l'éthique dans le recrutement

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UNIVERSITE DE HAUTE ALSACE IUT DE MULHOUSE L’ETHIQUE DANS LE RECRUTEMENT Mémoire présenté en vue de l’obtention de la Licence Professionnelle GRH Candidate : TALEC Rachel Responsable d’apprentissage : M. Claude KEONIG Enseignant tuteur : M. Renaud MULLER Année universitaire 2011/2012

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UNIVERSITE DE HAUTE ALSACE IUT DE MULHOUSEL’ETHIQUE DANS LE RECRUTEMENTMémoire présenté en vue de l’obtention de la Licence Professionnelle GRHCandidate : TALEC Rachel Responsable d’apprentissage : M. Claude KEONIG Enseignant tuteur : M. Renaud MULLERAnnée universitaire 2011/2012REMERCIEMENTS :Avant toutes choses, je souhaiterais exprimer ma reconnaissance envers toutes les personnes qui ont concourues à l’élaboration de ce mémoire. Je tiens à remercier sincèrement M. Koenig dont l’ac

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Page 1: L'éthique dans le recrutement

UNIVERSITE DE HAUTE ALSACE

IUT DE MULHOUSE

L’ETHIQUE DANS LE RECRUTEMENT

Mémoire présenté en vue de l’obtention de la Licence Professionnelle GRH

Candidate : TALEC Rachel

Responsable d’apprentissage : M. Claude KEONIG

Enseignant tuteur : M. Renaud MULLER

Année universitaire 2011/2012

Page 2: L'éthique dans le recrutement

2

REMERCIEMENTS :

Avant toutes choses, je souhaiterais exprimer ma reconnaissance envers toutes les

personnes qui ont concourues à l’élaboration de ce mémoire.

Je tiens à remercier sincèrement M. Koenig dont l’accueil et l’aide ont fortement

influencés ma réussite cette année.

Mes grands remerciements à M. Renaud Muller qui, par sa disponibilité et ses précieux

conseils, a alimenté ma réflexion et amélioré ma perception.

A mes professeurs de licence RH pour m’avoir fourni les outils nécessaires à la réussite

de mes études,

A ma collègue de travail Mlle Jill Kiener qui a contribué au bon déroulement de mon

apprentissage chez Argos Conseil et avec qui la collaboration fut un plaisir,

A mes proches dont le soutien et l’aide m’ont permis de me constituer un projet de

carrière qui me correspond,

Aux auteurs, sociologues, associations, organismes de recherche, entreprises et

recruteurs qui luttent au quotidien afin de responsabiliser la pratique,

J’adresse mes plus sincères remerciements.

Page 3: L'éthique dans le recrutement

3

SOMMAIRE :

REMERCIEMENTS : 2

SOMMAIRE : 3

AVANT PROPOS : 5

INTRODUCTION : 6

I / PROCESSUS DE SELECTION ET PRATIQUE DU RECRUTEMENT : 9

A. L’ETHIQUE ET LA COGNITION : 9

1. LA NORME D’ANDROGYNIE : 11

2. LES NORMES D’ÂGE : 12

3. LA NORME D’INTERNANLITE ET LE STEREOTYPE DE BEAUTE : 13

4. LA NORME D’ALLEGEANCE : 14

B. VERS UNE PRATIQUE RESPONSABLE : 16

II / UNITE ET DIVERSITE, VERS UNE REDUCTION DES ECARTS : 21

A. ENJEUX DU RECRUTEMENT DIVERSIFIE POUR L’ENTREPRISE : 21

1. UN ENJEU JURIDIQUE : 22

2. UN ENJEU ETHIQUE ET BASE SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE : 23

3. UN ENJEU ECONOMIQUE : 23

B. UNE JUSTICE ORGANISATIONNELLE ET DES ACTIONS SUR LES PARTIES PRENANTES: 25

1. VERS UNE NORMALISATION : 26

2. SENSIBILISATION A L’ANALYSE DU TRAVAIL : 29

3. UN SYSTEME DE GARANTIE : 30

4. DES TABLEAUX DE BORDS : 30

5. INSTAURER UNE RELATION DE SUIVI AVEC LE CANDIDAT : 30

CONCLUSION : 31

Page 4: L'éthique dans le recrutement

4

BIBLIOGRAPHIE : 33

OUVRAGES : 33

CONFERENCES ET TRAVAUX : 33

SITES INTERNET : 34

ANNEXES : 35

ANNEXES 1 : 36

MODELE DE CHARTE ETHIQUE DU RECRUTEMENT : « A COMPETENCES EGALES » 36

ANNEXE 2 : 38

MODELE THEORIQUE DES PROCESSUS PSYCHOLOGIQUES A L’ŒUVRE DANS LA PROCEDURE DE RECRUTEMENT : 38

Page 5: L'éthique dans le recrutement

5

AVANT PROPOS :

Dans le cadre de la licence j’ai été amenée à effectuer un apprentissage au sein du

cabinet de conseil en recrutement Argos Conseil. Ce cabinet est spécialisé dans la recherche

de cadres et ingénieurs pour l’industrie. Il fut crée en 2004 par Claude Koenig, ingénieur arts

et métiers, devenu chasseur de têtes.

La chasse de tête relève du domaine du recrutement, plus précisément du recrutement

externalisé. C’est-à-dire que les entreprises font appel à un cabinet externe pour trouver et

recruter le candidat répondant à ses besoins. Mes missions au sein de ce cabinet étaient

principalement celles d’une chargée de recherches. Après un ciblage du domaine et une

limitation du champ d’action réalisés par le consultant, je me chargeais d’identifier, de

contacter et de présélectionner les candidats susceptibles de répondre au profil du

professionnel recherché. Avec l’évolution des technologies de l’information, les missions de

la chargée de recherches ont évoluées. L’identification des candidats se réalise de plus en plus

via les réseaux sociaux et l’approche ne se fait plus exclusivement par téléphone mais aussi

par mails.

Ce mémoire ne traite pas de ces missions ou des outils avec lesquels j’ai pu travailler

mais sur l’éthique dans le recrutement. Ce choix se justifie par le fait que la première

difficulté rencontrée lors de mon arrivée a justement été la problématique liée à l’éthique. En

effet, le recrutement est une affaire d’intuitu personae et la pensée humaine a souvent

tendance à commettre des erreurs de jugement. Je parle de « biais cognitif » qui sont des

raccourcis mentaux issus de stéréotypes, de nos expériences ou encore de l’opinion commune.

Justification faite également par la finalité de mes études qui est de recruter à mon tour.

Le recrutement est une étape importante puisque, d’une part elle contribue ou non à la réussite

de l’organisation et d’autre part elle constitue son capital humain qui est également un facteur

de réussite. De même, cette activité est une occasion pour l’entreprise de se donner une

visibilité, une existence et un moyen pour communiquer à travers ses annonces. Pourtant il

n’existe aucune formation spécifique requise pour accomplir cette tâche. Ces questions

éthiques que je me pose répondent à un besoin de repères dans la profession. Je propose ici

des pistes de réflexion sur des comportements à adopter, sans toutefois me déclarer

exhaustive.

Il m’apparait alors essentiel de traiter la question puisque l’importance et le regard que

l’on porte à cette notion détermine pour beaucoup les orientations que prend cette activité. Il

est primordial de réfléchir à la démarche à suivre, il faut en mesurer les enjeux et les risques

ainsi qu’identifier les éventuels conflits.

Page 6: L'éthique dans le recrutement

6

INTRODUCTION :

Le recrutement est une étape décisive dans la gestion des ressources humaines. Il s’agit

de recruter le bon candidat, au bon moment et au bon endroit. Une inadéquation entre la

personne choisie et le poste qu’elle va occuper peut avoir des conséquences très négatives,

d’une part sur l’organisation et d’autre part sur la personne. C’est alors au recruteur qu’il

incombe de réduire au maximum ces écarts.

Cette pratique met en place trois parties prenantes majeures1 qui modifient les enjeux.

Dans un premier temps le recruteur qui sélectionne mais qui ne figure pas toujours comme le

décideur final ni comme le supérieur hiérarchique du candidat. Il agit dans son intérêt qui est

le développement et la survie de son organisation. Puis intervient le candidat qui sera ou non

recruté, qui se présente avec ses espoirs et angoisses. Enfin le client ou le décisionnaire de

l’entreprise, qui sera le responsable hiérarchique du recruté et aussi le collaborateur du

recruteur. Ces derniers ont des obligations réciproques.

Recruter c’est alors à la fois décider et renoncer. Il faut pouvoir sélectionner parmi un

vivier de candidats très différents, effectuer un tri et savoir anticiper les conséquences (bonnes

ou mauvaises). Le recrutement est donc un pari sur l’avenir, la certitude absolue n’existe pas

dans ce domaine. C’est également un investissement.

Tout ceci implique que le choix ne peut être aléatoire, ce choix doit découler d’une

évaluation et d’un jugement. Le recrutement est donc technique via des outils concrets et un

processus normalisé mais c’est avant tout une affaire de rencontre, de rapports de force, de

séduction, d’artefacts et parfois de jeux de rôles. De ce fait, les approches purement

techniques visant à l’éloignement du subjectif sont illusoires. Le recrutement c’est avant tout

du relationnel. Les outils d’évaluation sont principalement analysés selon leur efficacité mais

on occulte leur place. Ils sont additionnels, c’est la relation humaine qui est au cœur du

recrutement, ce qui suggère son respect.

Le respect relève du domaine de l’éthique. Mais qu’est-ce que l’éthique ? Y a-t-il une

différence entre la morale et l’éthique ? Pourquoi en parle-t-on de plus en plus ?

D’un point de vu étymologique, rien ne permet de ces distinguer ces termes entre eux.

L’éthique vient du grec « ethos », la morale du latin « mores ». Ils renvoient à l’idée de

« mœurs », donc ce qui est attrait au concept du comportement et des rituels dans une société

donnée et à un moment déterminé. Ce concept apparait dans l’Antiquité et l’élément

déclencheur a été une période de profondes remises en cause des normes sociales de

l’époque.2 On se demande aujourd’hui quel est le mal et quel est le bien et surtout qui les

détermine ?

1 Toujours dans l’hypothèse de l’externalisation de la compétence recrutement.

2 A l’époque de l’empire grec du V après JC, les propriétaires terriens définissaient les règles. L’ère du

commerce vint percuter ce fonctionnement avec d’autres fonctionnements et jugements de valeurs.

Page 7: L'éthique dans le recrutement

7

Au fil de l’Histoire, ce concept varie, les Grecs considèrent que l’éthique consiste à

réfléchir aux principes qui guident la vie de l’Homme3. Les épicuriens eux, s’expriment en

terme de devoirs, et cela via l’ataraxie (plaisir stable de l’âme, on limite le plus de tensions

positives ou négatives). Les Romains proposent une vision juridique des mœurs et optent pour

la notion de morale4. Plus tard, Kant, définira la morale par la dimension obligatoire de la

norme.

Ce n’est qu’en 1990, que le philosophe français Paul Ricoeur dépasse ce conflit. Pour

lui, la question des mœurs peut être nuancée « selon que l’on met l’accent sur ce qui est

estimé bon ou sur ce qui s’impose comme obligatoire »5. C’est donc « la visée d’une vie

accomplie sous le signe des actions estimées bonnes »6 et la morale comme « le côté

obligatoire, marqué par des normes, des obligations, des interdictions »7. Il défend ensuite la

primauté de l’éthique sur la morale puis insiste sur le fait que l’éthique doit passer « par le

crible de la norme » et que pour que cette norme fonctionne il est nécessaire que demeure une

exigence d’universalité8. Il faut alors se tenir « à égale dignité »

9.

Pour mettre en relation la vision Ricoeurienne avec le recrutement, il convient que

l’évaluation et le jugement ne soit pas en contradiction avec les règles en vigueurs dans une

association. Je parle ici de charte ou de conventions collectives. Aujourd’hui on assiste à un

véritable bouleversement des normes comportementales et éthiques.

L’éthique dans le recrutement supposerait alors que le recruteur doive primer l’égalité

des chances. Qu’aucune « catégorie » de personnes ne soit exclue ni sujette à une

discrimination à l’embauche.

Outre la dimension éthique, le recrutement doit faire face à une dimension économique

et organisationnelle de plus en plus rude.

En effet, les pratiques n’ont cessées d’évoluer au fil de l’Histoire et cela en fonction du

contexte économique. Avant l’ère industrielle, on parlait surtout de recrutement au sein de

l’armée. Cette dernière procédait à un tirage au sort qui pouvait être annulé contre le

versement d’une somme. Avec l’apparition du Taylorisme, l’ouvrier recruté subit des

contraintes internes à son entreprise (l’organisation pousse à la spécialisation et réduit donc sa

mobilité) et externes (lois sociales de 1945 reconnaissant le monopole de recrutement à

l’ANPE).

3 Aristote considérait l’éthique comme à la portée de tous et qu’elle s’acquiert sur le terrain, autrement dit via

l’expérience et l’apprentissage. Contrairement aux Sophistes comme Platon qui décernait la vérité à l’orateur

dont l’opinion persuadait les foules. Platon cherchait n »anmoins des guides d’action relevant de la sphère

éthique et séparait 4 On parle ici de déontologie qui est la science du devoir. Aujourd’hui, elle est l’ensemble des règles que se

donne un corps de métier. Le serment d’Hippocrate (médecine) est le plus connu, suivi de celui-ci des experts-

comptables et des avocats. 5 Ricoeur P., Le juste, Paris, Esprit, 1995.

6 Ibidem.

7 Ricoeur P. Lectures, Seuil, 1991, p. 258

8 Il convient alors de respecter la formule de Kant : « Agis toujours de telle façon que tu traites l’humanité dans

ta propre personne et dans celle d’autrui, non pas seulement comme un moyen, mais toujours aussi comme une

fin en soi ». 9 Henri Vacquin

Page 8: L'éthique dans le recrutement

8

Puis au cours des « trente glorieuses » (1945-1947), l’entreprise formalise son

fonctionnement10

. On se dirige vers l’ère des définitions de postes et la mise en place d’une

notion d’objectivité dans la sélection. Puis, à partir de 1975, le difficile contexte économique

pousse les entreprises à fonctionner de manière extrémistes dans leurs procédures de

recrutement. A savoir, une sélectivité rude (élitisme) pour les postes à compétences clés et le

recours systématique à l’intérim ou aux CDD pour les postes standards où subsiste une

surabondance de candidats11

.

De 1992 à 1996, les entreprises doivent faire face à une dépression et la moitié des

cabinets de recrutement disparaissent. Depuis 1997 l’économie évolue et les pratiques de

recrutement en font de même, elles se diversifient car sont en concurrence avec d’autres pays.

Aujourd’hui, pour une même profession subsistent des pratiques et des cultures

divergentes d’une entreprise à une autre. C’est en cela que le processus de recrutement peut

vite être faussé et ne pas respecter le candidat.

On se demande alors quel enjeu prime, est-ce l’enjeu éthique ou bien l’enjeu

économique ? Pourquoi intégrer l’éthique dans le recrutement ? Et du point de vue du

chasseur de tête, où se trouve sa performance ? Est-ce sa capacité à répondre strictement au

besoin 12

ou est-ce que sa performance réside dans l’apport humain avec un potentiel et un

développement qui diffère de l’exigence initiale13

? Le processus de recrutement doit-il se

baser sur une rentabilité à court terme ou à long terme ? Faut-il rester dans l’idée du « one

shot » ou du « clonage » des candidats, et ainsi risquer la saturation ? Dans cette profession

pouvons-nous voir à long terme ou courte terme ?

Afin de répondre à ces questions, il convient dans un premier temps d’expliquer les

mécanismes conscients et inconscients du recrutement via l’aide de la psychologie sociale

ainsi que par l’analyse des méthodes de sélection. Puis d’expliquer en quoi une entreprise à

tout intérêt à mettre en relation cohésion sociale et diversité avec sa performance économique.

Enfin, de faire le point sur les méthodes ou obligations existantes afin de réduire les biais et

d’en proposer d’autres.

10

Il s’agit de son organigramme et de ses règles de management 11

Beaucoup de main d’œuvre non qualifiée 12

On se borne à la logique « rétribution/contribution » 13

Idée du « one shot » ou « vente en cycle court »

Page 9: L'éthique dans le recrutement

9

I / PROCESSUS DE SELECTION ET PRATIQUE DU

RECRUTEMENT :

Le recrutement contient plusieurs dimensions incontestables. Une première dimension

économique, une seconde organisationnelle et enfin une dimension personnelle.

Il s’agit ici d’étudier la dimension personnelle. Rappelons que le recrutement est avant

tout une affaire de relationnel avec des exigences bien souvent en contradictions. Le recruteur

est dans l’expectative d’efficience. Efficience qui repose principalement sur des outils et

techniques censés réduire la zone d’incertitude.

Le candidat aspire à être traité de manière déontologique et impartiale, or, il sera

soumis à une évaluation et à un jugement ce qui par nature exclue la neutralité. D’autant plus

que le jugement humain est automatiquement parasité par des stéréotypes et des préjugés (A).

De même, le recruteur doit faire face à plusieurs types de pressions et impératifs qu’ils

doivent gérer au mieux dans le processus de recrutement (B).

A. L’ETHIQUE ET LA COGNITION :

La pensée humaine a tendance à émettre des jugements erronés. Le registre de la

perception est un registre bien personnel. Nous percevons une chose selon certains facteurs

propres tels que notre passif, nos attentes, nos besoins, nos valeurs, etc. De même nous

réagissons différemment et de manière plus ou moins réfléchie ou plus ou moins rapide. Une

même chose engendre une perception et des réactions différentes chez deux personnes.

Néanmoins, le processus de perception reste le même pour tous. Il est composé de 4

étapes, la première est l’attention et la sélection, suivie de l’organisation, puis de

l’interprétation et enfin de la récupération de l’information.

En situation de jugement lors d’une interview, l’interviewer peut intégrer certains

phénomènes via l’utilisation inconsciente de raccourcis mentaux. On nomme ce type de

procédé des « biais cognitifs ».

Page 10: L'éthique dans le recrutement

10

En matière de recrutement, Patrick Leguide14

en identifie 5 principaux :

- Le biais de naïveté : les émotions prennent le dessus dans notre prise de décision ainsi

selon P. Leguide : « ce biais cognitif s’observe tout particulièrement chez les

professionnels du recrutement inexpérimentés qui se laissent séduire par l’aisance de

certains candidats et oublient de vérifier la cohérence de leurs discours avec leurs

réalisations. Savoir doser l’intuition et factuel est un art qui s’acquière avec

l’expérience ».

- Le biais de l’entomologiste : ce dernier touche les recruteurs qui se basent

exclusivement sur le factuel en bannissant toute forme de subjectivité. « Ils se réfèrent

aux compétences techniques, aux expériences et aux diplômes de leurs futurs

collaborateurs, mais occultent leur personnalité et leur savoir-être ».

- Le biais de confirmation : Ce biais pousse les recruteurs à glaner des informations

dans le but de confirmer leurs idées et postulats sur le candidat. Ce biais atteint surtout

l’interprétation de l’information par le professionnel. « Pour contrer cette tendance,

fixer des priorités en amont permet de ne pas les perdre de vue au fil du recrutement,

face à un candidat, il est également important de ne pas oublier de poser des questions

autres que celles déstinées à renforcer ses propres convictions ».

- Le biais de projection : est la tendance de l’humain à être attiré par son semblable,

celui qui partage nos valeurs, pensées, états psychologiques ou autre. « Un recruteur

aura tendance à choisir un candidat qui lui ressemble ». Mais ce biais n’est pas

forcément négatif du moment que les besoins sont bien définis et que le candidat y

répond.

- Le biais de stéréotypes : Le fait d’associer inconsciemment un ensemble de

caractéristiques à une communauté. De ce fait « certains recruteurs ont encore

tendance à estimer qu’un candidat sortant d’une école de commerce ou doté d’un

diplôme prestigieux aura forcément toutes les compétences requises ».

En parallèle des biais, figurent les « normes ». Les normes15

sont en général un état

répandu dans les masses comme étant une consigne à suivre.

Ici, on parle de norme en tant que principe ou théorie discriminatoire auquel le

jugement de valeur se réfère implicitement ou explicitement. Ces normes sont mises en

relation avec les dimensions qu’un candidat peut présenter. Dimensions qui n’ont aucun

rapport avec leurs performances ou compétences en emploi mais qui pourtant influencent

grandement les évaluations que font les recruteurs.

Il existe cinq principaux types de normes16

, à savoir la norme d’androgynie, les

normes d’âges, la norme d’internalité ainsi que son stéréotype de beauté et enfin la norme

d’allégeance.

14

Fondateur de « Central Test » site reconnu de tests de recrutement. 15

Du latin « équerre » 16

Laberon Sonia.

Page 11: L'éthique dans le recrutement

11

1. LA NORME D’ANDROGYNIE :

Au début des années 1990, une affaire opposant une grande entreprise multinationale à

l’une de ses employées les plus performantes éclate. Cette affaire est portée devant le tribunal

et des psychologues sociaux sont conviés afin de présenter les effets de la stéréotypie

sexuelle. En résumé des faits, il s’agit de Mme Hopkins, cadre subalterne dans une entreprise

comptant 3% de femmes pour 900 employés, qui se détache et se fait remarquer pour ses

aptitudes qui la destinait à bénéficier d’une promotion hiérarchique. Mais la direction

l’accusait d’agir tel un homme et elle fut renvoyée. Ses collègues la soutenaient en la

décrivant comme étant franche, indépendante, confiante et courageuse tandis que la direction

l’a qualifiait d’arrogante et individualiste.

Cette affaire illustre le processus des stéréotypes qui consiste à créer des

interprétations contraires d’un même comportement. En situation professionnelle, les femmes

en sont souvent victimes car elles ne répondraient pas simultanément aux attentes venant du

genre (féminité) ni à celles venant de la profession de cadre (masculinité). C’est ce qu’on

nomme le « double standard ». Cette dichotomie est inscrite dans la répartition des différentes

sphères au sein du couple et selon le sexe. La sphère privée et familiale est attribuée à la

femme qui va s’occuper des enfants, tandis que la sphère professionnelle est décernée à

l’homme qui va faire vivre son foyer.

Ainsi, aujourd’hui encore ce phénomène persiste, on a tendance à attribuer des qualités

qualifiées de masculines aux postes à responsabilité et on prétend que les femmes seraient

globalement moins efficaces aux postes de dirigeantes17

. De même les domaines d’activités

sont eux aussi sexués et repartis selon le sexe. Les métiers masculins correspondent aux

fonctions à responsabilités ou avec une exigence physique tandis que les métiers féminins font

référence aux fonctions d’assistance, de soutien ou d’exécution ou encore qui supposeraient

une dextérité. Mais il est vrai que depuis les années 1970, on assiste à une évolution dans la

manière d’attribuer même si le plafond de verre18

perdure.

Cette évolution serait due à « l’état d’androgyne ». Cet état est un comportement

qu’adopte l’individu dans le souci d’estomper les contrastes hommes/femmes, c’est en sorte

une aspiration à se créer une identité personnelle. L’individu aurait donc un comportement

double, il assimile masculin et féminin et s’adapte selon les situations. Ce comportement

aurait pour effet d’augmenter la confiance en soi du fait de la flexibilité et l’adaptabilité et

répond ainsi à la problématique du « double standard ». C’est alors une réponse aux

discriminations. Mais des études19

ont récemment démontrées que ce mécanisme tend au déni

de discrimination puisque le sentiment d’appartenance à un groupe est faible.

17

Bass, Krusell et Alexander 1971 et Landrieux-Kartochan 2003 18

Cette métaphore apparait en 1986 et démasque les « barrières invisibles, artificielles, créées par des préjugés

comportementaux et organisationnels, qui empêchent les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités ». 19

Eagly et Carli 2007 et Lorenzi-Cioldi et Buschini 2008

Page 12: L'éthique dans le recrutement

12

En tant que recruteur il est essentiel de comprendre que ce biais n’est l’effet que d’une

répartition obsolète ainsi que d’un conformisme et que recruter en fonction du genre n’est

plus pertinent de nos jours.

2. LES NORMES D’ÂGE :

D’un point de vue démographique, notre société d’aujourd’hui se caractérise entre-

autre par la progression de l’espérance de vie ainsi que la baisse du taux de natalité. Cette

évolution transposée dans le monde du travail et additionnée au recul de l’âge de la retraite,

redéfinit considérablement le vivier de travailleurs et pose de nouvelles problématiques en

entreprise. Comment les intégrer efficacement ? Comment les garder le plus longtemps

possible ? Comment assurer le transfert de compétences aux plus jeunes générations ? Mais la

plus grande problématique sur un marché en crise et des séniors demandeurs d’emploi en

forte hausse est de savoir les recruter.

La réponse à cette question se trouve souvent dans l’orientation de la politique

d’entreprise, sa culture et l’attitude des recruteurs face aux séniors. L’omniprésence des

normes d’âges dans les organisations font malheureusement que les pratiques défavorables

face aux séniors se multiplient.

Ces discriminations ont souvent pour explications la dimension économique mais

aussi la dimension liée à la personnalité et aux préjugés. Selon une étude de l’OCDE en 2009,

61% des personnes en situation de chômage longue durée se trouveraient dans la tranche

d’âge située entre 55ans et 64 ans contre 25% de 15 à 24ans et 40% entre 25ans et 54 ans. Ce

constat a pour explication le fait qu’une majorité de la population âges confondus, perçoivent

le jeune âge de façon méliorative tandis que l’âge mûr serait associé à des

dysfonctionnements mentaux et à une insuffisance physique.

Il en est de même concernant les salariés au niveau de l’évaluation des compétences20

.

On transpose plus facilement le manque de flexibilité, d’ambition, de motivation, de potentiel

de développement, d’incapacité à apprendre, de lenteur et de sensibilité aux accidents et

maladies aux employés âgés plutôt qu’aux salariés jeunes.

Ce confinement est encouragé par certaines expressions telles que « entreprise jeune et

dynamique », « sang neuf » qui sont associées à la réussite.

Il convient de ne pas également tomber dans les préjugés en omettant de prouver

l’existence de stéréotypes inverses, c’est-à-dire que les jeunes sont aussi défavorisés face à la

concurrence âgée et expérimentée.

Ce type de stéréotype est particulier car l’individu qui détient ce stéréotype est appelé

lui aussi à faire partie de la catégorie visée et le vieillissement est associé à la fin de vie. Il est

20

Pollard 1997 et Gordon 2004

Page 13: L'éthique dans le recrutement

13

alors possible d’expliquer les raisons d’être de ces idées en admettant que l’individu cherche à

se distancier des personnes âgées pour se protéger. De même, accuser le vieillissement des

maux, permet encore une fois de se protéger puisqu’il écarte toute notion de contrôle et de

maîtrise de la situation. Enfin, une dimension générationnelle intervient en ce que l’opinion

commune qualifierait de néfaste la cohabitation de plusieurs générations au sein d’une même

organisation21

.

Rappelons que le recrutement suppose une « comparaison entre les caractéristiques

d’un poste et celles d’un candidat dont le but final est d’évaluer leur adéquation ».

A partir de là, le processus de perception est engagé et avec lui tous les biais. Et le

stéréotype d’âge va faire en sorte qu’apparait de manière péjorative un candidat plus âgé et

écarter toute forme d’adéquation avec le poste. Il s’agit encore une fois pour le recruteur de

garder en mémoire le chemin que fait son esprit face à un candidat et de se focaliser non pas

sur l’âge mais sur les compétences, expériences et besoins de l’évalué.

3. LA NORME D’INTERNANLITE ET LE STEREOTYPE DE BEAUTE :

Aujourd’hui, le modèle économique impose aux entreprises d’adopter une logique

exprimée en termes de rentabilité. Et cela au détriment de l’adaptabilité des personnes

employées qui se voient bien souvent dans l’obligation de changer d’employeur pour

différentes raisons, internes ou externes.

En effet, aujourd’hui il est rare qu’une seule et même personne fasse carrière dans la

même entreprise durant toute sa vie professionnelle. De ce fait et toujours dans cette logique

de rentabilité, on évalue selon l’excellence. Dans ce schéma d’évaluation et d’élimination, les

recruteurs vont retenir, consciemment ou non, des indicateurs d’évaluation qui peuvent

devenir discriminants.

Ainsi, de nombreuses études22

ont démontrées l’existence de la tendance commune à

tous qui consiste à expliquer l’attitude ou les compétences d’un individu via des facteurs qui

lui sont propres. C’est-à-dire que l’on exclu toute explication, pour un même évènement, par

le fait de la chance, de l’environnement ou du fait d’autrui, alors même qu’il est indéniable

que ces facteurs influent directement sur le comportement. C’est ce qui est appelé selon Ross

l’ « erreur fondamentale d’attribution ». Il est de plus démontré23

qu’une majorité de

personnes déprécieraient les victimes car il est sécurisant de vouloir garder l’impression que

chacun reçoit ce qu’il a provoqué ou mérité.

21

Voir infra. Biais de projection. 22

Ross, Beauvois, Gangloff, Dubois. 23

Jellison et Green 1981

Page 14: L'éthique dans le recrutement

14

De manière plus poussée et pour revenir au contexte d’évaluation, les internes24

bénéficieraient également de traitements favorisés. Cette préférence s’explique sur

l’importance que les recruteurs accordent aux explications rattachées exclusivement à la

personne et qui met en avant son rôle dans la situation donnée.

C’est en cela qu’une « norme sociale » fut instaurée et les évaluateurs viennent à se

dire : « ce que font les gens est le reflet de ce qu’ils sont et doit leur être attribué et ce qui doit

leur arriver dans l’organisation est l conséquence de ce qu’ils font, et donc de ce qu’ils

sont »25

. Ce type de biais influence l’évaluateur car ces informations détermineront son

« utilité sociale ».

Parallèlement, il a été mis en lumière l’importance de l’apparence26

, Bruchon et

Schweitzer mettent en lumière ce stéréotype de beauté par le syllogisme : « Ce qui est beau

est bon. Ce qui est bon est choisi et récompensé ». Ce qui induit la discrimination de

personnes dont l’aspect est moins flatteur dans un type de poste sexuellement typé, à caractère

relationnel ou hiérarchique.

Toutefois, il n’est pas rare de voir l’effet inverse se produire, « la beauté accentuant les

attributs liés au genre s’avère être un atout si le caractère sexuellement typé du poste est en

adéquation avec le sexe du candidat mais devient un obstacle dans le cas inverse »27

. On ne

parle donc plus d’utilité mais de « valeur sociale ».

4. LA NORME D’ALLEGEANCE :

Le candidat au profil idéal est globalement moins évalué sur les compétences

techniques que les compétences sociales, c’est-à-dire donc son savoir-être. Selon le modèle du

« Big Five »28

, ce savoir-être réside dans la personnalité qui peut être décrite par 5 grandes

caractéristiques : « l’énergie, l’amabilité, le caractère consciencieux, la stabilité émotionnelle

et l’ouverture d’esprit. ». Selon Gangloff29

, le candidat idéal est généralement un « candidat

énergique (dynamique et dominant), aimable (coopération et cordialité), consciencieux

(méticuleux et persévérant), émotionnellement stable (contrôlant ses émotions et impulsions)

et à l’esprit d’ouvert (ouvert à la culture et à l’expérience).

Il existe pourtant une autre dimension de la personnalité qui influence fortement, c’est

la norme d’allégeance.

24

Rooter (1954) met en avant un concept psychologique appelé « locus of control » qui met en lumière la

tendance des individus à orienter leurs croyances sur ce qui amène leur réussite ou qui influence leur vie. Ainsi,

les personnes croyant que tout dépend d’eux-mêmes détiennent un locus of control dit « interne » tandis que les

personnes persuadées du contraire sont « externes ». 25

Beauvois et Le Poultier 26

Amadieu, Le poids des apparences,2002 27

Laberon 28

Goldberg 1990, Borgogni 1997 29

2003

Page 15: L'éthique dans le recrutement

15

Cette allégeance se caractérise par l’absence de toute démarche de remise en cause de

l’environnement social ou de la hiérarchie des pouvoirs dans un système donné, l’individu

adhérant à cette norme se positionne comme soumis à sa hiérarchie et prête en quelque sorte

serment de fidélité évitant tout comportement répréhensible.

Ainsi, il existerait un lien entre croyance en un monde juste et cette norme30

. Les

recruteurs ont tendance à favoriser l’allégeant afin de pérenniser l’organisation. Il ne s’agit

toutefois pas de préférer quelqu’un de « soumis ». Au contraire, la personne qui intériorise la

norme d’allégeance et qui se trouve confrontée à une injustice aura tendance à trouver une

position de rééquilibrage plutôt de que rébellion ou d’acceptation (cela en fonction de son

degré d’adhésion à la norme). On raisonne ici, comme pour la norme d’internalité, en termes

d’utilité sociale.

Ici, l’attitude n’est discriminante que dans le cas où le recruteur, et selon Ggangloff,

occulterait le « big five » pour se centrer uniquement sur la norme d’allégeance.

Or il est essentiel pour le recruteur de sonder cette norme chez le candidat car le mot

phare d’une organisation est le terme de coopération. Cette coopération est réellement à la

base d’une organisation sereine et pérenne. Comme Crozier et Friedberg l’ont souligné,

l’individu est attaché à sa liberté et chaque individu poursuit un but différent. Mais il convient

de coopérer dans une organisation afin de pouvoir atteindre l’objectif.

De même, cette norme d’allégeance figure également chez le recruteur lui-même en ce

qu’il recrute pour une organisation.

Il doit trouver le candidat conforme aux attentes et exigences de cette dernière.

Jusqu’où le recruteur va-t-il aller dans le sens de cette norme s’il a conscience que

l’orientation de sa mission dépasse le cadre éthique et responsable ? Il s’agit ici aussi de

rééquilibrage de certaines injustices puisque le recruteur ne peut pas se soulever contre

l’organisation au risque d’entacher ses intérêts propres. Il peut par contre tenter d’apporter

une vision différente via l’apport de profils différents de ceux demandés mais tout aussi

performants.

Il est évident que chercher à maitriser ces digressions de la perception serait vain, il

convient plutôt de les connaître, les comprendre et de pouvoir ainsi mieux les maitriser, afin

de rester dans une optique de sélectivité équitable et responsable.

Il faut alors rester centré sur les pré-requis établis mais il est évident que la zone

d’incertitude du recruteur ne sera pas totalement comblée par l’analyse de la personnalité ou

par les explications avancées par le candidat (qui peuvent être elles-mêmes biaisées). Il

convient alors de compléter et de finaliser la décision par des outils de sélection objectifs. Ces

outils sont en pleine évolution avec l’arrivée de nouvelles technologies et méritent d’être

étudiés.

30

Gangloff 2003 et 2007

Page 16: L'éthique dans le recrutement

16

B. VERS UNE PRATIQUE RESPONSABLE :

Le processus de recrutement est marqué par cinq grandes étapes ; dans un premier

temps il s’agit du « sourcing » qui regroupe les efforts fournis à la recherche de profils (à

savoir porter l’offre d’emploi à la connaissance du marché et attirer et convaincre les

candidats). Puis, il s’agit du traitement et de l’analyse des candidatures, qui consiste à trier les

candidats via les moyens à disposition (mail, courrier, base de données, outils de

« scoring »31

, …) et ériger une première liste à exploiter plus en profondeur. Intervient enfin

la phase de sélection et d’évaluation des candidats via la vérification de leurs savoirs, c’est

dans cette phase qu’interviennent l’entretien, les tests, etc.

La publication d’annonces et de descriptions de poste est la première étape largement

répandue dans le processus de recrutement. Il s’agit ici de définir le poste et les critères requis

de manière précise et objective. Ces critères doivent être objectifs et se borner aux pré-requis

(compétences et aptitudes professionnelles) et ne pas aller à l’encontre de la loi. Selon l’article

225-1 du Code pénal, « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les

personnes physiques à raison de leu origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur

grossesse, de leur appartenance physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur

handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur appartenance ou de

leurs non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation , une race ou une religion

déterminée. […] ». Le recruteur peut inviter l’entreprise à élargir les critères de sélection dans

la description de poste, de façon à diversifier les profils de candidature. La demande

d’anonymisation des CV peut aller dans ce sens.

Avant le stade de présélection et de tri des candidatures, il est préférable d’établir des

pré-requis en adéquation avec des objectifs clairs et justifiables. Pourquoi pas faire une grille

d’évaluation avec comme critères : les qualifications, les compétences techniques, les savoirs

faire, l’expérience, la motivation etc…

Lors de l’entretien, le recruteur va tenter de sonder la personnalité du postulant et

valider les compétences requises via un échange plus ou moins orienté. Comme dit

précédemment, le recruteur peut compléter ses données glanées lors de l’entretien par des

tests objectifs (tests de niveau intellectuel, tests d’aptitudes spécifiques, tests de personnalité,

tests projectifs, l’épreuve d’auto-évaluation, tests SOSIE, PAPI), graphologie, des mises en

situation, la prise de référence, etc.

Avant l’utilisation de ces tests, le recruteur doit anticiper les résultats et leurs

conséquences. Il convient de se demander ce qui se passe si les résultats des tests sont en

parfaite contradiction avec ce que l’entretien a mis en évidence ; donc cela revient à se

31

Technique de hiérarchisation et d’évaluation de données à l’aide de score

Page 17: L'éthique dans le recrutement

17

demander quel poids on va attribuer aux tests, comment assurer la validité de ces derniers et

enfin comment préserver la déontologie. En termes qualitatifs des tests, trois critères méritent

de s’y référencier : la fidélité (précision), la validité (le test mesure vraiment les pré-requis) et

la sensibilité (il faut que les résultats puissent différencier les individus testés).

Une autre stratégie consiste à mettre le candidat en situation inconfortable afin que sa

personnalité et certains de ses comportements se révèlent. Il peut s’agir de faire attendre le

candidat plus que de raison, de le déstabiliser, de le provoquer, de poser des questions liées à

la vie privée, etc. Or un rapport de force trop marqué et inégal risque fortement de renfermer

un talent et de passer à côté. Il s’agit plutôt de lever certains doutes et de creuser. Charge au

recruteur de déceler les limites à ne pas atteindre et éviter ainsi toute forme de violence

inconsciente qui bloquerait l’échange. Il faut aussi admettre qu’il est difficile de connaître

totalement quelqu’un en quelques échanges et dans un contexte d’évaluation qui apporte son

lot de biais.

De même l’entretien doit être basé sur une relation de confiance, le recruteur doit aussi

donner l’envie candidat de venir travailler pour le groupe qui recrute. Ce n’est pas à sens

unique et le recruteur est la première approche et permet au candidat de se forger une idée sur

le groupe. Le mot phare pour le recruteur est alors « Respect ». Cette ligne de conduite

garantit la qualité des informations. Il peut également être question de briser une certaine

distance pour mettre ce dernier à l’aise et ainsi l’amener à se livrer.

Ces méthodes d’évaluations sont relativement stables contrairement à celles de

« sourcing » qui sont en pleine mutation.

Cette évolution s’explique par la puissance et la démocratisation d’internet et est

marquée par deux phases : le e-recrutement à partir de 1998, puis le recrutement 2.0 depuis

2007. Le premier est l’utilisation de technologie de communication et d’information (par

exemple informatiser les tâches intervenantes dans le processus de recrutement comme

l’installation de logiciels, la postulation online). Donc il s’agit de rendre virtuel le recrutement

pour un gain de temps. Le recrutement 2.0 quant à lui, rend interactifs ces outils via les

réseaux sociaux (viadeo, facebook, linkedin, …). Tant l’entreprise que le candidat gèrent leur

identité numérique, le premier en promouvant son enseigne et se donner une visibilité sur la

scène électronique, le second en se développant une communauté bénéfique à la réalisation de

son projet. On assiste aujourd’hui à une consolidation de cette voie par le recrutement 3.0 en

ce que l’exploitation de ces réseaux sociaux a fait ses preuves et dont la validité et l’efficacité

ne sont plus à prouver. Il s’agit alors de recruter via ce canal, les besoins sont ciblés et les

résultats précis.

Or cet outil engendre des effets pervers en ce qu’il confond la vie privée et la vie

professionnelle. C’est une porte ouverte à la discrimination. L’éthique voudrait qu’on limite le

recours aux réseaux sociaux (type Facebook, twitter ou copain d’avant) à la simple mise en

ligne d’informations. Donc sont exclues les démarches sans le consentement, à la place il

serait préférable de créer des pages références au cabinet de recrutement où les internautes

pourraient adhérer et s’en défaire librement.

Page 18: L'éthique dans le recrutement

18

Mais il ne faut pas oublier l’efficacité de ces réseaux. En effet, aujourd’hui on estime à

38,5% de français ayant un compte facebook sur un total de 900 millions d’inscrits dans le

monde. Ces chiffres sont concurrencés par l’essor des réseaux sociaux professionnels tels que

viadeo qui compte 35 millions de connectés et Linkedin avec 150 millions. Le recruteur doit

alors entrer en relation sur ce type de réseaux dédiés à la création de liens professionnels. 32

D’autres effets discriminants peuvent survenir si le portail social est destiné à récolter

des informations sur la vie strictement privée voire intime du candidat, même si celui-ci les

mets à portée des utilisateurs.

Si ces informations n’ont aucun lien avec la sphère professionnelle, il convient de ne

pas en tenir compte pour éviter dérive discriminante et réduction de l’égalité des chances.

Concernant les méthodes de sourcing, on peut également se demander dans quel

secteur vais-je chercher mes candidats. Même si rendre l’offre d’emploi publique est

obligatoire, il n’y a aucune directive quant au lieu de publication. Vais-je publier en interne ou

en externe ? Dans le choix de l’endroit de ma publication vais-je attirer le plus grand nombre

de profils différents où vais-je cibler une zone restreinte de potentiels candidats ? Vais-je

solliciter des personnes déjà en poste ou bien celles en recherche d’emploi ? Si mon vivier ne

comprend que des professionnels, ne risque-t-on pas de créer une boucle et impacter le

marché du travail en excluant les chômeurs ? Dans une logique éthique, il est essentiel

d’orienter ses actions pour l’égalité des chances et viser le maximum de personnes.

Lorsque le candidat a franchi toutes les étapes, le recruteur doit prendre une décision.

Dans le cas des recruteurs externes à l’entreprise, ces derniers n’ont pas le dernier mot, ils

doivent présenter les candidats qu’il aura sélectionné et respecter le choix de son client.

Le recruteur a toutefois un rôle important puisqu’il va effectuer un premier tri. En

faisant cela, il doit se poser quelques questions. Va-t-il se borner aux simples termes du

contrat, à savoir proposer un candidat, peut importe pourvu qu’il fasse correctement son

boulot. On élimine alors toute préoccupation concernant l’intégration du candidat, son

adaptation à la culture de l’entreprise, sa personnalité etc… ? Ou bien va-t-il aller dans une

logique d’accompagnement social et de développement ?

Nous l’avons vu, même le recruteur doit faire preuve d’allégeance envers le client,

mais il convient de se demander alors quelle place voulons-nous occuper dans le domaine du

recrutement, est-ce celle du recruteur qui fait un maximum de profit ou celui qui va prendre

des risques pour certaines valeurs ?

Un juste milieu existe dans toute chose, il n’est pas question pour le recruteur de faire

preuve d’inconscience et aller à l’encontre des ses propres intérêts mais d’adopter un

comportement de rééquilibrage. Il va proposer le candidat qui lui semble être le meilleur pour

ce poste et cela de manière objective et consciencieuse. Il ne faut pas non plus oublier que

32

Selon une étude réalisée en 2011 par Social Media.

Page 19: L'éthique dans le recrutement

19

chaque entreprise véhicule sa propre culture et ses propres valeurs, et qu’un même candidat

peut très bien évoluer dans une entreprise comme il peut ne pas se sentir à sa place dans une

autre. On peut même avancer que cette responsabilité envers le client prime sur les autres. Il

ne s’agit pas seulement de remplir le contrat et toucher sa rétribution, la responsabilité n’est

pas seulement contractuelle, elle est aussi sociétale puisque le recruteur doit trouver un

candidat en parfaite adéquation avec le poste sachant que, selon le poste à pourvoir, la

pérennité de l’entreprise et de ses salariés en dépend fortement. Un mauvais choix peut avoir

des conséquences considérables (un directeur d’usine qui fait chuter l’activité au risque de la

faire péricliter et de licencier les salariés par exemple).

Le recruteur a donc une responsabilité tant envers son client/entreprise, à qui il doit

certaines garanties et engagements, qu’envers le candidat qu’il doit accompagner et juger au

mieux.

Il faut également se demander pourquoi les entreprises font appel aux services d’un

chasseur de tête plutôt qu’à une autre instance de recrutement. C’est surement d’une part

parce que ces professionnels proposent un service différent. Les pratiques d’approche directe

demandent de la créativité et du savoir-faire, et d’autre part pour la personnalité du recruteur

en adhésion avec les valeurs et objectifs véhiculés par l’entreprise

De la même veine, quelles responsabilités a le recruteur par approche directe envers

les entreprises chez qui il débauche ? Après tout il attire des salariés déjà en poste afin de les

embaucher dans d’autres entreprises. Et bien souvent on vise le concurrent direct. Cette

pratique est souvent assimilée au débauchage. Or, selon l’article L122-15 du code du Travail,

le débauchage qualifie l'action d'un salarié qui a rompu abusivement le contrat le liant à son

employeur pour accepter d'être engagé par une autre entreprise, généralement concurrente. Le

salarié serait alors approché pour ses connaissances sur l’entreprise et non pas pour son

savoir-être/savoir-faire. Ce qui n’est pas systématiquement le cas pour tous les cabinets

intermédiaires. Le recrutement par approche directe c’est avant tout une rencontre des

volontés.

Il est indéniable que l’approche directe se montre généralement redoutable en ce

qu’elle permet d’atteindre des personnes qui correspondent au profil. Ces candidats ne sont

pas en recherche active d’un emploi mais peuvent se laisser séduire par la proposition. Sa

première limite est donc éthique le salarié n’intègre pas l’entreprise avec comme seuls atouts

son savoir faire et savoir être, il sait comment fonctionne l’adversaire et peut même détenir

des informations importantes ou sensibles. De plus, la décision finale appartenant au client et

le processus étant long, le recruteur doit veiller à ce que le salarié ne soit pas démasqué par

son entreprise. Il risquerait sa place et bien plus. Il faut aussi se demander ce qu’il adviendrait

si le candidat sélectionné pour rencontrer le client n’est finalement pas retenu. L’image du

cabinet et ses méthodes risqueraient d’être en périls si, par malveillance ou frustration, ce

candidat dévoile tout. C’est pourquoi le recruteur doit agir dans la confidentialité, la discrétion

absolue, et le respect.

Le chasseur de tête a également une responsabilité envers ses salariés qui marchent

continuellement sur des œufs et dont « l’omission » de certains faits est le fil directeur .

Page 20: L'éthique dans le recrutement

20

Au vu de ces éléments, est-ce la législation trop sécuritaire et peu flexible qui rendrait

les pratiques du recruteur sensibles ? N’est-ce pas teinté de contradiction de constater que des

salariés sont licenciés en grand nombre avec peu de considération, alors que le chasseur peu

rusé qui tente d’attirer un talent et lui fournir une situation qui conviendrait aux deux parties

prenantes33

risque d’être réprimé au titre de l’article L122-15 du Code du travail ?

Ainsi, dans sa recherche du bon candidat, au bon endroit et au bon moment, le

recruteur peut se laisser emporter par une série d’effets pervers. Même s’il est inconcevable

de vouloir tous les contrôler en permanence et spontanément, il est primordial de les identifier

et de se construire une méthodologie pour en maitriser les effets et rester dans la lignée des

objectifs fixés.

Il n’est pas impossible que le professionnel s’inscrive dans une attitude de déni en

étant persuadé que la discrimination ne le concerne pas. Pourtant la discrimination à

l’embauche est une réalité, 44% des réclamations déposées en 2006 à la HALDE concernent

le domaine de l’emploi et 1/3 d’entre elles est directement lié à l’embauche. On peut ajouter à

cela des chiffres34

: « 61% des acteurs de la fonction RH interrogés disent avoir été témoins

d’actes de discrimination, 31% en raison de l’origine ethnique et religieuse, 22% en raison du

sexe. »

Le recruteur va également essayer de transmettre ses valeurs à l’entreprise en

proposant des profils. Une simple prise de conscience est un bon début mais ne suffit pas, il

faut de réelles actions en appliquant à la lettre les objectifs fixés dans la recherche du

recrutement équitable et du développement humain.

33

Rappelons que le recrutement est basé avant tout sur le concensus. 34

Estimés par CEGOS, dans une étude publiée en 2005.

Page 21: L'éthique dans le recrutement

21

II / UNITE ET DIVERSITE, VERS UNE REDUCTION DES

ECARTS :

« Il ne faut pas penser l’entreprise en termes d’unité et de diversité. Une unité qui

permet une certaine diversité, mais une diversité qui ne désintègre pas l’unité » Edgar Morin.

Le souci premier des entreprises est de se conformer à la législation, remplir les

obligations légales pour éviter une paralysie juridique avec de graves conséquences. On

constate pourtant au cours des siècles passés qu’elles ont su s’adapter et évoluer avec leur

environnement en constante mutation. Elles sont capables alors d’en faire autant avec la

thématique d’égalité des chances, et aller au-delà de la loi en s’engageant dans des

recrutements de profils élargis et diversifiés. Avant de faire dans la diversité pour faire dans la

diversité et répondre peut-être à un phénomène de mode, il faut en comprendre les enjeux (A)

puis adopter une mise en œuvre réaliste et applicable (B).

A. ENJEUX DU RECRUTEMENT DIVERSIFIE POUR

L’ENTREPRISE :

La sélection est l’essence même du recrutement. Le recruteur doit faire un choix entre le

« bon » et le « mauvais » candidat. Il faut repérer celui qui saura s’intégrer dans l’équipe et sa

fonction, qui saura s’adapter aux objectifs fixés et celui qui contribuera à la réussite de

l’entreprise.

Avec 18 767 295 femmes35

, 18 276 523 d’hommes, 19% (soit 11,8 million) de personnes

immigrées ou descendantes d’immigrés, et autant de diplômes, formations différents, la

France dispose de talents fortement diversifiés qui ne cessent de s’accroître avec entre autre

l’ouverture des marchés internationaux. Le terme « diversité » est souvent associé aux

personnes de culture différente. Pourtant, dans le langage de l’entreprise, la diversité désigne

la pluralité des salariés ; genre, âge, diplômes, état de santé, origines, orientation sexuelle,

parcours, travailleurs avec responsabilités familiales, etc. Et c’est cette diversité qui est

souvent à l’origine de la discrimination.

35

Entre 20 et 64 ans, source INED au 1er

janvier 2012

Page 22: L'éthique dans le recrutement

22

En plus de rendre les personnes égales entre-elle, il est réellement question de valoriser et

de reconnaitre les compétences et les différences de tous. C’est ici que réside le rôle du

recruteur responsable.

Selon quelques clés que nous donne la psychologie sociale, c’est par sécurité que le

recrutement tombe dans la reproduction sociale ou le « clonage ». Par peur du risque, les

entreprises se rassurent et recrutent en fonction de critères qui sont jugés par elles « solides »,

« fiables » et qui ont fait leurs preuves au sein de l’organisation. On aura alors tendance à

favoriser certaines écoles, ou encore quand il est question de remplacer un départ, prendre le

même profil que l’ancien collaborateur, ou bien recruter dans le même style en pensant que la

différence entrainera des conflits au sein des équipes ou rendra le management difficile. C’est

un traitement injustifié. On pense bien souvent que la discrimination réside dans le salaire

inégal entre hommes et femmes alors que la discrimination réside dans la prise de décision. Il

est rare qu’un seul candidat se présente à un poste et convient directement, aussi, dès qu’il y

aura plus d’un postulant, il y aura forcément différenciation puisque tout le monde ne pourra

être retenu. Le véritable problème réside encore dans les jugements biaisés sur la différence.

Celle-ci répond pourtant à plusieurs enjeux fondamentaux.

1. UN ENJEU JURIDIQUE :

En effet, la discrimination est réprimée par la loi par l’article L 1132-1 du Code du

travail cité ci-dessus. Loi qui est complétée par un accord national Interprofessionnel relatif à

la diversité dans l’entreprise de 2006 :

« ARTICLE 6 : RECRUTEMENT :

Afin d'assurer un égal accès de chacun à l'emploi, les critères retenus pour le recrutement

doivent être strictement fondés sur la possession des compétences et des capacités

professionnelles requises, appréciées objectivement en dehors de tout pré-supposé tenant à

l'apparence physique, le patronyme, le lieu de résidence ou le lieu de naissance ...Les

expérimentations de dispositifs visant à préserver l'anonymat des candidatures (au sens de

l'article 24 de la loi du 31 mars 2006 sur l'égalité des chances) participent de cette démarche.

Ces expérimentations feront l'objet par les signataires du présent accord, avant le 31 décembre

2007, d'un 1er bilan d'évaluation de ces pratiques et de leur intérêt. Celui-ci sera également

l'occasion de faire le point sur d'autres expérimentations mises en place par les entreprises ».

Le Collège de la HALDE précise, dans la Délibération n° 2010-126 du 14 juin 2010,

que « les pratiques de recrutement doivent s’inscrire d’abord et avant tout dans le cadre du

droit commun. Plus généralement, le Collège de la haute autorité précise que la procédure

d’embauche doit répondre à trois principes majeurs :

Page 23: L'éthique dans le recrutement

23

- l’objectivation, qui permet de justifier qu’une décision de recrutement est fondée sur des

éléments sans lien avec un critère de discrimination prohibé

- la transparence, qui permet d’informer les candidats à l’embauche des procédures de

recrutement, des caractéristiques du poste à pourvoir (missions, compétences exigées,

conditions d’emploi…), du respect du principe de non discrimination par l’employeur

- la traçabilité, qui permet d’assurer le suivi des candidatures reçues et des embauches

réalisées ».

Les pratiques par approche directe sont tolérées par la loi du moment que le choix final

appartient à l'employeur et sans que le recruteur prenne le rôle d'intermédiaire.

2. UN ENJEU ETHIQUE ET BASE SUR LE DEVELOPPEMENT DURABLE :

Le recrutement est la voie royale pour favoriser l’intégration et la diversité. La

discrimination à l’embauche intervient dans l’échec d’intégration de certaines communautés

créant ainsi des tensions sociales36

. Non seulement l’entreprise est un lieu de développement

de compétences, elle est aussi le lieu du développement personnel et de l’enrichissement de

soi-même à travers la collaboration et l’appartenance à une organisation œuvrant pour un

même but. La diversité est synonyme d’équilibrage.

On ajoute volontiers le concept de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) qui

dépasse celui de la diversité. Les entreprises disposent d’une influence et d’un pouvoir

considérable sur le fonctionnement de la société. De part ce pouvoir, elles ont une grande

responsabilité vis-à-vis des personnes : responsabilité écologique et responsabilité sociale. De

ce fait, l’unique enjeu économique ne doit en aucun cas primer sur l’engagement pris sur le

capital humain.

Ainsi, recruter responsable c’est une action citoyenne qui contribue à une société

saine, au progrès humain et à plus petite échelle, à une organisation saine.

3. UN ENJEU ECONOMIQUE :

Il ne faut pas être naïf, notre société ancrée par le capitalisme a pour conséquence la

raison première d’être d’une entreprise, qui est purement économique et basée sur la pérennité

de l’entreprise.

Toutefois, cette idéologie sociétale répond également à l’exigence économique

puisque bien souvent, la clientèle se fait selon qu’elle partage ou non les valeurs véhiculées

36

Cf les dernières élections 2012.

Page 24: L'éthique dans le recrutement

24

par l’organisation et ses méthodes pratiquées. C’est donc l’image et la réputation de

l’entreprise ou du cabinet qui sont en jeux. Il est incontestable que ces deux éléments

détiennent une forte part dans le capital. Les plaintes pour discrimination entachent

sérieusement la publicité de l’enseigne et non seulement l’attractivité sera amputée, mais cela

peut entrainer une baisse sur le marché avec de sérieuse répercussions financières et

budgétaires pour l’entreprise (et donc pour le cabinet, collaborateur professionnel).

Le recruteur doit garder cela à l’esprit et a un rôle important à jouer lors de

l’élaboration de la fiche de poste (avec ou sans le dirigeant de l’entreprise).

A titre d’exemple, le cas L’Oréal, en 2000, qui a refusé d’embaucher certaines jeunes

femmes d’origine africaine, arabe et asiatiques dans le cadre d’une campagne pour un produit.

SOS racisme a saisi les tribunaux et obtenu ainsi la 1ère

condamnation pour discrimination

raciale à l’embauche de France. Depuis, L’Oréal mène une politique plus qu’exemplaire en

matière de RSE.

De même, l’homogénéité qui atteint son paroxysme, nuit à la performance économique

et à la compétitivité. La pluralité des profils encourage la créativité et optimise les capacités

de réflexion et apporte alors des solutions mieux adaptées et parfois nouvelles. L’innovation

est reconnue pour sa qualité de moteur de l’entreprise or la stratégie du recrutement « clone »

se heurte rapidement à des limites.

« L’addition des différences, l’apprentissage de l’autre, l’oxygène des opposés

engendrent l’amplitude de la respiration, le renouvellement des êtres, en un mot, la certitude

de la pérennité »37

.

Ainsi, un bon sourcing est un sourcing diversifié qui ne rejette pas les profils atypiques

non plus. Il s’agit alors pour le recruteur de continuer à rendre plus efficace le recrutement, à

faire progresser sa politique et de faire adhérer les parties prenantes à sa démarche. Cette

démarche responsable permettra d’être en conformité avec la loi, de ne pas rater des talents,

de créer un tremplin à la diversité et de réagir face à une population vieillissante (Papy

Boom).

Bien sûr, elle est moins sécurisante que l’embauche d’un diplômé d’école reconnue

par exemple, elle peut avoir un coût plus élevé avec l’éventuelle formation du candidat, le

coaching ou le tutorat, et elle vise sur le long terme. Mais elle indispensable et en vaut

réellement la peine.

De même certaines discriminations sont admises. Il est spécifié que l’article L1132-2

du code du travail38

« ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent

à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit

légitime et m’exigence proportionnée ». Comme c’est le cas pour l’âge du candidat par

37

Jean-Pierre Helfer, Richesse de la diversité - Regards croisés en l’honneur du professeur Jacques Orsoni,

Vuibert, 2006 38

Edictant l’interdiction d’écarter une personne d’une procédure d’embauche sur des critères listés.

Page 25: L'éthique dans le recrutement

25

exemple et comme le dispose l’article L1133-2 : « Les différences de traitement fondées sur

l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement

justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des

travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur

reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser

ce but sont nécessaires et appropriés ».

Il est toutefois nécessaire et primordiale que le processus de recrutement soit placé sous le

signe de la promotion de l’égalité, et de la diversité. Certaines méthodes ont fait leurs preuves,

d’autres mériteraient d’être améliorées ou doivent encore se faire une place. Mais il faut être

réaliste sur cette promotion de l’égalité. Il ne s’agit pas de recruter une femme pour recruter

une femme, ou de recruter un handicapé pour les mêmes raisons. Il est surtout question de ne

pas fermer la porte à ce type de candidat mais de garder en tête que l’on cherche un candidat

performant et correspondant au profil (compétences, savoir-être) qu’il soit noir ou blanc,

musulman ou chrétien, etc.

B. UNE JUSTICE ORGANISATIONNELLE ET DES ACTIONS SUR

LES PARTIES PRENANTES:

Suite à ces apports théoriques, on peut aborder maintenant des actions positives visant à

encourager le recrutement responsable.

Dans une délibération du 14 juin 2010, la Halde, dans le cadre de sa politique de

prévention des discriminations et de promotion de la diversité, pose trois principes majeurs de

sélection que les entreprises devront respecter. Il s’agit de :

« - l’objectivation, qui permet de justifier qu’une décision de recrutement est fondée sur

des éléments sans lien avec un critère de discrimination prohibé

- la transparence, qui permet d’informer les candidats à l’embauche des procédures de

recrutement, des caractéristiques du poste à pourvoir (missions, compétences exigées,

conditions d’emploi…), d respect du principe de non-discrimination par l’employeur

- la traçabilité, qui permet d’assurer le suivi des candidatures reçues et des embauches

réalisées.

Les recruteurs, managers et responsables RH seront aussi sensibilisés et formés à la lutte

contre les discriminations et à la promotion de la diversité à l’aide de plusieurs dispositifs :

- les actions de sensibilisation et de formation

- l’évaluation des recruteurs. »

Page 26: L'éthique dans le recrutement

26

1. VERS UNE NORMALISATION :

Ainsi, le processus de recrutement gagnerait à être normalisé et rationalisé.

Cette démarche interviendrait en priorité dans les phases de définition de poste/profil et

l’entretien. Phases qui sont primordiales puisqu’elles vont déterminer la suite. Pour ne pas

passer à côté de cet impératif, il faut que les recruteurs, en collaboration étroite avec les

décisionnaires et/ou mangers, établissent des critères et objectifs clairs en fonction des

besoins. Ces critères doivent être pertinents par rapport au poste évitant ainsi les risques

de surqualification du profil et de discrimination indirecte.

La précision est ici de rigueur, il faut se poser certaines questions sur l’activité et son

contexte :

Quels sont les outils utilisés, les connaissances mobilisées, quelle est la position

hiérarchique dans l’organisation, etc. ?

Ces questions augmenteront l’adéquation des profils des candidats au poste à pourvoir. On

peut ajouter à cela deux approches différentes, une définition de poste en fonction des

activités ou une définition de poste en fonction des buts à atteindre.

Plusieurs méthodes ont fait leurs preuves dans ce cas la :

La méthode « les 4 facettes de l’emploi » selon Georges EGG39

:

« Sa raison d’être aujourd’hui et dans l’avenir ;

Sa définition : son contenu, son insertion par rapport aux autres emplois ;

Sa mise en oeuvre : horaire rythmes statuts variants.

Les conditions de son travail : lieu de travail, conditions physiques- psychologique,

sociales. »

« La définition de fonction liée à l’évaluation des emplois » selon Michel DEGUY40

« Que fait le titulaire du poste ?

Comment le fait –il ?

Où le fait- il ?

Pourquoi le fait-il ? »

Selon C. Bessayre Des Horts :

« Dénomination du poste

Mission du poste

Position dans la structure

Liste des principales responsabilités

39

Auditeur social français 40

Professeur de lettres français

Page 27: L'éthique dans le recrutement

27

Critères de performance du poste. »

Mais la méthode la plus connue est la « Méthode HAY » connue sous le nom de « Méthode

des finalités » :

« Raison d’être du poste.

Dimension du poste

Nature et étendu des activités

Finalités du poste ou domaines de responsabilité ».

La description de poste est un outil permettant de réduire les risques d’erreurs et de bien

cerner les problèmes, peut importe la méthode utilisée.

Concernant la diffusion de l’offre, le groupe ADECCO a rédigé un guide « Rédaction

d'annonce et non discrimination » :

« Les annonces d'emploi sont le 1er support de communication de l'entreprise. Attractives,

elles valorisent l'image de l'entreprise. Détaillées, elles attirent les talents en adéquation avec

les offres publiées. Conformes aux dispositions légales, elles sont le reflet de la politique de

non discrimination et favorisent la diversité dans l'entreprise ».

Ce guide propose des principes de la diffusion d'annonces ayant pour principe le respect

des candidats. Certaines annonces ont pour effet de décourager une partie des candidats qui ne

postuleront pas. C’est quelque part de l’autocensure puisque ces candidats potentiels

s’évaluent eux-mêmes à la lecture de l’annonce.

Sans revenir sur les méthodes dites d’approche directe précités ainsi que sur leurs

conséquences, plusieurs actions peuvent être menées pour assurer une ouverture aux candidat.

Encore faut-il s’ouvrir aux viviers méconnus ou non traditionnels. Par exemple recruter en

interne via annonces sur intranet ou des réunions d’informations. Ou encore recruter en

externe à la sortie d’écoles différentes que celles habituellement citées en tant que références

et prendre conscience que 100 00041

jeunes diplômes sont confrontés au chômage de longue

durée à la sortie des études. La participation à des forums emploi, les partenariats avec des

associations ou autres organismes sont de bons moyens d’élargir les champs de recherche et

de diffusion. Il faut faire preuves d’initiatives innovantes.

De même, la phase de tri des CV est importante et déterminante. Elle est le premier

vecteur de discriminations. C’est pourquoi il faut se référer aux grilles de sélection et

d’évaluation précises, détaillées et objectives élaborées en fonction des définitions de poste et

de profil. On revient ici à l’idée de traçabilité qui permet une sécurité juridique et les

déviances dues aux stéréotypes ou biais cognitifs.

Enfin, l’entretien est déterminant dans la prise de décision.

41

Chiffres estimés par le MEDEF en 2010

Page 28: L'éthique dans le recrutement

28

Selon les recruteurs, les évaluations sont plus ou moins standardisées, formalisés. Lors de

cette étape, on cherche à avoir une idée du niveau de motivation du candidat pour le poste, à

vérifier le CV et à clarifier certaines parties, à évaluer certains comportements et aptitudes du

candidat, à évaluer ses compétences, à confirmer une première impression et à confirmer ou

infirmer les résultats d’éventuels tests passés.

Ces pratiques sont néanmoins susceptibles de dérives comme les entretiens inquisiteurs où

le recruteur pose beaucoup de questions sur la vie privée (questions interdites) ou pour

l’entretien provocateur où le recruteur tente de déstabiliser le candidat et où règne une

atmosphère sous tensions.

Plusieurs styles d’entretiens existent ; le non directif, le semi directif ou le directif (le

recruteur va plus ou moins guider l’entretien et attend des réponses plus ou moins précises).

En plus de ces trois styles, subsistent trois types d’entretiens ; l’entretien classique l’entretien

structuré, et l’entretien situationnel. Le premier consiste à tirer des conclusions du profil et

des informations dont dispose le recruteur.

Or ces informations sont souvent le fruit d’un échange verbal et dont l’interprétation

peu relever de l’opinion commune ou des théories implicites de la personnalité (TIP). Le

second est érigé selon une analyse du travail, on croise les tâches à accomplir pour le poste et

les compétences qui en découlent. Le troisième est basé sur le même modèle mais ajoute à

cela non pas la réponse des compétences mais la méthode des « incidents critiques » qui

consiste à croiser les tâches à accomplir et une analyse du travail fondée sur les avis des futurs

collègues et managers.

Selon que le recruteur a une haute estime de son jugement, il va plus ou moins adopter

un style d’entretien très personnel basé sur ses propres critères d’évaluation. Or un entretien

équitable, responsable et éthique se doit d’être structuré au maximum. L’outil de recrutement

sera considéré en fonction de sa capacité à montrer sa « valeur prédictive ». Cette validité

établit le degré d’efficacité et la pertinence de la méthode en attribuant un score à chaque

méthode. La validité différentielle suppose quant à elle que la même pratique ait une validité

différente selon le groupe de candidat auquel elle est soumise (hommes/femmes par exemple).

Il faut alors que les résultats diffèrent de façon significative en fonction des groupes. Cette

dernière pratique peut avoir des effets négatifs selon que l’utilisateur se base sur les résultats

des différents groupes pour l’évaluation des personnes et non des méthodes.

A noter que les entretiens classiques sont pourtant plus répandus à cause du moindre

coût qu’il engrange et de la relation plus « humaine » qui s’installe.

Les cabinets peuvent pousser la normalisation en s’imposant une charte éthique42

.

42

Voir annexe 1.

Page 29: L'éthique dans le recrutement

29

2. SENSIBILISATION A L’ANALYSE DU TRAVAIL :

L’analyse du travail est généralement utilisée en ergonomie, en psychologie du travail

et en sociologie. Cette démarche vise à étudier le fonctionnement des situations de travail via

le recueil de données et cela en s’intéressant à :

- L’opérateur,

- La tâche à accomplir,

- L’activité mise en ouvre pour la réalisation de la tâche,

- Le contexte dans lequel la tâche et l’opérateur vont évoluer,

Schéma : « Les 4 objets d’une situation de travail » selon Guérin et al, 1991.

Cette démarche éviterait les recrutements à l’aveugle et constituerait une bonne maitrise

du poste et donc une très bonne appréciation des candidats et cela en toute objectivité.

Elle mériterait d’être complétée par une formation des recruteurs et des consultants.

Rappelons qu’aucune formation ni aucun diplôme spécifique au recrutement ne sont exigés.

Page 30: L'éthique dans le recrutement

30

3. UN SYSTEME DE GARANTIE :

Le processus de recrutement ne se finalise qu’avec la fin de la période d’essai. Le

recrutement ne se termine pas avec la décision finale du recruteur mais avec l’intégration du

candidat dans l’organisation d’une part et son adaptation d’autre part. Le candidat va

confronter ses valeurs et sa personnalité avec celles que véhicule et détient l’entreprise. Les

instances représentatives du personnel reprennent le relais. Le recruteur a néanmoins une

responsabilité et doit s’assurer du bon déroulement de l’intégration. Les cabinets peuvent

proposer un tutorat aux entreprises ou aux candidats et peuvent pousser la responsabilité en

renouvelant (à la charge du cabinet) le recrutement si cette intégration s’avère être un échec.

Il faut également intégrer le principe de la justice organisationnelle qui est le regard

que portent certains acteurs dans une organisation sur les pratiques de cette dernière. Le

candidat peut avoir un sentiment d’injustice face à certaines pratiques et il est important d’en

tenir compte dans un souci d’équité et d’efficacité. Ainsi, l’utilisation des méthodes sollicitant

le moins l’intervention du recruteur et mettant le moins possible l’accent sur les qualités

personnelles du candidat écarterait plus facilement la discrimination ; Et cela puisqu’elles sont

moins axées sur le jugement humain souvent biaisé, et parce qu’elle permet l’objectivation.

4. DES TABLEAUX DE BORDS :

Il serait peut être judicieux pour les grandes organisations de tenir un suivi sur les

recrutements effectués et le type (âge, sexe, expérience, diplômes etc.) de candidats

approchés, rencontrés, sélectionnés puis recrutés. Il n’est pas question de remplir les quotas et

d’installer une pression du pourcentage mais plutôt d’avoir une visibilité sur les profils

recrutés et ainsi peut être prendre conscience d’un dysfonctionnement ou d’une habitude

contraire aux principes.

5. INSTAURER UNE RELATION DE SUIVI AVEC LE CANDIDAT :

Proposer une relation de confiance avec les candidats en leur proposant un « partenariat ». Le

candidat livre ses informations personnelles (expérience, formation, coordonnées,

rémunération, mobilité, etc.) et aspirations professionnelles et en échange, le recruteur

s’engage à le solliciter ultérieurement, lors d’une nouvelle offre d’emploi plus pertinente pour

le candidat. L’intermédiaire ne serait plus perçu comme un démarchant parfois même

démarchant malveillant, mais comme un annonceur d’opportunités nouvelles.

Page 31: L'éthique dans le recrutement

31

CONCLUSION :

De nombreux biais guettent ainsi l’évaluation du candidat. En prendre conscience ne

suffira pas à tous les éradiquer, mais du moins à les maitriser et à mettre en place un processus

permettant d’en diminuer l’impact. Bruchon-Schweitzer met les professionnels en garde

contre la mauvaise utilisation des outils de recrutement visant à réduire l’incertitude. Il

conseille ainsi de ne sélectionner que les outils les plus pertinents, pour éviter les dépenses en

cas d’erreur de casting, et les plus éthiques, visant toujours le respect du candidat. Cette

démarche favorisera la réalisation d’une égalité de traitement et d’un recrutement responsable.

Il faut bien comprendre que la dimension éthique d’un recrutement ne réside pas dans

le nombre de réponses positives, ni dans le nombre de candidats atypiques et heureux d’avoir

été sélectionnés. Elle réside dans la nature de la relation. Relation qui se doit d’être

respectueuse.

Ce respect s’exprime tant par la qualité des informations fournies au candidat que par

son traitement. Gardons à l’esprit que le candidat se présente avec des aspirations, des

représentations, des valeurs, des compétences et une personnalité. Le recruteur doit en tenir

compte dans sa manière de procéder, de transmettre ses propres valeurs organisationnelles

ainsi que celles de l’entreprise, dans ses promesses et obligations mutuelles. Ces éléments

sont majoritairement tacites et sont pourtant le fil conducteur de la relation. Le candidat

gardera à l’esprit cette relation et peut l’influencer dans son comportement envers le recruteur

dans un premier temps, puis dans un second envers son employeur. D’où l’importance

cruciale pour le recruteur de rester vigilant aux techniques utilisées et orientations qu’il

choisira de prendre, puisque cela déterminera entre autre la bonne marche du processus

d’intégration dans l’entreprise.

Aussi, ces critères d’évaluation des techniques de recrutement doivent être larges. Il ne

s’agit pas seulement de réussir à mesurer l’adéquation des savoir-faire du candidat avec la

tâche à accomplir. Il faut également anticiper l’intégration sociale du candidat, son adhésion

aux valeurs de l’entreprise, sa compréhension de la fonction et son engagement.

De même, le recrutement par approche directe est souvent la bête noire des défenseurs

de la RSE, or il faut bien comprendre que la généralisation est mère de tous les vices.

L’approche directe est assimilée à du marketing direct. C’est donc une relation naissante

d’une rencontre des volontés, elle est basée sur un consensus après une proposition et

acceptation de l’offre. Encore une fois, l’éthique est ici dans la manière de procéder et le but

recherché. Va-t-on privilégier les candidats détenant des informations sensibles sur

l’entreprise ou les candidats avec un réel potentiel ?

Page 32: L'éthique dans le recrutement

32

Dans l’absolu, cette réflexion dresse un tableau plutôt pessimiste des méthodes de

recrutement utilisées et semble critiquer le manque de rationalisation des recruteurs.

Or ce n’est pas ce qu’il faut retenir. Le but n’est pas de rationaliser à outrance la

profession pour évincer la dimension intuitu personae et formaliser à l’extrême, jusqu’à la

standardisation et la disparition du recruteur.

L’objectif est de mettre en lumière dans un premier temps les mécanismes qui risquent

de s’enclencher lors d’un recrutement afin de mieux les maitriser, dans un second les valeurs

en jeu et enfin de valoriser la dimension éthique et la diversité.

Mais il ne s’agit pas non plus pour le recruteur de sélectionner un profil atypique parce

que justement il est atypique et qu’il répondrait à l’exigence de la diversité. Le recruteur va

recruter la personne dont la correspondance avec le poste sera optimale et génératrice de

performance et de résultats, l’enjeu éthique se situe selon que le professionnel va

automatiquement rejeter certains candidats sur des critères discriminants ou selon des critères

objectifs et valides.

A l’heure où la diversité et la RSE sont au cœur des manœuvres européennes, on peut

observer toutefois nos voisins américains qui ont légalisés l’élimination d’un candidat au vue

de ses données publiées sur un réseau social. On observe également une hausse de l’utilisation

de ce canal dans les méthodes de sourcing en France. Ajoutons à cela le principe qui voudrait

qu’on ne tient compte uniquement des réseaux destinés à la relation professionnelle (Xing,

viadeo, linked in, etc.). Encore une fois, il faut être réaliste et faire la part des choses par

rapport à ces pratiques. Recruter sur Facebook certes, mais recruter (encore et toujours)

responsable et pourquoi pas prendre l’initiative de créer des pages sur ces réseaux et cela dans

le but d’attirer les candidats (qui sont libre d’adhérer au groupe ou non) puis de les recruter.

Si l’on rappelle les enjeux du recrutement et les répercutions qu’il peut y avoir sur l’entreprise

en cas de mauvais casting, alors, et à partir du moment où les données sont rendues publiques

et risquerait d’entacher l’image de l’entreprise, peut-on vraiment considérer cette pratique

comme étant discriminante ?

Page 33: L'éthique dans le recrutement

33

BIBLIOGRAPHIE :

OUVRAGES :

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Montréal, 2000.

CONFERENCES ET TRAVAUX :

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« Sensibilisation à la démarche d’analyse du travail », Centre national de la recherche

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SITES INTERNET :

www.axone-rh.fr

www.cge.asso.fr

www.espace-ethique.org.fr

www.ethique-management.com

www.focusrh.com

www.Lerecrutement.blogspot.fr

www.psychologie-travail-rh.over-blog.com

www.rhdemain.com

www.Solutionsrh.blogspot.fr

www.vigeo.com

Page 35: L'éthique dans le recrutement

35

ANNEXES :

Page 36: L'éthique dans le recrutement

36

ANNEXES 1 :

Modèle de charte éthique du recrutement : « A compétences égales »

L’association « A Compétence Egale » a pour objet d’assurer la promotion de l’égalité des

chances dans le Conseil en Recrutement et de promouvoir l’échange sur les bonnes pratiques

en matière d’égalité des chances entre ses membres.

Elle réunit des cabinets de conseil en recrutement qui souhaitent porter ces valeurs.

Chacun des membres de l’association s’engage à lutter activement contre la discrimination

sous toutes ses formes durant toutes les étapes du recrutement en appliquant notamment tous

les principes fondateurs énoncés dans la présente Charte d’Ethique « A Compétence Egale ».

L’admission de tout nouveau membre à l’association « A Compétence Egale » est par ailleurs

subordonnée à l’adhésion à cette Charte Ethique.

Par la signature de la présente Charte, chaque cabinet membre de l’association A Compétence

Egale s’oblige à :

Sensibiliser et former l’ensemble de ses collaborateurs à la lutte contre les

discriminations et à la promotion de l’égalité des chances dans le recrutement.

Assister et former ses consultants de manière à leur permettre de répondre à leurs

clients sur les questions d’égalité des chances et de manière à rejeter toute demande

discriminatoire ;

Veiller à assurer la transparence et l’objectivité dans le traitement des dossiers de

candidatures durant toutes les étapes du recrutement.

Nommer un Correspondant Egalité des Chances en son sein qui veille à l’application

des présents principes et soit l’interlocuteur des candidats, clients et consultants sur les

questions d’Ethique.

Refuser pendant toute la phase de sélection (questionnaire – entretien – base de

données – note de présentation au client) de collecter et/ou prendre en compte toute

donnée qui n’aurait pas un lien direct et nécessaire avec l’appréciation des aptitudes

Page 37: L'éthique dans le recrutement

37

professionnelles du candidat et/ou sa capacité à occuper l’emploi proposé et qui ne

viserait pas à apprécier exclusivement ses performances.

Effectuer des audits réguliers sur la qualité des procédures de sélection des candidats et

sur le déroulement des missions de recrutement réalisées en son sein par le biais d’un

service d’audit interne , du Correspondant » Egalité des Chances » ou par des

organismes extérieurs afin de garantir qu’aucune candidature n’a été -ou ne peut être –

écartée sur la base de motifs discriminatoires.

Informer systématiquement les candidats dès réception de leur candidature sur leurs

droits d’accès, de modification et de suppression de leur candidature

Traiter toutes les plaintes et réclamations de la part de candidats qui s’estimeraient

discriminés.

Veiller à la bonne application des présents engagements au sein de ses équipes.

Partager entre tous les membres les bonnes pratiques leur permettant de lutter contre

toute forme de discrimination.

Mettre en place des pratiques visant à lutter activement contre la discrimination telles

que l’auto-testing ou un système de candidatures anonymes et ce, en fonction des

avancées légales.

Rédiger un apport annuel public sur les actions mises en oeuvre pendant l’année dans

le cadre de la lutte contre la discrimination et la promotion de l’égalité des chances

Page 38: L'éthique dans le recrutement

38

ANNEXE 2 :

Modèle théorique des processus psychologiques à l’œuvre dans la procédure de

recrutement :

Sources : LABERON S., « Psychologie et recrutement ; modèles, pratiques et normativités »,

Ouvertures psychologiques, De Boeck, 2011, p 344.

PROFIL DE POSTE Dimensions saillantes CANDIDAT

Théories implicites

de l’efficacité

professionnelle et

Normes sociales

Construction du

jugement social

Biais perceptifs

Heuristiques

CHOIX DES PRE-REQUIS

Ajustement en

fonction de

l’adéquation

CONSTRUCTION

D’EVALUATIONS

RATIONALISEES DU

CANDIDAT

DECISION

Dissonance cognitive

Désirabilité sociale

PRISE EN COMPTE DES

CARACTERISTIQUES

IDENTIQUES

MODIFICATION DES

CARACTERISTIQUES

DIFFERENTES

RATIONALISATION