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Présentation aux enseignants Mercredi 2 mars 2016, 14h30 Édouard Toudouze, Le Mariage d'Anne de Bretagne, 1901 Détail du carton de tapisserie pour la tenture de la Grand'Chambre Les Tentures du parlement de Bretagne Un décor oublié du palais de justice de Rennes (1897-1924) Exposition présentée du 26 février au 7 mai 2016 Ouverture en continu : du mardi au vendredi de 10h à 17h le week-end de 10h à 18h (sauf lundis et jours fériés)

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Présentation aux enseignants Mercredi 2 mars 2016, 14h30

Édouard Toudouze, Le Mariage d'Anne de Bretagne, 1901

Détail du carton de tapisserie pour la tenture de la Grand'Chambre

Les Tentures du parlement de Bretagne Un décor oublié du palais de justice de Rennes (1897-1924)

Exposition présentée du 26 février au 7 mai 2016

Ouverture en continu : du mardi au vendredi de 10h à 17h

le week-end de 10h à 18h (sauf lundis et jours fériés)

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Informations pratiques

Musée des beaux-arts 02 23 62 17 45 20 quai Émile Zola www.mbar.org 35000 Rennes

Ouverture en continu : du mardi au vendredi de 10h à 17h et le WE de 10h à 18h (fermeture les lundis et jours fériés) Permanence des conseillers-relais, mercredi : 14h - 17h 02 23 62 17 54 Fabrice Anzemberg (arts plastiques) et Yannick Louis (histoire-géographie) Réservation obligatoire au 02 23 62 17 41 (du lundi au vendredi : 8h45 - 12h15)

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SOMMAIRE

Introduction

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La tapisserie

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La manufacture des Gobelins

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Des tentures, des tapisseries ?

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Approche historique 1. Le contexte : entre la "planète morte" et le "passé héroïque"

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2. Enseigner l'amour de la patrie

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3. La célébration d'une petite patrie qui conduit à la grande Page 15 Pistes pédagogiques

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Bibliographie - Sitographie

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Introduction De 1894 à 1917, Jean-Marie LALOY (1851-1927), architecte de l'État, est chargé de la restauration du palais de justice de Rennes, appellation de 1789 à 1981. L'appellation Parlement de Bretagne a été utilisée de 1618 à 1789, puis sera de nouveau employée depuis 1981 à aujourd'hui. Né à Fougères et issu d'une famille d'architecte, Jean-Marie LALOY fait ses études à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, appelée alors École impériale et spéciale des beaux-arts. À Rennes, il réalise quelques hôtels particuliers ; on le connait aussi pour avoir construit l'école normale d'institutrices, boulevard de la Duchesse Anne ou l'école d'agronomie de la rue de Saint-Brieuc. On peut encore citer l'ancienne maison d'arrêt située sur le boulevard Jacques Cartier. La restauration du palais de justice est une commande prestigieuse. La IIIe République accorde une place importante au symbole que représente ce lieu. On qualifie la démarche professionnelle de LALOY de grande rigueur. Le travail qu'il effectue au palais de justice de Rennes est de cette nature. Inscrit dans un engagement de la Gauche Radicale, imprégné d'une pensée laïque et républicaine, membre de la franc-maçonnerie rennaise, LALOY sert les idéaux de cette IIIe République. C'est à l'occasion de la restauration de cet édifice que deux ensembles de tentures sont réalisés à Paris par la Manufacture des Gobelins. Une tenture allégorique composée de neuf tapisseries est destinée au Conseil de la Grand'Chambre. Une autre tenture de onze tapisseries sur l'histoire de la Bretagne est créée pour la Grand'Chambre.

Édouard TOUDOUZE

La Mort de Du Guesclin 1904

Grand carton de tapisserie, 550 x 780 cm, Musée des beaux-arts de Rennes Pour réaliser ce programme artistique exceptionnel, Jean-Marie LALOY est secondé par trois artistes peintres : Joseph BLANC (1846-1904), Édouard TOUDOUZE (1848-1907) et Auguste-François GORGUET (1862-1927). Ces peintres sont à l'origine des cartons utilisés par les lissiers de la manufacture des Gobelins pour tisser ces tentures.

Le Parlement de Bretagne est connu pour son architecture dessinée dans un premier temps par l'architecte Germain GAULTIER (1571-1624) et revue ensuite par l'architecte Salomon de BROSSE (1565 ou 1571-1626). L'édifice est influencé par le maniérisme.

Parlement de Bretagne, façade sud

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À l'intérieur, des décors sont peints par Jean JOUVENET (1644-1717), Charles ERRARD (1606-1689) et Noël COYPEL (1628-1707). Des tentures ornent les murs du palais, mais elles ont disparu avec la Révolution française. Jean-Marie LALOY veut restituer un décor d'ensemble cohérent. Aujourd'hui, une grande partie de ces œuvres textiles a disparu. Ces tentures ont été oubliées et certaines détruites. Dans l'actuel Parlement de Bretagne, seule la tapisserie La Mort de Du Guesclin est exposée dans la Grand'Chambre. Trois autres tapisseries sont conservées par le Mobilier national. Les incendies du Parlement (nuit du 4 au 5 février 1994) et de l'atelier parisien de restauration (1997) sont en partie la cause de la disparition d'éléments de ces tentures. Cette exposition est l'occasion de montrer les tapisseries encore existantes, les petits et les grands cartons ainsi que les dessins faits par LALOY lors de son intervention dans le palais.

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La tapisserie La tapisserie est un art ancien. Il est pratiqué en Europe depuis l'Antiquité, en Grèce et dans l'Empire romain. En dehors de notre continent, d'autres peuples ont eu recours à la réalisation de tentures murales en Égypte ancienne, en Chine impériale ou au sein de plusieurs civilisations précolombiennes. La tapisserie est un art ornemental qui permet de décorer les intérieurs et qui a aussi pour fonction d'isoler les murs contre le froid et l'humidité. La tapisserie est un tissage. Deux ensembles de fils la composent : les fils de chaîne où viennent s'entrelacer les fils de trame. Les fils de chaîne sont mis en tension sur un métier. Ils reçoivent les fils de trame et constituent ainsi les motifs de la tapisserie. Les fils de chaîne sont enroulés à chaque extrémité de l'ouvrage sur des rouleaux appelés ensouples. D'un côté, l'ensouple porte la réserve de fils de chaîne, de l'autre il reçoit le tissage. Le tissage est réalisé en séparant de manière alternée les fils de chaîne en deux nappes. Un bâton de croisure est placé entre les deux nappes de chaîne. Le tissage est produit par le passage de broches en bois, servant de recharge de fil. Par ces passages successifs de broches, le motif apparaît par l'utilisation de fils de

Dans la collection permanente du musée : Leandro BASSANO (Leandro Dal Ponte dit, 1557-1622) Pénélope défaisant son ouvrage Huile sur toile, 92 x 85 cm Musée des beaux-arts de Rennes Leandro est un des fils de Jacopo BASSANO (1515-1592). Jacopo Dal Ponte tient nom d'artiste du village proche de Venise où il est né : Bassano. Il a quatre fils qui travaillent avec lui dans son atelier : Francesco BASSANO le Jeune (1549-1592), Gerolamo (1566-1621), Giovanni Battista (1553-1613), et Leandro. Le tableau conservé au musée de Rennes connaît des attributions successives à un des membres de la dynastie BASSANO. Actuellement un doute existe entre Leandro et Francesco. La scène représentée dans cette œuvre est limitée au plus strict minimum : une femme, dans l'obscurité, éclairée par sa lampe à huile, est affairée sur un métier à tisser. À la fin du XIXe siècle, l'oeuvre perd son titre et devient ouvrière en guipure devant son métier. L'ouvrière, cependant, peut surprendre par sa tenue. Sa robe est complexe et de grande qualité, le col est une dentelle précieuse, une guipure comme l'indique ce titre provisoire. Cette femme porte à l'oreille une très belle boucle, une perle. La scène semble mystérieuse. L'ensemble est très sombre et les contrastes lumineux tranchent avec force. Cette opposition clair/obscur met en valeur un jeu subtil de couleur. De ce noir coloré très chaleureux, le métier à tisser se détache dans une gamme variée d'ocres jaunes et rouges. Les couleurs de la peau et de la chevelure sont délicates et mises en lumière avec douceur. Par opposition, le costume de la lissière apparaît de manière plus tranchée par un choix coloré à la fois fort et mis en valeur par le contraste ombre/lumière. Le cadrage de l'œuvre interroge. On a pensé un temps qu'il s'agissait d'un fragment d'une toile plus grande. Aujourd'hui, on sait qu'il n'en est rien. La composition nous apparaît dans sa modernité et toute son audace. La scène montre un tissage et une ouvrière devant son métier. L'aspect rendu presque dramatique de la représentation, l'obscurité où percent les détails nécessaires pour la compréhension de l'œuvre, l'attitude de cette femme et la richesse de son vêtement laissent penser à une mise en image de la reine d'Ithaque. Pour faire patienter ses prétendants, chaque nuit, Pénélope défait son ouvrage, le linceul de son beau-père, Laërte (Homère, Odyssée, XIII – XXIV).

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différentes couleurs. Les fils de chaîne sont de couleur écrue, car ils ne sont pas destinés à être vus, la trame recouvrant les fils de chaîne. La réalisation du métier à tisser peut se faire à la main, il faut simplement tendre la chaîne sur un support adapté. Depuis plusieurs siècles, le lissier (ou licier) réalise la tapisserie sur un métier. On distingue deux types de métiers : le métier de basse lisse et le métier de haute lisse. Le métier de haute lisse est dressé à la verticale. Les deux montants le constituant sont appelés jumelles ou coterets. Ce sont ces pièces qui maintiennent les ensouples. Sur ce type de métier, la nappe avant est fixe, seule la nappe arrière est mobile et fait des passages d'avant en arrière pour réaliser le tissage. Cette nappe est équipée d'une lisse, une cordelette de coton qui permet ce mouvement. Le lissier, à l'aide d'une broche fait passer les fils de trame entre les fils de chaîne. Le lissier, en tissant, travaille sur l'envers de la tapisserie. Il peut contrôler sa réalisation à l'aide d'un miroir. Le lissier travaille d'après un carton. Le carton est un modèle à la même échelle que la tapisserie qu'il réalise. Ce carton est peint par un artiste. Le lissier n'est pas un simple exécutant mais un véritable interprète de l'œuvre à réaliser. Sur un métier de haute lisse, on considère qu'un lissier met un an pour réaliser 1m2 de tapisserie. Les tapisseries des Gobelins sont exclusivement des ouvrages de haute lisse. La basse lisse n'est pas fondamentalement différente de la haute lisse. Le lissier travaille sur l'envers de l'ouvrage ; il contrôle son avancée par un miroir ; à l'aide d'un peigne, il tasse les duites (les allers et retours des fils de trame) effectuées par des flûtes ou navettes après les avoir amenées les unes contre les autres par les dents d'un grattoir. Le résultat final est techniquement très semblable à celui d'une tapisserie en haute lisse. Le métier est cependant horizontal. Le lissier utilise un jeu de pédales pour ouvrir et croiser la chaîne en deux nappes. À Beauvais, les lissiers se servent de chaînes en coton. Le coton donne un résultat final que l'on considère comme étant plus résistant. Les principaux ateliers de basse lisse sont ceux d'Aubusson et de Beauvais. La manufacture de Beauvais est créée en 1664. Le roi Louis XIV souhaite par ces ateliers faire concurrence aux lissiers de Flandre et répondre à la demande des particuliers. C'est une entreprise privée au départ. Mais la manufacture connaît des difficultés financières à la fin du XVIIIe siècle, elle devient alors manufacture nationale en 1804. Encore actuellement, la production répond aux commandes privées contrairement aux Gobelins qui ne travaillent que pour le roi et aujourd'hui pour l'État. C'est en 1826, que la manufacture envoie ses métiers de haute lisse aux Gobelins et se spécialise dans la basse lisse. En 1940, les ateliers de Beauvais sont transférés à Paris puis à Aubusson. Les ateliers étant totalement détruits par la guerre, l'État décide en 1945 d'implanter la manufacture aux Gobelins. En 1989, la manufacture retourne dans sa ville d'origine. Aujourd'hui, la production de la manufacture de Beauvais se répartit entre les ateliers des Gobelins à Paris et à Beauvais. De basse lisse ou de haute lisse, une tapisserie traduit par un travail complexe de tissage une maquette réalisée par un artiste. Le projet accepté, un choix de taille d'agrandissement de la maquette détermine les dimensions définitives de l'ouvrage. C'est l'étape du carton. Le carton est à l'échelle de la tapisserie. Réalisé par le peintre, il permet au lissier d'interpréter le projet. Celui-ci doit alors établir la gamme de couleurs qui va servir au tissage de la tapisserie ou même de la tenture dans son ensemble. Le lissier va choisir aussi les techniques de tissage pour être au plus près de la peinture et de ses effets. C'est la phase d'échantillonnage. Ensuite, un calque est fait à partir du carton et est reporté sur les fils de chaîne. Le lissier n'est pas un simple exécutant mais un véritable interprète de l'œuvre à réaliser. L'étape du carton est un moment d'échange et de rencontre entre le peintre et le lissier. Un dialogue s'établit alors ; il interroge des savoir-faire.

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La manufacture des Gobelins Au XVe siècle, Gilles GOBELIN et sa famille, originaires de Reims, s’installent à Paris dans le faubourg Saint Marceau pour y fonder une entreprise de teinturerie. En 1440, Jean GOBELIN, teinturier, crée sur les bords de La Bièvre, à proximité de la Butte-aux-Cailles et de la Montagne Sainte-Geneviève, le long du chemin d’Italie, de nouveaux ateliers. Jean GOBELIN fait fortune avec ses teintures à base de cochenille : l’écarlate. En 1601, Henri IV (1553-1610) fait l’acquisition de la teinturerie et installe deux lissiers flamands, Jean de LA PLANCHE et Marc de COMANS. Ces deux lissiers poursuivent, en plus de leur activité, le travail de la teinture. (Notons qu’aujourd’hui encore, les ateliers des GOBELINS ont gardé cette fonction. Chaque couleur nécessaire à la réalisation d'une tapisserie est produite par les ateliers de teinture de la manufacture.) En 1662, Louis XIV (1638-1715) rachète les ateliers puis crée la Manufacture royale des Meubles de la Couronne cinq ans plus tard. Son ministre COLBERT (1619–1683) centralise dans cette manufacture différents ateliers de tapisserie de Paris ainsi que des ateliers d’orfèvrerie et d’ébénisterie. La Manufacture ne fonctionne que pour les commandes royales. On compte alors 250 lissiers au service du roi. Le principe d’une manufacture réservée aux commandes exclusivement royales est repris à l’ancien Surintendant des finances, Nicolas FOUQUET (1615-1680). Ce dernier avait installé à Maincy un atelier de Lisse où travaillaient pour lui des lissiers flamands. Louis XIV et son ministre COLBERT reprennent ce principe et l’adaptent au service de la Couronne. Les lissiers viennent de France et de différents pays d’Europe. La production est réputée pour ses qualités techniques et artistiques. Au XVIIIe siècle, la réputation d’excellence est connue dans toute l’Europe. Aujourd'hui encore, les Gobelins travaillent toujours exclusivement pour l'État. Malgré les bouleversements haussmanniens, un incendie pendant la Commune qui endommage une partie des bâtiments, les Gobelins poursuivent leurs activités. Les ateliers continuent à créer des tapisseries originales pour le Mobilier national. Le savoir-faire se perpétue en matière de production de tapisserie. Des artistes contemporains créent des cartons. La trentaine de lissiers des ateliers réalise alors ces commandes d'État qui servent à décorer différents palais ou bâtiments nationaux. La restauration d’une tapisserie n’est pas confiée aux Gobelins mais aux ateliers du Mobilier national. Pour les tentures du Parlement de Bretagne, les cartons ont été conservés et constituent une base documentaire précieuse. D’autres grandes manufactures nationales existent en France en plus de la manufacture de haute-lisse des Gobelins : la manufacture de basse-lisse de Beauvais, la manufacture de tapis de la Savonnerie. Les Gobelins ne travaillent que sur des métiers de haute lisse, Beauvais pratique la basse lisse et la Savonnerie, aujourd’hui installée dans d’anciens ateliers des Gobelins où on y travaillait un temps la basse lisse, réalise des tapis aux points noués. Une tapisserie contemporaine, réalisée aux Manufactures nationales des Gobelins : Jacques MONORY (né en 1934) Les Manufactures nationales (Gobelins, Beauvais, Savonnerie, dentellières) ont, depuis leur création sous l’ancien régime, vocation de créer des tapisseries originales. Des artistes de grand renom se chargent de proposer des projets ou même de réaliser des cartons. Ces cartons sont ensuite transposés par les lissiers. Le choix des couleurs des différents fils utilisés se fait par le lissier et en concertation avec l’artiste. Le lissier est en mesure d’évaluer la faisabilité du projet et ses conditions de réalisation. Pour le projet proposé par Jacques MONORY, le lissier ne dispose pas d’un carton proprement dit, mais d’un montage photographique qui a servi au peintre. Le lissier doit interpréter le projet. Il est un artiste-lissier : il n’est pas un exécutant, son expertise, la finesse de ses qualités créatives, sa sensibilité artistique sont associées à un véritable savoir-faire.

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À partir des années 70, la tapisserie connaît un renouveau. Des salons assurent la promotion et le développement de cette activité artistique. C’est le cas, notamment, de la biennale de Lausanne créée par Jean LURÇAT. Ces salons démontrent l’énergie créatrice des lissiers. La tapisserie utilise traditionnellement la laine, le coton, la soie, les fils d’or ou d’argent, mais cette nouvelle génération de créateurs s’intéresse à d'autres fibres comme des produits synthétiques. La tapisserie s’émancipe du support mural et devient un objet parfois tridimensionnel. Ne pouvant pas utiliser de l'or ou de l'argent (question de budget), le lissier doit trouver de nouvelles matières qui rendent un effet similaire.

Des ateliers privés vont être à l’origine de multiples créations. Nous pouvons ici citer par exemple la tapisserie conservée au collège La Binquenais à Rennes. Cette œuvre datée de 1979 a été réalisée à partir d’un carton peint par l’artiste François BARON-RENOUARD et tissée par le lissier Pierre DAQUIN aux ateliers Saint Cyr. Commandée et acquise dans le cadre du “1%”, Forêt de symboles illustre ce renouveau de la tapisserie dans la période des années 1970-80.

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Des tentures, des tapisseries ? Cette exposition a pour titre Les Tentures du parlement de Bretagne et non pas Les tapisseries du parlement de Bretagne. Tapisserie, tenture ont des sens différents et leur utilisation varie du langage courant au langage technique ou professionnel.

Édouard TOUDOUZE

Le Mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII Carton de tapisserie, Musée des beaux-arts de Rennes

On parle communément de tapisserie pour désigner une œuvre textile accrochée au mur, à la différence du tapis qui, lui, est créé pour être placé au sol. Pour un lissier (licier) ou un spécialiste de cet art textile, la tapisserie est un ouvrage artistique fait de fils de chaîne recouverts de fils de trame, effectivement exposé sur un mur. La tapisserie est une pratique, ensemble de gestes techniques, qui utilise des matériaux spécifiques : laine, soie, fil d'or ou d'argent, fibres synthétiques. Une tenture, ensemble de tapisseries, doit traiter du même thème. Dans le cadre des tentures du Parlement de Bretagne, les thèmes choisis sont de deux natures. D'une part, ils portent sur l'histoire de la Bretagne. Les sujets insistent plus particulièrement sur les faits et les personnages historiques qui s'inscrivent dans le rapprochement de la Bretagne et de la France. D'autre part, des allégories en rapport avec le lieu décorent le Conseil de la Grand'Chambre (actuelle Première chambre civile).

Joseph BLANC, Jean-Marie LALOY La Philosophie

300 x 267 cm Mobilier National

Joseph BLANC, Jean-Marie LALOY L'Éloquence 307 x 255 cm Mobilier National

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Commande de l'État, de la IIIe République très précisément, ces tentures mettent en avant les notions d'unités, de Nation, une et indivisible. Ces tentures sont, à l'intérieur du palais de justice, un programme. Ces grands décors ont un rôle symbolique qui correspond à la fonction et à l'histoire du lieu. Chaque élément présent sur une tapisserie évoque le caractère historique, allégorique. La scène principale (comme dans Le Mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII) ou la figure centrale (La Philosophie, par exemple) désignent clairement un aspect du programme de ces tentures. Mais la bordure, le cadre qui entoure chaque tapisserie, contient lui aussi des informations. Elles font sens et ne constituent pas seulement un décor ou un artifice de présentation. Il en va de même de l'alentour, ce que communément on pourrait désigner par le mot "fond". La couleur, la matière choisie pour son travail, les motifs représentés, contribuent à renforcer la thématique des tentures. Un même alentour constitue le fond d'une tenture, sur tous les fonds de cet ensemble de tapisseries.

Fabrice ANZEMBERG, conseiller-relais au musée beaux-arts de Rennes

Auguste-François GORGUET Alain Barbe-Torte, vainqueur des Normands, s'agenouille devant les ruines de l'autel de Saint-Aignan 1911 Tapisserie 551 x 248 cm Réserve Mobilier National

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Approche historique Le projet de décor de la Grand'Chambre et du conseil de la Grand'Chambre est à mettre en relation avec les travaux de réaménagement du palais menés à la fin du XIXe sous la direction de Jean-Marie Laloy qui fait classer parmi les "Monuments historiques" le parlement auquel il souhaite rendre son aspect d'origine (élimination de la grille posée par Millardet et reconstruction envisagée de l'escalier extérieur) ; les tentures vont ainsi compléter le décor, masquer aussi des éléments anciens comme l'abeille et le N, faisant référence au Premier et Second Empire. Il s'agit d'un projet qu'il faut placer dans une ambition plus large puisque, au même moment, d'autres monuments publics (L'Odéon, la Comédie française...) sont décorés de tentures également produites par la manufacture des Gobelins. Si la réalisation s'étend sur une trentaine d'années, le projet dans son contenu s'élabore entre 1894 et 1905. 1. LE CONTEXTE : ENTRE LA "PLANÈTE MORTE" ET LE "PASSÉ HÉROÏQUE" C'est entre 1870 et 1914 que la IIIe République, née de la défaite de Sedan le 02 septembre 1870 (un traumatisme profond), proclamée le 04, fait "entrer au port" la Révolution (François Furet). La France, "un feu sans flamme ni lumière (...) une planète morte..." écrit Renan, en proie au pessimisme le plus grand en 1871, dans "La réforme intellectuelle et morale de la France". Entre les hésitations de Henri V, les excès de l'ordre moral et clérical du duc de Broglie, la France doit attendre, que les victoires électorales des Républicains (aux législatives de 1876 suivies par la conquête des mairies, du Sénat et de la Présidence de la République en 1878 et 1879) permettent à la République de s'enraciner durablement dans un siècle où les régimes politiques se sont succédés à un rythme très rapide. (Il est en effet assez surprenant de remarquer qu'en 1889, la IIIe République a dépassé en longévité tous les régimes politiques du XIXe siècle). Les années 1880 voient l'installation du régime enfin signifiée par des symboles qui impriment l'identité de la République : retour des chambres à Paris en 1879, l'amnistie des Communards, la Marseillaise devient hymne national et le 14 juillet fête nationale (pour commémorer la fête de la fédération de 1790) ; la devise "Liberté, égalité, fraternité", le buste de Marianne, les libertés de réunion... autant de signes d'un changement destiné à s'inscrire dans la durée.

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Entre le Panthéon et la statuaire : comment la République affirme-t-elle ses choix idéologiques ? Maurice Agulhon, La République a besoin de grands hommes, in 1500 ans d'histoire de France, Collections de l'Histoire, n°44, juillet 2009, page 38 http://www.histoire.presse.fr/collections/1500-ans-d-histoire-de-france/la-republique-a-besoin-de-grands-hommes-09-07-2009-9729 C'est en 1885 que le Panthéon est rendu aux grands hommes, Victor Hugo le premier, alors que durant le XIXe siècle, son statut a régulièrement changé, de l'édifice religieux au culte laïc. Extrait Agulhon (...) la IIIe République s’est aussi beaucoup servie du Panthéon à des fins de proclamation idéologique. Voyez déjà Victor Hugo en 1885. En 1889, en même temps que Carnot, Marceau et La Tour d’Auvergne, elle fait entrer Jean-Baptiste Baudin, tué sur les barricades lors du coup d’État de 1851. Émile Zola y est inhumé en 1908. Une façon pour le régime de s’affirmer face aux ennemis de la République, bonapartistes ou antidreyfusards. À chaque fois, la décision soulève un débat. À commencer par 1885, où la mise au Panthéon récupéré de Victor Hugo soulignait et redoublait le « scandale » de ses obsèques purement civiles. La guerre civile morale, « guerre de religions » pourrait-on dire en exagérant à peine, est centrale dans les débats politiques de la IIIe République. Et rien ne surexcite mieux ce genre de passions que ce qui touche à la mort. Cela s’atténue à peine après 1918. Au-delà des Invalides (réservés à la droite et à une certaine idée de la France), de l'Arc de Triomphe (qui fait unanimité), le Panthéon demeure longtemps le lieu d'inhumation des grands hommes... de gauche.

Parallèlement, la République célèbre à travers la statuaire, les guerriers anciens notamment Jeanne d'Arc (la combattante plutôt que la sainte avec Emmanuel Frémiet) et Du Guesclin. Mais le régime se distingue en accordant une place aux héros oubliés comme le Grand Ferré ou le tambour d'Arcole, signifiant ainsi selon Guillaume Peigné http://cdlm.revues.org/6219 le triomphe de l'héroïsme anonyme ou le passage du guerrier au soldat pour glorifier l' "Achille collectif qu’on appelle un régiment" (Théophile Gautier). Cette installation est longue et le nouveau régime doit faire face aux menaces (Le général Boulanger mais aussi les affaires de corruption – Panama – ou encore l'affaire Dreyfus qui divise le pays sans oublier le terrorisme...) ; en 1906, Émile Loubet est le premier président à terminer son septennat normalement.

Emmanuel Frémiet (1824-1910) Monument à Du Guesclin 1902 Érigé à Dinan

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Ainsi, en dix ans, la République semble être parvenue à définir un projet partagé, ce dont témoigne Ernest Renan : "Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a souffert." Ernest Renan, extrait de « Qu’est-ce qu’une nation ? », conférence prononcée à la Sorbonne, le 11 mars 1882 2. ENSEIGNER L'AMOUR DE LA PATRIE L'école gratuite et laïque de Jules Ferry diffuse une morale civique fondée sur le respect des libertés fondamentales, la conviction d'appartenir à une patrie au passé glorieux et promise à un avenir qui ne le sera pas moins. L'école devient enjeu national (puisque, ce serait l'instituteur prussien qui aurait vaincu à Sedan) (http://www.histoire-image.org/site/etude_comp/etude_comp_detail.php?i=279) et la République doit, au nom des grands principes qu'elle défend mais aussi pour répondre à un défi (la revanche), éduquer les enfants dans l'amour de la patrie. Les manuels d'histoire d'Ernest Lavisse étudiés par Olivier Loubes, s'ils évoluent, forgent des sentiments patriotiques portés par l'institution scolaire. Ernest Lavisse, l'instituteur national par Olivier Loubes (extraits) Or, les petits Lavisse s'ils sont bien connus pour les années fondatrices du nouveau régime, le sont beaucoup moins pour la suite. Quelles étaient les lignes de force du roman national tel qu'il était construit dans les années 1880 ? Les petits écoliers étaient immergés dans les eaux limpides d'un récit-fleuve qui, de Vercingétorix à Thiers, en faisait les futurs héros d'une Patrie dont la grandeur monarchique passée s'épanouissait nécessairement en République, mère de tous les progrès à venir, scolaires comme coloniaux. Le roman national s'accomplissait en roman républicain, le passé informait le présent et nourrissait l'avenir : la France était le phare de l'Humanité, la Patrie une « princesse des contes de fées ». (...) En 1884 paraît la première édition du petit Lavisse. Elle suit le premier programme républicain de 1882. Les jeunes écoliers y sont entraînés dans un compte à rebours qui est un conte à revanche. (...) Cette version vengeresse le mot apparaît quatre fois dans ce final du patriotisme est repérable dans tous les écrits et dans les autres manuels de cette génération. Elle est bien connue et le sens de l'enseignement de l'histoire qui la commande se trouve condensé, toujours sous la plume de Lavisse, dans la dernière phrase de l'article « Histoire » du Dictionnaire pédagogique de Buisson en 1887 : « Si [l'écolier] ne devient pas un citoyen pénétré de ses devoirs et un soldat qui aime son drapeau, l'instituteur aura perdu son temps. » Une dizaine d'années plus tard, la tonalité générale, le sens patriotique restent fondamentalement ancrés en 1870 et tournés vers l'Allemagne. Mais, en 1895, l'idée de vengeance a disparu. L'écolier patriote n'est plus explicitement un héros vengeur des désastres de ses pères. Il est désormais invité à embrasser un idéal de

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héros justicier. À la fin de la dernière leçon pour les cours moyens, toujours consacrée à la République, il est question de « La situation actuelle de la France » : http://www.histoire.presse.fr/collections/1500-ans-d-histoire-de-france/ernest-lavisse-l-instituteur-national-09-07-2009-10568 Mais si le Lavisse semble n'envisager la patrie que dans sa dimension nationale, pour Jean-François Chanet (L'école républicaine et les petites patries, Aubier, 1996), dans les écoles, on apprend l'histoire de la nation et l'amour de la patrie à travers l'amour de la "petite patrie", ce que vient confirmer l'exemple de la tenture du Parlement dont la vocation éducative et politique est évidente. 3. LA CÉLÉBRATION D'UNE PETITE PATRIE QUI CONDUIT À LA GRANDE Ferdinand Buisson : "L'amour de la petite patrie mène à la grande." Arthur de La Borderie : "Notre race, notre nation, notre pays, la PATRIE ! – la grande et la petite patrie, la France et la Bretagne, que nous ne séparons point dans nos cœurs." Leçon d’ouverture du cours d’histoire de Bretagne qu’il professe à la Faculté des lettres de Rennes, le 4 décembre 1890 (Extrait du catalogue de l'exposition, p. 112) L'historien de la Bretagne, Arthur de La Borderie (le "Lavisse breton" selon Joël Cornette) publie alors son Histoire de la Bretagne (1896-1899) ; proche d'Édouard Toudouze, l'historien (mais également homme politique, enseignant...) est très impliqué dans ce projet et associé au choix des épisodes devant figurer dans ce projet. Après avoir écarté les thèmes mythologiques puis la résistance du Parlement de Bretagne d'abord retenus pour la tenture, on fait le choix de représentations historiques présentant des personnages ou des événements permettant d'associer histoire régionale et nationale dans une complémentarité qui se réalise par l'union des deux "nations" ; en effet, les épisodes traités racontent l'émergence d'une nation qui se révèle dans l'épreuve et triomphe dans l'union avec la France. En 1925, lors de l'accrochage de l'avant-dernière tapisserie (Alain Barbe-Torte, vainqueur des Normands), Lucien Plédy, premier Président du Parlement, insiste dans son discours sur la lutte victorieuse des Bretons contre la menace Viking : "(...) nos ancêtres ont repoussé les envahisseurs". Une formule qui prend tout son sens entre 1870 et le milieu du XXe siècle et qui résume bien le contexte plus large dans lequel ce projet fut pensé et réalisé. C'est pourquoi, il ne faut pas ignorer que les choix de Laloy et La Borderie, validés par le Conseil général, écartent des événements dont le souvenir ne semblait pas convenir : la révolte du papier timbré, la résistance du Parlement, la Révolution sont ignorées, l'histoire semblant s'arrêter avec Henri IV et la loyauté de Rennes qui semblent confirmer le rattachement de la Bretagne à la France.

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La visite de l'exposition pourrait donc se prolonger dans les salles du musée pour y voir ces peintures, traitées par le site "L'histoire par l'image" :

Jean-Bernard Chalette (1631-1684) Allégorie de la révolte du papier timbré 1676

Huile sur toile 105 x 150 cm

http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=1297 Cette œuvre représente le peuple breton assistant à une messe en mer durant la période révolutionnaire. Présenté au salon de 1864, ce tableau romantique peint selon les codes académiques, rappelle comment la Bretagne s'est opposée aux réformes révolutionnaires. http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=262&oe_zoom=481&id_sel=481

Yannick Louis, conseiller-relais MBAR

Louis Duveau (Saint-Malo, 1818 - Paris, 1867) Une messe en mer, 1793 1864 Huile sur toile 187 x 350 cm

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Pistes pédagogiques

Les allégories L'allégorie est une forme particulière de l'expression artistique : il s'agit d'un langage codé dont les signes sont immédiatement intelligibles... pour le public averti des XVIIe et XVIIIe siècles. L'allégorie correspond à l'utilisation d'une chose ou d'une personne pour exprimer une idée ou une notion abstraite ou/et morale difficile à représenter. L'avarice, l'envie, le travail..... sont souvent aux XVIIe-XVIIIe siècles représentées sous une forme allégorique. Mais, attention, s'il s'agit d'un langage intelligible, c'est parce qu'il est codé ; on s'appuie notamment sur le Traité d'iconologie de Cesare Ripa* qui précise les règles. *L'iconologie de Cesare Ripa paraît à Rome en 1593, mais n'est publiée en France qu'en 1636 ; selon Émile Mâle "un événement capital de l'histoire culturelle du XVIIe siècle français". En effet, on considère ce livre comme un ouvrage de référence qui guide les artistes des XVIIe et XVIIIe siècles. Les choix retenus correspondent aux allégories et vertus qu'on peut situer dans la proximité de la fonction judiciaire du lieu ; il s'agit de l'éloquence, la philosophie, la morale, la loi, la force, la justice, la charité, l'histoire ; les Armes de France et de Bretagne complètent l'ensemble. Un modèle est reproduit et adapté à l'allégorie représentée qu'on identifie à ses attributs. Les allégories : identifier et expliquer 1/ Relevez les points communs à toutes les représentations. Quel est l'effet recherché ? 2/ Les allégories sont des représentations figurées de vertus le plus souvent sous une forme féminine ; on l'identifie à ses attributs. Au XVIe et surtout au XVIIe siècle, en France, avec la diffusion des textes de Ripa, les codes sont repris par tous les artistes et, pour certains, encore lisibles aujourd'hui (même si nombreux sont ceux qui ont été oubliés). Exemple 1 : la justice (ci-contre) Retrouvez les attributs qui permettent d'identifier la justice. Comment faut-il les interpréter ? Exemple 2 : la force : expliquez en quoi cette allégorie représente la force. Même question pour la philosophie. Selon vous, pourquoi représenter ces allégories dans une salle d'un tribunal ?

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De l'image à la sculpture Sur le toit du Parlement, quatre sculptures représentent également des allégories : il s'agit de la Loi, la Force, l'Éloquence et la Justice : sauriez-vous les identifier et les retrouver sur les tentures.

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Trois scènes historiques retenues

L'épisode historique Où la Résistance française incarnée par Jeanne rencontre le connétable originaire de Suscinio, deuxième et dernier fils du duc de Bretagne Jean IV le Vaillant. Miraculé d'Azincourt, il devient connétable de Charles VII en 1425, encourage le rapprochement entre Bretagne et France ; disgracié puis à nouveau connétable... il rencontre Jeanne après Orléans. «Jeanne, on m'a dit que vous me voulez combattre ; je ne sçay si vous estes de par Dieu ou non. Si vous estes de par Dieu, je ne vous crains en rien, car Dieu sait mon bon vouloir ; si vous estes de par le diable, je vous crains encore moins». Ils combattent ensemble les Anglais et remportent des victoires décisives (Beaugency et Patay, le 18 juin 1429) qui, dit-on, fait oublier Azincourt. La représentation Dans un cadre inspiré par des formes architecturales de la Renaissance, la scène s'organise autour des deux personnages principaux. . Repérez les deux personnages principaux. . Répertoriez tout ce qui se rapporte au roi de France, à Jeanne d'Arc, à la Bretagne, à l'action militaire en cours. (Pour le roi, l'oriflamme de Saint Denis – de taffetas rouge à deux queues, les fleurs de lys sur fond bleu ; pour la Bretagne, la bannière, les hermines, l'allégorie de Saint Brieuc ; pour l'action militaire, le siège de Beaugency dans la partie supérieure droite – on devine le drapeau anglais). . Dans la partie supérieure, une allégorie : que tient-elle ?

Édouard Toudouze Jeanne d'Arc et le connétable de Richemont (détail du carton) Préparation de l'exposition © Jean-Manuel Salingue, musée des beaux-arts de Rennes

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L'épisode historique Anne de Bretagne est reçue devant le château de Langeais par Charles VIII qu'elle épouse le lendemain (6 décembre 1491). La représentation de l'épisode Remarquez comment le peintre est parvenu par ses choix (composition, éléments particuliers) à donner à Anne une importance majeure. La noblesse et la fragilité de la duchesse : pouvez-vous expliquer comment le peintre est parvenu à représenter ses qualités ? Le peintre insiste aussi sur sa foi : que voit-on à proximité de la duchesse ? Repérez des éléments signifiant l'union de la Bretagne à la France. Cette union est scellée par un mariage : en bas, à droite, il y est peut-être fait référence ; de quelle manière ?

Édouard Toudouze Le Mariage d'Anne de Bretagne (détail) Carton 463 x 614 cm (dimensions totales) 456 x 599 cm (après montage sur châssis) © Jean-Manuel Salingue, musée des beaux-arts de Rennes

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L'épisode historique (rapporté en détail sur Wikirennes)

Après avoir passé la nuit au manoir de Fontenay, en Chartres, chez la maréchale de Brissac, le lendemain 9 mai 1598, Henri IV va faire son entrée à Rennes. Au mois de mars, le duc de Mercoeur, chef de la Ligue protestante, vient de se rendre à Henri IV. Le roi va y accéder par le faubourg de Nantes pour atteindre la porte de Toussaints ornée de grands écussons, l'un aux armes de France, un autre à celles de Navarre, le troisième aux armes de Bretagne (la porte était située à l'emplacement de l'actuelle jonction de la rue Tronjolly et du boulevard de la Liberté) (...). En présence de Le Meneust, sieur de Bréquigny, sénéchal à la tête du présidial, le maréchal de Brissac, lieutenant-général du roi en Bretagne, entouré de cinquante enfants vêtus de blanc, présente au roi les quatre clés de la ville en argent doré, attachées avec un cordon de soie aux couleurs du roi, que portait monsieur de Montbarot, le capitaine. "Voici de belles clefs, dit le roi en les baisant, mais j'aime mieux encore les clefs des cœurs des habitants", formule qu'il ne devait assurément pas employer pour la première fois... Le roi avait fait connaître qu'il ne voulait pas de dais et que les rues fussent tendues en son honneur. (...) Il passe, sous des arcades de lierre, par la rue du Puits-Mesnil, le Grand bout de Cohue (près de l'actuelle rue Pont aux Foulons) où, sur une grande estrade, donnent l'aubade des joueurs de violon et de hautbois (...). Comment était alors Henri IV ? Le notaire rennais Pichart le décrit : "C'est un fort agréable prince et fort familier à tout le monde, et meslé en toutes choses, sans grandes longueurs de discours, et adonné à toutes sortes d'exercices. De moyenne taille, la barbe toute blanche, le poil blond commençant à griser, et l’œil plaisant et agréable. Il peut avoir 46 à 47 ans, néanmoins la barbe le rend plus vieil qu'il n'est. Il disait à tous quelques bons mots en passant car il sçait et cognoist tout."

Auguste Gorguet L'Entrée d'Henri IV à Rennes (détail) Carton © Jean-Manuel Salingue, musée des beaux-arts de Rennes

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Auguste Gorguet et le travail du peintre "Il faut, à mon sens, prendre de toutes les reconstitutions historiques juste ce qu’elles peuvent donner au point de vue décoratif. Il devrait y avoir des choses d’un goût douteux dans toutes ces scènes représentatives et, si l’on pardonne dans un tableau une faute d’archéologie, on se montre plus sévère pour les fautes de goût. Je m’en tiendrai donc, en étant exact, à ce qui peut produire le plus grand et le meilleur effet." Relevez des éléments signalant comment le peintre s'écarte de la retranscription de l'événement pour en rendre compte en poursuivant ses objectifs propres. Dans la représentation, faites l'inventaire de ce qui se rapporte à : o la royauté française : .................................................................................................................... o Henri IV : ....................................................................................................................................... o la Bretagne : ................................................................................................................................. o Rennes : ....................................................................................................................................... Quels sont les sentiments que traduisent les représentations de Rennais présents (à gauche, de dos) ? ................................................................................................................................................................................. Quelle image du roi, Auguste Gorguet a-t-il voulu donner ? .................................................................................................................................................................................

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Bibliographie - Sitographie Les Tentures du parlement de Bretagne, Un décor oublié du palais de justice de Rennes (1897-1922), Éditions Snoeck, catalogue de l'exposition présentée au musée des beaux-arts de Rennes du 26 février au 7 mai 2016 Histoire du Parlement : Document de présentation par la DRAC : www.culturecommunication.gouv.fr/content/.../1/.../parlement_som.pdf Ou une présentation succincte mais efficace : Dominique Irvoas-Dantec et Philippe Bohuon, Le Parlement de Bretagne Rennes, Édition du patrimoine (65 p. avec des orientations bibliographiques) Roman national et ses nuances : http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/03/10/20592929.html http://clioweb.canalblog.com/archives/2011/03/10/20589947.html 1500 ans d'histoire de France, Collections de l'Histoire, n°44, juillet 2009 http://www.histoire.presse.fr/collections/1500-ans-d-histoire-de-france/la-republique-a-besoin-de-grands-hommes-09-07-2009-9729 Claude Billard, Pierre Guibbert, Histoire mythologique des Français, Éditions Galilée, 1976 Arnaud-Dominique Houte, La France sous la IIIè – La République à l'épreuve, 1870-1914, La documentation photographique, n° 8101, septembre-octobre 2014 (avec une bibliographie détaillée sur la période) Jean-Yves Andrieux, L'architecture de la République, Les lieux de pouvoir dans l'espace public en France 1792-1981, Éditions Scéren, CNDP, 2009 Art de la tapisserie : www.manufacturedesgobelins.fr www.beauvais.fr/tourisme/manufacture-nationale-de-la-tapisserie.html http://www.mobiliernational.culture.gouv.fr/fr/histoire/histoire/manufacture-de-la-savonnerie http://tourisme-lodevois-larzac.fr/detail-poi/poi/visites-guidees-de-la-manufacture-de-la-savonnerie-1.html https://www.youtube.com/watch?v=jIbu-dJuEh0

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Mardi 9 février 2016 Montage de l'exposition Les Tentures du parlement de Bretagne

© Jean-Manuel Salingue, Musée des beaux-arts de Rennes

Dossier : Fabrice Anzemberg, [email protected], Yannick Louis [email protected], conseillers-relais MBAR, février 2016 Maquette : Carole Marsac, MBAR - Mise en ligne : Nadège Mingot, MBAR