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DOSSIER PÉDAGOGIQUE ENSEIGNANTS SERIE À LA CROISEE DES CHEMINS LIGNE B, CONNEXION AUX ABATTOIRS 29 juin – 28 août 2007 Exposition proposée par Alain Mousseigne En collaboration avec TISSEO-SMTC

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DOSSIER PÉDAGOGIQUE ENSEIGNANTS SERIE À LA CROISEE DES CHEMINS

LIGNE B,

CONNEXION AUX

ABATTOIRS

29 juin – 28 août 2007

Exposition proposée par Alain Mousseigne

En collaboration avec TISSEO-SMTC

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SOMMAIRE : AVERTISSEMENT 3

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 4

DIX ARTISTES : 6

Sophie CALLE, Station Jeanne d’Arc

6

Daniel DEZEUZE, Station Empalot

11

Monique FRYDMAN, Station Saouzelong

17

Julije KNIFER, Station Jean Jaurès

22

Ange LECCIA, Station Compans Caffarelli

26

Olivier MOSSET et Damien ASPE, Station Minimes

32

Roman OPALKA, Station Université Paul Sabatier

37

Corinne SENTOU, Station La Vache

43

Bernar VENET, Station Barrière de Paris

47

Michel VERJUX, Station Saint-Michel

53

ŒUVRES EN RELATION 59

PARCOURS CROISÉS 62

BIBLIOGRAPHIE 68

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Service Educatif des Abattoirs - 2007

AVERTISSEMENT :

Le présent dossier n'est pas un inventaire exhaustif de tous les lauréats de la ligne B.

Il repose majoritairement sur la présentation d'artistes dont les œuvres figurent déjà dans la collection des Abattoirs.

L'objectif visé est de permettre à chacun,

au fil de futures expositions, de retrouver une oeuvre et d'établir les liens

- ou, au contraire, de mesurer les écarts - pouvant exister entre un travail d'atelier

et une réalisation effectuée dans le cadre d'une commande publique.

Réalisé dans un esprit de collaboration entre l'entreprise et le musée,

il reprend de larges extraits informatifs du dossier de presse proposé par Tisséo

E. GOUPY,

Chargée de mission au Service Educatif

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Service Educatif des Abattoirs - 2007

PRÉSENTATION GÉNÉRALE : Ligne B, connexion aux Abattoirs Le 30 juin 2007 marque la date d'inauguration de la deuxième ligne du métro de Toulouse comptant vingt stations : la ligne B. Pour chacune de ces stations, une commande publique a été passée auprès de vingt artistes ou groupes d’artistes: Michel Verjux, Bernar Venet, Pierrick Sorin, Corinne Sentou, Daniel Pommereulle, Roman Opalka, Olivier Mosset, Didier Mencoboni, Jean-Paul Marcheschi, Ange Leccia, Julije Knifer, Alain Josseau, Groupe Irwin, Nicolas Herubel, Monique Frydman, Daniel Dezeuze, Patrick Corillon, Sophie Calle, Claude Caillol, Jean-Pierre Bertrand, Judith Bartolani, Damien Aspe. Le Musée des Abattoirs leur a, de son côté, demandé, dans ce contexte d'actualités, de soumettre de nouvelles créations au regard des spectateurs. Il ne s'agit donc pas, comme cela fut le cas à la fondation d'entreprise espace écureuil, lors du prolongement de la ligne A en 2004, de présenter au public les ébauches, projets ou maquettes ayant présidé à chaque réalisation des stations du métro toulousain1. Cette exposition invite le passager à découvrir le cheminement allant de l’espace privé de l’atelier à la station de métro d'un quartier, pour conduire à une institution culturelle : "Il y a quelque quinze ans… Ligne A. Il me souvient des réactions de cette vieille dame si typiquement toulousaine qui affirmait qu’elle ne prendrait jamais le métro : « parce qu’il existera ». S’y rendant à mon insistance pour ses intérêts artistiques, elle n’y voyait qu’à peine les œuvres – il est vrai pour la plupart discrètes en dépit de leur qualité. Dépassée l’asepsie volontaire, confirmée la décision judicieuse d’associer artistes, architectes et ingénieurs dès les premières esquisses de la conception des stations, la ligne B affiche un caractère tonique qui rendrait tout heureuse notre dame usagère. Musée d’Art contemporain de Toulouse, les Abattoirs ont décidé de s’associer au formidable événement que constitue une commande artistique publique. Inviter les vingt artistes lauréats à présenter une œuvre pour signifier l’importance de l’impact social de la création et faire se croiser ainsi les mondes trop souvent parallèles de la rue et de l’institution, de l’urbain et du culturel, engage le musée dans sa relation naturelle – plus qu’obligée – à l’espace social. Se développe ainsi une sensibilité d’usage entre un art public, collectif, qui colore l’environnement du citadin et l’œuvre expérimentale qui, au musée, fixe le regard sur elle-même dans une dimension plus individuelle. Deux voies distinctes qui se joignent aujourd’hui dans l’affirmation citoyenne d’une culture solidaire de la vie quotidienne. Visiteur et passager échangeront alors d’autres clés de lecture, d’autres modes d’appréhension, pour partager enfin avec les artistes la richesse sociale de leur engagement au-delà des confidences de la salle d’exposition. […] L’exposition des Abattoirs égrène les démarches singulières des vingt lauréats. Les inviter à présenter une œuvre en relation directe ou non avec celle réalisée pour la commande semblait la meilleure réponse à la liberté de création que l’on doit à chacun. Celle qui permettra d’apprécier en quoi l’artiste est, ou non, redevable de sa commande au métro dans les nouveaux développements de sa démarche créatrice. Y échappe-t-il ? Comment ? Qu’a-t-il amené de ses expériences en atelier ? À ce jeu, les réponses sont évidemment signifiantes tant l’authenticité de nos artistes trouve sa signature ici et là, cohérente. Certains proposent des pièces qui pourraient apparaître comme la conséquence ou la résultante de la commande, d’autres apportent un projet plus lié en amont à des recherches personnelles qui alimentent bien sûr leur commande. Tous affirment l’authenticité sincère de leur engagement dans l’espace social d’une création qui unit aujourd’hui des milieux différenciés qu’il convient de s’approprier dans le tissu urbain : la station, le quai, le musée… ligne B… véritable connexion."

Alain Mousseigne2

1 Voir les pistes de travail et le dossier pédagogique proposés à cette occasion par Josiane Bellan, chargée de mission pour le Service Educatif de l’Espace Ecureuil autour de la question de la commande publique : http://pedagogie.ac-toulouse.fr/culture/centreartcontemporain/PROJETCOMMANDEPUBLIQUE.pdf 2 Conservateur en chef, Directeur des Abattoirs

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PRÉSENTATION SUCCINCTE DE LA COMMANDE : La ligne B s’inscrit dans la continuité de la ligne A, inaugurée en 1993, pour laquelle 18 artistes reconnus avaient déjà réalisé une œuvre dans le cadre de la commande publique, ce qui fait du métro de Toulouse un réseau dans lequel l’art contemporain tient une place de première importance. L’architecture globale de la ligne B se définit par la mise en volume des espaces, la lisibilité des parcours, la lumière, l’intégration des œuvres d’art et le design. Ces caractéristiques permettent de s’approprier l’espace public du métro comme un espace fonctionnel mais également comme une source possible de plaisir et de poésie. Susciter un dialogue entre les œuvres d’art et les lieux est un des concepts fondateurs du projet. La spécificité de cette commande publique pour la ligne B est que les artistes ont été associés aux stations dès leur conception architecturale. Ce procédé favorise un lien efficace entre les œuvres et l’architecture des stations. De plus, il était demandé à tous les artistes d’intégrer dès la conception de leur œuvre deux matières fondamentales : le verre et la lumière. Le métro n’est pas un espace public comme les autres. Outre les contraintes techniques particulières qu’il impose, sa fonction et son usage en font l’outil du lien par excellence. Au-delà de la performance technologique, il opère un mélange social, de nationalités, de cultures, de générations. Chacune de ces populations entretient avec le métro une relation quotidienne qui s’enrichit de l’accumulation des signes et des symboles de la vie urbaine. Devant la complexité de la toile ainsi tissée s’impose la nécessité de donner un sens à ces lieux. Les plasticiens engagés dans cette aventure ont constitué un magnifique musée souterrain, l’objectif de la commande était de montrer de la manière la plus évidente des œuvres, afin que les voyageurs se les approprient et vivent avec elles au quotidien. La recherche d’harmonie et le souci de cohérence, ainsi que le cahier des charges, n’ont rien ôté à la diversité des propositions. Les vingt stations qui jalonnent la ligne B composent vingt atmosphères différentes. La rencontre avec l’œuvre offre à l’usager la possibilité d’une lecture poétique et sensible des signes qui l’entourent mais, bien entendu, comme à chaque fois que des œuvres sont confrontées à l’espace public, leur pertinence est éprouvée, parfois délaissée, parfois niée. Il n’en reste pas moins qu’elles engagent d’incontestables enjeux d’ordre esthétique, social, urbain et politique.

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DIX ARTISTES : SOPHIE CALLE :

Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Les tombes, Orphan 1990 Tirage argentique noir et blanc 58 x 38,6 cm "De 1989 à 1990, Sophie Calle photographie dans un cimetière californien des tombes anonymes sur lesquelles une simple inscription nomme les morts à travers leur filiation, Mother, Father, Brother... La réalité des pierres tombales mais aussi l’inexistence des morts permettent à l’artiste de s’approprier ces tombes, de créer sa propre parentèle, tout en posant la question des origines. Au-delà des images prélevées dans la réalité physique du cimetière, nous nous trouvons probablement en présence de généalogies chimériques conduisant vers les auto-fictions développées par Sophie Calle au long de son œuvre." Hélène Poquet3

Exposition temporaire

Suite Vénitienne

57 photographies N&B, 16 x 20,5 cm ; 3 plans de la ville, 16 x 20,5 cm; 23 textes 21 x 29,7 cm

1980

Collection privée

« À la fin du mois de janvier 1980, dans les rues de Paris, j’ai suivi un homme dont j’ai perdu la trace quelques minutes plus tard dans la foule. Le soir-même, lors d’une réception, tout à fait par hasard, il me fut présenté. Au cours de la conversation, il me fit part d’un projet imminent de voyage à Venise. Je décidai alors de m’attacher à ses pas, de le suivre. »4 Initialement accompagnée d’un texte de Jean Baudrillard intitulé Please, follow me, véritable enquête policière, digne des meilleurs « polars », cette œuvre nous conduit dans les pas d’un homme que l’artiste a suivi à Venise. Durant plus d’une semaine, elle a recherché l’hôtel dans lequel il était

3 Adjointe à la Direction pour l'Art Contemporain, Musée des Abattoirs 4 Sophie Calle, extraits de Suite Vénitienne, Editions de l’Etoile, 1983

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hébergé, puis l’a talonné dans tous ses déplacements. Sans jamais se montrer à lui ni le rencontrer, elle a photographié les lieux qu’il visitait, interrogé ses interlocuteurs et en a fourni un récit descriptif.

Filature … Simulations de flânerie ou d’attente, relevés d’horaires, prises de notes et de vues photographiques donnent un ton apparemment anecdotique à une expérience de vie qui ne l’est guère : retrouver son âme d’enfant pour rentrer dans la peau d’une « espionne » et se permettre, par là même, de transgresser une règle morale concernant la vie privée des autres. L’étaler au grand jour, la rendre publique, sans que le spectateur ne sache nominativement qui est Henri B., objet d’une telle traque. Mais bien que nul ne puisse deviner l’identité réelle de la « cible » de ce « roman photo », les charges affective et émotionnelle sont pourtant bien là. À quoi tiennent-elles ? À l’impossibilité de savoir s’il s’agit d’un témoignage réel ou d’une mise en scène ? Au sentiment déroutant de devenir témoin de tranches de vie qui ne nous regardent pas ? À l’inversion des rôles qui voudraient que, généralement, la femme soit la proie et l’homme, le chasseur ? À cette absence physique permanente de l’auteure, qui, pourtant, ne cesse de parler d’elle tout en nous dévoilant un autre ? Au doute dans lequel nous plongent les motivations profondes qui animent un tel dispositif ? Nous restons suspicieux à son égard : ce qu’elle déclare dans ses justifications s’avère-t-il fiable ? Que penser de ce personnage totalement inaccessible qui entre dans la vie d’autrui pour nous en livrer l’intimité ? Serait-ce par cette stratégie qu’elle réussirait à construire la sienne propre ? Est-elle bien sensée ? N’est-elle pas en train de nous confronter à ses propres fantasmes ? De nous introduire dans un mystère dénué d’intrigue ? Vito Acconci5, le premier, tenta une telle expérience de prédation urbaine ; Sophie Calle la reconçoit comme un film noir. Ici, tout conduit à soutenir que le lieu (Venise) fait fonction d’identité.

Station Jeanne d’Arc « Je suivais des inconnus dans la rue. Pour le plaisir de les suivre et non parce qu’ils m’intéressaient. Je les photographiais à leur insu, notais leurs déplacements, puis finalement les perdais de vue et les oubliais.6 »

Souvent fondées sur des règles et des contraintes, ses œuvres interrogent la limite poreuse entre sphère publique/sphère privée et le caractère interchangeable des positions du voyeur et de l'exhibitionniste. Le thème de la disparition de personnes ou d'objets, dont l'existence est avérée par quelques traces et dont l'absence est généralement enregistrée par la photographie, constitue également un thème de prédilection de l'artiste.

Dans chacune de ses œuvres, elle invente ses propres règles du jeu. Ici, elle renoue avec les filatures de Suite Vénitienne, mais sur un mode plus virtuel et interactif : Sophie Calle utilise pour cette station les messages personnels rédigés par des usagers de transports en commun -qui font état de

5 Vito Acconci (*1940) est un artiste et écrivain basé à New York. Son œuvre protéiforme s’est d’abord manifestée dans la poésie, la performance, le film, la vidéo, le son, l’installation, la sculpture, puis, avec la création du Studio Acconci, l’architecture et le design. A partir de 1969, avec Following Piece, Vito Acconci quitte l’espace de la page pour celui de la rue. Il réalise alors toute une série d’activités pour la caméra et de performances, enregistrées sous formes de photographies, films ou pièces sonores. L’écriture l’accompagne toujours, que ce soit sous forme de poésies, scenarii, ou encore de textes descriptifs. S’interrogeant sur les conventions de notre environnement urbain et les relations qu’entretiennent espace public et espace privé, il écrit de nombreux textes qui combinent fiction et description de projets. 6 Ibid.

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rencontres manquées- publiés dans différents journaux : « lundi 19/02 17 heures, ligne 91, vous vous êtes retournée.gare de [email protected] », etc.…

Ils sont retransmis sur des écrans de télévision placés sur le quai. Un clavier placé dans un renfoncement de ce dernier permet à ceux qui le souhaitent d’y ajouter, quasiment en temps réel, leurs propres messages.

Pendant l’attente de la rame, les usagers peuvent lire les récits de ces rencontres qui n’ont pas eu lieu, les regrets, les espoirs… Le fait que les utilisateurs de cette station puissent ajouter leurs propres mots crée la possibilité d’ajouter une rencontre réelle à la rencontre ratée, de garder un flou entre messages en mémoire et messages en attente.

À l’entrée de la station, un panneau indique l’adresse du site Internet où il est possible de laisser des messages.

Hormis le fait que l’anonymat engendré par la ville se trouve ici quelque peu ébranlé, on ne manquera pas de mettre au jour l’humour contenu dans un dispositif permettant d’extérioriser des pensées secrètes, faisant écho au nom de la station Jeanne d’Arc et à la légende courant autour de ce personnage symbolique de l’histoire de France, supposé " entendre des voix ". Ici les voix, invitant à la convivialité, seront silencieuses, mais potentiellement perçues par tous ceux dont les yeux seront fascinés par un écran…

Repères biographiques : Sophie Calle est née en 1953 à Paris. Elle vit et travaille à Malakoff (92)

Sous la forme d’installations, de photofilms, de récits, Sophie Calle construit depuis plus de vingt ans des situations où elle se met en scène -sur un mode le plus souvent autobiographique et selon des règles précises habituellement liées à l’espace public. En évoluant entre les faits et la fiction, entre représentation et voyeurisme, elle franchit les barrières de la sphère privée pour en explorer les

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parties cachées. Elle se définit elle-même comme une « artiste narrative », emprunte par ailleurs ses modalités aux pratiques conceptuelles et performantes

Dans son livre Léviathan, Paul Auster fait référence à certains épisodes de la vie de l’artiste pour créer le personnage de Maria. Sophie Calle, par la suite, reprendra certaines caractéristiques du personnage créé par l’écrivain, de sorte qu’on n’arrive plus, au bout du compte, à savoir qui est qui…

Reconnue internationalement, de nombreuses expositions monographiques lui ont été consacrées à travers le monde. Ses œuvres sont présentes dans de grandes collections, publiques et privées, comme le Musée d’Art Contemporain de Lyon, le Musée National d’Art Moderne, le FRAC Basse-Normandie, la collection NSM Vie / ABN AMRO...

Une importante exposition, intitulée « M’as-tu vue » lui a été consacrée au Centre Georges Pompidou en 2003.

Elle a participé à d’importantes expositions collectives, dont l’édition 2005 de la Biennale de Lyon, intitulée « Expérience de la durée » et « Féminin / Masculin » en 1995 au Centre Georges Pompidou.

Elle représente la France pour l’édition 2007 de la Biennale d’Art Contemporain de Venise, et présentera également l’exposition « Douleur Exquise » au Luxembourg, dans le cadre de Luxembourg 2007. Démarche et questionnements : Sophie Calle raconte des histoires vécues, elle rend le spectateur complice d’une certaine intimité, sans qu’il puisse se soustraire au rôle de voyeur dans lequel cette démarche le situe. Elle élargit, par ailleurs, la posture traditionnelle de l’artiste dans le champ social : non seulement photographe, elle ouvre son champ narratif en utilisant la vidéo, le cinéma, le roman … Les rencontres sont prétextes aux œuvres, quelle que soit leur forme. La narration et les mythologies individuelles ont marqué l’art des années soixante-dix, cette artiste va plus loin en livrant des faits réels, au point de déranger l’ordre établi. Enquête : est-il venu à l’esprit de chacun ce qu’il en coûte de « suivre, poursuivre, venir ensuite, être à bout de course, à la suite, derrière7 » ? Qu’est-ce que cela provoque d’être toujours en quête…de l’autre ? « J’utilise la photographie, le texte. J’essaie de provoquer des situations qui sont liées à ma vie, soit par une frustration, soit par un besoin thérapeutique, ensuite, ces situations, pour prouver qu’elles ont existé, je les photographie, et j’en fais un rapport, je les rapporte. C’est toujours de l’ordre du rapport … je me prends au jeu. Ça devient obsessionnel » déclare-t-elle. Mais si elle parle souvent d’elle-même, elle apprécie aussi de faire parler autrui. Le récit devient alors celui de l’autre… D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? Ces questions, déjà posées par Gauguin, parce qu’elles interrogent les notions d’origine, d’identité et de destinée, constituent la dynamique de sa démarche. Elle rapproche l’art et la vie jusqu’à ce que l’un ou l’une soit le reflet de l’autre, sans jamais pouvoir déceler lequel est, en réalité, l’original. Elle replace la question de la notion d’auteur au cœur de la démarche artistique. Bibliographie : Sophie CALLE, Série Double-Jeux, coffret de sept fascicules, Actes Sud, 1998 Catalogue d’exposition, M’as-tu vue, Paris, CNAC Georges Pompidou, 2003 "Rencontres d'art. Objets de mémoire, mémoire d'objets" in : Parcours des arts, mars-juin 2005, n°3

7 Voir article de Christine Angot, "No sex", in : Beaux-Arts Magazine, novembre 2003, n° 234

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PISTES PÉDAGOGIQUES : Absence, disparition, manque Appropriation/Mise en scène/Dispositif Art et vie quotidienne Autoportrait fictionnel Cacher/Montrer Catégories artistiques (remise en cause des) Enquêtes Fictions Filatures Identité Images et mots Parcours/Déplacement/Espace-temps Présentation/Représentation Privé/Public Projet personnel de l’élève en arts plastiques Récit/ Scénario/Roman photo/Narration Règles du jeu/Contraintes Rituels Substitutions

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DANIEL DEZEUZE Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Armes 1988 Ensemble de 16 objets Sculpture Bois, métal et plastique

- arme n°1 : 13 x 20,5 x 6 cm - arme n°2 : 9.5 x 22 x 3,5 cm - arme n°3 : 28 x 48,5 x 18 cm - arme n°4 : 8,5 x 39 x 14 cm - arme n°5 : 12 x 12 x 4,5 cm - arme n°6 : 18 x 20,5 x 14 cm

- arme n°7 : 14 x 33,5 x 33,5 cm - arme n°8 : 5,5 x 35 x 5,5 + chaîne en fer : 59 cm - arme n°9 : 22 x 32 x 9,5 cm - arme n°10 : 13,5 x 28,5 x 4 cm - arme n°11 : 18 x 16,5 x 8,5 cm

- arme n°12 : 16,5 x 76,5 x 3,5 cm - arme n°13 : 17 x 39 x 12 cm - arme n°14 : 15,5 x 46 x 13 cm - arme n°15 : 22 x 36,5 x 31 cm - arme n°16 : 19 x 53 x 10 cm

Cette œuvre se compose d’un ensemble de seize "armes" créées à partir de fer, de bois, et de plastique récupérés par l’artiste aux alentours de sa maison. De ces assemblages de matériaux naissent ces objets aux allures moyenâgeuses. Datée de 1988, cette œuvre s’inscrit dans la série des Armes, initiée en 1985 par Daniel Dezeuze à la suite d’une série de dessins imprégnés du chaos, réalisée dès 1982. Ces équipements sont sans pouvoir réel, sans danger pour quiconque. Réalisés à la main par des torsions et sans aucune soudure, ils n’ont pas été créés pour leur ressemblance figurative ; résultat d’un travail de compression et de pilonnage, ils sont avant tout des concentrés d’énergie rassemblée en un point à partir duquel on peut deviner une trajectoire dans l’espace. Car il est question du regard, l’arme de tir désignant l’œil par métaphore : la visée, l’objectif, la cible… Parallèlement à une notion de concentration énergétique, l’œuvre suggère donc une possibilité d’expansion liée à la trajectoire, à l’existence d’un tracé imaginaire allant de l’arme à sa cible définissant un nouvel espace.

Articulation gothique n°1

1985 Sculpture

Planches de ski, charnières métalliques

190 x 270 x 12 cm

Moïse 1985

Sculpture Planches de ski, 9 plaques de cuivre,

cornières métalliques 150 x 30 x 8 cm

Sans titre

1989 Pastel sur papier Canson

78 x 113 cm

Sans titre

1989 Pastel sur papier Canson

78 x 113 cm

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Ces notions d’expansion et de création sont la forme d’une théorie de l’espace qui n’a cessé d’animer l’œuvre de Daniel Dezeuze. L’artiste dit, à propos de cette série, se rapprocher de Picasso quand, en 1913, il réalisait ses guitares en carton, "ou d’une action painting renversée et tournée vers une sorte d’implosion8"

Exposition temporaire : 4 Echelles qui perlent 2006-2007 Perles, fil métallique, moustiquaire, polyéthylène Collection de l'artiste De création toute récente, cette série nous confronte à un travail dont l'aspect est inhabituel pour un spectateur fidèle à la démarche de l'artiste. La fragilité, les colorations, le décollement des plans -dus à l'utilisation de perles- introduisent une mise à distance de la matière picturale. Dezeuze a souhaité "cristalliser" la peinture, en évoquer la touche, le relief. Autres œuvres présentées: 3 échelles avec ruban argenté 10 échelles pour vent d'est 3 petites échelles pour vent d'ouest Eloge des peintres taoïstes

« Châssis : C’est la limite incontournable que tout peintre rencontre sur son chemin et qu’il doit dénier ou outrepasser pour continuer. Le châssis ne s’identifie pas pour autant à une figure de la Loi, mais signifie simplement l’instance de la géométrie : angles droits, verticales, perpendiculaires, planéité. » Daniel Dezeuze, qui n’a de cesse de « percer la peinture », propose avec ses Echelles une remise en cause du tableau comme objet. Les Echelles définissent la grille de lecture, la trame de l’espace où le vide, substitut de la toile, devient une composante fondamentale du processus de perception et d’illusion. A la différence des Echelles en bois des années 1970, celles-ci se parent d’éléments dont la joliesse se heurte à la radicalité de ses réflexions sur la déconstruction du support traditionnel de la peinture, du tableau et de ses composants matériels. Les Echelles peuvent prendre toutes sortes de formes en fonction de leur positionnement. Elles s'accrochent totalement ou partiellement aux murs, composant de nouveaux effets à chaque présentation. Ce côté nomade introduit aussi une grande liberté dans ce volume pictural qui flirte avec le dessin et la sculpture. Les genres s'abolissent au travers de combinaisons multiples et aléatoires. Reposant contre le mur, prenant appui au sol, donc, légèrement inclinées, les légères échelles en bois ou en polyéthylène -quant à elles, suspendues au mur- élaborent un jeu incessant entre le vide et le plein, interrogent le tableau classique en laissant toujours entrevoir ce qui se trouve à l'arrière-plan. L'artiste ne cesse de "percer" la peinture, d'amener le regard du spectateur à une traversée dans la réalité même de la perception. Les échelles continuent la dé-monstration du châssis mais de façon plus souple. Le vide devient une composante fondamentale du quadrillage proposé par l'artiste. Il matérialise cette grille de lecture issue de la Renaissance et la positionne dans la réalité. Le mur joue un rôle essentiel et dynamique dans cette nouvelle perception d'un espace mis au carreau. Dessinant une trame, répétant ses modules géométriques alignés, l'espace plastique ainsi décomposé défie la traditionnelle fenêtre (vedutta). En soulignant la différence entre regarder et voir, en obligeant celui qui se plie à l’expérience à découvrir quels espaces précis ces viseurs délimitent, la notion de cadre se trouve réintroduite.

8 Entretien avec Xavier Girard, in Art Press, n° 139, septembre 1989

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Le spectateur est alors confronté à une fraction de réel dérisoire, à l'élégance abrupte d'oeuvres dont les lignes contiennent et prolongent l'espace. Ces dernières proposent, à l'instar de prédelles, une lecture temporelle.

Station Empalot

© Saada / Schneider

À la station Empalot se trouve le puits le plus profond de la ligne B du métro. Le fait de descendre en profondeur peut donner à l’usager la sensation d’un milieu hostile.

Partant de ce constat, Daniel Dezeuze a souhaité accompagner les utilisateurs tant dans la descente que dans la montée par un signe visuel fort, en installant le long du puits 6 échelles hélicoïdales lumineuses d’un mètre de large qui insufflent de la vitalité et une atmosphère de gaieté dans la station.

En traversant tous les niveaux (sur une hauteur totale de 14,50 mètres), elles accompagnent l’usager tout au long de son trajet dans la station et, en dépassant un peu en hauteur, signalent également la position de cette station.

La forme des échelles peut se lire comme une allusion à la représentation de l’ADN mais sans référence à des codes génétiques humains spécifiques : la numérotation attribuée par le titre va de 1 à 6, soit le nombre des échelles.

Les lignes ainsi composées peuvent, par ailleurs, évoquer la calligraphie.

Quant à la répétition formelle, elle n’est pas sans suggérer le baroque de certaines pattern paintings9.

Composées de motifs et de couleurs variés, les Echelles proposent un flux de lumière en variation perpétuelle, offrent une polychromie dynamique et créent un mouvement continu.

9 Pattern : patron, motif répété, ceci caractérise le travail d'un groupe d'artistes américains qui refusent de prendre en considération le seul art occidental et s'inspirent de l'artisanat et de la culture du monde entier. Ils revendiquent la poursuite d'une recherche visuelle purement décorative.

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Repères biographiques : Daniel Dezeuze est né en 1942 à Alès.

Jeunesse montpelliéraine puis études d'espagnol. Elève libre à l'Ecole des Beaux-Arts de Montpellier. Son père, artiste peintre, lui enseigne les bases du métier. A 20 ans, en 1962-63, il assure la direction de l’Alliance Française dans les Asturies en Espagne.

Bourse du Mexique à l'Université de Mexico (Département d'Architecture et d'Urbanisme) en 1964-65. Retour en France et nouveau départ pour l'Amérique du Nord où il découvre la peinture américaine dans sa réalité même et non plus au travers de reproductions.

Service militaire dans la Coopération à Toronto (Canada). Retour en France et installation à Paris en 1967.

La même année, sa fameuse oeuvre intitulée Châssis avec feuille de plastique tendue permet de mieux comprendre ses recherches formelles et intellectuelles de remise en cause du support traditionnel de la peinture, du tableau et de ses composants matériels.

Membre fondateur du groupe Supports-Surfaces de 1970 à 1972. Il participe à de nombreuses expositions collectives dont celle du Musée d'art moderne de la Ville de Paris en 1970.

À partir de 1971 jusqu'en 1991, il expose à la galerie Yvon Lambert à Paris.

Depuis 1977, il enseigne à l'Ecole des Beaux-Arts de Montpellier.

Depuis 1978, il expose à la galerie Albert Baronian à Bruxelles.

En 1987, il séjourne en Chine pour la première fois et y expose.

En 1998 se déroule une importante rétrospective de son œuvre au Carré d'Art - Musée d'art contemporain à Nîmes.

Depuis 1999 la galerie Daniel Templon à Paris le représente.

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Démarche et questionnements :

Daniel Dezeuze fonde son réexamen critique du tableau sur le châssis nu, non accroché, élément structural dans le vide de l'espace. Le châssis se change tour à tour en lanière fine, échelle souple, treillage léger, voire en planches de ski assemblées.

Membre fondateur du groupe « support-surface », Daniel Dezeuze déshabille la peinture,

découpe la toile et finit par la supprimer. Le châssis est nu, seulement couvert d’une feuille plastique transparente. La sculpture subie des atteintes tout aussi définitive et ne reste d’elle que des volumes réduits à une trame, un quadrillage aérien. "Le travail de Daniel Dezeuze s'inscrit dans la continuité d'une réflexion portant à la fois sur la remise en cause de la cimaise et de l'espace idéaliste qui l'ont conduit à explorer de nombreuses voies. Optant pour l'utilisation de techniques multiples et diverses, Daniel Dezeuze s'inscrit dans une relecture de l'art américain sans nier une réelle jubilation pour l'utilisation de matériaux considérés comme pauvres. La conceptualisation générale de son œuvre se sert des supports les plus variés comme champ d'expériences. Il existe une dimension énigmatique et ludique qui le pousse à ré-utiliser le dessin de façon provocante en se jouant des références culturelles (balistiques ou chinoises). On peut parler à son sujet d'un travail en perpétuel mouvement où la pertinence le dispute à la sagacité.

Si sa fameuse oeuvre de 1967 intitulée Châssis avec feuille de plastique tendue illustre les préoccupations de Supports-Surfaces au travers d'une composition explicite, elle met aussi en lumière la défiance de l'artiste vis-à-vis de l'expression pariétale. En effet le tableau, objet omniprésent dans l'art occidental depuis des siècles, se trouve exposé dans son entière matérialité et l'artiste en propose à la fois une lecture matérielle et ironique. Le remplacement de la toile par une feuille de plastique transparent permet de voir la composition même du support tandis que l'espace d'illusion -la toile- disparaît pour le regard. Cette traversée dans la réalité même de la perception donne un caractère emblématique à cette œuvre et lui confère une place fondatrice par rapport aux théories du mouvement. Elle se trouve toujours posée au sol, appuyée contre un mur, dans une position d'attente.

Travaillant par la suite dans les années 1970 sur des extensibles et des échelles de bois souple, il continue sa pratique de déconstruction. Elles peuvent se présenter déroulées à plat ou tordues, sur le sol et/ou contre le mur, les possibilités d'intervention liées au placage en bois souple demeurant multiples. En effet, ces bois spéciaux, utilisés par les artisans du Faubourg Saint-Antoine -où se trouvait son atelier- ont tendance à reprendre la forme originelle du rouleau. La souplesse de la structure géométrique part du carré puis peut s'enrouler et aller vers le cercle. Et le processus peut s'inverser à nouveau. Ici aussi sans fin. Une quadrature du cercle, en quelque sorte.

Les armes de poing et de jet à la fin des années 1980 ne cachent pas un projet guerrier mais une représentation possible du concept d'énergie (comme énoncé plus haut). En construisant ainsi ces objets, à partir d'éléments de rebut, l'artiste leur donne un caractère "domestique", lié à ce bricolage et en totale contradiction avec la technologie guerrière. Le décalage entre l'art et la guerre se trouve donc visé.

De même la pratique du dessin permet-elle à l'artiste de dépasser un certain formalisme réducteur. Une série intitulée La vie amoureuse des plantes met en lumière une liberté gestuelle très forte. Ces dessins, plus esthétiques que d'autres, remplissent une fonction émotive mais aussi calligraphique. L'artiste travaille en expansion, espérant rendre au mieux la dynamique de la nature. Une abstraction figurée, avec des références sous-jacentes à la peinture chinoise.

Plus récemment dans les années 1990, Daniel Dezeuze va se diriger vers la construction d'objets de cueillette et réceptacles, confectionnés avec des bois, métaux, plastiques, cordages, objets usagés, divers et qui donnent une idée de la notion de braconnage. Ils servent à recueillir, de façon métaphorique, un nectar, un fruit ou un petit animal. Trapus et englobants, ils sont censés ne servir qu'une fois et se trouver abandonnés par la suite. Liés à une activité prédatrice propre au monde rural, ils permettent au spectateur d'accéder à un univers marginal, situé à la lisière du leur. Le côté illégal de l'ensemble et le sentiment général de précarité suggèrent un nouveau statut de l'objet. L'artiste entre sur le territoire du prédateur et suggère un climat d'attente et d'affût.

Enfin depuis la fin des années 1990, l'artiste reprend la problématique liée à la série des Extensibles réalisées à la fin des années 1960 et les réactualise dans le cadre de présentations qui ne font pas l'économie d'un accrochage en apparence traditionnel. La peinture se trouve certes convoquée sous le terme de Peintures furtives comprenant la série des peintures sur chevalet, panneaux extensibles et flèches, mais là encore, au niveau du recouvrement et dans une optique qui ne laisse pas les catégories traditionnelles, peinture et sculpture, au repos. Puis en 2000 s'amorce la nouvelle série des Nefs et Pavillons.

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Diverses commandes publiques comme le Pavement de l'Eglise Saint-Laurent au Puy-en-Velay, achevé en décembre 1988, la sculpture en bronze intitulée Confidence (installée au Jardin des Tuileries à Paris en 2000) ou l'aménagement d'une aile entière de l'Hôtel de Sully à Paris, au Centre des Monuments Nationaux lui confèrent une grande visibilité".

Christian SKIMAO10 Bibliographie : Gérard-Georges Lemaire, "Daniel Dezeuze Tome 1 et 2." In : Ecritures dans la peinture -ouvrage collectif-, Centre National des Arts Plastiques, Villa Arson, Nice, 1984. Marie-Hélène Grinfeder, Les années Supports/Surfaces 1965-1990. Herscher, 1991. Yves Aupetitallot, Jacques Beauffet et Bernard Ceysson, Supports / Surfaces. Ed. Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne, 1991 PISTES PÉDAGOGIQUES : Abstraction/Art conceptuel Cacher/montrer Déconstruction/Remise en question des composants traditionnels Détournement Espace réel/Espace suggéré Exposition/Accrochage L'œuvre et le lieu Objets de rebut/Statut de l'objet Présentation/Représentation Répétition/Diversité Rôle(s) de la couleur/Perception Rythme/Alternance vides – pleins Sculpture/Assemblage Signal Statique/Dynamique Structure Support/Matériaux/Matérialité Support/Surface Temporalité

10 Voir site de l'artiste : http://www.danieldezeuze.com/V2/defaut.php3

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MONIQUE FRYDMAN Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Sans titre de la série : Orange

froissée 1984

Lithographie sur papier de soie

99 x 66,5 cm 8/13

Sans titre de la série : Orange froissée

1984 Lithographie sur papier de soie

99,7 x 66,6 cm 10/13

Gravée III 1991

Aquatinte 63 x 80,7 cm

(hors marge : 48,8 x 62,4 cm) 5/31

Gravée VII 1991

Aquatinte 75,7 x 56,8 cm

(hors marge : 54,7 x 38,7 cm) 6/30

Les dames de nage I, 6 1994 Pigments et liants sur toile 187 x 198 cm Les ondoiements organiques des Dames de nage renvoient au ressourcement de la peinture comme à la vocation du peintre à élever l’être. La liquidité, la transparence, le glauque, l’humide ont nourri lentement, comme par strates, la toile. Les vertes humeurs jusqu’aux bruns calcinés laissent filtrer des embryons de formes libres en mouvement. "Mon expérience est celle du temps complètement tressé,

dilaté ; quelque chose se passe entre moi et le tableau, celle du présent absolu… C’est le moment de la fusion." (Monique Frydman) Les Dames de nage renouent par les moyens d’un dessin autre, distancié, émergeant à travers la toile, avec une mémoire retrouvée de figures impossibles à cerner. Le dessin aléatoire et "extérieur" des cordes, traces dans le pigment, réinvestit les forces de la ligne courbe dans cet état d’apesanteur pictural. Matière, forme et couleur se génèrent, s’effacent, se transforment, sauvegardent le mystère de la peinture, son énigme. Cette œuvre rejoint une toile de l’artiste de format analogue intitulée Rare (1986) :

Rare 1986 (Réalisé à Paris) Craie, fusain, papier de soie et acrylique sur toile 204 x 212,5 cm L’artiste se démarque des avant-gardes des années 70 par sa volonté de regarder la peinture "à nouveau en propre", de revenir au dessin, à la figure qui hante toute œuvre, notamment celle du peintre. Pourtant, dès 1985, cette présence immatérielle est peu à peu absorbée par la couleur.

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Les gestes et les matériaux sont l’essentiel de l’œuvre de Frydman. Le papier de soie habituellement utilisé comme calque ou protection s’entremêle ici au support comme pour contenir les débordements tout en préservant un certain mystère. Elle encolle le papier sur le sol en béton de son atelier et le décolle selon la technique du "strappo" de la fresque. Ce prélèvement fragmentaire génère l’instabilité d’une sorte de déracinement, tout en jouant de sa vigueur avec la profondeur de la toile. La ligne souple du fusain relaie les effets de transparence et d’opacité de la couleur dans l’unique forme rectangulaire du tableau. "Impossible d’en percevoir la transparence sans toucher à ce fond qui en constitue, en même temps, le faîte inatteignable et sans ressentir, à son approche, la solidité menaçante d’une paroi sur le vide". Le tableau est achevé quand l’informe n’est plus menaçant.

Exposition temporaire :

Shôji vert jade Mural d'angle 380 x 350 x 2 cm 40 panneaux de plexiglas (30 de 100 x 70 cm, 10 de 80 x 70cm) Sérigraphiés à l'atelier Eric Seydoux, Paris Shôji: panneau mobile constitué par une armature de lattes en quadrillage

serré sur laquelle on colle un papier blanc épais qui laisse passer la lumière, mais non le regard. « Mon expérience du tableau puise à une origine qui n'est donnée nulle part, qui n'a pas d'existence visible, qui n'est identifiable à aucune entité, à aucune autorité. […] Tout mon effort revient à faire exister quelque chose qui se dérobe à son origine mais persiste dans l'éclat de la ligne et la somptuosité des couleurs. » La situation d'angle permet, en mettant en regard deux parois, de rendre sensible ce qui se répète et s'inverse, se reflète et joue dans la transparence d'un support tramé par le motif. Alternance subtile où la couleur se diffuse dans des variations infimes de tonalités et de densités colorées. Le mur, mis à distance par le système d'accrochage, devient lui aussi une surface plastique à part entière : le report des couleurs s'ajoutant aux ombres portées du motif vient ajouter une zone colorée encore différente de celles des panneaux. L'ensemble génère un damier impalpable, un feuilleté de couleurs s'additionnant par transparence. Les panneaux sérigraphiés recto-verso conduisent le spectateur à croire à une inclusion de rubans colorés de dentelle, comme pris au piège de la matière plastique, petites choses fragiles fossilisées. Les modules étant jointifs, la limite du cadre engendre la sensation évidente de l'existence d’un hors-champ. Le lien entre la matière des couleurs et la création industrielle s'effectue donc par la sérigraphie : cinq années de recherche furent nécessaires pour faire surgir ce nouveau langage. L'écran sérigraphique prend l'empreinte des rubans et la détourne pour en faire la matière d'une œuvre inattendue. On remarquera l'utilisation d'un produit de création textile sophistiquée et féminine. L'artiste parle de jubilation dans cette aventure qui l'amène à la dentelle -comme si elle se permettait enfin ce qu'elle cherchait depuis longtemps. La dentelle devient un réseau d'entrelacs faisant écho à l'histoire du tissage, au tissage des histoires. Ce projet s'inscrit dans la continuité de l'exposition Monique Frydman et la couleur tissée (musée Matisse du Cateau Cambressis, 2006) et poursuit une réflexion sur l'architecture de la transparence et de la couleur -également présente dans la station Saouzelong.

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Station Saouzelong

Considérant qu’une station de métro est comparable à une cathédrale contemporaine, l’artiste a basé son œuvre sur l’usage du verre.

Le projet de Monique Frydman investit l’ensemble de la salle des billets de la station Saouzelong par une intervention ciblée sur deux parties :

Sur le mur courbe du fond de la salle est réalisé un triptyque de verre (7 x 6,70 mètres), peint de façon abstraite, fluide, en transparence, avec des lignes courbes entrelacées. Monique Frydman a souhaité que la paroi reste la plus légère possible, le regard de l’usager ne doit pas s’y arrêter, mais doit se porter vers la couleur et la lumière.

Sur les verrières zénithales sont posés des verres colorés jaunes (le soleil) et roses de différentes nuances (référence au surnom de Toulouse), l’ensemble produisant un effet de vibration visuelle de ces couleurs chaudes. Celles-ci se diffractent sur les murs, formant des halos lumineux dans l’ensemble de la salle des billets. Cette dispersion de la couleur crée une atmosphère colorée, gaie et lumineuse dans toute la station.

La perception du triptyque varie donc en fonction de la lumière du jour et des mouvements effectués par les spectateurs.

Repères biographiques : Monique Frydman est née en 1943 à Nages (Tarn). Etudes à l'Ecole des Beaux-Arts de Toulouse.

Vit et travaille à Paris et Senantes.

Sa peinture abstraite témoigne de sa recherche de la gestion de différents hasards dans le devenir de la toile peinte. Ainsi, dans une de ses séries, à partir de la forme aléatoire d’une corde tombée au sol, elle découpe des gabarits (sortes de pochoirs) qui deviennent ensuite le motif de ses tableaux.

Monique Frydman expose régulièrement à la galerie Sollertis à Toulouse. Ses œuvres sont présentes dans différentes collections publiques : le FNAC, les FRAC Pays de Loire, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Ile-de-France, le FDAC Val-de-Marne et les Musées de Caen, Toulon et les Sables-d’Olonne.

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Elle a réalisé plusieurs commandes publiques en France et au Japon. Dernières expositions personnelles : 2006 Musée Matisse, Le Cateau Cambressis : "Monique Frydman la couleur tissée" 2005 Centre d'Art Contemporain Bouvet Ladubay : "Sensible exemplaire" 2005 Toulouse, Galerie Sollertis 2003 Bourg-en-Bresse, Musée de Brou, "L'œuvre sur papier" ; Céret, Musée d'Art Moderne, "L'oeuvre sur papier" ; Tourcoing, Musée des Beaux-Arts, "L'oeuvre sur papier" 2002 Portland, Oregon (USA), Savage Gallery, "Monique Frydman" ; Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse,"Monique Frydman, peintures récentes" 2001 Paris, Galerie Laage-Salomon, "Peintures 1996-2000" ; Paris, Galerie Jacques Elbaz, "Peintures récentes - Révélé" ; Paris, Galerie Laage-Salomon, "Peintures pour Tokyo" 2000 Tokyo, Espace Tag-Heuer, "L'Empreinte et la Couleur" Démarche et questionnements : "Le hasard est un assistant (bien plus qu'un outil docile) auquel Monique Frydman recourt volontiers. Elle s'en est expliqué dans plusieurs textes et entretiens, indiquant qu'elle y voit un moyen de perturber les lectures univoques d'un tableau, l'autographie, le style, la figure etc. En prenant en charge un certain nombre de données plastiques qui contribueront grandement à l'apparence finale du tableau, le hasard permet effectivement la mise à distance de ces compréhensions de surface. Dans une série précédente, Les sombres, l'artiste avait découpé des gabarits (terme qu'elle préfère à celui de pochoir) selon les lignes sinueuses déterminées par la chute d'une corde sur le sol. Reportées sur la toile, ces formes aléatoires, sinon hasardeuses, tenaient alors lieu de figures, c'est-à-dire qu'elles s'étaient assigné la position centrale - et en l'occurrence exclusive - traditionnellement occupée par la figure. La série intitulée Révélé reste fidèle au principe de formes fixées au moyen d'un gabarit mais n'a plus recours à la corde. C'est désormais un assistant de l'artiste qui s'est chargé de la découpe des gabarits. Loin d'être anecdotique, ce procédé indique la nature essentiellement subjective du hasard : il est ce qui échappe à un déterminisme connaissable par un sujet. Rien n'indique que ce déterminisme n'est pas connaissable en soi. Que ce soit la chute d'une corde sur le sol, la face sur laquelle retombe une pièce de monnaie, une combinaison de chiffres gagnante ou le libre choix d'une tierce personne, rien de tout ceci n'échappe aux lois de la physique ou même, pour le dernier exemple, à la volonté de l'individu qui a effectué la manipulation. Cela échappe seulement à l'observateur. Le hasard, c'est tout ce qui n'est pas maîtrisable par moi. Se limitant délibérément (c'est-à-dire pour s'y attacher) à ces quelques formes définies par un autre, la seule liberté de l'artiste est de disposer d'elles en choisissant leur agencement et leur répartition sur la toile. Les formes sont ainsi greffées les unes aux autres, sont raboutées, sont composées et recomposées sans cesse selon un (dés)ordre insensé. Ordonnées par l'artiste en vue d'une composition particulière, elles assument néanmoins le désordre de ce qui est en perpétuelle mutation et n'a finalement aucun sens. C'est cet interminable roulement de dés qui fait sans cesse basculer l'ordre dans le désordre et vice versa. Pourtant, peut-être le coup de pinceau de l'artiste est-il seul en mesure d'abolir le hasard... En effet, les différentes configurations que Monique Frydman attribue à des formes étranges (parce que leur genèse lui est étrangère), les agglomérations qu'elle décide, les couleurs dont elle les emplit ou, au contraire, dont elle les cerne, le traitement du fond dans lequel elle les plonge, tous ces composants plastiques les incorporent à un tableau qui, en dernière analyse et au premier coup d'oeil, est bien une oeuvre de Monique Frydman. Dès lors, le hasard n'est plus. Il a sans doute présidé à la fécondation de la peinture, mais il s'est dissout dans son bain. Car c'est bien d'une profondeur qu'il s'agit, à la fois abysse et abîme, liquide et terrestre. C'est un hiatus, au sens propre : un gouffre béant. Le vocabulaire lié aux tableaux de Monique Frydman en témoigne : liquidité des couleurs passées en jus, tons terreux des ocres et de la toile écrue, chute des cordes et enchevêtrement des cordages, surface de la toile et profondeur de l'image, jusqu'aux Dames de nage dont le nom désigne le pivot sur lequel viennent s'arrimer les rames d'une embarcation..." Karim Ghaddab11

11 Extrait du catalogue Monique Frydman, Peintures, Révélé, Galerie Jacques Elbaz, 2001

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Bibliographie : "Monique Frydman - Joan Mitchell", in : Revue Ninety n°10, 1993 Monique Frydman: "De la figure humaine comme possible et impossible dans la peinture", in : Cahiers de l'Ecole des Beaux-Arts de Paris, 1987 Monique Frydman catalogue de l'exposition du Musée Matisse, "Lettre d'Amérique", texte de Xavier Girard, Cahiers Matisse, Nice, 1997 Tristan Trémeau, "Entretien avec Monique Frydman", in : catalogue de l'exposition Tableaux, la peinture n'est pas un genre, au Musée des Jacobins, Morlaix; Musée de Brou à Bourg-en-Bresse; Musée des Beaux-Arts, Tourcoing, 1999 Dominique Blanc, "Monique Frydman : Les Sombres", in : Connaissance des Arts, février 1999 Karim Ghaddab, "Monique Frydman", in : Art press n° 244, mars 1999 Monique Frydman la couleur tissée, catalogue d'exposition, Musée Matisse, Le Cateau Cambressis, 2006 PISTES PÉDAGOGIQUES : Figure/Figuration/Abstraction Fond/Forme/Profondeur Gestes/Outils/Supports/Matériaux Hasard/Forme aléatoire Lignes/Entrelacs/Dessin Mouvement Ordre/Désordre Organique/Matière/Surface Organisation/Composition/Agencement/Répartition Pattern/Gabarit/Pochoir Peinture: Liquidité/Transparence/Opacité Perturbation Règles du jeu Remplissage/Cerne Rôle dévolu aux assistants Trace/Empreinte

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JULIJE KNIFER Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Sans titre 1969

Acrylique sur toile 67,3 x 94 cm

Sans titre

Titre attribué : TÜ I/XII 1988 1988

Diptyque Peinture Acrylique sur toile

chaque partie : 190,3 x 160,2 cm

"Artiste d’origine croate, Julije Knifer appartient autant à l’histoire de l’art qu’à l’actualité. Sa

peinture est liée à une pratique quotidienne, répétitive, quasi ascétique et obsessionnelle. Pendant plus de quarante ans, il a décliné un seul et même motif, le méandre, sous la forme de compositions qui oscillent entre le géométrique abstrait géométrique et l’icône. Il a volontairement limité son registre formel aux seules lignes droites horizontales et verticales, ainsi qu’au noir et blanc. Ce choix radical l’inscrit dès la fin des années 50 dans le mouvement international du réductionnisme pictural. Cette œuvre offre un développement du flux du méandre sur une large surface, et donc entretient un rapport plus direct à l’espace et à l’architecture

La peinture de 1969 déroge légèrement à ce principe en inscrivant le motif du méandre noir sur un fond doré, réminiscence d’une spiritualité issue de Malevitch."

Pascal Pique12

Anti-tableau ? En tout cas, réduction extrême des moyens plastiques : remplissage de surfaces géométriques simples, utilisation du noir et blanc (contraste extrême entre clair et obscur), horizontales, verticales et angles droits constituent le vocabulaire de base de ses œuvres. La superposition des touches de peinture crée des surfaces neutres, rigoureusement plates qui, cependant, jouent avec nos perceptions spatiales : s’y découvre une série de créneaux noirs sur fond clair, à moins qu’il ne s’agisse de l’inverse. Où est le fond ? Où est la forme ?

Au fur et à mesure que Knifer avance dans sa création, les espaces blancs –qui font une brèche dans la suprématie du noir, se font plus ténus… Minima, maxima, amplitude…introduisent de perpétuels décalages. Simples bandes? Ou barreaux ? Fentes ? Percées ? Interstices ?

Exposition temporaire :

Sans titre, 2000-2007 Acrylique sur toile d’après un dessin original; 12,72 x 6,62 m Le méandre, schématisé, réduit à sa plus simple expression, renvoie au motif ornemental présent dans pratiquement toutes les cultures. Il traduit un rythme

12 Commissaire pour l'Art Contemporain, les Abattoirs

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spatio-temporel, un rythme proche de la musique sérielle : « Stravinsky affirme que la musique n’est rien d’autre que le rythme. Pourquoi ce que je fais ne serait-il pas seulement un rythme ? Les horizontales et les verticales, le noir et le blanc représentaient pour moi les rythmes extrêmes » (JK).

Station Jean Jaurès

© Chassat Michel

L’œuvre est une grande fresque abstraite constituée de 11 panneaux de 2,05 x 2,80 x 0,20 mètres confrontant des éléments blancs et noirs, selon le principe propre à Julije Knifer. Elle se compose de trois triptyques et d’un diptyque. Dans l’ordre de gauche à droite : - Triptyque : suite de trois panneaux – variante structurelle basée sur l’expression de l’élément blanc de 45 cm de large. - Triptyque : suite de trois panneaux – variante structurelle basée sur l’expression de l’élément blanc de 40 cm de large. - Triptyque : suite de trois panneaux – variante structurelle basée sur l’expression de l’élément blanc de 45 cm de large, identique au premier. - Diptyque : suite de deux panneaux – variante structurelle basée sur l’expression de l’élément blanc de 40 cm de large.

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Elle a été réalisée d'après les plans de Knifer (aujourd'hui décédé) par l'artiste Stéphane Henry. Au croisement des lignes A et B, notre œil s’égare, tel celui, peut-être, de touristes cherchant leur chemin dans un réseau souterrain labyrinthique.

Repères biographiques : Né en Croatie, à Osijek, en 1924, Julije Knifer étudie de 1951 à 1957 à l’Académie des Beaux-Arts de Zagreb, d’où il sort avec le premier prix. Ceci lui permet d’échapper à la censure politique et esthétique de la Yougoslavie de Tito pour voyager en Europe et découvrir l’art contemporain de son temps. Lors de son premier séjour à Paris, en 1957, il est fasciné par les œuvres de François Morellet, conciliant le hasard et la rigueur de l’abstraction constructiviste. Marquée par l’abstraction géométrique, son expression artistique s’inscrit dans le cadre de ce qu’on a appelé la Nouvelle Tendance. Au début des années 60, il crée le motif qui le rendra reconnaissable entre tous : le méandre, schématisé, réduit à sa plus simple expression, minimaliste, monochrome. Il en variera la figuration graphique sous toutes les tailles, déclinant son rythme et ses formes à l’infini. Il donnera ainsi vie à un cycle original et sans égal de tableaux et de dessins. Entre 1959 et 1966, Knifer participe à Gorgona qui ne s'apparente ni à un mouvement ni à un groupe : il s'agit plutôt de la rencontre informelle de plusieurs personnalités (artistes, poètes, critiques, historiens héritiers tardifs de Dada et du Surréalisme), refusant tout dogmatisme, tant sur le plan de l'existence que d'un quelconque programme. Les membres de Gorgona (Marijan Jevsovar, Julije Knifer, Djuro Seder, Josip Vanista, Ivan Kozaric, Miljenko Horvat, Dimitrije Basicevic, Matko Mestrovic et Radoslav Putar) se réunissent autour d'une volonté de démystification et une ironie certaine face à la sacralisation de l'objet d'art.13 Après une étape à Tübingen, en 1976, il s’installe définitivement en France à la fin des années 1980 : d’abord à Sète, en 1991, puis à Paris, en 1994 -où il ne réalise plus que des dessins. Il participe à de très nombreuses expositions en Croatie et à l’étranger, et représente la Croatie à la Biennale de Venise par deux fois, en 1976 et en 2001. Il décède à Paris en 2004, à l’âge de 81 ans. Démarche et questionnements : Le motif du méandre alimente tout son travail : le premier tableau utilisant ce motif date de 1960. Chantre du minimalisme, dans la droite ligne de l’abstraction géométrique, l’artiste décline cette figure graphique dans toutes les tailles, sur des supports variés et avec divers outils. Il en décline la forme à l’infini : à elle seule, elle résume son travail sans jamais en épuiser l’expérience. « Tous les matins, je commence comme si c’était la première fois » Cette phrase toute simple renferme des éléments importants de l’œuvre de Julije Knifer. Une apparente répétition a patiemment construit la charpente d’une liberté paradoxale, rejouant sans cesse la question du motif et du fond. Le protocole d'effectuation est ici au moins aussi fondamental que le résultat. Les règles auxquelles il s’astreint dans la conception de ses œuvres sont très strictes. Elles impriment un rythme précis au temps qui passe. Quand il s’agit de dessins, l’obsession de la maîtrise de la surface s’engage dans un processus quotidien : Julije Knifer travaille jusqu’à six dessins simultanément, à un rythme croissant du premier au dernier et à un rythme décroissant du dernier au premier. La disposition des séquences verticales traduit, elle aussi, l’expérience d’une temporalité. Sa vie se concentre dans la monotonie d’un rituel, dans la répétition des gestes -qu’ils soient plastiques ou de tous les jours. Les gestes du quotidien ainsi rapportés deviennent plastiques ; les gestes plastiques deviennent au quotidien une réflexion sur le temps de l'image et de sa vision.

13 Leur projet était de réduire le statut matériel de l'œuvre à l'idée. Ils considéraient l'art et la vie comme un phénomène paradoxal, et l'absurde, comme une valeur esthétique. Ils ont publié une "anti-revue", "Gorgona", constituée de contributions originales, jusqu'en 1966 -année de cessation de leurs activités collectives pour éviter toute tentation académique. Gorgona est devenu un modèle en ex-Yougoslavie, mais reste peu connu en France.

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L’artiste semble s’absorber entièrement dans le plein de la vie du corps et dans un sujet presque sans histoire -s’il n’y avait justement le signalement par l’art de la vie elle-même dans le décompte du temps. Forme répétée qui opère comme un signal de ce même signalement. Notre cerveau perçoit une forme simple et anodine, apparemment banale, saisissable au premier coup d'œil, mais arrêtons-nous un moment, un peu plus attentif aux segments qui se développent : La notion de série vient alors se conjuguer à celle du temps et nous plonge dans l’univers de la dissemblance et de l’infinie variété car, bien entendu, les méandres se suivent mais ne se répètent jamais : il s’agit pour le regardeur de parcourir la surface blanche perturbée par les injonctions de la surface noire et par là même, d’entrer dans une lecture entrechoquée, coupée et séquencée de l’espace plan de l’œuvre. « Il s’agit, en plus, de repérer en quoi chaque œuvre trouve son sens dans l’ordre d’ensemble qui émane de toutes les autres : qu’est-ce qui change, varie, évolue –de façon très discrète- dans ces signes méandriques ? Examinées dans leur succession, ces différences infimes et nuancées sont ainsi accentuées plus clairement et de façon plus concise. La grande valeur de l’art de Knifer réside en effet précisément dans ces différences minimales, mais importantes picturalement, provoquées par l’emploi d’une seule et même formule. Le voisinage d’éléments presque égaux recrée alors un nouveau contexte.14 » Bibliographie : Arnauld PIERRE, Julije Knifer. Méandres, Éd. Adam Biro, Paris, 2002 Erik Verhagen, "L’œuvre absurde de Julije Knifer", in : Catalogue de l’exposition Molnar/Knifer, Fondation pour l’art contemporain C. et J.M. Salomon, 2004 Journal des Arts, n°155 du 27 septembre au 10 octobre 2002, p. 12 Catalogue d'exposition Passage d'Europe : Un certain regard sur l'art d'Europe Centrale et Orientale, Saint-Étienne: Musée d'Art Moderne, 2004 PISTES PÉDAGOGIQUES : Aplats/Monochrome Art et Géométrie Cheminement du regard Fond/Forme Labyrinthe Minimalisme Motifs/Lignes/Axes Parcours/Déplacement/Espace-temps Perceptions spatiales Règles du jeu Relation de l’œuvre au lieu/Espace et architecture Ressemblance/Variation Rituels/Pratique répétitive Rythme/Temporalité/Séquences Schématisation Série Style Supports/Outils/Gestes

14 Extraits de l’article de Zvonko Makovic, in Passage d'Europe : Un certain regard sur l'art d'Europe Centrale et Orientale, Saint-Étienne : Musée d'Art Moderne, 2004 (http://www.powow-consulting.com/europe/textes/16%20Makovi%20FR.pdf)

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ANGE LECCIA

Aux Abattoirs :

Dans la collection : Nou camp

1986 Arrangement 2 buts de football Métal, nylon 256 x 746 x 512 cm Dimensions de chaque : 256 x 746 x 256 cm Dans sa froideur laconique, Nou Camp amuse, surprend puis interroge. La littéralité des deux objets réveille une énergie singulière, celle d’une coupe du monde, celle du sport international le plus fédérateur. Pourtant elle déclenche le sentiment d’un dysfonctionnement remarquable : le contact

des deux cages de but interroge. La force de cette union tient en quelques lignes symétriques qui sensibilisent à un nouvel espace : que forment, en effet, ces deux structures accolées si ce n’est un espace clos, bien éloigné d’un terrain de football sur lequel elles sont installées d’ordinaire ? Et, du coup, à quel univers renvoie le camp auquel le titre fait référence ? Enfermement ? Univers carcéral ? Jeu métaphorique entre la dénomination habituelle des buts (les cages) et l’image ici fabriquée ? Cet espace fermé, interdisant toute incursion du spectateur, introduit un sentiment bien éloigné de celui éprouvé dans les stades … Et que signifie nou ? Notre ? À quoi ce possessif peut-il bien se référer, dans la mesure où il ne semble plus y avoir d’espace central suffisamment vaste pour l’affrontement de deux équipes adverses ? De quel « camp », alors, pouvons-nous être les supporters ? Quel est « notre » camp, hormis le seul qui nous soit assigné : l’extérieur ? Cet arrangement improbable, abrupt, se délivre de sa fonction technique assignée pour s’épanouir dans une nouvelle signification. Dégagé de toute critique "historique", ce faux ready-made 15 captive l’imagination de chacun. Partant d’une nature inchangée, juste "arrangée", l’œuvre s’accomplit. À partir des années 80, Ange Leccia dédouble ses figures ou objets issus de la technologie quotidienne (projecteurs, automobiles…) pour un face à face du différent dans l’identique, où l’affrontement se mue en une introspection silencieuse préalable au dialogue. L’artiste préfère au terme installation, trop pratique, celui d’arrangement, plus sage et plus disposé à ouvrir sur l’œuvre d’art. D'ordinaire, par la pose fusionnelle mais pudique du vis-à-vis, les objets issus d’une société de consommation individualiste, rétablissent une relation primordiale, un transport étrangement humain, parodiant une conversation. Nou camp nous éloigne de cette image de douce causerie : la confrontation évidente dedans/dehors, incarcération/liberté renvoie plutôt à l’idée d’exclusion. Nous ne savons pas ce que cette cage peut, ou a pu, emprisonner, mais nous passons ainsi de la métaphore du duo à celle du duel, de l’incommunicabilité. Les objets, ainsi agencés, nous interrogent sur notre rapport à autrui, à l’actualité, voire à l’histoire (des camps).

15 L'attitude du ready-made consiste à choisir un objet manufacturé et à le désigner comme œuvre d'art. Il a donné naissance à une grande partie des démarches artistiques actuelles. Les ready-made sont des œuvres d'art qui n'ont pas été réalisées par l'artiste, ce dernier n'intervient en effet que pour les sélectionner et changer leur contexte. Par exemple, l’égouttoir (1914), objet industriel acheté par Marcel Duchamp et exposé comme une œuvre d'art est un ready-made - le premier, historiquement.

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Leccia souligne : « Je pense que l’artiste doit être lucide, impliqué dans la réalité du monde où il vit, faire partie intégrante du tissu social, pour manipuler tout ce qui l’entoure. Manipuler, c’est à dire réfléchir, avec une relecture des choses. »

Exposition temporaire :

Soleils, 1999 Installation vidéo sonore (en boucle) ; dimensions variables Collection de l’artiste Ce projet est à l'origine de la réalisation de la station Compans Caffarelli. Ange Leccia utilise de façon prépondérante l’image filmée (il a réalisé de nombreux films depuis 1971) ou photographique : ralentis, photocopies, découpages,

déchirures etc. … Ces "arrangements" sont pensés comme des moments cinématographiques, Il les re-conduit, les re-crée et cette métamorphose de l’image redonne tout son pouvoir à l’imaginaire. Paradoxalement, les « images » qu’il crée révèlent une profonde volonté de spectacle. Sur une chanson de David Bowie, se succèdent les trajets accélérés de soleils levants au-dessus de la mer, jusqu’au zénith. Le défilement parallèle, mais décalé, d'images en mouvement vise à instaurer un dialogue ininterrompu entre les deux écrans, oscillant entre la fusion et la confrontation. Le soleil, élément caractéristique du paysage méditerranéen, invite le spectateur à un rapport intimiste: à travers le prisme vidéographique, c'est une certaine vision du temps des choses qui s'exprime. Mouvement interminable d'apparition et de disparition à l'origine d'un cycle visuel qui engendre une poétique de l'énergie ; de l'éblouissement à la lueur, le spectateur est maintenu dans un temps de regard suspendu et contemplatif. Dans la pénombre de la salle, il lui appartient alors de réinventer son propre rythme de vision. En étant propulsé en dehors de l’atmosphère terrestre, il doit donner libre cours à un nomadisme sensoriel et mental pour intensifier sa relation esthétique au monde, son propre rapport aux éléments, à la nature et à la sensibilité qu’elle lui offre : une pause de vidéothérapie ? Dans le très vaste corpus filmique constitué par l'artiste depuis vingt-cinq ans, le soleil, boule de feu, revient constamment. Le motif de la répétition, de la boucle, de la régénérescence permanente, est à comprendre comme une dimension organique de l'image qui nous convie à un présent éternel. L’artiste confronte plusieurs thèmes opposés, la lumière du jour et l’ombre des espaces d'exposition, le motif naturel et les technologies médiatiques, le mouvement des voyageurs et le plan fixe de l’image. Le parcours du soleil, du lever au coucher, saisit l’évolution de la luminosité au fil du jour, le passage des nuages et la fuite du temps, sujets apparemment banals et à peine perceptibles qui véhiculent pourtant émotion et contemplation et irradient l’espace qu’ils pénètrent. Ses œuvres questionnent constamment les différents supports qu’elles mettent en jeu, les combinant, les opposant, les exhibant au travers d’une gamme thématique tels la mer et autres éléments atmosphériques fascinants en raison de leur caractère rythmique.

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Station Compans Caffarelli

© Chassat Michel

Introduire une lumière vivante dans la station et être sensible à son animation du moment, tel est le souhait d’Ange Leccia.

Dressés à la verticale entre les escaliers et les escalators, deux panneaux de lumière artificielle -mais proche de la lumière naturelle- réagissent aux mouvements de la station et compensent l’absence d’éclairage naturel direct. Placés chacun sur un quai, en vis-à-vis, ils répondent aux déplacements des usagers et au fonctionnement des escalators et des rames sans pour autant copier l’empressement des individus ni adopter le rythme saccadé des machines. Ils se veulent au contraire apaisants et diffusent une lumière harmonieuse et douce.

L’un des panneaux est animé d’un mouvement ascendant, comme si la lumière s’élevait du sol vers le ciel, tandis que l’autre propose un mouvement descendant, tel un puits de lumière ouvert dans la station depuis l’extérieur.

La vitalité de la lumière dont chaque individu a naturellement besoin est ainsi rendue, des premières heures du jour aux dernières, avec toutes les variations qu’entraînent les nuages ou les intempéries.

Lorsque les usagers s’éloignent de ces sources lumineuses, elles en gardent la marque, empreinte légère de leur passage.

Les usagers ne sont plus seulement spectateurs de l’œuvre, ils la conditionnent et recréent jour après jour, collectivement, l’espace de leur quotidien.

Repères biographiques : Ange Leccia est né en 1952 à Minerviù en Corse. D’abord peintre, puis vidéaste et photographe, il place la lumière au centre de sa création dès ses tous premiers travaux.

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Il se fait connaître dans les années 80 par ses « arrangements », terme qu’il choisit en opposition à celui trop convenu d’ « installations ». Objets mis simplement face à face ou côte à côte, ces derniers invitent le spectateur au questionnement.

Artiste de son époque, Ange Leccia participe également sur le Net à deux commandes publiques. Entrée libre regroupe quinze créations originales d'artistes contemporains réalisées pour le réseau, commande de la Délégation aux Arts Plastiques du Ministère de la Culture. L'artiste propose Identification d'une femme16, un portrait très "warholien", une "peinture en ligne" dont le motif principal reste statique alors que les variations chromatiques sculptent le visage d'Isa et lui donnent vie. Passifs, on le contemple dans une quiétude douce-amère, comme hypnotisés : "Mes pièces sont comme des sabliers, des moments qui s'épuisent et se régénèrent sans cesse". L’artiste réunit avec cette animation Flash ses principales caractéristiques artistiques : lumière, actions en boucle, simplicité de traitement et de sujet, mise en avant d'un motif principal.

Autre création en ligne : une commande du Centre des Monuments Nationaux Changement de temps qui proposait à sept artistes français d'investir différents monuments français avant de plonger dans le troisième millénaire. Le site de l'opération permet aux surfeurs d'interagir avec les artistes. Ange Leccia a offert à l'ancienne Abbaye de Cluny un balayage de lumière donnant au bâtiment une immatérialité, une spiritualité propre au lieu.

Ange Leccia a l’audace d’explorer différents médias, d'adapter son travail en fonction du support, des vieilles pierres médiévales aux murs high-tech du réseau, ses œuvres illustrent à merveille ce qu’est un artiste multimédia.

Enseignant à l'Ecole des Beaux-Arts de Cergy-Pontoise, Ange Leccia dirige aussi, depuis 2000, une cellule de recherche pour jeunes artistes : le Pavillon, Unité Pédagogique du Palais de Tokyo à Paris. Artiste de renommée internationale, il a exposé à plusieurs reprise au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris et au Musée national d’art moderne. Ses œuvres ont aussi été présentées au Guggenheim Démarche et questionnements : "Ange Leccia est un flâneur. Il n’est d’aucune ville, et les investit toutes. Il les regarde, les écoute, trouve un refuge dans la foule. Le Caire, Tokyo, Rabat, Alexandrie, Osaka, Damas… Son œil suit les rues, les passants, les maisons, son oreille suit son œil, lui indique où se porter. Il se promène, déambule, se perd, mais il n’est jamais perdu puisque sa flânerie n’a pas de but. Ange Leccia, en héritier du flâneur baudelairien, circule avec une caméra, petite, légère, presque invisible, mais qui, si on la remarque, le ferait passer pour un touriste, c’est-à-dire inaperçu. Sa petite caméra numérique est comme le prolongement de son regard, elle suit sa déambulation, elle ne lui impose rien, elle fait partie du mouvement de son corps. Avec cette caméra, Ange Leccia ne filme pas tout ce qu’il voit, mais il filme tout le temps, comme un œil qui se laisse attraper par les choses, qui parcourt la surface des villes. […]Tout flâneur se fond dans l’activité de la ville, se blottit dans la foule, accompagne le mouvement des gens, voyage avec eux. Il les suit, un moment, rentre au plus profond d’eux-mêmes, et puis continue, se tourne vers d’autres qui lui livrent, là-bas, de loin, leur histoire. La flânerie et l’art d’Ange Leccia le font entrer dans toutes les vies : il s’abandonne, comme il le dit lui-même, au désir. Grâce à sa caméra, qui n’est autre que son œil, il s’intègre à tout ce qu’il voit. Il est l’anti-touriste. Le touriste ne s’approprie rien, ou sinon sur le mode mercantile, il reste extérieur au monde et s’en revient chez lui, pour raconter au bureau, photos à l’appui, les couchers de soleil, les bains de mer, et quelques anecdotes teintées d’exotisme. L’anti-touriste qu’est ange Leccia s’approprie tout. Ses images raconteront toutes les histoires, des vies, des fictions de vie. Il est l’observateur de Baudelaire, " un prince qui jouit partout de son incognito ". De cette flânerie parmi les gens, qui n’est pas non plus une errance, Ange Leccia dit : " on te pardonne tout ". Cette promenade dans la ville crée une double impression, celle de l’image sur la pellicule et celle du Nouveau sur celui qui est un étranger, qui est au seuil de cette foule, qui la contemple avec innocence. De là vient la grande poésie du travail d’Ange Leccia, de cette innocence avec laquelle il regarde le monde, de cette sympathie qui le projette vers les gens : " Je suis avec eux ". C’est de cette attitude que naissent les mouvements étranges, les envolées poétiques qu’il sait provoquer

16 http://www.culture.gouv.fr:80/entreelibre/Leccia/leccia.htm

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L’un de ses premiers désirs : rendre vivant l’inanimé. Les maisons, les pierres, les rues, s’animent sous son œil. Et de retour à Paris, il regarde à nouveau ces images, les écoute, les arrête quand elles défilent, trouve en leur sein des choses qu’il n’avait pas vues. La trame des images est ce qu’il va analyser, étudier, scruter, pour révéler ce qu’on n’apercevait pas. Les fictions entrevues par le flâneur se poursuivent : tout le travail de l’artiste, c’est aussi de " faire dire des histoires aux images ". Il travaille les images comme un peintre travaille sa palette. La vidéo, contrairement à la photographie, permet à la lumière de se répandre sur l’écran, de s’écouler comme une trace de pinceau Ce ne sont pas les choses qui importent, ce ne sont pas les détails, mais les matières. Dans l’image d’Ange Leccia, " les matières dépassent ce qu’elles racontent d’habitude ". Les cassettes que reparcourt Ange Leccia, dans son atelier parisien. […] En les revoyant, nous plongeons dans une mémoire qui est presque involontaire. Nous circulons dans sa mémoire, nous regardons d’autres choses que celles qu’il croyait avoir vues. Ainsi s’élève la poésie de ces images qui veulent tout regarder : elles invitent à voir différemment, en dessous des choses, à plonger dans la poésie de la matière". Alexis TADIÉ17 Le travail autour de la lumière reste l’un des leitmotivs de son oeuvre. Avec les baisers -objets placés face à face ou côte à côte (projecteurs, télévisions, voitures, bateaux...) il crée ses premiers « arrangements »; parallèlement, il expose des photographies où il reprend et détourne des oeuvres anciennes (photo de La Callas, reprise d’un film qui avait brûlé) Ce procédé de juxtaposition reste d’ailleurs récurrent dans son œuvre, y compris dans les vidéos récentes. Il démontre une véritable inspiration, à travers les objets et les lieux vers lesquels il dirige l’objectif de sa caméra. L’espace médiatique n’est ni froid, ni événementiel. Il invite plutôt le spectateur à l’intérieur d’un rapport intimiste au territoire affectif où la caméra s’aventure. La simplicité des objets abordés y croise l’efficacité de la technologie numérique. Quant à la suggestion d’une certaine fragilité, elle s’appuie sur des dispositifs de présentation souvent spectaculaires. À travers le prisme vidéographique, c’est aussi une certaine vision du temps des choses qui s’exprime: manifestation et turbulence atmosphériques, parcelles d’un temps insaisissable, qu’incarne particulièrement la figure du ressac dans plusieurs de ses œuvres. Mouvements interminables d’apparition et de disparition, de flux et de reflux à l’origine d’un cycle visuel. Travaillant par ré-enregistrements successifs, l’image propose sa matérialité à l’écran, quand parallèlement sa lecture perd en évidence avec la pixellisation. Pareille matérialisation (presque tactile) engendre une dissolution à l’intérieur d’une approche réflexive où se croisent support et image, médium et média. L’évolution de son travail procède d’une forme de retournement : l’image est devenue le vecteur de réalité de ces éléments informels (mer, ciel, fumées, nuages) sur lesquels l’artiste projetait auparavant d’autres images (de tableaux primitifs italiens). Les éléments y apparaissent aujourd’hui moins comme des images, des représentations, que comme des matières vivantes, informes. Ce n’est plus le support qui est mouvant, c’est l’image elle-même. Bibliographie : Ange Leccia : Pacifique, exposition ARC, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 1997 Ange Leccia, catalogue FRAC Languedoc- Roussillon, 1993. Le déjà-là - la création artistique : J. Villeglé - BP - G. Dusein - A. Leccia - 1989

17 Extraits de : http://www.museeniepce.com/expositions/expositions_text.php?code_expo=leccia&lang=fr

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PISTES PÉDAGOGIQUES : Apparition/Disparition Cycle visuel Décontextualiser/Recontextualiser Détournement Dispositif de présentation Du neuf avec du vieux/Voir différemment Espace Fictions/Poésie/Mémoire Images Fixes/Images animées Installation vidéo/support de la projection. Installation/Présentation/Représentation Multimédia Pixellisation/Informe Rôle dévolu au spectateur/Interactivité Statut de l’objet dans l’art Temps Vis à vis/Face à face/Duo/Duel

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OLIVIER MOSSET et DAMIEN ASPE

Aux Abattoirs :

Dans la collection : Olivier Mosset

Sans titre 1992

Sérigraphie 75 x 75,3 cm

12/35 Réalisé par l'Atelier BEC

Edité par Sollertis

Sans titre

1992 Sérigraphie

75,3 x 75,3 cm 12/35

Réalisé par l'atelier BEC Edité par Sollertis

Exposition temporaire : Damien Aspe :

From Russia with fun 2007 35 éléments en médium laqué, dimensions variables Courtesy Galerie Sollertis, Toulouse

Poursuivant son travail sur l’outil informatique et les systèmes de perception, Damien Aspe nous livre ici une représentation en volume du célèbre jeu « Tétris », inventé en 1985 par le russe Alexey Pajitnov.

Diffusé librement en Union soviétique puis dans le bloc de l'Est, le jeu apparaît à l'Ouest en 1986, commercialisé par le gouvernement soviétique sous le slogan From Russia with fun, référence évidente au film James Bond de 1963. « Tétris » devient alors un succès planétaire. On en a même dit que c'était peut-être la plus efficace des armes de guerre de l'URSS tant il avait fait perdre de temps et de productivité au bloc de l'Ouest pendant les dernières heures de la guerre froide… Le jeu a depuis été converti sur toutes les plates-formes y compris les consoles de jeux ou l’iPod. En plaçant le spectateur au cœur des éléments, Damien Aspe offre une vision d'une société prise au piège d’un jeu compulsivement addictif. Par ses dimensions et son positionnement dans le lieu muséal, ce mur met en scène à la fois la règle du jeu vidéo et l’emprisonnement social qui en découle. Le plasticien capte et détourne ces signes d’aliénation avec humour pour réinjecter du sens face à l’asphyxie ambiante.

Dans ce travail, l’artiste emprunte au minimalisme. La laque a été choisie à cause de ses reflets incluant l'image du spectateur dans l'œuvre, cela traduit la distance incompressible qui sépare l’utilisateur du jeu vidéo. Ainsi que face à un écran d’ordinateur, le spectateur se confronte à deux plans focaux : sa propre image et, derrière ce reflet introspectif, l’objet lui-même. Cette œuvre nous plonge au centre des mécanismes du regard, elle déstabilise la perception et questionne l’outil informatique ainsi que la pixellisation des images produites par ce dernier.

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Olivier Mosset:

Yellow Trail

2005 Acrylique sur toile,

640 x 640 cm

Blue Front 2005

Acrylique sur toile, 640 x 1067 cm

Pink Slip 2006

Acrylique sur toile, 640 x 640 cm

, Ces œuvres, prêtées par la Courtesy Galerie Andrea Caratsch de Zürich, interrogent sur les données matérielles du tableau (taille, format, châssis, couleurs, mode d'application de la peinture, répétition d'un motif) Verticales, horizontales, couleurs chaudes, couleurs froides, couleurs primaires, contraste de qualité, monumentalité des toiles, environnement coloré… s'installent donc dans la salle Picasso. Le peintre revendique que toute peinture se dégage de catégories esthétiques: " La matière picturale elle-même a un caractère d'objet […] La peinture se définit certes par une pratique, mais aboutit à un objet peint qui est la peinture. Et la peinture, c'est avant tout cet objet peint qui est le résultat de cette pratique." Lorsqu'on se pose le problème de la peinture, on finit par se poser celui de la couleur. A un moment donné, l'artiste –gêné par l'inscription d'une forme sur un fond- est arrivé au bout de son travail initial sur les cercles, ce qui l'a conduit à la fin des années 80 vers les rayures, plus ambiguës dans leur perception (Fond/Forme) « Il y a quelques années, j’ai peint des toiles assez grandes. Non pour leur dimension même, mais peut-être pour rendre à la peinture son dû. Certaines d’entre elles, comme celles présentées aux Abattoirs, sont constituées de plusieurs panneaux. Les panneaux sont monochromatiques, mais les toiles ont deux couleurs, en alternance sur chaque panneau. Ces peintures sont de grand format car j’ai remarqué qu’ aux Abattoirs les murs offraient de grandes surfaces ; grâce à ce travail sur le métro, j’ai très envie de voir ce que ces œuvres donneront sur les cimaises du musée ». (Olivier Mosset ) Elles questionnent la surface et son apparente neutralité : Chaque œuvre, se présentant sous forme de polyptyque, amène à réfléchir sur le monochrome de chaque module et sur le voisinage des champs colorés. "A notre époque, la peinture est presque toujours un travail conceptuel de réflexion sur l'art; S'intéresser à ce qui n'est pas de l'art est aussi une façon de parler d'art. L'art est toujours pour moi un travail sur la forme (même s'il est informe ou sans forme)"18

Station Minimes Le monochrome définit l’intervention minimale des artistes Olivier Mosset et Damien Aspe. Dans la salle des billets, le mur du fond est peint en orangé, le plafond en bleu pastel, teintes qui évoquent le pays de Cocagne et la brique toulousaine. Au niveau de la mezzanine, le même principe et les mêmes couleurs sont appliqués, mais ces dernières sont inversées : le mur devient bleu, le plafond orangé.

Le choix des couleurs est donc primordial. Il tient à l’histoire même de la ville de Toulouse et à l’omniprésence de la brique qui lui vaut le surnom de Ville Rose. Leur inversion correspond à la double direction des voies.

18 Lionel Bovier & Christophe Chérix, " Entretien avec Olivier Mosset", in : Prise directe, 2003, Les Presses du réel

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L’architecture extérieure et le niveau des quais sont intentionnellement laissés en l’état, la première étant considérée comme une œuvre en soi et le second comme un lieu technique, où le métro est tout ce qui accapare l’œil et l’attention des voyageurs.

Là aussi, les artistes jouent sur le nom de la station en proposant une œuvre minimale pour les Minimes.

© Saada / Schneider

Repères biographiques : Le plasticien Damien Aspe vit à Toulouse depuis sa naissance en 1973. Il débute en 1994 avec la photographie, au côté de Jean Dieuzaide. Il a collaboré ou exposé avec des grands noms de l’art contemporain comme Roman Opalka et John Armlerder. Ses œuvres ont été présentées en France, en Espagne, en Suisse et en Allemagne.

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Il entame sa collaboration avec Olivier Mosset à l'occasion de ce projet pour la ligne B du métro toulousain dès 2002. Cette même année, il présente pour la première fois une série de monochromes photographiques qui redonnent à la photographie son sens premier, à savoir l’écriture de la lumière. Comme la peinture, la photographie évolue vers une déconstruction. Le plasticien vise le degré zéro de la photographie. Le papier photosensible n’est plus un simple support, il devient essentiel à l’œuvre. Il pousse cette réflexion à d’autres médiums : la vidéo, le son et plus récemment l’informatique.

Expositions en 2006 :

Le Jardin d'Helys, oeuvres - Saint Médart d'Excideuil, France

ARTEFIERA - Bologna – Italie, Galerie Sollertis

Palm Beach 3 Art Fair - Floride - U.S.A, Galerie Sollertis

Olivier Mosset est né à Berne en Suisse en 1944. Installé aux USA depuis 1977, il vit et travaille à Tucson en Arizona. Il fait ses débuts en travaillant auprès de Jean Tinguely et Daniel Spoerri. En 1966, il expose au Musée d'art moderne de la Ville de Paris une lettre A multipliée à l'infini sur des toiles blanches.

En 1967, il travaille aux côtés de Daniel Buren, Michel Parmentier et Niele Toroni (groupe BMTP : Buren, Mosset, Parmentier, Toroni) et cherche une nouvelle voie radicale pour la peinture. En 1977, le monochrome lui apparaît comme la solution la plus efficace.

En 1986, il expose à Genève des peintures dites « Néo-Géo ». Elles prolongent et actualisent les différentes recherches menées par le minimalisme, l'op' art et l'abstraction géométrique. Le plus souvent, ces œuvres sont de grands formats et composées de motifs ou de signes se détachant sur des fonds peints en aplat. Il expose et collabore avec les acteurs principaux de ce mouvement. Ainsi, depuis l’expérience du BMTP, Olivier Mosset multiplie les collaborations. En 1990, il représenta la Suisse à la Biennale de Venise. Démarches et questionnements :

"Plasticien ayant débuté sous l'oeil expert de Jean Dieuzaide, Damien Aspe présente pour la première fois à la galerie Sollertis (Toulouse), une série de monochromes photographiques qui viennent bousculer toutes les règles de construction en vigueur, pour ne garder que l'essentiel : le papier et la lumière. Totalement nouveaux tant sur un plan technique que conceptuel, ses monochromes couleurs remettent en cause les théories académiques de la photographie qui imposent un référent, un négatif et un tirage en puisant leurs racines dans l'étymologie du mot photographie (photo graphein : écrire avec la lumière). Conceptuellement, ce "retour aux sources" s'inscrit dans une évolution logique de la photographie plasticienne qui, depuis une vingtaine d'années, suit de manière plus ou moins consciente, les mêmes règles d'évolution et de déconstruction que la peinture. Soulignant sciemment le mimétisme entre la photo et la peinture, les monochromes de Damien Aspe poussent le phénomène d’écrasement de la perspective à son paroxysme pour atteindre le degré 0 de la photographie. Le papier photo qui jusqu'alors ne servait que de simple support à un négatif, devient ici, l'élément essentiel et fondateur de l'oeuvre. Minimaliste et d'une grande pureté, ce travail place le support au rang d'oeuvre. Ne se limitant pas à la photographie, ses recherches aboutissent à une oeuvre polymorphe en s'étendant aux autres médiums de l'art contemporain. La vidéo et le son, suivent rigoureusement les mêmes règles de déconstruction, à la recherche de leur degré 0. La bande et le vinyle quittent à leur tour, leur rôle de "chevalet" et deviennent par le simple fait d'être, des oeuvres à part entière." Emmanuelle Georges19

19 Voir : http://www.sollertis.com/Mosset-AspeIndex.htm

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Olivier Mosset poursuit un œuvre peint extrêmement cohérent autour des questions de signature, d’appropriation et de répétition. Éludant les enjeux de composition qui marquent l’abstraction géométrique de l’Entre-deux–Guerres grâce à sa connaissance du milieu des Nouveaux Réalistes, notamment de Jean Tinguely et au premier regard porté sur la peinture américaine dès 1964, il s’inscrit d’emblée dans le contexte d’une analyse critique de la peinture. En 1964-65, ses toutes premières œuvres évoluent du blanc intégral à l’inscription d’un A, première lettre de l’alphabet, degré zéro de la composition et du message. En 1966-1967, c’est la forme choisie qui devient signature : pour Mosset un cercle noir de 15,5 cm de diamètre et de 3,25 cm d’épaisseur, peint au centre d’un carré de 1m x 1m.

À l’occasion des manifestations organisées conjointement avec Daniel Buren, Niele Toroni et Michel Parmentier, cette figure de cible jouxte les rayures, empreintes de pinceau, bandes tout aussi neutres, choisies par les autres membres du groupe. La réalisation des cercles se poursuit jusque 1975. Au-delà de la radicalité des années BMPT, il revendique, dès 1977 par la pratique du monochrome, une vérité née de la peinture considérée comme objet. Le monochrome fait donc son entrée dans le travail de Mosset comme la solution la plus efficace pour la peinture, son état de plus grande saturation. Souvent de grands formats, comme les cinq toiles de 4 x 6 m, réalisées en 1989 par Mosset pour le Pavillon suisse de la Biennale de Venise (1990), le tableau est un espace physique à arpenter, pas seulement à regarder, développant l’une des intuitions que Matisse formulait dans ses écrits : « un centimètre carré de bleu n’est pas aussi bleu qu’un mètre carré du même bleu »… et affirmant que la peinture n’est pas un spectacle mais un fait.20 Bibliographie : Concernant Damien Aspe :

"Le Club des Cinq", in : Toulhouse, 2006 "Damien Aspe l'invisible rendu visible", in : La Gazette du Midi: N° 7980 page 23, 2006 "Damien Aspe Windows 2005", in : Toulouse Cultures : N° 223 janvier 2006 - page 45, 2006 "De la déconstruction de l'art selon Damien Aspe", in : La Dépêche du midi : - 27 décembre 2005

Concernant Olivier Mosset : Olivier Mosset, Deux ou trois choses que je sais d’elle… - Écrits et entretiens, 1966-2003, MAMCO - Ecrits d'artistes, 2005 Bernard Fibicher, Xavier Douroux, Olivier Mosset, Le Consortium ; Catalogue monographique; 1994 PISTES PÉDAGOGIQUES : Aplat Déconstruction Ecrasement de la perspective Espace littéral/Espace suggéré (avancée/recul) Couleurs chaudes/Couleurs froides Fond/forme Mélanges additifs/Mélanges soustractifs Minimalisme/Abstraction géométrique

Monochrome/Polychrome Motifs/Signes Perception/Mélanges optiques Photographie/Peinture Répétition Saturation Support photographique Tableau comme espace physique à arpenter

20 Extraits de : http://pedagogie.ac-montpellier.fr/disciplines/arts/arts_plastiques/carredart/mosset.htm

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ROMAN OPALKA

Aux Abattoirs :

Exposition temporaire :

OPALKA 1965/1 - ∞ détail 4086663 - 4110986 détail 4063710 - 4086662 détail 1574102 - 1591529 détail 4756287 - 4776968

4 acryliques sur toile (chacune : 196 x 135 cm),

enregistrement sonore Collections Frac Aquitaine,

Fnac/dépôt Musée de Grenoble Acrylique sur toile

(gros plans)

Quatre tableaux Détails, plus ou moins pâles, comme balayés par un souffle de pigment gris révélant toute leur délicatesse lorsque le regard se pose au plus près de la toile, occupent la salle, accompagnés chacun d’un enregistrement laissant entendre la voix de l’artiste énumérant ces suites de nombres en polonais.

"Je voulais manifester le temps, son changement dans la durée,

celui que montre la nature, mais d'une manière propre à l'homme,

sujet conscient de sa présence définie par la mort :

émotion de la vie dans la durée irréversible. Le temps arbitraire des calendriers, des horloges, qui ne

sont que des instruments de mesure du temps réversible, ne m'intéresse pas. Il s'efface de lui-même par la répétition qui le définit, fractions qui annulent le passé sans laisser la trace de leur durée, focalisation seule du présent.

Il y a deux "ici et maintenant" : l'un appartient à l'objet, l'autre au sujet; espace et expérience

du corps pour le sujet, dans son unité en expansion, dans sa conscience du temps dans son aspect multidirectionnel du changement d'une présence dans ses relations au passé et au devenir, créant la réalité spécifique du temps irréversible.

J'ai pris la décision en 1972, après avoir dépassé le premier million, d'éclaircir progressivement (1% environ) le fond gris foncé de chaque prochaine toile pour arriver, par cette osmose progressive entre le fond et les chiffres, au moment où les deux blancs vont se fondre,

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abolissant la différence entre une toile vierge et le Détail rempli d'un blanc pictural, le transformant par la durée en blanc mental-blanc mérité. Alors, durant un très court instant (celui que met la peinture acrylique à sécher), le nombre peint qu'accompagnera l'enregistrement sonore sera visible pendant ce seul moment où la peinture humide brillera encore, sur un fond mat, avant de disparaître totalement dans la même blancheur. Le seul indice de ma progression sera la bande magnétique où chaque nombre enregistré restera la preuve de l'exécution réelle du blanc-mérité."

Station Université Paul Sabatier

L’œuvre présentée par Roman Opalka à la station Université Paul Sabatier apparaît comme une grande toile peinte sur le mur du fond de la salle des billets. Le fond est noir dans sa partie supérieure et s’éclaircit de plus en plus dans sa partie inférieure, passant par différentes valeurs de gris pour presque parvenir au blanc. Or, ce fond n’est nullement peint : il est obtenu par des effets d’éclairage.

Un triangle constitué de chiffres blancs occupe le centre du plan. Sur la première ligne figure le chiffre 1, sur la seconde, deux fois le chiffre 2, sur la troisième, 3 fois le chiffre 3 et ainsi de suite jusqu’à la huitième ligne où apparaît huit fois le chiffre 8. La septième ligne est barrée d’un rai de lumière puissant.

Emblématique de la démarche artistique de Roman Opalka, cette œuvre nous interroge sur la durée de l’existence humaine. Œuvre existentialiste, entre sciences et philosophie, elle fait le lien entre l’espace de la station et l’université proche, lieu des savoirs, des mathématiques et de la rationalité.

Il convient d’insister sur la forte valeur symbolique qu’entretiennent les suites de chiffres identiques aux yeux de l’artiste. S’il espère parvenir à inscrire 7 777 777 (sept millions sept cent soixante-dix sept mille sept cent soixante-dix sept) sur un de ses futurs Détails, il réalise que même en travaillant chaque jour à son œuvre, il ne parviendra jamais au nombre 88 888 888 (huit fois 8). Même en ayant commencé dès la naissance, aucun individu ne pourra jamais atteindre ce nombre.

Voilà pourquoi la ligne des 7 –qui évoque la durée moyenne d’une vie humaine- est surlignée par un faisceau lumineux (une fibre optique), signalant un horizon difficilement franchissable.

Roman Opalka offre à la ligne B du métro toulousain une parcelle de sa vie, plus qu’une réflexion morbide sur le temps qui passe.

Repères biographiques : Roman Opalka naît en 1931 à Hocquincourt, de parents polonais. Il commence à peindre son œuvre en 1965 à Varsovie, puis retourne en France en 1977.

En 1965, à l’âge de 34 ans, il décide de créer une seule œuvre au cours de son existence. Il entreprend de peindre une image irréversible du temps de la façon la plus matérialiste possible. Sur des toiles de fond noir, il peint en blanc par ordre croissant les nombres en commençant par le chiffre 1, depuis le coin supérieur gauche jusqu'au coin inférieur droit du tableau.

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Chaque réalisation constitue donc un fragment d'énumération peinte de la suite de nombres. Cette énumération est enregistrée à l'aide d'un magnétophone.

Pour bien marquer le temps qui passe, il prend également une photographie de lui-même après chaque séance de travail, dans des conditions invariablement identiques : fond blanc, chemise blanche, éclairage blanc, et toujours la même expression du visage. Expositions récentes: Rencontres d'Arles, 2003 Galerie Praz-Delavallade, 06 mars 2004 - 17 avril 2004, Paris Octogone, Musée d'art moderne, Saint–Etienne Métropole, 18 mai 2006 au 23 juillet 2006 Démarche et questionnements : Les arts plastiques, à l’instar d'autres créations, expriment la problématique du temps. La démarche d’Opalka demeure cependant remarquable car insolite. Laissons place aux explications de l'artiste: "J'ai commencé par le 1 et non par le 0, étant parvenu à l'idée de tableaux-comptés non pas à partir du rien (du 0), mais de l'unité. (Les Grecs ne considéraient pas le 1 comme un chiffre, car il s'agit d'une présence non sécable en tant que signifiant d'une substance : un sujet, un monde, une vie, une réalité, unus mundus; seul le 2 débutait la série réelle des chiffres naturels, à la fois multiples et divisibles). Du un vient le deux, du deux le trois, du trois le quatre, la somme de quatre premiers signes formant la célèbre tétrakys pythagoricienne. Avec la même émotion, j'apposais le chiffre 2 (répétition et division, dualité du couple symbolique Adam et Eve), puis le 3 (premier chiffre multiple impair, triangulaire dans sa représentation), le 4 (premier carré autour des points cardinaux et ouverture géométrique de l'espace-temps, "ordre" dont ses composants possèdent des propriétés que chacun des éléments ne présentait pas jusque-là, et dont la somme n'est pas seulement quelque chose d'autre mais quelque chose de plus), le 5 (point central du carré comme le rappelle C.G.Jung), puis les 6, 7, 8, 9 et les chiffres (plus "neutres") qui suivent.

Sans instrument de mesure, je traçais tous ces chiffres, toujours soucieux de ne pas dépasser la dimension moyenne graphique des chiffres et des distances entre les nombres, préoccupé par la lisibilité de l'écriture dont l'échelle dépend de la taille des Détails: :196 x 135 cm. Ces dimensions ont été prévues pour l'ensemble du programme (sauf en ce qui concerne les Cartes de voyage) et déterminées par le rapport anthropométrique (proportions que l'on retrouve pour les mêmes raisons en architecture) et par la possibilité optimale d'un homme moyen à porter un Détail, les bras écartés. J’emploie un pinceau n° 0 (numérotation du plus petit diamètre d'une série de pinceaux) dont la dimension m'apparaît la mieux adaptée à mon travail. Pour chaque Détail suivant, afin d'éviter de trop grandes fluctuations de traits de peinture que donnerait un pinceau déjà usé, j'utilise un nouveau pinceau. Je reste attentif à la hauteur de l'écriture en maîtrisant l'écoulement de la peinture de telle sorte qu'elle ne déborde pas du pinceau par des touches trop appuyées, risquant de provoquer des épaisseurs exagérées du trait du chiffre par rapport aux proportions graphiques des signes qui perdraient alors leur lisibilité.

Tous ces points se sont précisés dans leur évidence naturelle, comme une respiration normale, avec l'expérience.. Lorsque ma promenade prend une fausse direction, je ne l'efface pas mais je reporte le dernier nombre qui précède l'erreur (remarquée) à la suite de la série de nombres interrompus, au moment où je me suis aperçu de ma faute, continuant ainsi la juste progression, et laissant la trace de mon erreur qui est alors la preuve indéniable de la véracité de la structure du temps irréversible.

Il est devenu évident que la marque la plus distinctive de mes tableaux se présente dans leur structure rythmique : on dirait des allers et retours, mais toujours différents du fait de l'avancement des

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nombres, de leurs relations chronologiques, de leurs lectures diagonales et verticales, marquant leur raison d'être, dans la différence de quantité de peinture dont la fluidité plus ou moins grande permet parfois de n'écrire qu'un seul nombre ou bien deux ou trois, et d'arriver même à six nombres. Après avoir trempé le pinceau dans le gobelet, les chiffres sont d'un blanc bien présent, mais au fur et à mesure que la peinture se raréfie sur le pinceau, ils deviennent de plus en plus transparents sur le fond, pour apparaître à nouveau clairs et bien visibles lorsque je reprends de la peinture qui ne reste jamais la même dans sa consistance; de temps en temps j'ajoute quelques gouttes d'eau dans le gobelet si elle me paraît trop épaisse pour bien l’étaler, ou au contraire, quelques doses de peinture si elle me semble trop liquide.

Je suis privé de toutes les possibilités de diriger le résultat naturel, presque "organique" par mes différents états psychiques et les conditions physiques qui les accompagnent pendant la réalisation du programme. J'arrive par ces transformations à de larges mouvements variés qui s'impriment sur les Détails auxquels s'ajoutent les variations des semaines, des mois sur le même tableau et sur tous les Détails, les modifications des années dans des étapes plus longues, voire des décennies : phénomènes dus en partie à certaines dégradations physiques liées au vieillissement, et au fait conscient du principe prévu de mon programme. La difficulté augmente lorsqu'il s'agit de peindre des chiffres blancs qui s'estompent sur un fond de plus en plus blanc, pour chaque tableau-Détail, environ 1% de blanc en plus (aujourd'hui déjà très clair, ce qui peut être angoissant et fascinant à la fois ), proche du blanc où les empreintes des nombres sont déjà ardues à percevoir. Il est encore possible de les distinguer sans qu'il soit nécessaire de les enregistrer tous sur une bande magnétique, l'un après l'autre, prononcés en chuchotant en langue polonaise, parallèlement à leur tracé.

Je continue aujourd'hui ce que j'ai commencé il y a trente et un ans, et j'ai décidé de ne rien changer. Pour la cohérence de ma démarche, rien ne doit être modifié consciemment. En revanche l'enregistrement de tous les nombres sera inéluctable dans le futur... , s'il m'est donné.

Si j'avais débuté depuis le jour où j'ai appris à compter et même si cela avait été possible depuis le jour de ma naissance, travaillant jour et nuit, sans m'arrêter, je ne serais jamais parvenu à l'étape 88888888 (quatre vingt huit millions huit cent quatre vingt huit mille huit cent quatre vingt huit) qui ne peut que se manifester comme une conception virtuelle et restera à jamais hors d'atteinte humaine dans les séquences écrites, ou seulement prononcées, de la progression des nombres depuis le 1. J'ai décidé d'intituler la totalité de ce programme, du début (1965 / 1) à la fin ( ∞ ): OPALKA 1965/1-∞.

Une question de première importance se révéla être celle de la justification fondée de la démarche : comment adopter une position envers la durée qui ne peut être visualisée par le seul résultat de nombres peints alors que tout être humain est obligé de se confronter, chaque jour, à d'autres obligations ? Comment partager le temps de la création de celui d'autres occupations quotidiennes ? J'ai adopté une position semblable à celle du monde professionnel avec lequel je voulais partager un rapport identique entre heures de production et moments remplis par d'autres activités nécessaires à la vie, au repos. De ce point de vue là, je ne visualise que la trace du temps que je consacre à mon programme. Un problème du même ordre était de trouver une solution aux possibles voyages de longue durée à prévoir, et qui pourraient être une cause d'interruption de mon entreprise, provoquant une perte d'habitude ou une fuite inconsciente et compréhensible par la difficulté de la réalisation de mon idée, même si en réalité, c'est le contraire qui se passe. Chaque voyage, aussi court fut-il m'attristait de ne pas pouvoir " capter " le temps. J'ai pris la décision de diminuer ces interruptions en réalisant des dessins que j'appelle "cartes de voyage", écrits à la plume et à l'encre noire sur un papier format 33,2 x 24 cm. Mais il fallait que je puisse, avant mon départ, achever un Détail peint pour être capable, à partir du dernier nombre qui le termine, d’inscrire le nombre suivant en haut à gauche de la feuille de papier. Revenu dans mon atelier, je terminais la "carte de voyage", avant de poursuivre sur un prochain Détail peint, ma progression numérique par le nombre suivant celui qui achève la "carte de voyage". Ainsi je continuais toujours la même progression dans différents Détails, remplis d'une autre quantité de nombres non seulement par rapport à leur format évident mais aussi par les diverses raisons subjectives ou objectives déjà évoquées du processus lui-même, et qui font que je suis incapable de les refaire, de maîtriser tous les facteurs d'exécution et naturellement d'en prévoir le résultat exact

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semblable à la vie organique et psychique qui fonde notre intérêt parce que l'on ne connaît rien, jusqu'à sa fin, dans ses conséquences imprévisibles.

Une seule catégorie de Détails comporte une durée parfaitement identique: l'instant d'ouverture et de fermeture de l'objectif, correspondant au nombre et au moment où je me suis arrêté de peindre, afin de le fixer par une photographie de mon visage qui devient aussi un Détail de ce moment précis : captation du temps sur mon corps enregistrant les changements du temps défini par les nombres que je trace, du temps au-delà de la numération, celui du sommeil et des autres activités de ma vie. Clichés réalisés dans l'atelier, à la fin de chaque journée, essayant toujours de garder la même expression impavide, dans les mêmes conditions d'éclairage, de distance entre le Détail-tableau et l'appareil de photographie (à cet effet, je porte toujours le même type de chemise blanche). Aujourd’hui, presque six millions d’autoportraits ont été réalisés. Ce sont des témoignages qui manifestent "le changement dans la durée, celui qui montre la nature d’une manière propre à l’homme, sujet conscient de sa présence définie par la mort, émotion de la vie dans la durée irréversible" (Opalka) Ils incarnent la fragilité de l’être, voué à l’effacement progressif et à la mort, mais aussi sa force de vie. La fixité du regard révélée par les photos signale l’acuité d’une conscience qui déchiffre le réel et qui livre son propre combat contre la dilution. Ce regard, c’est le point d’accroche des photos en noir et blanc, lumineuses, qui soulignent les traits du visage, ces marques silencieuses du temps. Le nez, les lèvres se détachent nettement et leur présence contraste avec la sensation d’évanescence produite par la chevelure dont les teintes varient au gré des vues.

Depuis le début, il me semblait que la conception de ma démarche était très évidente : l'image de la vie, de son commencement à sa fin. Moi, je préfère approfondir une seule chose, une oeuvre. Je suis devenu un artiste à la manière d'un philosophe mais qui préfère être artiste tout en demeurant philosophe. Je suis devenu un créateur pour lequel vie et création sont deux sujets inséparables; il n'y a plus d'acteur et d'auteur, il n'y a plus qu'une seule existence : Faust et Monsieur Teste à la fois. On peut comparer ma vie à une performance semblable à toutes les vies actives, à tous les défis possibles, ceux d'un océanographe ou d'un alpiniste ou encore à la manière d'un artiste donnant, au cours d'une soirée, un happening de quelques heures, avec la différence qu’ici il s’agit de la durée d’une vie. Pour toutes ces motivations, il est impossible, et cependant justifié, de comparer mon travail à des tableaux, à des dessins ou à d'autres objets d'art contemporain, photographies comprises..." Bibliographie : F. Barré, L. Hegyi, M. Nuridsany, A. Bonito-Oliva, R. Opalka et P. Piguet, Catalogue Roman Opalka, octogone, Editions un, deux... quatre éditions, 2006. Roman Opalka, OPALKA 1965 / 1 - ∞, Paris 1992, Flammarion 4 / La Hune libraire éditeur Roman Opalka, Rencontre par la séparation, München, Verlag Walter Storms, 1991 Bernard Lamarche Vadel, Roman Opalka, Denys Riout, David Shapiro, OPALKA 1965 / 1 - ∞, Tours 1986, Centre de création contemporaine, La Différence Bourriaud Nicolas, "Opalka", in : Beaux-Arts Magazine, supplément FIAC, 1989, pp. 50-51 Bourriaud Nicolas, "Vies d'artistes", in : Art Press, N° 153, déc. 1990, p. 88 Baudson Michel, "Opalka 1965/1 - ∞ : de la durée ontologique", in : Artstudio, été 1991, pp.95-100

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Catherine Frohic, Roman Opalka, Martine Le Gac, "OPALKA 1965 / 1 - ∞ ", in : NINETY, Art des années 90, 1977 - 1997, 20 ans, Paris, n° 23 PISTES PÉDAGOGIQUES : Apparition/Disparition ; Lisible/Illisible ; Visible/Invisible Art et Voix Complémentarité des médiums adoptés (peinture, photographie, enregistrement) Contrastes Dégrader/Estomper Détail (Cf. Daniel Arasse : partie, découpe…) Empreinte Fragment/Œuvre unique Peinture/Graphisme Performance Règles du jeu/Rituel/Programme/Démarche Répétition Sens de lecture Structure rythmique Temps/Vieillissement/Mort

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CORINNE SENTOU

Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Sans titre 1996

Ensemble de 5 éléments Oeuvre en 3 dimensions

Papier et épingles 195 x 120 x 3 cm

Collier 1999

L'oeuvre se déploie au sol selon diverses configurations 3030 perles de résine rose accrochées sur du fil en nylon

Largeur : 10000 cm

« Native de Toulouse, où elle a fait ses études à l’Ecole Supérieure des Beaux-arts, Corinne Sentou fait partie des jeunes artistes de la région dont l’audience s’accroît de manière significative sur le plan national. Son travail peut être qualifié de sensible et parfois minimal en ce qu’il repose souvent sur des impressions et des processus simples, qui nécessitent cependant parfois des mises en œuvre importantes. Ainsi de la sculpture Collier, puisqu’il s’agit effectivement d’une sorte de collier géant de 100 mètres de long constitué de 3030 perles de résines patiemment mises bout à bout. L’œuvre se déploie au sol selon diverses configurations, toujours identique et jamais la même. Sorte de sculpture caméléon, cette pièce répond aux concepts de fluidité, d’enchaînement, d’amplification et de dilatation que l’artiste aime à expérimenter. » Pascal Pique

Exposition temporaire :

In her arms I could be light

2007 PMMA noir, setacryl, 139 x 125 x 1,3 cm,

bande-son de Victor Carlier (projet)

Sur les murs peints en rose (Pantone 806 rose fluo, couleur "support d'histoire"), dans une atmosphère chromatique prégnante; se détachent

des silhouettes fantastiques qui incitent chacun à s'inventer des récits. Des dessins, des personnages -découpés dans de l'adhésif velours noir Vénilia- habitent les pans latéraux, tandis qu'un bas-relief occupe le mur central. Les motifs, issus d'une création sur palette graphique, constituent une banque de données. Les figures proposées sont donc des mixages et assemblages d'images pré-produites. Elles représentent, pour l'artiste, une référence fabuleuse et extravagante. Nous sommes confrontés à un ailleurs créant une sorte d'espace des possibles. Le son est un élément à part entière dans le dispositif et joue un rôle essentiel. Corinne Sentou a passé commande d'un enregistrement à Victor Carlier, musicien, le laissant libre d'inventer une

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histoire sonore à partir du titre et des motifs. Le désir de construire un environnement plus stimulant pour nos sens est manifeste.

Station La Vache

© Chassat Michel © Saada/Schneider

Pour la ligne B du métro toulousain, Corinne Sentou invente une salle des billets magique baignée par la lumière. Face à l’entrée de la station La Vache, passage obligé pour tout usager, elle invente un « mur arrondi », en fait, une structure en acier inoxydable de forme cylindrique rétro-éclairée. Sa surface miroitante percée de nombreux trous filtre une lumière de couleur rose. La notion de mur s’efface au profit d’un rideau de lumière qui se donne à voir au moment même où le voyageur entreprend la descente vers les quais.

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Repères biographiques : Née en 1964 à Toulouse, Corinne Sentou vit et travaille à Paris. L’une de ses préoccupations artistiques majeures est la question du devenir et du temps. Son travail prend tour à tour les formes du découpage, du pliage, de la peinture et du dessin. Elle interroge notre sensibilité dans la multiplicité de ces modes d’expression.

Le rose est également omniprésent dans son travail. Corinne Sentou participa en 2001 à la manifestation Le BHV inspire les artistes, dont l'affiche rose habillait déjà les couloirs du métro (parisien, cette fois-là). La même année, elle collabora à l'exposition Psyclom-clom epidémik rose aux Abattoirs en exposant une pelote en fibre optique.

Les collections publiques du Fonds National d’Art Contemporain, du Frac Haute-Normandie et des Abattoirs de Toulouse comptent les œuvres de Corinne Sentou parmi leurs acquisitions.

Par ailleurs, auteure (Cf. L'herbier : Album d'artiste à colorier ou Bestiaire à colorier - Fondation Cartier pour l'art contemporain, Paris- parus en avril 2007), Corinne Sentou mêle dans ses dessins l'art de la représentation, de l'illusion, et du mouvement. Figures végétales ou animaux fantastiques, tous étonnamment symétriques, éveillent l'imaginaire. Les points de vue s'inventent, le récit s'installe. De mots en images, ces albums sont autant livres d'artiste que cahiers de coloriage ; ils invitent enfants et adultes à entrevoir un ailleurs merveilleux.

En parallèle à son travail artistique, Corinne Sentou produit des objets de design notamment pour Hermès, Cartier et Agnès b. Démarche et questionnements : Corinne Sentou crée des figures imaginaires et symboliques, des mythologies modernes, en jouant de codes visuels empruntés à différents domaines artistiques. Elle construit des espaces, des sculptures, en découpant, pliant, peignant ou dessinant tous types de formes. Ses mises en scène délicates sont régies par un principe de symétrie : la question du double jeu entre réalité et immatérialité. Dans ses œuvres, la ligne - instauratrice d’ornement, de géométrie, de concept, de déplacements divers, mais aussi de continuité et d’interruption - participe souvent d’un principe d’incertitude soigneusement composé : Corinne Sentou agit en laissant évoluer chez le spectateur attentif ce qu’elle a posé. La tension provient de ce qui apparaît comme tangible alors que l’insaisissable surgit sans cesse. Si l’on compare les œuvres de l’artiste (les lignes de perles roses, la multitude de structures angulaires, de cercles évidés ou pas, dont témoigne le catalogue Usual Place), il est clair que les jeux de forme, de couleur, d’espace, et parfois de son, constituent des combinaisons infinies d’environnements. Le rose, le jaune orangé participent de la mise en espace : le pouvoir hypnotique de la couleur crée un espace indéfinissable, néanmoins présent. Le plaisir visuel est associé à une volonté de légèreté, en puisant allègrement dans un rigoureux répertoire de formes. L’artiste, dans un texte récent intitulé Indications, définit ses dessins comme « des indices, une trace, un reste matériel d’une vision diffuse ». Si Corinne Sentou est sensible à l’œuvre de Barnett Newman ou de Kenneth Noland, ou, dans un autre sens, aux installations d’Annette Messager, elle affirme une très grande maîtrise de l’espace, sans concéder à la séduction des effets. Car il s’agit plutôt de troubler les évidences, en faisant de la sculpture un réceptacle de formes déclinables ainsi qu’une densité colorée qui interroge la limite de ces formes mêmes. Ses problématiques de travail s’articulent autour de l’agencement et du désir. Du rose omniprésent aux dessins-découpages, elle redonne à voir l'espace et le temps comme condition de notre sensibilité et propose un nouveau territoire à travers des oeuvres en devenir aux formes multiples. Trois dimensions sont explorées : l’onirisme, la fiction et la réalité. Gilles Deleuze définissait le désir comme un agencement de quatre éléments : l'énoncé, le style, le territoire et la déterritorialisation. Corinne Sentou est aussi dans cette problématique de l'agencement et du désir. Du rose omniprésent aux dessins-découpage, elle parcourt le territoire de notre modernité, inventorie les formes du temps.

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Enfiler des perles (collier de perle 1999), peindre en rose des fils, (fil plastique peint, 2000), réaliser des pliages (installation en polystyrène extrudé) et autres travaux manuels... qu'est-ce que cela véhicule encore aujourd'hui dans nos mentalités ? On ressent derrière cette œuvre aux aspects tranquilles, une violence contenue quant au discours normé sur le geste artistique et la place de la femme artiste. Bibliographie : Philippe SAULE, "Corinne Sentou", in : Catalogue Galerie Eric Dupont, 23 oct - 27 nov 1999 Anne KERNER, "BHV Contemporain", in : Beaux-Arts magazine, n° 202, mars 2001 PISTES PÉDAGOGIQUES : Combinaison Continuité/Interruption Couleur Double jeu et symétrie Effacement du support Environnement/Installation/Agencement Figures imaginaires/Figures symboliques Forme/Couleur/Espace/Son Ligne Lumière Mise en œuvre/Mise en scène Processus Réalité/Immatérialité Remise en question des catégories traditionnelles/Multiplicité des domaines artistiques Sculpture/Dessin/Découpage/Pliage/Peinture Structure Temps et devenir Traces/Indices

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BERNAR VENET

Aux Abattoirs :

Dans la collection :

Noir noir XIV 1963

1/10 1988 Tireur : J.F. Malamoud

- Epreuve aux sels d'argent 47,5 x 36,6 cm

Noir noir II 1963

1/10 1988 Tireur : J.F. Malamoud

- Epreuve aux sels d'argent 47,6 x 36,6 cm

Noir noir IX 1963

1/10 1988 Tireur : J.F. Malamoud

- Epreuve aux sels d'argent 47,6 x 36,6 cm

Bernar Venet est aujourd’hui un artiste internationalement connu. À ses débuts, en 1961, le noir l’obsède et surtout le goudron, avec lequel il réalisera la plupart de ses peintures. Les idées foisonnent, son travail se structure et le début d’une œuvre émerge, sobre et rigoureuse. Outre quelques peintures qui ont survécu à cette période, on retient les précieux documents photographiques. Son fameux Tas de charbon, sa performance dans les détritus, ses photographies, ses tableaux au goudron, son film tar-macadam, sa composition musicale Gravier-Goudron sont autant de gestes radicaux qui gardent toute leur actualité Soutenu par un climat de création très dynamique, entouré d’amis artistes qui, eux aussi, canalisent leur énergie vers les limites de l’imaginable, Bernar Venet va pouvoir développer un travail qui, aujourd’hui, quatre décennies plus tard, continue à surprendre en gardant toute sa fraîcheur.

Undetermined line mai 1986 Sérigraphie 62,6 x 55 cm Indéterminée, cette ligne l'est sur le plan géométrique, puisqu’elle tend alternativement vers l’horizontale, la verticale ou l’oblique tout en conservant une morphologie circulaire. C’est précisément ce mouvement concentrique dont elle semble avoir été animée qui lui confère sa puissance un peu inquiétante.

Exposition temporaire :

83.5° arc x 9 acier patiné noir, 117 x 39 x 62 cm, 2006 ; 11 Straight Lines acier patiné noir, 103 x 31 x 51 cm, 2007; 99.5° arc x 23 acier patiné noir, 31 x 27,5 x 83 cm, 2006 ; 83.5° arc x 14 acier patiné noir, 17 x 23 x 90 cm, 2006 ; 222.5° arc x 13 acier patiné noir, 51 x 47 x 58 cm, 2006 ; Collection particulière

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Les arcs, dont l’artiste fait varier la dimension, ouvrent la sculpture à l’espace. Considérons attentivement les titres : pas de code secret, malgré les apparences ; juste une indication sur la portion de cercle utilisée et le nombre de modules dont est constituée chaque sculpture.

En les faisant légèrement basculer (en variant leur point de tangence au sol), Venet obtient des silhouettes élancées et singulières, étrangement dynamiques.

« Une première évidence dans mon travail : il m’est difficile de nier la présence du matériau sur mes intentions. Mes sculptures, c’est l’histoire de leur fabrication et de la résistance du métal. Epreuve de force et combat mené entre la barre d’acier et moi-même. « Qui » fait « quoi » à l’autre ? Une lutte entre la volonté de l’artiste et la nature rigide de la barre laminée [...] Je propose des directions alors que je suis dirigé par la barre d’acier qui résiste et ne cède pas à ma volonté de domination…jeu de concessions où il me faut laisser à la barre son autonomie. Le résultat ? Un témoignage du geste forgeur et des possibilités de la matière que je ne transforme pas au-delà des caractéristiques naturelles. »

Maquettes à mettre en regard de la sculpture située en extérieur :

222.5° arc x 5 Acier corten,

Hauteur 410 cm 1999 ;

Collection particulière

Station Barrière de Paris

© Saada / Schneider

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Bernar Venet est le seul artiste de la ligne B à proposer une intervention extérieure à la station. Une sculpture métallique en acier corten21 se dresse à une hauteur de 25 mètres. Composée d’un socle et de deux arcs verticaux de taille différente s'unissant dans leur partie la plus élevée, cette structure sera identifiable dans la ville depuis une grande distance.

Il s’agit de créer un repère visuel fort à l’entrée nord de Toulouse et d’ancrer le métro dans la vitalité de la ville. L'œuvre fait donc office de signal.

Le choix du matériau n’est pas anodin. L’acier corten, appelé également acier patinable ou auto-patinable, est une matière brute à la tonalité chromatique changeante. La présence de cuivre, de nickel et de chrome dans sa composition le protège contre la corrosion et assure la pérennité de l’œuvre.

Plusieurs points de vue s’offrent donc au regard : variation de la distance, mais aussi contre-plongée invitent le regardeur à chercher le plus de vues différentes de cette sculpture.

Repères biographiques : Né en 1941 à Château-Arnoux, Alpes de Hautes Provence.

Vit et travaille à New York, USA.1961

1963/64 - Décide de se consacrer uniquement à l'art et développe ses peintures au goudron. Première sculpture Tas de Charbon sans forme spécifique. Commence la série des reliefs en carton (peintures industrielles). Développe une amitié avec certains des "Nouveaux Réalistes" à Paris (Arman, César, Hains et Villeglé), qui lui offrent de partager des expositions avec eux. En 1964, il expose au Musée d’art moderne de la Ville de Paris et commence un nouveau travail basé sur l’usage des mathématiques.

21 L’acier à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique est connu sous différents noms de marque comme CORTEN, INDATEN, DIWETEN. Il a notamment été utilisé par Fuksas pour la réalisation de l'entrée de la grotte de Niaux

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1966 - Premier séjour à New York en avril-mai. Sculptures Tubes et dessins industriels de tubes. Découvre l'intérêt des plans, dessins industriels, diagrammes mathématiques et réalise ainsi ses premières oeuvres "monosémiques". En décembre, installation définitive à New York. . Par ailleurs, il crée Graduation, un ballet conçu pour être dansé sur un plan vertical (qui sera présenté à l’Opéra de Paris en 1988)

1967/68 - Développe son travail conceptuel et réalise des oeuvres "non visuelles" sur bandes magnétiques pour mettre l'accent sur le contenu et non sur les caractéristiques visuelles. Premières expositions de ses œuvres conceptuelles, notamment à Prospect 1968, à la Kunsthalle de Düsseldorf, aux côtés de Beuys. Acquisition par le MOMA d'une de ses œuvres.

1969/75 - Arrête sa production artistique pour raisons théoriques. Retour à Paris. Ecrit sur l'art conceptuel et sur son propre travail. Enseigne à la Sorbonne, donne des conférences en France et en Europe.

1976/79 - Retour à New York, reprend sa production artistique. Premières toiles de la série Angles et Arcs, Reliefs en bois : Angles, Arcs, Diagonales et premières Lignes Indéterminées. Commence à réaliser en acier ses sculptures composées de deux arcs. En 1977, il expose à la Documenta VI de Kassel en Allemagne et participe l’année suivante à la Biennale de Venise.

Il revient sur le devant de la scène artistique internationale dans les années 80 en tant que sculpteur. Ses structures monumentales en acier constituent donc trois séries : Lignes indéterminées, Angles aigus et Arcs.

L’expérience de l’espace public devient l’un des enjeux de son travail. Ses sculptures séduisent de nombreuses villes européennes ainsi que la ville de New York et lui valent des commandes publiques d’envergure.

1991/94 - Commence la série des reliefs composés de flèches, Directions arbitraires et simultanées. Travaille sur les premières sculptures Barres Droites. Exposées sur le Champ de Mars en 1994 sur une invitation de Jacques Chirac, alors Maire de Paris, douze des Lignes indéterminées sont découvertes par le public.

1995 - Développe ses nouveaux travaux sur le thème de la ligne droite Accident Pieces. Nouveaux reliefs en acier oxycoupé Surface Indéterminée.

1996 - Reprend un travail commencé en 1980, Surface Indéterminée, mais avec des plaques d'acier de 35 mm d'épaisseur.

1999 - Installation à Cologne d'une sculpture 4 Arcs de 235.5°, à l'occasion du sommet du G 8. Commande publique pour la nouvelle université de Genève.

En 2002, le Centre Pompidou lui consacre une « revue parlée ».

New York accueille des sculptures de la série Lignes indéterminées en 2004.

La société des autoroutes Paris−Rhin−Rhône décide en 2006 de réaliser son œuvre Arc majeur pour l'autoroute A6.

Jusqu'au 7 octobre 2007, Bordeaux propose un rendez-vous artistique fort en installant ses oeuvres sur ses places et dans ses parcs. En accueillant douze sculptures en plein air -dont certaines seront spécialement produites pour l’occasion -, Bordeaux devient la première ville en France à proposer à l’artiste d’investir, de s’approprier et de perturber l’ensemble des espaces publics, fraîchement rénovés Démarche et questionnements :

La carrière de Bernar Venet connaît deux périodes : la première de 1961 à 1970, le voit se détacher de la notion traditionnelle d’œuvre d’art et prendre part aux expériences les plus radicales de l’art conceptuel ; avec la seconde, qui débute en 1976, il se consacre à la création de formes et de sculptures inspirées par son expérience précédente.

Dès 1967, il précisait : "Mon travail est un manifeste contre la sensibilité, contre l'expression de la personnalité de l'individu. Dans mon oeuvre, la dernière manifestation de ma personnalité, mon dernier choix, aura été d'opter pour l'objectivité"

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À partir de 1976, B. Venet, qui revient officiellement à la pratique artistique, opère une relecture de son travail antérieur. C’est l’époque des Angles et des Arcs. L'expression mathématique est alors mise en relation avec un objet qui le représente aussi objectivement que possible comme si les éléments plastique et mathématique se reflétaient exactement et se refermaient sur l'idée d'un espace purifié, parfaitement transparent -explorant majoritairement une réflexion menée sur la "variation de l’arc".

" Les sculptures en acier réalisées en 1983 font suite aux reliefs réalisés en bois et couverts de graphite. Simples formes élémentaires (arcs, angles, diagonales) au départ, ces œuvres étaient devenues de plus en plus complexes, volumineuses et épaisses. Leurs lignes plus ou moins spiralées se superposaient et cherchaient à se désolidariser du mur. Mes premières maquettes en acier m'ont aidé à concevoir enfin la possibilité de réaliser des œuvres inscrites dans l'espace, libérées de la contrainte murale. J'ai pu ainsi m'engager avec davantage de conviction dans le champ de la sculpture.

La technique tout à fait unique que j'ai développée, et que j'utilise toujours pour tordre mes barres d'acier, m'a permis de produire un travail très éloigné de la tradition constructiviste aussi bien que des solutions adoptées par les artistes de l'art minimal, comme les géométries à caractère sériel ou les progressions mathématiques", déclare-t-il

La dimension monumentale des sculptures qu’il réalise les années suivantes, ainsi que leurs

matériaux – souvent de l'acier brut qui est directement issu du laminoir et qui s'impose par une présence extrêmement physique, voire quasi-expressionniste – ont contribué à faire oublier quelque peu que ces pièces répondaient toujours à une problématique mathématique ou géométrique. Cela concerne aussi les Lignes indéterminées dont il dit que si elles n’étaient pas « déterminées mathématiquement », elles découlaient pourtant bien d'une réflexion sur les « lignes » précédentes qui, elles, dépendaient strictement d’un référent mathématique. Il s'agissait donc, comme pour les Aléatoires, d'un moment dialectique où la forme plastique se mesurait – fût-ce négativement – à l'idée d'un code transparent dont les mathématiques étaient le modèle le plus évident

" Lorsque je suis dans l'atelier des Vosges et que je travaille sur les " lignes indéterminées ",

cela se passe toujours dans un processus d'improvisation permanent. Les ingénieurs n'ont aucun rôle dans la réalisation de mes pièces. Un ouvrier de l'entreprise me facilite la tâche quand je dois soulever des cales ou des broches d'acier, tout un outillage trop lourd que j'utilise en permanence. Cet ouvrier m'aide également s'il est nécessaire de chauffer un point précis de la barre d'acier.

Les ingénieurs n'ont véritablement un rôle à jouer que pour des sculptures de très grande dimension. Des problèmes de poids, de fondations, de prises au vent doivent alors être pris en considération, et leurs études s'avèrent indispensables à la solidité de l'ensemble.

J'utilise également les services de techniciens spécialisés pour tout ce qui ne concerne pas " l'indéterminé ", c'est-à-dire plus particulièrement les lignes droites, les angles et les arcs. Ces pièces sont réalisées en grand, à partir de maquettes d'abord improvisées à mon atelier, dans des dimensions relativement modestes (de quarante à quatre-vingt centimètres de hauteur). La réalisation des grandes pièces est ensuite confiée à une équipe avec laquelle je collabore depuis quelques années et qui maîtrise parfaitement toutes les techniques de l'acier. La réalisation de ces maquettes me permet de découvrir de nouvelles directions dans mon travail."

Les sculptures monumentales de Bernar Venet marquent un point culminant dans son

processus artistique, dans lequel l’emplacement de l’œuvre joue un rôle essentiel. L’artiste crée un dialogue non seulement avec l'environnement urbain immédiat - en tenant compte des multiples contraintes liées à l’urbanisme : sécurité, charge au sol, taille des œuvres par rapport à l’espace, équilibre esthétique, confrontation avec l’espace public et l’architecture, intégrité des oeuvres in situ-, mais aussi avec le grand public. Les Lignes indéterminées confrontent deux forces : la force intrinsèque de la matière et de la forme, et la force plus extrinsèque qui définit l’espace entourant la sculpture. Selon Bernar Venet, les Lignes indéterminées créent «une altération, une désorganisation, une perturbation» de l’espace. Pour Catherine Millet, elles «se déploient dans l’espace mais sans négocier avec lui. Elles ont fonction non de définir l’espace mais de le rendre aussi indéterminé qu’elles».

Quand elles sont groupées, solidaires ou mitoyennes, les lignes semblent échouées là comme

après un cataclysme qui leur aurait donné leurs formes tortueuses. Sous la main de l’artiste la forme devient difformité et les lignes recroquevillées, comme traumatisées, s’appuient parfois les unes contre les autres comme pour trouver leur équilibre, confuses et empruntées.

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Les nouvelles Lignes indéterminées sont beaucoup plus aléatoires, moins contrôlées, afin de libérer davantage la sculpture de toute contrainte de composition et de "l’utopie d’un ordre idéal".

Elles témoignent d’un dur combat que l’artiste a mené avec la matière pour la plier (au sens propre) à sa volonté, tout en lui concédant une certaine autonomie, et en maintenant sensibles ses caractères propres : la couleur (rouille ou noire), le poids, la rigidité et la froideur du métal qui a été chauffé.

La taille des Lignes indéterminées de Venet invite le spectateur à s’approcher, bien qu’elles ne semblent pas issues de la main de l’homme, sauf à imaginer un géant démiurge capable de les plier comme du vulgaire fil de fer. En effet, ces rubans d’acier enroulés sur eux-mêmes, dépourvus d’éléments soudés ou rapportés, portent les stigmates du combat entre l’acier et l’artiste : arêtes vrillées, brutalité de certains coudes et sections arbitraires. C’est la puissance du geste de l’artiste, la force nécessaire pour ployer ces poutrelles et sa victoire finale sur la matière qui apparaissent.

Bibliographie : Bernar Venet, Donald Kuspit, Philippe Piguet, Nadine Descendre ; Bernard Venet : Le sublime par les mathématiques, Editions de l'Yeuse, 2004 Bernard Venet. Lignes indéterminées : l’espace de la perturbation, Paris, galerie Jérôme de Noirmont, 2004 Bernard Cesson, Bernar Venet, Histoire de l'arc ; sculptures, peintures et dessins, 1966-2004 ; Somogy, 2004 PISTES PÉDAGOGIQUES : Abstraction/figuration Art conceptuel Art et architecture : Contraintes architectoniques (poids/prise au vent, fondations, solidité) Art et improvisation Art et mathématiques Couleur/Poids/Rigidité Echelle/Proportions Equilibre Espace: investir, s'approprier, perturber, désorganiser Gestualité expressive In situ : Espace public et commandes Insertion dans un site urbain Léger/Monumental Lignes: Sculpture/Dessin Maquette/Proportions/Echelle Matériaux des sculpteurs Mouvement/Dynamisme Points de vue Posture de l'artiste/Prouesse technique Répéter pour changer : notion de série Rôle des assistants et de l'artiste Rôle dévolu au spectateur Signal Torsion

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MICHEL VERJUX

Aux Abattoirs :

Exposition temporaire :

Espace initial Avec Eclairage

Deux projections de lumière en travers et en bas de l’escalier, 2007

2 projecteurs à découpe, dim. variables

Deux projecteurs, deux faisceaux lumineux : mais qu'est-ce donc qui fait œuvre ici? De quel trouble s'agit-il? Tout semble se concentrer en un geste minimum…et pourtant suffisant : la projection. La lumière devient matériau ouvrant sur la perception de la réalité environnante et interroge le statut même du geste artistique.

Ce sont des portions de l'espace même du musée que Michel Verjux met en évidence, instantanément saisies par l'œil, sans véritable réflexion. L'architecture de l'escalier donnant accès à la salle Picasso est l'un des terrains de jeu de son Eclairage. Le cercle du faisceau lumineux se voit "démonté" par les pans de murs (supports multiples) sur lesquels il bute. Il s'inscrit alors dans un parcours chaotique mêlant rebondissements, tensions, surprises. Ces jeux de lumière dans et sur l'espace démontrent une forte sensibilité au lieu investi, un regard curieux capable de repérer les endroits susceptibles d'étonner le plus possible le spectateur et de générer une grande émotion.

Dans l'angle gauche de la salle, le faisceau ascendant ne rencontre nul obstacle. Aucun obstacle intermédiaire ne vient occuper le regard. Faute d'objet et d'ombre portée, l'accessoire disparaît au profit d'une architecture à vif.

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Le regard du spectateur est ainsi conduit à scruter ce que d'ordinaire, par habitude, il ne voit plus.

"J'espère qu'il y a la possibilité d'entretenir un rapport avec le plaisir, la beauté, sans faire de concession au reste."22

Cette oeuvre lie espace, lumière et parcours du visiteur, décline deux productions selon un même protocole pouvant paraître d'une simplicité enfantine… Pourtant cette pratique doit être perçue comme une étude sur la question du signe jouant sur trois modes:

son immédiateté

son appréhension

et, finalement, sa reconstruction.

« Eclairer, c’est distribuer de la lumière ici ou là. C’est, physiquement parlant, faire se rencontrer la lumière avec divers plans et volumes. Et c’est ce qui nous permet de voir certains aspects de notre environnement. Mes éclairages se font à partir de projections directionnelles, cadrables et focalisables, produisant des zones de réflexion, d’ombre et de diffraction d’intensité lumineuse diverse.

Ici, aux Abattoirs, deux projections de lumière se croisent à angle droit, traversent géométriquement l'espace dans des directions opposées à 90°. L’une part de l’étage et passe au-dessus des têtes des visiteurs, au milieu de l’escalier, horizontalement et transversalement et vient se fragmenter sur plusieurs plans, à droite, dans le sens de la descente. L’autre part du sol et rase l’angle du mur de retour, en bas de l’escalier, à gauche, verticalement et vient finir sa course dans le caisson du plafond.

Comment éclairer, comment montrer, exposer ce qui est déjà là, devant nos yeux, mais que nous ne semblons plus voir ? Et comment amener le regardeur à se regarder en train de regarder ? Voilà quelques-unes des questions qui me préoccupent et que j’aimerais que se pose le regardeur ou le visiteur. » Michel Verjux

Station Saint-Michel

22 Entretien avec Damien Sausset, "Michel Verjux, l'éclairage comme langage", in : Connaissance des arts, octobre 2003

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Michel Verjux investit le hall d’accès de la station Saint-Michel et utilise pleinement sa forme conique inversée ouverte sur l’extérieur. Quatre projecteurs diffusent une lumière blanche proche de la lumière du jour au moyen de faisceaux également coniques. Un premier projecteur est fixé au plafond et dirige sa lumière vers le niveau des quais dans un côté du hall. À l’opposé, trois autres projecteurs placés côte à côte au sol éclairent le mur de façon ascendante. Ces lumières puissantes révèlent toutes les aspérités des surfaces éclairées.

Ces trois faisceaux sont perceptibles la nuit depuis la rue par les mêmes ouvertures qui laissent entrer la lumière naturelle dans la station aux heures du jour. Ce dispositif renforce donc la relation entre l’intérieur et l’extérieur développée par l’architecture de la station, insiste sur la matière des parois et place l’univers quotidien du voyageur sous les feux des projecteurs, au sens propre du terme.

On ne manquera pas d’établir une relation ironique avec la maison d’arrêt toute proche (destinée, elle, à mettre les gens « à l’ombre ») …

Repères biographiques : Né en 1956 à Chalon-sur-Saône, Michel Verjux vit et travaille à Paris.

Diplômé de l’École nationale supérieure des Beaux-arts de Dijon, 1982 (atelier Jaume Xifra)

Cofondateur à Dijon du lieu d’artistes A la limite (1981) et du centre d’art contemporain Le consortium (1983). Membre du Conseil scientifique de la recherche en arts plastiques (Délégation aux arts plastiques, Ministère de la Culture, de janvier 1997 à décembre 2000) et du Conseil d’administration de l’École nationale supérieure d’arts de Cergy, depuis septembre 2003. Maître de conférences en Arts plastiques, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, depuis 1996.

Création artistique :

Littérature : écriture et publication de textes poétiques entre 1973 et 1983 (notamment aux éditions Le dé bleu)

Théâtre : jeu, mise en scène et décors entre 1976 et 1979 (Théâtre universitaire international, Dijon)

Arts plastiques et visuels :

- performances et installations vidéo et multimédia : entre 1979 et 1983.

- Eclairages : depuis 1983 (expositions temporaires, réalisations permanentes et acquisitions privées et publiques)

Depuis une vingtaine d’années, l’éclairage est au cœur de son travail. Il utilise des projecteurs semblables à ceux du cinéma et du théâtre pour mettre en lumière les surfaces du lieu d’exposition. C’est finalement le processus d’éclairage lui-même qui devient le sujet de l’exposition, de l’objet qui crée la lumière à celui qui la reçoit, jusqu’à l’individu qui le perçoit. Ces trois éléments réunis, indissociables, constituent l’œuvre artistique de Michel Verjux. Son geste artistique se fait par conséquent toujours in situ.

Ses premiers éclairages font appel à des projecteurs diapo et interviennent dans des espaces sombres sur des objets choisis. Il finit par exclure tout objet de ses dispositifs pour se concentrer sur une lumière qui découpe des formes géométriques basiques comme le rond ou le carré. Les projecteurs de poursuite s’avèrent l’outil le plus adéquat à sa démarche. Exposant d’abord dans des galeries, il investit bientôt l’espace public (rues, gares et autres haltes fluviales)

Expositions récentes :

Rivelare, prelevare, creare, A arte Studio Invernizzi, Milan, Italie, 28 avril-24 juin 2005

Dalla base al vertice, Base, Florence, Italie, février-mars 2005.

To light is already to show, Kenji Taki gallery, Tokyo, Japon, 20 janvier-23 février 2005.

20 mai 2006 : Projections sur seuils, sols, socles et autres supports, dans le cadre de La Nuit des Musées, Musée Rodin, Paris.

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Démarche et questionnements : Isabelle Lartault, octobre 199523. : À la suite d’expériences dans des domaines artistiques différents, Michel Verjux a réalisé des performances qui l’ont amené à produire des œuvres sous la forme d’installations. C’est à partir de ce moment-là qu’il a commencé à considérer l’œuvre d’art «non pas comme de la peinture, ni comme de la sculpture, mais comme de l’éclairage»24, revendiquant le fait qu’«éclairer, c’est déjà exposer. » Son projet artistique s’inscrit dès lors dans une «recherche à la fois ontologique, logique et sémiotique» de l’œuvre d’art visuel en général. Il s’agit pour lui de montrer jusqu’à quel point l’on peut réduire ou plutôt concentrer l’œuvre à son geste ou signe minimum nécessaire et suffisant. «La lumière est le matériau nécessaire à la perception de la réalité environnante et donc des œuvres d’art visuel ; mais la lumière en acte dans des situations concrètes, ce passage obligé du regard à l’objet exposé, c’est l’éclairage. Et l’éclairage est un signe ontologiquement lié à la perception de l’espace. » De 1983 à 1985, ses premiers éclairages se situaient dans des lieux d’exposition obscurs ou délibérément obscurcis avec l’interposition d’objets en trois dimensions entre la source lumineuse et le mur exposé de lumière provenant de projecteurs de diapositives. Ces éléments servaient à découper des formes renvoyant soit à la structure de l’espace d’exposition, soit au faisceau de lumière projetée lui-même. Ils avaient également la particularité d’être mobiles et en rapport avec l’idée d’exposition (des éléments de construction ou de mobilier tels que fils à plomb, socles, tables tout d’abord, puis seulement des socles, et ensuite de simples volumes parallélépipédiques ou pyramidaux servant d’intermédiaires entre la source lumineuse et la surface finale éclairée par la projection). Plus tard, ces objets-obstacles, détours poétiques, ont été supprimés. Au cours de l’été 1986, à Montréal, lors de l’exposition Lumières, un handicap physique le conduisit à modifier son projet initial, une pièce pour laquelle il devait construire des socles. Cet incident de parcours le poussa à passer par-dessus l’obstacle. Il découvrit qu’il lui suffisait de laisser les projecteurs posés au sol, d’éclairer en lumière rasante le sol sur tout le trajet de la projection, d’un mur à l’autre et, frontalement, le mur du fond. «La poésie est tout autant dans le raccourci que dans le détour», commente-t-il. Cette pièce, Hommage au sol et au mur, était en fait «plus un hommage à l’ici et maintenant qu’au carré, ou à une quelconque autre figure géométrique. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas plus le cercle en soi plus que le carré en soi ou les choses en soi, en général, mais les processus produisant les choses et les relations entre ces choses. » Avec l’idée de ne plus obscurcir au préalable les espaces avant de les ré-éclairer, s’est opérée, dans son «discours plastique», dans sa formulation visuelle des «éclairages», une évolution importante. La conjugaison de différents paramètres qui constituent la complexité d’un langage, tout comme son évolution dans une direction pas forcément prévisible et l’opportunité de s’adapter à de nouvelles situations, sont effectives dans Morceaux Choisis lors de l’exposition à la Cité des Sciences et de l’Industrie, à la Villette, en 1987. L’espace d’exposition était dans le hall d’entrée, extrêmement éclairé, et les projecteurs à découpe qu'il avait précédemment utilisés n’étaient pas suffisants. La Cité lui permit de travailler avec des projecteurs de poursuite du type HMI qui produisent une lumière intense, homogène et peuvent projeter à une très grande distance dans la lumière ambiante. À la période d’élaboration dite ombre et lumière (1983-1986) succédait celle dite lumière dans la lumière (1987-1989) largement exploitée encore aujourd’hui. Parfois, le visiteur trouve devant lui une ligne toute tracée, une succession de cercles de lumière projetée sur le sol de chacune des portes d’accès des grandes salles classiques. S’il veut découvrir le reste de l’exposition, sa visite est guidée par cette Suite de passages obligés. Il doit alors aller jusqu’au bout. Sur des fenêtres éclairées, des toiles tendues sur des châssis filtrent la lumière solaire, mais l’extérieur du musée, la ville, se devine et au dehors, depuis la rue, les projections circulaires émanant de l'intérieur se voient, se détachant d’autant plus nettement que le soir vient à tomber. Michel Verjux

23 Extraits de : Isabelle Lartault," Des étapes éclairantes le long du trajet", texte publié dans le catalogue Michel Verjux (avec une traduction en japonais par Misao Harada), inséré dans le coffret Tranquility (Miyajima, Nordman, Sugimoto, Toroni, Verjux), Chiba, Chiba city museum of art, 1996, p. 2-23 24 Toutes les citations de Michel Verjux sont extraites d’un entretien réalisé en septembre 1995.

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ne révèle plus seulement l’espace mais la durée et le temps qu’il fait. Suivant le moment de la journée, l’éclairage varie d’intensité et de couleur : La lumière projetée met d’abord en évidence la structure de la fenêtre, recentrant le regard pour mieux le ramener vers l’intérieur de la salle. Le projecteur dirigé sur la fenêtre accentue l’effet de cadrage. La permanence de la projection permet d’attirer l’attention sur ce qui se passe en transparence, sur ce qui bouge derrière la fenêtre : les arbres secoués par le vent, un enfant qui tape dans un ballon, un oiseau en train de se poser, le flux de la circulation automobile … Les événements varient à l’intérieur du cadre imposé. L’intérieur renvoie à l’extérieur et inversement. L’identité de l’œuvre se constitue, évolue dans ce constant va-et-vient, se construit au passage. Ce qui transforme la demeure subsiste dans ce qui se transforme. Chacun des «éclairages» expose sa permanence dans le temps de l’exposition mais, dans l’ensemble de l’œuvre, n’est qu’une déclinaison. La nature est permanente à l’intérieur de ses cycles temporels (jour/nuit, saisons), mais ils contiennent en eux-mêmes de l’intermittent, de l’accidentel, du fugace, de l’éphémère… Chez Michel Verjux, la notion de temps était présente dans les performances d’avant 1983 et dès les premières installations (Plombs d’axe, 1983, Double porte, 1984, etc.), puisqu’il fallait parcourir l’espace pour voir l’œuvre. «D’un côté, nous évoluons dans un espace-temps dans lequel la lumière suit certains trajets. De l’autre, une œuvre est toujours en train de s’accomplir pendant le temps de regard du regardeur, du passant …» À l’automne 1992, il inaugura un type d’«éclairage» en extérieur et donc, par la force des éléments, nocturne — «quelle lumière peut-on ajouter quand le grand projecteur autour duquel notre planète gravite est braqué sur nous ?» —, mais aussi un type de pièce élargissant encore la relation à l’espace-temps. L’échelle du musée ou même de la rue, du quartier ou de la ville, était alors dépassée et l’espace géographique directement investi. L'artiste insiste souvent à propos de la création artistique sur la nécessité de se construire un «langage» avec un vocabulaire, une syntaxe, etc., et sur le fait que ce langage est sans cesse en évolution. C’est probablement à partir d’un tel raisonnement qu’après avoir essayé de réduire les éléments de son langage pendant les périodes d’élaboration «ombre et lumière» (1983-86), et «lumière dans la lumière» (1987-89), qu’il regroupe sous le nom d’«éclairages analytiques», qu'il en est arrivé à une phase, lui permettant de combiner plusieurs types d’«éclairages» (comme Suite de trois pour une, à Nice, en 1991, En sous-sol, à Leipzig, en 1994). «Les langages sont des activités productrices de signes, de marques distinctives qui peuvent nous aider à nous repérer, à exprimer, communiquer, agir, … Ils ne sont pas des systèmes clos sur eux-mêmes. Les œuvres d’art appartiennent au langage de l’art et ne sont pas des tautologies. Je ne crois pas à l’autoréférentialité bouclée sur elle-même de la modernité. » Il se dégage de sa manière de travailler un net refus de s’enfermer et de laisser enfermer. Pas question qu’il ne s’endorme ni que le regardeur ne ferme les yeux. D’ailleurs, lorsqu’il découvre que ce dernier se contente d’aller dans une seule direction, de ne voir dans une projection de lumière qu’une image qu’il s’attend toujours à retrouver à l’identique, bref de ne rechercher qu’un seul aspect de son travail, il y a de fortes chances pour que, profitant de la prochaine exposition, il se mette au défi de lui en montrer un autre. Comme il le dit très bien lui-même : «La lumière n’est jamais mieux perceptible à nos yeux que lorsqu’elle vient buter sur le prochain obstacle. » Bibliographie : Michel Verjux, "Le bon usage de la lumière", in : Michel Verjux, A arte Studio Invernizzi, Milan, 2001. Michel Verjux, Studio à Ottendorf, 2001 Michel Verjux, ARC- Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 1985. Michel Verjux, Morceaux choisis, Cité des sciences et de l'industrie, La Villette, Paris, 1987. Michel Verjux, Villa Arson, Nice et ARC. Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, 1992.

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PISTES PÉDAGOGIQUES : Cacher/Montrer/Révéler Cadrage/Focalisation Combiner Dispositif Espace-Temps Faire un dessin sans dessiner Image d'un lieu : transfiguration Intérieur/Extérieur Lumière-matériau Mise en scène/In situ Ombre et lumière : théâtre de l'imaginaire Parcours/Cheminement/Passage/Trajet Perception de l'espace Point de vue Processus/Paramètres Répéter pour changer : œuvre évolutive et déclinaison Rôle dévolu au spectateur Projection Variations

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ŒUVRES EN RELATION : Hector Guimard (Architecte, designer français 1867-1942) & le métro parisien : Cité dans la liste des œuvres de référence du premier degré, il semble difficile de faire l’impasse sur celui qui a donné son caractère aux premières lignes du métro parisien.

« Les projets retenus lors du concours pour l'édification des entrées du métro en 1899, jugés trop classiques, seront rejetés par dirigeants de la CMP. Celui de Jean-Camille Formigé, approuvé par la compagnie, sera débouté par la Ville dont il était pourtant l'architecte. On lui confiera les stations aériennes. Le banquier Adrien Bénard, président de la CMP, proposera d'en confier la réalisation à Hector Guimard, dont le Castel Béranger, construit rue La Fontaine à Paris, sera classé dès 1898.

L'architecte concevra deux types d'édicules, le "modèle A" et le "modèle B", fermés ou ouverts sur les côtés. L'escalier du "modèle A" sera abrité par un auvent et une marquise en verre soutenus par quatre piliers aux coins de la trémie. Des panneaux de lave d'Auvergne émaillée entouraient les modèles fermés. La station Abbesses, sur la ligne 12, conserve le dernier édicule ouvert du "modèle A", qui recouvrait auparavant la station Hôtel de Ville.

La verrière à double pente inversée du "modèle B", aux trémies de forme arrondie, est soutenue par deux piliers à l'avant, et un au centre de la trémie à l'arrière. La forme de l'édicule lui vaudra le surnom de libellule. Des panneaux de lave d'Auvergne émaillée entouraient également les modèles fermés. La station de la Porte Dauphine, sur la ligne 2, sera restaurée par la RATP qui recréera un édicule de "modèle B" aux côtés ouverts place Sainte-Opportune. L'architecte construira 141 entourages d'accès entre 1900 et 1912. Il en subsiste aujourd'hui 83. »25

Station Porte Dauphine Située sur la ligne 2 du métro, elle fut inaugurée en 1902.

L'accès de l’avenue Foch est un édicule "modèle B" - le seul subsistant des cinq pavillons de ce type installés

entre 1900 et 1902 sur les lignes 1 et 2. On remarquera ses panneaux de lave émaillée

de couleur orangée.

Station Chardon Lagache

Cette entrée, située rue Chardon Lagache (16e arrondissement) présente une rambarde haute et deux candélabres

Pour plus de renseignements, consulter le site : http://lartnouveau.com/artistes/guimard.htm

25 Extrait d’Insecula : http://www.insecula.com/article/F0010767.html

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"Hector Guimard, né à Lyon en 1867, fut le représentant majeur de l'architecture Art Nouveau à Paris. Le Castel Béranger, un immeuble populaire construit à Auteuil entre 1895 et 1898, le rendit célèbre du jour au lendemain, pour l'originalité de son style et sa conception globale de l'architecture et de la décoration, tant extérieure qu'intérieure. Mais ce succès fut fragile, et toujours contesté ; les prises de position de l'architecte et ses formules " architecte d'art " ou " Style Guimard " contribuèrent à l'isoler. Les édicules du métropolitain parisien restent son œuvre la plus populaire, et constituent même l'image incontournable du Paris autour de 1900." Charles Moreau Bibliographie : G. Vigne, Hector Guimard, photographies de F. Ferré, éditions Charles Moreau –2003. M. Rheims, Hector Guimard architecte, photographies de F. Ferré, Bibliothèque des Arts – 1985. Hector Guimard, éd. Denoël – 1978 Jean-Michel Othoniel et la station Louvre/Palais Royal, Paris, 2000

Le Kiosque des noctambules constitue la nouvelle entrée de la station de métro Palais-Royal-Musée du Louvre, place Colette à Paris. Inauguré le 30 octobre 2000, l'œuvre de Jean-Michel Othoniel est en fonte d'aluminium et porte 800 perles en verre, mises au point au C.I.R.V.A. (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques, à Marseille), et soufflées à Murano par la Maison Salviati. Pour établir la structure, Jean-Michel Othoniel a collaboré avec un architecte, Geoffroy Aurrousseau. Jean-Michel Othoniel se sert du verre soufflé comme d’une palette multicolore nourrissant une œuvre opulente et baroque. Cet artiste français, l’un des plus en vue sur la scène internationale, réhabilite l’art spectaculaire. Comme ses prédécesseurs de la Renaissance et du XVIIIe siècle, il confie la réalisation de ses pièces à des artisans hautement qualifiés. L'exposition Crystal Palace de la Fondation Cartier avait permis de découvrir "des utopies du vingtième siècle… un casino ou un théâtre, invitation au jeu, au ballet". Architecture et sculptures imbriquées, l’ensemble donne l’illusion d’un rêve éphémère dans lequel se perd la lumière. Pour Othoniel, le verre est ludique, vivant, érotique. Fastes baroques et contes de fées surgissent immédiatement dans notre esprit.

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"Je cherche l’épaisseur, l’aspect brut, la chair du verre, ce qui est inhabituel pour les maîtres verriers de Murano. Mon billet d’entrée, c’est une connaissance des techniques acquise par l’observation et le dialogue. Je sais ce qui est de l’ordre du possible ou de l’impossible et les amène au maximum de leurs potentiels avec une grande diplomatie. Je mets en avant l’œuvre, pas mon ego ". Egalement présent sur la ligne A du métro toulousain depuis 2003 avec son Mât des utopistes à la station Balma Gramont, il s'avère incontournable de lui rendre hommage. Située aux confins de l'art et de la littérature, du masculin et du féminin, de la sculpture et de l'installation, de la performance et du multimédia, la démarche artistique de Jean-Michel Othoniel est difficilement classable : son œuvre est protéiforme, glissant, rétif aux classifications. "La joliesse ironique apparente de ses sculptures et installations ne nous fait pas oublier la gravité d'une situation hantée par le désarroi et la maladie ; elle la retourne simplement au profit des forces de vie." Bernard MARCADÉ Bibliographie : B. Marcadé, "Othoniel-Ohne Titel ou De la dissimulation, du retournement et autres méprises et contrepèteries...", in : Jean-Michel Othoniel, Carré d'art musée d'Art contemporain de Nîmes, Actes Sud, 1992 Laurent Boudier, Le Kiosque des noctambules, Paris : Flohic, 2000 Des commandes publiques autour des tramways: Dès 1991, la Ville de Strasbourg décide de réaliser un accompagnement artistique pour la ligne A de son Tramway. Mario Merz, Barbara Kruger, Jonathan Borofsky et les membres de l'Oulipo sont sélectionnés par le comité d'experts pour intervenir le long de la voie du tram, en travaillant autour de l'idée de la considération de l'autre. En 1998, pour la ligne B, inaugurée en septembre 2000, un nouveau comité invite les artistes à réfléchir sur la conception d'équipements fonctionnels (pont, kiosque, parking, mobilier, annonces sonores), habituellement réservée à des professionnels de l'urbanisme ou du paysage. Depuis, d'autres villes saisissent ces nouveaux enjeux et initient, à leur tour, des programmes similaires.

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PARCOURS CROISÉS en lien avec les PROGRAMMES : Etant donnée la richesse de tout ce qui précède, il est impossible de faire plus spécifiquement référence à telle ou telle partie des programmes disciplinaires régissant les 1er et 2e degrés. C'est pourquoi sont proposées ici des entrées qui permettront aux professeurs d'ajuster leur dispositif didactique au niveau de classe concerné. ARTS PLASTIQUES Les catégories artistiques : Une première approche pourrait inviter les élèves à effectuer et reconnaître diverses classifications artistiques et surtout, les conduire à mesurer à quel point, dans l'art contemporain, combinaisons et/ou déconstructions permettent de moins en moins une nette détermination des catégories auxquelles nous sommes confrontés.

Catégories classiques : - Architecture - Assemblage - Découpage - Dessin - Ecriture - Image de synthèse

- Peinture - Photographie - Pliage - Sculpture - Vidéo - Etc.

- Graphisme …

Multiplicité des domaines artistiques/Complémentarité des médiums adoptés par tel ou tel artiste (peinture, photographie, enregistrement)

Remise en question des catégories traditionnelles : la question des limites

(Architecture/Sculpture ; Peinture/Dessin ; Image de communication/Œuvre…) Les constituants de l'œuvre : Outils, Supports, Matériaux, Technique, Opérations et Effets produits sont les premiers éléments visibles d'une œuvre. Il s'agit bien sûr de nommer ce que l'on voit, ce que l'on reconnaît, ce que l'on ressent, de façon à ce que des hypothèses significatives puissent être émises et justifiées (objectif : élaborer une interprétation fondée sur les caractéristiques de l'œuvre) Cette approche plastique porte sur :

- Nature de l’œuvre - Traces (la facture, les

touches) - Forme - Support - Couleur - Format

- Lumière - Dimension - Matière - Organisation/Composition - Espace suggéré - Point de vue, cadrage - Réalisme ou non

On pourra plus précisément s'interroger sur :

Les composants matériels et techniques : Aplats Couleur et Perception Figure/Figuration/Abstraction Gestualité expressive/neutre Lignes/Entrelacs/Formes Lumière-matériau Mélanges additifs/soustractifs Monochrome/Polychrome

Motifs/Lignes/Axes Organique/Matière/Surface Pattern/Gabarit/Pochoir Présence/Effacement du support Pixellisation Poids/Rigidité Remplissage/Cerne

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Saturation Schématisation Sens de lecture Série Signe/Signal Structure Support/Matériaux/Matérialité

Support/surface Supports/Outils/Gestes Symétrie Torsion Trace/Empreinte Transparence/Opacité

La composition :

Alternance vides – pleins Continuité/Interruption/Rupture Contrastes Cycle visuel Mouvement/Dynamisme Ordre/Désordre

Organisation/Composition Agencement/Répartition Statique/Dynamique Répétition/Diversité Ressemblance/Variation Rythme/Temporalité/Séquence

Les opérations plastiques :

Cacher/Montrer Cadrer/Focaliser Combiner Déconstruire Décontextualiser

Recontextualiser Dégrader/Estomper Détourner Substituer Répéter

Ou encore :

Contraintes architectoniques (poids/prise au vent, fondations, solidité) Equilibre Détail (Cf. Daniel Arasse : partie/découpe…)/Fragment Figures imaginaires/Figures symboliques Indices Réalité/Immatérialité Sculpture et Matériaux

Histoire de l'art : Avec des élèves plus grands, le repérage de l'influence de certains mouvements artistiques modernes et contemporains constitue une autre piste :

Abstraction/Figuration Abstraction géométrique Art conceptuel Déconstruction/Remise en question des constituants traditionnels Images fixes/Images animées Informe Installation Installation vidéo (œuvre et reproductibilité technique) Minimalisme Multimédia Oeuvre évolutive et déclinaison Performance Présentation/Représentation Répéter pour changer : notion de série Statut de l'objet/Objets de rebut…

Démarches artistiques : Comme cela est indiqué dans l'introduction, il est possible de mettre en regard les œuvres du musée avec celles figurant dans le réseau Tisséo : Quels sont les points communs ou les divergences notables entre la démarche reconnue d'un artiste et l'œuvre réalisée pour la ligne B ? En quoi la commande publique a-t-elle pu avoir une incidence sur cette dernière ?

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En quoi a-t-elle pu faire évoluer la démarche personnelle d'un plasticien? En clair, y a-t-il perception d'un écart significatif entre le travail d'atelier et celui découlant d'une commande publique? Les questionnements et pratiques des élèves pourront aussi porter sur des processus assez souvent cités au fil du dossier :

Appropriation Dispositif de présentation Hasard/Forme aléatoire Mise en œuvre/Mise en scène Œuvre unique/Fragment Posture de l'artiste/Rôle des assistants Présentation/Représentation Prouesse technique Règles du jeu/Contraintes/Dispositif/Processus/Paramètres/Rituel/Programme/Démarche

Le corps à l'œuvre : Question qui peut se voir abordée tant du point de vue de l'artiste que de celui du spectateur:

Gestes Mouvements/Déplacements Points de vue

La problématique centrale : Elle découle de la mise en tension entre œuvre/lieu d'implantation/rôle du spectateur. La confrontation de ces trois paramètres conduit à introduire une question supplémentaire : celle de la temporalité.

Rôle dévolu au spectateur Avancer/reculer Interagir Participer Traverser Rester devant Tourner autour (varier les angles de vue) Varier les points de vue (frontalité, plongée, contre-plongée)

Espace et Perception : Cheminement du regard Du neuf avec du vieux/Voir différemment/Image d'un lieu : transfiguration Echelle/Proportions Ecrasement de la perspective Environnement/Installation/Agencement Espace réel/Espace suggéré (avancée/recul) Espace : investir, s'approprier, perturber, désorganiser Espace et architecture Exposition/Accrochage Environnement : Forme/Couleur/Espace/Son In situ : Espace public et commandes Insertion dans un site urbain : Relation(s) de l’œuvre au lieu Intérieur/Extérieur Labyrinthe Maquette/Proportions/Echelle Mise en scène/In situ Parcours/Cheminement/Passage/Trajet Point de vue Privé/Public Œuvre comme espace physique à arpenter

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Temporalité : Déplacements Temps et devenir Variations

Autres Thématiques possibles :

Absence, disparition, manque Art et Géométrie Art et Improvisation Art et Lettres/Poésie Art et mathématiques Art et vie quotidienne Art et Voix Autoportrait/Autoportrait fictionnel Cacher/Montrer/Révéler Dedans/Dehors Détournement Double jeu Enquête/En quête Face à face/Duo/Duel Faire un dessin sans dessiner Fragile/Pérenne Identité Images et mots Images fixes/en séquence/animées Léger/Monumental Mémoire Narration Ombre et lumière : théâtre de l'imaginaire Perturbation Récit/Scénario/Roman-photo Temps/Vieillissement/Mort Apparition/Disparition ; Lisible/Illisible ; Visible/Invisible

PHILOSOPHIE/LETTRES : Il pourrait s'avérer intéressant de faire réfléchir les élèves sur des extraits de l'article de Maurice Ulrich publié dans l'Humanité, le 17 août 200426:

Création : Des risques de l’art de métro

À Toulouse des oeuvres d’art sont installées dans les stations. Mais cela suffit-il à donner du sens, et surtout qui mange qui ?

L’art a-t-il une place dans le métro et ses stations peuvent-elles être autre chose qu’un lieu de transit ? On s’y essaye, on s’y essaye. Sur le réseau parisien, nombre de stations, et pas seulement la station Louvre, qui offre, on le sait, quelques belles reproductions des sculptures de ses collections. La station Saint-Germain-des-Prés évoque les livres et la poésie, d’autres comme Bastille ou Hôtel-de-Ville des épisodes historiques, d’autres encore plus modestement - Guy Moquet - un épisode de la Résistance, etc. Quelques-unes encore ont fait une place à la création contemporaine. Saint-Michel par exemple, avec une mosaïque désormais inscrite dans le paysage mais qui mérite d’être regardée. Car voilà le problème. Regarde-t-on ou voit-on, ce qui n’est pas la même chose ? En d’autres termes l’art de métro est-il menacé, au même titre que le désespérant art des ronds-points, d’une banalisation transformant en morceau de béton, de bois ou de ferraille n’importe quelle oeuvre de n’importe quel

26 Voir http://www.humanite.fr/journal/2004-08-17/2004-08-17-398924

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sculpteur ? Lesquels seraient bien inspirés parfois de refuser, quel qu’en soit le prix, la dangereuse commande. Même chose pour les autoroutes du reste. Toujours est-il que le métro toulousain en a fait une ambition. Que chacune de ses stations soit un lieu où une rencontre avec une oeuvre soit possible, et ce dans la période récente avec trois nouvelles oeuvres dans trois nouvelles stations. […] D’où vient, alors, en dépit de qualités plastiques évidentes, particulièrement pour le travail de Jean-Michel Othoniel, que tout cela ne convainc pas ? Sans doute parce qu’en dépit des efforts faits il n’est pas réellement répondu à cette question que pose l’un des animateurs du projet, Guy Claverie, même quand il semble entendre qu’il y a été répondu à Toulouse, à savoir qu’il s’agirait " de fixer un rapport de l’œuvre à l’espace public qui ne soit pas là pour combler un vide, mais qui fasse qu’elle participe au sens de cet espace ". Or, c’est bien là le nœud du problème, où l’on retrouve les ronds-points et les autoroutes. L’art est-il fait pour donner une âme à des lieux qui n’en ont pas ? La cerise subventionnée sur le casse-croûte du béton. Sans doute faut-il accepter que les architectures urbaines aient à prouver, par elles-mêmes, qu’elles ont quelque chose à dire et qu’elles ont un sens, comme l’avaient voulu du reste les grands architectes qui firent l’architecture moderne. Il s’agit alors de conception d’ensemble, d’urbanisme, peut-être de décoration dans le sens du style. Ainsi les stations de métro parisiennes réalisées au début du XXe siècle par l’architecte Hector Guimard définirent-elles ce que l’on put appeler alors un style métro. Mais il était architecte, en mesure précisément de signer non pas une oeuvre dans un espace, mais la définition même d’un espace. Il n’est certes pas interdit de s’essayer à ce que l’art prenne le métro, mais ce sont jusqu’alors les espaces vides qui ont pris les oeuvres et rarement l’inverse. HISTOIRE : Le mécénat 27: ce terme vient du nom de Gaius Maecenas, qui fut conseiller d'Auguste et protecteur des belles-lettres ; sa signification s'est élargie, à l'époque moderne, jusqu'à désigner toute forme de protection des arts et des activités relevant du talent. Est mécène quiconque, sans exercer lui-même d'activité artistique, contribue à promouvoir la pratique de l'artiste. Derrière toute œuvre, ou presque, se manifeste la présence de quelqu'un qui commande et achète, et qui en estime la valeur, au point qu'il est permis de voir dans l'art, aux époques de culture les plus évoluées, le résultat de la rencontre entre le mécène et l'artiste, le premier ne pouvant rien sans le second, et le second ayant besoin du premier pour donner corps à ses intentions artistiques. Le mécène, acheteur et collectionneur, exerce toujours un choix, une action critique implicite, et il s'érige ainsi en arbitre du goût, dont les idées influencent de façon décisive les caractères mêmes de la production artistique. Son action est déterminante, même si lui fait défaut le sens de l'autonomie esthétique. Repères:

1. Les premières collections 2. Mécénat religieux et laïc 3. Le mécénat des princes 4. Le mécénat des souverains 5. Le déclin du grand mécénat

GEOGRAPHIE/EDUCATION CIVIQUE : "Depuis les années 1980, en France, la politique de commandes d'œuvres d'art s'est développée en partenariat avec les régions et les collectivités territoriales. Adaptée à l'art d'aujourd'hui, cette procédure offre désormais un outil expérimental très sollicité à travers le territoire au bénéfice de projets artistiques inédits, adressés à la collectivité tout entière. Que signifie l'expression « art public » ? La commande publique ne concerne pas uniquement l'érection d'une statue (équestre, funéraire, ornementale), d'un monument figé pour l'éternité, ni même

27 Voir article de Luigi SALERNO dans l'Encyclopédie Universalis

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la conception d'un décor. Bien au contraire, commanditaires et artistes ont cherché à rompre avec cette terminologie pour confronter le passant de la fin du XXe siècle à des formes nouvelles […] La notion d'espace public s'est d'ailleurs considérablement diversifiée et complexifiée. Si l'espace public fait immédiatement allusion à la ville, d'autres espaces sont à investir, et notamment l'espace virtuel du Web et des nouvelles technologies qui ne sauraient échapper aux créateurs." Caroline CROS, conservateur du patrimoine Repères:

1. La commande au service du pouvoir 2. Le Front populaire inscrit l'art dans l'espace public 3. Le retour de la sculpture moderne dans l'espace public 4. L'actualité des arts plastiques impose une révision de la commande publique 5. L'impulsion politique à partir de 1983 6. Les années 1990 : comment déconcentrer la commande publique ?

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BIBLIOGRAPHIE :

Un fascicule, gratuit et diffusé au sein des stations et des musées de Toulouse, est édité à l’attention du grand public. Ce document présente les 39 œuvres d’art des lignes A et B.

Baru, Blutch, Jean-Bernard Pouy, Jean-Marc Rochette et Martin Veyron, Tooloose, Éditions Casterman, 2007

Bande dessinée présentant quatre nouvelles autour du métro toulousain. Les quatre dessinateurs réunis dans cet album collectif sont tous des figures de la bande dessinée contemporaine.

François Barré, B, Atelier de Création Graphique, juin 2007 Consacré à cette opération de commande publique artistique, il comporte des photographies d’art de Michel Chassat. Cet ouvrage vient judicieusement compléter Ligne Art, édité en 2003 et portant sur les œuvres d’art du prolongement de la ligne A.

Renaud Camus, Œuvre d’un esprit critique, Commande Publique, P.O.L., juin 2007. L'auteur s’interroge, dans un esprit assez voisin de celui de son livre Du sens, sur ce qu’il en est aujourd’hui de la place de l’art au beau milieu des flux et reflux de notre société où les valeurs culturelles, on s’en doute, ne le sont plus vraiment.

Robert Marconis, Jean-Loup Marfaing, Hugues Beilin, Pierre Rey, Christian Maillebiau, Urbain, trop urbain, ligne B

A travers cinq chemins de lecture des quartiers de Toulouse et de son agglomération, les auteurs renouvellent notre regard par une approche raisonnée et critique sur l’urbanisme, l’histoire, et l’architecture des quartiers concernés. Leurs réflexions d’universitaires et d’experts sont la preuve que la ville et nos transports génèrent du débat, et que dans ce débat se conforte le lien social.