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1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 9993 LUNDI 1 ER JUILLET 2013 WWW.LIBERATION.FR J-8: LE 9 JUILLET NUMÉRO 10000 COLLECTOR Egypte Tahrir se réveille MOHAMED ABD EL GHANY . REUTERS NSA: l’Europe outrée d’avoir été espionnée Dans le sillage des révélations d’Edward Snowden, la presse allemande dévoile l’écoute massive par les renseignements américains de communications des institutions de l’UE. PAGE 6 Fin de vie: comment s’éteindre en douceur Alors que le Comité d’éthique rend ce matin son rapport à François Hollande, reportage au service de soins palliatifs de Saint-Malo. PAGES 8-10 Plusieurs centaines de milliers de personnes ont réclamé dans tout le pays le départ du président islamiste Mohamed Morsi. PAGES 2-4 E CO F UTUR FAB LABS: TOUT SE RÉPARE SUR INTERNET CAHIER CENTRAL FABRICE PICARD . VU IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9993 LUNDI 1ER JUILLET 2013 WWW.LIBERATION.FRJ­8: LE 9 JUILLET NUMÉRO 10000 COLLECTOR

Egypte

Tahrir se réveille

MO

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ABD

ELG

HA

NY

.REU

TERS

NSA: l’Europeoutrée d’avoirété espionnéeDans le sillage des révélationsd’Edward Snowden,la presse allemande dévoilel’écoute massive par lesrenseignements américainsde communicationsdes institutions de l’UE.

PAGE 6

Fin de vie:comments’éteindreen douceur

Alors que le Comité d’éthiquerend ce matin son rapport àFrançois Hollande, reportageau service de soins palliatifsde Saint-Malo.

PAGES 8­10

Plusieurscentaines

de milliers depersonnes ont

réclamé dans toutle pays le départ

du présidentislamiste

Mohamed Morsi.PAGES 2­4

ECOFUTUR

FAB LABS:TOUT SE

RÉPARESUR

INTERNETCAHIER CENTRAL

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IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Par SYLVAIN BOURMEAU

«Thawra»Au moment où les rues etles places de Tunisie etd’Egypte ont commencé às’enflammer, puis lorsqueces mouvementshétéroclites de protestationont pris une ampleur tellequ’ils sont parvenus àdébarquer les dictatures,quelques rares chercheurs– à ne pas confondre avecles «experts»– ont pris lerisque de passer pour desrabat-joie en refusant decéder au lyrisme teintéd’orientalisme qui déferlaitalors dans les médiasoccidentaux. Aussiréjouissant soit-il, le labelde «révolution» leursemblait un dangereuxobstacle à la connaissancede phénomènes singulierscomplexes qu’étaient cesthawra, pour reprendre lemot arabe desmanifestants. Fortsd’expériences antérieuresen Europe du Sud puis àl’Est, des transitologuess’en donnaient pourtant àcœur joie et les juristess’engageaient dansd’hyperscolastiquesconcours d’ingénierieconstitutionnelle. Trentemois et quelques votes plustard, on s’aperçoit que ladémocratie ne se résumepas aux élections et que,comme le note lucidementle sociologue SmaïnLaacher, «renverser unedictature, ce n’est pasmodifier substantiellementles paradigmes qui sont aufondement de l’ordre socialet des structuresmentales». Lesmanifestations d’hier enEgypte sont venuesrappeler avec forcecombien, loin descatégories normatives dudroit ou des visionstéléologiques de laphilosophie, c’est d’abordla question sociale qui resteà l’origine de mobilisationsdont l’issue demeure, pardéfinition, marquée dusceau de l’incertitude.

ÉDITORIAL Plusieurs millions d’opposants au Présidentsont descendus dans les rues du Caire et des grandesvilles du pays pour réclamer son départ.

«En un an, Morsi n’a faitque détruire l’Egypte»

V oilà des mois que les oppo-sants à Mohamed Morsiavaient les yeux rivés vers cesmanifestations du 30 juin,

avec pour but de donner le coup d’envoide la seconde révolution et de chasserle Président du pouvoir. On n’en est pasencore là, mais les rassemblements quise sont tenus hier ont été à la hauteurdes espérances. Dans tout lepays, des millions d’Egyp-tiens, selon l’armée, sontdescendus dans la rue avec pour seulslogan, un mot, répété à l’envi : irhal(«dégage»).En milieu d’après-midi, les ruesdu Caire semblaient étrangement vides,sans les traditionnels embouteillagesqui sont le lot quotidien de la capitale.La plupart des boutiques avaient leur ri-deau de fer tiré. De nombreux employésavaient posé leur journée, parfois inci-tés par leurs patrons. Dans plusieursquartiers, des groupes d’hommes effec-tuaient des rondes afin de prévenird’éventuelles attaques. Aux fenêtres,des familles saluaient les manifestantsse dirigeant vers la place Tahrir.

HÉLICOPTÈRES. Vers 17 heures, la placeétait déjà aux trois quarts remplie,avant même l’arrivée des marches cen-sées arriver en fin de journée. Sur le lieusymbole de la révolution de 2011, ré-gnait une atmosphère joyeuse, où unefoule, essentiellement masculine maisplus hétéroclite qu’à l’accoutumée, agi-tait des drapeaux égyptiens et saluaitchaque passage des hélicoptères de l’ar-mée par des cris de joie et des salvesd’applaudissements.En plus des militants de gauche ou deslibéraux, beaucoup d’Egyptiens pas

vraiment engagés politiquement maistrès remontés contre le président de laRépublique se sont rassemblés. «Morsin’est bon à rien. En un an, il n’a fait quedétruire l’Egypte. Aujourd’hui, il doit en-tendre notre message et démissionner»,s’égosillait Fouad, un comptable d’unetrentaine d’années se définissantcomme apolitique. Hamdy a, lui, acti-vement participé à la campagne Tama-rod («rébellion») pour rassembler dessignatures contre le Président. Cet

homme d’une soixantained’années n’a jamais porté lesislamistes dans son cœur. Il

les tient en détestation depuis qu’il a étéexclu, il y a trois semaines, de son postede directeur administratif du Conseilsupérieur des affaires islamiques, orga-nisme d’Etat chargé des questions reli-gieuses. «C’est un choix politique», as-surait-t-il hier, en espérant quel’ampleur de la mobilisation lui per-mettrait de retrouver son emploi et,plus généralement, d’empêcher une is-lamisation de l’Etat qu’il redoute. «LesFrères musulmans ne connaissent rien àla religion, ils l’utilisent seulement pourgagner le pouvoir», vitupérait-il. Petiteslunettes et français impeccable, Ibra-him, un jeune révolutionnaire très im-pliqué depuis deux ans dans un mouve-ment de gauche, était lui aussi placeTahrir hier mais ne cachait pas un cer-tain malaise : «On ne sait pas vraimentqui manifeste. Je ne suis pas d’accord avecles gens qui demandent le retour des mili-taires. On s’est battus contre eux, s’ils re-venaient, ce serait un retour en arrière.»La semaine dernière, le ministre de laDéfense, le général Al-Sissi, a averti que«les forces armées ont le devoir d’interve-nir pour empêcher l’Egypte de plongerdans un tunnel sombre de conflits et detroubles.» La présence massive de charsdans les rues du Caire, et dans les zones

du pays considérées à risque, laissaitcraindre aux uns et espérer aux autresl’imminence d’un coup d’Etat.

BÂTON. C’est devant le palais présiden-tiel, à Héliopolis, en banlieue du Caire,qu’a eu lieu le plus gros rassemblement.Avant même le coup d’envoi de la ma-nifestation, prévu à 18 heures, des di-zaines de milliers de personnes conti-nuaient de converger vers le palais,dont les abords étaient déjà noirs demonde. Non loin de là, à Medinat Nasr,les islamistes venus soutenir le prési-dent Mohamed Morsi attendaient devoir l’évolution des événements. Beau-coup étaient armés de bâton, redoutantune attaque. «Nous sommes prêts àmourir pour défendre Mohamed Morsi. Cen’est pas seulement un homme, c’est lechoix du peuple égyptien et la démocratieque nous défendons», jurait Gamal, unmédecin présent sur les lieux depuisdeux jours et qui ne voit dans les pro-testations qu’une résurgence de l’an-cien régime.En province, des manifestations ras-semblant plusieurs milliers de person-nes contre le pouvoir se sont tenues àAlexandrie, Suez ou Mansoura. Les af-frontements entre pro et anti-Morsi ontfait deux morts, à Beni Sueif (100 km ausud du Caire) et dans la province d’As-siout (centre). Ils s’ajoutent aux 9 per-sonnes décédées la semaine passée.Hier soir, la situation restait relative-ment calme au Caire malgré des heurtsdevant le siège des Frères musulmans.«Notre démarche est pacifique, mais siMorsi ne nous écoute pas, nous n’auronspas d’autre choix que d’être violents»,prévenait un manifestant. L’oppositiona appelé à rester dans la rue jusqu’à ladémission du Président qui, par la voixde son porte-parole, a estimé qu’il n’yavait pas d’alternative au dialogue. •

Par MARWAN CHAHINECorrespondant au CaireL’ESSENTIEL

LE CONTEXTEAprès un an aupouvoir, MohamedMorsi a dressé unegrande partie desEgyptiens contre lui.

L’ENJEUL’appel au dialoguelancé par le Présidentsuffira­t­il à calmer lesmanifestants ?

w 30 juin 2012 Mohamed Morsi, vain­queur avec 51,73% des voix de la pré­sidentielle, prête serment et succèdeà Hosni Moubarak, renversé en 2011.w 15 et 22 décembre La Constitutiondéfendue par les islamistes estapprouvée au terme d’un référen­dum entaché d’irrégularités.w 2 juin 2013 La justice invalide le

Sénat, qui assumait le pouvoiren l’absence d’Assemblée, ainsique la commission qui a rédigéla Constitution.w 21 juin Des dizaines de milliersd’islamistes manifestent poursoutenir Morsi.w 23 juin L’armée se dit prêteà intervenir en cas de troubles.

REPÈRES

100 km

LIBY

E

SOUDAN

Le Caire

Nil

Louxor

Port SaïdAlexandrieMer Méditerranée ÉGYPTE

PopulationPIB par habitantCroissance du PIBTaux de chômageEspérance de vie112e sur 186 pays sur l’indicateur de développement humain

82 millions d’hab.2 422 euros

2,2 %12,6 %

73,5 ans

Sources : FMI, Pnud - estimations 2012

REPORTAGE

­

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 20132 • EVENEMENT

Page 3: Lib_20130701.pdf

Un opposant au président Mohamed Morsi, hier, place Tahrir, au Caire. PHOTO GIANLUIGI GUERCIA. AFP

Cet ingénieur de 61 ans avaitété surnommé la «roue desecours» pour avoir remplacéà la présidentielle Khairat al­Chater, richissime financier desFrères musulmans, dont la can­didature avait été invalidée.

Ses adversaires voient en luiun apparatchik islamiste, cher­chant à revenir à un régimeautoritaire. Ses partisans souli­gnent sa légitimité et le disentaux prises avec des problèmesantérieurs à son élection.

«Il y aura toujours des genspour s’opposer au nouveauprésident et, une semaine ou unmois plus tard, ils demanderontsa démission.»Mohamed Morsi hier, dans une interview auGuardian où il affirme qu’il restera au pouvoir

Mohamed Morsi, qui avait promis ordre et prospérité, a déçu une grande partie de ses soutiens.

Onde d’échecs pour le PrésidentU n an tout juste après son investiture,

le chef d’Etat égyptien pouvait rêvermeilleur anniversaire que cette foule

immense venue sous sa fenêtre l’exhorter à«dégager». Des opposants en colère pré-sents pour lui rappeler qu’en un an de man-dat il n’a pas réussi à s’imposer comme leprésident de tous les Egyptiens qu’il enten-dait devenir.Le pari n’était pas gagné d’avance, et il sem-ble aujourd’hui perdu. En juin 2012, Moha-med Morsi n’avait remporté l’élection prési-dentielle que d’une courte tête (51,73%) faceà Ahmed Chafik, candidat de l’ancien ré-gime, à l’issue d’une campagne mouvemen-tée qui avait mis en lumière les fracturesd’une société égyptienne divisée autour dedeux axes principaux: révolutionnaires con-tre ancien régime, islamistes contre libéraux.Ces fractures n’ont pas disparu, et tout laisse

penser que la seconde s’est creusée au coursde cette année de mandat. Car, au-delà deceux qui le haïssaient d’avance, MohamedMorsi a déçu une bonne partie de ceux quil’avaient soutenu.

Et d’abord, les nombreux citoyens pas vrai-ment politisés qui ont élu le candidat du partile plus structuré, en attendant de lui ordre etprospérité. Lors de son discours d’investi-ture, Mohamed Morsi avait mis l’accent surcinq priorités: la sécurité, les carburants, lepain, la propreté et la circulation. Un an plus

tard, rien n’a été réglé, les problèmes d’insé-curité semblent plus importants que jamais,les rues des grandes villes restent sales etembouteillées, les files d’attente s’allongentdevant les stations-service, et la situation

économique, déjà calamiteuse,n’a fait que se dégrader. Il est dif-ficile de savoir si ces Egyptienssans étiquette, ceux qu’on nommecommunément «le parti du ca-napé», vont transformer leur las-situde en mobilisation politique.C’est sans doute là une des clés de

la réussite (ou non) des manifestations encours.«Moubarak barbu». Mohamed Morsi aaussi déçu les révolutionnaires, ceux qui sanstrop y croire avaient voté pour lui, ou plutôtcontre Ahmed Chafik, dans le but de tournerdéfinitivement la page Moubarak, mais avec

l’espoir secret que leur voix serait entendue.Ni sur la forme ni sur le fond, le présidentégyptien ne les a pris en compte. L’autorita-risme avec lequel il a décidé de faire passeren force la Constitution en novembre ou labrutalité de la répression des manifestationsont été perçus comme des signes de conti-nuité entre ancien et nouveau régime. A celas’est ajoutée une indifférence totale pour lesquestions de libertés individuelles et de droitsde l’homme, ainsi que l’atteste la récente loitrès restrictive sur les ONG. Déjà sceptiques,les révolutionnaires libéraux et de gauchesont désormais totalement hostiles à celuiqu’ils surnomment le «Moubarak barbu». Cesont eux qui forment le gros des opposantsqui défilent devant le palais présidentiel.Le premier président démocratiquement élun’a pas non plus su convaincre les puissancesétrangères de sa capacité

Morsi s’est mis à dos les principalesadministrations, la justice et la policenotamment, qui lui reprochent devouloir politiser les institutions et érigerun «Etat-Frères musulmans».

22C’est, en millions, et selon l’opposition,le nombre d’Egyptiens qui ont signéla pétition de la campagne Tamarod(«rébellion» en arabe) demandant la tenued’une élection présidentielle anticipée.

Suite page 4

MOHAMED MORSI

AP

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 • 3

Page 4: Lib_20130701.pdf

à réaliser des réformeséconomiques structurelles et à assurer unestabilité politique et institutionnelle.L’Egypte n’a toujours pas d’Assemblée natio-nale, et le chef de l’Etat s’est mis à dos lesprincipales administrations, la justice et lapolice notamment, qui lui reprochent devouloir politiser les institutions et ériger un«Etat-Frère», en référence aux Frères mu-sulmans. S’il conserve un soutien des Etats-Unis qui s’inquiètent d’une possible anarchiedans le pays, Mohamed Morsi n’apparaît plusdu tout comme l’homme providentiel capa-

ble de faire rimer islamisme, démocratie etéconomie de marché.Polarisation. Enfin, même si les islamistesfont aujourd’hui bloc derrière lui, ils atten-daient autre chose du candidat des Frèresmusulmans, dont la campagne avait été pla-cée sous le signe de la renaissance. Ils n’ontobtenu qu’un article constitutionnel offrantà Al-Azhar, la principale institution reli-gieuse du pays, de plus grandes prérogativespour évaluer la conformité religieuse des loiset quelques nominations à la tête des minis-tères et des gouvernorats, loin de l’applica-

tion de la charia que les islamistes espéraient.S’ils se mobilisent actuellement pour le Pré-sident, c’est plus par défaut d’alternative etpar crainte des conséquences en cas de coupd’Etat que par adhésion profonde. Le soutiendes islamistes n’est d’ailleurs pas total, Al-Nour, principal parti salafiste, a décidé de nepas prendre part aux manifestations pro-Morsi, estimant que cela ne ferait qu’accroî-tre la polarisation du pays.Dans son discours télévisé, mercredi, le Pré-sident a dressé son propre bilan, en jouant lacarte du «responsable pas coupable», recon-

naissant des erreurs, mais expliquant seséchecs par l’action nuisible des pro-Mouba-rak encore en poste, accusés de tout fairepour entraver le bon fonctionnement del’Etat. Cette façon de se dédouaner et de reje-ter la faute sur l’autre –la main étrangère, lesmédias ou l’ancien régime – a irrité au plushaut point ses opposants. L’argumentaireprésidentiel n’est pourtant pas dénué de vé-rité. Des blocages s’expliquent en partie parles manœuvres d’une classe dirigeante biendécidée à mettre des bâtons dans les rouesdes islamistes. La façon dont les policiers ont,en dépit des ordres, laissé passer les manifes-tants devant le palais présidentiel en décem-bre montre à quel point Mohamed Morsi n’apas un plein contrôle de l’appareil d’Etat.Méprisant. Pour autant, le «raïs» a unegrande responsabilité dans la crise actuelle.Sa conception étroite de la démocratie –per-çue comme le droit pour celui qui est élud’exercer son pouvoir comme il l’entend– l’arendu méprisant à l’égard de ses opposantset sourd aux appels de la rue. Sa récente maintendue à ses adversaires politiques sonnefaux, alors que le Président a passé son annéeà les traiter de baltaguis («voyous»), sansfaire de distinction entre les révolutionnaireset l’ancien régime. En plus de son inexpé-rience dans l’exercice du pouvoir, MohamedMorsi paie sans doute un double héritage :celui d’être né en politique sous Hosni Mou-barak –qui n’était pas vraiment un modèlede partage du pouvoir –, mais aussi celuid’avoir été biberonné à l’idéologie des Frèreset à cette idée paranoïaque que celui qui n’estpas avec toi est contre toi.Et ils sont aujourd’hui nombreux contre lui.En un an de mandat, il n’est pas une insultequi n’ait été accolée au nom de Morsi. Para-doxalement, c’est peut-être là, dans cette li-berté d’expression autrefois inimaginable,qu’on peut trouver des raisons d’espérer.Malgré lui et quoi qu’en disent ses opposants,le président mal-aimé est aussi la preuve vi-vante que quelque chose a changé en Egyptedepuis la révolution.

M.Ch. (au Caire)

Des supporteurs du chef d’Etat égyptien brandissant des corans, hier, à Medinat Nasr, dans la banlieue cairote. PHOTO SUHAIB SALEM. REUTERS

Opposants, Frères musulmans, militaires… le politologue Youssef el-Chazli analyse la situation du pays:

«L’armée semble sur le qui-vive»Y oussef el-Chazli est cher-

cheur au Centre de recher-che sur l’action politique de

l’Université de Lausanne (1).Qui sont ceux qui manifestent ac-tuellement contre le pouvoir?Il y a de tout dans ces manifesta-tions, et c’est bien là tout l’intérêtde la mobilisation. L’ap-pel à manifester a étélancé par une campagnedu nom de Tamarod («rébellion»).Si les porte-parole ont eu tendanceà la présenter comme une initiatived’individus sans appartenance po-litique, les premiers cercles d’acti-vistes concernés sont issus desprincipaux groupes révolutionnai-res. Mais la campagne a réussi àbrasser très large avec un discoursfédérateur visant un ennemi prin-cipal, une communication sur lesréseaux sociaux virtuels et des ac-tions de rue. Le groupe revendiqueplus de 22 millions de signataires àla pétition appelant à destituer Mo-hamed Morsi. Ce n’est pas vérifia-ble, mais l’annonce est en soi un

coup politique. Tamarodn’a pas de commande-ment central, maisfonctionne plutôt selonune logique décentrali-sée. C’est sans doute làune des forces de cemouvement capable de

véhiculer un discours ac-cessible au plus grandnombre tout en se gref-

fant sur des logiques locales.Quelles sont leurs revendications?Dans les grandes lignes, les organi-sateurs du «30 Juin» appellent àfaire chuter le régime des Frèresmusulmans pour continuer la révo-lution, dont les objectifs («Pain, li-berté, justice sociale, dignité hu-maine»), selon eux, n’ont pas étéatteints. Même si l’on admet que lesmanifestants s’accordent sur unesolution commune, les raisons deleur mobilisation, leurs justifica-tions et ce qu’ils préconisent pourl’avenir seront toujours très divers.C’est ce qui s’est passé en 2011: desFrères musulmans, des groupes

d’extrême gauche, desmouvements centristesou des syndicats se sontretrouvés contre HosniMoubarak. Deux moisplus tard, chacun prenaitune direction différente.N’y a-t-il pas un risque

de récupération par les forces del’ancien régime?Cette question est au centre des dé-bats internes des milieux politiques.D’un côté, il y a une résurgence desfigures de l’ancien régime, prenantde plus en plus part au débat public,et tentant, parfois avec succès, dese glisser sous la bannière de Tama-rod. De l’autre, des gens pas totale-ment enthousiasmés par le soulève-ment de 2011 peuvent souhaiteraujourd’hui un retour à l’ordre quipourrait s’incarner dans un régimeautoritaire –éventuellement mili-taire. Enfin, des personnes qui dé-fendaient Moubarak ont pu, endeux ans, changer de position etdevenir acquis à la cause des révo-lutionnaires. Pour autant, on conti-

nuera de les taxer d’ancien régime.Du côté des organisateurs, le motd’ordre est clair : non aux Frères,non à l’ancien régime, non aux mi-litaires.Beaucoup redoutent ou espèrent uncoup d’Etat militaire. Cela vousparaît-il crédible?En janvier 2011, de nombreux ob-servateurs avaient jugé improbableque l’armée laisse tomber Mouba-rak. C’est pourtant ce qu’elle a fait.Une des propriétés des crises politi-ques est de modifier les préférenceset les lignes d’action. Nous nous re-trouvons aujourd’hui face à unemême situation d’incertitude. Lesacteurs s’observent, évaluent leurscoups et tentent d’agir en consé-quence; l’armée ne fait pas excep-tion. Elle semble sur le qui-vive et,dans ses déclarations, on perçoitclairement qu’elle définit sa lignerouge dans l’émergence d’une si-tuation que l’on pourrait qualifierde début de guerre civile.Quelle est aujourd’hui la marge demanœuvre de Mohamed Morsi?

Elle est probablement très ténue.Le diagnostic des Frères musul-mans est en partie justifié à monsens. Ils font face à des résistancesde l’appareil d’Etat qui les empê-chent d’avancer. Le problème estque cela prend chez eux la formed’un discours paranoïaque disqua-lifiant toute opposition. C’est uncercle vicieux : les Frères sont deplus renfermés sur eux-mêmes, cequi, en retour, permet à de plus enplus d’acteurs de se coaliser contreeux. La situation de MohamedMorsi, en tant qu’individu, est en-core plus compliquée. Dans les mi-lieux politiques, on dit souventqu’il est chargé du «dossier» de laprésidence au sein du conseil deguidance de la confrérie. S’il appa-raît comme le point de conver-gence des critiques et des revendi-cations, il ne semble pas disposerde ressources pour résoudre la criseen cours.

Recueilli par M.Ch. (au Caire)(1) Il a collaboré au livre, «Au cœur desrévoltes arabes», Armand Colin (2013).

DR

INTERVIEW

Suite de la page 3

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 20134 • EVENEMENT

Page 5: Lib_20130701.pdf

CHRISTINE, DAVID ET CERISE NE TRAVAILLENT PAS DANS UNE GALERIE. ILS INSTALLENT LES 350 OEUVRES DE LA COLLECTION D’ART CONTEMPORAIN DU GROUPE DANS LES TOURS SOCIÉTÉ GÉNÉRALE À LA DÉFENSE. EXPOSÉES POUR LES COLLABORATEURS, CES OEUVRES SONT EGALEMENT ACCESSIBLES AU GRAND PUBLIC ET AUX ÉCOLIERS INVITÉS À DES PARCOURS DÉCOUVERTE.

F L A S H E Z P O U R D É C O U V R I R L A C O L L E C T I O N S O C I É T É G É N É R A L E

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Page 6: Lib_20130701.pdf

BerlinetBruxellestirent lesgrandesoreillesdel’AmériqueDans la lignée de l’affaire Snowden, le «Spiegel» révèle l’espionnage massifpar la NSA de communications en Allemagne et des institutions européennes.

«P our trouver une aiguilledans une botte de foin, ilfaut une botte de foin»,aimait à rappeler Je-

remy Bash, un temps directeur decabinet de l’ancien chef de la CIALeon Panetta. Selon l’hebdoma-daire Der Spiegel de cette se-maine, l’Agence nationalede sécurité américaine(NSA) aurait vu grand en termes debotte de foin en espionnant systé-matiquement les institutions euro-péennes dans le cadre du pro-gramme de sécurité Prism. EdwardSnowden, l’ancien collaborateur dela NSA actuellement en fuite etcoincé dans la zone de transit del’aéroport de Moscou, avait fait étatle mois dernier des programmes desurveillance des télécommunica-tions menés à grande échelle par lesEtats-Unis. Mais les révélations duSpiegel provoquent la colère desresponsables européens et surtoutdes Allemands: la République fédé-rale était en tête du classement despays européens espionnés.Selon le journal, qui a eu accès à un

dossier «strictement confidentiel»,la NSA surveillait les institutionseuropéennes à Bruxelles ainsi quela représentation diplomatique del’UE à Washington. Le document,daté de septembre 2010, classel’Union dans la catégorie des «ci-bles à attaquer». «Il y a cinq ans, lesservices de sécurité européens ontconstaté l’existence d’un système

d’écoutes et d’espionnage surle bâtiment Justus-Lipsius,siège du Conseil de l’UE, qui

remontait jusqu’au QG de l’Otan[dans la banlieue de Bruxelles,ndlr]», écrit le Spiegel.Sur le sol américain, la NSA auraitmême été plus loin, n’hésitant pasà truffer de micros les bureaux de

la représentation diplomatique del’Europe à Washington, et au seindu bâtiment des Nations unies. Se-lon l’hebdomadaire allemand, la

NSA avait également réussi à infil-trer le système informatique in-terne à ces représentations.

ORANGE. L’article a provoqué uneréaction ferme de la part deBruxelles. Le président du Parle-

ment européen, le social-démo-crate allemand Martin Schulz, parle«d’énorme scandale si ces affir-mations sont vérifiées» et «demande

des explications».«L’affaire d’es-pionnage a prisdes dimensions queje ne pensais pasêtre envisageablespour un Etat démo-cratique», estime

pour sa part Elmar Brok, directeurde la commission des Affairesétrangères du Parlement européen.Le ministre luxembourgeois desAffaires étrangères, Jean Assel-born, estime, lui, que «les Etats-Unis feraient mieux de surveiller leurs

services de renseignement plutôtque leurs alliés.»La douche est particulièrementfroide pour les Allemands, qui re-cevaient en grande pompe le prési-dent américain fin juin. Sur la cartedu monde de la NSA, le Moyen-Orient, l’Afghanistan, l’Iran et lePakistan sont marqués en rouge. Or«l’Allemagne est le seul pays d’Eu-rope à être marqué en orange, signequ’elle est tout particulièrement sur-veillée», révèle le Spiegel. En dé-cembre, la NSA a ainsi collecté enRépublique fédérale 15 millions dedonnées téléphoniques et 10 mil-lions d’échanges internet quoti-diens, en moyenne. Un jour depointe, comme le 7 janvier, ce sontjusqu’à près de 60 millions de don-nées qui ont été recueillies. A titrede comparaison, les Américainsn’auraient amassé sur la même pé-riode «que» 2 millions de donnéespar jour en moyenne en France(7 millions le soir de Noël) ; 2 à4 millions en Pologne.

CAMOUFLET. Seule une poignée depays amis, qualifiés de «partenairesde seconde classe», comme laGrande Bretagne, l’Australie, le Ca-nada et la Nouvelle-Zélande, sontépargnés. Une trentaine sont clas-sés en «troisième classe», dont l’Al-lemagne, peuvent, eux, être «atta-qués». «En Allemagne, la NSAs’intéresse tout particulièrement àFrancfort, point de connexion internetqui règle tout particulièrement letransfert de données de pays tels quele Mali, la Syrie ou l’Europe de l’Est»,précise le Spiegel.Ces révélations font l’effet d’unebombe, à quelques mois des élec-tions, dans un pays qui a connudeux dictatures et où l’opinion esttrès sourcilleuse sur la libre circula-tion des données. Pour AngelaMerkel, qui vient de recevoir BarackObama à Berlin, c’est un véritablecamouflet. «Il faut que, côté améri-cain, on nous explique immédiate-ment et en détail si ces informationsde presse à propos d’écoutes clandes-tines totalement disproportionnéespar les Etats-Unis dans l’Union euro-péenne sont exactes ou non, exigeaitce week-end la ministre libérale dela Justice, Sabine Leutheusser-Sch-narrenberger. Cela dépasse notreimagination que nos amis américainsconsidèrent les Européens comme desennemis. Si les informations des mé-dias sont exactes, ce n’est pas sansrappeler des actions entre ennemispendant la guerre froide.»A Paris hier, le chef de la diplomatiefrançaise, Laurent Fabius, a estiméque «ces faits, s’ils étaient confirmés,seraient tout à fait inacceptables».Et Jean-Luc Mélenchon, le respon-sable du Parti de gauche, de de-mander «l’arrêt immédiat des négo-ciations» commerciales entreBruxelles et Washington.Le gouvernement américain s’estpour l’instant refusé à tout com-mentaire. Ben Rhodes, le conseilleradjoint à la sécurité nationale, s’estcontenté de souligner depuis l’Afri-que du Sud, où il accompagne Ba-rack Obama (lire page 7), que lesEuropéens sont «parmi les alliés lesplus proches» des Etats-Unis. •

Par NATHALIE VERSIEUXCorrespondante à Berlin

«Cela dépasse notre imaginationque nos amis américains considèrentles Européens comme des ennemis.»Sabine Leutheusser­Schnarrenbergerministre allemande de la Justice

RÉCIT

Le bâtiment Justus­Lipsius du Conseil de l’Union européenne, à Bruxelles, était particulièrement surveillé par la NSA. PHOTO ERIC HERCHAFT. REPORTERS­REA

500millions de données par mois,c’est le nombre de «contacts»interceptés par les program­mes de surveillance américainsen Allemagne.

Le président équatorien,Rafael Correa, a annoncé ceweek­end qu’il prendrait dessanctions contre le consulde son pays à Londres, pouravoir remis un sauf­conduit àEdward Snowden. Ce docu­ment lui a permis de quitter laChine à destination de Mos­cou, où il serait toujours.

REPÈRES

«Si ces allégations sontavérées, ce serait unproblème extrêmementgrave qui nuirait auxrelations entre l’UEet les Etats-Unis.»Martin Shulz présidentdu Parlement européen

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 20136 • MONDE

Page 7: Lib_20130701.pdf

PAKISTAN Un attentat à lavoiture piégée visant les for-ces de police pakistanaises afait 16 morts, dont 3 enfants,et 28 blessés, hier, dans unebanlieue de Peshawar (nord-ouest). La majorité des victi-mes serait des civils.

ARABIE SAOUDITE Septcybermilitants saoudiens ontété condamnés à des peinesde cinq à dix ans de prisonpour atteinte à l’ordre pu-blic, a indiqué hier HumanRights Watch. Ils sont accu-sés d’avoir utilisé Facebookpour encourager des rassem-blements non autorisés.

SYRIE Trois membres del’ONG allemande Grünhelm(Casques verts) sont portés

disparus depuis plus de sixsemaines. Ils ont été kidnap-pés dans le village de Harem,à proximité de la frontièreturque, selon l’organisation.

ZIMBABWE Le Parlements’est automatiquement dis-sous à l’expiration de sonmandat de cinq ans, laissantau président, Robert Mu-gabe, le pouvoir de gouver-ner par décret.

CHILI Près de 13 millionsd’électeurs étaient appelésaux urnes, hier, pour uneprimaire en vue de la prési-dentielle de novembre. L’ex-présidente socialiste MichelleBachelet apparaissait commela favorite de l’opposition.

« [Il n’y a] pas eude percée jusqu’àprésent, et il existeencore un fosséentre les positionspalestinienneset israéliennes.»Saëb Erakat négociateuren chef palestinien, hier, àpropos du processus de paixqu’a tenté de relancer lesecrétaire d’Etat américain,John Kerry.

36Maliens se sont portécandidats pour le premiertour de l’électionprésidentielle prévu pourle 28 juillet, dont quatreanciens Premiers ministreset deux femmes.La Cour constitutionnelledoit désormais validerleurs dossiers avant ledébut de la campagneofficielle, le 7 juillet.

S ans surprise. En proie,depuis le début du mois,à une révolte populaire

sans précédent, la présidentedu Brésil, Dilma Rousseff(Parti des travailleurs, PT),est en chute libre dans lessondages, alors qu’un appelà la grève générale pouraujourd’hui circule sur lesréseaux sociaux, moteurprincipal de la mobilisation.Symbole. Selon une enquêteDatafolha publiée ce week-end, les intentions de vote enfaveur de «Dilma» –censéebriguer un second mandatl’an prochain– sont passéesde 51 à 30%. Voire à 27%chez les jeunes, qui formentle gros des manifestants. LaPrésidente reste en tête mais,contrairement à il y a troissemaines, sa réélection n’estplus acquise. Si le méconten-tement populaire vise laclasse politique tout entière,c’est la chef de l’Etat, sym-bole du pouvoir, qui paie le

prix fort, sur fond de pessi-misme quant à l’inflation etau chômage.Le Parti de la social-démo-cratie brésilienne (PSDB),principale formation d’op-position, ne capitalise quetrès peu sur la révolte. Avec17% des intentions de vote,son probable candidat, le sé-nateur Aécio Neves, ne gagneque trois points, confirmantl’érosion des deux grandspartis – PT et PSDB – qui serelaient à la tête du Brésildepuis 1994.Ce sont deux figures nonpartisanes, Marina Silva etJoaquim Barbosa, qui pro-gressent (+7 points chacun).La première avait recueilli20% des suffrages à la prési-dentielle de 2010. Dissidentedu PT, elle cherche à formersa propre formation politiqueet talonne désormais DilmaRousseff avec 23% des inten-tions de vote. Joaquim Bar-bosa, lui, n’est pas un politi-

que. Président de la Coursuprême, il a fait condamnerles responsables du scandaled’achat de voix et de finan-cement illicite dans lequel atrempé le PT. Vu comme un«Monsieur Propre» face à lacorruption, il figure en troi-sième place des sondages, àégalité avec Aécio Neves.Tandis que le taux d’élec-teurs qui affirme ne pas avoirde candidat ou vouloir voterblanc a doublé (de 12 à 24%).Lula. Le désaveu n’épargnemême pas le très populaireex-président Lula, qui envingt jours perd 9 points…mais reste loin devant seséventuels adversaires. Avec46% des intentions de vote,il pourrait même l’emporterdès le premier tour. Au seindu PT, ils sont donc de plusen plus nombreux à défendresa candidature, en lieu etplace de celle de «Dilma».

De notre correspondanteà São Paulo CHANTAL RAYES

LacotedeDilmaRousseffs’abîmeBRÉSIL Face à la contestation, la Présidente plongedans les sondages. L’opposition n’est pas épargnée.

Les forces de sécuritésomaliennes ont arrêtésamedi une figure histori­que des islamistes shebab,cheikh Hassan DahirAweys, à son arrivée àl’aéroport de Mogadiscio.Réfugié à Adado, dans unerégion autonome du centredu pays, l’ancien chef del’Union des tribunaux isla­miques, au pouvoir dans lamajorité du pays en 2006,avait accepté de venir dansla capitale pour négocieravec le gouvernement.PHOTO REUTERS

LE CHEF DESSHEBAB ARRÊTÉÀ MOGADISCIO

LES GENS

La présidente du Brésil est passée de 51 à 30% des intentions de vote. U. MARCELINO. REUTERS

Accusé de crimes contre l’humanité,l’ancien président tchadien HissèneHabré a été placé hier en garde à vueà Dakar, au Sénégal, où il s’était réfu-gié en 1990. Son arrestation, interve-nue trois jours après la visite du prési-dent américain, Barack Obama, dansla capitale sénégalaise, a été ordonnéedans le cadre d’une enquête ouvertepar un tribunal spécial, a déclaré hier

un responsable du parquet. Son avocata précisé que l’ex-dictateur avait étéinterpellé à son domicile des Alma-dies, quartier résidentiel de Dakar, et«conduit vers une destination incon-nue». Suspecté d’avoir causé la mortde 30000 personnes lorsqu’il était àla tête du Tchad entre 1982 et 1990, ilvivait librement dans la capitale séné-galaise depuis vingt-deux ans. La de-

mande de l’Union africaine de le ju-ger, formulée en 2006, avait étéignorée par le précédent chef de l’Etatsénégalais, Abdoulaye Wade. MackySalle, élu en avril 2012, avait refusé del’extrader vers la Belgique, affirmantque le Sénégal pourrait organiser leprocès. Habré peut rester 96 heures engarde à vue avant d’être formellementinculpé. S.Etr.

A RETOUR SUR L’ENQUÊTE OUVERTE POUR CRIME CONTRE L’HUMANITÉ

L’ex-dictateur tchadien Habré interpelléPar MARIA MALAGARDIS

Funérailles ordinairesdans la rue de Mandela

S ous le soleil d’automneaustral, des chaisesblanches s’alignent dans

la cour d’une petite maisonau portail grand ouvert surVilakazi Street, dans Soweto,le grand township qui jouxteJohannesburg. L’hommequ’on enterre ce jour-là étaitle propriétaire d’une petitebâtisse en briques beige. «EnAfrique du Sud, les funéraillessont toujours un événement so-cial important. Plus on aimaitle défunt, plus on a d’invités etil faut tous les nourrir aprèsl’enterrement!» explique toutsourire, Mpilo, une parentedu défunt. L’ambiance estétonnamment bon enfant.Pas de pleurs, pas de cris.«Ce sera aussi comme ça pourMandela, le jour où il nousquittera. Lui, on l’enterreradans son village natal dans laprovince du Cap oriental. Maisici aussi, on fera une grandecérémonie. Cette rue, c’est lasienne», rappelle Mpilo.

Quelques mètres plus bas, aunuméro 8 115, se trouve lamaison où vivait NelsonMandela avant d’être con-damné à la prison à vie etemprisonné au bagne deRobben Island. Elle a depuisété transformée en musée.Ces jours-ci, la demeure ac-cueille autant de touristesque de journalistes des télé-visions étrangères cherchantà capter des images d’am-biance dans l’attente desnouvelles de l’état de santéde l’ancien président sud-africain, hospitalisé depuisle 8 juin à Pretoria, la capitaleadministrative située à60 kilomètres de là. Mais si

l’entrée de la clinique regorgedésormais de fleurs et demessages destinés à l’hommequi a incarné l’émergenced’une «nation arc-en-ciel» etla fin de l’apartheid, rien detel devant la petite maisonmusée où l’avocat Mandela amené ses premiers combats.

En réalité, c’est une autreforme d’hommage à Man-dela qu’on trouve à VilakaziStreet, au cœur de ce ghettoqui a longtemps été un ter-rain de lutte entre policiersblancs et manifestants noirs.Partout, le long de la rue,s’alignent des restaurantsdont les terrasses accueillentfamilles blanches et noiresdans la bonne humeur.Un dimanche ordinaire àSoweto, inimaginable il y avingt ans. Bien sûr, VilakaziStreet ne suffit pas à faireoublier tous les défis que doitencore relever l’Afrique duSud, qui reste l’une des so-ciétés les plus inégalitaire dumonde. Mais cette petite rueanimée incarne cette nou-velle nation réconciliée dontNelson Mandela a rêvé.

En visite depuis vendredi enAfrique du Sud, le présidentaméricain, Barack Obama,s’est lui aussi rendu samedià Soweto, où il a appeléà préserver l’esprit de NelsonMandela. Hier le présidentObama se trouvait au Cap,où il a visité le bagne de Rob-ben Island. Un hommage auxsouffrances du passé quipermettent aussi de mesurerce qu’un homme, un pays,ont accompli en moins devingt ans. •

VU DE SOWETO

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 MONDEXPRESSO • 7

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Findevie:àSaint-Malo,lamortenpentedouceImmersion dans le quotidien du service de soins palliatifsde l’hôpital malouin, alors que le Comité consultatif d’éthiquedoit rendre aujourd’hui ses avis à François Hollande.Par ÉRIC FAVEREAUEnvoyé spécial à Saint­MaloPhotos FABRICE PICARD. VU

E t si la qualité d’un servicede soins palliatifs tenaitaussi à un détail, en l’oc-currence à un parking? La

question peut paraître saugrenuealors que l’on attend aujourd’huiles avis du Comité consultatif na-tional d’éthique (CCNE) sur la finde vie (lire page 10). Et pour-tant…«C’est un détail, mais imagi-nez quand vous appelezun proche et que vous luidites “venez vite, c’est lafin” et que la personne tourne pen-dant vingt minutes pour trouver uneplace où se garer, et ensuitevingt minutes pour aller dans lachambre. Non, ici, pas de problème»,constate une infirmière.En 1999, l’hôpital de Saint-Malo(Ille-et-Vilaine) était en pleine ré-novation. La direction a demandéaux services de soins palliatifs dedéménager le temps des travaux et

de s’installer sur le parc des Corbiè-res, juste à l’entrée du port voisinde Servan, à côté d’une maison deretraite. Depuis, ce service histori-que– il est le deuxième service desoins palliatifs à avoir été créé enFrance, dans les années 80 – n’aplus bougé, toujours au deuxièmeétage d’un bâtiment excentré. Etfinalement, il y est très bien. «Vousne pouvez pas savoir comme c’estagréable d’être ici, raconte la mêmeinfirmière. Il y a un grand jardin, ily a la mer à côté, vous pouvez trouver

un peu de sérénité en vouspromenant.» Le services’étale sur un étage,

treize chambres dans un long cou-loir. La plus belle donne sur la jolietour Solidor, au bord de l’estuairede la Rance.Ici, on meurt, mais on meurt dou-cement et accompagné. Il y a, enmoyenne, 150 à 200 décès par an,c’est-à-dire un tous les deux jours.La plupart des malades admis icisont en bout de course, atteintsd’une pathologie cancéreuse (près

de 80%). Ils ne sont pas très jeunes(la moyenne d’âge est d’environ70 ans). La majorité des patientsarrivent de l’hôpital ou des urgen-ces, 29% de leur domicile. Preuveque le tissu des soins palliatifs estencore bien lâcheen France, c’est leseul service de cegenre dans tout ledépartement.

«MCDO». La Dr So-phie Ruaux arrive à8 heures. Avec tou-jours le même ri-tuel. Elle passed’une chambre àl’autre et écoute les petits maux etles grandes douleurs. «Cela fait plusde dix ans que je m’occupe de ce ser-vice», raconte cette Malouine, audépart médecin généraliste. A l’en-tendre, elle n’a besoin de rien. Unenouvelle loi précisant mieux les di-rectives anticipées ou la sédationterminale? «Non, je trouve que l’ona tout ce qu’il faut : discuter avec le

malade, sa famille.» Ce jour-là, leservice est plein. 14 heures, c’est lemoment des transmissions. Infir-mières, aides soignantes et la chefde service font le point sur les pa-tients. Chambre 30, un homme

de 64 ans. Il est làdepuis trois se-maines : rechuted’un cancer de laprostate. «Tous lesjours, ce patient sefait livrer un menuMcDo, c’est sonsouhait, expliquedans un sourireune infirmière. Ici,c’est l’hôpital mais

pas tout à fait non plus.» Il s’agit eneffet d’un service particulier où lamort est omniprésente. «C’est dif-ficile de venir dans un service de soinspalliatifs, reconnaît la médecin.Pour le patient et sa famille, celamarque une rupture, ça veut dire qu’ilest trop tard. Mon idée est de ne ja-mais fermer les portes, de toujours enlaisser une d’ouverte. On ne sait ja-

mais quand la personne va mourir,alors restons prudents.» Dans lachambre 31, le problème cliniqueest différent: la patiente, 82 ans, aun cancer très douloureux en phaseterminale. Ses filles ne veulent pasvoir la situation, elles ne compren-nent pas pourquoi on ne lève plusleur mère, et pourquoi on ne l’ins-talle pas sur le fauteuil. «La vieilledame a très mal mais ne se plaint ja-mais. Ses filles ne comprennent pas,elles croient que leur mère va rentrerchez elle.»A côté, c’est la chambre du patientle plus jeune. On devine que la si-tuation est lourde. L’homme, d’àpeine 50 ans, a un glioblastome,c’est-à-dire une tumeur au cer-veau. Il le dit de plus en plus: il ena marre. Il en est à sa troisième chi-miothérapie et ne veut pas en subirune quatrième. «Sa femme est per-due, insiste ce jour-là l’infirmière.Nous avons discuté longuement avecelle ce matin, elle ne sait plus quoi direà son mari. Continuer à y croire? Luidire qu’elle est triste ?» Ce matin,son mari lui a encore dit qu’il enavait assez. Elle lui a réponduqu’elle le comprenait, mais qu’elleaimerait qu’il fasse une nouvellechimio.Cette fin de vie s’annonce difficile.Et si ce patient voulait mourir? S’ilvoulait arrêter tous ses traitementset demander une sédation termi-nale ? La Dr Sophie Ruaux répondsans hésiter: «On discute de tout, ycompris de l’euthanasie. Moi, je leurdis que je ne ferai jamais une piqûrelétale, que ce n’est pas possible. Maiss’ils le souhaitent, je peux les endor-mir.» C’est ce que l’on appelle lasédation, terminale ou pas. La plu-part du temps, on donne de façoncontinue de l’hypnovel, un médi-cament hypnotique et sédatif à ac-tion rapide. Très vite, le patient va

REPORTAGE

Une patiente se fait masser les mains au service de soins palliatifs de l’hôpital de Saint­Malo, le 13 juin.

ILLE-ET-VILAINE

Manche

20 km

CÔTES-D'ARMOR

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LOIRE-ATL

Rennes

Saint-Malo

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 20138 • FRANCE

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dormir, mais une question de-meure: jusqu’où aller? «On donnedes doses mesurées qui laissent lapossibilité au patient de se réveillerrégulièrement.» N’est-ce pas un peubarbare de n’endormir qu’à moi-tié ? «Si on donne de fortes doses, ily a un risque rapide d’arrêt respira-toire, et nous, dans le service, on nepeut pas les rattraper. En tout cas,j’explique tout cela très précisémentau patient et à sa famille. Et nous neprescrivons la sédation que si tout lemonde est d’accord.»

«LÂCHER PRISE». On insiste :n’est-ce pas hypocrite? «Non, ré-pond le Dr Ruaux, car ce n’est pasmon rôle d’aller plus loin. Et puis onne sait jamais, on ignore quand le pa-tient va lâcher prise. Alors il ne fautrien brusquer.» Telle est donc sa li-gne de conduite: «Si les gens veulentvraiment mourir, alors ils le font. Cen’est pas une affaire de dosage. C’estbien comme ça, il y a une part qui doitnous échapper.» «Quand la personnedécède, ce n’est pas un échec, on afait notre travail», explique une aidesoignante.Dans la salle de réunion, le défilédes transmissions se poursuit. Peude situations conflictuelles. Quandon interroge le personnel, il évoqueparfois des conflits entre patient etfamille. Une jeune infirmière sesouvient d’une histoire qui l’a mar-quée : «C’était un homme qui avaitun cancer ORL, il avait dit avec insis-tance à sa famille qu’il ne voulait pasde trachéotomie. Un soir, c’est la pa-nique, il est transféré aux urgences.Sa femme ne dit rien, et on lui fait unetrachéo.» L’homme est par la suiteresté enfermé dans sa chambre, vo-lets toujours baissés. Sa femme de-vait venir tout en noir. «Elle a misdes mois avant de pouvoir nous enparler.» •

SÉDATION TERMINALE

Que faire quand la personne esten fin de vie et ne veut plus detraitements, juste que cela setermine? La sédation terminaleest un acte de soin qui permetd’endormir profondément unpatient. Mais pour aller jus­qu’où? Jusqu’à hâter la mort?Le patient pourra­t­il seréveiller? Aujourd’hui, le pro­cédé est flou et son applicationvarie selon les équipes.

REPÈRES

DIRECTIVES ANTICIPÉES

La loi de 2002 sur les droits desmalades et celle de 2005 sur lafin de vie ont rappelé la possibi­lité pour tout patient de rédigerdes directives anticipées surleur traitement en fin de vie.Mais, à la différence de l’Alle­magne, quand le patient estinconscient, ces directives nesont pas contraignantes.Le Comité d’éthique devraitproposer qu’elles le deviennent.

SUICIDE ASSISTÉ

Certains pays, comme la Suisse,autorisent l’aide au suicide, orga­nisée par des associations.En droit français, le suicide estune liberté: la loi prohibe sim­plement la provocation au sui­cide, mais aussi la propagandeou la publicité. Pour certains,il est cependant hypocriteque face à une personne quidemande à mourir, la médecinearrête les soins et se retire.

Pour Didier Sicard, auteur d’un rapport sur la fin de vie,le dogme de la «mort naturelle» doit être dépassé:

«Une agonietrop longue peutêtre terrifiante»E n décembre, le professeur Didier Sicard,

ancien président du Comité consultatif na-tional d’éthique (CCNE), a rendu un rap-

port au président de la République sur la fin devie. Il s’y inquiétait de la mainmise des médecinssur cette question et suggérait de rendre contrai-gnantes les directives anticipées, mais aussi dedonner un cadre à la sédation terminale et de nepas diaboliser le suicide assisté.Comment vous paraît le débat surla fin de vie aujourd’hui? Est-il plusserein?Oui, à mon grand étonnement. Avoirun peu desserré les échanges, de par-ler de mourir dans de bonnes condi-tions plutôt que de se focaliser surl’euthanasie, cela me paraît avoir ras-suré et aller dans un sens contemporain, celuide la liberté des personnes. Depuis mon rap-port, j’ai rencontré beaucoup de gens et je n’aipas vu de crispation. Le parallèle, quej’entends ici ou là, avec le débat tendusur le mariage gay ne me paraît pasjuste. Je crois que tout le monde a compris quel’essentiel est de travailler sur le concret, sur lerespect de la parole, sur le fait que l’hôpital necapture plus ce thème. La médecine doit de-meurer à l’écoute, mais je reste frappé par lacastration en France de la parole des malades.On ne les écoute pas.

Vous êtes toujours partisan de rendre plus aiséela sédation terminale?Oui. A partir du moment où un arrêt des soinsest décidé sur un patient, la question centrale,me semble-t-il, est de ne pas le laisser mouriren l’abandonnant. Lorsque quelqu’un est dansune situation grave et refuse les soins, il s’agitde respecter sa liberté, mais comment? Ne pas

réagir dans l’urgence me paraît certesune prudence nécessaire. Pourautant, ne rien faire d’autre que seretirer me gêne. Le sentiment des’arrêter là, alors même que la méde-cine a engagé sa responsabilité, meparaît poser un problème éthique.Bref, le laisser-mourir – ne rienfaire – me dérange.

Que faire, alors?La médecine doit respecter cette demande,sans avoir une sorte d’effroi de la transgression.

Naturellement cette demande dumalade qui veut que l’on arrête lessoins est une demande de mourir : il

ne veut plus de traitement, il veut qu’on l’ar-rête. L’obliger à vivre une agonie, que certainsappellent «la peine de vie», est quelque chosedont je n’aurais pas envie. Quant aux éternelsdébats disant «mais c’est de l’euthanasie dégui-sée», ils me déplaisent, car ce n’est pas du toutla même chose.

AFP

Suite page 10

INTERVIEW

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 FRANCE • 9

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De 150 à 200 décès ont lieu chaque année dans le service de soins palliatifs de Saint­Malo, soit une mort tous les deux jours.

Pourquoi?Ce qui me gêne dans l’euthanasie comme ellese pratique au Benelux, ce n’est pas tant legeste en lui-même que son caractère pro-grammé : on décide qu’à 13 h 21, on va faireune injection létale, moment de rupture ra-dicale. Cela me paraît une demande faite à lamédecine tout à fait excessive. Ce n’est pasque les équipes qui la pratiquent en Belgiqueou aux Pays-Bas le font mal ou qu’ils auraientabandonné toute éthique mais, à certainsmoments, l’acceptation de ce geste radicalles met en situation d’acteurs majeurs au lieud’être des accompagnants.D’où la sédation terminale qui doit, à vosyeux, rester dans un certain flou?La sédation doit intervenir à un certain mo-ment, non pas dans une rupture, mais dansune continuité du soin, comme un momentoù le médecin et le malade finissent par seretrouver sur cette volonté de mettre fin à lavie. Il ne faut pas que le médecin ait un senti-ment d’effroi. Mourir en quelques minutesou en quelques heures, c’est évidemmentdifférent. C’est important que la médecinene donne pas l’impression que son geste estlétal. En même temps, la médecine ne doitpas déserter.Donc, pas besoin de loi?La loi, je ne suis pas contre, mais je reprendsvolontiers cette phrase du juriste Jean Car-bonnier: «Ne légiférez qu’en tremblant. Entredeux solutions, préférez toujours celle qui exigele moins de droit et laisse le plus de place auxmœurs ou à la morale.» Je ne porte pas de ju-gement idéologique sur une loi, mais je m’in-terroge sur son caractère opératoire: par dé-finition, une loi est faite pour définir deslimites, or l’expérience prouve que toute loiest confrontée à sa remise en question, jamaison ne prévoit tous les cas, toutes les situa-tions. Il y a une vraie difficulté à écrire uneloi qui soit à la fois prudente et permissive.Je trouve l’exercice difficile. Ce n’est pas uneposition de principe, c’est un constat.Que pensez-vous des arrêts d’alimentation etd’hydratation, qui permettent ainsi de hâterla mort sans la donner?Avec la loi Leonetti, on avait estimé que

c’était une bonne façon d’accompagner unarrêt de traitement. Or on se rend comptequ’aussi bien en néonatologie que pour lespersonnes âgées, ce n’est pas vivable –sym-boliquement du moins, car organiquementcela passe. Symboliquement, la famille a lesentiment que l’on attend la mort de sonproche, que les médecins ont fait un petitgeste et puis se sont retirés sur l’Aventin. Uneagonie trop longue peut être terrible, terri-fiante. Je me demande parfois: comment a-t-on pu imaginer cela? Comment une sociétéarrive-t-elle, de fait, à protéger ses institu-tions, comme la médecine, plutôt que sesmalades ?Vous êtes sévère…Mais c’est le registre du «pas vu pas pris».C’est se laver de sa responsabilité en s’accro-chant à l’idée de la mort naturelle commeune bonne mort. Pourtant, cette vision peutdevenir étrangement dogmatique: ce n’estpas pour cela que la mort naturelle n’existepas, mais il ne faut pas lui donner une placetrop centrale.Quel est votre sentiment sur les directives an-

ticipées, qui ne sont que consultatives?Si on rédige des directives anticipées, et si onsait qu’on ne va les suivre qu’au coup parcoup, ce n’est pas très encourageant. Lorsquel’on écrit quelque chose, comme un testa-ment, on a envie que cela soit respecté. Enmême temps, je pense que ces directives nedoivent pas être rédigées tout seul. Elles doi-vent l’être, pourquoi pas, avec son médecin,cela donnerait à ces directives plus de poids.Vous dites que dans votre rapport, vous avezentrouvert une porte sur le suicide assisté.Mais laquelle?On ne l’a pas recommandé, nous avons sim-plement dit que ce n’est pas un geste immo-ral renvoyant à une transgression absolue. Defait, quand quelqu’un dit «je veux que l’on ar-rête la perfusion», il y a quelque part une no-tion de suicide. En médecine, l’assistance ausuicide existe, d’une certaine façon. On peutdire que le retrait de la médecine est un ac-compagnement, mais il s’approche aussi dela médecine du suicide. C’est pour cela queje pense que, pour un certain nombre de per-sonnes, au bout d’un long parcours de souf-

france, si elles nous disent qu’elles ne veulentpas que la dernière partie de leur existencesoit un prix trop lourd à payer alors qu’ellesont déjà acquitté un lourd tribut, dans ces si-tuations, dont chacun reconnaît l’existence,on doit pouvoir faire un geste, et ce geste neme choque pas en soi.Comme en Suisse?Non. Le problème est dans l’organisation.Lorsqu’il y a une structure spécialisée, celafinit par être un encouragement pour les per-sonnes plus fragiles, et cela peut même deve-nir une facilité. L’idée que l’on puisse accéderfacilement à cette situation me paraît mettreen jeu la notion du «vivre ensemble». Cen’est pas que je sois contre en soi, et je ne suispas contre le débat, d’autant que je ne suispas favorable à ce que la médecine se retiresur son Aventin, mais je suis contre la déléga-tion à des associations, comme en Suisse. Leprosélytisme existe. En Suisse, il y a de la pu-blicité et, de fait, vous ouvrez quelque partun marché, cela crée une situation organisa-tionnelle qui est contraire à cette ultime li-berté, au sens très intime du terme.Plus généralement, comment faire pour com-battre l’inégalité sociale devant la mort,comme vous l’avez pointé dans votre rapport?Si l’on réduit la question de l’inégalité desanté au simple fait de demander la mort, onméconnaît que la vraie inégalité est autourdu savoir et de l’information. L’inégalité de-vant la mort est une des expressions de l’iné-galité devant le système de soins. Terminersa vie dans des conditions dignes, quels quesoient ses revenus, voilà ce qui me paraît plusimportant. Il faut s’interroger sur les condi-tions générales autour de la mort.Comment les jeunes médecins réagissent-ilsà ces questions?Ils ont peur, car on leur renvoie un discoursincompréhensible. D’un côté, on leur rabâ-che de ne surtout jamais donner la mort et,de l’autre, ils le voient bien, la médecinepasse son temps à donner la mort. Il faut sor-tir de ce désastre de la pensée. Et travaillercette question en profondeur, et non pas entermes idéologiques.

Recueilli par É.F.

C’est ce matin que le Comité consultatifnational d’éthique (CCNE) doit rendretrois avis sur la fin de vie, à la demandedu président de la République.En décembre, recevant le rapportdu professeur Didier Sicard (lireci­dessus), François Hollande avait fixéle cadre, annonçant qu’«un projet de loisur la fin de vie [serait] présentéau Parlement en juin». Il avait saisile Comité consultatif national d’éthique«afin que celui­ci puisse se prononcer surles trois pistes d’évolution de la législationouverte par le rapport».François Hollande a demandé au Comitéconsultatif de définir comment «recueilliret appliquer des directives anticipéesémises par une personne en pleine santéou à l’annonce d’une maladie grave,

concernant la fin de sa vie». Le Présidenta également souhaité savoir «selonquelles modalités et conditions strictespermettre à un malade conscientet autonome atteint d’une maladie graveet incurable d’être accompagné et assistédans sa volonté de mettre lui­même unterme à sa vie». Enfin, dernièreinterrogation: «Comment rendre plusdignes les derniers moments d’un patientdont les traitements ont étéinterrompus?»Sur ces trois points, le CCNE risquede se montrer prudent, et d’appeler à ungrand débat. A l’évidence, le calendrierélyséen ne sera donc pas respecté. Cen’est pas avant 2014 qu’un éventuel projetde loi sera présenté au Conseildes ministres. É.F.

LES AVIS ATTENDUS DU COMITÉ D’ÉTHIQUE

Suite de la page 9

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201310 • FRANCE

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PROCÈS La défense de Mat-thieu, 19 ans, condamnévendredi à perpétuité pourl’assassinat et le viol d’AgnèsMarin, a décidé de faire ap-pel du verdict, «s’agissant dela peine la plus lourde pouvantêtre prononcée et l’excuse deminorité ayant été levée», ontprécisé ses deux avocates.Agnès, 13 ans, avait été re-trouvée morte en novem-bre 2011, à côté du collège-lycée Cévenol, au Chambon-sur-Lignon, où elle et Mat-thieu étaient scolarisés.

EXPLOSIFS Une charge ex-plosive posée sur la porte

d’un appartement de Sevran(Seine-Saint-Denis) a provo-qué samedi matin des dégâtsdans l’immeuble, qui a dûêtre évacué. Cet acte crimi-nel survient trois jours aprèsla découverte de deux painsd’explosif dans la cage d’as-censeur d’un autre immeu-ble de la ville.

BRUIT Au moins 200 véhicu-les de partisans de la «manifpour tous» ont défilé, hier, àParis, pour exiger lalibération d’un militantcondamné à de la prisondans le cadre des actionsanti-mariage homo.

En plein mouvement étudiant contre le contrat de pre­mière embauche (CPE), le 30 mars 2006, Fouad Harjanefaisait partie du groupe de manifestants qui avaient blo­qué la gare de Metz une heure environ. Le 23 mars, soitsept ans après, il a été condamné à payer 40000 eurosde dommages et intérêts à la SNCF. L’entreprise a estiméque le blocage des voies avait entraîné 5729 minutesde retard au total, et chiffré à 414,06 euros le coûthoraire. Fouad Harjane, militant de la Confédérationnationale du travail (CNT, anarcho­libertaire), a fait appelde la peine. Avec d’autres manifestants, il avait déjà étécondamné au pénal à 300 euros d’amende pour entraveà la circulation ferroviaire. Mais il est le seul à se retrou­ver ainsi sanctionné au civil. Aujourd’hui, Fouad Harjanecherche à mobiliser autour de son cas, et veut relancerla campagne pour une amnistie sociale des militantscondamnés après des actions politiques. Défendue parle Front de gauche, la proposition est en passe d’êtreenterrée par le gouvernement.

UN MANIFESTANT ANTI­CPECONDAMNÉ SEPT ANS APRÈS

L’HISTOIRE

Le 9 juillet numéro10000

Un mois jour pour jour après la célébration du premiermariage gay en France, plusieurs dizaines de milliersde personnes ont défilé samedi en musique à Paris,du quartier de Montparnasse jusqu’à la place de la Bas­tille, où un concert géant clôturait, comme chaque année,la Gay Pride. Torse nu, en tutu blanc, kilt ou bas résille,portant des perruques fluos ou des oreilles de lapin, lesmanifestants ont savouré sous le soleil la loi Taubira, auto­risant le mariage et l’adoption pour les couples du même

sexe, entrée en vigueur le 18 mai. Après plusieurs moisd’une forte mobilisation des anti­mariage pour tous, cette«marche des fiertés» avait aussi pour certains un goût derevanche. Dans la foule, défilant derrière une grande ban­derole «LGBT [lesbienne, gays, bi et trans, ndlr], allons aubout de l’égalité», beaucoup estimaient que la loi Taubiran’était pas suffisante et qu’il fallait encore se battre pourdes revendications comme le droit à la procréation médi­calement assistée (PMA). PHOTO ÉDOUARD CAUPEIL

GAY PRIDE LES LGBT REPRENNENT LA RUE À LA «MANIF POUR TOUS»

GUADELOUPE Le père des deux enfants qui figurent parmi les victimesaurait contacté un gendarme pour avouer, samedi, avant de se suicider.

Sextuplemeurtre,lesuspectretrouvémort

C’ est l’une des plussanglantes tueries fa-miliales de ces der-

nières années : six person-nes, dont deux enfants, ontété abattues à l’arme à feusamedi en Guadeloupe, etl’auteur présumé a été re-trouvé mort hier, s’étantvraisemblablement suicidéd’une balle dans la tête. Ils’agit du père des deux en-fants tués, âgés de 10et 12 ans.Long rifle. David Ramas-samy était activement re-cherché depuis la découvertedes six corps à Petit-Bourg,une commune de 25000 ha-bitants à Basse-Terre, dans lapartie occidentale de l’île, à

une quinzaine de kilomètresde Pointe-à-Pitre. Le procu-reur de la République GuyEtienne, présent sur les lieuxde la tuerie samedi soir, avaitlancé un appel radiodiffuséau meurtrier présumé, l’ap-pelant à se rendre. «Il était lemari d’une des victimes et atué ses deux enfants», avaitindiqué le magistrat sur Ra-dio Caraïbes Internationale.Sur le domaine familial où ledrame s’est déroulé, «troisautres victimes ont été retrou-vées sur trois autres scènes decrime : un oncle et son fils, etun autre oncle», avait ajoutéle procureur.Selon les indices recueillissur place par les enquêteurs,

le meurtrier a utilisé deuxarmes à feu, de calibres 12et 22 long rifle.Plaie. David Ramassamy, laquarantaine, dirigeait uneentreprise de gardiennagespécialisée, selon des sourceslocales, dans la surveillancenocturne de chantiers deconstruction. Il était égale-ment membre d’un club detir. Selon le quotidien régio-nal France-Antilles, des agri-culteurs ont découvert, hierun 4×4 dans lequel il gisaitavec une grosse plaie à latête. A côté de lui, trois fusilset une arme de poing. Tou-jours selon France-Antilles,citant le substitut du procu-reur Nicolas Petriat, David

Ramassamy avait téléphonésamedi à un gendarme pourexpliquer ce qu’il venait defaire et annoncer qu’il avaitl’intention de se tuer.Ce sextuple meurtre inter-vient cinq jours après lamort d’une mère et ses troisenfants, tués à l’arme blan-che à Saint-Paul-Trois-Châ-teaux (Drôme). Un mandatd’arrêt européen a été lancécontre le père. Le suspectavait été tenu éloignéen 2006 «pour faits de vio-lence sur son épouse» et con-damné «dans les années 90pour trafic de stupéfiants»,selon le procureur de la Ré-publique de Valence.

SERVICE SOCIÉTÉ

Après moult péripéties, le recteur de la Grande Mosquéede Paris, Dalil Boubakeur, a été élu hier présidentdu Conseil français du culte musulman (CFCM), une ins­tance censée représenter les musulmans de France maisminée par les divisions. Dalil Boubakeur, 72 ans, arrive surun terrain sinistré par des crises à répétition qu’il connaîtbien puisqu’il a déjà effectué deux mandats, de 2003à 2008, à la tête du CFCM, sans avoir été élu. Défenseurdu dialogue interreligieux et d’un islam intégréà la société française, le recteur de la Grande Mosquéede Paris, proche de l’Algérie, succède au Franco­Maro­cain Mohammed Moussaoui, qui a écourté d’un an sonsecond mandat pour permettre la mise en œuvred’une réforme souhaitée par les autorités françaises.Dalil Boubakeur va diriger une présidence collégiale pen­dant deux ans jusqu’au 30 juin 2015, avant de céderla place à Anouar Kbibeche du Rassemblementdes musulmans de France (RMF, proche du Maroc),à qui succédera en 2017 Ahmed Ogras, du Conseildes musulmans turcs de France, détaille un communiquédu CFCM signé du président sortant. PHOTO AFP

DALIL BOUBAKEURÀ NOUVEAU LA TÊTEDU CFCM

LES GENS

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201312 • FRANCEXPRESSO

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FRONT NATIONAL AlainJuppé considère sur son blogque «la responsabilité ducombat» contre le FN re-vient désormais à son parti,notamment «pour éviter quele prochain Parlement euro-péen ne soit dominé par despartis antieuropéens».

EUROPÉENNES Jean-Fran-çois Copé, président del’UMP, juge «excellente»l’idée de son homologue del’UDI, Jean-Louis Borloo,d’organiser des états géné-raux de l’opposition pour«une nouvelle Europe» et,

dans le Figaro d’aujourd’hui,se montre favorable à des lis-tes communes aux électionseuropéennes de 2014.

PRIMAIRES Le président dela haute autorité des primai-res municipales socialistesd’Aix-en-Provence et Mar-seille, l’avocat Jean-PierreMignard, a estimé samedi,lors de la présentationdu site internet de l’autorité,que la désignation descandidats par des primai-res constituait «un pouvoirdémocratique considérabledonné aux électeurs».

«Le problèmede Jean-LucMélenchon,c’est qu’il a choisiune voie qui estcelle de l’échecde la gauche.Certains ont faitd’autres choix:les écologistes,malgré leursdifférences avecles socialistes,ont fait le choixde la participationgouvernementale.»François Lamy ministre dela Ville, hier sur la radio RCJ

L’ esplanade de l’Arsenalà la Bastille, à Paris, apris hier soir des airs

de kermesse. L’affiche dupremier meeting de NathalieKosciusko-Morizet annon-çait un «moment de convivia-lité» et invitait les Parisiens àapporter «boissons et vic-tuailles à partager». Rosé etchips circulaient donc parmiles personnes présentes, fi-chus «NKM Paris» nouésautour du cou ou portés enpochette.«Roumains». Daniel,60 ans, et Ariel, 50 ans, l’unmilitant, l’autre non, habi-tent dans le XXe arrondisse-ment. Ils ont «été séduits»par la candidate de la droiteà la mairie de Paris, «créativeet volontaire, très concrète».Tous deux veulent que la ca-pitale change, «avec moins deculture et plus de propreté»,avance Daniel.Sophie, habitante du XIe ar-rondissement préoccupéepar «l’image qu’on donne à

l’extérieur», s’indigne: «Quefait la mairie de Paris contreles Roumains qui nous atta-quent et nous assaillent enpermanence ?» Cette seniorn’était «pas pour NKM»pendant la primaire interneà l’UMP, mais estime que leparti est «une grande fa-mille». Une grande famillequi joue le rassemblement,même si une militante de la«manif pour tous» a étépriée de remballer son dra-peau et de s’éloigner.Sur l’estrade, la députée del’Essonne multiplie les allu-sions au génie de la Bastille,se revendique de «l’avant-garde et du progrès» : «Parisressemble trop à celui d’hier.Paris, c’est notre histoire maisc’est aussi notre avenir !»«Anne Hidalgo [candidatesocialiste à la succession deBertrand Delanoë, ndlr] estla dauphine, numéro 2 long-temps, numéro 2 tout letemps !» a-t-elle encorelancé, goguenarde. La candi-

date a aussi invité la droite àreprendre Paris «immeublepar immeuble».Obama. De fait, son site decampagne précisait quel’événement permettrait derejoindre les équipes de «vo-lontaires» – un terme em-prunté à Barack Obama. De-puis deux semaines, NathalieKosciusko-Morizet multiplieles sorties sur le terrain, ap-pelées «NKM près de chezvous». L’ancienne ministrecompte asseoir sa présencedans tous les arrondisse-ments. En face, le PS a pris del’avance. Pierre-Yves Bour-nazel, présent avec les an-ciens candidats à la primaire,veut croire que «Nathalie seraau rendez-vous en 2014, mêmesi Anne Hidalgo est une con-currente difficile».Le premier meeting de lacandidate PS avait réuni, finmai, près de 1500 personnes.Hier, NKM en a rassembléquelques centaines.

KIM HULLOT-GUIOT

AlaBastille,NKMdéploiesonArsenalMEETING La candidate UMP à la mairie de Parisa rassemblé hier quelques centaines de «volontaires».

Le président de la Républi­que, qu’il doit «voir dansune dizaine de jours»,devrait «envisager d’êtreplus attentif à ses partenai­res», prévient le présidentdu groupe EE­LV au Sénat.Interrogé par le Journaldu dimanche paru hier,Placé explique: «Il est dansune situation désastreusevis­à­vis de l’opinion.La réforme de la retraiteva l’enfoncer davantage.Il ferait une énorme erreuren perdant son dernierallié. De Hollande à Désir,il y a une vraie difficultéà gérer l’ensemble dela majorité. Dans la tem­pête que nous vivons, c’estplutôt Jean­Marc Ayraultle rocher.» Pour rester augouvernement, avise­t­il,«nous avons trois lignesrouges: les gaz de schiste,la transition énergétique,avec en particulier la fer­meture de Fessenheim,et la fiscalité écologiquedès 2014». Réponse dunuméro 1 du PS, HarlemDésir, sur Radio J: «Pour leredressement, nous avonsbesoin de toute la majo­rité.» Tout en appelantà des listes d’union auxmunicipales. PHOTO REUTERS

JEAN­VINCENTPLACÉ AVERTITHOLLANDE

LES GENS

Par PASCAL VIROT

L’UMP renonce à un vote,les Français disent nonà Sarkozy

Ç a s’agite à l’UMP. Hier,les militants du princi-pal parti d’oppositionont tourné la page ra-

turée à l’automne lors del’élection de Jean-FrançoisCopé à leur tête. Très large-ment, à 92,3%, ils ont décidéde ne pas revoter pour se do-ter d’un président relégi-timé. Le député-maire deMeaux pourra donc resterdans son fauteuil présidentieljusqu’en novembre 2015.De la même manière,à 92,8%, les adhérents ontvalidé le principe d’une pri-maire pour désigner le can-didat de la droite à l’Elysée àl’horizon 2016. Outre cesscores sans appel, Jean-François Copé peut se tar-guer d’un autre succès : ilsont été 87 823 votants pour318 634 électeurs inscrits.

Hier, c’est sur la présiden-tielle qu’un nouveau fronts’est ouvert, avec NicolasSarkozy et François Fillon enpremière ligne. Selon unsondage Ifop publié parle Journal du dimanche, lesdeux anciennes têtes del’exécutif sont également re-jetées par six Français sur dixpour la présidentiellede 2017. L’ex-président esttoutefois plébiscité par lessympathisants de l’UMP, quisont partagés sur le retour dusecond (1). Parmi l’ensembledes Français, 40% souhai-tent que «Nicolas Sarkozy soit

candidat à la prochaine élec-tion présidentielle», contre60% qui ne le souhaitentpas. Pour François Fillon, leschiffres sont très proches :38% contre 62%. Chez lessympathisants de l’UMP,87% appellent de leurs vœuxla candidature de l’ex-chefde l’Etat contre 13%, tandisque 46% sont favorables àcelle de son ancien Premierministre (contre 54%). Enrevanche un consensus sedégage pour pronostiquerque l’un et l’autre serontcandidats. 61% des Françaiset 75% des sympathisantsUMP le pensent pour NicolasSarkozy, et respectivement74% et 80% pour FrançoisFillon.

Voilà des chiffres qui ne de-vraient pas faire sauter dejoie Jean-Pierre Raffarin.Hier, dans le Parisien, l’an-cien Premier ministre (UMP)a jugé que la présence de Ni-colas Sarkozy dans le débatpolitique «n’est pas unebonne chose ni pour lui ni pourl’UMP. Il faut permettre à nostalents d’émerger». Commeles Français, le sénateur de laVienne estime toutefois pos-sible un retour de l’ancienchef de l’Etat en 2017 : «Çan’est pas exclu. Mais il est pré-maturé d’en parler.» •

(1) Réalisé par Internetdu 26 au 28 juin auprès d’unéchantillon de 1973 personnes,dont 375 sympathisants UMP.

DROIT DE SUITE

et notre cahier d’été spécial 40 ans

Le feu, qui a en partie ravagé vendredi l’hôtel de ville de La Rochelle (Charente­Mari­time) –bâtiment classé monument historique–, occasionnera des travaux de rénovationqui devraient durer «deux à trois ans» et «probablement» coûter «plusieurs dizainesde millions d’euros», a indiqué samedi le maire (PS), Maxime Bono. Construit pourl’essentiel entre les XVe et XVIe siècles, cet ouvrage est considéré comme l’une des plusbelles mairies de France. Sans doute d’origine accidentelle, l’incendie, qui s’est déclarévendredi après­midi, a été éteint samedi vers 5 heures. PHOTO LEOTY XAVIER. AFP

INCENDIE DEUX À TROIS ANS DE TRAVAUX À LA ROCHELLE

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 FRANCEXPRESSO • 13

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«Onattendquejefassemontravail,pasdescommentairessurTapie»

StéphaneRichard,la semainedernière à Paris.

Mis en examen, StéphaneRichard, le patrond’Orange, dénonceune décision infondéeet met plutôt en avantl’actualité de sonentreprise: l’abandondu nom France Télécom.

Recueilli par CATHERINEMAUSSION et YANN PHILIPPINPhoto FRED KIHN

S téphane Richard veut tour-ner la page. Pour sa premièreinterview depuis sa mise enexamen pour «escroquerie en

bande organisée» dans l’affaire Ta-pie, le patron d’Orange, maintenuen poste avec le soutien de l’Etat,veut montrer que malgré ses ennuisjudiciaires, il est concentré sur satâche. Il enterre aujourd’hui le nom

France Télécompour le rempla-cer par Orange.

Et attaque Bruxelles, qu’il accused’avoir plongé les opérateurs euro-péens dans la crise.Quel a été votre rôle dans l’affaireTapie?Je m’en tiendrai à ce que j’ai dé-claré lundi dernier. D’abord, je vaisdéposer un recours pour contesterma mise en examen, qui est totale-ment infondée. Le fait d’avoir accèsau dossier me conforte énormé-ment dans cette conviction. En-suite, j’ai rappelé que c’est en touteconnaissance de cause que Chris-tine Lagarde avait pris la décisionde recourir à l’arbitrage, puis de nepas contester la sentence.Pourquoi refusez-vous de vousexpliquer?Je ne veux plus faire l’actualité aveccette affaire. Je suis présidentd’Orange, je m’occupe des affairesd’Orange. Les administrateursm’ont renouvelé leur pleine con-fiance, à une très large majorité, et

INTERVIEW

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201314 • ECONOMIE

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Richard, désormais mutique, s’est contredit à plusieurs reprises dans l’affaire Tapie.

Après les volte-face, le grand blanc«J’ en ai marre» de l’affaire Tapie.

Quand on évoque le sujet, laréaction de Stéphane Richard,

ex-directeur de cabinet de ChristineLagarde à Bercy, est épidermique.S’il a été maintenu par l’Etat à la têted’Orange jusqu’à la fin de son man-dat en mai 2014, cela n’efface pas samise en examen pour «escroquerie enbande organisée». Ce proche de Nico-las Sarkozy sait que l’accusation,qu’il juge «infamante et infondée»,fait toujours de lui un patron en sur-sis, suspendu à la procédure. Il refused’ailleurs de confirmer qu’il est can-didat à un second mandat, alors qu’ill’avait dit dès juillet 2012.A demi­mot. Richard a assuré à Li-bération que le dossier de l’instruc-tion le confortait «sur tous lespoints». Les éléments dévoilés par le

Monde mettent en évidence son duelavec Christine Lagarde, qui l’accuseà demi-mot de lui avoir caché des in-formations et d’avoir paraphé à saplace (avec une machine à signer) uncourrier donnant instruction d’allerà l’arbitrage à Bernard Scemama,président de l’EPFR (l’établissementpublic créé pour exercer la tutelle duconsortium de réalisation qui géraitle dossier Tapie). Il y a aussi les té-moignages de Scemama et d’un ad-ministrateur de ce consortium, quiaffirment que Richard a fait pressionsur eux. L’intéressé a démenti etclame son innocence.Sa ligne de défense: il n’était qu’un«dircab» qui n’a fait qu’appliquerune décision politique. «C’est en par-faite information de la position des ser-vices de l’Etat et en totale connaissance

de cause que Christine Lagarde […] adonné instruction» de lancer l’arbi-trage, a-t-il affirmé récemment.Fidélité. Il ne dira pas un mot deplus. Pour tenter d’éteindre le bruitmédiatique et pour se protéger. Carses déclarations sont émaillées demensonges et contradictions. Dansune interview au Journal du dimancheen août 2011, il déclare que jamais,en 2007, les services de l’Etat ne«déconseillent formellement» l’arbi-trage. Alors que le patron de l’Agencedes participations de l’Etat a écritdans une note qu’il l’avait «formelle-ment déconseillé». Richard jure aussique sa ministre n’avait jamais ren-contré Tapie avant l’arbitrage. Cel-le-ci a dit aux juges avoir déjeunéavec lui au printemps 2008… à la de-mande de Stéphane Richard.

Idem sur la réunion cruciale dejuillet 2007, en présence de Tapie,dans le bureau de Claude Guéant,alors secrétaire général de l’Elysée.En 2011, Richard n’en touche mot etdit qu’«il n’y a eu ni insistance parti-culière ni feu vert de l’Elysée». Aprèsavoir démenti qu’il avait dit le con-traire au Canard enchaîné, il a, selonle Monde, indiqué le 11 juin aux en-quêteurs être sorti de la réunion avec«l’accord de principe» de Guéant, lescollaborateurs de Sarkozy étant«nettement favorables» à l’arbitrage.S’est-il contredit par fidélité à l’exé-cutif, à l’époque où les protagonistesne jouaient pas encore la carte duchacun pour soi ? Ou bien était-cepour masquer «l’escroquerie»? C’estce que l’enquête devra déterminer.

Y.P.

ce que les actionnaires et les sala-riés attendent de moi, c’est que jefasse mon travail, et pas des com-mentaires sur l’affaire Tapie. Je re-fuse de participer à la violation gé-nérale du secret de l’instruction.On lit tous les jours dans la pressedes procès-verbaux d’audition, cequi est proprement scandaleux. J’aiestimé nécessaire de faire un com-muniqué face à ce déferlement,mais je ne dirai rien de plus. Pourmoi, c’est une ligne intangible.Pourquoi abandonnez-vous le nomFrance Télécom, synonyme de ser-vice public?Orange est une très belle marquevalorisée 13,8 milliards de dollars(10,6 milliards d’euros). L’adoptiondu nom Orange est une mesure desimplification qui va réduire noscoûts de communication. J’ai con-sidéré que les conditions étaientréunies pour que tout le monde tra-vaille sous une bannière unique. Lamoitié de notre chiffre d’affaires et

presque la moitié de nos effectifssont hors de France. Nous avonspris le temps et cela s’est fait dansle consensus. Ce n’est pas une opé-ration de windows dressing [ravale-ment de façade, ndlr] où l’on jette leFrance Télécom de la crise sociale.Ce n’est pas non plus la fin des va-leurs incarnées par l’opérateur his-torique. Une minorité de salariésreste attachée au nom France Télé-com, mais le changement n’a pascréé de tension. La résolution a étévotée en assemblée généraleà 99,6%. Et elle l’a été massive-ment par les salariés actionnaires.Le passage à Orange va-t-il faire re-monter le cours de l’action, en chutede 30% sur 2012?Quand vous êtes un opérateureuropéen et que vous voyez les con-ditions faites au secteur en Europe,la faible valorisation des autres ac-teurs européens, leur atomisation…L’Europe est-elle responsable?La politique européenne a conduit

à un désastre. Elle a favorisé large-ment les consommateurs, au détri-ment des opérateurs et de l’emploi.L’innovation a été principalementle fait des Américains et des Asiati-ques. On nous dit que nous sommesen retard dans le mobile et la fibre.Mais qu’a fait l’Europe pour favori-ser l’investissement ?Que faut-il faire?Arrêter l’inflation des opérateurs– il y en a plus de 150 en Europequand les Etats-Unis en ont trois–et créer un espace unifié européen.Il faut que l’Europe ait une politiqueindustrielle dans les télécoms et passeulement consumériste.La Commission a donc tort quandelle décide la nouvelle baisse des ap-pels transfrontaliers qui entre en vi-gueur aujourd’hui?Il faut une pause dans la régulationet un moratoire dans la baisse destarifs du roaming [communicationsmobiles transfrontalières]. Cette me-sure revient à faire subventionner

les touristes allemands, néerlandaisou anglais, nombreux à migrer versle sud pour leurs vacances, par lesGrecs, les Italiens ou les Espagnols.Il s’agit d’un transfert de plusieursmilliards d’euros.Vous anticipez un nouveau reculde la recette par abonné au mobilede 12 à 13% en 2013. Future annushorribilis?Je confirme l’objectif d’un cash-flow de 7 milliards d’euros en 2013.On était à 8 milliards l’an dernieret à 9 en 2011. Mais nous prévoyonsde le stabiliser à 7 milliards en 2014.La 4G est l’un des éléments pris encompte pour atteindre cet objectif.Cinquante villes sont déjà couver-tes. L’année probante sera 2014.Nous pourrons alors demander unsupplément de prix d’environ10 euros par mois par rapport àla 3G. Je compte aussi sur le dé-ploiement de la fibre optique dans300 communes bientôt. Notre ob-jectif est d’être à 1 million d’abon-

nés en 2015, contre 60 000 à monarrivée. Il y a un poste intouchablechez Orange: celui des investisse-ments. Ils seront en haussede 2013 à 2017.Au prix d’une réduction des effec-tifs?Nous anticipons 30000 départs na-turels environ d’ici à 2020. Tous neseront pas remplacés. Cela se feradans le respect des personnes, avecles partenaires sociaux, en gardanten mémoire les leçons des an-nées 2000. Et, je le redis, sans plansocial, sans licenciements et sansplan de départs volontaires. Nouscontinuerons à recruter au rythmede 4 000 postes sur 2013-2015.Etes-vous toujours partant pourrempiler comme PDG d’Orangeen mai 2014?Ce n’est pas le sujet pour le mo-ment, je dois me consacrer auxnombreux défis d’Orange et jepeux vous assurer qu’ils deman-dent de l’énergie. •

STÉPHANERICHARDw Années 80 Etudiantà HEC et à l’ENA.w 1991 Intègre le cabinet deDominique Strauss­Kahnau ministère de l’Industrie.w 1992 Embauché par Jean­Marie Messier, patronde la Générale des eaux.w 2007 Directeur de cabi­net de Jean­Louis Borlooà l’Economie, puis deChristine Lagarde.w 2009 Succède à DidierLombard à la tête deFrance Télécom dont ildevient le PDG début 2011.w 12 juin 2013 Mis enexamen pour «escroquerieen bande organisée».

REPÈRES

«J’ai donc décidé deformer un recours[…] contre ma miseen examen, que jeconsidère infondéeet infamante.»Stéphane Richard dansun communiqué le 24 juin

FRANCETÉLÉCOMw Chiffre d’affaires 201243,5 milliards d’euros(­3,9%) dont 21,4 milliardsen France (­4,9%).w Bénéfice net 2012820 millions d’euros(3,8 milliards en 2011).w Nombre de clients230 millions dans le monde;27,2 millions d’abonnésmobile (+0,4%) et 14,9 mil­lions d’abonnés haut débitfixe en France.w Effectifs 170000 salariésdont 105000 en France.

La Défense 2020Une nouvelle vision des espaces publics

PRÉSENTE

l’exposition

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ECONOMIE • 15

Page 16: Lib_20130701.pdf

Par DIDIER ARNAUD

Pas de train-trainpour les contrôleurs

C ontrôleurs et contrô-leuses, ils racontent lavie dans les trains (1).

Et dressent le portrait, parmiles voyageurs, de bien cu-rieux personnages. D’abordles «fraudeurs d’habitude»,comme cette «record-woman» du titre d’impayés(plus de 250 par an) quihante les réseaux Est et Sud-Est. Ou le «chasseur de vipè-res», connu comme «le loupblanc» sur le réseau Centre,qui trimballait des vipèresdans un sac, mais ne détenaitjamais de titre de transport.Il y a, incontournable, cettefemme qui accouche touteseule dans les toilettes. Cecontrôleur qui achète desviennoiseries pour la nou-velle année et en offre à toutle wagon. Et ce jour où, alorsqu’un homme fait un malaisecardiaque et que le contrô-leur s’empresse de passerune annonce, la moitié desvoyageurs se précipitentdans la voiture du malade :200 médecins de retour d’uncongrès réunis dans unmême train.

La vie des contrôleurs, c’estaussi ces collisions avec cequi s’avère être un chevreuil,cette femme qui s’effeuilledans le train mais n’est pas«en état de voyager seule», etce contrôleur qui voit ce«petit sac bouger tout seul» etdécouvre quatre rats, «trèsmignons d’ailleurs». Il y aaussi de méchants imprévus.Cette contrôleuse menacéepar un passager, un autre quibraque deux agents avec unpistolet avant de tirer la son-nette d’alarme et de prendrela poudre d’escampette, ces

jeunes qui «montent au bra-quage» lourdement armés etsans leur billet. Et ces souve-nirs heureux: la vieille damequi félicite la contrôleusepour son annonce d’accueilet l’attend avec «un bouquetde fleurs».

A bord, petites chroniques dutrain évoque aussi les voya-geurs distraits. Un constat:les gens oublient souvent cequ’il y a de plus gros. Un vio-loncelle, une cage à oiseaux…Ainsi, une femme qui adescendu méthodiquementpoussette et sacs et s’aper-çoit, au moment où le siffletde départ retentit, qu’elle aoublié son bébé. Il y a égale-ment cette petite enveloppekraft remplie de diamants,ces neufs cartons de mar-chandises destinés à une bro-cante et au milieu desquelstraînent 3 kilos d’héroïne.

On raconte encore ces trainsun peu spéciaux à destina-tion de Lourdes, où toutle monde «chante, prie etdanse». Et ces convois quivont à Paris pour une finalede rugby où ça «chante,boit et danse», et ceux du re-tour, où ça «chante, danse etboit»… Enfin, cette jeunefille qui sanglote en avouantau contrôleur qu’elle n’a pasde titre de transport. Elle de-mande en le regardant droitdans les yeux : «Vous metrouvez jolie? Eh bien, je peuxvoyager sans billet !» Un ar-gument qui n’a «pas suffi àme convaincre», conclut lecontrôleur. •(1) «A bord, petites chroniquesdu train», éditions Textuel,128pp., 14,90€.

AU BOULOT

L e coup d’envoi dela discussion budgé-taire 2014 aura lieu de-

main avec le débat d’orien-tation à l’Assemblée. Mais onconnaît déjà assez précisé-ment, pour le volet dépense(les deux tiers des économiesprévues l’an prochain), leplan du gouvernement pourparvenir à 3,5% de déficitpublic à la fin 2014 (avant2,9% fin 2015).Dans un document prépara-toire transmis à la commis-sion des finances et auquelLibération a eu accès, Bercychiffre à 14 milliards les éco-nomies à mettre en œuvrel’an prochain. Un montanten phase avec les 13 milliardsd’économies en 2014 avan-cés la semaine dernière par laCour des comptes pour res-pecter la trajectoire à laquellela France s’est engagée vis-à-vis de Bruxelles.Effort. Ces économies vontreprésenter un effort struc-turel (hors effet de la con-

joncture) d’un point de PIBen 2014, après 1,8 pointen 2013. Cumulé avec 6 mil-liards de nouveaux prélève-ments (réduction de niches,lutte contre la fraude fiscale,réforme de la fiscalité desretraités, etc.), l’effort seraitde 20 milliards d’euros.Les 14 milliards d’économiesseront d’abord obtenus via lamaîtrise de la hausse tendan-cielle des dépenses de l’Etat

qui augmentent «spontané-ment» de 7 milliards par an.La principale restriction con-cernera la masse salariale del’Etat, dont la hausse an-nuelle (3%, à 2,2 milliards)doit être contenue à 1% enmoyenne sur 2012-2015,soit 0,3% environ. Il s’agiraaussi de tenir les dépensesau profit d’autres entités

comme l’UE et les collectivi-tés locales (+1,9 milliard paran), les dépenses d’interven-tion en prestations sociales(+1,7 milliard), les investisse-ments (+700 millions) et lesdépenses de fonctionnement(+500 millions). Bref, décé-lérer la hausse.Fusée. Deuxième étage de lafusée, une baisse addition-nelle de 1,5 milliard de la dé-pense de l’Etat déjà annoncé

par Jean-Marc Ay-rault. Les différentesbranches de la Sécu,qui ne relèvent pas dubudget de l’Etat, se-ront mises à contri-

bution. L’objectif est de ra-mener la hausse de ladépense publique à 0,5% envolume (hors inflation) sur lapériode 2012-2017 contre 2%sur les dix dernières années.Une décélération plus diffi-cile à «exécuter», comme ondit dans le jargon budgétaire,qu’à programmer.

CHRISTOPHE ALIX

La principale économieconcernera la massesalariale de l’Etat.

Budget:14milliardsd’économiesen2014DÉPENSE Un rapport détaille le plan de Bercy pourparvenir à 3,5% de déficit à la fin de l’an prochain.

GRÈVE Le gouvernement in-dépendantiste de la Premièreministre québécoise, PaulineMarois (photo), a déposé hierune loi spéciale pour forcer77000 employés de la cons-truction à retourner au tra-vail et mettre fin à une grèvehistorique de quatorze joursdans le BTP. PHOTO AFP

CAPITAL Le ministère des Fi-nances a retenu le groupeVinci et l’assureur Predica(Crédit agricole) pour re-prendre les 9,5% du capitald’Aéroports de Paris quel’Etat et le Fonds stratégiqued’investissement avaient dé-cidé de mettre en vente.L’opération, réalisée au prixde 78,5 euros par action, arapporté 738 millionsd’euros.

ÉNERGIE Barack Obama an-nonce un plan de 7 milliardsde dollars (5,4 milliardsd’euros) destiné à faciliterl’accès à l’électricité en Afri-que subsaharienne. BaptiséPower Africa, il doit se dé-rouler sur cinq ans.

En congé du Medef à partirde mercredi et de retourau Conseil économique etsocial, l’ex­patronne despatrons souhaite «resterdans le débat public» : «Jene peux rien exclure», a­t­elle déclaré sur Europe 1,hier. La politique? Pour­quoi pas, «mais je ne saispas avec qui et je ne saispas quand». Pas à l’UMP entout cas, ni au PS. «Et si uneforme de recomposition sefaisait?» a­t­elle ajouté,affirmant que le systèmepolitique français allait évo­luer dans les deux ans àvenir. L’entreprise la tenteaussi, dans l’énergie notam­ment, pour «exploiter lesgaz de schiste dans notrepays». PHOTO REUTERS

LAURENCEPARISOT BIENTÔTEN POLITIQUE ?

LES GENS

20000euros, c’est le montantmaximal de la participa­tion et de l’intéressementque les salariés peuventexceptionnellement déblo­quer à partir d’aujourd’huisans pénalités. L’Inseeestime le surcroît de con­sommation à 750 millionsd’euros, un gain de 0,1 pointen moyenne pour 2013.

Une salve d’augmentations de mi-an-née entre en vigueur ce matin et doitnotamment permettre à l’Etat d’en-granger quelques recettes. Réclaméepar la Commission européenne, lahausse du taux de TVA de 7 à 19,6%sur certains services à la personne(cinq prestations, des petits travauxde jardinage à l’assistance informati-que). Autre hausse, légèrement diffé-

rée, celle des taxes sur le tabac: le prixdu paquet va augmenter de 20 centi-mes mi-juillet. Une défaite pour laministre de la Santé, Marisol Tou-raine, qui militait pour un supplémentde 30 à 40 centimes. La facture de gazpour les ménages progresse, elle, de0,5% à partir de ce matin. A noterégalement, la très légère revalorisa-tion de l’allocation chômage mini-

male de 28,21 à 28,38 euros par jour.Par ailleurs, entre en vigueur ce matinla plus forte taxation des CDD decourte durée pour les employeurs, dé-cidée par les partenaires sociaux, et lerelèvement du plafond de revenus à nepas dépasser pour prétendre à la cou-verture maladie universelle (+8,3%).Enfin, pour les automobilistes, les ta-rifs de fourrière sont aussi en hausse.

A RETOUR SUR LES TRADITIONNELLES HAUSSES DES PRIX DU 1ER JUILLET

Les majorations à compter d’aujourd’hui

Christian Eckert (PS), rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée. M. BUREAU. AFP

«M. Barroso n’estpas capable derégulation. Il est endessous du rôlequ’il devrait avoir.»Laurent Berger secrétairegénéral de la CDFT, hier, auGrand Jury, RTL, le Figaro àpropos du président de laCommission européenne.

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201316 • ECONOMIEXPRESSO

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ECOFUTUR

FAB LABSLA GRANDE BIDOUILLE

PAS BESOIN D’ÊTRE INGÉNIEURPOUR RÉPARER SON ORDI OUFABRIQUER SON VÉLO. PLANS ETMACHINES SONT MIS À LADISPOSITION DE TOUS SUR LE WEBET DANS DES ATELIERS MÉCANICO­NUMÉRIQUES QUI COMMENCENTÀ ESSAIMER EN FRANCE.

DÉCRYPTAGE

JULI

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TURE

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PORTRAIT FRÉDÉRIQUE CLAVEL, ESPRIT D’ENTREPRENEUSE PAGE IVAUTOMOBILE VALEO MONTE AU CRÉNEAU PAGE VI

LUNDI 1ER JUILLET 2013

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le lancement d’un appel à projets pourla création d’une dizaine de ces ateliersde fabrication numérique. La sélectiondevrait intervenir d’ici à mi-octobre.Reste à savoir à quoi serviront cesFab Labs. Entre geekerie, projets de GéoTrouvetou, et applications concrètes surle terrain, EcoFutur a passé en revue lesusages potentiels.

Apprendre ensembleLa dimension éducative est gravée dansle marbre de la charte des Fab Labs: ap-prendre, mais surtout le faire ensemble.Vous ne devez pas déléguer la réalisa-tion de votre projet à un utilisateur plusaguerri, mais acquérir les compétencesgrâce aux membres de la communauté.

«Do it yourself, do itwith others»(«faites-le vous-même, faites-leavec les autres»):telle est la devisedes Fab Labs, ouFabrication La-

boratories. Vous n’en avez jamais en-tendu parler ? Normal, le mouvementest encore underground. Créés il y a unedizaine d’années au Massachusetts Ins-titute of Technology (MIT) par NeilGershenfeld, un professeur de physiquequi proposait un cours de prototypagerapide intitulé «comment fabriquer (àpeu près) n’importe quoi», les Fab Labssont les ateliers de fabrication commu-nautaires de l’ère numérique. Leur ob-jectif? Donner à ceux qui ne sont ni in-génieurs, ni designers, ni même geeksles moyens de fabriquer toutes sortesd’objets manufacturés comme à l’usine.Et ce, en mettant gratuitement à leurdisposition le savoir, les procédés et latechnologie nécessaires.Des plans en open source, quelquesmachines-outils à commande numéri-que, un peu d’apprentissage collectif,beaucoup de patience et d’ingéniosité…et voilà un meuble sur mesure, unepièce pour réparer sa machine à laverou carrément le prototype d’un véloélectrique !Les Fab Labs se sont mis en tête detransposer au vieux monde industriella philosophie ouverte et collaborativedu logiciel libre. Chris Anderson, an-cien rédacteur en chef de Wired, labible des technofans américains, voiten eux «la prochaine révolution indus-trielle», celle du XXIe siècle (lire ci-con-tre). Plus de problèmes de brevets dèslors que les plans et les spécificationsd’un fauteuil design ou d’un ampli hi-fisont mis gratuitement à disposition detous. N’importe quel bricolo-bi-douilleur peut transformer son garageen atelier pour fabriquer l’objet dont ila besoin.Mais les Fab Labs sont avant tout uneexpérience collective basée sur le par-tage de connaissances à l’échelle localeou planétaire: un objet peut être conçudans un Fab Lab, fabriqué dans unautre… et amélioré dans un troisième.Pour obtenir le label «Fab Lab», il fautadhérer à la charte du Center for Bitsand Atoms, créé en 2001 au MIT, et sur-tout posséder les machines-outils adé-quates: fraiseuse de précision, perceuseà colonne, découpeuse laser… Les im-primantes 3D nourrissent bien des fan-tasmes (EcoFutur du 1er octobre) mais nesont guère prisées dans les Fab Labs enraison de leurs capacités limitées: l’im-pression est lente et elles sont canton-nées au plastique.Marginal en France, le mouvementcommence à essaimer : il existe déjàcinq Fab Labs dans l’Hexagone, etvingt-quatre autres se revendiquentcomme tels sans avoir forcément reçul’agrément du MIT ou l’avoir demandé.Du coup, le sujet intéresse le gouverne-ment en quête de solutions hétérodoxespour relancer l’innovation et l’emploien France. «Nous voulons polliniser leterritoire avec des Fab Labs et lancer ungrand mouvement d’alphabétisation nu-mérique»: mardi à Bercy, Fleur Pellerin,la ministre déléguée à l’Economie nu-mérique, a annoncé avec enthousiasme

Par SABINE BLANC

PROJETSAu Fab Labde l’universitéde Cergy (Val­d’Oise).PHOTOS FAC LAB.O. GENDRIN

Le rôle des Fab Labs manager n’est passeulement de jouer aux profs couteaux-suisses mais aussi de vous aiguiller versles personnes-ressources. Des ateliersde découpe laser sont par exempleorganisés.Les Fab Labs valorisent l’apprentissagepar la pratique, alors que notre systèmescolaire a tendance à favoriser les sa-voirs théoriques. Des programmescomme FabLab@School introduisentcette vision de l’apprentissage au seindes écoles. On peut s’en servir aussipour faire de la médiation scientifique,comme au centre de sciences de Gre-noble. «En collaboration avec le servicemédiation, nous organisons des atelierspour le grand public : comment faire des

haut-parleurs ou des sténopés, un sys-tème pour prendre des photos, témoi-gnent Jean-Michel Molenaar, Fab Labmanager, et Catherine Demarcq, res-ponsable animation. Nous sensibilisonsaussi les professeurs pour qu’ils montentdes projets interdisciplinaires. Certainsont fait des manèges avec des petits, desjeux mathématiques, une camera obs-cura ou une maquette d’escalier au col-lège.»Les Fab Labs commencent aussi àarriver dans les bibliothèques, commeune évolution logique de leurs missions.Dernière en date, et première dans unegrande ville, la bibliothèque publiquede Chicago, dans l’Illinois, s’apprête àouvrir le sien.

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013II • ECOFUTUR

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UTOPIESNUMÉRIQUES

EXTENSION DUDOMAINE DE L’ÉCO

«Le pouvoir appartient à ceuxqui contrôlent les moyensde production» : Karl Marxserait-il en train de faire avecles Fab Labs son come-backen mode 2.0 ? L’illustre barbuest cité dès les premièreslignes de Makers (1), dernierlivre de Chris Anderson. Tousproducteurs ? Le nouveaubest-seller de l’ancienrédacteur en chef de Wired(organe central des geekslibéraux-libertaires) cartonnechez les jeunes start-upers.Evidemment, Anderson n’arien d’un néo-marxiste.Pour lui, les Fab Labs, cesminifabriques connectées auréseau omniscient, ne sontpas la cellule de base d’unnouveau collectivismenumérique. Mais le levierd’une révolution. Pas celledont rêvait le vieux fou enredingote. Le journalistetechnofuturiste parle bien sûrde la révolution industrielledu XXIe siècle : celle desinternets qui est en train debalayer le vieux monde desusines tayloristes en«mariant les bytes et lesatomes». Si le communismeselon Lénine, c’était «lessoviets plus l’électricité», leturbo-capitalisme selonChris Anderson, c’est unatelier dans chaque garage,plus le numérique ! Il en a eula révélation en déballant sapremière imprimante 3D :ces machines-outilsnumériques, qui permettentd’«imprimer» un objet parcouches successives deplastique à partir d’unmodèle logiciel, vont faire dechacun d’entre nous unmaker en puissance. A savoirun artisan entrepreneur qui,par la magie du Web, pourra«accéder au marché» sansintermédiaire… et gagnerrapidement son premiermillion de dollars. Passé àl’acte, Chris Anderson a crééson entreprise, 3D Robotics,qui commercialise des dronesen kit à monter chez soi.A chacun ses utopies. On peutaussi rêver de voir naître dansnos garages des ateliersnumériques communautairesqui retisseraient du liensocial, entre jeunes et vieux,chômeurs et actifs,relocaliseraient la productionet créeraient des emploishors système. Cela feraitbien plaisir à ce bon vieuxKarl.(1) «Makers. La Nouvelle Révolutionindustrielle. Pearson, 2012, 340pp.

Par JEAN­CHRISTOPHEFÉRAUD

Réparer plutôt qu’acheter«Il s’agit de créer plutôt que de consom-mer», dit souvent Neil Gershenfeld. Defait, si les Fab Labs offrent la possibilitéde créer des choses, ils permettent ausside réparer des objets cassés ou de lesaméliorer: recoudre un vêtement, fabri-quer une pièce cassée qui n’est plus dis-ponible en service après-vente, etc.Cette dimension intéresse le gouverne-ment français qui a affirmé vouloirpousser le consommateur à «connaîtreles procédures de réparation des outils nu-mériques (dont les électroménagers) pourrépondre aux besoins des populations endifficulté».

Répondre aux besoins«non rentables»

Dans son livre Fab, Neil Gershenfeldraconte comment Haakon, un bergernorvégien, a développé un systèmeautrement plus efficace que la clochepour suivre ses bêtes: celles-ci portentun collier émettant un signal radio qu’ilreçoit dans sa ferme. Mais les pâturagesproches du cercle polaire sont délaisséspar les opérateurs, alors «Haakon adû construire les infrastructures de télé-communication dont il avait besoin».Les industriels ne s’intéressent à unmarché que s’ils y trouvent un intérêtéconomique, ce qui exclut les zonespauvres ou peu peuplées. Les Fab Labssont une bonne piste pour répondreaux besoins jugés «non rentables», enrelocalisant au passage une (micro)production.

Créer du lien social«On ne parle que de machines, mais c’estun prétexte!»: Pascal Minguet, cocréa-teur du premier Fab Lab rural enFrance, à Biarne, dans le Jura, ne plai-sante qu’à moitié. Les Fab Labs sont deslieux de rencontre, d’échange, de(ré)insertion, un nouvel avatar des mai-sons de quartier. «Nous sommes installésdans un village de 350 habitants qui n’aplus de café. Les gens viennent pour dis-cuter, c’est l’occasion de faire des bouffes.Un modéliste ferroviaire travaille mainte-nant avec son voisin, ils ignoraient qu’ilsavaient une passion commune. Ils font desateliers et aident les autres. On organisedu covoiturage lorsque nous montons desFab Labs temporaires. Des gens viennentfaire leur CV, on s’appuie sur une associa-tion dont le but est de former au numéri-que», témoigne Pascal.Le constat vaut aussi dans les villes. Unchômeur ou un retraité peut proposerdes ateliers et mettre en valeur sesconnaissances et compétences. Unefaçon aussi de retrouver une placedans la société. Au Fac Lab, le Fab Labde l’université de Cergy-Pontoise(Val-d’Oise), Josiane, la cinquantaineet des doigts de fée, donne des coursde couture et accompagne qui veutsur des projets: «Je suis dans une com-munauté où je peux donner un coup demain, pour le plaisir de partager et detransmettre. C’est le lieu qui me convient.Il n’y a pas de jugement de valeurs etmoins de tensions que dans le secteur as-sociatif.» En retour, elle a appris à seservir de la découpe laser pour faireune petite série de pochettes en cuirsur lesquelles Fleur Pellerin a flashélors de sa visite. •Pour en savoir plus:http://fablabo.net/wiki/Fablab_F_airehttp://wiki.fablab.is/wiki/Portal:Labs

Faire son prototypeGrâce aux machines en partage, il estpossible de réaliser un prototype deprojet. Cette proof of concept constitueune étape incontournable pour vérifiersi une idée est viable. A Artilect, unFab Lab pionnier installé à Toulouse, dejeunes ingénieurs ont développé unepremière version d’un robot maraîcherbaptisé Naïo. Puis, ils ont fait une pre-mière levée de fonds via une collectepour en poursuivre le développement.Car il est possible d’initier des activitéscommerciales dans un Fab Lab. Mais,comme le souligne la charte, dans cer-taines limites: «Elles ne doivent pas faireobstacle à l’accès ouvert. Elles doivent se

développer au-delà du Lab plutôt qu’enson sein et bénéficier à leur tour aux in-venteurs, aux Labs et aux réseaux qui ontcontribué à leur succès.»A Clermont-Ferrand, le projet deFab Lab est poussé par une jeune habi-tante de la ville qui déplore que PôleEmploi ne lui offre pas les mêmes possi-bilités pour développer un projet. LesFab Labs pour recréer du tissu écono-mique et de l’emploi? Les Etats-Unis ycroient. Un membre du Congrès améri-cain vient de proposer un «NationalFab Lab Network Act» pour développerun réseau en partenariat public-privéet, entre autres, «augmenter l’inventionet l’innovation et créer des entreprises etdes emplois».

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ECOFUTUR • III

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ENTREPRENEURIATFRÉDÉRIQUE

CLAVEL,PIONNIÈRE DAME

STIMULER LA CRÉATION DE SOCIÉTÉSEST SA MISSION PREMIÈRE EN TANTQUE PRÉSIDENTE DE L’APCE. MAISLA BUSINESSWOMAN N’EN OUBLIEPAS SON COMBAT POUR LES FEMMES.

PORTRAIT

Dans l’ombre deNajat Vallaud-Bel-kacem, ministredes Droits desfemmes, elle a tra-vaillé sur le plangouvernementalde développementde l’entrepreneu-riat féminin, pré-

cisé le 18 juin. Dans celle de Fleur Pelle-rin, ministre aux PME, elle avait menéen avril les discussions des Assises del’entrepreneuriat. Frédérique Clavel estune des ouvrières discrètes de ces politi-ques publiques. «Il y a un an, je n’avaisjamais hanté les ministères», se défend-elle. Cette femme de 54 ans a les che-veux mi-longs et mal disciplinés, sonlook est coloré, riche en imprimés. Loinde la panoplie des fonctionnaires. «Elleest complètement bordélique! balance sonamie Armelle Weisman, fondatrice del’agence de conseil TroisTemps. C’estune intuitive doublée d’une spontanée. Ellesort ses idées très vite mais, à la réunionsuivante, elle est passée à autre chose.»Preuve de son côté brouillon, elleconnaît mal les chiffres qu’elle cite, lescorrigera par mail. Son principal atout?Sa solide expérience de terrain.Cette routière de l’entrepreneuriatau féminin préside depuis décembrel’Agence pour la création d’entreprises,une association chapeautée par les pou-voirs publics qui renseigne sur les dé-marches et les structures d’accompa-gnement. Elle s’intéresse aux publics lesplus éloignés de ce milieu: les femmes,les jeunes, les quartiers populaires. Il ya du boulot : environ 550 000 sociétéssont fondées chaque année, mais cechiffre était en baisse de 2% en mars.Frédérique Clavel concède manquer demoyens financiers: impossible de me-ner des campagnes de communicationà grande échelle ou d’intervenir tropsouvent dans les établissements scolai-res. «Ma voie, c’est la mutualisation demoyens, les partenariats, la créativité.»

Même manque de ressources pour dé-fendre sa cause personnelle : les fem-mes. «En raison de la législation euro-péenne sur la discrimination positive,nous ne pouvons pas demander à la Ban-que publique d’investissement [BPI] decréer des prêts spécifiques.» Reste leFonds de garantie à l’initiative des fem-mes, créé pour faciliter l’emprunt maisdoté de seulement 4 millions d’euros etrécemment augmenté d’un petit mil-lion par Najat Vallaud-Belkacem.

«SECOUÉ». Frédérique Clavel se félicitecependant de l’une des propositions re-tenues après les assises: la redéfinitiondu concept de «jeune entreprise inno-vante», enfin étendu aux sociétés deservices (majoritairement créées pardes femmes), qui obtiennent ainsi l’ac-cès aux financements de la BPI oud’Oséo – entreprise publique qui fi-nance les PME françaises. «Mon engage-ment pour les femmes part d’un constatchiffré : elles représentent moins de 30%des créateurs d’entreprises, 8% dans lesentreprises innovantes, et 5% dans les in-cubateurs de Paris.» En 2003, preuves enmains, elle frappe fort à la porte deChristian Sautter, adjoint au maire deParis chargé du développement écono-mique. «Elle m’a secoué en me deman-dant si je ne trouvais pas ça scandaleux !Convaincu, je lui ai offert mon soutien»,

se souvient-il. C’est la naissance de Pa-ris Pionnières, le premier incubateur ré-servé aux femmes. Le concept fait desémules: 13 incubateurs, rassemblés ausein de la Fédération Pionnières. Ac-tuelle présidente du réseau, FrédériqueClavel a porté, en reine des abeilles,250 entreprises au total.Née à Montmorency (Val d’Oise), d’unpère directeur industriel et d’une mèreinfirmière libérale, Frédérique Clavel

vient d’une lignée de petits entrepre-neurs. Elle grandit sans sœur ni cou-sine. «Mes parents étaient féministes sansle savoir. J’ai eu les mêmes droits que lesgarçons, fait les mêmes fêtes, les mêmescompétitions sportives.» Elle tente lesconcours des grandes écoles de com-merce. Un échec. Elle termine à l’Ecolesupérieure de commerce du Havre. «Turéussiras par d’autres chemins que le di-plôme», lui assène son père. Elle ren-

contre son futur épouxà 18 ans, se marie à 22.Dès lors, son parcours estlié à lui. Un cas d’écoledes carrières de femmesde sa génération.En 1981, elle débute dansla gestion de patrimoine à

la banque Hervet. Au bout de trois ans,son mari, ingénieur chez GDF Suez, estmuté en Allemagne. Elle démissionnepour le suivre. A Düsseldorf, elle pro-pose des solutions de financement auxPME de la Ruhr. «J’ai commencé à sentirles préjugés sur les femmes: dans le mondedu financement d’entreprise, j’étais uneexception.» Même impression quand,en 1987, elle entre à la banque d’affairesde l’Union européenne. Elle surveille ses

Par LÉA LEJEUNEPhoto FRÉDÉRIC STUCIN

performances, réclame une augmenta-tion de salaire en conséquence. Commeles autres. «Vous n’avez pas d’enfant,vous bénéficiez d’un double salaire, vousn’en avez pas besoin !» lui répond-on.Elle s’en va et bifurque, à 28 ans, vers ladirection financière des Nouvelles Gale-ries, puis, jusqu’en 2000, de celle dugroupe Laser.

«COHABITATION». Entre-temps, sespriorités ont changé. Elle a adopté deuxenfants en Pologne, en 1994 et 1998, etsouhaite «faciliter la cohabitation entrecarrière et vie familiale». Elle monte sapropre société, Fincoach, qui accompa-gne des entrepreneurs en stratégie fi-nancière. Puis, en 2010, elle lance Mixfor Value, son fonds d’investissementréservé aux sociétés dont un des diri-geants est une femme. Elle est convain-cue que la mixité améliore la gouver-nance et les performances desentreprises. Son CV militant contientquelques lignes de plus: une participa-tion à l’association Femmes3000, leconseil d’administration de FemmesBusiness Angels et sa présence aux der-niers Women’s Forum. De pionnière,elle est devenue incontournable. •

CV Née en 1959,diplômée del’ESC Le Havre,FrédériqueClavel faitses débuts dansle financementd’entreprises auCrédit lyonnais,puis dans legroupe Laser.En 2001, ellemonte Fincoach,son cabinetde conseil, puisl’incubateurParis Pionnières.Nomméeprésidente del’Agence pourla créationd’entreprises(APCE), ellea coordonnéen avril lesAssises del’entrepreneuriat.

«Mon engagement part d’unconstat chiffrés: les femmesreprésentent moins de 30%des créateurs d’entreprises.»

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013IV • ECOFUTUR

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tous les domaines économi-ques, passer d’une échellemicro à une échelle macro nesera pas aisé. Pour l’écono-miste Jean-Louis Laville, lesraisons de cette résistancesont multiples: «L’histoire del’économie sociale et solidaire,soit son institutionnalisation aposteriori, a forcé la séparationentre différentes structures auxobjectifs pourtant similaires.Et les politiques publiques neprévoient pas encore de valori-ser ou de stabiliser la mise enœuvre des circuits courts surplusieurs années.»Plus radicale, l’ex-ministrede l’Environnement CorinneLepage affirme que «le com-bat pour les circuits courts estaussi politique qu’économi-que»: «Ces méthodes et habi-tudes de consommation sont àl’opposé de celles que les ac-teurs dominants veulent fairevivre, affirme-t-elle. Il s’agitde reconquérir un pouvoirpar un mouvement venu d’enbas.» Autant dire que laroute est encore longue avantque les circuits ne devien-nent une priorité politique.

L.L.

55,8milliards d’euros, c’est lechiffre d’affaires quele marché des réseaux dedistribution électriquesintelligents (smart grids)devrait générer en 2020,selon le cabinet d’étudesaméricain Navigant. Soitplus du double de 2012(25,5 milliards d’euros).

LA SANTÉ ET LA BANQUESUR LE MODÈLE DES AMAP

lables, la société coopératived’intérêt collectif Enercoopachète depuis 2005 de l’élec-tricité directement auprès deproducteurs indépendants,puis la revend aux entrepri-ses et particuliers. Là encore,réduire les intermédiaires estun objectif. «Si l’électricitéest pour l’instant redistribuéesur l’ensemble de la France,Enercoop souhaite mieux s’an-crer dans les régions au coursdes prochaines années», ex-plique Julien Mary, juriste dela structure.Du côté des banques, la Nefassure fonctionner en cir-cuits courts depuis 1988.Cette société financière coo-pérative collecte l’épargne deses clients sur des comptesde dépôts à terme et accordeensuite des prêts aux plusméritants. Elle sélectionneceux qui développent desactivités professionnelles àdes fins sociales et fait par-venir la liste des sélectionnésaux épargnants. Un air defamille avec les récentsprojets de crowdfunding quifleurissent sur le Web.Si ces démarches traversent

ÉCONOMIES D’ÉNERGIELES RUES

AU CLAIR DE LUNE

La tour Eiffel va-t-elles’éteindre cette nuit ?Non. Mais les bureaux,

les commerces, les bâtimentsdevront couper leurs lumiè-res inutiles entre 1 heureet 7 heures du matin. Cettemesure du ministère del’Ecologie, du Dévelop-pement durable et de l’Ener-gie, qui entre en vigueuraujourd’hui, devrait permet-tre d’économiser la consom-mation annuelle d’électricitéde 750000 ménages (l’équi-valent de la population dudépartement du Haut-Rhin)soit 2 térawattheures. Clic, lavitrine de la boutique demode qui illumine trois robestoute la nuit pour l’insom-niaque promenant son chien.Clic, les bureaux de la sociétéd’assurance dont les néonsallumés révèlent les bureauxmal rangés à l’observateurattentif. Clic, les trois spotsqui illuminent le clocher duvillage et obligent les amou-reux à chercher plus loin lapénombre propice à leursbaisers. Ce soir, la nuit seraplus noire.

Resteront allumés les éclai-rages publics, ceux destinésà assurer la sécurité des bâti-ments, les lumières intérieu-res des logements. Des déro-gations peuvent bien sûr êtreaccordées par la préfecturepour les veilles de joursfériés, les illuminations deNoël, lors d’événementsnocturnes locaux, et surtout«dans les zones touristiques

d’affluence exceptionnelle oud’animation culturelle perma-nente». Par exemple, la tourEiffel, qui pourra scintillerchaque heure dans le cielparisien. Mais aussi lesChamps-Elysées, la butteMontmartre, la rue de Rivoli,la place des Vosges à Paris,les centres touristiques deMarseille ou de Nice, le VieuxLyon, Chartres… Dans ceszones achalandées, il n’y apas de dérogation possiblepour l’éclairage intérieur desimmeubles de bureaux, maisseulement pour celui desvitrines et des commerces.La publicité et les enseigneslumineuses, elles, doiventêtre éteintes entre 1 heureet 6 heures du matin depuisun an déjà.

Pour faire appliquer cettemesure, nouveau pas vers latransition énergétique, leministère de l’Ecologie, duDéveloppement durable etde l’Energie de DelphineBatho veut d’abord user depédagogie: information, af-fichage, dépliants serontdistribués au grand public.Mais l’arrêté prévoit surtoutune amende de 750 euroset «une suspension du fonc-tionnement des sources lumi-neuses» pour les entrepriseset commerces qui ne respec-teraient pas l’extinction desfeux. Les maires serontchargés de faire appliquer lecouvre-feu électrique. Cequi leur promet quelquesbalades nocturnes pourrepérer les illuminés contre-venants. •

Par HERVÉ MARCHON

ENTOMOPHAGIE Préférer les insectes à la viande rouge, c’est écolo, c’est l’avenir.Même les Nations unies le disent. Vous êtes donc prêt(e) à croquer ces protéines,comme 80 % de l’humanité. Pour vous servir, le designer Mansour Ourasanah a crééun prototype d’élevage maison, Lepsis, avec l’Américain KitchenAid, spécialiste èsaccessoires de cuisine. Pour nourrir, récolter et «tuer proprement» ses sauterelles.«Décoratif», il ravira pupilles et papilles. PHOTO MANSOUR OURASANAH AND KITCHENAID

L’EAU À LA MOUCHE

L’INITIATIVE

TENDANCE

Pourquoi les circuitscourts seraient-ils can-tonnés à la bouffe ?

Popularisée par le systèmedes Amap (les associationspour le maintien d’une agri-culture paysanne), cette ap-proche économique et socialegagne d’autres domaines.C’est ce qu’a démontré ladernière rencontre du Labode l’économie sociale et soli-daire, lundi dernier. Pour lestêtes pensantes du Labo,quatre critères distinguent lescircuits courts: la création delien social, l’équité dans leséchanges financiers, une ap-proche participative et unelogique pédagogique. Vucomme ça, les projets fleuris-sent un peu partout.A Saint-Denis, l’Associationcommunautaire santé bien-être accueille dans son cen-tre médical des habitantsperçus comme «acteurs deleur propre santé». Ils choi-sissent eux-mêmes l’aména-gement du bâtiment, parti-cipent aux activités deprévention ainsi qu’à desrencontres.Dans les énergies renouve-

L’HISTOIRE

Qui a dit qu’il pleuvaitsur François Hollande?L’Elysée reçoit chaqueannée une quantitéde soleil plus importanteque le siège de l’UMP:815kWh par mètre carrécontre 787 pour lesbureaux de Jean­FrançoisCopé. C’est ce qu’onapprend sur le cadastresolaire de la ville de Parismis en ligne la semainedernière (1). Très répanduesen Suisse ou en Allemagne,ces cartes qui répertorientla quantité de soleil toit partoit étaient rarissimes enFrance. Celle de Pariscalcule l’ensoleillementde chaque toiture à partirdes conditionsmétéorologiquesmoyennes observées cesdernières années et tientcompte des effets d’ombredes arbres et desimmeubles voisins.Ce cadastre dressé dans lecadre du projet européenPolis a pour but d’inciterles Parisiens à s’équiperde panneaux solaires.(1) www.cadastresolaire.paris.fr

PARIS ET LESTOITS SOLEIL

«Quand on parle d’efficacité énergétique,c’est pour la vanter. Mais ensuite, rien ne sepasse. Or elle est centrale, car elle crée desemplois et protège le consommateur. Nouscréons donc un lobby de l’intérêt général.»Joël Vormus de l’association Cler, Réseau pour la transitionénergétique, lors du lancement le 26 juin de la «CoalitionFrance pour l’efficacité énergétique» qui réunit industriels,consommateurs et écologistes

EcoFutur Retrouvezl’actu de l’économie inno­vante toute la semaine.

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ECOFUTUR • V

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AUTO SAPIENSLE SAVOIR­PHAREDE VALEO

DES VOITURESDE PLUS EN PLUSAUTONOMES ETQUI REJETTENTTOUJOURS MOINSDE CO2…L’ÉQUIPEMENTIERFRANÇAIS NE LÉSINEPAS SUR LA R&D.

REPORTAGE

Une voiture téléguidéegrandeur nature. C’est niplus ni moins ce qu’a dé-veloppé Valeo dans soncentre de recherches deBobigny, en Seine-Saint-Denis. Truffée de capteurset de caméras, la berlineallemande se conduit del’extérieur, à l’aide d’un

iPad. Grâce aux ingénieurs de l’équipemen-tier, qui fête son 90e anniversaire, la science-

Par PHILIPPE BROCHENPhotos BENOÎT GRIMBERT

TABLETTE DE BORD Test de conduite à l’aide d’un iPad, au technocentre de Bobigny (Seine­Saint­Denis). La voiture peut aussi être téléguidée de l’extérieur de l’habitacle.

fiction rejoint la réalité. Toutefois, cette inno-vation, très utile pour le stationnement, nedevrait pas être commercialisée, notammenten raison de son prix. Mais elle sert de vitrineau savoir-faire high-tech de Valeo et à sonambition en matière de recherche.Depuis son arrivée à la tête du groupe françaisen mars 2009, Jacques Aschenbroich, anciende Saint-Gobain, a recentré la stratégie del’équipementier, qui compte parmi les plusimportants au niveau mondial et travaillepour tous les grands constructeurs autour dedeux axes: le développement de son activitédans les régions à forte croissance, commel’Asie et les pays émergents, et l’innovation,

principalement autour de la réduction desémissions de gaz carbonique. Pour preuve, siValeo a réalisé 11,75 milliards d’euros de chif-fre d’affaires en 2012, le groupe a investi unmilliard en recherche et développement. Etcette stratégie volontariste porte ses fruits :il réalise 30% de son chiffre d’affaires avecses produits innovants.

BANQUETTE ARRIÈRE. «Le marché chinois esttrès friand de nouveautés, témoigne GuillaumeDevauchelle, directeur Innovation de Valeodepuis 2000. Là-bas, le marché se situe surle haut de gamme ou l’entrée de gamme, passur l’intermédiaire.» C’est que les attentes

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013VI • ECOFUTUR

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VALEO SURVEILLANCE Souriez, vous ne vous ferez pas écraser. Caméra pour détecter les piétons.

novation. C’est notre horizon. Puis nous tra-vaillons sur une année, faisons un bilan, etavançons pas à pas.»L’activité de Valeo, qui compte 9 000 cher-cheurs parmi ses 72600 collaborateurs sur lescinq continents et dans 29 pays, se déclineen quatre pôles. Le premier concerne les sys-

tèmes de propulsion, c’est-à-dire ce qui ac-compagne le moteur. Le centre de rechercheprincipal se trouve à Cergy-Pontoise(Val-d’Oise). Les solutions innovantes visentà réduire la consommation de carburant etles émissions de CO2 «sans compromettre leplaisir ni les performances de conduite». Al’instar du système Stop & Start (en servicedepuis dix ans), qui coupe automatiquementle moteur quand la voiture est à l’arrêt, au feurouge par exemple. Autre innovation, «l’hy-bride pour tous» de Valeo permet d’envisa-ger pour la première fois l’hybridation detous les véhicules, et plus spécifiquement desmodèles d’entrée de gamme car le coût del’hybride est divisé par deux. En combinant

la fonction Stop & Start, la récupérationd’énergie au freinage et l’assistance électri-que au moteur essence ou diesel, le systèmede Valeo permet de réduire jusqu’à 15% laconsommation de carburant.Dernière innovation en matière de propul-sion, l’Electric Supercharger (ou «compres-seur de suralimentation électrique»). Il s’agitd’un booster de petit moteur qui permetd’aller plus loin dans la réduction de la tailledes moteurs sans perdre en puissance. Cettetechnologie réduit jusqu’à 10% la consom-mation et améliore la reprise de près de 30%.Elle vient d’être conçue et est actuellementmontrée aux constructeurs. «Notre objectifest d’atteindre l’émission de 95 grammes deCO2 par kilomètre d’ici à 2020, comme l’Unioneuropéenne l’imposera aux constructeurs auto-mobiles», explique Guillaume Devauchelle.

CHAMBRE FROIDE. Le deuxième pôle de Va-leo concerne les systèmes de visibilité, à sa-voir l’éclairage mais aussi l’essuyage. A Bobi-gny, un tunnel asphalté de 80 mètres, quisimule des conditions de conduite sous lapluie et dans le brouillard, permet de testerles phares. Dernier-né de Valeo, le modèleanti-éblouissement tout en LED (appelé Bea-matic Premium LED) détecte les autres véhi-cules grâce à une caméra et des capteurs. Ilsera sur les routes l’an prochain. Quant au

centre de recherches principal pour l’es-suyage –ce qui constitue l’essuie-glace (ba-lai, moteur, bras du balai) – de La Verrière(Yvelines), il abrite des chambres froidespour tester les balais dans des conditions ex-trêmes et des chambres sourdes pour testerle bruit des essuie-glaces. Sa dernière inno-vation est l’Aquablade, un balai avec arrosageet chauffage intégré. Une révolution pour lenettoyage du pare-brise car les gicleurs quiprojettent le liquide lave-glace sont suppri-més. Muni de rampes de distribution defluide, le balai le répartit via une multitudede trous sur toute sa longueur. «En balayantimmédiatement le liquide, l’Aquablade amélioreaussi significativement la visibilité de l’automo-biliste pour plus de sécurité, insiste BenoîtReiss, ingénieur chercheur en optique chezValeo depuis vingt ans. Et il y a moins de fluideperdu dans la nature.»A La Verrière, Valeo innove également sur lessystèmes thermiques, soit la climatisation etle chauffage. Le centre est équipé de cham-bres sourdes pour tester le bruit des clims. Ilest aussi doté d’une pièce qui peut reproduiredes conditions de températures caniculairesou polaires pour tester l’efficacité des systè-mes conçus. Innovation majeure: le filtre declimatisation anti-allergène. Valeo a déve-loppé un filtre d’habitacle permettant, alorsque l’air est filtré en permanence, de limiterla concentration des allergènes à l’intérieurdu véhicule. Pour la première fois en Europe,un filtre arrête non seulement la poussière,les gaz nocifs et les odeurs, mais neutraliseaussi les allergènes de pollen. Ce filtre vientd’être lancé et il est en démonstration auprèsdes constructeurs.

«AVANT LE CRASH». Dernier pôle de Valeo:celui du confort et de l’aide à la conduite,comme l’assistance au parking grâce à descapteurs à ultrasons ou des caméras multi-fonctions… Les centres de recherches princi-paux sont à Créteil et Bobigny, où travailleune équipe spécialisée dans l’aide à la con-duite. C’est là qu’a été développé lePark4U Remote. Ce système d’aide au sta-tionnement entièrement automatique permetd’insérer le véhicule dans sa place sansaucune intervention du conducteur. Il peutêtre déclenché soit depuis l’intérieur du vé-hicule, soit depuis l’extérieur, à partir d’unsmartphone. Valeo commence à présenteraux constructeurs ce concept qui succéderaau Park4U créé, lui, en 2006, et qui équipedéjà des voitures. Il permet de faire son cré-neau sans toucher le volant en manipulantjuste les pédales et le pommeau de vitesse.La révolution a également lieu côté freinageautomatique d’urgence. «La sécurité pas-sive, c’est ce qui protège en cas de choc,comme l’airbag, explique Xavier Groult, chefde projet en sécurité active. Nous, nous tra-vaillons sur ce qui se passe avant le crash, quipeut éviter l’accident ou limiter ses effets.C’est l’un des points principaux de la feuille deroute de Valeo.»Guillaume Devauchelle ne s’en cache pas :l’objectif de l’équipementier français est deparvenir à la conduite autonome en villeen 2023, qu’il nomme «conduite intuitive».«L’idée est d’éviter l’accident, autant pour pro-téger le conducteur et ses passagers que pourles gens qui ne sont pas dans la voiture et croi-sent sa route, argumente-t-il. Le véhicules’ouvre de plus en plus sur le monde, il estbeaucoup moins vécu comme isolé de la réalitéextérieure.» L’avenir est aux véhicules con-nectés qui s’inséreront sans heurts dans letrafic en pilotage semi-automatique. Et Va-leo n’a pas l’intention de se laisser doublerpar le géant américain d’Internet qui testedéjà sa Google Car, à la conduite entièrementautomatisée. •

diffèrent suivant les continents, voire lespays. L’Asie est très friande de produits liésà la qualité de l’air, pollution atmosphériqueoblige. Valeo s’est donc fortement positionnésur les gammes de purificateurs et de clima-tiseurs, secteur où il a de l’avance. Le marchéchinois, lui, demande aux constructeurs deprévoir à l’arrière des véhi-cules un espace plus impor-tant qu’en Europe : nombrede riches Chinois se fontconduire par un chauffeur etveulent être à l’aise sur labanquette arrière; les véhi-cules sont d’ailleurs le plussouvent dotés d’un coffre et non d’un hayon.Au premier trimestre, les ventes de Valeo,qui a inauguré trois usines en Chine et seprépare à en construire quatre nouvelles,ont augmenté de 21% dans le pays quandle marché automobile intérieur n’a crûque de 13%.«On cherche à comprendre où va le monde, onanalyse les comportements, puis on décline nosproduits selon les zones géographiques», pré-cise Guillaume Devauchelle. Illustration :avec l’exploitation des gaz de schiste, les grospick-up fortement émetteurs de CO2 retrou-vent malheureusement une seconde jeunesseaux Etats-Unis. «On se projette sur ce que l’onveut être dans dix ans, précise le directeur In-

MEILLEURS FEUX Valeo a élaboré un système anti­éblouissement en LED qui détecte les autres véhicules.

«On analyse les comportements,puis on décline nos produits selonles zones géographiques.»Guillaume Devauchelle directeur Innovation de Valeo

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ECOFUTUR • VII

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AGRICULTURELE NUMÉRIQUE

PRÉ À TOUTSATELLITES, DRONESET AUTRES LASERSPOURRAIENT VENIRPRÊTER MAIN­FORTEAUX EXPLOITANTS.

DEMAIN

D’ici dix ans, les exploitantsagricoles n’auront plus be-soin de mettre une bottedans la boue : l’agriculture

sera numérique. Les nouvelles techno-logies cherchent déjà à se faire leurplace dans les champs. En février,d’avant-gardistes tracteurs robotiséseffectuaient quelques tours de piste auMondial de l’équipement agricole deVillepinte (Seine-Saint-Denis). «C’estun satellite qui pilote le tracteur. Les agri-culteurs n’ont plus besoin de conduire, onest là par sécurité. Comme un cadre dansune usine qui surveille les paramètres surses écrans», résumait Michel Masson,cultivateur à Beaune-La-Rolande (Loi-ret) et membre de la FNSEA, le premiersyndicat agricole.Mauvaises herbes. Une palette d’ins-truments technologiques (GPS, camé-ras, etc.) embarqués dans les engins,les semoirs ou les moissonneuses, per-met d’améliorer la précision du travail.Plus d’excuse pour se louper: les semissont effectués à 2 centimètres près. Cesmachines agricoles du futur obéissentà la doctrine innovante de l’agricultureraisonnée: une manière d’aider les ex-ploitants à faire des économies et de lesempêcher de rejeter de grosses quanti-tés de produits dans l’environnement.Pourtant, le prix –des dizaines de mil-liers d’euros– demeure dissuasif, et ra-res sont ceux qui investissent dans lematos.La même logique bloque les amateurs

de drones volants. Pourtant, les fer-miers de demain pourraient faire appelà ces aéronefs suréquipés. «Delta Dronefabrique des outils qui diminuent les ris-ques pour les professionnels, augmententla productivité et protègent l’environne-ment. Nos aéronefs modernisent les outilsagricoles et sont surtout utilisés dans ledomaine céréalier», explique FrédéricSerre, président du directoire de cettestart-up française.Le Delta Y s’élève à 150 mètres d’alti-tude pour réaliser des prises de vue deschamps et repérer, grâce à une caméra,le pourcentage de photosynthèse ausol. Il est ensuite aisé de repérer, puisde traiter, la parcelle abîmée. Pour affi-ner les recherches, le Delta H peut sur-voler la même zone à 20 mètres de hau-teur afin de photographier les planteset les hypothétiques insectes qui se po-sent dessus. Un outil pratique pour sa-voir où et quelle quantité de pesticidesappliquer. Enfin, l’ensemble des don-

nées est envoyé sur du cloud computingafin qu’elles puissent être analyséesou archivées.Autre piste d’évolution 2.0 à tendanceécolo : une équipe de chercheurs del’université Leibniz de Hanovre déve-loppe des robots-lasers exterminateursde mauvaises herbes. Histoire de rem-placer les herbicides chimiques lourde-ment critiqués. Une caméra couplée etun logiciel embarqué sur ce laser clouéau sol pourront bientôt capter et analy-ser les contours des plantes afin de dé-terminer s’il s’agit de bonnes ou demauvaises herbes. Trouver l’intensité

idéale du rayon laser n’est pas unemince affaire: si la dose est trop faible,elle peut encourager la croissance deces herbes de malheur. Et la machineperdre son intérêt.La disparition des abeilles, ravagées parles pesticides néonicotinoïdes, inquièteles agriculteurs et défenseurs de l’envi-ronnement. Qu’à cela ne tienne, des in-génieurs de l’université de Harvard sonten train de concevoir leurs remplaçantesautomatisées: les robobees. Ces insectesmétalliques dotés d’antennes, d’ailes,de capteurs optiques et d’appendices depolinisation possèdent un cerveau arti-ficiel construit à l’image de celui des in-sectes rayés. Dans quelques années, lesabeilles ne seront plus les uniquesouvrières nécessaires à la production defleurs, fruits et légumes.Ecrans. Le numérique pourrait éveillerdes vocations dans le pré. Grâce aujeu Farm Defenders, les consultants quitravaillent à la gestion de projets agrico-

les dans les pays en dé-veloppement, commeles fermiers, peuvent seformer à gérer une ex-ploitation avec moinsde 2 euros par jour.Bien installés devantleur écran, les joueurs

apprennent ainsi à faire pousserleurs récoltes, à les protéger des mala-dies, à irriguer et – hélas ! – à doserles pesticides et exploiter des OGM.L’outil, développé avec les financementsde la fondation Bill et Melinda Gates, estbasé sur des données réelles couvrantsept zones climatiques différentes sur lecontinent africain. Long à réaliser,il pourrait être adapté et généraliséafin de servir de support à la relève agri-cole. Dans le domaine pédagogiqueaussi, la graine numérique est entrain de germer.

LÉA LEJEUNE

Les joueurs de «Farm Defenders»apprennent à faire pousser leursrécoltes, les protéger, les irriguer,et –hélas!– à exploiter des OGM.

MAGIC MAGYARSINVENTEURS

INVÉTÉRÉSEN DIRECTDE BUDAPEST

Les jeunes quittent la Hongrie par milliers cha-que mois pour chercher de l’herbe plus verteà l’Ouest. Mais pas les fondateurs de Prezi, le

logiciel de présentation «antiPowerpoint» madein Budapest. Avec lui, les présentations soporifi-ques de Microsoft ont vécu. Pas de litanie de dia-pos, mais une surface infinie où l’on navigue intui-tivement d’une partie à l’autre de l’écran par desmouvements de translation, de rotation et dezoom. Une prouesse qui nécessite d’inventer et derésoudre des problèmes mathématiques en tempsréel. Après cinq ans d’existence, le succès de lastart-up est fulgurant: déjà 150 employés, un bu-reau à San Francisco et 25 millions d’utilisateurs.«Plus qu’il y a de Hongrois dans le monde», s’amuseson fondateur, Adám Somlai-Fischer, 37 ans. «EnHongrie il y a une culture des mathématiques, de lagéométrie et, je dirais même, de la beauté. Prenez leRubik’s Cube ou le Gömböc», explique cet ancienartiste designer de renom international (1).Il n’y a aucun contrôle pour pénétrer dans le su-perbe bâtiment baroque qui abrite l’entreprise,dans le centre de Budapest. «On entre comme dansun moulin, rien à voir avec la paranoïa des start-upque j’ai pu voir jusque-là», fait remarquer DavidGauquelin, un Français devenu lead designer duprojet Prezi. Le centre névralgique est une im-mense salle, celle-là même où passaient autrefoistoutes les communications téléphoniques du pays.«On ne voulait pas quelque chose de clinquant, maisun lieu avec une histoire, du sens et qui reflète l’esprit

de Prezi», commente DavidGauquelin. Car l’entreprisedétonne dans la Hongrie deViktor Orbán, qui prend sesdistances avec un Ouestperçu comme hostile. AdámSomlai-Fischer donne pourexemple des team buildingsconsacrés à la rénovation demaisons de Tsiganes défavo-

risées, sa participation à la Gay Pride (qu’il se faitun malin plaisir d’afficher lorsqu’il est invité auParlement) et regrette la stagnation économique,le conservatisme ambiant. Et de dénoncer l’ex-trême droite qui ternit l’image de son pays. Maisil insiste: «La situation n’est pas mauvaise au pointde devoir partir. Nous avons encore une économie demarché et une démocratie, il y a beaucoup d’endroitspires que ça !»Budapest peut-il devenir un hub de l’innovation?«Ce pays a eu plein de prix Nobel, il reste beaucoupde talent et de créativité et nous voulons servird’exemple aux jeunes, leur prouver que l’on peutréussir ici.» On n’en attend pas moins d’eux. Caren Hongrie, originalité et unicité ont été élevéesau rang de marqueurs de l’identité nationale.Scientifiques et inventeurs sont respectés commeles écrivains et les poètes. Et pour cause: on doitaux Magyars quantité d’innovations, de la dynamoà la télé couleur, en passant par la vitamine C etle stylo à bille… Prezi n’est que le plus récent avatarde cette tradition scientifique et technologique.•

(1) Références au casse­tête développé par le HongroisErnö Rubik dans les années 70 et à la sphère étrangecréée en 2007 par l’ingénieur Péter Várkonyi et lemathématicien Gábor Domokos, qui revient toujoursà la même position mais qui, contrairement au culbuto,combine un seul point stable et un seul point instable.

Par CORENTIN LÉOTARDCorrespondance à Budapest

NAÏOUn robot maraîcherpour veiller au grain.PHOTO DR

HONGRIE

Budapest

100 km

SLOVAQUIE

CROATIE SERBIE

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013VIII • ECOFUTUR

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Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Strasbourg

Dijon

Lyon

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Bordeaux

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Nantes

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Brest

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Nice Nice

Strasbourg

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Toulouse

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Limoges

Orléans

Nantes

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Brest

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MontpellierMarseille

Nice

Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréFort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

0,3 m/13º

LLEE MMAATTIINN Une perturbation apporteun temps gris et brumeux dans lenord. Plus de soleil ailleurs, exceptésur le pays basque.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Le ciel prend unaspect menaçant des Pyrénées aunord-est. Ciel gris en Manche, soleilau sud-est.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SÉLECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalem LondresBerlinMadridNew York

Neige

0,3 m/13º

0,3 m/17º

0,1 m/17º

0,3 m/17º

LUNDI er

Développement d'orages des Pyrénéesau nord-est du pays. Le ciel se chargedavantage en Méditerranée. Plus sec enManche.

MARDI Nombreux débordements nuageux aunord de la Loire avec parfois quelquesaverses. Estival au sud mais parfoisorageux en montagne.

MERCREDI

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publicationet de la rédactionNicolas Demorand Directeur délégué de larédaction par interimFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée du magazineBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard(technique) Gérard LefortFrançoise-Marie Santucci(Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Olivier Costemalle et Richard Poirot(éditions électroniques)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Luc Peillon (économie)Nathalie Raulin (politique)

Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Bayon (culture)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Pascal Virot (politique)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

PuBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18

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IMPRESSIONCila (Héric)Cimp (Escalquens)Midi-print (Gallargues)Nancy Print (Nancy)POP (La Courneuve),

Imprimé en France Tirage du 29/06/13:141 253 exemplaires.

Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: 1115C 80064.ISSN 0335-1793.

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Ville allemande, sur la Baltique.

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 JEUX­METEO • 17

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ÉTAPE Ajaccio - Calvi 369 km courus sur 3 403 kmAujourd’hui

BAKELANTS Jan

MILLAR David

SIMON Julien

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CLASSEMENTDEL’ÉTAPE

BAKELANTS Jan

SAGAN Peter

KWIATKOWSKI Michal

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ExorcistedestylesurleTour

ment sorti hier dans la côte de Sa-lario pour tester Alberto Contador(Saxo), qui avait chuté la veille. Lepeloton, qui n’a pas été épargnépar les chutes entre Porto-Vecchioet Bastia, s’est cassé hier dans lesdifficultés, notamment dans le colde Vizzavona et la côte du Salario,à 12 km du but. Résultat visible àl’arrivée: un peloton qui grinçaitcomme une chaîne rouillée agitée

par la houle sous-marine.Le Tour de France a bien remontédes cours d’eau, descendu desfleuves, barboté dans les affairesde dopage, traversé la Manche,mais jamais il n’avait eu à faire àun bus d’équipe qui bloque l’arri-vée, comme samedi à Bastia. Carce fut un jour tonitruant sur leTour de France. La place manquepour raconter l’histoire saisissante

de ce car coincé sous le portiquede l’arrivée et dont il a fallu dé-gonfler les pneus pour libérer letrain avant de la bête.

BÊTE. Porto-Vecchio, au départsamedi: quatre prêtres en col cler-gyman. C’est aussi la preuve quela Grande Boucle se sécularise. Dutemps de l’ancien patron Jean-Marie Leblanc, le Tour se seraitimmédiatement rapproché deshommes d’Eglise afin de procéderà un exorcisme préventif et alors,Adocucq serait sorti du corps del’épreuve dans un sifflement depercolateur.Au matin de cette journée mar-quée par la présence du Malin,une délégation de coureurs est ve-nue se plaindre à la ministre desSports, Valérie Fourneyron, que lapresse était mauvaise et ne parlaitque de dopage. C’est faux: elle n’aparlé que du haut-de-forme duTour coincé sous un tunnel alorsqu’un chat noir passait lentementdans le soleil. •

Vainqueur à Ajaccio hier, à l’issue d’un week-end surnaturel,le Belge Jan Bakelants (RadioShack-Leopard) est en jaune.Par JEAN­LOUIS LE TOUZETEnvoyé spécial à Ajaccio(Corse­du­Sud)

V oici Ajaccio et ses pal-miers en éventail,terme de la deuxièmeétape remportée hier

par Jan Bakelants, échappé dansle dernier kilomètre. Voilà doncle rouleur belge de RadioShack-Leopard qui endosse le maillotjaune. Premier maillot jaune sa-medi de la 100e édition du Tour deFrance, l’Allemand Marcel Kittel(Argos-Shimano) a terminé avecplus de dix-sept minutes de re-tard.

PERPLEXE. Magnifique 3e étapeaujourd’hui qui passera à Cargèse.Quatre difficultés amèneront lepeloton à Calvi où tourne en ronddepuis deux jours un bus del’équipe Lotto affichant ce sloganqui laisse perplexe: «Le Tour 2013sans dopage». Côté favoris, Chris-topher Froome (Sky) est étrange-

Le directeur sportif du Tour, figure d’un cyclisme à l’ancienne, raccroche fin juillet.

Pescheux, la dernière ronde du bergerA ssis à l’arrière de sa voiture rouge, Jean-

François Pescheux, 61 ans, est responsa-ble de la direction sportive du Tour.

C’est lui qui structure la pièce quand la formedu vers est menacée. Il fait respecter les conve-nances en aboyant comme un remorqueur dehaute mer: «Messieurs les suiveurs, accélérez!Voiture Tartemolle, portez-vous à la hauteur devotre coureur pour un bris de chaine!» C’est lepremier auditeur de Radio Tour. Et le moins at-tendrissant des maréchaux d’Empire du Tour.Mais pas le moins attachant.A bien des égards, avec cette bonté dissimulée,il est le metteur en scène de la composition lit-téraire de l’étape. C’est l’expert en avaries, lenotaire du Tour, son officier d’état civil. Et legrammairien des départementales, car c’est luiqui fixe les règles de conduite de ce serpentinautomobile au tableau noir. Le soir de l’étape,il tient conclave avec ses commissaires decourse, dont certains sont équipés de pochesmarsupiales car c’est aussi la bonne chère quiles réunit. Ils refont la dictée du jour et corri-gent les fautes commises par ces cosaques de

suiveurs. Jean-François Pescheuxassure qu’il va prendre sa retraitedans trois semaines. Pas de mélan-colie, mais la conscience que l’admi-nistration qu’il représentait a cédéses droits à une machinerie sportivequi le dépasse. Il ne se reconnaît plusvraiment dans l’outillage mondial duvélo. Ne s’est jamais, dit-il, laissé abuser parles performances, même s’il se tient à un devoirde réserve. Un jour où il s’en sentira délié, celapourrait donner des mémoires savoureusementdrôles. Il regrette l’oreillette, pourtant bienutile quand le Tour allait s’emplafonner dansle bus bloqué sous un portique à Bastia :«L’oreillette a quand même provoqué la disparitiondu libre-arbitre du coureur.»Il regrette «cette presse qui, autrefois, savait sen-tir l’embrocation et qui, pour des raisons de gigan-tisme, n’a plus accès à la course». «Et, ça, c’estun crève-cœur», ajoute-t-il. Le vieux métier dejournaliste a disparu, dit-il. «Aujourd’hui, onvoit la course à travers la télé, qui renvoit à tous lesmême images, donc le même récit.»

La mort du vélo, pour le directeurde l’épreuve qui veille au tracé, cen’est pas l’impureté du résultat fi-nal : «C’est l’îlot directionnel.» «Lepaysage routier a été incroyablementfaçonné par la volonté des pouvoirspublics de placer chicanes, ralentis-seurs, haricots, ronds-points… Tout

cela construit une autre histoire du Tour car il nousest impossible, par exemple, de juger aujourd’huiune arrivée à Nantes ou Lorient. Il y a des villes quiont été tellement modifiées que le Tour ne pourraplus y faire étape.» Sur le dopage, Pescheux faitcette réponse étonnante: «Si une affaire commecelle de 1998 se reproduit, nous ne pourrions pasramener le Tour à Paris.» Dans ce «nous», il ya du Jean-Marie Leblanc, ex-patron de lacourse, qui est resté pour Pescheux la clé devoute d’une nation cycliste qui aujourd’hui seconcentre sur les images alors que du temps deLeblanc, elle s’attachait aux textes et aux hom-mes. Avec le départ de Pescheux se tourne doncla page d’un vieux monde.

J.-L.L.T. (en Corse)

JAM

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201318 • SPORTS

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Jan Bakelants,vainqueur hier

d’une étapeescarpée. PHOTOJEFF PACHOUD.AFP

LES OUBLIÉS DU TOUR Retour surtrois héros cabossés de l’épreuve.

Le balafré, la mècheet l’artificier

P our les héros aussi, lavéritable mort, c’estl’oubli. Le peuple du

Tour les fait naître et mourirselon des cycles de libellule,pour ne souvent retenirqu’un écho de leur nom, uneécume d’argent et parfoisplus rien. Et leurs atomes sedésagrègent alors commela passion ou l’effroi qu’ilsavaient inspirés.Robert Asse est l’un de ceschéris éphémères. De 1919à 1929, il représenteles malchanceux et lesperdants du monde :dix participations au Tour deFrance, dix abandons. C’estla voix des gueules cassées.Parmi plus de 6 millions demutilés, il a été brûlé au feudes tranchées, la tête cribléepar des éclats d’obus. Le7 juin 1915, son régiment en-registre 39 tués et 180 bles-sés. Lui est toujours en vie.Pour s’en rappeler, il s’aban-donne au cyclisme. Coureuravant les combats, RobertAsse le restera après. Désor-mais, il imprimera un cou-rage sidérant à la chroniquedu Tour. Les Bretons célè-brent l’errance de leur DonQuichotte, même si celui-cine va jamais plus loin quela sixième étape. Le drame leplus terrible tempêtait sousson crâne. Trépané par desmédecins de campagne, ilpartageait le destin des aveu-gles, des amputés et des mâ-choires ballantes que le paysmasquait à sa vue. La nuit, ilse réveillait en criant de dou-leur. Le jour, il essayait de vi-vre ses rêves. Les voitures quisont passées devant soncorps inerte, un soir de 1931,n’ont pas reconnu le soldatbalafré qui faisait frissonnerle Tour. Victime d’une con-gestion cérébrale, Asse venaitde chuter à vélo. Déjà oublié.Champagne. La France seveut joyeuse cinq ans plustard. Elle réclame des hérostout frais, qui sentent bon leFront populaire. Parmi eux,une montagne de muscles etde fines mèches boucléesqu’on dirait peintes par Fer-nand Léger. Ce sprinteur ex-plosif, René Le Grévès, rem-porte seize étapes dans leTour. Le public le vénère, lesfilles écrivent à Match poursavoir si son cœur est à pren-

dre. En 1936, les ouvriers enlutte de l’usine Alcyon le re-connaissent et l’autorisent àentrer dans les locaux pourrécupérer son vélo. Quelquesjours plus tard, il frôle l’éli-mination dans les Alpes. Lafaute au soleil qui a fait sauterle champagne dans son bi-don. Le Grévès a bu cul sec.S’en sont suivies des escala-des de cols gaies comme unréveillon. Dix ans plus tard,les Alpes lui réservent un ac-

cident de ski fatal. Lesjournaux pleurent sadisparition en une.

Mais la reprise du Tour en1947 crée de nouvelles idoleset ainsi s’estompe la trace dusprinteur peut-être le plusrapide de tous les temps,l’homme qui avait un Caven-dish dans chaque jambe.Munitions. Parfois, il resteun nom, un bout de palmarèset une épithète. Par exemple:Roger Hassenforder, 8 vic-toires d’étape, facétieux endiable. Un autre aimé desfoules, une bulle de savondans la France des années 50.La légende retient ses grima-ces et quelques bières volées.Aujourd’hui, un voile pudi-que recouvre le cataloguecomplet de ses délires. Pen-dant la guerre, l’Alsacien dé-robe armes et cigarettes auxAllemands pour les planquerdans un cimetière. Accro auxmunitions, il s’amuse jusqu’àfinir à l’hôpital pour unegreffe: une prodigieuse déto-nation lui a arraché aux jam-bes «des pellicules de peaulongues et diaphanes commedes bas de nylon».Devenu coureur, il nourritson poisson rouge aux am-phétamines. Il monte nu enchaire à l’église. Bon chas-seur, il tire à vue sur unchien en laisse. Et affirmeque Régine fut de ses proies.Dans un accès de folie,«Hassen» fait tomber Jac-ques Anquetil de sa machine.Et se vante de lui avoir apprisl’élégance : «Avant il étaitplouc, après il s’est habillécomme moi !» Généreux, iloffre au grand Jacques unebouteille pleine de pipi. Unautre coureur reçoit un bidonde caca. L’histoire du Tour apréféré tirer la chasse.

PIERRE CARREYEcrivain et journaliste

SÉRIE

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Décès

Les famillesArdilouze-Boussier et Torrès,

Ses parents et amis,ont l'immense tristesse de

faire part dudécès de

IsabelleArdilouze-Boussier

le 21 juin 2013,à l'âge de trente ans.

Remerciements à ceux quisouhaiteraient s'associer

à notre chagrin par des dons àl'association ISIS

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 SPORTS • 19

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L’Espagnole Marta Xargay entre les Françaises Edwige Lawson­Wade (à gauche) et Gaëlle Skrela, sur le parquet d’Orchies (Nord) hier. PHOTO DENIS CHARLET. AFP

L’EspagnearrêtelesBraqueusesLes basketteuses françaises échouent d’un point en finale de l’Euro, battues 70-69.

L es Bleues ont échoué hiersoir à Orchies (Nord) auxportes d’un troisième titrecontinental après ceux

de 2001 et 2009, battues (70-69) enfinale de l’Euro par une formationespagnole qui fut quand même auxcommandes du score le plus clairdu match. La partie s’estjouée dans les dernières se-condes, sur un tir à 3 pointstricolore contré, puis récupéré pourun inutile panier à 2 points d’uneSandrine Gruda monstrueuse hier(25 points et une dissuasion défen-sive absolue).

AGRESSIVITÉ. Sans faire injure aucollectif espagnol, l’équipe coachéepar Lucas Mondelo est en l’état unfusil à deux coups. Le premier :l’intérieure Sancho Lyttle, née àSaint-Vincent-et-les-Grenades,puis naturalisée espagnole enjuillet 2010, 1 m 90, meilleure re-bondeuse (et de loin) du cham-pionnat d’Europe et des mains

extraordinaires qui lui permettent,à l’occasion, de faire pleuvoir lespaniers longue distance. Le se-cond: la longiligne ailière Alba Tor-rens, des talents de guitariste, unevitesse de jambes qui contredit son1m92 et des cartons sauvages toutau long de l’Euro: 30 points au pre-mier tour face aux Russes ou29 points en quart contre les Tchè-

ques. Sancho Lyttle, c’est laverticalité sous les pan-neaux. Alba Torrens, l’hori-

zontalité sur le parquet.Pour des Bleues, menées 12-21 àl’issue du premier quart-temps,l’équation est d’emblée infernale.Si elles jouent lentement pour met-tre du monde sous le cercle, elles sefont tailler en pièces par Lyttle. Etsi, à l’inverse, Céline Dumerc etconsorts mettent de la vitesse, ellesse font brûler par la rapidité d’exé-cution de Torrens.Restait une alternative : l’agressi-vité; secouer les deux stars adver-ses –quitte à prendre des fautes, àrépartir sur le plus grand nombrede joueuses possible – pour les

éprouver et les sortir petit à petit durythme du match. Un boulot ingrat.Dont les tricolores se sont acquit-tées sans réserve, dans la fouléed’une Sandrine Gruda efficace danstoutes les dimensions du jeu: sco-ring, passes, défense. A la pause,35-36 seulement, le prix d’une dé-bauche d’énergie supérieure à ceque les Espagnoles ont alors mis surla table.La suite fut plus terrible encore :ballon arraché après ballon arraché,rebond après rebond, écran (on blo-que une défenseuse adverse avecson corps pour permettre à unecoéquipière de prendre un tir) aprèsécran, les deux formations ont pro-gressé dans la partie à touche-tou-che au score. Les intérieures fran-çaises ont payé le prix : ensouffrance depuis quelques jours,Isabelle Yacoubou –«mes genoux,mon dos»– a donné l’impression devoguer de résurrections en brusquescoups de mou, tandis que sa coé-quipière Emmeline Ndongue boitaitde plus en plus bas au fil du matchet des tartines que lui administrait

Lyttle à tours de bras. Les Bleues onttout de même viré en tête (55-53) àl’entrée de l’ultime quart-temps.

EN RÉSERVE. A quatre minutes dela fin, les deux équipes sont à éga-lité (63-63). On sent cependantconfusément que les Espagnoles,sur les ailes du rendement démen-tiel de Torrens (21 points hier) etLyttle (20 points), ont un peu plusd’énergie en réserve. Comme si lesFrançaises glissaient lentement,centimètre par centimètre, vers legouffre. Elles ont fini épuisées. Etbattues.Cette équipe, qui était allée cher-cher une médaille d’argent aux JOde Londres, a vécu: Ndongue prendsa retraite internationale, EdwigeLawson-Wade va occuper ses fonc-tions de vice-présidente de la Li-gue. Quant au coach, Pierre Vin-cent, il pourrait passer la main pourincompatibilité d’emploi du tempsavec son poste de coach des gar-çons à l’Asvel. Hier, les Bleues ontchangé d’histoire. Dommage pourelles que ce fût sur une défaite. •

Par GRÉGORY SCHNEIDER

RÉCIT

REPÈRES

«Quelques ballonsperdus en trop,c’est ça qui nousfait mal.»Gaëlle Skrela arrière del’équipe de France, hier soir

5C’est le nombre definales perdues par lesFrançaises, 4 à l’Euroet 1 aux JO (2012).

France Sandrine Gruda(25pts); Céline Dumerc(11pts); Emilie Gomis (9pts)…Espagne Alba Torrens(21pts) ; Sancho Lyttle(20pts); Marta Xargay(8pts)…

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201320 • SPORTS

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L’ historique circuit deSilverstone a renduhier son verdict : avec

un coup de pouce du sort, leGrand Prix de Grande-Breta-gne a relancé le champion-nat. L’abandon de l’Alle-mand Sebastian Vettel (RedBull-Renault), boîte de vites-ses bloquée alors qu’il me-nait la course, a fait les affai-res de ses poursuivants. Acommencer par son équipier– et futur retraité de la F1 –Mark Webber, deuxième, quia franchi la ligne d’arrivéedans le sillage de la Mercedesde l’Allemand Nico Rosberget devant Fernando Alonso(Ferrari). L’Espagnol, quimonte sur le podium à l’issued’un effort spectaculaire, estle principal bénéficiairecomptable de la mésaventurede Vettel, puisqu’il se replacedans la course au titre,à 21 points du pilote Red-Bull-Renault.Lambeaux. Mais ce hui-tième Grand Prix de la saisonaura été marqué par l’in-croyable série de défaillancesdes pneumatiques. Quatreexplosions ou délaminages–au choix– à pleine vitesse:Pirelli se serait bien passé decette mauvaise publicité,alors que le manufacturieritalien est critiqué depuis ledébut de la saison pour laqualité jugée inégale de sesgommes –de multiples inci-dents avaient déjà émaillé lesprécédents Grands Prix.Hier, sur un circuit rapide etexigeant, la première dé-faillance a touché l’hommede tête, l’Anglais Lewis Ha-milton, qui voyait ainsi sesespoirs de s’imposer devantson public partir en lam-beaux.Quelques tours plus tard, laFerrari de Felipe Massa étaitvictime d’un éclatementjuste avant que le FrançaisJean-Eric Vergne (Toro Ros-so-Ferrari) n’échappe dejustesse à une sortie de pisteà près de 300km/heure pourles mêmes raisons. Ce GrandPrix tournait à la farce lors-qu’une nuée de commissai-res de piste (ainsi que deuxbalayeuses) envahissait lemacadam pour nettoyer lesdébris et ramasser les bandesde roulement aussitôt récu-pérées par les techniciens dePirelli.L’indispensable neutralisa-tion de la course derrière la

voiture de sécurité provo-quait un regroupement gé-néral et la promesse d’un fi-nal épique. Avant la relance,les ordres fusaient dans lesradios des pilotes: «Attentionaux pneus. Evitez d’escaladerles vibreurs.» Autant deman-der à des sprinteurs de finirun cent mètres à cloche-pied…En fin de course, la panne deVettel, contraint d’abandon-

ner sa monoplace en pleinepiste, provoquait une nou-velle neutralisation et offraitun court répit aux gommesmartyrisées. Certains pilotes(dont Webber et Alonso dansle peloton de tête) profitaientde cette opportunité pourpasser une dernière fois parles stands afin d’en changer.Dans les derniers tours, leMexicain Sergio Pérez(McLaren-Mercedes) était lequatrième à subir l’éclate-ment d’un de ses pneus ar-rière. Nouvelle humiliationpour Pirelli, qui n’influençaitpas la tête de course emme-née par Nico Rosberg, sous lamenace de Mark Webber etFernando Alonso revenus deloin, et de Lewis Hamiltonrevenu, lui, de nulle part.Hier, après la course, le pa-tron de Pirelli MotorsportPaul Hembery avait descomptes à rendre à tous lesdirecteurs techniques et,surtout, aux pilotes. Avecune langue d’un bois pré-cieux, il s’en est tenu auconstat: «Ce que nous avonsvu était complètement inat-tendu. Il s’agit d’un problèmeinédit. Nous devons mener àbien nos analyses pour com-prendre ce qui s’est passé.Nous prenons tout ceci très ausérieux.»Angoisse. Lewis Hamilton,qui fonçait vers la victoireavant d’être la première vic-time de ces problèmes depneumatiques, n’a pas mâ-ché ses mots après l’arrivée.«Est-ce qu’il faut un blessépour que quelque chosechange ? La sécurité des pilo-tes est désormais le plus grosproblème et c’est tout simple-ment inacceptable.»L’Anglais a résumé l’état

d’esprit des pilotes, qui ontdisputé les 306 kilomètres dela course à 200km/heure demoyenne avec une pointed’angoisse.Hamilton est également re-venu sur la polémique desessais menés en secret parPirelli avec son écurie Mer-cedes pour tester des gom-mes plus résistantes: «Nousavons effectué ces essais pourque ce genre de problèmes ne

se produisent pluset améliorer la sé-curité. Et ils [Pi-relli] n’ont rienfait.» Ce n’estsûrement pas d’iciau prochain

Grand Prix, dans une se-maine en Allemagne, que lemanufacturier italien lesaura réglés.

Envoyé spécial à SilverstoneLIONEL FROISSART

«Est-ce qu’il faut un blessépour que quelque chosechange?»Lewis Hamilton (Mercedes) hier

LespneusàlagommeduGPdeSilverstoneFORMULE 1 La course, remportée par Nico Rosberg,a été marquée par quatre explosions à grande vitesse.

3Français disputeront leshuitièmes du tournoi detennis de Wimbledon:Marion Bartoli (contre l’Ita­lienne Knapp), Adrian Man­narino (face au PolonaisKubot) et Kenny De Schep­per (l’Espagnol Verdasco).

RUGBY L’Australie a pris sarevanche (16-15) contre lesLions britanniques, à Mel-bourne, une semaine après laperte du premier test (21-23).Troisième et dernier matchsamedi, à Sydney.

FOOT Mickaël Landreau res-tera au Sporting Club de Bas-tia. Arrivé en décembre poursix mois, le gardien exigeait

des garanties sportives pourprolonger. Ayant déjà dis-puté 587 matchs en Ligue 1,Landreau pourrait battre lerecord (602) de Jean-Luc Et-tori lors de la 16e journée.

ATHLÉ Excellent 17,47 mpour le triple-sauteur fran-çais Teddy Tamgho, à Bir-mingham, toutefois battu parl’Américain Taylor (17,66m).

Le rugbyman kényan Willy Ambaka était clairement identi­fié comme le principal danger pour l’équipe de France derugby à VII, qui affrontait hier la sélection africaine à Mos­cou en quart de finale de Coupe du monde. Ça n’a pasraté: Ambaka a aplati l’essai de la victoire (24­19) lors de laprolongation, expédiant le Kenya vers une demi­finale…perdue (5­12) dans la foulée contre les Anglais. Vedettedu jeu à sept, le «Lomu kényan» (son surnom au pays) achoisi de faire le grand saut à 23 ans: il a signé à Lyon(rugby à XV, Pro D2) la saison prochaine, le club lui ayantprudemment octroyé une année de contrat plus uneautre en option. PHOTO AFP

RUGBY À VII : LE«LOMU KÉNYAN»,WILLY AMBAKA,APLATI LES BLEUS

LES GENS

Deux histoires en une: lapremière victoire depuisdeux ans et demi de l’Ita­lien Valentino Rossi,samedi, lors du Grand Prixdes Pays­Bas de moto GP,l’ex­prodige (six titres dechampion du monde entre2002 et 2009) confiantensuite qu’il en était arrivéà douter de sa résurrectionsur les pistes. Et l’halluci­nante 5e place, sur cemême circuit d’Assen,du champion du mondeen titre, l’Espagnol JorgeLorenzo. Celui­ci avait eneffet violemment chutélors des premiers essais,jeudi: clavicule gauche cas­sée, avec un aller­retourexpress à Barcelone en jetprivé pour se faire opérerdans la foulée. De retoursur le circuit, Lorenzo aensuite satisfait on ne saitcomment au contrôlemédical de rigueur, avantd’arracher au courage les11 points de la 5e place.

RETOUR D’ENFERPOUR ROSSIET LORENZO

LA PERF

FORUMLIBÉRATIONFORUM LIBÉRATION : UNE JOURNÉE DE DÉBATS LE 12 JUILLETÀ L'UNIVERSITÉ D’AVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE 11H-12H30 LA CULTURE, UN ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ?Emmanuel Ethis président de l'université d’Avignon et des Pays de Vaucluse Aurélie Filippetti ministre de la Culture et de la CommunicationGeneviève Fioraso ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Valérie Pécresse députée

14H30-16HTERRITOIRE DE L’IMAGINAIREMyriam Marzouki metteure en scèneNicolas Stemann metteur en scèneDieudonné Niangouna auteur, acteur, metteur en scèneStanislas Nordey acteur, metteur en scène

16H15-17H45 LA CULTURE, UNE AFFAIRE LOCALE ?Hortense Archambault codirectrice du Festival d’AvignonCécile Helle vice présidente déléguée à la Culture de la région Provence-Alpes-Côte-d’AzurSylvie Robert vice présidente de Rennes Métropole

18H-19H RENCONTRE AVEC LA RÉDACTION DE LIBÉRATIONNicolas Demorand, Sylvain Bourmeau, René Solis et Marie-Christine Vernay

Ne!pas!attendre!l’avenir,!le!f

aire

Ministère de l’EnseignementSupérieur et de la Recherche

Que le président lyonnais,Jean­Michel Aulas,bazarde à Monaco pour5 millions d’euros le jeuneattaquant formé au clubAnthony Martial (17 ans),comme il l’a fait hier, n’arien de répréhensible ensoi: Aulas gère son clubcomme il l’entend, n’endéplaise aux supporteurslyonnais qui se sontdéchaînés sur Internetsuite à ce transfert. Mais lepatron n’a pas l’air malin:deux ans qu’il entonne l’airde «la formation, futur duclub», un artifice de com­munication visant à mas­quer la triste situationfinancière de l’OL –unargument auquel, si ça setrouve, les supporteurs ontcru: c’est l’histoire del’arroseur arrosé…

AULAS, VENDEURÀ LA DÉCOUPEDE L’OL

LE BIDE

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 SPORTS • 21

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22 • REBONDS

Le plus étonnant mais aussi leplus révélateur dans lesénormes manifestations quisecouent le Brésil ou la Tur-quie actuellement, c’estl’étonnement des pouvoirsen place, qu’ils soient de

droite ou de gauche. Comme l’avoueGilberto Carvalho, le chef de cabinet dela présidente du Brésil, Dilma Roussef,«le gouvernement n’arrive pas à com-prendre ce qui se passe». De même, enTurquie, Recep Tayyip Erdogan ne saitpas voir ou ne veut pas voir dans lessoulèvements de la jeunesse urbaine,autre chose que le résultat d’un complotde l’étranger. Que se passe-t-il ? Versquoi tendent ces mouvements ? Pouresquisser une réponse à cette question,il faut à la fois les mettre en relationavec les mouvements similaires qui lesont précédés, expliquer pourquoi ils nesont guère intelligibles dans le cadre descatégories politiques héritées, et com-mencer à dégager la perspective danslaquelle ils peuvent commencer à fairesens, non seulement dans une logiquede contestation ou de désespoir, maiscomme annonciateurs d’alternativespolitiques souhaitables et plausibles.De toute évidence, même si le contextepolitique, économique et culturel est àchaque fois différent, il y a plus qu’unair de famille entre les mouvements desIndignados ou Occupy Wall-Street, lesprintemps arabes, et ceux qui font l’ac-tualité au Brésil ou en Turquie. Selon lescas, l’accent est plus ou moins mis surla misère et la dégradation des condi-tions matérielles d’existence, ou sur laquestion des libertés. Mais dans tous lescas, ce qui est dénoncé et stigmatiséc’est l’écart de plus en plus abyssal quisépare les dirigeants et les dirigés, lesplus riches et les plus pauvres.Cet écart qui donne à l’immense majo-rité le sentiment de ne pas être compris,et qui explique, réciproquement, queceux qui se retrouvent au sommet dupouvoir et de la richesse, ne compren-nent à peu près rien à ce qui se passe.Plus spécifiquement, la passion mobili-satrice, celle qui pousse à descendredans la rue, parfois au péril de sa vie,c’est un profond sentiment d’injustice,une colère contre l’arrogance du pou-voir, et l’indignation face à une corrup-tion endémique.En tant que tels, ces mouvements pro-téiformes ne sont ni de droite ni de gau-che. Ils ne se réclament ni du libéra-lisme, ni du socialisme, ni ducommunisme ni de l’anarchisme. Oualors d’un peu de tout cela à la fois, avecdes ingrédients, également, de christia-nisme ou d’islam, par exemple. C’est cequi fait leur force, mais aussi leur fai-blesse. Leur force puisque, au début, cepolythéisme doctrinal leur permet derassembler très largement. Leur fai-blesse, puisque leur indéterminationpolitique et idéologique semble les ren-dre incapables de s’organiser de ma-nière cohérente, d’espérer accéder aupouvoir et, plus encore, de le conserver.

Il est donc tentant de ranger toutes cesrévoltes sous l’étiquette paresseuse etcensément infamante du populisme, etd’estimer que les aspirations dont ellessont porteuses fondront comme neigeau soleil une fois qu’elles auront à seconfronter au réel.Il y a pourtant une autre manière de rai-sonner. Et d’espérer. Elle consiste àfaire le pari que ces multiples mouve-ments d’indignations et de colères nepartagent pas seulement, en négatif, unsentiment d’exaspération, mais qu’ilssont également potentiellement por-

teurs, en positif, d’un projet de sociétépossible. Celui qu’il devient de plus enplus urgent de définir si nous voulonsréellement bâtir une alternative aux po-litiques néolibérales (ou néocommunis-tes, en Chine, par exemple) qui rava-gent le monde.

Ce qui fait la force du néolibéralisme,c‘est avant tout l’éparpillement de sesadversaires. Or, ce ne sont pas les pro-jets d’un autre monde qui manquent. Ilsse présentent sous des noms, sous desformes ou à des échelles infiniment va-riées: la défense des droits de l’homme,du citoyen, du travailleur, du chômeur,de la femme ou des enfants; l’économiesociale et solidaire avec toutes ses com-posantes: les coopératives de produc-tion ou de consommation, le mutua-lisme, le commerce équitable, lesmonnaies parallèles ou complémentai-

res, les systèmesd’échange local,les multiples asso-ciations d’en-traide; l’économiede la contributionnumérique (cf.

Linux, Wikipedia, etc.); la décroissanceet le post-développement; les mouve-ments slow food, slow town, slowscience ; la revendication du buen vivir,l’affirmation des droits de la nature etl’éloge de la Pachamama ; l’altermon-dialisme, l’écologie politique et la dé-

mocratie radicale, les indignados, Oc-cupy Wall Street ; la recherched’indicateurs de richesse alternatifs, lesmouvements de la transformation per-sonnelle, de la sobriété volontaire, del’abondance frugale, du dialogue descivilisations, les théories du care, lesnouvelles pensées des communs, etc.Ce qui fait défaut à tous ces mouve-ments c’est la claire perception de cequ’ils ont en commun et de leur cohé-rence possible. C’est pour tenter de for-muler et de rendre visible leur plusgrand dénominateur commun qu’unesoixantaine d’intellectuels, français etétrangers, représentatifs de ces diffé-rents courants, ont pris l’initiative derédiger un Manifeste convivialiste (1). Leseul fait qu’ils soient parvenus à s’en-tendre malgré des différences idéologi-ques de départ importantes, montreque l’espoir d’expliciter un fonds doc-trinal commun, partageable par unepartie de ceux qui descendent dans lesrues, à Istanbul, Rio, Tunis, Madrid,Le Caire ou ailleurs, n’est pas nécessai-rement voué à l’échec.On ne saurait résumer en quelques li-

Pour les idéologies politiques modernes, lacondition de tout progrès politique, de touteémancipation, c’est la croissance indéfiniede la prospérité matérielle

Par ALAINCAILLÉ,directeur de LaRevue du MAUSS,CHRISTOPHEFOURELprésident del’Association deslecteursd’AlternativesEconomiques,AHMET INSELprofesseurémérite àl’université deGalatasaray(Istanbul),PAULOHENRIQUEMARTINS(Recife, Brésil)président del’Associationlatino­américainede sociologie,GUS MASSIAHEconomistealtermondialiste,cofondateur desforums sociauxmondiauxet PATRICKVIVERETEssayiste.

Tous signatairesdu Manifesteconvivialiste.

Rio, Istanbul et le convivialisme

Le rêve brésilien attaquéaux bulldozers

Il y a quelque chose de brisé dans lerêve brésilien. Partout dans le pays,des centaines de milliers de citoyensremettent en question avec force la

gouvernance et le modèle de dévelop-pement de leur pays. Ce mouvementdoit nous inspirer lorsqu’il dénonce lamégalomanie d’une classe politiquequi, après avoir amélioré la vie de mil-lions de citoyens, se met à confondredéveloppement et béton, progrès et gi-gantisme, au détriment des plus fragi-les. Ouvrons grand les yeux car, la jeu-nesse des grandes villes n’est pas laseule à contester cet aveuglement.Au même moment, à l’autre bout dupays, des milliers de Brésiliens –princi-palement les Indiens de la tribu desKayapos – tentent de défendre leurmode de vie face au déferlementdes bulldozers. Tels des soldats du pro-grès forcé, une fourmilière de15000 ouvriers sous-payés s’attelle à laconstruction d’un projet pharaonique,le méga barrage de Belo Monte.Le compte à rebours avant le drame estlancé: plus de 660 km2 de terres inon-

dées, dont 400 km2 de forêt primaire enterritoire autochtone, 20000 personnesdéplacées et une biodiversité unique ra-vagée. Tel est le bilan que nous auronsà déplorer si ce projet prétendu «écolo-gique et moderne» était mené à sonterme.En tant que parlementaires européens,nous ne pouvons ignorer ce qui s’ypasse. Parce que la catastrophe écologi-que nous concerne directement, maisaussi et surtout parce nous sommes im-pliqués dans ce non-sens par la voied’entreprises européennes comme Als-tom ou GDF-Suez, qui participent à laconception et à la construction de ceprojet malgré les principes de l’Union

européenne en termes de responsabilitésociale et environnementale.La question de l’efficacité et de la cohé-rence de notre aide publique au déve-loppement doit également être posée.Comment expliquer le prêt de 500 mil-lions d’euros, sous couvert de lutte con-tre le changement climatique, à la Ban-que nationale brésilienne pour ledéveloppement qui finance majoritaire-ment ce projet? Où sont le développe-ment durable, l’intérêt des populations

locales, et l’éradication de la pauvreté,but ultime de la politique de développe-ment de l’Union européenne, lorsquel’essentiel de la capacité électrique estdestiné à l’exploitation minière ou àl’exportation ?Quel modèle de développement pro-meut-on lorsque même la Constitutiondu pays, qui impose une concertationavec les populations autochtones con-cernées et la reconnaissance de leursterres, est foulée au pied ? Ce projet etceux qui s’annoncent doivent être stop-pés. Le Brésil a les ressources pour in-venter un modèle de développement,socialement et écologiquement durable,profitable à tous et respectueux des

droits, des liber-tés et des terri-toires même in-digènes.C’est avec cemessage qu’àpartir du 8 juillet

nous irons à la rencontre de celles etceux qui luttent pour défendre leursdroits lors de notre visite sur place.Nous tiendrons ainsi la promesse faiteau chef Raoni lorsqu’il était venu crierson désespoir au Parlement européenen décembre. Le gouvernement brési-lien ne doit pas céder aux sirènes deschercheurs d’or. Plus généralement,nous devons entendre et accompagnerl’aspiration à vivre différemment, deSão Paulo à Belo Monte.

Par CATHERINE GRÈZE Députéeeuropéenne écologiste, coordinatricede la commission du Développement,EVA JOLY Députée européenneécologiste, présidente de lacommission du Développementet ULRIKE LUNACEK Députéeeuropéenne écologistes

La jeunesse des grandes villes n’est pasla seule à contester: à l’autre bout du pays,des milliers de Brésiliens –principalementdes Indiens– défendent leur mode de vie.

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REBONDS • 23

Quand Alain Duhamelrépudie la politique

C’est au micro de RTL, un tristematin de juin, qu’Alain Duha-mel annonça l’inconcevablenouvelle: à la rentrée, il ne pré-senterait plus sa chronique ma-tinale de RTL. Elle serait trans-férée vers la tranche du soir.Dans les lueurs crépusculaires,il fallut digérer le coup de ton-nerre: les matins des auditeursde RTL seraientdésormais veufsd’Alain Duha-mel. Ce ne serait resté qu’uneinformation interne à une radioprivée, n’était l’explication quelivra Duhamel lui-même, aumicro de son camarade YvesCalvi. «Je vais vous dire les cho-ses comme elles sont. L’affaireDSK, ça m’a atteint. L’affaireCahuzac, ça m’a littéralementécœuré. Ça fait cinquante ans queje m’occupe de politique, quej’essaie de comprendre la politi-que, d’expliquer la politique, dejustifier la politique, d’essayer delui conserver un certain statutdans l’esprit des gens.» Calvi,effaré: «Ça veut dire que la poli-tique n’est plus justifiable ?»«Bien sûr que si. D’abord, elle estirremplaçable. Elle est plus im-portante que jamais au momentoù elle a moins de moyens que ja-mais.»Etrange instant. Tout vacillait.Abandonnée par Duhamel, laPolitique pourrait-elle seule-ment continuer sa route ? Onl’imaginait, terrassée par ladouleur, s’accrochant au bas dupantalon de l’éditorialiste ma-tinal, et le suppliant : «Ne mequitte pas, Alain ! Je sais que jesuis désormais une pauvresse,mais je remonterai la pente. Je merachèterai. Je t’offrirai des perlesde pluie venues de pays où il nepleut pas !» Et lui : «Silence ca-tin ! Va t’en donc pourrir dans leplacard à balais de 18 heures,dans le mouroir des polémistesretraités, tu ne mérites riend’autre.»Duhamel ne s’étant pas davan-tage expliqué, tentons de lefaire pour lui. En évacuantd’abord l’explication basse, se-lon laquelle le chroniqueuraurait simplement envie de selever plus tard. En évacuantaussi le scénario «à la Denisot»d’une pure et simple évictionpar la chaîne, camouflée en re-trait volontaire. Sont-ce doncles actes commis par les deuxex-ministres qui ont «atteint»et «écœuré» le chroniqueur surle mode «le personnel politiqueest décidément tombé très

bas»? Gardons-nous de le taxerd’une telle naïveté. Duhameljurerait-il que pas un des«Grands Anciens» de la Ve Ré-publique n’a jamais détenu decompte en Suisse ? Jurerait-ilque pas un des ministres deDe Gaulle, Pompidou, Giscardou Mitterrand, ne s’est jamaiscomporté, avec une femme de

ménage, commeDSK à New York?Mieux que qui-

conque, il sait que les deux dé-linquants sont une exceptiondans un personnel politique au-dessus de tout soupçon. Et si cen’était pas le cas, il nous l’auraitdit. Peut-être est-ce plutôt larévélation de ces turpitudes, etla place que leur a accordée lapresse, qui ont «choqué» et«écœuré» Duhamel. Et, parcontrecoup, la restriction del’espace des journalistes politi-ques purs, au bénéfice des en-quêteurs d’investigation.Duhamel est le symbole, l’em-blème, du Journaliste politiquepur jus (JPPJ). Le JPPJ ne traiteque de l’essence de la politique,

ses calculs, ses finesses, sesstratégies, ses chausse-trappes,l’inscription de ses débatsd’idées dans le prolongementde la compétition entre orléa-nisme et bonapartisme, entresocial-démocratie et bolche-visme. Or, voilà. L’influence airrémédiablement glissé de Du-hamel à Plenel. Ce n’est plusDuhamel, qu’écoutent aujour-d’hui les ministres en trem-blant. Ce sont Plenel, Arfi etMauduit, les fantômas de Me-diapart. Et ce ne sont d’ailleurspas les seuls. Ils s’y sont mis àplusieurs, pour dépouiller levieux JPPJ.Dans le groupe de sauvageonsqui l’assaillent, se trouve aussiFrançois Lenglet, de France 2,avec ses graphes. Interroger lechef politique sur les chiffres etles statistiques, quelle hérésie!Sans parler de ces semi-journa-listes semi-psychologues, quivont chercher dans les traumasde l’enfance, ou les vicissitudesconjugales, la clé des décisionspolitiques.Tout ceci prend sa source au

même endroit : la réduction àquasi zéro de la marge demanœuvre des institutions po-litiques nationales, au bénéficedes régions, de Bruxelles, de laBCE, du FMI, et de la chancelle-rie allemande. Les politiquesn’ayant plus de pouvoir surrien, pourquoi les écouterait-ondisserter ? Contemplons-lesplutôt comme des personnagesde tragicomédie, ou cherchonsà les pincer la main dans lacaisse. Sauf que. Sauf que la po-litique existe toujours. Commedit Alain Duhamel, «elle estirremplaçable». Mais elle pros-père et tonitrue là où on ne l’at-tend pas : dans les visages op-posés de Jean-Luc Mélenchonet de Marine Le Pen, ceux-làmême que Duhamel ne veutpas, ne peut pas regarder.

MÉDIATIQUES

Par DANIELSCHNEIDERMANN

L'ŒIL DE WILLEM

gnes les nombreux points d’accord, si-gnificatifs, qui ont été trouvés. Peut-être, en écho à l’actualité turque, et plusencore brésilienne, sont-ce les troisidées suivantes, qu’il importe de mettreplus particulièrement en lumière :1. Si les idéologies politiques moderneshéritées –libéralisme, socialisme, com-munisme ou anarchisme – se révèlentdésormais largement incapablesd’éclairer l’avenir, c’est parce qu’ellesreposaient sur l’idée que le problèmeprincipal de l’humanité réside dans larareté matérielle et qu’en conséquencela condition sine qua non de tout progrèspolitique, de toute émancipation, c’estla croissance indéfinie de la prospéritématérielle. Or la croissance du PIB n’estplus là dans les pays développés (et nereviendra guère), elle s’essouffle déjàdans les pays dits émergents (et notam-ment le Brésil) et, en tout état de cause,une forte croissance serait catastrophi-que pour la survie écologique de la pla-nète. Il nous faut donc, de toute ur-gence, commencer à dessiner lescontours d’une démocratie post-crois-santiste. D’une société de prospéritémême sans croissance.2. On l’a vu, les révoltes contemporai-nes sont des révoltes contre la misère.Mais elles sont aussi, et sans doute plusencore, des révoltes contre l’injustice etcontre la corruption. Ce qu’elles met-tent en cause et condamnent, c’est ceque les anciens Grecs appelaient l’hu-bris, la démesure, l’illimitation, l’aspi-ration à la toute puissance, ce désir foude s’affranchir des bornes de la com-mune humanité, de la commune socia-lité et de la commune décence. C’est àcette lutte potentiellement mondialecontre l’hubris qu’il faut donner desmoyens d’expression politique.3. La traduction la plus visible de l’hu-bris c’est l’ahurissante explosion desinégalités depuis une quarantaine d’an-nées. Au sein des pays et entre les pays.A de nombreux égards, la crise écologi-que dramatique qui s’annonce, en estune résultante. Très prochainement,plus aucune politique économique etsociale ne sera crédible et audible si ellene s’attaque pas frontalement à l’hubriset ne se bat pas résolument contre l’in-justice et la corruption en instaurantune politique, simultanément, de re-venu minimum –contre l’abjection dela misère –, et de richesse maximale– contre l’abjection de l’extrême ri-chesse. À ce combat, même les riches,ceux qui créent et entreprennent, nonles rentiers, peuvent se joindre (Cf.parexemple l’appel récent intitulé «Noussommes les 1 %»).Ces principes politiques sont assez sim-ples à énoncer, comme en attestent larédaction du Manifeste convivialiste etl’écho international qu’il reçoit dès saparution. Le plus difficile sera de faireporter ces idées par des hommes et desfemmes qui ne basculent pas eux-mê-mes dans l’hubris. Mais ce n’est pas né-cessairement mission impossible.

(1) Manifeste convivialiste. Déclarationd’interdépendance, Le Bord de l’eau,juin 2013, 40p., 5€. Un abrégé du manifesteest consultable en français, anglais,espagnol, portugais et chinois sur le sitewww.lesconvivialistes.fr

Toutes nos chroniquessur www.liberation.fr/chroniques

• SUR LIBÉ.FR

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013

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CONCERTS Le festival de Mont-de-Marsan Arte Flamencoparticipe à l’effervescence decette culture via des duos inéditsde chanteurs et de musiciens.

Le flamenco,cordes et âme

P ourquoi la plupart des stu-dios de danse flamencasont-ils si petits ? Est-cepour y concentrer le plus

d’énergie possible, jusqu’à satura-tion sonore à coups de talon et depalmas? Peut-être. Mais l’étroitessedes lieux est due également à latradition flamenca, centrée à l’ori-gine sur le chant, qui nécessite peud’espace. Quant à la situation éco-nomique, même si certains artistesgagnent bien leur vie –en tout casmieux que leurs aînés –, elle de-meure précaire, et les aides à laproduction sont de plusen plus rares. La géné-ration des 30-40 ansdéplore l’absence de culture dedanse en Espagne et compte beau-coup sur la France.Depuis vingt-cinq ans, le festivalArte Flamenco de Mont-de-Marsan(Landes) créé par Antonia Emma-nuelli, organisé et soutenu par leconseil général des Landes, ras-semble artistes, chanteurs ou plas-ticiens. Sandrine Rabassa, sa direc-trice artistique, belle femme blondequi connaît son affaire, a décidé, enaccord avec le directeur général,François Boidron, suite à cette ré-flexion sur la situation de l’art fla-menco, de faire de la manifestationun lieu de création et de «fédéra-tion» des énergies. «Nous prenonsdes risques, dit-elle, en réunissant

des artistes qui n’ont jamais travailléensemble et qui parfois sont placésdans des relations de concurrence,notamment par leurs agents. Maisje suis persuadée que le jeu en vaut lapeine. Grâce à de jeunes artistes quis’appuient sur le savoir des anciens,le flamenco est en pleine efferves-cence artistique. Il faut s’engagerdans ce mouvement, le soutenir etaider à la création.»

DIAPASON. A «Mondémarsan»,comme disent les Espagnols, celava donner lieu à plusieurs ren-contres au sommet. Les chanteursArcángel et Esperanza Fernándezen sont ravis. Les deux «espoirs»de Séville répétaient, début juin,

dans le studio Fernán-dez, là encore très peuluxueux. Plutôt, ils

s’apprivoisaient, tentaient une voixcommune, au diapason. Aucundoute que leur première prestationau Café Cantante landais sera unsuccès. Ils ont l’ouverture d’espritsuffisante et une technique solidepour créer le duo tant attendu, plusque soutenu par leur guitaristecommun, Miguel Angel Cortés.Pour répondre aux expulsions desRoms, Esperanza Fernández avaitchanté, en 2010 dans ce même fes-tival, l’hymne gitan Gelem Gelemavec le pianiste Dorantes. Cela endit long sur son tempérament.Bercé par la voix d’Enrique Mo-rente, un des maîtres, Arcángel, néen 1977 à Huelva, ne vient pas d’unefamille flamenco «mais d’une fa-

mille d’immigrés d’Allemagne». Sonpère était électricien. Mais contreles siens, qui ne voient dans cet artque débauche, il apprend pas à pas,tout en gardant son maillot nu-méro 6 de football –jouant mêmeau niveau fédéral. Lui aussi est trèsengagé et se produit régulièrementdans des galas de «bienfaisance»:«On ne peut pas se foutre de la pau-vreté. Si chacun donnait un seul europar jour, cela aiderait à alléger la tris-tesse et une peur qui est fondée.»Quant à sa définition du flamenco,elle n’a rien de hasardeux: «Le fla-menco est la meilleure musique

autochtone, intrinsèquement liée ausentiment d’un peuple qui y trouve lesmoyens d’exprimer ses soucis, sesjoies, parfois.»

PIANISTES. Deux autres rencontresde choc sont attendues. Vendredi,les chanteurs José Valencia et Pedroel Granaino, deux grands noms dugenre, deux explosions vocales.Mercredi, un concert inédit réuniraDiego Amador et Dorantes, deuxpianistes qui ont donné à cet ins-trument une place essentielle ens’ouvrant notamment au monde dujazz, chacun à sa façon. En ultime

rencontre, on retrouve Dorantessamedi, avec Michel Vuillermoz,sociétaire de la Comédie-Française,qui lira des extraits de la conférenceque Federico García Lorca donnaiten 1933 à Buenos Aires, en Argen-tine, sur le thème : «Jeu et théoriedu duende». Enfin, une surprise enforme de karaoké devrait réunir ar-tistes et spectateurs pour la soiréede clôture. •

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Par MARIE­CHRISTINE VERNAYEnvoyée spéciale à SévillePhotos NICCOLÓ GUASTI

REPORTAGE

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201324 •

CULTURE

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Le petit-fils d’El Farruco cherche à faire évoluer sa disciplineà travers son histoire. Il se produit samedi dans les Landes

avec Karime Amaya, une danseuse mexicaine.

Farruquito, une dansequi a de l’aïeul

D ans un des studios de l’asso-ciation Flamenco por elmundo, à Séville, des dan-

seurs de toutes nationalités(notamment du Japon) s’entassentdans la chaleur. Ils suivent pas à pasles cours de Farruquito, alias JuanManuel Fernández Montoya,référence malgré son jeune âge(31 ans en août) et un passé marquépar un acte peu glorieux –lorsqu’ilrenversa par accident un piétonavant de prendre la fuite, ce qui luivalut une peine d’emprisonnementet de danser avec un bracelet élec-tronique.Mais cette époque est révolue, et ladanse a repris le dessus sur l’erreurhumaine. Farruquito, que l’on vittout petit danser avec grand-pèreEl Farruco, sa célèbre canne, ses pi-rouettes imprévisibles et son donpour l’improvisation, s’est assagi.«C’était un maestro, dit-il. Moi, jesuis encore un apprenti. C’est ce quiest le plus joli dans leflamenco, on n’arrêtepas d’apprendre.»Deuil. La scène sepasse dans un con-texte différent, loinde la peña du grand-père, avec son plancher rustique,son bar, ses oiseaux en cage, ses ha-bitués, ses fêtes de famille. «Il n’y aplus autant de lieux, poursuit Farru-quito, mais on continue à faire vivrela tradition hors des salles de specta-cle. On se retrouve dès qu’on peut, àla maison, dans le quartier de Triana,pour que les générations soient réu-nies. Même si l’on utilise Internet.»Le petit-fils, chemise à pois et lu-nettes de marque, a gardé la philo-sophie que sa famille lui a trans-mise, notamment sa mère,La Farruca, et l’a mise en scène dansRaices Flamencas, pièce de deuildédiée à El Farruco. Il ne peut vrai-ment définir sa danse, sinon qu’ildanse ce qu’il est et ce qu’il vit :

«Chaque jour c’est différent, je nedanse jamais de la même façon. C’estpeut-être un défaut. Je peux faire lesmêmes pas mais pas de la même fa-çon.» Dans son cours, peu de mot :il montre, les élèves traduisent àleur manière, en essayant d’être auplus près de l’agile batterie deFarruquito. Nerveux, véloce, il mi-traille, c’est un danseur kalach’.Impressionnant.Langage. A Mont-de-Marsan, sa-medi, il se produit avec la danseusemexicaine Karime Amaya, elle aussid’une grande famille flamenca,petite-nièce de Carmen Amaya etfille de Mercedes Amaya, référenceà Mexico. Mieux encore, les deuxseront mis en scène dans Abolengo(«lignée, héritage») par AntonioCanales, autre danseur chorégra-phe, qu’on ne voit malheureuse-ment plus assez. Tous les trois sontdans la même optique: faire évoluerle flamenco à partir de son propre

langage, de sa propre histoire, sanschercher à le combiner avecd’autres styles de danse. «Attentionaux modes, s’inquiète Farruquito. Ense rencontrant tous les trois, on a déjàtellement de choses à échanger, à ap-prendre les uns des autres… On parlele même langage. J’aimerais qu’unjour les gens aient le même rapport auflamenco qu’ils ont avec le classique.»Parallèlement, dans le programmecopieux de stages de danse, dechant et de musique proposé par lefestival Taller Flamenco de Séville,Farruquito anime une masterclassjusqu’à vendredi. Signalons aussicelle du pianiste Diego Amador, ré-servée aux pianistes confirmés.

M.-C.V. (à Séville)

Ci­contre:Arcángel

et EsperanzaFernández

en répétition,en juin à Séville.

En haut:le danseur

Farruquito.

«J’aimerais qu’un jour les gensaient le même rapport au flamencoqu’ils ont avec le classique.»Farruquito

Après s’être immergé pour son roman MalTiempo dans le monde «fracassé» de la boxeaux côtés de jeunes Cubains, DavidFauquemberg plonge dans celui, affectif, à fleurde peau et de mots, du flamenco. Le narrateurde son nouveau roman Manuel El Negro estMelchior, un guitariste qui se tient dans l’ombredu grand cantaor Manuel el Negro. Il racontesa propre histoire complètement liée à celledu chanteur, avec son apogée, ses déceptions,ses trahisons, sa déchéance.Tout au long des pages, où l’on pénètre dansdes cafés les plus ordinaires, où l’on est projetédans le monde du spectacle, où l’on croise

la misère de grands maîtres du flamenco, des couplets rythment notrecheminement comme celui de cette soléa : «Comme une ombre, l’amourabsent/ Prends corps en s’éloignant/ L’absence est un vent léger/Qui éteint les feux hésitants/ Et avive les grands brasiers.» De braiseet de larmes, ce roman qui ne parle que d’art et où l’on croise des figuresréelles du mundillo, se lit comme on écoute un cante. M.­C.V.«Manuel El Negro», de D. Fauquemberg, éd. Fayard, 364 pp, 20€. Sortie le 21 août.

PLONGÉE ROMANESQUE DANS LE «MUNDILLO»

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 CULTURE • 25

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L e forum de l’Euromé-tropole (Lille, Courtrai,Tournai) sur le thème

«La culture, une valeurajoutée ?», organisé par Li-bération et le Soir au Théâtredu Nord, à Lille, s’est tenuvendredi et samedi, avec desinvités venus des deux côtésde la frontière. L’occasion dedécaler le regard, si facile-ment franco-centré.Ainsi, samedi matin, BenoîtPeeters, auteur et éditeurbelge, connu pour son romanOmnibus ou sa série BD lesCités obscures, avec FrançoisSchuiten, a renvoyé à l’his-toire le grand concept de laculture pour tous, «incarnépar cette sainte trinité que sontJean Vilar, André Malraux etJack Lang». Rires dans lasalle. Il y voit un «modèleglorieux» en fin de vie, car,explique-t-il, il ne suffit plusd’avoir accès à la culture et àl’éducation pour s’arracherà sa condition. Ensuite,«dans les classes dites domi-nantes, la valeur culture n’estplus une valeur noble».En exemple, la sortie de Ni-colas Sarkozy sur l’inutilitéd’étudier la Princesse de Clè-ves. Benoît Peeters en est

persuadé, le modèle verticaldescendant, dardant sesrayons culturels bienfaisantssur le peuple, ne peut plusêtre le seul envisagé. «Noussommes passés sur des modè-les en réseaux, dit-il, avec uneculture pour tous, par tous, etsurtout partout. Le système estdésormais moins étanche entreceux qui font et ceux qui reçoi-vent la culture.»

Ce qui, du point de vue deStuart Seide, metteur enscène et directeur du Théâtredu Nord, n’est pas une mau-vaise chose. Il rappelle sesorigines américaines et cettedifférence fondamentale deconception de la pratiqueculturelle amateur. «EnFrance, le but est de produireune élite, en mettant en com-pétition les gens et en élimi-nant les moins bons. Il va desoi, dans la culture anglo-saxonne, qu’on est un meilleurcitoyen si l’on pratique la

danse, le théâtre, la peinture.C’est l’art par la pratique, passeulement par l’étude. Il estcompris de l’intérieur.» Ce quine veut pas dire que tout lemonde a vocation à devenirartiste professionnel. «Celafait des publics complètementdifférents», note Stuart Seide,qui galèje : «C’est étonnantqu’on puisse aimer Racine à lasortie du lycée en France, vu la

manière dont onl’apprend.»La culture pourtous reste toujoursun rêve, à conditiond’expérimenterd’autres formes.Comme les initiati-

ves racontées par CarolineBourgeois, commissaire desexpos de la Fondation Pi-nault –qui a montré de l’artmoderne à Dinard (Ille-et-Vilaine), avec 74 000 visi-teurs au final –, ou StefaanDe Clerck, bourgmestrede Courtrai, qui a ouvertdans sa ville une fabriqueculturelle sur l’île Buda, afinde redonner de la vie et dela création à ce quartierdélaissé.De notre correspondante à Lille

STÉPHANIE MAURICE

DÉBATS Le Forum «Libération», qui se tenait ce week-end dans le Nord, a défendu l’ouverture et le partage.

La culture, valeur àvivre de l’intérieur

«Dans la culture anglo-saxonne, c’est l’art parla pratique, pas seulementpar l’étude.»Stuart Seide metteur en scène

Hier, dans un entretien au Républi­cain lorrain, la ministre de laCulture, Aurélie Filippetti, asommé Amazon de payer son dûfiscal à la France. «Déjà, il faut

qu’ils appliquent la législation qui existe en matière fis­cale: il faut qu’ils paient leurs impôts, prévient­elle dansune vidéo postée sur le site du quotidien régional.Aujourd’hui, ils nous disent: “Ah mais nous respectons laloi.” Sauf qu’on voit bien que l’ensemble du chiffre d’affai­res réalisé par Amazon sur le sol français ne correspondpas à l’impôt sur les sociétés qu’ils paient en France.»Enfonçant le clou: «Au Luxembourg aussi, ils paient unimpôt sur les sociétés qui est dérisoire par rapport àl’importance du commerce qu’ils génèrent.» La ministre,qui accusait début juin l’entreprise de dumping, redit sonintention de fixer «de nouvelles règles pour les acteurs dunumérique, notamment Amazon». Elle avait dit récem­ment réfléchir à l’interdiction de cumuler frais de portgratuits et réduction de 5% sur le prix des livres. «Je necesserai de m’insurger contre ces pratiques destructricesd’emploi, de culture, de lien social. Faire mourir les petiteslibrairies des centres­ville, c’est une catastrophe», confie­t­elle, telle une profession de foi. PHOTO AFP

AURÉLIE FILIPPETTIALIGNE AMAZON

LES GENS

Keith Jarrett, Gary Peacock &Jack DeJohnette Le trio cultetoujours à l’œuvre Salle Pleyel,252, rue du Fbg Saint­Honoré,75008. Ce soir, 20h.

Gaël Faye Rap affirmé sur desrythmes swinguants entrerumba congolaise et zeste dejazz­soul du Franco­Rwandais,né au Burundi Alhambra,21, rue Yves­Toudic, 75010.Ce soir, 19h30.

John Pizzarelli Retour attendudu guitariste­crooner basé àNew­York, fameux interprète duGreat American Songbook etprésent sur Kisses from theBottom de Paul McCartneyDuc des Lombards, 42, ruedes Lombards, 75001.Du 1er au 3 juillet, 20h et 22h.

Kellylee Evans, Otis TaylorJazz vocal de charme et blueshypnotique à La Défense JazzFestival Parvis de la Défense,aujourd’hui, 12h. Gratuit.

Dee Dee Bridgewater& Ramsey Lewis La francophilelady Dee Dee et le pianistechicagoan autour du projet«The jazz of soul» Olympia,28, bd des Capucines, 75009.Ce soir, 20h.

MÉMENTO2000C’est le nombre de bibelots de stars décédées (Cadillacde Presley, camionnette de Steve McQueen, lunettesfumées de Lennon ou Marilyn, entre autres flingues deHunter S. Thompson et dés de Gene Kelly…), qui serontdispersés aux enchères les 26 et 27 juillet par MecumAuction Company à Santa Monica (Californie).

Edward Snowden déjà à l’écranQuatre camarades cinéastes à Hongkong (expatriés des Etats-Unis, d’Irlande, d’Australie et du Canada) ont déjà tourné,quasiment en temps réel, un film sur l’affaire d’espionnageaméricain planétaire révélée par Edward Snowden, désor-mais traqué (lire aussi page 6). Verax, biopic vidéo de cinqminutes filmé en caméra mobile avec des comédiens locaux,est diffusé sur YouTube.

Mort du styliste pionnier Gérard PipartGérard Pipart, styliste de Chloé en 1957 et directeur artistiquede Nina Ricci pendant plus de trente-cinq ans, avait travaillétout d’abord pour Pierre Balmain, en 1949, avant de rejoindreJacques Fath, puis Hubert de Givenchy, Jean Patou... Il estmort vendredi, âgé de 79 ans.

Les Stones à l’usure à GlastonburyLa formation rhythm’n’blues londonienne de septuagénairesThe Rolling Stones a fait, samedi, ses débuts au légendairefestival de rock heavy anglais de Glastonbury, après cin-quante ans de carrière.«Si c’est la première fois que vous voyezle groupe, a ironisé, face au public, le toujours trépignant MickJagger, il faudra revenir.» En veste verte lamée, le chanteurà grosses lèvres a ouvert le concert sur Jumping Jack Flash(1968) et l’a clos sur le hit de 1965 Satisfaction (I Can’t Get No)– il serait temps.

«Quand je leur parlais de démocratieen Russie, tous les autres pays ont ri.Je les laisse rire. Ici, il y a 5% de chômagealors qu’en France, il y en a 12%.»L’exilé fiscal Gérard Depardieu samedi soir, s’enlisant dans leressentiment et l’éloge du despote Poutine, en présentationde Raspoutine (qu’il joue) au festival du film de Moscou

Nuits photographiques: «Reburrus» palméFleuron de l’Ecal (l’école cantonale d’art deLausanne), Sophie Mei Dalby, 31 ans, a passéun printemps à lire le classique décadentisteA rebours, de Joris-Karl Huysmans, dans letrain aller-retour Lausanne-Zürich. Où ellefilmait jour après jour les bêtes à plumes,écailles ou cuir du zoo. Elle en a tiré Reburrus,sept minutes de métaphysique de «l’Animalmachine» de Descartes réanimé. Recréant aupassage, en filmage immobile, la peinturemécanique et la photographie.

Déjà remarqué au centre Pompidou dans lecadre du festival Hors Pistes, en 2012, et auGrand T de Nantes cette année pour l’exposi-tion «Rencontrer l’Animal», Reburrus a étéconsacré samedi soir par le grand prix du fes-tival des Nuits photographiques de Paris. Lalauréate a parlé, en légende de son travailmuet (hormis le souffle d’un frigo), de «ladisparition». Cette troisième édition a fêté parailleurs le Coup de cœur Arte et trois prix dupublic. PHOTO SOPHIE MEI DALBY

Après deux années consé­cutives de quasi­victoire,sur cinq de nomination,Oprah Winfrey triomphecette année. La célèbreanimatrice afro­américainede télévision se retrouveen tête du hit­paradeannuel des célébritésdressé par le magazineForbes. Derrière elle,en seconde position,se présente l’artiste devariétés Lady Gaga, suiviedu vétéran producteurcinéaste hollywoodienSteven Spielberg (E.T.,les Dents de la mer…).Au troisième rang, onrencontre la concurrentevariète­soul Beyoncé.Elle­même rivale deMadonna, qui surgit dansla foulée, ex aequo, il estvrai, avec la relève countryAmérique profonde TaylorSwift. Sur quoi, dévissageaidant, c’est le tour dupapé rock FM brushéBon Jovi, puis le rush àcontretemps de RogerFederer, grand torchéde la saison à Wimbledon,talonné par le giton poppycanadien Justin Bieber.La piste se perd avecEllen DeGeneres…

LE MAGAZINE«FORBES» METOPRAH AU TOP

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201326 • CULTURE

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LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ANNONCES • 27

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A gauche, dans les coulisses du défilé Hermès. A droite, la collection signée Kenzo était présentée samedi matin à l’Académie Fratellini, à Saint­Denis.

PRÊT­À­PORTER HOMMES PRINTEMPS­ÉTÉ 2014 Histoire de temps chez Hermès et Paul Smith.

Retours vers le futur

I l y a quelques saisons déjà, Lu-cas Ossendrijver avait dessinédes silhouettes à la Dick Tracy

pour Lanvin : costumes à rayurestennis, vestes croisées, épaules car-rées, pantalons larges. Il récidivecette année en y ajoutant unetouche techno plutôt drôle. Les fu-tals ont des airs de baggys, avec lataille haute et l’entrejambe basse,la chemise col mao est graphique,fluo et surtout pas ajustée. Elle seporte d’ailleurs avec un sac à dos oumême une banane, un des rares ac-cessoires des années 90 à n’être pasredevenu à la mode dans les an-nées 2000. Toujours dans le genreaudacieux, on note un usage sub-versif de la chaussette (glisséesdans les Birkenstocks, ou remon-tées jusqu’au genou avec un shortras les fesses). Les mannequins sontrasés, tatoués ou piercés, parfois lestrois à la fois, complétant ainsi

cette drôle de dégaine de mafiosoégaré dans une rave.Qui aurait pu imaginer que la cen-tenaire maison Hermès ose fairedéfiler: des hommes en combinai-son couleur béton d’inspirationworkwear; plusieurs types tatoués;d’autres en costumes bleu nuit, fa-çon pyjama ; et même lancer sonshow sur une reprise alanguie duGet Lucky des Daft Punk –sans quetout cela ne verse jamais dans le ri-dicule ? Depuis vingt-cinq ansqu’elle officie à la direction artis-tique de l’Homme chez Hermès,Véronique Nichanian doit faire faceà un défi toujours plus grand: ima-giner ce qui pourrait plaire à uneclientèle parmi la plus exigeante etfortunée de la planète, et ce alorsque nombre d’autres maisonstentent d’investir, elles aussi, cemicroterritoire du luxe suspendu etraffiné, aux allures de graal. Avecconstance, Nichanian, seule femmeà la tête d’une ligne masculine, dé-livre chaque saison ou presque unebelle leçon de style –débarrassée,non pas du stress, mais de la course

à la tendance. Pour l’été prochain,elle sacre l’alliance des bleus etgris, au sein d’un vestiaire (fausse-ment) décontracté : pantalons etvestes de lin ou coton, tee-shirt enagneau fin comme de la soie, che-mise avec imprimé «cheval om-bré» impressionnant de technicité,

vareuses à manches courtes, san-dales tressées de moines grecs… Al’issue du show, chaudement ap-plaudi, Nichanian et quelques inti-mes ont fêté son quart de sièclebercés par une brise – et un pia-niste, des plus caressants.Bercé, lui, par son histoire anglaise

qui épouse tant celle de la musique,Sir Paul Smith a lancé un drôle dedéfilé, dimanche après-midi, apriori déroutant, bancal, avec cou-pes et couleurs moins aimablesqu’à l’ordinaire. Sauf que la com-position était plus subtile queprévu. Et que ces télescopagesd’empiècements géométriquesfuschia-saumon-grège, d’impri-més avec d’énormes champignons,de matières gaufrées, de trenchstechniques en mesh, ont fini parproduire un effet novateur. Commesi le créateur s’était lancé dans unerelecture de quarante ans de stylesmusicaux, traversée par unedécharge de modernité. Du blousonnoir au punk, du nouveau roman-tique au révolutionnaire «Mad-chester» des années 90, du clonede Roger Daltrey à celui de CaptainSensible, Paul Smith n’a rienoublié, y compris dans les coupesde cheveux, fidèles à chaque genre.Et, toujours aussi heureux de venirsaluer, il avait à cet instant l’air duvieux rockeur Billy Mack, coquin etcraquant, dans Love Actually. •

Par ELVIRE VON BARDELEBENet FRANÇOISE­MARIESANTUCCIPhotos CAROLINE DELMOTTE

La banlieue plairait­elle aux créateurs? Après Raf Simons auBourget, mercredi soir, Humberto Leon et Carol Lim organisaientle défilé Kenzo, samedi matin, à l’Académie Fratellini à Saint­Denis(Seine­Saint­Denis). Après être passés par une grande halle où l’onproposait des jus de fruits (les boissons «detox» partaient enpremier), et tandis qu’au centre de cette halle, des milliers de fruitsformaient une composition (le tout étant ensuite «offert à la CroixRouge», selon le communiqué de presse), les invités entraient dansune arène de cirque. Les rideaux rouges tombés, le show dévoilaitdes garçons disposés en rangs d’oignons qui, un par un,descendaient sur la piste centrale. Allure sportive, pantalons larges,shorts colorés, manteaux bicolores bleu et noir, imprimés floutésrappelant l’univers du surf: la collection était accessible etportable, prouvant une fois de plus la force du tandem Leon­Lim,embauché par LVMH pour assurer la relève chez Kenzo, et lapertinence de leur attitude, autant pour la mode stricto sensuque pour tout ce qui va avec, de la com’ à la mise en scène. C.Gh.

CHEZ KENZO, ACIDULÉ ET ÉCLAIRÉ

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 201328 • MODE

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Après deux ans et demipassés à taper sur les pira­tes d’eau douce, voilà quel’Hadopi se toque d’étudier«la possibilité, ou non, demodéliser un système derémunération compensa­toire des échanges nonmarchands». Bref, lalicence globale. Et ce, alorsque l’Autorité va bientôtêtre sabordée et sesmissions confiées auConseil supérieur del’audiovisuel (CSA).Cette initiative de l’Hadopisurvient alors que la minis­tre de la Culture et de laCcommunication, AurélieFilippetti, s’apprête à lan­cer une mission sur leséchanges non marchands.La proposition de licenceglobale –soit la légalisationde tous les télécharge­ments en échange d’unecontribution acquittée parles internautes– avait faitpartie du projet de loiDADVSI en 2005 avantd’être trappée. L’Hadopiappelle, vu son expérienceoù elle a pu constater «lapermanence de cet usage»(celui du téléchargementillégal), à la création d’un«cercle vertueux». On auratout vu. C.Gé.

HADOPI :LA LICENCEGLOBALEEN TESTAMENT

L’HISTOIRE

Facebook filtre la pub sur ses pagesA partir d’aujourd’hui, Facebook va durcir son processus decontrôle pour éviter aux annonceurs de voir leurs publicitésapparaître sur des pages du réseau social à contenu pornogra-phique ou violent. «Notre objectif, explique Facebook sur sonblog, est à la fois de maintenir la liberté de partager sur Facebooket de protéger les gens et les marques de certains contenus.»D’abord manuel, le filtre devient automatisé.

80C’est le nombre de per­sonnes qui quitteront legroupe Le Figaro d’ici lafin de l’année dans lecadre du plan de départsvolontaires lancédébut 2013. Dans la lettreprofessionnelle la Corres­pondance de la presse, ledirecteur général dugroupe, Marc Feuillée, pré­cise que 73 personnes ontdemandé à partir dans lecadre du plan qui sera ainsiconforme à ses objectifs, lereste se faisant hors plan.Le plan de départs, ouvertaux 900 salariés, doitentraîner une économieannuelle de 9 millionsd’euros. Selon un premierdécompte, 28 personnesquittent le quotidien, aunombre desquelles quel­ques signatures embléma­tiques: Pierre Rousselin(étranger), ChristineFauvet­Mycia (politique),Jean­Luc Wachthausen etSébastien Le Fol (Culture)et le critique gastrono­mique François Simon.

Par OLIVIER SÉGURET

Google, le genre Android

L a semaine dernière,tandis que la Ouya,première console

«indé» tournant sous An-droid, était mise en venteaux Etats-Unis au prix de99 dollars (76 euros) – et seretrouvait rapidement enrupture de stock sur Ama-zon) –, le Wall Street Journal(WSJ) livrait l’info officieusemais hautement vraisembla-ble que Google s’apprêtaitaussi à débarquer sur le mar-ché du hardware de salon. Enfait, ce sont trois produits quitrépignent à la porte des la-boratoires Google: une con-sole, une montre-bracelet etun Nexus Q, bidule multimé-dia permettant de streamertoutes sortes de contenus.L’un des ces trois joujoux hi-gh-tech pourrait sortir dès lafin de cette année, a laisséentendre une gorge profondeau WSJ, reste à savoir lequel.On remarquera que seule laconsole débarquerait dans unmarché déjà existant et re-présenterait à ce titre un ris-que peut-être moindre : bienqu’Apple ait aussi fait part deses intentions de créer unemontre-bracelet, la démons-tration qu’un marché existepour celle-ci reste à faire.Idem pour le jusqu’ici fu-meux Nexus Q, dont la firmea stoppé in extremis une pre-mière version l’an dernier.

Si elle se produisait, l’arrivéeprochaine d’une consoleGoogle compliquerait sans

doute l’existence du trinômeSony-Microsoft-Nintendo,très affairé à négocier le vi-rage de la next-gen avec sespropres nouvelles consoles.Mais cette hydre à trois têtes,bien installé dans les salonsdu monde développé, dis-pose aussi d’un mental com-pétitif, dont l’acier a trempédans des décennies de riva-lité. Même s’ils étaient se-coués par une telle intrusion,ces trois constructeurs pour-raient voir venir: le trésor delicences auquel ils sont arri-més les met à l’abri d’uneconcurrence directe.

Deux objectifs plus urgentssemblent en fait visés parGoogle. D’abord, se placersur le même terrain que sonvrai rival, Apple, auquel onprête aussi la volonté de pro-duire du hardware spécifiquepour le jeu (une manette etune nouvelle Apple.TV). En-suite, préempter le marchédes consoles dans tous lespays du monde où il est en-core émergent. Car derrièresa console, sa montre et tousses déplacements sur l’échi-quier des biens électroni-ques, c’est Android dontGoogle cherche à étendretoujours plus la sphère d’in-fluence. Bientôt sur les PC(HP s’y met), demain dansles frigos (Samsung y tra-vaille), selon le WSJ, c’esttrois milliards d’humains quipourraient être à terme utili-sateurs d’Android… •

MOI JEUX

NonC’est ce que 95% des journalistes du Monde ontrépondu au projet de réduction des jours de congéproposé par la direction. «La claque», commentait ven­dredi sur Twitter la journaliste et déléguée CFDT SylviaZappi annonçant les résultats et l’important taux de parti­cipation, 65%, au scrutin organisé par les syndicats. Uneréduction proposée au nom de l’«organisation bi­médias»selon un document de la direction publié par le site Arrêtsur images–«la situation économique» du Monde ne per­mettrait «plus de faire face à ces besoins par l’augmenta­tion des effectifs»– et de l’«harmonisation des statuts», lessalariés du Web ayant moins de jours de congé que ceuxdu quotidien papier. Dans le projet, les salariés perdaienthuit jours de congé et ceux du papier, seize.

A LA TELE CE SOIR20h50. Les experts :Miami.Série américaine :Poupée de son,Coupé en deux,Fenêtre sur meurtre,Chambre noire.Avec David Caruso,Emily Procter.23h55. Dexter.Ma faute,Santa muerte.Série.1h55. Au Field de lanuit.

20h45. The Closer :L.A. enquêtesprioritaires.Série américaine :Derniers sacrements,L’instinct maternel,Refus d’extradition.Avec Kyra Sedgwick.22h50. Private practiceSérie américaine :Confrontations,Tout à perdre.Avec Kate Walsh.0h15. Expressiondirect.

20h45. Signé Mireille Dumas.Les vacances enchansons.Documentaireprésenté par Mireille Dumas.22h40. Grand Soir 3.23h10. Le grand alibi.Policier français dePascal Bonitzer, 93mn,2007.Avec Miou-Miou.0h40. Demain desl’aube.

20h55. Vikings.Série canado-irlandaise :Le sacrifice,RenaissanceAvec Travis Fimmel,Gabriel Byrne.22h30. Spécialinvestigation.Angleterre : lesWindsor racontés parleurs domestiquesDocumentaire.23h15. L’œil de links.Magazine.23h45. Troupe d’élite.

20h50. Le journald’une femme dechambre.Drame franco-italien deLuis Buñuel, 105mn,1964.Avec Jeanne Moreau,Georges Géret.22h25. Dans l’œil de Buñuel.Documentaire.23h20. Viridiana.Film.0h50. Le jour du moineau.

20h50. L’amour est dans le pré.Télé-réalité présentépar Karine LeMarchand.23h10. Nouveau lookpour une nouvelle vie.Danièle et stéphanie /Marie-Hélène etMatthieu.Documentaireprésenté par Cristina Cordula.1h45. The unit :commando d’élite.

20h45. Pas de toit sans moi.Téléfilm de Guy Jacques.Avec Antoine Duléry,Aïssa Maïga.22h10. Deux heuresmoins le quart avantJésus-Christ.Comédie française deJean Yanne, 97mn, 1982.Avec Coluche, Michel Serrault.23h40. Le clan desdivorcées.

20h40. Sale tempspour la planète.Colorado - Un fleuvesous tensions.Documentaire.21h35. J’ai vu changer la terre.Allemagne - Les îles oubliées.Documentaire.22h25. C dans l’air.Magazine.23h35. Avis de sorties23h40.Superstructures SOS.

20h40. La revue depresse.Le meilleur de la revuede presse.Spectacle présenté parJérôme De Verdiere.22h40.Le rapport Mailhot.Spectacle.1h00. La Saga du calendrierPirelli.Documentaire.1h55. Programmes denuit.

20h50. Un grand crid’amour.Comédie française deJosiane Balasko, 90mn,1997.Avec Josiane Balasko,Richard Berry.22h25. Scoop.Comédie de WoodyAllen, 96mn, 2006.Avec Woody Allen,Scarlett Johansson.0h10. Pédale dure.Film.

20h45. Memphis Belle.Film d’aventures deMichael Caton-Jones,107mn, 1990.Avec Matthew Modine,Tate Donovan.22h25. La vengeancedans la peau.Thriller américain dePaul Greengrass, 115mn,2007.Avec Matt Damon, Julia Stiles.0h20. 7 secondes.Téléfilm.

20h50. Astérix et lasurprise de césar.Film d’animationfranco-belge de GaetanBrizzi, Paul Brizzi, 79mn, 1985.22h10. Astérix et lecoup du menhir.Film d’animationfranco-allemand dePhilippe Grimond,81mn, 1989.23h35. Médium.2 épisodes.Série.

20h45. Un cadeauinattendu.Téléfilm de JonathanNewman.Avec Hayley Mills, Toni Collette.22h15. La guerre des boutons.Comédie française deYves Robert, 90mn,1961.Avec André Treton,Michel Isella.23h45. Dr. Quinn,femme médecin.

20h50. Au cœur del’enquête.Vol de cuivre, indic etgrosse berline.Documentaire.22h30. Au cœur del’enquête.Fusils à pompe, caïds etbraquage de voiture.Documentaire.0h20. Au cœur del’enquête.1h50. Touche pas à monposte !

20h45. Un mari detrop.Téléfilm de LouisChoquette.Avec Lorie Pester,Alexandre Varga22h30. Un homme parhasardTéléfilm de EdouardMolinaroAvec FrédéricDiefenthal, Claire Keim0h10. Tombé sur latête.

20h50. CommissaireMoulin.Téléfilm français :La pente raide.Avec Yves Rénier,Clément Michu.22h35. CommissaireMoulin.Bandit d’honneur.Téléfilm.0h05. Star story.Scandales, sexe, drogueet tragédie.Documentaire.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Dans l’eauFrance 5, 20h40Sale temps pour la planète:le titre a le mérite d’annon­cer la couleur. Pour cetopus de la série, le fleuveColorado qui se réduit.

Dans l’urnePlanète, 20h45La Française doit voter,d’accord, mais elle ne metson bulletin dans l’urneque depuis 1944. Pourquoisi tard? Ce docu raconte.

Dans l’œilArte, 22h25En sandwich entre le Jour­nal d’une femme de cham­bre et Viridiana, le docuDans l’œil de Buñuel dissè­que celui du réalisateur.

LES CHOIX

LIBÉRATION LUNDI 1ER JUILLET 2013 ECRANS&MEDIAS • 29

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Avec ses 15 ans, sonsourire magnifique etson sari beige, Jesminest belle comme uneprincesse. La jeunefille modèle vient deréussir son examenscolaire et rêve de de-

venir avocate. Mais Jesmin est une fille dubordel de Daulatdia, au Bangladesh. Elle y estnée, sa mère s’y prostitue, et elle-mêmetente d’échapper à ce destin.Pour l’instant, elle se sait privilégiée : seulsquelques dizaines d’enfants de «travailleusesdu sexe» grandissent à l’abri dans une safehouse, un centre d’hébergement attenant aubordel. Une ONG locale, Piact (1), en ac-cueille seize. «Même si c’est encore trop prèsdu bordel, j’aime être ici. Personne ne va nousagresser ou nous insulter», raconte Jesmin.

Pas comme les enfants nés et vivant au bor-del : «Ce sont des victimes», dit-elle.

Ouvert 24 heures sur 24Daulatdia est le plus grand des quatorze bor-dels officiellement répertoriés au Bangla-desh, situé à 100 km à l’ouest de Dacca, lacapitale. On y compte 1 500 prostituées et600 enfants vivant avec elles.En tout, 15 000 à 20 000 en-fants grandiraient dans lesbordels du pays. Et il s’avèretrès difficile de briser le cerclevicieux qui conduit les filles àemprunter le chemin de laprostitution. Selon Jesmin,«les mères ne veulent pas queleurs filles fassent le même tra-vail». Mais à son âge, beau-coup vendent leur corps. Selon l’ONG Savethe Children, 240 enfants se prostituent àDaulatdia.Le bordel, un village formé de casemates ser-rées autour de cours exiguës, s’organise

Par MICHEL HENRYEnvoyé spécial à DaulatdiaPhotos TALISMA AKHTER

Dans la plus grandemaison close du pays,à Daulatdia, vivent1500 prostituéeset leurs 600 enfants.Si les petites fillesrêvent d’être hôtessede l’air ou prof, ellessont pour la plupartvouées à reprendre,parfois très jeunes,le flambeau maternel.

Au Bangladesh,le bordel de mère en fille

autour de l’étroite allée centrale et de sescommerces –restos, bars, pharmacie, épice-rie . Trois mille personnes vivent ici, maisaucun espace n’existe pour accueillir les en-fants. Aujourd’hui, jour de pluie et de vent,on avance dans l’eau et la boue, ce qui n’em-pêche pas les filles de nous aguicher. Ellessont souriantes, très jeunes, parfois belles.

Les clients débarquent dutrain qui s’arrête tout près,ou arrivent du terminal desferries traversant le fleuvePadma. Ouvert 24 heuressur 24, le bordel, legs de lacolonisation anglaise, estsitué fort habilement à unnœud de circulation oùtransitent des dizaines demilliers de personnes. Il of-

fre une halte commode aux voyageurs.On a rendez-vous au local d’Amosus, l’asso-ciation créée en 2004 par les travailleuses dusexe pour défendre leurs droits. Elle revendi-que 825 adhérentes, qui payent 100 taka

BANGLADESH

Golfe du Bengale BIRMANIE

INDEINDE

100 km

Dacca

Daulatdia

(10 centimes d’euro) par mois pour avoir leurcarte. Moni, la présidente, raconte: «Avant,les enfants du bordel ne pouvaient pas aller àl’école, et nous, on n’avait pas le droit d’en sor-tir en chaussures. Quand une travailleuse dusexe décédait, on ne pouvait pas l’enterrer aucimetière. On n’avait pas d’eau potable, pasd’électricité, pas de sanitaires. On ne pouvaitmême pas voter.»

La retraite à 30 ansLes femmes ont conquis ces droits, aidées pardiverses ONG. «On avait aussi des ennuis avecla police, qui rentrait ici et prenait notre argent,ou même avec les journalistes. Et les voisinsnous harcelaient», poursuit Moni. Grâce autravail avec les élus et la société civile, lesmentalités évoluent. Les prostituées sontmieux acceptées, mais la méfiance demeureenvers elles et leurs filles, souvent insultéesau nom de «Notir Meye» («filles du bordel»).Et si les autorités locales leur ont accordé ledroit de vote, c’est, selon une étude de Savethe Children (2), pour mieux récupérer les

A Daulatdiaen mai.

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et les hanches, et déforme les traits du vi-sage. Certaines filles subissent l’existence dechukri, des esclaves achetées par des dalals(«maquereaux») : elles ne gardent rien del’argent qu’elles rapportent.Malgré cette prostitution enfantine, les bor-dels sont durablement installés dans lescreux hypocrites d’une société par ailleurspieuse et conservatrice. «Ils ne sont menacésque quand certains intérêts alentour veulentrécupérer la terre, comme récemment dans ledistrict de Madaripur, explique EnamulHaque, de l’ONG Piact. Mais on a portéplainte, et ça s’est calmé.» Selon le sociologueAmanullah, «il y a eu un mouvement dans lesannées 90 pour leur fermeture, mais la sociétécivile ne l’a pas soutenu.» Et les femmes elles-mêmes n’en veulent pas : «Si on n’était pasdans ce métier, qu’est-ce qu’on ferait ?demande Moni. Ça ne nous intéresse pas departir.»

Amphétamineset sirop contre la toux

Certaines essayent, mais échouent. Laksmi(un pseudo), 35 ans, sari et paupières roses,travaille ici depuis quatre ans. A son fils de11 ans qui grandit dans le centre d’héberge-ment à côté, elle raconte qu’elle est tra-vailleuse sociale. «Mais je pense qu’il a com-pris ce que je fais», avoue-t-elle. Pour sortird’ici, Laksmi s’était mariée avec un babu, unclient régulier qui l’a emmenée chez lui. Maisil a entamé une relation avec une autre pros-tituée et Laksmi l’a quitté. «J’ai essayé detrouver un emploi à Dacca. Impossible : je n’aijamais fait d’autre travail.» Elle est revenueau bordel.Il est 18 heures, Laksmi va bientôt commen-cer son activité. «Après 20 heures, il y a de labière et du vin. Les filles dansent, les clientspayent. Je bois un peu, je me sens mieux. Cer-taines prennent du yaba [des amphétamines,ndlr] ou du Phensedyl [un sirop contre la touxcontenant de la codéine], pas moi.» Elle ga-gne 2 euros pour un rapport (quinze minu-tes), 5 euros pour deux rapports (une heure).«Les autres filles ont un mec et lui donnent toutleur argent, “au nom de l’amour”. Cela les sortde la solitude et les sécurise.» Sinon elles dé-pendent de mères maquerelles. Laksmi, elle,se veut indépendante: «Je préfère garder messous pour subvenir aux besoins de mon fils etde ma mère au village.»Là-bas, ils pensent qu’elle travaille dans letextile. Quand elle va les voir, Laksmi met lehijab. Pour être tranquille. «Je n’aime pas lebordel, mais je ne vois pas comment je pourraisen sortir, dit-elle. Beaucoup de clients nousfont miroiter des rêves : “Viens avec moi, je tetrouverai un job.” Mais ça dure trois mois etc’est fini.»Pour échapper à ce destin, Jesmin, la jeunefille modèle, espère continuer ses études.Comment ? La question du financements’avère cruciale. «Ma mère essaye de m’aider,mais elle n’a pas assez d’argent.» En fait, ellel’a plus ou moins abandonnée. Jesmin ne luien tient pas rigueur. «Elle n’aime pas cetteprofession, mais elle n’a pas d’autre moyen devivre. Je veux la sortir de là. Si je peux avoir unbon job, j’y arriverai.» Autour d’elle, les fillesdu centre d’hébergement rêvent d’être mé-decin, prof ou hôtesse de l’air. Mais elles sa-vent quel sort les guette de l’autre côté dumur et lancent un cri d’alarme: «Il nous fautplus de soutien pour nous aider !» •

(1) Program for the Introduction and Adaptationof Contraceptive Technology.(2) Amanullah, A.S.M. and Huda, N. (2012). «Studyon the Situation of Children of Sex Workers inand Around Daulatdia Brothel.» Save theChildren International, Dacca.(3) Lire «Sex Workers and Their Children inBangladesh», Centre de développement durable,University of Liberal Arts, Dacca, novembre 2012.

voix du bordel, dont elles tirent aussi de soli-des subsides en extorquant les travailleuses.A Daulatdia, il n’y a plus de service de santé,juste une petite pharmacie. Un médecin quivient de l’extérieur réalise «deux à trois avor-tements par jour», selon Save the Children.Les préservatifs sont disponibles, mais cer-tains clients préfèrent payer plus pour unrapport sans protection (5 euros au lieu de 2).Autre souci : «Les travailleuses du sexe ga-gnent de l’argent, mais quand elles serontvieilles, comment feront-elles ? se demandeMoni. Il faut qu’on leur trouve un travail pourqu’elles continuent à avoir un revenu.»A défaut, les filles prennent le relais d’unemère jugée trop vieille. La retraite sonne sou-vent dès 30 ans. C’est pourquoi Moni vou-drait les éloigner : «Les enfants partent àl’école le matin à 9 heures, reviennent à 17 heu-res. Et là, ils peuvent observer toutes nos activi-tés. C’est très mauvais, ça crée des problèmespsychologiques. On veut des centres d’héberge-ment pour qu’ils grandissent à l’extérieur.»Malheureusement, cela coûte cher, et lesONG ont de moins en moins de fonds. Alors,«les filles se mettent à la prostitution», admetMoni. Cela commence tôt: elle-même est ar-rivée avec sa mère à 12 ans. A 15 ans, elle ta-pinait. Elle compte aujourd’hui trente ansd’ancienneté.A Daulatdia, la vie s’écoule au rythme descris des enfants, assis sur des tabouretsauprès de leurs mères qui discutent avec lesclients. Le bordel, qui compte 1965 chambresselon une ONG, est un monde fermé. Chaquefemme loue une petite chambre où elle vit ettravaille. Lors des passes, elle fait juste sortirson enfant. La location journalière pour unepièce bien aménagée, coquette et confortableparfois, coûte 2 euros. Il y a aussi des cham-bres pourries à 50 centimes d’euro.

50 euros pour déflorerune vierge

Au Bangladesh, la prostitution n’est ni légaleni illégale, explique le sociologue A.S.M.Amanullah. Dans un bordel, elle est au-torisée pour les femmes de plus de 18 ansdisposant d’un certificat établi par unmagistrat. Et contre un billet, ce dernier nese montre pas très regardant sur l’âge réel.C’est ainsi que des filles de 13 ans y tra-vaillent. Les policiers ne sont d’aucun se-cours: selon les témoignages, ils rackettentles prostituées, consomment à l’œil et nes’interposent pas quand la violence, fré-quente, éclate. «La police fait partie du busi-ness, indique le sociologue. Souvent, ce sontles plus gros clients, et ils ne payent pas forcé-ment. Parfois, les filles sont victimes de viols enréunion de leur part.»Les filles de 13 à 18 ans sont les plus prisées,selon diverses études (3). En moyenne, laprostitution commence à 13 ans, parfois dès11 ans, avec les filles du bordel ou d’autresintroduites illégalement. «Les policiers reçoi-vent 10000 ou 20000 taka [100 ou 200 euros]de pot-de-vin pour laisser entrer des enfants aubordel», confie Amanullah. Des leaders poli-tiques locaux participent au recrutement.Dans cet univers immuable, les mères jouentun rôle complexe. Selon une anthropologuecanadienne, Thérèse Blanchet, certainess’arrogent le droit de «disposer de la sexualitéde leurs filles». Souvent, celles-ci commen-cent à danser pour les clients dès 8 ou 10 ans,contre rétribution. C’est aussi, souvent, l’âgedes premières expériences sexuelles. Déflorerune jeune vierge se paye 50 euros: la mère secharge de trouver le client.Dès qu’elles ont leurs règles, les filles sont«enregistrées» auprès des mères maquerel-les. Pour paraître plus âgées et appétissantes,les plus jeunes prennent de l’oradexone, unstéroïde qui fait grossir notamment les seins

L’ONG Piact accueille 16 enfants dans un centre attenant au bordel.

Jesmin (sari beige) vit dans la safe house. Elle rêve de devenir avocate.

En tout, 15000 à 20000 enfants grandiraient dans les bordels bangladais.

Laksmi, 35 ans, vit depuis quatre ans à Daulatdia avec son fils de 11 ans.

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PORTRAIT JOYCE JONATHAN

ter la liste des convives, on invite tout le PS ou juste les hol-landais? Et les royalistes? Et les Verts, qu’est-ce qu’on en fait,des Verts? Ça dépendra des alliances aux municipales… Etpuis, bon courage pour le plan de table. Ségolène exigerad’être près de son fils, ce qui suppose d’excentrer Valérie maisdu coup comment on gère François? Joyce Jonathan ouvrede grands yeux. «Je ne vois tellement pas les choses commeça…» Sa mère confirme que sa benjamine de 23 ans, licenciéeen psychologie, est une cartésienne peu sujette aux «boufféesdélirantes»: «Elle réfléchit toujours avant de parler.» Ce qui nel’a pas empêchée de succomber à une «forme de coup de fou-dre» lors de sa rencontre avec Thomas Hollande, chez desamis communs. «Je ne savais pas qui c’était, confie la jeunefemme. J’ai trouvé qu’il avait quelque chose de Michel Berger,dont je suis fan.» Depuis, «tout se passe vraiment bien». Sonsecret? On en a identifié trois.Cultiver son jardin. Pour le plaisir de la voir bondir de sachaise, on lui demande si elle vise une reconversion ély-séenne à la Carla Bruni-Sarkozy. Après tout, les deux chan-teuses appartiennent à la même famille d’auteurs-composi-teurs-interprètes de ballades guitare-voix, et l’une et l’autreont fait appel à Louis Bertignac pour les arrangements de leurpremier album. Quant à Thomas, animateur de la Ségosphère

en 2007, membre de l’équipe web de Hollande en 2012,aujourd’hui cofondateur du laboratoire politique «Think tankdifférent», il serait naturel qu’il reprenne le flambeau. JoyceJonathan s’étrangle. Et se rassure: «Thomas est avocat, il necompte pas se lancer en politique. De toute façon, je continueraià faire de la musique quoi qu’il arrive.»A 11 ans, la petite Joyce prend des leçons de chant en cachettede ses parents. «Je ne pouvais pas le partager simplement,c’était trop important pour moi. J’avais besoin de le développerseule.» Elle ne leur en parle qu’au bout de deux ans, quandson professeur lui tend la facture. «C’était une enfant très si-lencieuse, se rappelle sa mère qui, divorcée du père, l’a élevéeseule à partir de l’adolescence. Parfois, je m’inquiétais de nepas l’entendre. Je la trouvais dans sa chambre, assise sur sesgenoux comme une Japonaise, elle bricolait ses trucs sans riendire.» A 15 ans, elle convainc le programmateur du bar del’hôtel Murano de la laisser chanter un soir par semaine. A 16,elle poste ses premiers morceaux sur MySpace. A 18, elle en-voie sa maquette à Michaël Goldman, alors en train de monterla plateforme de financement participatif MyMajorCompany,dont elle sera la première artiste féminine à être produite.«Elle est douce et mesurée, en même temps elle sait exactementce qu’elle veut», commente Louis Bertignac, qui estime avoireu «du bol» de travailler avec elle. «Il y a beaucoup de bonnesinterprètes en France, mais des mélodistes capables de composerdes airs simples qui tournent dans la tête, ça ne se trouve pascomme ça.»Séduire ses beaux­parents. Thomas Hollande l’a présentéeà son père il y a quelques mois. «Au final, se souvient-elle,j’avais plus la pression à l’idée de rencontrer le père de l’hommeque j’aime, que le président de la République.» Qui s’est montré«accueillant» et «très gentil». Comment aurait-il pu en êtreautrement? Futée, adorableet toute jolie (quoiqu’«un peumaigre», intervient la femmede ménage en surchauffedans la pièce voisine), JoyceJonathan est surtout 100%hollando-compatible. Filled’un architecte et de PatriciaTartour, PDG et fondatrice del’agence de voyage La Mai-son de la Chine, la jeunefemme, qui se débrouille enmandarin, a suivi toute sascolarité à l’Ecole alsacienne, établissement privé du VIe ar-rondissement coté chez les intellectuels de gauche (Izia Hige-lin faisait partie de ses camarades de jeu). Voilà pour le passe-port social. Côté politique, ses parents votent à gauche et,malgré les origines juives tunisiennes de sa mère, défendentmordicus le principe de laïcité. «Chez nous, c’était moins am-biance Talmud que baptême républicain», sourit Joyce Jonathan.L’opération se révèle tout bénéfice, la petite décrochant pourparrain un grand médecin interniste et pour marraine, lafemme du président des Biennales de Lyon, Bernard Faivred’Arcier. Enfin, le visa hollandais pour l’éternité: M. Jonathanest à ses heures perdues militant PS dans la région d’Aix-en-Provence. De son côté, Joyce s’est produite le 6 mai 2012,place de la Bastille. Mieux, elle a chanté à un concert de sou-tien au candidat Hollande avant même de sortir avec son fils.«Hollande a la qualité de vraiment s’adresser aux jeunes et dedonner de l’espoir à la jeunesse, à la créativité», s’enthousias-mait-elle à l’époque. Un an après, que pense-t-elle de l’actiondu gouvernement? «Je suis très mal placée pour dire quoi quece soit. Le contexte a changé.» Parfaite, on vous dit.S’affranchir du modèle familial. Joyce Jonathan a 13 anslorsque son père quitte la maison. Elle assure ne pas l’avoirtrop mal vécu : «Je me suis convaincue que cela ne dépendaitpas de moi. Je cherche toujours le positif en chaque chose ; enl’occurrence, j’ai maintenant une relation exclusive avec mesdeux parents, c’est presque mieux comme ça.» Patricia Tartour,que la discrétion de sa fille réduit aux hypothèses: «Je croisqu’elle a eu le sentiment d’être abandonnée, mais que commetoujours, elle a contrôlé ses émotions.» Rien ne l’atteint doncjamais ? «Si, j’ai peur du temps qui passe, avoue-t-elle. Pasde vieillir, mais de ne pas avoir le temps de faire tout ce que jevoudrais.» Elle rêve de nouvelles chansons, pour elle, pourd’autres. D’une formation en musicothérapie, pour «adoucirles souffrances des malades». De mariage, peut-être un jour,«pour le côté festif». D’enfants, «bien sûr». Avec Thomas ?Prudente : «On verra bien.» •

Par CHLOÉ AEBERHARDTPhoto AUDOIN DESFORGES

EN 5 DATES

3 novembre 1989Naissance à Levallois­Perret. 2010 Premieralbum, Sur mes gardes(MyMajorCompany).Avril 2011 Premier Olympia.10 juin 2013 Deuxièmealbum, Caractère (Polydor).29 octobre 2013 Début desa tournée au Trianon.

E lle fait confiance. La mode est au flinguage antiriches,elle donne rendez-vous chez sa mère, à Paris, dansun 200 m2 de malade mental au cœur du triangle d’orSaint-Michel, Odéon, Saint-Germain-des-Prés. La

presse se gargarise de sa relation de plus d’un an avec Tho-mas, fils aîné de Ségolène Royal et François Hollande, elle nepose aucune condition préalable à l’interview. Bizarre, bi-zarre. De deux choses l’une. Soit Joyce Jonathan (c’est sonvrai nom), chanteuse de variété catégorie midinette, exploiteson histoire d’amour à des fins promotionnelles (sondeuxième album, plutôt agréable, est sorti le 10 juin). Soit ellea assez d’assurance pour se montrer telle qu’elle est: bien née,et raide dingue du fiston présidentiel.Elle soutient «ne pas du tout aimer en parler», en attendant,elle répond à toutes les questions. Par politesse ou par calcul,allez savoir, une chose est sûre, elle n’est pas encore descen-due de son nuage. Elle dit de son petit ami qu’il lui ressemble,«serein et positif». Sa mère l’«adore» : «Thomas est un vraigentil. Un jeune homme absolument délicieux.» Bigre. Le ma-riage, alors, c’est pour quand? Parce qu’il y a du boulot, arrê-

Réfléchie, confiante, structurée, la jeune chanteuse protégéede Louis Bertignac est aussi la petite amie du fils de Hollande.

Le chant, maintenant

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