lexique de l’esthétique de roland barthes

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  • 7/30/2019 Lexique de lesthtique de Roland Barthes

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    DICTIONNAIRE INTERNATIONAL DESTERMES LITTRAIRES (DITL)

    Unicode.

    Norbert-Bertrand Barbe

    (Universidad Nacional Autnoma de Nicaragua)

    Lexique de lesthtique de RolandBarthes

    Sous la direction de / Edited byJean-Marie Grassin (Universit de Limoges)

    Participez au DITL ! Les remarques, suggestions, corrections sont les bienvenues dansce projet coopratif. Les spcialistes sont instamment invits proposer un article derfrence sur des notions relatives lesthtique barthsienne.Conseils pour les

    rdacteurs darticle . crire : [email protected]/ Contribute to the DILT ! Specialistsare invited to submit an article on the terminology of Roland Barthe : [email protected]

    Seules de brves citations sont autorises avec la rfrence : Barbe, Norbert B., Lexiquede lesthtique de Roland Barthes, in : Grassin, Jean-Marie (ed.), Dictionnaire

    International des Termes Littraires, http://www.ditl.info [date de la consultation].Copyright :Vita Nova

    Introduction

    Il est vident aujourd'hui que Roland Barthes (1915-1980) a euun rle central dans et pour la pense esthtique du XXme sicle.Nombreux sont ses mules et son principal apport la thorie sur l'artest sans doute d'avoir, par la pluridisciplinarit de sa dmarche,grandement contribu claircir les conceptions de l'esthtiquetraditionnelle. Le caractre systmatique de ses analyses et sa volontconstante d'intellectualisation n'ont laiss aucun "vide", aucun "creux",

    aucune "inconnue", dans l'laboration de sa pense. Le moindre terme,la moindre notion, par leur rcurrence au sein mme de ce que l'on

    http://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htmhttp://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htmhttp://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htmhttp://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htmmailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]://www.ditl.info/mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]://www.ditl.info/mailto:[email protected]://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htmhttp://www.flsh.unilim.fr/ditl/!conseils.htm
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    peut aujourd'hui appeler l'"uvre" de Barthes, ont permis un vritabletravail sur le sens. Nous pensons nanmoins que ce travail doit moinsporter, malgr ce qu'a voulu Barthes, sur les oeuvres qu'il a tudiesque, comme nous l'avons dit, sur l'esthtique traditionnelle. Or, en seraccrochant cette esthtique ambiante et en en claircissant lestermes et les notions de manire systmatique, Barthes nous permetd'en faire la critique. C'est pourquoi, afin de rendre encore pluspalpables ces termes et ces notions, dissmins dans l'ensemble del'uvre de Barthes, nous nous proposons dans les pages qui suiventd'en offrir un petit dictionnaire. (NBB)Adjectif: en tant qu'expression mme de "l'impossibilit de dire", selon Barthes,l'adjectif reprsente parfaitement le vide smantique de l'art, qui s'oppose par l

    mme la littrature. C'est pourquoi dans la terminologie barthsienne, le statutde l'adjectif recouvre compltement et de manire rcurrente la notion de"tautologie", v. "Poujadisme", "Rien", "Tautologie", "Tout".

    Affect : v. "Cadre", "Ethos/Pathos", "Frite", "Sentimentalisme (de l'art)".

    Analit : v. entre autres notamment "Animalit /Analit", "Femme", "Hystrie".

    Animalit/Analit : le Du Sublime (ouvrage attribu au philosophe et stociengrec Longin, qui vcut au IIIme sicle aprs J.-C., mais probablement antrieur- peut-tre du Ier sicle aprs J.-C. -; en 1674, Nicolas Boileau fut le premier en donner une traduction en franais dans ses uvres diverses, plusieurs foisrdite du vivant de l'auteur) et les phnomnistes (John Locke, David Hume)opposent traditionnellement le monde animal, qui n'a pas de langage et marche

    quatre pattes, l'humanit, langagire et "bipde" (en rfrence directe donc, onle voit, la dfinition aristotlicienne classique). Longin va mme jusqu' crireque chez l'animal la bouche est au niveau du derrire. Dans L'obvie et l'obtus (v.cette occurrence), Barthes oppose pareillement l'animalit la position debout("dresse") dans les niveaux d'"coute". La premire coute, animale, est pourlui celle des actes primitifs, la seconde celle du langage. Barthes confond doncici deux discours : premirement philosophique (l'opposition entre l'animalit etl'humanit, langagire) et psychanalytique (l'ide freudienne que l'art est une

    pulsion non totalement assouvie). Ainsi, Barthes oppose le langage (humain par

    excellence, coute "dresse") et l'art (premire coute, primitive, celle des

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    "bruits"). V. par ex. "Bruit", "Ecoute", "Entre-deux", "Freud (Sigmund)","Musique", "Oralit", "Primordial", "Psychanalyse".

    Arcimboldo (Giuseppe) : peintre de "caprices" italien (vers 1527-1593),reprsentant de l'illustre Ecole de Prague de l'empereur germanique, roi deHongrie et de Bohme, Rodolphe II (1552- 1612), clbre notamment pour ses

    portraits dont chaque lment (le nez, les yeux,...) est figur par un fruit, unlgume, un poisson, etc. Barthes lui a consacr un texte en 1978. Sans nul doutel'art d'Arcimboldo, avec celui de peintre franais contemporain Rquichot peut-tre (et celui du cinaste russe Eisenstein au cinma) est l'archtype, pourBarthes, de l'art comme "insignifiance", cause de la dcomposition des visagesde ses personnages (ce qui a d'ailleurs valu sa clbrit au peintre). Or cette

    dcomposition symbolise pour Barthes la "d-figuration", c'est--dire la mort dusujet linguistique, en ce qu'elle rend parfaitement l'impossibilit de l'art interprter les caractres, qu'il ne peut qu'imiter. V. "Dtail (statut du... en art)","Dcomposition", "Imitation", "Platon", "Rcit", "Sujet linguistique (perte du)","Visage".

    Aristote : philosophe grec (384-322 av. J.-C.). Barthes est sans doute l'auteur leplus proche d'Aristote, en ce qu'il analyse de manire beaucoup plussystmatique qu'aucun autre au XXme sicle, des oeuvres artistiques

    particulires qu'il essaie d'analyser par la mthode linguistique. En effet, laplupart des autres auteurs (historiens de l'art et esthticiens excepts, bien sr)proposent des classifications ou des thories gnrales de l'art, en ne s'attachant l'tude d'une oeuvre en particulier que rarement. Au contraire, les textes deBarthes abondent en analyses d'oeuvres prcises (d'Arcimboldo, d'Ert, deRquichot, de Steinberg, de Lucien Clergue, d'Eisenstein, de la Tour Eiffel,etc.).

    Art : par ce terme, Barthes dsigne souvent moins une forme d'art particulireque soit, d'une part, l'ensemble des arts autres que littraires dans leur ensemble(architecture, peinture, etc.), soit, d'autre part, selon le modle stocien (Aristote,Longin) et de quelques auteurs contemporains (Hana Jechov notamment), larhtorique en tant qu'art littraire.

    Art abstrait : l'art abstrait, en ce qu'il dcompose les formes, devient pourBarthes, comme l'art baroque, et notamment celui d'Arcimboldo, le paradigme

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    de l'art comme "d-figuration" et "perte du sujet linguistique". Il s'inspirenotamment en cela de la thorie de l'art contemporain mise en place par RobertKlein. V. notamment "Arcimboldo", "Baroque", "Cinma", "Dcomposition","D-figuration", "Klein (Robert)", "Sujet linguistique (perte du)".

    Arts analogiques : synonyme chez Barthes d'arts plastiques, mais plusprcisment cependant des arts du visuel (photo, cinma, et accessoirementpeinture).

    Auteur/Narrateur : la distinction entre l'auteur et le narrateur est souvent trsconfuse chez Barthes. Les deux s'identifient le plus souvent, le narrateur tantmme souvent vu comme suprieur l'auteur, en tant que le narrateur n'est autre

    que l'instance narrative, autrement dit le Verbe mme, crateur d'une ralitalternative qui organise de manire rationnelle le "brouill de la Vie". V. "Dieu","Ralit", "Verbe".

    Baroque : mouvement artistique caractris par l'importance donne ausentiment (v. "Sentimentalisme (de l'art)"), au naturalisme (v. "Nature"), etsurtout au dtail (v. "Dtail (statut du... en art)"). On comprend donc aismentson importance dans la pense esthtique de Barthes en tant que paradigme del'art. Ce mouvement se dveloppa durant une assez longue priode, qui vaapproximativement du XVIme sicle au XVIIIme sicle. Diffrentsmouvements se sont donc tout naturellement dvelopps paralllement, lamme poque, comme l'Ecole de Fontainebleau, le manirisme, le classicisme(rponse acadmique l'art baroque). Dans plusieurs textes, notamment dansArcimboldo et dans ses articles sur la musique, Barthes s'intresse de trs prs l'art baroque, symbole pour lui de la dliquescence de l'art. De fait, Barthesconsidre explicitement l'ensemble des arts comme baroque, puisqu'il va mme

    jusqu' qualifier de "baroque" les artistes contemporaines (Ert). V. "Brouill",

    "Romantique".

    Btise : l'art, pour Barthes, c'est la btise, comme le peuple (l'art abtit le peuple,le peuple aime l'art parce qu'il est bte, c'est pourquoi Barthes associe les deux).V. "Cadre", "Proltariat".

    Brouill : pour Barthes, l'art n'offre pas de sens, il n'est pas "illocutoire" (v. cetteoccurrence). Il n'a pas de finalit morale, sinon de "faire joli". Aussi son sens,

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    selon Barthes, est-il "brouill" (autrement dit inexistant), comme la Vie elle-mme, laquelle Barthes identifie l'art (les meilleurs artistes selon lui tant ceuxqui rendent cet aspect "brouill" de l'art, en abandonnant jusqu' la reproductionfidle du monde tel qu'on peut l'observer, car la ressemblance pourrait laisser

    penser que l'art aurait pour le moins un sens descriptif). V. "Description","Illocutoire", "Imitation".

    Bruit : autre terme de Barthes pour dfinir l'art comme un sens "brouill" et non"illocutoire" (v. ces occurrences).

    Cadre : pour Barthes, l'art n'est que cadre (autrement dit un amoncellement dedtails sans fil conducteur, v. "Dtail (statut du... en art)"). L'exemple le plusvident de cette pense est le rcit que fait Barthes d'une journe au cinma. Len effet, il explique que le film lui importait moins que la salle de projection,dont l'ambiance feutre et "noire" le prdisposait dormir ("ce noir... conduit lesujet (v. cette occurrence)... s'abmer finalement dans un cube obscur,anonyme, indiffrent, o doit se produire ce festival d'affects qu'on appelle unfilm", L'aventure smiologique, Points-Seuil, 1984, p. 408). Cet tat le rendaitvgtatif. Il se compare d'ailleurs explicitement une "frite". L'art est doncexplicitement pour Barthes ce sens vide qui abtit.

    Caractres : pour Barthes, les caractres, autrement dit les actants (lespersonnages littraires), en tant qu'exemples moraux qui doivent servir l'ducation du lecteur (c'est ainsi qu'actants, narrateur et lecteur sont parfoisconfondus chez Barthes), sont le propre de la littrature, l'art tant incapable decaractriser ses personnages. Les exemples implicites auxquels Barthes se rfrelorsqu'il reprend son compte cette thorie no-stocienne du rle moral des

    personnages littraires (en effet, on rencontre dj cette notion chez Longin)sont clairement les hros de Balzac et de Zola. V. "Description","Nose/Nome", "Polysmie".

    Chambre claire : titre d'un ouvrage de Barthes sur la photographie, paru en1980. Le titre aussi bien que le contenu de l'ouvrage est trs intressant, en cequ'il s'inspire de la notion de "camera oscura", typique de l'art moderne. Or la"camera oscura" n'tait rien d'autre qu'un appareil servant aux peintres dfinir

    les justes proportions et la perspective, ce qui, par contrecoup, imposa auspectateur de se tenir une distance prcise de l'oeuvre pour, pensait-on, pouvoir

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    l'apprcier totalement (un aboutissement extrme de cette conception tant lesanamorphoses). Il est vident ds lors que, pour Barthes, et ses articles sur lecinma le "disent" explicitement, l'art (ou plutt les "arts analogiques", pourreprendre sa terminologie) ne sont rien d'autre que des oeuvres vides de sens, et

    par l mme leur message provient, toujours selon Barthes, plus du cadre (ou dudtail, v. cette occurrence) que du sens (sociologique, historique, etc.), c'estencore dire plus de la forme que d'un vritable signifi (bien sr, il serait faciled'opposer cette conception rductrice de l'art les Vanits, archtypes des

    peintures " message"). V. "Dtail (statut du... en art)", "Formalisme". De plus,l'importance accorde au spectateur (v. "Eco (Umberto)", "Illocutoire","Nose/Nome", "Polysmie", "Spectateur", "Sujet linguistique (perte du)")dans la thorie structuraliste (chez Barthes et Umberto Eco notamment) est

    parfaitement mise en scne par la rfrence explicite que Barthes fait ici auprincipe de la "camera oscura".

    Cinma : art au premier plan, comme la photographie et la publicit, de lacritique barthsienne de l'art, car il associe abusivement ces formes d'expression l'art abstrait parce qu'elles sont contemporaines. V. "Klein (Robert)","Polysmie".

    Code : v. "Fonctions".

    Corps : en tant qu'il s'oppose la littrature qui est esprit, l'art, en tantqu'expression la plus basse de l'intellect humain, s'identifie tout naturellement

    pour Barthes au corps. V. "Dcomposition".

    Cuisine : pour Barthes, l'art s'identifie une "cuisine du sens". C'est pourquoisans doute son tude (1975) de la trs fameuse Physiologie du got (1825)d'Anthelme Brillat-Savarin est trs proche de ses analyses artistiques. PourBarthes, l'art est moins un produit de l'intelligence (puisqu'il est la forme la plus

    basse d'expression selon lui, v. "Corps", "Hirarchie des arts", "Primordial")qu'une praxis au mme titre donc que la cuisine.

    Culture : l'opposition entre l'art et la littrature passe chez Barthes par uneconception litiste de la socit. Ainsi oppose-t-il d'un ct la civilisation

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    contemporaine, inculte, proltaire ou "petite- bourgeoise", abtit par lesexpositions, et de l'autre la socit cultive et livresque des intellectuels. V."Expositions", "Poujadisme".

    Dcomposition : en tant que polysmique (v. cette occurrence), l'art apparat Barthes comme dgnr, d-form et d-formant. Barthes utilise ainsi pour

    parler de l'art des termes tels que : "dgnratrice", "d-former", "grouillement","vie larvaire", "embrouillement". L'art est ainsi identifi par Barthes la"moisissure" du "corps" et de la "peau" ("organe hypertrophi, cancreux,hideux", etc.). L'archtype de cette position de Barthes se trouve sans nul doutedans son travail sur Arcimboldo. V. "Arcimboldo (Giuseppe)", "Polysmie".

    D-figur : terme qui, dans Arcimboldo, dsigne l'art comme "perte du sujetlinguistique", c'est--dire comme preuve de l'impossibilit de l'art transcenderla simple reproduction des traits pour arriver rendre compte, interprter oucomprendre l'me de l'individu, ce que, selon Barthes (qui reprend en cela lathorie stocienne du personnage littraire comme "ethos"), fait la littrature,comme l'attestent les descriptions balzaciennes des personnages. V. par ex."Arcimboldo", "Caractres", "Dcomposition", "Ethos/Pathos", "Sujetlinguistique (perte du)", "Visage".

    Description : Barthes oppose la description en littrature (que ce soit proposdu roman moderne ou dans "L'Effet de rel" de 1968, Barthes affirme que toutdtail en littrature a pour le moins un rle descriptif, et qu'en cela il a unsignifi intrinsque) la description en art (Barthes affirme sans cesse que lamultitude des dtails en art, dont l'archtype est trs videmment pour luil'oeuvre d'Arcimboldo, brouillent le sens, et qu'en cela, par cette polysmie

    latente, l'art se vide de son sens, Barthes dira que l'art se "d-forme" ets'"infigure"). V. "Dtail (statut du... en art)", "Polysmie". Une telle oppositionreste nanmoins paradoxale il faut bien le dire, dans la mesure o d'un ctBarthes affirme que le sens en littrature vient du fait que chaque dtail y a aumoins pour rle de "faire vrai", alors que de l'autre ct Barthes crit que l'art estinsignifiant justement parce que les dtails n'y ont pour but que de dcrire,autrement dit de "faire vrai".

    Dtail (statut du... en art) : le statut du dtail en art, comme preuve del'"insignifiance" totale de ce dernier, est un thme - voire mme le thme -

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    central de l'esthtique barthsienne. V. "Baroque", "Chambre claire","Description", "Lettre", "Polysmie", "Sujet linguistique (perte du)".

    Diachronie : en linguistique dsigne soit le niveau de l'histoire ou du rcit(compte-rendu objectif des vnements) dans le texte littraire, niveau quis'oppose celui du discours (interprtation par l'auteur-narrateur des vnementsraconts) - mme si les deux niveaux sont toujours plus ou moins imbriqus -,soit l'tude de l'volution et des changements des phnomnes linguistiques,dans ce sens, la notion de diachronie s'oppose celle de synchronie (qui estl'tude des constantes des phnomnes linguistiques). Dans le propos qui nousintresse, nous dsignerons la diachronie comme ce qui dsigne chez Barthes leniveau du rcit dans le texte littraire, v. "Histoire". A noter toutefois que la

    diachronie - ou l'histoire donc -, lorsqu'elle dsigne chez Barthes le monde del'art s'oppose alors la notion de synchronie - ou de logique, de constance (v."Lettre") - littraire, en ce qu'elle est amoncellement de dtails sans suite. V."Arcimboldo (Giuseppe)", "Dcomposition", "Dtail (statut du... en art)".

    Dieu : terme par lequel Barthes dsigne gnralement le "dieu du rcit", maisqui peut aussi tre associ la figure du "hros" en tant que symbole ducaractre exemplaire du personnage littraire, la littrature tant pour Barthesavant tout morale (c'est--dire, selon la thorie stocienne dveloppe parLongin, la fois lgendaire et d'origine divine, v. "Verbe"). Barthes en veut pour

    preuve l'obsession de Ferdinand de Saussure qui voyait, dit-il, dans tout texteclassique le nom d'un "dieu" ou d'un "hros". Ce caractre "pique" et religieuxavou de l'oeuvre littraire chez Barthes marque la fois son rle d'exemple etde Logos, organisateur suprme de la ralit. V. "Dieu du rcit", "Hros", "Loidu texte (Logos)".

    Dieu du rcit : v. "Loi du texte".

    Dionysisme : on peut sans doute rapprocher la conception barthsienne du"Plaisir du texte" dveloppe dans l'ouvrage ponyme de 1973 de celle,nietzschenne, de "Gai Savoir" (selon le titre, l aussi ponyme, de l'ouvrage de1881- 1887 de Friedrich Nietzsche). De mme, il faut voir dans la conception

    barthsienne de l'art une reprise de la critique nietzschenne des "plaisirs

    dionysiaques" et de la "Muse voluptueuse" d'Aristote, et la reprise par lephilosophe allemande de l'opposition platonicienne entre d'une part la recherche

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    excessive du plaisir par l'homme et d'autre part la recherche de la puret et de lavertu spirituelle asctique par le surhomme.

    Discours"/"Rcit : La distinction linguistique traditionnelle entre le rcit (lesvnements raconts tels qu'ils se sont passs, sans les interprter) et le discours(mise en place dans le rcit d'une interprtation subjective des vnements de la

    part du narrateur) - les deux niveaux tant souvent troitement imbriqus dans letexte, puisque le locuteur les produit en mme temps (pour une dfinition plus

    prcise du rapport entre rcit et discours en linguistique et de ses diffrents sens,v. "Rcit") - devient chez Barthes le moyen d'opposer l'art, simple imitation nonintellective du rel (en ce qu'il ne vise qu'" faire vrai", pour paraphraserBarthes, c'est- -dire reproduire le monde tel qu'on le peroit), la littrature,

    qui s'identifie pour lui par excellence la conception notique (v. cetteoccurrence) du monde. V. "Dtail (statut du... en art)", "Diachronie","Idiolecte/Sociolecte", "Illocutoire", "Langue/Parole", "Nose/Nome", "Rcit","Synchronie".

    Dogons : socit africaine modle, selon Barthes, du monde primitif, oral et nonintellectuel, qu'il identifie pour cela explicitement au monde de l'art. V."Ecoute", "Primordial".

    Eco (Umberto) : italien, clbre smiologue et auteur succs contemporain. V."Spectateur".

    Ecoute : v. "Oralit". On notera cependant que pour Barthes l'art correspond la"premire coute", animale et non intellectuelle (en cela il s'identifie l'oralit,v. "Entre-deux", "Oralit"), alors que la littrature s'identifie la "secondecoute", elle intelligente et intellectuelle, ce que, dans la thorie stocienne, onappellerait la "phantasia katalptik" ou "prsentation comprhensive". Ainsi,s'opposeraient, selon Barthes, le signifiant (identifi, en tant que ralitcorporelle de l'air frapp et de manire assez peu logique, aussi bien l'art qu'la musique, au thtre, au mythe et l'oralit) et le signifi ou "lekthon" (sensmme du mot, incomprhensible pour un tranger). Cette conceptionlinguistique est directement inspire des stociens et de Saussure (en ce quiconcerne l'opposition entre le signifiant et le signifi, le premier tant considr

    comme l'"image acoustique" du second). Pour faire une comparaison clairante,on peut rapprocher ces deux niveaux de l'coute de la conception magique du

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    verbe chez les Dogons d'Afrique (cette peuplade, notamment tudie, comme onle sait, par Griaule, est cite comme modle de civilisation primitive caractrereligieux par Barthes, qui met en correspondance l'art d'Arcimboldo et lesmasques cultuels africains, v. "Primordial"). En effet, selon eux, le premier

    verbe, celui de la procration et de la gnration, qui est tabou et uniquementfminin, s'identifie la gnration physique (le fait de faire des enfants - ce quisymbolise, plus gnralement, l'tat du monde sauvage au moment de laCration, avant celle de l'homme -). La seconde parole est le langage lui-mme.Or pour Barthes dans "Ecoute", la premire coute s'identifie explicitement l'aguet des btes sauvages, au stade primordial donc de l'coute, alors que laseconde est bien celle, intellective, de la "parole".

    Empire des signes (L') : titre d'un ouvrage de Barthes sur le Japon (1970).Cependant, ce titre est trompeur et ne rend nullement la perception no-colonialiste de la culture japonaise, que Barthes considre comme exemplaire du"sens vide" (v. cette occurrence). En cela, la civilisation japonaise s'identifieexplicitement l'art, comme celle des expositions (proltaire et petite-

    bourgeoise selon Barthes) dans le monde occidental. V. "Japon".

    Empirique : notion assez vague chez Barthes, qui sert dsigner l'art comme unproduit religieux (c'est--dire primitif, pratique, rel - qu'on peut exprimenterquotidiennement sans pourtant que cela n'entrane d'interprtation du

    phnomne de la part de la nose -, et donc non intellectuel) de la nature ou ducorps (v. ces occurrences).

    Entre-deux : pour Barthes, la musique, le thtre et l'oralit, en tantqu'intermdiaires entre le non sens (ou le sens vide, si l'on prfre) de l'art et le

    "Tout" smantique (v. cette occurrence) de la littrature, s'identifient au domainede l'"entre- deux" dont les "intermezzi" sont, selon lui, les archtypes enmusique. V. "Musique", "Mythologies", "Oralit", "Thtre".

    Epique : v. "Dieu", "Histoire".

    Esthtique : Il est trs clair que la pense de Barthes sur l'art a deux sourcesprincipales, esthtique et linguistique. V. "Influences", "Linguistique".

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    Ethos-Pathos : v. "Stocisme".

    Etonnement : v. "Prmisses", "Zro (degr)".

    Expositions : pour Barthes, la civilisation des expositions est par essencepopulaire et inculte. Il l'oppose la civilisation de son enfance, livresque etintellectuelle. V. "Culture".

    Femme : comme Jung (L'Ame et la Vie) faisait dj de l'art le "domaine desmres", Barthes identifie l'art la fminit. C'est notamment sensible dans sontexte sur Ert (1973), reproduit dans L'obvie et l'obtus. Dans son texte surArcimboldo, il parle ainsi de "Terre-Mre" et de "monde de la Mre" pourdfinir l'art du peintre. L en effet, comme Nietzsche identifiait l'art du masque la femme (trompeuse par essence, selon lui), Barthes parle de "Masque", notionqu'il associe celle de "Femme". Dans la rf. concurrente la "bouche" et la"fente sparatrice" de la "schizophrnie" de l'artiste - symbole explicite pour

    Barthes de cette "fminit mythique" -, il faut voir une allusion, assez explicite, la conception freudienne de l'art comme expression d'une pulsion sexuelle nonaboutie et, donc, selon Sigmund Freud (Malaise dans la civilisation, 1930),anale.

    Ftiche : v. "Femme", "Mythologies".

    Folie : Barthes, notamment dans ses articles sur la musique, identifie le "gnie"artistique une forme de folie, ce qui revient en fait pour lui faire de l'art uneforme d'involution (v. cette occurrence). Barthes va jusqu' parler d'"angoisse",de "panique", d'artiste "fou" ("vrit symbolique"), de meurtre et de"schizophrnie" propos de l'art pictural, et de "traumatisme" propos de la

    photographie.

    Fonctions : ensemble, que Barthes a dfini dans l'"Introduction l'analysestructurale des rcits", des relations syntaxiques qui, au niveau linguistique,

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    structurent dans le texte les diffrents lments du rcit entre eux. Cette notionqui dfinit pour Barthes la littrature comme un "code", c'est--dire comme unmessage "illocutoire", v. cette occurrence. A l'inverse, l'art n'aurait pas, pourBarthes, de "fonction", et donc pas de "code", il ne s'tablirait donc que dans le

    domaine du sentiment et du mythe (v. ces occurrences), et non de l'intellect.Forme : selon Barthes - qui suit en cela un prcepte de l'esthtique traditionnelle-, l'art n'est que formel et non intellectuel, il s'oppose en cela la littrature. On

    peut donc affirmer que l'esthtique barthsienne est formaliste.

    Formalisme : v. "Forme".

    Freud (Sigmund) : mdecin autrichien, pre de la psychanalyse (1856-1939).V. "Femme".

    Frite : v. "Cadre".

    Gnie : v. "Folie". Il faut cependant noter que l'crivain s'identifie pour Barthes,notamment dans l'"Introduction l'analyse structurale des rcits"(Communications 8, 1966), au "gnie" en tant qu'organisateur du monde (v."Holophrastique"). Cette notion, applique l'crivain, le dsigne doncclairement comme un "dieu du rcit". V. par ex. "Dieu", "Verbe".

    Haka : les haka (sing. haku), pomes courts typiques de la littrature

    japonaise, sont au centre mme de la rflexion de Barthes sur le Japon. Leuraspect toujours descriptif et naturaliste fait supposer Barthes que la culturejaponaise est avant tout descriptive et non morale, ce qui le conduit avoir surelle, comme sur les populations dites "primitives", un point de vue que nousqualifierions de no-colonialiste (car il considre ces cultures comme des sous-cultures l'instar de celle de l'art, et c'est pour cette raison que la culturelivresque occidentale les dominerait). V. "Culture", "Dogons", "Empire dessignes (L')", "Oralit", "Petit-bourgeois".

    Dbat:

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    ce qui est dit lentre haikai ma fait sursauter : haikai est prsent

    comme le pluriel de haiku , ce qui est une erreur (nullement imputable

    Berthes; la distinction singulier/pluriel nexiste pas en japonais) et la culture

    japonaise comme une sous-culture que la culture occidentale dominerait

    aux yeux de Barthes : on de doit pas avoir lu les mmes textes de Barthes! MD

    Voir larticle HAKU du DITL : http://www.flsh.unilim.fr/ditl/ARTHTM/HAIKU.htm

    Hros : terme qui renvoie, chez Barthes, la conception moral du personnagelittraire comme exemplum, notion que Barthes dveloppe abondamment, v."Caractres".

    Hirarchie des arts : Barthes, conformment aux thories philosophiquesclassiques, tablit implicitement une hirarchie des arts, au sommet de laquelle il

    place la littrature.

    Histoire : en philosophie, la notion d'histoire dsigne ce qui distingue l'hommede l'animal, les animaux agissant sans conscience collective, alors que les actes

    de l'humanit vont tous vers une mme finalit (que ce soit, selon les interprtes,le progrs ou ce qu'on a appel la "fin de l'histoire"). Pour Barthes, la notiond'histoire, qui s'identifie la diachronie (le "chronotope" de Bakhtine), dsigne,au niveau littraire, le cadre descriptif de l'oeuvre qui permet aux caractres (lesactants) d'entrer en scne. En ce sens sans doute, on peut dire que Barthesconsidre l'histoire autant du point de vue philosophique (comme symbole de laconscience sociale, distinctive de l'homme, et dont l'archtype est l'histoirelittraire) que du point de vue de la rhtorique classique car, comme le rappellefort justement par exemple Thomas Dacosta Kaufmann propos des peintures

    d'histoire de L'cole de Prague (Flammarion, 1985, pp. 88-89), "Le terme"histoire", dans le sens o il est driv des antiques traditions thoriques etcritiques, signifie l'origine le rcit, ainsi que le premier sens du mot "histoire"le laisse entendre. Le terme histoire est effectivement utilis dans ce sens,comme mot dsignant un rcit narratif peint, dans les anciennes expressionstoutes faites, dans les descriptions de tableaux de la littrature et de la rhtoriqueantiques. Dans les crits de la Renaissance, ce terme signifiait, trsgnralement, la peinture de sujets comportant certains lments narratifs, c'est--dire des thmes humains dont le contenu pouvait tre d'inspiration biblique,mythologique, historique ou allgorique". Or, comme on l'a dit, c'est justement

    par cette inscription de l'humanit ( conscience sociale d'une part, sur le plan

    http://www.flsh.unilim.fr/ditl/ARTHTM/HAIKU.htmhttp://www.flsh.unilim.fr/ditl/ARTHTM/HAIKU.htm
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    historique, et comme productrice d'actes d'autre part, sur le plan littraire) dansune trame narrative que l'histoire (ou chronotope) devient, selon Barthes,

    productrice de caractres (v. cette occurrence).

    Histoire de l'art : le rapport de Barthes l'histoire de l'art est complexe dfinir. Il est clair nanmoins que, dans ses analyses sur l'art, Barthes utilise unedouble perspective propre l'histoire de l'art elle-mme : c'est--dire la foishistorique (voire historiciste - v. cette occurrence -, au sens o Dumzil utilisaitce terme) et critique (question de la forme, v. cette occurrence).

    Historicisme : conception qui n'aborde la question de l'art que par le biais de lavie de l'artiste et des influences formelles qu'il a pu subir de ses contemporainsou des matres qui lui sont directement antrieurs. Une telle position s'oppose la technique mise en place par l'Ecole de Warburg et qui consiste considrerl'oeuvre d'art comme un tmoignage sociologique.

    Holophrastique : terme qui, en linguistique, dsigne les langues dans lesquellesune phrase s'exprime par un mot unique. En identifiant explicitement la notion

    de "gnie" la "performance" chomskienne dans l'"Introduction l'analysestructurale des rcits", Barthes impose de voir le "code" littraire comme le

    passage de ce que Noam Chomsky nomme la "ralit psychologique de lastructure profonde" et "holophrastique" une maturation structure de la langue(v. l'opposition "Langue/ Parole" chez Barthes). Autrement dit, pour Barthes, le

    phnomne littraire se rsout dans l'opposition de l'oeuvre son milieu (ce queBakhtine nomme l'"hybridation" - l'oeuvre littraire tant avant tout pourBarthes, et juste titre, le tmoignage culturel et sociologique -). Ainsi, si l'onrapproche cette conception de Barthes, qui veut que l'"htroclite du langage"

    soit organis par le scripteur (v. "Dieu", "Langue/Parole", "Verbe"), de la notionchomskienne de la "structure" "holophrastique", on s'aperoit que ce dernierterme (qui, comme on l'a dit, dsigne traditionnellement les langues danslesquelles une phrase est exprime par un mot - et bien que le concept auquel ilrenvoie ne soit pas directement barthsien, mme si, comme on vient de le voir,il entre parfaitement dans la thorie de Barthes -) rend clairement perceptible lavision barthsienne du langage comme "deuxime coute" et, partant, de l'artcomme expression du domaine "primordial" de l'"animalit" et de la "premirecoute" (v. ces occurrences) - les deux tant lies -.

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    Hypertrophi : notion qui renvoie chez Barthes l'ide que l'art se perd sous lesdtails "en trop" et se dcompose donc, se pourrit sous ce trop plein et devientmort ou sens vide ("organe hypertrophi, cancreux, hideux"). V. "Dtail (statutdu... en art)", "Dcomposition".

    Hystrie : terme qui Barthes emploie propos de l'art. Ce terme renvoie la fois l'ide de la folie et de la fminit (le mot "hystrie" vient, tymologiquement,d'"utrus") de l'art. V. "Femme", Folie".

    Idiolecte"/"Sociolecte : v. "Langue/Parole".

    Illocutoire : tout acte de parole ralisant en mme temps l'action indique par lemot (selon la dfinition qu'en a donne J.-L. Austin). Les linguistiquess'accordent d'ailleurs considrer que, d'une manire ou d'une autre, tout nonc

    peut tre considr comme illocutoire (on dit aussi "illocutionnaire"). Mais lecaractre "illocutoire" de la littrature dsigne pour Barthes tout autre chose.Platon (v. l'article correspondant infra) opposait l'objet, qui est la fois essenceet forme, l'art qui n'est ni objet ni essence, mais seulement forme. En cela,

    Platon considrait, comme Barthes le fera (v. "Masque"), que l'art est trompeur.De la mme manire, en disant que l'art n'est pas illocutoire, Barthes veut en faitlaisser entendre que l'art, la diffrence du langage, n'a pas la capacit de crerune essence (selon l'ide mise par Locke et Hume notamment, et reprise par la

    psychologie du langage, qui voudrait que l'objet prenne une consistance rellelorsqu'on le nomme - ce courant, qu'on a parfois appel "nominaliste", pose enralit la question du rapport entre la nose et le nome, v. ces occurrences, elle-mme au centre de la problmatique barthsienne sur l'art -).

    Imitation : pour Barthes, comme pour Platon, l'art, qui ne rend ni l'essence del'objet ni l'objet lui-mme dans son intgrit, n'est qu'une tromperie, un leurre,une ple imitation. V. "Masque".

    Inchoatif: par ce terme emprunt la linguistique (qui l'emploie pour dsignerun verbe qui exprime un commencement d'action), Barthes entend exprimer que

    l'art n'a pas de sens, mais n'est qu'un "sens vide", c'est--dire en l'occurrence, un

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    dpart de sens, et non un "sens plein" (v. cette occurrence), ce qu'est, selon lui lalittrature.

    Indchiffrable : v. "Brouill".

    Idiosyncrasie : v. "Langue/Parole".

    Ineffable : v. "Indchiffrable".

    Influences : les influences de Barthes sont multiples et d'autant plus difficiles dfinir qu'il ne les cite que rarement explicitement (en cela il fait vritablementoeuvre de critique, comme ses exgtes l'ont trs souvent not). Encore n'est-ce

    jamais que pour rfrer un auteur contemporain, le plus souvent lui-mmereprsentant du mouvement structuraliste dont Barthes se revendique. Ainsi, siBarthes cite plusieurs reprises Lacan ou Saussure, de telles rfrences

    paraissent bien minces pour comprendre sa position esthtique (bien qu'on soit

    la fois surpris et intress de dcouvrir parfois tel article de jeunesse sur ClaudeLvi-Strauss ou, ailleurs encore, une rfrence explicite Eco, MauriceMerleau-Ponty ou au stocisme). On peut nanmoins, malgr ce silence obstinde Barthes, citer avec quelque certitude un certain nombre de sources sonesthtique : 1/ stocienne (pour l'approche linguistique de l'art), 2/

    phnomniste (pour le statut privilgi accord au langage), 3/ hglienne(pour la hirarchie des arts). Et, plus gnralement : 1/ esthtique (comme onvient de le voir); 2/ sociologique (pour la notion de mythologies); 3/

    psychanalytique (en ce qui concerne la notion d'oralit et son rle dans ledveloppement intellectuel de l'enfant comme des socits primitives); 4/ etlinguistique, bien sr. V. par ex. "Linguistique", "Mythologies", "Oralit".

    Innisme : courant de la philosophie, fond sur la croyance aux ides innes. Enpistmologie gntique, ce courant, notamment reprsent par Chomsky (quis'oppose sur ce point Jean Piaget), dveloppe la croyance en l'ide que c'est laconscience inne - voire gntique - de la grammaire (dont les bases sontapparemment communes toutes les langues humaines) qui permettrait au jeune

    enfant d'assimiler le lexique et la syntaxe de sa langue maternelle (alors que, parexemple, et bien que jusqu' l'ge de trois ou cinq ans, leur dveloppement

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    intellectuel soit plus rapide que celui de l'enfant humain, le bb singe, mmelev entirement par des hommes, ne peut pas, comme l'ont prouv denombreuses expriences, acqurir de langage articul). Ainsi selon Barthes, lalittrature est suprieure l'art en ce qu'elle est une forme suprieure de

    l'intellect. Or paradoxalement, il pense que c'est le fait que l'homme ne prexiste,selon lui, "ni ontogntiquement ni phylogntiquement" la littrature quidonne celle-ci sa suprmatie sur l'art. Une telle position est, on s'en rendcompte, contradictoire. Elle s'explique cependant si l'on considre que, pourBarthes, cette antriorit affirme de l'crit sur l'homme (ce qui correspond enfait l'ide chomskienne que le langage est inn) renvoie une conception dutexte comme Verbe (v. cette occurrence).

    Insignifiance : v. "Brouill".

    Intermezzi : v. "Entre-deux".

    Involution : terme qui, en psychanalyse, dsigne une rgression psychologiquede l'individu (ou encore un dsir de retour un tat foetal antrieur). C'est

    pourquoi on peut dire qu' la littrature qui, pour Barthes, reprsente unevolution la fois sur le plan individuel (comme aboutissement de la pensechez le jeune enfant) et sur le plan culturel (passage des civilisations primitives,orales et mythologiques, celle de l'criture), s'oppose l'art comme involution etretour vers la barbarie, en tant qu'absence totale de signe (ou, pour mieux dire,de signifi).

    Japon : v. "Empire des signes (L')".

    Klein (Robert) : historien de l'art, mort suicid en Italie (1918-1966). Trsvisiblement la conception rductrice qu'a Barthes de l'art contemporain vient descrits d'auteurs comme Klein ou Eco. Klein, par ailleurs brillant historien de l'artmoderne, postule en effet, et abusivement, que l'art contemporain perd son sensdu fait qu'il n'est plus reprsentatif. Une telle position se retrouve chez Barthesqui postule plus radicalement (dans All except you notamment) que l'abstractionde l'art contemporain est la preuve patente de l'insignifiance gnrale de l'art. V."Polysmie".

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    Langue"/"Parole : reprenant la distinction de Saussure, Barthes identifie la"langue" au "sociolecte" (qui, comme l'crivait Saussure, "est un produit socialde la facult du langage et un ensemble de conventions ncessaires adoptes parle corps social, pour permettre l'exercice de cette facult chez les individus") et

    la "parole" l'"idiolecte" (l'utilisation personnelle de la langue par chaqueindividu en tant que, comme l'crivait encore Saussure, "acte individuel devolont et d'intelligence"). Selon Barthes, la premire s'identifie l'oralit et estencore un sens brouill, dans la mesure o la communication orale relvesouvent d'un "code" "lche". Ainsi, dire bonjour ou demander l'heure ne sont

    pas, selon Barthes, des actes langagiers possdant un signifi fort. A l'inverse, laparole, individuelle, correspondrait l'action de l'individu sur la langue. En cela,par ce caractre idiosyncrasique, la parole personnelle s'identifierait, sanstoutefois que la raison en soit parfaitement claire, la littrature, en tant qu'elleapparat alors Barthes comme organisatrice du monde, v. "Hirarchie des arts".Cette opposition entre langue et parole permet de comprendre l'association

    barthsienne entre l'oralit, le mythe et les arts comme sens vides.

    Lettre : la lettre est, dans le discours barthsien sur l'art ( propos d'Ertnotamment), le symbole mme de la permanence du sens en littrature,"univoque, canonique"; ce en quoi la littrature s'oppose l'art, polysmique et"brouill" par un "grouillement" de dtails "en trop", qui justement dcomposent

    la "Lettre" et son "Esprit" (sa permanence donc). V. "Brouill","Dcomposition", "Dtail (statut du... en art)", "Rien", "Tout".

    Leurre : terme rcurrent chez Barthes pour dfinir l'art comme imitation (v.cette occurrence).

    Linguistique : c'est par le biais linguistique que Barthes analyse toujours l'art,comme en tmoignent ses articles sur l'art qui, comme ceux sur la littra--ture,comprennent invariablement une introduction mthodologique orientationexclusivement linguistique (mme si la valeur linguistique relle de laterminologie qu'il emploie dans ses articles sur l'art est parfois sujette caution,ce qui peut nanmoins se comprendre ds lors qu'on songe qu'elle est employehors de son contexte habituel). Dans Arcimboldo comme d'une manire moinssystmatique cependant dans All except you (ouvrage posthume sur les dessinsde Steinberg), Barthes va mme jusqu' n'aborder l'analyse de ces oeuvres que

    par la rfrence constante au vocabulaire et aux notions de la rhtoriqueclassique. V. "Rhtorique".

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    Logique : pour Barthes, la littrature est logique, l'art au contraire est"illogique", incomprhensible, "indchiffrable", etc. V. "Synchronie".

    Loi du texte (Logos) : pour les stociens, le Logos dsigne la fois l'instancesuprieure organisatrice du monde et le langage. Selon cette conception et dansune optique la fois nominaliste (ide que l'objet prend corps - ou devientintelligible l'esprit - lorsqu'on le nomme) et structuraliste (prdominance del'activit notique), Barthes en arrive dvelopper une conception magique del'crit, comme "Tout" smantique, oppos au "sens vide" de l'art. L'crit devientalors une sorte de mtamorphose du Verbe gnsiaque, et le narrateur, en tant

    qu'instance narrative, le "dieu du rcit". V. "Auteur/Narrateur", "Dieu","Nose/Nome", "Tout", "Verbe".

    Longin : grec du IIIme sicle aprs J.-C., philosophe stocien. Le Du Sublime,oeuvre qui lui est attribue, apparat vritablement, par l'ensemble des pointsqu'elle traite, comme une base fondamentale pour l'tude des sources del'esthtique barthsienne, et notamment pour de ses rapports avec la penseantique et, plus prcisment, bien sr, aristotlicienne et stocienne, v.

    "Animalit/Analit", "Art", "Caractres", "Dieu", "Thtre".

    Magique (statut... de l'crit chez Barthes) : v. "Verbe".

    Masque : v. "Femme".

    Mcaniques (arts) : si l'on conoit bien l'esthtique barthsienne comme uneopposition entre l'art, non signifiant et inconscient, et la littrature, art suprme,art par excellence (en tmoigne la confusion entre les notions d'art et derhtorique chez Barthes, comme chez nombre d'autres auteurs d'ailleurs, ainsiqu'on l'a vu), il apparat clair qu'une telle conception renvoie l'ancienneopposition entre les arts mcaniques et les arts libraux. V. "Muette (posie)".

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    Mlancolie : notion qui, dans Ert, recouvre implicitement celle de"schizophrnie", dont Barthes dfinit le temprament comme "triste etindiffrent". On voit que la vision barthsienne de l'artiste reste trs classique. V."Femme", "Mcaniques (arts)".

    Mre (domaine de la) : terminologie que Barthes emprunte Jung pour dfinirl'art comme tant involutif. V. "Femme".

    Mtonymie"/"Mtaphore : la mtonymie (du grec "metnumia", "changementde nom") est un procd rhtorique par lequel peuvent tre exprims l'effet par

    la cause, le contenu par le contenant, le tout par la partie, etc... La mtaphore (dugrec "metaphora", "transport"), autre procd rhtorique, correspond quant elleau transport du sens d'un mot un autre par une comparaison sous-jacente. C'est

    pourquoi, dans L'obvie et l'obtus, Barthes oppose "mtonymie" et "mtaphore",la seconde s'identifiant, selon lui, l'art en tant qu'image (puisqu'elle n'est pasune transformation du sens, une interprtation, mais une simple comparaison,une image justement), alors que la premire, en tant que dnotation (puisqu'elledporte le sens pour en rcrer un nouveau), s'identifierait la littrature. On

    peut donc dire que, pour Barthes, la mtaphore est un sens obtus (ou,tymologiquement, "bouch" - autrement dit "vide", comme l'art -) et lamtonymie un sens obvie (qui, conformment l'tymologie du mot, va larencontre du sens).

    Mode : v. "Cinma".

    Moi"/"Sur-Moi : reprenant une terminologie psychanalytique, qu'on trouvenanmoins dj chez Hegel (Phnomnologie de l'esprit), Barthes considre l'art,en tant qu'involution, comme l'expression du Moi (il serait sans doute plus juste,

    pour tre totalement fidle la terminologie psychanalytique, d'identifier en cesens l'art au Soi, partie immerge et inconsciente du Moi).

    Mort : l'art tant par excellence le "sens vide" que Barthes dfinitabondamment, il en dcoule que, sur le plan symbolique aussi bien que

    personnel (toute la rflexion de Barthes sur la photographie dans La chambreclaire partira d'une photo de sa mre qu'il voit avec nostalgie comme le symbole

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    du temps qui passe), l'art s'identifie la mort. C'est sans doute pourquoi Barthesprivilgie (bien que rien ne soit aussi clair) l'tude des oeuvres d'art baroques(priode o se dveloppa l'art des Vanits) et contemporaines (brouilles, ou

    plutt dchires - Barthes parle de "fendre", v. "Femme" -, par l'absence de tout

    repre et, partant, archtypes de cette mort du Moi, que Barthes identifie lamort du sujet linguistique). V. "Caractres", "Moi/Sur- Moi", "Sujet linguistique(perte du)". Le titre Langage des sables (1980), ainsi que la vision que nousnommerions la fois "animiste" et "panthiste" que Barthes dveloppe dans sontude des photos de Clergue (aspect primordial des lments naturels - roche,mer -, auxquels s'attache essentiellement le photographe, et qui, selon Barthes,

    photographis par la main de l'homme, deviennent des symboles gnsiaques),rendent bien ce caractre phmre de l'art. V. "Nature", "Primordial", "Dieu","Verbe".

    Muette (posie) : l'art pour Barthes, qui reprend en cela une conceptionclassique, est dvaloris par rapport la littrature car il n'est rien d'autre qu'une"muta poesis". L'art reprsente mais n'explique pas. V. "Hros", "Mcaniques(arts)", "Mtonymie/Mtaphore".

    Musique : la musique, pour Barthes, est, comme les autres formes d'art, dudomaine du non sens, de l'"indchiffrable". Le chant (dont l'archtype pourBarthes est l'art de Panzra) est rvlateur de cette position. En effet selonBarthes, le chanteur, comme l'acteur, ne doit pas doubler l'aspect pathtique dutexte par un jeu outrancier. Or il considre que les chanteurs modernes sont tropexpressifs. Il en dcoule, de manire explicite, par contrecoup que pour Barthes,la musique et le chant (bien que, par dfinition, celui-ci soit textuel) relvent du

    pathos. Ils en relvent mme doublement, en tant que "tautologies" (v. cetteoccurrence), comme Barthes l'crit plusieurs reprises.

    Mythe : v. "Mythologies".

    Mythologies : titre du plus clbre ouvrage de Barthes (1957). La notionbarthsienne de "mythologie" doit tre mise en rapport avec son quivalent chezLvi-Strauss notamment, mais aussi chez Pierre Saintyves ou James GeorgesFrazer. Le mythe, pour ces auteurs, dsigne le contenu des lgendes, voire des

    structures sociales, des populations primitives et orales. Selon Saintyves etFrazer, ce qui distingue les mythologies primitives des croyances de la

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    civilisation moderne, c'est que les premires s'identifieraient des "rituelsmagiques", dont le but serait de procurer au sauvage un bien immdiat, alors queles secondes auraient une vocation "morale" (v. "Dieu", "Hros"). De mme

    pour Barthes, les "mythologies" sont les croyances populaires, proltaires et/ou

    "petites-bourgeoises" des masses populaires contemporaines, croyances(symbolis, comme le rappelle souvent Barthes, par la multiplication desexpositions, v. cette occurrence) qui les abtissent et dtournent leur esprit desoeuvres intellectuelles (c'est--dire de la littrature). Dans L'obvie et l'obtus parexemple, Barthes peut ainsi dfinir l'art comme une "asymbolie", un "tabou" ouun "ftiche". V. "Oralit".

    Narrateur : v. "Auteur/Narrateur".

    Nose/nome : le rapport entre la nose (le spectateur) et le nome (l'objetregard) fait explicitement, chez Barthes comme chez Eco (dans un optique

    purement structuraliste), du spectateur le producteur du sens en art, v."Illocutoire", "Polysmie".

    Nature : pour Barthes, l'art, corporel et non intellectuel, s'identifie pour cela nonpas au cosmos de culture, mais celui de nature. C'est justement le naturalismedes haka qui amne Barthes conclure l'insignifiance de la culture japonaise.V. "Baroque", "Culture", "Haka", "Japon".

    Nominalisme : v. "Illocutoire".

    Obvie et l'obtus (L') : titre d'un ouvrage posthume de Barthes (1982). Sansdoute, avec Mythologies, le plus important pour comprendre sa conceptionesthtique, ne serait-ce que parce qu'il regroupe lui seul la plupart de sesarticles sur l'art, la musique, la photo et le cinma. Cependant, la distinctionentre les notions voques par le titre ne parat pas absolument claire chezBarthes. On peut en gros dire que le sens obvie correspond la littrature, entant que "sens plein" (ou "signe complet"), alors que l'art s'identifierait au sensobtus ou insignifiant car " la fois ttu et fuyant, lisse et chapp".

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    Oralit : au niveau individuel, l'oralit reprsente pour Barthes un stadeinfrieur du dveloppement infantile. Au niveau social, la notion d'oralitrenvoie trs clairement chez Barthes l'univers primitif des socits sauvages. Aces socits primitives et orales, s'opposerait la civilisation de l'criture. Barthes

    le dit trs clairement dans deux textes contemporains (parus tous deux en 1976),un article intitul "Ecoute", et l'introduction La civilisation de l'criture deRoger Druet et Herman Grgoire. On voit donc que la notion d'oralit renvoiechez Barthes celle de "mythologies" (v. cette occurrence).

    Panzra : clbre chanteur d'opra, et archtype du chanteur pour Barthes. V."Musique".

    Peau : v. "Corps".

    Petit-bourgeois : terme typiquement barthsien qui dsigne l'absence de culture,voire mme plus, la haine de la culture. Ainsi, le poujadisme, les civilisationorales, le proltariat, la civilisation des expositions, sont autant de milieux qui

    peuvent tre considrs comme ayant cette mentalit "petite -bourgeoise". V.

    "Culture", "Dogons", "Expositions", "Japon", "Mythologies", "Oralit","Poujadisme".

    Photographie : v. "Cinma".

    Platon : philosophe grec (428 ou 427-348 ou 347 av. J.-C.), disciple de Socrate.

    Barthes se rapproche de Platon en ce qu'il considre que l'art, incapable derendre l'essence de l'objet reprsent ( la diffrence de la philosophie selonPlaton, et de la littrature selon Barthes), n'est qu'imitation. V. "Aristote","Imitation".

    Plein (sens) : en tant que "sens plein" ou "complet", la littrature s'oppose l'artselon Barthes. V. "Vide (sens)".

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    Polysmie : en linguistique, proprit d'un mot qui a plusieurs sens.Paradoxalement, alors que la polysmie de la littrature est, selon Barthes,

    productrice de sens, la polysmie en art apparat comme l'expression et la preuvemme du "sens vide" de l'art. On retrouve la mme thorie, mais cette fois de

    manire plus gnrale, aussi bien pour l'art que la littrature, chez Eco (L'oeuvreouverte, 1962). Peut-tre une telle conception de la polysmie en art, quidcoule en bonne partie du statut privilgi de la nose dans la thoriestructuraliste, trouve-t-elle aussi sa source dans les crits d'historiens de l'art,notamment de Klein, sur l'art contemporain auquel, on le sait, Barthes s'est

    beaucoup intress, du fait que justement l'art contemporain marque l'absencetotale de rfrent (puisqu'il ne reproduit plus le rel tel qu'on le voit) et par lmme, selon Barthes, de sens (le sens en art n'tant, selon Barthes, que formel).V. "Dtail (statut du... en art)", "Dcomposition", "Vide (sens)".

    Poujadisme : ce que Barthes dfinit comme "poujadiste" est en fait une formede "rvisionnisme" qui dnie tout intrt l'activit exgtique et intellectuelle.Le terme "poujadisme" (en rf. au parti d'extrme droite de Poujade) est donccorollaire, dans la pense barthsienne, de la "tautologie" (v. cette occurrence)dont, toujours selon Barthes, il est l'archtype.

    Praxis : v. "Cuisine". L'art en tant qu'expression la plus basse de l'intellecthumain s'oppose selon Barthes la littrature, bien que Barthes insiste sur lanotion de pratique (d'apprentissage) dans la culture savante (v. "Culture"). Ilcrit ainsi que les vrais amateurs de musique, ceux qui, comme lui, ont eu uneducation classique (livresque et intellectuelle donc), savent au moins le solfge.Il oppose ces amateurs clairs la masse populaire contemporaine qui aimen'importe quoi parce qu'elle ne sait pas apprcier la forme relle de l'art. C'est ence sens, on s'en rend compte, qu'il faut comprendre la notion de praxis chezBarthes comme rvlateur non pas d'un lment de la culture, mais bien de l'art

    (en l'occurrence la musique) comme artisanat (v. "Mcaniques (arts)").

    Prmisses : v. "Zro (degr)".

    Primordial : pour Barthes, l'art, en tant qu'expression la plus basse de l'intellect,est primordial, primitif, involutif, v. "Femme". Il en veut pour preuve historique

    le fait que les premires oeuvres de l'humanit sont les peintures paritales,l'criture tant postrieure ces formes d'expressions, unanimement reconnues il

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    est vrai comme marques de l'apparition d'une conscience sociale - ou du moinsreligieuse - chez les hommes prhistoriques.

    Proltariat : sous-classe de la population, inculte et abtit par les expositionsselon Barthes (qui pourtant, dans "Suis-je marxiste?", Lettres Nouvelles, juillet-aot 1955, fait une dclaration de principe par laquelle il avoue implicitementtre un auteur "de gauche"). V. "Culture", "Expositions", "Petit-bourgeois".

    Psychanalyse : la terminologie psychanalytique employe par Barthes n'est pasplus conforme que celle qu'il emprunte la linguistique (v. cette occurrence).

    Vague et sans qu'elle recouvre les notions relles que lui attribuetraditionnellement la psychanalyse, elle doit cependant tre note car la foiselle rvle pleinement la pense de Barthes sur l'art et elle permet de mettre au

    jour ses influences (notamment freudienne et jungienne). V. "Folie", "Freud(Sigmund)", "Hystrie", "Moi/Surmoi", "Schizophrnie".

    Publicit : v. "Cinma".

    Ralit : pour Barthes, l'crit est une ralit en marge du monde "rel" (la"seconde coute" dont nous avons parl, v. "Ecoute"), lui-mme imaginaire parrapport la "loi du rcit", loi qui l'organise et l'explique. V. "Dieu", "Hros","Nose/Nome".

    Rcit : en linguistique, le niveau du "rcit" dsigne un discours rapport une

    temporalit passe ou imagine telle. L'opposition entre le discours (noncdirect) et le rcit (nonc rapport) se manifeste par l'emploi respectivementdans le premier cas du pass compos et dans le second du pass simple. Cettedistinction aboutit plus gnralement, chez Grard Genette notamment dans sesFigures III (1972), l'opposition entre le "rcit" ou cadre (les faits rapports demanire "objective") et le "discours" (l'immixtion du narrateur, ou dfaut desactants, comme personne pensante, interrogeant sa propre narration des faits). V."Discours/Rcit", "Synchronie". Barthes transpose cette opposition linguistiqueet littraire dans son analyse esthtique et en conclut que, l'artiste (et notamment

    le peintre) ne pouvant pas transcender la forme qu'il reproduit pour lacaractriser (v. "Caractres"), l'art est du domaine de la reprsentation simple, de

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    l'anecdote (c'est--dire de l'histoire ou du rcit) et de la "d-figuration" (v."Arcimboldo", "Dcomposition"), alors que la littrature, notique et pour celamme caractrisante (v. ces occurrences), relve du domaine du discours. Ainsi

    par exemple, si un portrait balzacien peut dfinir, par l'explication des traits (tant

    physiques que moraux) des protagonistes, leur mentalit ou, pour mieux dire,leur personnalit, le portrait en peinture ne peut, comme une photographie, querendre la forme des traits, mais sans les expliquer, c'est pourquoi l'art s'identifie

    pour Barthes la "perte du sujet (ou, si l'on prfre, du personnage)linguistique" et sa "d-figuration", v. ces occurrences.

    Religion : la thorie esthtique de Barthes, base sur une conception religieusede l'crit, oppose ainsi la littrature (en tant que "Tout" ou "dieu du rcit") l'art

    (symbole de la Vie, inorganise), v. "Tout", "Verbe". On notera cependant queBarthes, par un amusant "choc en retour", crit plusieurs reprises (par ex.

    propos de Ert ou dans Mythologies) que, selon lui, c'est la socitcontemporaine (proltaire et/ou petite-bourgeoise) qui, cause de ses"mythologies" (v. cette occurrence), est "religieuse" et "empirique".

    Rhtorique : Barthes utilise la rhtorique soit pour expliquer l'oeuvre artistique(v. "Linguistique"), soit comme quivalent pur et simple de la notion d'art (v.cette occurrence). Ainsi, trs tt dans sa carrire, Barthes crivit-il un texteintitul "Rhtorique de l'image" (paru dans Communications de nov. 1964).

    Rien : terme employ par Barthes dans plusieurs textes en association avec lanotion d'art. Barthes veut exprimer par ce mot sa conception de l'art comme"sens vide". Barthes crira ainsi propos de l'art d'Arcimboldo que "Rien n'est

    jamais "dnot"" (v. "Illocutoire"). On retrouve cette notion de "rien"

    explicitement applique l'art chez Jung (L'Ame et la Vie) et Adorno (Thorieesthtique, 1970).

    Romantique : terme par lequel Barthes veut dsigner l'aspect sentimental(notion de pathos) de l'art. En ce sens, ce terme est synonyme chez lui de"baroque" (v. cette occurrence). En effet, il emploie indiffremment les deuxnotions dans leur sens le plus commun (et non historique, ce qui serait sansobjet, l're baroque se dveloppant aux XVIIme-XVIIIme sicles, alors que le

    romantisme apparat au XIXme sicle) pour rendre la notion, que Barthesn'arrive d'ailleurs jamais clairement dfinir, de sublime, de je-ne-sais-quoi de

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    l'art, qui montre combien l'esthtique barthsienne est dpendante desconceptions classiques et formalistes de l'art.

    Saussure (Ferdinand de) : linguiste suisse (1857-1913), pre de la linguistiquemoderne et matre spirituel de Barthes. V. "Dieu", "Influences", "Langue/Parole".

    Schizophrnie : terme employ par Barthes pour dsigner la folie de l'art. V."Folie", "Psychanalyse".

    Sens : la notion de sens, ou plutt l'opposition-complmentarit entre lesignifiant - "image acoustique" du mot selon Saussure - et le signifi - "concept"que recouvre le mot, toujours selon Saussure - (cette dfinition saussurienne dela combinaison signifiant-signifi, bien que souvent critique aujourd'hui, n'a

    pourtant toujours pas t remplace par une meilleure, et, de plus, les critiquesqui lui sont faites semblent n'tre jamais que de dtails -), est au centre mme dela thorie esthtique (et plus gnralement, bien sr, de l'oeuvre) de Barthes. Lesignifiant, identifi au "mythologies" populaires et l'oralit (voir ces

    occurrences), renvoie pour Barthes la notion d'art, en tant que sens"supplmentaire" et inutile, ou plutt en tant que "sens vide". Le signifi, aucontraire, propre la littrature, serait un "sens complet". V. "Obvie et l'obtus(L')", "Plein (sens)", "Vide (sens)".

    Sentimentalisme (de l'art) : v. "Baroque", "Romantique".

    Signifiant : corps vide du sens en littrature selon Barthes (qui s'oppose ausignifi qui en est le "sens plein") - le signifiant barthsien peut tre dfinitcomme l'os contenant de la "substantifique moelle" (le signifi) voqu parRabelais -. Cette conception rductrice du signifiant permet Barthesd'identifier le thtre, la musique et l'oralit (les trois se confondant, les deux

    premiers tant, selon la thorie stocienne, dont s'inspire Barthes, du domaine del'oralit) au mythe, et donc l'art et au sens vide en tant qu'"entre-deux" ou,autrement dit, espace intermdiaire entre le "rien" de l'art et le "Tout" de la

    littrature, ou encore en tant que "degr zro" du sens. V. "Ecoute", "Empire dessignes (L')", "Entre-deux", "Intermezzi", "Musique", "Mythologies", "Obvie et

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    l'obtus (L')", "Oralit", "Plein (sens)", "Polysmie", "Primordial", "Saussure","Stocisme", "Vide (sens)", "Zro (degr)".

    Spectateur : v. "Caractres, "Description", "Nose /Nome", "Polysmie".

    Stocisme : mouvement philosophique de la Grce antique, directement issu dela thorie aristotlicienne, et notamment reprsent par Znon, Diogne,Antipater, Pantius, Poseidonius, Chrysippe, Snque, Caton, Epictte et Marc-Aurle. On l'a souvent oppos l'picurisme. Cependant, ses liens l'aristotlisme sont vidents et l'influence de celui-ci sur le stocisme ne fait plus

    aucun doute. C'est pourquoi la pense stocienne apparat de tout premier planpour comprendre la pense esthtique de Barthes (v. "Longin"), aussi bien parrapport ses origines (aristotliciennes, stociennes) qu' ses implications(signification des thmes qui y sont rcurrents, tels par exemple quel'identification du langage au Logos, v. cette occurrence, ou que le statut del'oralit et de son paradigme dans la pense barthsienne, c'est--dire le thtre,comme rvlateur de l'opposition entre "pathos" et "ethos", v. ces occurrences).De fait, comme l'a trs bien not Jean-Marie Floch (1985), Barthes utilise uneterminologie no-stocienne pour opposer l'art la littrature, le premierrelevant, selon lui du domaine du sentiment, le second de celui de l'intellect(selon la distinction stocienne justement entre pathos et ethos).

    Sujet linguistique (perte du) : pour Barthes, l'art correspond au niveaupersonnel la mort du Moi (v. "Mort"), et au niveau littraire la perte du sujetlinguistique, autrement dit l'incapacit de l'art dfinir un caractre (v. cetteoccurrence). C'est pourquoi l'art n'est que cadre (v. cette occurrence),amoncellement de dtails, description sans autre but que de "faire vrai", alors

    que la littrature porte en elle un sens immanent.

    Synchronie : Barthes dtourne ce terme de son sens linguistique (analyse desphnomnes linguistiques une priode donne, comme tant constants, c'est--dire en ne tenant pas compte de leurs changements, v. "Diachronie") pour enfaire l'expression de la logique de la littrature (identifiable au niveau du"discours"), laquelle il oppose la diachronie - le "dtail" - artistique (qui, selonlui, n'voluerait que dans le domaine de l'histoire, c'est--dire du "rcit" -

    autrement dit encore de la simple anecdote et non de l'intellection desvnements, puisqu'en effet l'art imite la ralit, mais ne l'interprte pas puisqu'

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    la diffrence de la littrature, dans laquelle l'auteur peut donner son opinion surce qu'il raconte, sur les vnements qu'il relate, c'est le niveau du "discours", l'artreproduit la ralit telle qu'elle est, l'tat brut, c'est le niveau du "rcit" ou de ladiachronie -). V. "Cadre", "Dtail (statut du... en art)", "Diachronie",

    "Discours/Rcit", "Lettre", "Logique". On se rend compte que cette oppositionsynchronie/diachronie recoupe, comme on vient de le dire, celle entre "rcit" et"discours", mais aussi celles entre "idiolecte" et "sociolecte", entre "sens vide" et"sens plein", entre "Tout" et "rien", etc. (v. ces occurrences).

    Tabou : notion mise en place pour la premire fois par Freud. Ce terme dsignetraditionnellement, dans les socits ocaniennes (auxquelles Freud l'aemprunt), l'interdiction faite de tuer l'animal-totem de la famille (c'est--dire

    celui sous la protection duquel est mis l'enfant lors de sa naissance et qui,souvent, est celui d'un clan ou d'une tribu). V. "Femme", "Ftiche","Mythologies".

    Tautologie : pour Barthes, l'art n'est que "rptition", rabchage. Aussi fait-ilpartie de ce sens vague, "flottant" comme l'crit Barthes, "obtus", qui n'a d'autresens que d'imiter. V. "Imitation", "Platon".

    Thtre : la notion de thtre chez Barthes rejoint celle de Longin oud'Etiemble. Pour Barthes en effet, le thtre est le symbole de l'aspect pathtiquede l'oralit, qu'il identifie pour cela l'art. En effet, selon Barthes, etconformment la thorie nietzschenne, le comdien est, comme la femme,trompeur, son domaine est donc celui du masque. Nanmoins, en tant qu'art oral,le thtre fait partie, comme la musique ou le chant de cet "entre-deux", mi-chemin entre le "sens plein" (littraire) et le sens vide (artistique). On a vu, eneffet, que, pour Barthes, la notion d'oralit recouvrait surtout un ensembled'actes langagiers (qu'on pourrait dire "de connivence") sans signifi fort (dire

    bonjour, etc.). V. "Entre-deux", "Femme", "Masque", "Musique", "Oralit".

    Tout : pour Barthes, la littrature s'identifie, en tant qu'organisatrice du "brouillde la Vie", au Tout (c'est--dire la "Loi du texte", v. cette occurrence), ets'oppose en cela l'art en tant que "rien" ou "sens vide" (v. ces occurrences).

    Verbe : l'ide barthsienne que le langage est la fois antrieur l'tre (v."Innisme") et cependant le produit culturel ultime de la conscience humaine (v.

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    "Histoire"), ide qui aboutit voir le langage - ou plus exactement l'criture -comme organisatrice du "brouill de la Vie" selon une optique purementnominaliste (v. cette occurrence), relve pleinement, comme on s'en rendcompte, d'une conception magique de l'crit, dans laquelle celui-ci apparat la

    fois comme Logos ( la fois dieu et langage) et comme Verbe (au sens o dansla Gense, le Verbe, antrieur Dieu et pourtant soumis lui, est Crateur desobjets nomms : "Dieu dit "que la lumire soit!" et la lumire fut", Gen., I-3).Les notions de Verbe et de Logos sont en l'occurrence corollaires, et la

    prdominance du verbe comme crateur et organisateur du monde conduitBarthes identifier souvent Dieu, le rcit, le narrateur (ou instance narrative) etl'auteur (ou destinateur).

    Vie : Barthes considre que l'art s'identifie la vie en ce qu'elle est un ensembled'vnements privs de sens, en d'autres termes qui n'ont pas de finalit (v."Histoire"). A l'oppos, toujours selon Barthes, la littrature organise ce"brouill" (v. cette occurrence) de la vie. Le terme "arts analogiques" queBarthes emploie pour dsigner les arts plastiques rend parfaitement l'ide que les"arts analogiques" imitent le rel.

    Vide (sens) : v. "Rien".

    Visage : sur le plan symbolique, la notion de "visage" renvoie pour Barthes l'ide que le personnage littraire est un modle pour le lecteur, et que, partant, ilen est une sorte de miroir en mieux. C'est pourquoi l'absence du visage - ou

    plutt la dcomposition (v. cette occurrence) des visages - chez Arcimboldo estselon Barthes la preuve mme de l'insignifiance de l'art, dont le sens - dontl'ethos (reprsent en littrature par les personnages, v. Philippe Hamon, "Pour

    un statut smiologique du personnage", dansPotique du rcit, Seuil, 1977) - estgomm sous l'amoncellement des dtails en trop (en effet, les visagesd'Arcimboldo, inspirs de l'art des Caprices alors la mode, se dcomposent,comme on le sait, en fruits, lgumes, etc.), v. "Dtail (statut du... en art)". Cetteconception thique du visage comme miroir de l'me et rvlateur de l'humanitindividuelle se rencontre aussi chez Levinas. V. "Caractres", "Ethos/Pathos","Spectateur".

    Zro (degr) : Le degr zro de l'criture (1953) est sans doute, avecMythologies, Systme de la Mode (1967) et, dans une moindre mesure S/Z

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    (1970), l'ouvrage de Barthes le plus connu du grand public. Mais, Le degr zrode l'criture semble tre devenu, pour les critiques de Barthes, symbolique de sadmarche, selon eux onomasiologique (c'est--dire qui, selon la dfinitionlinguistique de ce terme, partant de la recherche du concept du contenu littraire,

    aboutit l'tude de la forme de ce contenu - ou, en d'autres termes, qui,progressant rebours du signifi vers le signifiant, considre que le sens profonddu texte lui vient de sa structure linguistique -). Bien que nous pensions que lecaractre au contraire smasiologique (tude de la structure linguistique vers lecontenu smantique du texte) de Barthes soit vidente, il est nanmoins vident,comme l'ont pressenti ses exgtes (en lui attribuant une volont d'interprtationonomasiologique et, pour le dire plus simplement, essentiellement critique), quec'est au degr zro du sens que Barthes s'intresse lorsqu'il tudie l'art et lesmythologies populaires en tant que sens vides. En d'autres termes, on peut direque, comme Platon ou Schopenhauer par exemple (v. "Influences") qui voyaientl'origine de la pense philosophique dans l'tonnement extatique, Barthesconsidre l'art comme ce niveau zro de la pense qui, par l'tonnement qu'il

    provoque, incite l'analyse sur le sens (c'est en quelque sorte le postulatdvelopp propos du pathos de la lecture et/ou de l'criture dans Le plaisir dutexte). V. "Cadre", "Frite", "Pathos/Ethos", "Prmisses".