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est sous un angle bien particulier que la Lettre de l'Observatoire poursuit son analyse du monde des indépendants. Ce trimestre, l'étude apporte en effet un éclairage historique sur l'évolution de certaines professions indépendantes. De quoi nourrir les réflexions qui sont menées aujourd'hui dans le cadre des débats sur l'assouplissement du cadre législatif de la création d'entreprise. Ainsi, les fondements de l'exercice actuel de ces professions ne seraient pas si anciens que l'on peut le penser. C'est à la fin du XIX e siècle qu'une filiation peut véritablement être établie. En déroulant l'histoire de quatre professions indépendantes phares - les médecins, les avocats, les experts-comptables, les commerçants et artisans - la Lettre se fait l'écho d'une certaine histoire de l'indépendance. Une histoire marquée par des cycles, tantôt de restructuration rigide de l'environnement socio-économique, tantôt de déréglementation extrême. Dans cette lettre, un clin d'œil d'actualité sur le Revenu de Solidarité Active (RSA) dont la mise en place est prévue à compter du 1 er juin prochain, prolonge ce regard historique sur les conditions d'exercice des professions indépendantes. Le numéro sur le Compagnonnage avait rencontré l'adhésion de beaucoup d'entre vous ; nous souhaitons que celui-ci recueille également tout votre intérêt. Chantal Benoist Directeur de la Communication Edito C’ la lettre de l’Observatoire 25 - 2 e semestre 2008 L’actualité juridique, économique et sociale des Travailleurs Indépendants et des petites entreprises leur ressemble : elle bouge tout le temps. Cette lettre s’en fait l’écho UNE HISTOIRE DES PROFESSIONS INDÉPENDANTES Sommaire Introduction générale 2 I- Des corporations à l’indépendance forcée 2 I. 1 - Puissance et décadence des corporations ........... 2 I. 2 - L’émergence des indépendants ................... 3 II- Les professions qui s’adressent à la personne 3 II. 1 - La médecine libérale ........................... 3 Les excès d’un libéralisme accru Régulation et mutualisation Vers une structure moderne II. 2 - Les avocats ................................... 6 II. 3 - Les experts comptables ......................... 6 III- Les professions du faire : commerçants et artisans 7 III. 1 - Les commerçants .............................. 7 III. 1 - Les artisans .................................. 8 Mutations des métiers et du groupe social L’émergence de l’artisanat moderne Conclusion 10 L’actualité des indépendants 11 quels sont les effets du RSA sur les indépendants Les non-salariés bénéficiaires du RSA Les non-salariés employeurs Cyrille Piatecki - Directeur scientifique de l'Observatoire Alptis Stéphane Rapelli - Chargé d'études et de recherches

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Lettre de l'observoire N°25 - Une histoire des professions indépendantes

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Page 1: Lettre de l'observoire N°25

est sous un angle bien particulier

que la Lettre de l'Observatoire poursuit

son analyse du monde des indépendants.

Ce trimestre, l'étude apporte en effet

un éclairage historique sur l'évolution

de certaines professions indépendantes.

De quoi nourrir les réflexions

qui sont menées aujourd'hui dans le cadre

des débats sur l'assouplissement du cadre

législatif de la création d'entreprise.

Ainsi, les fondements de l'exercice actuel

de ces professions ne seraient pas si anciens

que l'on peut le penser. C'est à la fin du XIXe siècle

qu'une filiation peut véritablement être établie.

En déroulant l'histoire de quatre professions

indépendantes phares - les médecins, les avocats,

les experts-comptables, les commerçants et artisans -

la Lettre se fait l'écho d'une certaine histoire

de l'indépendance. Une histoire marquée

par des cycles, tantôt de restructuration rigide

de l'environnement socio-économique, tantôt

de déréglementation extrême.

Dans cette lettre, un clin d'œil d'actualité

sur le Revenu de Solidarité Active (RSA) dont la mise

en place est prévue à compter du 1er juin prochain,

prolonge ce regard historique sur les conditions

d'exercice des professions indépendantes.

Le numéro sur le Compagnonnage avait rencontré

l'adhésion de beaucoup d'entre vous ;

nous souhaitons que celui-ci recueille également tout

votre intérêt.

Chantal Benoist

Directeur de la Communication

Edito

C’

l a le t t re de

l’Observatoiren°25 - 2e semestre 2008

“L’actualité juridique, économique et sociale des Travailleurs Indépendantset des petites entreprises leur ressemble : elle bouge tout le temps.Cette lettre s’en fait l’écho

”UNE HISTOIREDES PROFESSIONSINDÉPENDANTES

S o m m a i r e

Introduction générale 2

I- Des corporations à l’indépendance forcée 2I. 1 - Puissance et décadence des corporations . . . . . . . . . . . 2I. 2 - L’émergence des indépendants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

II- Les professions qui s’adressent à la personne 3II. 1 - La médecine libérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

• Les excès d’un libéralisme accru

• Régulation et mutualisation

• Vers une structure moderneII. 2 - Les avocats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6II. 3 - Les experts comptables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

III- Les professions du faire : commerçants et artisans 7III. 1 - Les commerçants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7III. 1 - Les artisans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

• Mutations des métiers et du groupe social• L’émergence de l’artisanat moderne

Conclusion 10

L’actualité des indépendants 11quels sont les effets du RSA sur les indépendants

• Les non-salariés bénéficiaires du RSA

• Les non-salariés employeurs

Cyrille Piatecki - Directeur scientifique de l'Observatoire Alptis

Stéphane Rapelli - Chargé d'études et de recherches

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Une histoire des professions indépendantes

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u XIIIe siècle, suite à la reconnaissance par le roi de l'associationprofessionnelle des bouchers, tous les métiers relevanttraditionnellement du commerce et de l'artisanat se constituèrenten corporations.Dès lors, l'exercice d'un métier régit corporativement était soumisà des règles simples. Le candidat, pour être adoubé par ses pairs,devait démontrer qu'il était un homme de bien, qu'il avaiteffectué un apprentissage sérieux et qu'il disposait des ressourcespatrimoniales nécessaires à la pratique de l'activité.

Malheureusement, ces règles équitables et pragmatiques ontprogressivement fait place à un système hiérarchisé inéquitable.L'accès au métier s'est transformé en un privilège qui setransmettait au sein des familles. Parallèlement, le législateurest venu étayer les déviances du système en leur donnant la forcedu droit. En échange de l'acceptation des privilèges, l'État trouvaitdans les corporations une ressource fiscale non-négligeable ensoumettant la pratique des métiers à diverses taxes.

Les artisans et les commerçants furent ainsi assujettis à la maîtriseet la jurande dès la fin du XVIe siècle.

Au début du XVIIIe siècle, les corporations s'apparentaient à devéritables oligarchies héréditaires. Cette structuration sclérosanteet fermée limitait l'investissement en capital humain, freinaitl'innovation tout en portant atteinte aux statuts. De fait, lesprincipes de l'association évolutive des apprentis, des compagnonset des maîtres n'étaient plus respectés. En outre, une concurrenceinstitutionnelle exacerbée entre les différentes corporations estapparue. Chacune d'entre elles revendiquait une place privilégiéedans la hiérarchie arbitraire des métiers afin de bénéficier deprivilèges toujours plus importants.

Cette inefficacité et les abus qui l'entretenaient furent repérés dès1750 par différents penseurs. Ils dénonçaient les situations demonopole engendrées par les corporations etmettaient enquestionleur légitimité puisqu'elles avaient trahi leurs vocations premières

On admet généralement que l'histoire des professions indépendantes remonte à des temps immémoriaux. De fait, les premièressociétés humaines reposaient vraisemblablement sur une structuration des activités productives, dont certaines ont traversé les âges.Pourtant, un regard attentif porté sur les métiers et leurs évolutions dément cette conception. Dans leur globalité, les professionsindépendantes ne sont pas si anciennes. Leur émergence a été rendue possible par l'effondrement des corporations. Mais elles n'ontpas toutes connu la même évolution. Il convient d'ailleurs de distinguer les professions libérales du commerce et de l'artisanat. �

I n t r o d u c t i o n g é n é r a l e

Des corporations à l'indépendance forcée

I- Des corporations à l'indépendance forcée

Certaines professions dont la pratique implique un exercice indépendant de tout pouvoir ont, très tôt, participé à la vie de lacité et reçu une reconnaissance légale, parfois purement implicite. Il en est ainsi des juristes ou des médecins. D'autres, ontété un temps reconnues mais leur pratique s'est transformée ou a disparu. Par exemple, en ce qui concerne les avocats, ilexistait déjà des défenseurs à Athènes et à Rome, bien qu'en vertu des lois en vigueur les accusés devaient se défendre seuls.

Toutefois, l'empreinte institutionnelle romaine s'est étendue bien au-delà des seuls métiers juridiques. Entre autres institutions,les romains sont à l'origine du développement des corporations notamment en Gaule. Mais, ces organisations professionnellesvont se déliter avec la chute de l'empire romain, même si certaines villes conservèrent la mémoire des institutions, commeen témoigne la rédaction des textes de lois et des règlements de l'époque (les capitulaires).

La majeure partie des gens de métiers fut alors réduite à la servitude. Les activités industrieuses se concentrèrent dans lescours, les châteaux et les abbayes sur les objets de première nécessité. Pour autant, ceci ne signifie pas que les savoir-fairefurent perdus et maints témoignages des chefs-d'œuvre qui furent produits sont arrivés jusqu'à nous. La reconnaissance dela valeur sociale des savoir-faire est d'ailleurs attestée par la codification des prix des serfs sous le règne des Francs1.

Entre le VIe et le Xe siècle, les métiers retrouvèrent une certaine reconnaissance par le biais de l'émancipation des communespar rapport au pacte féodal. De fait, dans un grand nombre de communes, le système politique et l'élection des magistratsétaient fondés sur la division des citoyens en corps de métier. Mais, ce n'est que sous le règne de Philippe Auguste - de 1180à 1223 - que certains métiers gagnèrent en autonomie.

Puissance et décadence des corporations1

A

1. Les lois saliques (édictées par les Francs Saliens) précisent que le prix d’un intendant, d’un échanson, d’un maréchal, d’un sergent ou d’un serf pratiquant le métier d’orfèvre, decharpentier, de charron, de vigneron ou de porcher est fixé à 25 sous.

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La lettre de l’Observatoire - n° 25

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(garantir le savoir-faire, stimuler l'émulation professionnelle etassurer l'ordre au sein des métiers). Ce n'est qu'en 1776 qu'unresponsable politique a osé s'attaquer au corporatisme : Turgot fit

publier un édit royal qui défendait « à tous lesmaîtres, compagnons,ouvriers et apprentis de former aucune association ni assembléeentre eux, sous quelque prétexte que ce puisse être ». �

ien que Necker ait abrogé l'édit de Turgot quelques mois plustard, le mouvement de contestation à l'encontre du corporatismeavait pris racine. Il s'amplifia jusqu'à la Révolution française etc'est finalement en 1791 que le coup fatal fut porté par le Barond'Allarde. Il fit voter la suppression des corporations par laConstituante. Les citoyens devinrent alors libres d'entreprendreen échange d'une patente directement versée à l'État. Pourachever tout à fait les systèmes corporatifs, le Constituant LeChapelier fit adopter l'interdiction de former toute associationen respect du principe de liberté absolue inscrite dans laDéclaration des droits de l'homme.

Ces deux lois eurent des effets sans précédents sur le tissuentrepreneurial, puisqu'elles impliquaient un libéralisme absolu.Dès lors, une nouvelle classe d'indépendants est apparue,seulement contrainte dans l'exercice d'un métier par le versementd'une taxe. Les gens de métier se sont vus concurrencés par destravailleurs non-qualifiés profitant d'un effet d'aubaine. Ce futl'époque glorieuse des charlatans et des camelots. En outre,l'interdiction de s'associer se traduisit par l'impossibilité deregrouper des capitaux nécessaires au développement

d'entreprises et donc par un appauvrissement du capital productif.

Bien que les risques issus de l'incompétence et de la malhonnêtetéaient été rapidement ressentis par les consommateurs, peud'efforts de réglementation professionnelle furent concédés parles Pouvoirs publics. La formation spontanée de syndicatsprofessionnels visant à réguler les métiers fut tout juste tolérée.C'est avec la création de sociétés d'entre-aide professionnelleque les décideurs politiques reprirent conscience de l'utilité del'association de personnes. Cette lente réflexion conduisit en1864 à l'abrogation des lois d'Allarde et Le Chapeliercorrélativement à la création des sociétés par action (dites àresponsabilité limitée) et des sociétés anonymes.

Àpartir de cemoment, les organismes professionnels reconquirentune légitimité légale. Ils purent travailler à la régulation desmétierset à l'établissement des fondements de l'indépendance. Néanmoins,toutes les professions indépendantes ne suivirent pas le mêmecheminement pour obtenir une reconnaissance statutaire robuste.De fait, l'évolution des professions libérales se distingue nettementde celle des commerçants ou des artisans. �

L'émergence des indépendants2

B

a pratique de la médecine change brutalement peu de tempsavant la Révolution française. Sous l'impulsion de médecinscomme Georges Cabanis2, elle s'éloigne petit à petit del'application des théories pour se centrer sur l'observation, cequi constitue un retour à la pratique d'Hippocrate. Ce changementde perspective par rapport à la médecine de l'ancien régime, varecentrer les pratiques sur l'hôpital. D'asile de la souffrance etde mouroir pour les pauvres, il devient une structure privilégiéede l'observation individuelle et statistique. Foucault (1996)souligne que « l'hôpital n'est plus seulement le toit où s'abritaientla maladie ou la mort prochaine, c'est dans sa matérialité même

un opérateur thérapeutique ». C'est sur cette évolution que vase construire progressivement la médecine moderne.

• Les excès d'un libéralisme accruÀ la fin du XVIIIe, parallèlement au traitement des pathologies,l'hôpital participe déjà à l'enseignement. Cette mission conduirala Convention à voter une loi instituant les Écoles de santé en 1794.Les cours sont organisés sur une durée de trois ans pendantlaquelle les futurs praticiens reçoivent une formation théorique- anatomie, physiologie, chimie, pharmacie, médecine opératoire -et doivent suivre des stages pratiques dans les hôpitaux.

Les professions qui s'adressent à la personne

II- Les professions qui s'adressent à la personne

L'histoire des professions qui s'adressent à la personnemet surtout en avant le rôle dumédecin, les autres professions n'étantsouvent citées qu'à titre anecdotique, essentiellement parce que leurs progrès initiaux ont dépendu de l'avancée de lamédecine. D'autres parce que leur organisation passée nous semble aujourd'hui anachronique comme les barbiers qui étaientsouvent chirurgiens et dentistes.

La médecine libérale

L

2. Georges Cabanis aura comme gloire d’avoir été le médecin de Marat, ce qui le fit suspecter d’être de la cause du décès inexpliqué de ce dernier.

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Une histoire des professions indépendantes

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Le libéralisme socio-économique étant de mise, le financementde ces institutions est organisé autour de la charité pour libérerl'État de son devoir d'assistance. Le principe en est très simple :les indigents sont soignés gratuitementdans les hôpitaux, mais deviennent dessujets d'expérimentation. Leur douleur estmise en scène pour permettre le “progrès”médical et thérapeutique. Comme lepauvre offre sa douleur à la Nation, le richea tout intérêt à financer l'activité médicalehospitalière qui permet de trouver de nouveaux traitements auxpathologies.

Mais, en raison des lois d'Allarde et Le Chapelier, les praticiensformés par le système hospitalier se voient confrontés à uneconcurrence pour le moins déloyale. Le faible niveau descontraintes imposées à l'accès aux professions attire vers lamédecine un grand nombre de charlatans.Or, la demande de soins - particulièrement de soins assistés -augmente en raison de la pauvreté et des guerres dans lesquellesla France va s'engager entre 1794 et 1815.

Les péripéties de cette époque troublée reportent au 10 mars1803 une loi créant deux corps dans les professions de santé : lesdocteurs en médecine et les officiers de santé. La raison avancéepour la distinction de ces deux corps est un argument social : lesétudes de médecine étant très dispendieuses et donc réservéesa priori aux fils de la bourgeoisie, il faut permettre aux autresd'y accéder à un coût plus faible.Certes, le diplôme devient obligatoire pour l'exercice médicalmais une médecine “à deux vitesses” émerge.

Rappelons que la pratique des professions de santé, comme laplupart des professions qui s'adressent à la personne, est l'undes rares domaines de l'activité économique où la souverainetédu consommateur est contestée. En effet, un patient consulte sonmédecin parce qu'il reconnaît qu'il n'a pas réellement le moyende juger ce qui est bon pour lui. Il se crée donc une relation deconfiance dans laquelle le consommateur ne peut pas contrôlerce qu'il reçoit en échange de son paiement. En d'autres termes,le patient est libre du choix du praticien, mais il est censé ne pasavoir à exercer un contrôle qualitatif. Le diplôme, lorsqu'il est lemême pour tous les praticiens, signale donc la compétence.

Pourtant, la loi de 1803 établit unehiérarchie sanitaire et sociale entre lesdocteurs en médecine et les officiers desanté. Ces derniers soignent le peuple descampagnes et des faubourgs ouvriers. Lesdocteurs en médecine ont la mission desoigner les élites du pays. La formation desofficiers de santé est uniquement fondée sur une expériencepratique alors que celle des médecins est complétée par uneformation théorique et clinique reçue dans les écoles de santé.En résumé, aux officiers de santé est laissée la petite pratique,

alors qu'aux médecins est réservé l'initiative clinique et lediagnostic.

Le système ainsi mis en place dans lespremières années de l'empire sembleconforme à l'ordre social de l'époque.À chaque demande de soins correspondthéoriquement une offre particulière.Pourtant, les classes laborieuses n'ont pasles moyens d'accéder aux soins rendus de

plus en plus onéreux par les progrès de la médecine curative.Elles continuent de se tourner vers les charlatans dont les tarifssont beaucoup plus accessibles. La profession médicale est doncréservée à la bourgeoisie. De plus, les professions de santé ontdes revenus très inégaux. Par exemple, les médecins de campagne,dont la pratique est plus difficile que les médecins de ville, ontdes revenus faibles. Globalement, les professions de santé sontd'ailleurs moins rémunératrices que les autres professions libérales.

• Régulation et mutualisationDès le milieu du XIXe siècle, conscience est prise que la crise estliée à la non limitation de l'offre de soins et à sa mauvaiserépartition territoriale. En outre, pour améliorer leurs revenus,un grand nombre de médecins se lance dans des pratiquesdouteuses d'avortements clandestins et de vente de médicamentsachetés à vil prix aux pharmaciens. Naturellement, pour élargirle champs de leur pratique, ils demandent la suppression desofficiers de santé3. Une réforme des études pour l'officiât quiaméliore grandement la qualité de la formation est réalisée en1854. Si cela entraîne une forte diminution de l'offre de soins,aucune mesure n'est prise pour en généraliser l'accès au plusgrand nombre.

Malencontreusement, la crise économique qui sévit de 1872 à1873 ne va pas améliorer la situation des praticiens. Il est admisque leur pouvoir d'achat s'est effondré de 50 % entre 1850 et1900. Dès lors, la socialisation de l'accès aux soins est perçuecomme le remède miracle. Elle est aussi nécessaire, car si lesconditions d'hygiène et l'état de santé s'améliore, la France vieillitet la natalité fait une chute vertigineuse.

Une première forme de socialisation est entreprise en 1893. Uneloi en faveur de l'assistance médicale gratuite permet aux

personnes démunies de bénéficier d'uneassistance médicale à domicile ou enétablissement. Elle sera étendue en 1905aux vieillards et aux incurables sansressource.En 1898, la Charte de lamutualité reconnaîttrois types de société de secours : les sociétéslibres, les sociétés approuvées et les sociétés

reconnues d'utilité publique. Elle abolit le contrôle politique despréfets et élargit le champs d'action de ces sociétés qui peuventmaintenant intervenir dans les domaines de la retraite, del'assurance-vie, du chômage et de la santé.

La douleur des indigents est mise en scène

pour permettre le “progrès” médical

et thérapeutique.

3. L’argument facial est que tous les malades sont des personnes entières et qu’il n’est donc pas légitime qu’ils soient soignés par des demi-médecins.

1893 : première forme de socialisation.

Une loi permet aux personnes

démunies de bénéficier

d'une assistance médicale gratuite.

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La lettre de l’Observatoire - n° 25

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autre part, la seconde moitié du XIXe siècle est marquée parde fulgurants progrès médicaux4. Il apparaît clairement qu'il fautaméliorer la formation des thérapeutes afin qu'ils puissent lescomprendre et les appliquer. Le corps des officiers de santé estalors pris en défaut en raison de leur niveau de qualification.En 1892, la loi Chevandier précise d'ailleurs que “nul ne peutexercer la médecine en France s'il n'est muni d'un diplôme dedocteur en médecine, délivré par le gouvernement français, à lasuite d'examens subis devant un établissement d'enseignementmédical de l'État”. Si elle ne supprime pas les officiers de santé,la loi laisse le corps s'éteindre par cessation d'activité ou enfacilitant l'accès au doctorat.

Dès lors, le corps médical est unifié et les médecins ne subissentplus aucune concurrence. Ils s'organisent en une union syndicaleunique à partir de 1884 - L'Union des Syndicats Médicaux deFrance (USMF) - pour tenter d'instaurer unrapport de force en leur faveur. Lesorganisations professionnelles vont alorss'attacher à défendre les niveaux derevenus. L'objectif est atteint en 1897 grâceà la promotion d'un tarif syndical parl'USMF. De plus, l'Union donne consigne de rejeter toutes lesformules d'abonnements ou de forfaits imposées par les sociétésde secours mutuel. Enfin, les praticiens vont mettre en œuvre denouvelles règles déontologiques interdisant les rabais sur lestarifs pratiqués pour disputer des patients à des confrères.

• Vers une structuration moderneLe succès de l'USMF va conduire audéveloppement d'unemédecinelibérale de plus en plus indépendante. Elle est rapidement perçuecomme unemenace par le patronat (qui craint une augmentationdes coûts de santé qu'il devait financer) et par le pouvoir politique(qui redoute des inégalités d'accès au soins). Pour en limiterl'influence, le gouvernement envisage de créer un corps demédecins agréés et rémunérés à la capitation, ayant pour fonctionla gestion de la médecine sociale. Il en résulte un conflit qui formeencore l'arrière-plan des débats actuels. Le syndicalisme médicaldéfend le paiement à l'acte direct alors que le politique allié aupatronat soutient une médecine sociale fondée sur la salarisationou, pour le moins, une rémunération forfaitaire.

Avec le rattachement de l'Alsace et la Lorraine en 1919, la Francedécouvre un outil juridique hérité du modèle d'assurance maladiebismarkien : la convention. Ce contrat rend compatible unemédecine libérale et une médecine sociale.Il permet de rémunérer les praticiens à l'actesur la base d'honoraires négociés entre lesCaisses d'assurance maladie et les organisa-tions demédecins. L'apparition de nouvellesmutuelles joue aussi en faveur d'un paie-ment à l'acte. En effet, un nombre croissantde personnes (personnes âgées et enfants) sont pris en charge autravers d'un système privilégiant ce type de paiement, mais fondésur des tarifs unilatéralement définis par les Pouvoirs publics.

ne première formalisation émerge avec la loi du 30 avril 1930qui met en place un dispositif inspiré du système allemand.Toutefois, il s'en démarque par la mise en place de deux tarifs :celui des médecins et celui des Caisses. Les médecins établissentun tarif syndical minimum et le communiquent aux Caisses quile fixent d'autorité. Les patients sont remboursés sur la base dece tarif. Dans le cadre de la loi, les médecins conventionnésrestent libres de prendre des honoraires au-dessus du tarif syndical,mais il leur est interdit d'en fixer en-dessous sous peine d'êtrepoursuivis par les syndicats pour concurrence déloyale. Mais, laloi laisse subsister de nombreuses mutuelles locales qui, eninterdisant les dépassements d'honoraires, fragilisent le système.

C'est dans ce contexte que le gouvernement de Vichy impose auxmédecins - libéraux ou non - d'agir collectivement.Par la loi du 7 octobre 1940, le gouvernement de Vichy dissout

tous les syndicats existants en faveur de lacréation d'organismes ordinaux. Quatreordres sont successivement constitués, ledernier qui subsiste aujourd'hui ayant étécréé par l'ordonnance du 24 septembre19455. À la fin de la Guerre, la restauration

des syndicats ne pose pas de problème à l'Ordre, puisque la CSMFa de tout temps appelé à sa création. L'Ordre prend alors encharge les matières administratives (inscription au tableau), lerèglement des litiges (entre médecins ou entre médecins etpatients), ainsi que les questions déontologiques. La CSMF défendles intérêts matériels et moraux de la profession face aux Pouvoirspublics et aux Caisses d'assurance maladie.

Pour sa part, l'État institue la Sécurité sociale par une séried'ordonnances complétée par la loi du 22 mai 1946 créant laFédération nationale des Organismes de Sécurité sociale. Lesordonnances prévoient la généralisation de la Sécurité Socialeà tous les Français et l'unification du système des Caissesd'assurance maladie. Dans sa première version, elles ne concernentque les salariés de l'industrie et du commerce, puis est étendueaux exploitants agricoles en 1961 et aux indépendants en 1966.

Il faut souligner que dès sa création, le principe de régulationdes dépenses est une des fonctions clefs de la Sécurité Sociale,ce que confirme diverses circulaires ministérielles. Cet aspect meten lumière un des principaux problèmes de la pratique médicalequi perdure encore aujourd'hui. En acceptant de signer lesconventions, les praticiens avalisent une situation de double

agence qui complexifie leur positionnementprofessionnel. D'un côté par le principe dulibre choix du praticien, ils demeurent lesagents éclairés de leurs patients. De l'autre,en acceptant de contrôler l'expansion desdépenses, ils deviennent aussi les agentsde la puissance publique. L'évolution du

rapport entre le besoin de santé et la pratique médicale a donccréé une forme très particulière d'exercice de la profession quine ressemble plus vraiment à un exercice indépendant. �

4. Outre les avancées de Koch et Pasteur, il faut rappeler la découverte et la mise en apllication des rayons X en 1894.5. Le gouvernement installé à la libération était acquis au principe de gestion par les Ordres des Professions s’adressant à la personne. Entre 1944 et 1947, il ne publie pas moins de

7 ordonnances créant 12 ordres professionnels : pharmaciens, vétérinaires, experts-comptables, médecins, chirurgiens dentistes, sages-femmes, géomètres experts, architectes,notaires, avoués, commissaires-priseurs et huissiers de justice.

6. L’USMF s’est reconstituée sous la forme d’une confédération.

1884 : création de l'USMF.

l’Union des Syndicats Médicaux de France.

Dans sa première version, la Sécurité sociale

ne concerne que les salariés de l'industrie

et du commerce,

D’ U

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Une histoire des professions indépendantes

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omme pour les médecins, les lois d'Allarde et Le Chapelierimpactent fortement les professionnels du droit. Les avocatss'effacent derrière les “défenseurs officieux” qui seuls peuventplaider. Cependant, en 1810, un décret rétablit les Ordres quiexistaient déjà au XIVe siècle. Puis en 1822, une ordonnanceroyale leur octroie le monopole de la plaidoirie. Le barreaumoderne est né et le XIXe les propulse dans tous les postes deresponsabilité. On baptisera la IIIe République, “République desavocats” par référence au nombre très important de juristesdevenus parlementaires ou ministres.

Afin de garantir le respect d'une déontologie minimale et d'unbon niveau de compétences professionnelles, les exigencesdemandées pour porter le titre d'avocat s'accroissent.Le décret du 20 juin 1920 fait de l'inscription au tableau d'unbarreau la condition nécessaire et suffisante pour qu'un licenciéen droit (juriste possédant au moins quatre années d'étudessupérieures) puisse porter le titre d'avocat.Puis, la loi du 28 juin 1941 crée le certificat d'aptitude à laprofession d'avocat (C.A.P.A.). Enfin, la loi du 31 décembre 1971impose la fusion entre les professions d'avocats, d'avoués depremière instance et d'agréés près les tribunaux de commerce.Parallèlement, deux décrets autorisent les avocats à s'associer, àmanipuler des fonds et à poursuivre en justice le recouvrementde leurs honoraires.

Il faut noter la fusion de la profession d'avocat avec celle deconseil juridique décidée par la loi du 31 décembre 1990. Dès lors,les avocats, par un glissement de leur formation, s'ouvrent pluslargement aux pratiques du droit des affaires alors qu'au XIXe

siècle, ils subissaient une interdiction complète de participer au

marché attenant.La profession d'avocat a donc subi une mutation fondamentalela conduisant au retrait partiel de la vie politique.

Pour accompagner ces importantes transformation, les modesautorisés d'exercice se sont diversifiés. Ainsi tout en affirmant quela profession d'avocat reste une profession libérale etindépendante, la loi du 31 décembre 1990 autorise une pratiquesalariée. Aux cabinets groupés, aux sociétés civiles de moyens, auxassociations et sociétés civiles professionnelles sont venuess'ajouter les sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée,les sociétés anonymes d'exercice libéral et les sociétés d'exercicelibéral en commandite par actions.Après avoir subi des adaptations visant à préserver un caractèrepersonnel aux rapports entre associés et à réduire les droits tirésde la possession du capital, toutes ces sociétés transposent lesrègles des sociétés commerciales.

Les avocats sont ainsi immergés dans l'économie marchande etl'évolution de leur pratique n'est pas sujette à des contraintessociales. Ceci explique pourquoi l'évolution de leur profession estlargement distincte de l'évolution des médecins. Les avocats sontcependant tenus de participer à l'aide juridique qui trouve sonfondement dans le principe de justice sociale et dans le principed'égalité des citoyens devant la justice7. Au XIXe siècle, la loi du22 janvier 1851 réglemente l'assistance judiciaire. Cette dernièresera remaniée partiellement plusieurs fois : en 1901, en 1907 et,surtout, en 1958. Le 3 janvier 1972, l'assistance juridique estremplacée par l'aide judiciaire, dont le régime sera transforméen régime d'aide juridique - aide juridictionnelle et aide d'accèsau droit - par la loi du 10 juillet 1991. �

Les avocats

C

7. Historiquement, dès 1278, les Établissements de Saint Louis reprenaient déjà une coutume ancienne en disposant que les avocats pourraient être commis d’office pour ladéfense des indigents, des veuves et des orphelins. Les avocats y sont demeurés très attachés.

e métier d'Expert-Comptable a préexisté à l'organisation dela profession en ordre professionnel. Il est aisé de voir au traversdu code d'Hamourrabi (1700 avant J.-C.) qu'il existait unecorporation de scribes dont le rôle était de compter. En outre, ilest avéré que les scribes égyptiens se divisaient entre scribespratiquant l'écriture et scribes comptables. Mais ce n'est qu'à lafin du XVIe siècle qu'est introduite en France la comptabilité enpartie double, théorisant ainsi des techniques qui semblent avoirété préalablement pratiquées.

Mais, pendant près de quatre siècles, iln'est pas question d'organiser la profession.C'est pourquoi il faut attendre 1881 pourque la première organisation importantede comptables soit créée sous le nom de laSociété de Comptabilité de France. Bien que cette apparitiontardive soit liée à l'impossibilité de s'associer, on ne peut pasaffirmer que les lois d'Allarde et Le Chapelier aient été pourquelque chose dans ce retard. La SCF distinguait alors trois niveaux

de compétences au sein de la discipline comptable : la tenue delivres, le comptable et l'expert-comptable et regroupait descomptables salariés et libéraux.

Ce n'est qu'en 1912 qu'apparaît la Compagnie des Experts-Comptables de Paris. Elle rassemble toute la profession et pasuniquement les professionnels libéraux. À la fin de la PremièreGuerre mondiale, toutes les les compagnies comptables créées

depuis lors sont regroupées au sein d'unefédération. Elle préside à la création dedeux diplômes : le brevet d'expert-comptable (1927) et le brevet professionnelcomptable (1931). De manière étrange, cesdeux diplômes ne protègent pas le titred'expert-comptable qui peut encore être

usurpé. Il faut attendre 1941 pour qu'une commissioninterministérielle soit constituée pour prendre en charge laformation professionnelle et, dans le courant de pensée del'époque, les projets de statuts de l'Ordre à venir.

Les experts comptables3

L

1881 : création de la Société de Comptabilité

de France, première organisation

importante de comptables.

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La lettre de l’Observatoire - n° 25

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a loi du 3 avril 1942 crée l'Ordre des Experts-Comptables agréésqui est placé sous la tutelle duministère des Finances. Après Guerre,il est réétabli par une ordonnance du19 septembre 1945. Cette dernière demeurele texte de base de l'organisation comptableactuelle en France. Les grandes missionsconfiées à l'Ordre visent à assurer lapromotion de la profession, protéger lesintérêts de ses membres et affirmer sacontribution à l'évolution et au redressement de l'économie dupays. Il a donc vocation à préconiser toutes lesmesures susceptiblesd'atteindre ses objectifs dans l'intérêt général du public.

Toutefois, l'évolution de la société et des pratiques comptablesa nécessité une révision de l'ordonnance de 1945 à deux occasions.En 1968, une loi modifie la définition légale des missions del'expert-comptable et du comptable. Elle supprime aussi lerecrutement des comptables agréés. Une seconde loi de 1994élimine toute référence aux comptables agréés. Elle élargit ainsile champ d'intervention des experts-comptables. Il n'en restepas moins que l'ordonnance du 19 septembre 1945 demeure letexte fondateur pour toute personne désirant exercer la professiond'expert-comptable à titre libéral. La dernière modification endate a été une réforme du code de déontologie.

Pour toutes les professions à ordre confondues, on notera

qu'entre 1945 et 1947, le législateur a confié à des Ordres le soind'exercer un contrôle sur l'accès à diverses professions et sur

leurs conditions d'exercice. Ont ainsi étédotés d'un Ordre : les sages-femmes, leschirurgiens-dentistes, les architectes, lesexperts-comptables, les géomètres expertset les vétérinaires. Si ces professions formentun ensemble assez hétérogène ellespartagent tout de même plusieurs

caractéristiques parmi lesquelles :� le respect de règles déontologiques ;� une compétence sanctionnée par un diplôme ;� une certaine relation personnelle basée sur la

confiance entre le client/patient et le professionnel.

Le législateur a donc considéré que l'organisation et le contrôlede l'exercice de ces professions constituaient une mission deservice public et a désiré faire prendre en charge l'exécution decette mission par l'État lui-même. Outre les règles d'exercicesanctionnées de peines correctionnelles, les Pouvoirs publics onten effet estimé que certains praticiens, en raison de l'importancedonnée à la qualité des prestations qu'ils sont appelés à fournir,devaient être assujettis à des contraintes particulières. Cescontraintes supplémentaires sont naturellement édictées dansl'intérêt des clients/patients et prennent la forme de règlesdéontologiques. �

1942 : création de l'Ordre des Experts-

Comptables agréés, placé sous la tutelle

du ministère des Finances.

L

a mobilisation insurrectionnelle du peuple qui a engendré laRévolution du 14 juillet ne s'est réalisée que sur la question dessubsistances contre les affameurs contre-révolutionnaires. Maisla difficulté des approvisionnements et les hausses de prix qui enont résulté ont souvent été le produit de la carence des Pouvoirspublics. Successivement, la désorganisation des services de lalieutenance générale de police, les mauvaises récoltes - que l'onne peut attribuer à personne mais qui auraient eu un effet moinscatastrophique si des stocks avaient pu être constitués -, le coursforcé des assignats qui n'ont jamais eu la même valeur fiduciaireque les espèces sonnantes et trébuchantes, sont les véritablescauses de la pénurie alimentaire.

Parce que la mentalité populaire voyait la cause de ses malheurs

dans le comportement des “accapareurs”, il fut toujours possibleaux gouvernements de se dédouaner et de rejeter la faute surles commerçants. Il n'est donc pas surprenant que, pendant toutela période insurrectionnelle qui perdure jusqu'en 1799, lesmarchands soient les ennemis naturels des sans-culottes.Cependant, si la masse réclame une révolution populaire, lesdirigeants construisent une révolution bourgeoise qui répugneà s'en prendre aux marchands comme sa base l'exige.

Le gouvernement montagnard rechigne ainsi à mettre en placel'économie dirigée qui lui est réclamée. Pourtant, après l'assassinatde Marat en 1793, le gouvernement en pleine crise révolution-naire fait voter une loi sur l'accaparement pour calmer le peuple.En fait, il s'agit d'un subterfuge : les députés montagnards sont

Les professions du faire : commerçants et artisans

III- Les professions du faire : commerçants et artisans

L'histoire des professions du faire se distingue nettement de celle des professions libérales puisqu'elles sont principalementexercées par des “gens du peuple”. Ainsi, la Révolution française n'a pas inquiété les artisans, essentiellement parce que ceuxdes faubourgs ont été les acteurs de ses premiers moments. Pourtant, il n'en a pas été de même pour les commerçants.

Les commerçants

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Une histoire des professions indépendantes

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opposés à la taxation, ainsi l'édiction de lourdes peines contreles accapareurs constitue une échappatoire. Les commerçantsrisquent alors la peine de mort en cas de non-déclaration de leurstock de denrées de première nécessité. En réalité, la loi malappliquée ne constitue qu'une satisfaction symbolique accordéeaux sans-culottes.

Ces derniers ne sont pas dupes pour autant et, en septembre1793, la foule envahit l'Assemblée nationale. Elle parvient àarracher la promesse d'une taxation générale. La France passeà un premier système de prix administré au niveau national quiconcerne même les salaires. Simultanément, décision est prisede créer une armée révolutionnaire de 6 000 hommes et de 1 200canonniers qui est chargée d'assurer les réquisitions de grains dansles campagnes et leur transport vers Paris.

Dans la réalité, ces mesures sontinefficaces, leur application étant laisséeà la discrétion des municipalités et dessections certes zélées, mais souvent sansgrande compétence.Finalement, les opérations contre les accapareurs ne sont que desmesures de détail. La déclaration des stocks ne sera jamaisimposée. En effet le gouvernement révolutionnaire reste hostileà l'économie dirigée qu'il n'entend imposer qu'en temps deguerre. En 1795, les commissaires aux accaparements sontd'ailleurs supprimés, la Révolution voulant rallier les producteurs,les cultivateurs et les artisans. Le peuple comprend alors que larévolution lui a été volée.

On pourrait croire que ce très bref épisode de la grandeRévolution, malgré la violence dans laquelle il est plongé, marquele début d'une non-histoire des commerçants. De fait, leurscorporations n'existent plus et, dans le contexte économique del'époque, ils ne représentent que des îlots perdus dans l'océandes activités citadines. Néanmoins, ils demeurent dans la mémoirecollective au travers de l'élaboration du Code du commerce.

Édité en 1807, ce Code8 est l'un des cinqgrands codes napoléoniens : Code Civil(1804), Code de la procédure civile (1806),Code du commerce (1807), Code pénal(1810) et Code d'instruction criminelle(1811). Un premier projet de code avait été présenté dès 1801,mais les observations des tribunaux lui font subir des révisionsimportantes. C'est à la suite de la crise économique de 1805 que

Napoléon fait accélérer sa publication. Les tribunaux de commercey sont définitivement consacrés comme instruments du droitcommercial. En outre, il prend en compte la matière destransactions commerciales, les bourses et les foires. Il permet dedévelopper le droit de la défaillance (suspensions, faillites etbanqueroutes), d'insérer les lois criminelles sur le commerce à lasuite de la réglementation des tribunaux de commerce.Il faut souligner que la suite de l'histoire du Code du commerceau XXe siècle consistera à en détacher des pans entiers.

Avec la création de ce code, l'empire fige pour un temps l'histoiredes commerçants et du commerce. Bien entendu, la pose de lapremière pierre du magasinAu BonMarché en 1889 va engendrerune crainte légitime de la part des petits commerçants. Mais,

participant au renouveau du tissu urbain,les pratiques des grands magasins - quine s'apparentent encore que de loin avecles pratiques de la grande distributionactuelle - ne peuvent pas encore êtreattaquées avec la même virulence que cellequi sera adoptée un siècle plus tard.

Ce n'est qu'avec l'apparition des grandes surfaces - création desSupermarchés Prisunic en 1931, ouverture par Edouard Leclercdu premier magasin à prix discount à Landerneau en 1949 etlancement du vaste mouvement qui conduit à la création dudiscount en libre service, création de l'enseigne Casino en 1957,des hypermarchés Carrefour en 1963 - que l'effet de prédationdes grandes surfaces sur le petit commerce va devenir des plusaigüs. Il est avéré que le développement de la grande distributionrestreint de plus en plus la place des petits commerces dans lepaysage économique.

Certes, cette évolution a entraîné une réaction des petitscommerçants qui, en 1996, ont arraché au législateur uneautorisation administrative de construction des grandes surfaces.Mais l'effet de cette disposition est resté très modeste sur la

transformation du tissu commercial.En outre, la récente loi de modernisationde l'économie vient fragiliser cettedisposition et fait planer le risque d'unalourdissement des contraintes concur-rentielles pesant sur le petit commerce. Il

est certain que l'assouplissement des conditions d'implantationdes enseignes de hard-discount ne joue pas en faveur d'unrenforcement du commerce de proximité. �

1807 : élaboration

du Code du commerce.

1889 : la pose de la première pierre du magasin

Au Bon Marché engendre une crainte légitime

de la part des petits commerçants.

8. Des codifications ont toutefois existé dès le XVIe siècle, notamment en matière de commerce maritime.

n 1789, les ouvriers, les compagnons et les maîtres des secteursartisanaux, tant ruraux qu'urbains, ont été épargnés desdébordements de la ferveur populaire. Cette particularité tientmoins à leur position dans le système économique - nombred'entre eux tenaient boutique bien que ce fut pour des motifsnon-spéculatifs, puisqu'il s'agissait d'écouler leur production -qu'à la composition socioprofessionnelle de la population

occupée. Extraites d'études régionales, les données montrentqu'en général plus de deux travailleurs sur cinq étaient des gensde métier. Dès lors, il n'est pas surprenant de retrouver cetteproportion au sein des sans-culottes.

Le peuple de l'atelier offre d'ailleurs un terrain fertile aux idéessinon révolutionnaires, au moins progressistes. Ainsi, la révolution

Les artisans

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de 1830 trouve ses forces vives dans les travailleurs du secteurartisanal à la suite des ouvriers de l'imprimerie.Les Compagnonnages catalysent l'ardeur révolutionnaire desouvriers et des petits patrons au cours dela révolution de 1848. Mais, lesmouvements collectifs ne sont pasnécessairement unitaires, à l'image desrixes sanglantes qui opposent lesCompagnons républicains et contre-révolutionnaires en 1791. De nombreusesmobilisations restent avant tout liées aux conditions de travailet au niveau de revenu plutôt qu'aux idéaux politiques. L'exempledes canuts9 révoltés en 1831 - qui refusent l'aide des républicainset délaissent le drapeau tricolore au profit d'une bannière noirefrappée de la maxime « vivre en travaillant ou mourir encombattant » - montre bien que les préoccupations sociales sontréduites au périmètre du métier.

• Mutations des métiers et du groupe socialLa chronique des insurrections met en relief l'hétérogénéité descomposantes professionnelles. De fait, si la disparition légale descorporations a permis de faire exploser la chape sociale qui pesaitsur les professions et d'autoriser de nouvelles perspectiveséconomiques, les métiers ont aussi perdu leur structuration.Certes, la survivance illégale de quelques systèmes corporatisteset, surtout, la puissance identitaire des métiers hérités des sièclespassés permettent de repérer le peuple de l'atelier. Mais, ladistinction entre l'ouvrier, le compagnonet le maître - qui tend déjà à devenir unpetit patron - reste difficile et le passaged'un statut à l'autre est très fréquent.

Dans la première partie du XIXe siècle,l'artisan moderne n'existe donc pas encorevraiment et les contours de l'artisanat nesont pas établis. C'est au cours de cette période que vont émergerconcrètement les mutations profondes marquant le passage d'unsystème artisanal féodal à un secteur artisanal concurrentiel. Ils'agit principalement de bouleversements d'ordre organisationnelet technique qui marquent les hommes et leur métier.Ainsi, l'avènement d'un travail libre et l'évolution des moyens deproduction viennent soutenir l'émergence de la concurrence sur

les marchés. Cette dernière entraîne la disparition graduelle desmétiers et des producteurs artisanaux ne parvenant pas à palieraux privilèges que leur conféraient les corporations.

Parallèlement à ces mutations bien visibles,un mouvement massif de repositionnementdes acteurs de l'artisanat les uns par rapportaux autres, mais aussi par rapport aux autresacteurs économiques, s'opère. En effet, depar leurs actions révolutionnaires, les gens

de métiers ont activement participé à la propagation des idéeslibérales et à l'ouverture des marchés. Mais, l'artisanat naissantappelle aussi un certain contrôle de la part des Pouvoirs publics.Avant 1860, il s'agissait de préserver les aspects qualitatifs desmétiers à l'heure où le paiement de la patente suffisait àl'installation. Avec l'apparition dans le champ économique de lapersonne morale en 1863 et la montée en puissance des fabriques,les tentations corporatistes réapparaissent afin de verrouillerdes segments de marché face à la puissance de cette nouvelleconcurrence.

Toutefois, l'intervention trop marquée de l'État est, elle-aussi,crainte. La bureaucratie fait planer la peur d'une restriction dela liberté d'entreprendre si chèrement acquise.D'autre part, avec l'extension des fabriques et les prémisses dela salarisation, les rapports et les statuts intra-entreprise évoluent.Le maître devient progres-sivement un petit patron qui s'inquiète

de la croissance de la classe ouvrière. Defait, ses membres tendent à se détacher ducorps des gens de métiers, même si lesregistres de police ne font aucune dis-tinction entre les ouvriers, les compagnonset les maîtres arrêtés lors de la Commune.Mais, les Compagnonnages, qui continuentd'évoluer dans une semi-clandestinité,

voient leurs effectifs se réduire drastiquement et s'orientent versla promotion d'un artisanat d'élite.

Le positionnement des nouveaux artisans ne cesse donc pasd'évoluer entre le rejet des deux limites absolues que sont laliberté totale des marchés et la bureaucratisation de l'économie,notion préfigurant celle de la collectivisation. C'est finalement

9. Les travailleurs des ateliers lyonnais de soierie.

1831 : les canuts lyonnais révoltés brandissent

une bannière noire frappée de la maxime

« vivre en travaillant ou mourir en combattant ».

Dans la première partie du XIXe siècle émerge

les mutations profondes marquant

le passage d'un système artisanal féodal

à un secteur artisanal concurrentiel.

� Boetsch, C. (2003), “L'histoire de la profession”,Rapport technique, Ordre des Experts Comptables,@ : [email protected].

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B i b l i o g r a p h i e

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Une histoire des professions indépendantes

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sur l'atteinte d'un équilibre entre ces différentes inclinationsque se construit la structuration des artisans et de l'artisanat.

En 1864, l'abrogation de la loi Le Chapelier permet aux petitspatrons artisans de constituer des chambres syndicales sur laseule base professionnelle. Celles-ci se distinguent immédiatementdes syndicats ouvriers et patronaux de l'industrie. Desrevendications sociales et fiscales, notamment la mobilisationcontre l'impôt sur le revenu à partir de 1870, catalyse l'idée dela défense des petits contre les gros. L'émergence de ce préceptemarque la fin du processus de maturation de l'esprit de l'artisanatmoderne bien que le mot n'existe pas encore.

• L'émergence de l'artisanat moderneLa spécificité des artisans, comme des travailleurs non-salariésen général, commence à être intégrée à partir de 1896. Lesnomenclatures de recensement opèrent ainsi une dichotomieplus nette entre les salariés, les non-salariés (les patrons) et lesaides familiales. En 1901, le recensement offre un premierdécoupage du patronat en extrayant les petits patrons del'ensemble. Néanmoins, les frontières séparant les activités decommerce des activités artisanales restent encore relativementfloues. Il faut attendre la loi Courtier du 26 juillet 1925 qui institueles Chambres de métiers pour voir enfin une réelle formalisationde l'artisanat.

Inspirés de l'institution mise en place en Alsace en 1899 sousl'autorité allemande, ces organismes consulaires sontimmédiatement dotés d'une mission d'organisation del'apprentissage. En outre, ils sont chargés de représenter lesintérêts professionnels et économiques des membres de l'artisanatauprès des Pouvoirs publics.Ces attributions provoquent d'ailleurs quelques émois de la partdes Chambres de commerce et d'industrie et des organisationsprofessionnelles qui voient dans ces nouvelles structures uneconcurrence dans le domaine de la lutte d'influence politique.

a loi de 1925 reste relativement peu précise sur la définitionde l'entreprise artisanale. Un décret de 1938 vient complétercette lacune avec une première définition tangible de l'entrepriseartisanale qui est fonction de la taille de l'établissement. Toutefois,les syndicats professionnels sont libres de moduler le nombrede salariés admis pour chaque métier en deçà du seuil de10 personnes.Parallèlement, il est prévu que seuls les artisans puissent faire lapreuve d'un certain niveau de qualification professionnelle -apprentissage ou exercice prolongé du métier - pour être inscritsau Registre des métiers. Mais, la relative jeunesse de l'institutionne permet pas de déployer efficacement cette dernière mesure.

La définition de l'entreprise artisanale connaît encore denombreuses fluctuations au gré des lois, de l'évolution du contexteéconomique - peu favorable à partir des années 1950 - et desconflits d'intérêts émergeant entre les différentes organisationsprofession-nelles. Néanmoins, celles-ci resteront toujours centréessur la taille réduite de l'entreprise, l'exercice concret du métierpar son dirigeant et son indépendance. La loi du 5 juillet 1996relative au développement et à la promotion du commerce etde l'artisanat continue de retenir la limite de 10 salariés dans sadéfinition. En outre, l'inscription au Répertoire des métiers estsoumise à une condition de diplôme ou de qualification.Malgré l'attrait que le libéralisme a toujours exercé sur les artisans,la problématique de la qualité dans l'exercice du métier resteune constante inamovible.

L'artisan est donc un agent économique apparu très tard dansl'histoire. Tenaillé entre ses visions libérales et les risques d'uneconcurrence capitalistique trop virulente, il a souvent su s'adapteren développant ses complémentarités potentielles avec les grandesentreprises et en préservant quelques fondements corporatistesutiles. Il garde pourtant peu de traits communs avec son aïeulpré-révolutionnaire en-dehors de la nature même de certainsmétiers. �

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A

C o n c l u s i o n

u terme de cette étude, l'histoire des professions indépendantes se révèle moins ancienne qu'il n'est traditionnellement admis.Certes, une filiation peut être établie à partir du XVe siècle, période qui a vu émerger les premières corporations. Mais, l'environnementéconomique, social et juridique se révèle par trop différent pour que l'indépendant moderne puisse se revendiquer directementdes acteurs économiques de ces époques. Tout au plus, peut-on repérer un héritage culturel et professionnel propre à quelquesmétiers qui ont réussi à traverser le temps au prix de nombreuses adaptations.

C'est au contraire dans la déliquescence du corporatisme orchestrée par le Législateur à partir de la seconde moitié du XVIIIe queles prémisses de l'indépendance vont émerger. Plus précisément, le mouvement de déréglementation extrême observé à partir dela Révolution conduit à une structuration qui va s'affiner jusqu'à la fin XIXe siècle. Ce n'est qu'à partir de cette période, au termed'un redéploiement de la législation encadrant les indépendants et leurs activités, que les fondements de l'indépendance actuellepeuvent être clairement repérés.

Finalement, l'évolution des professions indépendantes peut être analysée par le déroulement de cycles. Ces derniers faisant alternerdes périodes marquées par des structurations presque rigides de l'environnement socio-économique à des périodes de relâchementrèglementaire profond. À ce titre, l'éclairage historique peut apporter quelques pistes de réflexions pertinentes dans les récentsdébats concernant l'assouplissement du cadre législatif de la création d'entreprise. �

Les auteurs sont redevables envers Jean Riondet, Directeur de l’Institut Internationnal de formation des cadres de santé de Lyon et membre du Comité scientifique de l’Observatoire,pour ses précieuses remarques et orientations bibliographiques.

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La lettre de l’Observatoire - n° 25

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L’Observatoire Alptis de la Protection Sociale réunit les Associations de Prévoyance duGroupe Alptis, des universitaires, des chercheurs et des personnalités représentant lemonde des Travailleurs Indépendants et des petites entreprises qui composent sonConseil d’Administration.

� Son comité scientifique est constitué d’un directeur scientifique, Cyrille Piatecki, etde chercheurs dans des disciplines variées : Jacques Bichot, Gérard Duru, Olivier Ferrier,Nicolas Moizard et Jean Riondet.

� Son premier objectif est d’appréhender le problème de la Protection Sociale desTravailleurs Indépendants, des très petites entreprises et de leurs salariés.

� Son rôle est de recueillir et traiter des informations dans ces domaines, et de lesdiffuser au moyen d’ouvrages et d’une lettre semestrielle.

la lettre de

l’Observatoireest une publication semestrielle éditée parl’Observatoire Alptis de la Protection Sociale12, rue Clapeyron - 75379 PARIS CEDEX 08Tél. : 01 44 70 75 64 - Fax : 01 44 70 75 64E-mail : [email protected]

Direction de publication : Georges Coudert.Direction de la rédaction : Chantal Benoist.Rédaction : Cyrille Piatecki, Stéphane Rapelli.Coordination : Pascaline Delgutte.ISSN : 1621-97-83. Dépôt légal en cours

L'actualité des indépendants

À partir du 1er juin 2009, le Revenu deSolidarité Active (RSA) devrait progres-sivement se substituer à divers minimassociaux et dispositifs de retour à l'emploi.Sont ainsi visés le RMI, l'allocation deparent isolé (API) et la prime de retourà l'emploi (PRE). La prime pour l'emploi(PPE) a été exclue du projet parl'Assemblée nationale. Il s'agit donc d'undispositif unique qui permettraitd'assurer un revenu minimum pour lespersonnes privées d'emploi et uncomplément de revenu pour celles quiappartiennent à la catégorie destravailleurs pauvres (travailleurs dont lesrémunérations n'excèdent pas 817 €).

D'un point de vue technique, lespersonnes privées d'emploi béné-ficieront d'un RSA à taux plein dont lemontant sera équivalent à celui du RMI.Pour les travailleurs à faibles revenus, leRSA constituera un complément derevenu. Le calcul de son montant estdégressif en fonction de la croissancedes revenus du travailleur.

Le projet de loi qui doit être discuté auSénat stipule que le RSA concernel'ensemble des travailleurs pauvres qu'ilssoient salariés ou non-salariés. Parallè-lement, les non-salariés engénéral serontaussi concernés en tant qu'employeurs.

Les non-salariés bénéficiairesdu RSAPotentiellement, le RSApourraient avoirun impact non-négligeable sur lesentrepreneurs individuels qui représen-tent près de 64 % des entreprises sanssalarié. Bien que leur revenu moyenmensuel s'établisse à 2 158 €, un quartdes entrepreneurs individuels del'artisanat, du commerce et des services

disposent d'un revenumensuel inférieurà 666 € selon les derniers chiffres del'INSEE. En outre, ces données ne pren-nent pas en compte lesmicro-entreprisesdont les revenus sont encore plus faibleset qui représentent plus de 16 % desentreprises individuelles. Finalement, aumoins 212 000 entrepreneurs individuelspourraient être concernés par le com-plément de revenu amené par le RSA.

D'autre part, les bénéficiaires de dispo-sitifs comme l'aide aux chômeurs, créa-teurs, repreneurs d'entreprises (ACCRE)devraient être en toute logique intégréaux mesures du RSA. En effet, l'octroiede cette aide est accordé aux titulairesdu RMI et de l'API. Toutefois, il faudraattendre les décrets d'appli-cation de laloi portant généralisation du dispositifpour en connaître les modalitésd'attributions dans ces cas précis.

Les non-salariés employeursLe RSA sera porté par un contratinitiative emploi (CIE). Il s'agit d'une

convention liant l'employeur, le béné-ficiaire et le Conseil général. Ce contratdevrait bénéficier d'une aide financièreà la charge de l'État dont le montantserait limité à 47 % du SMIC brut parheure travaillée, soit un peu plus de 4€.Selon toute hypothèse, cette aide setraduirait par une exonération decharges patronales et de charges sociales.

En l'état actuel, le CIE peut prendre laforme d'un CDI ou d'un CDD dont lerenouvellement est limité à une duréetotale de 24 mois. La durée minimaledes salariés sous CIE est de 20 heurespar semaine. Dans sa finalité, le CIE avoca-tion à remplacer le contratd'insertion - revenuminimumd'activité(CI-RMA). Il faut remarquer que selon lesdonnées de la DARES, ce contrat agénéré 24 000 emplois en 2007. Ce sontles secteurs du commerce et des servicesaux particuliers qui ont notammentparticipé à ces embauches. Ils devraientdonc fortement contribuer à la diffusiondu RSA.

0 20 40 60 80 100

Commerce de détailPharmacie

Réparation et commerce automobileCommerce de gros

Services aux particuliersServices opérationnels aux entreprises

Conseil, assistance aux entreprisesPromotion et gestion immobilières

ConstructionTransports

Activités culturelles et sportivesEducation non scolaire

ENSEMBLE

Revenu net des petits entrepreneurs individuels

Champ : industrie, commerce et services. Entreprises de moins de 20 salariés.

Source : INSEE

Le RSA concerne-t-il les indépendants ?

Industrie

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Page 12: Lettre de l'observoire N°25

� La Prestation Spécifique Dépendance (PSD) (avril 1997)

� Numéro spécial commerce (février 2000)

� Le statut du conjoint du Travailleur Indépendant

(décembre 2000)

� Les contrats Madelin : quel bilan ? (février 2002)

� Numéro spécial sur les fonds de pension (juin 2002)

� Le statut social du gérant de SARL (août 2003)

� La retraite... en réforme (novembre 2004)

� Le Compagnonnage : une voie d’avenir (novembre 2005)

� Les indépendants aux frontières de l’indépendance(1er semestre 2006)

� Les travailleurs indépendants européens :bilans et conjectures (2e semestre 2006)

� Les réseaux de santé (2e semestre 2007)

� L'indépendance, entre renouveau et métamorphose(1er semestre 2008)

N’hésitez pas à consulter ces études sur le site,

� rubrique L’Observatoire,

� onglet Publications.

Let t res et ouvrages éd i tés pa r l ’Obse rvato i re A lpt i s

Thèmes significatifs explorés par La Lettre depuis 10 ans

Prix Quantité Total

� Les très petites entreprises,O. Ferrier, 2002, éd. De Boeck 46,96 € XChèque à l’ordre de De Boeck Diffusion

� Les travailleurs indépendants de l'industrie, du bâtiment et des servicesS. Rapelli, C. Piatecki, 2008, éd. Pharmathèmes 39,00 € XChèque à l'ordre de Pharmathèmes

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Bon de commande�

� Les Travailleurs Indépendants

C. PIATECKI, Olivier FERRIER, P. ULMANN, Mars 1997, éd. Economica. Préface de Jacques Bichot.

� Le patrimoine des travailleurs indépendants, théorie et faits

O. FERRIER, C. PIATECKI, janvier 1999, éd. Continent Europe.

� Les très petites entreprises

O. FERRIER, 2002, éd. De Boeck.L’auteur est le premier à traiter spécifiquement de cet univers auquel peu d’études sont consacrées. Différents thèmes sontabordés et mis en perspective avec le monde des travailleurs non salariés, lui aussi mal connu. Une impressionnante massede données statistiques illustre l’ensemble.

Olivier Ferrier : Maître de conférences en économie à la Faculté de sciences économiques et de gestion de l’université de Paris XII Val-de-Marne,il est également membre de l’Equipe de Recherche sur l’Utilisation des Données Individuelles et Temporelles en Economie (ERUDITE).Il est spécialiste des Très Petites Entreprises et des Travailleurs Non Salariés notamment.

� Les travailleurs indépendants de l’industrie, du bâtiment et des services

S. RAPELLI, C. PIATECKI, Janvier 2008, Pharmathèmes Édition - Communication Santé. Préface de Georges Coudert.En adoptant des éclairages juridiques, politiques, sociologiques et économiques, les auteurs mettent particulièrement l’accentsur la multiplicité des acteurs concernés par le non-salariat, la diversité des entreprises et les nombreuses spécificités sectoriellesrelevées. Les auteurs insistent aussi sur la non-subordination juridique des indépendants et soulignent un élément auquel toutindépendant est confronté quotidiennement, à savoir la prise de risques.

Stéphane Rapelli : Économiste indépendant, est chargé de recherches auprès de l’Observatoire Alptis.Cyrille Piatecki : Professeur agrégé des universités en économie (Université d’Orléans), est directeur scientifique de l’Observatoire Alptis.

ÉPUISÉ

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Lettre Observatoire_25:Lettre Observoire_25_HD 17/10/08 14:04 Page 12