libera -- où va la philosophie médiévale

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1 2 3 Collège de France Où va la philosophie médiévale ? | Alain de Libera Introduction Serge Haroche Texte intégral Le Moyen Âge, en Occident, désigne une longue période d’un millénaire perçue aujourd’hui de façon paradoxale. Vu dans l’imaginaire collectif comme un temps obscur et violent, il a commencé dans les convulsions de l’effondrement de l’ordre antique, ce qu’on a appelé dans un raccourci simplificateur « les invasions barbares », et s’est achevé par l’avènement à la Renaissance du monde moderne. Les images négatives abondent, depuis celle des rois fainéants traînés dans des chars à bœufs ou celle des serfs travaillant sous le joug de féodaux brutaux et incultes, jusqu’aux ravages de la guerre de Cent Ans et des grandes épidémies de peste emportant brutalement plus de la moitié de la population des villes et des campagnes. On évoque aussi un temps dominé par deux fois religieuses conquérantes et antagonistes, celle de l’Occident chrétien bâtissant les cathédrales et poussant toujours plus loin vers l’est de l’Europe l’évangélisation des païens, et celle de l’Orient musulman qui, contournant le continent par le sud, devait comme on le sait conduire les conquérants arabes jusqu’à Poitiers. Mais au-delà de ces images simplistes, que de complexité et de bouillonnements culturels, de questionnements, de réflexions sur l’homme et ses rapports à Dieu et à la nature ont jeté les bases sur lesquelles s’est bâtie la vision moderne du monde. Au cours de cette période, quatre traditions se sont affrontées, confrontées et mutuellement enrichies : les traditions gréco-byzantine, latine, juive et arabo-musulmane. Les rapports, extrêmement complexes, entre celles-ci ont souvent dépassé les simples conflits religieux. La culture grecque antique, la pensée d’Aristote et de Platon, a été transmise par les Arabes d’Orient, chrétiens et musulmans, vers l’Occident via l’Afrique du Nord et l’Espagne. Une autre route, gréco-latine, est passée par Byzance et la filière monastique. Les penseurs juifs, présents à la fois dans les mondes chrétien et musulman, ont participé à cette transmission des valeurs et des savoirs, y ajoutant leurs propres analyses. Les textes qui jalonnent ce double parcours abordent une grande diversité de questions fondamentales, sur la logique et l’argumentation, le problème des universaux, la structure et la connaissance de la réalité, la théorie du jugement et celle de l’identité personnelle. Ces textes foisonnants jettent les premières bases de l’ontologie, de la philosophie du langage, de la psychologie, de la philosophie de l’esprit et de la théorie de la connaissance. Même ceux qui ne se sont pas vraiment plongés dans cette période de confrontations et de disputes si riches pour la pensée, en connaissent certains épisodes. L’un des plus célèbres porta sur la thèse de la « double vérité », qui cherchait à concilier la raison, incarnée par la pensée d’Aristote, et les révélations de la foi contenues dans les textes sacrés. Les noms d’Averroès, de Siger de Brabant et de Thomas d’Aquin viennent à l’esprit, sans que l’on Página 1 de 3 Où va la philosophie médiévale ? - Introduction - Collège de France 27/11/2014 http://books.openedition.org/cdf/3633

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Philosophie medievale

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    Collge de FranceO va la philosophie mdivale ? | Alain de Libera

    IntroductionSerge Haroche

    Texte intgral

    Le Moyen ge, en Occident, dsigne une longue priode dun millnaire perue aujourdhui de faon paradoxale. Vu dans limaginaire collectif comme un temps obscur et

    violent, il a commenc dans les convulsions de leffondrement de lordre antique, ce quon a appel dans un raccourci simplificateur les invasions barbares , et sest achev par

    lavnement la Renaissance du monde moderne. Les images ngatives abondent, depuis celle des rois fainants trans dans des chars bufs ou celle des serfs travaillant sous le

    joug de fodaux brutaux et incultes, jusquaux ravages de la guerre de Cent Ans et des grandes pidmies de peste emportant brutalement plus de la moiti de la population des

    villes et des campagnes. On voque aussi un temps domin par deux fois religieuses conqurantes et antagonistes, celle de lOccident chrtien btissant les cathdrales et

    poussant toujours plus loin vers lest de lEurope lvanglisation des paens, et celle de lOrient musulman qui, contournant le continent par le sud, devait comme on le sait

    conduire les conqurants arabes jusqu Poitiers.Mais au-del de ces images simplistes, que de complexit et de bouillonnements culturels,

    de questionnements, de rflexions sur lhomme et ses rapports Dieu et la nature ont jet les bases sur lesquelles sest btie la vision moderne du monde. Au cours de cette

    priode, quatre traditions se sont affrontes, confrontes et mutuellement enrichies : les traditions grco-byzantine, latine, juive et arabo-musulmane. Les rapports, extrmement

    complexes, entre celles-ci ont souvent dpass les simples conflits religieux. La culture grecque antique, la pense dAristote et de Platon, a t transmise par les Arabes dOrient,

    chrtiens et musulmans, vers lOccident via lAfrique du Nord et lEspagne. Une autre route, grco-latine, est passe par Byzance et la filire monastique. Les penseurs juifs, prsents la fois dans les mondes chrtien et musulman, ont particip cette

    transmission des valeurs et des savoirs, y ajoutant leurs propres analyses. Les textes qui jalonnent ce double parcours abordent une grande diversit de questions fondamentales,

    sur la logique et largumentation, le problme des universaux, la structure et la connaissance de la ralit, la thorie du jugement et celle de lidentit personnelle. Ces

    textes foisonnants jettent les premires bases de lontologie, de la philosophie du langage, de la psychologie, de la philosophie de lesprit et de la thorie de la connaissance.

    Mme ceux qui ne se sont pas vraiment plongs dans cette priode de confrontations et de disputes si riches pour la pense, en connaissent certains pisodes. Lun des plus clbres

    porta sur la thse de la double vrit , qui cherchait concilier la raison, incarne par la pense dAristote, et les rvlations de la foi contenues dans les textes sacrs. Les noms

    dAverros, de Siger de Brabant et de Thomas dAquin viennent lesprit, sans que lon

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    Auteur

    Serge Haroche

    sache toujours vraiment ce que chacun de ces penseurs a apport au dbat. Deux vrits

    opposes peuvent-elles coexister, cohabiter si jose dire, sans introduire dans la pense une contradiction inadmissible ? Le sujet est vaste et reste tonnamment moderne. Que

    lon songe aux innombrables sminaires et colloques consacrs aux relations entre la science et la religion qui semblent souvent accrditer lide que deux vrits, celle de la

    rationalit scientifique et celle de la foi religieuse, peuvent effectivement coexister en chacun. Ou que lon pense, au contraire, lopposition frontale de fondamentalistes

    religieux, qui contestent toute double vrit en rcusant la thorie de lvolution ou la cosmologie du Big Bang.

    Cette notion de double vrit a dailleurs t transpose au XXe sicle dans un domaine totalement diffrent, celui de la physique. Le physicien Niels Bohr, qui ntait pas un

    mdiviste, aimait dire que le contraire dune vrit profonde est toujours une autre vrit profonde , impliquant avec une pointe dhumour que seules les vrits triviales

    refusent la contradiction. Il voquait bien sr par l son fameux principe de complmentarit qui fait coexister dans une vision cohrente de la nature les notions

    donde et de particule, quun esprit classique considre comme deux concepts totalement incompatibles. Vous pardonnerez jespre la digression du physicien que je suis, qui nous

    rappelle simplement que la rflexion dun des grands scientifiques du XXe sicle tait profondment nourrie par lapport de la philosophie. Je ne crois pas que Bohr tait

    directement influenc par Averros, mais il ltait certainement par tout un courant de pense dont les racines plongent, travers un long cheminement, dans le pass mdival.

    Alain de Libera sest fait larchologue de cette volution de la pense philosophique travers les mille annes du Moyen ge, en suivant une approche qui rappelle par certains

    aspects celle de Michel Foucault. Il sest intress lhistoire de la logique, de la philosophie du langage, de la mtaphysique et de la philosophie de lesprit. Ses recherches

    et ses publications concernent la thorie de la signification et de la rfrence, celle de labstraction, la smantique des propositions, la thorie des tats de choses, des proprits

    et des universaux. Il a galement tudi, en mtaphysique, la thorie de lanalogie de ltre, la division et le systme des catgories, la distinction de la substance et de

    laccident, la thorie de la relation et des relatifs, la gense et la structure du corpus mtaphysique mdival. En philosophie de lesprit, cest la tradition mdivale du De anima, lunion de lme et du corps, la distinction de lesprit et de lme, qui a retenu son

    attention. Il a aussi abord la question du sujet de la pense, la thorie des espces intentionnelles, la thorie des ides et de la reprsentation.

    Comme Alain de Libera se plat le souligner, ses travaux lont conduit tablir des rapprochements entre les sources mdivales et la philosophie et la psychologie

    modernes, voyant par exemple dans la faon dont les penseurs du Moyen ge ont analys le sujet pensant et agissant un prlude la pense de Descartes, voire certaines

    thories psychanalytiques. Alain de Libera a traduit et comment des uvres de Thomas dAquin, Averros et Matre Eckhart, et publi plusieurs ouvrages sur laverrosme latin et

    la mystique rhnane. Il a dit plusieurs textes fondamentaux de la logique du XIIIe sicle.Alain de Libera, je nai pu que survoler dans cette brve prsentation luvre du grand

    spcialiste de lhistoire de la philosophie mdivale que vous tes. Je conclurai en rappelant en quelques mots votre parcours acadmique. Aprs avoir dbut votre carrire

    comme professeur de psychopdagogie lcole normale dinstituteurs de Quimper, vous avez t nomm au Centre national de la recherche scientifique comme attach, puis

    charg de recherche au Centre dtudes des religions du Livre, lun des laboratoires de lcole pratique des hautes tudes (EPHE). Vous avez ensuite t lu directeur dtudes

    la Ve Section (Sciences religieuses) de lEPHE pour y enseigner lhistoire des thologies chrtiennes dans lOccident mdival. Vous avez enfin t appel, en 1997, par luniversit

    de Genve, occuper une chaire dHistoire de la philosophie mdivale. Cest sur une chaire portant le mme nom que vous entrez aujourdhui au Collge de France. Vos cours

    plongeront vos auditeurs dans un pass riche et complexe et les claireront aussi, jen suis persuad, sur la gense de la pense contemporaine. Je suis heureux de vous donner

    maintenant la parole pour que vous nous prsentiez votre leon inaugurale, intitule O va la philosophie mdivale ?

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    Conditions dutilisation : http://www.openedition.org/6540

    Rfrence lectronique du chapitre

    HAROCHE, Serge. Introduction In : O va la philosophie mdivale ? Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014 [en ligne]. Paris : Collge de France, (n.d.) (gnr le 27 novembre 2014). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782722603363.

    Rfrence lectronique du livre

    DE LIBERA, Alain. O va la philosophie mdivale ? Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014.Nouvelle dition [en ligne]. Paris : Collge de France, (n.d.) (gnr le 27 novembre 2014). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782722603363. Compatible avec Zotero

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    Collge de FranceO va la philosophie mdivale ? | Alain de Libera

    O va la philosophie mdivale ?Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014

    Alain de Libera

    Jean Jolivet

    Texte intgral

    The only duty we owe to history is to rewrite it1.

    Quand on a une fois got la philosophie moderne, il est assez difficile de

    sapprivoiser avec celle des Scholastiques. Tout y respire la rudesse et la barbarie. Les questions les plus abstraites et les plus inutiles, celles dont on naurait jamais

    d saviser, sont accumules les unes sur les autres : et loin que lexpression rpare

    le fond des choses, elle y ajoute un nouveau dsagrment, par sa tristesse et son obscurit La peine dun voyageur qui traverse des campagnes arides et incultes

    nest pas plus grande que celle dun esprit raisonnable qui est oblig par devoir de se donner aux Scholastiques, de lire [] les vingt et un volumes in-folio dAlbert le

    Grand [] ou les dix-sept attribus saint Thomas dAquin2.

    Monsieur lAdministrateur,

    Mesdames, Messieurs les Professeurs,Chers collgues,

    Chers amis,Voil ce qui vous attend. Ou, plutt, voil ce que serait partir daujourdhui notre commun destin, nous qui avons au moins une fois got la philosophie moderne ,

    moi qui suis oblig par le devoir de ma charge de me donner aux Scholastiques , vous que le dsir de savoir conduirait une nouvelle fois peut-tre dans cette vnrable

    enceinte ; oui, voil ce qui nous rassemblerait si le diagnostic pos en 1737 dans son Histoire critique de la philosophie par Andr-Franois Boureau-Deslandes, commissaire

    gnral de la marine et membre de lAcadmie de Berlin, tait fond. Obscurit, tristesse, ennui : redoutable trio qui, il faut lavouer, hlas, rsume bien lopinion que lon eut

    longtemps, et nagure encore, de la philosophie au Moyen ge.On dira que lavis de lauteur de LArt de ne point sennuyer et des Rflexions sur les

    grands hommes qui sont morts en plaisantant ne saurait clore laffaire3. Sans doute. Mais il est loin dtre isol. Ds 1735, le marquis Le Gendre de Saint-Aubin brossait, dans son

    Trait de lopinion, lidentique portrait dun ge philosophique irrmdiablement gt par

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    [] le roi Louis vient dordonner que les livres [des Nominaux] restent sous clefs et enchans dans les bibliothques, pour quil ny soit plus regard []. Ne diriez-vous pas que ces pauvres livres sont des furieux ou des possds du dmon, quil a fallu lier pour quils ne se jettent pas sur les passants7 ?

    Cette nouvelle disposition du roi fut accueillie avec acclamation, et elle produisit les effets ordinaires ; les nominaux ntant plus perscuts ne tardrent pas tomber dans loubli8.

    labus de la logique4. Certes, sous sa plume, on sy ennuyait moins que sous celle de

    Deslandes : on y voyait les deux sectes divisant le pripattisme, les nominaux et les ralistes, se faire la guerre jusqu lextravagance , livrer de vritables batailles ,

    exciter la fureur par les disputes les plus vaines , au point que, pour faire cesser enfin les dsordres en France , Louis XI faisait enchaner les livres des Nominaux, avec

    dfense de les ouvrir . Le Gendre commente : Quel triomphe pour un parti vainqueur ! [] cet enchanement dans les bibliothques tait une invention admirable pour jouir de

    sa victoire. Les Scotistes, libres, feuillets, combls dhonneur, vooient ct deux, leurs ennemis honteusement enchans. Un livre en toise un autre, lun est dans les honneurs,

    lautre est dans les fers : on savait crire en 1700. On nen tait pas pour autant meilleur historien. Le rcit que Le Gendre fait de la crise parisienne de 1474 et de ldit de Senlis

    qui, le 1er mars, y met un terme provisoire, est approximatif5, peu prcis sur les livres enchans6 , et incomplet il oublie le dnouement : labrogation de la mesure, sept ans

    plus tard ; surtout, il ignore lclat de rire qui saisit les contemporains. Le 25 fvrier 1475, Robert Gaguin (1433/34-1501), ministre gnral des Trinitaires, crit Guillaume Fichet

    (1433-apr. 1476) :

    Lier plutt que lire : belle anagramme. Mais, disais-je, aprs le rire des humanistes vient labrogation : nous sommes en France. Le prvt de Paris, Jean dEstouteville, crit

    Monsieur le Recteur, et MM. de notre mre lUniversit de Paris , que le roi la charg de faire dclouer et dfermer tous les livres des Nominaux et de faire savoir dans

    les collges que chacun y tudierait dsormais qui il voudrait . Un des premiers historiens modernes de lUniversit de Paris, Eugne Dubarle,

    commente, en 1829 :

    On pourrait ajouter : et avec eux tous les scolastiques ladhsion un monde social,

    culturel et politique nouveau, quelque nom quon lui donnt : humanisme, Renaissance, Rforme, ayant scell le rejet de lancienne manire de pense, labandon des faux savoirs

    mdivaux au profit, dira-t-on, de la vraie science ou de la thologie vaine au profit de la vraie foi. Le problme est que tout le monde ne saccorde pas sur la fin du Moyen ge, et

    quil ne suffit pas que son temps soit rput rvolu pour quon en soit sorti. Nous sommes encore plus scolastiques que nous ne pensons , crit en plein XVIIIe sicle labb

    de Condillac, dans le Cours dtudes rdig pour Ferdinand de Bourbon, petit-fils de Philippe V9, avant de prciser que par scolastique, il entend ce mlange confus de philo-

    sophie et de thologie , canonis en mme temps que saint Thomas par Jean XXII le 18 juillet 1323.

    Depuis le XVIIIe sicle, lhistoire a progress. Notre Moyen ge nest plus celui de Condillac, moins encore celui de Deslandes et Le Gendre. Il est moins obscur, moins

    confus, moins triste, moins ennuyeux. Mais, quest-ce au fait que ce Moyen ge ? NotreMoyen ge ? Certes, pas un nouveau Moyen ge , ni lobjet vite nomin, plus vite

    oubli, dun courant dair du temps quon appellerait nouveau mdivisme . Le Moyen ge que je dis ntre est celui que je tiens de mes matres la Ve Section de lcole

    pratique des hautes tudes : Paul Vignaux, qui y enseignait lHistoire des thologies mdivales ; Jean Jolivet, les Religions et les Philosophies dans le christianisme et lislam

    au Moyen ge. Cest aussi celui du prdcesseur de Paul Vignaux la section des Sciences religieuses, tienne Gilson, directeur dtudes dHistoire des doctrines et des dogmes,

    avant dtre lu une chaire dHistoire de la philosophie du Moyen ge au Collge de France et dy prononcer, le 5 avril 1932, une leon inaugurale intitule Le Moyen ge et le naturalisme antique, o il rendait hommage aux deux savants dont lesprit de son

    propre enseignement ne cesserait, disait-il, de porter la marque , bien quaucun des deux ne ft mdiviste : le philosophe, sociologue et ethnologue Lucien Lvy-Bruhl et

    Henri Bergson10.Le Moyen ge ou, plutt, les Moyen ge quun tudiant pouvait, la fin des annes 1960,

    dcouvrir dans les livres dtienne Gilson, qui avait quitt le Collge de France ds 1950,

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    ou dans les sminaires de Paul Vignaux, tenus en Sorbonne jusquen 1976, taient en

    ralit bien diffrents : Gilson, engag depuis la fin des annes 1920 dans le dbat sur la philosophie chrtienne , suscit par la clbre formule dmile Brhier : on ne peut

    pas plus parler dune philosophie chrtienne que dune mathmatique chrtienne ou dune physique chrtienne11 , considrait que le progrs vers la vrit mtaphysique plusieurs

    fois dcrit par Thomas dAquin trouvait sa place dans lconomie divine du salut ; Vignaux, qui navait cess de travailler sur le rapport entre philosophie chrtienne et

    thologie de lhistoire12, avait depuis les annes 1930 pris ses distances avec lunivers gilsonien, et proposait ses tudiants de dpasser la thologie de lhistoire de la

    philosophie, exprime dans la notion gilsonienne de philosophie chrtienne , grce une rflexion sur l tre historique de lhomme , impliquant une philosophie de la

    religion portant sur le christianisme mme . Philosophie chrtienne ou philosophie de la religion : lcart tait maximal entre les deux Moyen ge, mais cest cette diffrence qui

    instruisait, et plus encore, si on la mesurait laune de la philosophie alors en train de se faire . Lpoque tait, il faut lavouer, gnreuse : Derrida, Foucault, Deleuze, Lyotard,

    mais aussi Vuillemin, Granger et dautres offraient aux historiens de la philosophie en herbe de quoi questionner leur pratique ; lhistoire proprement dite ntant pas en reste,

    avec les Duby ou les Le Goff, le Moyen ge souvrait pour eux, par quelque ct quils labordassent, dans lhorizon de cette diversit rebelle que Vignaux assignait comme

    objet premier l historien qui a reu une formation philosophique13 . Diversit rebelle : lalliance des deux termes flattait loreille. Mais tait-ce le fin mot de

    lhistoire ? Gilson avait eu un successeur, non mdiviste, au Collge de France : Martial Gueroult. Dans Histoire et technologie des systmes philosophiques, sa leon inaugurale,

    prononce le 4 dcembre 1951, lauteur de Lvolution et la structure de la doctrine de la science chez Fichte (1930), rejetant les catgories historiographiques alors usuelles, telles

    que ralisme , idalisme ou criticisme , caractrisait par lide de structures toute philosophie, entendue la fois comme monument singulier et systme individuel de

    preuves dmontrant des vrits structures non pas gnrales, mais individualises , indissociables des contenus qui leur taient adhrents14 .

    Structure : un concept tait l qui semblait ouvrir une voie nouvelle, permettant darracher les tudes mdivales aux schmas historiographiques hrits contradictoirement du XVIIIe et du XIXe sicle. La somme thologique rige, dun geste

    panofskyen, en cathdrale du savoir, le formalisme scolastique, sa technicit ne se prtaient-ils pas mieux que tout la description que Gueroult faisait de la ralisation de la

    double fin de la philosophie construire un monument, dmontrer une vrit lorsquil voquait la soumission des lois immanentes inhrentes aux formes dans

    lesquelles la pense philosophante senferme tout en les instituant , lois et formes qui simpos[e]nt malgr lui au sujet15 ? la fin des annes 1960, le temps semblait venu

    pour un jeune mdiviste de revisiter le Moyen ge avec les outils conceptuels de sa gnration, de confronter la diversit, quelle ft ou non rebelle, et la structure, quelle ft

    gnrale ou individualise.Cest ce que jentrepris ds 1975, date de mon entre au CNRS, dans le Centre dtudes des

    religions du Livre fond par Paul Vignaux, le mdiviste, par Georges Vajda, lhbrasant, et par Henri Corbin, lislamologue. Je continuai sur cette voie lcole pratique des hautes

    tudes, et luniversit de Genve, ma seconde patrie philosophique, jusqu ce que lAssemble des professeurs du Collge de France me ft, en 2012, linsigne honneur de

    mlire cette chaire dHistoire de la philosophie mdivale, qui peu de chose prs un adjectif la place dun substantif reprend lintitul qui fut celui dtienne Gilson.

    Ce rapprochement crase y compris stylistiquement : en des temps o les idiolectes et les manies syntaxiques dvastaient la prose franaise, Gilson avait en effet, alors bien seul,

    maintenu les exigences de la phrase bien faite, de la pense claire et du color rhythmicus, instillant du Chateaubriand dans Duns Scot, l o tant dautres se contentaient de mettre

    du Trissotin dans Vadius. Si crasant soit-il, ce rapprochement, nanmoins, oblige, comme mobligent la confiance et le gnreux soutien prodigus par Claudine Tiercelin,

    titulaire de la chaire de Mtaphysique et philosophie de la connaissance, lgard de qui les tudes mdivales ont une double dette, pour ses travaux novateurs, dabord, sur Duns

    Scot lui-mme ou sur Duns Scot et Peirce16, pour le rle quelle a jou, ensuite, dans la recration de cette chaire. Cest pour moi un grand privilge de pouvoir contribuer

    prsent, ses cts, la dfense dune certaine ide de la philosophie rigoureuse et de la

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    mtaphysique. Mes remerciements sadressent aussi Pierre Corvol, Michel Zink, Antoine

    Compagnon et Jean-Nol Robert, Paul Veyne, enfin : leurs conseils ou leur amiti mont port, des poques diverses, durant les mois difficiles.

    Mesdames, Messieurs, on vient au Moyen ge avec des questions, pour, finalement, en dcouvrir dautres. Aprs plus de quarante ans denseignement et de recherche, javoue

    avoir abandonn la plupart de celles de mes prdcesseurs : philosophie chrtienne, tho-logie de lhistoire, philosophie de la religion. Une autre, en revanche, sest impose moi

    avec une acuit croissante : comment faire de lhistoire en philosophie mdivale ? la difficult tenant 1 la nature de lobjet : la pense mdivale, que lon dit dchire entre

    la raison et la foi ce que Durkheim appelait le drame de la scolastique , 2 au statut de la discipline elle-mme : lhistoire de la philosophie, conteste aussi bien par les philo-

    sophes que par les historiens. cela je rpondrai aujourdhui simplement quon ne peut faire dhistoire de la

    philosophie mdivale sans faire de philosophie mdivale. La chaire qui vient dtre recre nest pas un cnotaphe. Lobjet existe, et ne demande qu vivre. Sagissant de

    philosophie, nen dplaise Deslandes ou Le Gendre, le Moyen ge nest pas la plus longue parenthse de lhistoire de la pense humaine. Il est vrai quil trane en longueur : il

    est mme plus long encore quon pourrait le croire17 ; il est vrai aussi que, tout en tant central, il est relativement loin de tout : mais ses limites, prcisment, sont variables, ou

    plutt dpendent de la vision que lon a et de lhistoire et de la philosophie. Quand commence la philosophie mdivale ? Quand finit-elle ? On dira : cela va de soi,

    elle commence et finit avec le Moyen ge. Cest faux. Ou plutt, cela dpend de la rponse que lon fait dautres questions. Le Moyen ge de lhistorien a, si jose dire, longtemps

    commenc la chute de Rome, en 476, avec labdication de Romulus Augustule, dernier empereur romain dOccident, pour sachever en 1453 avec la prise de Constantinople par

    Mehmed II et la chute de lEmpire romain dOrient. Cette fin du Moyen ge, vnement politique et religieux interne la fois la romanit (Romanitas) et la chrtient

    (Christianitas), marquait aussi culturellement le dbut dune priode de renouveau, de Renaissance , tisonne par lexil des humanistes byzantins en Italie, selon le scnario

    construit par Michelet, entre un deuil et un coup de foudre, dans ses cours du Collge de France de 1840-184118. Condillac, qui nemploie pas encore le mot majuscule de Renaissance, mais ceux de naissance, de renaissance et de rvolution, quil suffit

    dentendre ensemble avec leurs minuscules pour arriver Michelet, juge tout autrement que lui lintrusion de ces Grecs, dont lafflux fait la fortune des langues mortes au

    dtriment des vivantes, ruinant les espoirs quavaient suscits bien plus tt un Dante, un Ptrarque et un Boccace : Les Grecs, crit-il dans son cours de logique, ces Grecs

    auxquels on attribue la renaissance des lettres, se rpandirent en Italie comme un nuage, et interceptrent la lumire qui venoit de se montrer19.

    On le voit, il ny a pas de priodisation historique pure : lhistoire politique se lie troitement lhistoire culturelle, et celle-ci lhistoire littraire, qui sur la mme trame

    peut tisser deux rcits de sens oppos. Il en va, videmment, de mme pour lhistoire de la philosophie. Dans la seconde dition de La Philosophie au Moyen ge, Gilson pose la

    premire borne la prise de contact de la religion chrtienne avec la philosophie, au IIe sicle de notre re, ds quil y eut des convertis de culture grecque20 . Le rcit qui

    sensuit emprunte donc les trois chemins qui soffrent a priori retenons le terme aux chrtiens, peine ont-ils rencontr philosophia : condamnation , absorption dans la

    religion nouvelle , utilisation aux fins de lapologtique . Ce scnario mriterait de longs commentaires, le temps mimpose daller directement au mien.

    La philosophie mdivale ne peut souvrir que sur un vnement pour la philosophie : en loccurrence, la fermeture de lcole noplatonicienne dAthnes en 529 par lempereur

    chrtien Justinien, qui provoque lexil en Perse des derniers philosophes paens, de Damascius et Simplicius Isidore de Gaza. La mme anne, lcole dAlexandrie, lautre

    cole noplatonicienne encore en activit, amorce, avec Jean Philopon, un virage vers le christianisme qui sera rapidement achev par ses successeurs. Fermeture, exil,

    conversion : voil le premier pisode. Quel est le dernier ? Pour Ernest Renan, le monde bascule quand, le 4 avril 1497, Nicolas Lonicus Thomoeus monte dans la chaire de

    Padoue pour enseigner Aristote en grec21 : la cration dune chaire de philosophie mancipe de la tutelle du latin arabis des scolastiques, de leurs catgories

    dcharnes et de leur jargon sauvage , voil qui marquerait la fin du Moyen ge en

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    philosophie. La thse est prcise il ne manque que lhoraire du cours , elle est

    excessive ; mais elle attire lattention sur un point essentiel : lentre du grec, et du mme coup de la Grce, alors orientale, en Europe. Un autre pisode possible serait la cration

    de chaires de grec et dhbreu sans oublier celle de mathmatique au Collge de France en 1530. Un troisime, aux datations variables : la monte en puissance

    scientifique des langues vulgaires. Un dernier, qui les runit tous, labandon conjoint du latin, dAristote et de la Loi religieuse : Giordano Bruno sy essaie en 1584 dans le Spaccio

    della bestia trionfante LExpulsion de la bte triomphante22. Le bcher du Campo de fiori lui rpond le 17 fvrier 1600.

    Revenons au commencement. Pour qui la fermeture de lcole dAthnes est-elle un vnement ? Pour nous. Pas pour les chrtiens orientaux, ni pour les Latins. Pas pour les

    chrtiens orientaux, qui depuis longtemps ont donn le baptme la philosophie, en faisant de la philosophie selon le Christ la vraie philosophie, quil sagisse de la vie

    chrtienne comme telle ou de sa forme parfaite, la vie monastique23. Pas pour les Latins, qui depuis longtemps peuvent dire avec Augustin : Verus philosophus est amator Dei.

    Toute frontire est poreuse. Tout vnement cache un processus. La philosophie tant pour les Byzantins, et de l pour les juifs et les musulmans, la science trangre

    trangre au nous de la communaut religieuse , faire lhistoire de la philosophie mdivale, cest faire lhistoire dune srie dacculturations philosophiques. Qui dit

    acculturation dit appropriation , assimilation active, dun mot : translatio, qui signifie la fois transfert et traduction ; qui dit acculturation dit aussi concurrence,

    comptition, rejet, refus. Le tournant spatial (spatial turn) opr en histoire24 est aussi important pour un

    mdiviste que le tournant linguistique et le tournant cognitiviste en philosophie25. La gographie historique des savoirs doit prendre le pas sur les dcoupages traditionnels

    de lhistoire de la philosophie. Ce qui slabore actuellement chez les historiens au titre des Lieux de savoir, en loccurrence, et entre autres, ltude de la production et de la

    circulation des savoirs, celle des pratiques de sociabilit ou des conditions matrielles du travail intellectuel, ne peut non plus demeurer hors champ. Cest cela que renvoie,

    dans mes livres, lexpression carolingienne translatio studiorum. Faire lhistoire de la philosophie mdivale, cest dabord faire lhistoire des textes philosophiques de lAntiquit, de leurs formes et et de leurs genres, de leur survie, de leur diffusion, de leur

    transmission, de leur reproduction, de leur lecture ; cest sintresser aux traductions et aux traducteurs, la constitution des corpus, la formation des canons, aux institutions,

    aux communauts, aux groupes sociaux, aux individualits qui dune manire quelconque y contribuent ; cest sintresser aux relations que ces acteurs entretiennent ; leur

    fonction dans la socit ou dans les glises ; leur idologie. Entre la fermeture de lcole dAthnes et la monte en chaire de Leonico Tomeo, il ny a pas quun Moyen ge . Il y

    a plusieurs continuations de lAntiquit tardive, plusieurs changements de langues du grec au latin, du grec au syriaque, du syriaque larabe, de larabe lhbreu, de larabe au

    latin, de lhbreu au latin, mais aussi du latin au grec et du latin lhbreu , il y a plusieurs phases de ruptures, de ramnagements ou de refontes, plusieurs renaissances,

    retours ou interruptions, en toutes sortes de milieux ou despaces gographiques, culturels, religieux, institutionnels, en Orient, en Occident, en terre dIslam, en pays de

    Chrtient, dont lhistorien de la philosophie doit la fois prserver les caractristiques propres et saisir les ressemblances de famille : un lve dOlympiodore ou dtienne

    dAthnes au VIe sicle nest pas un coltre parisien du XIIe, mais, par-del la diversit des lieux, des milieux et des idiomes, tous deux ont un formidable point commun : ils lisent

    les mmes textes philosophiques : les Catgories dAristote, lIsagoge de Porphyre. Ils sont philosophiquement plus proches que ne le sont de nous ceux qui rputent

    aujourdhui inutile la lecture de tout article de philosophie datant de plus de dix ans . La tche impose lhistorien de la philosophie mdivale peut paratre exorbitante. Une

    chose est sre, il ne pourra sen acquitter pleinement en se contentant dopposer reconstruction historique et reconstruction rationnelle ou textualisme et

    contextualisme26 . Rapporte la distinction opre par Quentin Skinner en 196927, lhistoire de la philosophie mdivale telle que je la conois occupe une place originale.

    Elle a affaire des textes, mais ce nest pas un textualisme au sens skinnrien du terme une thorie du texte seul (tout le texte, rien que le texte) , puisquelle naborde pas

    le texte sans son contexte ; elle nest pas non plus un contextualisme pur et sans nuance,

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    pour lequel ltude des conditions contextuelles de la production des noncs suffirait

    en reconstituer le sens dorigine. Je rejoins sur ce point Skinner, comme je le rejoins dans lanalyse des divers mythes auxquels est, selon lui, expos lhistorien du texte

    seul : 1 le mythe des doctrines, qui impose rtrospectivement un auteur un cahier des charges thorique dfini par un ensemble de thmes obligs (mandatory themes), fixs

    par lhistorien : a pack of tricks we play on the dead ; 2o lanachronisme par anticipation (the mythology of prolepsis), qui confond la signification quune uvre

    pouvait avoir pour son auteur avec la porte quelle a acquise aprs coup ; 3 le mythe de la cohrence , qui oblige linterprte neutraliser les antinomies, les contradictions ou

    les divergences qui travaillent une uvre pratique qui mvoque la mthode dexgse symphonique ou concordiste que les philosophes de lAntiquit tardive appliquaient la

    lecture dAristote et de Platon, que la scolastique a applique Aristote seul, puis la scolastique tardive et la noscolastique Thomas dAquin ; 4 enfin, le mythe de

    linfluence, auquel, en 199928, jai tent dopposer les notions de traage et de traabilit .

    La mme anne, dans LArt des gnralits, un livre consacr aux thories de labstraction, jutilisai pour la premire fois lexpression archologie philosophique29 ,

    par laquelle je dfinis aujourdhui lensemble de mon travail, auparavant prsent sous les appellations connexes d histoire des corpus et d histoire des rseaux30 . Le mot

    archologie impliquait une rfrence Foucault qui rclame une explication. Cest Kant qui a introduit lexpression dans la rponse une question mise au concours par

    lAcadmie de Berlin : Quels sont les progrs rels de la mtaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibniz et de Wolf ? Il y risquait cet oxymore : une histoire a

    priori31 , dont Foucault se souvenait sans aucun doute en frappant, ds la prface de Les Mots et les Choses, son propre a priori historique32 leffet, devait-il avouer par la

    suite, un peu criant33 . Cest en tout cas lui qui, polmiquant avec George Steiner34, a relanc lide kantienne dune histoire philosophante de la philosophie entendue

    comme philosophische Archologie, autrement dit, dans son interprtation, comme l histoire de ce qui rend ncessaire une certaine forme de pense . Cest ce sens que je

    reprends dans mon propre travail. Jusquo peut-on suivre la fois Gueroult et Foucault conceptuellement et narrativement ? La question me prit et me tient encore. Cest pourquoi, tout en continuant

    de chercher Paris des structures en histoire, je commenai de regarder ailleurs : vers lautre pays du rugby, lAngleterre Oxford, en loccurrence, o de 1935 1941 avait

    enseign un philosophe qui tait aussi, au sens propre du terme, un archologue, je veux parler de Robin George Collingwood. Gardant pour lavenir la confrontation de sa thorie

    des prsuppositions absolues avec les lois et les formes de Gueroult, dune part, lpistm de Foucault, dautre part dont, avouons-le, je redoutais alors (mais plus

    maintenant) lissue , jempruntai au philosophe anglais de quoi pratiquer ce que je voyais comme une version pragmatique du structuralisme en histoire, caractrise,

    premirement, par labandon des problmes prennes gnraux au bnfice de complexes de questions et de rponses particuliers et transitoires ; deuximement, par ladoption de

    la mthode du constructive reenactment, rsume par la formule : Toute histoire est une remise en acte , a reenactment ou, comme le traduit Ricur35, la reffectuation

    dune pense passe en tant quexprime dans une action passe . ( All history is a reenactment of past thought as expressed in past action36 ). Le reenactment est la

    version anglaise et archologique de ce que Heidegger appelle phnomnologiquement objectivation dans une comprhension vivante ( in lebendigem Verstehen ) jy

    reviendrai. La reffectuation constructive a une dimension structurale originale, quun structuraliste dira trop faible, et un non-structuraliste, trop forte. Cest celle du complex of

    questions and answers. Elle permet de ne pas sincliner avec Lvi-Strauss devant la puissance et linanit de lvnement37 , comme dans une file de condolances, en se

    htant vers la sortie : la structure. De lvnement de pense, en tant quvnement, on ne peut dire comme le suggrait, en nos jeunes annes, certaine lecture de Du miel aux

    cendres quil ny a rien dire sinon quil est arriv38. Il peut, de fait, tre remis en acte, et par l redonner penser. Lintressant est quil ne revient pas seul. Si lon suit

    Collingwood, toute pense appartenant un complexe de questions et de rponses, la tche du philosophe archologue, en tant quarchologue, ne peut se borner exhumer

    une thse pour ltudier, lvaluer, la discuter de manire atomistique : il doit

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    reffectuer son questionnaire dorigine de manire holistique et, littralement,

    repenser cette pense dans et avec lensemble auquel elle appartient39. Larchologie philosophique rclame de faire siens non seulement les vocables et les questions dun

    philosophe mais, au-del, leur organisation, leur structure le mot est de Collingwood40. Quest-ce, de fait, quun complexe questions-rponses, un CQR ? Ce nest

    ni plus ni moins quun QCM, un questionnaire choix multiples : la diffrence est quau lieu dy rpondre oui ou non en mettant une croix dans une case, tel un croyant sans

    signature, on rpond par deux sries darguments, textuels (per auctoritatem), puis rationnels (per rationem). Cest donc bien lensemble questions-rponses lui-mme qui

    doit tre reffectu, tout lensemble, si compliqu ou intriqu soit-il, pour, le cas chant, tre ensuite lobjet dune prise de position, dune rfutation ou dune critique ponctuelle,

    voire globale. On dira : cest infaisable ! Cest pourtant ce quun mdiviste fait la plupart du temps, et

    mme trois fois, pour chaque pense quil ravive : une premire fois, en ditant le texte qui contient lensemble questions-rponses larchive mdivale est largement indite ; une

    deuxime, en le traduisant le lectorat latiniste tend samenuiser ; une troisime, en lanalysant conceptuellement ce qui est le but du jeu, quoi quen disent ceux qui

    opposent, selon moi de manire trop rigide, culture du commentaire et culture de largument, philosophie (ou histoire) continentale et philosophie (ou histoire)

    analytique41 . Les trois activits : diter, analyser, traduire, sont mentalement indissociables, et toutes trois sont requises. diter, cest dabord copier. Transcrire un

    manuscrit, cest comme lire une partition invisible dans la concatnation des signes et des abrviations couchs sur le parchemin. Cest entrer, aussi, dans la dure dune uvre. Il y

    a des invariants en histoire : mme si le portable a remplac le calame, on ne transcrit pas plus vite aujourdhui quhier un folio de 25 16 centimtres. Le trajet qui va de lil la

    main est le premier geste du reenactement : on ne peut diter une phrase sans repenser une pense y compris en se trompant.

    Les mdivaux sont les plus vieux disciples de Collingwood. Il suffit de jeter un coup dil sur un texte philosophique ou thologique du Moyen ge tardif pour voir quil est la

    plupart du temps compos dun ensemble de questions et de rponses, articul sur la base de structures argumentatives prcises correspondant des pratiques pdagogiques bien dfinies, donnant elles-mmes lieu des genres littraires solidaires, mais varis :

    questions disputes, par exemple, ou questions quodlibtales la forme universitaire du tournoi, la question adresse au matre qui sy risque, tant pose par nimporte qui (a

    quolibet) sur nimporte quoi (de quolibet) la liste serait longue. En mergent le format disputationnel, agonistique, les dynamiques de conflit et dalliance entre acteurs

    concrets et actants abstraits qui apparentent la marche du concept un mouvement social.

    Les trente dernires annes ont vu un accroissement vertigineux de larchive, amplifi par les nouveaux moyens de reproduction, de stockage et de mise en circulation des donnes.

    Cette formidable accumulation de textes, dauteurs, de thmes, dvnements est-elle encore exploitable conceptuellement ? On peut en douter. un certain stade de

    googlisation des donnes, la diversit rebelle ne donne plus penser : elle sature la vue.

    La question nest pas nouvelle. Un tenant de lemplotment, ce quon appelle la mise en intrigue qui, selon le mot de Ricur, introduit un premier dcalage pistmique entre

    lvnement tel quil est survenu et lvnement tel quil est racont, enregistr, [et] communiqu42 , dira que le champ vnementiel objectif dans lequel le narrateur trace

    un itinraire est de toute faon divisible linfini : le danger pour lhistorien de la philosophie mdivale nest donc pas dune autre nature aujourdhui quil y a un ou,

    plutt, deux sicles ctait et cela reste, comme lcrit Paul Veyne, d tre aspir par le gouffre de linfinitsimal , sil cesse de voir les vnements dans leurs intrigues43 .

    Dautres sinterrogeront sur la diversit elle-mme, suivant Arthur Oncken Lovejoy (1873-1962) dans La Grande Chane de ltre (The Great Chain of Being), luvre qui, en 1933, a

    jet les bases de lhistoire des ides44 . Dans ce trs beau livre la formule est de Pierre Bourdieu, dans son cours sur ltat45 , le philosophe amricain remontant ce

    quil nomme unit-ideas , savoir les units lmentaires qui entrent dans la constitution des systmes philosophiques ( the elements, the primary and persistent or

    recurrent dynamic units, of the history of thought ), explique que les incrments de

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    nouveaut absolue sont bien plus rares quon ne le suppose , que la tche de lhistorien

    est donc dabord didentifier les facteurs dynamiques persistants , les ides qui produisent des effets dans lhistoire de la pense hypothses, prsupposs implicites

    ou incompltement explicits, habitus mentaux plus ou moins inconscients, motifs dialectiques , qui sont luvre dans la pense dun individu ou dune gnration, enfin

    principes surtout quil faut traquer dans toutes les provinces de lhistoire dans lesquelles ils figurent quelque degr important, que ces provinces aient pour nom

    philosophie, science, littrature, art, religion ou politique46 . Lhistoire de la philosophie est une affaire de PRINCIPES telle est la prmisse que lARCHOlogie philosophique

    emprunte la trop dcrie histoire des ides47.Que lon tienne pour la mise en intrigue ou pour la qute des ides lmentaires ou pour

    les deux, laccumulation des donnes nest pas, en tout cas, une difficult en soi : larchive nest pas un dpt mort, cest une nergie fossile. Cest l quil faut chercher ce qui

    rend possible, voire, si lon suit Foucault, ncessaire une certaine forme de pense . Lhistoire-narration quimpose, mon sens, lnergie de larchive mdivale est une

    histoire du troisime type o, au-del des acteurs, des individus, des groupes, des classes et des forces en conflit , interviennent deux-mmes, titre dactants, les

    principes, les distinctions, les schmes ou les structures conceptuelles et argumentatives. Les invariants ont une histoire. Les structures se transforment. Les vnements eux-

    mmes ont une dure. La forme de pense dont je moccupe est larticulation moderne des notions de sujet,

    dagent, de moi et de personne. Le thme principal de mon enseignement au Collge de France sera donc cette archologie du sujet , dont la publication de Naissance du sujet

    en 2007, de La Qute de lidentit en 2008 et, ce matin mme, de La Double Rvolution, a pos les fondements48. Comment et pourquoi le sujet , substance ou substrat passif,

    chose porteuse daccidents dans lontologie dAristote, est-il devenu, sous le nom de je , sujet humain daction ? Telle est la question directrice, ouverte par la critique

    nietzschenne de la superstition logique et de la routine grammairienne qui nous font attribuer nos actions, comme autant de prdicats, un sujet suppos savoir (selon le

    mot de Lacan, un peu remani). Tel est aussi le point o larchologie philosophique croise la route de ce que Heidegger a labor sous le titre de destruction critique (kritische Destruktion) et de dconstruction (Abbau) dconstruction dont il faudra bien faire

    un jour lhistoire pour, en modernes frres Lumire, la dconstruire son tour49. La chose, dire vrai, ne date pas dhier. Cest le cours fribourgeois du semestre dt 1920,

    Phnomnologie de lintuition et de lexpression, qui propose la premire laboration vritable de la notion de dconstruction , laquelle a aujourdhui conquis le monde,

    aprs avoir conquis les dpartements de French Studies nord-amricains, puis les ministres parisiens50.

    Partant dun diagnostic pos sur la situation philosophique contemporaine pour laborer phnomnologiquement une thorie de la formation des concepts

    philosophiques (eine Theorie der philosophischen Begriffsbildung), Heidegger donne une description prcise de lAbbau comme libration , qui induit une certaine

    conception de lhistoire et des conditions de possibilit de la Geistesgeschichte ou histoire intellectuelle . Les philosophies historiques comme on dit les vnements

    historiques nont le statut de faits que dans une saisie philosophique vivante (in lebendiger philosophischer Erfassung). Pareille saisie, qui rpond un dsir daller au

    large , ins Freie , de se librer de lhistoire dite pigonale , qui additionne les systmes et les points de vue , saccomplit par lAbbau. La dconstruction vise

    se librer dune tradition inauthentique qui simpose nous51 , ramener les concepts obstructifs leur origine, pour dsobstruer le chemin qui conduit aux

    choses mmes52 . Cest un acte philosophique qui sinscrit dans lhorizon pratique dune certaine forme de philosophie : la phnomnologie.

    Dans les annes 1930-1940, la rupture avec la phnomnologie tant consomme, la destruction de lontologie traditionnelle cde la place l histoire de ltre (Geschichte

    des Seins). Le mot-cl nest plus celui de retour lorigine, mais ceux de changement, mutation, permutation, transformation : Wandeln et Verwandlung. Le cours du

    semestre dt 1934 Logik als die Frage nach dem Wesen der Sprache/La Logique comme question sur lessence de la langue, primitivement annonc sous le titre Der Staat

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    Que veut dire que lhomme soit sujet ? Que signifie sujet ? Comment en vient-on poser de cette manire ltre de lhomme ? (Was heit, der Mensch sei Subjekt ? Was bedeutet Subjekt ? Wie kommt es zu dieser Ansetzung des menschlichen Seins ?)

    Comment et par quel chemin en est-on venu ce renversement des concepts fondamentaux de la philosophie, et que signifie-t-il ? (Wie und auf welchem Wege kam es zu dieser Umkehrung der Fundamentalbegriffe der Philosophie, und was bedeutet sie53 ?)

    und die Wissenschaft/Ltat et la Science (que ceux qui ont des oreilles entendent !)

    demande :

    Cette question est celle de larchologie du sujet. La rponse de Heidegger renvoie la permutation (Verwandlung), au complet renversement de sens quont connu au seuil de

    la modernit les mots subiectum et obiectum, au revirement (Umkehrung) qui leur a confr une signification exactement oppose celle quils avaient au Moyen ge les

    scolastiques appelant subiectum la chose extramentale, que nous appelons aujourdhui prcisment objet , et obiectum la reprsentation mentale, que nous disons prsent

    subjective . Do une seconde question :

    Cest derechef ce dont senquiert larchologie du sujet. Quelle rponse apporte-t-elle ? Le

    cours de cette anne, intitul Inventio subiecti. Linvention du sujet moderne, en donnera une premire approximation, tout en entamant la critique archologique de la thse

    propose en 1941 par Heidegger dans La Mtaphysique comme histoire de ltre, selon laquelle cest avec Descartes que, pour la premire fois, subiectum et ego, subjectit et

    got (Ichheit), ont acquis une signification identique54. Stat Roma pristina nomine, nomina nuda tenemus : la Rome dantan nest plus quun

    nom ; nous ne gardons que des noms vides, crivait vers 1140 Bernard de Cluny dans Le Mpris du monde (De contemptu mundi). Je nen crois rien. Roma, Rome ou bien, dEco,

    Rosa, la rose, demeure certes par son nom, mais ce nom nest pas vide : il y a des penses entre les mots et les roses.

    Lhistoire du sujet pensant sinscrit dans le trac dun quadrilatre mdival o se composent, sappellent ou senchanent quatre questions. Deux ont directement trait la

    pense : 1 Qui pense ? autrement dit : Qui est celui qui pense en moi ? moi-mme (my Self), comme le dira Locke, ou a ou il ; auf Deutsch : es , comme le diront

    Lichtenberg, puis Schelling, reformulant le cogito cartsien sous la forme impersonnelle dun Es denkt in mir : il pense en moi, comme on dit Es regnet bei mir : il pleut

    chez moi ; 2 Quel est le sujet de la pense ? autrement dit : quest cela, la chose, la res, das Ding, laliquid, qui pense en moi55 ? Ces deux formulations, que lon peut ou non juger

    quivalentes, sont solidaires des deux autres questions du quadrilatre, aussi vieilles que la philosophie : Qui suis-je ? Quest-ce que lhomme ? Dans leur entre-implication, les

    quatre peuvent servir de formulaire pour questionner la question du sujet de la pense, et cerner son a priori historique56 . Cette structure, ou plutt ce schme

    thorique , ne sest pas mis en place de lui-mme ni demble. La question du sujet de la pense a chang plusieurs fois de sens, comme les notions dsignes par le terme sujet. Il

    en va de mme des trois autres questions. Tout au long du Moyen ge tardif, ce questionnaire sest allong. Il a volu en liaison avec lvolution des modles de la

    (me). Pourquoi ? Parce que : 1 de nouvelles questions sont apparues au cours de deux grandes polmiques aux XIIIe et XIVe sicles : les polmiques averrostes sur lunit de

    lintellect et les polmiques thomistes sur lunit ou la pluralit des formes substantielles57 ; 2 la psychologie a subi des changements profonds comme, au XIVe sicle,

    la substitution de la notion d intellection ou de connaissance intuitive du singulier celle, aristotlicienne, de perception sensible ; 3 la science de lme, centre par le

    De anima sur lintellect, lexercice de la pense et de la connaissance, a vu crotre la part dvolue lanalyse des motions (attribues par Aristote, au compos corps-intellect : le 58).

    Do un problme nouveau : y a-t-il un sujet unique de la pense, de la perception et des motions ? Problme dont une version alternative est : Qui dit je dans je pense , je

    perois , jprouve59 ? Est-ce le mme sujet qui dit je dans je pense , je vois et jai mal ? Est-ce toujours le mme je ? De qui ou de quoi sagit-il chaque fois ? de

    lme ? du corps ? du compos ? de la personne comme sujet de lunion de lme et du corps ? Ce nouveau problme fait un lien entre le Moyen ge tardif et lge classique,

    entre les polmiques averrostes et un nouvel ensemble de discussions : les polmiques

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    Annexes

    Notes

    1. Notre seul devoir envers lhistoire est de la rcrire. O. Wilde, La critique est un art , Intentions, trad. de P. Nel, Paris, Le Livre de poche, 2000, p. 145-146.

    2. A.-F. Boureau-Deslandes, Histoire critique de la philosophie o lon traite de fon origine, de fes progrs & des diverfes rvolutions qui lui font arrives jufqu notre tems, t. III, Amsterdam, Franois Changuion, 1756, p. 269-270.

    3. Dans le Nouveau Dictionnaire historique ou histoire abrge de tous les hommes qui se sont fait un nom par des talens, des vertus, des forfaits, des erreurs etc. ; depuis le commencement du monde jusqu nos jours, t. III, Caen, G. Le Roi, 6e d. 1786, p. 158-159, Louis Mayeul Chaudon (1737-1817) dresse un portrait nuanc de lhomme et de luvre.

    4. G.-C. Le Gendre de Saint-Aubin, Trait de lopinion ou Mmoires pour servir lhistoire de lesprit humain, t. I, Paris, Briasson-Vienne, Briffaut, 1735, p. 141-142.

    5. Cf. Z. Kaluza, Les tapes dune controverse. Les nominalistes et les ralistes parisiens de 1339 1482 , in A. Le Boulluec (d.), La Controverse religieuse et ses formes, Paris, d. du Cerf, 1995, p. 297-317.

    6. V. Le Clerc, Discours sur ltat des Lettres, in V. Le Clerc et E. Renan, Histoire littraire de la France au XIVe sicle, t. I, Paris, Michel Lvy, 2e d. 1865, p. 358-359, rappelle que lenchanement tait la fois une prcaution gnrale contre le vol ( avec les fortes serrures et lanathme ) et, quelquefois seulement, une punition inflige aux ouvrages suspects. Sur les libri incatenati, cf., prsent, M.-H. Jullien de Pommerol, Livres dtudiants, bibliothques de collges et duniversits , in A. Vernet (dir.), Histoire des bibliothques franaises, t. I : Les Bibliothques mdivales du VIe sicle 1530, Paris, Promodis, 1989, p. 93-111.

    cartsiennes . Cest le problme de lunit de lhomme. Avec lui, le questionnaire

    sallonge encore. En demandant si lhomme, corps et me, est un tre (un) par accident (ens per accidens)

    ou un tre (un) par soi (ens per se), les matres du XIVe sicle formulent la question qui sera au centre des polmiques dclenches contre Descartes par les aristotliciens

    calvinistes dUtrecht en 164160. Laxe Averros-Descartes est capital pour lhistoire du sujet-agent. Suivre cet axe, cest btir plusieurs intrigues . Lautoroute heideggrienne

    de lhistoire de ltre nest pas le seul chemin que doit emprunter larchologie. Il y a dautres itinraires. Larchologie du sujet ne saurait tre la simple mise en rcit de LA

    (pr)histoire du sujet cartsiano-kantien dans LA tradition scolastique ou mme antique et mdivale . Sil y a dautres itinraires, cest quil y a dautres destinations :

    Reid, plutt que Descartes, Brentano plutt que Kant, donc aussi dautres traditions, que lon dcouvrira mesure.

    O va la philosophie mdivale ? Elle va l o est la philosophie. Elle est l o va la philosophie. Elle est devenue mdivale, pass le Moyen ge ; elle tait seulement

    philosophie quand le Moyen ge tait encore saeculum modernorum, sicle , cest--dire re des Modernes , pour ceux qui y vivaient. Aujourdhui, elle va l o doit aller

    celle ou celui qui veut relater, cest--dire mettre en relation, son histoire : Cordoue ou Vienne, mais aussi Paris ou dimbourg, les deux nouvelles Athnes, lune franaise,

    sous les Valois, lautre, britannique, lors du Scottish Enlightment61. Lenqute sur les dynamiques spatiales de la philosophie moderne , mene dans le cadre de la Sociology

    of Philosophies62, peut tre reprise mutatis mutandis par le mdiviste. Larchologie du sujet nous entranera, en tout cas, dans lespace comme dans le temps, du concile de

    Chalcdoine (451) la philosophie cossaise du XVIIIe sicle, la philosophie autrichienne du XIXe et pour finir, je lespre, la dconstruction de la dconstruction un Tahafut-at-

    Tahafut, une Destructio destructionis du troisime millnaire, un projet averroste pour le post-postmodernisme. Le voyage sera long. Les voyages forment la vieillesse : le voyageur

    est, malgr tout, un peu press par le temps. Sa hte de commencer na donc dgal, Monsieur lAdministrateur, Mesdames, Messieurs,

    chers collgues, chers amis, que le dsir de servir dignement linstitution qui, soixante-quatre ans aprs le dpart dtienne Gilson, a fait le choix inattendu, mais exaltant pour son rcipiendaire, de recrer, au Collge de France, une chaire dHistoire de la philosophie

    mdivale.

    Les enregistrements audio et vido de la leon inaugurale sont disponibles sur le site du Collge de France : http://www.college-de-france.fr/site/alain-de-libera/

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  • 7. Je cite la traduction de Amable-Guillaume-Prosper Brugire de Barante (1782-1866), in : Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, t. XII, Paris, 1824-1826, p. 167-168. Jean-Baptiste-Louis Crvier (1693-1765), Histoire de lUniversit, t. IV, Paris, 1761, p. 364, est plus prs de loriginal latin, quon peut lire dit par L. Thuasne, dans Roberti Gaguini Epistole et orationes, t. I, Paris, mile Bouillon, 1903, p. 248-249.

    8. E. Dubarle, Histoire de lUniversit, depuis son origine jusqu nos jours, t. I, Paris, J. L. J. Brire, 1829, p. 311. Dans le Discours sur ltat des Lettres, premier tome de lHistoire littraire de la France au XIVe sicle, crite quatre mains avec Ernest Renan (op. cit., p. 359), Victor Le Clerc persifle : Seule dans luniversit la nation dAllemagne reut avec une grande joie cette autorisation de lire [les livres des nominaux] ; mais peut-tre les lut-on moins alors que lorsquils taient dfendus et clous.

    9. Cf. Condillac, Histoire moderne, livre VIII, chapitre VII, De la scholastique, et par occasion, de la manire denseigner les arts et les sciences, uvres compltes, t. XII, Paris, Lecointe & Durey & Tourneux, 1822, p. 279-303.

    10. . Gilson, Le Moyen ge et le naturalisme antique , Archives dhistoire doctrinale et littraire du Moyen ge, no 7, 1932, p. 5-6.

    11. . Brhier, Y a-t-il une philosophie chrtienne ? Revue de mtaphysique et de morale, vol. 38, no 2, 1931, p. 162 [p. 133-162]. Sur la controverse, voir G. B. Sadler, The 1930s French Christian Philosophy Debates : Relevance, Present Condition, Brief History and Main Positions, Catholic University of America Press, 2011.

    12. Pour une vue prcise du dbat Vignaux-Gilson, de sa gense, de sa nature et de ses enjeux, voir P. Vignaux, Philosophie chrtienne et thologie de lhistoire , in : De saint Anselme Luther, Paris, Vrin, coll. tudes de philosophie mdivale , 1976, p. 55-68.

    13. Cf. P. Vignaux, Philosophie au Moyen ge, Paris, Vrin, 3e d. 2004, p. 94-95 : Lhistorien qui a reu une formation philosophique doit craindre de trop unifier, de systmatiser ; il faut quil laisse voir la diversit rebelle.

    14. M. Gueroult, Leon inaugurale au Collge de France. Chaire dhistoire et technologie des systmes philosophiques, Paris, Collge de France, 1952, p. 24 et 33. Cf. C. Giolito, Histoires de la philosophie avec Martial Gueroult, Paris, LHarmattan, 1999, p. 136.

    15. M. Gueroult, Leon inaugurale au Collge de France, op. cit., p. 23.

    16. Cf. Linfluence scotiste dans le projet peircien dune mtaphysique comme science , Revue des sciences philosophiques et thologiques, vol. 83, no 1, 1999, p. 117-134.

    17. Cf. J. Le Goff, Un long Moyen ge, Paris, Tallandier, 2004.

    18. Cf. J. Michelet, Cours au Collge de France, d. par P. Viallaneix avec la collaboration dO. A. Haac et I. Tieder, Paris, Gallimard, 1995, 2 vol. Sur les circonstances, le sens et la porte de linvention de la Renaissance , voir le livre de Lucien Febvre, Michelet et la Renaissance, Paris, Flammarion, 1992, qui reprend les cours donns en 1942-1943 au Collge de France. Cf., en outre, C. Gaspard, Les cours de Michelet au Collge de France (1838-1851) , in : Le Cours magistral XVe-XXe sicle. Histoire de lducation, no 120, 2008, p. 99-112.

    19. Condillac, Cours dtudes, VI, XX, 1, in : uvres philosophiques, t. II, Paris, PUF, coll. Corpus gnral des philosophes franais , 1948, p. 173. Cf., dans le mme sens, Histoire moderne, livre IX, De lItalie, chapitre IX, De ltat des arts et des sciences en Italie, depuis le Xe sicle jusqu la fin du XVe sicle, uvres compltes, t. XII, op. cit., p. 431-432.

    20. . Gilson, La Philosophie au Moyen ge. Des origines patristiques la fin du XIVe sicle, Paris, Payot, 1999 (1re d. 1944), p. 9, avec, sur les mmes problmes de priodisation, selon le philosophe ou selon lhistorien (cette fois sur la continuit/coupure XIIIe-XIVe sicle), la recension de Lucien Febvre, Histoire des ides, histoire des socits. Une question de climat , Annales. conomies, socits, civilisations, no 2, 1946 (1re anne), p. 158-161.

    21. E. Renan, Averros et laverrosme, Paris, Michel Lvy, 2e d. 1865, p. 385. En 1497, le Snat vnitien cre, de fait, une chaire pour Tomeo, afin quil y enseigne Aristote partir du texte grec. Cf. D. De Bellis, La vita e lambiente di Niccol Leonico Tomeo , Quaderni per la storia dellUniversit di Padova, no 13, 1980, p. 37-75. Rappelons qu lpoque Padoue tait, selon le mot de Renan, le Quartier latin de Venise .

    22. Cf. G. Bruno, Spaccio della bestia trionfante, d. de G. Aquilecchia, intro. de N. Ordine (Giordano Bruno, uvres compltes, V/1-2), Paris, Belles Lettres, 1999.

    23. Cf. A.-M. Malingrey, Philosophia. tude dun groupe de mots dans la littrature grecque, des prsocratiques au IVe sicle aprs J.-C., Paris, Klincksieck, 1961 ; avec le commentaire dA. Guillaumont, Revue de lhistoire des religions, vol. 164, no 2, 1963, p. 244-246.

    24. Cf. A. Torre, Un tournant spatial en histoire ? Paysages, regards, ressources , Annales. Histoire, sciences sociales, no 5, 2008 (63e anne), p. 1127-1144.

    25. Le tournant linguistique a aussi eu une importance capitale pour les mdivistes : inaugur par louvrage pionnier de J. Jolivet, Arts du langage et thologie chez Ablard, Paris, Vrin, 1969, il reste un des axes majeurs de la recherche en philosophie mdivale. Cf. I. Rosier-Catach, La Parole efficace. Signe, rituel, sacr, Paris, Seuil, coll. Des travaux , 2004.

    26. Sur ces notions, cf. R. Rorty, Quatre manires dcrire lhistoire de la philosophie , in G. Vattimo (d.), Que peut faire la philosophie de son histoire ?, Paris, Seuil, 1989, p. 58-94.

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  • 27. Q. Skinner, Meaning and understanding in the history of ideas , History and Theory, vol. 8, no 1, 1969, p. 3-53.

    28. A. de Libera, Le relativisme historique. Thorie des complexes questions-rponses et traabilit , Les tudes philosophiques, no 4, 1999, p. 479-494.

    29. Javais cependant, ds 1996, utilis le terme archologique pour dfinir la mthode et la vise de mes recherches sur les universaux. Cf. La Querelle des universaux. De Platon la fin du Moyen ge, Paris, Seuil, 1996, p. 26-27 [2e d., coll. Points , 2014, p. 29-30] : Notre conception de lhistoire ne sacrifiera pas [] au mouvement rtrograde du vrai. Ce qui nous importe est dordre archologique : nous voulons expliquer comment la pense mdivale a rencontr le rseau de concepts, dobjets thoriques et de problmes dont elle a tir, comme une de ses figures possibles, le problme des universaux ; comment ce que lhistoriographie appelle le nominalisme et le ralisme sest constitu ; sur quels schmes conceptuels rcurrents les philosophes mdivaux ont bti leur comprhension de la pense aristotlicienne et forg leur reprsentation du platonisme.

    30. Cf. A. de Libera, Archologie et reconstruction. Sur la mthode en histoire de la philosophie mdivale , in collectif, Un sicle de philosophie, 1900-2000, Paris, Gallimard/Centre Pompidou, coll. Folio Essais , 2000, p. 552-587.

    31. Cf. I. Kant, ber die von der Knigl. Akademie der Wissenschaften zu Berlin fr das Jahr 1791 ausgesetzte Preisfrage : Welches sind die wirklichen Fortschritte, die die Metaphysik seit Leibnitzens und Wolfs Zeiten in Deutschland gemacht hat ?, in : Gesammelte Schriften, Berlin, Walter de Gruyter, t. XX, 1942, p. 341 ; trad. fr. : Quels sont les progrs de la mtaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibniz et de Wolf ?, uvres philosophiques, t. III, Paris, Gallimard, coll. Bibliothque de la Pliade , 1986, p. 1284.

    32. Sur cette notion, voir J.-F. Courtine, Foucault lecteur de Husserl. La priori historique et le quasi-transcendantal , Giornale di Metafisica, no 29, 2007, p. 211-232.

    33. Cf. M. Foucault, LArchologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 167-168.

    34. Foucault rpond The Mandarin of the Hour Michel Foucault , The New York Times Book Review, no 8, 28 fvrier 1971, p. 23-31. Voir, pour tout cela, Foucault rpond , Dits et crits, t. II, 1976-1988, no 100, Paris, Gallimard, coll. Quarto , 2001, p. 219 sq.

    35. Cf. P. Ricur, La Mmoire, lhistoire, loubli, Paris, Seuil, coll. LOrdre philosophique , 2000, p. 366 et 495-496 (sur Collingwood et la reffectuation du pass dans le prsent).

    36. Cf. W. H. Dray, History as Re-Enactment : R. G. Collingwoods Idea of History, Oxford, Clarendon Press, 1999, p. 150. La formule de Dray combine les deux ides majeures de Collingwood : le reenactment et la thse, rcurrente, selon laquelle All history is the history of thought . Sur la gense de ces thses, cf. R. G. Collingwood, An Autobiography, Londres/Oxford/New York, Oxford University Press, 1970 ; trad. fr. de G. Le Gaufey, Toute histoire est histoire dune pense. Autobiographie dun philosophe archologue, Paris, EPEL, coll. Des sources , 2010.

    37. C. Lvi-Strauss, Du miel aux cendres (Mythologiques, t. II), Paris, Plon, 1966, p. 408 : Pour tre viable, une recherche tout entire tendue vers les structures commence par sincliner devant la puissance et linanit de lvnement.

    38. C. Backs-Clment, Lvnement : port disparu , Communications, no 18, 1972, p. 154 [p. 145-155].

    39. Sur le reenactment, voir R. G. Collingwood, The Idea of History, d. et intro. de J. Van der Dussen, Oxford, Oxford University Press, 1993, p. 282-302. Sur la philosophie de lhistoire de Collingwood, le relativisme historique et le reenactment, cf. C. Kobayashi et M. Marion, La philosophie de lhistoire de Collingwood : rationalit, objectivit et anti-ralisme , in C. Nadeau (d.), La Philosophie de lhistoire au XXe sicle. Hommages offerts Maurice Lagueux, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 2007, p. 119-164.

    40. Le terme structure intervient ds la description canonique des CQR et la mise en place de la distinction entre logique propositionnelle et logique de questions et de rponses dans An Autobiography, op. cit., p. 37 ; trad. de Le Gaufey, p. 60-61.

    41. Pour un point de vue quilibr, voir P. Engel, Retour aval , Les tudes philosophiques, no 4, 1999, p. 453-463 ; C. Panaccio, Philosophie analytique et histoire de la philosophie , in P. Engel (dir.), Prcis de philosophie analytique, Paris, PUF, 2000, p. 325-344 ; K. Mulligan, Sur lhistoire de lapproche analytique de lhistoire de la philosophie : de Bolzano et Brentano Bennett et Barnes , in J.-M. Vienne (d.), Philosophie analytique et histoire de la philosophie, Paris, Vrin, 1997, p. 61-103 et, plus rcemment, T. Sorell et G. A. J. Rogers (dir.), Analytic Philosophy and History of Philosophy, Oxford, Oxford University Press, 2005.

    42. P. Ricur, Le retour de lvnement , Mlanges de lcole franaise de Rome. Italie et Mditerrane, vol. 104, no 1, 1992, p. 29 [p. 29-35].

    43. Cf. P. Veyne, Comment on crit lhistoire. Essai dpistmologie, Paris, Seuil, coll. LUnivers historique , 1996, p. 53.

    44. A. Lovejoy, The Great Chain of Being. A Study of the History of an Idea. The William James Lectures delivered at Harvard University, 1933, Cambridge (Mass.)/Londres, Harvard University Press, 2001[22e tirage] ; 1re d. 1936, 2e d. 1964. En 1940, Lovejoy a fond le Journal of the History of Ideas.

    45. P. Bourdieu, Sur ltat. Cours au Collge de France (1989-1992), Paris, Seuil, 2012, p. 472-473.

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  • 46. A. Lovejoy, The Great Chain of Being, op. cit., p. 15, avec la critique de Q. Skinner, Meaning and understanding in the history of ideas , op. cit., p. 9.

    47. Pour une dfense de Lovejoy, cf. C. Knight, Unit-ideas unleashed: a reinterpretation and defence of Lovejovian methodology in the history of ideas , Journal of the Philosophy of History, no 6, 2012, p. 1-23.

    48. A. de Libera, Archologie du sujet, t. I, Naissance du sujet, Paris, Vrin, 2007 ; t. II, La Qute de lidentit, Paris, Vrin, 2008 ; t. III/1, La Double Rvolution, Paris, Vrin, 2014.

    49. Le premier film des frres Louis et Auguste Lumire prsent au public, LArroseur arros (1895), durait 49 secondes : une dconstruction de la dconstruction sera plus gourmande.

    50. Destruktion apparat ds les premiers Grundprobleme der Phnomenologie, cours donn par M. Heidegger Fribourg lors du semestre dhiver 1919/20, d. Hans-Helmuth Gander, Francfort, Vittorio Klostermann, 1993, Gesamtausgabe (GA) 58, p. 139 (pour Abbauen , cf. p. 147).

    51. Cf. M. Heidegger, Phnomenologie der Anschauung und des Ausdrucks. Theorie der philosophischen Begriffsbildung, dit par Claudius Strube, Francfort, Vittorio Klostermann, 1993, GA 59, p. 5.

    52. Selon les expressions utilises dans le cours marbourgeois du semestre dhiver 1923/24, Einfhrung in die phnomenologische Forschung, 20, d. Friedrich-Wilhelm von Hermann, Francfort, Vittorio Klostermann, 1994 (2e d. 2006), GA 17, p. 118 ; Introduction la recherche phnomnologique, trad. fr. de A. Boutot, Paris, Gallimard, 2013, p. 135.

    53. Cf. Logik als die Frage nach dem Wesen der Sprache, dit par G. Seubold, Francfort, Vittorio Klostermann, 1998, GA 38, p. 145 ; trad. fr. de F. Bernard, La Logique comme question en qute de la pleine essence du langage, Paris, Gallimard, 2008, p. 172.

    54. Cf. Die Metaphysik als Geschichte des Seins, in : Nietzsche, t. II, dit par B. Schillbach, Francfort, Vittorio Klostermann, 1997, GA 6.2, p. 434 ; La mtaphysique en tant quhistoire de ltre , in : Nietzsche, t. II, trad. fr. de P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1971, p. 348. Pour une formulation plus fine de cette thse, englobant la fois Kant et Leibniz, voir les seconds Grundprobleme der Phnomenologie, d. F.-W. von Hermann, Francfort, Vittorio Klostermann, 1975, GA 24, p. 178 ; trad. de J.-F. Courtine, Les Problmes fondamentaux de la phnomnologie, Paris, Gallimard, 1985, p. 159.

    55. Autrement dit : Ce Je, ou cet Il, ou ce Cela (la chose) qui pense , ce sujet transcendantal des penses = x que, selon Kant, nous connaissons seulement par les penses qui sont ses prdicats .

    56. Ce schme est introduit dans A. de Libera, Naissance du sujet, op. cit., p. 188-208. Il est repris dans id., La Qute de lidentit, op. cit., p. 22, 31, 199, 253 et 367.

    57. Voir ibid., p. 205-228. Sur les interventions du Magistre contre lunit de la forme substantielle dans les annes 1270-1280, voir L. Bianchi, Censure et libert intellectuelle luniversit de Paris (XIIIe-XIVe sicles), Paris, Belles Lettres, 1999, p. 21-52.

    58. Sur ce thme, cf. H. Lagerlund and M. Yrjnsuuri (d.), Emotions and Choice from Boethius to Descartes, Dordrecht/Boston/Londres, Kluwer (srie Studies in the History of Philosophy of Mind , vol. 1), 2002 ; S. Knuuttila (d.), Emotions in Ancient and Medieval Philosophy, Oxford, Clarendon Press, 2004.

    59. Cf. J.-B. Brenet, Moi qui pense, moi qui souffre. Lidentit du compos humain dans lanti-averrosme de Pierre dAuriole et Grgoire de Rimini , in O. Boulnois (d.), Gnalogies du sujet, de saint Anselme Malebranche, Paris, Vrin, coll. Bibliothque dhistoire de la philosophie , 2007, p. 151-169. Sur laverrosme latin, cf. J.-B. Brenet, Les Possibilits de jonction. Averros Thomas Wylton, Berlin/Boston, De Gruyter, coll. Scientia Graeco-Arabica , 2013.

    60. Sur la querelle dUtrecht, cf. A. de Libera, La Double Rvolution, op. cit., p. 87-133.

    61. Sur dimbourg, Athnes britannique et Ville-monde , voir S. Van Damme, toutes voiles vers la vrit. Une autre histoire de la philosophie au temps des Lumires, Paris, Seuil, coll. LUnivers historique , 2014, p. 163-169 et 173-195.

    62. Cf. R. Collins, The Sociology of Philosophies: A Global Theory of Intellectual Change, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1998.

    Auteur

    Alain de Libera

    Professeur au Collge de France, chaire dHistoire de la philosophie mdivale

    Collge de France,

    Conditions dutilisation : http://www.openedition.org/6540

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    LIBERA, Alain de. O va la philosophie mdivale ? : Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014In : O va la philosophie mdivale ? Leon inaugurale prononce le jeudi 13 fvrier 2014 [en ligne]. Paris : Collge de France, (n.d.) (gnr le 27 novembre 2014). Disponible sur Internet : . ISBN : 9782722603363.

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