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LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES-FRANÇAISES DANS LES PRATIQUES FAMILIALES DES FRANCO-ONTARIENS Mémoire JULIE PHILIPPE-SHILLINGTON Maîtrise en ethnologie et patrimoine Maître ès arts (M.A.) Québec, Canada © Julie Philippe-Shillington, 2013

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LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES-FRANÇAISES DANS LES PRATIQUES FAMILIALES DES FRANCO-ONTARIENS

Mémoire

JULIE PHILIPPE-SHILLINGTON

Maîtrise en ethnologie et patrimoine Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

© Julie Philippe-Shillington, 2013

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RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-

Ontariens du Nord-Est de l’Ontario dans un ménage mixte francophone-anglophone, il faut

essentiellement pénétrer au cœur de leur vie quotidienne. Une telle étude ne peut être possible sans

considérer le contexte historique qui permet non seulement de connaître les sujets d’étude mais aussi

d’authentifier leur passé. C’est à la lumière des conjonctures du passé que le cadre temporel de ce travail

se fixe. Plus particulièrement, il gravite autour de la décennie des années 1960; période reconnue pour

ses réformes entraînées par la Révolution tranquille au Québec, et par effet d’entraînement, chez certains

de ses voisins. L’objet de l’étude veut entre autres appréhender le phénomène de la conciliation des

valeurs traditionnelles dans les pratiques coutumières plus particulièrement depuis les bouleversements de

cette période. Pour rendre compte de cela la démarche ethnologique est adoptée. Une enquête orale de

type ethnographique sur le terrain auprès de deux familles intergénérationnelles de trois couples permet

une importante collecte de données. Les récits de vie des informateurs des trois générations dévoilent de

façon exemplaire le visage traditionnel de l’Ontario français du Nord de la province en faisant

transparaitre sa vitalité quotidienne.

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v

REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à plusieurs personnes qui furent importantes dans la réalisation

de ce projet de maîtrise.

Je remercie premièrement et très sincèrement Madame Jocelyne Mathieu d’avoir accepté d’être ma

directrice de recherche, même après avoir été informée de la distance et de la frontière provinciale qui

nous séparaient. Son appui constant me fut indispensable et ses conseils des plus précieux. Sa passion

pour l’ethnologie, son enthousiasme, sa disponibilité et son esprit positif furent grandement appréciés. Ce

fut tout un privilège de travailler avec elle.

Je remercie aussi Madame Martine Roberge de m’avoir offert un encadrement dès le début du programme

d’étude. Son appui dans les démarches de mon travail fut essentiel et très précieux. Pour ce, je lui suis

très reconnaissante.

Je remercie les informateurs qui m’accueillirent chaleureusement dans leurs foyers et qui me firent part de

leurs pratiques coutumières en me racontant leur vie et en me partageant leurs émotions. Sans eux, ce

travail n’aurait pas été possible.

Je tiens à remercier Monsieur Marcel Bénéteau, Madame Lucie Beaupré, Monsieur Jean-Pierre Pichette et

le père Germain Lemieux s.j., de m’avoir introduit à l’ethnologie et au folklore canadien-français. Leur

passion pour ces disciplines m’inspira grandement. Si j’ai choisi de continuer mes études au deuxième

cycle, c’est parce qu’ils ont su me transmettre leur passion.

Un énorme merci à ma chère famille. L’inlassable soutien de chaque membre, leurs gestes des plus

grands jusqu’aux plus petits tels que leurs sourires, me motivèrent à accomplir ce projet. Ils m’ont

encouragé dans mon audace de rivaliser avec le temps. Si j’ai pu réaliser ce travail c’est parce qu’ils

m’ont tous individuellement servi de modèle.

Il m’est aussi important de remercier mes ascendants de m’avoir fait connaître la culture traditionnelle

canadienne-française, de m’avoir montré ses pratiques et de m’avoir légué ses valeurs.

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TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ....................................................................................................................................................... iii

REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... v

TABLE DES MATIÈRES .......................................................................................................................... vii

LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX .................................................................................................... xi

INTRODUCTION .................................................................................................................................... 1

CHAPITRE I - LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE CANADIENNE ............. 11

1.1 Contexte spatial : circonscription géographique ............................................................................... 12

1.2 Contexte temporel - conjonctures historiques, politiques, sociales et culturelles ............................. 13

1.2.1 Conjonctures précédant les années 1960 : La nation canadienne-française ............................... 14

1.2.2 Conjonctures des années 1960 : De Canadien-français à Franco-Ontarien .............................. 14

1.2.3 Conjonctures suivant l’avènement des années 1960 : le Franco-Ontarien ................................. 14

1.3 Bilan historiographique ..................................................................................................................... 15

1.3.1 Volet identitaire.......................................................................................................................... 15

1.3.2 Volet historique et idéologique .................................................................................................. 17

1.3.3 Volet minoritaire ....................................................................................................................... 21

1.3.4 Volet familial ............................................................................................................................. 22

1.4 Cadre théorique ................................................................................................................................. 24

1.4.1 La culture et les valeurs ............................................................................................................. 24

1.4.2 La tradition et la transmission .................................................................................................... 26

1.4.3 La famille et les ménages mixtes ............................................................................................... 27

1.4.4 Les pratiques et les coutumes ..................................................................................................... 28

1.4.5 Un modèle d’analyse .................................................................................................................. 29

1.5 Problématique ................................................................................................................................... 29

1.6 Méthodologie .................................................................................................................................... 31

1.6.1 Considérations théoriques .......................................................................................................... 32

1.6.1.1 Technique de cueillette : l’entrevue et la capacité d’empathie ........................................... 32

1.6.1.2 Techniques d’analyse : théorie du schéma culturel et de l’habitus ..................................... 33

1.6.2 Méthode d’enquête ..................................................................................................................... 34

1.6.3. Méthodes de traitement des données, d’analyse et d’interprétation .......................................... 40

1.7 Conclusion ........................................................................................................................................ 41

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viii

CHAPITRE II – ENQUÊTE ETHNOLOGIQUE SUR LES PRATIQUES CULTURELLES (PORTRAIT

DES FAMILLES) ....................................................................................................................................... 43

2.1 Famille I (portrait de la famille) ........................................................................................................ 44

2.1.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte ........................................................................................ 44

2.1.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 45

2.1.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 49

2.1.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 57

2.1.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle ............................................................... 64

2.1.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 65

2.1.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 65

2.1.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 67

2.1.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique ....................................................... 69

2.1.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 69

2.1.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 71

2.1.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 72

2.1.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles) .......................................... 73

2.1.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 74

2.1.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 76

2.1.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 81

2.2 Famille II (portrait de la famille) ...................................................................................................... 84

2.2.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte ........................................................................................ 84

2.2.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) .......................................... 85

2.2.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) .......... 87

2.2.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ...................... 93

2.2.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle ............................................................... 99

2.2.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 100

2.2.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 101

2.2.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) .................... 103

2.2.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique ..................................................... 105

2.2.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 105

2.2.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 106

2.2.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) .................... 107

2.2.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles) ........................................ 109

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2.2.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération) ........................................ 109

2.2.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération) ........ 111

2.2.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération) ................... 115

2.3 Conclusion ...................................................................................................................................... 119

CHAPTIRE III – LES VALEURS TRADITIONNELLES ET TENDANCES CONTEMPORAINES . 121

3.1 La mémoire : une restitution des expériences relatives aux pratiques coutumières ........................ 122

3.2 Précisions sur les valeurs : composantes comportementales et sentimentale et émotionnelle ........ 122

3.3 Normes familiales et valeurs traditionnelles dans les pratiques selon les familles ......................... 126

3.3.1 Bilan des pratiques coutumières à l’âge adulte ........................................................................ 126

3.3.2 Bilan des pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle .............................................. 146

3.3.3 Bilan des pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique et le partage des tâches 149

3.3.4 Bilan des pratiques coutumières : le cycle saisonnier .............................................................. 151

3.4 Tendances contemporaines ............................................................................................................. 161

3.4.1 Les valeurs traditionnelles dans les pratiques franco-ontariennes ........................................... 161

3.4.2 Le maintien des pratiques et respect des normes ..................................................................... 164

3.4.3 Le métissage des pratiques ....................................................................................................... 164

3.4.4 L’érosion des pratiques ............................................................................................................ 165

3.4.5 Le remplacement et la modification des pratiques ................................................................... 166

3.4.6 De nouvelles pratiques ............................................................................................................. 166

3.5 Conclusion ...................................................................................................................................... 167

CONCLUSION ......................................................................................................................................... 169

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 175

ANNEXES ................................................................................................................................................ 187

ANNEXE 1 : Index des collections ...................................................................................................... 188

ANNEXE 2 : Questionnaire d’enquête ................................................................................................. 189

ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête ................................................ 193

ANNEXE 4 : Fiche signalétique ........................................................................................................... 195

ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales ............................................................. 198

ANNEXE 6 : Tableau des familles ....................................................................................................... 218

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LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX Figure 1 : Régions de l’Ontario

Office des affaires francophones, Ontario, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-carte.html, page consultée

le 31 mars 2012.

Tableau 1 : Objets de recherche folklorique

Jean-Pierre PICHETTE, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et

inventaire archivistique du folklore franco-ontarien, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992,

p.39.

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1

INTRODUCTION

« On ne naît pas Franco-Ontarien, on choisit de le devenir.1 »

Roger Bernard

Sans aucun doute, le fait francophone en Ontario est un sujet passionnant qui mérite d’être une étude

réfléchie et consciencieuse. Ma curiosité pour celui-ci commence le premier janvier de mes 14 ans : le

jour où j’ai commencé à devenir « Franco-Ontarienne » et non plus seulement une Francophone native de

l’Ontario.

C’était ainsi que ce Jour de l’An, alors que toute la famille se rendit chez mon arrière grand-père, que

celui-ci se mit à narrer son récit de vie relatant la fierté, les joies et aussi les difficultés liées au fait d’être

unilingue Francophone en Ontario. Les causeries firent l’objet de toute mon attention et ce, pour une

grande partie de l’après-midi. C’était la première fois que quelqu’un m’informait sur les rapports sociaux

existants entre les Francophones2 et les Anglophones en Ontario. J’avais jusque là ignoré ces maintes

tensions et méconnaissait leur pérennité. Après avoir partagé une abondance de souvenirs qu’il venait de

se remémorer, le vieil homme prit son violon et joua quelques mélodies du « bon vieux temps ». C’est

avec étonnement que je me suis mise à réfléchir à cette saga.

Le résultat de cet entretien fut alors pour moi, une véritable prise de conscience. Assis dans sa chaise

berçante, cet homme avait-il viscéralement fourni des images du passé en ayant perçu l’engouement

qu’éprouvaient les curieux spectateurs pour de tels récits ou bien venait-il de nous sermonner?

Consciemment ou inconsciemment, il avait bien su tisser des liens entre les membres des générations qui

étaient présentes. Toutefois, c’était à moi de faire une interprétation de son intention. Mais cette dernière

demeurera en quelque sorte une énigme.

Au fil des années, je fus appelée à entretenir quotidiennement des liens à l’extérieur de mon noyau

familial, à l’extérieur de ma petite ville natale où tout se déroulait habituellement en français. La réalité

s’est alors vite imposée et je me vis vite submergée dans une majorité anglophone. Et pourtant j’avais

souvent voyagé avec mes parents, visitant d’autres pays, goûtant à diverses cultures. Je savais que

presque partout, si l’on interpelait en anglais, on avait moins de difficulté à se faire comprendre. Mais à

présent, le scénario était différent. Sous l’influence de cet environnement, j’ai souvent restitué

mentalement les anecdotes de mon arrière grand-père le plus fidèlement que possible. Indéniablement,

ces dernières devinrent pour moi des préceptes servant à la fois d’ancrage et de repère. À leur tour, ces

préceptes se chargèrent de nouvelles significations.

J’acquiesçais alors consciemment de m’identifier en tant que Franco-Ontarienne bilingue. Pour

expliquer cette représentation, je me permets de procéder à une très brève décomposition de cette

appellation. D’une part, je considère la francophonie ontarienne comme mon groupe d’appartenance ;

c’est en elle que je puise mon identité. En d’autres mots, en étant membre de cette francophonie, je vis de

1 Fernan CARRIÈRE, « La métamorphose de la communauté franco-ontarienne, 1960-1985 », dans Cornelius J.

JAENEN (dir.), Les Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.334. 2 Le mot « Francophone »désignant un individu issu d’un groupe linguistique et culturel sera employé avec une

lettre majuscule tout au long du texte.

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2

façon dynamique sa culture et cette dernière sait me fournir maints repères qui se manifestent en

symboles, en pratiques, en gestes, en normes, en valeurs…. D’autre part, ma condition minoritaire

m’amène à considérer et intégrer la culture et la langue anglo-saxonne et ce, sur une base quotidienne. Il

ne s’agirait pourtant pas d’une permutation linguistique ou culturelle faute de cette situation minoritaire

que certains considéreraient comme étant marginale. Il existerait dans mon quotidien un genre

d’harmonie entre les deux langues et les deux cultures.

Je précise toutefois que cette harmonie est davantage une concordance plutôt qu’une symétrie. Entre

autres, j’affirme que ma culture fait preuve de vitalité : une vitalité qui retentit dans les communautés du

Nord de l’Ontario là où il y a une présence francophone même si cette dernière est minoritaire. En

revanche, cette vitalité m’offre des repères culturels assurant un transfert de pratiques qui se fait de façon

dynamique. Par exemple, dans ma communauté nord-ontarienne, plusieurs institutions favorisent

l’épanouissement culturel des Franco-Ontariens. D’ailleurs, les écoles deviennent de véritables lieux de

rassemblement. En organisant des activités communautaires, elles renforcent la cohésion sociale et ce, à

de multiples reprises dans un même cycle annuel.

Il faut aussi mentionner les organismes à buts non lucratifs, qui se donnent comme mandat de veiller à la

sauvegarde et à la diffusion du patrimoine en organisant des activités permettant à la communauté entière

de se rassembler. Dans ma communauté, tous sont invités à prendre part à ces dernières. Un bon exemple

serait Le Carnaval dont les activités se déroulent pendant plus d’une semaine à chaque année. Et grâce

aux médias, je dirais même que ces activités gagnent de plus en plus d’importance. Ce genre de

ralliement est la preuve que plusieurs citoyens ressentent une grande fierté d’appartenance à la

francophonie ontarienne. Parallèlement, puisqu’il y a plusieurs familles qui sont constituées de couples

mixtes (francophones-anglophones), on peut souvent compter sur la participation de plusieurs

Anglophones. Le maire de la ville, les députés politiques fédéraux et provinciaux s’adressent

habituellement à la foule en s’efforçant de transmettre un message en français, même si ce n’est pas leur

langue.

C’est donc avec fascination que je contemple la vitalité des Francophones dans le Nord de l’Ontario ainsi

que les relations que ces derniers entretiennent avec la majorité anglophone. Je suis dans le cas présent,

conviée à découvrir ce que le Franco-Ontarien fait de sa culture.

Sous ce prétexte, je me propose d’explorer le quotidien de la famille, plus précisément les pratiques

culturelles traditionnelles, dans la région du Nord de l’Ontario. Une attention particulière sera portée au

Franco-Ontarien pour voir ce qu’il a fait des legs canadiens-français qui lui furent transmis par les

générations précédentes.

Pour entreprendre une telle étude, je fais appel à la notion suivante qu’énonçait Cornelius Jaenen : « Nous

tenons comme fondamental le concept selon lequel aucune étude culturelle, sociologique, littéraire ou

politique, quelle qu’en soit l’ampleur, n’a de signification en dehors de son cadre historique3 ». Dans

cette introduction, il est ainsi de mise de faire un bref rappel historique pour authentifier la vitalité du

passé du Canadien-français devenu Franco-Ontarien en fournissant un cadre qui mettra en contexte sa

spécificité tout en tenant compte de l’aspect spatiotemporel qui lui permit de s’enraciner culturellement.

3 Cornelius J. JAENEN, « L’ancien régime au pays d’en haut 1611-1821 », dans Cornelius JAENEN (dir.), Les

Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.4.

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3

Pour cette synthèse, je puise dans l’historiographie franco-ontarienne. Je tiens à souligner que ce travail

s’attarde à la région Est du Nord de l’Ontario. C’est pourquoi je porte un regard un peu plus attentif sur

certains faits historiques qui eurent lieu dans cette région en me référant aux ouvrages de plusieurs

auteurs mais plus particulièrement à ceux de Gaétan Gervais et Michel Bock.

Quelques rappels chronologiques

L’origine de l’Ontario français remonte à l’arrivée des Français qui sont les premiers Européens à

pénétrer le Canada et ce, dès le début du XVIIe siècle. On raconte les exploits de Samuel de Champlain

qui a exploré la région de l’Outaouais. On louange aussi les efforts des truchements tels qu’Étienne

Brûlé, Nicolas Vignau, Jean Nicollet et Nicolas Marsolet, en professant que leurs parcours dans la région

s’étalant entre la Baie James et les Grands Lacs, permettent aux Français d’établir d’importantes relations

commerciales avec les Autochtones. Le commerce des fourrures est l’activité principale des premiers

Français et demeure pendant longtemps un important intérêt économique.4

À l’époque, la France envisage déjà depuis quelques temps la possibilité de faire de sa colonie la

Nouvelle-France, une colonie de peuplement. Jusque là, elle avait favorisé le commerce des fourrures car

celui-ci lui rapportait des sommes d’argent considérables.5 Voyant que la Nouvelle-Hollande et la

Virginie comptaient un nombre toujours croissant d’habitants6, certains hommes tels que Mgr de Laval,

se mettent à encourager le roi de France à développer la Nouvelle-France et à la peupler. 7 Ce qui est

suggéré est exécuté. Le Roi Louis XVI réorganise le gouvernement de la Nouvelle-France et à l’aide de

son ministre Jean-Baptiste Colbert, la colonie se met à se transformer. Sous cette nouvelle

administration, un intendant est chargé de la justice et des finances, un diocèse est érigé et de nombreux

forts sont construits dont l’un des plus importants étant situé à Cataracoui (Kingston) tout près du lac

Ontario.8 Quelques années plus tard, le Roi envoie dans cette colonie un Régiment (Régiment Carignan-

Salières) qui protègera les colons ainsi que les Filles du Roi qui ont comme mandat de fonder des

familles.

L’année 1713 est tumultueuse en ce qu’elle est marquée par le traité d’Utrecht qui met fin à la guerre

entre l’Angleterre et la France. En conséquence, cette dernière concède certains de ses territoires et

assiste par cette occasion, à la réduction considérable de ses délimitations territoriales. En revanche, elle

dirige son attention ailleurs et contemple le maintien de ses forts ainsi que la construction de nouveaux.9

Face à ce destin qui se dessine devant eux, les dirigeants de la Nouvelle-France considèrent

l’augmentation de la population dans la colonie anglaise comme une menace. Cette intimidation

encourage une prise de décision importante. On juge impératif d’intensifier le peuplement jusqu’à

promettre aux hommes désireux de s’établir dans les régions spécifiques, de faire vivre leur famille

pendant une année. C’est la naissance du peuplement francophone en Ontario. 10

Malheureusement, la

4Ibid., p.9-19.

5 Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, L’Ontario français des Pays-d’en-Haut à nos jours, Ottawa, CFORP, 2004,

p.32. 6 Des habitants anglophones.

7 Ibid., p.34.

8 Ibid., p.38.

9 Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, Un vaste et merveilleux pays, Histoire illustrée du nord de

l'Ontario. Thunder Bay et Sudbury, Université Lakehead et Université Laurentienne, Ministère des Affaires du

Nord de l'Ontario, 1985, p.32. 10

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.49.

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guerre de Sept Ans qui oppose la France et la Grande-Bretagne et autres grandes puissances européennes,

oblige la France à capituler aux mains des Britanniques. En ruine, elle envisage la fin d’un long régime

et sa colonie, la Nouvelle-France, s’effondre.11

Exaspérés, plusieurs colons français retournent en France

en abandonnant dans la colonie isolée, quelques missionnaires, voyageurs et colons.12

En 1763, par le Traité de Paris, la France cède la Nouvelle-France à l’Angleterre. Vaincue par les

Anglais, abandonnée par la France, c’est la consternation. Mais si cette colonie française n’existe plus

politiquement, les quelques foyers de peuplement francophones dans les Pays-d’en-Haut subsistent

toujours.13

C’est alors sous le Régime britannique que l’identité canadienne-française dans cette région

put se définir et ce, par la naissance des premières institutions d’enseignement en français et par la mise

en place de paroisses catholiques.14

D’ailleurs, en 1767, la mission de l’Assomption devient une

paroisse. Ainsi, protégés par leur langue, leur religion et leurs institutions, les Canadiens-français

continuent à pratiquer quotidiennement leurs propres coutumes et traditions.15

Malgré tout, en 1774, l’Acte de Québec rétablit en quelque sorte les droits dont jouissait la population

francophone avant la Proclamation royale. Par exemple, au Québec, le droit civil français est restitué16

et

les habitants ont la permission de pratiquer la religion catholique17

. Par la même occasion, la province de

Québec se voit annexée à la région des Grands Lacs ainsi qu’à une partie du Labrador et l’Ohio.18

Mais

la conjoncture politique de l’époque prépare un nouveau projet de loi : l’Acte Constitutionnel.

L’Acte constitutionnel est proclamé en 1791 créant le Haut et le Bas-Canada19

qui sont unis sous l’Acte

de l’Union en 1841.20

Les clauses politiques ne sont pourtant pas favorables pour les Francophones.

Quelques groupes d’insurgés se forment et les rivalités entre Anglophones et Francophones continuent.

Mais si le XIXe siècle se livre à ces remous politiques, il fut aussi marqué par un important essor

démographique. D’ailleurs, la population de l’Europe se met à s’étendre en Amérique du Nord ainsi que

sur d’autres continents. C’est alors l’époque de grandes migrations. 21

À cette occasion l’Ontario est

colonisé, l’Est de la province étant une zone privilégiée. On s’installe dans les régions d’Ottawa,

Rockland, Renfrew, Alfred, Pembroke, Russel…22

À partir de 1840, les communautés religieuses se font de plus en plus présentes. Par exemple, les Jésuites

reviennent, alors qu’arrivent les Oblats, les Sœurs Grises de la Croix, les Frères des Écoles chrétiennes,

11

Ibid., p.50. 12

Jacques GRIMARD et Gaétan VALLIÈRES, Explorations et enracinements français en Ontario, 1610-1978,

Esquisses historiques et ressources documentaires, Toronto, Ministère de l'Éducation, 1981, p.149. 13

Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.35. 14

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.91. 15

Nouvelle-France, Encyclopédie canadienne,

http://www.thecanadianencyclopedia.com/index.cfm?PgNm=TCE&Params=f1ARTf0005701, page consultée le 23

janvier 2011. 16

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.60. 17

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, Le passage du « Canada français » à « l’Ontario français », Sudbury

(Ontario), Institut franco-ontarien et Éditions Prise de parole, Collection Ancorage, 2003, p.8. 18

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.60. 19

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.8. 20

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.88. 21

Ibid., p.76. 22

Ibid., p.77.

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5

les Frères de Saint-Gabriel, les Basiliens, entre autres. À cette époque, l’Église est bien plus qu’une

institution religieuse! Étant au cœur des communautés francophones elle est aussi considérée comme une

institution sociale.23

Les paroisses offrent leur support et permettent la cohésion sociale ce qui est

grandement nécessaire pour la minorité francophone qui s’acharne à garder ses droits.

S’en suit, en 1867, la Confédération canadienne. L’union des colonies britanniques de l’Amérique du

Nord et la création d’un gouvernement central24

encouragent la mise sur pied d’un marché commun.

Celui-ci est assuré par la construction d’un chemin de fer traversant le nouveau Dominion. Ceci permet

entre autres à l’Ontario de s’industrialiser, de s’urbaniser voire de profiter d’une expansion économique.

Au fur et à mesure que les voies ferrées sont installées, de nouveaux territoires s’apprêtent à être

colonisés. Le tracé du Canadian Pacific Railway (CP) permet l’ouverture du Nord de l’Ontario et de

nouvelles découvertes tels les minéraux de Sudbury sont mis en valeur.25

Cette route vers le Nord

favorise aussi l’industrie forestière.26

Évidemment ce genre d’expansionnisme, à la fin du XIXe siècle, a

pour conséquence de disperser davantage la population francophone un peu partout en province. 27

Par

contre, les promoteurs de la colonisation désignent le Nord de l’Ontario comme endroit privilégié et le

signalent aux Canadiens-français.28

Malgré leur dissémination partout en Ontario, les Francophones

estiment tout de même qu’ils appartiennent à une collectivité appelée le « Canada français ». 29

Jusqu’au milieu du XXe

siècle, tous les Francophones de l’Amérique du Nord ont pu former une patrie.

Étant descendants des Canadiens-français ils ont le même passé historique, partagent les mêmes valeurs,

la même langue, les mêmes traditions et la même culture. Et donc dans cette nation existe une

homogénéité.30

Refusant de s’assimiler à la population anglophone, les Francophones mettent sur pied

des institutions qui favorisent leur cohésion. Les institutions confessionnelles jouent alors un grand rôle

en créant des établissements d’enseignement, des couvents… car « la paroisse occupe une place

importante dans la société canadienne-française. Là où le clergé est de langue française, elle devient

souvent un point d’appui à la survivance.31

» La paroisse fournit un encadrement aux Canadiens-français

et ce, non seulement au point de vue religieux mais aussi au point de vue social, économique et culturel.32

Sous cet encadrement, les Canadiens-français continuent de coloniser les régions de l’Ontario. Une étude

de la population de l’époque révèle que ces derniers se concentrent davantage dans les régions

23

Ibid.,, p.84. 24

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.9. 25

Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.54. 26

Ibid., p.61. 27

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.99. 28

Gaétan VALLIÈRES, « L’Ontario, terre privilégiée de colonisation hors-Québec : une perception québécoise

(1850-1930) » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres,

Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984, p.31. 29

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p9. 30

André CLOUTIER, « Le défi d’une communauté en mutation » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-

Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984,

p.98. 31

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.101. 32

Gaétan GERVAIS, « L’Ontario français dans toutes ses régions », dans La Société Charlevoix (dir.), Les

régionalismes de l’Ontario français. Actes de la table ronde de la Société Charlevoix, Toronto, Éditions du Gref,

collection Dont actes no 23, 2005, p.13.

Page 18: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

6

périurbaines telles que le Nord-Est, l’Est et le Sud-Ouest,33

là où ils peuvent travailler dans les industries

agricoles, minières et forestières.

C’est aussi à cette époque, c’est-à-dire entre le début et le milieu du XXe siècle, que se font ressentir des

sentiments nationalistes et impérialistes. Canadiens-français et Canadiens-anglais s’opposent

mutuellement quant à ces idéologies. Les Canadiens-français y sont coincés. 34

Il leur faut d’ailleurs

beaucoup de persévérance afin de lutter pour leur survivance culturelle ; une lutte qui deviendra de plus

en plus acharnée. Toutefois, leur vitalité culturelle devient si bien visible que le gouvernement lance des

politiques assimilatrices afin de s’assurer une certaine uniformité nationale. On peut considérer la

Circulaire d’instruction numéro 17 (adoptée en 1912) 35

comme étant l’une d’elles.

Aussi appelée le Règlement 17, cette politique vise à limiter, voire même interdire, l’enseignement du

français dans la province de l’Ontario. Ce règlement provoqua plusieurs chamboulements chez les

Francophones de la province. 36

Depuis l’imposition de ce règlement, les Francophones se sentent

davantage victimes de leur sort. Ne voulant pas succomber à l’assimilation, les élites francophones

mettent sur pieds une multitude d’organismes afin d’assurer l’avenir de la francophonie en Ontario.37

Une fois leurs efforts consolidés, ils forment une résistance contre l’ « anglification38

». La province de

Québec vient au secours de l’Ontario français parce que selon elle, il n’existe pas de frontières au sein de

la nation canadienne-française.39

La naissance du journal Le Droit (191340

) et l’Association canadienne-française de l’Ontario (191041

)

réclament les droits des Francophones en méprisant le fameux Règlement qu’ils considèrent comme étant

une ineptie.42

Mais à la suite de la Seconde Guerre mondiale, à l’heure de l’urbanisation et de

l’industrialisation, l’encadrement qu’avait offert le clergé jusque là commença à être contesté. On

reproche que cet encadrement avait été trop conservateur.43

Les médias américains aussi entraînent des

mutations importantes. Jusque là, les Canadiens-français n’avaient été appelés que très rarement à parler

en anglais.44

Mais afin de ne pas être « réprimés » de la société ils ont été incités, malgré eux, à entretenir

des relations avec la majorité anglophone ainsi « chevauchant deux langues et deux cultures45

».

33

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.114. 34

Ibid., p.103. 35

Gilles J.L., LEVASSEUR, Le statut juridique du français en Ontario, Tome premier, La législation et la

jurisprudence provinciales, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p.116. 36

Ibid., p.116. 37

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.139. 38

Ibid., p.143. 39

Ibid., p.139. 40

Radio Canada, http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/medias/clips/12852/, page consultée le 18 novembre

2012. 41

Office des affaires francophones, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/annonces-090430-docdinfo.html, page consultée le

18 novembre 2012. 42

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit. p.146. 43

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit, p.9. 44

André CLOUTIER « Le défi d’une communauté en mutation » dans Revue du Nouvel-Ontario, Les Franco-

Ontariens dans leur regard et dans le regard des autres, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 6, 1984,

p.98. 45

Ibid., p.99.

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7

Un éclatement se prépare pendant la décennie 1960 : celui du Canada français. Cette période est

surnommée « la Révolution tranquille ». Jusque là, les Francophones au Canada avaient souvent été

dépouillés de leur langue et de leur culture. Désormais, le taux d’assimilation était devenu très élevé

parmi cette population. C’est alors que le nationalisme canadien-français prit les voiles de plus en plus

bel mais cette fois-ci, au nom de la nation québécoise46

. Effritée en morceaux, ce qui reste de la nation

canadienne-française hors-Québec devint une « minorité francophone ». Et à cette minorité on

n’accordait point de chances de pérennité ni de subsistance car on qualifiait déjà cette population de

« dead ducks » et de « cadavres encore chauds47

». 48

C’est dans cette atmosphère de perturbations que l’Association canadienne-française de l’éducation en

Ontario (ACFÉO) tient son congrès au début de cette décennie, soit en 1962. 49

Quelques années plus

tard, elle contemple le dossier scolaire en soutenant la nécessité d’ouvrir des écoles secondaires

catholiques. Elle est l’un des organismes qui insiste à ce que les gouvernements fédéral et provincial

améliorent la situation de leurs citoyens francophones. 50

Au début de la décennie, le gouvernement de Pearson lance une « Commission royale» (aussi connue

comme la Commission Laurendeau-Dunton) qui doit enquêter sur le biculturalisme et le bilinguisme au

Canada.51

Dans son rapport, cette dernière émet que « le Canada traversait la crise majeure de son

histoire52

». Elle ajoute que celui-ci souhaitait des changements. 53

C’est ainsi qu’en 1969, la Loi sur les

langues officielles du Canada est adoptée au palier fédéral.54

Gaétan Gervais dira que c’est en 1969 que

« certaines injustices historiques commises contre toutes les minorités françaises du Canada55

»

commencèrent à être rectifiées. 56

Notamment, le gouvernement de l’Ontario permet aux conseils

scolaires d’ouvrir des écoles secondaires francophones, de créer des sections francophones ou bien

d’offrir certains cours dans les écoles secondaires anglophones. Mais les conseils scolaires ne sont pas

obligés d’agir. Bien que certains conseils prennent l’initiative d’ouvrir des écoles secondaires

francophones, d’autres refusent tout simplement. 57

D’ailleurs, en 1970, un conflit explose un peu partout

en Ontario. Par exemple, dans le Nord-Est de l’Ontario et plus précisément à Sturgeon Falls, le conseil

scolaire refuse d’offrir des cours en français aux Francophones de la région qui composent la majorité de

la population.58

La campagne « Opération anti-assimilation » est lancée dans le but d’obtenir une école

secondaire francophone.59

60

Le conseil reconnait par la suite les droits des Francophones et l’école

46

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.181. 47

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 108. 48

Ibid., 108. 49

Ibid., p. 110. 50

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit.,, p.183. 51

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 194. 52

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.183. 53

Ibid., p.183. 54

Gaétan GERVAIS « Le problème des institutions en Ontario français » dans Revue du Nouvel-Ontario, Minorité

culturelle et institutions : l’Ontario français, Ottawa, Institut franco-ontarien de Sudbury, No 8, 1986, p.9. 55

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 195. 56

Ibid., p.195. 57

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.185. 58

Brigitte BUREAU, Mêlez-vous de vos affaires, 20 ans de luttes franco-ontariennes, Vanier : Association

canadienne-française de l'Ontario, 1989, p.28. 59

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.203.

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8

secondaire Franco-Cité est fondée en 197161

dans le vieil édifice de l’ancienne école anglophone.

L’école anglophone est quant à elle maintenue mais cette fois-ci, dans un tout nouvel édifice et sous un

nouveau nom « Northern Secondary School ». Tout ceci n’aurait été possible sans l’aide de l’Association

canadienne-française de l’Ontario.62

D’autre part, cette époque connait aussi, en Ontario français, une « explosion culturelle63

». D’ailleurs

les historiens Gaétan Gervais et Michel Bock admettent que les Francophones de l’Ontario auraient

ressenti le besoin de s’affirmer et de s’identifier davantage à partir des années 197064

répondant à des

transformations politiques.65

Le drapeau franco-ontarien est alors conceptualisé et ensuite déployé pour la

première fois en 1975 à l’Université de Sudbury. Conçu par Gaétan Gervais et un groupe d’étudiants, il

devient « un symbole de ralliement de toute la communauté66

» franco-ontarienne. On se met même à

parler d’une « culture franco-ontarienne67

».

Dans les années 1982, la Charte canadienne des droits et libertés est rapatriée et garantie le bilinguisme

au palier fédéral ainsi que le droit à une éducation dans la langue de la minorité à condition qu’il y ait une

demande suffisante. Le gouvernement offre des services en français à la fin de la décennie grâce à la Loi

sur les services en français. (Loi 8) La décennie suivante reconnaît le drapeau franco-ontarien comme

emblème officiel des Franco-Ontariens68

et puis les années 2010, 35 ans après le déploiement de ce

dernier, le gouvernement ontarien adopte un projet de loi qui veut que la Journée des Franco-Ontariens

soit célébrée le 25 septembre de chaque année69

.

En fin de compte, Gaétan Gervais affirme que l’identité franco-ontarienne est une « construction » qui

répond à l’éclatement du Canada français. « Parler uniquement de « l’identité franco-ontarienne » ce

serait donc implicitement affirmer que l’appartenance à la communauté franco-ontarienne compte plus,

dans la vie de ses membres, que toute autre appartenance70

» dit-il. Il avance aussi que c’est à partir de la

mémoire du passé qu’une communauté peut construire son identité. Effectivement, il existerait un lien

direct entre histoire et identité. Et de toute évidence, les faits et les événements historiques font

perpétuellement l’objet de maintes interprétations si bien que ces dernières se chargent au fil du temps de

différentes significations. C’est ainsi à partir de la découverte de nouveaux faits du passé que naissent de

nouvelles identités.71

60

Les gens de la région témoignent encore de ces discordes. Ils racontent jusqu’à quel point les relations entre

Francophones et Anglophones de la région étaient tendues. Et à l’opposé, dans la communauté, les rapports entre

Francophones et Anglophones étaient fortement déconseillés. 61

Ibid., p.203. 62

Ibid., p.188. 63

Ibid., p.197. 64

Ibid., p.197. 65

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit.,, p. 196. 66

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.191. 67

Ibid., p.199. 68

Michel Bock et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.236. 69

Radio-Canada, http://www.radio-canada.ca/regions/Ontario/2010/04/26/006-journee-franco-ontarien.shtml, page

consultée le 19 novembre 2012. 70

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.217. 71

Ibid., p.217.

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9

Ce mémoire est divisé en trois chapitres. Le premier fait une mise en contexte de la francophonie

canadienne et celle du nord-est de l’Ontario, en traitant de sa problématique, de l’historiographie relative

au sujet, de son cadre théorique et de la méthodologie appliquée. Le deuxième rend compte de l’enquête

ethnologique sur les pratiques culturelles (portrait des familles) et fournit un aperçu de la dynamique de

transmission de ces pratiques. Le troisième chapitre expose l’analyse des données en signalant les

valeurs dites traditionnelles et les tendances contemporaines.

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CHAPITRE I - LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE

CANADIENNE

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Chapitre 1

LES FRANCO-ONTARIENS DANS LA FRANCOPHONIE CANADIENNE

Le premier chapitre a pour objectif d’exposer les notions relatives à la conceptualisation du projet

d’étude. Dans un premier temps, les limites territoriales sont établies et la francophonie canadienne du

Nord-Est de l’Ontario est mise en contexte. En deuxième lieu, le bilan historiographique est présenté. Par

cette occasion, je fais état des recherches qui ont déjà été menées dans différents domaines et qui me

fournissent des balises importantes à utiliser dans un contexte ethnologique, alimentant à la fois mes

réflexions et justifiant l’originalité de mon projet. Ensuite il est question de faire état de la problématique

qui est à l’origine de mon questionnement. Finalement, la dernière partie précise le cadre

méthodologique en expliquant la nature scientifique des données de recherches.

1.1 Contexte spatial : circonscription géographique Pour cette étude ethnologique, il convient d’abord de mettre en contexte l’espace circonscrit qui m’a

permis en partie de définir l’objet de mon enquête. Une observation analytique de la circonscription

géographique choisie révèle des paradoxes intéressants. Pour bien comprendre, il faut se livrer à des

réflexions qui rendent compte des circonstances issues de l’ancrage des Canadiens-français en sol

ontarien. Tour à tour, les chercheurs ont tenté d’émettre des théories pour expliquer la réalité de ce

territoire franco-ontarien. Je soulève parmi les plus importantes contributions celles du politicien-poète

Stefan Psenak, du sociologue Roger Bernard et de la géographe Anne Gilbert.

D’une part, Psenak affirmait que « l'Ontario français n'existe pas. C'est-à-dire que, ne possédant pas de

frontières propres […] il ne peut être circonscrit et tracé sur une carte géographique.72

» Selon lui, le

territoire de l’Ontario français est un « concept abstrait » 73

. Bernard quant à lui constatait selon ses

études qu’ « [I]l y a PLUSIEURS Ontario français74

» parce que les statistiques démographiques

démontrent que les Francophones qui habitent cette province sont disséminés partout à l’intérieur des

limites provinciales. 75

D’une autre part, convergentes à ces hypothèses, sont celles de Gilbert qui avoue qu’ « il n’existe pas

[…] de véritable théorie quant à l’influence des lieux et des espaces sur la vitalité culturelle76

». De plus,

elle considère que « le territoire est une réalité fort complexe, qui réfère autant à des éléments matériels

que symboliques.77

» Ses analyses divulguent que le territoire est issu de l’imaginaire et chacun de ses

habitants s’approprie ses lieux. Comme elle le dit bien, « les réalités franco-ontariennes sont si […]

différentes selon les régions qu’on ne saurait faire référence à l’Ontario français sans relever les

caractères spécifiques de chacune d’elles.78

»

72

Stefan Psenak, Le pavillon des miroirs ou l’éclatement d’un territoire imaginaire », Érudit,

http://id.erudit.org/iderudit/41808ac, Liaison, n° 105, 2000, p. 10-13, page consultée le 11 avril 2011. 73

Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 74

Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 75

Ibid., page consultée le 11 avril 2011. 76

Anne GILBERT, Espaces franco-ontariens, Ottawa-Carleton, Le Nordir, 1999, p. 14. 77

Ibid., p. 156. 78

Ibid., p.47.

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13

S’impose alors le choix d’une région pour ce travail. Une étude des caractéristiques régionales

ontariennes et des constats basés sur les statistiques de 2006 me

permet de retenir le Nord-Est de l’Ontario comme région d’étude en

raison de ses attributs particuliers. Tout d’abord, je tiens à signaler que

la province de l’Ontario constitue le plus grand bassin de

Francophones hors du Québec.79

Selon l’Office des affaires

francophones de l’Ontario, cette population est distribuée de façon

suivante : 22,5 % dans le Nord-Est, 1,4 % dans le Nord-Ouest, 41,5 %

dans l’Est, 28,7 % dans le Centre et 5,9 % dans le Sud-Ouest.80

Plus

précisément, ceci indique qu’environ deux-tiers de la population

francophone se concentre dans la région de l’Est et Nord-Est de la

province.81

Les statistiques indiquent aussi que la région du Nord-Est de la

province connait la plus grande proportion de Francophones par

rapport à la population régionale. D’ailleurs, 83,2% des Francophones de cette région sont nés en

Ontario, ce qui représente la plus grande proportion de gens nés dans cette province. 82

Notamment, le

nombre de familles qui sont constituées de conjoints francophones se chiffre à 42,6 %83

. De plus, 79,8 %

des Francophones témoignent qu’ils utilisent le français au travail.84

En définitive, il ne serait pas faux de

déduire que ce sont de tels constats qui formulent les particularités propres à l’affirmation identitaire

franco-ontarienne de cette région.

1.2 Contexte temporel - conjonctures historiques, politiques, sociales et

culturelles Si une étude spatiale m’a permis de définir l’objet de mon enquête, je signale que les conjonctures

historiques, politiques et culturelles jouent un rôle déterminant et influencent le contexte temporel de mon

enquête ethnologique.

79

Office des affaires francophones, Ontario, http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco.html, page consultée le 31 mars

2012. 80

Ibid., page consultée le 31 mars 2012. 81

La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,

http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024296.html#table1, page consultée le 31 mars

2012. 82

La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,

http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024298.html#chart3, page consultée le 31 mars

2012. 83

La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,

http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024300.html, page consultée le 31 mars 2012. 84

La Fondation Trillium de l’Ontario et l’Office ces affaires francophones,

http://www.ontario.ca/fr/communities/francophones/profile/ONT05_024441.html#chart8data, page consultée le 31

juillet 2012.

Figure 1 : Régions de l’Ontario (Office des

affaires francophones, Ontario,

http://www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-

carte.html, page consultée le 31 mars 2012.

Page 26: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

14

1.2.1 Conjonctures précédant les années 1960 : La nation canadienne-française

Il n’est pas inutile de rappeler que quelques temps après l’arrivée des premiers Français sur le continent

nord-américain, une nation francophone apparait.85

Même en étant dispersée, elle maintient au fil des

siècles un genre de synchronisme historique, politique, social et culturel. En ce sens, André Cloutier

affirme qu’à l’époque, le contexte des Canadiens-français de l’Ontario s’inscrivait dans le même que

celui des Canadiens-français du Québec parce que tous partageaient la même langue, la même culture, la

même religion, les mêmes valeurs et souvent les mêmes façons de faire. Ainsi, les Francophones de

l’Ontario s’identifiaient à la nation canadienne-française nord américaine en tant que communauté

ethnique et ce, pour la période de temps précédant les années 1960. 86

1.2.2 Conjonctures des années 1960 : De Canadien-français à Franco-Ontarien

Au Canada français, ce qui caractérise les années 1960 est sans aucun doute la Révolution tranquille.

« La plupart des historiens qui traitent du Canada français et de la francophonie canadienne acceptent la

thèse de la fin du Canada français, ou tout au moins de son éclatement, au cours des années 1960 87

»

admet Gratien Allaire. Ce serait un groupe de jeunes intellectuels qui auraient voulu redéfinir le

nationalisme traditionnel canadien-français afin de construire un état-nation moderne dans la province de

Québec. 88

Toutefois, la souveraineté réclamée par les Canadiens-français du Québec provoqua un

sentiment d’angoisse chez les Francophones des autres provinces. Qu’allait-il advenir de leur identité si

la plus grande masse des Francophones du Canada se détournait d’eux? Sitôt écrivains et politiciens

qualifièrent les Francophones hors Québec de « cadavres encore chauds89

» ou bien de « Dead ducks »90

,

croyant que leur assimilation à la population anglophone allait être inévitable.

1.2.3 Conjonctures suivant l’avènement des années 1960 : le Franco-Ontarien

Suite à la Révolution tranquille, l’Ontario français fait face à son destin.91

Les perturbations des

structures traditionnelles qui découleront subséquemment de la rupture du Canada français, exigeront à ce

que les Francophones de l’Ontario redéfinissent leur identité.92

Gaétan Gervais et Michel Bock parlent

d’un «grand virage ». Débutant en 1969, celui-ci aurait marqué le commencement d’une grande période

de changements93

. Il y aura premièrement les efforts déployés par l’Association canadienne-française de

l’Ontario (ACFO) qui se mettra à s’intéresser à tous les dossiers de l’Ontario français. Deuxièmement, il

y aura un genre d’explosion d’activités artistiques franco-ontariennes. Troisièmement, il y aura la

création d’écoles secondaires francophones un peu partout dans la province. Et quatrièmement, il y aura

85

Cornelius J. JAENEN, op. cit., p.39. 86

André CLOUTIER, op, cit. p .98. 87

Gratien ALLAIRE, Le triangle Canadien-Français au tournant des années 1960. le conseil de la vie Française en

Amérique, la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et l'Ordre de Jacques-Cartier, Les Presses de l'Université

d'Ottawa, 2004, http://muse.jhu.edu/journals/francophonies_damerique/v017/17.1allaire01.html, page consultée le

09 janvier 2011. 88

Micheal Derek BEHIELS, Prelude to Québec’s quiet revolution: liberalism vs neo-nationalism 1945-1960,

McGill-Queen's University Press, 1985, p xi. 89

Yves FRENETTE « Les relations entre le Québec et les Francophones hors-Québec », dans Michel PLOURDE et

Pierre GEORGEAULT (dir.), Français au Québec, 400 ans d’histoire et de vie, Éditions Fides, 2000, p.400 90

Gaétan Gervais, Des gens de résolution, op. cit., p.196. 91

André CLOUTIER, op. cit., p .98. 92

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p. 108. 93

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.186.

Page 27: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

15

l’adoption d’une loi portant sur les langues officielles qui, en 1969, reconnaîtra le français et l’anglais

dans les institutions fédérales nationales.94

Sans équivoque, en raison des différentes conjonctures du

XXe siècle, la condition d’être du Francophone de l’Ontario est intéressante.

1.3 Bilan historiographique Mon sujet, de nature ethnologique, porte sur l’Ontario français, terrain que plusieurs chercheurs ont déjà

étudié de divers points de vue disciplinaires. Dans le bilan que je présente, je fais ressortir les thématiques

qui ont retenu l’attention des chercheurs relativement à l’identité et la culture des Francophones

d’Amérique, ainsi que les débats sur ces questions.

Bien que les études dans ce domaine abondent, elles sont quand même tout à fait récentes. Il faut

mentionner à cet égard, que le processus d’identification par lequel les Francophones de la province de

l’Ontario se définissent, en est un qui peut être appréhendé à la suite de la Révolution tranquille (1960)

lors de la création d’une communauté dite québécoise.95

Les chercheurs Françoise Boudreau96

, Gaétan

Gervais97

, Roger Bernard98

notamment, font tous ce même constat quant à cette différenciation identitaire

québécoise et ontarienne.

1.3.1 Volet identitaire

La notion d’identité des Franco-Ontariens est une préoccupation évidente pour les chercheurs. L’identité

comme concept lui-même a été étudié depuis maintenant quelques temps. Dès 1972, Érik Érickson

affirme que l’acquisition de l’identité personnelle établit le développement psychologique de l’individu.99

René Zazzo affirme pour sa part, en 1980 que :

« Le sentiment d’identité découle de la participation de l’individu à une entité

collective comme la famille et la communauté par exemple parce que celles-ci

fournissent des valeurs et de la confiance qui sont indispensables à tout individu dans

la société 100

».

Les recherches recensées présentent deux types d’identité: l’identité personnelle et l’identité collective.

Françoise Boudreau en témoigne :

« L’identité personnelle comme membre d’un groupe ethnique s’apprend et,

comme l’identification avec ce groupe n’est pas toujours spontanée, elle se

choisit, s’accepte ou se refuse ; elle n’est pas toujours fixe ou statique, elle est

en mouvance, négociée au sein de toute une série de circonstances individuelles

et collectives.101

»

94

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.186-187. 95

Françoise BOUDREAU, op. cit., p.36. 96

Ibid., p.39. 97

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.195. 98

Françoise BOUDREAU, op. cit., p.38. (ici c’est curieux, puisque la référence devrait renvoyer à Roger Bernard) 99

Altay A. MANÇO, Processus identitaires et intégration: Approche psychosociale des jeunes issus de

l’immigration, Paris, L’Harmattan, 2006, p.131. 100

Ibid., p.131. 101

Françoise BOUDREAU op. cit., p.39.

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16

Selon Louis-Jacques Dorais l’identité individuelle peut être définie comme « la façon dont l’être humain

construit son rapport personnel avec l’environnement 102

». Le mot « rapport » s’explique par une

identification personnelle lorsque les gens se rendent compte qu’il y a d’autres personnes qui font partie

de leur milieu. Il ajoute aussi que l’identité « n’est pas donnée une fois pour toute103

». Elle est

construite et elle reflète l’histoire personnelle individuelle.104

Ceci rejoint ce qui a déjà été évoqué au

début de l’introduction de ce travail: que l’ « on ne naît pas Franco-Ontarien mais qu’on le devient105

».

Quant au mot « environnement » de cette définition, selon les recherches de Dorais, il signifie les gens,

les paroles, les actes des gens, les représentations transmises par les actes et les paroles, entre autres.106

Par ailleurs, Dorais définit l’identité collective comme étant à la fois politique, ethnique, sociale,

culturelle, socioculturelle, ethnoculturelle... Celles qui reviennent le plus souvent selon Dorais sont

l’identité culturelle, ethnique et nationale. L’identité culturelle se définit comme « le processus grâce

auquel un groupe d’individus partagent une manière partiellement commune de comprendre l’univers,

d’agir sur lui, et de communiquer ses idées et ses modèles d’action, prend conscience du fait que d’autres

groupes et individus pensent, agissent et (ou) communiquent de façon plus ou moins différente de la

sienne107

». 108

L’identité ethnique se définit comme « la conscience qu’un groupe [...] a de sa position

économique, politique et culturelle par rapport aux autres groupes de même type faisant partie du même

état109

». Et l’identité nationale se définit comme « la conscience d’appartenir à un peuple qui, sous la

gouverne de l’État, a le droit et le devoir de contrôler un territoire bien délimité et de le défendre contre

les étrangers si besoin est.110

»

Ces énoncés sont applicables en contexte canadien-français et franco-ontarien. D’ailleurs, les

sociologues auraient été les premiers à étudier l’identité franco-ontarienne spécifiquement.111

Notamment, on dit que la sociologie « cherche à comprendre ce qui se passe dans une situation donnée et

à l’interpréter en termes d’action 112

» Par exemple, Linda Cardinal, à la suite des analyses portant sur

l’identité franco-ontarienne de Danielle Juteau, constatait :

« Ce moment constitue une première, puisque jusqu’alors la sociologie s’est surtout

penchée sur le développement de la nation canadienne-française, du peuple acadien et

du Québec et a pratiquement ignoré les Francophones hors Québec, ceux de l’Ontario

et de l’Ouest surtout, sinon pour évaluer leur disparition numérique. 113

»

102

Louis-Jacques DORAIS, « La construction de l’identité », dans Denise DESHAIES et Diane VINCENT (dir.),

Discours et constructions identitaires, Les Presses de l’Université Laval, 2004,

http://www.erudit.org/livre/cefan/2004-1/000660co.pdf, p.1-11, page consultée le 4 janvier 2013. 103

Ibid., p.3. 104

Ibid., p.3. 105

Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.334. 106

Louis-Jacques DORAIS, op. cit., p.4. 107

Ibid., p.5. 108

Ibid., p.5. 109

Ibid., p.8. 110

Ibid., p. 9. 111

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.207. 112

Liliane VOYER, Sociologie : Construction du monde , construction d’une discipline, De Boek, 1998, p.11. 113

Françoise BOUDREAU, « La francophonie ontarienne au passé, au présent et au futur : bilan sociologique »,

dans Jacques COTNAM, Yves FRENETTE et Agnès WHITFIELD, (dir.) La francophonie ontarienne, bilan et

perspectives de recherche, Ottawa, Nordir, 1995, p.36.

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17

Les historiens ont eux aussi fait de l’identité franco-ontarienne leur objet d’étude. L’ensemble très

significatif des ouvrages de Gaétan Gervais, spécialiste de l’Ontario français et professeur d’histoire à

l’Université Laurentienne de Sudbury pendant plusieurs années, fournit aux chercheurs dans le domaine

de la francophonie canadienne et ontarienne, des renseignements indispensables. Par exemple, l’une de

ses publications récentes, Des gens de résolution (Prise de parole 2003), explore les façons par lesquelles

les Franco-Ontariens ont vécu la fin du Canada français.114

De ces recherches se dégagent un certain consensus quant à l’identité franco-ontarienne. Normand

Frenette en présente une synthèse. Il signale que l’identité franco-ontarienne est constituée de quatre

éléments. Entreraient en ligne de compte l’élément objectif (lieu géographique), l’élément subjectif (le

sentiment d’appartenance), l’élément linguistique (la langue) et l’élément sélectif (vouloir ou non, faire

partie d’un groupe)115

. Françoise Boudreau commente que ces éléments correspondent entre autres à la

« ligne de pensée contemporaine sur l’identité et le processus d’identification 116

».

Conséquemment, les débats entourant la question identitaire reposent sur les difficultés à établir des

critères d’analyse pour définir l’identité franco-ontarienne ainsi que la place que les Franco-Ontariens

occupent au sein de la francophonie canadienne. Compte tenu de ce qui vient d’être dit s’ajoutent les

complexités liées à l’évaluation de l’existence ou de l’absence de l’homogénéité de l’identité franco-

ontarienne. Qui est le Franco-Ontarien? Est-ce un Francophone né en Ontario pratiquant les traditions de

ses ancêtres Canadiens- français? Si oui, qu’en est-il du Francophone né ailleurs dans le monde et

maintenant résidant de l’Ontario? Est-ce un Franco-Ontarien lui aussi? Incontestablement, le défi à

relever est celui portant sur la définition de l’identité et l’homogénéité franco-ontarienne.

1.3.2 Volet historique et idéologique

La notion de culture franco-ontarienne a aussi retenu l’attention des chercheurs. Les historiens117

, à l’aide

de repères historiques qui servent de points d’ancrage à leurs recherches, s’acharnent à comprendre les

mutations entraînées par les événements historiques pour découvrir et reconnaître la spécificité ainsi que

la culture franco-ontarienne. Par exemple, les rappels chronologiques historiques (voir p.3-9) démontrent

que le Canada français éclate pendant la décennie des années 1960118

, que jusque là, les Canadiens-

français avaient formé une patrie commune119

et puis ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’on se met à

parler d’une culture franco-ontarienne.120

Ces recherches historiques trouvent qu’il y existe une culture

franco-ontarienne issue de la culture canadienne-française.

Le Tableau d’avancement : petite ethnographie interprétative d’un certain Canada français de Gilles

Paquet expose que « l’expérience du Canada français ne peut être utilement réduite au seul mythe de la

114

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., 230p. 115

Ibid. p.39. 116

Ibid., p.39. 117

Voir les chercheurs et leurs recherches aux pages 3 à 9 de ce projet. (il aurait été utile de les répéter dans le texte) 118

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.181. 119

André CLOUTIER, op. cit., p.98. 120

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.199.

Page 30: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

18

Révolution tranquille121

». Les recherches de cet auteur indiquent que ce que nous connaissons de cette

expérience n’est qu’un assemblage d’information. Pour l’instant, cet assemblage est néanmoins

indispensable en ce qu’il sert à déloger certains fondements sociaux, individuels, culturels et idéologiques

par exemple, ainsi qu’à réaliser des représentations plus complexes relatifs à ceux-ci.122

D’autre part, l’évolution des recherches offre une définition contemporaine de ce que l’on entend par

culture et démontre comment celle-ci est applicable au Canada français. Selon Gilles Paquet :

« La culture se définit comme « un ensemble d’habitus – des formes typiques de

comportement social transmissibles par apprentissage ou imitation – qui médiatisent

les relations (entre acteurs et entre acteurs et environnement) et aident à coordonner

leurs actions. Le Canada français peut donc être défini comme un ensemble de

pratiques empiriques (privés, publics et civils) – sorte de « procès institué » […] –

c'est-à-dire comme la cristallisation de ses habitus en manières de voir, manières

d’être, règles, normes, croyances, coutumes, patterns de réaction, etc., plus ou mois

caractérisés123

».

Paquet parle aussi de « culture de base » qui se dit être une culture basée sur « les représentations et les

reconstructions des élites124

» que l’histoire a captée.125

(La « culture seconde » quant à elle est assujettie

aux idéologies et n’a pas à se fixer dans le réel.126

) Cette théorie va de pair avec celle des chercheurs

Charles Péguy et André Burelle qui reconnaissent « les besoins communautaires et territoriaux » de

l’humain. Selon eux, l’humain, se livre à un ancrage dans des « patries charnelles » qui sont « la famille,

le quartier, le village, la nation ». 127

Il s’agirait d’un style culturel particulier qui a su se développer au

Canada français. 128

Parallèlement, Diane Farmer atteste aussi de la nécessité de puiser dans l’histoire (qui permet d’entrevoir

la culture de base selon Gilles Paquet) pour entrevoir l’identité culturelle des Francophones. Elle retrace

plus particulièrement l’idéologie traditionnelle conservatrice cléricale du Canada français à l’époque du

milieu du XIXe siècle pour expliquer la culture franco-ontarienne. Cette idéologie, au Canada français,

servait de point d’ancrage et d’elle se dégageaient les fondements culturels d’où découlaient les

valeurs.129

« Les Canadiens-français sont tout d’abord un peuple fondateur, porteur d’une histoire

et d’une culture devenue minoritaire. Ils ont le devoir de préserver leur héritage

ancestral et de le transmettre de façon intacte à la génération suivante ; la religion

catholique et la langue française, de même qu’un grand nombre de coutumes et de

traditions constituent cet héritage. Le passé constitue le temps privilégié. On idéalise

la société canadienne-française de la deuxième moitié du XIXe siècle, une société

121

Gilles PAQUET, Le Tableau d’avancement : petite ethnographie interprétative d’un certain Canada français,

Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2008, préface p.i. 122

Ibid, 234p. 123

Ibid, p.2. 124

Ibid, p. 3. 125

Ibid, p. 3 126

Gilles PAQUET, op. cit., p.5. 127

André BURELLE, Le droit à la différence à l’heure de la globalisation : Le cas du Québec et du Canada,

Montréal, Les Éditions Fides, 1996 , p.12. 128

Gilles PAQUET, op. cit.,p.6. 129

Diane FARMER, Artisans de la modernité : les centres culturels en Ontario français, Ottawa, Les Presses de

l’Université d’Ottawa, Collection Amérique française, 1996, p.37.

Page 31: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

19

traditionnelle, immuable, voire figée dans le temps. Les fondements de cette culture

reposent sur deux ensembles de valeurs : l’un positif et l’autre négatif. Le premier

renvoie bien sûr à la langue française, à la religion catholique, à l’histoire nationale

ainsi qu’à la ruralité, la famille et une culture spiritualiste. Le second ensemble de

valeurs s’exprime par la négation et se traduit par le rejet de l’impérialisme anglais, de

l’industrialisation, de l’urbanisation et des moyens de communication de masse –

livres, revues et autres. On rejette donc tout ce qui pourrait susciter un changement et

altérer cet héritage. La justification que l’on apporte à la nécessité de préserver cette

culture réside dans la croyance en la qualité et la supériorité de celle-ci. 130

»

Cette citation offre un regard renforcé dans les études sur la culture traditionnelle des Franco-Ontariens.

Les recherches folkloriques permettent précisément de constater l’existence culturelle franco-ontarienne.

D’ailleurs, la culture traditionnelle canadienne-française considérée maintenant comme franco-

ontarienne, « se distingue de la culture anglo-saxonne131

. » C’est en fait ce que stipule Jean-Pierre

Pichette dans Ethnologies francophones de l’Amérique et d’ailleurs. Il ajoute aussi que «l’évolution des

recherches sur les traditions de l’Ontario français peuvent être envisagées sous l’angle d’un passage

menant du folklore à l’ethnologie132

». Entre autres, en Ontario français, de nombreuses enquêtes

ethnographiques ayant comme objet de recherche les multiples aspects encore vivants du folklore franco-

ontarien tels que les chansons, la musique, les contes et légendes, les coutumes et les jeux, ont donné lieu

à une riche compilation qui fait justement preuve de la culture des Franco-Ontariens. Celle-ci est le fruit

des cueillettes de nombreux praticiens dont la contribution doit être soulignée soit Marius Barbeau133

,

Édouard-Zothique Massicotte, François-Joseph Brassard,134

Marie-Rose Turcot135

, Joseph-Ménard

Carrière, Lionel Bourassa, Germain Lemieux, 136

Jean-Pierre Pichette et Marcel Bénéteau entre autres.

Jean-Pierre Pichette publiait dans son « Répertoire ethnologique de l’Ontario français » (1992) le tableau

suivant traduisant la compilation jusque là inventoriée et donc, l’évolution des recherches folkloriques et

ethnologiques en Ontario français datant depuis les années 1980.

130

Ibid., p.37. 131

Jean-Pierre PICHETTE, « Nouvelles perspectives de recherche en Ontario-français » dans Anne-Marie

DESDOUITS et Laurier TURGEON (dir.), Ethnologies francophones de l'Amérique et d'ailleurs, Sainte-Foy,

Presses de l’Université Laval, 1997, p.63. 132

Ibid., p.61. 133

Jean-Pierre PICHETTE, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et inventaire

archivistique du folklore franco-ontarien , Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992, p.25. 134

Ibid., p.25. 135

Ibid.,p.33. 136

Ibid.,p.34.

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20

Tableau 1 : Objets de recherche folklorique 137

(voir ANNEXE 1 : Index des collections pour nom des organismes)

Centre

Ch

anso

n

Mu

siqu

e

Co

nte

s/

his

toir

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Lég

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Méd

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po

pu

lair

e

autr

es

Total

par

centre

ACFO (27) (27)

AFUL 192 7 9 13 2 29 150 6 3 411

BMM 237 237

CAF (276) (24) (6) (16) (322)

CCÉCT 712 163 76 4 31 50 2 32 1 71 30 1172

CCFC 7 1 2 1 28 39

CFOF 3335 562 120 13 4030

CRCCF 593 24 6 47 18 688

CRÉFO 58 (58) (58)

DFUS 2188 37 566 508 206 2502 1168 338 78 18 196 28 434 8267

IFO 282 215 4 501

OFFA 14 14

Privés (3) (26) (29)

Total

par

genre

7264 231 1219 646 237 2556 1199 678 261 294 207 99 526 15417

Dans ce Répertoire, Pichette, affirme que plusieurs folkloristes ayant effectué des recherches en Ontario

français, n’ont pas déposé leurs corpus de données dans les archives.138

De plus, il ajoute que les

collectes qui furent déposées dans les archives demeurent inconnues par les ethnologues et aussi par les

Franco-Ontariens139

. Leur « rayonnement est forcément limité140

» déclare-t-il. Les défis à surmonter

dans le domaine ethnologique en Ontario français selon Pichette, découlent d’une perception d’où la

croyance générale populaire aurait comme conviction que le folklore est l’étude d’un passé éteint. Les

objectifs sont alors de faire valoir le fait que le folklore est en fait bien vivant, de diversifier les objets de

recherche de ce domaine, de soutenir les intérêts pour de telles recherches et de continuer à ajouter au

corpus déjà accumulé. 141

L’évolution des recherches démontre alors un consensus quant à ce qui doit être envisagé par rapport à la

culture. Comment la culture traditionnelle en milieu minoritaire peut-elle survivre? La culture

traditionnelle a-t-elle encore une place dans le monde contemporain? Comment favoriser la transmission

de la culture traditionnelle? Par quels mécanismes la culture traditionnelle est-elle transmise? Quelles

sont les institutions qui favorisent la transmission de la culture traditionnelle? Comment encourager les

recherches sur la culture populaire?

137

Ibid., p.39. 138

Ibid., p.1. 139

Ibid., p.2. 140

Loc, cit. 141

Ibid., p.41.

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21

1.3.3 Volet minoritaire

Tout comme les études portant sur le fait identitaire, celles sur le fait minoritaire franco-ontarien sont

aussi récentes. Dans son livre Des gens de résolution, Gaétan Gervais affirme que :

«L’Ontario français a cessé d’être la partie ontarienne du Canada français pour

devenir la partie française de l’Ontario. Cette mutation, engendrée directement par la

disparition de l’identité canadienne-française dans les années soixante, s’exprime,

depuis un quart de siècle, par l’ontarianisation de la minorité franco-ontarienne et par

le changement de son leadership.142

»

Les interprétations contemporaines traduisent le fait minoritaire de la francophonie provinciale ontarienne

comme étant tout à fait particulière. D’ailleurs le fait minoritaire demeure l’une des préoccupations les

plus importantes pour plusieurs Franco-Ontariens.

Les recherches quant aux mesures politiques prises par le gouvernement fédéral et provincial pour aider

la cause des minorités au Canada et en Ontario sont assez nombreuses. On démontre par exemple les

avantages amenés par la loi fédérale des langues officielles de 1969, la Charte canadienne des droits et

libertés de la personne de 1982 (et l’article 23 qui garantit les droits scolaires) et la loi ontarienne des

services en français de 1986.143

De plus, la recherche universitaire portant sur la francophonie en situation minoritaire connait un grand

essor depuis 1982144

. Par exemple, l’Université de Sudbury et l’Université Laurentienne, toutes deux

situées à Sudbury (Nord-Est de la province), se sont jointes à l’Association des universités de la

francophonie canadienne (AUFC) qui a comme mandat de «promouvoir la concertation et la

collaboration entre les chercheurs dont les travaux portent sur les problématiques des communautés

francophones en situation minoritaire […] 145

». Le portail internet de l’AUFC se dit être «un outil de

communication, de diffusion et de documentation pour les chercheurs, les centres, chaires et réseaux de

recherche, les éditeurs et les presses universitaires, les étudiants ainsi que les revues savantes, et ce, au

pays et à l'échelle internationale. »

En consultant le répertoire de Centres, chaires et instituts, il est possible de témoigner de ces recherches

comme par exemple, celles qui se penchent sur la société et sur la culture des Francophones au sens large

(Centre de recherche en civilisation canadienne-française146

), sur les pratiques langagières et éducatives

(Centre de recherches en éducation franco-ontarienne147

), sur le processus d’inclusion et d’exclusion à

l’école et du mandat de celle-ci auprès des jeunes et des familles en milieu francophone minoritaire

142

Gaétan GERVAIS, Des gens de résolution, op. cit., p.202. 143

Ibid., p.203. 144

Portail de la recherche sur la francophonie canadienne,

http://www.francophoniecanadienne.ca/main+fr+00_200+association_universites_francophonie_canadienne.html,

page consultée le 27 décembre 2012. 145

Ibid., page consultée le 27 décembre 2012. 146

Centre de recherche en civilisation canadienne-française, http://www.crccf.uottawa.ca/, page consultée le 27

décembre 2012. 147

Centre de recherches en éducation franco-ontarienne, http://crefo.oise.utoronto.ca/ACCUEIL/, page consultée le

27 décembre.

Page 34: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

22

(Chaire de recherche éducation et francophonies148

) entre autres. Il est aussi possible de témoigner des

efforts déployés par les Francophones pour promouvoir et mettre en valeur la francophonie (Centre des

francophonies des Amériques149

).

Les chercheurs, qu’ils s’adonnent à travailler les statistiques pour comprendre les fluctuations

démographiques des Franco-Ontariens ou bien qu’ils mènent des activités de recherches sur les pratiques

et les processus utilisés, ont en général comme but de diffuser, ou de mettre en valeur leurs ressources

afin de faire connaître la situation actuelle et même d’entrevoir le destin des Franco-Ontariens. Les

grandes questions posées par les chercheurs qui s’intéressent au fait minoritaire des Franco-Ontariens

peuvent être regroupées de façon suivante : Qu’en est-il de l’assimilation des Franco-Ontariens en milieu

minoritaire? Comment s’assurer de l’avenir de la minorité francophone en Ontario si les statistiques

démographiques démontrent un vieillissement et une baisse de la population?

1.3.4 Volet familial

La famille est au cœur de cette recherche. Pour faire état des recherches, il faut premièrement signaler

qu’un nombre important d’ouvrages ont été faits sur cette institution. Même si les auteurs émettent

plusieurs théories à son égard, tous ne divergent pas autant au point de vue de son rôle primordial. Par

exemple, Martine Segalen avoue que la famille « désigne à la fois individus et relations 150

». Dans

l’ensemble, ses recherches se penchent sur les rôles de la famille et des individus qui la composent, sur

les facteurs de l’évolution des rôles, sur la répartition des rôles, sur la transmission du patrimoine, entre

autres.

Les recherches de Pierre Louis Lapointe auprès de sociologues comme Nicole Gagnon151

,

d’anthropologues tels que Marc-Adélard Tremblay152

et d’historiens comme Louise Dechêne153

, offrent

une bonne explication de ce qu’est la famille traditionnelle canadienne-française. En considérant le

caractère social de celle-ci, il établit qu’elle est patrilinéaire et patriarcale, voulant dire que le patrimoine

et le nom de la famille sont transmis de père en fils. D’autre part, Lapointe précise que le réseau de la

parenté et les traditions sont matrilatérales.154

Il élabore un schéma qui identifie les caractéristiques

familiales suivantes qui émanent du Régime français et subsistent jusqu’au XXe siècle : le père de la

famille est le chef officiel de celle-ci, ce qui découle du religieux, du sens moral, entre autres, relève de la

mère, le rôle des conjoints est défini selon la tradition.155

(Il est à noter que je considère les

caractéristiques qui me sont d’intérêt pour ce projet.)

148

Chaire de recherche éducation et francophonies, http://www.education.uottawa.ca/cref/index.html, page

consultée le 27 décembre 2012. 149

Centre des francophonies d’Amérique,

http://www.francophoniedesameriques.com/fr/centre/presentation_du_centre.html, page consultée le 27 décembre

2012. 150

Martine SEGALEN, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1981, p.10. 151

Pierre Louis LAPOINTE, Les Québécois de la bonne entente : un siècle de relations ethniques et religieuses

dans la région de Buckingham, 1850-1950, Sillery, Les Éditions Septentrion, 1998, p.52 152

Ibid., p.52. 153

Ibid., p.53. 154

Ibid., p.52. 155

Ibid., p.53.

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23

Également, Lapointe particularise d’autres aspects de la famille traditionnelle canadienne-française. « La

famille traditionnelle est une entité valorisée en tant que source de bonheur de la personne156

». Il déduit

que les liens familiaux s’expriment par la «simplicité et la générosité »157

ce qui fait de la sociabilité

l’une des valeurs importantes. 158

Parmi d’autres valeurs se trouvent la soumission à l’autorité ainsi que

l’ordre, le sens du devoir et la loyauté.159

Ce seraient de tels traits et valeurs qui font de la famille

traditionnelle canadienne-française une unité unique en son genre.160

Pour tout dire, l’auteur apporte une

conclusion servant à décrire le Canadien-français :

« C’est un être qui a baigné dans un univers familial balisé de sécurité affective, de

chaleur humaine, de solidarité, d’entraide et de conformité à une éthique dont les

normes visent avant tout le maintien du climat d’harmonie, de civilité, d’amabilité et

de grégarité associés à la famille canadienne-française161

».

Philippe Garigue, dans La vie familiale des Canadiens-français, indique lui aussi que la famille fait

l’objet d’analyses depuis plusieurs années et que les informations sur celle-ci remontent aux XVIIe et

XVIIIe siècles grâce aux récits des voyageurs-ethnologues. Selon lui, les monographies ethnographiques

accumulées depuis cette époque forment un riche corpus de données et permettent d’étudier et d’analyser

les mutations des aspects familiaux.162

Dans sa propre analyse, après avoir considéré des études

antérieures, Garigue envisage analyser les rapports de la famille canadienne française. À partir de cette

étape, les rôles des membres, leurs significations et les valeurs familiales y découlant sont analysés.

« L’analyse de la famille ne saurait être complète sans l’examen des « valeurs »

familiales, puisque celles-ci sont des phénomènes intrinsèques au comportement

familial. De plus, à travers les « valeurs », il est possible de rejoindre le problème de

la spécificité historique dans laquelle se situe la vie familiale des individus. [...] Dans

la mesure où une société possède des traditions culturelles, ces dernières reçoivent

leur légitimité du mécanisme même de la socialisation familiale. Non seulement la

famille est l’organisme catalyseur assurant la continuité dans le temps de la tradition,

mais les parents agissent comme les instruments mêmes de l’institutionnalisation des

« valeurs » entre les générations163

».

Marissa Zavalloni et Jane Méjias sont aussi auteures d’œuvres qui montrent une évolution dans les

recherches auprès de la famille. Par exemple, Zavalloni dans son livre l’Émergence d’une culture au

féminin, présente divers articles portant sur l’évolution du rôle de la femme dans la famille, des attitudes

professionnelles, de l’autonomie féminine et aussi de ses fonctions au foyer.164

L’étude, publiée en 1987,

permet d’entrevoir les fameuses mutations des rôles dans la famille. Un autre exemple de recherches est

celle de Méjias qui, dans Sexe et société, établit non seulement ce qu’est le mythe social du rôle de

156

Ibid., p.54 157

Ibid., p.54. 158

Ibid., p.55. 159

Ibid., p.58. 160

Ibid., p.54 161

Ibid., p.57. 162

Philippe GARIGUE, La vie familiale des Canadiens -français, Montréal, Les Presses de l’Université de

Montréal, 1970, p.5. 163

Ibid., p.12-13. 164

Marissa ZAVALLONI, L’Émergence d’une culture au féminin, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1987, 178 p.

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chaque sexe en mettant en relief l’idéal masculin mais reconnaît aussi que ce sont généralement

davantage les femmes qui sont appelées à orchestrer leur vie professionnelle et leur vie familiale.165

Les interprétations contemporaines résident donc dans les liens entretenus entre les membres de la

famille, dans le rôle de la famille en tant qu’organisme qui sert à la continuité et à la transmission des

traditions voire du patrimoine, dans les aspects qui caractérisent la famille traditionnelle canadienne-

française comme par exemple son caractère social, ainsi que dans la nouvelle distribution des rôles dans

le couple dans la société contemporaine. Les recherches contemporaines cherchent à savoir comment et

de quelles façons la famille traditionnelle canadienne-française a muté et comment se fait maintenant la

distribution des rôles de ses membres. « Que deviennent les statuts respectifs des couples?166

». Certains

aspects des rôles puisent-ils dans la tradition? Si oui, lesquels et pourquoi?

1.4 Cadre théorique Le cadre théorique dans lequel je m’inscris s’appuie sur la notion centrale de culture familiale en milieu

franco-ontarien, plus spécialement au regard des mariages mixtes, au regard des coutumes et pratiques et

de leur transmission.

Je retiens alors les mots suivants comme mots clés : culture, valeurs, tradition, transmission, famille,

ménage mixte, pratique et coutume. Bien que j’emprunte les définitions de ces termes de différentes

disciplines connexes à l’ethnologie, l’orientation ethnologique est renforcée par l’approche

méthodologique, soit le travail de terrain.

1.4.1 La culture et les valeurs

Bien que soit déjà présentée une définition de ce qu’est la culture en général, il est de mise d’en préciser

le sens ethnologique. Jean Du Berger, dans la Grille des pratiques culturelles, offre la définition

suivante : « Une culture est un ensemble de pratiques dynamiques et de leurs représentations. Pour rendre

compte des genres de vie contemporains et des modèles qui leur donnent forme, il faut observer les

pratiques culturelles et les acteurs sociaux ; quant aux pratiques passées, le recours aux récits de vie et

aux récits de pratiques permettra de les reconstituer167

».

Un retour sur Paquet (voir 1.3.2 volet historique et idéologique) qui a fait plusieurs recherches en

sciences sociales, me permet de comprendre ce qu’on entend par « culture » dans un sens plus global:

« La culture se définit comme « un ensemble d’habitus – des formes typiques de

comportement social transmissibles par apprentissage ou imitation – qui médiatisent

les relations (entre acteurs et entre acteurs et environnement) et aident à coordonner

leurs actions. Le Canada français peut donc être défini comme un ensemble de

pratiques empiriques (privés, publics et civils) – sorte de « procès institué » […] –

c'est-à-dire comme la cristallisation de ses habitus en manières de voir, manières

d’être, règles, normes, croyances, coutumes, patterns de réaction, etc., plus ou mois

caractérisés168

».

165

Jane MÉJIAS, Sexe et société, France, Éditions Bréal, 2005, p. 128. 166

Martine SEGALEN, op. cit, p.255. 167

Jean DU BERGER, Grille des pratiques culturelles, Septentrion, Québec, 1997, p.23. 168

Gilles PAQUET, op. cit., p.2.

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Je suis alors en mesure d’observer les points de convergence de ces deux définitions. D’une part on parle

en ethnologie, d’un ensemble de pratiques dynamiques et de leurs représentations. D’une autre part, en

sciences sociales, on parle d’un ensemble d’habitus comprenant les comportements transmissibles. Pour

comprendre et connaître cette culture, l’ethnologie nous indique d’observer les pratiques culturelles

tandis que les autres disciplines fournissent des points de repères tels que les règles, croyances, les

coutumes, entre autres. L’ethnologie se penchera sur le fait de connaître la culture en observant

directement ou indirectement, les actions, les comportements, les coutumes, les savoir-faire, les pratiques

culturelles. Les autres disciplines s’engageront dans la même perspective en situant l’acteur dans

différentes sphères soit le privé, le public et le civil. Il faut pourtant noter que l’ethnologie signale que

pour étudier le passé culturel il y a lieu d’avoir recours aux récits de vie par exemple ou aux récits de

pratiques. La définition de Paquet semble pourtant s’adresser au contexte contemporain seulement.

Quant aux valeurs, le dictionnaire culturel en langue française indique:

« I.1 Ce en quoi une personne est digne d’estime (au regard des qualités dans le

domaine moral, intellectuel, professionnel) - mérite.

II. 1 Caractère mesurable (d’un objet) en tant que susceptible d’être échangé,

d’être désiré. – prix.

III.3 Qualité de ce qui produit l’effet souhaité. – efficacité, utilité.

III.4 Caractère de ce qui satisfait à une fin déterminée – intérêt, sens.

III. 5 Philos. A. La valeur. Caractère de ce qui est estimé subjectivement et posé

comme estimable objectivement. B. Ce qui est vrai, bien, selon un jugement

personnel, plus ou moins en accord avec celui de la société de l’époque ; ce

jugement (- jugement de valeur, ci-dessus)169

»

Pour mon travail, ce sont les précisions philosophiques (III. 5) de cette définition qui retiennent

mon attention. Les définitions suivantes précisent le contexte de mon étude.

De plus, le Dictionnaire culturel en langue française offre une définition de l’échelle des valeurs :

« Valeurs classées relativement les unes aux autres, de la plus haute à la plus faible,

dans la conscience d’un individu, et qui sert de référence dans ses jugements, sa

conduite. 170

»

Selon Line Ross et Hélène Tardif, une valeur est « une manière d’être ou d’agir qu’une personne ou une

collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites

auxquels elle est attribuée171

»

169

Le dictionnaire culturel en langue française, sous la direction d'Alain Rey, Paris, Le Robert, 2005, p.1724-1725. 170

Ibid., p.1725. 171

Line ROSS, et Hélène TARDIF, Le téléromans québécois, 1960-1971 : une analyse de contenu, Laboratoire de

recherches sociologiques- Université Laval, 1975, p.6.

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26

1.4.2 La tradition et la transmission

La tradition existe par le fait de transmettre. Elle est « un héritage du passé dont le présent a le recours et

non pas une simple survivance172

».173

Les qualités du passé ou du « savoir ancien […] sont toujours

valables parce qu’elles ont été mises à l’épreuve par les générations précédentes174

».

En traitant des traditions Jocelyne Mathieu indique que :

« la tradition se définit par une dynamique intrinsèque, c’est-à-dire par un processus

de transmission du savoir, du savoir-faire, et du savoir-être, par la parole et par le

geste au sein d’une collectivité d’appartenance ; elle se construit donc de faits

collectifs plutôt que d’habitudes individuelles particulières. La tradition implique un

cheminement, une évolution au sens d’une adaptation aux nécessités de la vie dans des

contextes de changements. Répétitions, imitations et conformisme s’avèrent son lot,

sous peine de condamner à l’exclusion de leur groupe et à la marginalité les individus

trop différents. Ne se limitant pas aux aspects locaux mais comportant aussi des

aspects universels, les traditions se modifient au fil du temps et se déplacent dans

l’espace, donnant lieu à des transferts culturels qui en nourrissent la dynamique.175

»

Mark Phillips dans Questions of Tradition affirme que le terme tradition en lui-même est tellement large

que l’on a été obligé de s’apprêter à spécialiser son vocabulaire et ses orientations. On parle alors de

« discourse, canonicity, memory, diaspora, hybridity, history of concepts176

». Ce sont en fait ces mots de

vocabulaire qui fournissent des pistes de recherche sur ce que sont les traditions. 177

De plus, Xavier

Costa dans son article Sociability and the Transmission of Festive Traditions, admet que :

« the understanding of tradition can no longer be based on the prejudice that it is a sort

of residual category, merely representing continuous and unthinking repetition in

contradistinction to modernity characterised by reasoning, reflexivity and originality.

Tradition [...] is always interwoven with the present, integrating many features of it

into its own developing framework, some of them being typically modern. Moreover,

the properties and forms of transmission are more flexible and malleable than they

have been thought to be. Tradition also has its own form of reflexivity which is not

characterised by the criteria of modern rationality, science and technology. However,

the reflexivity of tradition may incorporate many aspects of modern and contemporary

reflexivity as a secondary feature which helps to update the tradition itself178

172

Sylvie MESURE et Patrick SAVIDAN, (dir.) Le dictionnaire des sciences humaines, Les Presses universitaires

de France, 2006, p.1172. 173

Ibid., p.1172. 174

Mariana NET, « La chanson : un moyen privilégié de maintenir la tradition », dans Muguras

CONSTANTINESCU, Ion Horia BIRLEANU et Alain MONTANDON, Poétique de la tradition, France, Les

Presses de l’Université Blaise Pascal, 2006, p.151. 175

Jocelyne MATHIEU, «les recherches ethnologiques au Québec : à propos du concept de tradition », dans Anne-

Marie DESDOUITS et Laurier TURGEON (dir.), Ethnologie francophone d’Amérique et d’ailleurs, Sainte-Foy,

Presses de l’Université Laval, 1997, p.38. 176

Mark PHILLIPS et Gordon J. SCHOCHET, Questions of Tradition, University of Toronto Press Incorporated,

2004, p.4. 177

Ibid., p.4 178

Xavier COSTA « Sociability and the Transmission of Festive Traditions » dans Torsten LARBIG et Sigfried

VIEDENHOFER (dir.), Tradition and Tradition Theories : An International Discussion, LIT Verlag, 2006, p.29.

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Parce que les traditions occupent une place centrale dans ce projet, il est important non seulement de

connaître la définition de ce qu’est une tradition d’après les chercheurs mais aussi de connaître de quelles

façons les informateurs la conçoivent. L’élaboration d’un questionnaire prenant les traditions comme

point d’ancrage a favorisé la collecte de témoignages enrichis d’exemples par les informateurs

interrogés; l’analyse de ces exemples a permis de cerner le sens donné à tradition dans la communauté

étudiée.179

On a déjà vu que la tradition est l’acte de transmettre. 180

Anne Muxel, dans son ouvrage Individu et

mémoire familiale indique que l’une des fonctions de la mémoire est le désir de transmettre. Ceci étant

dit, la mémoire et la transmission seraient intimement liées. Selon Muxel, la transmission se fait comme

suit : D’une part, la mémoire remémore des traditions et des souvenirs se rattachant aux générations

familiales. Muxel reprend selon Halbwachs que la mémoire est un « courant de pensée continu […]

puisqu’elle ne retient du passé que ce qui est encore vivant ou capable de vivre dans la conscience du

groupe qui l’entretient181

». De plus, cette mémoire familiale se donne comme mission la socialisation.

C’est grâce à elle que l’identité peut se construire parce qu’elle fournit perpétuellement des modèles et

des exemples. Aussi, elle rappelle la mémoire collective.182

1.4.3 La famille et les ménages mixtes

Selon Ressources humaines et développement des compétences Canada, la structure familiale des

Canadiens se diversifie. La famille dite traditionnelle se compose de deux parents et leurs enfants. De

plus, sa composition change, en étant moins nombreuse et le nombre d’enfants à la maison diminuant.

Ressources humaines et développement des compétences Canada soulève aussi que le pourcentage de

femmes sur le marché du travail a augmenté, ce qui a une grande influence sur la vie familiale. 183

Je rappelle aussi les études de Philippe Garigue portant sur la vie familiale des Canadiens-français. (voir

volet familial : 1.3.4). Garigue indique que les Canadiens-français « utilisent le mot « famille » pour

désigner l’ensemble des rapports entre les personnes normalement désignées par des noms particuliers :

père, mère, frère, sœur, fils, fille, tante, oncle, cousin, grand-mère, grand-père, etc.184

» Il parlera aussi de

différences sémantiques du mot « famille » et de l’équilibre qui lui est accordée par la définition des

rôles de ses membres ». Selon ses recherches, la distribution des rôles et des responsabilités est l’une des

caractéristiques principales de la vie familiale des Canadiens-français. Son étude, faite en 1970, montre

que les hommes et les femmes répondent à ses questions unanimement en matière de distribution des

rôles et des responsabilités selon les sexes dans la famille.185

179

Le questionnaire d’enquête figure à l’annexe 2. Dans le contexte de tradition, je demande premièrement à mes

informateurs de m’indiquer quelle sorte de mariage ils ont fait. Pour ensuite connaître ce qu’ils entendent par

tradition, je leur demande un peu plus loin dans l’entrevue s’ils diraient que leur mariage était traditionnel en me

fournissant des exemples. À partir de leurs réponses aux deux questions, je suis en mesure de voir ce qu’ils

considèrent comme étant traditionnel. Ceci pourra grandement m’aider lors de l’analyse. 180

Sylvie MESURE et Patrick SAVIDAN, op. cit. p.1172. 181

Anne MUXEL, Individu et mémoire familiale, Paris, Nathan, 2002, p.14-15. 182

Ibid., p.15. 183

Ressources humaines et développement des compétences Canada, Canadiens en Contexte ménage et famille,

http://www4.rhdcc.gc.ca/[email protected]?iid=37, page consultée le 27 octobre 2010. 184

Philippe GARIGUE, op. cit., p.29. 185

Ibid, p.33.

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28

Les études de Marc Montoussé et Gilles Renouard expliquent que la famille a comme fonction la

transmission des valeurs ainsi que la socialisation. Selon leurs recherches (dans Annick Percheron, « La

transmission des valeurs » dans La famille, l’état des savoirs 1992), ils soulèvent que la famille transmet

les valeurs liées à la profession et au travail, aux comportements domestiques, à la transmission des

croyances religieuses, entre autres. 186

Dans ce travail de recherche, il faut rendre compte de la réalité des ménages mixtes, francophone-

anglophone, comme constituante de la culture franco-ontarienne. Sachant qu’il existe une culture franco-

ontarienne, il est possible de conclure que le Franco-Ontarien qui entre en ménage avec un autre individu

qui ne l’est pas, est considéré comme étant en couple mixte en raison du mélange de culture, voire

d’ethnicité. Dans le cas de cette recherche, je me penche sur les ménages mixtes francophones-

anglophones.

D’après les études de Diane Farmer, l’exogamie affecte la transmission de l’identité linguistique et

culturelle. Ses études statistiques (de 1991) auprès des Franco-Ontariens indiquent que 45.7% des

mariages franco-ontariens sont endogames. Dans les mariages mixtes, plus de femmes francophones

(28.6%) se marient à des hommes anglophones que d’hommes francophones (25.7%) se marient à des

femmes francophones. 187

Ceci indique alors que davantage de femmes que d’hommes sortent de leur

noyau culturel et linguistique.

1.4.4 Les pratiques et les coutumes

Selon Jean Du Berger en observant les pratiques culturelles, on peut découvrir les « genres de vie188

». La

culture peut être examinée à partir des actions, des comportements et des conduites des individus dans

des performances qui font partie des pratiques culturelles. Chaque pratique culturelle (ou action,

comportement et conduite) trouve sa place dans la Grille des pratiques culturelles sous au moins l’un des

trois champs suivants soit le champ coutumier, le champ pragmatique et le champ symbolique. 189

Il faut aussi retenir la définition d’Arnold Van Gennep qui décrit les coutumes comme suit : « Les

coutumes sont des manières de vivre conformément à des règles non-écrites ou écrites, admises par le

consentement général, de bas en haut, spontanément et sans coercition étatiste ou gouvernementale 190

».

Jean-Claude Dupont et Jacques Mathieu ajouteront à cette définition que les coutumes « s’inscrivent

aussi dans un rythme hebdomadaire ponctué pour les chrétiens par le repos dominical ainsi que dans un

immuable cycle saisonnier. Elles donnent naissance à une multitude de croyances prenant appui sur

l’histoire, […] sur l’environnement, […] ou s’inspirant directement des souches françaises de la

tradition191

». Ils précisent aussi que les coutumes sont transmises de génération en génération et dictent

186

Marc MONTOUSSÉ et Gilles RENOUARD, 100 fiches pour comprendre la sociologie, Paris, Éditions Bréal,

2006, p.179. 187

Diane Farmer, op. cit, p.57. 188

Jean DU BERGER, op. cit.,p.23. 189

Ibid., p,23. 190

Jean-Claude DUPONT et Jacques MATHIEU, (dir.) Héritage de la francophonie canadienne, Les presses de

l’Université Laval, 1986, p.13. 191

Ibid., p.13.

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29

les comportements des individus. Elles définissent la façon dont fonctionnent les collectivités et

s’accrochent dans la mémoire collective. 192

1.4.5 Un modèle d’analyse

Pour exposer le modèle d’analyse utilisé dans ce projet, il est de mise de présenter les outils qui me

permettent d’analyser les concepts du phénomène étudié. Notamment, la Grille de Jean Du Berger m’est

indispensable. De cette Grille, j’emprunte non seulement le système de classification mais aussi la

logique et la connaissance scientifique privilégiées par son auteur. Entre autres, cette Grille influence la

façon d’orienter ma collecte de données ainsi que la façon de procéder à la description et à l’analyse

ethnographique de mon travail.

La Grille des pratiques culturelles expose trois champs soit le champ pragmatique, le champ symbolique

– expressif et le champ coutumier. Le premier regroupe les pratiques coutumières reliées au temps, les

pratiques coutumières des groupes, les pratiques coutumières régulatrices, économiques, politiques ainsi

que les modes de présentation des appartenances. Le champ pragmatique regroupe les pratiques de corps,

les pratiques alimentaires, vestimentaires et techniques. Le champ symbolique et expressif comprend les

pratiques ludiques, esthétiques, langagières, ethno-scientifiques et éthiques. 193

Pour ce travail, je retiens

davantage le champ coutumier. J’y reviendrai un peu plus loin. (voir 1.6.2 méthode d’enquête)

D’une autre part, La vie familiale des Canadiens-français de Philippe Garigue me sert aussi d’outil.

L’ouvrage est le résultat d’enquêtes scientifiques de type sociologique. On y retrouve des données sur le

rôle des membres de la famille, la structure du groupe familial, ainsi que sur les valeurs familiales.194

L’ouvrage en question me permet d’avoir une bonne conception de ce qu’était la sphère familiale

canadienne-française dans les années 1960-1970 bien que les renseignements se limitent au Québec. Il

me permet aussi de comprendre comment le passé historique de cette nation a eu un impact sur la

structure et le fonctionnement de celle-ci et de témoigner des facteurs de changements ou de continuité

des valeurs. 195

1.5 Problématique Bien que toute la recherche déjà établie conditionne l'objet et le sujet de mon étude tout en révélant

plusieurs problématiques, je ressors les pistes principales qui émergent de celles-ci. Les situations

problématiques sont les suivantes :

Pour le volet identitaire, considérant qu’il y existe plusieurs Ontario-français196

, on cherche à savoir

comment définir l’identité et l’homogénéité franco-ontarienne de façon globale.

Pour le volet minoritaire, on cherche à savoir comment assurer l’avenir de la francophonie en Ontario

alors que la population francophone vieillit et que les statistiques démographiques sont en baisse.

192

Ibid., p.13. 193

Jean DU BERGER, op. cit., 406p. 194

Philippe GARIGUE, op. cit., 142p. 195

Ibid., p.142. 196

Stefan Psenak, op. cit., page consultée le 11 avril 2011.

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30

Pour le volet historique et idéologique, on cherche à savoir si la culture traditionnelle a encore une place

dans le monde contemporain, et comment celle-ci peut survivre en milieu minoritaire. On se questionne

aussi sur les mécanismes de transmission de la culture ainsi que sur les institutions qui favorisent la

transmission de celle-ci.

Pour le volet familial, on cherche à savoir comment la famille traditionnelle canadienne-française a

changé.

Cela étant, la problématique de mon mémoire s’est imposée et va de pair avec une affirmation

particulière qui a retenu mon attention au cours de mes lectures. Il s’agit de celle de Fernan Carrière qui

souligne que les Franco-Ontariens tentent depuis la Révolution tranquille, de « concilier avec leurs

valeurs traditionnelles 197

». Ma problématique reprend en quelque sorte ce qu’il affirme mais puisqu’il ne

donne aucune définition ni explication de ce qu’il entend par « valeurs traditionnelles », j’entreprends la

tâche de les repérer à travers les pratiques culturelles familiales. Plus précisément, je cherche à savoir par

quelles pratiques culturelles propres à sa région le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de

1960, de concilier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans un ménage mixte francophone-

anglophone. Par « concilier », il faut entendre la façon de trouver un rapprochement. Il s’agirait de

connaître la ou les façon(s) qui permettent au Franco-Ontarien de se rapprocher des valeurs

traditionnelles canadiennes-françaises.

Plusieurs questions animent ma réflexion quant à cette problématique. Le passé définit-il les pratiques

culturelles contemporaines? Quelles formes prennent les pratiques culturelles contemporaines en Ontario

français? Quels sont les facteurs qui seraient responsables du maintien de la culture et des comportements

sociaux? Qu’est-ce que le Franco-Ontarien dans sa relation conjugale mixte doit concéder? Qu’est-ce qui

en émane? Comment ces valeurs sont-elles transmises de génération en génération?

Pour mener à bien ma recherche, et afin de repérer la dynamique culturelle des Francophones du Nord-

Est de l’Ontario, il est important d’orienter celle-ci dans un cadre opératoire en considérant certains

éléments essentiels qui servent à conduire l'idée directrice derrière la question centrale qui s'impose, soit

la problématique. C’est ainsi que j’énonce les hypothèses, les unités d’analyse, les variables et leurs

indicateurs.

De la problématique et des questions qui animent ma réflexion, je dégage les hypothèses provisoires

suivantes : Le Nord-Est de l’Ontario français jouit d’une homogénéité culturelle où les valeurs

traditionnelles sont bien ancrées. L’épanouissement de la culture du Franco-Ontarien dans cette région

lui permet toujours de développer son sentiment d’appartenance et son identité. Le Franco-Ontarien du

Nord-Est de l’Ontario se verrait confronté à des réalités qui le poussent à régler son quotidien mais en

préservant ses pratiques culturelles.

Je considère principalement trois variables qui ont un poids considérable sur les pratiques culturelles.

L’une d’elles repose sur le découpage territorial qui donne lieu à plusieurs Ontario français198

car chaque

région de l’Ontario peut présenter différentes caractéristiques ou différents aspects. Une autre variable

197

Fernan CARRIÈRE, op. cit., p 313. 198

Stefan Psenak, op. cit., page consultée le 11 avril 2011.

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31

réside dans l’espace dans lequel le Franco-Ontarien vit son quotidien. Anne Gilbert considère que « le

territoire franco-ontarien est de plus en plus ouvert aux espaces de la majorité 199

». Plusieurs Franco-

Ontariens feraient la navette entre espace francophone et espace anglophone changeant de caractère

culturel par exemple dans leur espace de travail, dans leur espace du loisir, dans leur espace familial. 200

Il reste alors à savoir ce qui en est de la culture canadienne-française en Ontario vu que les Francophones

sont dispersés et immergés dans la majorité anglophone. Une troisième variable est le rapport au

processus de socialisation et son rapport avec les valeurs. Pour ce faire, je fais appel aux recherches de

Ronald Inglehart et Christian Welzel qui affirment que l’ensemble des caractères des individus201

tend à

se cristalliser au moment où ils atteignent l’âge adulte et que peu de changements se produiront une fois

cet âge atteint. Cette notion remonterait jusqu’à Platon, et Freud lui-même l’aurait constaté, suivi des

recherches plus contemporaines. «Early socialization tends to carry greater weight than later

socialization. A large body of evidence indicates that people’s basic values are largely fixed by the time

they reach adulthood and change relatively little thereafter202

» constateront Inglehart et Welzel.

Pourtant, leurs recherches montrent que les valeurs ne sont pas nécessairement toutes absorbées lors des

années de formation (jeunesse et adolescence). Ce seraient les valeurs rattachées aux expériences de

première main vécues lors de la jeunesse et de l’adolescence auxquelles les individus auraient tendance à

adhérer. Les valeurs non-consistantes aux expériences de premières mains seraient rejetées. 203

Il convient aussi d’examiner la contribution de mon travail. Ma volonté de mener des enquêtes auprès

des Franco-Ontariens s’exprime à travers celle des nombreux Francophones de la province qui désirent

connaître et reconnaître leur spécificité culturelle. De plus, je réponds à l’appel de Jean-Pierre Pichette

qui incite tout chercheur à collaborer dans la réalisation d’un projet commun visant à « produire une

somme de connaissances dans le domaine de la culture traditionnelle […] des Franco-Ontariens […]204

».

J’estime que la portée de mon travail permettra de renouveler l’apport de connaissances du passé,

d’offrir des renseignements quant à l’espace que prend le Franco-Ontarien dans ses activités quotidiennes

et de constater sa vitalité en fournissant des données sur les pratiques coutumières, sur les valeurs

traditionnelles ainsi que sur la vie culturelle familiale en mariage mixte.

1.6 Méthodologie

Afin de connaître les valeurs traditionnelles canadiennes-française dans un ménage mixte francophone-

anglophone au point de vue ethnologique, il faut aller explorer le quotidien familial. Cette situation

particulière me porte à réfléchir sur la méthodologie à emprunter pour cette exploration.

199

Anne GILBERT, op. cit., p.163. 200

Ibid., p.163. 201

On entend par caractère l’essence originale d’une personne, ses comportements, ses tendances… 202

Ronald INGLEHART et Christian WELZEL, Modernization, Cultural Change, and Democracy : The Human

Development Sequence, New York, Cambridge University Press, 2005, p.98-99. 203

Ibid., p.98-99. 204

Jean-Pierre Pichette, « L’ethnologie, Bilan et perspectives de recherches en Ontario français » dans Jacques

COTNAM, Yves FRENETTE et Angès WHITFIELD, (dir.) La Francophonie ontarienne, Ottawa, Nordir, 1995,

p.265.

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32

1.6.1 Considérations théoriques

Depuis quelques décennies, la méthode qualitative a gagné en importance dans le domaine des sciences

sociales.205

L’une des caractéristiques principales de la recherche qualitative est entre autres le contact

avec le terrain. Dans les années 1920, l’école de Chicago avait établi des théories et des systèmes qui

pouvaient favoriser le contact avec les individus. 206

Jean Poupart, Lionel-Henri Groulx, Jean-Pierre Deslauriers, Anne Laperrière, Robert Mayer et Alvaro P.

Pires sont d’accord pour dire que la recherche qualitative se caractérise :

« par une souplesse d’ajustement pendant son déroulement, par sa capacité de

s’occuper d’objets complexes, comme les institutions sociales, […], les objets cachés,

difficiles à saisir ou perdus dans le passé, […] par sa capacité d’englober, de décrire

en profondeur plusieurs aspects importants de la vie sociale relevant de la culture et de

l’expérience vécue étant donné, justement, sa capacité de permettre au chercheur de

rendre compte […] du point de vue de l’intérieur, enfin, par son ouverture au monde

empirique, qui s’exprime souvent par une valorisation de l’exploration inductive de

terrain d’observation.207

»

De plus, d’autres chercheurs tel qu’Alex Mucchielli expliquent que la méthode qualitative « recherche,

explicite et analyse les phénomènes208

», qu’ils soient visibles ou non comme le sont les représentations,

les croyances…209

Mucchielli ajoute cependant que, les phénomènes dits cachés, « par essence, ne sont

pas mesurables, ils ont les caractéristiques des faits humains 210

». L’étude de tels phénomènes doit alors

être réalisée avec des techniques relatives à la cueillette de données et à leur analyse.

1.6.1.1 Technique de cueillette : l’entrevue et la capacité d’empathie211

Comme sujet de recherche privilégié par la recherche qualitative, il y a l’étude du quotidien.212

En

privilégiant l’enquête sur le terrain auprès d’informateurs, je dois manier l’instrument de recueil de

données tel que l’indique Alex Mucchielli. La technique considérée pour la cueillette est l’entrevue.

Cette technique doit, selon lui, être « un prolongement » du chercheur parce que celui-ci est « partie

prenante de l’instrument213

». Ainsi, cette technique requiert un professionnalisme214

ainsi qu’un

205

Jean POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et

méthodologiques, Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p.XXXIX. 206

Jean-Pierre DESLAURIERS et Michèle KÉRISIT, « Le devis de la recherche qualitative » dans Jean

POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et méthodologiques,

Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p. 106. 207

Alvaro P. PIRES, « De quelques enjeux épistémologiques d’une méthodologie générale pour les sciences

sociales » dans Jean POUPART, Lionel-Henri GROULX et Al., La recherche qualitative : enjeux épistémologiques

et méthodologiques, Montréal, Chenelière Éducation, Gaétan Morin éditeur, 1997, p.52. 208

Alex MUCCHIELLI, Les méthodes qualitatives, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p.3 209

Ibid., p.3. 210

Ibid., p.3. 211

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 212

Jean-Pierre DESLAURIERS et Michèle KÉRISIT, op. cit., p.88. 213

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.21. 214

Ibid., p.21.

Page 45: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

33

recours aux facultés intellectuelles. Poupart indique que les entretiens sont l’un des meilleurs moyens

qu’un chercheur peut utiliser afin de « saisir le sens que les acteurs donnent à leur conduite 215

».

Par ailleurs, la capacité d’empathie est en fait selon Mucchielli une qualité que doit posséder le

chercheur.216

Il indique que « l’empathie est la sympathie intellectuelle par laquelle nous sommes

capables de comprendre le vécu de quelqu’un d’autre sans pour autant l’éprouver de façon réelle dans

notre propre affectivité217

». D’autre part, Max Scheler, en 1913, a aussi montré que le sentiment

instinctif affectif est basé sur la capacité de l’humain à comprendre. 218

Dans la même chaîne d’idées,

dans les années 1950, Carl Rogers décrit ce qu’est l’empathie en affirmant que :

« la capacité de s’immerger dans le monde subjectif d’autrui, de participer à son

expérience dans toute la mesure où la communication verbale et non verbale le

permet…., de capter la signification personnelle des paroles de l’autre bien plus que

de répondre à leur contenu intellectuel … il s’agit […] d’une sensibilité sociale…,

d’une réceptivité aux réactions d’autrui[…] tout en demeurant émotionnellement

indépendant.219

» Ceci dit, lors d’un travail de recherche où a lieu un entretien par

exemple, il faut être en mesure d’être capable d’analyser immédiatement le sentiment

qu’éprouve l’informateur.220

1.6.1.2 Techniques d’analyse : théorie du schéma culturel221 et de l’habitus

Les considérations doivent aussi se pencher sur les techniques d’analyse propres à la recherche

qualitative. L’une de ces techniques a comme fondement la théorie du « schéma culturel222

» qui

s’explique comme suit. Lors d’analyses qualitatives, le chercheur a souvent comme objectif de trouver

des « formes sous-jacentes » aux faits sociaux ou bien aux comportements des individus. De telles

analyses impliquent fondamentalement que l’on saisisse les répétitions et les constantes qui se

manifestent « par-dessous le foisonnement des contenus223

». Pour expliquer cette façon de faire,

j’évoque la théorie de la notion du schéma culturel élaboré par R. Benedict en 1934 que Mucchielli

reprend.224

« Les expressions culturelles d’une société (les coutumes, les institutions….) peuvent

être considérées comme des mises en forme d’orientations culturelles. Les expressions

culturelles se modèlent sur des sortes de patrons. […] Chaque orientation générale

(qui s’explique par un genre de visée générale culturelle) sélectionne […] des

éléments qui deviendront les objets de la culture. Une orientation générale peut se

formuler à l’aide de valeurs. C’est cet ensemble de valeurs qui donne le pattern

culturel de la culture.225

»

215

Jean POURART, op. cit. p.175. 216

Mucchielli catégorise la capacité d’empathie avec les techniques de cueillette. )Alex MUCCHIELLI, op.

cit., p. 36). 217

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36 218

Ibid., p.36. 219

Ibid., p. 37. 220

Ibid., p.47. Reprenant la citation de C. ROGERS et G.M. KINGET, psychothérapie et relations humaines, 1963,

3E édition 1966, Ed. Université de Louvain, 1, p.105-108.

221 Ibid., p.50.

222 Ibid., p.50.

223 Ibid., p. 49.

224 Ibid., p.49-50

225 Ibid., p. 50.

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34

Comme l’expliquent Benedict et Mucchielli, le patron est ainsi sous-jacent aux activités culturelles.226

Puisqu’il s’agit de dégager les valeurs à partir des pratiques culturelles, je dois aussi considérer les

techniques basées sur les théories de « l’habitus et des ethnométhodes227

» prônée par A. Cicourel228

par

exemple. Il a tantôt été question d’habitus. (voir l’habitus : 1.4.1 La culture et les valeurs) L’habitus a

aussi des patrons qui sont sous-jacents aux activités culturelles. Les patrons sont pourtant décrits ici

comme étant des phénomènes découlant du cognitif et permettent de rendre compte des phénomènes

sociaux. De plus, l’habitus découle des pratiques collectives ou individuelles et des expériences

antérieures. Ainsi, les chercheurs expliquent que l’habitus engendre les valeurs et les actions.229

L’habitus comme phénomène de comportement est alors important pour ce travail.

1.6.2 Méthode d’enquête

Ayant établi l’objet et le sujet de recherche (les valeurs traditionnelles des Canadiens-Français dans les

pratiques culturelles des Franco-Ontariens dans un ménage mixte francophone-anglophone), il convient

d’exposer comment les méthodes qualitatives qui viennent d’être expliquées sont appliquées.

Pour faire suite aux considérations théoriques, afin de découvrir la spécificité franco-ontarienne, la

méthode d’enquête privilégiée pour ce travail est l’enquête sur le terrain par l’intermédiaire d’entrevues.

En fait, les entretiens permettent de « saisir le sens que les acteurs donnent à leur conduite230

». 231

Je considère que mon enquête qui se conduit auprès de deux familles constitue un bassin d’informateurs

significatif pour cette recherche. Pour repérer le facteur intergénérationnel en lien avec les conjonctures

temporelles dont il était question plus haut (voir 1.2 : contexte temporel – conjoncture historique,

politique, sociale et culturelle), chacune des familles doit être composée de trois couples

intergénérationnels. Ce découpage permet de mettre en lumière la façon dont les informateurs participent

chacun à leur manière, à l’édification de leur culture dans leur contexte familial respectif ainsi que de

saisir, de génération en génération, les répétitions et les constantes que stipule la théorie du schéma

culturel232

. Cela permet alors d’entrevoir ce qui en est des pratiques culturelles familiales et des valeurs

traditionnelles.

Il importe aussi de préciser les critères de sélection qui permettent de sélectionner et de recruter les

informateurs. Parce que ma recherche vise à explorer par quelles pratiques culturelles propres à sa région

le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans

un ménage mixte francophone-anglophone, j’établis six critères qui doivent impérativement entrer en

226

Ibid., p.49-50 227

Ibid., p.56. 228

Ibid., p.56. 229

Ibid., p. 57. 230

Jean POUPART, « L’entretien de type qualitatif : considérations épistémologiques théoriques et

méthodologiques » op. cit. p.175 231

Il est question d’entretiens un peu plus loin dans ce contexte méthodologique et de leur légitimité relativement

aux sources primaires d’information. 232

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.49

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35

ligne de compte lors du recrutement. Les critères sont les suivants : critère culturel-linguistique, critère

spatial, critère familial et matrimonial, critère intergénérationnel et critère temporel.

Les informateurs doivent présenter les caractéristiques de la population canadienne-française et franco-

ontarienne du Nord-Est de l’Ontario énoncées précédemment à l’exception des Anglophones dans un

mariage mixte. Tous les informateurs, dans la mesure du possible, doivent être nés dans cette région

géographique et y avoir résidé pour la grande majorité de leur vie. Afin de pouvoir explorer la « vie

quotidienne familiale », les informateurs doivent également appartenir à une famille nucléaire. Ma

recherche s’attarde alors à étudier la famille composée d’un père, d’une mère ayant eu des enfants. Mon

étude veut aussi cibler l’intergénérationnel. Les informateurs doivent tous provenir de la même lignée

familiale et ce, sur au moins trois générations.

Quant au critère matrimonial, il se joint au critère temporel et intergénérationnel en ce qu’il cible les

informateurs par rapport à leur entrée en mariage. Pour respecter les exigences de ma problématique, je

recrute des couples de personnes mariées dans les années 1950 (groupe A), des couples de personnes

mariées dans les années 1970 (groupe B) dont l’un des individus est l’enfant du couple du groupe A, et

des couples de personnes mariées dans les années 1990-2000 (groupe C) dont l’un des individus est

l’enfant du couple du groupe B et le petit enfant du couple du groupe A. Le diagramme sert à rendre

compte visuellement des critères de sélection.233

Afin d’étudier la conciliation234

des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques

familiales franco-ontariennes dans un couple mixte, il faut nécessairement que j’établisse quels sont les

individus qui sont considérés Canadiens-français parmi ceux qui sont considérés Franco-Ontariens.

233

Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007. 234

Par conciliation j’entends l’accord de la pratique des coutumes familiales de l’un ou de l’autre des individus dans

un couple.

Groupe A

couple francophone marié pendant les années 1950

Groupe B

couple francophone marié pendant les années 1970 dont l'un des membres est l'enfant du couple du groupe A

Groupe C

couple mixte (francophone-anglophone) marié pendant les années 1990-2000 dont l'un des membres est l'enfant du

couple du groupe B et le petit enfant du couple du groupe A

Famille intergénérationnelle

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36

Ainsi, je me réfère à mes analyses contextuelles historiques qui présentent les identités dont il est

question. Le diagramme suivant illustre ces identités. 235

Je précise alors que les individus des couples du groupe A doivent être des époux francophones et

catholiques et doivent avoir habité au Canada français, préférablement dans le Nord-Est de l’Ontario pour

la grande majorité de leur vie. Parce que cette génération constitue forcément le fondement de ma

recherche, les informations qu’elle me fournit me permettent d’établir les caractéristiques culturelles de

référence selon le champ coutumier de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. En d’autres

mots, les données découlant des entrevues auprès de ces personnes engendrent nécessairement des

retombées importantes et indispensables à mon analyse. Notamment, elles entrent en ligne de compte

avec les théories du schéma culturel et de l’habitus236

en ce qu’elles permettront dans l’analyse de saisir

s’il y a répétition et les constantes237

dans les pratiques ainsi que reconnaître les phénomènes cognitifs et

sociaux desquels découlent les pratiques et les expériences antérieures engendrant valeurs et actions.238

Pour cette génération, (groupe A) je favorise l’entretien collectif auprès des deux personnes du couple

ensemble parce qu’il y a selon moi, un plus grand échange d’information que si chaque entrevue était

faite de façon individuelle.

235

Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007 236

La théorie du schéma culturel veut faire l’étude des formes sous-jacentes des pratiques par exemple et de saisir la

répétition et les constantes parmi celles-ci. La théorie de l’habitus prône l’étude des phénomènes découlant du

cognitif. On peut, grâce à l’application de cette théorie, reconnaître les phénomènes sociaux, les pratiques et les

expériences antérieures. L’habitus permet d’entrevoir les valeurs et les actions. Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50 237

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.49-50 238

Ibid., p.49-50.

Informateurs du groupe A

• Canadiens-français

• issus de la nation canadienne-française dont l'éclatement survint dans les années 1960.

Informateurs du groupe B

• de Canadiens-français à Franco-Ontarien

• issus de la nation canadienne-française et témoignent de l'apparition de l'identité minoritaire franco-ontarienne

Informateurs du groupe C

• Franco-Ontarien marié à un Anglophone

• assistent à la construction identitaire franco-ontarienne

Spécificité identitaire et culturelle des informateurs au

moment de leur mise en ménage jusqu’à l’entrée

scolaire de leur premier enfant.

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37

Quant aux deux générations subséquentes à celle du groupe A, c'est-à-dire celles du groupe B et C, elles

sont sélectionnées comme suit : elles doivent être francophones, catholiques et doivent avoir elles aussi

habité la région du Nord-Est de l’Ontario. Pourtant, pour rejoindre ma problématique, il est impératif

que l’un des conjoints du groupe C ne soit pas Francophone mais bien Anglophone. J’étudie pour ces

deux autres générations (groupes B et C) les mêmes aspects du champ coutumier sélectionnés par mon

étude de la décennie précédente (groupe A – génération de référence). Je peux donc pour ces générations

aussi, entrevoir les pratiques habituelles et routinières de la vie culturelle. Il est à noter qu’il n’y a pas

d’enquête auprès des enfants. Ce sont les parents qui fournissent les renseignements à leur sujet. Les

entrevues auprès des couples des groupes B et C sont faites individuellement. De cette façon, je peux

connaître davantage par quelles pratiques culturelles les générations tentent de concilier les valeurs

traditionnelles et pourquoi on leur accorde de l’importance. D’un autre côté, j’étudie aussi les raisons

pour lesquelles le conjoint anglophone partage les pratiques culturelles et valeurs traditionnelles de la

culture francophone.

Avant de commencer l’enquête, il est important de bien concevoir un questionnaire d’entrevue qui servira

à constituer le corpus de données. Ce questionnaire se base sur les catégories du champ coutumier de la

Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. Il est alors indispensable de souligner l’importance

de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger en tant qu’outil pour ce travail. Je dois préciser

dans ce volet méthodologique, le rôle fondamental de ma démarche systématique. Ceci expose d’ailleurs

les prémices de mon enquête. Au verso du livre dans lequel est exposée cette grille il est cité :

« La grille des pratiques culturelles peut faciliter la rédaction de questionnaires pour

orienter la collecte des récits de vie et des récits de pratique. Elle fournit aussi un

cadre de référence d’inventaires, de collecte et de mise en valeur des différents

patrimoines239

. »

En effet, c’est à partir de cette grille que j’ai élaboré mon questionnaire d’enquête. (voir ANNEXE 2 :

Questionnaire d’enquête pour consulter celui-ci) Pour ce qui est de l’utilisation de sa formule, je précise

ici le procédé entrepris pour son application.

La Grille est ainsi divisée en trois champs. Du Berger explique à sa façon que ces derniers ne sont pas

cloisonnés. Selon lui, le champ coutumier englobe inévitablement les champs pragmatique et

symbolique-expressif. 240

Il m’est alors évident que le champ coutumier est celui que je dois privilégier

pour réaliser efficacement mon travail. Parce que ce champ présente un inventaire exhaustif de pratiques,

j’ai ciblé une catégorie de pratiques particulière soit celle reliée au temps comprenant le cycle de la vie

individuelle et au temps du cycle annuel. Cette catégorie, me permet d’étudier les pratiques

traditionnelles canadiennes-françaises et franco-ontariennes au sens large et d’analyser d’une façon très

subtile les comportements coutumiers découlant. C’est donc à partir du classement des pratiques reliées

au temps de Du Berger que je procède à un découpage des thématiques de manière à organiser mon

questionnaire reflétant les séquences du cycle de la vie.

239

Jean DU BERGER, op. cit., 406p. 240

Ibid., p.29.

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38

En ce qui a trait à la cueillette des données elle-même, je choisis de me rendre au domicile des

informateurs pour procéder aux entrevues241

qui se font de façon directe, c’est à dire par contact

personnel. En étant « de première main 242

», j’estime que ce genre de contact est efficace. De plus, en

m’ouvrant leur porte, ces individus m’introduisent dans leur vie privée, intime et quotidienne. Le fait que

les entrevues se déroulent dans un environnement familier stimule sans aucun doute leur mémoire.

D’ailleurs, Anne Muxel dit que « les lieux contiennent les expériences du passé. Ils résonnent des bruits

de la vie de famille. [...] Lorsqu’un de ces lieux existe encore, et que l’on y retourne, que l’on peut

encore le traverser et le contempler, alors vient jusqu’à soi la conscience du temps révolu et de la distance

parcourue.243

»

Lors de la cueillette de données il est important d’être en mesure de pouvoir « capter la signification

personnelle des paroles244

» de l’interviewé, d’être réceptif à ses réactions et d’être « capable d’analyser

immédiatement 245

» les sentiments des informateurs.246

Pour ce faire, je suis à l’écoute de l’intonation de

la voix des informateurs (que je note en lettres majuscules lors de la transcription des entrevues),

j’observe l’extériorisation des émotions (que je note aussi lors de la transcription), le langage corporel

comme par exemple les expressions faciales, qui me fournissent des indices des sentiments éprouvés par

les informateurs. Ceci me permet par exemple, de noter ce qui est considéré comme étant important pour

les informateurs, c’est-à-dire les pratiques qu’ils tentent de faire valoir.

Types de sources

Les sources primaires pour ce travail sont les sources orales c’est-à-dire les entretiens auprès des

informateurs. L’entretien sert à « recueillir de l’information247

» en ce que :

« l’interviewé est vu comme un informateur clé susceptible précisément d’informer

non seulement sur ses propres pratiques et ses propres façons de penser, mais aussi,

dans la mesure où il est considéré comme représentatif de son groupe ou d’une

fraction de son groupe, sur les diverses composantes de la société et sur ses divers

milieux d’appartenance. [...] l’informateur est vu comme un témoin privilégié, un

observateur, en quelque sorte, de la société sur la foi de qui un autre observateur, le

chercheur, peut tenter de voir et de reconstituer la réalité.248

»

Le type d’entretien privilégié est l’entretien semi-dirigé. Pour expliquer son efficacité dans le contexte de

ce travail de recherche, je me permets de parler de l’entretien non-directif qui, selon Michel Alexis

Montane, en reprenant ce que Guy Michelat évoquait, « s’applique à l’étude des idéologies ou lorsque

l’on veut rendre compte des systèmes de valeurs, de normes, de représentations, de symboles propres à

241

Entretiens : technique de cueillette. 242

Matthew B. MILES, A. Michael HUBERMAN, Analyse des données qualitatives, De Boeck Supérieur, 2003

p.483. 243

Anne MUXEL, op. cit. p. 43. 244

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.47. Reprenant la citation de C. ROGERS et G.M. KINGET, psychothérapie et

relations humaines, 1963, 3E édition 1966, Ed. Université de Louvain, 1, p.105-108.

245 Ibid., p.47.

246 Ibid., p.47.

247 Jean POUPART, « L’entretien de type qualitatif : considérations épistémologiques, théoriques et

méthodologiques », op. cit. p.181. 248

Ibid., p.181.

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39

une culture ou à une sous-culture249

». Montane ajoute que l’entretien non-directif est très soutenu par

l’ethnologie voulant atteindre l’aspect affectif des informations fournies par les informateurs. Pourtant,

d’après les recherches de Montane, plusieurs auteurs critiqueront cette approche dite non-directive.

Montane soulignera : « dans les travaux récents, l’entretien est souvent dit semi-directif, fondé

notamment sur un guide d’entretien « non-directif ». [...] si l’on s’écarte de l’entretien non directif c’est

parce qu’il correspond à la conception d’un acteur social qui ne s’explique pas ce qu’il fait, voire ce qu’il

pense.250

»

Ceci étant dit, et d’après les nouvelles recherches, mes entretiens seraient semi-dirigés dans le sens que je

me sers d’un guide d’entretien qui prend la forme d’un questionnaire. D’autre part, mes entretiens

seraient aussi non-directifs dans la mesure où je suis à rendre compte des valeurs dans les pratiques

culturelles. De plus, mes questions sont ouvertes, ce qui laisse la liberté aux informateurs de me faire

part des maintes pratiques entourant un thème spécifique. Pour donner un exemple, « Le jour de votre

mariage, avez-vous pratiqué certaines coutumes? 251

» Les avantages de l’entretien non-directif mettent

en évidence le fait que les informateurs sont libres de fournir des renseignements qu’ils jugent comme

étant pertinents252

mais se situant quand même à l’intérieur d’une limite imposée par la question. 253

Il faut par la suite la collaboration des individus interviewés. L’utilité de l’enquête est indiquée dans

l’annonce de recrutement : « Ensemble, nous pourrons approfondir nos connaissances dans le domaine de

la culture traditionnelle en Ontario français. » D’après moi, une telle affirmation évocatrice est

susceptible d’encourager la participation. Plusieurs personnes répondent à l’appel mais pourtant, les

familles ne rejoignent pas tous les critères ou caractéristiques établis pour l’étude254

. Par exemple, dans

plusieurs des cas, la génération A est inexistante ou bien la génération C est composée de deux

Francophones. Les deux premières familles à répondre aux critères sont celles convoquées aux

entretiens.255

Chacun des informateurs doit signer les formulaires de consentement à la participation et au

dépôt du matériel et des données dans les Archives de folklore et d’ethnologie de l’Université Laval et de

l’Université de Sudbury. Ceux-ci sont obligatoires et leurs règles sont prescrites par le Comité d’éthique

de l’Université Laval qui a approuvé le projet de recherche.

Les individus qui répondent à l’annonce me fournissent les numéros de téléphone des membres de leur

famille afin que je puisse fixer un rendez-vous pour les entrevues. Les rencontres ont lieu pendant la

soirée, pour la famille 1 et pendant la journée pour la famille 2 en raison des disponibilités de chaque

informateur.

249

Michel Alexis MONTANE « Parole de leaders : l’entretien semi-directif de recherche est-il adaptable à de

nouvelles situations d’enquête » dans Philippe BLANCHARD et Thomas RIBÉMONT, (dir.) Méthodes et outils des

sciences sociales : innovation et renouvellement, Éditions l’Harmattan, 2002,p. 20. Reprenant une citation de Guy

MICHELAT, « Sur l’utilisation de l’entretien non-directif en sociologie », revue française de sociologie, XVI, 1975. 250

Michel Alexis MONTANE, op. cit., p.21. 251

Voir Annexe 2 : Questionnaire d’enquête. 252

Ce genre d’entretien laisse les informateurs témoigner de leurs récits de vie et d’aborder divers aspects dans une

même pratique. Il se peut alors que certains informateurs, plus que les autres d’une même famille, choisissent de

mentionner certains aspects relatifs à une pratique particulière. 253

Jean POUPART, op. cit., p.183. 254

Voir 1.6.2 Méthode d’enquête pour critères de sélection. 255

L’une des informatrices de la génération A est maintenant veuve.

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40

En ce qui a trait à la consignation de l’information, Daniel Bertaux indique qu’il y a deux façons

d’enregistrer les entretiens soit à l’aide d’un magnétophone ou bien la prise de notes. Selon lui, il est

préférable d’utiliser les deux moyens d’enregistrement de façon simultanée. 256

Ainsi, avec la permission

des informateurs, les entretiens sont enregistrés sous format audio. Ce moyen aide grandement lors de la

transcription des entretiens, qui est nécessaire à l’analyse. De plus, en suivant les conseils de Bertaux, il

est question de prise de notes. Et pour m’assurer que les informateurs aient toute mon attention, j’évite

d’écrire pendant leur témoignage, privilégiant plutôt le journal d’enquête surtout après l’entrevue. 257

Source manuscrite

Stéphane Beaud et Florence Weber considèrent le journal d’enquête comme étant l’arme de

l’ethnographe258

. Mon journal d’enquête, un simple cahier de feuilles lignées reliées d’une spirale de

métal, me suit non seulement aux entrevues mais il est avec moi partout et presqu’en tout temps. Toute

pensée, analyse, notion, découverte, chose à faire, y est notée. Je reviens souvent sur celles-ci en notant

mes réflexions et mon cheminement. Comme le diront Beaud et Weber, le journal de terrain change

véritablement « une expérience sociale ordinaire en expérience ethnographique259

». 260

1.6.3. Méthodes de traitement des données, d’analyse et d’interprétation

Après avoir défini la problématique, élaboré le plan méthodologique, préparé l’enquête, je constitue le

corpus de la recherche et je l’analyse en tenant compte de tout le matériel recueilli. C’est en transcrivant

le contenu des conversations enregistrées ainsi que les notes de repère et les points d’intérêt relevant de la

capacité d’empathie261

notés dans le journal d’enquête, que j’utilise les informations recueillies de façon à

me donner un outil clair d’analyse. Ce dernier doit être aussi complet que possible.

Comme les questions de mon enquête sont orientées par la Grille de Du Berger, la transcription des

informations est ordonnée à l’intérieur de fiches signalétiques qui suivent les catégories cette Grille se

trouvant soit sous les pratiques reliées au temps ou les pratiques du cycle annuel. (voir ANNEXE 4 :

Fiche signalétique) Le produit de la transcription présente dix tableaux détaillés soit un pour chaque

entrevue auprès des onze informateurs262

. Le langage familier des informateurs a été respecté ainsi que la

syntaxe. L’utilisation de mots anglophones est aussi respectée dans les entrevues auprès des informateurs

francophones. Les réponses des informateurs anglophones sont transcrites en anglais afin d’éviter les

interprétations. (voir ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête)

À cette étape du projet de recherche, je considère les informations comme étant brutes. Pour être en

mesure de les analyser et d’en ressortir des patrons relatifs au schéma culturel et à l’habitus prônés

256

Daniel BERTAUX, L’enquête et ses méthodes ; le récit de vie, François DE SINGLY (dir) Paris, Armand Colin,

2010, p. 66. 257

Le relevé des données enregistrées compose l’annexe 3. 258

Stéphane BEAUD et Florence WEBER, Guide de l’enquête de terrain, Paris, Éditions la découverte, 2003, p.94. 259

Ibid., p.97. 260

Voir aussi type de source : source audio pour l’utilité du journal d’enquête (prise de note) lors des entrevues. 261

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 262

L’entrevue auprès de la génération A se fait en groupe. Donc une entrevue pour les générations A pour un total

de deux entrevues en raison des deux familles à l’étude. Ensuite, les entrevues sont faites auprès de quatre

informateurs de la génération B et quatre autres entrevues auprès de la génération C. Donc il y a dix tableaux

d’information auprès de onze informateurs.

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41

Benedict, Mucchielli263

et Cicourel264

par exemple, il est impératif de faire part des résultats de la

technique de cueillette soit les entretiens et de ceux relatifs à la capacité d’empathie265

. Le chapitre 2

présente les données des informateurs en plus des résultats relatifs à la capacité d’empathie266

. 267

Afin de dégager le schéma culturel et l’habitus268

que présentent les pratiques culturelles, j’ai créé un

tableau à partir des données et des résultats de cueillette relative à l’empathie. (voir ANNEXE 5 :

Tableau des pratiques et orientations familiales) L’axe vertical correspond aux pratiques culturelles

de la Grille de Du Berger. Il y a par exemple dans les pratiques coutumières de la vie adulte les

fréquentations, le trousseau, les fiançailles, entre autres. L’axe horizontal présente les pratiques que j’ai

saisies à partir des répétitions et des constantes qui se présentent dans les entrevues. Parmi elles se

trouvent les pratiques relatives aux rites de passage, à l’appartenance religieuse, au quotidien, à la

sociabilité ainsi que les expressions affectives. (voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et

orientations familiales)

Une étude attentive des informations recueillies auprès du groupe A (génération de référence) me

permet d’analyser, d’organiser et de me familiariser avec toutes les pratiques. Je peux ensuite orienter

mon travail d’analyse. Je procède à la décomposition et la catégorisation des pratiques culturelles selon

les groupes à l’étude (groupe B et C) et ce, sous les catégories de pratiques de l’axe horizontal du tableau.

Les catégories de pratiques qui figurent à l’axe horizontal du tableau (tableau des pratiques et orientations

familiales) sont en fait ce que je considère comme étant des orientations culturelles familiales basées sur

des normes. Et comme Benedict le dira, les orientations peuvent « se former à l’aide de valeurs.269

» De

là sont dégagées les valeurs traditionnelles à partir des données des informateurs. En dégageant celles-ci,

je suis en mesure de pouvoir connaître comment se fait leur conciliation dans un ménage mixte

francophone-anglophone.

1.7 Conclusion

La vitalité culturelle de la communauté francophone en Ontario se manifeste de façon quotidienne.

Même si le Franco-Ontarien est en situation minoritaire, l’épanouissement de sa culture favorise le

développement de son sens d’appartenance et de son identité. Les valeurs qui lui sont propres servent à

tisser des liens et même renforcer la cohésion sociale. Ma recherche vise à mieux comprendre cette

réalité et à mettre en contexte les pratiques culturelles qui font partie d’un ensemble complexe reposant

sur des aspects propres à un individu, à un groupe et même à toute une collectivité. En favorisant la

technique de cueillette privilégiée par la recherche qualitative soit l’entretien et en adoptant une

disposition d’empathie, je suis en mesure de pouvoir saisir le sens que les informateurs donnent aux

pratiques culturelles. En favorisant la technique d’analyse basée sur la théorie du schéma culturel et de

263

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50. 264

Ibid, p.56. 265

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 266

Ibid., p.36. 267

Lors des entrevues, j’ai noté : la signification des paroles des informateurs, l’intonation de leur voix,

l’extériorisation de leur émotions, leur langage corporel, entre autres pour dégager ce qu’ils considèrent comme

étant important. Voir 1.6.2 Méthodes d’enquête 268

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50. 269

Ibid., p.50.

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l’habitus270

, je peux repérer les orientations familiales qui sont formées à l’aide des valeurs. Ainsi, les

valeurs culturelles traditionnelles canadiennes-française peuvent être dégagées et je peux entrevoir

comment se fait la conciliation de celles-ci dans un ménage mixte francophone-anglophone.

270

Ibid., p.50.

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CHAPITRE II – ENQUÊTE ETHNOLOGIQUE SUR LES PRATIQUES

CULTURELLES (PORTRAIT DES FAMILLES)

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Chapitre 2

Ce chapitre présente les données des enquêtes auprès des informateurs. Il s’agit d’un portrait individuel

de chacune des familles. (voir aussi ANNEXE 6 : Tableau des familles) Le chapitre est alors divisé en

deux temps sous les rubriques suivantes : Famille 1 et Famille 2. De plus, chacune des rubriques est

redivisée en sous-catégories suivant l’ordre établi par la Grille des pratiques de Du Berger soit : les

pratiques coutumières de l’âge adulte, les pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle, les

pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique, les pratiques coutumières : le cycle saisonnier

(fêtes fixes et mobiles). Ces sous-catégories présentent les informations des trois générations de chacune

des familles selon les générations soit : les enquêtes auprès des Canadiens-français (première génération),

les enquêtes auprès des Canadiens-français / Franco-Ontariens (deuxième génération) et les enquêtes

auprès des Franco-Ontariens et leurs conjoints (troisième génération).

2.1 Famille I (portrait de la famille)

La première famille dont tous les membres des trois générations répondent aux critères de sélection et qui

acceptent de me rencontrer en entrevue, en est une dont les prédécesseurs arrivent dans la région du Nord

de l’Ontario à l’époque de sa colonisation soit au début du XXe siècle. Ceux-ci avaient quitté la province

de Québec dans l’espoir de pouvoir s’approprier des terres cultivables et de continuer le travail

d’agriculteur qui leur avait été inculqué. Une fois arrivés, ils défrichent les terres et se construisent des

demeures pour se consacrer aux travaux de l’agriculture.

Jeanne et Gérard sont les informateurs de la génération A. Tous deux Canadiens-français et mariés

pendant la décennie des années 1950, ils vécurent dans un petit village du Nord de l’Ontario toute leur vie

et y pratiquèrent l’agriculture, la production laitière et l’élevage. Leur entrevue fut d’une durée de plus

de deux heures. Isabelle et André sont les informateurs de la génération B. Ils se sont mariés pendant les

années 1970 et vécurent à cette époque même les changements apportés par la Révolution tranquille qui

entraînèrent en Ontario français une crise d’identité. Ce sont eux qui virent se construire l’identité

franco-ontarienne. Isabelle est la fille de Jeanne et de Gérard. Les informateurs de la troisième

génération, la génération C, sont Émilie et Brian qui se sont mariés au tournant du millénaire. Émilie est

Franco-Ontarienne bilingue et Brian quant à lui est Anglophone. Les études de celui-ci lui permirent de

se mériter un certificat de bilinguisme. Pour cette raison, j’ai pu lui poser mes questions d’entrevue en

français alors qu’il me répondait en anglais. Nous nous sommes entendus pour procéder de cette façon.

Je fournis ses réponses telles quelles, sans les avoir traduites en français pour respecter la signification de

ses paroles et leurs nuances. Émilie est la fille d’Isabelle et d’André, et petite fille de Jeanne et de Gérard.

Chacune de ces entrevues est d’une durée variant entre quarante-cinq minutes à une heure et demie. (voir

aussi ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données d’enquête pour durée des entrevues)

2.1.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte

Comme le mentionne Jean Du Berger, « les pratiques coutumières règlent les comportements en fonction

de ce qui est normal, correct, acceptable, dans un groupe271

». Il rappelle aussi que :

271

Jean DU BERGER, Op. cit., p.31.

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« Les pratiques coutumières reliées au temps comprennent le temps du cycle de la vie

individuelle, les âges de la vie, et le temps du cycle annuel rythmé par l’alternance

d’un temps imposé, le travail, et d’un temps donné, la fête.272

»

C’est en étudiant les pratiques coutumières que j’ai constaté qu’il serait plus facile de questionner les

informateurs en suivant la chronologie du cycle de la vie pour dégager les valeurs traditionnelles dans les

pratiques familiales. Les pratiques coutumières de l’âge adulte permettent de recueillir les aspects de la

culture qui sont qualifiés de traditionnels parce qu’ils sont transmis et répétés selon des habitudes et des

conventions acceptées de tous. En ce qui a trait aux pratiques dites de l’âge adulte, je m’intéresse

particulièrement aux pratiques en lien avec la rencontre des futurs conjoints, leurs fréquentations et leur

mariage, depuis la préparation jusqu’aux noces, leur mise en ménage et leur rôle de parents.

2.1.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Gérard explique qu’il a rencontré Jeanne273

« au bout de la terre, en allant chercher les vaches ». Tous

deux racontent que les terres agricoles appartenant à leurs pères partageaient la même limite territoriale.

« C’était vraiment beau, c’était le coup de foudre et puis on s’est marié » ajoute Gérard en regardant son

épouse qui lui échange un sourire. Les fréquentations furent d’une durée d’environ un an. Suivirent les

discussions de mariage entre amoureux qui convinrent que le temps était venu de se fiancer et d’entamer

ensemble une autre étape de leur vie. Et c’est par une déclaration officielle que le couple s’engagea à

faire le premier pas vers leur vie de couple, vers le mariage. Ainsi, pour préparer le terrain, Jeanne eut un

entretien avec sa mère et lui annonça qu’elle souhaitait épouser Gérard. À son tour, Gérard se rendit chez

Jeanne pour faire une demande officielle auprès de son père afin d’obtenir la permission de l’épouser.

Cette demande officielle ainsi que la déclaration des fiançailles se firent dans le salon des parents de la

future-fiancée car cette pièce était habituellement réservée pour les événements spéciaux. Gérard relate

que c’était « la coutume » de demander la main de la bien-aimée au père de celle-ci. « Si tu ne

demandais pas la main, il n’y en avait pas de mariage! »

Pour officialiser les fiançailles, il était d’usage d’acheter une bague d’engagement qui symbolisait l’union

du couple. Jeanne et Gérard se rendirent chez un bijoutier et puis choisirent la bague selon leur budget.

« Elle coûta soixante-deux dollars. La bague et le jonc venaient ensemble dans une p’tite boîte » dit

Gérard.

Après les fiançailles, les préparatifs du mariage commencèrent. Mais depuis son adolescence, Jeanne

préparait un trousseau. Son père avait confectionné simultanément et de ses propres mains, deux grands

coffres de bois dont l’un d’eux pour elle et l’autre pour sa sœur aînée. À l’intérieur, les deux filles y

ajoutaient divers items qui allaient leur servir lors de leur entrée en ménage. Elles y plaçaient des

serviettes, des linges à vaisselle, des débarbouillettes, des lavettes, des couvertures de laine et du savon.

Jeanne indique que sa mère achetait du savon de corps de marque Camay à toutes les semaines. Ainsi, à

chaque deux semaines, Jeanne recevait ce produit alors que les semaines à l’intervalle c’était au tour de

sa sœur. Il était aussi question d’y placer des robes neuves, des tabliers ainsi que des jupons fabriqués à

la main. C’était entre autres l’habit quotidien de Jeanne ; jupon, robe, tablier. Selon Gérard, le corps

272

Ibid., p.30. 273

Au début des années 1950.

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devait obligatoirement être dissimulé sous au moins trois épaisseurs de vêtements par pudeur. D’autre

part, pour préparer le mariage comme tel, il fut premièrement question d’acheter l’habit et la robe de

noces. Pourtant, le village natal des fiancés ne possédait pas de boutiques spécialisées dans la vente de

tels vêtements. Les fiancés devaient alors se rendre dans une autre ville pour en trouver. À l’époque,274

le voyage de plus d’une heure par automobile ne se faisait pas fréquemment et le fait de l’entreprendre

nécessitait forcément une occasion extraordinaire. Gérard demanda ainsi à ses parents d’emprunter leur

voiture pour aller faire l’achat de son habit. Accompagné de Jeanne, il en trouva un à son goût et qui était

aussi à la dernière mode. Par exemple, la ceinture avait l’initiale de son prénom et les souliers se

laçaient sur le côté. En ce qui a trait à la robe de Jeanne, il n’était surtout pas question que Gérard la voit.

Ce furent les parents de Jeanne qui l’amenèrent magasiner. « Les préparations n’étaient pas comme elles

le sont aujourd’hui » dit Jeanne. « C’était short and sweet » réplique Gérard.

Chacun des fiancés avait pourtant son rôle à jouer dans la préparation du mariage. Jeanne explique que

c’était elle qui devait s’occuper de faire les fleurs. « Il fallait faire le cœur. » Il s’agissait de faire un gros

cœur de carton et de le décorer de fleurs qui étaient faites avec des mouchoirs. Le pourtour du cœur était

décoré de fleurs blanches. À l’intérieur du cœur, des fleurs (encore de mouchoirs) traçaient les initiales

des prénoms des fiancés. L’initiale de la fiancée était rose et celle du fiancé était bleue. Ce cœur était

accroché à l’arrière de l’auto. C’était une coutume de l’époque de faire ainsi. Jeanne devait aussi

s’occuper de choisir les membres du cortège nuptial. Elle choisit l’une de ses sœurs ainsi que la sœur de

Gérard. De plus, Jeanne devait s’occuper du menu. « Les repas de mariage étaient préparés par

des madames275

. Les parents de Gérard avaient fait le dîner et mes parents avaient fait le souper » dit

Jeanne. Le menu de ces repas consistait en patates, boulettes, dinde, salades, desserts. Quand au gâteau

de mariage, il avait été fait par une cousine276

. Gérard, admet que son rôle dans la planification du

déroulement du mariage était bien simple. « Il fallait suivre les directives de l’Église ». Ainsi, selon lui, il

ne restait qu’à déterminer quelques détails mineurs tels que le choix des garçons d’honneur. Et ce fut

assez simple. Il demanda aux filles d’honneur de choisir leur compagnon pour la journée : les garçons

d’honneur.

D’autre part, Jeanne et Gérard ajoutent qu’une autre de leurs responsabilités dans les préparatifs du

mariage était de trouver l’automobile qui allait les transporter d’un endroit à l’autre après la cérémonie de

mariage. « L’auto était très importante ; on cherchait la plus belle automobile possible » L’auto choisie

appartenait à l’oncle de Gérard. Elle était rose et noire et son style dépassait les attentes des futurs-

mariés. Selon la tradition, celui à qui appartenait l’auto se mettait à leur disposition pour conduire les

mariés tout au long de la journée du mariage. Les fiancés étaient tellement reconnaissants que Jeanne fit

la demande auprès de la tante de Gérard, épouse de celui à qui appartenait l’auto, de bien vouloir lui

mettre son voile avant la célébration du mariage. C’était une tâche très importante et de ce fait, elle

représentait tout un honneur d’aider la mariée à mettre son voile. « Le voile était aussi important que la

robe » dit Gérard. Ainsi, grâce à ces préparatifs, le jour du mariage venu, Jeanne se fit conduire à l’église

274

Dans les années 1950. 275

Ces dames étaient celles des familles des conjoints ou bien des voisines. 276

Les gens du village qui se mariaient avaient recours aux expertises de celle-ci.

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dans cette voiture rose et noire alors que Gérard s’y rendit dans une autre277

. Ce fut après la cérémonie du

mariage que les nouveaux-mariés purent jouir d’une promenade ensemble dans cette voiture.

Les fiançailles avaient eu lieu deux ou trois mois avant le mariage. Il n’y eut aucune célébration

prénuptiale ayant trait à l’enterrement de la vie de célibataire. Entretemps, le grand jour approchait vite.

Une journée avant le mariage, le curé avait des entretiens avec le futur-marié et la future-mariée,

séparément puis ensemble. « C’était comme une confession » dit Jeanne. Mais cette rencontre n’avait

pas seulement que ce seul but. Entre autres, le curé indiquait exactement comment devait se dérouler la

cérémonie nuptiale selon la foi chrétienne menant au sacrement de l’Alliance. « Il disait c’est comme ça

que ton mariage va se dérouler » ajoute Gérard. « Ce n’est pas nous qui décidait du déroulement de la

cérémonie c’est lui278

qui décidait puis si tu ne faisais pas ça, ça ne marchait pas » souligne-t-il. « Et puis

dans c’te temps là, on devait publier des bans279

» rétorque Jeanne. Le curé informait les mariés des faits

sur la vie de mariage, le partage… « Si le curé s’apercevait qu’on se chicanait, il aurait pu annuler le

mariage. Le curé, c’est lui qui décidait tout jusqu’à la dernière minute! Le mariage t’oublieras ça jamais.

Tu en as vécu un, t’en vivras pas d’autres, non, c’est pour toute ta vie ça! » admet Gérard.

La cérémonie du mariage fut célébrée à dix heures le matin. Jeanne entra dans l’église accompagnée de

son père. La coutume voulait que la mère de la mariée y soit déjà assise280

. En ce qui a trait à la

cérémonie, « il n’y avait rien de spécial281

» dit Gérard. Jeanne ajoute que pendant cette cérémonie, il

était question de souligner les engagements de dévotion chrétienne. Parce qu’elle était Enfant de

Marie282

, la présidente de l’organisme en question (des Enfants de Marie) était présente à la cérémonie et

tenait dans ses mains un crucifix. La mariée devait s’agenouiller devant une statue de la Sainte-Vierge

alors que la présidente faisait la lecture de paroles. La mariée devait y prêter serment283

.

Après la cérémonie de mariage, les nouveaux mariés se rendirent chez un photographe où quelques

photos furent prises à l’extérieur. Les familles se réunirent pour le dîner et dans une ambiance de

réjouissance, la danse ne tarda pas à commencer. Les invités prirent une pause, le temps de souper, et

277

Par tradition, les fiancés ne peuvent pas se voir avant la cérémonie de mariage. Il est alors de mise de se rendre à

l’église dans une voiture différente. 278

En parlant du curé. 279

Les bans devaient être publiés à trois reprises avant la cérémonie du mariage. Le but était d’annoncer à tous les

intentions de mariage. Quiconque s’objectait à ce mariage devait communiquer avec le curé. 280

Selon Jeanne, le deuxième banc du devant de l’église était habituellement réservé à la mère de la mariée et aux

autres membres de la famille. 281

Gérard dit que leur cérémonie était la même que toutes les autres auxquelles il avait déjà assisté. Il n’y avait rien

hors de la norme. 282

Selon la description de Jeanne, être un Enfant de Marie désigne que l’individu fait partie d’une organisation

d’ordre religieux (catholique) pour les jeunes filles. La Sainte-Vierge est leur patronne. Cette organisation dicte la

conduite des jeunes filles comme par exemple, ne pas consommer de l’alcool, ne pas « trainer les rues ». « Si une

fille faisait partie des Enfants de Marie, ça voulait dire qu’elle avait été éduquée un peu plus » (aspect

comportement social et aspect religieux) explique Gérard. 283

Ce serment, selon Jeanne était en lien non seulement avec la religion mais aussi avec le nouveau rôle d’épouse.

Une fois mariées, les femmes devenaient « Dames de Sainte-Anne ». Toute femme devait faire des vœux lors de

son initiation à l’ordre. Le curé s’assurait aussi de rappeler à chaque mois le devoir de la femme, épouse et mère de

famille. La Ligue du Sacré-Cœur était un ordre religieux (catholique) pour les hommes ou garçons. A tous les mois,

il y avait une réunion après la messe. Le curé sermonnait les hommes en s’assurant qu’ils connaissaient bien leur

rôle dans la famille, dans la société… expliquent Jeanne et Gérard.

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puis la danse continua à nouveau. « Les pères fournissaient la boisson284

» souligne Gérard. Les gens ne

payaient pas pour l’alcool, ils apportaient un cadeau pour les mariés « De l’argent ils ne donnaient pas

ça… c’était toujours un cadeau. Des fois ce n’était pas grand-chose mais… il fallait qu’ils apportent un

cadeau» dit Gérard. Il y avait de la musique. « C’était des gens qui venaient jouer de la musique Country.

C’était Ti-Jos au violon. Pendant le jour c’était de la parenté qui jouait de la musique » se remémore

Gérard. « Le soir c’était des gars qui venaient jouer » ajoute Jeanne. « C’était la grosse fête » répète

Gérard. « Le gâteau était vrai et il était sur la table d’honneur. Il n’est pas dans le coin comme on le fait

aujourd’hui » dit Jeanne. « En haut, il y avait les p’tits bonhommes » rappelle Gérard. « Le marié et la

mariée » indique Jeanne. « C’était impressionnant. Ça je m’en souviens bien. Au milieu de la veillée,

vers onze heures (vingt-trois heures) c’est nous qui le tranchait. On prenait une assiette puis on passait

tout ça » explique Gérard.

Un autre divertissement de la soirée avait cependant une facette plus économique. « On avait passé le

soulier nous autres285

» explique Jeanne. Le couple m’informe que ce genre de quête leur permit de louer

un hébergement où ils passèrent leur première nuit de couple ensemble. Pendant cette réception et plus

tard dans la soirée, il était aussi de coutume que les mariés ouvrent les cadeaux de leurs invités. Parmi les

cadeaux reçus, Jeanne et Gérard énumèrent ceux-ci : assiettes pour gâteaux, vaisselle, couvertures,

lampes, assiettes pour desserts… « Toutes sortes d’affaires que t’avais besoin pour partir le ménage » dit

Gérard. Jeanne quant à elle manifeste un attachement particulier pour l’un de ces items. « Moi j’ai eu

une chaise berceuse de mon grand-père. Il l’avait acheté chez Dupuis Frères286

» dit-elle. « Chez Dupuis

Frères parce que c’était francophone. Les catalogues de Sears et Eaton’s étaient en anglais puis t’avais

bien d’la misère à avoir ça en français. Dupuis Frères c’était strictement francophone » ajoute Gérard.

« On était au moins certain le lendemain matin qu’on avait une chaise pour s’asseoir » dit Jeanne en riant.

Ainsi, selon Jeanne et Gérard, rien n’aurait fait l’objet de compromis lors de la planification de leur

mariage. «Ça faisait notre affaire. Son caractère ça marchait, puis le mien pareil … on va continuer de

même » dit Gérard. C’est ainsi que fut marquée l’entrée en ménage.

Le couple m’informe aussi qu’ils ne cohabitèrent pas ensemble avant le mariage. « Après qu’on était

marié on est allé rester dans le village, avant ça on était à la campagne287

» dit Jeanne. « On avait loué un

appartement dans le village, une chambre puis une p’tite cuisine. On payait vingt-cinq piastres par mois.

On avait choisi de rester là parce que c’était proche de mon ouvrage, je n’avais pas de char288

. On n’avait

presque rien! » dit Gérard. Jeanne renchérit en admettant qu’ « il ne fallait pas que ça soit trop grand

parce qu’on n’avait pas gros de ménage. Mon père m’avait donné un set 289

de chambre. On n’avait pas

284

Boisson : boisson alcoolisée telle que la bière et le vin selon Gérard. 285

Passer le soulier : selon Jeanne, il était coutume que la mariée enlève un de ses souliers pour le faire passer

autour de la salle. Les gens y déposaient un don monétaire. 286

Dupuis Frères était un magasin situé à Montréal qui se dota d’un comptoir postal permettant aux

consommateurs l’achat de produits par catalogue. Cette compagnie familiale connut de grands succès. Et selon les

recherches, tout porte à croire que c’est son esprit nationaliste canadien-français qui s’imprégnait dans les valeurs

familiales et religieuses qui lui permit de devenir un genre d’organisme rassembleur. Dupuis Frères Limitée,

http://experience.hec.ca/dupuis_et_freres/le-magasin-du-peuple/nationalisme/, page consultée le 17 mai 2012.

Marguerite Sauriol, Avant le cybercommerce, Profil historique des entreprises Dupuis Frères,

http://www.civilization.ca/cmc/exhibitions/cpm/catalog/cat2402f.shtml, page consultée le 17 mai 2012. 287

Avant le mariage, Jeanne et Gérard habitaient dans la campagne avec leurs familles. 288

Char : automobile 289

Set : ensemble de chambre à coucher.

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49

de fridge290

parce qu’on avait déménagé en hiver. On mettait le lait entre les châssis puis les rôtis de lard

aussi puis ça se conservait. Mais là l’été on s’était acheté un fridge » indique Jeanne.

Jeanne et Gérard eurent six enfants sur une période de treize ans291

. Quant à leur éducation, tous deux

admettent partager la même vision. « C’était l’école française, c’était la seule école » dit Gérard. Leurs

enfants reçurent une éducation religieuse. « Nous autres c’était les Sœurs qui enseignaient. Ce n’était pas

un problème d’enseigner la religion » ajoute-t-il. Il me parle aussi du milieu scolaire de ses enfants et

donc de la crise scolaire des années 1970. « Moi je ne tolérais pas ça, j’ai dit non292

. C’est là qu’on s’est

battu puis qu’on a eu une école secondaire française293

» avoue Gérard. Et quant aux émotions face à ces

changements, il avoue sans hésiter qu’il en était fier. Mais l’éducation de leurs enfants ne s’arrêtait pas

là. Jeanne et Gérard insistaient sur l’acquisition de bons principes moraux. C’est avec assurance qu’ils

témoignent des valeurs transmises à leurs enfants. Dans un premiers temps, Gérard souligne encore

l’importance de la langue française et de la religion catholique. Il renchérit sur les bienfaits qu’apportent

les travaux agricoles aux valeurs familiales. « Nous autres on a resté sur une ferme et puis vois-tu le

matin il y en avait toujours une294

qui se levait puis qui venait à l’étable puis l’autre295

, elle restait dans la

maison pour prendre soin des bébés. Elles avaient leurs tâches » explique Jeanne. « Nos enfants, il

fallait tous qu’ils aient la base agricole » précise Gérard. «C’était la routine puis le travail » déclare

Jeanne. « Les professeurs savaient tout de suite qui venait de la campagne, qui venait de la ville! Quand

il y avait quelque chose à faire, ceux qui faisaient toute l’ouvrage comme placer les chaises, c’était ceux

qui habitaient sur les fermes… puis il y en avait beaucoup! Ils savaient quoi faire. Moi c’était bien

important » explique Gérard.

2.1.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Isabelle et André racontent, chacun à leur manière, la façon dont ils se sont rencontrés.296

Bien que le

contexte fut le même, les souvenirs de l’un et de l’autre sont un peu différents, puisque chacun d’eux fait

appel à sa mémoire individuelle, étant interviewé individuellement. Ainsi, Isabelle raconte qu’elle

rencontra André à l’école alors qu’ils fréquentaient le secondaire. Après s’être croisés à quelques

reprises dans le corridor, André, lui demanda si elle voulait dîner avec lui à la cafétéria de l’école. Et

débutèrent les fréquentations plus régulières. Par exemple, ils allèrent boire une boisson gazeuse au

magasin du coin ensemble et graduellement firent des sorties au cinéma alors que la relation devint de

plus en plus sérieuse. Les fins de semaine ils sortaient ensemble durant la journée. Lorsqu’André eut fini

ses études secondaires, il se dirigea sur le marché du travail en s’assurant toujours de planifier ses pauses

du dîner en même temps que celles d’Isabelle qui, étant quelques années plus jeune, fréquentait toujours

cette institution. Isabelle souligne qu’André était très courtois. Il payait toujours pour elle lors de leurs

sorties et démontrait beaucoup de gentillesse. Elle précise que la durée des fréquentations fut de deux ans

avant les fiançailles.

290

Fridge : réfrigérateur 291

Entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1960. 292

Dire non au fait que ses enfants devaient aller à une école secondaire anglophone. 293

Le chapitre 1 fournit des informations importantes au sujet de cette crise scolaire. 294

Leur fille aînée 295

Leur fille cadette 296

Début des années 1970.

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50

Ce qu’elle retient le plus des fréquentations sont les qualités personnelles de cet homme. Elle témoigne

par exemple de sa gentillesse, de sa serviabilité en affirmant qu’il était toujours là pour elle en l’aidant

dans ses tâches scolaires … et aussi celles à la ferme. De nouveau, Isabelle sourit en remémorant les

souvenirs qui lui sont chers et admet : « C’était toujours le fun. André planifiait et préparait tout le temps

toutes les fins de semaine. On allait jouer aux quilles, on allait aux vues, on sortait avec des amis, cinéma

en plein-air …»

André témoigne de cette rencontre et des fréquentations à sa façon. Il indique qu’il avait rencontré

Isabelle à l’école.297

C’est en m’informant d’une situation de conflits linguistiques dans la communauté 298

qu’il témoigne de son choix de fréquenter une certaine institution plus qu’une autre. Ce choix

providentiel lui a permis de rencontrer Isabelle. Ce fut ainsi selon lui, la meilleure décision qu’il aurait pu

prendre, en reconnaissant les événements qui en découlèrent. André témoigne aussi de ses efforts pour

faire la cour à Isabelle. Il révèle qu’il avait aperçu Isabelle à quelques reprises faire les emplettes avec

ses parents à l’épicerie où il avait un emploi à temps partiel après l’école et durant les fins de semaine. Il

avance aussi qu’il avait offert un café à un de ses collègues de travail afin qu’il puisse « sortir les

emplettes299

» pour les déposer dans le véhicule familial d’Isabelle. À cette occasion, il avait la chance de

voir Isabelle et de rencontrer sa famille. Il l’invita éventuellement à prendre un café. Après quelques

conversations au magasin et à l’école, les parents d’Isabelle lui permirent de rencontrer André à des

restaurants pendant qu’ils faisaient leurs emplettes. «C’est comme ça qu’on s’est rencontré! » Tout

comme Isabelle, André retient de leurs fréquentations des moments d’agrément. « On avait du plaisir, on

avait des amis puis on sortait ensemble. » Il explique que ses amis garçons avaient rencontré les amies

filles d’Isabelle et que les couples sortaient souvent ensemble.

Quant à la demande en mariage, elle se fit, tel que déjà mentionné, après deux ans de fréquentations alors

qu’Isabelle ne s’y attendait pas. C’était une surprise. « Je me suis dit c’est vraiment le gars pour moi» me

révèle-t-elle en se remémorant ce moment. Elle indique aussi qu’il était question, selon l’étiquette et les

valeurs de l’époque, qu’André fasse une demande officielle de mariage auprès de son père. « Mon père

m’avait averti que si on devait se marier il fallait dire à notre chum300

qu’il fallait demander la main» dit-

elle. Avant qu’André ne lui offre une bague de fiançailles301

, elle en parla à son père. Elle révèle aussi

qu’elle annonça à sa mère les plans de mariage en déclarant à celle-ci « bien là on va se fiancer là puis il

faudrait qu’André demande ma main à Papa mais je ne sais pas quand est-ce que je vais lui dire! » Sa

mère lui suggéra d’attendre au moment opportun qui allait être lorsque tous les autres enfants de la

famille allaient être au lit. Isabelle raconte le déroulement de la demande. « Fait que là c’te soir là, je

l’sais pas mais ma mère doit avoir arrangé quelque chose, je suis certaine qu’elle doit en avoir parlé à

mon père mais en tous les cas, il s’est couché un peu plus tard que les autres soirs mais là, j’avais peur

297

Début des années 1970. 298

André fréquentait le secondaire lorsque la fameuse crise des écoles secondaires éclata en Ontario au début des

années 1970. Il explique qu’il avait reçu une éducation primaire en français mais que son éducation au palier

secondaire devait se poursuivre en anglais en raison de l’absence d’institutions secondaires francophones dans sa

communauté à l’époque. Ayant presque complété ses études, la communauté francophone de la région réussit à

obtenir son école secondaire francophone. Et en raison de ses racines francophones, André choisit de fréquenter

cette institution et y obtint son diplôme. 299

André indique que c'était un service que les épiceries offraient où les employés allaient aider les gens à charger

leur voiture. 300

Chum: prétendant 301

Cette bague n’avait pas encore été choisie.

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mais je n’avais pas peur, je ne savais pas comment m’y prendre pour aller lui annoncer ça. » Elle

attendit, alors que lui aussi attendit et puis, voyant que sa fille ne lui chuchota mot, il alla se coucher.

Elle prit son courage, et puis alla le voir en l’avisant qu’André allait lui demander sa main en mariage.

« Là j’ai eu un p’tit chapitre302

mais c’était un bon p’tit chapitre parce que ce qu’il m’a

dit je m’en ai servi toute ma vie. C’était quelque chose de bien puis je suis contente

d’avoir eu cette p’tite talk303

là. Je me rappelle encore il304

m’avait dit la vie de

mariage n’est pas toujours un bouquet de rose. Il va y avoir des fleurs qui vont faner

dans ton bouquet puis à c’est à toi de prendre soin de tes roses. André est allé parler

à mon père305

, mais il est allé tout seul. »

Isabelle indique qu’elle ignore encore à ce jour, comment André a fait la demande officielle à son père.

Elle souligne quand même que son père était bien heureux qu’une demande officielle lui ait été faite et

qu’il accepta volontiers de donner la main de sa fille en mariage à André.

Mais si Isabelle ignore ce fait, j’ai pu en connaitre les détails puisqu’André m’en a fait part. Il raconte

premièrement qu’il n’a pas suivi de protocole lorsqu’il demanda à Isabelle de l’épouser.

« J’étais trop paquet de nerfs pour suivre un protocole. Je n’ai pas été par quatre

chemins, j’ai été direct pas mal. Pas de tralalas, c’était direct Voudrais-tu

m’épouser? Je savais que, je la connaissais assez bien pour savoir que si elle disait

oui c’était pour la vie que ce n’était pas pour juste un p’tit montant de temps! Là elle

m’a annoncé la belle Isabelle que la coutume c’était de demander sa main en mariage

à son père. Ouffff! Là ce n’était pas la même histoire! Moi ça ne faisait pas longtemps

que j’étais dans le portrait! Ça fait que, ils tiraient306

les vaches puis le soir après

souper, je lui avais demandé à Isabelle qu’est-ce qui serait le meilleur temps. Elle a

dit : Tu viens souper le dimanche puis on va te laisser le temps puis tu lui

demanderas. Je ne sais pas s’il s’en doutait ou quoi parce que le soir en s’en allant à

l’étable je lui ai dit mes intentions puis il faut croire qu’il ne me trouvait pas trop

malcommode. »

André ajoute que Gérard, le père d’Isabelle, lui offrit quelques conseils et lui accorda la main de sa fille

en mariage. Sitôt la demande officielle faite, les préparatifs du mariage commencèrent.

Isabelle m’informe qu’elle aussi avait un trousseau. D’ailleurs, son grand-père qui était aussi son parrain,

lui avait fait pour sa fête un coffre dans lequel elle avait placé tous ses objets pour l’entrée en ménage.

Isabelle ajoute qu’elle appelait ce genre de coffre « un coffre en cèdre » parce que l’intérieur était de

cèdre alors que l’extérieur était fait d’une autre sorte de bois. Ce geste symbolique suscite des sentiments

ce qui se voit très clairement dans son expression faciale. Son sourire me permet de constater qu’elle

chérit ce souvenir. Elle m’informe aussi que son trousseau consistait en items tels que : vaisselle, barres

de savon, serviettes de lin, débarbouillettes. Elle précise que ces dernières provenaient de boîtes de savon

que sa mère, Jeanne, achetait et collectionna pendant plus de deux ans. Il y avait aussi des couvertures de

302

Chapitre : discussion pour faire la morale. 303

Talk : discussion 304

En parlant de son père Gérard. 305

Il a fait la demande quelques jours plus tard. 306

Tiraient : trayaient

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laine et des courtepointes dans le trousseau. Elle explique aussi que sa mère commandait des boîtes de

tissus qui arrivaient sur le train. Avec ces morceaux de tissus, sa mère, ses sœurs et elle-même

fabriquaient des « couvre-lits ». De plus, sa grand-mère maternelle, pour sa fête, lui offrait toujours des

cadeaux qu’elle ajoutait à son trousseau. Aujourd’hui Isabelle a encore une couverture de laine que cette

dernière lui avait donnée. Mais sa grand-mère n’attendait pas seulement les anniversaires pour offrir de

telles surprises. Parfois, en allant la visiter elle lui donnait des items en lui indiquant de les ajouter à son

trousseau. « C’était des choses serviables307

et puis ça m’a duré longtemps » précise Isabelle.

Son époux André indique qu’il n’avait pas de trousseau comme on l’entend. Il considère quand même

que des préparatifs avaient été faits pour son entrée en ménage.

« Mes parents m’avaient acheté un ensemble de chambre à coucher et puis c’était à

peu près la seule chose. Mais on s’était acheté du ménage moi puis Isabelle. On a

choisi ça à nous deux. Moi ma principale affaire c’était une télévision en couleur dans

le temps. C’est ça que moi j’ai choisi mais après ça disons le reste des meubles, le

réfrigérateur puis le poêle308

puis ces choses là, c’est tout Isabelle qui a choisi ça ».

Isabelle explique en quoi consistaient les préparatifs. « Des gros tralalas il n’y en avait pas. C’était bien

simple! » Les fiancés, accompagnés de leurs parents, se rencontrèrent pour discuter du menu du souper

traditionnel qui allait être servi après la cérémonie du mariage. Elle avance aussi que les décisions quant

aux préparatifs étaient faites de façon collective, son fiancé et elle.

« On a choisi pas mal tout ensemble. Les deux ensemble on a choisi qui allait

conduire les mariés de l’église parce qu’on s’est marié catholique. Ça c’était bien

important que ça soit catholique : les deux on était catholique. Mon oncle travaillait

dans un garage, puis dans le garage lui, il pouvait avoir n’importe quelle voiture ça

fait que j’avais une belle voiture neuve ! Ils appelaient ça un Grand Marquis! C’était

quelque chose dans c’temps là! Elle était bleue et blanche. C’était notre couleur

préférée le bleu. Ça fait que la voiture était bleue. C’était ça qui était le cadeau de

noce de cet oncle là : louer cette voiture là pour le temps309

».

Elle souligne pourtant que les détails de la préparation du mariage lui étaient laissés alors qu’André avait

comme rôle de s’occuper de réserver la salle et de se procurer de la boisson alcoolisée pour servir aux

invités lors de la réception. « C’est lui qui s’occupait de ça» souligne-t-elle. Elle me fait aussi part de la

composante religieuse relative aux préparatifs du mariage. « Il fallait aller voir le prêtre pour se marier.

On est parti tous les deux puis on est allé voir le prêtre pour se marier à l’église ». Le prêtre questionna

les futurs mariés individuellement ce qui dura, selon Isabelle, au moins une heure pour chaque conjoint.

« Après il nous a parlé les deux en même temps de ce qui en était de la vie de mariage ». Tous deux

devaient aussi se confesser, selon la tradition religieuse. Par la suite, selon Isabelle, il fut question de

faire publier les bans.

307

Serviables : utiles. Exemple : linges à vaisselle entre autres. 308

Poêle : cuisinière 309

Pour délimiter le temps, il faut préciser que la voiture dont il est question amenait la mariée à l’église et par la

suite, le couple nouvellement marié à la salle de réception. Une procession de voitures toutes décorées suivait celle-

ci en klaxonnant chemin faisant entre l’église et la salle de réception.

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André se souvient à des détails près la préparation du mariage. « Là il y avait le curé. C’était certain

qu’on allait se marier dans son village natal à elle.310

» Isabelle et André rencontrèrent alors ce curé qui

les amena à réfléchir sur le mariage et la vie de couple. « C’était intéressant puis c’était dans nos plans

de vivre une vie religieuse ensemble » atteste André. De plus, André apporte d’autres précisions

intéressantes. Il indique qu’il aurait aimé pouvoir se marier au mois de mai mais la famille d’Isabelle, en

étant des agriculteurs, avait besoin de son aide pour « faire les foins ». Ce ne serait qu’après cette corvée

que le mariage pouvait avoir lieu. Il avoue aussi que la famille d’Isabelle, faute de temps en raison de ce

genre de besogne, ne pouvait s’occuper des préparatifs de mariage avant les foins. « C’est tout son côté

de sa famille qui s’est occupé du plus gros parce que mes parents à moi étaient assez âgés. Quand même,

financièrement ils étaient là pour nous aider » insiste André. Et à l’intérieur de toute la planification,

André estima que son rôle était d’écouter les précieux conseils de ceux qui avaient déjà vécu l’expérience

des préparatifs de mariage. « Je suivais ce que le monde me disait parce que moi c’était la première fois

puis la dernière fois que je me mariais là! » déclare-t-il.

Mes entrevues se poursuivent et je demande aux informateurs, individuellement et séparément, s’il avait

été question de célébrations telles que l’enterrement de vie de célibataire. Tous deux m’informent que

leur célibat, tout comme la fin de celui-ci, n’a pas fait l’objet de célébrations officielles. « Non dans

c’temps là311

, il y en avait qui en avait bien moi j’en ai pas eu. J’étais l’aînée puis mon mari était enfant

unique… ça fait qu’il y en avait pas de ça » déclare Isabelle. André soutient le même propos. Il ajoute

pourtant que leur groupe d’amis s’était rassemblé, comme il le faisait régulièrement, en ayant en tête

l’occasion qui se préparait et qui approchait, mais rien de plus.

Isabelle m’informe aussi du choix de la bague de fiançailles et des joncs de mariage.

« On a parti tous les deux ensemble puis André voulait que je choisisse celle que je

voulais. Il était de bon cœur ça fait qu’il n’y avait pas de prix pour la bague. Mais

comme de raison, je n’ai pas choisi la plus chère! Je savais ce que je voulais. C’était

un jonc puis la bague de fiançailles. Puis les diamants : j’aimais les diamants. Puis son

jonc à lui était la même chose. Seulement que moi j’avais des diamants puis lui, il

n’avait pas de diamants.»

Isabelle expose aussi le symbolisme derrière ces anneaux. « Le jonc c’est un cercle puis ça ne se défera

jamais pour moi ça là, c’est un cercle – il n’y aura jamais de fin. J’ai marié cet homme là pour la vie, pour

la vie! » répète-t-elle.

André raconte son histoire à sa façon et précise qu’il amena Isabelle au plus grand centre urbain du Nord

Ontario à l’époque. Tiens Isabelle, choisis celle que tu aimes, prends la bague que tu veux m’explique-t-

il. « Elle en a choisi une à son goût. Je voulais qu’Isabelle ait quelque chose à son goût.» André n’avait

pas dit à ses parents ses intentions. Il est arrivé à la résidence familiale avec son jonc qu’il ne portait pas,

ne sachant pas comment ses parents allaient réagir. Ils lui témoignèrent leur chaleureuse approbation et

lui offrirent leurs félicitations. Et dans ces bijoux, il y voyait un symbolisme. « Je voyais le symbole

qu’on allait partager notre vie ensemble puis qu’on était pour devenir un couple » relate-t-il.

310

La tradition voulait que le mariage soit célébré dans la paroisse de la conjointe. 311

Dans les années 1970.

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Arriva finalement la cérémonie du mariage tant attendue. Isabelle me fait part du déroulement de la

journée. « On s’est marié à trois heures (quinze heures) de l’après-midi puis il y avait un souper312

.

André a payé la musique » dit- elle. «Ce n’était pas rien de gros puis le lendemain il n’y avait pas rien

non plus. « J’avais une robe blanche, bien simple, un voile, puis un bouquet de fleurs. » En lui

demandant si, dans la préparation et dans la célébration du mariage elle avait été obligée de faire certains

compromis, elle m’assure qu’il n’en avait pas été le cas. Et en l’interrogeant sur ses souvenirs quant à la

cérémonie de mariage, les détails se mettent à abonder alors qu’Isabelle réitère l’un de ses plus beaux

moments de sa vie. Ses meilleurs souvenirs, elles les énumèrent un à un :

« Quand le prêtre te fait promettre les choses qu’il faut que tu promettes ; fidélité puis

tout ça ces choses là que tu promets à cet homme là. Il y a rien qui peut vous séparer

ça c’est juste la mort. Je suis très consciente de ça puis pour moi c’était bien

important! Pour moi la religion c’était vraiment important. Je savais que je promettais

ça à Dieu puis c’était une promesse que je faisais. »

« J’étais contente la première danse. La première danse c’était la danse qu’on aimait

tous les deux. Ça j’aimais ça. Le plus beau moment c’était la danse de tous les deux

ensembles. J’aurais aimé qu’elle dure longtemps, longtemps, longtemps. »

Quant aux pratiques traditionnelles, elle relève la fameuse formulette anglophone : « Something old,

something new, something borrowed, something new ».

Une autre des pratiques traditionnelles qu’elle soulève se rattache davantage à l’étiquette : « Pour

communier, moi j’avais des gants et puis on m’avait dit qu’il fallait que j’enlève mes gants pour

communier. Puis ça c’était important. » Finalement, la dernière tradition dont elle fait état est une

croyance qui se veut magico-religieuse.

« Le chapelet sur la corde à linge ça c’était bien important. Ils disaient que si tu

accrochais ton chapelet tu étais pour avoir une belle journée ensoleillée. Fait que le

matin de bonne heure, il fallait que tu mettes ton chapelet sur la corde avant que le

soleil se lève. J’étais bien de bonne heure c’te matin là!» avoue-t-elle.

Ces traditions, disait-elle, étaient importantes parce que ses prédécesseurs avaient emprunté les mêmes

pratiques. Elle affirme et constate que de toute évidence, son mariage fut traditionnel en raison de la

dynamique de transmission observable lors de l’événement. Pour justifier ce qu’elle affirme ainsi, elle

relate les pratiques empruntées de ses parents et autres membres de la famille qui lui servirent de guide

dans sa planification. Elle explique le sens de traditionnel en soulignant quelques faits : elle s’était rendue

à l’église avec ses parents vêtue de sa belle robe blanche; le fait que sa mère entra dans l’église parmi

tous les autres invités alors que son père et elle, bras dessus dessous, entrèrent à la suite du cortège

nuptial; le fait que son fiancé l’attendait accompagné du curé tout juste devant le jubé; le fait que son père

donna sa main au curé et que celui-ci la prit et la déposa sur celle d’André; et enfin, le fait que les chants

religieux accompagnaient la cérémonie. De plus, le fait que le mariage soit célébré dans une église

catholique fut l’un des aspects traditionnels les plus importants. Ainsi, les traditions catholiques du

mariage lui tenaient à cœur. « C’était important pour moi que ça soit à l’église. Puis c’était dans MON313

312

Les coûts du souper avaient été défrayés par les parents des deux familles. 313

Lettres majuscules. Intonation de la voix voulant marquer une importance.

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église où j’avais grandi, où j’avais fait toutes mes autres étapes314

pour moi c’était important d’aller me

marier DANS MON315

église ».

André aussi soutient l’importance d’avoir célébré son mariage dans une église catholique. « On était du

monde qui allait à la messe aussi dans le temps.316

Les dimanches dans c’temps là les magasins, les

ouvrages, tout arrêtait pour aller à la messe. De nos jours tout est ouvert le dimanche. » Et selon André,

aucun compromis n’avait à être fait pour combiner les valeurs des deux familles qui maintenant

s’unissaient dans le mariage. En lui demandant ce qu’il retient le plus de cette cérémonie, il répond :

« C’était de voir la mariée dans sa belle robe blanche. C’est ça qui était de plus beau !» Il soutient aussi

que son mariage en était un qui fut traditionnel parce qu’il a été vécu selon les conventions issues du rite

catholique. Comme coutumes traditionnelles il indique que « le mariage était catholique avec tout ce qui

se passe dans l’église. » Ainsi, il s’agirait de coutumes, rites et rituels religieux. Il précise aussi

l’importance des traditions religieuses en admettant :

« On a fait des vœux sincères. On se mariait dans notre paroisse avec nos membres de

famille. Aujourd’hui tu vois des mariages ça se fait en Jamaïque puis partout dans les

pays chauds. C’est quand même beau, je n’ai pas de problèmes avec ça mais ce n’est

pas ton curé de paroisse qui te marie nécessairement. Tu sais c’est ça que nous autres

on avait en valeur ! »

En lui demandant quels furent les plus beaux souvenirs de cette célébration, André précise qu’ils sont sur

le plan des émotions, des sentiments vécus cette journée là.

« Mon plus beau souvenir c’était d’entreprendre ma vie avec Isabelle! On était ami,

on était proche, pas de p’tites gribouilles quant on sortait, pas de chicanes, pas eu de

choc, ça fait que j’étais content de me marier avec elle et d’entreprendre ma vie. »

La noce elle-même fut décrite par Isabelle de la façon suivante : « Pendant la soirée, autour de onze

heures (vingt-trois heures), il y avait un lunch. Ma mère en a fait 317

, sa mère318

en a fait, et puis mes

tantes… ce n’était pas acheté. » Le couple avait pourtant acheté un gâteau aux fruits, l’avait coupé et

emballé dans de petites boîtes. Les boîtes furent déposées dans un panier près de la porte d’entrée et

chaque invité en prenait un. Le gâteau aux fruits était important pour Isabelle. Lorsqu’elle allait à

d’autres mariages, il y avait aussi ces mêmes petits gâteaux. Selon la croyance, les filles non-mariées

n’avaient qu’à déposer la petite boîte de gâteau sous leur oreiller et l’on disait qu’elles allaient « rêver à

leur prince charmant ». Isabelle voulait aussi permettre aux filles de pouvoir rêver. Elle savait que les

filles qui étaient à son mariage voulaient avoir ce morceau de gâteau et ce dernier était important pour

elles aussi. En ce qui a trait aux invités, Isabelle indique que « c’était de la parenté proche » tels que la

famille immédiate, évidemment, ses grands-parents, ses oncles et ses tantes du côté maternel et paternel,

ainsi que leurs enfants. « Ce n’était pas beaucoup de monde, ce n’était pas un gros mariage. » Son plus

beau souvenir de la journée elle le décrit de la façon suivante :

« Dans l’église c’était beau, c’était vraiment beau! Tout le monde était heureux! Moi

j’étais heureuse, je sentais qu’André était heureux tout le monde autour de nous, tout

314

Ces étapes seraient le sacrement du baptême, le sacrement de la réconciliation, le sacrement de l’eucharistie et la

confirmation. 315

Lettres majuscules. Intonation de la voix voulant marquer une importance. 316

En général, il y avait beaucoup plus de pratiquants à l’époque. 317

Avait fait de la nourriture. 318

La mère d’André.

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le monde était heureux. On est sorti de l’église, c’était beau, c’était comme une joie tu

sais? Une grosse joie! Puis pour la soirée tous ceux qu’on aimait étaient là. Les amis,

les frères les sœurs, les tantes, les oncles, tout le monde était content. Moi c’était

quelque chose que je voulais.»

En ce qui a trait à ses invités pour la noce, André m’informe que sa parenté était limitée. Il invita alors

ses amis ainsi que ses collègues et exprime « ça m’a fait plaisir d’avoir eux autres parce que ça faisait du

monde un peu sur mon côté à cause que je n’avais pas tellement de parenté ». Quant à la réception, il

déclare qu’elle était belle. « C’était le fun, on a bien aimé ça. Tout s’est bien passé. » Il ajoute aussi qu’il

était question, lors de la réception, de quelques coutumes. « La jarretière durant la soirée319

. Des p’tites

choses qui sont le fun qu’on se souvient pour la vie ». « Je sais que j’avais été obligé de cacher ma

voiture parce que les gars, ils planifiaient d’accrocher des cannes à l’arrière pour que ça mène le diable ça

et puis on a réussi de la cacher320

». Il décrit l’importance de ces coutumes à sa façon, comme suit :

« C’était important parce que dans notre groupe à nous autres on était les premiers à

se marier puis à faire ça l’affaire avec la jarretière. On trouvait ça tellement drôle

quand on a vu les autres qui suivent après nous-autres puis on allait à leur mariage.

On ne se voyait pas faire mais c’était drôle de voir les autres, comment est-ce qu’ils

entreprenaient ça ».

Tous deux indiquent qu’ils partirent en lune de miel dans le sud de l’Ontario, à l’endroit célèbre où sont

les Chutes du Niagara.

L’entrée en ménage nécessita une certaine adaptation de la part d’Isabelle. Elle quittait la vie agricole et

ses travaux pour aller habiter la ville bien que celle-ci fut très petite. Elle raconte :

« André était très, très proche de ses parents. Ça fait qu’on n’avait pas le choix, notre

appartement était dans la même maison que ses parents. Il y avait juste une porte qui

nous séparait. Puis le ménage321

, André l’avait tout acheté avant le mariage. C’était

tout du ménage neuf. Il m’avait laissé choisir. Même je pense deux mois avant le

mariage tout était dans l’appartement puis tout était bien placé ».

Isabelle quant à elle avait acheté de la vaisselle avant le mariage pour l’appartement. Bien que tout soit

bien aménagé, le couple choisit de ne pas cohabiter ensemble avant le mariage.

André confirme ce qu’Isabelle explique : « Notre appartement était prêt à déménager dedans, tout était

installé, tout était prêt. C’était un bloc appartement que mon père avait puis on est demeuré dedans pour

les premières années, ça venait sans loyer ».

319

La coutume veut que la mariée porte une jarretière autour de la cuisse. Pendant la soirée, au son de la musique,

l’époux doit retirer la jarretière de la conjointe dans un jeu coquin. Par la suite, on demande à tous les hommes

célibataires de la salle de se réunir pour une compétition. Le but est d’attraper la jarretière que l’époux lance dans

les airs. On dit que le vainqueur sera le prochain à se marier, ce qui est tout un honneur. 320

Par tradition, on décore la voiture des mariés en accrochant, à l’aide de cordes assez longues, des cannettes de

boissons gazeuses ainsi que des boîtes de conserve, dans le but de faire un vacarme qui attire l’attention de tous les

passants, annonçant que le couple vient de se marier. 321

Ménage : meubles et appareils.

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C’est dans ce foyer, qu’Isabelle et André élevèrent deux de leurs enfants.322

En ce qui a trait à l’éducation

des enfants, Isabelle affirme que c’était elle en grande partie qui en était responsable. Elle ajoute aussi

que c’était important de montrer à ses enfants qu’il fallait prier à tous les soirs avant d’aller se coucher.

«Dans ce temps là ils disaient Si tu tombes endormi sur ta prière, tes vœux vont être exhaussés ».

Pendant la prière il s’agissait de remercier le « Bon Dieu » de la belle journée. Elle se souvient de voir

son grand-père prier.

« Il avait la coutume de tourner une chaise, de se mettre à genoux par terre et de

reposer ses coudes sur le siège de la chaise et mettait son front dans les barreaux de la

chaise. Puis là il récitait un chapelet à haute voix et il commençait la moitié du Notre

Père puis le reste de la famille continuait la prière. Puis c’était très sérieux ».

Elle souligne à quelques reprises l’importance de montrer la religion à ses trois enfants. De plus, elle

ajoute qu’il était important de souper ensemble à tous les soirs. C’est à ces occasions que les enfants

pouvaient partager les événements de la journée ce qui, selon elle, permettait de passer du temps en

famille à tous les jours. Les valeurs qu’elle tenait à leur enseigner était le respect envers les adultes,

l’honnêteté, le travail en précisant qu’il était important d’être bien travaillant, et indiquait aussi que les

parents devaient servir de modèle à leurs enfants… « mais le respect … c’est le respect !» répète-t-elle

en précisant son importance. Ce sont selon elle les mêmes valeurs qui lui ont été transmises sauf qu’il y

avait, elle en a bien conscience, un « changement d’époque323

» indique-t-elle.

André déclare qu’il partage une vision identique à celle de sa femme quant à l’éducation de ses enfants.

« Absolument! Elles ont une bonne éducation. On a été chanceux on a eu trois filles puis on en est très

fiers jusqu’à aujourd’hui! » Il déclare aussi qu’Isabelle et lui orientèrent leurs filles du mieux qu’ils le

purent de façon à ce qu’elles choisissent de continuer leurs études postsecondaires afin de décrocher de

bons emplois payants. Mais pour généraliser sur l’éducation, André explique « On a suivi la routine.

Elles allaient à l’école catholique première des choses, très important. Elles allaient à l’école française,

une autre chose qui était très importante pour nous autres. » En ce qui a trait aux valeurs familiales

enseignées dans le foyer, André déclare « pour moi les valeurs les plus importantes c’est la famille. Elles

ont des enfants elles aussi et puis je pense qu’elles comprennent ce qu’on veut dire ». Sans aucun doute,

André est très attaché à sa famille étant devenu orphelin quelques années seulement après son mariage.

« Je sais que mes parents étaient du monde religieux et tout, et demandaient rien que pour mon bien. » Ce

sont, selon lui, les valeurs qui lui furent transmises.

2.1.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Émilie, fille d’Isabelle et d’André, petite fille de Jeanne et Gérard, et son conjoint Brian m’informent

qu’ils se rencontrèrent d’une façon assez particulière. « When I was twenty324

, my brother was dating

her sister and we used to always joke around asking if she had a cute younger sister. I guess she was

seventeen and I was twenty and the cute younger sister was at my house» raconte Brian. We dated for

two years before we got engaged and then we were engaged for two years before we were married ». 325

322

Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980. 323

Isabelle associe le changement d’époque au changement de génération. Ainsi, les valeurs aurait été les mêmes

tandis que la génération aurait été différente. 324

1996 325

Rencontre en 1996, fréquentations en 2000, fiançailles en 2002 et mariage en 2004.

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58

De leurs fréquentations, Émilie retient un comportement conforme à l’esprit de chevalerie chez son

« prince charmant ». « Brian était toujours poli, il ouvrait la porte des autos, il me laissait toujours passer

en avant, il laissait la porte des magasins ouvertes …» Émilie dit que cette courtoisie est encore bien

présente chez son époux. Brian quant à lui, m’informe que durant une grande partie de leurs

fréquentations, la relation en fut une de distance parce que tous deux poursuivaient leurs études

postsecondaires à des établissements loin l’un de l’autre.

C’est après deux ans de fréquentations que Brian fit une demande officielle en mariage à Émilie. « Il

s’est mis à genoux. C’était par surprise! Il s’est mis à genoux pour me demander en mariage » en

m’indiquant aussi qu’aucun protocole n’avait été suivi. « On en avait déjà discuté qu’on voulait se

marier puis avoir des enfants. On avait les mêmes buts » avoue Émilie. Brian témoigne aussi qu’il avait

été question de discussions de projets et de rêves d’avenir. Émilie pensait qu’il allait faire la demande

officielle à Noël, à la Saint-Valentin, à sa fête… En fait, il lui fit la demande à un moment où elle s’en

attendait le moins : une simple journée ordinaire. « She was expecting it every other way. So I was

looking for a surprise. I wish I had asked her father, I don’t know how traditional he was. And he has

always been supportive but I regret a little bit that I didn’t ask him. » Quant au choix de la bague, Émilie

m’informe que c’est Brian qui l’avait sélectionnée. « I picked it with a general idea of things that she

thought were pretty. She never pointed that one out or anything». Le couple accorde une grande valeur à

cette bague, porteuse de symboles. «Dans la bague on voit le passé, présent et futur avec le nombre de

diamants puis la façon qu’elle est positionnée » déclare Émilie. « Engagement is obviously to get

married. You love somebody you don’t want to spend your time with anybody else. The ring symbolises

that marriage is around the corner and she is the only one» m’explique Brian.

Émilie parle aussi de la façon qu’elle confectionna un trousseau. Elle me confie que celui-ci n’était pas

pour le mariage mais bien pour son appartement, lorsqu’elle partirait pour ses études. C’est en fait un

gros coffre en pin blanc fabriqué par son parrain, un charpentier, qu’elle remplit de toutes sortes de

choses. Sa mère lui avait fait part de tous les items qu’elle aurait besoin dans son appartement pour être

en mesure de se faire à manger et d’effectuer toute tâche ménagère. De plus elle recevait aussi souvent, à

sa fête, ou à Noël, des items tels que des casseroles, des serviettes, de la vaisselle, des ustensiles, des

bols… pour ajouter à ce trousseau. « C’est juste des choses qui m’appartenaient puis je voulais les

apporter » me dit-elle. Brian, son conjoint, me dit qu’il n’avait pas de trousseau.

La préparation du mariage se fit de façon très similaire aux deux autres générations précédentes. À la

différence des deux autres générations, Émilie m’informe d’une nouvelle pratique. « On a dû prendre des

cours de préparation au mariage à cause de différentes religions326

. » Et dans les préparatifs, chacun avait

son rôle. « C’est la mariée qui a préparé tout puis organisé tout pour le mariage. Brian faisait ses

commentaires, puis ses traditions selon sa religion, coutumes et traditions selon sa religion327

» Émilie

précise que Brian et elle choisirent de respecter les traditions religieuses de chacun dans leur mariage. Le

ministre rappela certains passages de l’évangile et bénit le couple. Le couple ainsi que le prêtre et le

ministre s’assurèrent qu’il y ait un équilibre entre les deux religions lors de la cérémonie. Ainsi, le

mariage se fit dans une église catholique et est alors reconnu par les deux religions soit catholique et

326

Émilie est catholique et Brian est protestant. 327

Par exemple, lors d’un mariage protestant, il n’y a habituellement pas de communion.

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protestante.328

De plus, le couple choisit des textes bibliques représentant les valeurs qui sont les plus

importantes comme par exemple le passage des Corinthiens « Love is perfect, Love is kind... » D’autre

part, il fut question, lors de la préparation du mariage, d’un genre de célébration qu’Émilie considère

comme étant un peu comme un shower de filles. « C’était une petite célébration, une p’tite rencontre.

Entre mère, fille, tantes, grand-mère. » Elle reçut quelques cadeaux tels que des verres de cristal, des

chandelles, des certificats-cadeaux chez une esthéticienne… Émilie ne considère pourtant pas que cette

célébration soit d’une grande importance ni obligatoire. « C’est une p’tite célébration mais c’est pas

quelque chose qui doit être fait. C’est une gentillesse. »

Brian m’offre son point de vue sur la préparation de son mariage. « Lots of trips of coming back on a

regular basis for the better part of nine months329

.» Il témoigne, tout comme l’a fait Émilie, que celle-ci

fut responsable de la majorité des tâches relatives à la préparation du mariage.

« She had planned her wedding since she was a little girl so she was very much

involved in it. Émilie did the bulk of the work. I had to make sure the ring showed up

with my best man. I guess I had a bit of a role too because it was a dual wedding so

we had my parent’s protestant English minister involved as well as the French

catholic side. So there was a lot of liaising between the two families. »

Brian me fait aussi part d’une pratique intéressante.

«There was an amusement party with family members and a few close friends. I don’t

think it changed anything. I don’t want to call it a formality but it was important to

people involved so it was a chance for all the family to get together. It makes it

important.»

Alors qu’il y eut un genre de shower de filles pour Émilie, une rencontre entre les deux familles des

futurs-époux, Brian indique aussi qu’il fut question d’une petite célébration mélangeant les traditions

d’un enterrement de vie de garçon à celle d’un stag330

. Par exemple, il y avait des prix à gagner, le futur-

marié n’a pas été déguisé ou décoré, la nuit ne s’est pas passée en circulant partout dans la ville.

Plusieurs hommes plus âgés y participèrent tels que des amis de son père. La soirée était considérée

comme étant calme mais les hommes s’amusèrent tout de même en partageant des histoires.

« I remember that during the daytime we played paintball which is not something I

normally do but it was fun with a group of friends. And then we went to dinner and

then we rented a loft of a British pub and the shooters came out. My night ended way

earlier than most stags probably. For me it was a formality of getting together with

friends and having a fun time. It wasn’t the beginning of the end or anything like that

like you hear people say. It was traditional I guess. »

Émilie et Brian m’informent aussi au sujet de leur mariage. Ils considèrent tous deux leur mariage

comme traditionnel, en se référant notamment à l’habilement de la mariée et au dicton populaire qui s’y

rattache. Ils soulignent également la place et le rôle du père de la mariée et certaines pratiques usuelles

dans les circonstances : « C’est la robe blanche, quelque chose de bleu, quelque chose de neuf… , le

328

Le mariage mixte entre catholique et protestant dans une église catholique est possible seulement si le prêtre de

la paroisse le permet. Il faut faire demande d’une dispense et le couple doit promettre en signant un contrat, de faire

baptiser et d’élever leurs enfants selon la foi catholique. 329

Brian travaillait dans une autre ville, à plusieurs heures de distance. 330

Célébration où il est question de recueillir des fonds pour défrayer les coûts du mariage.

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voile, se faire marcher jusqu’en avant avec Papa, la danse avec Papa, la danse avec la maman et son fils

(le marié), lancer le bouquet, lancer la jarretière, le gâteau » avance Émilie. Elle ajoute le souper, en

parlant de son déroulement habituel et de son menu. En effet, il y avait une table d’honneur à laquelle

étaient assis les membres qui formaient le cortège nuptial. On y servit du poulet, du bœuf, des patates

pilées, des légumes, du sucre à la crème, et une variété de tartes.331

Elle continue de me fournir des

exemples de pratiques traditionnelles telles que la première danse des mariés, le fait que le mariage s’est

célébré dans l’église332

et donc dans la paroisse et la ville natale d’Émilie et aussi le fait que des photos

furent prises sur le perron de l’église avec toute la famille, la parenté et les invités. Il y avait huit

personnes dans le cortège nuptial soit une dame d’honneur333

, deux filles d’honneur334

, un homme

d’honneur335

et deux garçons d’honneur336

, une bouquetière et un page337

. Une limousine avait conduit

Émilie à l’église accompagnée de la dame d’honneur, des filles d’honneur et de la bouquetière. Cette

limousine attendait les mariés à la fin de la cérémonie du mariage. Le couple se dirigea à un endroit

choisi, tout près d’un plan d’eau, pour prendre des photos de mariage. Les conjoints se rendirent par la

suite à une salle louée pour la réception. Émilie raconte aussi que les futurs-époux, leurs parents ainsi que

les membres du cortège participèrent à la pratique de la cérémonie la veille du mariage. Tous deux

retournèrent coucher chez leurs parents, même s’ils cohabitaient ensemble. Ils respectèrent la tradition de

se quitter après la pratique de la cérémonie pour se voir à l’église seulement le lendemain pour la journée

du mariage. Son époux n’avait pas vu la robe non plus. Pour Émilie, le mariage signifie que « ça fait

juste partie de l’histoire de princesse, l’histoire de mariage. » En lui demandant de me partager son plus

beau souvenir elle m’avoue que la journée toute entière l’était.

Le témoignage de Brian va dans le même sens. Il explique que si son mariage ne fut pas exactement

comme ceux auxquels il avait déjà assisté, les coutumes et les traditions religieuses et culturelles étaient

bel et bien présentes. « It was in English AND338

French and catholic and protestant in a catholic church

which I’m sure even ten years before it would have been rare.» Il ajoute qu’au mariage de ses parents,

lorsque son père qui était catholique épousa sa mère qui était protestante, plusieurs membres de la famille

catholique refusèrent d’assister au mariage.

« We both picked to do a bilingual wedding and in fact we did our vows in the

opposite language. I did mine in French because I understand it as well, and my wife

did her vows to me in English. We went with traditional vows and traditional

passages, like biblical where you get a handful to pick. We didn’t create our own

vows, which is nice too but we didn’t do that. We wanted it to be quite traditional. I

kind of always wanted a traditional wedding. I didn’t want something you always see

on TV that was freaky or anything. Yes, it’s important to me that my wedding was

traditional. »

331

Il y avait un gâteau de noces artificiel. C’était une décoration seulement. 332

Dans cette église, Émilie avait célébré tous ses autres sacrements tels que le baptême, l’eucharistie, le pardon et

la confirmation. 333

Émilie indique que la dame d’honneur avait un statut privilégié. Elle avait choisi l’une de ses sœurs. C’est celle-

ci qui devait aider la mariée toute la journée. 334

L’une d’elles était une de ses sœurs et l’autre était sa belle-sœur. 335

L’homme d’honneur était le meilleur ami du marié. C’est aussi un statut privilégié. 336

L’un deux était le frère du marié et l’autre était un de ses bons amis. 337

La bouquetière était la nièce du marié et le page était le cousin du marié. Tous deux étaient âgés de moins de 10

ans indique Émilie. 338

Intonation de la voix.

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Quant au plus beau souvenir de son mariage, Brian admet : « I cherish family being there for it, I cherish

the memory of first turning and seeing how my wife looked, everybody was in a good mood and there

was no arguing – it was just a nice day! »

Émilie me fournit des renseignements encore plus précis quant à la cérémonie du mariage elle-même.

« C’était un mariage dans une église catholique française. Il y avait un ministre pour la religion

protestante. Puis la cérémonie était française et anglaise. » Pendant la cérémonie, au lieu d’allumer la

chandelle d’unité339

le couple versa simultanément chacun un genre de verre rempli de sable dans un

grand contenant de vitre. Elle souligne que ce sable fut gardé en souvenir. Ceci symbolise leur union.

Parce que le mariage fut catholique-français et protestant-anglais, Émilie indique qu’il fut question de

faire quelques compromis.

« Il fallait inclure les coutumes de SA340

religion, puis inclure les coutumes de MA341

religion. Par exemple, la façon qu’eux autres… eux autres vont pas faire de

communion pendant la cérémonie de mariage alors il fallait décider si nous autres on

voulait en avoir une, des choses comme ça ».

Le prêtre et le ministre devaient s’assurer que les religions, soit catholique et protestante, soient

représentées de façon égale. «C’est le reflet de la vie de mariage: vie dans l’équilibre et la fraternité

quant aux pratiques et aux coutumes » souligne Émilie. Cette cérémonie de mariage fut importante pour

elle. « C’est ma journée de princesse, c’est ma journée de changement de vie, de laisser aller l’enfance,

se préparer à être plus mature, à avoir des enfants, à être moins attaché aux parents ». Lorsqu’elle était

petite, elle rêvait souvent à son mariage… et à son prince charmant. Elle se souvient aussi de petits jeux

qui dévoilaient le nom de son futur-époux342

. De plus Émilie expose les valeurs qu’elle retrouve dans

cette cérémonie officielle : autonomie, sécurité, réussite. « Être plus indépendante. Des valeurs de

prendre soin de moi-même ».

Brian, quant à lui, ne considère pas que les ententes entre les traditions linguistiques et religieuses sont

des compromis. «I don’t know about compromise. It was quick for a dual ceremony. There wasn’t the

traditional communion ceremony that made it take a long time. » Il prend aussi l’occasion de parler des

invités. « Lots of family members, quite a good amount of friends. It wasn’t a giant wedding but there

was probably one hundred and forty at dinner and one hundred and sixty after that; people that were

important to us and that were involved in our lives at that time.» De plus, il révèle ce qu’il retient le plus

de cette cérémonie de mariage. « I remember all of it. The biggest part is being there ahead of time and

not being stressed at all, not being nervous at all. And then when I was up at the front I finally got to turn

and see her for the first time in her dress – I felt like I lost my breath for a minute. I remember all of it! It

was a memorable day. »

339

Allumer la chandelle d’unité est un geste symbolique. Les conjoints allument chacun une petite chandelle.

Ensemble, à l’aide de celles-ci, ils en allument une plus grosse, représentant l’unité du mariage. 340

Intonation de la voix. 341

Intonation de la voix. 342

Il fallait par exemple tourner la « queue » d’une pomme en récitant l’alphabet à chaque tour. Lorsque la

« queue » s’enlève, on arrête de réciter l’alphabet… et cette lettre est entre autres la première lettre du nom du futur-

époux explique Émilie.

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Je demande par la suite à Émilie de me parler de la réception. Je remarque au fur et à mesure les

similarités et les différences entre la sienne et celles de sa mère et de sa grand-mère.

« C’était une belle réception. C’était ce que nous autres on voulait avec valeurs et

traditions. Comme robe blanche, bague, voile, bouquet, toute la planification qu’on

avait fait. En tant que coutumes bien j’avais le voile, puis j’avais la jarretière, j’avais

mon quelque chose de bleu… something old, something new something borrowed,

something blue, la robe était nouvelle, en-dessous de la robe ça avait été emprunté

pour la faire plus gonflée343

, puis la jarretière il y avait quelque chose de bleu. »

Émilie avait aussi des boucles d’oreilles qui étaient bleues. « C’était un cadeau qui a été fait par mon

mari. Le bleu c’était juste par adon344

mais il voulait que je les porte cette journée là ». Et la pratique

des traditions, Émilie y accordait une certaine importance.

« C’est juste des choses qu’ils faisaient avant puis que moi je voulais suivre. Je

voulais que mon père et ma mère marchent avec moi jusqu’en avant ensemble ; qu’on

a changé parce que normalement c’est juste le père qui marche avec leur fille345

. C’est

quelque chose qu’on doit suivre. »

Elle m’explique aussi que la coutume de la jarretière s’est déroulée au son d’une chanson rythmée.

L’époux d’Émilie a tourné son dos à la foule d’hommes célibataires et lança la jarretière. C’est le cousin

d’Émilie qui l’attrapa. La même sorte de tradition se déroula mais cette fois-ci pour les filles. Émilie

lança un bouquet qu’elle avait confectionnée elle-même avant le mariage.346

Elle ne se souvient plus qui

avait attrapé le bouquet. Parmi les invités, me révèle-t-elle, y étaient la famille, la parenté et les amis

proches. Après la soirée, le couple se rendit à un hôtel et quitta le lendemain pour leur lune de miel à

Cuba.

Brian affirme avoir gardé de très beaux souvenirs de son mariage. Il souligne :

« I had a great time. It went by so fast I don’t feel like I had enough time. I did my

best even though we had to almost part, divide and conquer to make sure all of the

guests were spoken too and given the equal time because I felt like they came for us

so I should try and spend time with each of them. We actually did have to split a little

bit to try and get that accomplished and between visiting with everybody and having

fun and everyone having a great time it was over in a flash. »

Il mentionne les mêmes traditions que son épouse en rappelant celles de la jarretière et celle du bouquet

de fleurs pour les célibataires.

« The wedding itself was quite traditional. Her dad gave her away and we had lots of

speeches at our wedding from family and best man and maid of honor and all that. I

think for the most part it was mostly traditional. We didn’t really go out of our way to

do anything experimental. It was pretty traditional so I guess we felt it was important

to go that way. »

343

Il s’agissait d’une crinoline. 344

Vernaculaire : par coïncidence. 345

En parlant de son entrée dans l’église jusqu’au prêtre, près du jubé. 346

C’était une balle de styromousse dans laquelle elle avait inséré des fleurs artificielles m’informe-t-elle.

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L’entrée en ménage pour Émilie fut très différente de celles de sa mère et de sa grand-mère. « J’avais

toutes mes choses parce qu’on avait été au collège alors lui347

il avait ses choses puis moi j’avais mes

choses. On avait tout pour un appartement » De plus, le couple avait cohabité ensemble avant le mariage

pour une durée d’environ neuf mois avant la célébration nuptiale. « Ce n’était pas facile au début parce

qu’on était habitués à nos propres choses, à faire nos propres petites choses puis là il fallait qu’on fasse ça

plus à deux. Mais ça bien parti. On a divisé nos tâches. On restait à la ville à cause de l’emploi. C’était

proche de son emploi puis de mon emploi ». Et en ce qui a trait à l’entrée en ménage, Brian quant à lui

m’informe sur la première demeure du couple. « It was a two bedroom apartment not in the nicest

building but it was close to both of our work. It was good because it had two bathrooms. It was our first

place together so we liked it enough plus it was close to both of our work. »

Enfin, dans cette même catégorie de pratiques selon la grille de Du Berger, se retrouve l’éducation des

enfants. Émilie et Brian ont deux jeunes enfants. Émilie témoigne que :

« C’est presque toujours la maman qui prend soin des enfants. Mais quand je travaille

le papa est aussi capable de faire mes tâches. Les valeurs et les coutumes, que je leur

transmets c’est plutôt comme, c’est plus facile de parler de coutume parce que je

pense que les valeurs changent, sont appelées à changer surtout dans un mariage à

différentes langues et différentes coutumes comme en religion parce qu’on met les

deux ensemble. Moi je pense que… je retourne encore aux coutumes, pour lui, pour

mon mari, il a des coutumes que nous on ne fait pas nécessairement qui ont peut-être

une grande valeur pour lui et qu’il aimerait que nos enfants pratiquent. Par exemple,

la Saint-Patrick, moi je fais rien mais lui il veut qu’on célèbre ça. Il veut qu’ils

apprennent la p’tite histoire pour qu’ils apprennent la Saint-Patrick. Moi je ne la

connais pas moi-même là. »

Elle fournit aussi quelques informations quant à d’autres fêtes :

« Bien la Sainte-Catherine c’est quelque chose que moi je célèbre mais que lui il ne

célèbre pas. Je fais de la tire avec mes enfants. À l’école je vais encourager les p’tites

fêtes comme celle des Franco-Ontariens… habiller mes enfants en vert et blanc. Mais

ensemble ce n’est pas nécessairement que c’est MA348

coutume puis mes valeurs c’est

juste quelque chose qu’on va décider de faire ensemble pour mettre les deux coutumes

puis les valeurs ensemble pour former notre PROPRE349

coutume puis nos valeurs.

Par exemple on a décidé de faire un Noël comme mon Noël quand j’étais jeune,

Pâques comme mon Pâques I guess que c’est parce que c’est plus important que ça

soit fêté comme ça pour moi que pour lui. Malgré que cette année on a ouvert les

cadeaux le matin de Noël comme dans sa famille parce qu’on était chez mes parents la

veille comme j’ai toujours fait. »

Quant à l’aspect religieux des fêtes traditionnelles, Émilie dit : « On n’a pas vraiment fait

aucune affaire de religion avec nos enfants. Pour avoir apporté continuellement nos enfants à

une église catholique OU350

protestante, on n’a pas fait ça encore. On ne peut pas vraiment

parler de valeurs religieuses. »

347

En parlant de Brian. 348

Intonation de la voix. 349

Intonation de la voix. 350

Intonation de la voix.

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Elle m’informe aussi de la ressemblance de certaines coutumes familiales célébrées par sa

famille et celle de son époux :

« Pour les coutumes elles sont pas mal proches les coutumes sauf pour peut-être dans

le temps de Noël. Eux autres351

dans leur maison, ils célèbrent Noël le jour de Noël

tandis que nous autres352

on célèbre plutôt le 24, le soir avant. Le réveillon, je ne

pense pas qu’ils sont aussi forts sur le réveillon que nous autres en tant que

famille. Moi je veux transmettre mes traditions. C’est des souvenirs d’enfance que je

veux qu’ils353

passent à travers. C’est des choses que moi j’aimais! ».

Quant au milieu scolaire, Émilie, comme déjà mentionné, a fréquenté des écoles catholiques et

francophones. Elle choisit d’envoyer ses enfants à une école francophone parce qu’elle est Francophone.

Elle croit tout de même qu’il est fort probable que ses enfants feront leurs études postsecondaires en

anglais.

« Pour l’éducation, je pense que lui354

préférerait que ses enfants fréquentent une

école anglaise parce que la langue principale du travail va être l’anglais. On les

envoie quand même à une école francophone, c’est juste parce qu’on pense que ça va

être plus facile pour nos enfants d’apprendre le français, dans un milieu français que

plus tard à essayer de se débrouiller pour apprendre le français. Parce que mes enfants

sont bilingues, j’espère juste qu’ils n’aient pas de difficultés à l’école à apprendre et

communiquer juste en français. C’est un positif pour eux d’être bilingues. »

Brian me parle des valeurs qu’il tente de transmettre à ses enfants. «I try to show them the love of

family and those values are the same on her side of the family. I don’t think there is a difference in our

values. Our families are a bit different but I think in the value system I don’t think there is a difference.»

Selon lui, la famille est une des valeurs les plus importantes. Quant à l’éducation scolaire, Brian indique

«I went to English public school but I’m all about them having French education in a French separate

school board. We have no difference of opinion on that. If they can’t handle complete French we can try

French immersion! We are both in complete agreement on how we want our kids educated.»

2.1.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle

Pour recueillir un corpus de données assez considérable quant aux valeurs traditionnelles, j’explore aussi

la vie individuelle des informateurs. Les aspects de cette catégorie permettent à ceux-ci de continuer leur

récit de vie et donc le récit de leurs pratiques. J’examine les plus grands moments de leur vie, soit la

naissance de leurs enfants à partir de la grossesse jusqu’au baptême. Car on le sait bien, la naissance d’un

enfant donne lieu à de multiples manifestations de tendresse355

. Ces moments qui se basent souvent sur

des rites, sont ponctués d’actions symboliques.

351

En parlant de la famille de Brian. 352

En se référant à sa famille ; ses parents. 353

En se référant à ses enfants. 354

En parlant de son époux. 355

Ernest HAVEMANN, La régulation des naissances, Time-Life international, Life international, Nederland,

1967, p. 3.

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65

2.1.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Jeanne et Gérard m’informent qu’ils eurent six enfants.356

En leur demandant ce qui guida leur choix

d’avoir des enfants, Gérard m’indique que « ça mettait de la gaieté dans la maison – on n’était plus seul.

C’était une tradition. Si tu n’avais pas d’enfants il fallait que tu aies un problème soit de fécondité,

quelqu’un qui n’avait pas d’enfants, il y a un problème». En ce qui a trait aux grossesses et aux

préparatifs à l’accueil d’un nouvel enfant, Jeanne indique qu’il n’y avait pas de shower de naissance à

l’époque. « On faisait leur trousseau357

nous-mêmes » indique-t-elle. Elle raconte qu’une fois le premier-

né arrivé, elle se rendit chez sa mère pour deux semaines. C’était celle-ci qui avait la responsabilité des

relevailles. « Après ça, quand j’étais assez forte je suis retournée chez-nous » explique Jeanne. « Moi

j’étais habituée, je savais pas mal qu’est-ce que c’était des enfants puis j’avais élevé ma p’tite sœur. Je

n’avais pas besoin de prendre les conseils d’un autre » ajoute-telle. Je demande aussi à Jeanne et Gérard

s’ils ont fait baptiser leurs enfants et les raisons derrière leur choix. Ils me répondent ensemble et sans

hésiter « parce qu’on est catholique! » « Il fallait que tu baptises ça au plus vite parce que s’il arrivait

quelque chose, le bébé s’en allait dans les limbes » ajoute Gérard. Ils racontent aussi que c’est Gérard,

accompagné de ses beaux-parents qui se rendirent à l’église pour faire baptiser leur premier enfant. Ils

ajoutent que les infirmières qui étaient présentes lors de l’accouchement étaient des religieuses. Jeanne

indiqua à son mari qu’une fois à l’église, elle souhaitait que sa fille porte le nom officiel d’une de ces

religieuses en son honneur. Le choix du parrain et de la marraine pour le premier-né était facilité en

raison du sexe du bébé me dévoilent-ils. Si c’était une fille, c’était les parents de la mère de l’enfant qui

allaient être choisis comme parrain et marraine et le même principe s’appliquait pour un bébé garçon,

mais cette fois-ci du côté paternel. « C’était ça qui était la routine » explique Jeanne. « Il n’était pas

question de prendre les frères et les sœurs des parents de l’enfant c’était les parents en premier puis après

ça les frères puis les sœurs » ajoute Gérard. Et pour le deuxième enfant, il fallait prendre comme parrain

et marraine les parents qui n’avaient pas été désignés pour le premier enfant. Ensuite, les parrains et

marraines étaient choisis de chaque côté de la famille à tour de rôle. « Nous autres les Catholiques

Français c’était ça » précise Gérard.

2.1.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Isabelle raconte ce qui en était des préparatifs de la naissance de leur premier enfant. 358

Je lui demande

premièrement s’il avait été question de shower de naissance. « En ce temps là, c’était très rare ceux qui

en avaient » me répond-t-elle. Elle explique que c’était le couple qui achetait tout. Elle déclare aussi

qu’elle attache beaucoup de sentiments à un jouet; une balle avec des oiseaux à l’intérieur qui avait été

acheté pour leur premier enfant. Elle le garde ainsi en souvenir. Le berceau avait été passé de génération

en génération. C’était celui que sa grand-mère avait utilisé. Tous les bébés de celle-ci y dormirent. Il fut

offert à sa mère, avant sa naissance et elle l’utilisa aussi pour ses trois enfants avant de le passer à l’une

de ses sœurs. Et en lui demandant pourquoi André et elle avaient choisi d’avoir des enfants, elle

m’explique que c’était une décision qu’ils avaient prise ensemble. Une fois le bébé né, elle ne ressentit

pas le besoin d’aide et il n’y eut pas de relevailles. Elle accepta quand même les conseils et acquiesce

qu’il y en avait peut-être trop. « C’était des conseils de ma grand-mère359

, ça il y en avait » avoue-t-elle.

356

Entre 1957 et 1970. 357

Le trousseau de naissance consistait en couvertures, vêtements, jouets, entre autres. 358

Vers le milieu des années 1970. 359

De ma grand-mère : dicton vernaculaire qui voudrait décrire ce qui est invraisemblable.

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Elle donne quand même des exemples des conseils qu’elle avait suivis. Par exemple, elle attachait une

petite médaille religieuse et bénie à la camisole du bébé. « C’était un signe pour protéger le bébé contre

les maladies, c’était un signe de religion. Moi j’en avais eu quand j’étais petite puis j’ai continué à en

mettre des médailles » dit-elle en racontant que ses enfants portèrent des médailles jusqu’à ce qu’ils

soient en âge scolaire360

. Une de ses filles porta même la médaille avec une chaîne pour une période plus

longue, jusqu’à l’adolescence. Cette dernière est née un Samedi Saint et une religieuse lui avait offert

cette médaille.

Isabelle explique aussi l’importance du baptême. « C’était bien, bien, bien important pour moi de faire

baptiser le nouveau-né puis le plus de bonne heure que je pouvais.361

. Ce n’était pas discuté. C’était

certain que l’enfant se faisait baptiser ». Elle avait aussi reconnu, selon la religion catholique, qu’il était

de mise que ses filles portent le nom de Marie. Elle relate qu’elle aussi porte ce prénom (nom du milieu

qu’elle dira) et que la majorité des filles de l’époque avaient été baptisées selon cette même tradition. En

tant que parrain et marraine, le même principe que celui que ses parents suivirent fut appliqué. Ainsi,

puisque son premier enfant fut une fille, ses parents furent désignés comme parrain et marraine. Et les

cadeaux qui étaient offerts lors du baptême étaient strictement religieux. Parmi ces objets de piété, il y

avait des crucifix, des petits anges… Isabelle explique aussi que le baptême était aussi le tout premier

sacrement religieux qui montrait que l’enfant faisait partie de la communauté chrétienne et catholique.

Les baptêmes de leurs filles se célébrèrent dans la paroisse à laquelle André appartenait depuis

longtemps, devenue la paroisse adoptive d’Isabelle.

André m’informe que l’arrivée de leur premier enfant fut plus d’un an après le mariage.362

« La grosse

affaire avec ça c’est quand le bébé est né. C’est que moi j’avais eu ma fête puis j’ai passé la nuit à

l’hôpital à attendre que le bébé vienne au monde parce que ça aurait tombé exactement la même date que

moi vingt-deux ans plus tard! » Il m’indique aussi la raison pour laquelle ils avaient choisi d’avoir des

enfants.

« C’était mutuel notre affaire d’enfant ! Moi étant enfant unique je n’étais pas familier

trop trop avec ça des bébés mais Isabelle était une plus vieille de famille puis elle s’y

connaissait. Elle a changé son p’tit frère de couches puis même ses sœurs souvent ça

fait qu’elle était habituée à ça puis je savais que si on avait un bébé qu’il était pour

être entre de bonnes mains! »

Avant d’avoir des enfants, André admet avoir réfléchi à la situation et aux considérations qui devaient

être prises. « Oui c’est sûr qu’on s’est dit écoute là ça va être une personne qui va falloir qu’on élève et

puis faire certain d’être capable de lui donner toutes les nécessités pour la vie pour ne pas avoir quelqu’un

dans la misère. On voulait que le bébé soit bien pris soin! » Quant aux relevailles André explique que

« la nouvelle maman s’est débrouillée par elle-même. Il y avait ma mère qui restait pas loin puis elle

dodichait363

le bébé mais pour aider là elle était trop vieille pauvre elle. Isabelle s’est débrouillée très, très

bien. » Quant aux conseils qu’ils reçoivent à la naissance de leur première petite fille, André témoigne

360

Soit environ quatre ans. 361

À l’époque, (celle d’Isabelle et celle de ses parents selon les informations de ces informateurs) on disait que

l’enfant non-baptisé irait dans les limbes s’il mourrait sans être baptisé. On s’empressait ainsi de se rendre à l’église

et de faire baptiser l’enfant pour éviter que son âme erre dans l’éternité des limbes. 362

Milieu des années 1970. 363

Dodicher : Expression vernaculaire voulant dire dorloter.

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« qu’il en venait de partout, c’est juste qu’on écoutait ce que nous autres on voulait faire pour déterminer

comment qu’on était pour élever notre enfant puis je pense qu’on a bien réussi. » En continuant mon

enquête, je demande à André de me parler du baptême de ses enfants. « Les enfants ont tous été baptisés

puis tous à la même place aussi ! Le baptême puis toutes les autres choses364

qui viennent avec ça ». De

plus, André affirme que la décision de faire baptiser leurs enfants était unanime et reposait sur le motif

qu’ils étaient catholiques.

« On s’était fait baptiser puis on a passé par là puis on voulait que nos enfants soient

comme nous autres. Le baptême était important c’était dans notre religion. On était

des croyants. La religion catholique c’était comme ça que ça se passait puis on ne

voulait pas être différents. Les parrains et marraines c’était sur le côté d’Isabelle parce

que je n’avais pas de frères, pas de sœurs ça fait que c’était tout sur son côté. C’est de

très bons parrains et marraines.»

2.1.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Émilie donne naissance à son premier enfant après avoir acheté une maison sachant que son emploi et

celle de son époux étaient stables. 365

« On voulait être bien établi, on venait juste d’acheter notre première maison pour

avoir plus de place. On ne voulait pas élever un enfant dans un appartement. On avait

une p’tite place, puis on en voulait une plus grande place. On voulait s’assurer qu’il

ait au moins une p’tite cour pour aller jouer. On voulait un environnement tranquille

alors pas en plein milieu de la grande ville. On a toujours voulu avoir des enfants » me

fait remarquer Émilie.

« J’ai eu mon bébé avant le shower de naissance366

alors tous les cadeaux ont été

envoyés. Je savais qu’il y avait un shower de planifié. C’était une gentillesse. Ce n’est

pas quelque chose de très important. Ce n’est pas sur quelque chose que je me fiais.

C’était pour l’arrivée du p’tit bébé, ce n’était pas pour moi. En tant que cadeaux, il y

avait du linge, des p’tites choses comme des p’tites plaques, des p’tits coffres, un

parc … »

Sa mère lui avait organisé le shower un mois avant la naissance de son enfant. Émilie devait se déplacer

dans sa ville natale où le shower devait avoir lieu. Les femmes de sa famille immédiate, celles de la

parenté des deux côtés de la famille ainsi que ses amies étaient invitées. « J’ai une valeur sentimentale

envers un toutou qui a été donné quand mon bébé était à l’hôpital, à la naissance, puis ce toutou là, c’est

le favori de mon enfant puis c’est devenu mon favori ».

Je demande aussi à Brian la même question que j’avais posé aux autres informateurs quant au choix

d’avoir des enfants. Celui-ci semble pourtant un peu surpris de ma question.

« It’s a simple but hard question at the same time. You want something but how do

you necessarily explain why you want something. More than just selfish reasons of

wanting to love a child and having him love you back I guess. Continue with our

family. The baby was born just a couple of months before our fourth year

anniversary » révèle Brian.

364

En parlant des autres sacrements tels que l’eucharistie, le pardon, la confirmation et le mariage. 365

Vers la fin des années 2000. 366

En raison de la naissance prématurée (2 mois) du bébé.

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Et tout comme sa conjointe, il m’informe des considérations prises avant la grossesse ainsi que des

préparatifs pour la naissance.

« We switched a bedroom into a baby’s room and planned ahead with stuff like that.

We were pretty organized, had things all set up and talked about setting things up

financially with our jobs and even vehicle size. Lots of people provided gifts as if

there had been a shower. We got lots of baby clothes and lots of things to prepare for

the kids. I guess she sort of did have a slight baby shower with people from her work

because she got together at one of her friend’s houses with a dozen of them or so from

where she worked and they gave her a big basket of receiving blankets, clothes,

pyjamas... From other people we got like stuff like a diaper genie and all kinds of

things like that to be prepared. Some people made – a lady, a friend of my mom’s she

made homemade receiving blankets, despite her being very sick with cancer so she

was still able to do that. »

Et en ce qui a trait à la valeur sentimentale accordée à un cadeau, Brian affirme : «I feel bad ! None stand

out as more sentimental than others. Everyone came with – they all had the same intent behind them».

Parce qu’Émilie et Brian demeurèrent, pendant quelques années, dans une ville éloignée de leurs familles,

les relevailles nécessitèrent que certaines personnes se déplacent pour quelque temps. Émilie m’informe

que sa mère et sa belle-mère parcoururent la distance, chacune à leur tour et puis pour une durée

d’environ une semaine chacune pour l’aider à se relever de son accouchement. Brian avait aussi pris

quelques semaines de congé pour être à ses côtés et pour prendre soin du nouveau-né. Elle témoigne

qu’elle n’avait pas eu beaucoup de conseils « parce qu’elles367

savent que tout a changé depuis qu’elles

ont eu des bébés! » Elle avait tout de même entendu dire que si le bébé ne dormait pas la nuit et qu’il

dormait le jour au lieu, de le tourner en lui faisant faire des genres de culbutes afin qu’il se réoriente avec

le temps. « Everybody gives advice about parenting» indique Brian en riant. «And they all want to say

I’ll just give you one piece of advice. It’s mostly like gadgets of feeding or things like that where people

say This works best for us so it should work best for you. »

Et parce qu’Émilie et Brian croient chacun dans leur propre religion, il est intéressant de connaître ce

qu’ils font des différents dogmes lorsqu’il est question de transmettre les pratiques religieuses à leurs

enfants. Émilie m’informe que ses enfants se sont fait baptiser dans une église catholique française.

Selon elle, les motifs derrière cette décision résideraient dans la tradition. « Ça n’a pas nécessairement de

valeur c’est juste quelque chose qu’on fait normalement en tant que catholique français. » Elle souligne

aussi que cette décision était unanime. « Ça signifie plus ou moins que le parrain et puis la marraine vont

lui aider avec les p’tites choses de religion. On a choisi la même église où on s’est marié. On voulait

garder la même religion avec la même langue. » Le prêtre a célébré certaines parties du baptême en

anglais afin que la famille de son époux et les autres familles anglophones qui assistaient au baptême des

autres enfants puissent comprendre. Elle croit aussi que le prêtre a fait de la sorte parce qu’il s’agit bel et

bien d’accueillir l’enfant dans la famille des Chrétiens, et son époux, même s’il ne pratique pas la même

religion qu’elle, est tout de même un Chrétien lui aussi. Ils choisirent en tant que parrain et marraine pour

leur premier enfant l’une des sœurs d’Émilie et le frère de Brian « parce qu’on savait qu’on pouvait se

fier à eux. Ces personnes ont déjà des enfants et sont bien établis. »

367

En parlant de sa mère et de sa belle-mère.

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Brian révèle aussi que la décision fut unanime quant au baptême de leurs enfants.

« It was important to her and so I didn’t fight it. Without sounding rude, it was for my

wife and her family. We are trying to keep even, even though I’m technically

bilingual I’m more English, so we try to keep as much French as we can. It’s also the

Church she368

was baptized in».

Et pour le choix du parrain et de la marraine pour leur premier enfant, Brian explique qu’ils demandèrent

à un couple de leur famille « We are relatively close to them and we wanted traditionally close people ».

2.1.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique

La vie domestique, c’est la sphère du privé. Et cette sphère, a été considérablement modifiée au milieu

du XXe siècle en raison de l’entrée massive de la femme sur le marché du travail. Toujours est-il que

règle générale et indépendamment de l’époque, tout couple doit nécessairement s’ordonner de façon à

créer sa propre structure fonctionnelle à l’intérieur de son foyer. Les activités quotidiennes et les tâches

diverses qui font alors partie de la vie domestique sont divisées et réparties entre les conjoints. Les

données fournies par les informateurs sont divisées en deux volets. Le premier expose les tâches et

activités domestiques et quotidiennes ainsi que leur partage entre les conjoints avant l’arrivée des enfants

alors que le second se penche sur celles-ci après l’arrivée des enfants.

2.1.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Pour parler de la vie domestique, Jeanne et Gérard m’informent sans hésiter, de l’importance primordiale

d’avoir un crucifix dans leur foyer. « Si le curé allait te voir puis t’avais pas de crucifix dans la maison

c’était… il fallait que tu fasses ta prière le soir » dit Gérard. En devenant Enfant de Marie369

, Jeanne

avait reçu un crucifix. « Moi, il y en a tout le temps un (crucifix), lui370

c’est celui de mon père puis je le

garde» dit Jeanne. «Ça c’était Canadien-français… puis c’est de valeur astheure ils les ôtent. Nous autres

on ne l’enlèvera pas parce qu’on a été élevé comme ça! Il me semble que si on ne l’a pas, il nous manque

quelque chose. Non on ne peut pas changer » dit Gérard.

Jeanne et Gérard parleront de leur vie domestique en général après leur entrée en ménage371

, ce qui me

fournira un aperçu du rythme qui marquait la routine des tâches.372

Il s’agit alors d’informations qui

expliquent en quoi consistait la normalité373

du foyer. « Il y avait un boucher juste en avant. Si tu voulais

manger de la saucisse tu t’en allais là à quatre heures (seize heures) puis si tu n’en avais pas pour le

lendemain tu retournais. On gardait presque rien dans le fridge » dit Gérard en témoignant que le père de

Jeanne faisait la même chose. « Il allait chercher d’la saucisse, du boloney374

, puis des biscuits village

après la messe » témoigne Gérard. « Il fallait que ça soit bon pour toute la semaine » renchérit Jeanne. Le

pain faisait partie du menu quotidien et était fait à la maison. Gérard apportait du lait à chaque jour parce

368

En se référant à Émilie. 369

À partir du début des années 1940. 370

En montrant le crucifix accroché à un mur de la cuisine. 371

À partir du milieu des années 1950. 372

Dans les années 1950-60. 373

Au sens de la vie quotidienne. 374

Boloney : sorte de saucisson de Bologne.

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qu’il était laitier375

. « C’était rien que du thé chez-nous qu’on buvait » dit Jeanne. « Le café c’était un

luxe le soir si on voulait veiller» dit Gérard. «On buvait aussi un œuf dans le lait avec du sucre brun,

c’était le déjeuner. On se faisait des toasts376

sur le poêle puis on se faisait des chips377

sur le poêle378

. On

tranchait les patates puis on les faisait brûler sur les ronds puis on mangeait ça avec du beurre… Ah

oui! » affirme Gérard. « C’était un poêle à bois » spécifie Jeanne. « Puis on se faisait des crêpes » dit

Gérard. « Ah! Ça c’était bon » témoigne Jeanne.

« On faisait des crêpes puis on se faisait un rouleau, on mettait de la jam379

ou bien du

sucre brun puis on tranchait ça. C’était en 1950 avant que je connaisse un poêle

électrique380

. On n’avait pas de lumière, quand on était jeune, c’était des fanals381

puis des lampes. Au village il y avait un peu d’électricité. Ça dépendait comment

qu’ils avaient de l’argent pour brocher382

» précise Gérard.

Jeanne et Gérard m’informent aussi au sujet de leurs tâches et activités domestiques et quotidiennes ainsi

que le partage de celles-ci qu’ils avaient établi entre eux avant d’avoir des enfants. « Il fallait entretenir la

maison, faire le manger, puis quand il383

arrivait, il arrivait à midi juste, puis là on faisait son lunch 384

parce qu’à une heure (treize heures) il repartait faire son ouvrage» affirme Jeanne. « Je rentrais le bois

mais hors du foyer, je ne faisais pas grand’chose. Je ne travaillais pas à nulle part. Je faisais le train385

dans la maison, et j’allais voir ma sœur » explique-t-elle. « On avait fait un p’tit jardin! Notre jardin était

proche de la « track386

. On demandait la propriété387

au CP 388

parce qu’il y avait des sections de voie

ferrée pour ça. Ils n’utilisaient pas ça! Ça fait qu’il y avait un grand terrain! Toutes les personnes étaient

de même. Ils faisaient tous leur jardin, toute la gang389

du village » ajoute Gérard. Ainsi, Jeanne avait

comme tâche de s’occuper du jardin. Le couple avait toujours des légumes frais pour leurs repas.

« Moi je cerclais le jardin, mais moi je travaillais six jours par semaine! Les heures

étaient épouvantables! C’était un travail de longues heures pour salaire

minimum! Puis encore, pas question d’avoir un char390

! L’homme lui, il n’avait pas

de choix, il fallait qu’il travaille pour amener à manger. Dans c’temps là des jobs pour

les femmes il y en avait pas à moins qu’elle fasse du ménage une fois de temps en

temps» avance Gérard.

375

Au début de leur vie de couple, soit à partir du milieu des années 1950. 376

Toasts : pain grillé 377

Chips : croustilles 378

Poêle : cuisinière. Dans l’entrevue, il est question d’un poêle à bois dans les premiers temps puis, plus tard, d’une

cuisinière électrique. 379

Jam : confiture 380

L’électrification 381

Fanals : Fanaux 382

Brocher : conduire un circuit électrique. 383

Son époux, Gérard. 384

Lunch : Dîner 385

“Faire le train” : Expression vernaculaire : s’acquitter des tâches ménagères. 386

Track : voie ferrée 387

Voulant dire demander la permission d’utiliser une partie du terrain appartenant au CP. 388

Canadian Pacific Railway 389

Gang : groupe 390

Char : voiture

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À l’arrivée du premier enfant, les tâches augmentèrent pour Jeanne.391

«Avec un enfant c’était plus

d’ouvrage. Les couches étaient de coton, on achetait de la flanelette392

à la verge là! » explique-t-elle.

Elle raconte aussi que les nouvelles tâches ne furent pas partagées avec son conjoint en raison de l’emploi

de celui-ci. « Jamais que je ne m’aurais réveillé pendant la nuit pour prendre soin du bébé tellement que

j’étais épuisé 393

» admet Gérard. Pourtant, leurs tâches changèrent à nouveau une fois qu’ils firent l’achat

d’une ferme.394

Étant habitués aux corvées, ils s’y firent rapidement. Jeanne se chargea de toutes les

tâches domestiques y compris le soin des enfants et se rendait aussi à l’étable deux fois par jour et à tous

les jours pour traire les vaches. Ce fut aussi elle qui prit soin du poulailler et du jardin potager. Gérard

quant à lui, assuma tout le travail qui avait à faire avec l’élevage du bétail, la production agricole et la

production laitière. Leur journée de travail commençait au lever du soleil et se terminait parfois très tard

dans la soirée, dépendant des saisons. De plus, il travaillait dans les mines. La vie domestique entretenait

des liens directs avec les travaux relatifs à l’élevage et à l’agriculture qui étaient à leur tour, déterminés

par le cycle agricole395

. Chacun devait contribuer en se voyant confié des tâches diverses telles que la

garde des enfants, la cuisson des repas, la fente du bois, la traite des vaches, le jardinage – potager…

enfin toutes les tâches nécessaires menant à une autosuffisance. Cette même routine dicta la vie familiale

et ce, pendant plusieurs décennies. Arrivés dans la cinquantaine396

, Jeanne et Gérard léguèrent leur terre

à leur fils ainé.

2.1.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Après le mariage397

, Isabelle se chargea de faire le lavage, le ménage, le repassage, les repas, bref toutes

les tâches domestiques à l’intérieur du foyer. Elle n’était pas sur le marché du travail. Elle m’informe

aussi que ses autres responsabilités consistaient à balancer le budget, s’occuper des dépenses tel que

l’achat des vêtements pour elle et son conjoint… En lui demandant pourquoi les responsabilités avaient

été distribuées de cette façon, elle m’explique :

« parce que j’avais rien d’autre à faire. Pour moi, j’avais été élevé comme ça parce

que ma mère faisait tout, puis je continuais. C’était comme une tradition qu’on

continue. Les dimanches on allait à la messe tous les deux. La majorité du temps il398

avait les samedis et les dimanches off 399

. Il travaillait la semaine puis le dimanche on

allait à la messe ».

Quant aux responsabilités de son époux, Isabelle explique que c’est « parce qu’il avait son emploi avant

le mariage, ce que lui faisait c’était notre gagne-pain. »

À la naissance de leur premier enfant, 400

Isabelle a beaucoup plus de tâches à accomplir. Tout comme sa

mère, elle indique que les couches de flanelle occupaient beaucoup de son temps. Il fallait les laver, les

391

Vers le milieu des années 1950. 392

Flanelette : flanelle 393

Il était épuisé de la longue et difficile journée de travail ; un travail très physique. 394

Dans les années 1960. 395

Tels que les labours, les semences, les récoltes. 396

Dans les années 1980. 397

Dans le milieu des années 1970. 398

André 399

Off : en congé 400

Vers le milieu des années 1970.

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faire sécher, « c’était beaucoup d’ouvrage ». C’est aussi elle qui se levait la nuit pour prendre soin des

bébés. Elle indique qu’elle continua d’accomplir les mêmes tâches ménagères. André continua d’aller

travailler. Isabelle me raconte que maintenant que les enfants ne sont plus à la maison, André fait

beaucoup de tâches domestiques parce qu’Isabelle a un emploi. Les tâches sont donc divisées.

André témoigne aussi de quelques détails pertinents relativement aux activités domestiques. Puisque son

père possédait une série de blocs appartements, il avait comme tâche depuis son adolescence de l’aider

dans leur entretien. En plus de son emploi à temps plein, cette tâche le gardait bien occupé. Pour décrire

sa responsabilité face à sa nouvelle famille, il indique « C’était bien simple. C’était de gagner notre vie

puis rapporter de l’argent à la maison. Essayer d’être le meilleur mari que je pouvais. » Quant aux

responsabilités de son épouse, il mentionne que «Isabelle c’était une femme qui est très, très propre. La

saleté c’est pas chum401

avec elle ok? Un p’tit torchon, une p’tite guenille, époussette ici, époussette là…

l’appartement était immaculé. » Et pour m’expliquer pourquoi les tâches avaient été déléguées de cette

façon il explique que «c’était pas tellement attribué». Selon ses explications, André raconte qu’Isabelle

aimait garder tout propre. Quant à sa responsabilité en tant que gagne-pain, il explique que « c’était de

même que c’était dans c’temps là».

À la naissance du premier enfant, André indique « j’essayais de faire ma p’tite part quand je pouvais.

J’étais toujours là quand elles402

avaient un p’tit rhume ou quelque chose. Berce puis berce… » Il

indique que lorsque ses filles étaient petites, il les berçait chaque soir avant qu’elles ne s’endorment.

« Isabelle c’était comme un docteur, garde-malade, elle était là pour tout! » André indique que leurs

tâches étaient attribuées presque de la même façon qu’avant la naissance des enfants.

2.1.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Dès l’entrée en ménage,403

qui fut quelques mois avant le mariage, Émilie se chargea de faire le ménage,

les emplettes, les épiceries et la cuisine. « Il404

prenait soin de certaines parties du ménage comme le

lavage. C’est lui qui prenait soin des autos. C’était divisé mais c’était lui qui s’occupait de l’extérieur

comme par exemple tondre le gazon, pelleter la neige, sortir les vidanges, laver les autos, et accomplir les

tâches qui nécessitent une force physique.» Une fois que le couple eut acheté une maison405

, Émilie se

chargea de l’esthétique à l’extérieur comme par exemple peinturer le perron, planter des fleurs… C’est

aussi elle qui se chargea de faire les épiceries et les emplettes. « Je ne pense pas qu’il y a vraiment une

responsabilité en spécifique. C’est juste quelque chose, il y a des choses que je suis plus confortable à

faire ou bien que je fais mieux que lui. Ce n’est pas juste des tâches d’homme ou de femme! C’est qu’est-

ce qu’on peut faire quand on peut le faire ; qui peut le faire en premier!»

Selon Émilie, l’arrivée de l’enfant406

ne change pas son rôle ni ses tâches. « Il y a juste plus

d’organisation. Mais on fait la même chose, c’est juste qu’on inclut l’enfant. » À cause de l’emploi

d’Émilie et de Brian, il n’y a pas de routine fixe. C’est parfois Brian qui se chargera de faire les repas, et

401

Chum : ami 402

ses filles. 403

Début des années 2000. 404

En se référant à Brian. 405

Vers le milieu des années 2000. 406

Vers la fin des années 2000.

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c’est parfois Émilie qui devra déblayer la neige. Pourtant, pour toute tâche qui ne nécessite pas

d’attention immédiate (comme couper le gazon, planter des fleurs…) le couple garde ses fonctions

respectives dont il était question plus haut.

Brian fournit lui aussi des renseignements intéressants quant au partage des tâches.

« She407

never had an assigned role but she always felt like she had to do MOST of

the chores but she mostly did the laundry and the cleaning. My chores are to cut the

lawn, mostly, taking out the garbage, helping with laundry. I guess the manual stuff.

In an apartment there was no cutting the lawn. And then we had a house. It was my

job to put in like new flooring and little construction jobs so I had to kind of learn that

stuff on the fly. I have never asked her to do anything. She pressures herself more to

do things and do them right away. I can wait a little bit on jobs and say I’ll do laundry

in 2 days when I have more and for her it will be no, she is doing it now so. »

Brian indique pourtant que certaines des responsabilités ou tâches lui furent assignées. « She has actually

told me that I was supposed to do garbage, and maintenance and yard work and stuff like that» admet-il

en riant. Il avance quand même que les tâches ont été divisées de cette façon « probably just traditional

and familiar. Most people come from egocentric or ethnocentric environment where you are familiar with

certain things and do things a certain way and that’s what you know. I can only assume from that. I have

no problem doing laundry or dishes or any of that stuff. »

Brian déclare aussi que l’arrivée des enfants408

changea quelque peu le rôle et les tâches de chacun des

conjoints.

« It changed the timing of everything – trying to get everything done for the kids and

for ourselves. I don’t know if it’s any different. I think we have the same roles when it

comes to parenting. We’re both full-time employed with jobs and shift work and

there’s a lots of balancing schedules. I think we both care and care for them the same

way. There is somebody else to take care of – look after things. It’s not just our

clothes. We are cleaning their clothes. »

2.1.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles)

Pour les Canadiens-français et les Franco-Ontariens, le foisonnement des fêtes et des pratiques

coutumières propres à leur culture s’étale à différents moments de l’année dans un cycle répétitif. Et

pour bien repérer les façons de transmettre les valeurs traditionnelles dans les pratiques, c’est-à-dire dans

le contexte des traditions festives du cycle saisonnier, j’ai ciblé le temps de l’année le plus célébré et le

plus ritualisé, soit le temps des Fêtes. Le Réseau de diffusion des archives du Québec409

stipule que le

temps des Fêtes est une période festive qui commence avec les célébrations entourant Noël et qui se

termine avec la Fête des Rois. Les traditions les plus dominantes sont le sapin de Noël, le réveillon et les

cadeaux. Il semblerait aussi que ces pratiques aient évolué en raison de la commercialisation. Noël serait

devenu une fête de paix, d’amour et de réjouissances familiales. 410

J’ai aussi voulu connaître les autres

407

En se référant à Émilie. 408

Vers la fin des années 2000. 409

Réseau de diffusion des archives du Québec, http://www.rdaq.qc.ca/accueil/, page consultée le 25 mai 2012. 410

Réseau de diffusion des archives du Québec,

http://rdaq.banq.qc.ca/expositions_virtuelles/coutumes_culture/decembre/temps_fetes/a_propos.html, page

consultée le 25 mai 2012.

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fêtes les plus importantes pour ces familles en leur posant des questions plus générales et génériques

c’est-à-dire applicables à toute fête.

2.1.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Le temps des Fêtes selon Jeanne et Gérard :

« C’était une grosse tâche… il faut préparer tout ça. On faisait des tourtières, des

boulettes, on faisait des desserts… on en avait beaucoup! Il fallait préparer la maison,

il fallait tout laver la maison. Les lumières, il n’y en avait pas tant que ça dehors. On

mettait des décorations dans les vitres, des glaçons » explique Jeanne411

.

Selon eux, parmi les traditions les plus importantes il y avait la Messe de minuit ainsi que le réveillon de

Noël. « Toute la famille ensemble ça c’était bien important ! Puis c’est encore important pour moi»

rétorque Gérard. « Se rencontrer! » fait remarquer Jeanne pour ajouter à ce propos. « C’est bien important

de se tenir ensemble la famille » dit-il. Jeanne est bien en accord et ajoute « Si on ne se rencontrerait pas

à Noël, quand est-ce qu’on se rencontrerait? » « Je ne pense pas que ça tombe ça Noël. Mais c’est bien

différent, totalement différent. Ce que nous on fait à Noël, comme c’est là, c’était un party tout le temps.

Ça dansait puis ça sautait » témoigne Gérard. « Puis c’était dans les maisons! » précise Jeanne. Voulant

en connaître davantage sur le menu du temps des Fêtes de l’époque412

, je m’informe. Jeanne et Gérard

m’indiquent qu’il s’agissait de tourtières, de dindes surtout m’indiquent-ils, de jambons, de tartes au

sucre… Je leur demande ensuite comment s’est fait la conciliation, la médiation et les accommodements

consentis dans le couple quant à la célébration du temps des Fêtes après le mariage413

. Ils me répondent

qu’il avait été établi que le dîner de Noël se faisait chez la famille de Jeanne alors que le souper de Noël

se faisait chez la famille de Gérard. Et tel qu’indiqué un peu plus haut, le temps des Fêtes subit des

transformations. Les informateurs expriment leur déception face à ces changements. « C’est pu pareil »

dit Gérard. « Non, c’est pu pareil. On dirait que le monde est trop gâté. On dirait qu’il y a pu rien de

drôle 414

» ajoute Jeanne. « Ils ont perdu le monopole des valeurs. Ils ont une autre vision totale » avance

Gérard en parlant des gens d’aujourd’hui. « Nous autres ça commençait à l’école. On faisait un vrai

arbre dans la classe. On allait couper ça dans le bois. La maîtresse, elle pensait qu’elle nous avait écartés

dans le bois. On faisait l’arbre avant que l’école finisse415

» se remémore Gérard. De nos jours, Jeanne et

Gérard m’indiquent que le souper de Noël est servi dans une grande salle parce que la famille est trop

grosse pour qu’il soit servi dans une maison. Ils fournissent aussi quelques renseignements au sujet du

Jour de l’An. « Déjà les rassemblements c’était au Jour de l’An » précise Gérard. « La veille du Jour de

l’An ça courait la guignolée! Ils allaient d’une place à l’autre puis ça continuait à une autre place »

explique Jeanne. Certaines années, la guignolée durait presque toute la nuit explique-t-elle. Elle se

souvient qu’une année, la famille et les voisins arrivèrent chez-elle à quatre ou cinq heures. « Ils

arrivaient avec leurs violons … et chantaient. Mon père se dépêchait d’allumer le poêle416

» témoigne-t-

elle. « Astheure mon vieux tu fais ça puis ils te mettent dehors » indique Gérard.

411

Ici, les informateurs se réfèrent à leur jeunesse, soit à la période s’étalant des années 1930 aux années 1950 (1950

étant la décennie pendant laquelle ils se marièrent.) 412

À l’époque de leur jeunesse, s’étalant entre les années 1930 aux années 1950. 413

À partir d’environ le milieu des années 1950. 414

En parlant des célébrations d’aujourd’hui. 415

Dans les années 1940, début des années 1950. 416

Entre les années 1930 et 1950.

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Quant à la fête de Noël elle-même, Jeanne et Gérard en ont beaucoup à dire. « Ce qui était de plus beau

c’est qu’ils417

allaient chercher un arbre dans le bois pour le temps des Fêtes. C’était donc beau ! »

exprime Jeanne. Et cette tradition, ils la pratiquèrent lorsqu’ils étaient jeunes et continuèrent de la

pratiquer avec leurs propres enfants. Je veux aussi connaître s’ils avaient eux-mêmes changé les façons

de célébrer alors que continue mon entrevue. «C’était pas mal pareil mais c’était un peu différent. Les

coutumes changeaient » souligne Gérard. Jeanne me raconte que lorsqu’ils étaient jeunes, « On418

a cru

longtemps au Père Noël, on était heureux! Mon père prenait le traîneau le matin puis il allait r’virer au

chemin … on voyait les traces! Ah! Le Père Noël est venu » raconte Jeanne en souriant. Elle ajoute que

sa mère prenait toujours un peu plus de temps à rejoindre le reste de la famille qui se préparait pour aller

à la Messe de minuit. C’est qu’elle mettait les cadeaux sous l’arbre. « On arrivait de la Messe… Oh !!!!

Le Père Noël est venu! Il me semblait que ça sentait Noël … on était donc heureux» raconte Jeanne.

« Astheure c’est pas de même, les enfants vont choisir leurs cadeaux puis ensuite les parents les mettent

sous l’arbre. C’est ça qui change » déclare Gérard.

« Ce n’est pas drôle… c’était bien plus heureux dans c’temps là » explique Jeanne.

Les cadeaux étaient petits. On disait aux enfants que c’est parce que le Père Noël était

pauvre cette année là. Ou bien le Père Noël avait laissé trop de cadeaux à d’autres

places puis son sac était vide lorsqu’il était arrivé chez-eux. On ne demandait jamais

rien à Noël. On ne disait pas Maman, je veux avoir ça … le Père Noël c’est lui qui

choisissait » explique Jeanne.

En leur demandant quels aspects ils considéraient traditionnels, ils me répondent : « C’était la Messe de

minuit, mais astheure elle n’est pas à minuit, elle est à 6 heures du soir (18 heures) ou bien 7 heures (19

heures) » précise Gérard. « Nous autres la messe de minuit on allait là en cutteur419

… c’était des

chevaux ! 420

» explique Jeanne. « Les traditions sont tombées. Noël c’est encore Noël mais c’est

totalement différent » déclare Gérard. « Puis astheure on fait l’arbre de Noël bien proche un mois avant.

Puis dans notre temps nous autres on faisait ça la dernière semaine parce que c’est un arbre que tu vas

chercher dehors. Ca avait l’air de Noël » sourit Jeanne. « Moi, dit Gérard, il y a une autre affaire. Un

arbre synthétique ce n’était pas Noël. C’était le fun parce qu’on allait couper ça avec les jeunes421

»

précise Gérard. « Puis ça sentait bon itou dans la maison » ajoute Jeanne. « Ça sentait Noël, ça sentait le

sapin. C’est des affaires que tu n’oublies pas ! Aujourd’hui c’est pu ça. C’est la révolution de

l’abondance. Des arbres de Noël synthétiques, moi je dis qu’ils ont passé au côté de la track422

avec ça.

C’est le marketing. Eux autres423

pour vendre aux magasins ils vont faire n’importe quoi » souligne

Gérard. Selon lui, le bon côté de la track c’était d’avoir un vrai sapin de Noël dans la maison et non un

sapin « fabriqué dans un autre pays ». Selon lui, l’arbre artificiel n’est pas une tradition canadienne-

française. « Ils mettent les sapins aujourd’hui en novembre, puis quand t’es rendu à Noël c’est pu

Noël! » « Ça c’était un gros fun424

de partir avec une hache. On partait et puis ça c’était drôle. Il 425

allait

417

Son père et son frère et parfois tous les enfants accompagnés de leur père. 418

On : en parlant de ses sœurs, frères et elle-même. 419

Cutter : traîneau. Dans sa jeunesse. 420

Dans les années 1930-1950. 421

Ici, en parlant de « jeunes », Gérard se réfère à ses propres enfants. Ainsi, c’était une période qui s’étalait entre

le milieu des années 1950 (naissance de leur premier enfant) à au moins jusque dans les années 1970 (année de

naissance de leur dernier enfant). 422

Vernaculaire : signifiant passé à côté de la voie à suivre 423

En parlant des manufacturiers par exemple. 424

Fun : plaisir

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chercher l’arbre puis il traînait ça là! Ah!!! Aye!!!! Noël s’en vient ! On se posait la question, qu’est-ce

qu’on va avoir à Noël? » raconte Jeanne. « Sais-tu qu’est-ce qu’il y a astheure? Ils ont tout!! T’as pu rien

à mettre en dessous de l’arbre. Bien souvent t’as juste envie de leur donner 20$ ou 50$ puis dire Va te

l’acheter ton cadeau tu vas être bien plus content » atteste Gérard.

Pour parler des autres fêtes importantes, Jeanne et Gérard, sans hésiter, m’informent au sujet des

pratiques reliées au cycle de Pâques. « On faisait aux enfants des petits paniers de Pâques avec de la

tapisserie. Puis là on mettait des p’tits œufs dedans puis une p’tite poule en chocolat au milieu puis ils

étaient tous heureux avec ça426

» dit Jeanne. « Puis des fois on essayait d’aller chercher de l’eau de

Pâques. Il fallait y aller avant que le soleil se lève. Il fallait prendre l’eau qui coulait » m’explique

Gérard. « Puis là ils en faisaient goûter à tous les enfants pour pas être malade pendant l’année. Bien

assez qu’ils en amenaient aux animaux dans l’étable. Puis là on leur en donnait un p’tit peu » témoigne

Jeanne. Ils m’informent aussi que l’eau devait être bue la journée même. Elle n’était pas conservée. La

seule conservation d’eau de Pâque était celle de l’église. Les gens allaient en chercher à l’église et puis la

préservaient bien en s’assurant d’en sauvegarder toute l’année. Si un enfant était malade on lui en

donnait un peu à boire. S’il y avait des orages pendant l’été, on en aspergeait dans la maison. Gérard me

raconte que sa grand-mère en aspergeait dans la maison lors d’orages en y trempant une branche de sapin.

Les rameaux sont aussi importants. « Moi je suis un gars qui fait des cocottes avec les rameaux» dit

Gérard en parlant de lui-même. « Le Vendredi saint c’était maigre et jeûne. Il y en avait qui passaient la

journée sans manger » souligne Gérard. Aussi, ils expliquent qu’il fallait sans faute aller à la messe le

Jeudi Saint, le Vendredi Saint et le Samedi Saint et à Pâques. De plus, la Semaine Sainte, il était

strictement interdit de manger de la viande. Ils m’informent que le jour de Pâques, donnait lieu à des

réjouissances. Il était donc à nouveau permis de manger de la viande et il était coutume de servir du

jambon lors des repas. Entre autres, les familles et la parenté se réunissaient.

2.1.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Pour la période de l’Avent, Isabelle m’informe que « les femmes commencent à préparer la mangeaille

pour une journée! Parce que c’est tout fait à la maison, il n’y a pas d’achetage427

de manger, c’est tout

fait maison alors ça prend un mois. Quand j’étais petite428

, je ne sais pas comment ma grand-mère faisait

ça mais il y avait du manger, du manger, j’ai jamais vu ça. Je pense que je ne le reverrai jamais à nulle

part d’autre. Puis elle le faisait presque toute seule429

. Tandis que aujourd’hui, une fait quelque chose,

l’autre fait une affaire, l’autre une autre affaire… alors on goûte, oui c’est encore les mêmes choses de

Noël mais on goûte qu’est-ce que l’autre a fait. »

Isabelle explique ensuite ce que signifie le temps des Fêtes pour elle. « Moi les Fêtes c’est beau ça. Il y a

la religion encore là-dedans. Moi c’est plutôt beaucoup du monde, rencontrer du monde. Toute la parenté

qui est avec nous autres, les voisins qui se donnent la main. Surtout Noël, c’est quelque chose. Quand

j’étais petite430

c’était très, très, très beau Noël. On n’achetait pas des choses quand j’étais petite, on les

425

En parlant de son père 426

Dans les années 1950-70. 427

Achetage : vernaculaire le fait d’acheter 428

Dans les années 1950-1960. 429

Se référant aux années 1950-1970. 430

Dans les années 1950 jusqu’à environ la fin des années 1960.

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faisait les guirlandes pour mettre dans le sapin puis c’était un VRAI431

sapin. On allait toute la famille le

chercher dans le bois puis d’une année à l’autre c’était toujours un des enfants différents qui choisissait le

sapin. Mais pour mes enfants, j’ai toujours eu un sapin artificiel. On demeurait en ville puis pour aller

chercher un sapin dans le bois ça prenait un camion. » Isabelle ajoute aussi que lorsqu’elle était petite sa

famille confectionnait des guirlandes en forme de chaîne à l’aide de papier d’aluminium. Elle en a fait

avec ses enfants pour leur montrer ce qu’elle faisait dans sa jeunesse. Sa grand-mère maternelle faisait

des chevreuils ou rennes avec du sel et de la colle. Elle se souvient d’avoir assisté, dans sa jeunesse, à

plusieurs après-midis de bricolage. Elle mentionne aussi que les rassemblements du temps des Fêtes se

déroulaient chez ses grands-parents tant du côté maternel que paternel alors que toute la famille et la

parenté se réunissait. Il y avait toujours beaucoup de musique. Elle se souvient qu’à ces rassemblements,

ses oncles et tantes lançaient des dix sous par terre et pour se le mériter, les enfants devaient faire une

danse. Les soirées étaient habituellement très dynamiques. Le répertoire familial de chansons à répondre

était assez vaste et chacun s’amusait à chanter, ou bien à jouer de la guitare, du violon, de la musique à

bouche ou de l’accordéon. Mais avec le temps, le répertoire diminua pour presque disparaitre. Lorsque

ses grands-mères furent trop vieilles pour recevoir432

, les soirées se déroulèrent chez ses parents parce que

leur maison était très grande. « Mais c’était de l’ouvrage!! » affirme-t-elle. « Maintenant, parce que la

famille est tellement grande, il faut louer une salle. C’est encore la dinde, le ragoût. Mes enfants vivent

ça aujourd’hui puis mes p’tits enfants aussi. Il y a encore de la musique mais au lieu des chansons à

répondre, on a des jeux. Mais quand j’étais plus jeune c’était plus vivant parce que c’était des grands-

oncles qui chantaient ». Elle affirme qu’elle est contente que ses petits enfants puissent aussi connaître

ces gros rassemblements qui regroupent maintenant plus d’une soixantaine de personnes. « Mes petits

enfants voient leur arrière grand-mère, c’est un temps de l’année qu’on se rencontre encore! » Selon elle,

le rôle des femmes dans la préparation des festivités était de faire les repas. « C’était toujours les femmes

au poêle comme on dit ». Elle indique que son grand-père faisait du vin de pissenlit qui était servi

pendant le temps des Fêtes. Elle précise finalement que sa famille du côté maternel pratiquait les mêmes

traditions que celle du côté paternel. « C’était les mêmes coutumes, les mêmes affaires, on était des

catholiques.»

Le jour de Noël, Isabelle indique que ses enfants allaient déposer l’Enfant Jésus dans la crèche433

. La

crèche était sous l’arbre, dès que le sapin artificiel était assemblé, mais le petit Jésus y était

symboliquement seulement le 25 décembre. Monter une crèche était une tradition importante pour les

parents d’Isabelle et elle a voulu la transmettre à ses enfants indique-t-elle. « Noël c’est toujours quelque

chose de spécial pour moi mais il y a eu des changements parce que moi quand j’étais petite là mes

grand-mères recevaient. » Sa grand-mère maternelle leur tricotait des mitaines, des bas de laine, foulards,

chapeaux. Il y avait toujours des cadeaux mais tous les petits enfants avaient le même cadeau.

« Ça c’était un beau cadeau. On ne choisissait pas là, aujourd’hui les enfants

choisissent Je veux avoir ça pour Noël », il n’y en avait pas de ça. Mes enfants eux-

autres Noël c’était un peu différent de moi parce que je leur disais bien ok qu’est-ce

que tu aimerais recevoir à Noël? Ils demandaient des choses mais c’était des choses

qui coutaient des fortunes là. Puis chez-moi dans ma famille on avait une limite de un

cadeau. Mes grand-mères me donnaient un cadeau. Ça nous faisait trois cadeaux puis

on était bien contents de ça. Ceux qui avaient des parrains puis des marraines qui

431

Intonation de la voix. 432

Vers la fin des années 1960, début des années 1970. 433

Dans les années 1980, 1990.

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n’étaient pas les grand-pères puis les grand-mères eux autres ils recevaient un cadeau

de plus. Mes enfants ils choisissaient dans le catalogue. Mais moi aussi j’avais une

limite. Je leur disais Ok pas plus de trois cadeaux là. »

Elle explique aussi que lorsqu’elle était petite toute la famille allait à la messe la veille de Noël ; une

tradition qu’elle continua avec ses enfants. Pourtant, elle modifia un peu la coutume et choisit de

permettre à ses enfants d’ouvrir leurs cadeaux avant la messe. Quand elle était petite par contre, les

cadeaux étaient déballés après minuit. Elle choisit de faire ainsi parce que la veille de Noël, elle allait

visiter ses parents avec ses enfants. Lorsqu’elle était petite, la messe était à minuit. Les petits qui étaient

trop jeunes pour aller à la messe se faisaient garder par leur grand-mère. Lorsque ses propres enfants

étaient petits, la messe était autour de vingt heures.

Selon elle les aspects traditionnels relatifs à la fête de Noël sont le sapin, les repas, la dinde, les ragouts

de pattes de cochon, les tourtières :

« C’était le gros festin puis il y en avait du manger, c’était quelque chose! Tandis que

moi avec mes enfants, ma mère en faisait encore des rôtis puis d’la dinde, ça

continuait ces affaires là. C’était la messe encore, puis c’était toujours de remercier le

p’tit Jésus quand j’étais petite. Noël c’était la grosse affaire».

Je la questionne ensuite sur ce qui est essentiel pendant cette fête.

« Moi je dirais que c’était, tout le monde était content, tout le monde était heureux.

Tu rencontrais n’importe qui et tout le monde était heureux. Le sapin est l’essentiel.

Les cadeaux t’as pas besoin d’en avoir en abondance, un cadeau ça suffit. On dirait

que tout était apprécié. Ce que tu avais c’était apprécié434

. Pour mes enfants eux

autres c’était le Père Noël. 435

Un Noël pas de sapin ça ne se fait pas ».

Elle ajoute : « La pratique qui me tient le plus, plus à cœur c’est le repas de famille avec toute la parenté.

Ça pour moi c’est bien important de voir tout ça ensemble. J’ai besoin de ça. J’ai besoin de voir tout c’te

monde là ensemble. À Noël on dirait que tout le monde essaie de se rencontrer.436

» Et pour indiquer les

valeurs principales véhiculées, elle énumère : la messe, les cadeaux, la rencontre, les repas.

Isabelle me fait part d’une autre tradition familiale. Lorsqu’elle était petite, sa mère lui achetait des

vêtements spécialement pour le jour de Noël.

« Déjà elle les faisait. Puis c’était toujours à Noël qu’on avait une robe rouge en

velours. Et puis ça c’était à chaque année. Mais le ruban qu’elle rajoutait était

différent. Des fois il était blanc, des fois il était rouge-vin, rouge clair. Elle mettait une

p’tite dentelle. Des fois elle était d’un côté à l’autre de la taille. Elle était blanche la

p’tite dentelle puis ils passaient un ruban rouge là dedans. Des fois la p’tite dentelle

était seulement après le collet puis les manches. Pour mes enfants j’ai fait la même

chose. J’achetais une robe ou un morceau de vêtement neuf pour Noël Tu vas porter

ça à Noël. On allait voir la famille puis c’était un habit neuf puis même encore

434

Elle se réfère, pour cette dernière affirmation, à sa jeunesse. 435

Isabelle faisait venir un Père Noël chez-elle pour ses enfants la veille de Noël. Lorsqu’elle était jeune, elle ne

voyait pas le Père Noël «Il était dans le ciel» déclare-t-elle. 436

Isabelle indique que pour les autres fêtes du calendrier tel que Pâques, la famille ne se rassemble pas tout

ensemble pour un repas. Il y a des visites qui se déroulent habituellement pendant l’après-midi du jour de Pâques

mais pas de repas.

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aujourd’hui je m’achète quelque chose de neuf pour Noël. Puis déjà c’était beaucoup,

beaucoup le rouge. Le rouge vif là ils portaient ça à Noël parce que le rouge est une

couleur de Noël. »

En ce qui a trait au jour de l’An, Isabelle souligne « c’est une fête très importante. Lors des fêtes

importantes il faut se rencontrer. Ça fait partie de la religion. Il faut se rencontrer et entretenir les liens

avec tout le monde qu’on aime ».

Les autres fêtes qui ont de l’importance pour elle sont la Saint-Valentin, Pâques, la fête des mères et

l’Halloween.

« Chez nous la Saint-Valentin on ne fêtait pas ça. À l’école on envoyait des p’tits

Valentins mais dans la maison on ne fêtait pas la Valentin437

. Avec mes enfants

j’aimais fêter la Valentin. Ils avaient chacun leur chocolat spécial. Chaque fête a sa

signification. La Saint-Valentin c’est plutôt une fête d’amoureux mais dans le foyer il

y a de l’amour puis on se doit de montrer ceci aux enfants. Les symboles importants

de cette fête sont le chocolat pour te dire je t’aime. Mais il ne faut pas attendre cette

journée pour exprimer ces sentiments. »

Pour la fête de Pâques, elle mentionne :

« Pâques est important. Parce qu’encore on se rencontre. Moi je reçois mes enfants.

J’aime à faire la p’tite chasse aux cocos avec mes p’tits enfants parce qu’avec mes

enfants je la faisais puis c’est des beaux souvenirs puis encore là il y a de la religion

encore là. Le vendredi il n’y a pas question qu’on mange de viande mais quand j’étais

plus petite, c’était la semaine au complet! A Pâques c’était le gros festin incluant les

chocolats. Les valeurs principales, c’est qu’avant, c’était un temps de rencontre.

Aujourd’hui c’est un temps pour arrêter sur chaque fête parce qu’il y en a une presque

à chaque mois puis moi je trouve que c’est important que l’enfant connaisse qu’est-ce

que c’est. Moi pour moi toutes ces choses là c’est important d’arrêter là-

dessus. Comme la fête des mères, oui on allait voir toutes les grand-mères, c’était la

fête à ma mère puis les grand-mères. Nous autres ça toujours été des temps dans ma

famille qu’on se rencontrait. Puis c’était important de montrer ça à mes enfants puis à

mes p’tits enfants que c’est des journées que tu arrêtes. Ce n’est pas pour rien qu’il y a

des fêtes c’est pour que tu arrêtes puis que tu réalises ça. »

Pour l’Halloween :

« Dans ma famille on demeurait sur une ferme il y en avait pas de Halloween. J’ai

jamais été courir Halloween. On avait des p’tits bonbons, ça s’appelait des Kiss

c’était comme de la tire enveloppée. Puis c’était ça qui était notre p’tit Halloween.

Mais il n’y avait pas de costumes. Dans le village les enfants courraient l’halloween

mais nous autres on demeurait en campagne puis à l’heure que ça se passait on avait

les vaches à traire. 438

» « Mes enfants c’était bien important qu’ils courent

l’Halloween ».

André réfléchit et apporte certaines explications quant à la signification et au déroulement du temps des

Fêtes. «Si on parle de Noël quant à moi c’est la plus belle fête, la naissance de Jésus. Il y a des p’tites

choses qui se passent dans le temps des Fêtes comme les rencontres de famille, puis les enfants sont

437

En se référant à sa jeunesse. 438

En se référant à sa jeunesse.

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80

heureux. » Il indique pourtant que la façon qu’il célèbre le temps des Fêtes depuis qu’il est marié439

n’est

pas du tout la même que dans sa jeunesse440

.

« Mes parents c’était du monde âgé puis il n’y avait pas grand’ visite. On ne sortait

pas puis c’était du monde qui aimait beaucoup, beaucoup recevoir mais le jour de

Noël tel quel le monde était avec leur propre p’tite famille mais dans le temps des

Fêtes là ils venaient pas mal à la maison. C’était soit le samedi ou le dimanche ou

d’autres journées mais dans cette semaine là mes parents aimaient beaucoup recevoir.

C’était ça qui était leur fun.441

»

Selon lui, dans la préparation des festivités, les femmes « se préoccupent que tout se déroule bien. Les

bonhommes sont assis pas mal malgré que les plus jeunes, les garçons, s’occupent pas mal de leurs

enfants eux autres aussi. Ils ont grand à courir ! C’est toujours agréable.442

» Quant à l’apport des

pratiques familiales, il m’informe « Je pense que c’est plus du côté d’Isabelle ». Pour en savoir

davantage, je continue mon questionnement en lui demandant si selon lui, les pratiques avaient été

réinventées. Il déclare : « Pas tellement réinventées mais on les a suivies toujours les pratiques ; les

pratiques des cadeaux la veille de Noël, puis il fallait réveillonner. C’est plus de les suivre que de les

réinventer. » Les traditions propres à la fête de Noël selon lui sont « les cadeaux sous l’arbre, le sapin,

les décorations, manger, manger, manger. Ce qui est essentiel c’est d’avoir la famille proche autour ». Il

m’informe aussi qu’aucune pratique n’a été ajoutée.

« Non parce que d’année en année ça se déroule toujours de la même manière. La

seule affaire qui est de différent c’est le décor puis les choses. On aime ça décorer en

dedans puis en dehors. » Aussi, ses beaux-parents font maintenant une réception dans

une salle. « Isabelle a tout son p’tit groupe à elle443

puis ses frères et ses sœurs ont leur

p’tit groupe à eux autres aussi. C’est beaucoup de monde! Les principales valeurs je

dirais que les valeurs encore ça tombe sur la religion, la messe de minuit puis la messe

de Noël puis les quêtes qui se font pour les enfants un peu moins avantagés ».

André parle aussi des menus du temps des Fêtes. « Les menus sont variés pendant le temps des Fêtes.

Isabelle est forte sur le dessert puis la dinde, beaucoup de dinde. Isabelle est un peu comme sa mère il ne

manque pas grand’ chose: des boules de beurre de peanut 444

puis des p’tits cones445

sucrés puis toutes

sortes de bonnes choses ; des tourtières! ». André témoigne aussi de l’importance d’être en famille

pendant le temps des Fêtes. « On est chanceux pour ça. Parce que je sais qu’une fois que tu es marié

c’est dur être à deux places en même temps mais on vient à bout de s’arranger pour avoir tout le monde

c’est très important. » En dernier lieu, André me fait part des traditions qui lui sont les plus chères.

« Pour moi c’est de donner des cadeaux aux enfants puis aux petits enfants. C’est de voir le sourire dans

leur visage puis c’est ça qui est important. »

439

À partir du milieu des années 1970. 440

Entre les années 1950 et le milieu des années 1970. 441

Fun : agrément 442

Ses beaux-parents doivent louer une salle parce que la famille est très grande maintenant ; trois générations.

C’est la raison pourquoi il déclare « ils ont grand à courir » Les enfants peuvent jouer dans cette grande salle. 443

En parlant de sa famille. 444

Peanut : arachide 445

Cones : cornets

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Et à son tour, je lui demande quelles autres fêtes sont importantes. Il m’indique que la Saint-Valentin et

puis Pâques le sont. « La Saint-Valentin c’est le fun. La grand-mère446

aime ça faire des p’tites affaires,

puis des p’tits valentins pour les p’tits enfants. Isabelle aime ça que les p’tits enfants là pratiquent ça

c’t’affaire de Saint-Valentin là ». Selon lui, la tradition principale est que toute la famille immédiate se

rassemble. Il souligne aussi l’importance de la religion qui est à la base de cette fête.

« Pâques c’est une autre affaire. C’est l’affaire des cocos puis des p’tits enfants, les poules de chocolat

puis la chasse aux œufs puis toutes ces choses là qui sont des traditions qui datent de longtemps. » Encore

une fois, selon André, la tradition principale est que toute la famille immédiate se réunit pour prendre part

aux activités et à la célébration de cette fête. Il souligne aussi les valeurs traditionnelles qui se rattachent

à cette fête. « La religion ; Vendredi Saint, on ne mange pas de viande le Vendredi Saint, puis on mange

du poisson, puis ces choses là. C’est des traditions qui datent de longtemps!»

2.1.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Déjà dans l’entrevue Émilie m’a fait part de quelques traditions du temps de Fêtes. Elle avait aussi dit

que c’était important pour elle que ses enfants connaissent ces traditions parce que ces dernières avaient

créé des souvenirs tendres de son enfance. Ainsi, pour donner une courte description de ce que signifie

pour elle le temps des Fêtes, elle formule deux mots qui en disent beaucoup : « rencontres familiales ». Et

pour donner une description du déroulement de cette période de festivités, elle décrit comment cela se

passait : « Normalement, on se rencontre tous le vingt-quatre chez mes parents pour Noël. Ensuite, le

vingt-cinq on passe du temps avec la famille de mon mari puis après on se rend chez mes grands-parents.

À cause du travail, il y a certains réveillons qu’on n’a pas pu célébrer. » Depuis qu’elle est toute petite

jusqu’à encore aujourd’hui, le déroulement est le même.447

Ce qui est donc traditionnel selon elle « c’est

toujours d’ouvrir les cadeaux après la messe de vingt heures le vingt-quatre décembre. On a toujours un

p’tit lunch après avoir ouvert les cadeaux. » Et pour elle, comme pour les autres informateurs, ce qui est

essentiel pendant le temps des Fêtes est « d’être tout en famille, tout ensemble! »Toujours est-il que les

pratiques qui lui sont les plus chères sont rattachées au menu et au Père Noël.

« Le menu comme les tourtières, les patates pilées, la sauce, les tourtières, les tartes,

les desserts, les pets de sœurs448

. On peut aussi parler du Père Noël qui descend la

cheminée le vingt-trois ou le vingt-quatre.449

Pour les valeurs suffit qu’on ne restait

pas dans le coin avant, on essayait fort pour avoir le vingt-quatre puis le vingt-cinq en

congé pour passer du temps avec notre famille. Ça fonctionnait souvent mais ça ne

sera pas toujours le cas à cause de nos emplois. Alors ce qui me tient à cœur c’est

d’avoir du temps, dans les vacances de Noël, pour faire notre Noël, même si ce n’est

pas le vingt-quatre, vingt-cinq. Pourvu qu’on soit en famille pendant le temps des

Fêtes. »

Émilie témoigne aussi du rôle des femmes et des hommes dans la préparation des festivités. « Les

femmes font la cuisson puis le nettoyage, puis les hommes c’est de boire de la bière! » dit-elle en riant.

446

En parlant d’Isabelle. 447

À partir de la fin des années 1970 jusqu’à aujourd’hui. 448

Pètes de sœurs : dessert traditionnel. 449

Lorsqu’elle était jeune, Émilie ouvrait ses cadeaux le 24 en soirée. Ainsi, le Père Noël passait chez-elle le 23

pendant la nuit.

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Pour la fête de Noël, Émilie souligne encore qu’elle souhaite pratiquer les mêmes coutumes et traditions

qu’elle aimait lorsqu’elle était petite comme par exemple écrire une lettre au Père Noël, laisser des

biscuits et du lait pour le Père Noël le soir où il descendra la cheminée, laisser des carottes pour les

rennes. Elle me raconte aussi qu’au Jour de l’An, la famille immédiate se rassemble habituellement pour

le Jour de l’An. Émilie se souvient d’aller à la messe, de souhaiter la Bonne et Heureuse année aux

voisins et de visiter la parenté le 1er janvier. Il était de coutume de se serrer la main, et de s’embrasser sur

chaque joue. Elle souligne que si elle avait pu avoir congé le vingt-quatre vingt-cinq décembre, elle

devait habituellement travailler le premier janvier. Elle essaie quand même de continuer ces traditions. Je

lui demande ensuite de parler des autres fêtes qui sont, selon elle, importantes. Elle me parle brièvement

de la Saint-Valentin, de Pâques, d’Halloween et de quelques-unes qu’elle célèbre davantage à cause de

son époux.

« La Saint-Valentin c’est juste quelque chose de traditionnel comme chocolat de cœur. On décore un peu

la maison ».

« J’ai toujours aimé Pâques et Saint-Valentin ». « On fait une chasse aux œufs de chocolat. Puis on

visite la famille. Nous on faisait ça quand on était jeune puis eux autres450

aussi » Elle essaie toujours de

garder ces traditions. On se rassemble pas nécessairement mais assez souvent oui, surtout pour Pâques. »

Émilie encourage aussi ses enfants à « courir l’Halloween ». Elle décore un peu sa maison tant à

l’intérieur qu’à l’extérieur.

« La famille de mon mari est originaire de l’Écosse et de l’Irlande ça fait que j’essaie de toujours célébrer

la Saint-Patrick puis montrer à mes enfants les p’tites coutumes puis les p’tites traditions qu’eux autres451

font. Juste à cause de la famille. On sert un menu avec du vert, on décore avec des trèfles ». Le père de

son époux avait comme tradition de faire un mélange pour crêpes le soir avant la Saint-Patrick. Le jour

même, par surprise, le mélange était devenu vert. C’était la magie des lutins.

Il est aussi question de célébrer l’action de Grâces. Elle assiste aux repas chez sa mère et chez sa belle-

mère. Elle déclare que le menu est différent, bien que la dinde et les patates soient toujours servies.

« Chez ma belle-mère, il y a du Yorkshire pudding452

, des canneberges, turnip casserole453

, zucchini

casserole454

. » Ça c’est des choses que nous autres on ne mangeait pas nécessairement à l’action de

Grâces.

Brian explique à sa façon, comment se déroule le temps des Fêtes qui, pour lui, signifie de revoir

certaines personnes, visiter la famille, d’être en congé pour quelques journées. Il répète pourtant qu’il est

très important de rencontrer tout le monde, famille, parenté, amis, pendant le temps des Fêtes. « We try

450

En se référant à la famille de Brian. 451

En se référant à la famille de Brian. 452

Fait de pâte et est habituellement un accompagnement au plat principal lors de festivités. Il est souvent servi

avec de la dinde, des patates et de la sauce. 453

Navet coupé en morceau ou râpé cuit dans un mélange sucré et servi en tant qu’accompagnement au plat

principal lors de festivités. 454

Gratin de courgettes servi en tant qu’accompagnement au plat principal lors de festivités.

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to balance it out. Christmas eve is – in her family was traditionally – French catholic where we had a nice

big dinner and things there so we’re at her family’s house and then Christmas morning we are at my

family’s house where we are trying to blend in my old traditions – we are trying to make a pretty good

fifty-fifty on both sides of the family in the amount of time divided up. » Brian explique aussi qu’il essaie

de transmettre à ses enfants les pratiques qui lui étaient les plus chères. « I think we have it as close as

we can get it. We both liked how things were for us so we are trying to ». Il se souvient qu’il était excité

de voir ce que le Père Noël lui avait apporté. Il pratique ainsi les traditions qui se rattachent au Père

Noël.

« Right now the kids are little so we are trying to incorporate when Santa comes and

when the gifts are seen and Christmas family dinner and church has almost fallen out

of the equation. Before we had kids we tried to do church as well. It is essential,

during the Holidays to see our family members. I don’t care about gifts or anything

like that for me anymore but to see family and smile on our kids’ faces. It’s all about

family. We are both every involved in our families and feel that our families are the

most important thing out there. So for me it’s that ».

Le menu est très varié pendant les Fêtes selon Brian. «There is always turkey, there is ham, there is

potatoes, there is always what we refer to as goodies you know baked goods ; lots of that day in and day

out. ». En commentant sur le rôle des femmes dans la préparation des festivités, il précise :

« Ah! A lot of it is traditional! Actually for the longest time the baked goods or the

goodies they were always by the moms and stuff like that but I know my Dad, over

the last few years since he’s been retired has done a lot himself to help out. It’s

probably sexist but I don’t think we455

do as much work other than preparing gifts and

stuff like that not by intent or anything like that. »

Je continue de poser mes questions à Brian mais cette fois-ci, je lui demande de me parler de la fête de

Noël elle-même. « Almost all of the family members are seen over Christmas time. If you are basing it

by numbers, it’s my wife’s family just because she has a larger family in the area». Avec leurs enfants,

Émilie et Brian essaient d’incorporer leurs pratiques familiales. «The way we did things when we were

kids, our Christmas morning was at my house whereas her Christmas Eve was her house. We are trying

to bring stuff like that together; trying to make it equal. »

Le dernier bloc de questions d’entrevue porte sur les autres fêtes du cycle calendaire. Brian me témoigne

que plusieurs fêtes et pratiques sont importantes pour lui. Il y a la Saint-Valentin, Pâques, Halloween,

l’action de Grâces, la Saint-Patrick et des anniversaires de naissance, de mariage…

Pour ce qui est de la Saint-Valentin, Brian indique : « There’s decorations and she gets a few chocolates

and some hearts and little treats. » En ce qui a trait à Pâques, il explique « It’s a little more ceremonial.

We get up and everybody’s got little Easter baskets and an Easter egg hunt and tiny little gifts». À

Halloween, Brian dit qu’il est question de décorer à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, d’acheter des

bonbons pour accueillir les enfants qui courent l’Halloween. Il participe à ces coutumes en achetant des

costumes pour ses enfants et en les accompagnant le 31 octobre dans leur quête pour des bonbons. Quant

aux fêtes de l’action de Grâces, de la Saint-Patrick et de la Saint-Valentin, il déclare que la grande

majorité sont des fêtes célébrées en famille.

455

En se référant aux hommes.

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«Most of them are based on our traditions I guess right? Like our French toasts even

or, my Mom, my family, always had things decorated so I assume my wife’s family

did to because it’s my wife that looks after all the decorating. I think it all comes from

past experiences. The green French toasts that was actually from my family. Green

food is pretty common especially green beer on St-Patrick’s day but because when we

were kids we had green French toasts on St-Patrick’s day so I tried that. »

La famille de Brian a comme tradition de porter un morceau de vêtement ou un accessoire vert le jour de

la Saint-Patrick. Il est aussi de coutume de pincer les personnes qui ne portent pas de vert. Ils portent

aussi des colliers verts conçus spécialement pour l’occasion. Brian affirme aussi qu’en tant que jeune

adulte456

, il était impératif de se rendre à un pub irlandais pour prendre une bière verte. « Also, our own

personal anniversary and birthdays are important. We try to make a big deal for our kids. It was always

fairly important in our families. Each one we do something for. »

2.2 Famille II (portrait de la famille)

La seconde famille qui répond à mon annonce de recrutement en est une qui tire ses origines de la

province de Québec. Thérèse, l’informatrice de la génération A quitta sa famille et le Québec à l’âge de

quinze ans pour trouver un emploi en Ontario457

. C’était le même périple que sa sœur aînée avait

entrepris quelques années auparavant. Thérèse déménagea alors avec sa sœur. L’endroit où les sœurs

s’étaient installées était dans une ville du Nord-Est de l’Ontario qui était à l’époque, dans les années

1940-1950, en plein essor démographique et économique et où une grande population francophone était

déjà installée. Thérèse affirme qu’elle n’eut pas de difficulté à vivre le changement parce qu’elle se

sentait chez-elle parmi d’autres Canadiens-français qui menaient une vie très similaire à ce qu’elle avait

vécue au Québec. Jacques, son époux, avait habité les banlieues de cette même grande ville. Sa famille

en était une d’agriculteurs bien que lui ne suivit pas la tradition ancestrale. Parce que Thérèse est veuve,

elle est la seule informatrice pour cette génération. D’autre part, les informateurs de la génération B sont

Christine et Alain. Alain est le fils de Thérèse et Jacques. Ces conjoints proviennent tous deux de la

même ville du Nord-Est de l’Ontario et se sont mariés durant les années 1970. Ils vécurent les

changements apportés par la Révolution tranquille et l’éclatement de la nation canadienne-française. Les

informateurs de la génération C sont Valérie et Scott. Valérie est la fille de Christine et Alain, petite-fille

de Thérèse et Jacques. Elle est Franco-Ontarienne et catholique alors que Scott est Anglophone de

descendance irlandaise. Ce couple est aussi originaire d’une ville du Nord-Est de l’Ontario et habite

toujours cette région. Ils se sont mariés au tournant du millénaire et ont aussi des enfants. L’entrevue

auprès de Scott s’est faite en anglais.

2.2.1 Pratiques coutumières de l’âge adulte

Pour rappel, les pratiques coutumières de l’âge adulte, tel que déjà mentionné, regroupent les aspects de

la culture traditionnelle relatifs à la rencontre et aux fréquentations, aux étapes du mariage tels que la

demande en mariage, les fiançailles, la préparation du mariage – de la cérémonie aux noces, l’entrée en

ménage du jeune couple, leur installation, la vie matrimoniale, la vie parentale et l’éducation des enfants.

456

Dans les années 1990. 457

Environ à la fin des années 1940, début des années 1950.

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85

2.2.1.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Thérèse parle de la façon dont elle a rencontré son conjoint. 458

« Je l’ai rencontré, j’étais amie avec sa

sœur et puis je l’ai rencontré à travers d’elle ». Elle me donne aussi un bref aperçu de leurs

fréquentations qui furent d’une durée d’un an et demi avant le mariage459

. « Bien c’est dur à dire il y a

toutes sortes de choses. Ça fait pas mal longtemps de ça. Bien je m’en rappelle. On allait voir des films,

puis on allait au parc l’été, on allait se baigner, toutes sortes de choses de même. » Jacques décida de

demander Thérèse en mariage. « Je pense que c’était à Noël, le Noël avant qu’on se marie! Il avait

demandé à mes parents quand on avait été en vacances. Bien mes parents étaient encore dans la province

de Québec dans c’temps là! Il ne s’est pas mis à genoux. Il m’avait donné une bague. Je pense c’est

parce que c’était traditionnel dans le temps ». Cette bague, c’est Jacques qui l’avait choisie. Thérèse y

voyait un symbole, celui de s’engager. Après les fiançailles commença la préparation du mariage.

Je demande à Thérèse si on avait organisé un enterrement de vie de célibataire pour elle ou pour son

conjoint, ou bien si on avait fait un shower de filles ou de couple. « Non . Je pense que ce n’était pas

vraiment la mode dans le temps ! » me répond-elle. À l’époque,460

il était alors impératif de se préparer

soi-même à l’entrée en ménage. Thérèse, comme bien d’autres, avait confectionné un trousseau qui allait

contribuer au bon fonctionnement de son nouveau foyer. Elle raconte que sa mère et ses sœurs l’aidèrent

à préparer son trousseau.

« C’était des choses fabriquées et achetées, moitié moitié. Il y avait un peu de toutes

sortes de choses que t’as besoin dans la maison, des draps, des couvertes, et puis des

linges à vaisselle, des serviettes, de la vaisselle, un peu de vaisselle, pour commencer

là! Des casseroles aussi. C’était toutes sortes de choses. Ma mère faisait des

couvertes, elle faisait toutes sortes de choses. Des catalognes qu’ils appelaient ça »

La préparation du mariage lui-même se fit en douceur. Le couple choisit par exemple les membres du

cortège nuptial.

« C’était pas mal ensemble qu’on a choisi. C’était famille avec des amis. Dans

c’temps là la mode des filles d’honneur c’était des robes de différentes couleurs.

C’était drôle j’avais quatre filles d’honneur bien il y avait quatre différentes couleurs

les filles d’honneur. Le choix des couleurs, je pense que c’était pas mal ensemble

qu’on461

avait choisi. Dans c’temps là il n’y avait pas de dame d’honneur, c’était

plutôt juste des filles d’honneur. »

Thérèse m’informe que le rôle de la future-mariée était de s’occuper du linge. « Être bien habillée,

acheter les robes, aller voir la robe de mariée puis tout ça ». Le rôle du futur-marié quant à lui c’était de

« s’occuper de ses garçons d’honneur ». Parce que les conjoints étaient catholiques et francophones, ils

se rendirent à l’église pour faire part au curé de leur paroisse de leur intention de mariage. « On avait été

voir le prêtre pour discuter avec lui pour arranger les temps puis ces affaires là. » Thérèse affirme que

son mariage était nécessairement traditionnel parce que : « Bien c’est important quand on est jeune

d’avoir un mariage traditionnel. C’était pas mal ce qui était dans le temps462

! C’était différent

d’aujourd’hui parce qu’on pouvait se marier le dimanche après-midi » Le plus beau souvenir de son

458

Entre le début et le milieu des années 1950. 459

Vers le milieu des années 1950. 460

Vers le milieu des années 1950. 461

En se référant aux filles d’honneur et à elle-même. 462

Vers le milieu des années 1950.

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mariage serait selon elle «la cérémonie elle-même puis ensuite avoir les proches parents avec toi parce

que mes parents demeuraient pas là dans le temps, ils demeuraient en dehors. Il fallait qu’ils viennent,

qu’ils fassent un voyage pour venir assister au mariage. Vraiment ça c’est un bon souvenir ».

Tel que déjà mentionné, la cérémonie du mariage fut célébrée le dimanche après-midi, ce qui était la

norme à l’époque selon Thérèse. « Oui, on s’avait marié à trois heures puis on avait eu un repas à la

maison même puis ensuite on avait eu une danse à la salle ». Elle me fait part aussi que son conjoint et

elle n’avaient pas à faire de compromis dans la préparation et la façon de célébrer le mariage. Elle précise

que le mariage eut lieu dans la paroisse de Jacques et que sa famille, qui habitait la province de Québec,

entreprit le voyage pour y assister. Quant aux coutumes qui avaient été pratiquées cette journée là, elle

déclare qu’elle est surprise qu’elle puisse se souvenir d’autant de détails.

« Bien le chapelet sur la corde à linge pour qu’il fasse beau le lendemain, oui ça je me

rappelle de ça. C’était des coutumes qui étaient bien à la mode dans le temps. On

avait un gâteau puis on avait coupé ça. Il y a quelqu’un qui nous avait amené à l’église

la mariée puis les filles d’honneur. Je ne peux pas dire au juste qui c’était parce que je

ne me rappelle pas. On devrait écrire ça quand on est jeune ehhh? Je ne me rappelle

pas de ça ! Je sais que quelqu’un nous avait amené à l’église. Ma mère était présente

au mariage et était assise à une place spéciale dans l’église».

Thérèse m’informe aussi que c’est son père qui l’accompagna dans l’église et qui l’a conduite jusqu’à

l’endroit où l’attendaient Jacques et le prêtre. « C’était beau. C’était de la façon que les gens célébraient

le mariage dans le temps463

» me dit-elle. Les valeurs qu’elle associe à cette cérémonie et au mariage sont

l’union, la famille, la promesse, les vœux et la fidélité.

Après la cérémonie du mariage, il y eut un souper.

« C’était dans une maison privée, chez les parents à Jacques. Je me rappelle, il y avait

des décorations, des guirlandes, des cloches. Après le souper, il y avait «une danse

dans une salle. Il y avait une band464

. C’était la musique du temps, du Country.

Peut-être des danses carrées aussi dans c’temps là! Si je me rappelle bien on aurait dû

avoir des danses carrées il y a toujours quelqu’un dans la salle qui peut caller465

là …

ah oui oui, oui ! Les invités bien c’est la proche famille et puis les amis, c’est pas mal

toute pour le mariage lui-même! Puis le souper il y en avait à peu près une

cinquantaine. Le soir à la danse il y avait plus de monde que ça. »

Selon Thérèse, les coutumes du mariage regroupaient le souper en famille, la danse et la musique. Elle

souligne l’importance de suivre les traditions.

En ce qui a trait à l’entrée en ménage, Thérèse dit que Jacques et elle ne cohabitèrent pas ensemble avant

le mariage. Ils avaient choisi d’habiter en ville « parce que c’était proche de tout le monde qu’on

connaissait comme la famille puis des amis. C’était dans un appartement d’une chambre puis c’était sur

le deuxième plancher. Mon doux je ne sais pas si le frigidaire puis le poêle étaient fournis je pense que

oui ». Le couple s’acheta par la suite une maison en ville où ils élevèrent leurs enfants466

. « Les soins qui

463

Vers le milieu des années 1950. 464

Band : groupe qui joue de la musique. 465

Caller : personne qui sait appeler les mouvements et les pas de danses carrées. 466

Quelques années après leur mariage, soit entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1950.

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étaient apportés à ces derniers provenaient tous de la mère » affirme Thérèse en riant très fort. Jacques

quant à lui « il apportait les jeunes dans le hockey puis ça, il a participé avec ça, les gars, pas bien, bien

les filles. » raconte-t-elle. Les valeurs qu’elle et Jacques transmirent à leurs enfants furent les mêmes,

selon elle, qui leur furent transmises. « C’est d’être sincère, puis d’être poli, respecter l’autre personne

puis pas avoir peur de parler à ta mère s’il y a quelque chose qui ne va pas.» De plus, elle m’informe

qu’elle donna naissance à plusieurs enfants et qu’elle put observer un genre de changement de génération.

« Mes deux dernières c’est comme si elles étaient dans une autre génération. Tu sais

quand ils grandissaient mes trois plus vieux on dirait qu’ils étaient plus de MA467

génération tandis que les deux plus jeunes on dirait que c’était plutôt de la génération

d’aujourd’hui. Surtout quand elles vieillissent un peu puis qu’elles sont rendues

femmes là. C’était un peu différent les affaires d’école mais à la maison c’était pas

mal pareil. »

Thérèse ne peut pas penser à des exemples plus concrets mais elle tente tout de même de faire un

parallèle en admettant que « c’était plus moderne avec la mode d’aujourd’hui».

2.2.1.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Christine, femme d’Alain, me parle de leur rencontre et de leurs fréquentations468

. « Mon partenaire

c’était un blind date469

. C’était dans notre ville natale parce qu’on vient de là tous les deux. C’était au

mois de novembre. On a été au show470

. Les fréquentations furent d’une durée d’un an et demi à peu près

avant les fiançailles. » Christine retient des fréquentations une sorte de simplicité à laquelle elle rattache

un confort.

« Je trouve que c’était moins compliqué qu’aujourd’hui. On sortait beaucoup. On ne

sortait pas tous les soirs. C’était plus aller au Show puis des choses de même; visiter

des amis. Ce n’était pas tout le temps dans les bars comme aujourd’hui c’est ça qu’ils

font. Nous autres dans c’temps là ce n’était pas toujours de même. On ne restait pas

ensemble471

, puis je trouve qu’il n’y a rien de mal là-dedans mais nous autres, ce

n’était pas pour nous autres. C’était plus simple. »

Alain, époux de Christine me fournit lui aussi des renseignements relativement à leur rencontre et à leurs

fréquentations472

. « C’était le vingt-trois novembre! » me dit-il en riant.

« C’était qu’est-ce qu’on appelle un blind date. On a été au cinéma. C’était à travers

de nos amis. J’avais un ami, puis elle473

avait une amie. Eux autres étaient ensemble,

c’était comme ça. Ils étaient mariés dans le temps. C’était un an et deux mois après ça

qu’on s’est fiancé. Ah! C’était bien bon, c’était bien aimable. On fréquentait les pubs,

on allait au cinéma, on avait des parties. Oui, ça allait bien! »

467

Intonation de la voix. 468

Entre le début et le milieu des années 1970. 469

Rendez-vous surprise organisé par un ami par exemple. 470

Au cinéma. 471

Pas de cohabitation. 472

Vers le milieu des années 1970. 473

En parlant de Christine.

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88

Alain m’informe aussi que Christine et lui furent fiancés pendant six mois après quoi, ils se marièrent474

.

Christine explique que la demande en mariage se fit deux mois avant les fiançailles officielles.

« Alain m’a demandé en mariage au mois d’octobre puis on s’est fiancé après Noël.

On s’en allait en char puis il a arrêté puis il me l’a demandé475

. Vraiment j’étais

surprise qu’il a arrêté le char puis qu’il m’a demandé ça! Il n’a pas suivi de protocole

non. On était juste assis dans le char. On a été voir pour les bagues puis on a choisi

nos bagues. J’avais dit à ma mère que je me fiançais à Noël puis je me suis fiancée la

veille de Noël. »

Alain n’a pas demandé la main de Christine en mariage à son père. Bien que le choix des styles de

bagues de mariage soit infini, Christine en préférait une plus que les autres. « Oui, moi j’ai tout le temps

dit que je voulais avoir une solitaire. Puis c’est ça qu’on a été voir. Je ne regardais à rien d’autre que des

solitaires.» En tant que symbole elle y voit le bonheur. « Tout le monde était content pour nous autres. »

Pour elle, les fiançailles signifiaient que le couple était prêt pour une autre étape dans sa vie.

Alain témoigne lui aussi du même déroulement des événements. « Ça été fait à Noël puis c’était un

réveillon chez la mère de Christine oui, oui. C’était la place à le faire! Ça s’est fait en avant de la parenté.

On savait déjà qu’on était pour se fiancer. Entre nous autres on le savait. Eux autres ils le savaient pas.»

Alain m’informe aussi que c’est Christine qui choisit sa bague. Pour lui, les fiançailles symbolisaient

l’amour.

Pour l’entrée en ménage que le mariage allait nécessairement entraîner, Christine s’était préparée un

trousseau. Elle fit ainsi pour suivre la tradition plutôt que par nécessité. « Oui j’avais commencé un p’tit

trousseau. C’était toutes des affaires personnelles de femme. Je n’avais pas tant de choses que ça dedans

par exemple. Ma mère avait dit attend à ton shower.» Et pour préparer la cérémonie de mariage,

Christine raconte qu’elle a presque tout fait elle-même. « Ma mère a venu plusieurs fois avec moi pour

m’aider par exemple mais j’étais bien proche avec ma sœur. Elle était bien bonne pour ça elle. » Alain,

son conjoint n’avait alors pas de rôle spécifique à jouer dans la planification du mariage. D’autre part,

parce que le mariage fut célébré dans une église catholique, il était impératif que le couple fasse des

arrangements avec le curé de leur paroisse.

« On a pris le cours de mariage. Dans c’temps là c’était obligatoire. Je trouve que ça

vraiment bien été. Ce n’était pas une noce fancy, fancy476

par exemple parce que mes

parents n’avaient pas d’argent pour ça puis ses parents non plus. Notre cadeau c’était

qu’ils payaient le souper puis le vin. C’était ça qui était notre cadeau de nos parents

des deux familles. Ça c’était notre cadeau, on ne s’attendait pas à rien d’autre parce

que c’était eux autres qui payaient pour ça. Je trouve que ça bien été! » me confie-t-

elle.

De plus, tel que déjà mentionné, Christine reçut avant son mariage un shower de fille que sa mère et sa

sœur organisèrent.

474

Vers le milieu des années 1970. 475

Il lui demanda de l’épouser. 476

Fancy : de fantaisie ou de luxe

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89

« Il y avait bien du monde puis c’était un really good turnout477

. Il y avait un gros

lunch, il y avait du bingo, il y avait … ah! mon Dieu!, il faut que j’y pense… le

monde jasait beaucoup. Il y avait bien du monde, bien du monde à mon shower.

Même du monde sur le bord à Alain que je ne connaissais pas beaucoup. Ça me

gênait. Bien ça c’est bien passé. It was a success so 478

… dans notre famille on

organise toutes479

des « showers». C’est le temps de se rencontrer. »

Comme cadeaux, Christine admet « J’ai tout eu je pense qu’est-ce que je pourrais penser. Je pense que

j’ai tout eu. C’était toutes des choses de maison. » Quant à l’enterrement de vie de fille, « Non, il y en

avait pas de ça 480

» m’indique-t-elle.

Alain me confirme que la préparation du mariage telle que la cérémonie s’est bien déroulée. « J’ai été

louer mon tux481

, j’ai choisi les, on a choisi le best man là, organisé une soirée avec les boys, c’est à peu

près ça! » me précise-t-il en riant.

« Christine, elle a fait des invitations. On a décidé qui inviter. Sa robe, il fallait

qu’elle choisisse sa robe! Il fallait aller à l’église pour aller voir le prêtre pour qu’on

peut avoir une date. Ensuite le prêtre nous a demandé, je ne sais pas si on a fait part à

un groupe? Il me semble il fallait qu’on soit à l’église pour une réunion avec d’autres

couples qui se mariaient. Je me rappelle de ça. On a choisi une date puis on s’est

marié cette date là! »

En ce qui a trait à l’enterrement de vie de garçon, Alain explique qu’une telle célébration ne fut pas

organisée. « On a juste eu une soirée puis on a sorti. Ce n’était pas rien de super comme il y a

aujourd’hui. C’était juste une soirée avec les gars. » Il ne peut me fournir des renseignements au sujet de

cette sortie parce qu’il ne s’en souvient plus. Il avoue « moi j’ai de la misère avec la mémoire, j’ai de la

misère à me rappeler » et cela le peine482

.

En ordre chronologique des événements, je demande aux informateurs de me raconter les détails de la

journée du mariage. Voici ce que me révèle Christine.

«Bien dans c’temps là ça avait commencé, il n’y avait plus de stag and doe483

. Ils

avaient éliminé ça le stag and doe puis tu faisais un stag and doe wedding484

. So c’est

ça qu’on a fait. Tu ne vendais pas des cartes à n’importe qui que tu ne voulais pas là.

Les invités pour le souper eux autres n’en achetaient pas de cartes. Juste ceux qui

venaient le soir qui achetaient des cartes. Notre mariage était bien traditionnel.

Comme par exemple, nous autres on croyait que la grand-mère fallait qu’elle soit à la

maison pendant que la mariée s’habillait. Aujourd’hui ils ne font pas ça. On recevait

477

Really good turnout : un excellent taux de participation. 478

It was a success so : c’était un succès alors... 479

Christine m’informe que ses sœurs organisent des showers de mariage pour leurs filles comme leur mère avait

fait pour elles. 480

Vers le milieu des années 1970. 481

Tux: tuxedo : habit 482

Il l’affirmera. 483

Selon les explications, le « stag and doe » est une soirée dansante organisée en l’honneur des futurs-mariés ou

des mariés en vue de prélever des fonds pour aider ceux-ci à défrayer les coûts associés au mariage. Les dons sont

habituellement obtenus par la vente des billets donnant accès à la danse. 484

Selon les explications de Christine, la tradition du stag and doe aurait été annexée à la réception du mariage. Il

s’agissait de mettre en vente des cartes qui étaient réellement des billets permettant à ceux qui en faisaient l’achat,

d’assister à la réception du mariage. Cette pratique offrait au couple un support financier.

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90

de la visite à la maison nous autres avant que je parte. Ils faisaient un toast485

à la

mariée. Je me rappelle j’avais descendu en bas. Il y avait mon père, ma grand-mère,

les sœurs à ma mère. Ils s’étaient tous vidé un verre de vin. Aussi, on avait

Something old something new486

qui a toujours existé que moi je sais. Puis moi c’est

ma grand-mère qui est venue à la maison pendant que je m’habillais puis tout ça, puis

c’est elle qui m’a mis ma garter belt487

. Je suis donc contente. Je ne sais pas c’était à

qui l’idée. Ce n’était pas la mienne. Mais elle a dit je vais mettre ta garter belt. J’ai

levé ma robe puis tu vois ma grand-mère qui est entrain de me mettre ça. Aye, tu sais

c’est priceless488

ça là! Et puis moi j’avais deux filles dans le cortège, ma sœur était la

dame d’honneur puis la sœur à Alain, elle était la fille d’honneur. J’avais une

bouquetière, la p’tite sœur à Alain. Elle aussi elle est arrivée bien tard dans cette

famille là et puis j’avais mon p’tit cousin puis c’était le ring bearer489

. Puis la mode

c’était des parapluies. À la place d’avoir des chapeaux c’était des parapluies. C’était

nouveau dans le temps, ça avait sorti. C’était tout fait dans le même matériel que la

robe. Il était bien décoré avec des fleurs. Mon plus beau souvenir, quand même qu’il

faisait chaud, tu pouvais voir que le monde avait chaud… tout le monde dansait. Ah!

Oui! Tout le monde dansait !» me dit-elle en souriant.

Je lui demande aussi ce que ça signifiait pour elle que son mariage fut traditionnel. Elle me répond que

les choses se firent par coutume en répétant qu’elle et son conjoint suivirent les coutumes tout

simplement.

Alain me fait aussi part de mariage490

:

« C’était bien important d’avoir un mariage traditionnel. Bien c’est qu’est-ce que nous

autres on a été expliqué par nos parents. C’est comme, c’est une tradition, c’est

comme ça qu’on fait ça. On a été à d’autres mariages, on a vu ça alors on suit la

pratique. Il me semble aussi que c’est à cause que nos grands-parents étaient là. Tu

sais d’habitude une coutume c’est si un garçon le plus vieux il se marie pas, c’est le

plus jeune, bien l’autre il danse sur ses bas. Ça c’est une coutume, bien on n’avait pas

besoin de faire ça. »

Il continue de me fournir quelques autres détails sur son mariage.

« Ah! c’était pas mal un, c’est un gros mariage! L’église, c’était pas mal plein! Il y

avait pas mal de monde! Je dirais qu’il y avait au dessus de cent personnes là. Bien

cent vingt-cinq. Puis c’était pas mal oui… Mon souvenir le plus beau ça serait la

danse, la danse à la salle, mais AUSSI491

notre mariage à l’église là? Avec le prêtre là?

On voulait avoir notre curé préféré qu’on avait quand on était plus jeune mais je pense

que c’était un autre prêtre qui nous a mariés. Si ça aurait été notre curé, ça aurait été

meilleur! Ça aurait été mieux pour moi parce que je connaissais c’te curé là. »

« On était dans un heat wave492

le jour de la cérémonie du mariage » indique Christine.

485

Toast : le fait de boire à la santé de… 486

Something old something new : formulette traditionnelle anglophone. 487

Garter belt : vernaculaire quant au sens. Elle se réfère à la jarretière. 488

Priceless : précieux 489

Ring bearer : page, porteur des anneaux nuptiaux. 490

Vers le milieu des années 1970. 491

Intonation de la voix. 492

Heat wave : canicule

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91

« On était au mois d’août puis ça faisait trois semaines que ça lâchait pas. Mais là

c’était terrible. Il faisait assez CHAUD493

, que ce n’était même pas confortable. Mon

père je me rappelle quand il m’a marché dans l’église494

il m’a dit Christine, je suis

trempe. Même le maquillage n’était pas beau à cause de ça. Il faisait assez chaud!

Humide au coton495

! Je me rappelle le matin il faisait soleil. Ma sœur avait dit Oh my

God496

il fait soleil! Je me disais il fait soleil mais my God il va faire chaud! C’est vrai

c’était de même. Terriblement trop chaud pour des noces. Je me rappelle même

d’avoir dit si c’était à recommencer je ne me marierais jamais dans l’été. »

Elle explique aussi qu’entre Alain et elle, il n’y avait pas de compromis à faire. « Bien qu’est-ce que je

disais lui il disait que c’était correct alors ce n’était pas bien bien, compliqué! On avait eu des

rassemblées497

avec le prêtre.»

Et pour Christine, la valeur la plus importante relativement à la cérémonie de mariage selon elle c’était

que toute la famille soit présente. C’était pour Alain et elle une autre étape dans leur vie. Tout le monde

était heureux pour eux. Christine accorde une grande importance au bonheur et l’identifie aussi comme

étant une valeur.

Alain déclare qu’il n’avait pas été obligé de compromettre quoi que ce soit en ce qui a trait au

déroulement de la cérémonie de mariage. Il raconte que les invités :

« c’était la parenté. C’était plutôt la famille proche, ensuite les amis, ensuite les amis

des amis. C’était comme ça que c’était. Pour le souper c’était la famille immédiate.

On avait de la parenté de la province de Québec parce que ma mère vient de la

province de Québec, alors ses frères et ses sœurs. On avait un bon groupe de

monde! »

Alain avait déjà expliqué que son mariage avait pour lui un caractère traditionnel. Je lui demande alors

de fournir des exemples qui démontreraient que la cérémonie du mariage l’était aussi. Il m’explique que

la cérémonie était « standard » voulant dire qu’elle suivait la norme. Les critères de référence sont ceux

qui s’appliquent à un mariage dans une église : la robe blanche, le cortège nuptial, la publication des

bans, la cérémonie habituelle célébrée dans une église (communion, lectures, psaumes, évangile, échange

des consentements, échange des alliances et bénédiction…) entre autres. Ce qu’il retient le plus de la

cérémonie et ce qui est le plus significatif « c’est quand on a fait notre promesse.»

« La réception a bien été. Il y avait bien du monde. Tous nos amis étaient là. Tout le monde était

content » dit Christine. Durant la soirée il y avait la tradition du lancer de la jarretière et du bouquet.

Christine dansa aussi une valse avec son père. Selon elle, ces genres de traditions firent en sorte que la

réception se déroula de la même façon que toutes les autres réceptions de mariage.

« La réception nous autres on avait eu un stag and doe. Il y avait cinq cent personnes

là. On avait un orchestre. Ils498

étaient pas mal bons. On a refusé du monde à la

493

Intonation de la voix 494

Il faut remarquer ici la tradition : à l’entrée de l’église, le père de Christine l’accompagne et la conduit jusqu’à

son futur-époux qui se tient debout à côté du prêtre. Christine indique que sa mère était déjà dans l’église et avait

pris la place réservée pour elle, soit dans l’un des premiers bancs, côté gauche de l’église. 495

Humide au coton : expression signifiant à l’extrême. 496

My God: mon Dieu. 497

Rassemblées : réunions

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porte! Nous autres la coutume c’est que le couple qui se marie danse les premiers.

Puis là, après la première danse, tu fais une deuxième danse, puis là ce qui arrive, les

parents du couple qui se marie se lèvent puis eux autres ils dansent. On a fait ça.

Avant la réception on fait un souper. Ce qui arrive bien, il y a une tradition, bien si on

cogne les assiettes le monde s’embrasse là? C’est pour les mariés surtout » explique

Alain.

Il m’informe aussi qu’il a dansé la valse avec sa mère tout comme la mariée dansa avec son père. Selon

lui, « c’est bien important » de pratiquer de telles coutumes.

L’entrée en ménage se fit en douceur. 499

Christine et Alain avaient trouvé un petit appartement en ville.

« On a choisi l’appartement avant le mariage. Moi j’ai vécu là un peu avant, une

semaine ou deux avant qu’on se marie. C’était sur le deuxième plancher. C’était un

bloc d’appartements qui était appartenu pas un homme italien. On était dans un

quartier qui était pas mal anglais alors c’était un peu différent. Nous autres on a vécu

dans le quartier francophone500

de notre ville pour le temps de notre jeunesse puis de

notre adolescence. L’appartement était dans une différente région de la ville mais pas

très loin » explique Alain.

Le cycle de la vie adulte selon Jean Du Berger inclut aussi l’éducation des enfants. Christine m’informe

alors à ce sujet. « Les valeurs que j’ai transmis à mes enfants : sois heureuse, soyez heureux toujours

bien! » me dit-elle en riant. « Choisis de faire quelque chose, stick with it and like it and be happy501

! »

souligne Christine en reconfirmant que le fait d’être heureux est une valeur importante.

« Moi je dis que mon mari avait les mêmes idées que moi. On veut les502

avoir

heureux tu sais? Il y en a des enfants, ils disent qu’ils sont prêts puis ils ne sont pas

prêts! Ils n’aiment pas ci, puis ils n’aiment pas ça, puis ils ne sont pas contents dans

leur carrière, puis sont pas contents ici. Stick to it puis si t’aime ça bien just go503

tu

sais? »

Christine ajoute aussi qu’elle a voulu encourager ses enfants à se motiver, à se fixer de bons objectifs et à

les rejoindre. Cette croyance ne lui a pas été transmise.

«Mes parents bien eux autres, si tu ne veux pas aller plus loin que ça bien c’est

correct. On n’était pas poussés. Ces parents à lui504

étaient plus, sa mère elle était

bonne elle. Elle voulait qu’ils aillent au collège, elle voulait ça pour ses jeunes. Elle

était plus, on pourrait dire pas sévère, ce n’est pas le mot pour ça, elle était plus

ouverte pour dire OUI505

tu devrais aller au collège. Elle était pour ça comme tu

sais?»

498

Les membres de l’orchestre. 499

Vers le milieu des années 1970. 500

Cette ville a un très grand quartier francophone. Il aurait accueilli plusieurs Canadiens-français après l’arrivée du

chemin de fer et fut constitué de plusieurs paroisses. Il est caractérisé par une architecture ancienne et demeure

symbolique pour les Francophones de la région. 501

Stick with it and like it and be happy : en parlant d’un choix voulant dire :affirmer et soutenir un choix, aimer ce

choix et être heureux de ce choix. 502

En parlant de ses enfants. 503

Just go : Il suffit d’y aller. 504

En parlant d’Alain. 505

Intonation de la voix.

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93

Alain quant à lui me dit que la valeur la plus importante que lui et sa femme voulurent transmettre à leurs

enfants était l’amour. Cette valeur avait bien été présente dans sa vie et ses parents s’assurèrent de la lui

transmettre. Il me fit aussi part du milieu scolaire de ses enfants en m’indiquant que ceux-ci

fréquentèrent des écoles catholiques et francophones à partir du niveau primaire jusqu’au postsecondaire.

2.2.1.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Valérie, fille de Christine et Alain, petite fille de Thérèse, parle de la façon qu’elle rencontra son futur-

époux ainsi que de leurs fréquentations.506

« J’ai rencontré Scott à travers le chum de ma meilleure amie,

parce qu’il507

était un bon ami du chum à ma meilleure amie. Puis on était des amis pour à peu près deux

ans avant qu’on a commencé à se fréquenter. C’était pendant que nous étions à l’université.» Valérie

raconte aussi qu’elle ne fréquentait pas la même université que Scott. Elle avait choisi d’en fréquenter

une qui était dans sa ville natale alors que Scott avait choisi d’étudier au loin. Pourtant, Scott venait

visiter sa famille puisque celle-ci habitait la même ville que Valérie. Le couple se rencontrait donc

souvent. Ces fréquentations furent d’une durée d’un peu plus de quatre ans avant le mariage508

. « Après

deux ans et demi de fréquentations j’ai déménagé avec lui dans l’appartement qui était attaché à la

maison de mes beaux-parents et on a resté ensemble pour deux ans avant le mariage. On s’est fiancé un

an après et puis ensuite on s’est marié une année après. »

Scott me fait part des mêmes détails au sujet de la rencontre et des fréquentations. « We met through

friends. We had mutual friends. We got engaged three years around that, three or four years after we

met.» Ce que Scott retient de leurs fréquentations c’est que Valérie et lui étaient vraiment compatibles.

«We had a lot of fun together. »

Valérie me fournit ensuite des informations quant à la demande en mariage.

« Alors on restait ensemble, ça faisait à peu près trois ans et demi et puis c’est drôle

parce que quand, ça c’est important que je dise ça, parce que quand j’ai déménagé

avec mon mari, bien Scott, mon chum dans c’temps là, c’était une entente QUE ON509

était pour se fiancer bientôt parce que je ne voulais pas juste vivre avec quelqu’un

pour vivre avec quelqu’un. Et puis on était rendu assez sérieux pour avoir ces

discussions là donc, puis lui était bien correct avec ça et puis il m’a demandé en

mariage à peu près un an et quelque après ça. La demande s’est faite dans notre

appartement. Il m’a préparé un souper et puis on a regardé un film et puis c’était drôle

parce que dans le film c’était The Inlaws avec Ryan Reynolds et puis après que le

film était fini j’avais dit When are we going to get married? Puis il a sorti la bague

de sa poche » me raconte-t-elle en souriant.

«Mon mari n’a pas demandé à mon père pour sa permission parce que mon mari ne

croit PAS510

la dedans. Mon mari dit que c’est une vieille tradition venant de la

DOT511

puis il dit non, ce n’est pas nécessaire. Il n’a pas demandé. La bague, moi,

506

Vers la fin des années 1990. 507

En parlant de Scott. 508

Le mariage fut au début des années 2000. 509

Intonation de la voix. 510

Intonation de la voix. 511

Intonation de la voix.

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j’en avais choisi entre trois ou quatre et puis c’est lui qui a choisi elle qu’il m’a

donné.»

Valérie admet que ce qui guida le choix de la bague fut la situation financière. Et selon elle, cette bague

symbolise un engagement pour la vie.

Scott me raconte le déroulement des événements aux détails près. « It was at my apartment. I proposed to

her in there. I don’t agree with the whole idea of asking someone’s parents. I thought it was more proper

to ask Valérie rather than talk to her parents prior to that. So I actually didn’t tell anyone about it. » Les

fiançailles furent ainsi une surprise! Mais si Valérie ignorait quand allait se faire la demande officielle de

mariage, elle savait quand même que les fiançailles étaient imminentes. « We had started to talk about

getting engaged. We had looked at rings prior to that so it was the two of us that had been looking at rings

together» avoue Scott. « It was custom made, just to do something original, something that we both

liked.» Scott n’y voit pas de symboles. Il affirme pourtant qu’il comprend que la bague veut représenter

l’union.

Valérie me fait part qu’elle n’avait pas préparé de trousseau pour sa mise en ménage. D’autre part, le

mariage nécessita quant à lui, beaucoup de préparatifs.

« Alors on avait aussi discuté lorsque j’ai déménagé avec mon mari, qu’on était pour

se marier dans une église catholique. Je voulais me marier à l’église où TOUS512

les

membres de ma famille se sont mariés dans cette église là et puis mon prêtre que

j’avais à une autre paroisse était rendu là. Puis c’était un prêtre que j’avais beaucoup

aimé quand j’étais petite513

. Alors on l’a rencontré deux fois. Il nous a demandé de

nous inscrire à une fin de semaine marriage camp514

que mon mari aime dire. Et puis

on a fait ça et puis c’est bien allé. C’était vraiment, vraiment intéressant parce que ce

n’était pas religieux comme mon mari le croyait. Il y avait quand même une séance le

dimanche, mais à part de ça on parlait d’argent, la fidélité, des choses de même. Et

puis c’est ça. Lorsqu’on l’a annoncé à mes parents et puis à ses parents, les parents

nous aidèrent financièrement. Ma mère m’aida à faire toutes les décisions, peut-être

un p’tit peu trop. Oui, c’était ça! Mon rôle bien c’est vraiment moi qui a fait tous les

appels. J’étais plutôt en charge. Scott lui, a fait quelques décisions mais il s’inquiétait

plutôt du budget, de l’argent. À part de ça, lui il aurait aimé même qu’on se marie au

Cuba. Et puis moi je ne voulais pas ça. Donc on a décidé de rester en ville alors il m’a

laissé faire toutes les décisions vraiment. Aussi, j’ai eu un shower de fille515

organisé

par ma mère et puis mes tantes et puis mes cousines. Parce que dans ma famille, ça

c’est la tradition que c’est la mère et puis, ses sœurs et leurs filles, les cousines, qui

organisent les showers. Elles sont très proches. Donc pour chacune de mes cousines,

ce sont elles qui ont fait le shower avec l’aide des autres cousines. Alors c’était mon

tour. Alors c’était ma mère qui l’a vraiment organisé mais avec l’aide de mes deux

tantes et mes deux cousines. Le shower c’était pas mal identique au shower de mes

deux cousines! Parce que c’est comme ça que ça va dans ma famille. C’était très bien.

Il y avait au-delà de cinquante personnes. Vraiment j’ai été choyée; le montant de

cadeaux, le montant d’argent c’était, c’était incroyable. Les gens étaient vraiment

heureux pour moi puis Scott puis ils voulaient qu’on commence une vie ensemble

avec tout ce qu’on avait de besoin puis même encore plus puis c’était vraiment

512

Intonation de la voix. 513

C’est en fait le même prêtre de qui son père m’avait parlé. 514

Marriage camp : terminologie inventée par Scott signifiant camp d’entrainement au mariage. 515

Au début des années 2000.

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beau! Ce que je retiens du shower de fille vraiment c’est comment, les membres de

ma famille, les membres de ma belle famille, les amis, MÊME LES AMIS DE MA

MÈRE, DE MA COUSINE516

, tout ça, comment les gens étaient généreux, vraiment,

vraiment généreux. Et puis aussi comment les membres de ma famille surtout ont mis

de leur temps et de LEUR517

propre argent pour assurer une réussite pour le shower. »

Valérie m’indique aussi qu’un genre de bachelorette518

fut organisé pour elle, par le même groupe de

femmes.

« Donc le bachelorette c’était ma cousine qui était aussi ma femme d’honneur à mes

noces et puis c’était chez elle. C’était une surprise complète, comme je n’avais aucune

idée. Et puis c’était encore une fois juste des femmes. Pas aussi gros que le shower de

fille, on était peut-être une dizaine. Elle avait loué un hot tub519

et puis on a bu, on a

mangé, on a jasé, on a dansé. On a eu bien du fun! Il s’agissait d’une petite soirée de

détente pour les femmes. Pour les cadeaux pour le shower puis le bachelorette, j’avais

été demandé de faire un registry520

donc j’en avais fait un à Sears et puis j’ai reçu

TOUT521

ce qu’il y avait sur mon registry. Donc même comme un aspirateur, j’avais

tout, tout, tout, mes lampes, ma vaisselle, tout, tout, tout. Et puis je me souviens

j’avais fait au-delà de onze cent dollars à mon shower et puis le bachelorette j’avais

aussi reçu des cadeaux. C’était plutôt des cadeaux des jokes522

. Alors c’est très

important de se réunir. Dans la famille de ma mère, c’est une grande famille.

Honnêtement, je peux dire que je suis allée à peut-être une trentaine de showers

comme si je combine mes amis, la famille de ma mère parce qu’elle est tellement

grande, ensuite la famille de ma belle-mère, de mes beaux-parents alors je trouve que

c’est important parce que souvent c’est le SEUL TEMPS523

que tu vas voir ces

personnes là parce qu’on parle de grandes-tantes, deuxièmes et troisièmes cousines

que je ne verrai PAS524

à Noël alors oui je trouve que c’est important. La signification

du shower et du bachelorette c’est tradition, tradition! Je dirais aussi c’est pour aider

la personne ou le couple. C’est un rassemblement. »

Je pose aussi les mêmes questions à Scott afin d’en connaître davantage au sujet de la préparation du

mariage. Il m’explique qu’il avait habité seul avant sa cohabitation avec Valérie. Ainsi, il avait accumulé

beaucoup d’items nécessaires au quotidien. Ce genre de trousseau n’avait pas été organisé en guise de

préparation à la mise en ménage. Entre autres, il avait été nécessaire parce que Scott avait choisi d’aller

aux études au loin et avait besoin d’items et de fournitures pour sa demeure. D’autre part, je questionne

Scott par rapport à la préparation du mariage lui-même.

« Well we had to do all the regular things for preparing for the wedding. The only

difference was that at the time we were preparing for the wedding, I was also finishing

my master’s degree. So Valérie did most of the preparation for the wedding. But we

did a lot of the bookings and stuff like that together and we talked about

photographers and going to look at the halls and all those things. A lot of the detail

516

Intonation de la voix. 517

Intonation de la voix. 518

Bachelorette : Rassemblement organisé en l’honneur de la future-mariée réunissant un groupe de femmes.

Enterrement de vie de fille. 519

Hot tub : bain à remous. 520

Registry : liste de cadeaux 521

Intonation de la voix. 522

Jokes : blagues. 523

Intonation de la voix. 524

Intonation de la voix.

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work Valérie did, even looking at particulars around the hall, how the hall would be

decorated and things like that. I can’t remember, I don’t think I had a specific role to

play. I had a stag. It was a surprise stag. It was organized by my dad and my, at the

time, sister’s boyfriend so my brother-in-law now. And just friends and family and

stuff like that. It was only men. The difference between a bachelor party and a stag is

that a bachelor party you are going out just before the wedding. A stag is organized

like a month before and stuff like that. »

Il m’indique aussi qu’il y avait eu des jeux lors de la réception et une salle municipale avait été louée à

cet effet. Selon Scott, une telle célébration signifiait que le mariage approchait. Les hommes y

participèrent pour s’amuser ensemble.

En poursuivant mon entrevue avec Valérie, je lui demande si elle considère son mariage comme

traditionnel. Elle me répond :

« Oui et non. Oui la cérémonie était certainement traditionnelle. Non parce qu’on n’a

pas eu un souper. Malgré que ce n’était pas les premières noces comme ça dans ma

famille mais ce n’est pas traditionnel. Habituellement les gens ont un souper. On est

allé à des noces où il y avait un souper puis on a trouvé ça ennuyant. À cause qu’il y

avait tellement de gens à nos noces, je ne voulais pas que ça soit ennuyant pour tout le

monde. Donc on a décidé de le faire de cette façon là. Aussi ma cousine qui est

comme, on est tellement proche on est comme des sœurs, elle a fait ses noces comme

ça puis je l’ai beaucoup aimé. Et puis c’est pour ça qu’on a décidé de faire la même

chose. Les plus beaux souvenirs moi je dirais la cérémonie pour moi. La cérémonie

était très spéciale. Quand je suis allé faire faire mes cheveux avec mes filles

d’honneur, ça c’était le fun. Avec les mères aussi. On riait beaucoup. Quand j’ai dansé

avec mes amis finalement tard pendant la soirée, quand on a pris nos photos… On

était proche d’une autre chapelle et puis il y avait un gazebo. Et puis on avait

beaucoup de fun. »

Scott me témoigne aussi de l’ensemble des pratiques de son mariage.

« We had an evening wedding, it was in the summer and it was a Friday night. Well

when we first talked about getting married I talked about going away to a resort

wedding and things like that but we decided not to do that. We wanted to have our

family and all that around but the wedding was probably bigger than what we initially

anticipated for. We had a lot more family.»

Selon Scott, les pratiques basées sur la tradition qui furent transmises de génération en génération dans sa

famille étaient les suivantes: «We had a best man, bride’s maids, the whole bridal party, our parents were

involved in the whole process, it was in church, tuxedos, a white dress, things like that – like all». Mais

Scott prit une attitude un peu passive envers les pratiques traditionnelles. «I was indifferent either way.

Traditional or not it didn’t bother me. It was Valérie’s choice and supported it».

Valérie me raconte comment s’est déroulée la cérémonie de mariage.

« Nous autres on s’est marié un vendredi soir au lieu d’un samedi525

et puis on s’est

marié en soirée. Alors on s’est marié à dix-huit heures à l’église. Ensuite on s’est

rendu à notre salle puis on a servi des hors-d’œuvre et puis on avait une grande,

525

Au début des années 2000.

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grande table. C’était une table avec des desserts, des fromages, des craquelins, des

fruits, des légumes, des trempettes tout ça c’était ah! c’était super beau. Et puis on

avait un disc jockey qui a joué des jeux avec nos invités pendant que nous autres on

prenait nos photos et puis c’était très bien décoré. Et puis lorsqu’on est arrivé

évidemment il y avait des discours, TRÈS PEU526

de discours parce que je n’aime pas

des discours. On n’a même pas laissé nos parents avoir des discours. Et puis ensuite

on avait la danse. C’était notre choix. Les seuls compromis que j’ai eu c’est avec ma

mère! » me dit elle en riant.

Elle m’explique que ces compromis avaient rapport avec la liste d’invités.

« Ça c’était un gros stress. Ma mère, la fin de semaine qu’on s’est fiancé, ma mère

avait cent quatre-vingt personnes sur sa liste d’invités ok? Et puis c’était une grosse

chicane pour lui demander d’enlever, puis enlever, enlever…. Parce que notre salle

elle tenait plus de trois cent personnes puis on avait encore le côté de mes beaux-

parents en plus on avait nos amis. Ma mère voulait inviter tous les membres de sa

famille même ceux, parce que son père est décédé quand j’avais deux ans, même ceux

que je n’avais jamais rencontré de ma vie sur le côté de son père. Je crois que ma

mère c’était plutôt pour la politesse, le respect, mais on a eu des arguments par rapport

à ça mais finalement elle a coupé. Puis encore de ces jours, ça fait plusieurs années

puis elle va dire Tu sais là un tel et une telle n’était même pas à ton mariage là!!!

Puis je suis comme Je ne les connais pas ! »

Alors finalement, sur la liste d’invités il y avait les membres de la famille immédiate, la famille proche et

la famille éloignée, comme le dit Valérie, ainsi que les amis. De cette cérémonie de mariage, elle garde

de très beaux souvenirs.

« Ah! la cérémonie. La cérémonie était super belle. J’ai braillé527

en marchant, j’ai

braillé, braillé, braillé ça faisait pas de sens comment je braillais! Je ne sais pas

pourquoi mais je pense c’est à cause que mon père braillait. Mon père est très, très

émotif. Puis quand je suis arrivée en haut sur les escaliers, quand j’ai monté les

escaliers, le prêtre quand j’étais en face de Scott le prêtre à dit Oh! ok! We have one

who’s hyperventilating and the other one is cool like a cucumber m’explique-t-elle en

riant. C’était drôle puis à un point j’ai même sorti le handkerchief528

de sa poche pour

m’essuyer puis je l’ai remis dans sa poche puis toute l’église a commencé à rire.

C’était vraiment beau. C’était vraiment, vraiment beau. Il y avait beaucoup de

moments où on a ri. J’ai même remarqué mes filles d’honneur rire et les hommes

riaient à un moment donné puis il y avait beaucoup de choses qui se passaient.»

En lui demandant de ressortir quelques valeurs qu’elle rattache à cette cérémonie, Valérie me souligne

« C’était vraiment spécial. C’était vraiment, vraiment beau ».

Pour décrire la cérémonie du mariage, Scott avance premièrement que c’est Valérie qui souhaitait que le

mariage soit célébré dans une église catholique. Selon lui, il aurait préféré se marier dans un pays chaud.

Il voit alors cette décision comme étant un compromis. Il souligne aussi qu’un très grand nombre

d’invités étaient présents à son mariage. Il me fait aussi part de ce qu’il retient le plus. « It was, at the

526

Intonation de la voix. 527

Brailler : pleurer 528

Handkerchief : mouchoir

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time I thought it was a really well organized wedding. Valérie did a really good job. She looked very

beautiful. It really worked out the way we planned. » Selon lui, l’importance et les valeurs qu’il rattache à

cette cérémonie se basent sur l’engagement. « Before we had talked about getting married I was

indifferent to the idea of getting married but I think looking back at the idea of the commitment to each

other is important. »

Valérie m’informe de ce qu’elle retient de la réception :

« La réception - je dois dire à cause qu’on a décidé de ne pas faire un souper, et puis il

y avait tellement de personnes, que je ne connaissais pas, que mon mari ne connaissait

pas sur les deux côtés à cause que ma mère puis mon beau-père ont invité tellement de

gens - c’était un meet529

and greet530

. Et puis ça c’est un de mes regrets. Peut-être que

j’aurais dû faire un souper de cette façon j’aurais pu faire le meet and greet pendant le

souper parce que je n’ai pas vraiment dansé avant onze heures le soir. C’était un p’tit

peu décevant. C’était des amis de Scott qui sont venus nous dire Il est onze heures

puis on vous a vu toute la soirée en train de parler à des gens, allez danser! Donc je

me souviens plutôt d’avoir rencontré que aujourd’hui je pourrais même pas te dire qui

et puis je n’ai pas vraiment profité de ma soirée. »

Je lui demande ensuite de décrire les coutumes pendant la réception.

« Laisse-moi penser. Bien j’ai évidemment porté sous ma robe quelque chose de bleu,

quelque chose de vieux, quelque chose d’emprunté. Ce que j’ai emprunté c’était mon

tiara531

, ça ce n’était pas sous la robe mais je pense à la jarretière sous la robe. Je n’ai

pas couché dans mon appartement, j’ai couché chez mes parents. De cette façon je

n’ai pas vu Scott avant la cérémonie. Ce sont mes deux parents qui m’ont marché dans

l’allée à l’église, pas juste mon père. Mon mari c’était ses deux parents à lui. On a

allumé la chandelle532

lors de la cérémonie, je ne sais pas si ça c’est une tradition mais

nous l’avons fait. Ensuite à la réception évidemment il y avait la première danse. Il

n’y avait pas de danse avec moi et mon père et mon mari et puis sa mère tout

simplement parce qu’il était déjà assez tard. Mon beau-frère qui est plus vieux que

mon mari ne voulait pas danser sur ses bas donc nous n’avons pas fait ça. Plus eux

autres sont Anglophones donc ils avaient jamais vraiment entendu parler de ça. On

n’avait pas officiellement coupé le gâteau. »

La pratique de ces coutumes est très importante pour Valérie. « Bien moi comme j’ai dit je voulais me

marier dans l’église où étaient mariés tous les membres de ma famille. Puis ensuite comme quelque chose

d’emprunté, quelque chose de bleu puis quelque chose de nouveau puis tout ça c’est juste pour le fun. »

Scott me décrit que la réception fut très agitée.

« The reception was a whirlwind. We had a lot of family there and so we spent a lot of

time talking to our family. A lot, a lot yep, that was de biggest thing about it. We

spent a lot of time talking with our family. There was a lot of Valérie’s family I

didn’t know that well, I met for the first time. Some we hadn’t seen in a long time. »

529

Meet : rencontre 530

Greet: accueil 531

Tiara: couronne 532

Chandelle d’unité

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Il mentionne aussi une autre coutume. « There was the church. Valérie is religious so we had it in a

catholic church and it was a bilingual wedding. » D’autre part, il m’explique l’importance de ces

coutumes. «That didn’t matter to me. Valérie is religious, that was important to her. »

Quant à l’entrée en ménage, Valérie et Scott ont déjà mentionné qu’ils cohabitèrent ensemble avant le

mariage. Pourtant, Valérie me fournit d’autres détails quant à leur demeure, à leur foyer.

« C’était en campagne, dix minutes de la ville. C’est la maison de mes beaux-parents

et puis ils ont un appartement d’attaché après la maison parce que la grand-mère vivait

là avant qu’elle est décédée. C’était une coïncidence mais je dois dire que mon mari

et moi on croyait fortement dans la cohabitation avant le mariage. Si on n’avait pas cet

appartement là je crois fortement qu’on aurait vécu dans un autre appartement. Dans

un bloc ou quelque chose de même ».

Scott m’informe de la raison pour laquelle lui et Valérie décidèrent de cohabiter ensemble. « I was living

in an apartment by myself at the time and Valérie was over all the time and it just became much more

logical probably. That’s where our relationship was at, at the time. »

À cet âge de la vie adulte533

Valérie et Scott avaient déjà acquis beaucoup de savoirs et certains d’entre

eux leur avaient été transmis depuis un très jeune âge. Et c’est en demandant à Valérie quelles valeurs

elle souhaitait transmettre à ses enfants que j’ai aussi appris que ces mêmes valeurs lui firent transmises

par ses parents. Il s’agit de la politesse, du respect du partage entre autres. Elle m’explique que celles-ci

sont tellement importantes qu’elle commença à les enseigner à ses enfants depuis qu’ils étaient très petits.

« Ils doivent dire merci, s’il-vous-plaît… »

Scott avance le même principe.

« I think that to be good people is the first thing you want to teach them, we try to

instill the older one about the younger sibling, and loving their family and luckily it’s

very easy with them but everything comes down to the very basic; core values is how

they act and how they treat others. You need to treat others with respect! »

Et parce qu’il s’agit d’un couple mixte francophone-anglophone, il est intéressant d’étudier quelle langue

est enseignée aux enfants et quel milieu scolaire ils fréquentent. Ainsi, les enfants de Valérie de Scott

iront tous à une école catholique francophone pour plusieurs raisons. Valérie travaille dans une école

catholique francophone. Elle parle à ses enfants en français tandis que Scott leur parle en anglais. Les

enfants communiquent avec les parents dans leur langue respective. La décision d’envoyer les enfants à

une école catholique française fut unanime. Valérie est la personne responsable de s’occuper de

l’éducation scolaire de ses enfants. Scott participe aussi mais puisque Valérie est une enseignante le

couple a décidé qu’il en serait ainsi. Scott est fier que ses enfants soient bilingues et affirme qu’il

supporte le fait que ses enfants fréquentent une école francophone.

2.2.2 Pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle

Cette rubrique me permet d’examiner l’un des plus grands moments de la vie individuelle des

informateurs, soit la naissance de leurs enfants à partir de la grossesse jusqu’au baptême.

533

Vers la fin de la vingtaine, dans les années 2000.

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2.2.2.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Le premier enfant de Thérèse et Jacques est né à peu près dix mois après le mariage. Thérèse était dans la

vingtaine534

.

« Dans c’temps là ce n’est pas qu’on choisissait tellement d’avoir des enfants, c’est

qu’on en avait! » m’avance-t-elle en riant. Elle m’explique aussi qu’il n’y avait pas

vraiment de considérations à prendre avant d’avoir des enfants. « Dans le temps la

madame, la mère, était à la maison alors tu savais que tu vas être là pour en prendre

soin. Les Garderies and all this stuff535

, on n’avait pas ça dans c’temps là. J’ai eu un

shower pour mon premier bébé. J’ai eu des très beaux cadeaux. Ça je me rappelle de

ça! C’était important d’avoir un shower de bébé, c’était commun. Pour cadeau, on

avait n’importe quoi dans le temps que tu pouvais acheter pour un bébé. Comme

aujourd’hui c’est différent là il y a beaucoup d’autres choses mais dans c’temps là, on

a eu des belles choses. Il y avait des sets de tricots, des p’tits sweaters536

avec des

p’tites pantoufles puis un p’tit chapeau. Ah oui! J’avais eu ça. C’était très beau. »

Thérèse m’avoue aussi qu’elle accordait une valeur sentimentale à l’un de ces cadeaux.

« J’avais eu un, dans c’temps là ils vendaient des p’tits couvre-pieds puis des p’tits

oreillers pour un carrosse, puis j’avais eu un beau set537

de même puis j’ai toujours

vraiment aimé ça c’te set là. Je ne me rappelle même pas qui me l’avait donné mais

j’avais eu beaucoup de choses. »

Je demande aussi à Thérèse qui fut en charge des relevailles après la naissance de ses enfants. Elle donne

l’exemple de l’expérience vécue à la naissance de son premier enfant.

«Une madame qui était venue, c’était la cousine de mon mari, puis elle était restée

avec moi pour une couple de semaines. C’est parce que elle, elle faisait ça puis moi je

n’étais pas trop forte là dans le temps puis ça aidait. Je n’ai pas vraiment eu de

conseils. Je ne me souviens pas de ça. J’ai appris ça toute seule ».

D’autre part, Thérèse m’informe qu’elle fit baptiser tous ses enfants.

« On était catholique tous les deux puis il n’y a pas de questions là tu fais baptiser puis

c’est tout. La décision était unanime oui, ah oui! C’était important parce que c’est

notre religion puis ils nous ont enseigné ça, de mes parents puis des parents avant! Il

faut que tu fasses baptiser ton enfant. Il avait deux semaines mon plus vieux quand je

l’ai fait baptiser! C’était dans notre paroisse le baptême dans une église catholique

française ah oui ah oui! C’est important de participer dans ta paroisse avec les

premières communions puis les confirmations puis tout ça. Le parrain et la marraine

c’était mes beaux parents pour mon premier enfant. Dans c’temps là c’était la mode!

Le monde prenait quelqu’un de proche, c’était les grands-parents. »

Elle déclare aussi qu’indépendamment du sexe du bébé, le choix du parrain et de la marraine aurait été le

même.

534

Vers le milieu des années 1950. 535

And all this stuff : et toutes ces choses. 536

Sweaters : chandails 537

Set : ensemble

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2.2.2.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Christine m’informe qu’elle donna naissance à son premier enfant538

un peu plus de deux ans après son

mariage avec Alain. «Ah! bien! On était encore jeune comme couple. On aurait pu attendre un peu plus

longtemps» avoue Alain.

«Nous autres on a décidé que c’était le temps, ça faisait au dessus de deux ans qu’on

était mariés. Ça pas pris de temps j’ai tombé enceinte tout de suite. Ça c’était un autre

stage qui était différent là. Moi je voulais tout le temps être un p’tit peu secure539

. J’ai

tout le temps pensé de même. Il fallait tout le temps que j’aie un p’tit peu d’argent de

serré. C’était obligatoire quand même que si ça aurait été vingt piastres. Il fallait que

je serre un peu d’argent sur nos payes là tu sais? Ça a resté avec moi. Encore je suis

un peu de même. C’était à peu près tout par exemple. D’abord qu’on serrait de

l’argent pour s’acheter une maison. J’ai eu un shower de naissance. J’étais bien

grosse. J’avais engraissé de soixante quelques livres alors je n’étais pas trop

impressed540

que le amount of weight541

là! Mais le shower était beau! Vraiment là! Il

y avait bien du monde! C’était important d’avoir un shower et puis j’ai bien aimé le

faire pour Valérie aussi. En cadeau, Oh! Mon Dieu! J’ai eu tout ce que j’avais

besoin. »

Christine explique aussi qu’il y avait certains cadeaux auxquels elle accordait une valeur sentimentale.

« Il y a du monde qui m’ont fait des beaux p’tits sets542

de laine. Je les ai donc aimés.

Je faisais certain que Valérie les mettait ces sets de laine là. J’avais habillé un de ses

bébés avec, plus tard là! C’était un bébé qui s’assoyait dans une chaise-haute. Elle ne

jouait pas tellement avec. Elle s’appelait Denise sa catin. Bien ce n’était pas une catin

c’était assez gros. Ça avait l’air d’un bébé vraiment. Je l’avais toute habillée puis

j’avais mis son p’tit set de laine puis j’aimais ça le voir dessus la catin mais après, plus

tard, après qu’elle jouait plus avec ça là puis elle regardait plus ça, je l’ai lavé puis je

l’ai serré. Ces p’tits sets de laine là m’avaient dit bien de quoi ».

Pour Alain, le fait d’avoir des enfants est significatif. D’ailleurs, le choix s’est fait avant le mariage.

« Avoir des enfants c’est pour continuer la famille, pour continuer la tradition de

famille parce qu’on voulait avoir quelqu’un pour aimer! Les considérations c’était

qu’on voulait attendre un peu de temps. Tu sais on ne voulait pas l’avoir tout de

SUITE543

. Puis là on a pensé à un enfant. On voulait tout de bien en avoir deux mais

avec qu’est-ce qui avait arrivé avec l’ouvrage puis ma perte de l’ouvrage il fallait

qu’on attende plusieurs années avant d’en avoir un deuxième. Christine a eu un

shower de bébé. On544

a été juste à la fin de la soirée, pour manger. […] Je me

rappelle de ça! Je ne me rappelle pas de tous les cadeaux. Tout d’bien545

un crib546

. »

538

Vers la fin des années 1970. 539

Secure : voulant dire avoir une sécurité financière. 540

Impressed: impressionnée 541

Amount of weight : prise de poids 542

Sets : ensembles. 543

Intonation de la voix. Tout de suite signifiant tout de suite après le mariage. 544

En parlant des hommes. 545

Tout d’bien : vernaculaire : peut-être 546

Crib : couchette

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Il n’accorde pas de valeur sentimentale aux cadeaux en affirmant « pas moi, tout d’bien Christine mais

pas moi ».

La responsabilité des relevailles après l’accouchement de Christine revint à sa sœur.

« Ah! bien j’avais eu une césarienne so547

ma sœur était venue parce que où je restais,

je restais dans un haut puis il fallait aller laver en bas, so ma sœur est venue dans cette

semaine là, tout d’bien trois ou quatre fois qu’elle est venue. Après ça moi-même. Ma

mère me donnait des conseils. A un moment donné je l’appelais pour tout! » me

raconte Christine.

Alain explique que Christine n’avait pas eu besoin de beaucoup d’aide après son accouchement. Il me

parle davantage au sujet des conseils que certains offraient après la naissance du bébé. « Oh! Oui! On

avait eu quelques conseils de nos parents! Je pense ça avait d’affaire à coucher le bébé. Il faut que tu

couches le bébé d’une certaine manière pour pas qu’il s’étouffe. Des affaires de même. Je me rappelle de

ça mais c’est la seule affaire que je me rappelle ».

Les enfants de Christine et Alain furent baptisés. Les motifs de cette décision résidèrent sur « la

coutume » atteste Christine. La décision fut unanime et elle fut très importante. « On avait été élevé dans

la religion catholique so548

je ne voulais pas que mes enfants soient différents que nous autres. Moi je

crois dans ma religion so… » De plus, elle me dit que les baptêmes de ses enfants furent célébrés dans la

même église où le couple s’est marié. Pourtant, c’était par coïncidence parce que le choix de l’église pour

le baptême n’avait pas d’importance selon Christine. Elle raconte aussi qu’elle et Alain choisirent les

parents de celui-ci comme parrain et marraine pour leur premier enfant. «Ah! J’étais proche de ma belle-

mère puis je ne sais pas! On a juste choisi! »

En posant les mêmes questions à Alain, j’obtiens presque les mêmes réponses quant aux faits, mais

différentes réponses aux questions qui nécessitent une réflexion personnelle. En demandant à Alain quels

étaient les motifs derrière le choix de faire baptiser ses enfants, il me répond sans hésitation « parce qu’on

est catholique!» Il affirme aussi que la décision du baptême pour ses enfants était unanime et surtout, que

le baptême était très important. « Suivre la religion et les pratiques enseignées par ses parents c’est

important! » Alain reconnaît tout de même le fait que ses enfants ont reçu le sacrement du baptême dans

la même église qu’il reçut le sacrement du mariage. Le choix du parrain et de la marraine pour son

premier enfant en était un qui nécessitait une certaine réflexion parce qu’il y avait seulement que deux

critères de sélection. Il fallait que ceux-ci soient des membres de leurs familles et il fallait que ces

membres soient un couple. « C’est pas comme différentes personnes de différents couples. C’est le

même couple. »

547

So: alors

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103

2.2.2.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Le premier enfant de Valérie et Scott arriva trois ans après le mariage549

alors qu’ils approchaient la

trentaine. Valérie me fait part du choix et des considérations prises avant d’avoir des enfants.

«Ok! C’est drôle parce que lorsqu’on a décidé de cohabiter on avait eu plusieurs

discussions. Puis une discussion c’était bien ok, on est assez sérieux, on va se fiancer

bientôt. Moi je voulais me marier dans une église catholique francophone et puis on a

tombé sur le sujet des enfants. AUPARAVANT550

, quand j’étais plus jeune, dans mes

vingtaines, vingt et un, vingt-deux, je ne voulais pas d’enfants. Et puis lorsqu’on a

décidé de cohabiter, mon mari qui a toujours adoré les enfants, il a dit il faut qu’on ait

des enfants. Si on n’a pas d’enfants, il n’y a pas de point à cette relation. Puis j’ai dit

ok, on va commencer avec un. Et puis il a dit non, je veux au moins deux enfants. Et

puis finalement quand j’ai eu vingt-cinq, vingt-six, vingt-sept, j’ai commencé à avoir

le goût d’avoir des enfants. Comme finalement on dirait que j’ai eu un côté un p’tit

peu plus maternel. J’ai toujours dit que je voudrais avoir un enfant juste avant trente

ans. Ça sonne banal mais lorsque j’avais vingt-neuf on était pas mal bien établi dans

notre maison. On avait deux bons emplois, on était les deux en santé alors on a pensé

que c’était le bon moment et puis on a tombé enceinte ! J’ai eu un shower de bébé

encore une fois organisé par ma mère puis avec l’aide de mes tantes et cousines. En

cadeau, j’ai reçu tout! » me dit-elle en riant.

« Encore une fois j’ai été demandé de faire un registry à Sears, j’ai TOUT551

eu. Et

j’ai eu huit cent dollars en argent je me souviens. La seule chose que je n’ai pas eu

c’était mon travel system552

– le carosse avec le carseat puis tout ça. Donc je l’ai

acheté avec l’argent que j’ai eu. Mais à part de ça j’ai TOUT, TOUT, TOUT553

eu.

Encore une fois c’était un gros shower. Cette fois-ci c’était un dimanche après-midi.

Toujours à la même salle. Tous mes showers ont eu lieu dans la même salle. Oui, j’ai

tout eu. Il y a plusieurs cadeaux auxquels j’accorde une valeur sentimentale, surtout

des vêtements. J’ai pas mal une bonne mémoire puis je me souviens qui m’a acheté

quoi et puis comme des pyjamas, des onesies554

s, des sleepers555

, il y en a que je vais

garder toujours parce que je me souviens qui les a achetés. Aussi des couvertures.

Aussi des knick knacks556

, des belles choses, encore là je me souviens qui m’a acheté

quoi. Même que moi j’aime toujours écrire des noms en arrière de ces choses là pour

plus tard, afin que mes enfants puissent savoir qui leur a acheté quoi. »

Scott admet qu’il a toujours voulu avoir des enfants.

« I always wanted a family so that was something that’s been important to me for a

long time. Before we had kids we probably had more fun to ourselves times. We kind

of wanted that. When we moved557

, we just both started our careers and wanted to

enjoy our money a little bit for ourselves, put some money aside for a house and

things like that but that’s what it was.»

549

Vers la fin des années 2000. 550

Intonation de la voix. 551

Intonation de la voix. 552

Travel system: combine de voyage (poussette et siège d’auto) 553

Intonation de la voix. 554

Onesies: camisoles un morceau. 555

Sleepers : pyjamas. 556

Knick knacks : bibelots 557

Déménagement dans une autre ville du Nord de l’Ontario.

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Scott explique aussi que le shower de naissance était important pour Valérie. Il m’affirme que parce que

c’est important pour elle, ça devient important pour lui. Ça lui tient à cœur. Je lui demande s’il accorde

une valeur sentimentale à l’un des cadeaux reçus au shower.

« The finest one, one of my cousins he has older children, so my nephew, I call him

my nephew, he was probably ten or eleven at the time, he went shopping with his

mom and he bought me actually a set of beer steins because he thought that it wasn’t

fair that I wasn’t given any presents. »

Alors pour Scott, c’est un beau souvenir et il fait aussi la remarque que quelqu’un a pensé à lui faire

plaisir, en lui offrant un cadeau à lui aussi. Il ne s’en attendait pas. En plus le cadeau vient d’un cousin

qu’il considère comme un neveu.

« Pour la responsabilité des relevailles, alors bien évidemment mon mari et puis ma mère est venue pour

quelques jours. Ma belle-mère est venue pour quelques jours. Mon mari était en congé pour deux

semaines. » Valérie révèle aussi que ses parents nettoyèrent sa maison pendant qu’elle était à l’hôpital.

Elle constate que l’événement de la naissance c’était comme un commencement. Sa maison était toute

propre et son foyer accueillait un nouveau membre. Elle reformule quelques conseils qui lui avaient été

donnés. « De dormir lorsque le bébé dort. C’était probablement le conseil que j’ai entendu le plus.

Évidemment j’ai eu d’autres conseils comme moi je couchais mon bébé sur son ventre mais évidemment

on couche les bébés sur leur dos. C’était des choses qu’ils faisaient dans LEUR558

temps donc moi je ne

voulais pas l’appliquer pour moi.»

Scott souligne avoir aidé beaucoup à Valérie après l’accouchement. Je lui demande aussi s’il se souvient

des conseils qui lui étaient donnés. « Most of it is learning through your experience I think so. I don’t

remember any particular KEY559

advice that we were given. It was just us learning. We went through it. »

Je continue mon entrevue en questionnant Valérie au sujet du baptême de ses enfants. Elle m’informe

que son premier né fut baptisé alors qu’il avait dix semaines. Les motifs résidaient sur la tradition.

« Encore une fois c’est la tradition puis moi je suis une personne très spirituelle. Est-

ce que je vais dire que je suis une personne qui pratique ma religion? Non, mais je

suis très spirituelle. Et puis pour moi c’était important. Puis c’était aussi très important

pour ma famille et la famille à Scott. La famille à Scott est irlandaise anglophone donc

les Irlandais sont catholiques et c’est important. Pas important pour mon mari mais il

savait que c’était important pour moi. Si la décision du baptême était unanime, oui je

dirais. »

J’ai aussi voulu savoir si le baptême avait eu lieu dans une église catholique francophone. En effet, le

baptême fut célébré dans une église catholique francophone et Valérie m’explique pourquoi. « Parce que

moi je suis catholique française, toute ma famille l’est. Mon mari est catholique anglophone mais on a

fait un baptême bilingue.» Elle continue de me fournir d’autres détails tels que le choix du parrain et de

la marraine.

« Pour mon premier enfant, on a choisi comme marraine la tante à mon mari. Elle est

très religieuse et puis elle n’a pas d’enfant, elle n’a pas de mari. Elle n’a jamais été

mariée. Elle adore les enfants et puis on savait qu’elle était très, très, très, religieuse.

558

Intonation de la voix. 559

Intonation de la voix.

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105

Elle adorait les enfants puis elle n’était pas mère elle-même. Je voulais, ON560

voulait, parce que Scott est très proche avec elle aussi, on voulait que ça soit elle. Je

sais qu’elle est déjà marraine pour des nièces, neveux mais pas pour quelqu’un d’une

autre génération. Ensuite le parrain c’est mon frère. Je suis très proche avec mon

frère. Il était jeune, il avait vingt deux ans je crois »

Scott aussi m’informe que ses enfants reçurent le sacrement du baptême dans une église catholique

francophone. « Valérie is catholic so that was important to her. My family is also Irish catholic so it was

important. But yeah, that was the reason». La décision de faire baptiser les enfants fut faite par Valérie.

Scott appuya la décision. Le même contexte s’applique au choix de l’église. Valérie souhaitait que les

baptêmes se déroulent dans une église catholique francophone et Scott, encore une fois, n’avait pas

d’objections. Les cérémonies furent bilingues. Quant au choix du parrain et de la marraine, Scott insiste

lui aussi sur le fait qu’il entretenait des liens étroits avec sa tante et ce, depuis qu’il était très jeune. Il

m’informe aussi que le couple souhaitait avoir comme parrain et marraine une personne de chaque côté

de la famille. Parce que la tante de Scott n’était pas mariée et que le frère de Valérie ne l’était pas non

plus ce furent les deux qui furent choisis.

2.2.3 Pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique

Pour rappel, il est question dans cette section de l’étude d’informations relatives aux activités

quotidiennes et aux tâches diverses qui font alors partie de la vie domestique. Les données sont divisées

en deux volets, soit le partage des tâches avant l’arrivée des enfants et le partage des tâches après

l’arrivée de ceux-ci.

2.2.3.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Thérèse parle de la vie matrimoniale et du partage des tâches dans le couple avant l’arrivée des enfants

ainsi qu’après. « Ah! Dans c’temps là la femme elle faisait tout !» me dit-elle en riant. «Il fallait faire

les repas, faire le ménage. Dans c’temps là les femmes ne travaillaient pas après que tu étais mariée. Tu

restais à la maison puis tu prenais soin de ton logis. C’était ça vraiment qui était l’affaire! Ramasser la

malle561

et puis payer les bills562

… On était secrétaires! » avance Thérèse en riant. « L’homme c’était de

payer le loyer! » me dit-elle toujours en riant. « Hors du foyer il fallait aller ramasser la grocery563

, et puis

s’occuper de ça, puis aller faire les commissions, acheter le linge qu’on avait besoin…Hors du foyer

l’homme il devait aller travailler je suppose, cinq jours par semaine! » Je demande à Thérèse de décrire

les responsabilités de la femme. Je lui demande ensuite de m’expliquer pourquoi un tel rôle était attribué

à la femme.

« C’est parce que dans c’temps là c’est comme ça que c’était. Aujourd’hui c’est divisé

mais dans c’temps là ce n’était pas comme ça! La femme travaillait pas so elle faisait

l’ouvrage à la maison. Une chance! Parce qu’elle n’aurait pas eu rien à faire! Ou

qu’elle aurait pu aller travailler mais dans c’temps là ce n’était pas la question! C’est

pour ça que les hommes avaient tous des jobs. Aujourd’hui les femmes travaillent ça

fait que l’homme puis la femme travaillent tous les deux so il y a moins de job pour

560

Intonation de la voix. 561

Malle : colis. Vernaculaire: courrier 562

Bills: factures 563

Grocery: faire les épiceries.

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106

les hommes parce que toutes les femmes travaillent MAIS564

le coût de la vie

aujourd’hui ce n’est pas pareil non plus. Il faut que le monde travaille pour arriver à

avoir des belles choses! Dans c’temps là aussi c’est assez drôle c’était tellement

différent dans c’temps là! Bien ça fait pas mal longtemps je suis vieille moi là! » me

confie-t-elle en riant. 565

Et pour Thérèse, l’arrivée des enfants ne changea pas son rôle, ni ses tâches.566

« Il n’y avait pas

vraiment de changements. Ça l’a additionné! Il y avait plus de choses à s’occuper.» Elle me souligne

aussi que son conjoint et elle avaient une vision presqu’identique quant à la façon d’élever et d’éduquer

leurs enfants.

2.2.3.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Christine parle du rôle des femmes et démontre une grande admiration et beaucoup de compassion pour

celles-ci. « Ah mon Dieu ces pauvres femmes! » Elle explique que les familles étaient tellement grandes,

les femmes étaient continuellement enceintes. Par exemple, elle mentionne que sa mère et sa grand-mère

étaient enceintes en même temps. Pour parler de son rôle et de ses responsabilités au foyer avant d’avoir

des enfants, elle dit que c’est elle qui préparait tous les repas.

« Je n’avais pas d’enfant so567

… Alain ça toujours été un bon vacuum guy568

. Ça

toujours été ça puis encore! Je le faisais des fois. Mais il le savait que c’est lui qui fait

ça. Hors du foyer, ma responsabilité c’était de travailler. J’ai été travailler

ailleurs569

. On allait faire la grocery ensemble nous autres. J’aimais juste nous autres

partir puis aller faire ça. Hors du foyer, Alain s’occupait de travailler et il s’occupait

des véhicules.» 570

Pour décrire les responsabilités des conjoints, Christine affirme : «Moi je ne trouvais pas que c’était bien

dur avant qu’on ait les petits. On faisait n’importe quoi571

». Mon entrevue avec Christine se poursuit et

je lui demande si l’arrivée des enfants avait changé son rôle et ses tâches. « Oui, un enfant ça change la

maison. Je veux dire ça fait ça certain! On l’amenait partout572

. Dans c’temps là573

on ne faisait pas bien,

bien garder nos enfants. On amenait le bébé, on l’avait partout. » Christine explique que le trio était

toujours ensemble. Elle restait à la maison avec Valérie pendant qu’Alain allait travailler. Elle préparait

les repas et prenait soin de leur fille. Alain s’en occupait aussi beaucoup lorsqu’il revenait du travail. Elle

m’informe aussi que son conjoint et elle partageaient une vision identique quant à l’éducation de leurs

enfants. «On a tout le temps voulu que nos enfants soient instruits. Nous deux on prenait même des plans

d’education fund574

. On a commencé ça quand on était bien jeunes. » Et en ce qui a trait aux soins des

564

Intonation de la voix. 565

Dans les années 1950. 566

Entre le milieu et la fin des années 1950. 567

En voulant dire qu’elle n’avait pas à s’occuper d’enfants. Elle avait donc beaucoup de temps à s’affairer à

d’autres choses tels que les repas. 568

Vacuum guy : homme qui passe l’aspirateur. 569

En voulant dire autre que le foyer. 570

Dans les années 1970. 571

En voulant dire que les conjoints n’avaient pas de rôles vraiment spécifiques. Les tâches étaient accomplies

selon les habiletés, les habitudes ou les préférences. 572

En parlant de Valérie. 573

Vers la fin des années 1970. 574

Plans épargne éducation.

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enfants, Christine admet : « Bien je peux dire que la maman en faisait pas mal! Alain amenait Valérie

souvent au parc. Souvent, souvent qu’il allait prendre une marche au parc. Après que j’ai eu mon

deuxième enfant, je me sentais plus pressée là puis j’avais dit ok bien là je ne ferai plus les groceries puis

toi tu vas y aller Alain. Il avait dit oui puis il amenait tout le temps Valérie avec lui. Il allait faire la

grocery puis il arrêtait manger au McDonald’s. Puis Valérie it was a good thing for her because575

elle

allait avec son père faire la grocery.

Alain décrit lui aussi comment se faisait le partage des tâches.

« Elle était à la maison, puis elle faisait, elle nettoyait, elle prenait soin de tous les

meubles comme le nettoyage, le lavage, la vaisselle. Ça j’en faisais un peu je pense.

Mais en fait de nettoyage moi je ne faisais pas grand-chose quand on s’est marié.

Mais ça a changé avec le temps là. Moi j’avais dit qu’elle n’avait pas besoin de

travailler alors de là, elle se trouvait des amis là puis elle était occupée avec ses amis.

Elle ne travaillait pas. Qu’est-ce qui est arrivé on a déménagé dans une autre ville576

.

Moi j’ai changé d’emploi. Ensuite là on s’est trouvé un autre appartement. Ensuite

Valérie était au monde par c’temps là. Ensuite de là, j’ai revenu à ma ville natale. Là

j’ai ressenti que j’étais pour me faire layoffer577

à cause des coupures budgétaires.

Alors j’en ai parlé à Christine et puis Christine a retourné à l’ouvrage, à plein temps je

pense. Puis on faisait garder Valérie. Parce que moi j’ai perdu mon emploi pour à peu

près 6 mois. Elle est plutôt travaillante. Elle remporte l’argent à la maison. Je pourrais

dire qu’elle était meilleure à faire de quoi avec l’argent. Elle me garde sur mes pieds

là. Elle était plutôt, elle avait bien de la sagesse dans quoi faire puis comment faire.

Elle a travaillé pour remplir les gaps578

, pour remplir les trous qu’on a. Elle travaillait

pour ça. Si ça ne serait pas d’elle aujourd’hui tu sais…? »

Ému, il ne peut continuer sa phrase. Il m’indique qu’il fut surpris par sa capacité à se rappeler de

plusieurs souvenirs qui étaient pour lui chargés d’émotions. L’arrivée d’un enfant changera aussi les

tâches domestiques d’Alain. « Oui, ah oui! Il fallait que j’aide! Il fallait que je fasse plus de choses dans

la cuisine. Il fallait que je me lève durant la nuit pour l’enfant. Ah oui! Les responsabilités ont changé! »

Lorsque Christine retourna au travail, Alain prenait soin de Valérie. « Ah! Je trouvais que je l’amenais

dehors. Je ne sais pas, je changeais les couches, je lui montrais à faire des affaires, à parler, à écrire, à

faire des affaires de même, je lui contais des histoires, je la couchais. Et puis Christine, elle lui donnait à

manger, elle faisait les repas, semblable à ce que moi je faisais ».

2.2.3.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Dès l’entrée en ménage, qui fut quelques années avant le mariage, Valérie se chargea d’effectuer

certaines tâches.579

« Je dirais nettoyer les chambres de bain, faire l’époussetage, faire le lavage, c’est

toujours moi qui fait le lavage, nettoyer après le souper parce que je ne fais pas la

bouffe. C’est mon mari qui fait le souper. Passer le balai. Je passe toujours le balai

575

C’était une bonne chose pour elle parce que… 576

Une ville dans le Nord-Est de l’Ontario. 577

Layoff : mise à pied. 578

Gaps : lacunes 579

Dans les années 2000.

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presqu’à tous les jours après le souper. Ranger, ranger, tout simplement ranger les

choses qui trainent. »

De plus, Valérie expose aussi les tâches qu’effectuait habituellement Scott avant l’arrivée des enfants.

« Ok alors passer l’aspirateur, faire les soupers, parfois m’aider à faire d’autres p’tites choses, ranger ses

propres choses.» Les conjoints avaient aussi divisé les tâches à accomplir à l’extérieur du foyer.

« C’est toujours moi qui a géré l’argent. J’ai toujours géré l’argent. C’est pas mal moi

qui fais toutes les commissions sauf pour les épiceries. Les épiceries on le faisait

ensemble ou souvent c’était seulement lui580

ou parfois c’était moi mais toutes les

autres commissions c’était pas mal moi. Lui c’était toujours la cour, évidemment,

aussi pelleter la neige, les épiceries. »

Et cette division des tâches avait été faite selon les habiletés et les préférences de chaque conjoint.

« Moi je déteste faire le souper donc c’est pour ça que c’est lui puis ça ne le dérange

absolument pas. Moi je suis un petit peu plus propre que lui et puis ça me tanne si

c’est sale donc c’est pour ça que je nettoie plus que lui. Le lavage c’est moi parce que

je ne veux pas qu’il lave mes choses à moi parce que moi j’accroche beaucoup de

choses. J’ai peur que les choses vont rapetisser ou quelque chose de même et puis

pourquoi faire comme pourquoi diviser le lavage. C’est plus facile si une personne fait

tout le lavage. Puis les choses dehors comme tondre la pelouse puis pelleter la neige,

lui il est plus fort physiquement donc c’est ça ».

Je demande à Valérie ce qui en était de cette division des tâches après l’arrivée des enfants.581

« Pour mon premier enfant, c’était pas mal cinquante-cinquante. 582

. Mon mari est très,

très, très hands on583

. Donc il change des couches autant que moi, il donne des bains

autant que moi. Avec les bouteilles mon mari en donnait autant que moi. Évidemment

lorsque mon mari travaillait pendant la semaine c’était moi qui se réveillait mais en fin

de semaine lui aussi se réveillait. C’était cinquante-cinquante. Mon mari

premièrement il adore les enfants puis il veut jouer un rôle actif. Donc jamais est-ce

qu’il se sentait forcé, il voulait toujours le faire584

. Et je crois que aujourd’hui surtout

lorsque la femme travaille lorsque j’ai finalement retourné travailler, ça devrait être

cinquante-cinquante parce que les deux on travaille. »

Scott m’avoue aussi que les tâches furent divisées en raison des préférences.

«Our division of labour is probably, I think the biggest thing that one of us did more

than the other is that she probably does more laundry and things like that but a little

more cleaning maybe than I do. And then I’ll do the majority of the cooking. It’s sort

of divided up like that. I’ll do all the meal preparation and cooking and she’ll do the

cleaning afterwards. So as far as the cleaning of the house goes we have different tasks

we each do and things like that. Outside the house, that’s less divided I think. I

probably do more. Back THEN585

, the apartment was attached to my parent’s house, it

was an in-law suite so I had been doing most of the yard maintenance at my parent’s

place. At that time previously as well me and my Dad did a lot of landscaping. As for

580

En se référant à Scott. 581

Vers la fin des années 2000. 582

Voulant dire les tâches étaient divisées de façon égale. 583

Manuel 584

En parlant des tâches domestiques. 585

Avant l’arrivée des enfants.

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the groceries probably even the bills, probably Valérie. Certain things, I enjoy cooking

more than she does. I’m a better cook than she is. I love to try different things and

stuff like that so that’s why I cook. And cleaning, the dishes it’s usually if one of us

cooks the other one does the dishes. As far as bills Valérie is much more concerned

about stuff like that so. After you have babies yes, a lot of things that are different.

You have to clean up after them, diapers, feedings, and then just around the house too!

If one of us is worn down the other one has to pick up the slack! I don’t know that my

role as a man but as a father definitely. I am responsible for two little ones now and

they are, along with Valérie, my top priorities. As far as taking care of the kids it’s

pretty – with the two of them now, probably I have the older one more and Valérie has

the baby more».

2.2.4 Pratiques coutumières : le cycle saisonnier (fêtes fixes et mobiles)

Cette dernière rubrique veut se pencher sur les pratiques relatives aux fêtes. Il est alors question de

repérer des données sur le Temps des Fêtes ainsi que sur d’autres fêtes qui sont importantes pour les

informateurs.

2.2.4.1 Enquête auprès des Canadiens-français (Première génération)

Thérèse se réjouit de pouvoir parler du temps des Fêtes et des célébrations. Elle a la parole plus facile et

fournit plusieurs détails qui se rattachent aux pratiques traditionnelles. « Ah bien là! » dit-elle en riant.

« Il y avait tellement de préparation pour le temps des Fêtes! Les cadeaux, décorer ta

maison, aller à la messe de minuit, avoir tous tes enfants avec du linge neuf ou propre,

qu’est-ce que tu pouvais payer pour dans le temps là, le réveillon. Le réveillon c’était

important aussi! 586

Je me rappelle on allait à la messe de minuit puis on arrivait puis

ma mère, on avait tous des cadeaux en dessous de l’arbre de Noël puis on avait

toujours un gros réveillon.587

C’était pas mal du même genre mais aujourd’hui c’est

bien moderne! Mais dans c’temps là c’était le fun! » explique Thérèse en riant.

« Il y a tellement de choses différentes aujourd’hui. Mettons que tu parles des petits-

enfants là. Il y a tellement de choix puis il y a tellement d’affaires pour les enfants!

Dans notre temps nous autres il y en avait pas tant que ça! On avait toujours quand

même tous des cadeaux mais aujourd’hui ils en ont cinquante cadeaux les jeunes. Tu

sais ce n’est pas pareil puis c’est toute exagéré. Le monde dépense beaucoup d’argent

maintenant pour le temps des Fêtes nous autres, bien tant qu’à ça tout était moins cher.

Les gages588

étaient moins hautes. Aujourd’hui ils ont plus d’argent puis ils sont

capables d’acheter toutes sortes de choses pour les enfants. Ce n’est pas pareil! On

avait tous une couple de cadeaux chaque. Je me rappelle d’avoir eu deux poupées une

année! 589

Ça je me rappellerai toujours de ça! C’était tous des beaux cadeaux. »

Elle ajoute aussi qu’elle a toujours fêté le temps des fêtes de façon traditionnelle. Selon Thérèse, ce qui

est essentiel «c’est d’être ensemble, surtout, avec nos enfants. Tu sais c’est important. S’ils ne sont pas

là il n’y en aura pas de Noël là! Il va y en avoir un mais tu vas être tout seul quand même! » Elle soutient

586

Entre les années 1950 et 1970. 587

Entre les années 1930 et 1950. 588

Gages : salaires 589

Sa mère commanda une poupée dans le catalogue et en avait reçu deux. Ces deux poupées ont été données à

Thérèse pour Noël. La date exacte n’a pas été mentionnée.

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qu’elle n’a rien changé au déroulement des festivités sauf pour certains petits détails, qu’elle croit peut-

être vouloir établir comme tradition.

« Il y a une chose que j’ai fait deux ans passées, je ne sais pas si je t’ai conté ça, non

ça va faire quatre ans. Quand j’ai préparé les cadeaux pour les petits-enfants cette

année là, je leur ai acheté chacun cadeau et puis à la place de mettre leur nom sur leur

cadeau, j’ai mis une photo de quand ils étaient des bébés, quand ils étaient jeunes.

C’était drôle quand on a ouvert les cadeaux. On a eu bien du plaisir avec ça. C’était

bien le fun ! »

En cce qui a trait à la nourriture du temps des fêtes, elle avoue préférer « faire des tourtières ».

« Il y avait aussi la dinde, on fait beaucoup à manger comme des dindes, des

tourtières, des tartes, des patates, de la sauce, ça c’est bien le fun puis après ça chanter

des cantiques! Le rôle des femmes c’était de préparer toutes les décorations puis les

repas. Bien des fois les enfants ils amenaient des décorations faites à l’école, oui

c’était le fun ça. Des fois chaque année on prenait notre tour pour faire un repas. Là

dans c’temps là beaucoup de personnes venaient, surtout quand mes enfants étaient

petits là! Les autres ils avaient des enfants de cet âge là dans c’temps là.590

Le rôle des

hommes c’était de décorer l’extérieur avec des lumières. On essayait autant que

possible de se réunir toute la famille, et puis des deux591

côtés ».

Thérèse et Jacques n’apportèrent pas de changements aux pratiques traditionnelles qu’ils connurent dans

leur jeunesse. « C’était pas mal les mêmes, c’était qu’est-ce que nous autres on avait quand on était plus

jeunes aussi. Les pratiques ça va de génération en génération, ça ne CHANGE592

pas tellement là. So

c’était plutôt ça. » Qunad je lui demande de parler des valeurs associées à la période du temps des Fêtes,

elle répond : « c’est pas mal tout inclus déjà de ce qu’on a parlé ».

«À Noël, il y avait l’arbre de Noël, la crèche de Jésus, les couronnes, toutes sortes

d’affaires de même. Quand on faisait la crèche, en même temps que l’arbre de Noël, le

p’tit Jésus était là, on n’attendait pas à la veille de Noël. On laissait ça à l’église! Les

cadeaux étaient ouverts après la messe. Après ça il y avait un réveillon. C’est comme

ça que c’était quand moi j’étais jeune à la maison. Les cadeaux étaient ouverts très

tard le soir, aux petites heures du matin. Bien c’était Noël! 593

La guignolée, on ne

faisait pas ça tellement. Il y en avait qui faisaient ça dans mon temps.594

C’est une

pratique qui existait avant moi. 595

»

Il était aussi coutume selon Thérèse, de faire la guignolée le jour même de Noël. C’était pour souhaiter

un joyeux Noël à la famille, aux proches voisins. « Nous autres on restait en campagne puis il y avait de

la neige, c’était plutôt en cutteur596

ou en grosse snow machine597

, dans une sleigh598

. C’était le fun ça.

Oui on a fait de ça. Pas toutes les années» déclare Thérèse.

590

Entre les années 1950 et 1970. 591

Rassemblements avec les membres de la famille de Thérèse et rassemblements avec les membres de la famille de

Jacques. 592

Intonation de la voix. 593

Entre les années 1930 et 1970. 594

Entre les années 1930 et les années 1950. 595

Avant les années 1930. 596

Cutter : petit traineau tiré par un cheval. 597

Snow machine : motoneige.

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Thérèse ne mentionne pas les pratiques du Jour de l’An. Elle énumère pourtant d’autres fêtes du cycle

calendaire telles que Pâques, le mois de Marie et la Saint-Jean-Baptiste.

« Pâques c’était pas mal fêté dans c’temps là. Il y avait des soupers de famille.599

»

« Le mois de mai à l’école c’était le mois de Marie puis ça c’était pas mal. On faisait

toutes sortes de choses. On allait à l’école pour faire des prières le soir. C’était des

traditions dans c’temps là. Il y avait toujours quelque chose de spécial qui se passait à

l’école durant le mois de mai, le mois de Marie. On allait prier, chanter, juste les

enfants d’école.600

»

«Nous autres on fêtait la St-Jean-Baptiste. Le monde ne travaillait pas, il fêtait. Je ne

me rappelle pas au juste qu’est-ce qu’on faisait. Il y avait toujours quelque chose qui

se passait comme dans la paroisse comme c’était comme un festival de quelque sorte.

Oui, puis ça on allait à ça. Il n’y avait pas vraiment de procession dans le temps c’était

plutôt juste de la musique puis toute sorte de choses. Ça c’était dans la province de

Québec que ça marchait de même!601

»

Elle explique que ses enfants ne connurent pas de telles célébrations en Ontario.

2.2.4.2 Enquête auprès des Canadiens-français /Franco-Ontariens (Deuxième génération)

Christine raconte comment elle célèbre le temps des Fêtes en commençant par expliquer sa signification.

« Bien là mes Fêtes sont bien différentes ! J’ai plus de mère, j’ai plus de père! So,

j’essaie de faire du bon avec qu’est-ce que j’ai par exemple. Ma belle-mère est

toujours incluse où est-ce qu’on va. C’est différent. Quand moi j’étais petite on allait

sur la TERRE602

sur le bord à ma mère là. Il y avait ma grand-mère. Elle faisait des

réveillons. C’était des GROS603

réveillons. Mais quand elle est devenue trop malade

puis ils se sont en venus en ville, des années après604

, bien là ma mère elle avait sa

famille là! Nos Noëls étaient encore pas mal gros mais à la maison à ma mère. Eux

autres605

étaient une famille de DOUZE606

! SO on avait beaucoup de fun encore. Après

ça avait arrêté parce que il y avait tellement d’enfants ils ont dit on va louer une p’tite

salle au jour de l’An. On a fait ça je pense pour dix-sept ans. Valérie se rappelle bien

de ça. Elle a tombé dans les teenage years607

puis ça lui disait pas trop trop. Mon fils

lui il adorait ça. On avait bien du fun… bien du fun. Mémère chantait des chansons à

répondre puis pauvre Scott il est rentré dans ces années là puis il trouvait ça un p’tit

peu …. I never saw that608

comme tu sais? Ma grand-mère elle donnait ses cadeaux

598

Sleigh : traineau. 599

Entre les années 1930 et 1970. 600

Entre les années 1930 et 1950. 601

Entre les années 1930 et 1950. 602

Intonation de la voix. 603

Intonation de la voix. 604

Entre les années 1950 et 1960. 605

En se référant à la famille de sa mère. 606

Intonation de la voix. 607

Teenage years : adolescence. 608

I never saw that : je n’ai jamais vu ça.

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puis c’était des cadeaux d’argent. Elle avait des paquets d’enveloppes, ce n’était pas

des gros cadeaux là! Tout le monde avait un p’tit cadeau puis elle les annonçait au

micro. Mais pour elle c’était une grosse affaire ça! C’était drôle! Ça se passait au jour

de l’An parce que c’est le seul temps que ma grand-mère pouvait voir tout le monde!

À Noël il y avait un groupe ici, puis un groupe là. Elle ne les voyait pas tous! Bien

moi j’arrêtais dans le temps de Noël tout d’bien pendant une heure là. Elle ne nous

voyait pas tous. Puis au jour de l’An bien, elle nous voyait! Mémère elle aimait bien le

jour de l’An oui! 609

Eux autres610

ils avaient des grosses maisons sur des terres! Ma

mère a dit qu’elle a été bien souvent chez sa mémère elle! Elle a dit il y avait assez de

monde là! Ce n’était pas juste de la famille, c’était les voisins tu sais?! Ce qui est

essentiel bien moi je trouve que les veilles de Noël faut que ça soit la veille de

Noël.611

»

Christine déclare que cette année, les plans sont d’aller chez sa fille Valérie, qui habite dans une autre

ville que la sienne. C’est différent parce que c’est la première fois que ça va se passer de cette façon.

« Ça va être un gros change pour moi là! Je vais le faire. Je suis contente de le faire

mais moi j’aime bien la veille de Noël chez-nous parce que là ma sœur arrête, mon

frère arrête. Puis on s’en va chez Valérie puis ça va être juste nous autres! Je veux le

faire parce que Scott et Valérie, ils ont des enfants astheure. L’année passée SES612

parents sont allés. So cette année c’est nous autres qui va y aller. So ça va être un

CHANGE613

cette année là pour moi. Je sais Mom comment faire ta veille de Noël614

mais on n’est pas chez-nous dans notre région! Je comprends que Valérie veut que ses

enfants ouvrent leurs cadeaux dans leur maison. Ça je comprends et on a tous passé

ça. Puis aussi, j’ai jamais fait un souper juste ma own615

famille. Une année j’aimerais

ça. Comme quand je fais un souper je vais inviter mes sœurs. Un souper de Noël je

veux dire là? Mettons une année ma sœur elle va faire la veille bien si quelqu’un va

faire la veille, une autre personne va faire le souper! J’ai jamais fait un souper de Noël

juste nous autres. Ce n’est jamais arrivé. Une année j’aimerais essayer ça. »

« Mes pratiques les plus chères sont les festivités de la veille de Noël, les visites de la

famille, le souper de Noël, réveillon, la nourriture. Les valeurs véhiculées ah bien

pour les jeunes c’est les cadeaux, pour nous autres c’est de voir le monde heureux et

être ensemble! Le menu a tout le temps resté pas mal traditionnel, puis c’est le

jambon, puis c’est le stuffing616

puis c’est ça là. Je faisais bien du dessert puis ça fait

plusieurs années j’en fais un peu. Le sucre à la crème je le fais, parce qu’il faut avoir

ça, les cigarettes à la jam617

il faut que je les fais parce que ça c’est dans le temps de

Noël. Puis le restant bien c’est un tray618

que je commande astheure. J’avais jamais

fait ça déjà. Je commande d’avance, il est assez bon!!! Puis c’est pas de mal de tête

puis j’ai dit ohhh my God il619

est aussi bon! Il est assez bien décoré!!

609

Entre les années 1960 et 1990. 610

En parlant de ses grands-parents et ses arrières grands-parents. 611

Voulant dire qu’il faut y avoir des célébrations la veille de Noël. 612

En se référant aux parents de Scott. 613

Intonation de la voix. 614

Christine m’explique ce que Valérie lui dit. 615

Own : propre 616

Stuffing : farce 617

Jam : confiture. 618

Tray : plateau. 619

En parlant du dessert.

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113

Pour le menu de cette période de festivités, Christine indique : « Il y a des peanut butter balls et puis

différents carrés. Des fois ils vont mettre des galettes là-dedans. Moi je dis mets pas de galettes. Je fais

mes propres galettes. Tous des carrés puis ah c’est bon!!

En parlant du rôle des femmes, Christine indique que c’est :

« faire à manger puis c’est shopper620

pour les cadeaux mais tant qu’à ça Alain est pas

mal rendu bon à shopper là, décider, on décide tout le temps des affaires comme on va

dépenser à peu près ça. Ça marche jamais je ne sais pas pourquoi qu’on se bâdre621

de

ça! La femme fait la nourriture, les desserts, prépare les gros repas. Elle s’assure de

coordonner où seront les repas et les festivités entre les familles. Alain est bien bon

pour mettre l’arbre de Noël puis mettre les lumières dedans. Moi je le décore. Il est en

charge des plus gros décors et des lumières à l’extérieur. »

Elle décrit comment se déroule le jour de l’An :

« Le jour de l’An c’était bien… ça a modéré depuis que mémère est partie là

mais… ce qui est important c’est les repas, la visite ! La visite c’est bien, bien

important. Ça c’est mes sœurs, c’est les sœurs à Alain, c’est la mère à Alain, on avait

toujours ma mère mais ma mère est partie. On était tout le temps… même son père,

quand même qu’il était malade on allait le chercher puis on l’amenait à la maison.

Oui! On aimait bien ces fêtes là mais on a été dans un certain temps que ma mère était

bien malade puis le père d’Alain était bien malade. On allait chercher ma mère, elle

était malade puis on allait chercher mon beau-père qui était malade, puis on avait une

pleine maison de monde! Ça ne marchait plus » me dit-elle en baissant la tête et en

expirant fort. « Le père d’Alain n’était plus capable de monter les escaliers. So il

fallait que ça change là. La maladie était arrivée là tu sais? »

Christine m’explique aussi qu’il ne fut pas compliqué de fusionner ses pratiques familiales relatives au

temps des Fêtes à celles d’Alain après leur mariage. « Mes parents puis les parents à Alain c’était pas mal

la même chose. Ils croyaient dans la même chose. So c’était pas bien compliqué.»

Je demande ensuite à Christine de me parler des autres fêtes qui sont importantes pour elle. Parmi celles-

ci elle mentionne Pâques et l’action de Grâces.

« J’aime bien Pâques, j’aime bien Pâques. Puis on a fait ça une couple de fois - on a sorti pour

souper.622

»

« J’aime bien l’action de Grâces. C’est dur l’action de Grâces parce que c’est le temps

de la chasse. Mon mari chasse, c’est un chasseur. C’est pas arrivé souvent que j’ai fait

un Thanksgiving623

souper pour ma famille la journée du Thanksgiving. Il fallait tout le

temps que ça soit une semaine avant le temps. C’est important il faut en avoir un.»

Alain parle des pratiques du temps des Fêtes à sa façon. Le temps des Fêtes c’est : « un temps de

réjouissance! Un temps de famille, des cadeaux, partager le manger, des choses de même! » Il explique

620

Shopper : magasiner 621

Bâdre : to bother : s’inquiéter de faire quelque chose. 622

Au restaurant. 623

Thanksgiving : action de Grâces

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114

aussi que lorsqu’il était plus jeune624

, sa famille célébrait le réveillon et déballait les cadeaux lors du

réveillon. Les cadeaux les plus personnels étaient ouverts le jour de Noël, dans l’intimité de la famille

immédiate. « Ce qui est traditionnel du temps des Fêtes c’est la messe de minuit, l’ouverture de cadeau.

C’est à peu près ça. » Alain m’explique aussi que ce qui est essentiel « c’est l’amour de famille.» Je lui

demande quelles sont les pratiques qui lui sont les plus chères. Il admet que les pratiques sont des

souvenirs. « Les souvenirs d’être ensemble, c’est pas d’être séparé, c’est d’être ensemble.» Il témoigne

aussi des valeurs qui y sont véhiculées « partager notre temps avec nos enfants ». Ainsi, ces valeurs

seraient le partage et la famille. D’autre part, il raconte aussi plusieurs autres détails relatifs aux

pratiques.

« Le menu c’est tout le temps une tourtière. Il y a tout le temps de la dinde, il y a des

tourtières, il y a du sucré! Quand on se rassemble, bien là astheure c’est changé un

peu parce qu’on est plus vieux puis nos familles sont séparées par la distance là. Dans

le temps oui on essayait tous, on allait sur son bord ou sur mon bord la veille puis on

allait sur son bord la journée après! C’est ça qu’on faisait! Alors la veille on était sur

un bord de la famille puis le souper on était sur l’autre bord de la famille. La seule

affaire qui était différente entre mes pratiques et celles de Christine c’est que SA625

famille se rencontrait le premier de l’année à une salle puis leur grand-mère donnait

des cadeaux et ensuite il y avait un souper de famille. Sur son bord, sur son bord à

elle, ça c’était différent. C’était un gros party. C’était gros. Tu sais on parle de cent

personnes. Ils louaient toute une salle. Alors ça se faisait. Ça se faisait pas sur mon

bord ça s’est fait sur mon bord je pense deux fois, c’est tout. Avant, toute la famille se

réunissait. Maintenant plus astheure à cause de ce qui est arrivé avec la mortalité, la

séparation de mariage, c’est pas pantoute pareil. On a juste la famille immédiate, ce

n’est pas toute la famille.»

Je demande aussi à Alain de parler des autres fêtes qui sont importantes pour lui. Il mentionne Pâques,

les anniversaires de naissance et l’action de Grâces. « Pâques est important. Parce que je suis à

l’entour626

. Les traditions c’est les œufs de Pâques puis des affaires de même. Quand les jeunes étaient

petits on faisait une p’tite trail627

pour les œufs puis on cachait des cadeaux.628

Puis là astheure qu’ils sont

plus vieux on fait juste leur donner une carte avec de l’argent. But nos p’tits enfants on essaie et on leur

donne des chocolats. Les valeurs véhiculées c’est d’être ensemble. » Toute la famille immédiate se réunit

pour célébrer Pâques.

« Nos fêtes individuelles sont importantes. Bien nos fêtes comme tradition c’est tout le temps un gâteau

de fête, des cartes, de l’argent, des cadeaux »

« L’action de Grâces. Nos traditions c’est plutôt des cadeaux pour l’un et l’autre. Christine puis moi on se

fait chacun un p’tit cadeau. »

Alain admet que les valeurs véhiculées pendant ces fêtes « c’est d’être ensemble ».

624

Entre les années 1950 et 1970. 625

Intonation de la voix 626

Alain quitte pendant l’action de Grâces pour aller à la chasse. 627

Trail : piste 628

Entre les années 1970 et 1990.

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115

2.2.4.3 Enquête auprès du Franco-Ontarien et son conjoint (Troisième génération)

Pour Valérie, le temps des Fêtes signifie aussi un temps de rassemblement. Elle me fait part de la façon

que se déroulent habituellement les festivités du temps des Fêtes.

« Évidemment à cause que nous avons des enfants maintenant, tout a changé. Avant

nous étions toujours chez nos parents. On allait toujours chez ma mère OU629

chez

une de mes tantes sur le côté de mon père parce que la veille de Noël c’est pour le côté

de mon père donc on allait toujours là un p’tit peu puis ensuite vers 22h30 – 23 heures

on allait chez mes beaux-parents. On faisait la rotation chaque année parce qu’on

voulait que ça soit équitable pour tout le monde. On faisait l’ouverture des cadeaux

puis un déjeuner le matin de Noël. »

Chez la famille de la mère de Valérie, le souper de Noël est « partagé ». C’est-à-dire qu’il a lieu dans

différents foyers à chaque année630

. Valérie dit aussi qu’elle allait souper chez ses beaux-parents parfois.

Elle souligne « c’était jamais identique d’année en année ». Pourtant, les traditions étaient quand même

suivies. Selon elle, ce qui est traditionnel dans ces festivités c’est :

«la nourriture, le type de nourriture, c’est toujours la même chose d’année après

année, les bas de Noël le matin, le rassemblement évidemment c’est traditionnel. On

fait ça à toutes les années. C’est important, ça fait partie des Fêtes! Les chants aussi

sont importants. Sur le côté de mon père donc avec ma grand-mère c’est la guitare.

C’est toujours les mêmes chansons année après année. Ce n’est pas des chansons de

Noël, c’est juste les mêmes chansons. Juste des chansons qu’ils connaissent. Ce qui est

essentiel pour moi c’est le rassemblement. On a fait des ajouts aux Fêtes. Là

maintenant surtout que mes enfants sont assez vieux, ils comprennent les Fêtes et on

met une clé sur notre porte. C’est une clé spéciale pour le Père Noël. On laisse des

carottes dehors pour les rennes. On laisse évidemment du lait et des biscuits ET631

d’autres carottes dans la maison pour les rennes. C’est une de mes pratiques les plus

chères. On vient juste de commencer celle que je viens de décrire l’année passée et

puis je pense que ça va être spécial parce que c’est tellement beau à voir. Le

rassemblement. DONNER632

des cadeaux. J’ADORE633

donner. Vraiment là et puis

j’essaie de donner des cadeaux vraiment spéciaux et puis quelque chose de spécial!

Les valeurs véhiculées c’est le le partage634

, ÉCOUTER635

, parce que t’es avec des

membres de ta famille que t’as peut-être pas vu depuis longtemps donc c’est vraiment

d’écouter qu’est-ce qu’ils ont à dire, qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui est nouveau

dans leur vie. Participer activement aux discussions. Le menu c’est toujours la

lasagne, chicken fried rice636

, des boulettes, salades, la dinde refroidie, le jambon, les

desserts évidemment, pain et fromage. C’est toujours comme un gros buffet. Le rôle

des femmes c’est de préparer toute la bouffe et puis habituellement c’est genre potluck

parce que non seulement est-ce que c’est la famille immédiate mais c’est aussi les

629

Intonation de la voix. 630

Une année le souper est servi chez la mère de Valérie, la prochaine année chez l’une des sœurs de sa mère,

ensuite chez l’autre sœur… 631

Intonation de la voix. 632

Intonation de la voix. 633

Intonation de la voix. 634

Valérie évoque cette valeur sans même avoir à y penser. 635

Intonation de la voix. 636

Chicken fried rice : riz frit au poulet

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premières tantes puis les premières cousines. Le rôle de la femme c’est de faire la

table, de nettoyer, de faire la vaisselle, de tout nettoyer. Le rôle de l’homme vraiment

c’est de demander aux gens s’ils ont besoin de quelque chose à boire, de sortir les

chaises, d’aller chercher les choses si les femmes en ont besoin, nettoyer après que les

cadeaux sont ouverts637

. »

Valérie m’informe aussi que les Fêtes occasionnent plusieurs rassemblements. Même si ses Fêtes sont

traditionnelles, elle ajoute que Scott et elle ont modifié une pratique traditionnelle. Entre autres, ce n’est

pas Valérie qui prépare les festins du temps des Fêtes comme les femmes de sa famille le font. D’ailleurs,

elle a déjà mentionné à plusieurs reprises qu’elle n’aime pas faire la cuisine. C’est donc Scott son époux

qui en a pris la charge. Donc c’est un grand changement dans les traditions familiales.

Les Noëls de Valérie ressemblent beaucoup à ceux de sa jeunesse.

« La veille, peu importe si chez ma mère, chez mes tantes, ma grand-mère sur le côté

de mon père, il y avait toujours un repas chaud vers onze heures le soir, toujours,

toujours. La guitare sortait toujours. C’était mon père, et ma grand-mère et maintenant

ma tante qui jouait la guitare. On ouvrait les cadeaux la veille parce qu’on ne voyait

pas cette famille là le lendemain. Puis c’est pas mal la même chose maintenant que

quand j’étais petite. Avec ma famille immédiate et avec la famille immédiate de mon

mari c’était la même chose pour eux. On ouvrait toujours les cadeaux de nos parents

le matin même. C’est la même chose maintenant et puis il y avait toujours un gros

souper. Donc oui. Sauf qu’il y a une chose. Je ne vais plus à la messe la veille comme

j’allais avec ma famille parce que on a tellement de choses à faire puis mon mari ne

croit pas, il n’est pas un pratiquant puis il ne trouve pas que c’est nécessaire puis moi

ça ne me dérange pas qu’on n’y va pas parce qu’on a tellement de choses à faire. Donc

je ne fais plus la messe. Mes parents le font encore mais pas moi. »

Je demande à Valérie quelles autres fêtes sont importantes pour elle. Elle m’énumère Pâques et l’action

de Grâces en me donnant quelques détails.

« Pâques est important. Il y a toujours un souper sur les deux côtés de la famille. »

Deux années passées, le repas de Pâques était chez Valérie et Scott. Il y avait plus de

trente personnes. Valérie me fait aussi part de quelques traditions. « Quand j’étais

petite c’était toujours, ce n’est pas une chasse aux trésors mais je ramassais des œufs

et des trails d’œufs. Et puis à la fin, bien dans la trail il y avait des objets, des

chocolats, des p’tits jouets cachés et puis on638

fait ça avec mes enfants. Donc ça c’est

une tradition qu’on va garder. Mon mari lui c’était un p’tit peu différent. Lui chez eux

je crois que les choses étaient cachées puis ils devaient les trouver. Tandis que chez

nous on avait notre trail et puis on les ramassait au fur et à mesure. Et puis le souper

évidemment ça c’est traditionnel639

, le rassemblement. On allait à la messe quand

j’étais petite mais je ne vais pas à la messe pour Pâques ça fait longtemps. Donc ce

n’est plus une tradition pour moi. Les valeurs qui se rattachent à cette fête sont le

partage par exemple ».

637

Valérie cite un exemple : à un souper de famille, un des hommes était dans la cuisine et faisait la vaisselle. Sa

belle-mère lui dit de sortir de la cuisine parce que ce n’est pas la place des hommes lors des rassemblements. 638

En parlant de Scott et elle-même. C’est alors une tradition qu’elle continue. 639

Dans le contexte de rassemblement de famille.

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117

« Pour l’action de Grâces on se rassemble sur les deux côtés de la famille. L’action de

Grâces c’est pas mal simple. C’est tout simplement un rassemblement et un souper.

C’est rendu chez ma cousine, à toutes les années, parce qu’elle demeure sur le lac

donc on fait un feu et ça c’est rendu pas mal traditionnel. A chaque année on fait un

feu puis on est dehors. »

Scott raconte à son tour comment se passe le temps des Fêtes. Il n’est pas inutile de rappeler que Scott

n’est pas d’origine canadienne-française. Étant de descendance irlandaise, il est intéressant de connaître

comment il célébrait et continue de célébrer les fêtes traditionnelles culturelles.

Le temps des Fêtes est rempli de significations pour Scott.

« It’s family time. Especially living in another city by ourselves we cherish the time

we have just the four of us, obviously. But the biggest thing I think for us is that we’re

together as a family and that we have a lot of our time, we spend time with our more

peripheral family, but for us a lot of it is to spend time with our immediate family and

being home together. As far as for the ideas of Christmas we have all the same type

of traditional aspects of the holidays. For Christmas we have a Christmas tree and we

like decorating the house. Christmas morning we open the presents and things like

that. That is all alike. It’s pretty much traditional yeah I guess so. I think our biggest

priority is probably, to best describe us, our base priority is around our family and

being together and things like that so our priorities have followed tradition. Having

quality time together. The essential aspect is doing things that are fun for the kids,

trying to be around family, being together, see our extended family too so that the kids

can see their aunts and uncles, and cousins and grandparents and having good quality

time with family and the quality time with just the four of us here too. We haven’t

added any new tradition to the Holidays. We sort of just have been defining. Our roles

with our families are a bit different now. The kids are getting older and we want to

have Christmas at our house in the morning and things like that so the whole idea of

Santa and stuff like that, Santa comes to their house, they understand that so our

biggest priority is that we celebrate our holidays at home together. As for the menu, it

depends. On holidays Valérie does a bit more cooking so she’ll do some larger dishes

but it’s just things like that – ham and turkey, vegetables, pie, whatever it is desserts

and things like that. The men and women don’t have specific roles to play. Like if we

have family events, I do most of the cooking, there are no defined roles in our family

which is different from our parent’s family. Our families were role oriented. When we

get together with our families, our dads don’t cook! Valérie and all the women will do

the dishes after supper ».

Scott précise que cette dernière affirmation reflète les rôles joués par les hommes et les femmes lorsqu’il

y a des grands rassemblements de famille. Les femmes sont habituellement dans la cuisine alors que les

hommes jasent. Pourtant, quelques hommes, les plus jeunes tels que Scott vont faire la vaisselle après les

grands repas. Je demande aussi à Scott de me préciser si les rassemblements sont plus fréquents sur un

côté de la famille plus que l’autre.

« We’ve have actually, we really work at trying to keep it a fair division so that we do,

like for example last year we started something new, with the kids getting older,

having Christmas at our house so we invite one set of grandparents up here for

Christmas morning and then the next day we go to the other set of grandparents for

Christmas dinner. We really strike a balance as far as family goes. The traditions come

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from both of us and from what we decide together, what we like and we enjoy doing

and things that the kids will both enjoy. I think the biggest thing for us is looking at

what obviously the kids are going to enjoy and what Valérie and I want to do and we

put our interests of our family as our priorities. So I guess we can say that we

reinvented tradition because obviously we come from different families too so we

have taken things that we like from one family or things that we liked from the other

and sort of do those things. For example, for Christmas we try to divide time between

families. Boxing day is a big tradition in my family. We get together; family comes

from out of town. Valérie’s family is more oriented towards Christmas Eve. »

Scott est aussi interrogé sur les autres fêtes qui sont importantes pour lui. Il me nomme la Saint-Valentin,

Pâques, action de Grâces, Saint-Patrick et anniversaires divers.

La fête de la Saint-Valentin est célébrée avec famille immédiate. Scott et Valérie offrent des chocolats à

leurs enfants et s’en échangent entre eux. Les conjoints préparent aussi un souper à l’occasion.

À Pâques, Scott et Valérie organisent une chasse aux œufs pour leurs enfants. Il y a des repas en famille

et le jambon est habituellement au menu. Il est aussi question de se réunir avec la parenté.

Pour l’action de Grâces, il y a toujours un gros souper qui est organisé. Au menu il y a du jambon et de

la dinde.

Scott me parle aussi longuement de la Saint-Patrick.

« The big ones are, obviously my family is Irish so St-Patrick’s day’s a really big

holiday. That’s actually the joke in my family. My dad has said that I come home

twice a year; for Christmas and St-Patrick’s day. So St-Patrick’s day is always a big

deal with us. That day is usually spent with my family. It’s always ON640

St-Patrick’s

day, going out to an Irish band show and things like that. »

C’était la tradition de faire ainsi avant d’avoir des enfants641

. Valérie y participait aussi. Scott souligne

que c’est très important pour sa famille. Même la parenté qui demeure au loin trouve le temps de voyager

pour se réunir. C’est l’occasion de se revoir. Les retrouvailles avec la parenté se font ainsi deux fois par

année selon Scott ; à Noël et à la St-Patrick. Je demande à Scott s’il a l’intention de préserver les

traditions propres à la St-Patrick avec ses enfants il répond : « For sure ». Ce qu’il fait connaître à ses

enfants : «My kids have shamrocks, they call those Irish. They will tell you that they are Irish and they

know that grandpa is Irish and everything and they identify St-Patrick’s day already». Ainsi, pour Scott, il

y a une composante identitaire qu’il a déjà fait connaître à ses enfants.

Pour les anniversaires de mariage, Scott dit qu’avant l’arrivée des enfants, Valérie et lui allaient au

restaurant ensemble. Il dit aussi qu’ils aiment célébrer les anniversaires avec les membres de leur famille

(parents, frères, sœurs…). Ainsi tous se réunissent.

Valérie et Scott organisent de grosses fêtes pour les anniversaires de naissance de leurs enfants. « For us

we keep it low key. Our oldest is really into presents and gifts and so it’s a big deal.» Les parents de

640

Intonation de la voix. 641

Le premier enfant est arrivé à la fin des années 2000.

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119

Valérie et Scott tentent de se rendre à ces fêtes mais ce sont davantage des fêtes célébrées avec les petits

amis.

2.3 Conclusion Le volume de ce corpus de données me permet de constater que les pratiques coutumières sont porteuses

de maintes valeurs et occupent une grande place au sein de la culture des Franco-Ontariens. Et, bien que

les réalités contemporaines soient différentes pour les conjoints de la génération C, certaines pratiques

sont conservées, adaptées et actualisées. Encore à l’état brut, les données fournies par les informateurs

me permettent déjà d’entrevoir que les pratiques culturelles canadiennes-françaises sont intégrées de

façon quotidienne à travers les coutumes et les mœurs des Franco-Ontariens. Manifestement, les traces

des générations passées sont suivies par « volonté, bienveillance et sens moral 642

»ou par besoin de

continuation. Néanmoins, on ne reprend pas les mêmes pratiques pour simple obligation mais bien pour

faire plaisir aux générations précédentes, jusqu’à un certain point. Il s’agirait d’une incitation collective

discrète.

642

DU BERGER, Jean, « Prolégomènes à une ethnologie urbaine », dans Laurier Turgeon, Jocelyn Létourneau et

Khadiyatoulah Fall (dir.), Les espaces de l’identité, Québec, Les presses de l’université Laval, Québec, 1997,

p.207.

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121

CHAPTIRE III – LES VALEURS TRADITIONNELLES ET TENDANCES

CONTEMPORAINES

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122

Chapitre 3

Ce chapitre expose l’analyse des données en signalant les valeurs traditionnelles et les tendances

contemporaines. À titre de rappel, je cherche à savoir par quelles pratiques culturelles propres à sa région

le Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans

un ménage mixte francophone-anglophone. Les questions qui animent ma recherche sont les suivantes :

Le passé définit-il les pratiques culturelles contemporaines? Quelles formes prennent les pratiques

culturelles contemporaines issues du Canada français? Quels sont les facteurs qui seraient responsables

du maintien de la culture et des comportements sociaux? Qu’est-ce que le Franco-Ontarien dans sa

relation conjugale mixte doit concéder et pourquoi? Quelles valeurs en émanent? Comment ces valeurs

sont-elles transmises de génération en génération? Pour tenter de répondre à ces questions, il convient de

comparer les pratiques culturelles de chacune des familles et ce, d’un couple à l’autre et d’une génération

à l’autre. De cette façon, je pourrai évaluer s’il y a un maintien, un métissage, une érosion ou un

remplacement des pratiques dans chacune des familles et par la même occasion, je pourrai déterminer si

les pratiques reproduites ou non, transformées ou non, revêtent la même importance et la même

signification aux yeux des participants.

Pour faciliter la lecture, j’utilise la codification suivante qui permet de situer rapidement la provenance de

l’information. Les codes (F1 ou F2) servent à identifier la famille et les codes GA, GB et GC sont

utilisés pour les générations A, B ou C. Je conserve les prénoms pour identifier les informateurs comme

suit : Jeanne (F1GA), Gérard (F1GA), Isabelle (F1GB), André (F1GB), Émilie (F1GC), Brian (F1GC),

Thérèse (F2GA), Jacques (F2GA), Christine (F2GB), Alain (F2GB), Valérie (F2GC) et Scott (F2GC).

3.1 La mémoire : une restitution des expériences relatives aux pratiques

coutumières Pour comparer les pratiques culturelles par lesquelles les informateurs tentent de concilier les valeurs

traditionnelles dans un ménage mixte, je dois inévitablement faire appel à leur mémoire. C’est en

restituant les expériences relatives aux pratiques coutumières que les informateurs sont conviés à se

remémorer leur passé, à en sentir les odeurs, à goûter les saveurs des mets, à entendre la musique, les

chants, les mélodies… à réanimer des sentiments. Devant de telles évocations, les émotions ressurgissent

spontanément chez les informateurs alors que chacun d’eux s’anime. Pour la plupart, cette animation se

fait par une intonation ou un tremblement de la voix. Chez d’autres, j’aperçois à quelques reprises des

larmes rouler sur leurs joues pour être essuyées rapidement de la main. L’intonation de leur voix est un

bon indicateur de l’importance des faits relatifs aux pratiques et donc de dégager les valeurs qui

découlent de celles-ci.

3.2 Précisions sur les valeurs : composantes comportementales et

sentimentale et émotionnelle Jean Rémy, Liliane Voyé et Émilie Gervais affirment que « les valeurs expriment les objectifs poursuivis

par le groupe. Elles apparaissent comme des évidences partagées par tous, auxquelles chacun est

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123

affectivement lié.643

» Ils diront aussi que les normes « fixent les moyens d’actualiser les valeurs. Elles

s’élaborent de manière de plus en plus réfléchie, sur base de critères d’efficacité; elles sont constamment

réajustées.644

». Rémy, Voyé et Gervais constatent que le fait que les individus réajustent les normes

serait un indice qu’ils sont moins attachés à celles-ci (comparativement aux valeurs) parce qu’elles sont

issues de la rationalité. Ce qui serait considéré comme étant inefficace serait rejeté facilement. Selon

ces chercheurs, « la présence ou l’absence de cette possibilité de remise en question systématique permet

de distinguer normes et valeurs». Plus précisément, ils admettent que la valeur aurait une implication

affective. 645

De plus, parce que les normes « fixent les moyens d’actualiser les valeurs646

», il faut nécessairement

selon Rémy, Voyer et Gervais, parler de légitimation. «La légitimation est un ensemble de contenus

mentaux, objets de croyance […] fondant au plan du raisonnable les critères d’orientation et

d’organisation de l’action647

». Selon eux, la légitimation constitue aussi « un ensemble de

représentations qui apparaissent à une société comme évidentes et qui lui servent à proposer au plan du

raisonnable, du majestueux, du poétique, les choses à faire dans la vie quotidienne648

». La légitimation

« authentifie alors les valeurs qui rendront le groupe capable de motiver ses actions collectives et

soucieux d’expliquer et de justifier sa situation historique649

». Alors d’après ce qui vient d’être dit, les

valeurs sont des évaluations morales basées sur des actions qui sont des pratiques culturelles. Compte

tenu de ces explications, le procédé qui me permet de dégager les valeurs à partir des pratiques

coutumières est le suivant.

Les données recueillies sur le terrain permettent de percevoir qu’il y a fondamentalement deux

composantes qui sont véhiculées parmi les pratiques. L’une d’elles se décrirait comme étant

comportementale tandis que l’autre serait une composante émotionnelle et sentimentale.

La composante comportementale se fonde sur le principe de l’empirisme c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur

l’expérience, sur le vécu. En d’autres mots, je remarque que les pratiques coutumières communes

fondent ou construisent une certaine normalité, une forme de convention à laquelle il faut se conformer.

Par exemple, Alain (F2GB) affirmait que la cérémonie de son mariage avec Christine (F2GB) était

« standard » voulant dire qu’elle suivait la norme. Selon lui, les critères de référence de cette

standardisation sont ceux qui s’appliquent à un mariage dit traditionnel catholique tels que la robe

blanche, le cortège nuptial, la publication des bans, la communion, l’échange des consentements,

l’échange des alliances et bénédiction... En m’indiquant que son mariage était traditionnel, j’entrevois

aussi cette normalité.

« C’était bien important d’avoir un mariage traditionnel. Bien c’est qu’est-ce que nous

autres on a été expliqué par nos parents. C’est comme, c’est une tradition, c’est

643

Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, Produire ou reproduire : une sociologie de la vie quotidienne,

tome 1 : conflits et transactions sociales, Belgique, De Boeck-Wesmael, 1988, p.72. 644

Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., p. 73. 645

Ibid., p.73. 646

Ibid., p.73. 647

Ibid., p.73. 648

Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., P.74. 649

Ibid., p.74.

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comme ça qu’on fait ça. On a été à d’autres mariages, on a vu ça alors on suit la

pratique. Il me semble aussi que c’est à cause que nos grands-parents étaient là. »

L’adhésion aux normes du groupe et aux conventions sociales qui peut se faire de façon plus ou moins

consciente, est un exemple que les pratiques sont bel et bien exécutées. Parce que l’individu choisit de

maintenir ou de mettre en usage certaines pratiques coutumières, c’est que forcément il accorde à celles-

ci un certain degré d’importance jusqu’à les juger comme étant nécessaires ou essentielles. Les pratiques

qui sont dignes d’un tel respect se voient octroyées plusieurs mérites et par le fait même, s’agencent dans

le grand système des valeurs. Par exemple, la pratique coutumière qui est considérée comme étant

essentielle pour l’ensemble des informateurs est le rassemblement familial que donne lieu la majorité des

fêtes et des rites de passages. Par exemple, lors de la période du temps des Fêtes les informateurs

indiquent : « Ce qui est essentiel c’est d’avoir la famille proche autour » (André, F1GB) «C’est d’être

ensemble, surtout, avec nos enfants. Tu sais c’est important. S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de

Noël là! (Thérèse F2GA).

La composante émotionnelle et sentimentale, exprime l’état d’âme d’un individu. Cela dit, les

informateurs ont à un moment donné ou à un autre, fait appel au processus cognitif (manipulation de

données pour avoir une représentation mentale650

) pour pouvoir dégager les émotions qu’ils ressentent

afin de les hiérarchiser dans un système de valeurs. Toujours en me référant aux données fournies par les

informateurs, je considère que les émotions et les sentiments sont des forces puissantes découlant

d’occasions particulières telles que les pratiques coutumières. Ces forces affectives encouragent une

action ou une réaction qui se traduit par une motivation. C’est-à-dire que lorsqu’il s’agit de pratiques

coutumières, cette motivation a toujours comme objectif de venir confluer avec les mêmes émotions ou

sentiments éprouvés lors d’une occasion déjà vécue, pour faire revivre le moment. Cette motivation vient

aussi encourager l’individu à intensifier à volonté la composante émotionnelle et sentimentale des

valeurs. Par exemple, Émilie (F1GC) m’indique qu’en ce qui a trait à la fête de Noël, elle souhaite vivre

avec ses enfants les mêmes coutumes et traditions qu’elle aimait lorsqu’elle était petite. Valérie (F2GC)

exprime sa volonté d’intensifier une pratique qu’elle considère comme étant très chère. À l’occasion de

Noël, elle a acheté une clé spéciale que ses enfants laissent près de la porte à l’extérieur afin que le Père

Noël puisse entrer dans la maison et déposer des cadeaux sous l’arbre. De plus, elle indique qu’il est

question de laisser des biscuits et du lait pour le Père Noël ainsi que des carottes pour les rennes. « On

vient juste de commencer celle que je viens de décrire l’année passée et puis je pense que ça va être

spécial parce que c’est tellement beau à voir. »

Ainsi, les comportements, les émotions et les sentiments s’agencent dans une symbiose parfaite lorsqu’il

s’agit des valeurs inhérentes aux pratiques coutumières. Le diagramme suivant montre cette symbiose

décrite par les informateurs. Il s’agit d’un véritable rouage par lequel les valeurs sont véhiculées dans les

pratiques coutumières. 651

650

Patrick LEMAIRE, Psychologie cognitive, Belgique, Éditions de Boeck Université, 2005 p.42. 651

Graphique créé à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007.

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125

D’autre part, pour apporter des précisions sur les valeurs, il faut examiner les principes suivants.

Considérant que la capacité d’empathie652

me permet de comprendre ce que les informateurs tentent de

faire valoir lors de leur entrevue, les valeurs peuvent être appréhendées dans les données non seulement

de façon explicite mais de façon implicite aussi. Notamment, c’est par la compréhension des pratiques

culturelles et le sens que les informateurs leur accordent, que je peux appréhender les valeurs à travers

leurs récits de façon implicite. En d’autres mots, lors de l’entrevue, les informateurs expliquent en

détails, sous forme de récits, la mise en œuvre des valeurs à travers leurs pratiques coutumières. Par

exemple, lorsqu’Alain (F2GB) devient ému lorsqu’il me parle des efforts entrepris par sa femme pour

veiller au bien des membres du foyer, c’est qu’il me fait part de la mise en œuvre des valeurs relatives à

la famille, à l’amour et à l’entraide entre époux. Aussi, c’est de façon explicite et formelle que d’autres

valeurs ressortent des pratiques culturelles parce que les informateurs les dégagent eux-mêmes. Ces

valeurs sont alors considérées comme étant absolues pour ce travail.

Il n’est alors pas inutile de rappeler que les valeurs sont des évaluations morales basées sur des actions.653

Dans le contexte de ce travail, après avoir bien analysé le corpus de données, je constate que les actions

sont les pratiques culturelles qui s’effectuent sur la base des normes familiales et sociales.

652

Alex MUCCHIELLI, op. cit., p. 36. 653

Déductions suites aux lectures : Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, Produire ou reproduire : une

sociologie de la vie quotidienne, tome 1 : conflits et transactions sociales, Belgique, De Boeck-Wesmael, 1988 p.72-

74.

Pratiques coutumières

valeurs

à composante comportementale

• pratiques coutumières obligatoires pour respecter la normatlité et la conformité

valeurs à composante

sentimentale-émotionnelle

• motivation et volonté de l'intensification du degré affectif rattaché aux pratiques coutumières

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126

3.3 Normes familiales et valeurs traditionnelles dans les pratiques selon

les familles

Pour comprendre ce qui en est de ces normes familiales et sociales, et parce que les valeurs se basent sur

des émotions et des actions, il est impératif de dégager le fil conducteur des pratiques à partir de la

génération A. Ceci permettra entre autres de reconnaître le schéma culturel et l’habitus654

(voir 1.6

méthodologie) à travers les générations B et C. Afin de rendre compte avec le plus d’exactitude des

valeurs traditionnelles dans les pratiques coutumières selon les familles, sachant que les informateurs

expliquent la mise en œuvre des valeurs à travers les pratiques, je place les informations pertinentes

fournies lors des entrevues dans le tableau des pratiques et des orientations familiales créé à partir de la

Grille de Du Berger. Les expressions affectives sont aussi notées dans une catégorie à part. (pour une

explication de cette classification voir 1.6.3 méthodes de traitement de données, d’analyse et

d’interprétation et voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales pour suivre la

classification)

3.3.1 Bilan des pratiques coutumières à l’âge adulte

Par cette étape de l’analyse, les pratiques culturelles telles que la rencontre et les fréquentations, les

étapes du mariage (la demande en mariage, la préparation du mariage, les fiançailles, le mariage, la

cérémonie du mariage, les noces), l’installation du couple dans sa résidence, l’éducation des enfants, les

rôles des parents sont ici rassemblées pour permettre d’examiner les orientations familiales et les valeurs.

Un regard est aussi porté sur les expressions affectives découlant des pratiques.

Les fréquentations

Les informatrices de la génération A, Jeanne (F1GA) et Thérèse (F2GA), fréquentèrent leur futur-époux

pour une durée d’un an et demi chacune. Cet intervalle de temps comprend la première rencontre jusqu’à

la cérémonie du mariage. Pour expliquer cette promptitude au mariage, j’ai recours aux renseignements

de Jeanne (F1GA) qui admet que l’Église fournira aux jeunes femmes de l’époque un encadrement visant

à les informer de leur rôle en tant que femme et en tant que mère de famille655

. Il était alors de leur

devoir de trouver un bon parti, de l’épouser et de fonder une famille.

Au Canada français, en 1959, un évêque prescrivait que :

«Dans des circonstances ordinaires, un jeune homme et une jeune femme qui

veulent vraiment se donner la peine de se connaître ont assez d’une année pour

arriver à une connaissance suffisante. Dans les cas exceptionnels il se peut que l’on

atteigne le but désiré seulement après deux ans, mais il ne faudra pas prolonger au-

delà le temps des fréquentations.656

»

Cette citation vient appuyer le témoignage de Jeanne (F1GA). Puisque de tels sermons semblent avoir

été pratique courante, j’admets alors que traditionnellement, du moins à l’époque de la génération A de

654

Alex MUCCHIELLI p.50. 655

Pour rappel, Jeanne m’avait fait part qu’à l’époque (dans sa jeunesse – dans les années 1930-40-50), les filles

devaient adhérer à un organisme religieux appelé les Enfants de Marie et qu’une fois mariées, elles devenaient des

Dames de Sainte-Anne. 656

Martine TREMBLAY, Le mariage dans la vallée du Haut-Richelieu au XXe siècle: ritualité et distinction

sociale, Les presses de l’Université Laval, 2001, p.74.

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mon étude, les conjoints ne devaient pas étirer leurs fréquentations. Ceci pourrait entre autres venir

expliquer la raison pour laquelle les informateurs de la génération A657

étaient âgés d’à peine une

vingtaine d’années lorsqu’ils se marièrent.

Pourtant, selon les deux familles à l’étude, les générations suivantes auraient connu un allongement des

fréquentations. Les informateurs de la génération B658

des deux familles se fréquentèrent pour une durée

d’environ deux ans. Les quelques mois de plus de fréquentations ne sont pas assez significatifs pour

admettre que la génération B ne fut pas influencée par la même pratique culturelle (relative aux

fréquentations) que leurs parents. Toutefois, la génération C659

des deux familles connut le plus grand

écart entre les fréquentations et le mariage. Les fréquentations d’Émilie (F1GC) et de Brian (F1GC)

furent d’une durée de presque trois ans avant le mariage et celles de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC)

d’un peu plus de quatre ans. Pour expliquer ce phénomène, il faut considérer les changements de contexte

dont la distance entre les fiancés. Les études au loin et le travail à l’extérieur sont des raisons évoquées

par les informateurs des deux familles pour justifier cet écart.

Pour décrire les fréquentations, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) ne fournissent aucun détail. Ils

déclarent que c’était le coup de foudre tout simplement. Thérèse (F2GA), quant à elle, me donne des

exemples du genre de sorties faites par le couple lors des fréquentations. Il était question d’aller au

cinéma, d’aller au parc, d’aller se baigner… Les fréquentations se faisaient dans des endroits publics.

La génération suivante, c’est-à-dire la génération B, fournit un meilleur aperçu des fréquentations

lesquelles néanmoins avaient aussi majoritairement lieu dans des endroits publics comme au restaurant,

au cinéma…. André (F1GB) précise également que les sorties se firent souvent avec d’autres couples.

Isabelle (F1GB) témoigne des qualités qu’elle voyait en André (F1GB) lors des fréquentations en

mentionnant la courtoisie ainsi que la gentillesse. Et tout comme Isabelle (F1GB), André (F1GB) retient

de leurs fréquentations des moments d’agrément, certainement des sensations d’aisance. Christine

(F2GB) et Alain (F2GB) m’indiquent que lors de leurs fréquentations, ils faisaient le même genre de

sorties qu’Isabelle (F1GB) et André (F1GB) et que Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA). Je note aussi

que Christine rattache des émotions particulières à ses fréquentations. En m’expliquant que les

fréquentations étaient simples, elle souligne qu’elle éprouvait une sensation de confort et de bien-être.

De ses fréquentations avec Brian (F1GC), Émilie (F1GC) retient un comportement chevaleresque et

courtois chez son « prince charmant ». Émilie (F1GC) dit que cette courtoisie est encore bien présente

chez son époux. Brian (F1GC), quant à lui, m’informe que pendant presque toute la période de leurs

fréquentations, la relation en fut une de distance parce que tous deux poursuivaient leurs études

postsecondaires dans différentes villes. Le couple avait aussi cohabité ensemble pendant les

fréquentations. Quant à Valérie (F2GC) et Scott (F2GCM), ils se fréquentèrent dans les mêmes

circonstances qu’Émilie (F1GC) et Brian (F2GC) c’est-à-dire que leur relation en fut une de distance en

raison des études postsecondaires, et le couple avait cohabité quelques temps ensemble avant de se

marier.

657

Couples mariés pendant les années 1950. 658

Couples mariés pendant les années 1970. 659

Couples mariés pendant les années 2000.

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Au sujet de la génération C, leurs fréquentations auraient été très improbables voire interdites,

inacceptables et insensées s’ils s’étaient connus quelques décennies auparavant. Émilie (F1GC) en

fréquentant Brian (F1GC) un Anglophone protestant et Valérie (F2GC) en fréquentant et Scott (F2GC)

un Anglophone catholique, seraient sorties de la frontière culturelle et même religieuse qui délimitait

jusque là leur noyau familial. Pour expliquer ce genre d’écart de la norme, il faut se rappeler quelques

faits historiques.

Tel que déjà mentionné dans l’introduction de ce projet, plusieurs événements donnèrent lieu à des

tensions entre Francophones et Anglophones au Canada. Par exemple, dans les années 1830 Lord

Durham avait affirmé « Deux nations en guerre au sein d’un même État660

». Et d’après les faits

historiques, ces tensions n’auraient pas été seulement qu’au niveau politique mais elles l’auraient aussi

été au niveau social et culturel. En raison de leur statut minoritaire qui n’avait cessé de diminuer depuis la

Conquête, et afin de ne pas tous succomber à l’assimilation, les Francophones eurent inévitablement

recours à des tactiques telles que la concertation alors que les élites encourageaient avec ferveur les

efforts de consolidation pour assurer la survie culturelle661

.

De plus, au Canada français, du moins jusqu’au milieu du XXe siècle environ, les alliances entre

Catholiques et Protestants étaient fortement déconseillées voire interdites. Si je m’arrête pour amener des

précisions sur ce fait, c’est qu’Émilie (F1GC) est catholique tandis que son époux Brian (F1GC) est

protestant. J’ai trouvé un exemple frappant de cette dissuasion dans un numéro de L’Action catholique

datant de 1936. Ce journal, parmi une pile d’autres, fut découvert par un de mes amis entre les murs

d’une maison en rénovation. Quelques recherches me suffirent pour me rendre compte que ce quotidien

fut publié entre 1915 et 1962662

. Je tiens aussi à signaler que le fait de trouver un tel journal dans la

région du Nord-Est de l’Ontario raffermit les convictions de l’existence d’une nation canadienne-

française, débordant des limites territoriales de la province du Québec. En feuilletant ce journal, une

certaine correspondance attira mon attention. Le samedi 25 janvier 1936, dans la section Le foyer

Pourquoi...? Comment... une jeune femme consultait MAUBERTE :

« Une catholique peut-elle se marier à un protestant dans une église catholique

sans que celui-ci abdique sa religion? Je suis fréquentée par un protestant dont

je suis éprise et il est question de mariage pour le mois prochain. L’Église me

permettra-t-elle ce mariage? C’est ce qui me trouble. Si non, ce serait

regrettable, car alors je me marierai devant un ministre protestant ; je l’aime et

malgré ses défauts, il représente le type de mari que j’avais rêvé. Qu’en pensez-

vous, Mauberte? I WILL SAY : YES. 663

»

Et MAUBERTE lui offrait sa franche opinion :

« L’église condamne les mariages entre catholiques et protestants à cause des

graves inconvénients qu’ils comportent pour l’un et l’autre des conjoints ; du

660

Micheal Derek BEHEILS, Relations francophones-anglophones, L’Encyclopédie canadienne,

http://www.thecanadianencyclopedia.com/articles/fr/relations-francophonesanglophones, page consultée le 11 juin

2012. 661

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, Op. cit, p.143. 662

Bibliothèque et archives nationales du Québec, http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/357283, page consultée

le 11 juin 2012. 663

Anonyme, (le samedi 25 janvier 1936). Le foyer. Pourquoi...? Comment... L’Action catholique, p.14.

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danger de perdre la foi pour celui qui est catholique, et des difficultés qui

surgiront inévitablement dans l’éducation des enfants, si le bon Dieu leur en

donne. Pour manifester toute la peine qu’Elle éprouve de ces unions entre

personnes qui professent des croyances différentes, l’Église leur administre le

sacrement de mariage en dehors du temple religieux, (les mariages entre

catholiques et protestants ont lieu soit au presbytère, soit à domicile) sans la

célébration de la messe et sans la moindre cérémonie. Comme ca doit être triste

pour une catholique cette apparente froideur de notre Mère, la Ste Église,

d’ordinaire si prompte à se réjouir avec ses enfants aux heures les plus

solennelles comme les plus radieuses de leur vie! Souvenez-vous aussi que le

mariage contracté devant un ministre protestant est une banale formalité, qu’il

ne compose pas la validité du sacrement. Une catholique instruite de ces choses,

qui, de plein gré, contracte mariage devant un ministre protestant n’est pas

mariée du tout et donc, vit en permanence dans le péché mortel. Ce sont des

choses bien dures, mais rigoureusement vraies que je vous dis là mon amie.

Vous voyez qu’il faut longuement réfléchir avant de prendre une telle décision.

Pour consentir à épouser un protestant si bon, si loyal, si honnête qu’il soit, il

faut se sentir le courage de lutter toute sa vie, sans défaillance, pour conserver

intactes sa foi et sa religion, pour les transmettre telles à ses enfants et au

surplus, avoir la volonté sincère et ferme de travailler sans relâche, par la prière,

par la parole et par l’exemple à la conversion de celui qu’on a librement accepté

comme compagnon de notre voyage terrestre, si on ne veut pas risquer d’être

séparés l’un de l’autre durant toute l’éternité. Est-ce que vous ne trouvez pas

que c’est court, un mois, pour penser toutes ces conditions et apporter au

problème extrêmement compliqué une solution favorable? Je prie pour

vous.664

»

Par ailleurs, les deux couples de la troisième génération connurent la cohabitation ce qui, quelques

décennies auparavant, aurait été fortement déconseillé. Selon les recherches de Martine Tremblay, « la

cohabitation n’aurait pas connu une progression uniforme665

». Elle admet aussi qu’aux États-Unis, à

partir des années 1980, la cohabitation aurait été une manifestation de la contre-culture tandis que

désormais, elle se serait intégrée aux rituels de fréquentations.666

Le trousseau : une tradition importante de la sphère féminine

Lorsque l’on parle de trousseau, dans la région du Nord-Est de l’Ontario du moins, on reconnait

immédiatement une tradition qui veut que les jeunes filles se préparent à la mise en ménage en

rassemblant plusieurs items qui leur serviraient dans leur nouveau foyer.

D’ailleurs, les informateurs de la famille 1 me font part que cette pratique demeure presqu’inchangée,

d’une génération à l’autre. Pour appuyer cette affirmation qui témoigne du maintien de cette pratique sur

les trois générations à l’étude, je dois premièrement traiter de la pratique de la fabrication du coffre lui-

même. Les trois informatrices, Jeanne (F1GA), Isabelle (F1GB) et Émilie (F1GC) m’informent que leur

coffre avait été fabriqué à la main. D’ailleurs, le père de Jeanne (F1GA) en aurait fabriqué un pour elle,

sa fille, et un pour sa petite-fille Isabelle (F1GB), pour qui il était parrain. Quant à Émilie (F1GC), son

664

MAUBERTE, (le samedi 25 janvier 1936). Le foyer. Pourquoi...? Comment... L’Action catholique, p.14. 665

Martine TREMBLAY, op. cit., p.71. 666

Ibid., p.71.

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oncle, un charpentier qui était aussi son parrain, lui en avait fabriqué un. Le fait que le parrain soit celui

qui en avait fait le don est certainement important à préciser. Ce symbolisme fort voudrait démontrer

que ce dernier est une figure importante dans la vie de sa filleule. On voit aussi l’importance que le coffre

soit fait à la main. Il représente le travail, le labeur et aussi la tradition ; la fabrication de meubles en bois

étant traditionnelle. Fabriqué par les mains d’un proche, quelqu’un pour qui on a une grande estime, ce

coffre se mérite une place importante dans le foyer.

Le fait d’agencer les items et les biens nécessaires au fonctionnement du foyer nécessitait l’aide de

femmes d’expérience. Les informatrices m’informent que leur mère, les aidèrent à assembler tous les

items nécessaires à leur foyer. Isabelle (F1GB) indique aussi que sa grand-mère lui offrit une couverture

cousue à la main et que presque quarante ans après son mariage, elle la possède encore. Pourtant, si

Jeanne (F1GA) et Isabelle (F1GB) préparèrent un trousseau dans le but de s’organiser pour leur mise en

ménage après la cérémonie de mariage, ce ne fut pas tout à fait le cas pour Émilie (F1GC). Le but de la

confection de trousseau était de lui servir lorsqu’elle allait partir pour ses études postsecondaires.

Toutefois, le même genre d’items s’y retrouvait : vaisselle, couvertures…Cette pratique ne semble pas

avoir lieu du côté masculin même si André (F1GB) indique que ses parents lui offrirent un ensemble de

chambre à coucher juste un peu avant la mise en ménage et qu’il s’était acheté, impérativement, une

télévision en couleur et d’autres meubles pour équiper son appartement. Parce que cette pratique s’est

perpétuée, il faut nécessairement considérer qu’elle est importante parce qu’elle tient une place reconnue

dans le processus de mise en ménage. Il semble pourtant qu’elle demeure l’affaire des femmes.

La famille 2 semble perdre cette pratique au fil des générations. Thérèse (F2GA), matriarche de la

famille, se rappelle avoir confectionné un trousseau, tout comme l’ont fait les informatrices de la famille

1. Pourtant, elle ne pratiqua pas cette coutume avec son fils Alain (F2GB). Sa bru, Christine (F2GB) en

avait préparé un elle aussi. Celle-ci me dit qu’elle ne s’était pas préoccupée à le garnir parce que sa mère

lui avait indiqué d’attendre au shower de mariage avant de se procurer les items qui lui manquaient pour

le bon fonctionnement de son foyer. Sa fille Valérie (F2GC) n’avait pas préparé pas de trousseau du tout.

D’ailleurs, elle indique que tout ce dont elle avait besoin au fonctionnement de son foyer lui avait été

offert lors d’un shower de mariage. La pratique coutumière de la confection du trousseau ne se perpétua

alors pas chez ces informatrices. Elle aurait cédé sa place à une autre pratique coutumière qui aurait

pourtant le même objectif, soit le shower.

Par l’agencement des items nécessaires au fonctionnement du foyer, que ce soit pour la mise en ménage

ou bien pour un appartement lors du départ de la résidence familiale pour les études, j’atteste que les

informatrices valorisent le rôle de la femme au sein du foyer. Par cette pratique, elles consolident leurs

liens et s’assurent d’instaurer une tradition importante propre à la sphère féminine.

Les fiançailles : beaucoup plus qu’une déclaration officielle

C’est par les fiançailles qu’un couple déclare son intention officielle de mariage. Selon les informateurs,

l’acte lui-même semble symboliser une étape charnière dans leur vie. Ils admettent à leur façon qu’ils

reconnurent à l’époque que leur statut allait changer et qu’ils s’engageaient officiellement et de plein gré

à entreprendre leur vie à deux. Pourtant, si les informateurs font cette remarque, ce n’est pas tout à fait

le cas. Les fiançailles seraient davantage un rite de marge et c’est le mariage qui donnerait le changement

au statut.

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Les pratiques entourant la demande en mariage sont fort intéressantes. Les informateurs de la génération

A de la famille 1 m’indiquent que selon la tradition, il était impératif qu’un jeune homme fasse connaître

ses intentions de mariage au père de sa bien-aimée en faisant une demande officielle. Le fait que Gérard

(F1GA) s’y souscrive témoigne certes de sa bienveillance et de son respect envers l’autorité paternelle.

Cette pratique se perpétua à la génération suivante. Ce fut pourtant Isabelle (F1GB) qui avait indiqué à

André (F1GBM) qu’il devait faire la demande de sa main en mariage à son père. En accordant au

prétendant la main de sa fille, le père de famille s’assurait de fournir des conseils et d’offrir quelques

leçons de vie tout en faisant part de ses conseils aux futurs-époux. Pour sa part, Brian (F1GC) aurait

choisi de ne pas suivre cette pratique. En faisant un retour sur ses actions, il avoue son regret de ne pas

s’être soumis à cette pratique. Ceci n’est pourtant pas une indication que Brian rejette l’autorité

paternelle. Tout au contraire, il affirme : « I wish I had asked her father, I don’t know how traditional he

was. And he has always been supportive but I regret a little bit that I didn’t ask him». Il faut aussi

admettre qu’au moment de leurs fiançailles, Brian (F1GC) et Émilie (F1GC) étaient beaucoup plus âgés

que leurs prédécesseurs et n’habitaient plus le foyer, ce qui joua certes un rôle dans le choix de ne pas

faire la demande officielle au père de famille.

Thérèse (F2GA) me fait part de cette même pratique : la demande de sa main en mariage. Elle indique

que Jacques (F2GA), son futur-époux, avait fait la demande à son père lors d’une visite. Pourtant, son

fils Alain (F2GB) avait opté pour l’effet surprise lorsqu’il demanda Christine en mariage (F2GB). Le

couple avait discuté au préalable de son intention de se marier. C’est à Noël, alors que toute la famille de

Christine (F2GB) fut réunie, qu’Alain (F2GB) décida de faire la demande officielle. Il ne demanda pas la

main en mariage au père de sa conjointe. La demande se fit quand même dans un genre de contexte

classique, soit en famille, lors d’une fête familiale. Valérie (F2GC), indique que Scott (F2GC) ne fit pas

la demande de mariage à son père parce qu’il n’y voyait pas la nécessité. Elle m’explique qu’il ne croyait

pas dans cette pratique parce qu’elle est trop ancestrale, remontant selon lui aux vieilles pratiques de la

dot.

Règle générale, les couples m’informent qu’il fut question de discussions de plans de mariage entre

conjoints. La pratique coutumière veut que ce soit les hommes qui demandent officiellement à leur

conjointe d’accepter de les épouser. Et c’est ce que les informateurs firent. Tous précisent que la

demande se fit dans l’intimité, sauf pour Alain (F2GB), qui choisit de la faire à Noël lors d’un

rassemblement de famille. Émilie (F1GC) est pourtant la seule à témoigner de la pratique populaire

voulant que l’homme s’agenouille pour offrir la bague de fiançailles à sa conjointe en déclarant son

amour pour elle et en lui demandant officiellement de bien vouloir l’épouser. Ce n’est pourtant pas une

indication que les autres hommes ne s’agenouillèrent pas pour la demande. Sans aucun doute,

l’événement comme tel est bien gravé dans la mémoire des informateurs qui sont tous ravis d’en parler et

de se remémorer les détails.

Le choix de la bague : un anneau très symbolique

Selon mon enquête, il ne semble pas y avoir de pratique coutumière d’établie ni par famille, ni par

génération quant au choix de la bague. Par exemple Thérèse (F1GA) et Gérard (F1GA) choisirent la

bague ensemble. André (F1GB) laissa Isabelle (F1GB) choisir et Émilie (F1GC) laissa Brian (F1GC)

choisir. Jacques (F2GA) choisit celle pour Thérèse (F2GA), Alain (F2GB) savait ce que Christine

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(F2GB) voulait alors il la choisit selon ses goûts, et Valérie (F2GC) avait laissé Scott (F2GC) choisir

entre trois ou quatre bagues qu’elle aimait. D’autre part, je retiens aussi qu’Isabelle (F1GB) et Émilie

(F1GC) semblent accorder une signification symbolique profonde à ce que représente la bague de

fiançailles. Isabelle (F1GB) explique que la bague est un cercle qui ne se défait jamais, signifiant qu’en

acceptant d’épouser André(F1GB) c’était un choix qu’elle faisait pour la vie. Pour Émilie (F1GC), le

facteur temps est aussi important. Elle indique que sa bague a trois montures de diamants symbolisant le

passé, le présent et le futur de sa vie de couple avec Brian (F1GC). Par cet anneau, les couples avaient

une preuve matérielle de la maturation de leur projet de mariage. Il fut l’expression même de leurs

sentiments ainsi qu’un rappel constant de leur engagement. Cette pratique demeure ainsi très vivace.

Planification d’un mariage traditionnel: un appel aux experts

Les couples qui constituent mon bassin d’informateurs indiquent qu’une fois les fiançailles officielles, la

planification du mariage débute. Chacun d’eux considère que son mariage fut traditionnel. Les

informations qu’ils fournissent permettent de constater que pour préparer ce genre de mariage, ils durent

nécessairement faire appel à l’expertise de leurs prédécesseurs pour savoir comment s’y prendre. Les

parents s’impliquèrent tout naturellement dans ce rite de passage.

Par exemple, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) eurent recours à l’aide de leurs parents pour planifier le

souper traditionnel c’est-à-dire selon le menu habituel (patates, viande, desserts). Et ce furent les

mamans, les tantes et les voisines qui collaborèrent et contribuèrent à préparer plusieurs mets

traditionnels tel que la dinde, les patates pilées, les tartes… Isabelle (F1GB) et André (F1GB)

mentionnent que les mères, tantes et voisines préparèrent le « petit lunch » qui consistait en sandwichs et

breuvages et furent servis tard dans la soirée, alors que la réception tirait à sa fin. De plus, André (F1GB)

précise que les parents d’Isabelle (F1GB) furent plus impliqués dans la planification et la préparation que

les siens. Il explique que ses parents étaient déjà très âgés et n’avaient pas l’énergie pour organiser le

mariage. Ils épaulèrent les futurs-mariés du mieux qu’ils le purent dans la prise de décisions et dans la

planification du mariage en offrant un support moral et financier. Il est un peu plus difficile, au fil de

l’entrevue, d’entrevoir le rôle des parents d’Émilie (F1GC) dans la préparation de son mariage mais

quelques indices me suffisent pour remarquer qu’ils furent bel et bien présents tout au long du processus

et l’appuyèrent. Émilie (F1GC) dit qu’un shower entre dames avait été organisé en son honneur avant la

célébration du mariage et qu’elle avait séjourné chez ses parents les quelques jours avant le mariage,

même si elle cohabitait avec Brian (F1GC).

Thérèse (F2GA) précise que le souper ainsi que la réception prirent place à la résidence des parents de

Jacques (F2GA). Christine (F2GB) témoigne aussi que sa mère fut présente dans la préparation au

mariage. D’ailleurs, elle lui organisa un shower de filles en s’assurant qu’elle soit prête pour son entrée

en mariage. Puisque Christine (F2GB) et sa fille Valérie (F2GC) me témoignent souvent de

rassemblements entre femmes pour différentes occasions comme le shower de filles par exemple, je peux

assurément constater la présence des parents. Et finalement, Valérie (F2GC) dit : « Ma mère m’aida à

faire toutes les décisions, peut-être un p’tit peu trop ».

À cet effet, il semble que les pratiques de la préparation du mariage laissèrent des empreintes dans le

temps et que chaque génération choisit de s’y conformer.

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Shower de mariage et enterrement de vie de célibataire

Selon les informateurs de la génération A et certains de la génération B, la gamme de célébrations

prénuptiales ne fit pas partie de leur répertoire de pratiques coutumières. Elles le furent pour la

génération C.

Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) affirment qu’aucune célébration prénuptiale ne fut organisée pour

célébrer la fin de leur célibat. Isabelle (F1GB) et André (F1GB) déclarent la même chose. Émilie (F1GC)

précise que sa mère avait organisé une petite soirée entre femmes des deux familles (la sienne et celle du

futur-marié) où elle reçut quelques cadeaux telles que des chandelles… Émilie n’accorde pas une grande

importance à cette célébration. Dans son témoignage, Brian (F1GC) me fait part d’une pratique

intéressante en ce qui concerne les célébrations prénuptiales. Après les fiançailles, une petite fête était

organisée en l’honneur des nouveaux-fiancés. Notamment, Brian (F1GC) dit que ce fut l’occasion pour

les deux familles (la sienne et celle de la future-mariée) de se rencontrer. Pour cette raison, ce

rassemblement sera significatif pour lui.

La famille 2 fait part des pratiques relatives aux célébrations prénuptiales. Thérèse (F2GA) explique que

des célébrations comme l’enterrement de vie de fille ou de garçon n’étaient pas « à la mode » à l’époque

c’est-à-dire dans les années 1950-60. Elle ne mentionne pas qu’un shower de mariage lui fut organisé

non plus. Ainsi, de telles pratiques n’étaient peut-être pas répandues dans cette région en particulier à

l’époque. Pourtant, la génération suivante, la (B), fait part de certaines de ces pratiques. Christine

(F2GB) m’informe qu’un shower de mariage lui avait été organisé. Entre autres, j’ai déjà mentionné que

sa mère lui avait conseillé d’attendre à son shower avant de se confectionner un trousseau. Christine

(F2GB) m’informe alors que les cadeaux qui lui furent offerts lors de ce shower étaient tous des articles

ménagers. Selon cette pratique, les femmes des deux familles (la sienne et celle du futur-marié) se

réunirent, jasèrent et dégustèrent un repas ensemble. Selon Christine (F2GB), le shower de mariage est

une tradition familiale bien importante « dans notre famille, on le fait tous ». Il est alors tout naturel que

Valérie (F2GC), la fille de Christine (F2GB), fut fêtée à l’occasion de son mariage, comme la tradition

familiale le veut. Pourtant, ce qui est intéressant à remarquer est le fait que Christine (F2GB) avait

organisé non seulement un shower de mariage pour sa fille mais un genre d’enterrement de vie de

célibataire aussi. C’est alors Valérie (F2GC) qui me fournit les détails de ces pratiques dont l’une est

nouvelle dans la famille. Tout comme Christine (F2GB), Valérie (F2GC) affirme que ce fut sa mère, ses

tantes et ses cousines qui organisèrent les célébrations prénuptiales. Elle ajoute aussi qu’elle a participé à

un nombre incroyable de showers tant que cette pratique est importante dans sa famille. Elle le confirme

en me le répétant et je peux déceler cette importance par l’intonation de sa voix. « C’est important parce

que c’est le SEUL TEMPS que tu vas voir ces personnes là … que je ne verrai PAS à Noël… » Et

comme sa mère, Valérie n’avait pas confectionné de trousseau. Pourtant, elle reçut lors de son shower,

tous les articles ménagers nécessaires au bon fonctionnement du foyer ainsi que plusieurs dons en argent.

Elle souligne aussi que les femmes qui assistèrent au shower furent très généreuses, ce qu’elle apprécie

grandement en exprimant son estime pour ces femmes qui lui accordèrent de leur temps et qui lui

offrirent « LEUR propre argent ». Quant à l’enterrement de vie de fille, une dizaine de femmes se

réunirent chez une cousine. Il faut retenir que Valérie (F2GC) explique que l’importance de cette

pratique provient en partie de la tradition et a comme but de se réunir entre femmes, encore une fois. La

cohésion sociale entre femmes est alors bien importante dans cette famille.

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D’après ces informations, je constate que plusieurs pratiques précédant le mariage semblent désormais

s’y rattacher et sont de plus en plus courantes. D’ailleurs, le nombre de célébrations augmente à la

génération C.

Les pratiques religieuses du mariage traditionnel : un scénario très réglé

On a certes pu percevoir au chapitre 2 que les pratiques coutumières des deux familles d’informateurs

sont imprégnées de traditions religieuses. Même si les informateurs de la génération C m’informent lors

de leur entrevue qu’ils n’assistent pas aux messes régulièrement, ils demeurent attachés aux pratiques

religieuses qui entourent ce grand rite de passage qu’est le mariage. Cette affirmation se consolidera de

plus en plus en étudiant et analysant ces pratiques rapportées par tous les informateurs comme étant

traditionnelles.

En définitive, le compte à rebours jusqu’au jour J engendre une frénésie chez les fiancés. Cette frénésie

se fit peut-être ressentir davantage pour les générations B et C que pour la génération A. Je me permets

d’affirmer cela parce qu’il semble que pour les couples de la génération A, la religion était omniprésente

dans tout aspect de la préparation du mariage. D’ailleurs, elle dictait le déroulement du mariage au

complet ne permettant pas aux fiancés d’apporter des pratiques novatrices, ni de personnaliser la

cérémonie éludant alors la frénésie. La génération A se serait donc moulée parfaitement aux conventions

et aux pratiques religieuses. Je rappelle que jusqu’à la fin des années 1950, période pendant laquelle la

génération A contracta le mariage, la paroisse était au centre de la vie culturelle des Canadiens-

français.667

La décennie suivante subit un ébranlement des structures traditionnelles en raison des

maintes contestations 668

et plusieurs délaissèrent la religion catholique. Le IIe concile œcuménique du

Vatican vint encourager l’Église à s’ouvrir à la modernité669

, entraînant une certaine flexibilité dans les

pratiques religieuses, comme on pourra en témoigner ici lorsqu’on évoquera les pratiques relatives au

mariage des couples de la génération B et C. Alors sans pour autant reprendre tous les détails des

informations offertes par les informateurs au chapitre précédent, il est de mise de dégager les

particularités pour entrevoir et reconnaître les récurrences.

Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) achetèrent tous deux leurs vêtements pour la journée ; une robe

blanche pour elle et un habit à la dernière mode pour lui. C’est en m’informant que les fiancés devaient

se rendre dans une autre ville pour trouver ce genre de tenue et que le voyage d’une distance assez

considérable pour l’époque devenait une occasion extraordinaire, dont je me rends compte de

l’importance qui était accordée à cette journée. Le couple avait aussi choisi les membres de leur cortège

nuptial. Le couple s’était aussi chargé de trouver une automobile qui devait servir à transporter les

mariés d’un endroit à un autre la journée du mariage. On m’avoue même que « L’auto était très

importante ; on cherchait la plus belle automobile possible ». Parce que le mariage fut célébré dans la

paroisse du village, une paroisse catholique francophone, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) durent

rencontrer le prêtre qui dicta la façon dont allait se dérouler la cérémonie. Et surtout, c’est lui qui

667

Gaétan GERVAIS, « L’Ontario français dans toutes ses régions », dans La Société Charlevoix (dir.), Les

régionalismes de l’Ontario français. Actes de la table ronde de la Société Charlevoix, op. cit., p.13. 668

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit, p.198. 669

Normand PROVENCHER, La foi, une étrangère dans le monde moderne?, Montréal, Les Éditions Fides, 1998,

p.16.

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approuvait l’union. Gérard (F1GA) m’informe que si le curé s’apercevait que l’union n’était pas

raisonnable, il pouvait décider de s’opposer et de ne pas marier les fiancés. « Le curé, c’est lui qui

décidait tout jusqu’à la dernière minute! » Celui-ci était bien présent dans la vie de ses paroissiens. Il

faisait des recommandations, avis, exhortations… et mandatait tous d’agir selon la foi de Dieu, en toute

circonstance. Il fut donc question de publier des bans. Le couple acquiesce que « les préparations

n’étaient pas comme elles le sont aujourd’hui ».

Le jour du mariage venu, le couple s’était rendu à l’église. Le cortège nuptial ouvrit l’entrée dans l’église

et le père de Jeanne (F1GA) la conduit jusqu’à l’autel. Il était important de reconfirmer les engagements

de dévotion chrétienne et d’affirmer sa participation aux associations dévotes telles que la Ligue du

Sacré-Cœur, les Enfants de Marie et les Dames de Sainte-Anne. Gérard (F1GA) peut résumer en deux

phrases ce qui qualifiait le mariage à l’époque « C’était short and sweet. Il fallait suivre les directives de

l’Église ». Tous deux admettent que la cérémonie n’avait rien de spécial, c’est-à-dire qu’elle ne déviait

pas de la norme.

Les informateurs de la génération B, il faut le mentionner à nouveau, se marièrent après la Révolution

tranquille et le Concile œcuménique soit dans les années 1970. Ceci leur permit entre autres de changer

quelques aspects du déroulement habituel et dans une juste mesure, de personnaliser leur mariage. Les

informateurs choisirent-ils de conserver intactes les coutumes ou bien d’adapter leur mariage à la mode

de l’époque? Selon le couple de la génération B de cette famille, il semble davantage que les coutumes et

pratiques religieuses de la cérémonie du mariage furent préservées alors que l’on a pris plus de liberté

pour les moments entourant la noce par exemple. Ainsi, pour admettre que les préparatifs et la cérémonie

du mariage d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) furent comme celui de la génération précédente, je

reprends ce qu’Isabelle (F1GB) affirme lorsqu’elle mentionne que son mariage fut « bien simple ». Par

cette affirmation, et dans son contexte, Isabelle (F1GB) insinue qu’elle ne s’était pas soumise aux

extravagances possibles amorcées après la Révolution tranquille pour personnaliser certains moments du

mariage religieux.

André (F1GB) et Isabelle (F1GB) rencontrèrent le curé ensemble pour planifier la cérémonie de mariage.

Celui-ci questionna les futurs-mariés et leur fournit des conseils quant à la vie matrimoniale, tout comme

l’avait fait le curé de la génération A. Le couple eut aussi à publier les bans. D’autre part, il était

question de se procurer la robe de mariage, l’habit, les fleurs, de planifier le repas et son menu, de choisir

les membres du cortège nuptial, de réserver une salle pour la réception, d’envoyer les invitations, de

trouver une automobile de luxe qui allait conduire les mariés un peu partout le jour du mariage et

d’accrocher un chapelet sur la corde à linge pour s’assurer d’avoir une journée de mariage ensoleillée…

C’est par les pratiques suivantes que ce couple justifie que son mariage fut célébré de façon

traditionnelle, puisant alors à sa connaissance dans le répertoire de pratiques traditionnelles familiales :

Isabelle (F1GB) s’était rendue à l’église avec ses parents vêtue de sa belle robe blanche, un voile, des

gants et un bouquet de fleurs, son père l’avait conduit dans l’église bras dessus dessous, elle avait choisi

les membres de son cortège nuptial, des chants religieux accompagnaient la cérémonie, il y avait un

souper suivi d’une danse… et surtout le fait que le mariage fut célébré dans une église catholique :

l’église catholique de sa paroisse natale. D’ailleurs, je peux reconnaitre l’importance qu’Isabelle (F1GB)

accordait à cette pratique par l’intonation de sa voix. Elle mentionne à quelques reprises MON église.

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André admet aussi l’importance et la valeur de cette pratique en particulier. La majorité des pratiques qui

viennent d’être énumérées avaient été léguées par la génération précédente. Isabelle (F1GB) insistait à

les pratiquer à son tour : « Quand le prêtre te fait promettre les choses qu’il faut que tu promettes ;

fidélité puis tout ça ces choses là que tu promets à cet homme là. Il y a rien qui peut vous séparer ça c’est

juste la mort. Je suis très consciente de ça puis pour moi c’était bien important! Pour moi la religion

c’était vraiment important » me raconte Émilie.

Je remarque aussi qu’André (F1GB) garde beaucoup de souvenirs de cette journée à laquelle il accorde

une grande valeur. D’ailleurs, il atteste lui-même que plusieurs sentiments et émotions sont rattachés à

ses souvenirs. « Mon plus beau souvenir c’était d’entreprendre ma vie avec Isabelle! » m’avoue-t-il.

« Moi c’était la première fois puis la dernière fois que je me mariais ». D’où l’importance de leur union,

justement.

Il m’apparaît néanmoins important de souligner une croyance populaire comme gage de réussite du

mariage. Il s’agit de celle se basant sur le dicton : « Something old, something new, something

borrowed, something blue. » C’est Isabelle (F1GB) qui m’en fera part, et je remarque que cette pratique

ne fut pas mentionnée par sa mère, Jeanne (F1GA). Je suppose alors que cette pratique ne fut peut-être

pas assez importante pour être digne de mention ou bien, le couple ne la pratiqua pas tout simplement.

C’est peut-être aussi parce que cette pratique serait plus récente et n’existait pas avant les années 1970.

La dernière génération de cette famille est celle qui organisa une cérémonie de mariage non seulement

francophone et anglophone mais aussi catholique et protestante. Je dois premièrement clarifier la raison

pour laquelle le couple choisit de faire ainsi. Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) expriment chacun à leur

tour que celle-ci 670

avait depuis qu’elle était petite, planifié le mariage de ses rêves. D’ailleurs, Émilie

(F1GC) parle souvent lors de l’entrevue de « prince charmant » et de « journée de princesse ». Je

constate que parce qu’Émilie (F1GC) avait planifié son mariage depuis qu’elle était petite, elle avait déjà

nécessairement une très bonne idée de la façon que se déroulait un mariage. Elle voulait que son mariage

soit parfait, en y ajoutant un aspect féerique, chéri par des souvenirs d’enfance. Elle aurait voulu que son

mariage soit à la hauteur de ses rêves en reproduisant ce qui lui était familier. Et puisque Brian (F1GC)

comprit que le mariage était aux yeux de sa fiancée, une journée digne d’un conte de fée, il la laissa tout

organiser. « She had planned her wedding since she was a little girl so she was very much involved in

it » m’informe Brian. À son tour, Émilie (F1GC) comprit que Brian (F1GC) devait être représenté dans

cette union, que la célébration de mariage devait être bilingue et que les traditions religieuses protestantes

devaient être incluses jusqu’à rencontrer les traditions catholiques à mi-chemin. Je tiens alors à citer de

nouveau Émilie afin de reconnaître l’importance de la célébration de mariage mixte pour ce couple:

« Il fallait inclure les coutumes de SA religion, puis inclure les coutumes de MA

religion. Par exemple, la façon qu’eux autres… eux autres vont pas faire de

communion pendant la cérémonie de mariage alors il fallait décider si nous autres on

voulait en avoir une, des choses comme ça. C’est le reflet de la vie de mariage; vie

dans l’équilibre et la fraternité quant aux pratiques et aux coutumes ».

670

En parlant d’Émilie

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137

Et parce que j’entends une intonation dans la voix d’Émilie (F1GC) lorsqu’elle parle de la confession

respective des membres du couple, (MA religion, SA religion) je n’aurais pas tort d’affirmer que chacun

des conjoints choisit de demeurer fidèle à celle qu’il pratique.

Particularités d’un mariage mixte

Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) m’expliquent de façon juste et précise en quoi leur mariage avait un

caractère traditionnel. Ils mentionnent la robe blanche, quelque chose de bleu, quelque chose de neuf…,

le voile, la première danse des mariés, la valse du père avec sa fille, la valse de la mère avec son fils, le

lancer du bouquet, le lancer de la jarretière, le gâteau, le souper et son menu (poulet, du bœuf, des patates

pilées, des légumes, du sucre à la crème, et une variété de tartes), la table d’honneur à laquelle était assis

les membres qui formaient le cortège nuptial, la célébration du mariage dans une église catholique, la

célébration du mariage dans la paroisse de la conjointe, les photos prises sur le perron de l’église avec

toute la famille, la parenté et les invités, la limousine qui transportait les mariés un peu partout durant la

journée, la réception, la pratique de la cérémonie la veille du mariage… Émilie (F1GC) soulève aussi la

pratique qui veut que les futurs-mariés se quittent la veille du mariage pour se voir seulement que le

lendemain, dans l’église. Elle admet que ce genre de traditions était important et elle voulait les

pratiquer. « C’est juste des choses qu’ils faisaient avant puis que moi je voulais suivre. »

Ce couple me fait part de certains ajouts, adaptations et modifications aux pratiques. Par exemple, ce fut

le père et ainsi que la mère d’Émilie (F1GC) qui l’accompagnèrent jusqu’à l’autel lors de son entrée dans

l’église. Symboliquement, ce fut alors ses deux parents qui l’offrirent en mariage à Brian (F1GC). Émilie

(F1GC) reconnait pendant l’entrevue que cette pratique est novatrice. Pourtant, je dois ajouter que cette

nouvelle pratique n’est pas du jamais vu dans le Nord de l’Ontario puisque j’ai pu observer plusieurs

mariages où les parents de la mariée menèrent celle-ci à l’autel. Une autre nouvelle pratique qui mérite

une mention est celle par laquelle les mariés manifestent symboliquement leur union de façon tangible.

Émilie (F1GC) explique qu’elle et Brian (F1GC) versèrent simultanément du sable dans un grand vase.

Elle garde celui-ci encore en souvenir. De plus, Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) avaient insisté sur le

fait de pouvoir choisir des textes bibliques qui représentaient leurs valeurs comme par exemple le passage

des Corinthiens « Love is patient, love is kind …» D’autre part, Brian (F1GC) admet que puisque sa

conjointe et lui sont de différentes confessions religieuses et de différentes langues, il était impératif de

trouver un point de rencontre tout en gardant l’aspect traditionnel du mariage. Chacun des époux

reconnut les pratiques religieuses de son conjoint. Émilie (F1GC) proclama ses vœux en anglais alors

que Brian (F1GC) les proclama en français. De plus, dans leur choix du déroulement de la cérémonie du

mariage, le couple choisit de ne pas procéder à l’Eucharistie. Selon la religion protestante, il n’y a

habituellement pas de communion lors d’une cérémonie de mariage.

Passons maintenant aux particularités des pratiques religieuses du mariage traditionnel de la famille 2

pour entrevoir et reconnaître les récurrences. Thérèse (F2GA) m’indique elle-même que son mariage fut

traditionnel. Puisqu’elle mentionne le nom de l’église dans laquelle la cérémonie de mariage eut lieu, je

constate que ce fut un mariage religieux et francophone. Les mêmes conventions s’appliquent dans le cas

de cette famille définissant le modèle traditionnel suivi.

Pourtant, Thérèse (F1GA) n’expose pas beaucoup de détails quant à la préparation et à la cérémonie du

mariage. Le peu de détails est sûrement dû aux fluctuations de la mémoire, alors que déjà plus d’un

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demi-siècle s’est écoulé depuis la cérémonie du mariage. Aussi, la cérémonie religieuse n’est peut-être

pas ce qu’elle a préféré. Une autre raison est liée à l’encadrement religieux; le mariage ne se prêtait pas à

des pratiques novatrices personnalisées à volonté. C’était le curé qui ordonnait la façon que devait se

pratiquer la cérémonie du mariage et les futurs-époux n’eurent alors par beaucoup de préparatifs à faire.

Thérèse (F2GA) me fait part du rôle de chaque conjoint dans la préparation de ce mariage. Elle indique

que le cortège nuptial fut choisi par les deux époux. Quant au rôle de la future-mariée, c’était de choisir

sa robe ainsi que celles des filles d’honneur. Le futur-marié quant à lui était en charge des garçons

d’honneur. Ce qui est tout de même intéressant est le fait que Thérèse (F2GA) mentionne que la mode à

l’époque était que chaque fille d’honneur porte une robe de style différent et de couleur différente.

Comme Thérèse (F2GA) tient à me faire part de ce détail, j’en déduis qu’elle y accorde une importance.

Je pourrais certainement croire que ce fut l’un des aspects, sinon le seul, de son mariage qu’elle a pu

personnaliser selon ses préférences personnelles.

Quant à la cérémonie de mariage elle-même, Thérèse (F2GA) m’indique qu’elle eut lieu un dimanche en

après-midi. C’est une affirmation qui m’a surprise croyant que les mariages religieux en Ontario français

avaient été célébrés, depuis longtemps, le samedi. Thérèse (F2GA) admet elle-même que c’est une

pratique assez différente de ce que l’on connait. Dans ce fameux scénario type, j’ajoute aussi les

pratiques suivantes que Thérèse (F2GA) mentionne. Par exemple, elle accrocha le chapelet sur la corde à

linge pour s’assurer qu’il fasse beau temps le jour du mariage, une pratique qui était très répandue à

l’époque selon elle, le cortège nuptial féminin se fit conduire à l’église, une fois à l’église son père la

conduit jusqu’à l’autel, entre autres. De plus, je tiens à ajouter que Thérèse (F2GA) exprime que de telles

informations auraient dû avoir été écrites. Elle veut certainement dire que si elle avait fait ainsi, plusieurs

détails auraient pu être préservés et n’auraient pas succombés à l’oubli. Il est important de retenir que

Thérèse (F2GA) admet « c’est bien important quand on est jeune d’avoir un mariage traditionnel ». Du

côté émotionnel, Thérèse (F2GA) mentionne qu’elle était bien contente que sa famille puisse partager ce

moment de bonheur avec elle. De plus, elle apprécie le fait que ses parents, qui habitaient la province du

Québec, firent le trajet pour assister à cette journée. Elle en garde alors de très bons souvenirs.

Alain (F2GB) et Christine (F2GB) me font part des préparatifs de mariage ainsi que de la cérémonie qui

suit bien le scénario que j’ai dégagé à partir des pratiques nuptiales de Thérèse (F2GA), la mère d’Alain

(F2GB). Voyons ce que Christine (F2GB) et Alain (F2GB) ont fait de ce scénario en dégageant les

pratiques principales. Dès que je demande aux conjoints de me parler des préparatifs, tous deux

m’informent premièrement qu’il fut question de consulter le prêtre. Ainsi, je conclus que le mariage était

religieux. En me faisant part du nom de l’église dans laquelle la cérémonie se déroula, j’ai constaté qu’il

s’agissait de la même paroisse où les parents d’Alain (F2GB) se marièrent. Il fut aussi question de suivre

des cours de préparation au mariage où les valeurs de l’institution furent enseignées ainsi que de faire

publier les bans. Le rôle d’Alain (F2GB) dans la préparation de l’événement fut de s’occuper de son

habit et de choisir les garçons d’honneur. Il rit lorsque je lui demande de me faire part de son rôle

m’avouant que son rôle « c’était à peu près ça ». D’ailleurs Christine (F2GB) m’avoue qu’elle avait

planifié presque tout elle-même, alors que sa mère et sa sœur l’appuyaient. Alain (F2GB) et Christine

(F2GB) ne me fournissent pas plus de détails mais je déduis pourtant, selon d’autres informations qu’ils

me donnent, que Christine (F2GB) avait préparé le menu du souper, les invitations, l’achat ou la

fabrication d’une jarretière et d’un bouquet qui allaient être lancés aux célibataires, ainsi que la fameuse

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croyance « something old, something new… », entre autres. Je tiens à noter encore une fois que cette

croyance n’a pas été mentionnée à la génération A de cette famille.

Pour la cérémonie du mariage même, Christine (F2GB) m’avoue qu’aucun compromis n’avait à être fait

« qu’est-ce que je lui disais lui il disait que c’était correcte so ce n’était pas bien, bien compliqué ». En

tant que coutumes, Alain (F2GB) dit que toutes celles qui ont trait à une cérémonie de mariage dit

traditionnel furent pratiquées tels que la lecture des psaumes, l’évangile, l’échange des consentements,

l’échange des alliances… Son plus beau souvenir est la promesse qu’il a faite cette journée là. Je

conclus alors qu’il accorde une importance à cette promesse. Christine (F2GB) quant à elle me dit que le

fait que la famille y fut présente était très important pour elle. Elle m’explique longuement que sa grand-

mère lui mit une jarretière avant de quitter pour la cérémonie et qu’elle garde de ce geste un souvenir

précieux. Je considère ainsi que Christine (F2GB) accorde un grand respect à ses prédécesseurs, plus

précisément sa grand-mère, ce qui se fera voir d’ailleurs à quelques reprises lors de l’entrevue. Elle dit

aussi que tous les invités étaient heureux pour les nouveaux mariés. Elle reconnait alors cette valeur. Et

finalement, elle dit que le mariage était une autre étape. Ainsi, elle a aussi reconnu le changement de

statut que lui apportait cette cérémonie.

Particularités d’un mariage mixte

La troisième génération de cette famille a fait un mariage francophone-anglophone. Il est à noter que

Scott voulait se marier dans un pays chaud. Pourtant, en réfléchissant au déroulement d’un tel mariage,

Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) réaliseront qu’ils préférèrent être entourés de leurs familles au lieu que

d’être dans un pays chaud. Pour de ce qui est des préparatifs, Valérie (F2GC) me témoigne qu’elle

voulait se marier dans son église, une église catholique et francophone parce que TOUS les membres de

sa famille s’y étaient mariés. L’intonation de sa voix me fait part qu’elle accorde une importance à cette

tradition familiale. Le couple assista à des cours de préparation au mariage et apprécia les valeurs qui

leur furent enseignées telles que la fidélité. Valérie (F2GC) affirme aussi, comme le fit sa mère, que ce

fut elle qui fut en charge de presque tous les préparatifs du mariage. Elle m’explique que c’est parce

qu’elle ne voulait pas se marier dans un pays chaud que Scott (F2GC) la laissa préparer tout mais Scott

(F2GC) admettra que c’était plutôt en raison de sa thèse de maîtrise, qu’il terminera d’ailleurs quelques

jours avant la cérémonie de mariage. Ainsi, le rôle de Valérie (F2GC) était de tout préparer et celui de

Scott (F2GC) était de s’occuper du budget. Parce que Valérie (F2GC) ne me fournit pas de détails quant

aux préparatifs, je déduis à l’aide des autres informations qu’elle me fournit, qu’elle envoya des

invitations, réserva la salle de réception, prépara le menu de la soirée, réserva le DJ, et aussi, suivit la

croyance « something old, something new… » comme sa mère l’avait fait. De plus, la soirée avant la

cérémonie de mariage, Valérie (F2GC) coucha chez ses parents, même si elle cohabitait déjà avec Scott

(F2GC), afin de suivre une tradition ; celle voulant que les époux ne se voient pas avant la journée du

mariage.

Pour la cérémonie de mariage même, Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) affirment que la cérémonie de leur

mariage était traditionnelle. Il y avait un cortège nuptial, la cérémonie se déroula dans une église, les

hommes avaient des habits et la mariée avait sa robe blanche, entre autres. Pourtant, le mariage lui-même

fut partiellement traditionnel parce que le souper ne fut pas servi. Or, ce n’était pas une pratique

familiale nouvelle parce que quelques membres de la famille de Valérie (F2GC) firent la même chose.

Scott (F2GC) était indifférent quant à la façon que le mariage fut célébré, traditionnel ou pas. « It was

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140

Valérie’s (F2GC) choice and I supported it». En faisant un retour sur la cérémonie de mariage, il constate

que celle-ci est en réalité très importante pour lui parce qu’elle lui permit formellement de faire une

promesse et de s’engager. Valérie (F2GC) m’informe aussi que pendant la cérémonie, elle et Scott

(F2GC) allumèrent une chandelle d’unité. Valérie (F2GC) garde de très beaux souvenirs de la cérémonie

religieuse en affirmant que « la cérémonie était très spéciale ».

Bien que les pratiques prénuptiales et nuptiales soient à la fois abondantes et complexes, l’examen du

corpus de données me permet de témoigner de l’homogénéité culturelle. En d’autres mots, le scénario de

ces pratiques ne varie pas beaucoup d’une génération à l’autre et semble d’ailleurs être presque le même

pour les deux familles. Ceci s’explique par le fait que chaque couple choisit de célébrer son mariage dans

la tradition religieuse catholique et que, ce faisant, les conjoints furent appelés à suivre les rituels et les

règles prescrites. Ces pratiques laissèrent sans conteste des empreintes dans le temps et dans l’espace

parce que chaque génération choisit de s’y conformer. Il est vrai que, les deux familles d’informateurs

sont imprégnées des traditions religieuses en ce qui concerne le mariage. Quant aux pratiques qui tendent

à être plus personnalisées, il faut leur accorder aussi une importance parce qu’elles révèlent une sorte de

dynamisme culturel.

La réception du mariage : les traditions d’un temps fort

Le mariage étant alors contracté, une fête était habituellement donnée pour l’occasion. C’est le temps de

célébrer, de fraterniser, de faire prolonger l’émerveillement de la journée un peu plus longtemps. Les

noces sont le temps fort du mariage. D’après les informations fournies par les couples, je remarque que

la réception fut constituée aussi de plusieurs pratiques. C’est à la lumière des informations de la

génération A que je peux présenter le portrait de la réception type selon les familles.

Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) prirent des photos de mariage après à la cérémonie, dînèrent dans

l’ambiance des festivités, entourés de la famille immédiate, de la parenté et des amis. Il y eut un souper et

de la boisson alcoolisée est servie. On jouait du violon en après-midi tandis qu’en soirée un groupe

professionnel de musiciens faisaient de la musique. Il y avait aussi la cérémonie associée au gâteau de

mariage où les mariés le coupaient et en servaient une portion à tous leurs invités. Des cadeaux étaient

offerts mais il ne s’agissait jamais de dons en argent. Cependant, le soulier de la mariée était passé afin

que les invités puissent y déposer quelques sous. Jeanne (F1GA) affirme avoir apprécié l’un des cadeaux

de mariage en particulier qui lui avait été offert. Il s’agissait d’une chaise berçante offerte par son grand-

père qui l’avait achetée chez Dupuis Frères, un magasin avec un comptoir postal qui s’était donné

comme mandat de promouvoir les valeurs familiales et religieuses de la population canadienne-française.

«Dupuis Frères c’était strictement francophone. » « On était au moins certain le lendemain matin qu’on

avait une chaise pour s’asseoir » me disent les informateurs. C’est une révélation qui mérite une

attention particulière. Notamment, la chaise berçante est une particularité qui représente le foyer

traditionnel. Que des émotions soient en partie rattachées à la valeur de la chaise elle-même n’est pas

surprenant. D’autre part, le fait même que les Canadiens-français du Nord de l’Ontario choisirent de

faire l’achat de divers produits auprès de Dupuis Frères, une compagnie qui était située loin par rapport à

eux, témoigne de l’attachement qu’ils accordaient à celle-ci et de la référence que le magasin représentait

au plan de l’appartenance identitaire. Il faut aussi convenir que Dupuis Frères avait bel et bien réussi à

consolider la nation canadienne-française. Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) expliquent longuement

l’importance que ce magasin (ou cette institution si l’on veut) avait eu dans la vie des Canadiens-français.

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141

La réception de mariage d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) se pratiqua de façon très similaire à la

génération précédente. Ce fut le souper traditionnel, la boisson alcoolisée, la musique, la danse des

nouveaux mariés. Il était important pour eux d’être entourés de leurs familles, de ressentir le bonheur.

« Tout le monde était content. Moi c’était quelque chose que je voulais» exprime Isabelle (F1GB). André

(F1GB) admet : « Ça m’a fait plaisir d’avoir eux autres671

parce que ça faisait du monde un peu sur mon

côté à cause que je n’avais pas tellement de parenté » d’où l’importance de souligner une occasion si

spéciale et de partager un moment de bonheur avec des individus qui leurs sont chers. D’autre part,

quelques pratiques apparaissent qui ne furent pas mentionnées par la génération A. Il y a premièrement

la pratique relative aux dragées. Elle mérite une attention parce qu’elle est significative pour Isabelle

(F1GB) et parce que je n’avais jamais entendu parler de ce genre de variante. Isabelle (F1GB)

m’explique qu’elle avait acheté un gâteau aux fruits qu’elle avait coupé en morceau pour ensuite les

déposer dans de petites boîtes qu’elle offrait aux filles célibataires présentes à son mariage. Ce fut une

pratique importante non seulement pour la mariée mais aussi pour les invitées qui rêvaient elles aussi

d’avoir un mariage aussi féerique que celui d’Isabelle (F1GB). André (F1GB) me fait part de la pratique

de la jarretière et du décor de l’automobile des nouveaux-mariés. « Des p’tites choses qui sont le fun

qu’on se souvient pour la vie» dira-t-il en témoignant de l’importance de ces pratiques. Finalement,

chacun d’eux mentionne qu’ils partirent en lune de miel, une pratique mémorable qui marque une autre

étape du rite de passage du mariage.

La troisième génération de cette famille me fait part de pratiques ressemblant fortement à la génération

précédente. Émilie (F1GC) affirme que la réception fut traditionnelle. Avec les informations d’Émilie

(F1GC) et de Brian (F1GC), je conclus que la réception commença avec un souper. Émilie (F1GC)

mentionne qu’ils pratiquèrent la tradition de la jarretière en exposant en même temps une autre pratique

que les deux générations précédentes ne mentionnèrent pas : le lancer du bouquet. Cette pratique avait les

mêmes intentions que celle de la jarretière mais était prévue pour les filles célibataires. Je prends

l’occasion de mentionner que c’est la deuxième pratique novatrice qu’Émilie (F1GC) mentionne où le

rôle des femmes est mis en valeur; la première pratique mentionnée étant celle où la mère d’Émilie

(F1GC) l’accompagna, ainsi que son père, jusqu’à l’autel dans l’église. D’autre part, le couple indique

qu’ils célébrèrent leur mariage avec leurs invités. Brian (F1GC) indique que selon lui, il était important

de parler à chacun d’eux afin de les remercier de célébrer avec eux. « I cherish family being there for

it672

». D’autre part, Émilie (F1GC) aurait de toute évidence longuement réfléchi à ce que lui apportait le

mariage. Elle avait compris que le mariage se faisait en une série d’étapes qui lui permettaient d’accéder

à un nouveau statut. D’ailleurs, elle le dit elle-même : «C’est ma journée de changement de vie, de

laisser aller l’enfance, se préparer à être plus mature, à avoir des enfants, à être moins attachée aux

parents.» Et elle en dégage même les valeurs telles que « l’autonomie, la sécurité et la réussite. Être plus

indépendante. Des valeurs de prendre soin de moi-même.» Tout comme Isabelle (F1GB) et André

(F1GC), Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) partirent en lune de miel.

Thérèse (F2GA), la deuxième famille à l’étude, décrit la réception de son mariage en peu de mots mais je

peux quand même y entrevoir l’aspect traditionnel qui était véhiculé. Les nouveaux-mariés et les deux

familles s’étaient réunis au domicile des parents de Jacques (F2GC). La maison était décorée de cloches

671

Il s’agit des invités au mariage ; famille et collègues de travail. 672

En parlant du mariage.

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142

qui symbolisaient le mariage. On jouait de la musique country et puis on dansait des danses carrées « il y

a toujours quelqu’un dans la salle qui peut caller » me dit-elle.

La seconde génération de cette famille fait part d’une nouvelle pratique. Cette dernière avait une facette

économique. Entre autres, Christine (F2GB) et Alain (F2GB) organisèrent un stag and doe wedding.

Ceci permettait à tous ceux qui connaissaient les mariés, d’acheter un billet d’entrée et de célébrer leur

joie avec eux. Ainsi, à leur mariage, plus de cinq cent personnes étaient présentes à la réception. Alain

(F2GB) se remémore les traditions qui lui sont chères. Il mentionne la première danse des nouveaux-

mariés, la danse des parents du couple, les invités qui cognent sur les assiettes demandant aux nouveaux-

mariés de s’embrasser, entre autres. Il mentionne aussi qu’un souper était servi et un groupe musical

jouait de la musique Rock and Roll durant la soirée. Christine (F2GB) retient de la cérémonie que ses

amis y étaient et que tout le monde était content. Durant la soirée, Alain (F2GB) lança la jarretière aux

hommes célibataires alors que Christine (F2GB) lança un bouquet de fleurs aux filles célibataires. De

plus, elle ouvrit la danse avec son père.

La réception de mariage de Scott (F2GC) et Valérie (F2GC) fut encore plus différente. Valérie (F2GC)

avait choisi de ne pas servir un souper parce qu’elle croyait que les discours habituels qui ont lieu

pendant ce repas étaient ennuyants. Alors, au lieu du repas traditionnel qui fut servi au mariage de ses

parents et de ses grands-parents, Valérie (F2GB) choisit de servir des hors d’œuvres ainsi qu’une variété

des déserts, fromages et crudités. Elle regrette pourtant de ne pas avoir suivi la tradition du souper

traditionnel. Selon elle le temps a avancé trop vite et les mariés ne purent ouvrir la danse des nouveaux-

mariés qu’à vingt-trois heures. Valérie (F2GB) me dit aussi que son beau-frère a refusé de danser sur ses

bas. Elle laissa cette tradition de côté constatant que les Anglophones n’étaient pas familiers avec celle-ci.

Tout comme les autres fêtes, la réception du mariage venait rompre avec le quotidien. Son essence

insistait sur des pratiques conviviales alors que les familles et amis se livraient à des émotions et

sentiments que les nouveaux-mariés purent ressentir et apprécier en y déterminant la valeur.

L’entrée en ménage : le début de la vie à deux

Comme mentionné, chacune des informatrices s’était préparée pour son entrée en ménage. L’acquisition

de biens s’était faite de façon différente. Les couples de la génération A et B attendirent après le mariage

pour entrer en ménage. C’était ce qui devait se faire à leur époque, dans le respect des conventions

sociales. Les couples de la génération C quant à eux entrèrent en ménage avant le mariage et

bénéficièrent quand même d’un shower de mariage. Le fait qu’ils reçurent des cadeaux pour la mise en

ménage indique que la coutume était encore bien ancrée dans les mœurs même si les couples possédaient

déjà tout ce dont ils avaient besoin.

Je constate par les informations fournies que Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) menèrent une vie de

pionniers. Une fois mariés, ils se trouvèrent un appartement dans lequel il y avait un poêle à bois. Ils le

meublèrent avec le peu de meubles qu’ils possédaient. Ils décrivent qu’ils venaient à peine de connaître

l’électricité et que ce fut quelque temps avant qu’ils se procurèrent d’un réfrigérateur. Je peux déduire à

partir des données qu’ils me fournissent au sujet de la vie domestique, que Jeanne (F1GA) et Gérard

(F1GA) retrouvaient dans leur demeure le confort, le bien-être, le bonheur, la joie…

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143

Pour André(F1GB), un enfant unique, la famille était très importante. Il choisit alors d’habiter dans le

bloc appartement de ses parents. Il s’assurait aussi de leur donner un coup de main avec les propriétés

qu’ils possédaient s’étant rendu compte qu’ils se faisaient de plus en plus âgés et que physiquement, ils

étaient devenus incapables d’accomplir certaines tâches. Dans leur appartement, tout était neuf. André

(F1GB) avait laissé Isabelle (F1GB) choisir tous les meubles. Elle y apporta évidemment son trousseau.

Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) cohabitèrent ensemble avant le mariage tel que déjà mentionné. De plus,

ils avaient aussi quitté le foyer familial quelques années avant leur cohabitation pour aller étudier.

Lorsqu’ils décidèrent de déménager ensemble, ils se retrouvèrent avec un surplus de meubles et d’items

divers que chacun d’eux avait accumulé. Ils durent aussi s’ajuster aux habitudes de l’un et l’autre; une

tâche qui ne s’avéra pas si facile.

Pour leur entrée en ménage, Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA) louèrent un petit appartement en ville et

purent jouir des appareils électroménagers qui étaient fournis et inclus dans le prix du loyer.

Christine (F2GB) et Alain (F2GB) louèrent aussi un appartement. Dans leur jeunesse, tous deux avaient

habité le même quartier de la ville : un quartier francophone. Alain (F2GB) m’indique que leur

appartement était dans un quartier anglophone « alors c’était un peu différent ». Christine y apporta son

petit trousseau ainsi que tous les cadeaux qu’elle avait reçus lors de son shower de mariage.

Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) cohabitèrent ensemble avant le mariage, tel que déjà mentionné.

L’appartement qu’ils choisirent était attaché à la maison des parents de Scott (F2GC). Celui-ci put

continuer d’aider à son père pour l’entretien et l’aménagement paysager. Même si le couple cohabita

ensemble avant le mariage, un shower fut organisé et le couple put jouir d’un surplus d’items pour ajouter

à ce qui avait déjà été accumulé.

Je ne peux m’empêcher de mentionner que deux des informateurs choisirent de demeurer dans un

appartement attaché à la résidence de leurs parents. Tous deux m’informèrent qu’ils continuèrent d’aider

leurs parents dans diverses tâches. L’importance que les informateurs accordent à leur famille, à leurs

parents, serait certainement à soulever.

L’éducation des enfants : valeurs familiales et importance du milieu scolaire

Les parents ont comme rôle fondamental d’éduquer leurs enfants. Mon étude démontre que les

Canadiens-français et les Franco-Ontariens ont recours à des principes éducatifs semblables. Voyons ce

que je peux dégager des pratiques relatives à l’éducation ainsi que les valeurs qui leur sont associées.

Lorsque je demande à Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) de me parler de l’éducation de leurs enfants,

Gérard (F1GA) me répond : « C’était l’école française, c’était la seule école. » Le ton de cette affirmation

mérite une explication. On pourrait croire que Gérard (F1GA) avoue qu’il n’y avait qu’une école

francophone dans la région où la famille habitait. En étudiant les statistiques sur la population

francophone de la région du Nord-Est de la province ce ne serait pas surprenant qu’il en ait été ainsi.

Pourtant, ce que Gérard (F1GA) veut dire c’est qu’aucune autre option que l’école française n’aurait pu

être envisagée. Il ajoute aussi que les éducatrices étaient des religieuses. Ainsi, en allant à l’école, les

enfants de Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) recevaient un enseignement qui tenait compte de leurs plus

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grandes valeurs : la langue française et la religion catholique. De surcroît, ils m’informent de la crise des

écoles secondaires des années 1970. D’ailleurs, Gérard (F1GA) s’opposait grandement au fait que ses

enfants devaient fréquenter une institution anglophone une fois au palier secondaire. Grâce à un effort

collectif, une école secondaire francophone fut fondée et Gérard (F1GA) en était fier. D’autre part, le

couple explique qu’il éduqua ses enfants en les responsabilisant par l’attribution de tâches diverses.

« Nos enfants, il fallait qu’ils aient la base agricole. » De plus, le fait qu’on précise que les enfants

devaient aussi s’occuper de temps à autre de leurs frères et sœurs plus jeunes témoigne qu’ils devaient

aussi s’adonner aux tâches ménagères. Il est à noter que Jeanne (F1GA) a déjà expliqué que ce fut elle

qui éleva la plus jeune de ses sœurs. Je déduis ainsi que c’est une pratique coutumière familiale rurale

puisque les tâches relatives à l’agriculture et à l’élevage du bétail semblaient très exigeantes.

Relativement à ce qui vient d’être dit, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) affirment qu’il est très important

d’enseigner à leurs enfants de toujours travailler vigoureusement, efficacement et intelligemment. Pour

eux, le travail est donc une valeur.

Isabelle (F1GB) et André (F1GB) disent qu’ils « suivirent la routine » en ce qui a trait à l’éducation des

enfants. « Les filles allaient à l’école catholique première des choses, très important. » « Elles allaient à

l’école française; une autre chose qui était très importante » disent-ils. Donc parce que les informateurs

avouent l’importance de l’école catholique francophone, ils y accordent évidemment une importance.

Aussi, il faut souligner qu’Isabelle (F1GB) et André (F1GB) m’informent qu’ils vécurent la crise

scolaire des années 1970673

. Ils observèrent de près les disputes entre le gouvernement et les

Francophones. Sous leurs yeux les communautés francophones des quatre coins de la province

consolidèrent leurs efforts pour l’obtention des écoles secondaires francophones. Et finalement, ils

assistèrent à l’ouverture d’une école secondaire catholique francophone. Puisqu’ils vécurent ces tensions

et ces changements eux-mêmes et qu’ils témoignèrent de la fierté d’être Francophone, il n’est pas

surprenant que ce couple choisisse d’envoyer leurs filles à cette même école. D’autre part, Isabelle

(F1GB) m’informe de l’importance d’enseigner à ses filles à prier le soir avant d’aller au lit. Enseigner la

religion à ses filles était d’ordre primordial pour elle. Le couple me fait aussi part des valeurs qu’il avait

voulu enseigner à ses filles telles que l’institution de la famille elle-même, le temps passé en famille, le

respect, le respect envers les adultes, l’honnêteté, le travail, entre autres. Isabelle (F1GB) me fait part que

ces valeurs étaient les mêmes qui lui furent transmises par ses parents. Je dois noter particulièrement la

valeur accordée au travail que Jeanne et Gérard précisèrent lors de leur entrevue. De plus, pour Isabelle

(F1GB) et André (F1GB), il était important d’encourager leurs filles à étudier.

Émile (F1GC) quant à elle me fait part de renseignements très intéressants à propos de la conciliation des

pratiques coutumières.

« C’est plus facile de parler de coutume parce que je pense que les valeurs changent

surtout dans un mariage à différentes langues et différentes coutumes comme en

religion. Pour lui, pour mon mari, il a des coutumes que nous on ne fait pas

nécessairement qui ont peut-être une grande valeur pour lui qu’il aimerait que notre

enfant pratique. Mais ensemble ce n’est pas nécessairement que c’est MA coutume

puis mes valeurs, c’est juste quelque chose qu’on va décider de faire ensemble pour

673

En 1968, une loi fut adoptée accordant le droit aux Franco-Ontariens d’ouvrir des écoles secondaires françaises.

Parce que certains conseils scolaires hésitèrent de construire ou d’ouvrir de telles écoles, des luttes éclatèrent un peu

partout en Ontario au début des années 1970. Les Franco-Ontariens firent entendre leur cause et purent obtenir ce

qu’ils réclamaient. (Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.318.)

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mettre les deux nos coutumes puis les valeurs ensemble pour former notre PROPRE

coutume puis nos valeurs ».

Elle ajoute aussi qu’elle veut transmettre ses traditions parce que ce sont des souvenirs d’enfance. Ainsi,

la conciliation des pratiques se fait par préférence et selon ces informations, le choix découle de

réflexions et de discussions entre les membres du couple. Il est à remarquer qu’Émilie (F1GC) indique

bien que la conciliation n’est pas un mélange de différents aspects des coutumes pour finalement faire

une nouvelle coutume. Il s’agirait davantage d’un agencement des pratiques selon les valeurs

importantes des conjoints. Alors, si une certaine coutume est importante pour l’un des conjoints en raison

de sa valeur, le couple peut choisir de pratiquer cette coutume. En mentionnant « notre PROPRE

coutume », il s’agirait alors de diverses coutumes culturelles pratiquées pour la même occasion. D’autre

part, Émilie (F1GC) dit aussi qu’il lui est impossible de parler de valeurs religieuses parce que le couple

ne pratique par une confession en particulier avec ses enfants. Finalement, selon Brian (F1GC), les

valeurs que le couple tente de transmettre à ses enfants sont l’amour pour la famille. Une autre chose qui

est intéressante et qui mérite une attention particulière est le fait qu’il ne croit pas que les valeurs

transmises à sa femme, par ses parents soient différentes que celles qu’il a connues lorsqu’il était plus

jeune. Ainsi, les valeurs mentionnées sont peut-être davantage des valeurs sociales que des valeurs

culturelles. Quant au milieu scolaire, le couple choisit d’envoyer ses enfants à une école catholique

francophone principalement parce qu’Émilie en avait fréquenté une et parce que Brian avait fréquenté

une école d’immersion française. Émilie indique aussi que le fait d’être bilingue est un avantage. Je

déduis alors que ce choix repose sur les valeurs d’une tradition familiale ainsi que sur un avantage social

pour leurs enfants.

Pour ce qui en est de la deuxième famille, Thérèse (F2GA) admet qu’en ce qui a trait à l’éducation,

c’était la mère qui était en charge de tout. Cette affirmation montre de manière évidente le rôle de la

femme. D’autre part, les valeurs qu’elle et son conjoint tentèrent de transmettre à leurs enfants furent la

sincérité, la politesse, le respect et de ne pas hésiter à se confier à elle. Et pour me parler du milieu

scolaire, Thérèse fait la remarque que le système scolaire avait changé depuis que ses enfants aînés y

étaient passés et que les plus jeunes en avaient connu un différent. Elle tente de faire un parallèle en

mentionnant que le système scolaire s’était mis à jour. Pourtant, elle indique que même si le système

avait changé et que les principes étaient différents, ceux qui avaient trait au foyer étaient demeurés les

mêmes.

Christine (F2GB) et Alain (F2GB) quant à eux tentèrent de transmettre à leurs enfants l’amour, l’amour

pour la famille et le bonheur. D’ailleurs, ces valeurs sont véhiculées un peu partout pendant l’entrevue.

On a certainement pu le constater avec les rassemblements familiaux tels que le shower de mariage,

l’enterrement de vie de célibataire, le mariage et puis on le reverra encore lors des pratiques relatives au

temps des Fêtes, entre autres. Christine (F2GB) précise aussi qu’elle avait toujours encouragé ses

enfants à se fixer des buts, à les rejoindre, à les respecter et à les aimer. La détermination, le sens de

l’accomplissement et l’épanouissement sont alors des valeurs importantes pour elle. Quant au milieu

scolaire, leurs enfants fréquentèrent des écoles catholiques francophones du primaire jusqu’au

postsecondaire. Je tiens aussi à mentionner que les universités francophones en Ontario n’abondent pas.

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Pour ce qui est de l’éducation des enfants de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC), le couple fournit des

exemples des valeurs qu’ils tentent de leur inculquer. Parmi elles se retrouvent la politesse, le respect, le

partage, les règles de courtoisie, l’amour pour la famille, entre autres. Ce sont des valeurs qui reviennent,

il faut le remarquer. D’autre part, au sujet du milieu scolaire, Valérie (F2GC) indique que le couple avait

choisi d’envoyer ses enfants à une école catholique francophone et que le choix était unanime. Mais

puisque Scott (F2GC) est Anglophone et ne comprend pas très bien le français, on pourrait croire que

c’est une décision surprenante. Ce qu’il faut bien comprendre c’est que le couple a décidé que Valérie

(F2GC) allait être le parent en charge de s’occuper de l’éducation scolaire des enfants. La raison repose

sur le fait qu’elle-même occupe un emploi dans le système scolaire. Donc encore une fois, je tiens à

souligner l’importance de l’identité francophone.

Les parents se sont tous donnés comme mandat d’inculquer de bonnes valeurs à leurs enfants. D’après

les données relatives à l’éducation des enfants et d’après le nombre de valeurs identifiées par les

informateurs, le cercle familial est l’un des lieux les plus propices à l’apprentissage des valeurs. Mais les

enfants n’apprennent pas seulement les valeurs à la maison. Ils en apprennent aussi à l’école. D’ailleurs

par commodité, les informateurs ont tous opté pour envoyer leurs enfants dans des écoles catholiques et

francophones sachant que les valeurs enseignées au foyer seraient perpétuées sur le plan culturel,

religieux et linguistique.

3.3.2 Bilan des pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle

La grossesse, la naissance et le baptême se retrouvent parmi les grands moments de la vie quotidienne

profane et religieuse. Ils s’accompagnent de pratiques guidées par des symboles, des valeurs et des

sentiments. Parce que les six couples d’informateurs sont tous des parents, ils ont pu fournir des détails

importants quant à ces événements et aux pratiques coutumières en découlant.

L’accueil du nouveau né et les relevailles

Pourquoi choisit-on d’avoir des enfants? Selon les psychologues tels qu’Erik Erikson, il est très

important pour chaque individu d’atteindre des buts qui leur apporteront de la satisfaction..674

Ainsi,

pour plusieurs, le fait d’avoir des enfants leur permet d’éprouver ce sentiment d’accomplissement.

Toujours est-il que la naissance d’un enfant se retrouve parmi les grands moments de la vie. Les parents

du nouveau-né ainsi que les personnes qui les entourent accordent de multiples significations et valeurs

évoquant subséquemment plusieurs sentiments quant à ce phénomène tout à fait naturel.

Pour Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA), le choix d’avoir des enfants semblait en partie reposer sur les

valeurs de l’époque telles que la moralité, la foi, le sens du devoir et du travail… Par exemple Gérard

(F1GAM) affirme : « Si tu n’avais pas d’enfants, il fallait que tu aies un problème soit de fécondité…. »

D’autre part, leur choix fut guidé simultanément par le respect de la tradition ainsi que par la gaieté que

les enfants apportaient au foyer familial. Durant la grossesse, le couple avait comme tâche de préparer le

trousseau pour le nouveau-né. Jeanne (F1GA) dit qu’il n’y avait pas de showers de naissance à cette

époque. Elle dit aussi que suite à la naissance du bébé, l’année suivant le mariage, elle se rendit chez sa

674

Collin BAIN, Jill COLYER, Dennis DESRIVIÈRES, Sean DOLAN, Transitions, Changements et défis sociaux,

Les Éditions de la Chenelière, Montréal, 2002, p. 214.

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147

mère pour les relevailles. C’était plutôt pour reprendre des forces que d’apprendre comment prendre soin

d’un nouveau né parce que Jeanne (F1GA) dit aussi que ce fut elle qui eut la charge d’élever sa petite

sœur.

Isabelle (F1GB) et André (F1GB) avaient tous deux décidés d’avoir des enfants. Ils considéraient qu’il

fallait qu’ils soient en mesure de leur donner « toutes les nécessités pour la vie ». Pour les showers de

naissance, Isabelle dit : «dans ce temps là, c’était très rare ceux qui en avaient. » D’autre part, André

(F1GB) ressentait une grande fierté à la naissance de son premier-né. Il raconte qu’il passa la nuit de sa

fête à l’hôpital en attendant sa naissance. Isabelle (F1GB) n’eut pas recours à de l’aide supplémentaire

suite à la naissance du bébé qui fut un peu plus d’un an après le mariage. Ainsi, je ne peux pas dire qu’il y

eut des relevailles. André (F1GB) dit tout de même que sa mère, qui habitait juste à côté, était là pour

« dodicher » le bébé. Aussi, lors de l’entrevue, Isabelle (F1GB) fait part d’une pratique qui était bien

importante pour elle, celle de la médaille. Entre autres, elle avait accroché une médaille religieuse à la

camisole de ses filles afin qu’elles soient protégées contre les maladies. Elle indique aussi que sa mère lui

en avait fait porter une lorsqu’elle était petite.

Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) ont toujours voulu des enfants. Le couple avait tout de même considéré

qu’il devait être bien établi et posséder une maison avant de donner naissance. Ce fut une période

préparatoire d’environ quatre ans. Pendant la grossesse, un shower de naissance fut organisé par Isabelle

(F1GB), la mère d’Émilie (F1GC). « C’était une gentillesse. Ce n’est pas quelque chose de très

important.» La mère et la belle-mère d’Émilie (F1GC) l’aidèrent avec les relevailles.

Thérèse (F2GA) m’explique qu’elle et Jacques (F2GA) voulaient avoir des enfants en précisant : « Dans

c’temps là ce n’est pas qu’on choisissait tellement, c’est qu’on en avait! » Ainsi, le premier né arriva dix

mois après le mariage. Un shower de naissance fut organisé et Thérèse (F2GA) admet que c’était à

l’époque, une pratique assez commune.675

Après la naissance de l’enfant, une cousine l’aida pour les

relevailles.

Christine (F2GB) et Alain (F2GB), avant le mariage, avaient pris la décision d’avoir des enfants. Le

couple m’informe qu’il souhaitait continuer la famille et continuer la tradition familiale. Leur premier

enfant est né deux ans après le mariage. Christine (F2GB) avoue qu’elle voulait avoir un peu de sécurité

financière avant d’avoir des enfants. Un shower de naissance fut organisé et plusieurs femmes y

assistèrent. Les hommes furent invités pour le repas à la fin du shower. Après la naissance du bébé, la

sœur de Christine (F2GB) était allée chez-elle pour les relevailles.

Valérie (F2GC), au début de la vingtaine, ne voulait pas avoir d’enfants. Elle changea d’idée vers le

milieu de la vingtaine; Scott (F2GC) lui ayant dit qu’il n’y aurait pas de mariage s’ils n’allaient pas avoir

d’enfants. Il avait toujours voulu avoir des enfants et ceci était très important pour lui. Aussi, le couple

voulait être bien établi et avoir de bons emplois stables avant l’arrivée des enfants. Le premier enfant est

arrivé trois ans après le mariage. Un shower de naissance fut organisé par Christine (F2GB) la mère de

Valérie (F2GC) avec l’aide de ses sœurs et ses nièces. Valérie (F2GC) m’avoue qu’elle avait fait une

675

Il est à remarquer que Jeanne, qui a donné naissance à son premier enfant à la même époque que Thérèse (vers le

milieu des années 1950) indique qu’il n’y avait pas de shower de naissances à l’époque. En constatant cette

différence dans les réponses, je conclus que c’est en raison de leur différent milieu d’appartenance.

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liste de cadeaux et qu’elle avait reçu TOUT ce qui était sur sa liste. L’intonation de sa voix montre

comment elle appréciait la générosité des invitées. Après la naissance du bébé, Scott (F2GC), Christine

(F2GB) et la mère de Valérie (F2GB) l’avaient aidé pour les relevailles. De plus, les parents de Valérie

(F2GB), Christine (F2GN) et Alain (F2GB), avaient préparé la maison en faisant un très grand ménage

pour l’arrivée du nouveau-né. Tout était propre, tout était frais. C’était comme un nouveau

commencement.

Donc on voit bien que la génération A suivit les normes et les valeurs de l’époque et n’eut pas à

considérer certains facteurs avant d’avoir des enfants parce qu’il était presqu’inconcevable de ne pas en

avoir. Les couples de la génération B avouent qu’ils voulaient une stabilité financière avant d’avoir des

enfants. Le shower de naissance semble être une pratique nouvelle dans la famille 1 tandis que dans la

famille 2, il fut organisé à chaque génération. Ce sont habituellement les mères des conjoints qui ont la

charge des relevailles.

Le Baptême

En devenant chrétien, l’enfant peut grandir religieusement. Par le baptême, les parents souhaitent suivre

la tradition familiale en élevant leur enfant avec les valeurs et principes moraux religieux. Le baptême

peut alors être considéré comme une pratique religieuse et culturelle. Je tiens à souligner que cette

tradition s’est perpétuée à travers les trois générations.

Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) m’informent qu’il était impératif de faire baptiser le bébé dès que

possible. Selon la croyance de l’époque « si quelque chose arrivait, le bébé s’en allait dans les limbes. »

On peut donc percevoir l’importance accordée à la religion et au discours du clergé. Ainsi, ce fut Gérard

(F1GA) qui amena le nouveau-né à l’église pour le faire baptiser, accompagné de ses parents et des

parents de Jeanne (F1GA). Par tradition, si le nouveau-né était une fille, il était de mise de choisir les

parents de la mère comme parrain et marraine, ce que firent Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA). « Nous

autres les Catholiques français c’était ça. » De plus, Jeanne avait demandé à ce que le bébé porte le nom

de la religieuse qui l’aida lors de son accouchement.

Pour ce qui est du baptême, Isabelle (F1GB) dit qu’il était très important pour elle que le bébé soit baptisé

le plus vite possible. Selon André (F1GB), la décision de faire baptiser ses enfants repose « sur le motif

qu’on était des catholiques puis qu’on s’était fait baptiser puis on a passé par là puis on voulait que nos

enfants soient comme nous autres.» Le baptême eut lieu dans une église catholique française. C’était

l’occasion d’accueillir l’enfant dans la communauté chrétienne. Le baptême, selon Isabelle (F1GB)

n’était alors pas discutable. D’autre part, les filles d’Isabelle (F1GB) et d’André (F1GB) devaient porter

le nom de Marie tout comme la majorité des filles de l’époque. Pour le choix du parrain et de la

marraine, le principe décrit par Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) fut appliqué. Ainsi, le parrain et la

marraine de leur fille ainée furent ses grands-parents maternels. Des cadeaux religieux furent offerts au

bébé à l’occasion de son baptême.

Quelques mois après la naissance, le bébé d’Émilie (F1GB) et de Scott (F1GB) fut baptisé dans une

église catholique et francophone, la même où le couple s’était marié. « C’était juste une tradition qui n’a

pas nécessairement de valeur, c’est juste quelque chose qu’on fait normalement en tant que catholique

français » m’explique Émilie (F1GC). Brian (F1GC) admet que c’était une tradition qui était importante

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pour Émilie (F1GC) en tant que catholique et francophone. Émilie (F1GC) indique que le couple avait

choisi de garder la même religion avec la même langue (elle veut dire anglophone protestant et

francophone catholique). Le prêtre célébra certaines parties du baptême en anglais afin que la famille de

Brian (F1GC) puisse comprendre. Pour le parrain et la marraine, ils choisirent un membre de leur famille

avec qui chacun d’eux était proche soit la sœur d’Émilie (F1GC) et le frère de Brian(F1GB).

Le bébé de Thérèse (F2GA) et Jacques (F2GA) fut baptisé à deux semaines : « On était catholique tous

les deux puis il n’y a pas de questions là, tu fais baptiser puis c’est tout. »

Les enfants de Christine (F2GB) et d’Alain (F2GB) furent baptisés dans une église catholique parce

c’était important pour eux de suivre la religion et les pratiques enseignées. Ils étaient de confession

catholique et ne voulaient pas que leurs enfants soient différents d’eux en choisissant autrement. Le

parrain et la marraine devaient être un couple. « J’étais très proche de ma belle-mère… on a juste

choisi ». Ainsi, ce furent les parents d’Alain qui furent choisi pour le premier enfant.

Les enfants de Valérie (F2GC) et de Scott (F2GC) se firent baptiser dans une église catholique parce que

tous les deux sont de cette même confession. « C’est la tradition puis moi je suis une personne très

spirituelle » me dit Valérie (F2GC). C’était aussi important pour la famille de Scott (F2GC). L’église

dans laquelle fut célébré le baptême était francophone. « Moi je suis catholique française, toute ma

famille l’est. Mon mari est catholique anglophone mais on a fait un baptême bilingue » explique Valérie

(F2GB). En tant que parrain et marraine, Scott (F2GC) avait choisi sa tante et Valérie (F2GC) avait

choisi son frère. C’était un choix unanime et Valérie m’en fera part.

Les deux premières générations de la famille 1 firent baptiser leurs bébés dès que possible en raison des

croyances religieuses. Pour elles, il semblerait que le baptême fut évocateur, transformant en ce qu’il

octroyait au bébé une sorte de liberté à accéder lui aussi au paradis. Seule la génération C attendit

quelques mois avant le baptême. La deuxième famille ne me mentionne pas cette hâte pour le baptême.

Ainsi, il se peut que cette pratique soit familiale. Pourtant, je suis portée à croire qu’elle aurait été

religieuse et culturelle et qu’elle aurait été à l’époque en voie de mutation. Ainsi, certaines familles

pratiquèrent cette coutume plus longtemps que d’autres. De plus, les deux premières générations de la

première famille choisirent le parrain et la marraine selon le sexe du bébé. Cette pratique fut révolue à la

génération C et ne fut pas mentionnée par la famille 2. J’affirme alors que la famille 1 s’adonna à des

pratiques traditionnelles familiales pour une période plus prolongée que la famille 2.

3.3.3 Bilan des pratiques coutumières du cycle annuel : la vie domestique et le partage

des tâches

Dès la mise en ménage, les conjoints d’un couple règlent leur vie domestique en partageant les tâches.

On sait que la femme et l’homme ont joué pendant longtemps un rôle traditionnel. Par exemple, la femme

était au foyer tandis que l’homme se rendait au travail pour exercer sa profession. Pourtant, dès l’entrée

des femmes sur le marché du travail, il fut inévitable que les tâches domestiques soient redistribuées

sinon, qu’elles soient modifiées. C’est entre autres ce que les informateurs me transmettent.

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Avant d’avoir des enfants, Jeanne (F1GA) s’occupait d’entretenir la maison, de faire le ménage, de

rentrer le bois, d’entretenir le jardin, de faire les repas… Elle ne travaillait pas à l’extérieur. Gérard

travaillait de longues heures à l’extérieur. D’ailleurs, un des aspects de leur quotidien qui leur apportait

des moments d’allégresse était les petits délices gustatifs qu’ils se préparaient. Par exemple, Jeanne

(F1GA) et Gérard (F1GA) me disent que le pain était fait à la maison. Ils se préparaient des crêpes, les

garnissaient de sucre brun ou de confiture et les roulaient, faisaient frire des patates sur le poêle à bois

pour en faire des croustilles. Ils s’étaient fait un petit jardin sur un morceau de terre emprunté au CP.

Aussi, ils allaient chez le boucher au besoin et Gérard étant laitier, apportait le lait. Un peu plus tard, ils

s’achetèrent une terre et y pratiquèrent tous les travaux relatifs à l’élevage et à l’agriculture. Je dois aussi

souligner, pour les pratiques de la vie domestique, le fait que Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) parlent

encore de religion. Ils mentionnent que le crucifix était très important dans le foyer et vont jusqu’à dire

que le fait d’en avoir un accroché dans la maison « c’était Canadien-français ». « Il me semble que si on

ne l’a pas, il nous manque quelque chose ». Après l’arrivée des enfants, Jeanne (F1GA) avoue que ses

tâches au foyer furent les mêmes, mais cette fois-ci en plus grande quantité. Son rôle était non seulement

de s’occuper du foyer mais aussi des enfants.

Après le mariage, Isabelle (F1GB) se chargea de faire le lavage, le ménage, le repassage, les repas…

parce qu’elle « n’avait rien d’autre à faire » dira-t-elle. Elle dit aussi que c’est de la façon qu’elle fut

élevée parce que sa mère « faisait tout ». Elle ne faisait que continuer ce qui lui avait été montré. Isabelle

(F1GB) fit son entrée sur le marché du travail une fois que tous ses enfants étaient en âge d’aller à

l’école. Pourtant, après l’arrivée des enfants, les tâches d’Isabelle (F1GB) s’accumulèrent. Elle continua

d’effectuer les mêmes tâches domestiques qu’auparavant tandis qu’André (F1GB) continua à travailler

hors du foyer pour rapporter de l’argent. Je dois aussi ajouter qu’André (F1GB) affirme avoir joué un

grand rôle dans la vie de ses enfants, en s’occupant d’eux lorsqu’il ne sera pas au travail. Il dit que sa

femme Isabelle (F1GB) fut pour leurs enfants « un docteur, une garde-malade… » De nos jours,

Isabelle (F1GB) et André (F1GB) m’indiquent que les tâches domestiques sont partagées parce

qu’Isabelle (F1GB) a un emploi hors du foyer.

Quant à Émilie (F1GC) et Brian (F1GC), puisque tous deux étaient sur le marché du travail lors de leur

entrée en ménage, les tâches domestiques durent être divisées et partagées différemment de ce que

connurent les générations précédentes. Émilie (F1GC) admet que la cohabitation nécessitera un certain

ajustement parce que Brian (F1GC) et elle (Émilie F1GC) étaient habitués à leur propre routine. Tout de

même, les tâches principales d’Émilie (F1GC) étaient le ménage et la cuisson et une partie du lavage,

l’autre partie étant laissée à Brian (F1GC). Brian (F1GC) s’occupe principalement de l’extérieur comme

tondre le gazon, pelleter la neige bref, accomplir les tâches qui nécessitent une certaine force physique.

Émilie (F1GC) précise finalement : « Je ne pense pas qu’il y a vraiment une responsabilité en spécifique.

C’est juste quelque chose, il y a des choses que je suis plus confortable à faire ou bien que je fais mieux

que lui. Ce n’est pas juste des tâches d’homme ou de femme! C’est qu’est-ce qu’on peut faire quand on

peut le faire ; qui peut le faire en premier!» Brian (F1GC) affirme presque la même chose en admettant

que les rôles sont probablement traditionnels et que chaque conjoint accomplit les tâches qui lui sont

familières. Avec l’arrivée des enfants, le partage des tâches est le même sauf qu’il y a maintenant un

besoin « d’organisation » selon Émilie (F1GC). Brian (F1GC) admet la même chose.

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Quant aux rôles, Thérèse (F2GA) admet : « Dans c’temps là la femme elle faisait tout !» Elle précise que

parce qu’une fois mariées, les femmes devaient rester au foyer et prendre soin du logis. « Dans c’temps là

c’était comme ça ». Les tâches de l’homme, et donc de Jacques (F2GAM) étaient de payer le loyer et de

rapporter de l’argent. Après l’arrivée des enfants, il y avait plus de tâches à faire. Le partage des tâches

n’avait pas changé.

Pour Christine (F2GB) et Alain (F2GB), le partage des tâches était le suivant : Christine (F2GB)

nettoyait, faisait le lavage la vaisselle, les repas. Alain admet qu’à son entrée en ménage, il ne faisait pas

beaucoup de tâches ménagères mais qu’au fil du temps, les choses changèrent et il s’y prêta. Alain

(F2GB) indiqua à Christine (F2GB) à l’époque qu’elle n’avait pas à travailler hors du foyer. Vint par la

suite leur premier enfant. Alain (F2GB) souligne que son rôle et ses tâches changèrent soudainement en

raison de coupures budgétaires. Il (Alain F2GB) fut mis à pied temporairement et Christine (F2GB)

décida de se trouver un emploi. Ainsi, il resta à la maison pour prendre soin de son enfant jusqu’à ce

qu’il retourne au travail. Il entreprit d’effectuer les tâches ménagères à son tour. Lors de l’entrevue,

Alain (F2GB) parle de la sagesse de son épouse, mère de ses enfants et est ému devant ses affirmations.

Le fait de se remémorer de tels souvenirs suscite chez lui une prise de conscience. Il venait de

m’indiquer certains des moments de sa vie qu’il considérait comme étant parmi les plus chers; des

moments de bonheur qu’il croyait effacés de sa mémoire. Il est surpris par sa capacité à se rappeler

plusieurs souvenirs qui étaient alors pour lui chargés d’émotions.

Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) étaient tous deux sur le marché du travail lors de la mise en ménage

alors les tâches étaient divisées. Valérie (F2GC) s’occupait de nettoyer les salles de bain, faire

l’époussetage et le lavage… Parce qu’elle n’a jamais aimé cuire, la tâche de faire les repas a été attribuée

à Scott (F2GC) qui avoue aimer cuisiner. En plus, Scott (F2GC) avait comme rôle d’effectuer les tâches

qui nécessitaient une force physique comme pelleter la neige et tondre la pelouse par exemple. Avec

l’arrivée des enfants, les tâches sont maintenant divisées « cinquante-cinquante» comme le dit Valérie

(F2GC). Elle donne deux raisons pour expliquer cette division des tâches. Premièrement, elle dit que

Scott (F2GC) adore les enfants et veut jouer un rôle actif dans leur vie. Deuxièmement, elle dit qu’il

devrait nécessairement avoir un partage des tâches parce que Scott (F2GC) et elles ont tous deux un

emploi à temps plein.

Ainsi, il semblerait que les rôles traditionnels soient endossés par commodité, sans remise en question.

Les deux premières générations de chaque famille montrent bien l’adhésion à ces rôles traditionnels

même si pour l’une d’elles, soit la deuxième génération de la famille 2, la femme soit entrée sur le

marché du travail alors que l’homme était au foyer en attendant que l’économie se rééquilibre. Pour la

génération C des deux familles, les femmes sont sur le marché du travail. Les rôles traditionnels ne sont

plus aussi structurés et codifiés qu’il l’était pour les deux générations précédentes. Pourtant, on peut tout

de même entrevoir que certaines pratiques associées au rôle traditionnel sont maintenues.

3.3.4 Bilan des pratiques coutumières : le cycle saisonnier

J’avais mentionné au chapitre 2 que pour repérer les valeurs traditionnelles dans les pratiques

coutumières j’avais choisi de recueillir des données ayant trait à l’un des temps de l’année les plus

ritualisés en raison du nombre et de la concentration de pratiques sur une période circonscrite dans

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l’année, soit celui du temps des Fêtes. La quantité substantielle d’informations que me fournirent les

informateurs est bel et bien la preuve que le temps des Fêtes est fortement réglé par des pratiques

auxquelles sont associées certaines valeurs.

Le temps des Fêtes : de l’essence à l’essentiel

Le temps des Fêtes était un temps de renouveau pour Jeanne (F1GA). La maison était lavée au complet

pour la rafraîchir. L’odeur des tourtières, boulettes, jambons, tartes au sucre et autres desserts inondait le

foyer qui se préparait à être aménagé pour ensuite être décoré. Le fait de tout préparer pour cette période

de festivités : « C’était une grosse tâche », mais qui en valait certes la peine. Les pratiques les plus

importantes pour ce couple était, et est encore, la Messe de minuit à Noël, le repas de Noël, le sapin ainsi

que les rassemblements de famille. Je souhaite aussi préciser que Jeanne (F1GA) réfléchit à ces propos

en avouant : « Si on ne se rencontrerait pas à Noël, quand est-ce qu’on se rencontrerait? » Alors, Noël est

un temps de famille pour eux. Les Fêtes se passaient dans les maisons. C’était un temps de

réjouissance, de bonheur, de rires et de joies. Le couple témoigne aussi que les rassemblements étaient

jadis au Jour de l’An et que la veille, les gens faisaient des guignolées qui se déroulaient jusqu’aux petites

heures du matin alors que certains jouaient du violon et d’autres chantaient. Les portes étaient toujours

ouvertes aux « guignoleux » et ces derniers étaient accueillis chaleureusement. « Astheure mon vieux tu

fais ça puis ils te mettent dehors!» me font comprendre les informateurs. Je perçois qu’ils ressentent une

certaine nostalgie des Noëls d’antan. Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) disent que désormais le temps

des Fêtes n’est plus le même. « On dirait que le monde est trop gâté. On dirait qu’il n’y a pu rien de

drôle. » « Ils ont perdu le monopole des valeurs. Ils ont une autre vision totale ». Il est très évident que

ce couple valorise les pratiques du temps des Fêtes de sa jeunesse.

Isabelle (F1GB) et André (F1GB) me font part que le temps des Fêtes est une période de l’année remplie

de significations. Premièrement, il y a l’aspect religieux dont l’importance est de célébrer la naissance de

l’Enfant Jésus. Le temps des Fêtes c’était aussi le temps de rassemblements, où l’on recevait et

accueillait la parenté. D’ailleurs, il semble même que les foyers des parents d’Isabelle (F1GB) et

d’André (F1GB) servaient souvent de lieux de rassemblements. C’était le temps de sortir les violons, les

guitares, les accordéons, de chanter des chansons à répondre, de danser tard dans la soirée. Les gens

étaient heureux et les enfants aussi en découvrant ce qui avait été laissé sous le sapin. Dans la

préparation des festivités et par tradition, « les femmes étaient au poêle» et s’afféraient à la cuisine qui

était, selon Isabelle beaucoup d’ouvrage. Les hommes, quant à eux, s’égayaient en profitant de

l’occasion pour contempler le bonheur de leurs familles. Ce qui est important pour Isabelle est le fait que

ses enfants et ses petits enfants connaissent ces traditions familiales même si elles se sont modifiées un

peu (par exemple le sapin est artificiel, le lieu de rassemblement est dans une salle et les chansons à

répondre chantées par les grand-mères ont été remplacées par des jeux). Elle se réjouit du fait qu’ils ont

l’occasion de rencontrer toute la famille et la parenté. André, quant à lui, jouit grandement de ces

célébrations parce qu’il est entouré de ceux qu’il aime.

Pour Émilie (F1GC) et Brian (F1GC), le temps des Fêtes a tout autant de significations. Ce qui est

essentiel pour eux est de se retrouver en famille pendant cette période de l’année. D’ailleurs, en raison de

leurs emplois, il est un peu difficile de faire synchroniser leurs horaires, mais ils se réjouiront lorsqu’ils

auront un peu de temps pour fêter ensemble et avec leur famille, même s’il s’agit de quelques heures. Ce

qui est aussi important pour Émilie (F1GC) est le fait que le déroulement de cette période demeure le

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même aujourd’hui, après toutes ces années. Elle souligne par exemple les repas traditionnels, l’ouverture

des cadeaux qui se déroule toujours le 24 décembre, la visite du Père Noël qui apporte des cadeaux, les

femmes qui font la cuisine et le nettoyage et les hommes qui en profitent pour prendre quelques bières

ensemble. Le fait que Brian (F1GC) admet qu’il accorde au temps des Fêtes la même signification

qu’Émilie (F1GC) et que ce qu’il considère comme étant essentiel pour cette période de l’année est tout à

fait semblable, témoigne que le fondement ou bien le thème général des pratiques est commun à toutes

les cultures. De plus, le temps des Fêtes s’applique à la Chrétienté au complet. Ainsi, la composante

religieuse de cette période est inévitablement la même pour ces deux conjoints. Or, j’admets aussi d’après

les informations fournies par ce couple que par la force des choses, chaque culture, en parlant de la

culture canadienne-française et la culture anglo-saxonne, s’est dotée de son propre cachet de pratiques, de

symboles et de valeurs distincts.

Thérèse (F2GAF) mentionne elle aussi que le temps des Fêtes signifiait que les gens devaient s’apprêter

aux préparatifs pour la grande fête de Noël. Il était question d’acheter les cadeaux, décorer les maisons,

aller à la messe de minuit, préparer le réveillon, entre autres. Le rôle des femmes était de préparer les

décorations et les repas et le rôle des hommes était de décorer à l’extérieur. Elle mentionne elle aussi que

le réveillon était une célébration très importante. Il s’agissait d’aller à la messe de minuit, puis du

dépouillement des cadeaux suivi des autres festivités. Ce qui est intéressant c’est qu’elle déclare que le

déroulement du temps des Fêtes qu’elle connut dans sa jeunesse est à peu près le même aujourd’hui.

« Les pratiques ça va de génération en génération, ça ne CHANGE pas tellement. » Le fait qu’elle élève

la voix un peu lorsqu’elle parle indique qu’elle souhaite souligner le fait qu’elle n’a pas remarqué que des

changements ont eu lieu dans les pratiques familiales. Pourtant, elle remarquera quand même que, de nos

jours, la modernité a laissé sa marque sur cette période de festivité. L’exemple qu’elle fournit est celui

qui a rapport avec les étrennes en admettant que « le monde dépense beaucoup trop d’argent maintenant

pour le temps des Fêtes ». L’essentiel pour elle est de se retrouver en famille : « surtout avec nos enfants.

S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de Noël ». Cette dernière affirmation montre jusqu’à quel point il est

important de se retrouver en famille à Noël.

Pour Christine (F2GB) et Alain (F2GB), le temps des Fêtes signifie un temps de réjouissances, un temps

de famille, un temps de partage… Ce qui est essentiel est le temps passé en famille et de ressentir l’amour

qui les unit. Pourtant, Christine (F2GB) affirme que le temps des Fêtes n’est plus le même depuis le

décès de sa mère et de son père. Lorsqu’elle était petite, sa mère l’amenait chez sa grand-mère pour Noël

et le réveillon. Elle dit que ces célébrations étaient GROSSES. L’intonation de la voix souligne

l’ampleur de celles-ci. Au fil des années, les festivités avaient encore autant d’opulence mais se

déroulèrent au jour de l’An parce que la famille devenait plus grande et il devenait presqu’impossible de

rassembler tout le monde de la même famille le 24 et le 25 décembre. Le premier janvier libérait plus de

membres de la famille qui purent ainsi se rassembler. Parce que celle-ci grandissait de plus en plus, il leur

fallu louer une salle. Une importance a toujours été rattachée à la veille de Noël et à ses rassemblements.

Pour cette raison, depuis quelques temps Christine (F2GB) et Alain (F2GB) accueillent leur famille chez-

eux. Pourtant, le fait qu’on demande à Christine (F2GB) de changer cette pratique familiale fait monter

en elle une certaine nostalgie perceptible dans sa voix. Elle dit « ça va être un CHANGE pour moi …

mais on n’est pas chez-nous dans notre région». Elle est tout de même très heureuse de célébrer avec sa

famille mais est bien consciente que ce qu’elle avait connu comme pratique est maintenant appelé à être

modifié quelque peu alors que sa fille assume la responsabilité de prendre la relève. Pour Alain (F1GB),

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ces pratiques sont chargées de souvenirs bien présents dans son esprit et dans son âme et rappellent des

émotions. Ces dernières en évoquent d’autres lors de l’entrevue. Notamment, il le dit, le plus important

est de « partager notre temps avec nos enfants ».

Pour Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) le temps des Fêtes est un temps de rassemblement et ceux-ci sont

essentiels. Je tiens à préciser avant de dégager les pratiques et les valeurs que Scott (F2GC) a avoué que

sa famille et la famille de Valérie (F2GC) ont toutes les deux les mêmes traditions en ce qui concerne les

Fêtes. Ainsi, il n’y eut pas d’écarts trop marqués lorsque les conjoints participèrent aux pratiques

culturelles de l’une ou de l’autre famille. Valérie (F2GC) indique que dans sa famille, même si les

soupers de Noël avaient lieu dans différents foyers dans sa jeunesse, les pratiques demeuraient les mêmes

telles que la nourriture, les bas de Noël le matin, les rassemblements, les chants « évidemment c’est

traditionnel. On fait ça à toutes les années. C’est important, ça fait partie des Fêtes! » Elle indique aussi

qu’elle ADORE DONNER. D’ailleurs, elle le dit elle-même, elle essaie toujours de trouver un cadeau

spécial pour chacun d’eux. Donc sans aucun doute, la valeur véhiculée à travers ce geste est le partage.

De plus, Valérie (F2GC) explique que lorsqu’elle est en famille il est important d’ÉCOUTER et de

« participer activement aux discussions ». Voilà qu’elle affirme qu’en démontrant un intérêt dans ce que

ceux qui l’entourent ont à dire, elle leur fait part de tout son respect. D’autre part, elle soulève que

pendant le temps des Fêtes, le rôle de la femme est de faire la cuisine pour les repas de famille, ainsi que

les tâches relatives. Le rôle de l’homme sera d’aider aux femmes si le besoin se présente, de nettoyer

après l’ouverture des cadeaux… Pourtant, puisqu’elle n’aime pas faire la cuisine, c’est Scott (F1GC) qui

s’occupe des plats traditionnels du temps des Fêtes. Valérie (F2GC) fait tout de même un effort pour

préparer certains mets traditionnels pour cette occasion spéciale. C’est alors, comme déjà mentionné, un

grand changement dans les traditions familiales relatives aux rôles des sexes. Toutefois, en ce qui a trait

aux autres pratiques du temps des Fêtes, Scott (F2GC) admet que le couple n’ajouta et ne modifia pas les

pratiques traditionnelles.

Le temps des Fêtes est un temps traditionnel où les pratiques sont très importantes. C’est évidemment un

temps de famille, d’amour, de partage, d’écoute. Certains des informateurs indiquent que le temps des

Fêtes est soumis à des changements. Pourtant, de toute évidence, les informateurs me font part qu’ils

conservent l’essence des pratiques traditionnelles relatives à cette période festive. Dans chacune de leur

mémoire sont bien ancrés des souvenirs d’enfance, de véritables valeurs qui entrainent en retour la

pratique de coutumes qui deviennent « essentielles ». De plus, on me dit aussi que les pratiques

culturelles canadiennes-françaises et anglo-saxonnes du temps des Fêtes sont très similaires. Les couples

en mariage mixte n’eurent donc pas à choisir parmi les coutumes à pratiquer avec leurs enfants. Dans

quelques décennies, ils fouilleront aussi dans leurs souvenirs et caractériseront le temps des Fêtes comme

étant ceux du bon vieux temps.

Noël : son fondement, son essence et ses souvenirs d’enfance

Au fil des années, plusieurs coutumes se sont greffées à la fête de Noël. Au chapitre 2, les coutumes

décrites par les informateurs sont dans leur fondement et dans leur essence les mêmes. Les familles ou

bien même les générations définissent à leur façon certains aspects coutumiers en mettant un accent plus

prononcé sur ceux qui leur apportent le plus de sens et qui sont porteurs de plus de valeurs.

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Les pratiques coutumières qui sont à dégager de l’entrevue de Jeanne (F1GA) et de Gérard (F1GA) sont

les suivantes. Il était premièrement impératif d’aller chercher un sapin dans la forêt. Plusieurs émotions

sont rattachées à cette pratique. Ce qui est aussi important de retenir c’est que le sapin faisait appel au

sens de l’odorat. Noël avait alors une senteur. Également, le Père Noël était présent dans les croyances.

On me précise aussi que ce n’était pas les enfants qui choisissaient les cadeaux mais bien le Père Noël.

Les cadeaux étaient alors une vraie surprise. Le fait d’assister à la messe de minuit était important et plus

spécifiquement, on s’y rendait en traîneau tiré par des chevaux. Mais on me dit que: « les traditions sont

tombées. Noël c’est encore Noël mais c’est totalement différent ». Il est bien vrai qu’on ne se rend plus

à l’église en traîneau mais il y a pendant les Fêtes, dans quelques régions du Nord-Est de l’Ontario, des

gens qui ont des entreprises et qui fournissent des tours de traîneaux tirés par des chevaux pour des prix

très modiques. Ces entreprises sont présentes à plusieurs rassemblements telles que les parades, les

défilés et permettent à tous de renouer un peu avec les traditions.

Une autre affirmation676

qu’il faut examiner davantage est la suivante : « Aujourd’hui … c’est la

révolution de l’abondance. Des arbres de Noël synthétique, moi je dis qu’ils ont passé au côté de la

track677

avec ça. C’est le marketing. Eux autres pour vendre aux magasins ils vont faire n’importe quoi. »

Tel que mentionné, ces informateurs rattachent à la pratique du sapin de Noël qui est cueilli dans la forêt

une très grande importance. Le fait que l’on puisse reconstituer un sapin de façon synthétique leur est

tout à fait absurde. Pourtant, leur fille Isabelle (F1GB) explique qu’elle fut obligée de laisser cette

pratique parce qu’elle ne demeurait pas sur une « terre678

» où les arbres sont abondants, et elle n’avait

pas de camion pour transporter cet arbre. Ainsi, un sapin artificiel était beaucoup plus pratique pour elle.

Je tiens aussi à indiquer qu’encore une fois, dans la majorité des villes du Nord-Est de l’Ontario, pendant

le temps des Fêtes, il est possible d’acheter des sapins naturels de toutes les grandeurs, de toutes les

sortes, à divers endroits. Il demeure ainsi que la tradition des sapins de Noël se perpétue. La dernière des

affirmations que je tiens à examiner en est une qui envisage la facette économique et commerciale de la

fête de Noël. D’ailleurs, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA) expliquent que les étrennes n’abondaient pas

comme aujourd’hui, mais que les enfants se réjouissaient de recevoir une orange, un bonbon, une paire de

bas de laine… Les informateurs disent : « Sais-tu qu’est-ce qu’il y a astheure? Ils ont tout!! T’as pu rien

à mettre en dessous de l’arbre. Bien souvent t’as juste envie de leur donner 20 dollars ou 50 dollars puis

dire Va te l’acheter ton cadeau tu vas être bien plus content. » Oui, c’est peut-être la révolution de

l’abondance. Il s’agit certes de réflexions basées sur la consommation toujours plus grande qui s’est

mêlée au temps des Fêtes et qui se traduit par une surenchère de cadeaux. Isabelle (F1GB), leur fille,

m’en fait part en indiquant qu’elle demanda à ses enfants de faire une liste de jouets qu’ils aimeraient

recevoir. Aujourd’hui, il est coutume même d’envoyer des lettres au Père Noël en lui demandant de bien

vouloir apporter certains items tout en promettant de rester bien sage. En effet, Noël est commercialisé et

à chaque année sortent les bilans des dépenses encourues dans le temps de Fêtes. Malgré ces

changements, la tradition de Noël semble se perpétuer d’une génération à l’autre.

Quant à Isabelle (F1GB) et André (F1GB), ils exposent à leur tour quelques pratiques coutumières que je

dois dégager pour rejoindre ma question de recherche. Par exemple, ils disent que Noël c’est la plus belle

676

Faite lors de l’entrevue de Jeanne et Gérard. 677

Vernaculaire : signifiant passé à côté de la voie à suivre 678

Voulant dire à la campagne où l’on pratique l’agriculture.

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fête. Dans leur jeunesse, les décorations étaient fabriquées à la main et la plupart d’entre elles ornaient

un sapin naturel. Isabelle (F1GB) fournit plusieurs détails quant à la quête de l’arbre parfait pour décorer

la maison et l’intonation de sa voix me fait savoir qu’elle accordait à cette pratique une grande

importance. Il était aussi coutume de monter une crèche sous le sapin de Noël artificiel et d’y déposer

l’Enfant Jésus symboliquement le 25 décembre. La crèche était une pratique familiale tellement

importante chez Isabelle (F1GB) dans sa jeunesse qu’elle choisit de continuer de la pratiquer avec ses

enfants. Également, parmi les autres pratiques (qui sont les mêmes aujourd’hui que celles de sa

jeunesse) il y a les cadeaux, le sapin qui sera essentiel, les décorations, les nouveaux vêtements pour

porter le jour de Noël et évidemment la gastronomie qui consiste en mets traditionnels tels que la dinde,

les patates et les desserts et des tourtières. André (F1GB) indique d’ailleurs qu’Isabelle (F1GB) suivit les

traditions culinaires de sa mère. On peut alors affirmer que les recettes traditionnelles se sont transmises.

Et puis, si l’on remarque bien, pendant l’entrevue, Isabelle (F1GB) fournit un parallèle entre les coutumes

pratiquées dans sa jeunesse et celles de sa vie adulte. Je prends alors le temps d’étudier ces changements

qu’elle indique puisque la génération A mentionne que le temps des Fêtes et Noël a changé beaucoup.

Parmi ces changements, le premier a trait aux tâches effectuées par ses grands-mères. « Noël c’est

toujours quelque chose de spécial pour moi mais il y a eu des changements parce que moi quand j’étais

petite là mes grand-mères recevaient. » Sans pour autant me fournir des raisons pour cette affirmation, je

postule que les grand-mères, dans leur vieil âge, se retrouvèrent incapables d’accomplir toutes les tâches

associées aux préparatifs pour ces festivités et inévitablement, le flambeau fut passé à la génération

suivante. Donc l’endroit des célébrations changea, et peut-être l’atmosphère aussi. Le deuxième

changement qu’elle soulève en est un qui a trait aux étrennes. Par exemple, elle m’informe que sa grand-

mère maternelle tricotait des mitaines, des bas de laine, des foulards et des chapeaux pour tous ses petits

enfants. Chaque enfant s’en réjouissait sans aucun doute sachant que ces ensembles avaient été conçus

spécialement pour eux par quelqu’un qui leur était cher. « Ça c’était un beau cadeau. » « Mes enfants ils

choisissaient dans le catalogue » me dit Isabelle (F1GB). Le troisième changement est celui qui a trait au

moment d’ouvrir les cadeaux. André (F1GB) et elle choisirent de permettre à leurs enfants d’ouvrir leurs

cadeaux avant la messe. Quand elle était petite par contre, les cadeaux étaient déballés après minuit. Ce

qui est pourtant ironique c’est qu’André m’indiquera qu’il n’y eut pas vraiment de changements dans le

déroulement des festivités de Noël. « Non parce que d’année en année ça se déroule toujours de la même

manière. » Il faut alors croire qu’André (F1GB) considère les fondements des pratiques lorsqu’il admet

qu’il n’y eut pas de changements alors qu’Isabelle (F1GB) considère les pratiques elles-mêmes.

Finalement, ils indiquent que ce qui est essentiel est le fait que toute la famille se réunisse pour cette

occasion. Les traditions qui leur sont les plus chères sont de donner des cadeaux aux enfants et aux petits

enfants et de voir tout le monde heureux. Et les valeurs qui seront véhiculées sont tous les aspects

religieux comme la messe, les cadeaux, la rencontre, les repas et les dons recueillis pour les plus démunis.

Je dois dire qu’en me faisant part de telles informations, je me rends compte que lorsque ces

informateurs m’avouent que Noël était la plus belle des fêtes, ils ne me parlaient pas nécessairement de

décorations mais bien des valeurs associées à cette fête.

Il est intéressant encore une fois d’étudier les pratiques canadiennes-françaises dans un couple mixte.

Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) indiquent qu’ils aiment tous les deux transmettre les pratiques qui leurs

étaient chers lorsqu’ils étaient jeunes. Par exemple, Émilie (F1GC) écrit des lettres au Père Noël avec ses

enfants, elle laisse des biscuits et du lait pour celui-ci la nuit de Noël ainsi que des carottes pour les

rennes. Brian (F1GC) dit que, lorsqu’il était jeune, l’ouverture des cadeaux se passait le matin même de

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Noël. Il continue ainsi d’amener ses enfants chez ses parents le 25 décembre au matin pour continuer la

tradition. Il faut aussi mentionner qu’Émilie me fait part que le couple doit discuter de traditions

familiales. Par exemple, dans la famille à Brian (F2GC), le Père Noël n’emballe pas les cadeaux. Il y a

alors des piles distinctes de cadeaux emballés et non emballés. Dans la famille d’Émilie, tous les cadeaux

sont emballés. Parce que ce sont des détails qui sont importants, le couple doit décider de la pratique à

suivre. Quant aux valeurs les plus importantes, on me dit qu’il s’agit d’être avec la famille et la parenté

et de ressentir le bonheur des enfants. On m’indique aussi que les coutumes familiales d’Émile (F2GC)

sont davantage pratiquées pendant le temps des Fêtes parce que la parenté de Brian (F1GC) demeure au

loin. Ainsi, pour ce couple les pratiques canadiennes-françaises relatives à cette fête sont pratiquées avec

une plus grande fréquence.

Thérèse (F2GA) est l’une des informatrices qui me fournit beaucoup de détails sur les pratiques relatives

à la fête de Noël lorsque je lui ai demandé de me parler du temps des Fêtes. Ceci est donc une indication

qu’en effet, elle accorde une très grande importance à cette fête. Les pratiques principales dont elle me

fait part sont les suivantes : l’arbre de Noël, la crèche, les couronnes, les cadeaux à ouvrir après la messe

de minuit, le réveillon. Elle me dit aussi que les pratiques les plus chères de sa jeunesse sont la

préparation des tourtières et les cantiques de Noël qu’elle chantait. Aussi, dans sa jeunesse, sa famille

avait comme coutume de circuler en traîneau pour aller souhaiter un joyeux Noël à la famille ainsi qu’aux

voisins. C’était l’occasion de manifester les vœux de bonheur et de joie et de partager de moments

d’allégresse. Néanmoins, tout comme la génération A de la famille 1, elle explique longuement

qu’aujourd’hui les enfants reçoivent beaucoup trop de cadeaux à Noël. « Tu sais ce n’est pas pareil puis

c’est tout exagéré », « le monde dépense beaucoup trop d’argent maintenant pour le temps des Fêtes ».

C’est à travers de ce que les informateurs me révèlent, que je comprends le message qu’ils tentent de me

transmettre : la vertu principale de Noël devrait demeurer la générosité. Ainsi, la pratique des étrennes ne

devrait pas être dictée par l’abondance. L’essentiel pour elle est de se retrouver en famille : « surtout avec

nos enfants. S’ils ne sont pas là il n’y en aura pas de Noël ». Cette dernière affirmation montre jusqu’à

quel point il est important de se retrouver en famille à Noël. Pour parler d’autres changements, Thérèse

(F2GA) m’indique qu’elle s’était amusée, il y a quelques années, à coller des photos de bébé sur les

cadeaux qu’elle offrait à ses petits-enfants au lieu d’écrire leur nom dessus. Elle garde de bons souvenirs

de cette activité.

Christine (F2GB) et Alain (F2GB) m’informent que les pratiques qui leur sont les plus chères sont les

visites de la famille, le réveillon, les festivités de la veille de Noël, les repas traditionnels avec le jambon,

les tourtières, la farce, le sucre à la crème et autres desserts…. C’est le rôle des femmes de préparer toute

cette nourriture. Le rôle de l’homme demeure dans la décoration extérieure et intérieure comme

assembler le sapin de Noël par exemple. Ces informateurs me disent que ce qui est important pour eux

sont les rassemblements et les repas en famille. Ils attachent une très grande valeur à ces pratiques et

indiquent aussi que le fait de voir les gens heureux était aussi une valeur. Je remarque, à travers leurs

récits, que cette famille tient bien à cœur le fait d’être ensemble pour cet événement bien spécial. En

effet, on me raconte que même si leur « maison était pleine de monde » ils s’excusèrent pour un bref

moment, le temps d’aller chercher leurs parents qui étaient malades et de les ramener avec eux afin qu’ils

puissent eux aussi passer un beau Noël. Les émotions de Christine (F2GB) sont perceptibles lorsqu’elle

me fera part de telles informations. « Ça ne marchait plus … La maladie était arrivée là tu sais? » Je dois

aussi souligner que Christine (F2GB) et Alain (F2GB) m’indiquent à quelques reprises que la façon de

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célébrer Noël et les Fêtes changea grandement en raison du départ de leurs parents. Christine (F2GB) et

Alain (F2GB) m’informent aussi qu’ils n’eurent pas vraiment à fusionner ensemble les pratiques

familiales relatives au temps des Fêtes parce qu’elles étaient déjà les mêmes.

Les coutumes relatives à la fête de Noël que Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) pratiquent sont les

suivantes. La veille de Noël se déroule habituellement chez la famille de Valérie (F2GC) avec

l’ouverture des cadeaux provenant de la parenté, des chansons chantées par son père et sa tante, ainsi

qu’un repas chaud tard en soirée. « Puis c’est pas mal la même chose maintenant que quand j’étais

petite. » Valérie (F2GC) me fournit ainsi la preuve que les pratiques coutumières se perpétuent. Aussi,

elle m’indique que Scott (F2GC) et elle avaient comme tradition dans leur jeunesse, d’ouvrir les cadeaux

de la famille immédiate le matin de Noël. « C’est la même chose maintenant ». De plus, le jour de Noël,

il y a habituellement un gros souper. Une pratique qui est pourtant délaissée est celle de la messe de

Noël. Valérie (F2GC) indique qu’avec des enfants, en visitant tous les foyers et en s’assurant d’être à

temps pour toutes les festivités il lui est difficile d’aller à la messe. Quant au « raffinage » des pratiques

dont il était question un peu plus haut, lors de l’entrevue de Scott (F2GC) alors qu’il m’avouait que le

couple définissait certaines pratiques, je suis en mesure de fournir un exemple. Entre autres, il m’est

expliqué que les enfants de Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) déposent une clé spéciale à l’extérieur pour

le Père Noël afin qu’il puisse livrer les cadeaux. Du lait, des biscuits et des carottes sont aussi laissés

pour le bon vieil homme et les rennes. « C’est une de mes pratiques les plus chères. On vient juste de

commencer celle que je viens de décrire l’année passée et puis je pense que ça va être spécial parce que

c’est tellement beau à voir. » Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) s’attachent à ces pratiques parce qu’ils

savent qu’ils sont en train de créer de beaux souvenirs pour leurs enfants. Ils revivent d’une façon leurs

joies d’enfance soit par exemple par la croyance au Père Noël. Par ailleurs, je dois aussi mettre en

évidence le fait que Scott (F2GC) et Valérie (F2GC) m’informent qu’ils essaient de diviser de façon

égale, le temps passé dans les deux familles. Ainsi, les enfants sont initiés à autant de pratiques

culturelles canadiennes-françaises qu’anglo-saxonnes. « We really strike a balance as far as family goes.

The traditions come from both of us ... » Je ne peux pourtant pas ignorer le fait que ce couple m’informe

qu’ensemble, il discute des traditions qu’il souhaite pratiquer avec leurs enfants en s’assurant que les

intérêts de chaque membre soient respectés par-dessus tout.

On l’a bien vu, Noël est une fête traditionnelle pendant laquelle se pratique une variété de coutumes. Elle

revêt des aspects religieux et profanes. Des pratiques essentielles aux valeurs traditionnelles, des mythes

aux étrennes, fort dans son essence et dans ses valeurs, Noël reste bien ancré dans la mémoire de tous.

C’est bel et bien un temps de l’année où les adultes retrouvent leurs joies d’enfance et où les familles sont

appelées à rétablir et à revivre les pratiques traditionnelles leur assurant ainsi une survivance.

Autres célébrations du cycle annuel : des moments privilégiés

Il est intéressant d’étudier comment les informateurs réintègrent les fondements des pratiques relatives

aux fêtes du cycle calendaire qui leur ont été léguées. Le foisonnement des fêtes qui font partie du

patrimoine canadien français et franco-ontarien s’étale à différents moments dans un cycle répétitif.

Selon le chapitre 2, il est possible de constater que ces fêtes engendrent des moments privilégiés dans la

vie des informateurs en consolidant les liens qui les unissent à leurs familles tout en mettant en évidence

la solidarité.

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En ce qui a trait aux autres fêtes et pratiques du cycle calendaire, Jeanne (F1GA) et Gérard (F1GA)

mentionnent tout ce qui est relatif à Pâques. Ils allaient chercher des rameaux pour en faire des cocottes

qu’ils accrochaient autour de leur crucifix, ils allaient à l’église le Jeudi, Vendredi et Samedi Saint, ils

jeûnaient pendant ces jours là, ils ne mangeaient pas de viande pendant la Semaine Sainte, ils

conservaient de l’eau miraculeuse puisée avant le lever du soleil le jour de Pâques, ils allaient à la messe

le jour de Pâques et puis par la suite, ils se réjouissaient en dégustant un repas en famille où l’on servait

habituellement du jambon. Ces pratiques, sauf pour celle de l’eau miraculeuse, demeureront les mêmes

depuis leurs jeunesse jusqu’à aujourd’hui. Lorsque leurs enfants étaient jeunes, des petits paniers de

Pâques étaient confectionnés et l’on y déposait des œufs et une poule en chocolat. Cette fête était

essentiellement religieuse et le demeure encore pour eux.

Isabelle (F1GB) et André (F1GB) mentionnent les fêtes et pratiques suivantes : la Saint-Valentin, Pâques,

la fête des mères et Halloween. J’aperçois alors que Pâques est une fête bien importante dans la famille

d’Isabelle. Elle suivit la majorité des pratiques traditionnelles de ses parents. Pourtant, la viande était

permise pendant la semaine Sainte, mais elle continuait d’être évitée le Vendredi Saint. Dans la cuisine

était accroché un crucifix entouré d’une cocotte de rameau mais elle ne mentionne aucune pratique par

rapport à ceci, ni André (F1GB). Il y avait aussi une « chasse aux cocos ». La valeur principale de cette

fête réside dans les pratiques religieuses et le temps de rencontre. Isabelle (F1GB) mentionne aussi que

c’est important de s’arrêter sur ce genre de fête de les mettre en valeur et de transmettre les pratiques aux

générations futures. La fête de la Saint-Valentin est aussi importante et ils prennent cette occasion de

montrer à leurs enfants comment ils les aiment en leur donnant des chocolats. « Les symboles

importants de cette fête sont le chocolat pour te dire je t’aime. Mais il ne faut pas attendre cette journée

pour exprimer ces sentiments. » La fête des mères aussi occasionne des rencontres familiales. Ainsi, la

grande majorité des fêtes entraîneraient la cohésion sociale, l’appréciation pour les membres de la famille

et, le cas échéant, la mise en valeur de leur rôle. Aussi, il faut le remarquer, ce sont des fêtes qui sont

marquées par la religion. La seule fête mentionnée par Isabelle (F1GB) qui n’entraîne pas les aspects que

je viens de mentionner (cohésion sociale, appréciation pour les membres de la famille…) est

l’Halloween. Lorsqu’Isabelle était jeune, elle ne célébrait pas cet événement. Pourtant, elle et André

(F1GB) participaient à ses pratiques (comme se costumer) avec leurs enfants pour lesquels c’était bien

important.

Émilie (F1GC), leur fille, mentionne aussi la Saint-Valentin, Pâques et Halloween. Si ces fêtes sont

importantes par leur pratique pour elle, c’est en partie en raison de sa mère Isabelle qui s’était assurée que

ses enfants en connaissent la valeur. Pour la Saint-Valentin, Émilie (F1GC) décore sa maison et offre des

chocolats en forme de cœur. Pour Pâques, elle organise une chasse aux œufs de chocolat et elle se rend

chez sa famille. « Nous on faisait ça quand on était jeune puis eux autres aussi » en expliquant que Brian

(F1GC) et sa famille pratiquaient les mêmes coutumes. En ce qui a trait à l’Halloween, l’intérieur et

l’extérieur de la maison est décoré, les enfants se costument et passent de porte en porte pour recueillir

des bonbons. Parce que Brian (F1GC) est d’origine Écossaise et Irlandaise, de nouvelles coutumes sont

ajoutées au répertoire traditionnel d’Émilie. La Saint-Patrick est célébrée et les traditions qui en

découlent sont enseignées aux enfants telles que porter du linge vert, pincer les personnes qui ne sont pas

vêtues de vert. Il est aussi question de décorer la maison. Selon une tradition familiale, le pain doré aura

une teinture verte en raison de la magie des petits lutins joueurs de tour. En ce qui a trait à l’action de

Grâces, Émilie (F1GC) et Brian (F1GC) célèbraient tous deux cette fête dans leur jeunesse mais Émilie

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(F1GC) remarque des différences majeures dans le menu du repas traditionnel. Brian (F1GC) quant à lui

me fait part des célébrations relatives aux anniversaires de naissance et de mariage, entraînant tous des

rassemblements familiaux renforçant ainsi la cohésion sociale.

Thérèse (F2GA), énumère les fêtes suivantes dont les deux premières sont encore célébrée : Pâques, le

mois de Marie et la Saint-Jean-Baptiste. Je tiens encore à mentionner que Thérèse (F2GA) est originaire

de la province de Québec. Lorsqu’elle était jeune, Pâques donnait lieu à des soupers de famille. Pendant

le mois de mai les enfants se rendaient à l’école en soirée pour chanter et prier. C’était traditionnel de

faire ainsi. Quant à la Saint-Jean-Baptiste, il y avait des festivals dans les paroisses. «Ça c’était dans la

province de Québec que ça marchait de même!» Ses enfants, nés en Ontario, ne fêtaient pas la Saint-

Jean-Baptiste. Parce que cette fête était davantage une pratique sociale que familiale, c’est peut-être la

raison pour laquelle ses enfants ne la fêtèrent pas.

Christine (F2GB) et Alain (F2GB) me parlent de Pâques, l’action de Grâces et les anniversaires de

naissance. À Pâques, il était et est encore toujours question de se réunir pour un souper en famille.

Lorsque leurs enfants étaient plus jeunes, il était coutume d’organiser une chasse aux œufs de chocolat.

Maintenant, des cadeaux en argent leur sont offerts. Pour la fête de l’action de Grâces, Christine (F2GB)

et Alain (F2GB) s’échangent des cadeaux et organisent un souper familial. Parce qu’Alain (F2GB) est un

chasseur et que la chasse est ouverte à ce moment de l’année, le souper a lieu une semaine avant la date

de cette fête. De plus, ils ont comme coutume de célébrer les anniversaires de naissance en famille où un

gâteau est servi et des cadeaux sont offerts. Comme je peux le constater, la majorité des fêtes célébrées

sont religieuses et chacune d’entre elles favorise la cohésion sociale.

Les pratiques coutumières ayant rapport aux fêtes que Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) mentionnent et

qui doivent être soulevés pour mon analyse sont les suivantes : Pâques, Saint-Valentin, l’action de Grâces

et la Saint-Patrick. Comme tous les autres couples, ils confirment que la fête de Pâques se prête à des

soupers traditionnels en famille. Ils me font part de la pratique de la chasse aux œufs qu’ils continuent

encore aujourd’hui avec leurs enfants. Lorsque Valérie (F2GC) était plus jeune, il était question d’aller à

la messe. C’est pourtant une tradition qu’elle ne pratique plus depuis quelques années. Quant à l’action

de Grâces, il y a aussi un rassemblement familial et un souper où la dinde et le jambon sont au menu.

Une tradition familiale veut que toute la famille et la parenté se rende chez une cousine. En ce qui a trait

à la Saint-Valentin, Valérie (F2GC) et Scott (F2GC) continuent de suivre les coutumes en offrant des

chocolats à leurs enfants et en échangeant entre eux. Il est aussi question de célébrer les anniversaires de

naissance et de mariage. D’autre part, Scott (F2GC) me fait part qu’il tient à continuer de célébrer la

Saint-Patrick avec ses enfants parce que cette fête est de grande importance dans sa famille qui est de

descendance irlandaise. « St-Patrick’s day is always a big deal with us. » La parenté se réunit pour fêter

ensemble. Scott (F2GC) affirme que c’est à Noël et à la Saint-Patrick que tous se revoient. Je constate

alors que la Saint-Patrick est d’une grande importance. Il s’assure que ses enfants reconnaissent les

symboles irlandais tels que les trèfles. De plus, il a enseigné à ses enfants, dès un très bas âge, qu’ils sont

de descendance irlandaise.

La fête qui revient à toutes les générations et dans les deux familles est Pâques, une fête religieuse. On

mentionne aussi la Saint-Valentin, l’Halloween, l’action de Grâces entre autres. De toute évidence, la

nature de celles-ci entraîne pour la plupart des rassemblements renforçant la cohésion sociale. S’ajoutent

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au répertoire familial de fêtes des couples mixtes des deux familles à l’étude, la Saint-Patrick ; une fête

célébrant les racines identitaires des conjoints anglophones.

3.4 Tendances contemporaines

Selon les méthodes d’analyse et d’interprétation précisées au premier chapitre679

, c’est sous la forme d’un

inventaire que j’ai dégagé les pratiques familiales principales pour observer si celles-ci étaient

maintenues, ou non à travers les trois générations. Les réflexions qui en suivirent me permirent de

dégager les valeurs traditionnelles. (voir ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations

familiales)

La conciliation des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises par les couples mixtes s’avère comme

étant un véritable « projet familial ». Car il faut le dire, ces couples se trouvent dans l’embarras du choix

quant aux coutumes à pratiquer en famille, chaque conjoint ayant son propre répertoire de pratiques

coutumières. Ainsi, les couples mixtes sont appelés à se doter de pratiques issues des deux cultures et à

en disposer de manière à former leur propre répertoire. C’est en fait cette dynamique qui est mon point

d’intérêt car elle exige les acteurs sociaux, les informateurs, d’arriver soit à un consensus quant aux choix

des pratiques ou bien trouver un point de convergence. Indéniablement, leur projet familial doit

répondre à leurs ambitions, à leurs désirs, à leurs intentions, voire à leurs valeurs. C’est bien là, selon mes

données, ce qui soutient les pratiques coutumières. Et c’est pourquoi il faut parler de tendances

contemporaines.

À cette dernière étape de l’analyse, les tendances contemporaines émergent de façon assez nette. Ce sont

celles-ci qui assurent le maintien, entrainent le métissage, provoquent l’érosion ou le remplacement et la

modification des pratiques coutumières ou bien en créent de toutes nouvelles.

3.4.1 Les valeurs traditionnelles dans les pratiques franco-ontariennes

L’exploration des valeurs traditionnelles est à la base de cette étude. Incontestablement, les valeurs

traditionnelles canadiennes-françaises sont présentes dans la vie quotidienne non seulement des Franco-

Ontariens mais aussi des conjoints anglophones des deux couples en ménage mixte. Je stipule alors que

les valeurs traditionnelles sont en effet des tendances contemporaines parce que les informateurs de la

génération C sont enclins à reconnaître celles-ci, d’après les modèles fournis par les générations

antérieures, en tant que « manière d’être et d’agir étant idéales, désirables et estimables 680

». Mes

considérations se basent sur les quatre constats suivants.

Premièrement, on voit que les pratiques coutumières se perpétuent dans le temps. En effet, pour les deux

familles à l’étude, la grande majorité des pratiques coutumières inventoriées à partir de la génération A

sont présentes dans le quotidien des couples en ménage mixte, quelle que soit la forme que prennent leurs

rituels. Il s’agit alors de normes familiales. Chez les informateurs, la manifestation de ces pratiques est

un signe d’authentification non seulement de leur efficacité et de leur puissance mais aussi de leur

importance.

679

Par exemple la transcription des données dans des fiches signalétiques qui suivent les catégories de la Grille de

Du Berger pour ressortir les patrons relatifs au schéma culturel et à l’habitus (Alex MUCCHIELLI, op. cit., p.50.). 680

Line ROSS, et Hélène TARDIF, op. cit., p.6.

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162

Deuxièmement, à ces pratiques coutumières se rattachent des valeurs religieuses. Les générations A et B

des deux familles démontrent explicitement et implicitement un attachement à la religion. Les données

révèlent entre autres que la religion était au cœur de la vie quotidienne de ces informateurs. Par exemple,

la foi catholique et ses valeurs étaient transmises simultanément par l’intermédiaire de la paroisse, de la

famille et de l’école. De plus, les pratiques religieuses rayonnent à travers les fêtes traditionnelles.

D’ailleurs, à chacune de ces fêtes, les familles participeront à des temps de prière comme à la

participation aux messes notamment. La comparaison des données me permet d’affirmer que les couples

de la génération C accordent de l’importance autant aux cérémonies religieuses qu’entrainent les grands

rites de passage qu’aux fêtes calendaires et ce, même si la religion catholique elle-même ne fait plus une

partie intégrante de leur quotidien.

Troisièmement, l’importance de la famille se dégage de façon implicite et explicite dans presque toutes

les pratiques coutumières et elle y est toujours valorisée. D’après mon tableau des pratiques, je constate

que la famille est un réseau qui a comme mandat de façonner la sphère culturelle de ses membres. Cette

affirmation rejoint les théories de l’habitus et du schéma culturel. (pour explication de l’habitus et du

schéma culturel681

voir 1.6 méthodologie) À travers différentes pratiques coutumières, les parents ont

pour mission de transmettre les valeurs familiales qu’ils ont reçues de leurs parents. Famille et parenté se

rassemblent à différentes occasions pour renforcir et valoriser les liens qui les unissent. Je peux donc dire

que ces valeurs s’appliquent à la solidarité et à la fraternité. Philippe Garigue dira même que « non

seulement la famille est l’organisme catalyseur assurant la continuité dans le temps de la tradition, mais

les parents agissent comme les instruments mêmes de l’institutionnalisation des valeurs entre les

générations.682

» Ceci justifie alors mon postulat.

D’autre part, il faut indiquer que les valeurs familiales des deux familles sont héritées du monde rural.

Lors des entrevues, on m’informe du travail agricole, des grands rassemblements sur les terres pendant le

temps des Fêtes nécessitant de grands préparatifs, entre autres. Pour la génération A et B des deux

familles, le terroir demeure dans leur mémoire un lieu de confort. C’est pourquoi ils y accordent une

grande signification. Les Franco-Ontariens de la génération C ont aussi vécu de telles expériences et

tentent à leur tour de véhiculer les mêmes valeurs en répétant les pratiques de leur enfance. Selon les

données, un effort considérable est déployé pour conserver les mêmes pratiques relatives au temps des

Fêtes.

Une autre tendance qui prévaut un peu partout dans le tableau et ce, autant pour la famille 1 que pour la

famille 2, est celle du rôle de la femme. D’ailleurs, il est valorisé lors de la confection d’un trousseau, lors

des célébrations prénuptiales (shower de fille – shower de mariage – shower de bébé), lors des relevailles,

entre autres. Du même coup, il faut dire que la troisième génération voit un nombre beaucoup plus élevé

de célébrations vouées au rôle de la femme que les deux autres générations précédentes, bien que ce soit

souvent les femmes de la génération précédente, soit la génération B, qui soient les hôtes de telles

festivités. Autrement dit, la transmission des pratiques, et par conséquent des valeurs qui leur sont

associées, relève en grande partie des femmes.

681

Alex MUCCHIELLI, op., cit., p.50. 682

Philippe Garigue, op. cit. p. 12.

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163

Quatrièmement, les informateurs me font part que certaines pratiques relatives à la sociabilité font aussi

partie des tendances contemporaines. Les trois générations des deux familles maintiennent par exemple le

fait que le mariage entraine un changement de statut. Par tradition, la génération C a comme objectif

d’entreprendre le même parcours de transition que ses prédécesseurs. D’autre part, plusieurs pratiques

coutumières telles que les grands rites de passage ainsi que les fêtes du cycle calendaire, auront comme

but de permettre la cohésion sociale et la consolidation des liens. À ces occasions, un sentiment

d’appartenance est créé et l’identité culturelle est raffermie. C’est alors un aspect nécessaire à la survie de

la culture.

On voit en tant que tendance contemporaine le fait que les couples en ménage mixte favorisent la

continuité d’une éducation scolaire francophone. Les enfants sont élevés dans un foyer bilingue et

communiquent avec leurs parents selon la langue maternelle de chacun des parents. Le bilinguisme est

considéré comme un atout sur le marché du travail d’après les informateurs. Bien que les Francophones

soient minoritaires en Ontario, on voit très bien l’effort déployé par ces couples pour maintenir le

caractère francophone de la culture, parce qu’elle est enseignée à l’école, dans le quotidien de leurs

enfants. Il faut alors remarquer que les couples choisissent consciemment des établissements

d’enseignement de langue française.

Parmi les expressions affectives évoquées par les informateurs, se trouvent le respect, l’amour, la

reconnaissance, le partage du bonheur, la conformité aux règles de la tradition, la famille, entre autres.

Les valeurs sont des tendances actuelles parce qu’elles reviennent pour les trois générations des deux

familles et parce qu’elles sont véhiculées par les couples en ménage mixte. Par ailleurs, les informateurs

font part chacun leur tour des valeurs découlant des sentiments et des émotions par rapport à un

événement spécifique. Il n’est pas nécessaire de tous les soulever à nouveau mais il est tout de même

important d’établir les constats qui en découlent en fournissant brièvement quelques exemples.

Premièrement, l’affectivité joue manifestement un grand rôle dans cette culture comme dans toute autre.

On voit par exemple l’importance de pratiquer les coutumes traditionnelles en raison des émotions

vécues. Tel que déjà mentionné, par les pratiques culturelles, les informateurs cherchent à revivre leurs

émotions déjà vécues. Deuxièmement, des liens interpersonnels unissent les individus qui ressentent des

émotions provoquées par les interactions. Par exemple, les informateurs accordent une grande importance

aux rassemblements en famille. Troisièmement, les sentiments affectifs ressentis pendant les pratiques

font en sorte que les individus puissent s’épanouir dans leur culture. Je donne l’exemple du fait que les

informateurs reconnaissent et tiennent à cœur les célébrations prénuptiales (shower de fille, enterrement

de vie de célibataire). Quatrièmement, l’affectivité se retrouve au sein des pratiques qui font preuve de

dynamisme culturel. Par exemple, les informateurs tiennent à la création de rituels entourant la venue du

Père Noël (lui laisser du lait, des carottes, lui écrire des lettres…) en raison des intérêts des membres de la

famille. Cinquièmement, chaque fois que les informateurs choisisent de reprendre une pratique, c’est

qu’ils valorisent les éléments culturels. L’exemple que je fournis pour ce constat est le suivant : Les

couples en ménage mixte me font part de la nécessité de créer un équilibre dans le choix des pratiques

coutumières par respect de leur conjoint. Ceci leur permet chacun de valoriser leur propre culture et la

culture de leur conjoint.

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164

3.4.2 Le maintien des pratiques et respect des normes

Les pratiques principales maintenues sont la confection d’un trousseau (famille 1 seulement), l’offre de la

bague de fiançailles par le conjoint, le mariage et sa cérémonie, la réception, les relevailles (pour la

famille 2 seulement), le baptême et sa cérémonie, une partie des tâches domestiques (exemple : tâches

ménagères pour les femmes, les travaux physiques tels que l’entretien de l’extérieur de la maison pour les

hommes), les Fêtes, Noël et autres fêtes comme Pâques, la Saint-Valentin… Évidemment un très grand

nombre de sous-pratiques sont aussi maintenues comme je l’ai indiqué dans les bilans.

Toutefois, il y a selon moi deux grandes raisons pour expliquer ce maintien. Premièrement, je conviens

que plusieurs des pratiques à l’étude sont religieuses ou bien ont un ou plusieurs aspects religieux que ce

soit le mariage, le baptême, Noël, Pâques, la Saint-Valentin… Comme déjà mentionné dans les bilans,

les pratiques coutumières religieuses sont très réglées et standardisées ou normalisées en raison des

idéologies religieuses contrôlées par l’Église. Ainsi, parce que les deux couples en ménage mixte

choisirent de célébrer les grands rites de passage selon la tradition religieuse, le déroulement de ceux-ci

devait impérativement se soumettre aux pratiques explicites et concrètes établies par l’Église.

Deuxièmement, en examinant les données, le rôle des femmes dans la transmission et la pratique des

coutumes apparait de façon très nette. Je constate qu’elles sont au cœur des pratiques culturelles

familiales. Par exemple, c’est à partir de la préparation de la mise en ménage, du mariage, de la

maternité, de l’éducation des enfants et de leur quotidien, qu’elles veillent non seulement au

fonctionnement de leur famille mais aussi à l’accomplissement des pratiques culturelles. Je dois souligner

le fait que les couples des générations C sont constitués de femmes francophones et d’hommes

anglophones. Ainsi, il faut faire le parallèle entre le sexe et la transmission de la culture. De toute

évidence, les données me poussent à affirmer que les femmes contribuent à transmettre la culture et que

le cas échéant, cette culture est traditionnelle puisqu’elle se transmet de génération en génération.

3.4.3 Le métissage des pratiques

Laurier Turgeon, dans Patrimoine métissés explique ce qu’il entend par « métissages »:

« Les métissages découlent d’un rapport de force entre deux ou plusieurs groupes qui

échangent pour s’approprier les biens patrimoniaux de l’autre dans le but de

s’affirmer. Pour fonctionner, l’échange, même lorsqu’il est inégal, repose sur une

certaine réciprocité. Le fait de donner suscite le devoir de rendre. 683

»

Je peux en effet, pour cette étude, parler de métissage. La conjointe de la génération C de la famille 1

concilie les traditions religieuses protestantes en plus des traditions culturelles anglo-saxonnes. La

conjointe de la génération C de la famille 2, quant à elle, partage les traditions culturelles anglo-saxonnes

et accuse en plus un repli religieux de la part de son conjoint. Les couples sont donc appelés à métisser

leurs pratiques et à se prêter à cette fameuse « réciprocité » que soulève Turgeon.

Les données fournissent d’importantes indications quant au métissage. Cependant, l’échange culturel et

religieux n’est pas égal dans ces couples. Le simple fait que les deux couples en ménage mixte

683

Laurier TURGEON, Patrimoines métissés. Contextes coloniaux et postcoloniaux, Éditions de la Maison des

sciences de l’homme, Les Presses de l’Université Laval, 2003, p.24.

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choisissent d’envoyer leurs enfants à des écoles catholiques et francophones, institutions qui enseignent

non seulement l’académique mais transmettent aussi la culture francophone et la religion catholique,

démontre l’accent mis l’une des deux expressions culturelles. Le quotidien familial n’est donc pas le seul

lieu où la culture est privilégiée; l’école l’est aussi. Ainsi, la vie de tous les jours des enfants des couples

en ménage mixte est rythmée par cette culture et ses pratiques.

Il semble que les Anglophones insistent sur le métissage lorsqu’il s’agit des pratiques culturelles qui sont

uniques à la culture anglo-saxonne telle que la Saint-Patrick. Selon moi cette fête prévaut parce qu’elle

symbolise l’identité culturelle. Les deux informateurs anglophones des couples en ménage mixte me font

part du déroulement habituel de cette fête ainsi que de la façon qu’ils la maintiennent dans leur couple

mixte.

3.4.4 L’érosion des pratiques

L’érosion des pratiques la plus évidente est celle qui a trait à la pratique religieuse. En effet, il semble

qu’à la troisième génération des deux familles, la baisse de la pratique religieuse, sauf pour celle qui a

trait aux rites de passage, soit soudaine menant à une érosion de certains de ses usages. Entre autres, ce

phénomène s’observe tant au quotidien, qu’à certains moments de l’année.

Le quotidien des générations A et B de la famille 1 se prête à des moments de prière (surtout en soirée), à

la présence de symboles religieux dans leur foyer (crucifix, eau miraculeuse de Pâques et cocotte de

rameau), à la participation à la vie communautaire religieuse (messes dominicales, organismes tels que

les Dames de Sainte-Anne…). Les témoignages de ces informateurs que de telles pratiques faisaient aussi

partie du quotidien de la génération précédant la génération A. La pratique religieuse est transmise sur au

moins quatre générations. Pourtant, dans la vie de couple du ménage mixte, ni l’un ni l’autre des

conjoints ne fait part de l’omniprésence de la religion dans sa vie quotidienne.

Le quotidien des générations A et B de la famille 2 est aussi rempli de ferveur religieuse mais les

exemples fournis les informateurs sont moins apparents que ceux de la famille 1. Ceci n’est pourtant pas

une indication d’une pratique religieuse moins soutenue. Notamment, tout comme la famille 1, la famille

2 transmet les usages de la pratique religieuse à la génération C. Une fois dans un ménage mixte, le

quotidien religieux, plus précisément l’assistance aux messes dominicales, s’efface de cette troisième

génération.

Aux termes de la pratique religieuse cyclique notamment des fêtes religieuses, j’ai déjà montré que les

deux familles de couples en ménage mixte sont bien attachées à celles-ci et que les valeurs religieuses y

sont bien présentes. Pourtant, l’usage d’assister aux messes à l’occasion de ces fêtes ne persiste pas.

Pour l’instant, les informateurs affirment que leurs enfants sont trop jeunes pour assister à la messe de

minuit à Noël et que trop souvent, ils sont occupés à faire la navette entre les deux familles lors des fêtes.

Grosso modo, les couples en ménage mixte gardent la pratique religieuse pour les rites de passage tels

que le mariage et le baptême.

D’autre part, une autre pratique qui semble être érodée est la demande en mariage au père de la fiancée.

Les deux hommes de la génération C ne se sont pas prêtés pas à ce rite.

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166

3.4.5 Le remplacement et la modification des pratiques

Selon mes données, le remplacement ou la modification des pratiques est le plus évident lorsqu’il s’agit

des pratiques coutumières de la vie domestique. La première tendance contemporaine qui a trait au

remplacement et à la modification des pratiques réside dans le fait que dans leur relation à long terme, les

couples en ménage mixte cohabitèrent ensemble avant le mariage684

. C’est une modification à la

croyance et à la pratique traditionnelle qui insistait pour que les couples soient mariés avant de cohabiter

ensemble. La seconde tendance contemporaine est le fait que les femmes de ces couples ont reçu une

éducation postsecondaire et entrèrent sur le marché du travail. La vie quotidienne des femmes a donc été

appelée à changer à partir de la génération C. Entre autres, les femmes des générations A et B sont

demeurées au foyer pour élever leurs enfants (du moins pour les quelques premières années suivant la

naissance du premier enfant). La troisième tendance contemporaine veut que les tâches ménagères et

domestiques ainsi que les soins des enfants soient partagés. En effet, chacun des hommes en ménage

mixte doit effectuer des tâches qui faisaient traditionnellement partie de la sphère féminine et ce, en

raison de la profession qu’exercent leurs conjointes.

Les pratiques coutumières de la vie adulte sont aussi soumises à un remplacement ou à une modification.

J’y entrevois les tendances contemporaines. Par exemple, la confection du trousseau est maintenant

accompagnée ou remplacée par un shower. Entre autres, comparativement aux autres générations, la

génération C se voit fêtée à plusieurs reprises lors des showers. D’autre part, l’un des couples en ménage

mixte (F1GC) a choisi de se marier dans une église catholique alors que chaque conjoint a gardé sa

confession. Comme déjà expliqué, ce mariage est permis en raison des modifications dogmatiques

apportées par Vatican II. Par cette même pratique, les femmes de la génération C insistent pour que le

jour de leur mariage, à leur entrée dans l’église, ce soit leur père ainsi que leur mère qui les

accompagnent jusqu’à l’autel. Cette modification de la pratique traditionnelle remplace celle où

seulement que le père conduit sa fille dans l’église. Finalement, dans la famille 2, une pratique récente

familiale qui veut que le mariage se déroule le vendredi soir, sans souper, remplace celle du mariage le

samedi avec un souper.

En dernier lieu, selon les données, une pratique coutumière du cycle saisonnier se voit modifiée et c’est

celle qui a rapport avec la commercialisation des Fêtes. Entre autres, les petits cadeaux qui étaient

vraiment des gestes de bonté, sont désormais remplacées par un nombre abondant de cadeaux

dispendieux.

3.4.6 De nouvelles pratiques

Les tendances contemporaines se prêtent à l’émergence de nouvelles pratiques ce que démontre la

génération C qui a tenu à s’exprimer davantage et à se distinguer. Par exemple, lors de la cérémonie du

mariage, les deux couples en ménage mixte exécutent un geste qui veut que leur union se matérialise

formellement. Par exemple, un couple le fait en allumant une chandelle d’unité et l’autre couple le fait en

versant ensemble du sable dans un grand verre. Aussi, les conjoints en ménage mixte de la famille 1

m’informent qu’ils s’exprimèrent en échangeant leurs vœux dans la langue maternelle de leur conjoint.

684

En raison de la période récente (début du XXIe siècle).

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167

Finalement, des nouvelles pratiques veulent que des lettres soient écrites au Père Noël et qu’une clé soit

laissée pour celui-ci afin qu’il puisse entrer dans la maison. Ces pratiques expriment une tendance

généralisée à personnaliser les rites classiques existants et à les adapter au goût du jour. Bien que ce soit

un fait, ces nouvelles pratiques ne sont que des pratiques sous-jacentes à un ensemble beaucoup plus

grand de pratiques. Comme par exemple, les pratiques de matérialisation formelle de l’union lors du

mariage est sous-jacente à la grande pratique du mariage. Ceci dit, même s’il y a de nouvelles sous-

pratiques, les grandes pratiques s’effectuent quand même selon les conventions habituelles.

3.5 Conclusion

Le visage traditionnel du Canada-français transparaît bel et bien à travers les pratiques coutumières et les

valeurs du Franco-Ontarien en couple mixte. L’analyse me permet d’apporter des réponses aux questions

qui animaient ma réflexion. Je conclus qu’en effet, d’après les informateurs, le passé définit les

pratiques culturelles contemporaines. La culture traditionnelle, celle qui est issue du Canada-français,

fait partie du quotidien familial des Franco-Ontariens dans un ménage-mixte. D’ailleurs, c’est en

pratiquant les coutumes culturelles traditionnelles, que les Franco-Ontariens redéfinissent

continuellement leur identité. Il faut aussi mentionner que les formes que prennent les pratiques

culturelles contemporaines issues du Canada-français ne varient que de très peu par rapport à la façon

qu’elles étaient pratiquées dans le passé. S’il est question de variation, l’essence et le fondement de

celles-ci demeurent très perceptibles. Et pour parler d’érosion, il s’agit davantage de la pratique

religieuse elle-même comme par exemple le fait d’assister aux messes dominicales. Quant au

remplacement ou à la modification des pratiques, c’est dans la vie domestique et dans la vie adulte que

j’ai vu le plus de changements. En ce qui a trait au maintien de ces pratiques, j’atteste qu’en gros, les

grandes catégories du système de pratiques (ou pratiques principales) sont maintenu alors que certaines

des sous-pratiques sont plus sujettes à être métissées, remplacées ou bien encore érodées. Les facteurs

responsables du maintien de la culture et des comportements sociaux reposent sur le rôle des femmes.

Les entrevues montrent que ce sont en fait elles, en grande partie qui sont les agents transmetteurs de

plusieurs pratiques culturelles, religieuses, sociales, familiales, morales et affectives. Ceci dit que le

Franco-Ontarien dans sa relation conjugale mixte n’est pas appelé à concéder des pratiques. Entre autres,

les données révèlent qu’il est question de métissage mais que ce métissage est inégal. Tout cela pour dire

que ce qui émane de la relation conjugale mixte est que dans le foyer des informateurs de la génération C,

la culture des Franco-Ontariens rythme majoritairement le quotidien. De plus, les enfants des

informateurs de cette génération C, en fréquentant des écoles catholiques et francophones pratiquent

davantage les coutumes relatives à cette culture. Finalement, je souligne que la façon dont les valeurs

sont transmises de génération en génération est par la pratique dynamique des pratiques culturelles. Le

tableau des pratiques et orientations familiales (ANNEXE 5) a montré le patron culturel (en utilisant la

technique du schéma culturel et de l’habitus) des familles interrogées issues du Nord-Est de l’Ontario.

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169

CONCLUSION L’étude du fait francophone en Ontario est un sujet passionnant qui m’interpelle de manière personnelle.

Dans le cadre de mes expériences antérieures, j’ai eu à réfléchir à la vitalité culturelle quotidienne des

Francophones en Ontario et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi d’entreprendre cette étude. Au fil de

mes lectures, une déclaration de l’historien Fernan Carrière a été pour ainsi dire l’élément déclencheur de

mon questionnement. Celui-ci affirmait que les « Franco-Ontariens tentent depuis la Révolution

tranquille de concilier avec leurs valeurs traditionnelles.685

» J’ai alors repris son affirmation pour en

formuler une problématique tout en entreprenant la tâche de repérer les valeurs traditionnelles dans les

pratiques coutumières. J’ai alors cherché à savoir par quelles pratiques culturelles propres à sa région le

Franco-Ontarien tente, depuis les bouleversements de 1960, de concilier les valeurs traditionnelles dans

un ménage mixte francophone-anglophone.

Pour répondre à ce questionnement, il fallait d’abord définir le contexte historique de l’Ontario français.

L’historiographie franco-ontarienne révéla plusieurs aspects socioculturels intéressants et témoigna aussi

que les liens entretenus entre Francophones et Anglophones sur le territoire canadien et ontarien ont été

l’objet de perpétuelles tensions. L’histoire en atteste par le traité d’Utrecht de 1713686

, de la guerre de

Sept Ans687

, du traité de Paris de 1763688

, de l’Acte d’Union de 1841689

, de l’adoption du Règlement 17

en 1912690

, ainsi que de la crise des écoles secondaires dans les années 1970691

.

Par la suite, la délimitation d’une région s’est imposée pour mieux circonscrire l’étude. En raison des

attributs particuliers tels que la forte concentration de Francophones, la région du Nord-Est de l’Ontario a

été choisie. Quant à la période de l’étude, elle a été délimitée à partir de la conjoncture sociopolitique des

années 1960, c’est-à-dire lors de la Révolution tranquille, alors que plusieurs annoncèrent la fin de la

francophonie en Ontario692

. Le fait que j’ai pu étudier la vie culturelle des Francophones en Ontario

depuis cette période de bouleversements atteste non seulement que ces prédictions étaient fausses mais

aussi que les Francophones jouissent d’une vitalité culturelle.

Mon étude repose sur une démarche qualitative de type empirique et procède par une enquête de terrain.

J’ai mené des enquêtes ethnographiques auprès de deux familles représentant trois générations. Le

facteur intergénérationnel était important en ce qu’il me permettait de découvrir les pratiques culturelles

avant les bouleversements des années 1960 et après les années 1960. Le but de ma recherche était

d’explorer les pratiques culturelles propres au Franco-Ontarien du Nord-Est de l’Ontario dans un ménage

mixte depuis les bouleversements de 1960 et par là, vérifier comment se fait la conciliation des valeurs

traditionnelles dans un ménage mixte francophone-anglophone. Pour ce faire, j’ai recruté des

685

Fernan CARRIÈRE, « La métamorphose de la communauté franco-ontarienne, 1960-1985 », dans Cornelius J.

JAENEN (dir.), Les Franco-Ontariens, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1993, p 313. 686

Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op.cit., p.32. 687

Jacques GRIMARD et Gaétan VALLIÈRES, op.cit., p.149. 688

Gaétan GERVAIS, Matt BRAY et Ernie EPP, op. cit., p.35. 689

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.88. 690

Gilles J.L., LEVASSEUR, op.cit., p.116. 691

Michel BOCK et Gaétan GERVAIS, op. cit., p.203. 692

André CLOUTIER, op. cit., p .98.

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informateurs répondant aux critères de sélection suivants : critère culturel-linguistique, critère spatial,

critère familial et matrimonial, critère intergénérationnel et critère temporel. Pour appréhender le facteur

intergénérationnel, ma sélection devait comprendre trois couples de générations différentes : le premier,

qualifié de canadien-français, marié pendant les années 1950; un second, aussi canadien-français, marié

pendant les 1970 et le troisième, un couple mixte francophone-anglophone marié pendant les années

2000.

Les entrevues ont été enregistrées et les données ont été transcrites et compilées de façon thématique

selon le champ coutumier de la Grille des pratiques culturelles de Jean Du Berger. Celle-ci m’a permis

de procéder à la description et à l’analyse ethnographique des données.

Une réflexion théorique par rapport aux valeurs m’a amenée à avancer prennent appui sur deux

composantes : l’une relative aux comportements tandis que l’autre relève des émotions et des sentiments.

En ce qui a trait à la composante comportementale, les informateurs ont prouvé qu’en choisissant de

maintenir ou de mettre en usage certaines pratiques coutumières, c’est qu’ils accordent à celles-ci un

degré d’importance. Certaines pratiques sont jugées nécessaires ou essentielles. Sans aucun doute, celles

qui paraissent indispensables dégagent des valeurs parce que tel que Rémy, Voyé et Gervais le disent,

« les valeurs expriment les objectifs poursuivis par le groupe.693

» D’un autre côté, la composante

émotionnelle et sentimentale présente dans les données des informateurs démontre que ceux-ci ont fait

appel au processus cognitif pour dégager les émotions ressenties lors de la pratique des coutumes afin de

les hiérarchiser dans un système de valeurs. L’analyse montre également que les forces affectives

entrainent une action ou une réaction qui se traduit par une motivation. Cette motivation aurait comme

objectif de faire revivre les moments et les émotions.

L’analyse des données démontre que la conciliation des valeurs traditionnelles canadiennes-françaises par

les couples mixtes est un projet familial qui s’explique par le fait que les couples en ménage mixte ont le

choix quant aux coutumes à pratiquer en famille. Ils sont appelés à se construire un répertoire de

pratiques culturelles issu d’un consensus entre l’homme et la femme ou visant la convergence des

pratiques. Leur projet doit donc composer avec leurs désirs, leurs ambitions, leurs intentions et leurs

valeurs, ce que je considère comme les attributs qui soutiennent les pratiques coutumières culturelles.

L’analyse a permis d’agencer « valeurs traditionnelles » et « tendance contemporaine » en raison de la

présence des valeurs dans la vie de tous les jours des couples mixtes. Mes considérations se basent sur

les fondements suivants :

1) La plupart des pratiques coutumières inventoriées à partir de la première génération sont

présentes dans le quotidien des couples en ménage mixte. La pérennisation de ces pratiques

est un signe d’authenticité, d’efficacité, de puissance et aussi d’importance. C’est-à-dire que

ces pratiques sont réelles, qu’elles subsistent encore en raison de leur efficacité et de leur

importance.

2) Des valeurs religieuses sont encore, à cette génération, rattachées à certaines pratiques

coutumières. Par exemple, la foi catholique et les valeurs religieuses sont transmises à

chaque génération et continuent encore de l’être, entre autres par le baptême et le mariage.

693

Jean RÉMY, Liliane VOYÉ et Émilie GERVAIS, op. cit., p.72.

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3) L’importance de la famille se dégage de presque toutes les pratiques coutumières

quotidiennes des couples mixtes ce qui est signe que celle-ci est valorisée.

4) Certaines pratiques relatives à l’aspect social se retrouvent parmi les tendances

contemporaines. En pratiquant les coutumes traditionnelles, un sentiment d’appartenance est

créé et l’identité culturelle est raffermie.

De plus, l’analyse a permis de dégager des valeurs communes aux trois générations. On trouve par

exemple le respect, l’amour, la reconnaissance, le partage du bonheur, la famille et la conformité aux

règles de la tradition et donc à la norme. Ces valeurs découlent des constats suivants :

Les informateurs cherchent à revivre des émotions vécues.

Des liens interpersonnels unissent les individus provoquant ainsi des émotions fortes.

L’affectivité est présente lors de moments d’épanouissement personnel qui se vivent en

groupe (le shower de filles par exemple).

L’affectivité engendre une sorte de dynamisme culturel par la création des rituels, leur

adaptation ou leur actualisation.

L’affectivité qui s’explique par l’importance de pratiquer les coutumes, permet de

valoriser la culture. En d’autres mots, les individus choisissent de pratiquer certaines

coutumes en raison de l’importance qu’ils accordent à celles-ci.

Je me suis aussi arrêtée au maintien, au métissage, à l’érosion et au remplacement des pratiques. En ce

qui a trait au maintien des pratiques coutumières traditionnelles canadiennes-françaises, l’analyse

indiquait notamment qu’une très grande partie d’entre elles font encore partie du quotidien des couples en

ménage mixte. Deux raisons justifient ce maintien.

1) Parce que la majorité des pratiques maintenues ont une grande composante religieuse et que la

religion les règle et les standardise, les informateurs n’ont qu’à s’y soumettre et donc suivre le

déroulement établi par l’Église.

2) Le rôle des femmes des trois générations émerge des données de façon nette et démontre que

ce sont elles qui transmettent une grande partie les pratiques culturelles. Les couples en ménage

mixte sont constitués de femmes francophones et d’hommes anglophones. Ainsi, c’est la culture

francophone qui est davantage transmise de génération en génération.

D’après les données, certaines pratiques coutumières de la génération C ont fait l’objet de métissage. Il y

a présence de pratiques coutumières issues de la culture francophone et de la culture anglophone mais

pourtant, l’échange culturel ne se fait pas de façon égale. Par exemple, les enfants des informateurs de la

génération C connaissent, hors du foyer, une vie rythmée par la culture franco-ontarienne parce qu’ils

fréquentent des écoles catholiques francophones. Le fait que les enfants pratiquent la culture à l’extérieur

du noyau familial renforce la vitalité de celle-ci. Néanmoins, l’analyse indique que les Anglophones

insistent sur le métissage lorsqu’il s’agit de pratiques culturelles uniques à la culture anglo-saxonne

comme la St-Patrick par exemple.

Quant à l’érosion des coutumes de la génération C, elle touche surtout la pratique religieuse quotidienne

et ses usages même si la pratique relative aux rites de passage – baptême et mariage – demeure bel et bien

ancrée. Par exemple, présentement, les couples en ménage mixte n’assistent plus aux messes

dominicales.

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172

L’analyse des données établit aussi que l’actualisation des pratiques coutumières de la génération C se

fait davantage sur le plan de la vie domestique. Les nouvelles tendances sont les suivantes :

Les couples cohabitent ensemble avant le mariage.

Les femmes reçoivent une éducation postsecondaire et entrent sur le marché du travail ce

qui modifie la vie quotidienne de la famille si on la compare à celle des générations A et

B.

Les tâches ménagères et domestiques ainsi que le soin des enfants sont présentement

partagés entre les époux.

En fin de compte, les hypothèses présentées au Chapitre 1 qui ont été avancées provisoirement ont été

confirmées dans l’analyse et peuvent maintenant être évaluées. Comme point de départ de ma recherche,

et avec les connaissances que j’avais, je supposais que : le Nord-Est de l’Ontario français jouit d’une

homogénéité culturelle où les valeurs traditionnelles sont bien ancrées, l’épanouissement de la culture du

Franco-Ontarien dans cette région lui permet toujours de développer son sentiment d’appartenance et son

identité, et que le Franco-Ontarien du Nord-Est de l’Ontario se verrait confronté à des réalités qui le

pousse à régler son quotidien tout en préservant ses pratiques culturelles. Ces hypothèses se sont révélées

comme étant justes car c’est par la pratique quotidienne des coutumes que le Franco-Ontarien satisfait à

son besoin de repère culturel. Le Nord-Est de l’Ontario est une région qui permet non seulement un

ancrage culturel mais elle le favorise aussi.

Pour reprendre les propos de Philippe Garigue au sujet du rôle important de la famille dans la

transmission et la conservation des traditions :

« La famille c’est elle qui, non seulement a permis la « survivance culturelle », par la

transmission de certaines valeurs culturelles à un nombre assez large de personnes à

chaque génération, mais qui, en donnant un univers social et culturel spécifique à

chaque Canadien français, a assuré la survie d’un Canada français.694

»

Mon étude a montré que le quotidien familial des couples mixtes regorge de pratiques culturelles

traditionnelles qui remontent au Canada-français et que les valeurs traditionnelles sont encore présentes

dans la culture quotidienne et ce, même dans le mariage mixte francophone-anglophone où le

Francophone a un statut minoritaire dans la province. D’après cette étude, la présence de ces valeurs

dans le ménage mixte est bel et bien en raison du processus de socialisation695

entrepris par les

Canadiens-français et les Franco-Ontariens. D’ailleurs, il a été vu que la consolidation des liens et la

cohésion sociale a toujours été importante pour ceux-ci et ce, depuis l’arrivée des colons en Nouvelle-

France jusqu’à aujourd’hui. Après tout, s’il existe encore des Francophones en Ontario après la

Révolution tranquille, c’est en raison de cette cohésion sociale toujours maintenue à travers les siècles et

les époques. Alors, le processus de socialisation qui constituait une variable pour ce travail de recherche

quant à la transmission de la culture et des valeurs s’avère important. Parce que les individus tendent à

adhérer aux valeurs rattachées aux expériences vécues dans la jeunesse et à l’adolescence696

, et parce que

les Canadiens-Français et les Franco-Ontariens ont su offrir à leurs membres plusieurs instances de

694

Philippe GARIGUE, op. cit., p.93. 695

Le processus de socialisation aurait véhiculé des normes et des valeurs aux individus. 696

Ibid., p.93.

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socialisation, ce serait en fait l’une, sinon la plus importante, des raisons pour laquelle les pratiques

coutumières et les valeurs traditionnelles issues de la culture Canadienne-française sont encore bien

vivantes.

Quant à la citation de Roger Bernard : « On ne naît pas Franco-Ontarien, on choisit de le devenir697

», je

dirais qu’Émilie et Valérie sont Franco-Ontariennes non seulement en raison de leur langue et du

territoire qu’elles habitent, mais aussi parce qu’elles ont choisi de devenir de véritables Franco-

Ontariennes en vivant leur culture, en léguant leurs coutumes et en transmettant leurs valeurs à la

prochaine génération.

Enfin, au terme de ce travail, je me pose les questions suivantes : La culture canadienne-française est-elle

aussi bien maintenue dans un couple mixte où l’homme est francophone et la femme est anglophone?

Si :

♀francophone + ♂anglophone = pratiques coutumières en grande partie issues de la culture

canadienne-française où les valeurs traditionnelles sont encore véhiculées

♂francophone + ♀anglophone = ?

Dans un ménage mixte francophone-anglophone, indépendamment du sexe du conjoint francophone,

aurait-on plus de chance de retrouver les traditions canadiennes-françaises en raison de l’efficacité du

processus de socialisation entrepris par les Canadiens-français? Par le biais de pratiques coutumières, les

Canadiens-français auraient-ils, plus que d’autres, appris à maitriser les mécanismes du processus de

socialisation pour transmettre leur culture?

697

Fernan CARRIÈRE, op. cit., p.334.

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III. Études et ouvrages électroniques

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Française en Amérique, la société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et l'Ordre de Jacques-Cartier,

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187

ANNEXES

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188

ANNEXE 1 : Index des collections (pour tableau 1)

ACFO : Association canadienne de l’Ontario

AFUL : Archives de folklore de l’Université Laval

BMM : Bibliothèque municipale de Montréal

CAF : Centre d’activités françaises

CCÉCT : Centre canadien d’études sur la culture traditionnelle

CCFC : Centre communautaire francophone de Cambridge

CFOF : Centre franco-ontarien de folklore

CFCCF : Centre de recherche en civilisation canadienne-française

CRÉFO : Centre de recherche en éducation franco-ontarienne

DFUS : Département de folklore de l’Université de Sudbury

IFO : Institut franco-ontarien

OFFA : Ontario Folklore-Folklife Archive

Privés : Fonds privés 698

698

PICHETTE , Jean-Pierre, Répertoire ethnologique de l’Ontario français : Guide bibliographique et inventaire

archivistique du folklore franco-ontarien , Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1992, p.230.

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189

ANNEXE 2 : Questionnaire d’enquête

Partie A : pratiques reliées au temps

Bloc 1- Rencontre et fréquentations

1. Comment avez-vous fait la rencontre de votre partenaire?

i. Où?

ii. Par l’intermédiaire de quelqu’un? Qui?

2. Pour combien de temps vous êtes vous fréquentés?

3. Que retenez-vous de vos fréquentations?

Bloc 2 - Mise en ménage et vie de couple

Fiançailles

a. Quand s’est fait la demande en mariage?

i. Comment s’est fait la demande? Avez-vous suivi un protocole? Lequel?

ii. Pourquoi avez-vous choisi de faire la demande en mariage de cette façon?

iii. Qui a choisi la bague de fiançailles? Qu’est qui a guidé votre choix? Quels

symboles y voyez-vous?

Préparation au mariage

a. En quoi consistaient les préparations pour le mariage?

i. Quel a été le rôle de la future mariée dans l’organisation et la préparation du

mariage?

ii. Quel a été le rôle du futur marié dans l’organisation et la préparation du mariage?

b. Vous a-t-on organisé un shower de fille? (ou de couple?)

i. Qu’en retenez-vous?

ii. Est-ce que c’était important pour vous de vous réunir ainsi? Pourquoi?

c. Vous a-t-on organisé un enterrement de vie de garçon? De fille?

i. Qu’en retenez-vous?

ii. Qu’est-ce que ce dernier signifiait pour vous?

Mariage

a. Quelle sorte de mariage avez-vous fait?

i. Est-ce que c’était votre choix?

ii. Avez-vous dû faire des compromis? Sur quoi? Avec qui?

iii. Que retenez-vous de la cérémonie? De la réception?

b. Ce jour là, avez-vous pratiqué certaines coutumes? Lesquelles?

i. Pourquoi est-ce que c’était important de pratiquer ces dernières?

c. Est-ce que vous diriez que votre mariage était « traditionnel »?

i. Pourquoi? Pourriez-vous donner quelques exemples?

ii. Qu’est-ce que ceci signifiait ceci pour vous?

d. Qui étaient les invités?

e. Quels sont vos plus beaux souvenirs de cette journée?

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190

Entrée en ménage

a. Aviez-vous confectionné un trousseau?

a. En quoi consistait ce trousseau?

b. Pourquoi aviez-vous inclus ces items en particulier?

b. Aviez-vous cohabités ensemble avant le mariage?

c. Pourriez-vous fournir des renseignements sur votre foyer/demeure?

i. Voter demeure était-elle à la campagne, à la ville ou bien au village?

ii. Pourquoi avez-vous choisi cette demeure?

Vie matrimoniale : partage des tâches

a. Dans votre foyer, quelles étaient vos tâches principales en tant que femme? Homme?

b. Hors du foyer, quelles étaient vos tâches principales en tant que femme? Homme?

c. Comment décririez-vous les responsabilités de la femme dans votre couple? Celles de l’homme?

d. Pourquoi attribuez-vous ces tâches à la femme dans votre couple ? À l’homme?

Bloc 3 – L’arrivée de l’enfant

Grossesse

a. Pourquoi avez-vous choisi d’avoir des enfants?

i. Quand? Avant le mariage?

b. Certaines considérations ont-elles été prises en compte avant d’avoir des enfants?

c. Est-ce qu’on vous a organisé un shower de naissance? Si oui, parlez-moi de celui-ci.

i. Est-ce que c’était important pour vous de vous réunir ainsi? Pourquoi?

ii. Quels cadeaux avez-vous reçus? Y en a-t-il un qu’on vous a donné auquel vous

accordez une valeur sentimentale? Lequel? (lesquels?)

Naissance

a. Quand est né votre premier enfant? (À quel moment dans votre vie de couple?)

b. Qui a eu la responsabilité de « relever » la nouvelle maman? Pourquoi?

c. Vous a-t-on donné des conseils? Lesquels

Baptême

b. Avez-vous fait baptiser votre enfant?

i. Sur quels motifs résidait cette décision? Était-elle unanime?

ii. Pourquoi était-il important de faire ainsi?

iii. Le baptême s’est-il fait dans une église catholique française?

iv. Si oui, pourquoi avez-vous choisi de faire ainsi?

v. Qui avez-vous choisi comme parrain et marraine? (Lien de parenté)

vi. Pourquoi avez-vous choisi ces personnes?

Vie matrimoniale : partage des tâches du couple avec une famille

a. Est-ce que la venue de l’enfant a changé votre rôle, vos tâches?

i. Est-ce que c’était un partage différent? En quoi?

ii. Pourquoi en était-il ainsi croyez-vous?

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191

b. Avez-vous toujours partagé une vision identique sur l’éducation des enfants, votre conjoint(e) a

d/et vous?

i. Qu’est-ce qui était différent?

ii. Comment vous êtes-vous entendus? Sur quoi?

iii. Y a-t-il eu des changements au fil des ans?

c. Comment étaient vécus ces changements? Pouvez-vous rattacher des émotions, des sentiments

vis-à-vis ces changements?

Élever l’enfant

a. Relativement aux soins de l’enfant, que faisait le père? La mère? Autre?

b. Quelles sont les valeurs les plus importantes que vous avez choisi de transmettre à votre enfant

de la part de la mère? Du père?

c. Est-ce que ce sont les mêmes que vous transmettez à votre enfant? Différences?*mêmes que

transmises par leurs parents. *

Partie B : Pratiques reliées au cycle annuel

Bloc 4 – Le temps des Fêtes

a. Que signifie le temps des Fêtes pour vous? Parlez-moi de comment se déroule cette

période de festivités.

b. Croyez-vous que vos célébrations du temps des Fêtes ressemblent à ce que vous avez

vécu chez vos parents, dans votre jeunesse?

i. Pouvez-vous donner des exemples?

c. Qu’est-ce que vous considérez traditionnel?

i. Qu’est-ce qui est essentiel dans cette période des Fêtes.

ii. Qu’avez-vous ajouté?

d. Quelles sont les traditions ou pratiques qui vous sont les plus chères? Pourquoi?

e. Quelles sont les principales valeurs véhiculées pendant ce temps?

f. Quels étaient les menus du temps des Fêtes?

g. Est-ce que toute la famille immédiate se rassemble?

i. La parenté? Des deux côtés? Plus du côté de la mère, du père? Pourquoi?

h. Quels sont les rôles des femmes lors de la préparation des festivités? Celui des hommes?

i. Quel a été l’apport de chacun depuis la mise en ménage : pratiques provenant de l’une et

l’autre famille. Était-elles les mêmes? Étaient-elles différentes? Quels changements et

adaptations ont été apportés?

i. Pouvez-vous rattacher des émotions, des sentiments vis-à-vis ces changements?

j. Croyez-vous avoir réinventé certaines traditions, certaines pratiques? Lesquelles, en

quoi? Pourquoi?

Bloc 5 – cycle relié aux saisons

a. Outre le temps des Fêtes, quelles autres fêtes vous sont des plus importantes?

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192

b. Parlez-moi de ces fêtes.

c. Quelles sont les traditions et les pratiques principales?

d. Quelles sont les valeurs qui sont véhiculées pendant ces fêtes?

Est-ce que toute votre famille immédiate est réunie à chacune de ces occasions? Pourquoi? La famille des

deux côtés? Plus du côté de la mère? Plus du côté du père?

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193

ANNEXE 3 : Tableau récapitulatif des données techniques d’enquête

Date et durée des entrevues :

o Jeanne et Gérard : le 16 août 2011

Durée : plus de 2 heures

o Isabelle : le 18 août 2011

Durée : 1 heure et demie

o André : le 25 août 2011

Durée : 1 heure

o Émilie : le 7 septembre 2011

Durée : 45 minutes

o Brian : le 10 septembre 2011

Durée : 1 heure

o Thérèse : le 22 octobre 2011

Durée : 45 minutes

o Alain : le 23 octobre 2011

Durée : 45 minutes

o Christine : le 23 octobre 2011

Durée 1 heure et demie

o Scott : le 10 octobre 2011

Durée : 45 minutes

o Valérie : le 10 octobre 2011

Durée : 1 heure et demie

Utilisation de pseudonymes : Le choix de ces pseudonymes veut respecter le caractère

francophone ou anglophone des prénoms des informateurs. Des recherches sur les prénoms

populaires à l’époque de la naissance des informateurs ont été faites. Les prénoms les plus

populaires ont été retenus et utilisés en tant que pseudonymes pour les informateurs.

Transcription : Chaque entrevue a été transcrite mot pour mot.

Respect du langage familier lors de la transcription: Le langage familier des

informateurs a été respecté. (expressions, vocabulaire populaire et vernaculaire) ainsi que

la syntaxe de leur discours.

Respect de l’utilisation des mots anglophones dans les entrevues auprès des

Francophones : L’utilisation des mots anglophones par les informateurs francophones a

été respectée. Une explication du mot anglophone utilisé (et de son contexte le cas

échéant) est fourni en notes de bas de page.

Interventions sur l'orthographe : La transcription phonétique a été évitée. Ainsi, les

informations ont été pour la plupart transcrites en suivant les règles d’orthographe.

Entrevues auprès des informateurs anglophones :

o Brian : En raison de son éducation en immersion française, Brian peut communiquer

en français. Les questions de l’entrevue lui ont alors été posées en français. Nous

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194

nous sommes entendus que Brian allait répondre en anglais, en raison de la facilité

d’expression et du transfert d’informations. Pour la transcription de l’entrevue, j’ai

opté de le faire dans la langue de communication de l’informateur afin de ne pas

interpréter les propos.

o Scott : Parce que Scott est Anglophone, les questions d’entrevues lui ont été posées

en anglais. Pour la transcription de l’entrevue de Scott, la même méthode que celle

de Brian est utilisée.

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195

ANNEXE 4 : Fiche signalétique

Pratiques culturelles traditionnelles

Jean Du Berger

Partie A : pratiques reliées au temps (110000)

(111000) pratiques coutumières du cycle de la vie individuelle

(111100) pratiques coutumières de l’enfance

(111110) naissance

(111112) Grossesse

(111115) Relevailles

(111116) Baptême

(111140) milieu scolaire

(111210) pratiques coutumières du couple – Famille et parenté

(111220) Mariage

(111221) fréquentations (rencontre et fréquentations)

(111221) Demande en mariage

(111222) Préparation du mariage

(111224) enterrement de vie de garçon

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196

(111225) fiançailles

(111226) Cérémonies du mariage

(111227) Noces

(111230) entrée en ménage

(111240) Vie matrimoniale : partage des tâches (1- avant enfants, 2- avec

enfants)

(111250) éducation des enfants

Partie B : Pratiques du cycle annuel (112000)

(112400) Alternance des travaux et des fêtes fixes et mobiles

Cycle de l’hiver

(112410) Avent

(112411) Le temps des Fêtes

(112412) Noël

(112414) Jour de l’An

(112419) La Saint-Valentin

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197

Cycle du printemps

(112425) Cycle de Pâques

Cycle de l’automne

(112441) Halloween

(120000) pratiques coutumières de groupe

(124000) Vie quotidienne

(124002) Activités quotidiennes en général

(124003) Tâches domestiques quotidiennes

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198

ANNEXE 5 : Tableau des pratiques et orientations familiales

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 1 :

Pratiques

coutumières

de la vie

adulte

Génération A

Fréquentations Encadrement

religieux

Trousseau Confection d’un

trousseau

-Préparation à la

mise en ménage

-Valorisation du

rôle de la

femme au sein

du foyer

Appréciation de

la confection du

coffre et du don

d’items

Fiançailles Demande de la

main en

mariage et

symbolisme de

la bague

« on est avancé »

(le couple

approche le

mariage qui est

un changement

de statut)

Respect de

l’autorité

paternelle

Célébrations

prénuptiales

Planification

du mariage

Mariage

conventionnel

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des parents

dans la

planification et

préparation

Mariage Mariage

conventionnel

-Mariage

religieux

-Le curé

mandatait toute

préparation

ainsi que le

déroulement

Importance de

continuation de

la tradition

familiale

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

-Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de

la conformité

aux règles

-Importance du

mariage dans la

paroisse et

l’église

d’appartenance

-Importance de

l’acte du

Page 211: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

199

mariage lui-

même : le

mariage une

seule fois

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Réception Festivités suite

à la célébration

du mariage

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

-Cadeau d’une

chaise berçante

(achetée chez

Dupuis Frères)

offerte par un

grand-père

-Dupuis Frères :

importance des

services offerts

aux Canadiens-

français

Entrée en

ménage et vie

quotidienne

-division des

tâches et

valorisation de

l’exécution de

celles-ci

(homme=gagne-

pain,

femme=bien-

être de la

famille)

-Importance de

l’institution de

la famille

-structure des

rôles selon les

sexes

-Vocation de la

femme : a)

valorisation de

son rôle au sein

de la famille

(transmission

des pratiques)

b) rôle affectif

auprès des

enfants

-Importance

sociale de la vie

familiale

-Pas de

cohabitation

avant le mariage

-importance

accordée envers

souvenirs

d’enfance créés

par la famille

Éducation des

enfants

Enseignement

de la langue et

de la culture

Enseignement

de la religion

-Enfants doivent

connaître la

base agricole

- Importance de

travailler

vigoureusement,

efficacement et

intelligemment

sur la ferme

-Importance de

l’institution

familiale

Débat pour

l’obtention d’une

école secondaire

de langue

française

-Fierté d’avoir

obtenu une

école de langue

française que

leurs enfants

pouvaient

fréquenter

-Importance de

travailler

vigoureusement,

efficacement et

intelligemment

applicable au

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200

quotidien

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération B

Fréquentations Qualités du

partenaire

pendant les

fréquentations et

moments

agréables

Trousseau Confection d’un

trousseau

-Préparation à la

mise en ménage

-Valorisation du

rôle de la

femme au sein

du foyer

Appréciation de

la confection du

coffre et du don

d’items

Fiançailles Demande de la

main en

mariage et

symbolisme de

la bague

« On allait

partager notre vie

ensemble puis on

était pour devenir

un couple »

Respect de

l’autorité

paternelle et

symbolisme de

la bague : « le

jonc c’est un

cercle… il n’y

aura jamais de

fin…le mariage

c’est pour la

vie »

Célébrations

prénuptiales

Planification

du mariage

Mariage

conventionnel

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des parents

dans la

planification et

préparation

Mariage Mariage

conventionnel

Mariage

religieux

Importance de

continuation de

la tradition

familiale

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

-Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de

la conformité

aux règles

-Importance du

mariage dans la

paroisse et

l’église de la

conjointe

-Importance des

Page 213: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

201

vœux et des

promesses ex :

fidélité

-Importance de

l’acte du

mariage lui-

même : le

mariage une

seule fois

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Réception - Festivités suite

à la célébration

du mariage

-Importance de

la pratique des

dragées (petits

gâteaux) afin

que les filles

célibataires

puissent avoir

un mariage

aussi féerique

-Importance de

la pratique de la

jarretière, du

décor de la

voiture des

mariés

-Importance de

la lune de miel

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

(importance

d’être entouré de

la famille et amis)

-Importance

d’être entouré

des amis, qui

sont aussi

comme des

membres de la

famille

-Importance de

ressentir le

bonheur des

autres

Entrée en

ménage

Appartement à

côté des parents

d’André. André

aide à ses

parents.

-Pas de

cohabitation

avant le mariage

-Importance

pour André

d’aider à ses

parents.

Éducation des

enfants

Enseignement

de la langue et

de la culture

Enseignement

de la religion

-Importance de

l’institution

familiale

-Appréciation

du temps passé

en famille

Enfants doivent

avoir une bonne

éducation pour

décrocher un bon

emploi

Importance du

respect, du

respect envers

les adultes, de

l’honnêteté et du

travail

Famille 1 Pratiques Pratiques Pratiques Pratiques Expressions

Page 214: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

202

relatives aux

rites de

passage

relatives à

l’appartenance

religieuse

relatives au

quotidien

relatives à la

sociabilité

affectives

Génération C

Fréquentations

Qualités du

partenaire

pendant les

fréquentations

Trousseau Confection d’un

trousseau

-Préparation au

départ pour les

études

-Valorisation du

rôle de la

femme au sein

du foyer

Appréciation de

la confection du

coffre et du don

d’items

Fiançailles Symbolisme de

la bague

«marriage is just

around the

corner »

(changement de

statut social)

Respect de

l’autorité

paternelle et

symbolisme de

la bague : passé,

présent, futur du

couple

Célébrations

prénuptiales

Shower de

mariage et

enterrement de

vie de

célibataire

Shower de

mariage et

enterrement de

vie de

célibataire

important pour

consolidation

des liens entre

femmes

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Reconnaissance

pour

l’organisation

des cérémonies

et

reconnaissance

de la générosité

des participantes

Planification

du mariage

Mariage

conventionnel

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des parents

dans la

planification et

préparation

Mariage Mariage

conventionnel

-Mariage

religieux

-Respect des

confessions

religieuses

Importance de

continuation de

la tradition

familiale

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de

la conformité

aux règles

-Importance du

mariage dans la

paroisse et

l’église de la

conjointe

Page 215: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

203

-Symbiose des

confessions

religieuses :

reflet de la vie

de mariage; vie

dans l’équilibre

et la fraternité

quant aux

pratiques et aux

coutumes

-Valeurs du

couple

représentées à

travers textes

bibliques

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Réception Festivités suite

à la célébration

du mariage

Rassemblements:

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

- changement de

statut

« changement de

vie »

-Importance

d’être entouré

par les invités

-importance de

chérir les

moments passés

en famille et le

partage du

bonheur

-Importance de

parler aux

invités

et de les

remercier

- Autonomie, la

sécurité et la

réussite,

l’indépendance

qu’entraine le

mariage

Entrée en

ménage

Éducation des

enfants

Selon la culture,

choix de la

pratique d’une

certaine

coutume en

raison des

valeurs qui en

-Parler la langue

française =

tradition

familiale

-Importance de

l’institution

familiale

Bilinguisme est

un avantage

social pour leurs

enfants

Page 216: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

204

découlent

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 2 :

Pratiques

coutumières

de la vie

individuelle

Génération A

Grossesse et

naissance

Relevailles chez

la mère de

Jeanne

Relevailles :

aide entre mère

et fille

Baptême Importance du

baptême

catholique

Accueil dans la

famille des

Chrétiens

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Bébé porte le

nom de la

religieuse qui

aida lors de

l’accouchement

Génération B

Grossesse et

naissance

Médaille

religieuse pour

protéger le bébé

Attente de

l’arrivée du

nouveau-né le

jour de

l’anniversaire de

naissance

d’André

Baptême Importance du

baptême

catholique

Baptême :

Accueil dans la

famille des

Chrétiens

Nom : bébé

doit porter un

nom religieux

Cadeaux

religieux offerts

après la

cérémonie du

baptême par les

membres de la

famille

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Génération C

Grossesse et

naissance

-Shower de

naissance

-mère et belle

mère aident

avec relevailles

Relevailles :

aide entre mère

et fille

-aide entre

belle-mère et

bru

-Shower de

naissance =

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Baptême

Baptême dans

une église

catholique

francophone

Accueil dans la

famille des

Chrétiens

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

Choix de garder

la même langue

avec la même

religion

Page 217: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

205

la cohésion

sociale

(catholique-

francophone /

protestant-

anglophone)

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 3 :

Pratiques

coutumières

de la vie

domestique

Génération A

Vie

domestique et

partage des

tâches

La femme reste

au foyer,

l’homme va

travailler

Religion dans

le quotidien est

importante

(exemple :

crucifix dans le

foyer)

Délices

gustatifs : petits

bonheurs et

moments

d’allégresse

-Valorisation du

rôle de la femme

au foyer

-Valorisation du

rôle de l’homme

comme gagne-

pain

Ont peu mais

sont heureux

Génération B

Vie

domestique et

partage des

tâches

La femme reste

au foyer,

l’homme va

travailler

Religion dans

le quotidien est

importante

-Valorisation du

rôle de la femme

au foyer

-Valorisation du

rôle de l’homme

comme gagne-

pain

L’homme est

présent dans

plusieurs aspects

de la vie

familiale

Génération C

Vie

domestique et

partage des

tâches

La femme et

l’homme

gardent

plusieurs des

tâches

traditionnelles

en raison de la

familiarité

L’homme et la

femme sont sur

le marché du

travail

Valorisation des

rôles des sexes :

partage des

tâches

domestiques en

raison de la

participation des

deux sexes sur le

marché du travail

Bloc 4 :

Pratiques

coutumières

du cycle

saisonnier

Page 218: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

206

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération A

Temps des

Fêtes

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

-Importance des

pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

-Temps de

réjouissance,

bonheur, rires,

joies

-accueil

chaleureux des

voisins pendant

les guignolées

Importance des

rassemblements

Noël

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

Importance de

la célébration

religieuse

(naissance de

l’Enfant Jésus)

Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

Temps de

rassemblements

Réjouissance et

gratitude même

envers le peu de

cadeaux

Autres fêtes

Pâques -importance des

pratiques

religieuses

Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Génération B

Temps des

Fêtes

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

Messe de

minuit

-Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

-Importance des

pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

-Importance que

les générations

suivantes

connaissent les

traditions

-Importance

d’être entouré

des gens aimés

Noël

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

Importance de

la célébration

religieuse

(naissance de

l’Enfant Jésus)

-importance de

la crèche

Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Importance de

recueillir des

dons pour les

plus démunis à

travers de la

paroisse

Autres fêtes

Pâques, Saint-

Valentin,

Halloween, Fête

Importance des

pratiques

religieuses

Importance

d’être entouré

des membres de

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

-importance de

pratiquer les

coutumes

Page 219: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

207

des mères la famille renforcement de

la cohésion

sociale

traditionnelles

avec les enfants

et les

transmettre à la

prochaine

génération

-importance de

pratiquer

certaines fêtes

par intérêt des

enfants

Famille 1

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenance

religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération C

Temps des

Fêtes

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

-Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

-Importance des

pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Importance des

rassemblements

de la famille

Noël

Importance des

traditions et des

pratiques

culturelles

-Importance des

traditions

familiales

-Importance

d’être entouré

des membres de

la famille.

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Autres fêtes

Saint-Valentin,

Pâques,

Halloween,

Sainte-

Catherine,

action de

Grâces, Saint-

Patrick

Importance

d’être entouré

des membres de

la famille

Rassemblements :

Consolidation des

liens et

renforcement de

la cohésion

sociale

Importance de

continuer de

pratiquer les

coutumes de

leur jeunesse

Page 220: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

208

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 1 :

Pratiques

coutumières

de la vie adulte

Génération A

Fréquentations

Trousseau Confection

d’un

trousseau

-Préparation à

la mise en

ménage

-Valorisation

du rôle de la

femme au

sein du foyer

Appréciation du

don d’items

Fiançailles

Demande de

la main en

mariage et

symbolisme

de la bague

Célébrations

prénuptiales

Planification du

mariage

Mariage

conventionnel

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des

parents dans

la

planification

et préparation

Mariage Mariage

conventionnel

Mariage

religieux

-Importance

de

continuation

de la tradition

familiale

- Importance

de la présence

de la famille

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

-Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de la

conformité aux

règles

- Reconnaissance

du rôle de la

mémoire dans la

révélation des

manifestations

Réception Festivités

suite à la

célébration du

mariage

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

Importance des

célébrations à

travers les

décorations

spéciales

Page 221: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

209

de la

cohésion

sociale

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Entrée en ménage Pas de cohabitation

avant le mariage

Éducation des enfants Importance de

l’institution

familiale

Importance de la

sincérité, de la

politesse, du

respect et de ne pas

hésiter de se confier

à sa mère

Génération B

Fréquentations

Moments agréables

pendant les

fréquentations

Trousseau Confection

d’un petit

trousseau

-Préparation à

la mise en

ménage

-Valorisation

du rôle de la

femme au

sein du foyer

Fiançailles Symbolisme

de la bague

« c’était une

autre étape

dans notre

vie » (1ère

mention)

Célébrations

prénuptiales

Shower de

mariage

Shower de

mariage

important

pour

consolidation

des liens entre

femmes

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Reconnaissance

pour l’organisation

de la cérémonie et

reconnaissance de

la générosité des

participantes

Planification du

mariage

Mariage

conventionnel

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des

parents dans

la

planification

et préparation

Page 222: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

210

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Mariage Mariage

conventionnel

Mariage

religieux

Importance de

continuation

de la tradition

familiale

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

-c’était une

autre étape (2

ième mention)

-Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de la

conformité aux

règles

-Souvenir du geste

de grand-

mère (mettre la

jarretière): respect

des prédécesseurs

-Importance de la

promesse

Réception Festivités

suite à la

célébration du

mariage

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

(invitations

lancée à la

communauté)

-Importance

émotionnelle des

traditions (la

première danse des

nouveaux-mariés,

la danse des parents

du couple…)

-Importance d’être

entouré des

membres de la

famille et amis et

de ressentir leur

bonheur

Entrée en ménage Pas de cohabitation

avant le mariage

Éducation des enfants Enseignement

de la langue

et de la

culture

Enseignement

de la religion

Importance de

l’institution

familiale

-Importance de

l’amour, de l’amour

pour la famille et

du bonheur

-Importance de la

détermination, du

sens de

l’accomplissement

et de

l’épanouissement

Page 223: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

211

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération C

Fréquentations

Trousseau

Fiançailles

Symbolisme

de la bague

« entente

qu’on était

pour se

fiancer parce

que je ne

voulais pas

vivre avec

quelqu’un

juste pour

vivre avec

quelqu’un »

(donc

accéder à un

statut)

Célébrations

prénuptiales

Shower de

mariage et

enterrement

de vie de

célibataire

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Reconnaissance

pour l’organisation

des cérémonies et

reconnaissance de

la générosité des

participantes

Planification du

mariage

Mariage

conventionnel

(en partie)

Rencontres

avec curé et

validation des

valeurs

religieuses et

matrimoniales

Aide des

parents dans

la

planification

et préparation

Mariage Mariage

conventionnel

(en partie)

Mariage

religieux

Importance de

continuation

de la tradition

familiale

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

-Importance

morale,

sentimentale et

émotionnelle de la

conformité aux

règles

-Importance du

mariage dans

l’église où d’autres

membres de la

famille se marièrent

-Importance des

vœux

Page 224: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

212

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Réception

Festivités

suite à la

célébration du

mariage

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Importance d’être

entouré de la

famille et des amis

Importance de

parler aux invités et

de les remercier

Entrée en ménage Appartement

à côté des

parents

d’Scott. Scott

aide à ses

parents.

Importance pour

Scott d’aider à ses

parents.

Éducation des enfants Enseignement

de la langue

et de la

culture

Enseignement

de la religion

Importance de

l’institution

familiale

Importance de la

politesse, du

respect, du partage,

des règles de

courtoisie, de

l’amour pour la

famille

Bloc 2 :

Pratiques

coutumières

de la vie individuelle

Génération A

Grossesse et

naissance

-Shower de

naissance

-Cousine aide

avec les

relevailles

Relevailles :

aide entre

cousines

Shower de

naissance =

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Baptême

Importance

du baptême

catholique

Accueil dans

la famille des

Chrétiens

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Page 225: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

213

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération B

Grossesse et

naissance

-Shower de

naissance

-sœur aide

avec

relevailles

Relevailles :

aide entre

sœurs

Shower de

naissance =

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Baptême Importance

du baptême

catholique

Accueil dans

la famille des

Chrétiens

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Génération C

Naissance et

relevailles

-Shower de

naissance

-mère et

belle-mère

aident avec

relevailles

Relevailles :

aide entre

mère et belle-

mère

-Shower de

naissance =

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Baptême

Importance

du baptême

catholique

Accueil dans

la famille des

Chrétiens

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Les enfants doivent

être de la même

confession que les

parents

Page 226: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

214

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 3 :

Pratiques

coutumières

de la vie domestique

Génération A

Vie domestique et

partage des tâches

La femme

reste au foyer,

l’homme va

travailler

-Valorisation

du rôle de la

femme au

foyer

-Valorisation

du rôle de

l’homme

comme

gagne-pain

Génération B

Vie domestique et

partage des tâches

-La femme

reste au foyer,

l’homme va

travailler

-La femme

fait son entrée

sur le marché

du travail

-Valorisation

du rôle de la

femme au

foyer

-Valorisation

du rôle de

l’homme

comme

gagne-pain

-Entrée de la

femme sur le

marché du

travail

-L’homme est

présent dans

plusieurs aspects de

la vie familiale

-Reconnaissance de

la participation de

la femme à la

situation financière

Génération C

Vie domestique et

partage des tâches

La femme et

l’homme

gardent

plusieurs des

tâches

traditionnelles

en raison de

la familiarité

L’homme et

la femme sont

sur le marché

du travail

-Valorisation

des rôles des

sexes :

partage des

tâches

domestiques

en raison de

la

participation

des deux

sexes sur le

marché du

travail

L’homme prend

charge de la

cuisson

Page 227: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

215

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Bloc 4 :

Pratiques

coutumières

du cycle saisonnier

Génération A

Temps des Fêtes

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

-Importance

d’être entouré

des membres

de la famille

(précision sur

les

rassemblemen

ts du

réveillon)

-Importance

des pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Noël

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

-Importance

des pratiques

culinaires

familiales

-Importance

d’être entouré

des membres

de la famille

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Manifestatio

n de bonheur

et de joie, à

travers les

vœux offerts

-Quelques cadeaux

suffisent pour être

heureux

Autres fêtes

Pâques, Mois

de Marie,

Saint-Jean-

Baptiste

Importance

d’être entouré

des membres

de la famille à

Pâques

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Page 228: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

216

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Génération B

Temps des Fêtes

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

-Importance

d’être entouré

des membres

de la famille

-Importance

des pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Noël

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

Importance

d’être entouré

des membres

de la famille

(précisions

sur les

rassemblemen

ts de la veille

de Noël)

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

-Importance de voir

les gens heureux

-importance de se

retrouver en famille

la veille

-Importance de

partager le temps

avec enfant

Autres fêtes

action de

Grâces,

Pâques et

anniversaires

Importance

d’être entouré

des membres

de la famille.

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Génération C

Temps des Fêtes

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

-Importance

d’être entouré

des membres

de la famille

-Importance

des pratiques

traditionnelles

familiales

rattachée aux

souvenirs

d’enfance

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Page 229: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

217

Famille 2

Pratiques

relatives aux

rites de

passage

Pratiques

relatives à

l’appartenan

ce religieuse

Pratiques

relatives au

quotidien

Pratiques

relatives à la

sociabilité

Expressions

affectives

Noël

Importance

des traditions

et des

pratiques

culturelles

-Importance

de partager le

temps entre

les deux

familles

- Importance

d’être entouré

des membres

de la famille.

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

-Pratiques raffinées

– rites (clé, lait,

biscuits pour Père

Noël) = importance

de créer des

souvenirs

-Intérêts des

membres

demeurent

prioritaires

Autres fêtes

Pâques,

action de

Grâces, Saint-

Valentin,

Saint-Patrick,

anniversaires

Importance

d’être entouré

des membres

de la famille.

Rassemblem

ents :

Consolidatio

n des liens et

renforcement

de la

cohésion

sociale

Page 230: LES VALEURS TRADITIONNELLES CANADIENNES ......iii RÉSUMÉ Pour étudier les valeurs traditionnelles canadiennes-françaises dans les pratiques familiales des Franco-Ontariens du Nord-Est

218

ANNEXE 6 : Tableau des familles699

699

Tableaux créés à partir de Smart Art, Microsoft Office Word 2007

Famille 1 Gérard et Jeanne (Famille 1,

Génération A : F1GA)

-Canadiens-français

-nés dans les années 1930

-mariés dans les années 1950

-habitent en campagne (fermiers)

-parents de 6 enfants

-parents d'Isabelle (ainée)

Isabelle et André (Famille 1, Génération B : F1GB)

-Canadiens-français / Franco-Ontariens

-nés dans les années 1950

-mariés dans les années 1970

-Isabellle habitait la campagne dans sa jeunesse

-habitent en ville

-parents de 3 enfants

-parents d'Émilie (fille cadette)

Émilie et Scott (Famille 1, Généraion C : F1GC)

-Émilie est Franco-Ontarienne

-Scott est Anglophone et protestant

-couple en ménage mixte

-nés dans les années 1970

-mariés dans les années 2000

-habitent en ville

-parents de 2 enfants

-leurs enfants fréquentent une école francophone

Famille 2 Thérèse et Jacques (Famille 2,

Génération A : F2GA)

-Canadiens-français

-Thérèse est née au Québec et déménage en Ontario durant son

adolescence (elle a vécu en Ontario la majorité de sa vie)

-nés dans les années 1930

-mariés dans les années 1950

-habitèrent la campagne pendant leur jeunesse et en ville par la suite

-parents de 5 enfants

-parents d'Alain (fils ainé)

Christine et Alain (Famille 2, Génération B : F2GB)

- Candiens-français /Franco-Ontariens

-nés dans les années 1950

-mariés dans les années 1970

-habitent la ville

-parent s de 2 enfants

-parents de Valérie

Valérie et Brian (Famille 2, Génération C : F2GC)

- Valérie est Franco-Ontarienne

-Brian est Anglophone

-couple en ménage mixte

-nés dans les années 1970

-mariés dans les années 2000

-habitent en ville

-parents de 2 enfants

-leurs enfants fréquentent une école francophone