lettre a m. le marquis de lagoy, correspondant de l'institut, sur la monnaie de betarratis

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LETTRE A M. LE MARQUIS DE LAGOY, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT, SUR LA MONNAIE DE BETARRATIS Author(s): Boudard Source: Revue Archéologique, 12e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1855), pp. 35-42 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41742202 . Accessed: 22/05/2014 07:24 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Archéologique. http://www.jstor.org This content downloaded from 193.104.110.105 on Thu, 22 May 2014 07:24:16 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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LETTRE A M. LE MARQUIS DE LAGOY, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT, SUR LA MONNAIEDE BETARRATISAuthor(s): BoudardSource: Revue Archéologique, 12e Année, No. 1 (AVRIL A SEPTEMBRE 1855), pp. 35-42Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41742202 .

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LETTRE

A M. LE MARQUIS DE LAGOY, CORRESPONDANT DE L'INSTITUT,

SÛR LA MONNAIE DE BETARRATIS.

Monsieur,

Vous avez bien voulu m' engager à publier les quelques notes que j'ai pu recueillir à Beziers sur la monnaie de Beterra. Vous savez combien je suis peu osé. Lorsque je me trouve un peu en contradiction avec les maîtres de la science , il me faut , je ne dirai pas une vérité évidente par elle-même , ce qui est impossible pour inoi, mais des faits, des documents, des motifs assez concluants et assez valables pour que, groupés et liés ensemble, ils puissent à mes yeux tenir lieu d'une démonstration. Je suis bien éloigné de croire et ďespérer que dans une question déjà assez obscure par elle-même, et que quelques commentaires ont contribué à rendre encore plus obscure, je puisse atteindre le but que je ne dois ja- mais cesser de poursuivre, et arriver par la discussion h fixer défi- nitivement l'attribution d'une monnaie qui a été l'objet de bien des controverses. Cependant, encouragé et soutenu par votre bienveil- lance, pour peu que le succès réponde à mes efforts, je dirai avec autant de vérité que le poëte latin : totum muneris hoc tui est. Vous avez le premier, monsieur, ramené l'attention sur ces monnaies anciennes et du moyen âge du sud-est de la Gaule , si délaissées avant vous; vous nous avez appris à connaître combien leur expli- cation était importante pour l'histoire de notre Narbonnaise ; c'est donc sous votre patronage que je viens glaner dans ce champ où vous avez déjà fait une si riche moisson.

Voici d'abord la description de la monnaie et de quelques va- riétés :

Io Buste dont la tète est nue et imberbe, à droite ; du tronc sort le bras droit, dont la main étendue est élevée à la hauteur de la bouche. - Derrière une massue.

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36 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. - ...HTAPPA.. Lion courant, au-dessus, la lettre celtibé-

rienne E - Cuivre moy. module. (Collect, de M. Margene, ancien directeur du télégraphe, à Montpellier.) Belle conservation - trouvée à Montagnac (Hérault).

2° Même type , même légende. - Cette pièce offre une variété avec la précédente; la lettre Ë au-dessus du lion est un K > el

au-dessous du ventre de l'animal il se trouve un B au milieu du champ. (Collect, de M. Àd. Ricard , de la Société archéolog. de Montpellier.)

3» Buste dont la tète est nue et imberbe à droite, la bouche ouverte et tirant la langue , - la main étendue devant la bouche , derrière massue.

BHTAPPATIC. - Lion courant, au-dessus la lettre F. - Cui- vre moy. module. - Collect. Bilterroise. - trouvée à Enserune, près de Beziers.

4° Tête casquée à droite, derrière massue, - main droite étendue et levée.

- BHTAPPAT- Lion courant, au-dessus K. - Cuivre moy. module. (Même collect, trouvée à Pezénas.)

On trouverait difficilement une monnaie qui ail eu une destinée aussi singulière que la monnaie de BHTAPPATIC. Elle fut d'abord attribuée aux Bœtarreni de la 3e Palestine ; Hardouin la donna à Betarron, de laPhénicie. (Numice antiq., pag. 92.) Pellerin, et après lui Liebe ( Gotha nummar., p. 129), l'atlribuèrent h Beziers, BAE- TERRA» ville du sud-est de la Gaule. - En 1782, l'abbé de Montégut, après avoir constaté qu'on trouvait assez communément de ces mon- naies à Vieille-Toulouse et dans les environs, en proposa l'attribu tion à Beiharra, petit village du diocèse de Tarbes. « Ce lieu, disait le docte membre de l'Académie des inscriptions de Toulouse, pou- vait être autrefois plus considérable, et on a pu y frapper ces mon- naies que le commerce aura répandues dans différents lieux. » (Mém. de l'Acad. des inscrip. de Toulouse, t. I, in-4.) - Eckhel, qui eut l'occasion de voir ces médailles à son passage dans le Langue- doc, les reconnut aussitôt; il dit qu'on lui en avait apporté une si grande quantité de la basse Hongrie, qu'il avait été obligé de les vendre à un fondeur, et il manifesta l'opinion qu'elles avaient dû être frappées dans le lieu où on les avait trouvées en si grand nombre (idem, p. 95). Cependant, dans le premier volume de son Doctrina nummorum veterum, l'illustre numismatiste donnaàBselerra

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LETTRE SUR LA MONNAIE DB BKTARRATIS. 37

(Nunc Beziers (sie), p. 67), les deux monnaies décrites par Pellerin et Liebe , bien que celle qui est donnée par ce dernier numisma- tiste, dans sa Gotha nummaria, avec la tète de Diane sur un crois- sant, soit regardée et soit réellement fausse. « Holstenius, ajoute- « t-il, missum sibi a Peirescio nummum laudat in quo scriptum X BHTHPPATÍ1N » unde verum urbis nomen in codicibus multum « corruptum eruitur. » 11 y a encore ici une erreur commise par Holstenius dans la lecture de la légende, puisque aucune monnaie connue ne porte la désinence ATHN (1). Toutefois, l'attribution sem- bla dès lors résolue en faveur de Beziers , appuyée qu'elle était par un aussi grand nom que celui d'Eckhel, lorsqu'au commencement de ce siècle, Tochon d'Annecy fit remarquer qu'il y avait une grande ressemblance entre le type et la fabrique de ces monnaies et de celles des rois Galates, et proposa en conséquence de les attribuer à l'Asie Mineure. Le nom de Betarratis alla donc s'ajouter à ceux (le Rigantis, de Kaiantolous, de Bitovios et autres qu'on croit être les noms de chefs ou rois gallo- grecs de la Galatie; et Mionnet, en adoptant cette attribution, lui donna le sceau de son autorité.

M. de La Saussaye, dans son grand ouvrage sur la numismatique de la Gaule narbonnaise, ne pouvait passer sous silence une mon- naie qu'Eckhel et d'autres numismatistes avaient attribuée à Beziers, et les motifs que ce savant a donnés pour la restituer à celte ville sont trop importants pour que je ne m'empresse point de les rap- porter ici : « Les Galates tirant leur origine des Volces-Tectosages, sur le territoire desquels était situé Bœterra , et ayant toujours con- servé des relations avec la mère patrie , la ressemblance de fabri- que entre leurs monnaies et celles de Baeterra n'a rien d'extraor- dinaire. L'emploi des légendes grecques peut s'expliquer sur celles ci par l'influence de la civilisation massaliote sur tout le littoral du midi de la Gaule. - L'attribution de la massue sert à reconnaître le buste d'Hercule représenté sur ces médailles, imita- tion d'un simulacre d'ancien style en vénération à Bœtarra, qui rapportait peut-être, comme Nemausus, son origine à Hercule, c'est-à-dire aux Phéniciens. » Et comme Nismes , sur une inscrip- tion grecque , est nommée NAMAVCATIC , M. de La Saussaye en a conclu que BHTAPPATIC était une forme ethnique très-logique du dialecte grec parlé dans les Gaules.

Cependant, quelques années après, un jeune savant dont la

(1) J'ai trouvé, dans la Collection de H. Renouvier (Jules), à Montpellier, la légende... tappah...

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38 BBVUE ARCHÉOLOGIQUE .

science numismatique regrette la perte récente et prématurée, M. Duchalais, exprima quelques doutes sur cette reslitution (Descrip. des monn. gaul., p. 83) : « Ce n'est , dit-il, qu'en hésitant que nous nous décidons à laisser ces monnaies à la Gaule. Avant nous , une foule de numismatistes avaient déjà signalé leur étonnante res- semblance avec les pièces frappées par les rois de Galatie , et à notre avis , leur véritable patrie devrait être cherchée dans l'Asie Mineure.... Nous n'aurions rien à objecter (contre l'attribution h Beziers) s'il était aussi certain , comme on le prétend, que ce genre de médailles se trouve d'ordinaire aux environs de Marseille et de Beziers , dans le Languedoc et la Provence ; mais il est à remar- quer que les partisans de Beziers, dans une discussion à laquelle il serait facile de mettre fin en produisant le procès-verbal d'une dé- couverte bien constatée, se contentent d'assertions vagues et ne présentent aucun fait avéré. Nous demandons donc, avant de nous rendre tout à fait, qu'on nous présente une de ces pièces bien réellement trouvées en France. »

Comme on le voit, monsieur, les principaux motifs pour re- fuser à Beziers l'attribution de la monnaie qui a pour légende BHTAPPATIC. sont : Io qu'il n'est pas constant qu'on en ait trouvé un seul exemplaire en France; 2° que le type de ces monnaies est le même que celui des monnaies des rois ou princes Galates.

La première objection ne peut être sérieuse; déjà, en 1782, M. de Montégut, dans un mémoire que j'ai cité plus haut, avait dit et constaté que dans les fouilles faites sous ses yeux et par ses soins au faubourg des Récollets , à Toulouse , on avait trouvé une mé- daille de moyen bronze, représentant une tête casquée et une main élevée avec un lion sur le revers, et la légende BHTAPPA; et il ajoutait , ainsi que je l'ai déjà dit , que cette médaille se trou- vait assez souvent dans celte ville et dans les environs (Mém. de l'Acad. des tnscrip. de Toulouse , p. 95). 11 était donc constant, en 1846, qu'on en avait trouvé, non pas un, mais plusieurs exem- plaires en France , et , ce qui n'est pas sans importance dans la question, que cette trouvaille avait été faite dans le Languedoc. Je citerai maintenant, monsieur, Io les deux exemplaires qui font partie de votre cabinet, et qui certainement ne sont point venus du Levant; 2® quatre exemplaires trouvés à Beziers ou dans les environs, et presque tous d'une mauvaise conservation (collection Bitterroise) ; 3° un exemplaire découvert à Montagnac et dont j'ai donné la description au n° 1 ; 4° cinq exemplaires trouvés aux en- virons de Beziers (collection de M. Mathon) ; 5* deux exemplaires,

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LETTRE SUR LA MONNAIE DE BETARRATIS. 39

même provenance (collection de M. Bonnet) ; 6° deux autres exem- plaires idem, ( collection de M. Louis Portalon ), un exemplaire (col- lection de M. Mazel). Toutes ces monnaies ont été trouvées aux environs de Beziers, et la vérifi cation peut en être faite aisément; 7° deux autres exemplaires (collection de M. Adolphe Ricard ) à Montpellier, etc. (l). Je pourrais ajouter quelques autres exemplaires appartenant à de plus petites collections , mais je crois le procès- verbal assez pertinent pour qu'on ne le redemande pas une seconde fois. J'ignore la provenance des exemplaires qui font partie du ca- binet impérial de la Bibliothèque de Paris, mais j'ai tout lieu de croire qu'ils ne sont pas venus de l'Asie Mineure. Je ferai remar- quer qu'aucun des nombreux exemplaires que j'ai vus dans le pays n'est dans un bel état de conservation , à l'exception de celui qui appartient à M. Margerie, et qu'il serait diffìcile d'en trouver deux qui aient été frappés avec le même coin ; il y a toujours quelque différence, ou dans les lettres de la légende, ou dans la pose et le dessin du lion courant , ou dans le type de la tête du droit.

La deuxième objection n'est guère plus sérieuse. - Sur le droit des monnaies galates, il y a toujours une tête virile, nue, imberbe, et derrière une massue. - Sur la monnaie de Bœtarra , c'est tou- jours un buste dont la tête est quelquefois casquée et le plus sou- vent nue, mais du tronc sort le bras droit, dont la main étendue est élevée vis-à-vis de la bouche. - Ce type ne se retrouve que sur des monnaies du sud de l'Hispanie avec la légende ANI® ht (Lorichs., pl. LX1X, n° 6). Il n'y a pas, il est vrai, sur la monnaie ibéro-turdétane , la massue qui se trouve derrière la tête de la monnaie de Betarra, mais j'avoue que je doute grandement, mal- gré cette massue , qu'on ait voulu nous donner l'Hercule tyrien ou grec, car il serait alors représenté sur quelques exemplaires, bouche béante et tirant la langue; et je ne sache pas qu'aucun monument nous ait transmis le simulacre du dieu des Phéniciens ou du fils d'Alcmène sous cette forme singulière.

Le type du revers, le lion courant se trouve, il est vrai, sur les monnaies galates, mais il est aussi sur des monnaies ibériennes qui ont pour légende t=X-4 et (Lorichs, pl. XL VIII,

(1) Mon savant ami et confrère M. Chaudruc de Grazannes me signale des trou- vailles de cette monnaie à Vieille-Toulouse, à Hispalia et à Cosa près de Montau- ban , à Aginnum, à Burg dig ala , etc.

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40 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. n" 4, 5, 6), que l'on découvre dans la Narbonnaise et la Catalogne, et dont le module pour le moyen bronze est le même que celui de Betarratis. Je peux donc dire, sans trop m'avenlurer, que la deuxième objection n'est pas plus sérieuse que la précédente. En- core faudrait-il prouver que ces monnaies, attribuées aux rois ou tetrarckes galates, appartiennent réellement à ces princes, ce qui me parait fort douteux depuis que j'ai recueilli sur les trouvailles de ces monnaies faites dans le Languedoc un procès-verbal plus étendu que celui de Betarra, que je me proposa de mettre un de ces jours sous vos yeux, en le faisant suivre de quelques observa- tions. Peut-être alors y aura-t-il lieu de penser au contraire que ces monnaies doivent revenir à la Narbonnaise. Ceci dit en pas- sant, je ferai remarquer que le K qui, sur notre monnaie, est au-dessus du lion , se trouve sur divers exemplaires remplacé par un ( ou par un 1= , ou par un F , toutes lettres simples ou liées , qui appartiennent à l'alphabet ibérique, et il est clair que si Betar- ratis était le nom d'un roi galate, ces lettres ibériques ne se trou- veraient pas sur la monnaie. De toute cette discussion , il résulte Io que la monnaie objet de tant de controverses se trouve fréquem- ment à Béziers; 2° qu'on en a trouvé des exemplaires dans le Lan-

guedoc et dans la Provence ; 3" que le type du droit et celui du revers ont été empruntés à des monnaies ibériennes ; 4* que les lettres ibériques qu'on remarque sur quelques exemplaires excluent toute attribution à l'Asie Mineure , et que dès lors je dois mainte- nir à Baeterra, après Pellerin , Eckhel et M. de La Saussaye , l'attri- bution de la monnaie qui a pour légende BHTAPPATIC.

Il me reste maintenant à rechercher à quelle époque cette mon- naie a pu être frappée , et pourquoi , lorsque la légende est grec- que, une lettre ibérienne isolée se trouve, sur quelques exemplaires, au-dessus du lion.

Si l'on en croit M. Fauriel, Beziers est une ville d'origine ibéri- que, et M. de La Saussaye a adopté cette opinion en faisant dériver le nom de Baetarra du mot basque petarra (colline). Cette étymo- logie convient parfaitement à une ville située sur une hauteur, baignée par l'Orb, et dont Strabon disait autrefois as<p«Xs< tSpuxal. Je crois cependant devoir vous soumettre les motifs qui m'ont en- gagé à embrasser le même sentiment que ces deux savants sur l'origine de Beziers.

Les Bebryces ou Élysices, qui étaient Ibères ( Êtud . ibérienn., p. 76) et qui occupaient Narbonne du temps d'Hécatée, s'étendaient

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LETTRE SUR LA MONNAIE DE BETARRATIS. 41

entre le Sor dicen atagnum (élang de Leucate) et le Thyrius , ou mieux Dur ins ( Arauris , gaulois), aujourd'hui Y Hérault. Lorsque les Arvernes eurent établi leur domination dans la Gaule et l'eurent portée dans le sud-est jusqu'à Narbonne (Strabon, lib. IV), cette dernière ville devint une colonie des Atacins; Narbo.... Atacino - rum .... colonia , dit Mela ílib. II, 6). On ignore si les Bebryces furent contraints de se retirer, ou s'R y eut alors à Narbonne, comme à Emporium, deux peuples de race différente, car Strabon dit que ce qďil nous raconte d'Emporium était arrivé dans d'autres lieux. Quoi qu'il en soit, je crois pouvoir reporter l'existence de Bœterra, avant l'invasion des Arvernes que j'ai prouvé ailleurs appartenir au IVe siècle.

Avienus, dans son Ora Maritima , écrivant la géographie de nos contrées sud-est, après avoir fait mention de la capitale du royaume des Élysices, dit, en parlant de Beziers :

Dehinc Besaram stetisse fama casca tradidil , At nuoce Ledus, nunc et Orobis ilumina Vacuos per agros et ruinarum aggeres Amaenitatis indices prise» meant.

(V. 689 et suiv.)

Quelques-uns ont mis en doute si le Besara du géographe était le même que le Bœterra des auteurs grecs et latins. Il me semble que c'est comme si Y on doutait que le Beders et le Bezers , que l'on trouve dans les écrivains provençaux ou dans les chartes du moyen âge, indiquent la même ville. Le mot Besara (Bes-ar ou Bis-ar, selon les dialectes. Biet, basq . de Poivreau) signifie l'habitant de la colline, et ce dut être le nom primitif de la cité, car malgré les révolutions diverses qu'elle a subies, quoique bien des peuples d'origine et de race différentes soient venus successivement s'y établir et y aient laissé des traces de leur passage , ce nom de Be- sara s'est perpétué jusqu'à nous. Valois fait la remarque que le territoire de Beziers est encore appelé Besarès ( Valesii-Notit. Gal- lica , p. 90) : ce qui est vrai. Besara et Bœterra sont donc la même ville, mais comme Avienus nous donne les noms anciens des villes d'après des géographes et des auteurs qu'il cite , et tous anté- rieurs au IVe siècle, je dois encore admettre avec lui que Besara est le nom primitif de Beziers, et par induction que la destruction de cette ville dont il fait mention doit être attribuée aux Arvernes, qui sont le seul peuple qui ait dominé dans le pays sud-est de la

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42 REVUS ARCHÉOLOGIQUE Gaule après les Ibères. Alors le rétablissement de Beziers serait dû aux Volces-Arécomiques sans que la population bébrycienne ait entièrement disparu. Quant au premier fait, Strabon dit indirec- tement oui, et Ptolémée dit non, c'est-à-dire que le premier place Bœterra dans la région des Arécomiques (lib. IV), tandis que Pto- lémée l'attribue aux Tectosages. Outre que l'on sait combien Stra- bon l'emporte pour la vérité des faits qu'il raconte et des lieux qu'il décrit , sur Ptolémée, dont les copistes ont quelquefois si étrange- ment défiguré le texte, il y a un indice qui me semble appuyer le premier de ces géographes, c'est l'ethnique Betarratis heureuse- ment comparé avec Namausatis par M. de La Saussaye. Il me sem- ble que la peuplade qui se servait du second ethnique devait être la même que celle qui employait le premier, et que dès lors il n'y a que les Arécomiques qui aient pu occuper Bœterra, et par con- séquent la relever de ses ruines. Quant à l'opinion que la popu- lation bebrycienne ne disparut point devant les Volkes , je peux donner comme preuve de ce fait : Io le type de la monnaie em- prunté à l'Hispanie ibérique ; 2® les lettres ibériennes isolées que j'ai déjà fait remarquer au-dessus du lion , et qui indiquent des rapports d'alliance commerciale avec des peuplades ou des villes d'au delà des Pyrénées.

L'époque où la monnaie a été frappée me semble dès lors devoir être reportée au deuxième siècle avant notre ère, puisque lors du passage d'Annibal dans la Gaule sud-est, les Volkes ( OuoXxaí ) , n'étaient encore, suivant Tite Live, que sur les bords du Rhône.

Veuillez agréer, Monsieur, etc.

Boudard.

Beziers, 1855.

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