les tribulations d'un photographe

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les tribulations d’un photographe 30 janvier-3 février 09 Sur les routes du 12e Rallye Historique de Monte-Carlo Edition 8 €

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Sur les routes du 12ème rallye historique de Monte-carlo

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lestribulationsd’un photographe30 janvier-3 février 09Sur les routes du 12e Rallye Historique de Monte-Carlo

Edition 8 €

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lestribulationsd’un photographe30 janvier-3 février 09Sur les routes du 12e Rallye Historique de Monte-Carlo

A tous les passionnés de photographie et de sport automobile

Février 2009

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Préambule

Depuis 2006, je couvre le rallye historique de Monte-Carlo. J’ai choisi de le faire sous un angle particulier puisque je pars avec les concurrents. Je les suis lors du parcours de concentration puis sur les épreuves de régularité (ZR) et évidemment je les photographie. Je prends aussi des notes pour écrire mes reportages. L’exercice est moins simple qu’il n’y paraît puisque je pars d’un point de passage avec le dernier concurrent qui s’élance et j’essaye d’être au point de contrôle suivant avant le premier concurrent. Quand il y a peu de concurrents au départ, comme ce fut le cas à Oslo en 2007, avec 19 concurrents, l’exercice est relativement simple. Quand il y en a 127 au départ, comme cette année à Reims, c’est déjà presque mission impossible puisque les concurrents s’élançant de minute en minute, c’est 127 minutes qu’il faut rattraper. En général, les routes étant hivernales, glace, neige et brouillard rendent l’exercice parfois fort périlleux.Sur les parcours de classement, ce sont les journées qui sont à rallonge puisque partir le matin avant le premier et arriver le soir avec le dernier impose des journées de plus de 15 heures de travail, le tout sur des routes qui sont toujours des départementales, voire parfois même des routes forestières.

Le kilométrage effectué est aussi élevé : parti en 2007 avec les concurrents d’Oslo, j’ai accompli 3550 km avec les concurrents scandinaves, plus 2882 km de parcours de liaison au départ de mon domicile, soit 6432 km en 11 jours exactement, dont seulement 1500 km n’ont pas été effectués dans des conditions hivernales. Dans de telles conditions, l’exercice est aussi éprouvant pour l’homme que pour l’auto. C’est ce que raconte le présent propos. J’ai choisi de le faire car peu de photographes racontent l’envers du décor. François Beau l’a fait pour sa couverture du rallye Paris-Dakar 1982. Didier Lefévre l’a fait en 2003 sous forme de bandes dessinées et de photos entrelacées pour ses voyages en Afghanistan. Le reporter James Natchwey est peut-être celui qui s’est le plus penché sur son métier. Il a écrit en 1985 un texte sur le sens de son travail de photographe de guerre : «Pourquoi photographier la guerre?». Le réalisateur suisse Christian Frei l’a suivi pendant deux ans sur les champs de bataille d’Indonésie, du Kosovo et de la Palestine signant un film spectaculaire, «War Photographer», nominé à l’Oscar du meilleur documentaire 2002, et diffusé sur Arte en 2004. Coups de cœur, angoisses, problèmes de lumière ou de cadrage, fatigue, relation avec les autres, usure des freins, soucis divers, … c’est comme ça que cela se passe pour obtenir les photos que vous retrouvez dans vos diverses sources d’information. Et si la photo est parfois belle, son obtention est souvent laborieuse.

Beaucoup de personnes me demandent quel intérêt il peut y avoir à suivre les concurrents sur le parcours routier entre les ZR. La réponse est la suivante : ce rallye est réellement une épreuve humaine et mécanique (les autos ont entre 25 et 55 ans). La longueur de l’épreuve et la fatigue qui en découle font qu’il se passe toujours quelque chose quelque part. La quasi-totalité des photographes n’est présent que dans les ZR. Or les assistances, l’accueil du public (fort important) et les incidents se passent aussi entre les ZR. Vivre aux côtés des concurrents, c’est aussi une façon de tisser des liens avec eux. Il n’y a pas de photo pour le montrer mais quand nous sommes partis d’Oslo en 2007, les concur-

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rents scandinaves ne croyaient pas quand nous disions que nous allions les suivre. Person-ne ne l’avait jamais fait*. A Trollhattan, 260 km plus au sud en Suède, ils ont commencé à nous croire. Plusieurs centaines de kilomètres plus tard, sur le ferry qui nous menait au Danemark, tous étaient déjà devenus plus que des copains. Pour capter une ambiance, recueillir des confidences, saisir des émotions, la recette avait été trouvée ! Maintenant, il est vrai que le faire de cette façon, c’est réellement très fatiguant, voire éprouvant. Cédric Marcadier, Thierry Martin et Arnaud Fougères qui m’ont accompagné en 2007 et 2008 peuvent en attester. Le premier nommé est pourtant déjà repartant pour l’éditon 2010.

En 2006, je suis donc parti pour la première fois de Reims. En 2007, j’avais choisi Oslo en Norvège. Pour l’occasion, deux autres photographes m’avaient accompagné. J’avais appris de l’édition 2006 que couvrir de cette façon et seul l’évènement était quasi impos-sible. En 2008, je m’élançais de Copenhague avec les concurrents scandinaves et toujours en compagnie d’un autre photographe. Enseignement tiré des deux reportages précédents : j’avais choisi de reconnaître une partie du parcours des épreuves de classement afin de préparer les prises de vues. En 2009, il était prévu que je m’élance de Turin ou d’Oslo, toujours avec des reconnais-sances préalables, mais des évènements familiaux contraires ont mis à mal le projet et je suis finalement parti, seul, de Reims, … à peine remis d’une bronchite asthmatique et vic-time d’une gastroentérite. Je savais que l’exercice allait être compliqué : j’ai été servi !

Thierry Birrer - 02/2009

* Sauf erreur, pour trouver une équipe journalistique au départ d’un ville-départ de ce rallye, il semble qu’il faille remonter en 1973 quand l’Auto-Journal avait choisi d’envoyer deux reporters pour suivre les Porsche officielles au départ de Varsovie et deux autres pour suivre la course des berlinettes Alpine au départ de Marrakech.

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Je pars de chez moi à 06h35, direction Reims à une soixantaine de kilomètres. Les pre-miers contrôles débutent à 08h00 mais j’ai préféré prendre de l’avance. La vitesse est limitée, il y a pas mal de trafic entrant dans Reims le matin et j’ai horreur d’arriver pile à l’heure pour mes reportages. Victime d’une gastroentérite tenace depuis la veille, j’évite aussi soigneusement de prendre de la vitesse ou d’être trop talonné pour pouvoir m’ar-rêter de façon inopinée. Il gèle avec -3,5° au thermomètre. Aucune neige n’est annoncée aux informations météo ... à mon grand regret. J’arrive au Parc des Expositions à 07h50, gigantesque bâtiment moderne, vide et froid. J’ai de plus en plus mal au ventre et presque difficulté à tenir debout. Cela promet puisque les contrôles techniques se déroulent jusqu’à 16h00.Les contrôles techniques ne sont pas ce qui se fait mieux question arrière-plan. Difficile d’être créatif ! D’emblée les ennuis techniques commencent avec mon plus récent flash Canon 580 EX II qui refuse de fonctionner dès 08h10. Si je n’ai plus qu’un flash pour travailler quatre jours durant, il va falloir croiser les doigts!Mon fils Thomas m’a adressé un SMS : « Bonne chance ». A priori ce n’est pas encore la matinée à la chance avec ce flash récalcitrant. Encore une fois se vérifie la précaution élémentaire de tout avoir en double.

A 09h00, je récupère mon accréditation officielle de l’ACM avec la plaque pour l’auto, bleue sombre cette année. J’avais reçu une demi-heure avant une accréditation made by Reims, par la mairie. Je me demande à quoi peut bien servir ce dernier sésame dans la mesure où la halle est ouverte au grand public et que, là où va le public vont les journa-listes. C’est d’ailleurs marrant comme les correspondants locaux arborent fièrement leur petit badge rémois alors que je prends un soin particulier à ne pas laisser pendre ma carte de l’ACM, d’autant qu’un morceau de carton qui pend, c’est la possibilité d’être embêté quand il faut saisir l’appareil photo, voire la possibilité de le perdre s’il s’accroche quel-que part.J’aimerai bien avoir une photo d’un gamin avec un petit compact en train de photogra-phier une Mini. Il y en a plusieurs au départ de Reims, ça multiplie les chances.

A 10h00, je possède quelques photos qui me semblent correctes mais un mal de ventre tenace altère mes capacités à être serein. A ce rythme, je vais avoir un record : celui de la plus grande fréquentation des uniques toilettes du hall ! Par contre, pour la photo du gamin et de la Mini, c’est chou blanc : il n’y a que des adultes le matin, et pour cause puisque les enfants sont à l’école. Je croise une tête connue, un mécanicien du Gravity Racing International. Il assiste la voiture de Loris de Sordi, le boss de GRI que je croise souvent en Belgian GT où le team engage des Mosler. Il roule sur une Opel Kadett GTE, une auto achetée à Turin mais pas au top aux dires du mécano. Ce seront les seules têtes connues que je croiserai dans la journée, avec Marc Duez et Jean-Pierre Van de Vauwer, deux autres pilotes belges qui ont couru en Belgian Touring Car Series.

A 11h00, je vais m’asseoir un peu dans l’auto. J’ai trop mal au ventre et mes jambes ne me portent plus. J’essaye d’avaler deux tranches de pain d’épices. La voiture est stationnée en plein soleil : cela me réchauffe un peu car il fait -5° dehors. J’ai vérifié mes photos.

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Vendredi 30 janvier - Premier jour

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Je ne le sais pas encore mais cette splendide Lancia Stratos abandonnera à la fin du parcours de concentra-tion. Elle n’apparaîtra donc pas sur les photos diffusées lors de cette 12ème édition du rallye.

EOS 350D - f4.5 - 1/60e - ISO 400 - Canon 50-200 à 149 mm - priorité vitesse

Lors d’un contrôle technique, on voit toujours les mêmes photos. La structure du lieu, avec beaucoup de reflets liés à des verrières au plafond, ne permettaient d’obte-nir de «belles» photos d’ensemble. J’ai donc recherché des détails pour illustrer cette journée. Pour ce faire, je n’hésite pas à m’accroupir, m’allonger ou grimper pour changer de point de vue. C’est ainsi que j’ai vu cette vision des phares de cette Stratos que j’ai cadrée au té-léobjectif pour flouter les phares des voitures de part et d’autre de la Lancia.

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J’en ai gardé une petite centaine dont une dizaine pourront aller dans le portfolio. Je n’ai pas perdu ma matinée heureusement.A midi cinq, je repars au boulot. Le soleil m’a requinqué mais la gastro est tenace. L’astre est bien haut dans le ciel mais dans la halle qui abrite les opérations de l’Automobile Club de Monaco (ACM), le soleil –qui passe par les vasistas–, crée un grand nombre de reflets perturbateurs sur les photos. J’avoue que je suis incapable de m’en sortir positivement. Plusieurs écoliers accompagnent les parents mais ce sont les parents qui ont les APN ! Impossible encore de cadrer un gamin avec une Mini.

Peu avant 14h00, je repasse par les toilettes avec des jambes qui ne me portent plus. Pour gagner du temps et de l’aisance dans les hôtels, tout mon matériel photo (voir page 64) a été placé dans un seul sac à dos et toutes mes autres affaires (vêtements de rechange, disque dur de sauvegarde et chargeurs de batterie) dans un seul sac. Avec deux flash, deux appareils, un 300 mm, un 70-300 et plusieurs autres objectifs, mon sac à dos est donc très très lourd.J’ai pu, à force de fouiner, trouver trois ou quatre autres cadrages intéressants. Je re-connais que je suis si exigeant que je finis par me compliquer la vie. Ce ne sont tout de même que des autos de course ! Je ne peux pas sortir 127 photos au top et différentes sous prétexte qu’il y a 127 concurrents au départ, d’autant que mon travail est essentiellement orienté « reportage ».

A 14h50, je retourne m’asseoir quelques minutes dans l’auto, au soleil, pour me reposer les jambes. Je me demande si c’est une si bonne idée que cela que d’avoir voulu ne pren-dre qu’un sac pour tout le matériel photo. Si je souffre déjà, qu’est ce que ça va être en ZR durant près de six heures, les pieds dans la neige ?

En prévision de la froideur nocturne, j’enfile une seconde paire de chaussettes. J’ai testé au début du mois de janvier, lors d’une marche par des températures jusqu’à -13,5°, que deux paires de chaussettes l’une sur l’autre m’avaient parfaitement protégé. J’applique l’enseignement avant que le froid ne se fasse réellement sentir. J’ai encore une ou deux photos que je trouve sympa. Je n’ai donc pas perdu ma journée.J’avale une autre tranche de pain d’épices pour éviter le coup de barre –une nuit blanche est programmée– et je bois beaucoup d’eau à cause de la gastroentérite.Je remarque que presque tous les concurrents ont chaussé des pneus neige ou cloutés. On n’annonce pourtant pas de neige aux bulletins météorologiques. Que dois-je faire ? Cette année, je suis parti avec quatre jantes chaussées de pneus neige de bonne qualité, des Gis-laved, et un cric hydraulique pour opérer un changement rapide. Je choisis d’attendre. Il me reste encore quatre bonnes heures pour changer d’avis.

14h40. Je tourne et retourne parmi les 127 autos parquées dans ce hall immense. Il y a beaucoup de monde. Autant qu’à midi. Impossible de faire des photos à moins de vouloir faire des photos de foule. Je traque désespérément un petit détail intéressant à shooter : une dédicace sur le capot de la Peugeot 504 Ti #117, une sangle en cuir sur le capot de la Jaguar XK140 #298 venue de Lituanie, un protège phare en plexiglas sur la Mini anglaise #328, un coffre un peu plus bondé que les autres sur la Triumph Spitfire #270, un petit geste de dernière minute sur la Porsche #224 … Je recherche aussi quelques reflets intéressants, mais là, rien de bien. Il y a des reflets, certes, mais de ces reflets de lumière qui gâchent toute photo.

On annonce qu’à partir de 15h30, les autos vont partir en convoi pour le centre-ville et le

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La seule photo où le soleil qui coule des vasistas puisse être d’une certaine utilité ...

EOS 350D - f7.1 - 1/200e - ISO 100 - Canon 50-200 à 70 mm - priorité vitesse

Dès 11h00, le soleil s’est infiltré dans le hall par les baies du plafond et a créé de larges raies de lumière, créant en permanence des zones de forte ombre striées d’une lumière crue. Placé dans l’ombre, cet homme vêtu de noir –sauf son écharpe blanche– était à l’écart. Il m’a paru intéressant de figer cet instant au moment où la porte était à demi levée. Baigné de lumière, l’extérieur aurait nécessité un traitement sous Photoshop pour dynamiser les couleurs et redonner de la présence aux barrières... mais je ne sais pas le faire.

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regroupement avant départ à la Mairie. Je juge qu’il n’y a rien de plus à tirer de cet en-droit sur le plan photographique et je décide de me rendre en ville afin de trouver un point intéressant pour photographier les autos. Car pour être passé en 2006 place de l’Hôtel de Ville, je sais qu’il n’y a rien de transcendant à faire lors du départ. Je m’enquiers de l’itinéraire emprunté. Mon interlocuteur m’indique le chemin officiel mais il ne connaît pas celui de remplacement en cas d’embouteillage. Je lui demande s’il y a un pont sur le chemin. La réponse est non. Je pars immédiatement pour avoir le temps de repérer les lieux. J’ai obtenu le nom d’un endroit, une place en centre-ville, la place Cérès.Impossible de trouver cette place sur un plan, et pour cause, elle n’existe pas. La police me renseigne. C’est la place Aristide Briand dont parlait mon interlocuteur. Place circu-laire avec un défaut majeur : elle n’est que partiellement éclairée par le soleil. L’opposi-tion ombre/lumière est particulièrement forte. Pas génial. Bon, il faut faire avec car je n’ai rien vu d’autre sur le parcours pour avoir une photo des voitures qui traversent la ville. Et comme le départ réel est donné à partir de 19h30, je ne peux rien espérer de bien joli quand la nuit sera tombée.

A 15h02, je suis donc en poste place Aristide Briand. Je ne suis pas satisfait, notamment des arrières plans … Cela ne va pas être simple de revenir avec un souvenir correct, à moins de reprendre le travail sous Photoshop car le ciel est d’un bleu estival.

Le temps passe. Déjà une demi-heure d’attente. Un autre photographe s’installe sur la place, avec un gilet à l’inscription bien voyante «Presse FFSA». Déjà que planté au mi-lieu de la place, j’ai l’impression que l’on ne passe pas franchement inaperçus, là, avec le gilet, ça claque encore plus. Je me vois mal porter ce genre de vêtement à cet endroit. Il vient s’enquérir si sa position me gène dans mes prises de vues. C’est sympathique comme démarche parce que c’est très rare. Je regrette trop souvent de voir débarquer des gars qui se plantent juste devant vous, bien souvent juste parce qu’ils ne font pas atten-tion. Nous discutons un peu.

16h01. L’horaire n’est pas très respecté. Il m’avait été dit que le premier convoi de 40 autos partirait à 15h20. En quarante minutes, le soleil s’est bien déplacé et l’endroit in-téressant est bien éclairé. Mais il faudrait que les concurrents arrivent vite car le soleil tourne très vite. Par contre le monument au centre de la place est en plein ombre. Il sera impossible de faire une photo correcte.A 16h20 arrivent les premiers concurrents. Ayant choisi un point de vue général de la place, je n’obtiens rien de bien en prenant les concurrents de face, d’autant que le motard qui ouvre la route se plante juste dans mon axe de visée. Pour le reste, c’est juste histoire de dire que j’ai gardé un souvenir du passage des premières autos sur cette place.Le soleil descend vite, le froid se fait sentir, je préfère enfiler dare-dare les gants. Pas facile alors d’écrire !

16h50. Je décide d’aller à l’Hôtel de Ville où sont parquées les autos. J’essaye de trouver un point en hauteur, toujours avec pour objectif d’avoir une vue d’ensemble car je ne vois pas trop ce que je pourrais faire au niveau des pavés. Je profite d’une annexe de la mairie déjà abandonnée par les employés municipaux. Personne ne me demande rien quand je monte dans les étages, et pour cause, il n’y a personne. J’en profite pour un passage aux toilettes, mon problème de la veille ne semblant nullement vouloir s’estomper malgré la multiplication des remèdes.Je trouve une fenêtre qui s’ouvre sur la place derrière l’Hôtel de Ville où est parquée une cinquantaine d’autos. Murs sombres, pavés gris, barrières omniprésentes … il me faudrait

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Reims, place Aristide Briand, 16h15

EOS 40D - f6.3 - 1/400e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - Compensation +0,3 - Priorité vitesse

Sur cette place, le soleil tournait très vite, tout en descendant sur l’horizon. Cet immeuble en arrière-plan n’était pas celui que j’avais souhaité comme décor mais lorsque les concurrents sont arrivés, le soleil n’éclairait plus que celui-là. La présence d’autres autos empêchait de tenter un filé, de même que la réverbération du so-leil sur la façade. Ce qui explique aussi la compensation choisir de +,03 pour fermer encore plus la photo et évi-ter les zones cramées.

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un ultra grand angle que je n’ai pas. Mon 17mm ne me permet que de réaliser une photo d’une banale platitude.Le hasard m’a conduit au service communication de la Ville de Reims. Je discute avec un photographe présent derrière son écran. C’est un ex-AFP, d’à peu près mon âge. Nous parlons métier, problématique, prix, éthique, comportement des gens qui nous comman-dent les photos. C’est comme moi un passionné de la photo de sport mais comme moi, il doit répondre à la demande d’un directeur de com’ qui ne connaît rien à la photo et qui pense que la photo c’est simple parce qu’il s’est acheté un compact numérique qui fait des photos en mode automatique.

J’en ressors à 17h30. La pénombre s’est installée. Les curieux ont afflué. Je ne vois pas trop bien ce que je pourrais shooter de plus. Je prends en photo la GS #141 et la Ford Capri #245, des voitures peu typiques du Monte-Carlo. Les concurrents de la Volvo #273 travaillent sur l’éclairage de l’auto. Photo d’ambiance banale.Trois jeunes femmes très BCBG munies de petits compacts essayent de photographier la Jaguar lituanienne. Génial ça comme photo ! Une auto hors de prix venue du fin fond des pays de l’Est, trois personnes bien habillées de noir (quand tout le reste du public est engoncé dans de chauds et tristes vêtements hivernaux), avec des APN tout argent, un éclairage correct, des pavés parterre, voilà les ingrédients d’une photo d’illustration qui sera parfaite. Seulement voilà, pour que la photo soit réussie, il faut aussi que le petit génie malin veuille bien sortir de sa boîte… Et comme il fait froid, il reste bien au fond de sa boite. Impossible de cadrer comme il faut à cause de la foule ! L’obscurité m’oblige à utiliser le flash qui crame tout. Et puis au premier coup de flash, l’ambiance est cassée, les jeunes femmes m’ont vu, et évidemment avec deux gros boîtiers autour du cou, elles se doutent bien que j’ai une tête «d’officiel». Alors elles prennent la pose, mais sans leurs APN. Tout ce que je ne souhaite pas ! Je fais mine de me détourner pour qu’elles rede-viennent naturelles mais elles partent vers une autre auto. J’essaye alors de cadrer diffé-remment, au niveau du sol, avec l’auto en arrière-plan, en pose longue (1/5e de seconde à 800 ISO) pour ne pas utiliser le flash, avec leurs chaussures au premier plan (deux sont en jupe longue) et les phares longue portée d’une Mini en arrière-plan. Ma position au ras du sol attire les remarques d’autres badauds. Je laisse tomber le plan.Evidemment, j’aurai pu aborder les trois miss, leur demander de prendre la pose face à la Jaguar XK120 et avec leurs APN, mais ça, je ne sais pas faire … Je ne fais jamais poser mes sujets, j’ai une règle que j’applique scrupuleusement : je ne photographie que ce que je vois et non ce que je souhaite voir. Tant pis, je n’ai pas la seule photo qui aurait pu être sympa … si j’avais su capter cette composition.Pas non plus de gamin avec un APN comme je l’ai cherché le matin au Parc des Exposi-tions. Il y a bien une multitude de gamin, mais je veux aussi une ambiance, des couleurs, un arrière-plan. Et en ville, au milieu du public, tous les photographes savent qu’on ne choisit pas ses arrière-plans. Plutôt que d’avoir une photo banale que tout le monde aura, je préfère me passer de photo.

17h50, je retourne à l’auto pour boire un peu. J’ai mal compris l’explication d’un policier municipal et je marche dix minutes pour atteindre une boulangerie.Je m’écroule un peu dans l’auto. Voilà déjà 13 heures que je suis debout et il reste 26 heu-res de travail. J’avale mon sandwich et quelques fruits secs (figues, abricots) et j’essaye de dormir quinze minutes.Mon chargeur de batteries Canon refuse de rester connecté à l’allume-cigare. C’est un souci mineur mais dans cette épreuve où je passe cinq fois plus de temps dans la voiture qu’à l’hôtel, c’est en roulant que je recharge mes batteries. Et là, je n’en ai pas deux. Evi-demment, c’est le truc que je n’ai pas en double qui reste trop vite en rade !

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Cette image du photographe Olivier Schneider montre bien, quoique nous ne soyons pas nombreux, qu’il est difficile de ne pas nous gêner (la flèche blanche à gauche indique où je me situe).On remarquera à droitetrois personnes avec les mains dans les poches et qui gênent les spectateurs qui souhaitent photographier.

Un départ sur un podium n’offre que peu de possibilités de photographer, du fait des montants qui soutiennent le chapiteau. De fait, plus il y a de photographes (et de cameramen) et plus nous sommes appellés à nous gêner. Cela se passe en général bien quand on prête attention à ceux qui sont dans notre dos ou à nos côtés. Je pense être assez vigilant aux autres, mais j’ai quand même été bousculé à deux reprises ce soir là par des photographes qui ont reculé sans prêter attention à ma présence. Ce qui signifie qu’ils avaient un peu agi en égoiste.

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Le départ de Reims s’échelonne de 19h00 à un peu plus de 21h00. C’est de nuit, donc soit avec flash, soit en pose longue. Je passe par un café, toujours pour les toilettes (!) avant d’entamer le départ.Un départ, c’est toujours un départ, avec un podium, des tas de gens, et des photographes dont certains ont le chic pour se planter devant vous sans même s’excuser. Nous ne som-mes pas très nombreux, mais même à dix, on arrive à se marcher sur les pieds ! Enfin, c’est comme la pâte à crêpes, il suffit de deux grumeaux pour que la crêpe soit ratée. Eh bien là, il suffit de deux égoïstes sur dix pour que huit râlent.

A ce départ, ce qui est intéressant, c’est le bâtiment en arrière-plan, l’Hôtel de Ville de Reims, vieille bâtisse du 17e siècle dont le frontispice est allumé en violet alors que le res-te du bâtiment est de couleur jaune claire. L’intérêt serait d’avoir une voiture au premier plan, si possible sympa tant dans sa forme que dans ses couleurs, le panneau « Départ » au dessus et la façade de l’Hôtel de Ville. Déjà, avec un 17 mm, c’est difficile. Mais c’est sans compter avec les autres photographes. Il y en a toujours un dans le champ ! A l’image de cette photo page 14. Vingt-cinq voitures durant, il a shooté de la même façon. Après? Je ne sais pas. Je suis parti.

Cent vingt sept voitures à partir, une toute les minutes, c’est long. Hors de question d’avoir la même photo, j’essaye donc de trouver d’autres plans. Je laisse vite tomber l’idée du pied pour des pauses très longues (plus de 5 sec.), tout bouge sans cesse. Je me contente de photographies à mainlevée au 1/5e ou au 1/8e de seconde. C’est d’ailleurs sans flash et au 1/8e que je finis par avoir une photo qui me plaît.Ensuite, je varie les plans, les angles. Une photo avec la banderole Reims au premier plan, une autre avec des spectateurs, un plan serré, une avec le panneau de zone de pointage, une photo de 3⁄4 arrière, une avec l’intégralité de l’Hôtel de Ville, … Comme à chaque fois, je suis déçu des photos avec le flash qui figent les autos, même au 1/10e.A la cinquantième auto, un tiers des photographes a disparu. Comme partout, les derniers concurrents sont les délaissés. J’essaye des filés. Les arrières plans très peu éclairés ne se prêtent pas à l’exercice.Avec ou sans flash, sur le premier ou sur le second rideau, je ne suis pas satisfait du résul-tat. C’est assurément un domaine où je dois encore sérieusement progresser.

A 19h45, Madame la Mairesse de Reims, qui officiait au drapeau républicain en donnant le départ, a disparu. Encore une fois, les derniers concurrents ne sont pas lotis à la même enseigne.Je fais le tour des concurrents qui finissent de se préparer, toujours à la recherche d’un autre cadrage, d’une ambiance, d’un détail. Karine Hot, copilote de l’Opel Kadett GTE #206, est concentrée sur son road book et les 270 km qui devront être parcourus en 6h45. Evidemment, photographier à travers la vitre nécessite de solutionner le problème du reflet du flash sur le carreau. La copilote est si concentrée qu’elle ne prête même pas at-tention au flash. Et zou ! Une photo d’ambiance que je n’avais pas encore.

Le pilote de la Lancia Flavia #213 qui nettoie son rétroviseur intérieur, un réglage de phare sur la Volvo 122 #304 ou la Ford Fairlane côte à côte avec une des deux Citroën SM au départ sont autant de clichés souvenirs. S’engager au RHMC avec une de ces deux dernières autos représente un sacré challenge compte tenu de certaines routes utilisées.Au soixantième départ, il n’y a plus que deux photographes au pied du podium… Moi-même, ne trouvant plus d’idée pour une autre photo, je décide de m’éloigner un peu. Sans flash et au 1/10e de seconde, j’obtiens enfin une photo agréable de l’ensemble de l’Hôtel

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EOS 40D - f2.8 - 1/60e - ISO 100 - Canon 17-55 IS f2.8 à 17 mm - Compensation +0,3 - Priorité vitesseUtilisation d’un flash Speedlite 580 EX

Pour cette photo, je devais faire face à deux inconvé-nients : à droite, ce photographe omniprésent qui appa-raît à la première lecture de l’image, et cet objectif de 17 mm qui entraîne la coupure d’une partie du haut de la mairie. J’aurai pu me reculer mais j’aurai inclus deux autres photographes dans le champ, brouillant de ce fait encore plus l’image. Le réglage sur 100 ISO est une erreur, j’aurai pu être à 200 ISO pour gagner de la luminosité en arrière-plan.

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de Ville, avec des spectateurs au premier plan, le podium et une auto qui s’élance.J’entends au loin, dans une zone désertée, des gens qui crient. A 250 mètres, à l’écart du reste de la foule, une demi-douzaine d’enfants jugés sur des barrières et leurs parents encouragent avec force vocifération chacune des voitures qui passent. Je cadre, je shoote au 1/10e au passage de la Kadett #206 qui passe et … miracle : ça fonctionne. Une photo sympa. Bon, ça va, je ne regrette pas d’avoir suivi ces cris.Il est 20h15, je ne vois plus bien ce que je pourrais faire autour de l’Hôtel de Ville et je décide de rejoindre ma voiture et m’élancer pour un parcours de 1046,43 km que chaque concurrent doit accomplir en 21h42. Le plus dur commence …

20h30 : J’entame à mon tour une nuit entièrement consacrée à la conduite, non sans avoir encore dû passer par la case «toilettes».A 500 mètres du départ, une petite trentaine de spectateurs s’est rassemblée à un feu rouge pour encourager les concurrents. L’occasion d’une autre photo. Les spectateurs amassés comme ça au bord de la route, même en pleine nuit, même parfois au bord d’un rond-point en pleine campagne, c’est typique du Monte-Carlo historique. Ce rallye remporte un franc succès, même auprès des plus jeunes.

Le premier concurrent s’étant déjà élancé depuis plus de 90 minutes, il n’est plus question pour moi de le rattraper en prenant le même itinéraire, soit 270 km. Les routes sont sè-ches, à peine froides (-1°) et les concurrents roulent assez vite. Je décide donc de prendre le chemin le plus cours pour rejoindre Langres avant 00h45, date du contrôle horaire du premier concurrent. Le chemin le plus court, c’est pour moi l’autoroute, soit 232 km que je dois accomplir en un peu moins de 02h10. Evidemment, tout cela, je l’ai déterminé bien avant de partir. Dès fin décembre, j’achète les dernières cartes, je regarde le chemin officiel et je planifie, calculette et montre en main, par où je dois passer, allant jusqu’à calculer des itinéraires de déviation en cas de difficulté de tout ordre (intempéries, accident, travaux, etc.). J’ai donc aussi mon propre road book me permettant de tracer ma route sans trop de soucis. En ce qui concerne les étapes de classement, communes et finales, j’ai même toutes les cartes d’état-major au 1/25.000e me permettant de répondre en permanence à toutes les problématiques de la route. Et pourquoi pas un GPS ? Tout simplement parce qu’à ce jour, le GPS ne donne pas la physionomie globale d’une route comme le fait une carte d’état-major. Une carte (quand on sait la lire), c’est riche d’une multitude de détails. Avec l’orientation au nord, vous savez immédiatement si la route a des chances d’être verglacée, à quels endroits, s’il y a des lacets, si elle est en montée, en descente, etc. Utile quand il faut rouler vite, de nuit et dans le brouillard !Ensuite, les concurrents n’ont pas le droit aux aides électroniques. Passionné d’auto et de course auto, ayant moi-même disputé le rallye de Monte-Carlo du temps où les amateurs pouvaient s’engager sans se ruiner dans une épreuve de niveau mondial, je trouve plus intéressant de le faire dans les mêmes conditions que les concurrents, c’est-à-dire sans électronique. Bien sûr, ça met parfois un peu la pression. En 2008, une erreur de naviga-tion dans la banlieue de Copenhague nous avait fait craindre le pire puisque nous avions failli manquer le dernier ferry avant la tempête. Nous n’avions dû notre salut qu’à une conduite très rapide sur les derniers kilomètres nous menant au ferry, avec l’angoisse du radar caché puisque je roulais à 160 km/h au lieu des 120 prescrits. Et un excès de vitesse au Danemark, ça coûte très très cher ! Sans compter les bourrasques de vent qui bouscu-laient ma frêle Opel Corsa. En 2006 encore, sans la carte d’état-major qui m’avait permis d’éviter les interdictions préfectorales, je ne serai jamais arrivé à l’heure à Saint-Etienne, une année où les condi-

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Le flash fige tout ...

EOS 40D - f2.8 - 1/6e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - Priorité vitesseUtilisation d’un flash Speedlite 580 EX

Cette photo est pour moi l’illustration parfaite des limi-tes du flash : pourtant réalisée au 1/6e de seconde, les roues sont figées, l’impression de vitesse est perdue. Et ça ne me plaît pas du tout. La photo de nuit avec le flash montre ses limites ...Reste l’expression du copilote qui salue au passage, de même que le pilote (mais cela se voit moins). Au final, une image très banale et sans dynamisme.

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tions de neige avaient condamné la quasi totalité des concurrents partis de Barcelone à être mis hors course avant même d’avoir terminé le parcours de concentration ! Sauf un équipage, mieux préparé, qui avait su se frayer un chemin jusqu’au terme de son parcours et ce malgré les barrages de la gendarmerie. Tout ce travail préparatoire a évidemment un coût. Financier d’abord avec l’achat des cartes. En temps ensuite. La préparation du rallye 2009 au départ de Reims a nécessité environ une douzaine d’heures de travail. En 2008, les reconnaissances photographiques sur le terrain en Ardéche et dans le Vercors ont duré deux jours. Partir d’Oslo en 2007 avait demandé plus de 24 heures de préparation. En cette période de crise de la presse écrite (et ce depuis déjà de longues années), cela explique que peu de rédactions soient enclines à financer de tels reportages.

Pour gagner du temps, j’utilise le pass Liber-T, un petit boîtier sous le pare-soleil qui per-met de passer au péage, parfois même sans marquer d’arrêt à certaines barrières. Et c’est débité en fin de mois sur mon compte. Très pratique donc. Sauf quand ça ne fonctionne pas. Et ce vendredi à 20h47, mon boîtier Liber-T refuse d’ouvrir la barrière. Qu’à cela ne tienne, j’en ai un second. Qui ne fonctionne pas plus. Zut, je suis tombé sur la mauvaise barrière ! Cela ne se fait pas, mais je le fait quand même : warning + marche arrière pour m’engager dans la piste contiguë. Mais ça ne marche pas mieux. J’appuie sur le l’inter-phone : l’opératrice me dit que mon boîtier n’est pas à jour. Mais elle ne sait pas me dire pourquoi. Idem pour mon second boîtier. Ah ? Et je fais quoi maintenant ?Il faut parfois savoir vite se décider, c’est le cas à ce moment. Pour moi, suiveur du RHMC, le budget péages est un poste important, de plusieurs centaines d’euros. Le sys-tème Liber-T offre l’avantage d’un paiement différé sans incidence sur le plafond d’utili-sation de ma carte bancaire. Or il se trouve qu’au mois de janvier, j’ai énormément utilisé ma carte bancaire. Je choisis donc d’abandonner l’autoroute pour ne pas avoir à gérer un plafond d’utilisation de ma Mastercard. Par chance, la barrière de péage de Taisy sur l’A4 permet de faire demi-tour et je peux repartir immédiatement dans l’autre sens.L’autoroute devant être abandonnée, deux options s’offrent encore à moi : la route la plus courte vers Langres, par Saint-Dizier et Chaumont, ou la route des concurrents. Au sortir de l’A4, croisant la route des concurrents et voyant passer une auto du rallye, je choisis de suivre cette dernière, une Simca Rallye II. Sur le parcours routier, quand il fait sec comme cette nuit, les concurrents ne respectent pas vraiment les limitations de vitesse. C’est le cas de cette Rallye II. Le parcours étant particulièrement long et l’arrivée à Mo-naco n’étant pas prévue avant 21h00 le lendemain pour cette voiture, chaque minute grap-pillée sur la route est une minute de repos glanée avant le pointage à un contrôle horaire. Les feux arrière de la Rallye II ont donc vite fait de disparaître dans la nuit. Pourtant au premier rond-point venu, le concurrent s’engage dans la mauvaise direction. Cela peut prêter à sourire, mais non, ce n’est pas si simple que cela de tracer sa route, même avec en main un road book très détaillé ! Et les meilleurs se trompent aussi. Au départ, l’objectif de chaque concurrent est très simple : ne pas louper un contrôle de passage (CP) et être à l’heure, à une minute près à chaque contrôle horaire (CH). En 2008, ils ont ainsi été 60 à être pénalisés pour retard (ou avance) à un CH lors du parcours de concentration, soit 20% du plateau. Ils seront encore 40 lors de cette édition, sans oublier 6 concurrents qui seront pénalisés pour un CP manquant.Quelques instants plus tard, je suis rattrapé, puis très vite dépassé par une Renault 8 Gor-dini. C’est embêtant pour moi, parce que, seul, j’ai tendance à suivre les concurrents pour tracer ma route. D’où le fait que je préfère amplement des conditions de route hivernale car la neige, le verglas, le brouillard ou la pluie nivellent les performances des autos. Une Simca 1000 Rallye 3 me laisse sur la route de la même façon que la Gordini. Seul dans Epernay, je me trompe une première fois, n’ayant pas vu un sens interdit en centre-ville

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Reims, ville-départ du 12e rallye historique de Monte-Carlo

EOS 350D - f4 - 1/60e - ISO 400 - Canon 50-200 à 108 mm - Priorité vitesse

Je cherchais à illustrer le fait que Reims était ville-départ, mais en dehors des clichés conventionnels. Cet alignement d’autos portant la mention «Reims» me sem-blait une opportunité intéressante. J’ai volontairement privilégié une faible profondeur de champ pour insister sur le nom «Reims» et ne pas brouiller la lisibilité avec toutes les courbes des hayons de ces autos. Difficulté de réalisation de cette image : attendre que pas un spectateur ne s’intercale entre ces cinq autos. Dans une zone ouverte au public, ce n’est pas simple.

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(!). Puis je suis –à tort– une auto immatriculée dans les Alpes-Maritimes. Parce que pour moi, une auto immatriculée dans le 06 à Epernay en pleine nuit fin janvier, ça ne peut être qu’un suiveur d’un concurrent, d’autant que j’ai vu au départ de Reims une Fiat 124 Spider immatriculée 06. Car il faut vraiment avoir envie de se perdre dans cette région à cette époque … Mauvaise analyse : je me retrouve planté au cœur de la zone industrielle d’Epernay. Avant de me retrouver sur la bonne route, j’ai perdu au final 20 minutes. Il y a belle lurette que le dernier concurrent a dû passer. 22h00. La raison me renvoie donc vers mon road book, le chemin le plus court pour re-joindre Langres, avec un œil sur l’horizon pour déceler un éventuel radar, car là, mainte-nant, il n’est bien sûr plus question de respecter les limitations de vitesse, si je veux être à 00h45 pour le premier passage à Langres, 202 km plus à l’est.

Cette nuit est la plus chaude que je connaisse depuis que je suis cette épreuve. Il fait 0° degré seulement. Très au-dessus des -8° dans l’Aube en 2006, des -19° du côté de Göte-borg en 2007 avec les concurrents scandinaves ou même les -7° à Vesoul en 2008. Cela me contrarie un peu : pas de neige à l’horizon dans ces conditions.Je profite des longues lignes droites à travers l’Aube pour maintenir mon chargeur dans l’allume-cigare. Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de conduire en tenant en perma-nence la main appuyée sur l’allume-cigare, mais c’est sport. Cela nécessite de changer de vitesse de la main gauche. Dans les virages, cela impose même d’utiliser le genou pour tenir le volant. Là, bien sûr, je suis content qu’il n’y ait pas de neige !

A 22h45, du côté de Saint-Dizier, la fatigue commence à me frapper. Il est sûr que les do-ses massives de médicaments ingurgitées depuis une semaine pour contrer une bronchite asthmatique puis la gastro-entérite ont particulièrement affaibli mon organisme. Cela m’inquiète un peu car je ne suis debout que depuis 17 heures et je n’ai parcouru que 240 km sur les plus de 1200 qui m’attendent d’ici le lendemain soir.23h00. J’avale un autre sandwich à l’occasion d’une nouvelle pause imposée par mon estomac.

23h45. J’arrive à Chaumont. J’ai grosso modo 75 minutes de retard sur l’horaire que je m’étais fixé puisque je devrais être à Langres. Je ne pourrais donc pas me reposer. Aïe ! Il est sûr que le cafouillage dans Epernay se paye comptant. «L’intérêt du GPS !» penseront en souriant les aficionados de cet instrument ...

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CH de Langres (Haute-Marne) - 00h47

EOS 40D - f2.8 - 1/100e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 35 mm - priorité vitesse+ flash Speedlite 580 EX

Un contrôle horaire, c’est typique sur un rallye. Les concurrents passent un point de contrôle où ils pointent. L’image ci-dessus est donc banalement représentative et n’a juste que valeur d’information. Le froid (-2°), la nuit, la foule et la nécessité d’utiliser le flash n’aident pas à une créativité débordante.Je remarque cependant qu’au fil des années, ça ne dé-semplit pas et que les badauds sont nombreux à photo-graphier l’intégralité des autos qui passent (127 à cet endroit).

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Minuit 20, j’arrive à Langres. Première satisfaction car j’ai pu tenir un bon rythme et j’ai pu recharger ma batterie. Du côté de la gastro par contre, aucune amélioration et comme à cette heure, tout est fermé, c’est façon camping sauvage.Une Alpine A110 rouge qui fait le plein manuellement, des Japonais qui rangent le coffre d’une Datsun 280Z, quelques autos et pilotes qui somnolent avant de repartir, le conduc-teur de la Ford Mustang qui cherche sur sa carte, la table de pointage, une photo de Marc Duez (copilote d’une Austin Healey 3000 MKIII), une vue d’ensemble du public, voilà à peu près tout ce qui rentre en mémoire au travers de mon objectif.

01h00. J’ai trop mal au ventre. Je ne vois plus ce que je pourrais photographier d’autre. Il fait trop froid (pour moi) pour que je tente quelques exercices photographiques en pose longue avec le pied et comme je n’ai aucun intérêt à photographier les quelques 60 autos arrêtées (des badauds le font visiblement), je remonte en voiture.

01h10. Je décide de partir directement pour Beaune. Si tout va bien, il me faut 1h30 pour m’y rendre. Ce qui m’y amènerai à 03h00 maxi et me donnerait deux heures de repos. J’abandonne le passage par le CH de Vesoul où je souhaitais me rendre compte tenu de la jonction avec les concurrents partis d’Oslo : ma gastroentérite m’impose des arrêts trop fréquents et je dois parfois vraiment serrer les dents sous la douleur des contractions.

A la sortie de Langres, une Opel 1900 GT et une Talbot Sunbeam Lotus font le plein à la seule station non automatisée ouverte à cette heure. L’occasion d’une photo. C’est aussi la présence de toilettes bienvenues. Je prends un café pour me requinquer un peu. Il ne fait pourtant pas froid, juste -2°.

De Dijon à Beaune, la fatigue afflue par vagues régulières. Les routes sont totalement dé-sertes. Il faut vraiment avoir envie de traverser ces contrées à cette époque de l’année !

03h10. J’arrive à Beaune. J’ai mis plus de temps que prévu, toujours à cause de mon état de santé. Le Parc des Expositions est désert mais son accès est parfaitement fléché. L’ASA Beaune commence à peine à planter le décor. Aucun concurrent n’est encore ar-rivé. Seuls quelques véhicules d’assistance sont garés et les mécaniciens tentent eux aussi de grappiller quelques dizaines de minutes de précieux sommeil.Je décide d’essayer de dormir deux heures … si mes contractions stomacales veulent bien m’en laisser le loisir.

Je ne peux dormir vraiment qu’une heure. Passé 04h20, les tiraillements dus à mon esto-mac ont tranché menu mon maigre repos. Se sont rajoutés les bruits suite à l’arrivée de nouveaux véhicules d’assistance, des spectateurs puis des premiers concurrents parvenus dès 04h45.

05h15. J’essaye de faire quelques photos malgré mon handicap physique. Par expérience, je ne m’attends pas à des miracles.Je me retrouve avec un petit pincement au cœur quand je croise les concurrents partis d’Oslo. Ils me reconnaissent. Nous échangeons quelques propos. Ils ont rencontré des

Samedi 31 janvier - Second jour

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CH de Beaune (Côte d’Or) - 05h40

EOS 40D - f7.1 - 1/8e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 45 mm - priorité vitesse

J’avais (par hasard) découvert ce genre de prise de vue l’an passé. J’ai cette fois essayé de tirer profit du vent qui faisait virevolter les volutes de gaz d’échappement pour obtenir cet effet, les gaz étant éclairés par une auto encore en arrière. Il y a beaucoup de chance dans ce genre de cliché puisque la position des autos détermine l’éclairage des gaz, sans compter qu’à 1/8e de seconde, les autos doivent rester immobiles.Récompense : cette photo a été retenue par le quotidien norvégien Nordstrands Blad.

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conditions de route fort bonnes comparativement à l’édition 2007 (neige et glace sur les 3/4 des 2500 kilomètres). Ma première photo sera pour Thorbjorn Bye, très sympathique pilote d’une BMW 2000 Tii, mais aussi fort malchanceux après un abandon lors du CH de Vesoul en 2007 puis un abandon dans la première ZR en 2008, à chaque fois pour un problème mécanique mineur qui l’a mis hors délais. Je retrouve aussi Henning Jorstad et Tinne Hallre au volant de la seule Alpine A100 1600 SX jaune du plateau depuis quatre éditions, un équipage qui est là pour la victoire et qui ne se départit jamais d’un sourire radieux. Ils sont d’ailleurs fort nombreux les équipages scandinaves qui jouent la gagne. Le vainqueur de l’édition 2000 et celui de 2004 sont d’ailleurs encore là, à attendre leurs heures de passage au CH de Beaune. Henning et Tinne sont administrateurs d’un site internet norvégien spécialisé en sport auto et grâce à mes photos diffusées sur leur site en 2006, j’avais pu avoir de nombreux clients en Scan-dinavie. Si j’avais pu partir d’Oslo cette année comme c’était initialement programmé, les deux tiers de mes recettes auraient été le fait de journaux et magazines scandinaves.Depuis le départ d’Oslo en 2007, j’ai tissé de nombreux liens avec ces concurrents scan-dinaves. A l’époque, ils avaient été très honorés que des « journalistes européens » (sic) aient pris la peine de les suivre au départ d’Oslo. L’accueil à l’Hôtel de Ville de Copenha-gue en 2008 avait aussi été sympathique. J’espère qu’il en a été de même pour l’équipage japonais qui est parti de Reims cette année au volant d’une RX7 que Mazda avait accepté de sortir de son musée d’Hiroshima.

Lors d’un CH nocturne l’an passé, j’avais testé des prises de vues au niveau des gaz d’échappement des autos. Je retente l’expérience cette année. Le but est de créer une am-biance particulière. Comme à Reims, il faut bien sûr que le petit génie malin accepte de coopérer en faisant en sorte que les bourrasques de vent dirigent les volutes de fumée dans le sens souhaité. C’est par définition un grand nombre de photos prises pour une réussite très aléatoire. Parfois, ça fonctionne.

Je parviens après moult essais à avoir deux ou trois choses qui me satisfont. Il reste à voir sur l’ordinateur ce que cela donnera. A très basse vitesse, les gaz deviennent diffus, c’est encore plus sympa.Comme à Langres, le flash est plus une contrainte qu’une aide à la photo. Les photos dont je suis satisfait sont au final celles prises sans lumière additionnelle et à basse vitesse (en dessous du 1/25e). Mais il me faut prendre plus de cent photos avant de pouvoir en garder quatre ou cinq correctes.

En 2007, un équipage monégasque s’était élancé d’Oslo au volant d’une Citroën 2CV. Cela frôlait l’exploit et avait particulièrement été applaudi par les Norvégiens. Cette an-née, c’est un équipage marseillais qui a choisi de s’élancer d’Oslo au volant d’un Vespa 400. Trois Vespa 400 avait participé au rallye de Monte-Carlo en 1959, engagées par l’usine. C’est à l’occasion de ce cinquantième anniversaire que cette auto a été engagée.Une micro voiture de 1,21 mètre de largeur dotée d’un mini moteur : un bicylindre deux temps refroidi par air d’une cylindrée de 363 cc., d’une puissance de 12 cv et affichant un couple maxi de 2,1 mkg à 2100 t/mn. Il faut 25 secondes pour atteindre la vitesse maxi de 85 km/h. Venir d’Oslo à bord d’une telle auto représente donc un réel exploit. Je regrette d’autant de n’être par parti d’Oslo car j’aurai pu faire un reportage complet sur le périple de Christian Agostini et Pierre Delliere. Ce n’est pas tous les jours qu’une telle auto tra-verse l’Europe !

Erreur typique du débutant en photo : ma carte mémoire est pleine au moment du pas-sage de l’Alpine norvégienne au CH !!! Je m’insulte, mais ça ne change rien : le temps

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Un flash scotché à gauche, un autre à droite, 160 minutes durant. Au secours ! Taylor était à Beaune !

EOS 40D - f8 - 1/100e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 20 mm - priorité vitesse+ flash Speedlite 580 EX

Une autre façon «industrielle» de concevoir la photo...

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de retourner à la voiture pour prendre mon sac à dos et glisser une nouvelle carte dans l’appareil, l’Alpine est déjà loin.Il fait beaucoup moins froid que les années précédentes, mais la fatigue aidant, à 05h55, j’ai trop froid aux mains. Avant que le froid ne me condamne à l’inaction trop longtemps, je pars me réchauffer dans l’auto. Il ne fait pourtant que -4° dehors mais j’ai plus froid aux mains et aux pieds qu’avec un -13,5° sur les coups de deux heures du matin. Comme quoi, une bonne condition physique est essentielle dans une telle épreuve.Je me réchauffe en visionnant mes prises et j’élimine déjà les ratées. J’attends les derniè-res autos parties de Reims en buvant un thé chaud (j’ai une bouilloire dans l’auto et tout ce qu’il faut pour préparer des boissons chaudes).

06h30. Je repars photographier. Il me semble que je me répète. Mes embarras gastriques me coupent toute créativité.Côté créativité justement, il y a en sortie du parc deux photographes qui ne changent ab-solument pas de place. Ils en seraient d’ailleurs bien incapables puisque les flashes sont scotchés sur des pieds eux-mêmes fixés à des barrières. Ils photographient toujours de la même façon 160 minutes durant puisqu’il y a 160 voitures, à raison d’une par minute. Comment peut-on envisager la photo sous cet angle ? Cela me laisse fort dubitatif. Certes, il faut gagner sa vie. Mais la photo, c’est avant tout une forme d’art, de la création. Où est-elle la création dans ce cas-là ? J’imagine que ces deux personnes travaillent pour une organisation qui vend les photos aux concurrents. Sinon quel intérêt de prendre 160 autos de la même façon ? Sauf que les concurrents ont tous la même photo … Un peu uniforme comme façon de penser, je trouve. D’autant qu’à cet endroit, il est facile de prendre les 160 concurrents au moins d’une dizaine de façon différente et plutôt facilement puisqu’il y une minute à chaque fois pour faire la photo. D’un autre côté, je me dis qu’il faut de tout pour faire un monde … C’est quand même triste cette façon «industrielle» de photogra-phier ! Le taylorisme appliqué à la photo en quelque sorte.

07h00. Je pars me réchauffer à nouveau à la voiture et aussi à la recherche de toilettes. Les crampes d’estomac me paraissent de plus en plus violentes. A moins que je les supporte de moins en moins.Je repars au boulot une demi-heure plus tard. Avec le soleil qui se lève, je tente d’autres choses, avec toujours des temps de pose assez longs, du 1/5e au 1/10e de seconde. Ce n’est à priori pas complètement raté. Je ne sais cependant plus quoi inventer comme cadrage … J’ai l’impression de saturer intellectuellement et le mal au ventre altère tota-lement mon dynamisme. De façon incompréhensible, j’ai froid aux pieds. Je remonte me réchauffer dans l’auto. Les derniers concurrents partent.Dans mon planning de route, j’ai prévu de faire la route jusqu’à Monaco avec les quinze derniers concurrents. En effet, les concurrents partis de Reims sont les derniers à pointer à Monaco, dans une douzaine d’heures. Je ne peux pas, en étant à Beaune à 07h30, arriver à Monaco en même temps que les premiers concurrents, partis de Turin et qui atteindront le parc fermé dès 15h00. Vu la distance, en partant de Beaune à 07h30, je peux espérer remonter au fil des CP et des CH une soixantaine de concurrents, ce qui me donnerait déjà pas mal d’images dans la première ZR dans l’arrière-pays niçois. Mais voilà, je suis forcé de reconnaître que la gastroentérite est trop dérangeante pour espérer conduire encore plus de 600 kilomètres … Fort triste, j’opte donc pour la solution de la raison. C’est-à-dire que je rejoins un hôtel à Valence et j’essaye d’avoir une vraie nuit réparatrice pour repartir sur un bon pied le dimanche matin. Valence est à 260 km, je peux espérer, même avec de multiples arrêts y être pour midi. C’est pourtant presque les larmes dans les yeux que je décide de quit-ter là la route du rallye. C’est la première fois depuis trois ans que j’abandonne ainsi un

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08h40 - Aire de Farges-lès-Mâcon (Saône-et-Loire)

EOS 40D - f11 - 1/60e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - priorité vitesse

Cette image pourrait parfaitement résumer l’intégralité de mon reportage : je suis parti seul, fatigué et malade là où j’aurai dû être accompagné et en parfaite santé. A cet instant, il y avait un terrain jeu photographique magnifique (toute la végétation était recouverte de gel). Il y avait aussi une lumière extraordinaire, ce qui expli-que le f11 à ISO 100. Mais, trop fatigué, je n’ai pu que réaliser cette photo, à la va-vite, à travers le pare-brise de ma voiture.

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reportage, mais continuer à conduire avec de telles crampes n’est déjà plus raisonnable depuis mon départ de Reims. Déjà en 2006, j’avais dû renoncer au terme de la 9ème ZR pour cause de fatigue trop intense. J’en avais été cependant beaucoup moins affecté dans la mesure où c’était la première fois que je couvrais l’épreuve et que j’en avais tellement pris plein les yeux que cela en était déjà du pur bonheur, l’épreuve s’étant déroulé quasi totalement sur la neige.

Il me faudra plus de trente minutes de route avant d’arriver à me réchauffer les pieds. L’option de rejoindre Valence apparaît vite comme le meilleur choix que je pouvais faire. A 08h40, je n’arrive plus du tout à conduire et je choisis de m’arrêter pour dormir au milieu d’une splendide campagne couverte de givre (il fait -2,5°). Mais je suis si fatigué que je n’arrive même pas à shooter sur ce magnifique terrain de jeu, si ce n’est une unique photo à travers le pare-brise !

09h30. Je me réveille, toujours du fait de mon estomac. Je n’aurai effectivement pas été très loin si j’avais suivi les concurrents !

09h50. J’arrive à Mâcon. Je profite de la présence d’un McDonald’s pour manger un peu, aller aux toilettes et aussi me connecter à l’internet. J’ai appris que l’accès WiFi y est gra-tuit et illimité. Ne pouvant réaliser mon reportage comme je l’ai projeté, je désire pouvoir adresser à mes clients quelques premières photos au plus vite. A défaut qu’il soit complet, qu’il soit au moins rapidement livré ! Je sauvegarde et trie donc mes photos. J’en ai déjà près de 900. Une première lecture réduit le nombre à 600. Je trouve que j’ai pas mal de choses correctes. J’arrive à sélection-ner une dizaine de photos que j’adresse à l’Automobile Club de Monaco et que je place sur mon serveur. Mes clients disposent d’un code d’accès qui leur permet de choisir une ou plusieurs photos et de télécharger le fichier en grande résolution pour impression en presse écrite.Je profite aussi de cette halte pour annuler mon hôtel de Nice et en réserver un à Valence. Catastrophe : tout est complet. Je finis par trouver une chambre disponible au Formule 1 de Bourg-lès-Valence. Ce type d’hôtel n’est pas l’idéal pour se requinquer, mais comme je n’ai rien trouvé d’autre …Je repars de Mâcon à midi, non sans être allé quatre fois aux toilettes. Je ne comprends pas pourquoi les médicaments ne font pas d’effet plus rapidement. Mon médecin m’a prescrit de l’Imodium contre les diarrhées (sans effet depuis près de 36 heures), du GES45 contre la déshydratation, et du Buscopan contre les crampes, lui aussi sans effet depuis 36 heu-res. Cela en est désespérant !Midi, c’est l’heure à laquelle je pensais être à Valence. Il me reste encore 170 km ! J’ai cependant la satisfaction d’avoir au moins livré une (petite) partie de mon travail. C’est un progrès par rapport aux éditions précédentes où je n’avais pu livrer mes premiers tra-vaux qu’après 48 heures.

Nouvelle attaque de fatigue à 12h55. Je profite d’une station-service pour une nouvelle halte et aussi faire le plein puisque j’ai déjà près de 700 km à mon actif depuis la veille au soir. Les Français ne sont pas égaux devant le prix de l’essence : ici, c’est dix cents de plus qu’à Soissons ! Le médicament contre les crampes semble toujours totalement inefficace, c’est à en pleurer.Ce n’est pas parce que je descends (vers le Sud) que ça roule tout seul. A 13h45, le soleil au zénith entraîne un nouveau coup de barre. J’essaye de dormir mais mon estomac en décide autrement.A 14h35, je dois à nouveau stopper à Saint-Vallier dans la Drôme. Je choisis de vérifier

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la pression des pneus neige qui n’ont pas roulé depuis qu’ils ont été achetés en janvier 2008. Les prévisions météorologiques annoncent en effet des pluies dans le bas du cou-loir rhodanien et des possibilités de neige le dimanche ou le lundi du côté des hauteurs de Valence. J’en profite aussi pour compléter le plein du réservoir de manière à ne pas avoir à gérer l’essence lors de l’étape du lendemain dans le Vercors. Je dois en effet me compor-ter comme les concurrents, c’est-à-dire ne jamais attendre le dernier moment pour faire le plein et toujours profiter des occasions offertes. Ici aussi l ’essence n’est pas moins chère qu’à Mâcon.

A 15h15, j’arrive enfin au Formule 1 de Bourg-lès-Valence. Je pensais travailler un peu dans la chambre mais le WiFi est facturé 4,50 € la première heure, puis 3 € l’heure sui-vante et ainsi de suite de façon dégressive. Comme mes crampes d’estomac m’empêchent d’envisager de dormir, je descends au McDonald’s tout proche pour y travailler puisque le WiFi y est gratuit. Pas de chance : un anniversaire d’enfants y est organisé et il n’y a pas une place de libre. Je retourne à l’hôtel pour prendre une douche, je trie quelques photos et n’arrivant toujours pas à dormir plus de cinq minutes d’affilée, je retourne au McDonald’s pour placer de nouvelles photos sur mon serveur. Le WiFi y est d’une lenteur exaspérante. Je ne termine qu’à 19h00. Je pars me recoucher. La fatigue arrive enfin à prendre le dessus sur les crampes d’estomac. Je mesure à quel point l’option « dormir à Valence » avait été judicieusement choisie en début de matinée : je ne serai jamais arrivé à Monaco !

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La nuit est entrecoupée de multiples réveils dus en partie à l’insonorisation défaillante de ce type d’hôtel, à d’inévitables troubles liés à la gastroentérite et à quelques rêves en étroite relation avec ma présence dans cette région, à savoir des cadrages ratés, un ennei-gement démesuré dans le col de l’Echarasson et le cauchemar de ma voiture au fossé. Des rêves pas très éloignés de la réalité puisqu’en 2007 des pneus usés jusqu’à la corde nous avaient obligés à chaîner précisément dans le col de l’Echarasson et qu’en 2008 des pneus neige qui n’en avaient que le nom nous avaient contraints à faire appel à une dépanneuse pour sortir d’un mauvais pas du côté de Sospel dans les Alpes Maritimes.Je me réveille donc à 08h10 relativement reposé mais avec toujours un estomac bien en vrac. Je préfère donc ne rien avaler.

Valence est recouvert d’un fin brouillard. Il y a quelques gouttes de pluie sur la voiture. La température est de 4°. Afin de retrouver une meilleur forme et pour ne pas augmenter la fatigue, j’ai choisi de n’aller que dans la ZR5, celle qui emprunte les cols de Carri et de l’Echarasson puisque les informations que j’obtiens ne m’indiquent aucune chute de neige, ni même aucune présence de neige, entre Monaco et Valence. Un Echarasson sans neige, comment serait-ce possible ? Il ne me faut cependant pas désespérer trop vite dans la mesure où les concurrents n’arriveront que dans six heures dans cette partie du Vercors. L’an passé, lorsque nous avions entamé la montée du début du col de l’Echarasson, il n’y avait quasiment pas de neige. Deux heures après, c’était ambiance Sibérie avec d’impres-sionnantes chutes de neige. Je croise les doigts pour qu’il en soit de même cette année.

08h30. Le bulletin météorologique parle de neige sur la France avec un bulletin d’alerte orange dans 11 départements … mais pas dans la Drôme. Zut alors !Sur la route qui mène à Saint-Nazaire en Royans, je croise deux sableuses alors que quel-ques gouttes de pluie humidifient à peine la chaussée. Il ne me semble nullement avoir neigé sur les hauteurs. Sur France Bleu Drôme Ardèche, pas de neige annoncée. C’est triste ça, un Monte-Carlo historique sans neige !Plus je me rapproche du final de la ZR5 (cette année, les concurrents terminent sur Saint-Jean-en-Royans) et plus je me désole de ne pas voir de neige.

09h50. Ouf ! Quelques traces de neige à la fin du col de l’Echarasson. Comme je suis équipé de pneus route classique, je me gare pour aller voir à pied de quoi il retourne. J’ai pour habitude de ne jamais remonter une ZR. On ne sait jamais car certains concurrents utilisent des ouvreurs et certains de ces derniers ont parfois des conduites plus que spor-tive, c’est-à-dire limite dangereuse.Certes, il y a de la neige, mais ce ne sont pas les magnifiques neiges de 2007 ou 2008. Le bulletin météorologique prévoit des pluies verglaçantes sur Grenoble pour l’après-midi. Il pourrait donc y avoir quelques flocons supplémentaires sur les hauteurs du Vercors.

10h12. J’ai poursuivi mon chemin jusqu’au col de Carri. La route est totalement dégagée. Par habitude, je sais que ce n’est pas la peine que j’aille plus loin. La seule neige de cette étape de classement (qui comporte quatre ZR) se trouve sur les quelques kilomètres du col de l’Echarasson. Ce sera donc là que je ferai mes photos aujourd’hui.Quelques flocons volettent dans l’air. Impossible de savoir s’il s’agit du vent qui fait tom-

Dimanche 1 février - troisième jour

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Au col de Carri (Drôme), remplacement des pneus route par des pneus neige.

Il m’a été demandé pourquoi je n’ai pas chaussé dès le départ les pneus neige. Tout simplement pour ne pas les user ! J’avais procédé à une répétition avant le départ et je savais qu’il me fallait environ 25 minutes pour chan-ger les 4 roues. Je les ai remplacé après avoir parcouru plus de 1100 kms sur le sec absolu. Quelle que soit la qualité d’un pneu neige, il n’est pas conçu pour rouler sur routes sèches. Et de ce fait il s’use beaucoup plus rapidement. Avoir des accessoires au meilleur de leur forme est un atout essentiel quand on travaille !

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ber la neige des arbres ou le début des perturbations prévues sur Grenoble l’après-midi. Je décide de monter les pneus neige. De toutes façons, je les ai acheté pour ça l’an passé et voilà 800 kilomètres que je les trimballe. Dix-neuf minutes plus tard, l’affaire est faite. Ce n’est pas encore un temps digne d’un relais FIA-GT, mais bon, dans le froid, tout seul et en rechargeant tout dans l’auto, je ne vais pas me plaindre. Cela fait moins de cinq mi-nutes par roue et je n’ai pas d’écrou central !

12h10. A l’entrée du col de l’Echarasson, j’ai croisé des spectateurs venus de Touraine en camping-car. Ils sont venus me demander des renseignements sur le rallye. Nous avons discuté et échangé quelques propos sur la course autour d’un vin chaud durant une heure trente. Cette situation est vraiment typique de l’ambiance qui règne sur ce rallye : con-vivialité absolue. Chaque année, à chaque fois que je me suis arrêté pour prendre une photo d’ambiance avec des spectateurs, j’ai eu la proposition de partager leur repas. Une collation en général orientée autour de trois ingrédients : pastis, olives, jambon sec. Sauf que conduisant en permanence, il me faut être vigilant avec l’alcool. Je ne peux donc que refuser.

Je refuse un second vin chaud (et le partage du repas associé) et je m’en vais repérer le col et mes emplacements pour photographier.

12h25. J’atteins le sommet du col. Il n’est pas très dégagé, le chasse-neige ayant repoussé la neige sur les côtés. Je dois m’aménager un espace pour me garer et pouvoir repartir facilement. Je découvre que j’ai oublié un instrument fort utile dans ce cas de figure : la pelle. Bon, c’est à priori la seule chose que j’ai oublié cette année. Il y a du progrès. Cha-que année, à mon retour, j’établis une liste de ce qu’il m’a manqué. Et l’année suivante, je ne sais plus où je l’ai rangée !Je mange un sandwich et je bois un thé chaud. Le soleil perce à travers les nuages et il y a de plus en plus de trouées bleues. Cela me semble mal parti pour qu’il neige mais au moins, cela sera plus chouette sur les photos qu’un ciel bêtement grisâtre.J’enfile les après-skis, une paire de chaussettes de laine supplémentaire et je pars repérer mes photos, cette fois dans la descente du col vers Saint-Jean-en Royans.

13h00. Le ciel est de plus en plus bleu, avec de moins en moins de nuages. Il faudrait quand même qu’il en reste quelques uns pour donner du relief aux photos ! D’un autre côté, je me console en me disant que si cela reste en l’état, cela va favoriser la prise de vue tardive puisque le dernier concurrent va passer ici vers les 20h15.

13h45. J’ai pelleté avec un spectateur durant près de trente minutes afin d’emménager un espace plus sécurisé pour nos deux autos. Le gars est venu avec son épouse et c’est son 36ème rallye de Monte-Carlo comme spectateur, du «vrai» rallye jusqu’en 1999 et du rallye historique depuis cette date. Un passionné ! Nous avons pu travailler grâce à deux pelles prêtées par d’autres spectateurs venus s’installer au sommet du col la veille au soir vers minuit. Encore plus passionnés ceux-là ! Et courageux aussi car ils ont déblayé un espace de près de 20 m² pour y placer leur camping-car. A mi-chemin dans le col, ce sont des Allemands qui ont planté leur camping-car et qui, munis de deux pelles, ont façonné un totem en neige de près de 1,70 mètre de haut. Ils sont venus d’Allemagne pour voir passer les 300 concurrents et seront le lendemain en Ardèche avant de rentrer en Allema-gne. Encore de sacrés passionnés !

14h00. Changement radical de temps : le ciel est lourdement chargé de nuages gris. Adieu le soleil ! A une heure du passage du premier concurrent, il n’y a que six véhicules garés

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Au col de l’Echarasson, Renault 12 Gordini de 1971 (‘Tchine’ et Nicolas Colsoul).

EOS 300D - f7.1 - 1/400e - ISO 200 - Canon 50-200 à 200 mm - priorité vitesseAjout d’un filtre polarisant

Mes photos servant souvent d’illustration, je cadre ra-rement pleine pastille, le sujet de la photo n’étant pas l’auto en elle-même mais le rallye, donc l’ambiance. Et ici c’est la neige qui crée l’ambiance. Certaines de mes photos étant aussi utilisées pour des affiches, je dois prendre en compte le format final, ce qui impose de cadrer large, aussi bien horizontalement que verticalement. Un tiers de mes photos est donc au format vertical.

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au sommet du col. C’est trois fois moins que l’an passé et pourtant nous sommes diman-che.

14h45. J’ai fait à pied les deux versants du col. Il n’y a pas grand monde. Où sont les centaines de spectateurs de l’an passé ? Il devrait y avoir foule, d’autant que c’est la seule ZR où il y ait de la neige de la journée. Peut-être les spectateurs ne se sont-ils pas déplacés parce que justement il n’y avait pas de neige annoncée ? Dans la descente du col, il y a moins de 50 personnes sur deux kilomètres alors que l’an passé, il y avait 50 personnes dans le premier virage. Les quelques spectateurs qui sont présents sont toujours aussi généreux. Il y a trois groupes dans le premier kilomètre de la descente et je dois fort poli-ment refuser autant de pastis ! Cela ne va pas être facile de cadrer si je bois autant …Comme d’habitude, le premier concurrent est en avance sur l’horaire officiel. Le premier à passer, une Porsche 911S n’est pas là pour le classement final, mais juste pour le fun et sa propulsion est à l’équerre plus que de raison. Voilà un pilote qui se fait plaisir et qui fait aussi plaisir aux spectateurs présents !

15h20. L’Alpine-Renault A110 #4 repasse une seconde fois ! Ce n’est pas un mirage dû au froid. Erik Comas, pour son plaisir et celui des spectateurs, fait un second passage dans le col de l’Echarasson. Il n’est pas là pour le classement, mais pour le fun. D’ailleurs il pointe déjà dans les tout derniers du classement général à cause des pénalités qu’il en-caisse pour avance ou retard lors des contrôles horaires.

15h30. De façon incompréhensible, je viens à peine de faire 18 photos avec mon 350D équipé du 300 mm f2.8 et voilà déjà trois batteries dévorées. La dernière batterie m’a permis de faire quatre photos seulement ! J’ai vérifié mes batteries avant de partir puis à l’hôtel la nuit précédente. Tout était OK et là plus rien après à peine une demi-heure dehors et pas même vingt photos. Heureusement que je travaille avec trois boîtiers ! Je suis contrarié car je n’aime pas changer d’objectif en travaillant et du coup je n’ai plus que mon 17-55 mm et mon 50-200 mm. J’essaye de faire quelques filés à basse vitesse, mais même en fermant complétement, j’ai toujours beaucoup trop de lumière du fait de la réverbération sur la neige. Je me demande bien pourquoi les fabricants s’évertuent à faire des capteurs de plus en plus sensibles (jusqu’à 6400 ISO) et ne permettent pas encore aux boîtiers semi-pro ou pro d’avoir du 50 ou du 25 ISO. Les Kodachrome 25 et 64 ISO étaient des pellicules aux immenses qualités ... mais on n’en trouve plus. Et pour faire un filé au 1/10e sur une immensité blanche, ce serait quand même mieux que ce 100 ISO de base !

16h45. J’ai engrangé pas mal de photos après avoir quasiment changé de places toutes les 3 ou 4 prises de vues. Les batteries de mon 40D semblent atteintes du même mal bizarre que celle de mon 350D : j’ai consommé 3 batteries en une heure trente pour même pas 200 photos. C’est totalement incompréhensible et c’est la première fois que ça m’arrive. J’ai quasiment fait 600 photos la veille avec une seule batterie et là … mystère ! De sur-croît, il fait beaucoup moins froid que lors du parcours de concentration. A ce rythme là, je ne vais même pas terminer la journée. Si je rajoute à cela que mes jambes ne me portent plus, que j’ai toujours des crampes d’estomac parfois terribles et que j’ai l’impression de cafouiller mes cadrages, je ne suis pas loin d’avoir le moral à zéro.

17h20. J’ai encore croisé un de ces photographes qui restent en place six heures durant en shootant toujours de la même façon chaque voiture qui passe. Je me demande bien comment ils font pour toujours prendre la même chose … sans compter que celui là pho-tographie en rafale, trois ou quatre vues du même concurrent. Plus tard, de retour à mon

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Dans le col de l’Echarasson, Peugeot 504 Ti de 1974 (Raymond Hergault et Joelle Bourg).

EOS 300D - f7.1 - 1/100e - ISO 100 - Canon 50-200 à 95 mm - priorité vitesse

Planté dans un monticule de neige, cet écriteau ‘photo’ réalisé au verso d’un calendrier publicitaire est l’occa-sion d’une photo. Mais j’ai du mal à en comprendre la signification. Le rallye historique de Monte-Carlo est un rallye de régularité, un format qui laisse peu de place à l’improvisation puisque les concurrents sont notés à la seconde en plus ou en moins par rapport au temps idéal. Ils ne prendront donc aucun risque qui soit de nature à entraîner une pénalité. Un avertissement à sourire pour la photo ? ...

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bureau, je trouve sur le web le site d’un des photographes en question. Il propose effecti-vement 320 photos avec toujours le même cadrage du même virage. Il ne les vend même pas, ce qui est encore plus incompréhensible. En effet, si la photo et le rallye sont une pas-sion (comment en serait-il autrement pour rester six heures au même endroit ?), pourquoi dans ce cas ne pas varier les cadrages et les situations ? J’ai du mal à comprendre.Un de ces photographes a même placé une pancarte « Photo ». Pour indiquer au pilote qu’il peut faire une petite figure pour la photo ? Je ne saisis pas non plus très bien à quoi peut servir cette information.

18h05. La nuit est tombée et il commence à légèrement neiger. J’abandonne : j’ai trop mal au ventre et je ne sais plus comment photographier car le flash se réverbère sur les flocons. Et hormis des photos de face, je ne vois pas non plus comment photographier. Il doit rester environ une bonne centaine de concurrents à passer, je choisis de faire des photos sur le routier et au parc fermé de Valence.Je repars au milieu des concurrents, juste derrière une Alfa Roméo, avec une certaine an-goisse au ventre car la fin de la descente du col de l’Echarasson est assez étroite, avec des épingles et sans grande possibilité de se garer pour laisser passer un concurrent. Je n’ai non plus jamais conduit sur la neige avec des pneus neige. A priori, ça à l’air de bien tenir et j’arrive à suivre le tempo de l’Alfa, mais toujours avec l’œil rivé au rétroviseur avec l’angoisse de voir débouler un concurrent plus rapide. Fin du col, on rejoint une route dégagée qui conduit vers Saint-Jean-en-Royans. Je respire.

18h20. Quelques concurrents sont arrêtées à Saint-Jean en Royans pour ravitailler en es-sence. Je prends quelques clichés et complète moi-même mon réservoir. La Volvo #181 partie d’Oslo a un mal fou à redémarrer. Quelques minutes plus tard, à Saint-Nazaire en Royans, c’est un peu la panique. La route est bloquée par des dizaines d’autos juste avant le CH. Par impératif horaire, les concur-rents doivent jouer des coudes pour pointer à l’heure. Pour certains, c’est l’affolement. Ils doublent et remontent une file de voitures sur plusieurs centaines de mètres. Comme ça n’avance toujours pas, je fais comme eux pour atteindre le CH. Nouvelles photos d’am-biance. A priori, si la Mercedes #180, la Volvo #181 et l’Alfa-Roméo #182 n’avaient pas délibérément doublé alors que c’était interdit, ces voitures auraient pointé en retard.J’ai moi-même souvenir du Monte-Carlo 1984 où sur le routier en arrivant à Chambéry au milieu d’un embouteillage monstre, nous avions dû prendre quelques largesses avec le Code de la Route pour éviter de pointer en retard. J’ai déjà lu sur des forums auto des personnes qui fustigent ce comportement, mais il faut avouer que ce n’est pas simple. Il y avait à Saint-Nazaire en Royans trop de curieux pour que certains concurrents ne soient pas obligés de contrevenir au Code de la Route pour pointer dans les délais.

19h30. Je suis arrivé à Valence. Rien à photographier sur la route qui mène à la ville étape car il fait nuit, les concurrents roulent assez vite et de surcroît la fin de l’étape emprunte la rocade de contournement de la ville. Je souhaite aller au parc fermé ou rentrent les con-currents, mais comme l’an passé, rien n’est organisé pour le stationnement des véhicules media et c’est impossible de garer. Aussi je me rends directement à l’Hôtel de France où se situe la salle de presse pour saluer le responsable. Par chance, je peux juste stationner devant. L’établissement est en travaux, il n’y a pas de réseau WiFi dans la salle de presse, mais le directeur (que je connais) met à ma disposition le réseau de l’hôtel dans le salon. Comme je suis parqué de façon correcte, je fais une premier sélection dans mes photos de l’après-midi. J’ai pris environ 400 photos. D’un premier tri, j’en élimine un quart. Je place la sélection sur mon serveur. J’en profite aussi pour recharger une des batteries de mon 350D. L’opération demande environ une heure et à mon hôtel, je n’ai pas trop envie

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Dans le col de l’Echarasson, la Porsche 911S 2.2L de Stéphane Vouillon et Christian Roussel.

EOS 40D - f7.1 - 1/125e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - priorité vitesse

Le choix du 1/125e pour ce filé est imposé par la réver-bération de la lumière sur la neige. Au 1/60e, et a for-tiori en deça, les blancs au premier plan sont totalement cramés.

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de me réveiller toutes les 90 minutes pour changer la batterie en charge. J’apprends que la photo prise à Beaune (des gaz d’échappements qui s’échappent des autos parties d’Oslo) a été retenue pour illustrer un article dans un journal norvégien le lendemain. La photo des spectateurs au départ de Reims est aussi publiée dans Nice-Ma-tin. C’est toujours sympa de voir ses photos éditées dans des publications à grand tirage, surtout quand, comme en Norvège, c’est une photo un peu décalée qui est sélectionnée.

Il est déjà 22h10 quand je quitte l’Hôtel de France pour aller au parc fermé. Les derniers concurrents sont arrivés depuis près d’une demi-heure et le parc fermé est vraiment fer-mé, c’est-à-dire que je ne peux y accéder. Il y avait pour moi nature à réaliser des photos d’ambiance avec ces autos endormies et le parc désert, mais c’est impossible de négocier avec les vigiles. Comme il n’y a plus aucun responsable de l’ACM sur place, j’abandonne l’idée.Au moment de partir rejoindre mon hôtel arrive un concurrent norvégien, la Volvo 242 #281. Evidemment, il ne peut pas plus que moi rentrer son auto dans le parc fermé. Je discute avec lui du pourquoi de son retard (il aurait dû arriver depuis une bonne heure). Il m’explique que dans les derniers lacets du col de l’Echarasson, les pluies verglaçantes avaient rendu la route très difficile. Il n’a rien pu faire quand sa voiture a glissé au fossé. Il me dit que trois autres concurrents sont dans le même cas. Sa voiture n’est pas abîmée mais il va écoper d’une pénalité de 20.000 points pour ZR non achevée (quand il est sorti de la ZR, le contrôle de l’ACM avait déjà plié bagage). Je joue les interprètes avec les vigiles (qui ne parlent pas un mot d’anglais), je fais une petite photo et je m’en repars vers mon hôtel car la nuit sera courte.

Avant d’aller me coucher, je m’arrête au Quick. On ne sert plus de milk-shake (j’ai un faible pour cette boisson) à 22h53 sous prétexte que l’établissement ferme à 23h00. «La machine est déjà arrêtée, il faut bien la nettoyer ! » m’indique l’employée. Je lui fait remarquer que ce n’est pas à 23h00 que l’on ne sert plus le client mais à 23h00 qu’elle monte dans sa voiture pour repartir et que donc il faudrait changer les horaires d’ouver-ture. Elle me dit qu’elle n’est pas payée pour travailler au-delà de 23h00. Je lui réponds: «C’est bien ce que je dis : changez les horaires pour 22h45 comme ça personne ne râ-lera!». Sa réponse en dit long sur les conditions de travail dans l’établissement : « C’est à mon patron qu’il faut le dire! ». Je laisse tomber le cahier de doléances pour ne pas perdre inutilement mon temps.Pour cette nuit, c’est malheureusement encore l’hôtel Formule 1 de Bourg-lès-Valence qui m’hébergera. Une réservation tardive la semaine précédant le rallye fait que je n’ai rien trouvé d’autre. Enfin « m’hébergera », c’est que je pensais en me garant sur le par-king à 23h10. Parce qu’à 23h15, je ne le pense plus trop ! L’automate à l’entrée reconnaît bien ma réservation mais refuse de me délivrer mon code d’entrée au motif qu’il ne lit pas ma carte. A chaque essai, ce brave automate, appareil au langage limité, ne sait que dire «Carte illisible ». Bien sûr, hôtel low cost signifie aussi « hôtel sans réception » passé une certaine heure. Donc là, pas de numéro à appeler, personne pour résoudre mon souci, pas de possibilité de payer autrement que par CB, donc pas d’accès à ma chambre. Ah, les limites du modernisme … À force de vouloir payer le moins possible, on n’a pas grand-chose non plus côté service !Dans l’impossibilité de récupérer ma chambre, je cherche donc un autre hôtel. Je dois rapidement me rendre à l’évidence qu’il n’y a rien de disponible nulle part, pas même au Novotel. C’est bien sûr pile le moment où je souhaiterai disposer de toilettes. Une pizze-ria en centre-ville accepte de me servir sur les coups de minuit et me confirme au moment de payer que ma carte est illisible. Ennuyeux ça parce que c’est bien la chose que je n’ai pas en double.

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Face à l’échec de trouver une chambre, je décide de descendre sur Montélimar, ville où je dois de toutes façons passer le lendemain matin pour rejoindre la ZR7.

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00h35. Exténué de fatigue et fort contrarié, je stoppe sous une pluie battante sur la place de Saulces, une localité au bord de la RN7, à mi-chemin entre Valence et Montélimar. Les précipitations annoncées sont bien au rendez-vous mais il n’est toujours pas question de neige. Bien fâcheux aussi, car les photos sous la pluie, c’est bien ce que j’exècre le plus dans le domaine photographique !

05h45. Je me réveille après avoir quasiment dormi d’une traite ! Il pleut toujours de façon soutenue. Est-ce de la neige en Ardèche ?Je bois un Coca et je repars. Je stoppe dans un relais routier pour avaler un petit-déjeuner et aussi avoir des infos sur les conditions météorologiques en Ardèche. Il n’est question que de pluie. Les toilettes du relais sont les bienvenues mais un nouveau souci se profile à l’horizon : mes batteries n’ont pas été rechargées et pour travailler toute la journée, ça ne va pas le faire ! Je n’ai pu recharger qu’une batterie en roulant, ce qui m’en donne 3 en état de fonctionner alors que j’en ai consommé 7 la veille. Montélimar, Aubenas, Saint-Pierre de Colombier, la montée vers Burzet se fait sous une pluie importante. Je commence vraiment à angoisser : s’il pleut comme ça, ça ne va pas être au top pour les photos, même avec un parapluie ! Sur France Bleu Drôme-Ardéche, il est fait état de pluie en Ardèche et de neige en montagne. Mais l’Ardèche, ce sont des montagnes. Cela n’est pas très clair. Je m’arrête à nouveau pour un café-croissant à Pont-de-Labeaume. Je suis trempé pour le simple trajet de la voiture au café.A 9 kilomètres du départ de la ZR du Burzet, j’ai du mal à imaginer cette pluie importante en neige.

08h00. J’arrive au village de Burzet. Il pleut beaucoup. Les montagnes sont dans les nua-ges mais de là à avoir de la neige … J’aimerai bien me refaire un petit déjeuner mais tout est fermé à Burzet. Evidemment puisque nous sommes lundi. Sous une pluie violente, je stoppe « Au Petit Burzet » pour y prendre un café. Des com-missaires de l’ACM ont dormi à l’hôtel attenant. La jeune femme au service au bar essaye de joindre la DDE pour avoir des renseignements sur l’état des routes. Elle est renvoyée vers un numéro du Conseil Général, ce dernier la renvoyant sur un autre numéro. Il faut vraiment avoir envie de savoir ce qui passe un peu plus haut dans les sucs ! Après quel-ques minutes, elle a obtenu quelques informations précises. Il est question de neige à La-champ-Raphaël, de formation probable de congères et de routes en cours de déneigement par le chasse-neige. Si c’est le cas, c’est bien. Les équipements spéciaux sont obligatoires. J’ai bien fait de monter les pneus neige hier car là, procéder au remplacement sous une telle pluie, c’est autre chose !Sur Radio France Bleu Drôme-Ardèche, ils parlent maintenant de routes coupées autour de Lachamp-Raphaël. En moins d’une heure, les informations diffusées ont totalement changées ! Les commissaires de l’ACM disent qu’eux ne ferment pas la route. Ils partent pour installer le contrôle de départ et le contrôle à mi-parcours, du côté de Lachamp-Raphaël. Je repasse par la case toilettes (rien en s’améliore du côté de ma gastro…) et je pars à mon tour.

09h00. J’ai perdu plus de vingt minutes à tourner autour de Burzet. Sans copilote, sous la pluie, difficile quand on est tout seul de tracer son chemin sur les petites routes de l’Ar-

Lundi 2 février - quatrième jour

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Eh oui, 4 roues motrices et autant de pneus neige, mais il reste planté ! La honte ...

Contrairement à ce que pourrait laisser penser cette photo au premier coup d’oeil, il n’y a pas plus de six à sept centimètres de neige sur la chaussée à cet instant. Il s’agit de surcroît de neige fraîche tombée sur un sol non gelé, donc plutôt adhérente.

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dèche. J’ai mal lu la carte et je me suis trompé de départementale. Heureusement que je suis en avance !Je suis revenu sur la bonne route et je laisse derrière moi les commissaires de l’ACM qui installent le barnum de départ, à la sortie de Burzet.Après avoir roulé 1500 m dans la ZR, je croise une fourgonnette des Eaux et Forêts cou-verte de neige. C’est encourageant !Quelques kilomètres plus loin, à Péreyres, de la neige fondue se mêle à la pluie et il y a déjà deux centimètres de bouillasse, mélange d’eau et de neige, sur la route. A la sortie de Péreyres et alors que la montée n’a pas commencé, la couche de neige augmente rapi-dement sur la route et il n’y a bientôt plus que les traces sur la route des voitures qui me précèdent. Il n’y a presque plus de pluie dans la neige qui tombe.Deux kilomètres après Péreyres, la neige est bien au rendez-vous. Je découvre l’efficacité des pneus neige dans une couche de 3 ou 4 centimètres d’épaisseur. C’est un véritable plaisir : l’auto semble sur des rails, à tel point que je roule dans la neige fraîche plutôt que dans les traces.

Evidemment, avec tout ça, la fatigue est oubliée et le moral est au beau fixe : un paysage de neige, de la neige sur la route et il continue de neiger. Cela va donner des photos com-me l’an passé dans l’Echarasson ou en 2006 dans le col de Fontbelle : du pur plaisir !

09h18. Je dois stopper derrière deux autos bloquées dans une ligne droite. Les gars disent que ça ne passe pas. Je suis étonné dans la mesure où je suis arrivé derrière eux sans aucun souci. Les deux véhicules font demi-tour, dont un 4x4, et en me croisant me disent que ça ne passe pas. J’en déduis que son conducteur ne doit pas savoir enclencher les quatre roues motrices. Je poursuis ma route.A peine ai-je redémarré que je vois débouler dans mon rétroviseur deux Subaru WRX, qui entreprennent de me dépasser sans lever le pied. Je m’écarte pour les laisser passer. Evidemment, des Subaru, je ne peux que m’incliner avec ma Corsa 1.2i … Mais là, sur-prise, la première des deux Subaru vient se planter à gauche et coince la seconde. Le gars essaye de s’en sortir, part en travers et se replante. Je dois m’arrêter, puis reculer un peu pour le laisser reprendre sa route, ce qui ne se fait pas aisément. La seconde Subaru pré-fère abdiquer et fait demi-tour.Avec difficulté, la première auto repart mais quelques centaines de mètres plus loin, elle reste plantée ! Le gars ne sait visiblement pas s’en sortir, je vais le voir, il me dit que ça ne passe pas. Disons plutôt que lui ne passe pas. Il essaye plusieurs fois, les minutes passent. Un gars descend à pied pour dire que plus haut d’autres autos sont bloquées. Le conducteur de la Subaru n’arrive pas à faire demi-tour sur place et je dois reculer sur plus de 300 mètres pour lui permettre de me dépasser car il ne veut plus sortir de la trace. Je suis en train de revivre l’épisode du col de Fontbelle en 2006 où un véhicule media italien et une autre auto ont bloqué les premiers concurrents, entraînant un chamboulement du classement général.Ouf ! Les deux Subaru ont disparu et je peux poursuivre ma route. Je passe sans encombre là où il est resté planté. Je ne comprends pas bien comment il a fait son compte et j’aurai bien aimé avoir son auto pour poursuivre mon reportage.Décidément, chaque année, j’ai quelque anecdote avec les Subaru sur ce rallye. En 2007, le conducteur d’une auto analogue pensait que mon Zafira TDi était préparé, compte tenu de ses performances sur la neige (!). En 2008, bis repetita, avec un autre conducteur de Subaru qui ne comprenait pas comme sur la neige glacée, une Peugeot 307 pouvait être plus efficace qu’une Subaru. Il en est de l’auto comme de la photo : ce n’est pas parce qu’on possède un appareil photo que l’on sait photographier !

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Rassurant de voir cette vieille Express Renault parvenir ici sans encombres. Mais lui n’est pas commissaire ...

Ça commence à prendre mauvaise tournure, cette histoire …

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Il neige moins, tout est vraiment blanc, ça promet pour les photos !Quelques centaines de mètres plus loin, je tombe derrière trois autos plantées dans un vi-rage : un 4x4 belge qui ne sait pas avancer (ni même se garer), un italien avec une BMW et … le véhicule de l’ACM qui est en train de chaîner ! Bon, certes, il y a de la neige mais pas au point de rester planté comme ça ou de chaîner.

J’essaye de passer mais le 4x4 belge ne veut pas se garer. Et ne veut pas non plus filer son volant pour que je le gare et que je puisse passer. Ce qui m’inquiète, c’est qu’au rythme où vont les choses, ce sont les concurrents qui vont arriver !La BMW et le 4x4 disent que ça ne passe pas, les gars de l’ACM n’ont pas l’air franche-ment à leur aise quand arrivent derrière moi le préposé d’EDF avec sa camionnette … deux roues motrices et un autre gars avec un petit 4x4 Suzuki. Là, ça me rassure parce que voilà quelques minutes que j’essaye d’expliquer que ça monte sans souci et de voir arriver ce gars avec sa camionnette Express Renault dix ans plus vieille que les autres autos, ça me fait largement sourire. Ce n’est pas la hauteur de neige qui est en cause mais bien le comportement des conducteurs !Au départ, le conducteur du Suzuki est assez agressif à mon égard et me demande ce que je fais là, que je bloque la route, que si le docteur doit monter il ne pourra pas passer et ainsi de suite. Je ne comprends pas pourquoi il s’en prend à moi, je me mets un peu en colère, il finit par comprendre que si je suis arrêté, c’est à cause des trois autos qui sont devant moi et il entreprends de faire dégager la route. Mais le conducteur de la BMW s’enferre un peu plus à chaque coup d’accélérateur, les commissaires de l’ACM semblent découvrir le maniement des chaînes et le conducteur du 4x4 belge ne sait pas s’en servir.C’est à ce moment que reviennent dans l’autre sens deux véhicules de l’ACM, dont un 4x4, ceux-là avec qui j’ai pris un café un peu plus tôt dans la matinée à Burzet. Il paraît que ça ne passe pas. La décision est prise d’annuler la ZR. J’essaye d’avoir des rensei-gnements. Il paraît que le 4x4 de l’ACM a dû mettre les chaînes. Je suis un peu perplexe car nous sommes presque au sommet. Il y a une heure à peine ça passait. Et si ceux qui ont fait demi-tour sont aussi «bons» que ceux qui sont plantés dans ce virage ? Non, la ZR est bien annulée. Et merde ! Il me faut contourner la montagne pour aller de l’autre côté et rejoindre la ZR suivante. La matinée est largement foutue ! Je suis catastrophé. Ce magnifique terrain de jeu photographique est donc perdu pour le Monte-Carlo historique 2009.

Très largement énervé et contrarié, je repars donc immédiatement dans l’autre sens. La route est longue pour contourner la montagne et atteindre la ZR suivante, qui, j’imagine doit aussi être sous la neige. Onze kilomètres d’abord sur la neige pour rejoindre Burzet, menés tambour battant. Merci les pneus neige ! Je m’arrête pour faire une photo des com-missaires qui démontent le point stop de départ de la ZR. Pour eux la journée est terminée. Ils s’installeront le lendemain dans la ZR 10. Puis 17 kilomètres sous la pluie pour rejoin-dre Antraigues-sur-Volane, lieu de passage des concurrents au sortir de la ZR précédente. Là, je roule à l’économie pour ne pas flinguer mes pneus neige.

10h38. J’arrive à Antraigues. Les concurrents doivent rejoindre le CH de Saint-Agrève, puis le départ de la ZR de Saint-Bonnet-le-Froid, 72 kilomètres plus loin. Environ 45 autos sont passées devant moi, j’ai donc 70 kilomètres pour rattraper 45 minutes. S’il y a de la neige, ça le fera. Dans le cas contraire, ce sera mission impossible. Pour l’instant, à Antraigues, il pleut.

La douzaine de kilomètres dans la vallée de la Volane se fait sous la pluie : ce sont les con-currents qui me dépassent. Puis petit à petit, la montée sur Mézilhac se fait sur la neige.

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Dans la montée vers Laviolle (Ardèche), l’Alfa-Roméo 2000 GTV de Carlos De Miguel et Miguel Arias.

EOS 300D - f4.5 - 1/30e - ISO 200 - Canon 50-200 à 67 mm - priorité vitesse

Il faut un peu de chance pour réussir ce type de photos à travers les arbres puisque les branches peuvent facile-ment brouiller le sujet principal, la voiture. Dans ce cas de figure, je n’utilise pas l’autofocus mais la mise au point manuelle. Cela nécessite donc un ou plusieurs tests sur d’autres voitures. J’aurai préféré une auto jaune ou rouge, notamment pour qu’il y ait moins de réverbération sur la carrosserie, mais la pluie a con-trecarré mes plans et m’a obligé à quitter ma position.

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Puis dans le brouillard.Stupeur dans la montée : mon moteur ne prend plus les tours ! Quelque soit le rapport, le moteur n’a plus de puissance et finit par caler. Je dois immédiatement me coller contre un mur de neige et laisser passer les trois concurrents norvégiens qui me suivent. Mais je suis arrêté dans un virage, dans le brouillard, sur une route étroite à un endroit où de surcroît c’est difficile de doubler. Cerise sur le gâteau : je n’ai pas de réseau SFR. Il y a dans la vie des moments de grande solitude. Celui-là en est assurément un.J’essaye de redémarrer. Le moteur se lance mais ne prend pas les tours, comme s’il était noyé. J’essaye plusieurs fois, mais rien. Au bout de quelques minutes, le moteur repart normalement, j’arrive à repartir derrière un concurrent, mais 500 mètres plus loin, même mauvais gag : plus de régime moteur, le moteur cale. Je me retrouve à devoir stopper, avec un brouillard encore plus dense. Et toujours sans réseau SFR.Le redémarrage est laborieux. J’arrive à repartir et à atteindre le col de Mézilhac. Deux trois maisons, une trentaine de spectateurs, je choisis de faire immédiatement demi-tour pour redescendre en roue libre jusqu’à Antraigues. Au moment d’accomplir mon demi-tour, mon moteur perd à nouveau sa puissance et je me vois bloqué en plein milieu de la route alors qu’arrive une Berlinette Alpine. La légère déclivité permet à l’auto de terminer son demi-tour et le moteur repart comme si de rien n’était. Je reste bloqué deux minutes derrière un chasse-neige qui n’arrive pas à reculer, mais le moteur ronronne parfaitement. Je reste dubitatif. Poussière dans le carburateur ? Si c’est le cas, rien ne me dit qu’elle ne reviendra pas et qu’elle ne bloquera pas définitivement l’arrivée d’essence. Incapable de me dépanner moi-même, je choisis de redescendre vers Antraigues où je pourrais peut-être trouver un garagiste. Très inquiet, je repars dans la vallée de la Volane en faisant très attention à ne pas me retrouver en mauvaise posture sur la neige. Mais rien à redire. Je n’y comprends rien. Le moteur tourne parfaitement.

11h20. Je m’arrête à Laviolle, une dizaine de kilomètres avant Antraigues. En moins de douze heures, je viens d’avoir trois soucis majeurs : la CB qui ne coopère plus, la ZR annulée et le moteur qui fait des siennes. Il n’est pas possible que la matinée se termine comme ça ! J’essaye de trouver un coin pour faire quelques photos des concurrents, his-toire d’avoir au moins quelques clichés de cette journée. Les lacets de Laviolle se prêtent bien à quelques cadrages sympas, mais au bout de cinq minutes, les cataractes du ciel se déversent à nouveau. Ayant perdu un 350D dans un orage à Béthune en 2005, j’avoue que la pluie a tendance a vite me faire rebrousser chemin. Cela en est trop pour mon moral : j’abdique et remonte en voiture pour rejoindre le CP d’Antraigues.

11h33. Je rejoins le CP sans aucun souci du côté du moteur. Depuis que je suis reparti de Mézilhac, RAS.

11h50. Je repars d’Antraigues où j’ai pu faire quelques photos à La Remise, un haut lieu du Monte-Carlo depuis les années 70. Quoique mon moteur n’ait plus donné aucun signe de faiblesse depuis presque une heure, je préfère rejoindre Aubenas ou Valence pour faire examiner mon véhicule. Je ne veux pas tenter le diable. D’autant que chaque année, il y a un souci avec l’auto. En 2006, ce furent des plaquettes usées jusqu’à la corde qui ont endommagé les disques de frein. Puis en 2007, une coque vrillée et un goujon de roue cassé qui ont obligé de changer de véhicule en repartant de Monaco. Et enfin en 2008, un accrochage avec un spectateur dans le Jura, puis un problème de pneus neige défectueux avec le véhicule de remplacement qui ont nécessité un dépannage. Pour 2009, si je pou-vais éviter le dépanneur, ça ne serait pas mal. C’est donc à contrecœur que j’abandonne l’Ardèche.

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Sur la route vers Saint-Agrève, un groupe de concurrents polonais marque une pause.

EOS 40D - f2.8 - 1/200e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 42 mm - priorité vitesse

Une de mes toutes dernières photos. Je devais rentrer sur Valence et profondément déçu, j’essayais malgré tout d’engranger d’autres clichés re-présentatifs de ce rallye. Les concurrents qui stoppent pour marquer une petite pause fait partie des clichés propres à cette épreuve.

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Sans aucune alerte du côté du moteur, je rejoins dans un premier temps Vals-les-Bains puis Aubenas. Mais entre 12 et 14 heures tout est fermé. J’achète de quoi manger à Vals-les-Bains et le commerçant me confirme que ma CB est bien illisible. Impossible de télé-phoner à ma banque : elle est fermée le lundi.J’hésite un instant à repartir vers Saint-Bonnet-le-Froid, mais le temps d’y arriver, je ne serai qu’avec les derniers concurrents. La mort dans l’âme, je vais donc à Valence.

13h55. Je fais le plein à Valence et profite d’une station Feu Vert pour exposer mon souci mécanique. Mon interlocuteur ne sait quoi me dire et me propose d’ausculter le moteur en faisant une vidange. Je ne vois pas bien le rapport, mais comme de surcroît, il faut que je patiente jusqu’à 15h30, je me mets à la recherche d’un garage Opel. En redémarrant du Feu Vert, mon moteur semble présenter les mêmes symptômes que deux heures plus tôt. C’est à n’y rien comprendre ! Il n’y a qu’un seul concessionnaire Opel à Valence. Il me dit que ça peut venir du car-burateur et me propose d’amener mon auto le lendemain. Je ne suis pas plus avancé. Je passe par une agence du Crédit Agricole qui me confirme que la puce de ma Mastercard n’est plus lisible. Je ne peux donc plus m’en servir, ni même retirer d’argent ! Comme la banque est organisée en caisses régionales, je ne peux même aucunement être aidé par le Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes qui n’a aucune communication avec son homologue du Nord-Est. Sans compter que mon agence est fermée. J’ai certes un contrat d’assistance qui pourrait me dépanner dans un tel cas de figure mais l’association de problèmes (auto + Mastercard) ajoutée à des troubles gastriques absolument pas résorbés me poussent à inscrire le mot « fin » sur ce reportage.

15h00. Je m’arrête chez McDonald’s pour recharger mon téléphone mobile. J’ai dû en changer avant le départ et SFR n’avait pas de chargeur sur allume-cigare disponible. N’étant pas passé par un hôtel la veille, je n’ai donc pu le recharger. Et entreprendre un voyage de 700 bornes sans GSM ne me semble pas la meilleure chose à faire, surtout en prenant en considération les vents contraires que je rencontre depuis quelques jours.Je veux aussi profiter du réseau WiFi pour adresser quelques photos, car malgré le très petit nombre de photos que j’ai pu faire dans la matinée il y a quelques petites choses sympathiques. Mais mon ordinateur ne détecte pas le réseau. Un autre client est dans le même cas que moi. L’employée nous dit que normalement ça fonctionne. Au troisième redémarrage de mon ordinateur, la batterie affiche directement 2% d’autonomie et l’ordi coupe. A ce rythme-là, je me dis que la journée va encore être longue. Au quatrième re-démarrage, toujours pas de réseau WiFi. Bon…, au moins, il reste les toilettes (la gastro n’est pas terminée !). Mais il n’y a plus de papier toilette ! Au secours ! Je me demande qu’elle mauvaise fée se penche sur ma journée. Heureusement, McDo ne contrôle pas le nombre de serviettes prises au libre-service. Quoiqu’il y ait la mention : « Une serviette de trop, c’est un déchet en plus ! ». Dans le cas présent, je verrai plutôt : « Un rouleau en moins, c’est un souci en plus ! ».Un peu cynique et désirant sûrement partager mon malheur avec mon prochain, je n’aver-tis pas l’employée du défaut de papier toilette. Après tout, elle me dit que le réseau WiFi fonctionne et ce n’est pas le cas. Elle avoue cependant « ne rien y connaître » …

15h40. J’estime avoir suffisamment rechargé mon mobile. Je quitte Valence et ce 12ème RHMC par la petite porte, fort contrarié et dépité. J’ai horreur d’abandonner, mais là, face à tant d’adversité, je pense qu’il est vain de lutter. La pluie m’accompagne et la météo annonce une alerte de niveau orange (verglas et neige) dans les zones que je vais traverser après Lyon.

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17h20. Le moteur présente les mêmes signes d’essoufflement et de perte de puissance dans le contournement de Villefranche-sur-Saône. Après 30 secondes, la voiture repart normalement. Cela me conforte un peu dans mon idée de rentrer car j’avoue qu’au fil des kilomètres, rien ne m’ayant alerté, je finissais par penser que j’avais peut être agi avec précipitation en rebroussant chemin de la sorte.

00h47. Je stoppe à Le Gault-Soigny, entre Sézanne et Montmirail. Je ne compte plus les arrêts à la recherche de toilettes. Le moteur a parfaitement fonctionné plusieurs heures durant. La pluie a cessé. Le Burzet est à 685 kms. Je suis toujours en colère contre ces trois abrutis qui ont été incapables de rouler dans dix centimètres de neige.

02h00. J’arrive chez moi. J’adresse un mail à mes clients pour expliquer qu’un problème mécanique m’a condamné à ne pouvoir suivre les deux dernières étapes du rallye. Mes photos sont déjà en ligne sur le site de l’ACM et … ce sont les seules. C’est étonnant cela. Nous sommes plusieurs photographes « officiels » et je suis le seul à avoir déjà transmis des photos, alors que je suis un de ceux qui est le moins présent derrière son ordinateur durant ces quelques jours. D’un autre côté, tant mieux. Cela me fait un peu de pub.

Je retiens de cette quatrième épreuve couverte de cette façon que la condition physique est essentielle dans ce genre de reportage. Quant à partir seul : je savais que c’était une ânerie. J’en ai eu la confirmation.A nouveau, le fait d’emporter en double presque chaque chose s’est avéré un choix judi-cieux.J’ai fait trois fois moins de photos que les années précédentes et pour cause puisque j’ai été trois fois moins présent sur le terrain. Heureusement, malgré les contrariétés et inci-dents, la qualité est relativement présente, à défaut de la quantité. Mais pour ce qui est des photos de nuit, il va falloir encore trouver des solutions. J’ai quelques épreuves de 24 heures inscrites à mon calendrier 2009 : j’ai donc la possibilité d’apporter des réponses d’ici la 13ème édition ... que j’espère bien suivre au départ de Copenhague. Suivre ce rallye, c’est une aventure magnifique que j’ai la chance de vivre depuis main-tenant quatre ans. Une aventure faites de sensations, de joies, de rencontres, le tout dans des paysages magnifiques avec des autos qui font partie de la légende automobile. Que demander de plus, quand de surcroît il me reste un album photographique pour me replon-ger dedans quand le moral est en berne ?

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Conclusion

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L’Alpine-Renault A110 1800 d’Erik Comas et Isabelle De Sadeleer.

EOS 300D - f7.1 - 1/320e - ISO 100 - Canon 50-200 à 55 mm - priorité vitesse

Dans le col de l’Echarasson, Erik Comas a ravi tous les spectateurs en passant à deux reprises avec sa berlinette de 1973.Monté sur une hauteur, j’ai cadré avec ces branchages dégarnis sur la droite, comme s’ils voulaient toucher l’auto, un peu comme des fans qui idolâtrent et tendent les bras pour toucher leur idole. D’où un choix de vitesse élevé (1/320e) pour garder une certaine netteté à ces branchages.

Extrait du portfolio ...

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La Vespa 400 de Christian Agostini et Pierre Delliere ... partie d’Oslo, 1900 km plus au nord.

EOS 40D - f2.8 - 1/100e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 20 mm - priorité vitesse - flash 580EX

Chaque année, on voit dans le RHMC des concurrents au volant de voitures un peu particulières, des autos qui ont toutes à leur époque bien participé au rallye. Il y eu en 2007 une 2CV, aussi partie d’Oslo.Trois Vespa 400, engagées par l’usine, étaient parties d’Oslo en 1959 et avaient terminé le rallye. Tout comme cette-ci, partie aussi d’Oslo pour commémorer ce cin-quantième anniversaire et qui a terminé à la 253e place. Dernière certes, mais à l’arrivée.

Extrait du portfolio ...

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La Renault 4CV (de 1954) de Marc Leplaideur et Philippe Ameloot.

EOS 40D - f3.5 - 1/6e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - priorité vitesse

Une des plus anciennes autos au départ de cette édition 2009. Photo prise à main levée. Au petit matin, je cherchais d’autres couleurs. Les lu-mières naturelles me semblaient intéressantes malgré l’éclairage orangé du parking. L’auto étant l’élèment principal, la vitesse choisie me permet de flouter les personnages. J’aurai préféré qu’ils ne soient pas pré-sents, mais ça, c’est lié au hasard.

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Détail de l’Opel 1900 GT de Berthauld Doyen et Eric Torrejon

EOS 350D - f4.5 - 1/30e - ISO 400 - Canon 50-200 à 133 mm - priorité vitesse - flash 580EX

J’ai choisi un temps de pose volontairement long, malgré l’utilisation d’un téléobjectif, afin de ne pas utiliser une source de lumière additionnelle, avec une focale courte pour masquer l’arrière-plan (un béton sans intérêt).Les reflets sur la carrosserie (à droite) et sur le des-sus du goupillon sont saturés, mais à moins de fermer complétement, impossible d’obtenir mieux. C’est tout le problème des reflets sur les autos dans les halls d’ex-position.

Extrait du portfolio ...

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Dans les neiges du Vercors, la Fiat 850 Coupé de Gilles et Pierre Court.

EOS 300D - f5.6 - 1/200e - ISO 100 - Canon 50-200 à 90 mm - priorité vitesse

Pourquoi toujours présenter ses photos au format du capteur, c’est à dire sens horizontal 2/3 ? Aujourd’hui sur le web, 95% des portfolios des photographes pré-sentent des photos au format 2/3, parfois cependant en vertical. Pourtant rien n’impose ce choix, sauf celui de limiter sa créativité.

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Sur les routes de l’Ardèche, la Ford Escort RS2000 de Bernard et Pierre-Laurent Figuiere.

EOS 300D - f5.6 - 1/200e - ISO 200 - Canon 50-200 à 200 mm - priorité vitesse

Dans cet environnement obscur, il m’a fallu attendre une auto de couleur claire ... qui malheureusement roulait avec ses codes. J’aurai préféré le contraire, mais ça ne se choisit pas ! La pluie est venue, toutes les autos ont alors roulé en codes ou en phares. Je n’avais plus qu’à changer de place ...

Extrait du portfolio ...

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L’Austin Mini Cooper S des Anglais Peter Barker et Willy Cave sur le parcours de concentration.

EOS 40D - f2.8 - 1/30e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 37 mm - priorité vitesse - flash 580 EX

Une auto de 1965 et un copilote, Willy Cave, qui a parti-cipé au rallye de Monte-Carlo en 1955 sur MG et qu’il a alors terminé à la 237e place.J’ai souhaité cadrer le soleil qui pointait à l’horizon à travers ces arbres pour donner un peu de profondeur à la photo et surtout ne pas avoir une photo ‘pleine pastille’ de l’Austin. Le container, derrière le pilote, n’est pas du meilleur effet ... mais on ne choisit jamais les arriè-res-plans dans ce genre de cas. Cadrer différemment n’était pas possible du fait des spectateurs ou d’autres concurrents.

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Groupe de supporters au départ de Reims le vendredi soir.

EOS 40D - f2.8 - 1/10e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - priorité vitesse - flash 580 EX

Des cris au loin qui m’ont attiré, un petit groupe de supporters, en fait deux familles et une demi-douzaine d’enfants jugés sur des barrières, un petit mouvement pour accompagner l’auto et le flash pour figer la scène. Encore une voiture et le groupe s’en est allé. «La qualité du photographe doit être de savoir attendre le miracle (...) quand le petit dieu malin envoie la scène qu’on n’a pas attendue» (Robert Doisneau).Photo publiée par Nice-Matin pour illustrer le parcours de concentration.

Extrait du portfolio ...

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La Lancia Fulvia HF 1.6 des Espagnols Gonzalo Rico-Avello et Secundino Suarez.

EOS 40D - f5.6 - 1/200e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - priorité vitesse

A nouveau un format carré. Une polémique s’est développée sur certains forums con-cernant la taille des encarts publicitaires, quand ils ne sont pas historiquement d’origine (c’est-à-dire lorsque l’auto a été engagée au rallye de Monte-Carlo). Pour cette Lancia, le CAJA MADRID ne respecte en effet pas la taille de 50 cm par 14 indiquée dans le règlement. Pourtant tous les concurrents espagnols de ce club arbo-rent depuis des années la mention de cette taille et à cet endroit sur le capot.

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Dans les rues de Reims le vendredi après-midi.

EOS 40D - f3.2 - 1/400e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 17 mm - compensation +0,3 - priorité vitesse

Cette photo est prise au même endroit que celle de la page 12. C’est le seul endroit où j’ai utilisé le 400e dans ce reportage (je ne suis pas un adepte des vitesses rapi-des). Je voulais une photo d’ensemble nette. C’est encore une photo où la chance a joué : aucune auto ne s’est intercalée entre les concurrents, le soleil a tourné de telle manière que mon ombre n’apparaisse pas, et les couleurs claires des trois autos se marie bien avec les parties ombragées de la place.

Extrait du portfolio ...

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Rarissime : la Porsche 904 GTS des Belges Jean-Claude Castelein et Filip Deplancke.

EOS 40D - f6.3 - 1/250e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 55 mm - priorité vitesse

Il est certain qu’il faut oser engager une 904 GTS Carrera dans cette épreuve. Cent douze autos ont été construi-tes et une Porsche 904 a terminé à la seconde place du rallye en 1965, pour sa seule participation. L’auto est cotée environ 400.000 €. Grosse frayeur donc pour l’équipage lors de ses premiers kilomètres sur la neige quand l’auto a tapé –sans dommage si ce n’est de la neige sur le capot– un mur de neige dans les premiers virages du col de l’Echarasson. L’auto termine à la 247e place sur 253 classées.

Page 62: Les tribulations d'un photographe

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Détail de la Porsche 914/6 #284 de Noel et Christine Messersi.

EOS 40D - f5 - 1/100e - ISO 400 - Canon 17-55 f2.8 IS à 55 mm - priorité profondeur de champ

Une photo un peu particulière de la Porsche 914/6. En effet, seuls les spécialistes de la marque reconnaîtront l’auto. Cette photo s’inscrit dans une série qui met en exergue un détail des autos engagées (au même titre que celle de la page 54). On ne voit en effet plus du tout de bouchon d’essence de ce type, qui plus est positionné sur le capot avant !

Page 63: Les tribulations d'un photographe

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La Triumph TR3A de Gérard Guiot et Georges Peyre.

EOS 40D - f2.8 - 1/125e - ISO 100 - Canon 17-55 f2.8 IS à 35 mm - priorité vitesse - flash 580 EX

Encore une photo où la chance joue un grand rôle. Quand il neige, il suffit d’un seul flocon à quelques centimètres de la lentille de l’objectif pour que la photo soit totale-ment ratée (le flocon reflétant la lumière du flash).Sur cette photo, aucun flocon n’apparaît plus gros qu’un des phares de cette Triumph en train de passer au som-met du col de l’Echarasson.

Page 64: Les tribulations d'un photographe

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La Porsche 924 de Christian et Claudine Brethon lors du contrôle technique à Reims.

EOS 350D - f4 - 1/60e - ISO 400 - Canon 50-200 à 100 mm - priorité vitesse

Le contrôle technique, c’est aussi l’occasion pour les concurrents d’inviter leurs amis, sponsors et partenai-res. L’équipage de cette Porsche 924 avait fait réaliser cette maquette, à l’identique de l’auto, et l’avait posée sur le toit du véhicule. J’ai eu un peu de mal à cadrer cette image correcte-ment car il y avait en permanence beaucoup de monde autour et surtout derrière l’auto. J’ai fini par choisir cette inclinaison pour masquer autant que faire se peut l’arrière-plan.

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Contrôle technique à Reims le 30 janvier.

EOS 300D - f2 - 1/160e - ISO 100 - Canon 50 mm f1.8 - priorité vitesse

Une photo dans la même veine que celles des pages 54 et 60. Je n’ai pu utiliser le 50 mm f1.8 qu’au Parc des Expo-sitions de Reims et j’ai tenté quelques cadrages toujours très rapproché de détails liés à la course. La luminosité de cet objectif est telle que même située dans une par-tie baucoup moins éclairée, ces deux autos ne manquent aucunement de lumière.

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Mon matériel

Pour réaliser ce reportage, j’avais emmené avec moi :

- boîtier Canon EOS 300D + grip + 3 batteries - boîtier Canon EOS 350D + grip + 3 batteries - boîtier Canon EOS 40D + 3 batteries

- objectif Canon 50 mm f1.8 - objectif Canon 17-55 mm f2.8 IS - objectif Canon 18-55 mm f4-5.6 + filtre polarisant - objectif Canon 50-200 mm f4-5.6 + filtre polarisant - objectif Sigma 70-300 mm f4-5.6 APO DG - objectif Canon 300 mm f4

- flash Speedlite 580 EX + 8 piles rechargeables - flash Speedlite 580 EXII + 8 piles rechargeables - trépied - monopode

- ordinateur portable 17’’ + DD de 200 Go - cartes CF pour un total de 15 Go de données (je n’utilise pas de carte mémoire de plus d’1 Go) - 2 lecteurs de cartes CF - chargeur de batteries Canon 2LTE et DS8101 - chargeur de batteries Canon sur allume-cigare - chargeur de piles AA (pour piles des flashes)

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© Thierry Birrer / PHAUTO - 02/2009