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L'ÉGLISE SAINT-SULPICE DE FONTAINE-FRANÇAISE par M. Charles GUILLAUME La paroisse de Fontaine-Française est passée du diocèse de Langres au diocèse de Dijon en 1731, lors de l'érection de celui-ci, vainement sollicitée depuis 1575, à l'avènement de Henri III, soit pendant 156 ans. Fontaine-Française est devenue doyenné peu après 1731 ; ce titre, aboli en 1790, a été rétabli en 1854 par Mon- seigneur Rivet. Jusqu'en 815, seconde année du règne de Louis I er , dit le Débon- naire, au mois de mai de laquelle Hildegarne, comte des Attuariens, tint une grande assemblée publique présidée par Betto, évêque de Langres, suzerain de Fontaine-Française, aucun document ne parle de l'église de Fontaine-Française 1 . On ne saurait cependant douter de son existence, puisque les religieux du monastère de Bèze desservaient ce centre déjà important à une époque où la religion catholique était la seule pratiquée. En octobre 865, l'église est érigée en prieuré : Isaac, alors évêque de Langres, nomma Égilo, moine et abbé de Flavigny, premier prieur. L'église et les dîmes de la paroisse Saint-Sulpice furent alors données au monastère Saint-Pierre de Flavigny. C'est un manuscrit latin de la Bibliothèque Nationale (17720, Chartularium Buhéricenum, p. 44) qui nous indique « qu'en 865, Isaac, évêque de Langres, donne à. Égil, abbé de Flavigny, des autels consacrés en l'honneur de Saint-Pierre, prince des apôtres, dans deux églises... ; et un autre autel, dédié en l'honneur de Saint-Sulpice, évêque et confesseur, autel qui est dans l'église de Fontaine-Française, ladite église construite dans le pays des Attories ou Attuariens, et dépendant du bénéfice du droit monacal de Flavigny 2 . » 1. Sur l'église de Fontaine-Française, lire les études de GASCON (Richard- Edouard), Notice sur l'église de Fontaine-Française et la chapelle des Gevrey, dans le Bulletin d'Histoire et d'Architecture religieuses, diocèse de Dijon (mars- avril 1888) et En tramway de Dijon à Fontaine-Française et à Champlitle, Dijon, Sirodot et Carré, 1899. "Voir aussi du même auteur : Histoire de Fontaine- Française, Dijon, Darantiëre, 1892. Sauf mention spéciale, les dates et réfé- rences historiques de la présente étude sont tirées de ces ouvrages. 2. GASCON (R.-E.), Notice sur l'église de Fontaine-Française, op. cit., p. 72 et 73.

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Page 1: L'ÉGLISE SAINT-SULPICE DE FONTAINE-FRANÇAISE CACO/1832... · l'église à, devenir ceux de la chapelle du château : c'est, le 19 juillet 1688, le cas de messire Simon Minard, curé

L'ÉGLISE SAINT-SULPICEDE FONTAINE-FRANÇAISE

par M. Charles GUILLAUME

La paroisse de Fontaine-Française est passée du diocèse deLangres au diocèse de Dijon en 1731, lors de l'érection de celui-ci,vainement sollicitée depuis 1575, à l'avènement de Henri III, soitpendant 156 ans. Fontaine-Française est devenue doyenné peuaprès 1731 ; ce titre, aboli en 1790, a été rétabli en 1854 par Mon-seigneur Rivet.

Jusqu'en 815, seconde année du règne de Louis Ier, dit le Débon-naire, au mois de mai de laquelle Hildegarne, comte des Attuariens,tint une grande assemblée publique présidée par Betto, évêque deLangres, suzerain de Fontaine-Française, aucun document neparle de l'église de Fontaine-Française 1.

On ne saurait cependant douter de son existence, puisque lesreligieux du monastère de Bèze desservaient ce centre déjà importantà une époque où la religion catholique était la seule pratiquée.

En octobre 865, l'église est érigée en prieuré : Isaac, alors évêquede Langres, nomma Égilo, moine et abbé de Flavigny, premierprieur. L'église et les dîmes de la paroisse Saint-Sulpice furentalors données au monastère Saint-Pierre de Flavigny. C'est unmanuscrit latin de la Bibliothèque Nationale (17720, ChartulariumBuhéricenum, p. 44) qui nous indique « qu'en 865, Isaac, évêquede Langres, donne à. Égil, abbé de Flavigny, des autels consacrésen l'honneur de Saint-Pierre, prince des apôtres, dans deux églises... ;et un autre autel, dédié en l'honneur de Saint-Sulpice, évêqueet confesseur, autel qui est dans l'église de Fontaine-Française,ladite église construite dans le pays des Attories ou Attuariens, etdépendant du bénéfice du droit monacal de Flavigny 2. »

1. Sur l'église de Fontaine-Française, lire les études de GASCON (Richard-Edouard), Notice sur l'église de Fontaine-Française et la chapelle des Gevrey,dans le Bulletin d'Histoire et d'Architecture religieuses, diocèse de Dijon (mars-avril 1888) et En tramway de Dijon à Fontaine-Française et à Champlitle, Dijon,Sirodot et Carré, 1899. "Voir aussi du même auteur : Histoire de Fontaine-Française, Dijon, Darantiëre, 1892. Sauf mention spéciale, les dates et réfé-rences historiques de la présente étude sont tirées de ces ouvrages.

2. GASCON (R.-E.), Notice sur l'église de Fontaine-Française, op. cit., p. 72et 73.

Page 2: L'ÉGLISE SAINT-SULPICE DE FONTAINE-FRANÇAISE CACO/1832... · l'église à, devenir ceux de la chapelle du château : c'est, le 19 juillet 1688, le cas de messire Simon Minard, curé

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Beaucoup plus tard, l'histoire de Vergy nous relate qu'en 1309,Jean de Vergy dota largement l'église, en môme temps que beaucoupd'autres de sa vaste seigneurie.

C'est pourtant à ses prédécesseurs que nous devons vers 1210-1220 les trois rosés des armes de Vergy apparaissant ici dans ladécoration de corniche sous arcade de la porte extérieure du gout-tereau sud de la nef. Cette porte, et celle qui lui fait pendant surle gouttereau nord de la nef, sont des éléments subsistants de l'an-cienne nef gothique de l'église.

De 1435 à 1462, c'est Jean II de Longvy qui, après un partagede biens indivis avec son cadet Olivier, seigneur, de Rahon, devientseigneur de Fontaine-Française. Il est aussi seigneur de Gevrey-sur-le-Doubs, comme le sont ses descendants, Girard Ier et Jean IIIjusqu'en 1520, ce dernier devenant d'ailleurs à partir de 1505coseigneur de Fontaine-Française avec son frère Claude, le cardi-nal de Givry, dont il était le puîné.

Ceci nous intéresse doublement, d'abord parce que nous trouvonslà l'origine de la construction et du nom donné à la petite chapelleadossée au gouttereau sud de la nef de l'église, et ensuite parce quenous avons confirmation du style de celle-ci, très caractéristiquede la deuxième moitié ou même de la fin du xve siècle.

Il est intéressant de noter qu'en 1559, deux ans avant sa mort,le cardinal de Givry, ce puissant évêque de Langres, « s'associant àFrançois Chabot, son co-seigneur du moment de Fontaine-Française,a doté l'église de ce lieu et fait bâtir la maison curiale qui, démolieen 1840, a été reconstruite sur le même emplacement d'après lesplans de l'architecte dijonnais Fénéon, ainsi qu'on la voit aujourd'hui.

De façon générale cependant, les seigneurs de Fontaine-Françaises'intéressent assez peu à leur église puisque le château dispose desa propre chapelle ; on amènera en revanche les desservants del'église à, devenir ceux de la chapelle du château : c'est, le 19 juillet1688, le cas de messire Simon Minard, curé de Saint-Sulpice, quiprend ses fonctions de chapelain sept ans après la réouverture dela chapelle 3.

En 1728, Jacques-Philippe de la Tour du Pin, marquis de laCharce, est seigneur de Fontaine-Française, mais il ne s'occupeguère des habitants et de leur misère, éloigné qu'il est de ce séjourpar les charges qu'il doit remplir4.

3. GASCON (R.-E), La chapelle du château de Fontaine-Française, dans leBulletin d'Histoire et d'Architecture du diocèse de Dijon, Ve année, 1887.

4. Arch. mun. En octobre 1728, on avait nommé Jacques Collenot commeexpert pour dresser un devis estimatif des réparations à faire à l'église.

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R. E. Gascon rappelle que « la voûte de la nef qui ne s'étendaitalors que de cinq travées, c'est-à-dire jusqu'au troisième pilier,à 23,66 m du chœur, était effondrée depuis plusieurs années. On nepouvait sans danger y laisser pénétrer les fidèles, le chœur seulrestait en bon état ». La Communauté fit à grands frais consolidercette voûte et, en automne 1728, les travaux étaient assez avancéspour que, sans crainte d'accidents, on pût reprendre le cours régu-lier des ofïices. Cet état de choses est constaté par messire Morelet,prêtre, prieur, curé de Fontaine-Française, qui certifie que « lanef a été mise en sûreté et que l'on peut sans crainte, avec le bonplaisir de M. Gagne, Grand Vicaire et Officiai de Mgr l'évoque deLangres, y dire la messe jusqu'au mois d'avril 1729, temps auquelon pourra continuer les réparations 5. »

En outre « par autorisation spéciale de M. Antoine Bernard Gagne,doyen de l'église Saint-Étienne de Dijon, vicaire général et officiaide l'évoque duc de Langres et pair de France, l'interdit prononcésur l'église de Fontaine est levé jusqu'à la fête de Pâques de l'année1729, temps auquel on promet de travailler efficacement aux répa-rations urgentes de ladite église6. »

Tout porte à penser que les réparations qui venaient d'être faitesétaient bien sommaires, et que par ailleurs les habitants de Fontaine-Française ne purent, faute d'argent, tenir leur promesse de procéderà une restauration efficace dès Pâques 1729.

En effet, par ordonnance des États généraux de Bourgogne del'année. 1728, la Communauté de Fontaine-Française doit payerune somme de 3 000 livres pour le rachat des charges municipalesoctroyées ou plutôt vendues en 1693. Poursuivis par le Procureur-Syndic des Etats, les habitants, réunis en assemblée générale,sollicitent en 1735 la remise de cette somme en adressant aux États

Qu'il me soit permis ici d'adresser mes remerciements et toute ma recon-naissance à Monsieur Yves Beauvalot, secrétaire régional pour la Bourgognede l'Inventaire général des Monuments et Richesses artistiques de la France.Il m'a apporté une aide éclairée, amicale et précieuse sans laquelle la présen-tation de ce texte n'aurait pu atteindre à la rigueur nécessaire, spécialementdans le domaine des références aux documents d'archives.

Mes remerciements vont également à Madame Claudine Berger, sa prochecollaboratrice, qui a fait pour moi des recherches dans les Archives communalesafin d'étayer les affirmations de Richard-Edouard Gascon qui ne cite pas sessources dont la trace a aujourd'hui disparu.

Je dis enfin ma gratitude à Monsieur l'abbé Frerejacques, curé de Fontaine-Française, auquel je dois d'avoir pu pénétrer à tout moment dans son église,et qui m'a transmis d'intéressants renseignements extraits du registre parois-sial de Fontaine.

5. Cité dans GASCON (R.-E.), Notice sur l'église de Fontaine-Française,p. 77.

6. GASCON (R.-E.), Notice sur l'église de Fontaine-Française, op. cit., p. 77.

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une supplique dont un des passages est particulièrement intéressantpour l'histoire de l'église : «... Par un autre surcroît de malheur,la nef de leur église est tombée en ruines par vétusté, le rétablis-sement est à leur charge et n'ayant pu y pourvoir jusqu'à présent,ladite église est interdite et les services ne se font que dans le chœuroù les pauvres suppliants ne sont pas en sûreté de leur vie et courentrisque à tous moments d'être écrasés sous les ruines de ladite églisedont le rétablissement, pour ce qui peut être à leur charge, leurcoûtera plus de 12 000 livres, sans qu'ils aient aucun fonds pour yfournir, en somme qu'ils seront obligés d'imposer sur eux la sommenécessaire..., puisqu'il faut qu'ils pourvoient nécessairement auditrétablissement et que le culte de Dieu est préférable à toute chose...

... Mettant en considération le misérable état où ils sont réduits,les charges qu'ils doivent supporter pour le rétablissement de leuréglise, les pertes qu'ils ont souffertes depuis plus de dix ans par lesgrêles et les orages ; la diminution de leur paroisse par la désertionde la plus grande partie de leurs habitants ; vous leur accorderezla justice qui leur est due... 7 »

Simultanément, la Communauté adresse une deuxième suppliqueaux Élus de la Province, dont il faut extraire ce passage : « Parsurcroît de malheur, les suppliants se trouvent privés actuellementdes secours spirituels par l'interdiction notoire de leur église dontils rapporteront la preuve en cas de besoin, ce qui les jette dans lefâcheux inconvénient de se transporter dans les lieux voisins, auxapproches d'une saison assez dure, pour se procurer les secoursspirituels pour les messes, les vêpres, les mariages et les enterre-ments qui se font dans les paroisses voisines, sans la moindreapparence de pouvoir contribuer au rétablissement dispendieuxde ladite église dont les ruines ne sont que trop publiques etnotoires... »

Voilà qui est clair ; nous savons donc que, sauf le chœur, l'église deFontaine-Française n'est que ruines en 1735.

Richard-Edouard Gascon indique dans son ouvrage que « cepen-dant, tant la foi était grande et la pratique de la religion observée,des mesures furent prises pour faire cette reconstruction. Des dons,des sacrifices, des emprunts, permirent aux habitants de releverleur édifice ». « Mais », ajoute-t-il, « quelle différence avec ce quiétait démoli ! On a bien voulu faire du roman, du plein cintre,mais tellement simple, tellement nu, que cette grande nef n'a aucuncaractère ni aucun cachet et n'appartient à aucune époque 8 ».

7. Cité dans GASCON (R.-E.), op. cit.8. Cité dans GASCON (R.-E.), op. cit.

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Sa comparaison paraît hâtive, car les proportions de ce qu'ilappelle du « roman » ne paraissent pas si mauvaises, et en outreil semble avoir totalement ignoré ce qui existait avant la démoli-tion et n'a donc aucun élément de référence sur lequel s'appuyer.

La première pierre de cette reconstruction fut solennellementposée et bénite le 12 mai 1739 9. Le procès-verbal qui en fait loi estrédigé ainsi :

« L'an mil sept cent trente-neuf, le douzième may, à dix heuresdu matin à l'issue de la messe, je soussigné Nicolas Billard, prestre,curé de Fontaine-Française, certifie avoir fait en vertu du pouvoirqui m'en a esté accordé par Monseigneur l'évesque de Langres, labénédiction de la première pierre de la nef de l'église dudit Fontainequi a esté bâtie par Me Jacques Redard, entrepreneur avec son filset Me Vincent Debian, aux frais et dépens des sieurs habitants deFontaine-Française et Fontenelle leur annexe, en l'honneur deDieu et de Saint-Sulpice, patron titulaire de laditte église, assistéde Maître Jean-Baptiste Ardouhin, prêtre familier et chapelainde la chapelle des Gevrey érigée à côté de la nef de laditte église,de Maître Dominique Brouhot, notaire royal et receveur en exercicede la fabrique de ladite église, Maître Jean-Baptiste Fay le jeune,marchand, controlleur d'icelle aussy en exercice, en présence de laTrez Sainte Trinité et de Saint Sulpice au premier demi pilierqui sera à gauche en entrant en ladite église, par Maître ClaudeJacquinot, marchand de fer à Dijon, bienfaiteur de cette église dontet de quoy nous avons dressé le présent procès-verbal et nous sommessoussignés avec les sieurs Ardouhin et Foy le jeune et autres 10. »

Nous connaissons donc les constructeurs ; nous savons aussique le bâtiment reconstruit l'a été à l'identique des anciens plans,puisqu'en effet le « premier demi pilier qui sera à gauche en entranten ladite église » se trouve en être aujourd'hui le troisième.

Un emprunt contracté par la Communauté de Fontaine-Françaisesuivant autorisation du 24 juillet 1755 permet d'éponger les dettesd'alors. Mais on fut obligé de faire de nouveaux emprunts pourexécuter des travaux indispensables, comme en 1759 par exemple,où l'on dépensa 1 945 livres pour réparer la maison curiale etl'église : les travaux furent exécutés sur le devis de l'expert (cequi signifiait architecte) Taisard, par un sieur Champagne, entre-preneur.

9, Auparavant, on avait enlevé tout ce qui servait à la décoration de l'égliseainsi que l'autel de Saint-Claude, l'autel du Rosaire et celui de la Vierge.Ensuite, après la restauration de l'église, on installa le rétable d'autel actuel,dû à Abraham Redard (Arch. mun. du 2 mars au 9 août 1739).

10. Cité dans GASCON (R.-E.), op. cit., p. 78 et 79.

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11 est difficile de savoir de quels travaux il a pu s'agir puisquel'on sait qu'en 1739 les anciennes travées effondrées de la nef sontreconstruites et qu'une couverture provisoire est mise en place,mais c'est seulement en 1777 avec M. de Saint-Jullien que lesvoûtes furent refaites avec le nouveau toit, en même temps quel'allongement de deux travées supplémentaires à l'Ouest. S'agirait-il de la sacristie adossée au chevet ? A moins qu'il ne s'agisse detravaux d'entretien.

FIG. 1. — ÉGLISE DE FONTAINE-FRANÇAISE.

M. de Saint-Jullien, seigneur du moment, intervient désormais,en effet, manifestant une vocation certaine de constructeur ; en1754 il commence la démolition du vieux château en vue d'édifierl'actuel.

M. de Saint-Jullien s'intéresse aussi à l'église et c'est à lui quel'on doit en 1777 l'allongement des deux travées ouest, la façadeouest avec son portail, en môme temps que fa reconstruction de lavoûte : une couverture provisoire a donc dû exister de 1739 à1777. C'est ce qui expliquerait tes trous non rebouchés dans lesparties supérieures des gouttereaux de nef, au-dessus des voûtes,et marquant l'appui dans les murs des entraits de la charpentecorrespondante. Cette charpente sera démontée pour réfectiondes dératellements des gouttereaux et des anciennes corniches

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conservées, confection des voûtes et pose de la charpente définitiveet de sa couverture u.

Il est intéressant de noter le raccordement effectué en couvertureentre le fronton de la nouvelle façade ouest et la nouvelle couverturede nef : une pénétration était nécessaire dans le versant ouest decette couverture pour permettre le rattrapage de pentes différentesentre le fronton et les versants nord et sud du toit.

Sur le coq placé en haut de la croix, Gascon a lu différentes datesgravées dans la plaque de cuivre découpée pour sa fabrication :1606, 1727, 1777 et 1853 12. Il s'agit là sans conteste des époquesde réparations de l'église et du clocher.

Gascon nous dit que « pour soutenir ce clocher au moment desgrosses réparations, on a eu la malheureuse idée de bâtir un mur derefend et de soutènement, percé d'une voûte ogivale13 tellementétroite et basse que, du bas de l'église, on voit à peine le maître-autel. Ce mur de refend est du plus mauvais effet et gâte complè-tement l'intérieur de l'édifies 14.

Gascon n'a pas complètement tort car la mise en placs de ce murde refend accuse la rupture entre la partie xm e siècle intacte duchœur et la nef restaurée au xvme siècle, cassant l'unité originelledu style de l'église. Mais es que Gascon ne dit pas, c'est qu'ilsubsiste encore du mur d'origine deux baies en arc brisé, murées,dont la partie supérieure apparaît encore en combles, au-dessus desvoûtes actuelles de la nef, et dont la position et les dimensionsnous permettent d'imaginer la nature et l'élancsment des anciennesvoûtes du xme siècle coiffant la nef, certainement beaucoup plushautes que les voûtes d'arête exécutées en 1777.

Les étapes de la construction de l'église semblent maintenantbien tracées, et il est possible d'aborder les styles architecturauxqu'elles ont déterminés et la façon dont ceux-ci se sont imbriqués.

Examinons d'abord la partie ancienne de l'église : il s'agit duchœur constitué de deux travées, dont celle à l'Ouest est surmontéedu clocher construit sur toute la largeur de cette partie du bâtiment.L'ensemble-du chœur mesure 11,40 m de long et 6,70 m de large.

11. Pour l'histoire de la reconstruction par l'architecte Montoy, voir lesdifférentes études de R.-E. Gascon, citées en notes au début de ce texte et lesArchives communales de Fontaine-Française.

12. GASCON (R.-E.), Histoire de Fontaine-Française, op. cit., p. 432.13. Il s'agit, non pas d'une « voûte ogivale », mais d'un arc en cintre brisé ;

le vocabulaire archéologique était très imprécis à l'époque où écrit Gascon "etl'on confondait encore ogive et arc brisé.

14. GASCON (R.-E.), ibidem.

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Les ravalements et rejointoiements effectués à l'intérieur, bienqu'assez maladroits, n'ont pas altéré le caractère originel de laconstruction ; les deux travées de voûtes reposent sur des croiséesd'ogives assez finement profilées ; elles sont séparées l'une de l'autrepar un gros doubleau plat, contremouluré à son contact avec lavoûte. Les ogives reposent sur des culots coniques dans les angles.L'intérieur du chœur aurait conservé son aspect sobre et caracté-ristique du xm e siècle, si des ouvertures larges n'avaient été pra-tiquées dans chaque travée de ses gouttereaux nord et sud, enmême temps que celles de même nature faites dans chaque travéeancienne et chaque travée nouvelle de la nef en 1777. Il est en effetquasi certain que jusqu'avant la campagne de travaux entreprisesous M. de Saint-Jullien, l'église avait conservé dans son chœuret dans sa partie ancienne de nef des petites fenêtres étroites.

C'est extérieurement surtout et dans la hauteur des gouttereauxque les travaux de 1777 ont altéré les deux travées du chœur :l'allure du clocher n'a pas changé ; la corniche des gouttereaux etdu chevet de la travée est restée intacte ; les figurines qui, dansles rangées de modillons marquent les angles du chevet aussi biend'ailleurs que ceux du clocher sont encore en place.

Mais outre les percements de fenêtres effectués, les contrefortssubsistants du chevet ont été recoiffés, alors que disparaissaientceux que les pignons de l'appentis de sacristie ont remplacés 15.

Il faut enfin constater que le mur de soutènement, repris ensous œuvre sous le clocher, dont nous parle Gascon, a considéra-blement et très maladroitement étranglé l'ouverture du chœursur une nef qu'il faut imaginer elle-même avec l'élancement de sesanciennes voûtes du xm e siècle 16.

Le doubleau en place sur ses pilastres entre les deux travéesdu chœur autorise à penser que sa réplique est encore dissimuléedans cette reprise en sous-œuvre : une telle structure était suffisantepour soutenir le mur est du clocher ; pourquoi ne l'aurait-elle pasété pour en soutenir le mur ouest ?

Il faut cependant admettre que si des travaux confortatifs ontété exécutés, c'est qu'ils étaient indispensables. Un mouvements'était certainement produit, amenant sans doute des fissures etdes déformations de maçonnerie. Celles-ci pourraient s'expliquer

15. La tour et l'escalier d'accès au clocher ont été reconstruits en 1851, surles plans de l'architecte Fénéon-Damotte, en même temps qu'on a remplacéle toit de pierres plates par un toit de tuiles (Arch. mun., travaux exécutés en1851 et 1852). Dans le même temps, certains contreforts ont été refaits, d'autresrestaurés. Quant aux murs, ils ont été aussi restaurés, blanchis ou rejointoyés.

16. GASCON (R.-E.), Histoire de Fontaine-Française, op. cit., p. 432.

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du fait de décalage existant entre gouttereaux de chœur et goutte-reaux de nef, par une poussée vers l'Ouest exercée sur le mur parles voûtes situées sous le clocher, après effondrement de celles dela nef qui, bien que plus hautes, n'étaient plus là, pour les contre-balancer.

Il est regrettable que l'architecte n'ait pas imaginé une solutionplus astucieuse pour la remise en état du clocher en 1777, car il airrémédiablement gâché par un étranglement la transition entrele chœur gothique conservé et la nef par ailleurs agréablementrestaurée.

Les ouvertures aveugles, visibles dans les combles, sont coifféesd'un arc brisé très simple, du début du xm e siècle. Elles sontd'une importance capitale pour l'étude de la nef, et il faut se félici-ter que les travaux de restauration de l'église ne les aient pas faitdisparaître complètement. Elles sont coupées par la voûte recons-truite en 1777, et leur partie inférieure dans la nef est dissimuléepar les enduits appliqués sur le mur à cet endroit.

Ces ouvertures ont toujours été aveugles : elles ne pouvaienten effet s'ouvrir depuis la nef sur le vide du clocher. Elles étaientdonc indubitablement un élément décoratif placé de part et d'autrede l'ancienne arcade mettant en communication la nef et le chœur.

Elles étaient intégralement contenues dans le volume de la nef,et nous indiquent par là même quels étaient le profil et l'élancementde la voûte gothique qui les enveloppait, cette voûte restant toute-fois contenue elle-même dans le volume de comble actuel : le toitrefait en 1780 a repris en effet la place de celui qui le précédait,ainsi que l'atteste la pénétration dans le mur ouest du clocher.Nous voyons ainsi à quel point les voûtes d'arête de 1777 (queGascon appelle bien improprement du « roman imité ») sont sur-baissées par rapport à celles qui existaient au xm e siècle.

La nef ne comportait, avant réfection, que cinq travées, aux-quelles on en ajouta deux. L'ensemble actuel mesure 33,30 m delong, 9,50 m de large, et la hauteur sous clé de voûte est de 8,50 m.Indépendamment de l'allongement de ces deux travées, c'est doncdans une enveloppe de murs et de couverture repris à l'identiqueque l'édifice a été reconstruit. Le rythme et les dimensions desanciennes travées gothiques ont été également respectés. Plusieurséléments encore en place le prouvent, et apportent même uneidée de ce qu'était l'extérieur de la nef : au nombre de ceux-ci,l'on peut compter quelques contreforts, les soubassements de murset de contreforts, et enfin les corniches.

Deux témoins des contreforts gothiques sont restés intacts à lajonction de la nef et de la première travée du chœur, celle du clocher.

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Ils comportaient un empattement surmonté d'une partie plusétroite coiffée à deux versants, le ressaut étant couvert quant àlui d'un appentis formant saillie avec goutte d'eau. Nous avons lapreuve que ces contreforts existaient tels quels, tout au long desdeux gouttereaux de l'ancienne nef : les bâtisseurs de la chapelledes Gevrey l'ont flanquée contre la deuxième travée d'origine de lanef. Les murs de cette chapelle prolongent les contreforts de cettetravée, par simple accolement : tout au plus a-t-on pris la précau-tion de bûcher toute saillie gênante à la construction, au moins ducôté ouest.

En revanche, côté est, ce bûchage a été omis, ce qui permet deretrouver intacts la goutte d'eau et le bas de l'appentis coiffantle ressaut de l'ancien contrefort, dont la base, est restée, elle-mêmeintacte.

Une preuve de plus de l'authenticité de ce contrefort : son faux-aplomb. Nous avons là une précieuse indication. Tout porte àpenser, en effet, que l'effondrement des voûtes gothiques de la nefavait une cause, celle d'un mauvais équilibrage de leur pousséesur les gouttereaux par des contreforts trop faibles. Cette faiblessedes contreforts fournit également une deuxième explication à, lanécessité de reprendre en sous-œuvre le mur ouest du clocher.

Les voûtes se sont donc effondrées et avec elles, sans doute,la partie supérieure des murs et des contreforts, mais de façon assezirrégulière. Voilà pourquoi l'on a reconstruit à des hauteurs diffé-rentes, à partir de l'ancienne base conservée, aussi bien les mursque les contreforts. Il est d'autant plus difficile de définir ces hau-teurs de reprises que les anciens moellons ont été réutilisés.

On notera le caractère assez massif des contreforts du xvme siècle.Le sommet en est de même largeur que la base, et ils sont touscoiffés d'un appentis légèrement débordant. Les mêmes réfectionsont été opérées sur les deux contreforts subsistants en chevet duchœur. Les mêmes contreforts ont été bâtis sur le flanc des deuxnouvelles travées ajoutées à l'église, ce qui laisse à penser que c'estseulement en 1777 que la campagne de travaux des contreforts aété entreprise, au moment où il était nécessaire de contrebuter lesvoûtes nouvelles que l'on allait bâtir. De 1739 à 1777, on s'étaitdonc contenté de remonter sommairement les parties de murseffondrées et de placer la charpente et la couverture provisoires.Il est fort probable alors que, jusqu'en 1777, la nef et le chœurconservaient encore leurs anciennes fenêtres étroites du début duxm e siècle, et que les nouvelles baies qui les ont remplacées ontété entreprises en même temps que celles dont on équipait les deuxnouvelles travées ouest.

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Une petite piscine, creusée en bas à gauche de la nef dans legouttereau nord, est très caractéristique du style Henri IV par sonarcade en plein cintre sur pilastres très courts, donnant à la nicheune allure surbaissée très proche encore du caractère renaissance.Elle apporte une nouvelle preuve de la conservation de la partieinférieure des murs anciens lors de la réfection générale de la nef,de ses contreforts et de sa voûte entre 1739 et 1777.

Quant à la corniche de la partie ancienne de la nef, il est évidentqu'il s'agit d'une récupération et d'une repose de l'ancienne cor-niche, de même nature que celle qui coiffe les murs du clocher,les gouttereaux et le pignon du chœur. Nous trouvons des modillonsà écusson supportant une corniche en cavet typique du débutXIIIe.

La façade de. l'église remplace, deux travées plus en avant, lafaçade ouest qui fermait l'ancienne nef gothique avant les travauxde 1777. La nouvelle façade est inscrite sensiblement dans un carrésurmonté d'un fronton triangulaire dont les éléments s'inspirenttrès nettement du style dorique : pilastres latéraux et motif centralcoiffés d'une corniche simple qui se retrouve en couverture du fron-ton, tout entablement étant cependant exclu.

Le motif central est coupé aux deux tiers de sa hauteur par unbandeau courant d'un pilastre à l'autre. La partie inférieure en estconstituée de deux petits pilastres surmontés d'un entablementsimple encadrant une porte de proportion élancée coiffée avecinterposition d'impostes d'un arc en plein cintre : à noter la sobredécoration apportée par la corniche issue d'une saillie du bandeaucourant, par la clé de voûte du cintre se mariant avec l'entablement,et aussi par les deux triglyphes avec gouttes bizarrement interposésentre les petits pilastres et l'entablement qui contribuent ainsi àl'allure dorique de l'ensemble. La partie supérieure du motif central,agrémentée d'un œil-de-bœuf, donne à celui-ci l'élancement qui luiétait nécessaire.

Nous n'avons plus aucun document concernant l'ancienne façade.Il ne reste aucun vestige du portail de cette façade, dont on peutpenser, par le style de celles qui sont encore en place sur les gout-tereaux nord et sud, et par similitude à celles que nous connaissonssur des églises rurales de même époque, qu'elle comportait une portesimple ou double, coiffée d'un tympan en plein cintre à toresconcentriques reposant sur des colonnettes coiffées de chapiteauxà crochets.

Les deux portes situées en deuxième travée des gouttereauxnord et sud de l'ancienne nef sont très évocatrices des années 1210-1220, par leur tympan en plein cintre très sobrement encadré d'un

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tore et de deux contretores reposant par l'intermédiaire d'uneimposte sur une colonne avec chapiteau à crochets.

Le tympan de la porte nord comporte une croix grecque avec enson centre ce qui semble être une rosé : doit-on y voir le signe desVergy ?

Le. tympan de la porte sud comporte lui aussi une croix byzantineavec un Christ dont les mains palmées n'atteignent pas les extré-mités d'une croix bizarrement noueuse, et dont le chef couronné estsurmonté d'une croix ou fleur à six branches. L'imposte est décoréesur sa droite des trois rosés de Vergy, que l'on retrouve sur une pierretombale plus tardive.

Les deux chapiteaux à crochets des colonnettes sont de mêmeallure que ceux du portail nord, mais celui de gauche est en outreagrémenté de feuilles plates à cinq lobes que l'on retrouve sur bonnombre de chapiteaux d'églises de style contemporain.

Il est vraisemblable que les deux portes donnaient directementsur l'extérieur. C'est en effet tout à la fin du xve siècle que futérigée la chapelle des Gevrey, adossée de façon très maladroite àl'édifice primitif, et dont le style contraste assez étrangement aveccelui de la porte qui lui donne accès 17.

Gascon nous dit que symétriquement à. cette chapelle s'en trou-vait une autre, dite « des Douze Apôtres », à laquelle la porte norddonnait accès, et qui fut probablement ruinée au moment de lachute de la grande voûte. L'on y voyait, paraît-il, toutes leursstatues. Des travaux récents de canalisations n'ont pas permisde retrouver les fondations d'un tel édifice ; aucune liaison ou tracede maillage ne sont visibles actuellement sur le gouttereau nordcontre lequel se serait appuyée cette chapelle ; ce qui peut toute-fois s'expliquer si l'on considère que la chapelle des Gevrey estelle-même seulement adossée contre la nef et sans doute très peufondée.

La chapelle des Gevrey a été érigée, ainsi que nous l'avons vuprécédemment, tout à la fin du xve siècle. Nous en avons d'ailleursla preuve par ces culots coniques et à tore de départ d'arcs d'ogivesqui contrastent si étrangement avec les chapiteaux voisins et tousles autres éléments décoratifs de la porte du début du xm e siècle.Celui-ci est assez remarquable par les grappes et feuilles de vignequi décorent le cône.

La croisée d'ogives comporte une clé de voûte ornée d'un écussonsur lequel figure une étoile ou rosé des vents à sept pointes posée

17. Pour l'histoire et la description de cette chapelle, voir GASCON (R.-E.),Notice sur l'église de Fontaine-Française.

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sur une ancre de marine. On aura sans doute voulu reproduireune partie des armes de l'amiral Philibert Chabot qui épousa, en1526, Madame de Gevrey de Fontaine, veuve de Jean III de Longvymort en 1520. La fenêtre placée en pignon de la chapelle est decaractère flamboyant, ainsi que cette petite piscine disposée sur lemur à droite de l'autel. Gascon nous indique qu'en 1851 le curéRosé a fait démolir cet autel dont la pierre servait encore en 1892de marche d'escalier à. la maison Henri Frenette, rue de l'église.

La chapelle renferme la tombe des deux frères jumeaux fils deJean III de Longvy, qui a probablement doté ladite chapelle. Lapierre tombale est plate et représente en pied, revêtus de leurshabits sacerdotaux, les deux frères sous une sorte de baldaquingothique de caractère flamboyant et assez remarquable par sa finedécoupure, sa régularité et sa légèreté. Les inscriptions figurantsous ce baldaquin et au pourtour de la pierre sont ainsi rédigées :« Deux frères germains », et « Cy gisent discrettes personnes mestresGérard et Dymoinche Gevrey, frères germains, prestres chanoinesde Champlitte, lesquels ont fait refondre (rebâtir) cette chapelle,lequel aîné trépassé le 10e jour du moys de janvier et le dit Dy-moinche, le 28e jour du mois de apvril 1525. Priez Dieu poureulx 18. »

La chapelle des Gevrey ouvre sur la nef dont nous avons étudiéla construction depuis ses fondements gothiques jusqu'à, son achè-vement en 1780. Il est bien évident qu'aux contreforts rétablis pouréquilibrer la poussée des nouvelles voûtes mises en place, il fallaiten pendant, à l'intérieur de la nef, élever des pilastres classiquespour recevoir les voûtes d'arêtes de la nef.

A l'instar du style de la nouvelle façade, l'architecte Montoy 19

présente des pilastres surmontés de chapiteaux avec larmier surquart de rond, d'un caractère dorique très dépouillé que Vignoleclasserait même dans le style plus simple du toscan.

Lorsqu'on regarde en direction du chœur, on ne peut s'empêcherde déplorer la décoration exécutée le 19 juillet 1942 sur le tympan

18. Voir GASCON (R.-E.), Église de Fontaine-Française, Chapelle desGcvrey.Notices historiques, dans le Bulletin religieux cl archéologique du diocèse deDijon, XVL, 1898, p. 86-90.

19. GASCON (R.-E.), Histoire de Fontaine-Française, op. cit., p. 392 et 393.Sans citer ses sources, mais en s'appuyant sur des références indiscutablesfournies par les devis et les dépenses relatives aux travaux d'urgence à entre-prendre à l'église, Richard-Edouard Gascon précise qu'à la demande de laCommunauté de Fontaine, et grâce aux libéralités de M. de Snint-Jullien,l'intendant de la province avait commissionné le nommé Montoy, architecte(ou entrepreneur) pour les travaux envisagés : belïroi et couverture du clocher(177fi), voûte nouvelle de la nef (1777), devis de composition de charpentesur la nef (1780).

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séparant la nef du chœur. Son allure néo-byzantine, attardée etviolente, choque le regard et accuse encore davantage, par sonimpact, l'étranglement de cette arcade.

Ce Saint-Sulpice offrant l'église qui lui est dédiée au Christsoutenu par Dieu le Père et assisté de sa Mère, le tout dans un arcen ciel, est dû à l'exécution testamentaire d'une demande faite en1941 par une dame Angèle Champi, veuve Calmelet. Le registreparoissial indique, par ailleurs, que la fresque rehaussée de mosaïquesa été exécutée par M. Moro, mosaïste de la maison Mauméjean àParis, qui a assuré aussi la décoration intérieure du Sacré-Cœurde Dijon.

Grâce à deux documents d'avant-guerre, très aimablementconfiés par M. le Curé, on peut se faire une idée de la décoration dumur, initialement nu, et dont Gascon nous dit qu'aux environs de1880 et grâce aux grandes dépenses du curé Dard pour remettreà. neuf le maître-autel et les deux petits autels, il reçut « la bellecroix et les quatre statues placées au-dessus de la baie ogivale »,tels que nous les devinons ici.

Certes l'église de Fontaine-Française ne provoque pas d'embléel'admiration du visiteur qui y pénètre pour la première fois ; ellelui semble plutôt hétéroclite. Cependant, une étude attentive del'édifice l'oblige à dévoiler un à, un ses secrets. L'église paraît alorsattachante et peu à. peu découvre ses beautés. Sa façade et sa nef,surtout, sont au nombre des jalons remarquables dans l'évolutionde l'architecture classique en Côte-d'Or. Et à ce titre, elle méritaitune analyse plus approfondie pour en préciser l'importance etl'intérêt historiques.

MOBILIER

Maître-Autel avec retable, de 1739, encadrant un tableau deSaint-Sulpice de 1 800 remplaçant l'ancien tableau de 1739 détruità la Révolution.

Retable constitué de colonnes jumelées supportant un enta-blement avec baldaquin, colombe de l'Esprit-Saint, angelotsjoufflus, etc. L'ensemble enlevé avant les travaux de 1739 et remisen place après les réfections de 1777.

Autels latéraux, l'un à. droite dédié à la Vierge, l'autre à gauche,sans doute à Saint-Sulpice (bien que le devis de 1806 de l'Ingénieurdes Ponts et Chaussées François Guillemot indique qu'il s'agit d'unSaint-Roch).

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FIG. 2. — MAÎTRE-AUTEL.

Les autels latéraux sont contemporains du Maître Autel de 1739et ont été remis en place après la confection des nouvelles voûtesde la nef en 1777. Ils reçoivent leurs statues en 1806.

Meuble-Armoire de Sacristie mis en place le 19 janvier 1788. Afait l'objet d'un devis du 9 mai 1787 de François Guillemot.

Grille en fer forgé du Maître-Autel faite, d'après devis du 18 avril1804 de François Guillemot.

Christ d'époque classique, déposé pour restauration en 1942,et reposé sur une croix neuve contre le mur sud de la nef.

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Statue gisante de Sainl-Sulpice du xvie siècle qui avait été placéesous la chaire (récemment déposée) et qui se trouve toujours à cetendroit. Autrefois, attribuée à Saint-Claude.

Sainte-Madeleine agenouillée, à manches à gigot, du xvi° siècle,en provenance d'un calvaire détruit et placée dans la piscine duxve siècle proche de l'autel de la Vierge, le 12 décembre 1943(Procès-Verbal de la restauration de l'Église).

Pierres tombales intéressantes :

— l'une en tête de la nef, de Guillaume Chevaulot, nobleécuyer trépassé le 14 janvier 1505 ;

— deux autres transportées dans la chapelle des Gevrey lorsde la réfection du pavage du chœur en 1857, et représen-tant Philiberte et Jehan de Vergy, décédés tous deux en1318.

Deux mortiers du xve siècle posés à droite et à gauche de la porteouest de l'église, sur le perron. En fonte coulée dans les hautsfourneaux de Fontaine-Française fermés en 1860. Ces mortierssont classés.