le Couvent de Lorette de Curepipe avant de commencer à enseigner à celui de Vacoas, juste après avoir passé sa senior. Après la déclaration de la Deuxième Guerre mondiale, elle reçoit un coup de téléphone d'une de ses amies, Madeleine Mamet. "Elle m'a expliqué que l'on était en train de faire un groupe de jeunes filles pour travailler à la police afin de remplacer, au niveau de l'administration, les hommes qui sont partis à l'armée. J'avais 22 ans et j'ai décidé de répondre positivement à cet appel. Mes parents n'ont pas objecté. Mon père, qui avait fait la Première Guerre mondiale m'a, au contraire, encouragée dans cette voie. Beaucoup de jeunesfilles avaient également répondu à cet appel. Il y avait, parmi, des Rouchecoute, des Ribet, des Duval. Nous avons passé une interview et j'ai été acceptée comme assistant. Puis, grâce à une dissertation écrite sur la discipline, j'ai été fait sergent. En sus de notre travail administratif, nous avions à faire le drill tous les matinset, de temps à autre des route march précédées du band de la police, lors des cérémonies officielles." Sylvie passe deux ans dans la police avant d'être obligée de quitter son poste pour des raisons médicales. Après sa convalescence, elle travaille un temps comme secrétaire d'un médecin de Curepipe, le Dr Maingard, avant d'être rappelée sous l'uniforme. "J'ai été à nouveau embauchée, dans l'armée cette fois, et affectée au département de l'Information où je travaillais dans la section chargée de décoder les messages en morse des navires de l'armée japonaise croisant dans l'océan Indien, grâce à un code qui était en possession des Américains. Nous avons déchiffré des tonnes de messages mais n'avons jamais su comment ils étaient utilisés,par la suite." Mais participer à la guerre depuis un bureau ne suffisait pas à Sylvie qui voulait "aller sur le terrain pour voir comment cela se passait. I don't believe in waiting for my ship to come in, but rather swim to meet him. Donc, dès 1944, je me suis portée volontaire pour faire partie des éléments féminins de l'armée britannique au sein de la Mauritius Women Volonteers Corps. Ma candidature et celles d'autres Mauriciennesont été retenues et nous avons été envoyées aux Casernes de Curepipe tout d'abord et ensuite dans un bâtiment de Rose-Hill pour l'entraînement en attendant l'embarquement pour le front. Nous avons appris le drill militaire qui est plus lent que celui de la police et portions des uniformes kakis et un petit plumet rouge sur le chapeau. Ce petit plumet nous a donné le surnom de Sapsiwaye, qui est resté attachée aux soldats féminins. Nous avons longtemps attendu pour l'embarquement avec pas mal de fausses alertes. Nous avions été choisies pour aller faire le compte du matériel de guerre qui restait sur le front. Ce travail avait été fait par des Anglaises au cours des premières années de la guerre. Leur temps de service étant terminé, elles

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devaient être rapatriées et l'armée avait décidé de recruter des volontaires dans les colonies britanniques pour les remplacer. Le Mauritius Women Volonteer Corps faisait partie des recrutements." L'ordre d'embarquer en direction du front arrive le jour même de la reddition du Japon et les volontaires Mauriciennessur le Franconia. "Nous sommes parties dans la bonne humeur et en riant aux éclats avec la blague suivante :c'est parce que les Japonais ont la frousse des Mauriciennes qui viennent de s'embarquer qu'ils ont décidé de se rendre." Les Mauriciennes débarquent à Port Said où elles découvrent la chaleur étouffante de l'Égypte et prennent le train pour le camp de Mers El Kebir, leur destination. Le camp se trouve en plein désert et les volontaires, venant d'une bonne dizaine de pays, doivent habiter et travailler sous des tentes et des hangars dans un climat inclément. Sylvie ne restera que sept mois à Mers Ek Kebir et dans l'armée britannique pour raisons matrimoniales. Quelques mois auparavant, en effet, la jeune recrue mauricienne avait rencontré dans une "danse" à Maurice un jeune Britannique du nom de Dick Seal. Le jeune homme, qui faisait partie de l'armée de l'air britannique, était basé à Madagascar et avait été envoyé à Maurice pour installer un radar. Dickfait la cour à Sylvie, qui lui présente ses parents. Puis le jeune soldat quitte Maurice pour rejoindre la East Africa Command. "Il a continué à me faire la cour en m'écrivant régulièrement. Et quand il apprend que je me suis engagée dans l'armée, plus précisément dans le Middle East Command, il m'écrit que je suis folle et que nos chemins se séparent géographiquement, puisque nous appartenons à deux corps militaires différents de l'armée britannique. Puis il a été transféré en Palestine et quand j'ai été en Égypte il m'a retrouvé a continué à me faire la cour et nous avons décidé de nous marier. Mais nous avons eu beaucoup de difficultés du fait que j'étais catholique, lui protestant et que j'étais dans l'armée de terre et lui dans l'aviation. Finalement, nous nous sommes mariés en décembre 1945. Nous habitions chacun dans notre camp et nous nenous voyions que lors des permissions. J'ai eu des difficultés à quitter l'armée pour aller rejoindre mon mari puisque j'avais signé un engagement de cinq ans. Nous avons dû faire notre premier enfant pour que je puis être démobilisée… à Maurice lieu où j'avais signé mon engagement. Je suis revenue à Maurice, au grand soulagement de ma mère qui a eu le temps de préparer mon trousseau avant de pouvoir aller rejoindre mon mari à Londres après plusieurs changements d'avions." Aujourd'hui âgée de 83 ans, Sylvie de Kersaint Seal a cinq enfants, plusieurs petits-enfants, enseigne le français, voyage et a de multiples activités sociales. Ce qui ne l'empêche pas de penser avec une émotion teintée de nostalgie à son passage mouvementée dans la police puis dans l'armée britannique à Maurice avant ses sept mois passés en Égypte.

Le Week End 20 Octobre 2002

Source : http://iels.intnet.mu/20Oct02_ww2.htm

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Les mauriciens dans le SOE

La liste suivante donne les noms des 14 Franco-Mauriciens (12 hommes et 2 femmes) qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, ont été recrutés par le Special Operations Executive et envoyés en France comme agents secrets pour y effectuer des missions clandestines de lutte contre l'occupant et de soutienà la Résistance intérieure française.

• France Antelme • Claude de Baissac • Lise de Baissac (les femmes de l'ombre de JP Salomé)• Jean Joseph Roger Clarenc • Philippe Duclos • Jean Larcher • Maurice Larcher • Amédée Maingard • Edmund Mayer • James Mayer • Percy Mayer • J.M.G. Planel, radio de Guido Zembsch-Schreve [à vérifier] • Guy de la Roche • Marcel Rousset • Alix d'Unienville

http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_Mauriciens_du_SOE

Source• J. Maurice Paturau, Agents secrets mauriciens en France 1940-1945, s.d. (1994 ou 1995).

SOE : Special Operations Executive = service secret britannique

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Les tirailleurs malgaches et

sénégalais dans la Résistance

Par Maurice Rives, colonel à la retraite, auteur d’ouvrages historiques sur l’histoire militaire(1)

Plus de 5 000 tirailleurs sénégalais et malgaches, déserteurs

ou évadés des camps de prisonniers après l’armistice de 1940,

ont choisi de rejoindre les rangs de la Résistance.

Voici le récit, en particulier dans les Vosges et le Vercors, de

quelques-unes de leurs actions, trop souvent oubliées.

Addi Ba à l’âge de vingt-cinq ans, 1938 © Ibrahima Bah, neveu d’Addi

qui la conservait encore en 2003 dans son portefeuille

Dossier I Soldats de France I50

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Le 10 mai 1940, lorsque l’offensive allemande se déclenche, 77 974 tirailleursafricains –63 299 Sénégalais et 14 675 Malgaches – se trouvent dans la zone desarmées. Durant quarante-sept jours d’affrontements sanglants, fidèles à leurschefs, ils vont combattre courageusement, formant au milieu de la débâcle géné-rale des môles de résistance, où ils s’accrochent avec opiniâtreté et même contre-attaquent dans des conditions désespérées. Le 25 juin 1940, date de l’armistice, environ 40 000 d’entre eux ont été tués, exé-cutés lors de leur capture, blessés ou faits prisonniers. Les rescapés de ces durscombats qui ont pu rejoindre le territoire non occupé s’entassent dans des campsoù ils attendent un rapatriement rendu aléatoire par le manque de navires.Désarmés sur l’ordre formel du vainqueur, ces hommes, qui se sont bien battus etont souvent forcé l’admiration de leurs camarades métropolitains, sont employésà des travaux agricoles, de génie rural ou de forestage. Ils continuent à être admi-nistrés par l’armée de l’armistice, dont ils ne font toutefois pas partie intégrante. Le 11 novembre 1942, la France entière est occupée et toutes les relations avec l’ex-térieur cessent. Jusqu’à la Libération, les tirailleurs coloniaux bloqués en métropolevont être – et ce, dès février 1943 – transformés en “travailleurs libres” s’ils étaientprisonniers de guerre ou bien, pour ceux qui,à l’automne 1942, se trouvaient dans lescamps du Sud-Est, incorporés dans sixGroupements militaires d’indigènes colo-niaux rapatriables (GMICR). L’ensemble deces hommes est encadré par des officiers et dessous-officiers des troupes coloniales en congéd’armistice. Une grande partie de ces 25 000 militaires vaêtre obligée d’œuvrer pour l’ennemi, notam-ment en construisant pour l’organisation Todtdes fortifications le long de la Méditerranée. Or, tous, au fond du cœur, ont le fermeespoir de reprendre les armes afin de reconquérir leur liberté et de prendre leurrevanche sur un adversaire qui les a humiliés et a aussi souvent achevé leurs blessésou exécuté les captifs. À l’heure où l’esprit de résistance se renforce en France, ces tirailleurs militaire-ment instruits, aguerris et disciplinés constituent un important vivier de combat-tants pour les Forces françaises de l’intérieur qui se créent. Ils seront donc sollici-tés par les chefs FFI et répondront largement à leur attente, puisque plus de 5 000 d’entre eux rejoindront les maquis avant la Libération et combattront dans38 départements.

À l’heure où l’esprit de

résistance se renforce

en France, ces

tirailleurs militairement

instruits, aguerris et

disciplinés constituent

un important vivier de

combattants pour les

Forces françaises de

l’intérieur qui se créent.

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Fait prémonitoire, le 18 juin 1940, un humble tirailleur sénégalais avait été leseul témoin du premier acte de refus de soumission à l’occupant accompli par lefutur fondateur du Conseil national de la Résistance, Jean Moulin. L’avant-veille,ce dernier, qui assumait les fonctions de préfet de l’Eure-et-Loire, avait été mis endemeure par les Allemands de signer un texte faisant état de prétendues atrocitéscommises par les troupes noires dans la région. En termes très nobles, le haut fonctionnaire avait refusé de reconnaître ces affa-bulations, prenant ainsi la défense de l’honneur des Africains. Emprisonné avecl’un de ces derniers, qui le traita avec déférence et amabilité, Jean Moulin, épuisémoralement et physiquement, avait alors décidé de se suicider en se tranchant lagorge avec un débris de verre trouvé dans sa geôle. N’ayant réussi qu’à se blesser,le préfet écrira plus tard, en parlant du militaire qui, recru de fatigue, dormaitprofondément à côté de lui pendant qu’il se mutilait : “Le drame qui se jouait à unmètre de lui était un peu pour lui.”

Des actes de résistance et de bravoure multi-ples

Les actions de résistance aux Allemands – “résistance” étant ici pris au sens largedu terme – entreprises par les tirailleurs coloniaux ont revêtu diverses formes. En juin 1940, à l’issue des combats, certains refusent de se rendre et se cachentdans les campagnes. D’autres sont accueillis par la population et dissimulés lorsdes recherches de l’occupant. Le sergent Ouakoro Coulibaly et le tirailleur MamaSantoura, rescapés des sanglants combats de la Somme, arrivent dans l’Orne. Pourne pas tomber aux mains de l’ennemi, le tirailleur se suicide alors que le sous-offi-cier trouve refuge à La Trappe de Soligny. À plusieurs reprises, alors que l’occu-pant perquisitionne, ce fervent musulman revêt la robe de bure de ses hôtes pouréchapper à l’arrestation. Beaucoup de prisonniers africains s’évadent avec la complicité des habitants qui,au péril de leur vie, les recueillent, les réconfortent et les guident. C’est ainsi quele tirailleur malgache Justin Resokafany s’évade de Bretagne en barque, avec despêcheurs. Parvenu en Angleterre, il rejoint les Forces françaises libres. Recapturéen Italie en mai 1944, il est conduit en France, d’où, derechef, il fausse compagnieà ses gardiens. Il gagne ensuite le maquis le plus proche et participe à la libérationde Châteauroux. Le caporal soudanais – malien – Idrissa Diana s’évade avec deux camarades ducamp de prisonniers de Suippes. Avec l’aide de la population, les trois hommes

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parviennent rapidement au maquis de Lançon, dans les Ardennes. Le 29 août1944, à l’aube, Idrissa précède une colonne FFI qui escorte des armes parachutéesdans la nuit. Apercevant un blindé ennemi qui s’apprête à prendre à partie leconvoi, il s’élance tout seul sur le char, en tirant un chargeur de son pistolet-mitrailleur. Ensuite, l’Africain s’écroule, mortellement touché par les Allemandsqui ont riposté à la mitrailleuse puis, croyant avoir affaire à une contre-attaque,ces derniers rompent le combat. Par son sacrifice, Idrissa Diana a sauvé ses cama-rades et les armes larguées par l’aviation alliée. Le caporal Souleyman Diallo du maquis La Tourette, qui s’était aussi évadé, esttué le 20 août 1940, près de Saint-Pons, dans l’Hérault, alors que sa compagnieavait encerclé une formation ennemie en retraite. Servant son mortier jusqu’à l’ex-trême limite de ses forces, il avait largement contribué au succès de l’opération. Le brigadier-chef Sanou Badian, d’origine guinéenne, captif en Allemagne, dés-arme ses gardiens en avril 1945 et occupe un village bavarois dont il s’instaure lechef. Après avoir rejoint les forces alliées, il forme avec 46 camarades africains uncommando qui va s’illustrer dans la région de Nuremberg en faisant de nombreuxprisonniers. Toutes les opérations de résistance accomplies par les Africains durant les annéesnoires de l’Occupation mériteraient d’être mises en exergue. Souvent peu connues,elles ont eu pour théâtre des départements aussi variés que l’Ardèche, l’Aube, leGard, la Mayenne, le Morbihan, le Pas-de-Calais et le Vaucluse. Ici, nous nouscontenterons d’évoquer deux des plus belles actions de ces hommes épris deliberté.

Addi Ba : un résistant guinéen des Vosges

Mener une vie clandestine d’opposant à l’ennemi alors que la métropole étaitoccupée semble difficile, voire impossible, pour des tirailleurs coloniaux, facile-ment identifiables. Pourtant l’un d’eux, le soldat Ba Adi Mamadou(2), a été, dès1940, un authentique résistant. Addi Ba, né le 25 décembre 1913 à Conakry, en Guinée, est venu dans sa jeunesseen France et a vécu à Langeais, en Indre-et-Loire. Au début du conflit, il contracteun engagement pour la durée de la guerre et est incorporé au centre mobilisateurn°188 à Rochefort. En avril 1940, affecté au 12e RTS – 12e Régiment detirailleurs sénégalais –, il rejoint la zone des armées. En mai et juin 1940, son régi-ment lutte dans les Ardennes et sur la Meuse. Avec les autres corps de la 1re DIC– 1re Division d’infanterie coloniale –, il livre d’héroïques combats allant souvent

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jusqu’au corps à corps, comme à Harréville-les-Chanteurs, en Haute-Marne, le18 juin 1940. Ensuite, dispersée, accusant de fortes pertes, la formation est captu-rée, bataillon après bataillon. Conduit à Neufchâteau, dans les Vosges, un soir, Addi Ba profite de l’état eupho-rique de ses gardiens qui ont abusé de la boisson. Il incite ses camarades africainsà s’évader et fait récupérer des armes abandonnées par l’armée française. Il gagnele bois de Saint-Ouen-les-Parey avec la petite troupe dont, par son charisme et sonautorité, il s’est institué le chef. Là, les Africains subsistent misérablement dansdes conditions très précaires. Parlant très bien le français, Addi Ba décide alors de prendre contact avec la popu-lation civile des environs. Il se rend à Tollaincourt et se présente au maire,M. Dormois, ancien combattant de 1914-1918 et à Mme Maillère(3), l’institutrice duvillage, qui lui réservent le meilleur accueil. Les tirailleurs, dont quelques-unssont blessés, reçoivent dès lors ravitaillement et soins. La présence d’hommes armés en zone occupée par l’ennemi représente cependantun grand risque pour les habitants, susceptibles d’être les victimes de représaillesde la part des Allemands. C’est alors qu’à Épinal, le lieutenant de gendarmerieRocques, mis au courant de la situation des évadés, s’entretient de ce danger avecl’un de ses subordonnés, le gendarme Joyeux, résistant de la première heure. Cedernier se rend à la brigade la plus proche du “maquis africain”, celle deLamarche, dirigée par le maréchal des logis-chef Cousin, afin qu’il ferme les yeuxsur les activités des clandestins. Dans les semaines qui suivent, après avoir enterré leurs armes, les coloniaux sontpris en charge par des passeurs et acheminés vers la Suisse. Grâce à un réseauimprovisé, nos “maquisards” parviennent en Suisse au début de 1941.L’“adjudant”Addi Ba(4), quant à lui, estime que son devoir est de continuer la luttesur place. Camouflé en ouvrier agricole, il va vivre à Tollaincourt. Dès le mois d’octobre 1940, il entre en relation avec deux futurs résistants duréseau Ceux de la Résistance : MM. Arburger, dit Simon, et Froitier, de Lamarche.Son rôle dut être important car, d’après des témoignages locaux crédibles, il serend à plusieurs reprises sur la ligne de démarcation afin de recevoir des instruc-tions d’un haut responsable de la Résistance. Intelligent, faisant montre d’unascendant remarquable sur ses camarades, Addi Ba fait rejoindre la Suisse à unaviateur britannique, membre de l’équipage d’un bombardier abattu le 7 novem-bre 1942 en Haute-Marne. Cet officier, Laurence Horne, put ainsi plus tardreprendre la lutte au sein de la RAF. En mars 1943, Addi Ba participe à l’établissement du premier maquis des Vosges,entre Martigny-les Bains et Robecourt, au lieu-dit Chêne des Partisans. Cet

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endroit avait déjà été en 1870 le théâtre d’un épisode de la lutte des francs-tireurs. En juillet 1943, l’organisme clandestin baptisé “Camp de la délivrance” abrite80 jeunes réfractaires au service du travail obligatoire et possède deux annexes àSoulaucourt-sur-Mouzon, en Haute-Marne, et dans la forêt domaniale de Romains-aux-Bois, dans les Vosges. Le groupe comporte aussi 18 Russes et 2 Allemands, tousdéserteurs de la Wehrmacht. Le 11 juillet 1943, les deux Allemands s’enfuient et vont révéler l’emplacement ducamp à leurs anciens supérieurs. Le surlendemain à l’aube, le maquis de Lamarche,car il porte aussi ce nom, est attaqué par des forces très supérieures en nombre et enarmement. Les jeunes enfants du propriétaire de la ferme de Boëne, Paulette etJeannine Henrion, peuvent prévenir à temps les patriotes et aucun d’eux ne tombeaux mains de l’ennemi. Traqué par la police allemande, aisément reconnaissable, Addi Ba est arrêté le15 juillet à la ferme de la Fenessière, sur le territoire de la commune de Robécourt,dans les Vosges. Au cours de sa capture mou-vementée, en voulant s’enfuir par une fenê-tre, Addi Ba est blessé à la cuisse d’une rafalede pistolet-mitrailleur. Conduit à la prisonde la Vierge, à Épinal, souffrant beaucoup, ilest durement et atrocement torturé, mais ilne parle pas. Il est rejoint en ce lieu par sonami Arburger, arrêté par la Gestapo à Dijon le18 août, alors qu’il tentait d’orienter versd’autres maquis les anciens du Camp de la délivrance. Les résistants vosgiens sontalors très inquiets de ces emprisonnements, particulièrement de celui du Guinéen,qui n’ignore rien de la composition de leur réseau. Ils ont légitimement peur que,sous l’effet de la douleur, l’Africain ne révèle certains noms. Le gendarme résistantJoyeux, déjà cité, réussit à faire parvenir à Addi Ba un message d’instructions et deréconfort par l’intermédiaire du gardien-chef de la prison et d’un soldat allemand.Bien qu’à nouveau supplicié, l’ancien du 12e RTS se tait obstinément, sauvant lavie de ses camarades. Addi Ba et son compagnon Arburger furent fusillés le 18 décembre 1943, sur leplateau de la Vierge, à Épinal. Leurs noms, celui du Guinéen étant orthographiéBa Hadi Mohammed(5), figurent sur un monument élevé sur le lieu de l’exécution. Inhumé tout d’abord à Épinal, puis ramené à Lamarche, le corps de notre hérosrepose maintenant à la métropole nationale de Colmar. Il ne semble pas que ce résis-tant de la première heure ait reçu une décoration posthume témoignant de sa magni-fique conduite. Cette absence de reconnaissance officielle n’empêche pas la mémoire

Cette absence de

reconnaissance

officielle n’empêche pas

la mémoire d’Addi Ba

d’être honorée par les

résistants vosgiens

survivants.

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d’Addi Ba d’être honorée par les résistants vosgiens survivants. De nos jours encore,ils vantent ses qualités humaines et militaires, son intelligence, son sens des respon-sabilités et son courage indomptable.

Le Vercors

En ce haut lieu de la Résistance, 3 909 membres des FFI ont été encerclés enjuillet 1944 par de puissantes forces allemandes, alors que parmi eux se trouvaient52 tirailleurs sénégalais. Ces Africains, anciens prisonniers de guerre, avaientlongtemps été contraints de travailler pour les occupants à Lyon-la-Doua. Malnourris, habillés de haillons, sans souliers, maltraités, ils s’étaient évadés à l’aubedu 24 juin 1944. Ils avaient été aidés dans leur opération par les maquisards duVercors, avec qui ils avaient pris contact par l’intermédiaire d’un sous-officierfrançais désigné pour les encadrer, le sergent Vilcheze. Incorporés dès leur arrivée au maquis dans les rangs du 11e régiment FFI de cui-rassiers et réarmés, les évadés forment la section franche des tirailleurs sénégalaisdu Vercors, sous les ordres du lieutenant Moine. Dès leurs premiers engagements,le chef d’escadron Huet, dit Hervieux, commandant les FFI du secteur, les consi-dère comme “les meilleurs éléments du massif”. Jusqu’à la mi-juillet, les nou-veaux clandestins participent à des actions de harcèlement aux environs de Crest,dans la Drôme. En traversant les villages pour se rendre sur les lieux des opéra-tions, ils sont accueillis avec enthousiasme par la population. Le 15 juillet 1944, la 157e division d’infanterie de montagne allemande du géné-ral Pflaum commence ses préparatifs afin d’investir le Vercors. Le lendemain, lesAfricains prennent place dans un dispositif défensif avec deux compagnies dechasseurs alpins. L’ensemble s’étend sur un front de 15 kilomètres et est com-mandé par le célèbre écrivain et journaliste Jean Prévost, dit Goderville. Le20 juillet, les tirailleurs sont en position au Frier-du-Bois, avec pour mission d’in-terdire l’accès des Pas de la Sambue – à 1 375 mètres d’altitude – et de l’Âne– 1 423 mètres. Dans la soirée, ayant subi l’assaut d’un bataillon allemand, très éprouvés, ils sontrelevés et reçoivent l’ordre de se diriger sous une pluie battante vers Herbouilly.En dépit de leurs efforts, les Africains ne peuvent atteindre ce lieu car lesGebirgsjäger(6) leur barrent le passage. Ils se scindent alors en deux détachements.Le premier, avec le lieutenant Moine et 38 tirailleurs, après avoir longtemps errésous des trombes d’eau et dans le brouillard en se nourrissant d’herbes, retrouverale 25 juillet le 11e régiment de cuirassiers. Une fois la jonction effectuée, le groupe

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gagne avec les cavaliers la forêt de Lente. Les tirailleurs seront par la suite surtoutemployés pour assurer la sécurité du poste de commandement du régiment eteffectuer des patrouilles. À plusieurs reprises, ils détectent l’ennemi qui les recher-che pour les anéantir. Une nuit, ils le localisent à moins de 100 mètres ; mais,comme ils ont reçu l’ordre de ne pas se dévoiler, ils ne tirent pas. Couchés sur lesol, ils écoutent, le cœur battant, les lourdes bottes de l’adversaire écraser, toutprès, les brindilles du sous-bois. Le 30 juillet, le caporal Sa Traore est blessé au cours d’un violent engagement ; leFFI qui l’accompagne, le sergent Haess, grièvement atteint, est achevé d’une balledans la nuque par les assaillants. Finalement, l’ennemi est repoussé, mais les res-capés africains doivent se dissimuler et passer toute une nuit à proximité desAllemands sur une pente si abrupte que, pour sommeiller, ils s’attachent avec leurceinturon aux arbres qui parsèment la déclivité. Jusqu’à la mi-août, les hommesdu lieutenant Moine, sans ravitaillement, se déplacent sans cesse afin de ne pas sefaire repérer par les Gebirgsjäger qui les poursuivent. Enfin, le 10 août, ils réus-sissent à rompre l’encerclement et arrivent dans la région de la Baume d’Hostun. La deuxième petite troupe, qui comprend 14 tirailleurs, a été mise à la dispositiondu commandant Jouneau, dit Georges. Le 23 juillet, les Africains participent à unecontre-attaque en direction des Allemands, solidement installés dans la région dela Tête-des-Chattons – culminant à 1 873 mètres – d’où ils effectuent des tirs demortier sur les positions françaises. Ensuite, le détachement va s’efforcer de briserl’étreinte ennemie. Il lui faudra pour cela marcher dix jours en empruntant deschemins grimpant parfois à plus de 2 000 mètres, sans autre nourriture que desfraises des bois et en souffrant du froid et de la soif. Le commandant Jouneau réus-sira cependant à acheter quelques moutons qui suivront la troupe et maigrirontd’autant au cours de cette longue marche, à tel point qu’ils seront baptisés par lesFFI “moutons aux jambes de bois”… Le plus souvent, les Africains sont en tête dela colonne, qui se déplace la nuit pour échapper aux recherches aériennes. À plu-sieurs reprises, ils éviteront ainsi à leurs camarades de venir se heurter à de petitspostes allemands. En définitive, le 16 août, le groupe Jouneau arrive à tromper la vigilance de l’ennemi et gagne le Diois, où il retrouve le détachement Moine. Dès lors, lesAfricains constituent deux sections qui, le 22 août, vont participer efficacement àla prise de Romans-sur-Isère, défendue avec opiniâtreté par une forte garnison dela Wehrmacht. Les Africains se distinguent lors de l’attaque, au cours de laquelleils récupèrent, entre autres armes, deux mitrailleuses qu’ils retournent sur lechamp contre l’ennemi. Durant le combat, le tirailleur Samba M’Bour est si griè-vement blessé qu’il décédera le lendemain. Peu après, il sera enterré devant une

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foule nombreuse et au cours d’une cérémonie empreinte d’émotion. Romans étanttombée aux mains des FFI, les tirailleurs, décrits comme “portant leurs cartou-chières comme des fétiches et bardés de bandes de mitrailleuses”, sont follementacclamés par la foule. Cependant, le 27 août, des éléments de la 11e division de Panzers reprennent laville. Tenant le canal de la Bourne, la section franche est prise à partie par 18 charslourds et doit se replier avant de revenir dans Romans définitivement libérée troisjours plus tard. Le 3 septembre 1944, les maquisards africains sont à Lyon et réoc-cupent le quartier de la Part-Dieu. Après avoir été passés en revue par le général de Gaulle, les tirailleurs suivront le11e régiment de cuirassiers dans la région de Louhans et Nuits-Saint-Georges, puisdans celle de Villersexel. À la fin du mois de septembre, ils seront remplacés parde jeunes volontaires métropolitains et, au terme d’une campagne si bien remplie,rejoindront Hyères d’où ils seront rapatriés vers le Sénégal, à Dakar. Au musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, symbole du refus de la soumis-sion à l’ennemi, une fresque retrace l’épopée du massif. Parmi les personnages repré-sentés, résistants, maquisards, déportés, chasseurs alpins, cuirassiers, paysans ravi-tailleurs des clandestins, le visiteur peut contempler la silhouette d’un tirailleursénégalais. Le texte qui accompagne le monument cite la victoire chèrement payée dela veuve, du déporté, du maquisard, de l’Africain, de tous ceux qui dressèrent le rem-part de leur poitrine face à l’invasion porteuse de haine et de souffrances.

Des soldats oubliés par les autorités officielles

Si le souvenir des 52 maquisards du Vercors a été fort justement perpétué, il ne sem-ble pas que le sacrifice de leurs autres compatriotes tombés lors des combats de laLibération ait fait l’objet, de la part des autorités officielles, d’une campagne destinéeà l’honorer et à le faire connaître de la nation. L’action volontaire de ces hommes cou-rageux n’a pas laissé, dans la mémoire collective de notre pays, plus de traces que celled’un pas vite effacé par le vent dans le sable du désert. Pourtant, à l’époque, leur par-ticipation à la délivrance de la France avait été ardemment souhaitée. Trois causes essentielles peuvent expliquer un silence qui ne saurait en aucunefaçon être assimilé à de l’ingratitude : Tout d’abord, en 1944 et 1945, les FFI africains ont rejoint leurs villages, d’où trèspeu d’entre eux ont ensuite correspondu avec leurs camarades de combat. Ils n’ontsollicité ni décorations ni pensions et, lentement, au fil des ans, leur souvenir s’esteffacé, hormis dans la mémoire de quelques-uns de leurs anciens frères d’armes.

Dossier I Soldats de France I58

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1. Engagé volontaire, le colonel Rives a participé aux dernières opérations de la seconde guerre mondiale, plus tard auxconflits d’Indochine et d’Algérie. Fort de son expérience, il s’est consacré à la recherche historique notamment sur l’histoiremilitaire, en vue de redonner toute leur importance à l’intervention des troupes coloniales, en particulier dans ses ouvrages :Héros méconnus, mémorial des combattants d’Afrique noire et de Madagascar, Lavauzelle, 1993, Frères d’armes (coauteur, RobertDietrich) ; Les Linh Tâp, histoire des militaires indochinois au service de la France, Lavauzelle, 1999 (coauteur, Éric Deroo).Maurice Rives s’est impliqué dans la défense des droits de ces anciens combattants, il est aussi à l’origine, notamment, duConseil national pour les droits des anciens combattants et militaires d’outre-mer de l’armée française.2. État civil indiqué sur son acte de décès. Les résistants vosgiens parlent d’Addi Ba et nous lui avons conservé ce nom. 3. Arrêtée par la suite et morte en déportation. 4. Grade que s’était attribué l’intéressé et dont il portait le galon. 5. Et Adi Bah sur sa pierre tombale. 6. Chasseurs de montagne allemands.

Notes

Ensuite, lors de la période trouble de la Libération, beaucoup d’Africains ont étédésignés pour faire partie de pelotons ayant procédé à des exécutions sommaires. Ilconvenait donc aux responsables de ces actes de ne pas trop faire état de leurstirailleurs. Enfin, le mythe de tout un peuple se dressant pour prendre les armes afin de chas-ser l’occupant ne saurait peut-être admettre la présence, parmi les résistants, demilitaires coloniaux – d’autant plus que ces derniers, à leur retour au pays natal,se sont par ailleurs souvent heurtés aux autorités établies. Pourtant, dans le cœur des contemporains témoins de leurs courageuses actions, la pensée des maquisards africains est toujours présente. Le maire de Miscons, dans laDrôme, ne m’a-t-il pas écrit que certains de ses administrés parlaient encore de “ceshommes courageux, dignes et disciplinés” que furent les FFI africains du Vercors ?Lorsque, le 11 novembre 1991, le nom d’Addi Ba fut donné à une artère de Langeais,beaucoup des vieux habitants de cette ville surent trouver des accents émouvantspour faire revivre la jeunesse de ce résistant guinéen. Plus qu’une reconnaissance offi-cielle, souvent sans lendemain, l’hommage des humbles combattants qui ont côtoyé,apprécié et conservé le souvenir des Africains venus volontairement lutter avec euxest à retenir. Dans des circonstances tragiques où l’existence même de la nation étaiten péril, les tirailleurs, combattants malheureux de 1940, ont pris une part non négli-geable à la libération de notre pays. Ainsi, ils avaient pleinement illustré le vers deleur célèbre compatriote Léopold Sédar Senghor, qui écrivit plus tard : “Aux champs de la défaite, si j’ai replanté ma fidélité, c’est que Dieu de sa main deplomb avait frappé la France”Après leur rapatriement, beaucoup de ces hommes, mettant en pratique les idéauxqui leur avaient été inculqués dans la Résistance, combattront pour obtenir l’indé-pendance de leur territoire natal et s’opposeront parfois violemment à la France. Mais ceci, comme dit Rudyard Kipling, “est une autre histoire”… ■

Article déà paru dans la revue Hommes & Migrations n°1158, octobre 1992.

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70 ans après 8 élèves évoquent 8 hommes de Madagascar impliqués dans la Résistance et dans la Libération de la France (6 juin 1944-8 mai 1945) 1. Justin RESOKAFANY, évadé le 11 juin 1944 Justin RESOKAFANY est né en 1917. Il s’engage comme soldat 2ème classe et est affecté à la 42ème Demi-Brigade de Mitrailleurs Coloniaux, créée fin août 1939 à partir du 42e Bataillon de Mitrailleurs Malgaches. Il participe à la défense de la Meuse en mai 1940 mais son unité est disloquée puis capturée près de Monthermé le 15 mai 1940. Prisonnier du Fronstalag 135 (Quimper), il s’évade en barque, avec des pêcheurs, le 4 septembre 1940. Parvenu en Angleterre, il rejoint les Forces françaises libres. Affecté à la 1ère D.F.L., il participe aux campagnes de Tunisie et d'Italie. Capturé le 25 octobre 1943 sur le front italien, ramené en France et interné au Fronstalag 153 (Orléans), il s'évade à nouveau le 11 juin 1944, gagne l'Indre où il rejoint les F.F.I., participant avec eux à la libération de Châteauroux. Après avoir participé à plusieurs opérations où il s'est particulièrement distingué, rejoint le Dépôt des Troupes Coloniales en novembre 1944. Il est promu sergent en mai 1945 puis reçoit la Croix de Guerre avec palme. 11 Malgaches ont ainsi reçu la médaille des évadés. 2. Philippe TSITIA, un autre évadé de juin 1944 Philippe TSITIA est né en 1918 à Befamata. Soldat de 2ème classe engagé en 1938 sous le matricule 2549, il fait partie des 8000 Malgaches prisonniers de guerre en France qui ont été incorporés aux Groupements militaires d'indigènes coloniaux rapatriables (GMICR). En mars 1944, il séjourne au camp de Mauzac à Sauvebœuf (commune de Lalinde) en Dordogne. Le 30 juin 1944, les hommes du maquis « Cerisier », du groupe « Bayard » des FFI, libèrent le camp et TSITIA se joint à eux avec d’autres Malgaches. La vie dans le maquis n’est pas plus facile que la vie dans les camps. TSITIA tombe malade et meurt le 16 septembre 1944 à Lanmary, en Dordogne. Il repose dans la nécropole nationale de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente), tombe 220, au carré 2A. 3. Pierre Thomas SOLA, fusillé pour l’exemple Pierre Thomas SOLA est né en 1920 à Vohitrotody. Lui aussi est arrêté par les nazis et suspecté de faits de résistance. Il est interné à la caserne du 35ème régiment d’artillerie à Périgueux pour y subir des interrogatoires. Mais le 9 août, arrive à la garnison de Périgueux le général major Arndt. Sa mission consiste à faire un exemple pour dissuader les poches de résistance. Sur son ordre, 41 patriotes sont fusillés du 12 au 17 août ; SOLA est abattu le 16 août. 4. Jean-Pierre FRITZ, exécuté dans la Drôme à 13 ans et demi le 12 juin 1944 Jean Marie Pierre FRITZ est né le 20 décembre 1930 à Farafangana. Son père Jean Marie Louis FRITZ était adjudant chef au 4ème Régiment d'infanterie Coloniale. Il avait épousé Berthe Alexandrine Odile CORADEL, qui était d’origine réunionnaise. Après la mort de son père à Majunga en 1936, Jean-Pierre rejoint la France avec ses huit grandes sœurs et sa petite sœur et son petit frère. Il vit à La Seyne-sur-Mer. Après les bombardements anglo-américains des chantiers de la ville en novembre 1943 puis en mars 1944, Jean-Pierre est envoyé chez des amis

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de la famille à Taulignan dans la Drôme. Il s’engage alors dans la résistance. Tandis qu’il ramasse des feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie de son école, une patrouille allemande le prend avec une arme sur lui. Il est fusillé devant la bascule du village le 12 juin 1944. Il est enterré au cimetière haut. Son nom figure sur le monument aux morts de La Seyne-sur-Mer et a été donné à un chemin de la ville. 5. André KALOANORANA, un autre résistant de la Drôme André KALOANORANA est né à Sahabelafika le 13 mai 1906. Soldat devenu travailleur colonial, il profite du débarquement de Provence pour rejoindre à l’été 1944 les forces françaises de l'intérieur (FFI) et la 2e Demi-brigade de la Drôme. Il prend part aux combats de la Maurienne, en Savoie, afin de couvrir les villages occupés de cette vallée jusqu'à Termignon. C’est là qu’il est tué le 16 octobre 1944. Il repose dans la nécropole nationale La Doua à Villeurbanne, tombe n°8, rang 12, carré D. 6. Ignace RALAIKOTO, victime des bombardements alliés en Allemagne Ignace RALAIKOTO est né en 1908 à Ambositra. Il fait partie des victimes des bombardements alliés. Les soldats malgaches devenus travailleurs coloniaux ont payé un lourd tribut dans la Libération du territoire car ils étaient souvent employés dans les industries stratégiques et donc soumis au risque de bombardement allié. Déjà avant le débarquement en Normandie, le bombardement du camp d’aviation d’Istres le 17 août 1943 fait 34 tués et 50 blessés parmi les tirailleurs malgaches de la 32ème compagnie. A partir de septembre 1944, les Alliés bombardent un certain nombre de villes allemandes, où sont encore prisonniers des soldats malgaches. Le 9 septembre 1944, le militaire Ignace RALAIKOTO meurt dans le bombardement du stalag de Ziegenhain (près de Kassel). C’est aussi le cas des soldats Marcel ITRELA et Norbert KIANJA (9 septembre) et MAHENGA-RAMBELSON (10 septembre). Plusieurs de ces Malgaches victimes de bombardements entre septembre 1944 et janvier 1945 reposent dans la nécropole nationale Le Petant à Montauville (Meurthe-et-Moselle). La sépulture d’Ignace RALAIKOTO porte le numéro 597 dans le carré 39/45-B. 7. Julien RANDRIANASOLO, franc-tireur jusqu'au bout Julien Nicolas Joseph RANDRIANASOLO est né à Ambanimaso Ambatolampy. Alors qu’à partir d’octobre 1944 les tirailleurs malgaches sont rassemblés dans le Centre de Regroupement et de Réadaptation d’Agen, Julien RANDRIANASOLO refuse de rejoindre cette formation en caserne, préférant rester dans le maquis parmi les Francs Tireurs et Partisans français. Cet homme est tué au combat le 5 novembre 1944 à Saint-Jean-d'Angély (Charente-Maritime). Il est enterré dans le carré militaire 1939-1945 et TOE du cimetière communal. 8. Fernand Eugène BEGUE, rejoindre la France libre à 18 ans Fernand Eugène BEGUE est né le 30 novembre 1924 à Tananarive. Il rejoint la France Libre en janvier 1943 à Madagascar puis est engagé dans les F.A.F.L. à Londres le 23 juin 1943 avec le matricule 35.831. Caporal du 2e régiment de chasseurs parachutistes, il prend part aux opérations de Bretagne, Loire et Ardennes. Il est affecté à la CCE du 1er BIA et breveté à Ringway. Avec le 4 S.A.S.

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(Special Air Service), 1st squadron /stick 3 (S/Lt Brès) il participe à l'opération « Amhers » en Hollande en attaquant un point fortifié ennemi. Parachuté dans la nuit du 7 au 8 avril 1945, il tombe héroïquement le 9 avril en entrainant ses camarades à l'assaut du village de Gasselte (province de Drenthe). A titre posthume, il est décoré en 1946 de la médaille militaire avec attribution de la Croix de guerre avec palme et de la Brozen Kruis en 1951. Son nom figure sur le Mémorial au cimetière militaire français de la ville de Kapelle (Zeeland) et sur le monument commémoratif du Special Air Service à Assen.  

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Les Anciens combattants Malgachesde l’Armée Française :

le tournant des années soixante.

Frédéric GaranProfesseur au Lycée Français de Tamatave

Dès 1914, les Malgaches, tout comme les autres peuples des colonies fran-çaises, sont utilisés dans l’armée française. Le monument aux Morts, au milieu du lacAnosy[1] à Tananarive, où se déroulent aujourd’hui encore les cérémonies commémo-ratives du 11 novembre, rend hommage à leur sacrifice sur les champs de bataille euro-péens. « L’ethno-déterminisme » défini par l’armée française fait que les Malgaches sontmajoritairement affectés dans des unités du service de santé, souvent comme infirmiersbrancardiers, en première ligne sur le front. Il en sera de même en 1939.

Fin août 1944, comme dans tout l’Empire, on célèbre à Madagascar la libé-ration de Paris. A Tananarive, la cérémonie est présidée par le gouverneur général,monsieur de Saint Marc. Plus que jamais, la France a conscience de ce qu’elle doit àses colonies, ce qui conduit Gaston Monnerville à déclarer : « Sans son Empire, laFrance ne serait qu’un pays libéré. Grâce à son Empire, la France est un pays vain-queu ». Cet état de grâce sera de courte durée.

Les événements de 1947 confrontent Madagascar et l’armée française àl’ambiguïté de l’existence de troupes coloniales indigènes. Marocains et « Sénégalais »sont envoyés en nombre sur la Grande Ile pour des opérations de maintien de l’ordre.Leur souvenir, ainsi que la crainte qu’ils inspirèrent, restent d’ailleurs très vivaces ausein de la population malgache. Mais, parallèlement, certains Malgaches veulent entrerdans l’armée française, et ce durant toute la décennie des années cinquante. Quellessont alors leurs motivations? Elles ne sont sans doute pas toujours aussi évidentes quene le laissent supposer les témoignages recueillis 50 ans plus tard. Salaires attractifs,goût de l’aventure sont le plus souvent évoqués, mais aussi, on parle chez certains de« tradition » familiale. C’est le cas du Capitaine Mamy, président national de la Fédé-ration desAnciens combattants, qui évoque le souvenir de son père, combattant de 39-45, pour expliquer son engagement dans les commandos parachutistes de l’Armée fran-

[1] Ce monument, surnommé « l’Ange noir », a été érigé en 1927, sculpté par Barbéris et décoré par Perrin.

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çaise en 1957. Il combat alors en Afrique du Nord, sous les ordres de Bigeard et deMassu. Mais, pour accéder à ces théâtres d’opération lointains, il faut avoir demandéet obtenu la nationalité française. En effet, les engagés malgaches sont cantonnés à desaffectations en caserne à Madagascar ou à Djibouti. C’est ainsi que, pour partir enIndochine en 1951, MM. Antoine de Padoue Rivière et Beau demandent la nationali-té française. Il en est de même pour M. Rantenaina qui veut « voyager » vers l’Algé-rie. Dès lors, il n’est pas facile de suivre « globalement » les Malgaches de l’arméefrançaise puisque maintenant, rien ne les distingue des autres Français. Ils ne sont plusregroupés comme c’était le cas auparavant dans des unités spécifiques tels les « Bataillonsde marche malgaches ». Leurs affectations sont aussi bien le Génie que le Service deSanté ou les Commandos parachutistes.

Tous ces hommes ont donc la nationalité française lorsque Madagascar accè-de à l’Indépendance. La plupart d’entre eux rentrent alors au pays et reprennent uneactivité civile. D’autres, comme le Capitaine Mamy, sergent de l’armée française, enta-ment une carrière dans la nouvelle armée malgache. D’autres encore restent dans l’ar-mée française jusqu’en 1963 ou 1964, parfois en étant en poste à Madagascar même.Beaucoup auraient souhaité poursuivre leur carrière dans l’armée française, mais sonttouchés par les « compressions d’effectifs ».

Qu’en est-il alors de la question de leur nationalité ? Les accords signés aumoment de l’Indépendance prévoient une restitution automatique de la nationalité mal-gache, sauf demande de confirmation de la nationalité française par les intéressés. Or,la plupart d’entre eux sont à ce moment en poste en métropole ou enAfrique du Nord.L’information est, semble-t-il, mal diffusée dans les unités : ils retrouvent donc la natio-nalité malgache sans l’avoir demandée et sans en être conscients. Aujourd’hui, la pertede la nationalité française vécue comme une spoliation a des répercussions financièresque nous évoquerons plus tard. Cependant, la concordance des témoignages permetde dire que la question de la nationalité est beaucoup plus qu’un simple enjeu financier.C’est un problème spécifique aux Anciens combattants malgaches sur lequel nousreviendrons. De plus, cette décision crée des ambiguïtés qui sont tout aussi mal géréescôté malgache que côté français. L’exemple de Monsieur Antoine de Padoue Rivièreest de ce point de vue assez édifiant.

Engagé dans l’armée française, il a combattu en Indochine et enAfrique duNord. En 1960, il est, en France, soigné pour de multiples blessures aux jambes. Ilrentre à Madagascar, ignorant qu’il aurait dû faire une demande pour conserver la natio-nalité française. Administrativement, il est donc « uniquement » malgache, mais il est,lui, persuadé d’être encore français. Pense-t-il avoir la double nationalité ou être uni-quement français ? Il n’est pas possible de trancher car son témoignage n’est pas tou-jours d’une grande limpidité sur cette question… Toujours est-il, documents à l’appui,que la France le conforte dans son idée puisque le consulat de France àMajunga lui accor-de une carte consulaire qui sera renouvelée sans le moindre problème jusqu’au milieudes années quatre-vingt. C’est à l’occasion de démarches qu’il engage pour que safemme (il y a un certain flou qui ne permet pas de dire avec certitude qu’ils se sontmariés alors que M. Rivière était encore dans l’armée française) ait des papiers fran-çais que le consulat le « redécouvre » malgache alors qu’il est inscrit sur les listesconsulaires depuis plus de vingt ans. Il lance alors une procédure qui lui permet de

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« retrouver » la nationalité française en 1986, grâce à l’appui des autorités consulairesde Majunga, sur base de sa bonne foi. Cela engendre une situation aujourd’hui ubuesque:il estime avoir toujours été français alors qu’il ne l’est officiellement que depuis 1986 ;ayant eu 7 enfants avec son épouse, seuls les trois derniers, mineurs en 1986, sont denationalité française ; sa femme ne peut espérer obtenir la nationalité française que s’ilss’installent en France.

Si la question de la nationalité prend autant d’importance dans les annéesquatre-vingt, c’est qu’elle a une incidence financière : les anciens combattants de natio-nalité française touchent des pensions bien supérieures à celles des étrangers. Or sur cepoint, tout s’est noué au début des années soixante. Lorsqu’ils quittent l’armée, lesmilitaires peuvent toucher un « pécule » et, s’ils ont effectué 15 ans de service, tou-cher une « pension militaire de retraite », véritable retraite qui sanctionne une carriè-re professionnelle. Le pécule a été versé globalement par la France au nouvel Etat mal-gache. Or d’après le capitaine Mamy, les reversions auprès des intéressés n’ont jamaiseu lieu. Sur cette question, le contentieux oppose donc les associations d’Anciens com-battants et l’Etat malgache (25 % du pécule a été versé auxAnciens combattants durantla Première République. Les 75 % restant, versés sur un compte d’une banque mal-gache auraient été détournés sous la Deuxième République et utilisés pour des inves-tissements militaires. Le capitaine Mamy a engagé une procédure auprès de la justicemalgache (dont il attend l’arrêté). D’un autre côté, la « pension militaire de retraite »est affectée par la loi dite de « cristallisation » promulguée par la France. Ce que l’onappelle loi de « cristallisation » est en fait l’article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre1959 portant loi de finance pour 1960. Le premier paragraphe est ainsi rédigé : « Acompter du 1er janvier 1961, les pensions… dont sont titulaires les nationaux des paysou territoires ayant appartenu à l’Union française ou à la Communauté ou ayant étéplacés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, seront remplacées pendantla durée normale de leur jouissance personnelle par des indemnités annuelles en francs,calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites pensions ou allocations, à ladate de leur transformation »2.

Cela signifie d’une part la non-indexation des pensions à compter de l’applica-tion de la loi, et d’autre part, l’impossibilité de concéder des droits nouveaux (en particu-lier la reconnaissance d’une aggravation ou nouvelle infirmité, et la reversion des pensionsaux veuves). La volonté de rupture de la France avec ses anciennes colonies est patente.Dès lors, toute réévaluation passe par une négociation entre le Secrétariat d’Etat auAncienscombattants et le Ministère des Finances, qui a seul véritablement le pouvoir de décision.

L’application de la « cristallisation » est tardive à Madagascar. Elle n’a lieuqu’en 1973. Elle est alors souhaitée par le gouvernement malgache, comme cela avait étéle cas au Maroc dès 1961. Les nouveaux états acceptent mal que lesAnciens combattants,qui pour beaucoup ont servi la France durant les guerres de la décolonisation touchentdes retraites de l’Armée française supérieure au salaire d’un haut fonctionnaire. La « cris-tallisation » est donc le résultat d’une volonté commune, en deux étapes, des gouverne-ments français et malgache. Comme partout, elle touche trois formes de prestations :

[2] Sur la question de la « cristallisation », voir la note interne au Ministère de la Défense du 25 juillet 2001 rédigée par Phi-lippe Pagès (Chef du Service deAnciens combattants auprès de l’Ambassade de France au Maroc) et par Bernard Paque-lier (Directeur interdépartemental des Anciens combattants en Limousin et Poitou-Charente).

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1. la « pension militaire de retraite » que nous avons déjà évoquée[3].

2. les pensions d’invalidités.

3. la « retraite du combattant », qui est une aide accordée à partir de 65 ansaux titulaires de la « carte du combattant ». A titre indicatif, elle est actuellement d’en-viron 380€ (2500 francs) par an en France[4].

Plusieurs éléments expliquent la relative passivité des organisations d’An-ciens combattants de l’armée française à Madagascar dans les années soixante-70.

• Jusqu’en 1973, les pensions versées permettent de vivre confortablement.

• Les bénéficiaires de la « pension militaire de retraite » sont peu nombreux.

•Après 1973, ils sont assez mal vus par le gouvernement malgache, le minis-tère desAnciens combattants ne s’occupant que desAnciens combattants nationalistes.

A partir du milieu des années soixante-dix, les changements sont impor-tants. Le pouvoir d’achat des pensions chute rapidement par l’effet de la « cristallisa-tion » (les pensions versées aux Malgaches sont aujourd’hui 6 à 8 fois inférieures àcelles versées aux Français). D’autre part, l’âge aidant, les invalidités s’aggravent, sansqu’il y ait de modifications des taux. Enfin, à partir des années quatre-vingt, les anciensde la Deuxième Guerre Mondiale, puis ceux d’Indochine et d’Afrique du Nord arri-vent à 65 ans, et demandent à bénéficier de la « retraite du combattant »[5].

Dans ce cadre, les associations ont du mal à s’affirmer. Tout d’abord,elles n’ont pas réussi à regrouper tous les Anciens combattants. Les présidentsreconnaissent qu’ils ne savent pas exactement quel est le nombre d’Anciens com-battants qu’il y a à Madagascar[6]. Ils admettent que nombre d’entre eux sont iso-lés, ne connaissant pas l’existence des associations et sont dans l’ignorance de leurs

[3] Pour toucher une « pension militaire de retraite » complète, il faut avoir effectué 15 ans de service. Il semble avoir étéfréquent que les officiers français « gonflent » les états de services de leurs hommes pour qu’ils arrivent aux 15 ans.Nous avions rencontré cette pratique lors de notre enquête au Maroc, nous l’avons retrouvée à Madagascar. Ici, cetancien combattant de Fianarantsoa, appelé en 1934, rempile et passe toute la guerre en France, dans la DCA marine.En 1947, devenu adjudant, il souhaite rentrer au pays. Son livret militaire est alors un peu trafiqué pour arriver à 15 anset lui permettre d’avoir une retraite complète (aujourd’hui 2400000 fmg par trimestre, soit 340 €). Ceux qui ont ététouchés par la compression d’effectifs de 1963-1964 n’ont pas eu cette chance. Ainsi, cet autre ancien combattant d’Ant-sirabe, engagé en 1950, ayant participé à la guerre d’Algérie dans le 3e RPIMA (Régiment parachutiste d’infanterie demarine) ne touche qu’une petite retraite proportionnelle, la France ayant mis fin à son contrat alors qu’il avait 14 ans et6 mois de service !

[4] La « retraite du combattant » est accordée à tout titulaire de la « carte du combattant » ayant atteint l ‘âge de 65 ans. Pourobtenir la « carte du combattant », il faut avoir servi au moins 90 jours en temps de guerre dans une unité réputée com-battante.

[5] La « retraite du combattant » est au centre de la polémique financière. Elle a été conçue comme une simple aide, ce quiest le cas en France, avec un montant de 380 € par an. AMadagascar, son montant du fait de la cristallisation n’est quede 60 € (420000 fmg). Dans un pays où le salaire minimum est de moins de 200000 fmg par mois, la mise à parité despensions avec la France porterait la « retraite du combattant » à 2600000 fmg ce qui en ferait bien plus qu’une simpleaide.

[6] Les présidents d’associations de Tananarive ont évoqué le chiffre de 800 Anciens combattants de l’armée française surMadagascar. Ce chiffre nous paraît ridiculement bas. En effet, il y a eu 34000 Malgaches mobilisés par la France durantla Deuxième Guerre Mondiale. A ceux-là s’ajoutent tous les engagées de l’Indochine et de l’Algérie. Sur cette base,nous évaluons le nombre des Anciens combattants dans une fourchette de 4 à 5000. Pour en terminer avec ce problè-me de chiffres, il est important de signaler que la France s’appuie sur une évaluation d’environ 600Anciens combattantsrecensés (?!) pour l’octroi d’aides exceptionnelles en plus des pensions. Ces aides, essentiellement des vêtements venantdes surplus militaires, peuvent avoir un acheminement chaotique. L’Association de Tamatave, en novembre 2002, attendtoujours l’arrivée de l’aide 2001.

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droits (L’association des Anciens combattants Français Résidants à Madagascar- A.C.F.R.M.- ne regroupe que 150 membres ; L’Union des Anciens combattantsd’Afrique du Nord seulement 70). Ces associations sont également restées àl’écart du mouvement qui a touché toute l’Afrique pour aboutir à la créationd’une union des Anciens combattants du continent africain à la fin des années90[7]. Les associations malgaches sont également divisées sur la politique à menerpar rapport à la France. La Fédération des Anciens combattants (F.A.C.) du capi-taine Mamy joue avant tout la carte de la reconnaissance de la nationalité fran-çaise des Malgaches lorsqu’ils étaient dans l’armée pour obtenir la « décristal-lisation ». Cette position a entraîné la création de l’U.A.C.M.A.F.N. (Union desAnciens combattants Malgaches de l’Afrique du Nord, dissidente de la F.A.C.)en novembre 2001, qui estime, à l’instar des autres associations africaines, quela priorité doit être dans la réévaluation des pensions afin qu’il y ait égalité de trai-tement quelle que soit la nationalité. Cette question de la nationalité n’est cepen-dant pas un simple problème de méthode pour arriver à la « décristallisation »mais plutôt une particularité propre aux Anciens combattants malgaches. Dans lecadre de l’enquête réalisée[8], de nombreuxAnciens combattants, surtout parmi ceuxengagés pour participer aux guerres d’Indochine et d’Algérie, nous ont dit s’êtreengagés parce que se sentant Français, pour servir la France, et ne pas admettred’avoir perdu cette nationalité qu’ils estiment être la leur. Beaucoup nous ontaffirmé que même s’ils obtenaient la « décristallisation », ils continueraient leursdémarches pour « retrouver leur nationalité ». Un Ancien combattant de Tama-tave, qui pourtant a fait carrière dans l’armée malgache après son passage dansl’armée française, nous a même déclaré « qu’en tant qu’originaire de Sainte-Marie, son père était français et qu’il était fondamental pour lui d’avoir la mêmenationalité de son père ». Nous avons réalisé des enquêtes du même genre auMaroc, au Sénégal et au Niger[9]. La question de la nationalité est abordée demanière très différente. En simplifiant à gros traits, les positions sont les sui-vantes : au Maroc, les Anciens combattants sont fiers d’avoir combattu dans l’ar-mée française en tant que Marocains ; en Afrique de l’Ouest, il était de leur devoirde servir la France quand ils étaient français, mais avec l’Indépendance, une pagea été tournée. L’attachement des Anciens combattants malgaches à la nationali-té française est donc une particularité. Elle ne signifie pas pour autant un rejetde leur identité malgache. Parmi les quelques personnes que nous avons ren-contrées qui ont pu « retrouver leur nationalité », la bi-nationalité est vécu commeune richesse (et non comme un moyen de profiter de la France, ce qui est le soup-

[7] En 1993, certaines associations malgaches ont adhéré à la Confédération des Anciens combattants de l’Océan Indien,au côté des Seychelles et de Maurice. Si ce choix a un intérêt régional, il se révèle d’une faible utilité pour servir lacause des Malgaches face à la France. Le rapprochement avec les associations de l’Afrique de l’Ouest est beaucoupplus fondamental. Malheureusement, il ne semble pas aller de soi pour les associations malgaches, qui commencentjuste à l’envisager. Le capitaine Mamy a également soulevé le problème du coût financier d’une telle adhésion. Il fautpouvoir participer aux réunions en France ou en Afrique de l’Ouest. Les associations n’ont pas les moyens de prendreen charge les frais de déplacement et, d’après le capitaine Mamy, l’Etat malgache ne s’en chargera pas.

[8] Nous avons rencontré plusieurs dizaines d’Anciens combattants et les présidents d’associations des régions de Tama-tave, Tananarive et Fianarantsoa pour la préparation d’un film réalisé par Frédéric Garan, Thierry Dubois et BernardSimon dont la sortie est prévue en février 2003 (titre définitif non arrêté, diffusion sur TV5 Afrique et sur les chaînesmalgaches RTA et TVM).

[9] Voir les films de Thierry Dubois et Frédéric Garan : « LesAnciens combattants Marocains de la deuxième Guerre Mon-diale » (1998, 35 minutes) et « Tirailleurs sénégalais du Niger » (2000, 26 minutes).

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çon a priori des autorités françaises[10]). En voulant cette nationalité française,les Anciens combattants ne rejettent pas Madagascar mais plutôt la coupure qui a eulieu entre les deux pays après 1973[11].

Qu’en est-il aujourd’hui de la position de la France après plus de trois décen-nies de promesses qui sont restées lettres mortes? L’évolution semble enfin favorableet va plutôt dans le sens voulu par l’U.A.C.M.A.F.N. En février 2001, Jean-Pierre Mas-seret, secrétaire d’Etat auxAnciens combattants du gouvernement Jospin, annonce denouvelles dispositions législatives. Le gouvernement français prévoit alors, par l’ar-ticle 110 de la loi de finance 2001, la mise en place d’une commission parlementairequi doit présenter un projet de loi réglant définitivement la question de la « cristalli-sation ». Le 19 octobre 2001, son successeur Jacques Floch (il était tout désigné pourassurer cette fonction puisque, simple député, il avait déposé un projet de loi visant àmettre fin aux conséquences financières de la « cristallisation »[12]), faisait publier au J.O.la composition de cette commission, présidée par Anicet Le Pors (Président en tantque membre du Conseil d’Etat, il est secondé par des représentants des Ministères desfinances, de la défense, de la fonction publique, du budget et desAnciens combattants ;des représentants desAssociations d’Anciens combattants ; deux députés, MM. GeorgesColombier etAlain Neri, et deux sénateurs, Mme Gisèle Printz et M. Joseph Ostermann).Le nouveau ministre chargé des Anciens combattants dans le gouvernement Raffarin,M. Hamlaoui Mekachera[13] ne s’est pas encore prononcé officiellement sur la ques-tion. Il est cependant évident que la décision du Conseil d’Etat prise fin 2001 devraitaccélérer les choses. En effet, à la suite de la plainte engagée par un ancien combat-

[10] Les Anciens combattants supportent avec une patience extraordinaire souvent plusieurs années d’attente pour uneréponse négative à leur demande. Ils ont du mal à admettre le rejet de leur demande malgré des articles du code de lanationalité qui leur semblent favorables. L’article 18 de la loi du 22 juillet 1993 réformant le code de la nationalité estainsi rédigée : « Les personnes qui ont perdu la nationalité française en application de l’article 95 ou à qui a été oppo-sée la fin de non-recevoir prévue par l’article 144 peuvent réclamer la nationalité par déclaration souscrite confor-mément aux articles 101 et suivants. Elles doivent avoir soit conservé ou acquis avec la France des liens manifestesd’ordre culturel, professionnel, économique ou familial, soit effectivement accompli des services militaires dans uneunité de l’armée française ou combattu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre. Les conjoints sur-vivants des personnes qui ont effectivement accompli des services militaires dans une unité de l’armée française ou com-battu dans les armées françaises ou alliées en temps de guerre peuvent également bénéficier des dispositions du pre-mier alinéa du présent article ». L’incompréhension des Anciens combattants est forte et beaucoup évoquent avecdépit le fait que certaines couches de la société malgache, qui ont moins de liens qu’eux avec la France, soient plus favo-risées. A tort ou à raisons, car la subjectivité est forte sur ce genre de question, les Anciens combattants citent systé-matiquement le cas des Karanes.

[11] L’histoire du président des Anciens combattants d’Antsirabe, Monsieur Jean de Dieu Ratsimba Andriantavy est assezexemplaire. Engagé en 1958 pour partir en Algérie avec la nationalité française, il espère après son contrat intégrerune école préparatoire à Saint-Cyr. Cela ne se réalise pas. Il quitte l’armée en 1961 et commence des études supé-rieures à Montpellier puis à Marseille en électronique. Après plusieurs années passées en France, il rentre à Madagas-car, sans avoir jamais confirmé sa nationalité française. En 1984, elle lui est contestée ; il engage alors une procédurequi, malgré le soutien du bâtonnier de Marseille, dure deux ans. En 1986, il est de nouveau Français, ainsi que trois deces enfants. L’aîné, majeur, alors en France pour ces études, reste malgache. Nouvelle procédure pour son fils, quiaboutit également. Toute la famille a donc aujourd’hui la double nationalité. M. Ratsimba n’a pas pour autant quitté Mada-gascar, il n’a même jamais envisagé de se réinstaller en France. Deux de ces enfants vivent près de lui, les deux autresen France.

[12] Sa proposition était alors la suivante : « il préconise un dispositif de décristallisation instaurant le remplacement despensions, rentes, et allocations viagères par des indemnités annuelles dont le montant serait déterminé au regard dela parité des pouvoirs d'achat telle qu'elle est établie par l'ONU. » (Ph. Pagès, B. Paquelier, note du 23 juillet, page 12)

[13] Né le 17 septembre 1930 à Souk-Ahras, dans l’Est de l’Algérie, monsieur Mekachera a été officier d’infanterie de l’ar-mée française de 1958 à 1977 (ce n’est dont pas un ancien Harki comme on a pu le lire dans la presse après sa nomi-nation). Il a notamment servi en Algérie avant de s’installer en France en 1962. Nommé le 17 juin 2002 secrétaired’Etat aux Anciens combattants, il est président du Conseil national des Français musulmans depuis 1991 et anciendélégué à l’intégration dans le gouvernement d’Alain Juppé (1995-1997).

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tant sénégalais, il a estimé que la France ne respectait pas la Convention Européennedes Droits de l’Homme en traitant différemment des hommes en fonction de leur natio-nalité alors que leur situation est identique. Cette décision a pour l’instant un caractè-re individuel, mais peut faire jurisprudence. Tous les Anciens combattants peuventdonc espérer toucher des pensions équivalentes à celle de leurs camarades français.Cette décision a l’avantage d’être claire, son application n’en est pas forcement simple.La commission parlementaire, mise sous pression, continue à travailler en privilégiantune solution de parité de pouvoir d’achat qui est cependant en contradiction avec l’ar-rêté du Conseil d’Etat. Cela ne pourra se faire que par la signature de convention avecles associations d’Anciens combattants, au prix de quelques renoncements, la com-mission jouant vraisemblablement sur la rapidité de mise en place que cela permettra.

Il est donc impératif que les associations malgaches gagnent en cohérencepour aborder cette phase qui, on l’espère, ne devrait pas tarder (mais on peut aussi s’in-quiéter tant cette question a été négligée et repoussée par le passé : les présidents d’as-sociations ont un nombre impressionnant de lettres signées SimoneWeil, François Mit-terrand, Charles Pasqua ou Jacques Chirac qui les assurent d’une solution proche).

Contrairement à d’autres pays comme le Maroc, le Sénégal ou le Niger, lesAnciens combattants de l’armée française ont toujours été dans une situation de mar-ginalité à Madagascar. Dans les années soixante, ils ne représentent pas une force éco-nomique particulière. Dans les années quatre-vingt-dix, ils ne sont pas assez nombreuxet structurés pour être un groupe de pression influent. Le rôle de mémoire n’a pas vrai-ment été fait par l’Etat malgache, qui, contrairement au Maroc où les Anciens combat-tants de la Deuxième Guerre Mondiale[14] sont devenus un enjeu politique, ne les a pasintégrés comme élément à part entière de l’histoire nationale. LesAnciens combattantssont donc victimes d’un double oubli, de la part de la France et de Madagascar.

Pour eux, les années soixante ont agit comme une bombe a retardement, lesprivant d’abord de leur nationalité française sans qu’ils le sachent, puis bloquant leurspensions sans qu’ils s’en aperçoivent, avant que la rupture de 1973 ne les place dansune situation de marginalité. Victimes d’une Indépendance mal préparée qui a conduitla France et Madagascar vers la rupture, ils incarnent aujourd’hui, entre autres, la forcedes liens qui unissent ces deux pays malgré les drames, les trahisons et les oublis. Lemanque de reconnaissance et l’aveuglement administratif de la France à leur égard estsource d’amertume et d’incompréhension mais n’altèrent pas leur attachement pro-fond et émouvant pour ce pays qu’ils considèrent encore comme le leur.

Les Anciens combattants malgaches de l’armée française doivent doncconquérir à la fois leur place dans la société et l’histoire malgache, et leurs droits faceà la dette que la France a contractée avec eux.

[14] Le Maroc met en avant ses Anciens combattants de la Deuxième Guerre Mondiale mais « oublie » de signaler que laplupart d’entre eux se sont réengagés pour partir en Indochine. Cette participation, tant à la lutte contre le Nazismequ’aux guerres de décolonisation, symbolise toute l’ambiguïté que représentent cesAnciens combattants pour les étatstout juste sortis de la colonisation, et qui les rend fondamentalement suspect.