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LA RHÉTORIQUE DU SUICIDE Françoise LÉTOUBLON 1 RÉSUMÉ À la suite de l’étude des topoi romanesques publiée en 1993, le thème du monologue suicidaire dans les romans grecs est repris ici à la lumière de la rhétorique : il se trouve dans les Éphésiaques dans la bouche d’Habrocomès qui croit Anthia morte et forme le vœu de mourir lui-même, et d’être enseveli avec elle. Chez Chariton, les variations sont nombreuses et subtiles, truffées de citations homériques. Chairéas est régulièrement arrêté dans ses velléités suicidaires par un ami. Mais chez lui, Callirhoé aussi a ses monologues suicidaires et le renoncement au geste fatal vient de Chairéas lui-même, par le rêve ou par la présence de son portrait. Dionysios, le second mari de Callirhoé, joue sa partie. Les exemples d’Héliodore sont intéressants ; en revanche, on peut tirer de l’examen des occurrences de ce thème chez Achille Tatius une conclusion mitigée : le roman à la première personne semble difficilement compatible avec la répétition sérieuse de ses propres monologues suicidaires, très rhétoriques, par Clitophon, et les réactions de ses amis Ménélas et Clinias, rapportées aussi au discours direct, impliquent peut-être que le thème est traité de manière parodique par le romancier. Les exemples rencontrés même dans Daphnis et Chloé, ainsi que dans le Satyricon et dans les Métamorphoses d’Apulée, confirment l’importance de ce thème dans la technique narrative romanesque de l’Antiquité. Il semble bien que l’on puisse voir là une trace des exercices d’école, que la connaissance du genre des Déclamations paraît confirmer. Bien que la plupart des monologues étudiés paraissent très déclamatoires, rhétoriques dans le plus mauvais sens du terme, dans certains cas, les images employées manifestent la profonde humanité du personnage malheureux au point de désirer mourir. 1. Université Stendhal-Grenoble 3, Institut universitaire de France.

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Letoublon, Perseela réthorique du suicidefrench

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Page 1: Letoublon La Rethorique Du Suicide Article Mom 0151-7015 2006 Act 36-1-1062

LA RHÉTORIQUE DU SUICIDE

Françoise LÉTOUBLON 1

RÉSUMÉ

À la suite de l’étude des topoi romanesques publiée en 1993, le thème du monologue suicidaire dans les romans grecs est repris ici à la lumière de la rhétorique : il se trouve dans les Éphésiaques dans la bouche d’Habrocomès qui croit Anthia morte et forme le vœu de mourir lui-même, et d’être enseveli avec elle. Chez Chariton, les variations sont nombreuses et subtiles, truffées de citations homériques. Chairéas est régulièrement arrêté dans ses velléités suicidaires par un ami. Mais chez lui, Callirhoé aussi a ses monologues suicidaires et le renoncement au geste fatal vient de Chairéas lui-même, par le rêve ou par la présence de son portrait. Dionysios, le second mari de Callirhoé, joue sa partie. Les exemples d’Héliodore sont intéressants ; en revanche, on peut tirer de l’examen des occurrences de ce thème chez Achille Tatius une conclusion mitigée : le roman à la première personne semble difficilement compatible avec la répétition sérieuse de ses propres monologues suicidaires, très rhétoriques, par Clitophon, et les réactions de ses amis Ménélas et Clinias, rapportées aussi au discours direct, impliquent peut-être que le thème est traité de manière parodique par le romancier. Les exemples rencontrés même dans Daphnis et Chloé, ainsi que dans le Satyricon et dans les Métamorphoses d’Apulée, confirment l’importance de ce thème dans la technique narrative romanesque de l’Antiquité. Il semble bien que l’on puisse voir là une trace des exercices d’école, que la connaissance du genre des Déclamations paraît confirmer.

Bien que la plupart des monologues étudiés paraissent très déclamatoires, rhétoriques dans le plus mauvais sens du terme, dans certains cas, les images employées manifestent la profonde humanité du personnage malheureux au point de désirer mourir.

1. Université Stendhal-Grenoble 3, Institut universitaire de France.

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ABSTRACT

After our study of the topoi published in 1993, the theme of the suicidal monologue in the Greek romances is examined here again in the light of rhetoric. It is found in the Ephesiacs, spoken by Habrocomes, who believes Anthia dead, and forms the wish to die himself, and to be buried with her in the same tomb. In Chariton, the variations are frequent and subtle, and contain many Homeric quotations. Chaireas is regularly stopped in his suicide attempts by a friend. But in his work, Callirhoe also has her suicidal monologues, and her renouncement of the fatal act comes from Chaireas himself, through a dream or through the presence of his portrait. Dionysios, Callirhoe’s second husband, plays a role. The examples in Heliodorus are interesting. But the study of this theme in Achilles Tatius leads to a mixed conclusion: the first-person romance seems not to be compatible with Clitophon’s earnest repetition of his own suicidal monologues, and the reactions of his friends Menelas and Cleinias, also delivered in direct speech, possibly imply a parodic treatment of the theme by the writer. The examples found even in Daphnis and Chloe, as well as in the Latin Satyricon and Metamorphoses by Apuleius, confirm the importance of this theme in the narrative technique of the romance in antiquity. It seems that the trace of school exercises may be seen here, which understanding of the genre represented by the Declamations appears to confirm.

Although most of the monologues studied here seem very bombastic, rhetorical in the worst sense of the term, in some cases the images employed demonstrate the deep humanity of a character so unhappy that he/she wishes to die.

Le thème de la fausse mort de l’héroïne dans les romans grecs et celui des monologues suicidaires de son ami, qui a déjà été développé ailleurs 2, donne lieu dans les œuvres à de nombreuses scènes de désespoir du héros, qui, se croyant désormais seul sur la terre, décide souvent de recourir au suicide : ce lieu commun se rencontre d’ailleurs dans bien d’autres contextes, Roland Barthes en donne un bel exemple dans ses Fragments d’un discours amoureux, avec diverses citations de Stendhal, Heine, Goethe et Gide : « Dans le champ amoureux, l’envie de suicide est fréquente : un rien la provoque » 3. Le thème choisi pour le colloque de Tours donne l’occasion de revenir sur le sujet en étudiant de plus près la rhétorique du suicide dans les romans grecs 4, avec des exemples latins 5.

2. Voir Molinié 1982, p. 312-358 ; Létoublon 1993, p. 184-189.

3. Barthes 1977, p. 258.

4. Sur les relations entre rhétorique et romans antiques, voir Reardon 1971 et Fusillo 1991, en part. p. 76-81.

5. À l’occurrence chez Pétrone qu’une lecture personnelle m’avait fait relever, les remarques de Danielle Van Mal-Maeder me permettent d’ajouter d’autres textes. Je l’en remercie vivement et renvoie pour une étude des relations entre le roman et le genre rhétorique de la déclamation à ses articles (Van Mal-Maeder 2001, 2003) ainsi qu’aux travaux d’Antonio Stramaglia.

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Habrocomès montre dans Les Éphésiaques le motif pour ainsi dire « à l’état pur » : croyant Anthia morte, le héros a d’abord des gestes de deuil (perievrrhxe to;n citw`na, megavlw~ ajnwduvreto) et des paroles au discours indirect, puis le narrateur passe au discours direct et lui prête un monologue suicidaire sous sa forme élémentaire, Éph. III, 10 :

« Tiv~ a[ra lh/sth;~ ou{tw~ ejrwtikov~, i{na kai; nekra'~ ejpiqumhvsh/ sou … i{na kai; to; sw'ma ajfevlhtai … ΔApesterhvqhn oJ dustuch;~ kai; ãtou' swvmatov~Ã sou, th'~ movnh~ ejmoi; paramuqiva~. ΔApoqanei'n me;n ou\n e[gnwstai pavntw~: ajlla; ta; prw'ta karterhvsw, mevcri pou to; sw'ma eu{rw to; so;n kai; peribalw;n ejmauto;n ejkeivnw/ sugkataqavyw. » « Quel est le brigand pris du désir d’amour au point de te désirer même morte ? au point même d’enlever ton cadavre ? Malheureux que je suis, j’ai été privé même de ton corps, mon unique consolation. La mort est donc décidée de toute façon ; mais d’abord, il faut me renforcer jusqu’à ce que j’aie retrouvé ton corps et qu’en l’enserrant je sois enseveli avec lui. »

L’enchaînement nous semble presque comique. Ce passage fournit aussi l’exemple le plus simple de l’empêchement du suicide : intervention de l’ami providentiel, ici un groupe (qarrei`n de; aujto;n parekavloun…) et l’expression du désir d’un ensevelissement commun, sugkataqavvyw, suivant une tradition qui remonte probablement au vœu exprimé par l’ombre de Patrocle à Achille dans l’Iliade :

« […] ne dépose pas mes restes loin des tiens

[…] Qu’un seul et même vase enferme donc aussi mes cendres : L’urne d’or dont t’a fait présent ta vénérable mère. » (Iliade XXIII, 82 et 91-92, trad. Frédéric Mugler, Actes Sud, 1995) 6.

Chez Chariton, les variations sont nombreuses et subtiles, cela n’étonnera personne : c’est bien la fausse mort de Callirhoé qui déclenche les monologues suicidaires de Chairéas, sous forme simple d’abord au moment de la première mort de Callirhoé, I, 5, 2 :

Tovte e[leo~ kai; eijsh`lqe th`;~ ajpoqanouvsh~ kai ; ajpokteinai me ;n eJauto ;n ejpequvmei, Poluvcarmo~ de ; ejkwvlue, fivlo~ ejxaivreto~, toiou`to~ oi|on {Omhro~ ejpoivhse Pavtroklon jAcillevw~. Alors, il se sentit pénétré de pitié pour la morte : il voulait se tuer, mais Polycharme l’en empêchait, Polycharme, un ami remarquable, tel Homère montra Patrocle auprès d’Achille.

6. À la notion d’intertextualité, nous préférons pour l’ensemble de l’Antiquité celle d’allusion telle

qu’elle est développée par G.B. Conte 1986, dans le prolongement de G. Pasquali, pour des raisons qui tiennent essentiellement au mode d’éducation, faisant appel à la mémoire des textes, voir Alaux, Létoublon 1998 ; nous ne pouvions pas connaître à l’époque de la remise du manuscrit le travail de B. Zimmermann 1997.

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La comparaison avec Patrocle auprès d’Achille chez Homère suffit sans citation explicite, probablement à cause de la citation explicite du passage concernant le deuil d’Achille quelques paragraphes plus haut, quand Chairéas apprend d’un jaloux que Callirhoé le trompe (I, 4, 6, avec citation de trois vers de l’Iliade, XVIII, 22-24, dûment reconnus par l’édition Molinié-Billault).

Ensuite, Hermocrate le sauve d’une condamnation à mort pour meurtre ; il continue néamoins à souhaiter mourir, sans que Chariton nous donne son discours sous forme littérale (I, 6, 1), mais il cite les paroles par lesquelles son ami Polycharme réussit à le fléchir en alléguant les funérailles de Callirhoé.

Plus loin dans le roman, on trouve une mise en scène plus élaborée au livre III, 3, 1 : Chairéas retourne au tombeau « sous prétexte d’y apporter des couronnes et des libations, en réalité avec l’idée de se tuer : il ne voyait que dans la mort un remède à son deuil ».

C’est alors qu’il trouve le tombeau vide, et qu’il croit, tout comme Habrocomès dans Les Éphésiaques, que les brigands ont emporté le cadavre de Callirhoé avec les offrandes funèbres, ou que c’est un dieu qui l’a enlevée, dans un long monologue où l’on note plusieurs traits comparables à celui d’Habrocomès : celui-ci se qualifiait de dustuchv~, Chairéas imite plus explicitement le monologue traditionnel du héros ou de l’héroïne de tragédie et son dilemme 7, III, 3, 4 :

« Tiv~ a[ra qew'n ajnterasthv~ mou genovmeno~ Kallirovhn ajpenhvnoce kai; nu'n e[cei meqΔ auJtou' mh; qevlousan, ajlla; biazomevnhn uJpo; kreivttono~ moivra~ … Dia; tou'to kai; aijfnivdion ajpevqanen, i{na mh; noshvsh/. Ou{tw kai; Qhsevw~ ΔAriavdnhn ajfeivleto Diovnuso~ kai; Semevlhn oJ Zeuv~: mh; ga;r oujk h[/dein o{ti qea;n ei\con gunai'ka kai; kreivttwn h\n h] kaqΔ hJma'~. jjAllΔ oujk e[dei tacevw~ aujth;n oujde; meta; toiauvth~ profavsew~ ejx ajnqrwvpwn ajpelqei'n. […] Tiv pavqw … Tiv gevnwmai, dustuchv~ … jEmauto;n ajnevlw … Kai; meta; tivno~ tafw' ; tauvthn ga;r ei\con ejlpivda th'~ sumfora'~: eij qavlamon meta; Kallirovh~ koino;n oujk ejthvrhsa, tavfon aujth'/ koino;n euJrhvsw. […]. Suv me zh'n ajnagkavzei~: zhthvsw gavr se dia; gh'~ kai; qalavssh~, ka]n eij~ aujto;n ajnabh'nai to;n ajevra duvnwmai. Tou'to devomaiv sou, guvnai, suv me mh; fuvgh/~. » Qrh'non to; plh'qo~ ejxevrrhxen ejpi; touvtoi~ kai; pavnte~ wJ~ a[rti teqnew'san Kallirovhn h[rxanto qrhnei'n. « Quel dieu me dispute mon amour, au point de s’être fait le ravisseur de Callirhoé, et de la détenir maintenant contre son gré, sous la violence d’un sort impérieux ? Si elle morte subitement, c’était donc pour qu’elle n’eût pas à

7. Sur les monologues dans la tradition grecque, voir W. Schadewaldt 1926 (1966), qui ne se limite

pas à la tragédie ni au monologue suicidaire, et Fowler 1987 qui étudie la « rhétorique du désespoir » dans la tragédie et ses antécédents homériques ; sur la tradition latine représentée dans les tragédies de Sénèque, voir N. Palmieri 1999, et sur le modèle homérique lui-même Létoublon 2001. Sur le rôle de la tragédie dans les romans grecs, voir Fusillo 1991, p. 31-41 ; Alaux, Létoublon 1998.

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dépérir dans la maladie, telle Ariane enlevée à Thésée par Dionysos, telle Sémélé enlevée par Zeus ; sans doute, je ne savais pas que j’avais pour femme une déesse, un être beaucoup trop admirable pour demeurer parmi nous ! […] Que faire ? Que devenir dans ma détresse ? Me tuer ? Et auprès de qui me faire ensevelir ? J’avais au moins cet espoir dans mon malheur : si je n’avais pu conserver même chambre avec Callirhoé, je devais trouver même tombeau. […] Si je conserve la vie, c’est que tu m’y forces ; j’irai à ta recherche par terre et par mer, et je monterai jusqu’au ciel si je peux. Je ne te demande qu’une chose, ma femme : ne me fuis pas. » Alors, tout le monde éclata en lamentations, la foule commença ses chants funèbres comme si Callirhoé venait de mourir.

Comme on le voit, le personnage accumule les figures de style, anaphores, assonances, hyperboles et antithèses.

En III, 5, Chairéas a appris par le procès de Théron que Callirhoé était vivante et mariée à un autre et souhaite à nouveau se tuer en dépit des supplications homériques de ses parents 8, et il passe même à l’acte, fait que Chariton résume encore sobrement et sans discours :

Chairéas, brisé par les supplications de ses parents, se jeta du navire à la mer pour se tuer ; il éviterait ainsi le dilemme : ne pas aller à la recherche de Callirhoé, ou affliger ses parents. Les matelots sautèrent aussitôt et eurent beaucoup de mal à le sortir de l’eau 9.

Il se rend alors en Ionie, et, dans le temple d’Aphrodite, la vue du portrait de Callirhoé déclenche encore une mort symbolique (évanouissement et référence homérique, III, 6, 3), puis un nouveau monologue suicidaire, III, 6, 6, avec le discours topique du héros tragique en forme d’interrogation rhétorique dans une apostrophe à la mer :

« «W qavlassa, fhsiv, filavnqrwpe, tiv me dievswsa~ … h] i{na eujplohvsa~ i[dw Kallirovhn a[llou gunai'ka … […] Tiv poihvsw, dustuchv~ … Para; despovtou me;n ga;r h[lpizovn se komivsasqai kai; toi`~ luvtroi~ ejpivsteuon o{ti peivsw to;n ajgoravsanta: [...] ajllΔ oujdΔ, a]n ajpanthvsw, duvnamaiv soi proselqei'n, ajll Δ oujdev, to; koinovtaton, wJ~ polivth~ ajspavsasqai. Kinduneuvsw tavca kai; wJ~ moico;~ th'~ ejmh'~ gunaiko;~ ajpolevsqai. » Tau'ta ojdurovmenon paremuqei'to Poluvcarmo~. « Mer trop clémente, pourquoi m’as-tu préservé de tes périls ? tu voulais donc qu’après une bonne traversée je visse Callirhoé devenue femme d’un autre ? […] Qu’est-ce que je vais pouvoir faire, dans mon malheur ? Je comptais te reprendre

8. Allusion aux supplications que Priam et Hécube adressent à Hector du haut des murs de Troie,

tandis qu’il reste seul hors des portes pour attendre l’attaque d’Achille, Iliade XXII, 34-90.

9. Le raisonnement est évidemment sophistique : sa mort affligera encore plus ses parents que sa décision de partir à la recherche de Callirhoé. L’amour romanesque mérite bien son nom d’Eros

sophistes, voir G. Anderson 1982.

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à ton maître, persuadé qu’une rançon ferait fléchir ton acheteur […] Bien plus, si je te rencontre, je ne peux même pas t’aborder pour parler avec toi ; encore pire, je ne peux même pas te saluer […]. Je risquerai peut-être jusqu’à la mort, pour être l’amant de ma femme ! » Tandis qu’il se lamentait ainsi, Polycharme essayait de le réconforter.

Il ne décide pas la mort volontaire, mais pense risquer une condamnation à mort en tant qu’amant de sa propre femme. C’est encore Polycharme qui coupe court aux spéculations vaines de ce rhéteur, dont le brillant vient ici du paradoxe piquant de la situation.

On mentionnera encore au livre V, 10, 9, le suicide par pendaison de Chairéas, encore une fois interrompu à point nommé par Polycharme, encore une fois orné d’une citation homérique.

Mais l’originalité de Chariton va plus loin : chez lui, l’héroïne aussi a son monologue suicidaire, ou plutôt son dialogue intérieur avec l’embryon qu’elle porte dans son ventre, par suite de l’habile chantage de Plangon 10. Chariton cite les arguments opposés qu’elle développe successivement pour trouver une solution. Elle envisage en II, 9, 1-6, de tuer l’enfant ou de le laisser vivre, puis en II, 11, 1-5, de mourir avec lui.

Dans les deux cas, c’est en fait Chairéas qui lui fait prendre la décision de survivre, dans le premier en lui apparaissant en rêve (avec une citation homérique renvoyant à la vision de Patrocle par Achille) 11, dans le second par la mise en scène imaginaire d’un vote dans lequel s’expriment trois opinions, la sienne, celle de l’enfant qu’elle porte et celle de Chairéas, représenté par le portrait de lui qu’elle a mis sur son ventre : dans une étrange perception – est-elle parodique ? – de la démocratie représentative, son vœu de mourir est mis en minorité par les deux votants par procuration, et elle décide d’obéir à cette majorité imaginée et imaginaire 12.

C’est alors Dionysios qui devient la proie de la pulsion de mort topique du héros de tragédie devenu héros de roman, en III, 1, 1. Il a même rédigé son testament avant de procéder à un suicide raisonné que Plangon interrompt avec son message, tandis que toute la maison, y compris Callirhoé, le croit mort, dans un effet très dramatisé de suspens dû au retard de l’information des personnages par rapport au lecteur.

10. Létoublon 1993 ; Alaux, Létoublon 2001.

11. Sur les rêves dans le roman de Chariton, voir D. Auger 1983 ; plus généralement et sur les relations entre rêve et recherche de la mort, voir S. MacAlister 1996.

12. La référence à l’Orestie, moins évidente que chez Héliodore (Alaux, Létoublon 1998), suggère, sinon la parodie, du moins un trait d’humour.

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Des symptômes analogues réapparaîtront plus loin chez Dionysios à la réception de la lettre de Chairéas détournée 13. La comparaison des passages cités avec celui des Éphésiaques montre parmi les procédés de l’amplification rhétorique le recours aux modèles mythologiques, encore probablement sous l’influence d’Homère 14 : en ce qui concerne notre corpus romanesque, on rencontre dans les discours cités l’abandon d’Ariane par Thésée justifiant l’intervention de Dionysos, évidemment modèle pour Dionysios, ne serait-ce qu’à cause de l’analogie des noms propres, en III, 3, ainsi que Jason et Médée, puis Amphion, Zéthos et Cyrus en II, 9.

Achille Tatius pousse le procédé du monologue suicidaire à des sommets de brillant inégalés, mais aussi jusqu’à lasser quelque peu le lecteur, les amis providentiels de Clitophon le lui disent d’ailleurs à plusieurs reprises, ce que j’interprète comme l’un des signes du ton parodique de l’auteur, prenant ses distances avec le personnage 15, Ménélas en III, 16, Clinias en VII, 6.

Citons les deux exemples développés de décision de suicide avec monologue rhétorique, et même grandiloquent, et interruption par les amis providentiels : livre III, 16, 2-17, 4 :

Peri; de; prwvthn nukto;~ fulakh;n pavnta~ ejpithrhvsa~ kaqeuvdonta~ proveimi to; xivfo~ e[cwn, ejpikatasfavxwn ejmauto;n th'/ sorw'/. jEpei; de; plhsivon ejgenovmhn, ajnateivnw to; xivfo~, « Leukivpph, » levgwn, « ajqliva kai; pavntwn ajnqrwvpwn dustucestavth, ouj to;n qavnaton ojduvromaiv sou movnon […], ajllΔ o{ti kaqavrsion gevgona~ ajkaqavrtwn swmavtwn kaiv se zwsan ajnevtemon, oi[moi, kai; blevpousan o{lhn th;n ajnatomhvn, ajllΔ o{ti sou th';~ gastro;~ ta; musthvria ejmevrisan kai; th;n tafh;n kakodaivmoni bwmw''/ kai; sorw'/. Kai; to; me;n sw'ma tauvth/ katatevqeitai, ta; de; splavgcna pou' … Eij me;n dedapanhvkei to; pu'r, h{ttwn hJ sumforav: nu'n de; hJ tw'n splavgcnwn sou tafh; lh/stw'n gevgone trofhv. ‘W ponhra'~ ejpi; bwmou' da/douciva~: w] trofw'n kaina; musthvria. Kai; ejpi; toiouvtoi~ quvmasin e[blepon a[nwqen oiJ qeoi; kai; oujk ejsbevsqh to; pu'r, ajlla; miainovmenon hjneivceto kai; ajnevfere toi'~ qeoi'~ th;n kni'san. Labe; ou\n, Leukivpph, ta;~ prepouvsa~ soi parΔ ejmou' coav~. » Tau'ta eijpw;n ajnateivnw to; xivfo~ a[nw wJ~ kaqhvswn ejmautw'/ kata; th'~ sfagh'~: kai; oJrw' duvo tina;~ ejx ejnantiva~ (selhnaiva de; h\n) spoudh '/ qevonta~. jEpevscon ou\n lh/sta;~ ei\nai dokw'n, wJ~ a]n uJpΔ aujtw'n ajpoqavnoimi. jEn touvtw/ de; ejggu;~ ejgevnonto kai; ajnabow'sin a[mfw. Menevlao~ de; h\n kai; oJ Savturo~. jEgw; de;

13. Sur le rôle des lettres dans les romans grecs, voir Létoublon 2003. On peut penser qu’à côté des

romans par lettres attestés dès l’Antiquité, ces lettres romanesques qui provoquent souvent des coups de théâtre jouent un rôle dans la naissance du roman épistolaire en Europe.

14. Voir M. Willcock 1964.

15. Sur l’hypothèse de la parodie chez Achille Tatius, voir l’article fondateur de D. Durham 1938 et la discussion récente par K. Chew 2000.

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a[ndra~ ijdw;n ejk paralovgou zw'nta~ kai; fivlou~ ou[te perieptuxavmhn […] kai; ejpeceivroun ajfaireisqai to; xivfo~: ejgw; dev, « Pro;~ qew'n, » e[fhn, « mhv moi fqonhvshte qanavtou kalou', ma'llon de; farmavkou tw'n kakw'n: oujde; ga;r zh'n e[ti duvnamai, ka]n nu'n me biavshsqe, Leukivpph~ ou{tw~ ajnh/rhmevnh~. Tou'''to me;n ga;r ajfairhvsesqev mou to; xivfo~, to; de; th'~ ejmh'~ luvph~ xivfo~ e[ndon katapevphge kai; tevmnei katΔ ojlivgon. jAqanavtw/ sfagh'''/ ajpoqnhv/skein me bouvlesqe … » Levgei ou\n oJ Menevlao~: « ΔAllΔ eij dia; tou'to qevlei~ ajpoqanei'n, w{ra soi to; xivfo~ ejpiscei'n: Leukivpph dev soi nu'n ajnabiwvsetai. » Vers la première veille de la nuit, ayant observé que tout le monde dormait, je sors avec mon glaive, dans l’intention de m’immoler sur le cercueil. Lorsque je fus tout près, je lève mon glaive en disant : « Leucippé, malheureuse, et de toutes les créatures humaines, la plus infortunée, ce n’est pas seulement ta mort que je pleure, […] mais que tu sois devenue une victime pour purifier des êtres impurs, qu’ils t’aient dépecée alors que tu étais vivante, hélas, et que tu voyais toute ta blessure, qu’ils aient aussi partagé les parties secrètes de ton ventre, et que ta sépulture soit cet autel et ce cercueil maudits. Et si ton corps a été déposé là, où sont tes entrailles ? Si le feu les avaient consumées, le malheur serait moindre. Mais en fait, la sépulture de tes entrailles, ce fut le ventre des brigands. Oh ! funestes torches de l’autel ! Oh ! mystères d’un étrange festin ! Et, sur de semblables sacrifices, les dieux ont, du ciel, jeté les yeux et le feu ne s’est pas éteint, mais ce feu s’est levé, souillé, en apportant aux dieux le fumet ! Prends donc, Leucippé, les libations que tu mérites et que je t’offre. » Ayant dit ces mots, je lève mon glaive dans l’intention de l’abaisser contre ma gorge ; je vois alors deux individus juste en face – il y avait de la lune – qui accouraient. J’attendis, croyant que c’était [sic dans l’édition CUF] des brigands, afin qu’ils me tuent. Sur ce, ils s’approchèrent, et poussèrent tous deux de grands cris : c’étaient Ménélas et Satyros. Mais moi, voyant que, contre toute attente, ils étaient vivants et de mes amis, je ne les embrassai pas […] et ils tentèrent d’arrracher mon glaive. Et moi : « Pour l’amour des dieux, dis-je, ne me refusez pas une belle mort – bien plutôt un remède à mes maux – car je ne peux plus vivre, quand bien même vous m’y forceriez, Leucippé étant morte de la sorte. Car si vous m’enlevez ce glaive, le glaive de ma peine est solidement fiché en moi et tranche peu à peu ma vie. Est-ce d’une blessure éternelle que vous voulez que je meure ? » Ménélas répondit : « Mais si c’est pour cette raison que tu veux mourir, il est temps pour toi de retenir ton glaive : ta Leucippé va maintenant ressusciter. »

VII, 5, 2-6, 2 :

« […] oi[moi, Leukivpph, posavki~ moi tevqnhka~: mh; ga;r qrhnw'n ajnepausavmhn … jAeiv se penqw', tw'n qanavtwn diwkovntwn ajllhvlou~ … jAllΔ ejkeivnou~ me;n pavnta~ hJ Tuvch e[paixe katΔ ejmou', ou|to~ de; oujk e[sti th'~ Tuvch~ e[ti paidiav. Pw'~ a[ra moi, Leukivpph, tevqnhka~ … jEn me;n ga;r toi'~ yeudevsi qanavtoi~ ejkeivnoi~ parhgorivan ei\con ojlivghn, to; me;n prw'ton, o{lon sou to; sw'ma, to; de; deuvteron, ka]n th;n kefalh;n dokw'n mh; e[cein eij~ th;n tafhvn: nu'n de; tevqnhka~ qavnaton diplou'n, yuch'~ kai; swvmato~. Duvo ejxevfuge~ lh/sthvria, to; de; th'~ Melivth~ pefovneukev se peirathvrion. JO de; ajnovsio~ kai; ajsebh;~ ejgw;

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LA RHÉTORIQUE DU SUICIDE 271

th;n ajndrofovnon sou katefivlhsa pollavki~ kai; suneplavkhn memiasmevna~ sumplokav~, kai; th;n ΔAfrodivth~ cavrin aujth/'' parevscon pro; sou'. » Metaxu; dev mou qrhnou'nto~ Kleiniva~ eijsevrcetai, kai; katalevgw to; pa'n aujtw'/ kai; o{ti moi devdoktai pavntw~ ajpoqanei'n. JO de; paremuqei''to: « Tiv~ ga;r oi\den, eij zh'/ pavlin … mh; ga;r ouj pollavki~ tevqnhke … mh; ga;r ouj pollavki~ ajnebivw … tiv de; propetw'~ ajpoqnhv/skei~ … o} kai; kata; scolh;n e[xestin, o{tan mavqh/~ safw''''~ to;n qavnaton aujth'~. » « […] Hélas, Leucippé, combien de fois n’es-tu pas morte ? Ai-je jamais cessé de te pleurer ? Je te pleurerai donc toujours, puisque tes morts se succèdent. Certes, de toutes ces morts-là, la Fortune en fit un badinage contre moi, mais celle-ci n’est plus un badinage de la Fortune. Comment donc, ma Leucippé, es-tu morte ? En effet, du temps de ces fausses morts, j’avais une légère consolation : la première fois, j’avais tout ton corps, la deuxième fois, je pouvais l’ensevelir, tout en croyant ne pas avoir ta tête, mais maintenant, tu es morte d’une double mort, de l’âme et du corps. Tu as échappé à deux bandes de brigands, et c’est le repaire de Mélité qui t’a tuée. Moi, sacrilège et impie, j’ai maintes fois embrassé ta meurtrière, je l’ai enlacée d’enlacements impurs et lui ai procuré les plaisirs d’Aphrodite, avant toi ! » Pendant que je me lamentais ainsi, Clinias entra, je lui racontai toute l’histoire et lui dis que j’avais, de toute façon, décidé de mourir. Il tenta de me consoler : « Qui sait si elle ne va pas revivre ? N’est-elle donc pas souvent morte ? N’a-t-elle donc pas souvent ressuscité ? Et pourquoi mourir si vite ? Cela te sera possible à loisir, lorsque tu auras appris sa mort avec certitude. »

On remarque la saveur de ton : à chaque fois, du point de vue de Clitophon, la mort de Leucippé semble « claire » et sûre, et à chaque fois, il se trompe.

Là encore, les procédés rhétoriques sont très voyants dans les monologues : anaphores, paronomases, hyperbole, antithèses, paradoxes, métaphores se combinent et s’enchaînent 16. La répétition du paradoxal « mourir souvent », ou « tes précé-dentes morts » est le trait le plus visible. L’imitation parodique du monologue de tragédie (en particulier de l’héroïne tragique) paraît assez claire.

Mais l’une des figures rhétoriques les plus remarquables est, en III, 16, l’utilisation métaphorique de l’arme prévue pour le suicide : to; de; th'~ ejmh'~ luvph~ xivfo~ avec la métaphore filée ensuite (tw'n sw'n ajtuchmavtwn paivgnia) dans le premier passage, celle des jeux de la fortune dans le second (hJ Tuvch e[paixe katΔ ejmou', et th'~ Tuvch~ e[ti paidiav).

Achille Tatius sait à l’occasion nous épargner ces grands discours grandiloquents en recourant au résumé sans discours direct (par exemple en V, 8, 1, Tau'ta kataqrhnhvsa~ kai; qavya~ to; sw'ma pavlin eij~ th;n ΔAlexavndreian e[rcomai,

16. Voir to; me;n prw'ton / to; de; deuvteron, th;n kefalh;n / yuch'~ kai; swvmato~, nu'n de; tevqnhka~ qavnaton

diplou'n.

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kai; qerapeuqei;~ a[kwn to; trau'ma, tou' Menelavou me parhgorou'nto~, diekartevrhsa zw'n), mais quelquefois aussi, il n’hésite pas à insister lourdement sur la fréquence extraordinaire des morts de Leucippé, encore plus parfois que dans l’exemple cité précédemment (voir VII, 5, 6), et il détaille à plaisir les nombreuses fausses morts antérieures pour leur opposer la plus récente, qui à vrai dire a la même apparence de réalité que les autres. Clinias en tire la sage conclusion qu’elle n’est probablement pas plus vraie, mais Clitophon, lui, se laisse à chaque fois prendre au jeu trompeur des apparences, et son récit à la première personne, montrant sa constante naïveté, entraîne une question 17.

En fait, on finit par se demander si Achille Tatius ne s’est pas enfermé lui-même dans le piège du récit à la première personne 18 : ses interminables discours, rapportés dans son récit au discours direct ou indirect, interrompus par les discours plus distanciés et ironiques de ses amis, le montrent d’une grande naïveté et d’un certain manque d’esprit critique, rendant son récit presque irritant. La rhéto-rique n’a pas su se faire oublier, elle y parvient mieux à mon goût chez Chariton.

Au moment de ma recherche sur les lieux communs du roman, j’ai dit un peu vite que Longus était exempt de ce procédé. Sa présence au programme d’agrégation il y a deux ans m’a fait le relire plus attentivement et l’apprécier encore davantage, en y découvrant parmi quantité de détails passionnants des exemples du héros suicidaire. C’est Gnathon, un comparse, le parasite amoureux de Daphnis, qui développe le thème le premier 19, faisant à son maître Astylos un chantage au suicide, probablement cynique et assez répugnant. Daphnis prend le relais quand il

17. Sur le jeu d’Apulée sur la première personne narratrice dans les Métamorphoses, plus abouti que

celui d’Achille Tatius, voir Winkler 1985.

18. Voir les analyses rigoureuses de Hägg 1971 ; Fusillo 1991, p. 166-178 ; Reardon 1994.

19. Daphnis et Chloé IV, 16, 2-16, 4 : Tou' de; punqanomevnou tivno~ e{neka tau'ta dra'/, kai; levgein

keleuvonto~ kai; uJpourghvsein ojmnuvnto~, « Oi[cetaiv soi Gnavqwn, e[fh, devspota. ÔO mevcri nu'n movnh~ trapevzh~ th'~ sh'~ ejrw'n, oJ provteron ojmnu;~ o{ti mhdevn ejstin wJraiovteron oi[nou gevronto~, oJ

kreivttou~ tw'n ejfhvbwn tw'n ejn Mitulhvnh/ tou;~ sou;~ ojyartuta;~ levgwn, movnon loipo;n kalo;n ei\nai

Davfnin nomivzw. […] JHdevw~ dΔ a]n ai]x genovmeno~ povan ejsqivoimi kai; fuvlla, th''~ Davfnido~ ajkouvwn

suvriggo~ kai; uJpΔ ejkeivnou nemovmeno~. Su; de; sw'son Gnavqwna to;n so;n kai; to;n ajhvtthton “Erwta

nivkhson. Eij de; mhv, se; ejpovmnumi, to;n ejmo;n qeovn, xifivdion labw;n kai; ejmplhvsa~ th;n gastevra

trofh'~ ejmauto;n ajpoktenw' pro; tw'n Davfnido~ qurw'n: su; de; oujkevti kalevsei~ Gnaqwnavrion, w{sper eijwvqei~ paivzwn ajeiv. »

Astylos lui demanda pourquoi il faisait cela et il l’invita à parler : « Maître, ton pauvre Gnathon est perdu, répondit-il. Moi qui, jusqu’à présent, n’avais de passion que pour la table, moi qui, auparavant, jurais qu’il n’y avait rien de plus précieux qu’un vin vieux, moi qui affirmais que tes cuisiniers valaient mieux que les éphèbes de Mytilène, désormais, je considère qu’il n’y a de beauté que celle de Daphnis. […] Mon bonheur serait d’être changé en chèvre et de manger barbe et feuilles, tout en écoutant la syrinx de Daphnis devenu mon berger. Alors, sauve ton pauvre Gnathon en triomphant de l’invincible Éros. Sinon, je te le jure par mon dieu, je prendrai un poignard et, après m’être bien rempli le ventre, je me tuerai devant la porte de Daphnis. Et toi tu ne m’appelleras plus ton petit Gnathon, comme tu le faisais pour plaisanter. »

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croit devenir la proie de Gnathon : il est sur le point de se jeter d’une falaise – imitation littéraire située à Lesbos, son île natale, du saut de Sappho que la tradition situe à Leucade 20. Il est interrompu par Astylos et sa déclaration fraternelle, sans faire lui-même aucune démonstration de rhétorique. Enfin, dans le jeu des symétries dont le récit est si friand, Chloé à son tour croit Daphnis perdu pour elle et joue sa petite scène de suicide, avec la rhétorique la plus simple et la plus efficace qui soit, IV, 27, 2 :

Cairevtw: ejgw; de; ouj zhvsomai « […] Adieu ! Quant à moi, je ne veux plus vivre. »

Elle vivra bien sûr, ils vivront tous deux et auront des enfants dans cette campagne idyllique, qu’ils donneront à nourrir comme ils l’ont été eux-mêmes à des chèvres et des brebis 21.

Dans le premier temps de ma recherche sur ce sujet, je n’avais pas relu Les Éthiopiques, pensant Héliodore trop subtil pour tomber dans ce procédé. En fait, il en montre plusieurs occurrences avec une variété qui peut-être en fait oublier le caractère artificiel, selon Birchall (1996) parce que c’est le seul des romans grecs dans lequel les monologues de lamentations fassent avancer l’action. Les exemples bien analysés par lui me permettent d’aller vite ; Éth. I, 8, 2-3, c’est Chariclée qui ouvre la série, s’adressant au dieu de Delphes :

« “Apollon, e[fh, wJ~ livan hJma'~ kai; pikrovteron ajmuvnh/ tw'n aJmarthmavtwn, oujde; iJkanav soi pro;~ timwrivan ta; parelqovnta, stevrhsi~ tw'n oijkeivwn kai; katapontistw'n a{lwsi~ kai; qalassw'n murivo~ kivnduno~ kai; lh/stw'n ejpi; gh'~ h[dh deutevra suvllhyi~ kai; pikrovtera tw'n ejn peivra/ ta; prosdokwvmena. Kai; poi' tau'ta sthvsei~ … Eij me;n eij~ qavnaton ajnuvbriston, hJdu; to; tevlo~, eij dev me gnwvsetaiv ti~ aijscrw'~, h}n mhdevpw mhde; Qeagevnh~, ejgw; me;n ajgcovnh/ prolhvyomai th;n u{brin, kaqara;n ejmauth;n w{sper fulavttw kai; mevcri qanavtou fulavxasa kai; kalo;n ejntavfion th;n swfrosuvnhn ajpenegkamevnh: sou' de; oujdei;~ e[stai dikasth;~ pikrovtero~. »

Éth., II, 1, 2-3 : c’est Théagène qui croit Chariclée morte, et nous apprenons de sa bouche qu’elle a été brûlée vive (passage réduit à l’essentiel) : Kai; oJ me;n Qeagevnh~ paivwn th;n kefalh;n kai; tivllwn ta;~ trivca~: « ejrrivfqw » fhsi;n « oJ bivo~ eij~ th;n thvmeron: hjnuvsqw, leluvsqw pavnta, fovboi, kivndunoi, frontivde~, ejlpivde~, e[rwte~. Oi[cetai Carivkleia, Qeagevnh~ ajpovlwle. »

Dans la suite de son discours, nous apprenons qu’il n’a aucun doute sur la chasteté de Chariclée et que lui-même lui est resté fidèle.

20. Ménandre, fr. 258K, voir Nagy 1990, p. 223-262.

21. Voir Alaux, Létoublon 2001, 2005, pour lesquels nous ne disposions pas encore au moment de la rédaction de l’article de J. Morgan 2003b ni de son précieux commentaire publié la même année (Morgan 2003). Nous ne pouvions malheureusement plus ajouter de référence dans l’article publié en 2005.

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En V, 2, 7-10, les plaintes de Chariclée, une fois de plus prisonnière, reprennent, mais sans vœu de mourir parce qu’elle croit Théagène vivant (ejgw; de; movnh kai; e[rhmo~, aijcmavlwto~ kai; poluvqrhno~, tuvch~ boulhvmasi pikra''~ ejkkeimevnh, kai; zh'n tevw~ ajnecomevnh diovti moi periei'nai to;n glukuvtaton ejlpivzw. « Je reste seule et abandonnée, captive déplorable, à la merci d’un amer destin. La vie me serait insupportable si je n’avais l’espoir qu’il vit encore mon très doux ami »). Comme Birchall le fait remarquer, ce monologue est important dramatiquement parce qu’il apprend à Cnémon qui l’entend, alors qu’il croit que c’est Thisbé qui est encore vivante, que c’est bien Chariclée qui parle.

En montrant la récurrence dans le roman grec de ces scènes typiques, j’ai essayé de montrer leurs réussites et leurs excès. Les plus grandes réussites dans ce registre, chez Chariton et Longus, viennent peut-être de ce qu’ils évitent le plus souvent le ridicule du long discours monologue, de ce qu’ils attribuent ces scènes à plusieurs de leurs héros, et en tout cas de ce qu’ils les ont distribuées aux deux héros éponymes, qui sont ainsi mis un peu en rivalité entre eux dans la velléité suicidaire et dans son éventuel discours monologue, censé préluder à l’exécution du suicide, comme ils sont en rivalité symétrique dans d’autres domaines 22. Les limites d’Achille Tatius viennent peut-être de son « invention » personnelle du récit subjectif à la première personne 23, qui l’oblige à répéter trop souvent ces discours trop rhétoriquement construits pour paraître spontanés, et à donner par là un peu de ridicule non seulement à lui-même mais aussi à cette pauvre Leucippé qui meurt et ressuscite si souvent que l’on crée pour elle une forme probablement linguistiquement inacceptable en grec, pollavki~ tevqnhka~, alors qu’elle n’a même pas l’occasion de faire entendre sa propre interprétation de ce chant du cygne. Une fois de plus, l’hypothèse d’un Tatius parodique me semble la meilleure manière de l’apprécier.

La rencontre de parallèles dans le roman latin, Satiricon 94 et Métamorphoses d’Apulée, VIII, 13-14 24, me confirme dans l’idée qu’il s’agit d’un thème topique. Je pense que le sujet faisait partie des exercices d’école, comme Danielle Van Mal-Maeder l’a confirmé oralement au cours du colloque de Tours 25. L’exemple rencontré chez Pétrone ressemble d’ailleurs étonnamment, par son début avec un discours tenu la corde au cou, à un passage de Chariton évoqué plus haut. Celui d’Apulée constitue une exception, puisque l’héroïne, Charité, après son discours d’ailleurs bien moins rhétorique que ceux des héros romanesques grecs, se donne vraiment la mort, et utilise pour cela l’épée, forme de mort la plus virile qui soit 26 : 22. Voir le chapitre 2 de D. Konstan, “Greek Novels: Variations on a Type”, 1994, p. 61-98.

23. Tant qu’on n’a pas trouvé d’autre exemple de roman grec bâti sur ce schéma. Pour une analyse narratologique pionnière, voir Hägg 1971. La comparaison entre Achille Tatius et les Métamor-

phoses d’Apulée n’a peut-être pas assez été développée jusqu’à présent.

24. Voir les deux textes en annexe.

25. Voir [Quintiliano], Decl. Mai. 129-20 (Stramaglia 2002).

26. Loraux 1983, « La corde et le glaive », p. 31-60.

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l’assistance regarde et admire d’ailleurs cette uirtus. Le roman semble ainsi revenir à sa source classique, l’histoire de Panthée dans la Cyropédie de Xénophon 27. Qui plus est, comme si ce courage dans la mort volontaire exerçait une sorte d’influence salutaire, le « méchant » Thrasylle, le meurtrier de son mari, se tue lui aussi… Puisque dans les autres romans, le suicide des héros n’aboutit jamais, il pourrait s’agir encore d’une parodie très subtile 28.

Chez Chariton comme chez Achille Tatius, dans les meilleurs exemples de monologue suicidaire, l’ami providentiel est remplacé par l’être aimé lui-même, survenant en rêve ou présent par l’intermédiaire de son portrait. Remarquons enfin de troublantes coïncidences formelles montrant combien la conception du désir de mort est profondément ressentie comme apparentée à une technique thérapeutique, un moyen de salut (« médecin » ou « remède ») dans une situation que le personnage pense désespérée, alors que les textes théoriques et historiques montrent maints exemples de morts volontaires prévues et pour ainsi dire théorisées philosophiquement 29 :

Chariton, Chairéas et Callirhoé III, 3,1, movnon de ; to ;n qavnaton tou` pevnqou~ ijatro ;n ejnovmize. Achille Tatius, Leucippé et Clitophon III, 16, mhv moi fqonhvshte qanavtou kalou', ma'llon de; farmavkou tw'n kakw'n.

Le héros de roman qui nous a paru si souvent bien trop proche des sophistes et des exercices scolaires pour nous toucher véritablement, prend par le retour de cette image une humanité inattendue.

Annexes

Pétrone, Satiricon 94, 8, 1- 94, 15, 1 Inclusus ego suspendio uitam finire constitui. Et iam semicinctio <lecti>

stantis ad parietem spondam uinxeram cervicesque nodo condebam, cum reseratis foribus intrat Eumolpus cum Gitone meque a fatali iam meta reuocat ad lucem. […] « Erras » inquit « Encolpi, si putas contingere posse ut ante moriaris. prior coepi ; in Ascylti hospitio gladium quaesiui. Ego si te non inuenissem, periturus <per> praecipitia fui […]. » Haec locutus mercennario Eumolpi nouaculam rapit et semel iterumque ceruice percussa ante pedes collabitur nostros. Exclamo ego attonitus, secutusque labentem eodem ferramento ad mortem uiam quaero. Sed neque Giton

27. Le modèle de vertu fourni par Panthée et par les autres héros de la Cyropédie sera développé dans le

prochain colloque de Tours.

28. Sur la parodie dans la narration du roman d’Apulée en général, voir Highet 1962, p. 181-183, et le chapitre 9 de Winkler 1985, p. 251-275.

29. Voir Y. Grisé 1982 ; A.J.L.Van Hooff 1990 ; S. MacAlister 1996 et en dernier lieu T.D. Hill 2004.

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ulla erat suspicione uulneris laesus neque ego ullum sentiebam dolorem. Rudis enim nouacula et in hoc retusa, ut pueris discentibus audaciam tonsoris daret, instruxerat thecam…

Me voyant ainsi prisonnier, je résolus de finir mes jours par la corde. J’avais déjà dressé le bois de lit contre la muraille, j’y avais attaché ma ceinture, et déjà mon cou était passé dans le nœud fatal, quand la porte s’ouvre. Eumolpe entre avec Giton, et du tombeau prêt à s’ouvrir me ramène à la lumière. […]

[… Giton :] « Tu te trompes, Encolpe, me dit-il, si tu crois que tu auras le bonheur de mourir avant moi. Je ne t’ai pas attendu, déjà, chez Ascylte, j’ai cherché vainement une épée. Si je ne t’avais point retrouvé, j’eusse été me perdre au fond d’un précipice. […] » À ces mots, il arrache au valet d’Eumolpe un rasoir, s’en frappe la gorge à plusieurs reprises, et tombe comme une masse à nos pieds. Je pousse un cri d’épouvante, et le suivant dans sa chute, je m’ouvre avec le même fer le chemin de la mort. Mais Giton n’avait pas l’ombre d’une égratignure, et moi-même, je ne sentais aucune douleur. C’était en effet une lame sans tranchant, émoussée à dessein pour permettre aux apprentis barbiers d’acquérir de l’assurance… (trad. A. Ernout, CUF, 1958)

Apulée, Mét. VIII, 13, 10-14 Sed Charite capulum Tlepolemi propter assistens gladioque fulgenti singulos

abigens, ubi fletus uberes et lamentationes uarias cunctorum intuetur, « Abicite » inquit « importunas lacrimas, abicite luctum meis uirtutibus alienum. Vindicaui in mei mariti cruentum peremptorem, punita sum funestum mearum [mearum] nuptiarum praedonem. Iam tempus est ut isto gladio deorsus ad meum Tlepolemum uiam quaeram. » […] Ferro sub papillam dexteram transadacto corruit et in suo sibi peruolutata sanguine postremo balbuttiens incerto sermone proflauit animam uirilem. Tunc propere familiares miserae Charites accuratissime corpus ablutum unita sepultura ibidem marito perpetuam coniugem reddidere.

Mais Charité, debout près du cercueil de Tlépolème, écartait chacun de nous avec son épée étincelante ; puis, embrassant du regard les pleurs abondants de toute l’assistance et ses lamentations diverses : « Loin d’ici, dit-elle, ces larmes importunes, loin d’ici ce deuil qui ne convient point à mes vertus. J’ai tiré vengeance du sanguinaire assassin de mon mari, j’ai puni le funeste pirate de ma vie conjugale. Il est temps que ce glaive m’ouvre une route par où descendre chez mon Tlépolème. » […] Elle s’enfonça le fer sous la mamelle droite, s’affaissa, et, baignant dans son propre sang, avec quelques balbutiements indistincts, exhala son âme virile. Alors, les amis de la malheureuse Charité procédèrent avec des soins empressés aux ablutions funéraires et, dans une sépulture commune, unirent au mari celle qui restait sa femme pour toujours.

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