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lieux uniques de la [ mémoire ] et de [ l'histoire ] de l'immigration en france (2) Le cimetière musulman de Bobigny (1937-2007) N° 24

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lieux uniques de la

[mémoire] et de [l'histoire]de l ' immigration en france (2)

Le cimetière musulman d e B o b i g n y( 1 9 3 7 - 2 0 0 7 )

N° 24

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u n l i e u d ' e x c e p t i o n c r é é à

[l 'époque coloniale ]

A Bobigny, dans la zone industrielle des Vignes, se trouve le seul cimetière deFrance qui soit entièrement consacré à des sépultures musulmanes. En outre,son carré militaire illustre le rôle qu'ont joué les soldats musulmans dans laSeconde guerre mondiale.

Le cimetière musulman de Bobigny, ouverten 1937, lorsque l'empire colonial françaissemblait à son apogée, est un témoinexceptionnel de l'histoire de l'immigration.Inscrit au titre des Monuments historiquesen 2006, il est une des trois étapes d'unprojet politique qui date du lendemain de laPremière guerre mondiale : construction de lamosquée de Paris, puis création d'un hôpitalréservé aux malades musulmans (l'hôpitalfranco-musulman devenu hôpital Avicenne),enfin création d'un cimetière destiné aux musulmans.

De 1914 à 1918, 800 000 hommes sont venus de l'Empire colonial pour prêtermain-forte à la métropole, se battre sur lefront ou travailler dans les usinesd'armement. Au lendemain de la Première

guerre mondiale, la mosquée de Paris estconstruite en hommage aux soldatsmusulmans tombés sur les champs debataille, mais aussi en témoignage de lapuissance d'un empire protecteur de l'islam.Dès son inauguration en 1926, alors qu'uncourant régulier d'immigration s'est installéentre l'Afrique du Nord et la France, l'idéeest lancée de créer un hôpital réservé aux musulmans.

L'hôpital franco-musulman ouvre ses portesen 1935 à Bobigny et pendant deux ans, lespersonnes qui y décèdent sont enseveliesdans le cimetière communal. Mais ce n'étaitqu'une solution provisoire : ce cimetièreétait petit et la population de la communes'accroissait rapidement. Dès le 1er avril1931, le conseil général de la Seine - qui

1. Le cimetièremusulman deBobigny en 1971Depuis lors, beau-coup d'arbres ontété abattus pourcréer de nouveauxespaces de sépul-tures.

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portait le projet de l'hôpital - avait voté àl'unanimité la création d'un cimetièredestiné aux personnes mortes dans cethôpital et qui serait une annexe del'établissement. C'est bien la volontépolitique qui explique la création d'uncimetière réservé à l'inhumation demusulmans, en contradiction avec leprincipe de laïcité des cimetières français.Au cours de l'Ancien Régime, les cimetièresétaient sous la tutelle de l'Eglise catholique.Après la Révolution, les cimetières sontdevenus communaux et laïcs. Ce principeest précisé par la loi du 14 / II / 1881 : aucuncimetière ou même aucun enclos àl'intérieur d'un cimetière ne peut êtreréservé à une confession religieuse. Maisdes cimetières privés peuvent être créés par

dérogation s'ils sont attachés à un hôpital ouun hospice. A l'époque coloniale, un décretprésidentiel signé le 4 janvier 1934 a donccontourné le principe de laïcité descimetières en autorisant la création d'uncimetière privé annexe de l'hôpital franco-musulman. Puisque, dans le projet del'époque, cet hôpital devait être réservé auxmalades musulmans, le cimetière serait defait un cimetière musulman.

Le lieu choisi fut celui dit La Haute-Borne, àdeux kilomètres du site de l'hôpital franco-musulman : un terrain de quatre hectaresappartenant au Département, ce quipermettait de passer outre les réticencesdes habitants et du conseil municipal deBobigny. Situé non loin du canal de l'Ourcq

3. Ouassini Guenad, l'imam du cimetière, vers1980, photographié dans la salle de prières

2. La salle de prières Elle a été inscrite au titre des Monuments Historiques le25 janvier 2006, de même que le portail du cimetière,les bâtiments qui l'encadrent et le carré militaire.

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et de la voie du chemin de fer de l'Est, entre des exploitations maraîchères et lelotissement des Vignes, il pourra abriter 6 000 sépultures. Ces sépultures seronttoutes individuelles et orientées vers le sud-ouest. On calcule qu'au rythme de 200 inhumations par an, le terrain sera assezvaste pour recevoir les corps pendant unetrentaine d'années. La porte monumentale,encadrée d'un pavillon d'accueil et d'unlogement pour le gardien, la salle réservéeaux prières funéraires couverte d'un dômesurmonté d'un croissant sont dessinées parl'architecte Edouard Crevel, en lien avec lesarchitectes de l'hôpital franco-musulman :Mantout et Azéma. Le cimetière estinauguré le 12 juin 1937. Mais, dès le 23 février, un deuxième décret présidentiel a élargi sa destination : il sera ouvert aux inhumations proposées par le recteur de la mosquée de Paris. Ainsi commence un régime d'exception qui durera jusqu'en 1996 : toute inhumation doit être approuvée conjointement par ledirecteur de l'hôpital et le représentant del'autorité religieuse.

Très vite, le nombre des inhumations - 300 par an en moyenne de 1941 à 1953 -dépasse les prévisions et on s'inquiète dumanque de place. Dès lors, l'hôpitals'assure une priorité et le nombre desinhumations se réduit à quelques dizainespar an. La mosquée de Paris trouve unesolution : en 1957 apparaît la premièresépulture musulmane au cimetière parisiende Thiais, qui en comporte près de 20 000.En 1962 le cimetière musulman de Bobigny,annexe de l'hôpital franco-musulman, passeavec lui sous la tutelle de l'Assistancepublique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ilsombre peu à peu dans l'oubli. Les tombessont envahies par les ronces et menacéespar la chute des arbres. Aucune règle clairene préside plus aux inhumations. Aprèsqu'une association, Nassim, lancée par uninfirmier de l'hôpital, ait multiplié lesdémarches pour rétablir ce lieu dans sadignité, un rapport de l'inspection généralede l'administration préconise en 1989 letransfert du cimetière musulman auxcollectivités locales.

4. Dans les années 1980 le cimetière n'est plus entretenu

5. Elévation d’un “monument commémoratif”projeté par E. Crevel pour le cimetière

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Le 10 janvier 1996, si l'ensemble continue àappartenir à l'AP-HP, la gestion de l'espaced'inhumation proprement dit est confiée ausyndicat intercommunal du cimetière desvilles d'Aubervilliers, Bobigny, Drancy et LaCourneuve. Un ensemble historique est ainsimalheureusement divisé. Dans le cimetière,un important travail de réhabilitation estentrepris. Les allées ont été nettoyées etgravillonnées. Un plan des sépultures a étéétabli. Le registre des inhumations a étéinformatisé, ce qui permet de répondrerapidement aux demandes des familles qui recherchent la tombe d'un parent. L'ancien cimetière musulman, établissementprivé destiné à l’enterrement de musulmansvenus des colonies, protectorats ou départements d'outre-mer, est devenu le “carré musulman” d'un cimetièreintercommunal répondant à la demanded'hommes et de femmes de religion ou de culture musulmanes et qui sontprincipalement français. Son statut est conforme aux circulaires publiées par le ministère de l'Intérieur en 1975 et 1991,selon lesquelles les maires peuventprocéder dans les cimetières communaux à des regroupements de tombes permettantd'orienter les sépultures musulmanes vers

La Mecque sans contrevenir pour autantà la loi sur la laïcité des cimetières.Son règlement est clair : les personnesdomiciliées sur une des quatre communesmembres du syndicat ou qui y sont décédéesont le droit d'être ensevelies dans cecimetière, ainsi que celles dont un ascendantdirect y est déjà inhumé. Les familles sontinvitées à acquérir des concessions, commedans tous les autres cimetières. Au terme dela concession, si la famille ne la renouvellepas, les ossements sont enveloppés dans unlinceul neuf et placés dans une boîteindividuelle, ou reliquaire, dûment répertoriéepour être transférée dans un “ossuairenaturel” situé derrière le carré militaire.

6. Le cimetière contient aujoud’hui plus de 7 000 sépultures

7. Les tombes récentes associent traditionmusulmane et art funéraire occidental

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Le parcours d'une trentaine des soldatsinhumés dans ce carré s'inscrit dans lareconquête de l'Europe sur les armées del'Allemagne nazie entre 1943 et 1945. Descentaines de milliers de musulmans sontalors venus d'Afrique pour libérer l'Italie et laFrance. Depuis Marseille, en France, jusqu'àBerchtesgaden, en Allemagne, des tombesmusulmanes sont visibles dans tous lescimetières militaires. Les hommes inhumésdans le cimetière musulman de Bobignysont morts dans les hôpitaux militaires de larégion parisienne.

Lorsque les Américains et les Anglais ontdébarqué le 8 novembre 1942 à Alger, quiétait sous l'autorité du gouvernement deVichy, ils ont déclenché la seconde partie

de la guerre, celle qui a permis la libérationde l'Europe. En réplique à cedébarquement, les Allemands ont envahi lesud de la France et occupé tout le territoiremétropolitain. L'Afrique du Nord estdevenue un tremplin à partir duquel lesAlliés et l'armée française reconstituée ontreconquis l'Europe. Sans le recrutement desoldats musulmans, l'armée françaisen'aurait pas été assez importante pourcompter dans les opérations militaires auxcôtés des Alliés. En effet, la France étaitoccupée, un million de Français étaientprisonniers en Allemagne et en Algérie nesubsistait qu'une armée de 100 000hommes autorisée par les conventions del'armistice de 1940. Les soldats musulmansont ainsi constitué la moitié de l'armée

s o l d at s d e [l 'armée française ]

Dans le carré militaire (n° 8), des soldats musulmans ont été inhumés entreseptembre 1944 et février 1954. Beaucoup d'entre eux ont combattu au cours de la Seconde guerre mondiale. Certains faisaient partie de la célèbre 2 ème

DB (division blindée), la division Leclerc, et sont tombés lors de la Libération deParis en août 1944.

8. Au début de la Première guerre mondiale, le ministère de la Défense a fait dessiner un modèle pourles tombes des soldats musulmans

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française qui a débarqué en Provence aumois d'août 1944. Ils représentaient plusd'un quart de la 2ème DB qui a suivi les Alliésen Normandie et qui a libéré Paris.L'importance de cette participation dessoldats musulmans a été longtemps ignoréedu public en France. Elle est pourtant bienconnue des historiens. Derrar el Hadj (et non Darar comme il estinscrit sur sa tombe, la première à droite),était un de ces jeunes Algériens mobilisés àla fin de 1942. “El Hadj” signifie que malgréson jeune âge - environ 25 ans - il avait déjàfait le pèlerinage à La Mecque. Affecté au40ème RANA (R2giment d’Artillerie Nord-Africain), qui faisait partie de la 2ème DB, il a été mortellement blessé lors de combatsdans le nord de Paris et cité à l'ordre de sonrégiment à titre posthume. Smaïl Belkacem,tunisien, Salah ben Mohamed, marocain…une dizaine des soldats inhumés dans ce carré militaire faisaient eux aussi partiede la division Leclerc.

D'autres ont combattu dans la 1ère arméefrançaise conduite par le général de Lattrede Tassigny, tel Mimoun el Hadj, marocain,grièvement blessé lors du franchissementdu Rhin. Mort à 19 ans des suites de sesblessures, il a été décoré de la croix deguerre et de la médaille militaire. Commeseize autres soldats inhumés dans ce carré,il a eu droit à la mention “Mort pour laFrance”. Mohamed ben Salah, marocain,avait fait la campagne d'Italie en 1943 avantde se battre en France. Il a été blessé enAllemagne, deux semaines avant lacapitulation allemande. Mort à l'hôpitalVillemin de Paris, il a été décoré de la croixde guerre avec étoile de bronze, cité àl'ordre du régiment et à l'ordre de la brigade.

Du 8 novembre 1942 au 8 mai 1945, plus de23 000 hommes ont été tués dans l'arméefrançaise et 71 000 ont été blessés. Plus dela moitié d'entre eux étaient des soldatsmusulmans venus d'Afrique.

9/10. Le carré militaire comprend soixante tombes

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En entrant dans le cimetière par la rue Arago (Z.I. des Vignes), vous franchissez la porte monumentale en bois ornée de cabochons métalliques qui donne accès à une vaste cour. Ce portail, comme lesbâtiments qui l'encadrent (ancien bureaud'accueil, à droite, et logement destiné au gardien, à gauche, datent de la créationdu cimetière). En face de vous, le petitbâtiment blanc, cubique, surmonté d'undôme, est la salle réservée aux prièresfunéraires. Ces bâtiments ont été dessinéspar l'architecte Crevel. L'arrêté inscrivantces éléments au titre des Monumentshistoriques précise qu'ils méritentd'être préservés “en tant qu'illustrationd'une période importante de l'histoirede notre pays”.

Franchissez la grille sur la droite et votreregard embrasse les quatre hectares où,depuis 1937, plus de sept mille tombes ontété creusées. Toutes sont orientées vers lesud-ouest, de sorte que, le corps du défuntétant allongé sur le côté droit, son visagesoit tourné vers le sud-est, c'est à dire endirection de La Mecque.

Immédiatement sur votre droite, au-delà d'une allée secondaire parallèle àl'allée centrale, devant un remarquablebouquet de chênes verts, un “carré“moderne. Sur beaucoup de ces tombesrécentes, comme sur nombre de

sépultures plus anciennes, est posée une petite coupe remplie d'eau, comme onen trouve dans certains cimetières du sudde la Méditerranée et qui serait lasurvivance d'une tradition pré-islamique.L'art funéraire français, largement présentdans ce carré, est ici associé à des traditionsvenues de loin.

Revenez dans l'allée secondaire : sur votregauche, un carré réservé aux tombes dejeunes enfants datant des années 1940 et1950. Les sépultures sont marquées par unesimple stèle fichée en terre, ou par un cadrede ciment de la taille d'un enfant. Ellesportent parfois une double inscription enarabe et en français : on est ici, on vient de

u n e [visite guidée ] d u c i m e t i è r e

Parcourir le cimetière musulman de Bobigny, c'est traverser près d'un siècled'immigration musulmane. Si l'étoile et le croissant sont sur presque toutes lestombes, les ornements funéraires s'apparentent peu à peu à ceux que l'ontrouve dans tous les cimetières de France.

11. Chênes vertsVraisemblablement plantés lors de la construction du cimetière, ils participent au caractère méditerra-néen de l’ensemble.

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là-bas… Pourquoi tant de tombes d'enfantsà une époque où les familles musulmanesétaient très peu nombreuses en France ? Aulendemain de la Seconde guerre mondiale,la mortalité infantile était très élevée : dansl'ensemble du pays, un enfant sur dixmourait avant d'atteindre l'âge d'un an.Cette mortalité était encore plus importantedans des familles récemment arrivées enFrance, souvent très mal logées, qui avaientperdu le soutien coutumier dans leur villaged'origine, sans avoir encore accès auxressources médicales du pays d'accueil. De 1940 à 1971, cinq carrés ont été ouvertspour les enfants.

Continuez le long de l'allée secondaire envous dirigeant vers le fond du cimetière.Sur votre gauche, vous longez un carréréservé aux femmes, peu nombreuses dans l'immigration des années 1950 et1960. Parmi les stèles grises, une sépulturede marbre montre le portrait d'une jeunefemme aux cheveux courts et à l'épaule

nue. C'est la tombe d'une princesse turque dont l'histoire a été racontée dans un livre vendu à des millionsd'exemplaires, De la part de la princessemorte, écrit par sa fille, Kenizé Mourad.

De l'autre côté de l'allée secondaire, survotre droite, vous longez des tombesd'hommes, beaucoup plus nombreuses. Ilsavaient entre trente et quarante ans,rarement plus : les travailleurs venus del'autre côté de la Méditerranée dans lesannées 1950 étaient jeunes. Beaucoupétaient originaires de Kabylie et sont mortsavant l'indépendance de l'Algérie. Desstèles grises portent les noms coloniaux deleurs villages : Michelet (aujourd'hui Aïn elHammam), Fort-National (Arbaa Naït), ou lesnoms berbères de hameaux kabyles, Tighilt(Le Col), Tamazirt (Le Champ ou Le Verger).Parents, amis, voisins venus des mêmes

12. Un ensemble de tombes d’enfants

13. La princesse Selma, héroïne du livre “De la part de la princesse morte”

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villages de montagne, ils se sont regroupésdans l'émigration, ont travaillé en Francedans les mêmes usines, ont vécu dans lesmêmes communes et ont été enseveliscôte à côte.

A partir des années 1970, la traditiond'ensevelir hommes et femmes dans descarrés séparés est abandonnée. Les épouxpartagent parfois la même sépulture. A côtéde sobres stèles grises en ciment, denouveaux matériaux, formes et couleursapparaissent au gré de l'offre des marbriers.Plus loin, des tombeaux massifs aucouvercle en gradins signalent une autreémigration : hommes et femmes venus del'Océan Indien dans les années 1970.

Au bout de l'allée, le carré n° 5 bis abritedes sépultures de notables - médecins,étudiants de familles aisées - ou depersonnages célèbres.Ainsi, au milieu de ce carré, la tombe d'unhomme qui eut son heure de gloire enFrance : le marathonien Boughera El Ouafi,né vers 1903 à Ouled Djellal, une oasis dusud constantinois. L'histoire de cet enfant

du désert algérien, médaille d'or pour laFrance aux Jeux Olympiques d'Amsterdamen 1928, avait été oubliée. Elle a étéredécouverte en 1995 par un journaliste deL'Humanité, Patrick Pierquet. Depuis, lenom d'El Ouafi a été donné à un gymnasede La Courneuve et à la rue qui mène auGrand Stade à Saint-Denis.

Sur la droite de ce carré, une stèlesculptée livre une élégante inscription enarabe : “Ceci est la tombe d'un grandrésistant arabe… “ Il s'agit d'Omar ZakiPacha Afiouni, mort à Paris en 1953, à l'âgede soixante ans. Il avait activementparticipé à la résistance syrienne contre la puissance coloniale française dans les années 1920. A quelques mètres de là, près du mur dufond du cimetière, un sobre tombeau demarbre gris : Ahmed el Glaoui, 1920-1959.

14. Sépultures de musulmans venus del’Océan indien

15. Le marathonien El Ouafi, médaille d’or auxJeux Olympiques de 1928

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Il était le fils du célèbre pacha deMarrakech qui fut un ami de la France autemps du protectorat français sur le Maroc.Deux fenêtres s'ouvrent sur deux momentsde la politique coloniale française.

Quittez le carré n° 5 bis, franchissez l'alléeprincipale, passez devant le carré militaire,vous trouverez à droite le carré le plusancien (n° 1) ouvert en 1937. Unerecherche dans les registres d'état-civilde la commune de Bobigny a permisd'identifier les hommes qui ont étéensevelis sous ces modestes stèles de ciment armé. Venus d'Algérie ou duMaroc, jeunes, le plus souventcélibataires, ils étaient presque tous manœuvres. Cette année-là onrecensait en France 82 000 travailleursnord-africains et un rapport officieldécrivait leurs mauvaises conditions de

travail, leurs logements misérables, leurvulnérabilité aux accidents du travail et à latuberculose.Au-delà, on arrive dans une partie modernedu cimetière, où les sépultures datent desannées 1970 et 1980. En 1974, la France a suspendu l'immigration, puis autorisé leregroupement familial. Les rites funérairesévoluent. Des stèles musulmanestraditionnelles côtoient des tombeaux detoutes formes et de toutes couleurs. Objets-souvenirs, fleurs artificielles, photos…portraits joints de deux époux. Le stylechange, l'âge aussi. Tombes de retraités.Sépultures d'adolescents. Les famillesmusulmanes s'enracinent dans ce pays.

En retournant vers la coupole blanche de la salle de prières, vous traversez desespaces où peu de tombes apparaissent. En réalité, il y a partout des sépultures.Certaines familles ensevelissent leursdéfunts ici depuis cinq générations.Beaucoup viennent se recueillir sur lestombes à la fête de l'Aïd ou y apportent deschrysanthèmes le jour de la Toussaint.

16. La tombe de Omar Zaki Pacha AfiouniCe résistant syrien s’est opposé à la puissance colo-niale française.

17. Carré n° 1 Les tombes de ce carré datent de 1937.

« Nous nous félicitons, Emmanuel Constant, Vice-président chargé de la

Culture et moi-même de la réédition de cette brochure consacrée au carré

musulman du cimetière intercommunal à Bobigny. Elle témoigne de l’intérêt

porté par le public à la mise en valeur du patrimoine départemental.

Dans une période de profonds changements, cette collection contribue

à la connaissance de notre héritage culturel et vise à favoriser la réflexion

de chacun et l’appropriation de l’histoire de notre département.»Claude BartolonePrésident du Conseil généralDéputé de la Seine-Saint-Denis

crédits En couvertureExtrait de l’Atlas du département de la Seine, 1935Entrée du cimetière musulman au 38 de la rue Arago :cliché Jean-Barthélemi Debost. Cérémonie du 8 mai1998 : cliché Patricia Lefèvre.PhotographiesJean-Barthélemi Debost : 4, 7, 9, 11, 12, 13.Martial Piétras : 2, 6, 10, 14, 16, 17.La Documentation Française : 1.Autres documentsC.I.O./ Collection du Musée Olympique : 15Coll. Halima Guenad : 3Archives municipales de Bobigny : 5Centre des archives d’outre-mer : 8TexteMarie-Ange d’AdlerDirection éditorialeJean-Barthélemi Debost, Service du parimoine cultu-rel, Conseil général de la Seine-Saint-Denis.Mise en pageClaudine Rousset, Service du parimoine culturel,Conseil général de la Seine-Saint-Denis.

bibliographieD’ADLER, Marie-Ange, Le cimetière musulman deBobigny – Lieu de mémoire d’un siècle d’immigration.Editions Autrement, 2005, 166 p.LOHR, Evelyne /DEBOST, Jean-Barthélemi, Lieuxuniques de la mémoire de l’immigration (1) - L’hôpitalAvicenne de Bobigny (1935-2005), n° 13 de la collection“Patrimoine en Seine-Saint-Denis”, Conseil général dela Seine-Saint-Denis, Bobigny, 2005,12 pSous la direction de KUKAWKA, Katia et DAYNES,Sophie, 1935 – 2005, L’Hôpital Avicenne : une histoiresans frontières, Editions Musée de l’AP-HP, 2005, 160 p.

Adresse On entre dans le carré musulman du cimetière intercommunal au 38 de la rue Arago ou au 207 rue du chemin des Vignes à Bobigny. RemerciementsSyndicat intercommunal du cimetière des villesd’Aubervilliers, Bobigny, Drancy, La Courneuve, 92 ave-nue Waldeck Rochet, La Courneuve, Madame Halima Guenad,Archives municipales de Bobigny.

Le Service du patrimoine culturel du Conseil général de la Seine-Saint-Denis participe à la compréhension de l’histoire du territoire et de ses habitants à partir des données archéologiques et de l’inventaire du patrimoine bâti.

Conseil général de la Seine-Saint-DenisDirection de la Culture, du Patrimoine, du Sport et des Loisirs, Service du patrimoine culturel

93006 Bobigny Cedex — 01 43 93 75 32 — [email protected] — www.atlas-patrimoine93.fr ISBN 978-2-909851-23-5— Conception BelleVille 2004 —

Réalisation DCPSL 2009 —

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