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Les mé thodes disponibles d’appré ciation au lit du malade des circulations ré gionales et du fonctionnement cellulaire B. Vallet et B. Lévy Introduction Dans une situation qualifiée de « critique » (pouvant aboutir à un état de choc), le système cardiovasculaire ne peut pas apporter un débit circulatoire suffisant à chaque organe dans le but de maintenir ses fonctions métaboliques. Dans certains cas, l’organe lui-même est lésé au cours de la situation « critique » (par exemple le cerveau en neurotaumatologie), et le monitorage systémique ne permet pas à lui seul de conduire une thérapeutique efficace pour cet organe. Cet état critique peut s’observer avec un débit cardiaque bas, normal ou élevé mais toujours inadapté à l’adéquation transport-consommation d’oxygène (TO 2 /VO 2 ) locale de l’organe considéré. Cette inadéquation locale est aussi appelée dysoxie : une insuffisance respiratoire cellulaire, le plus souvent secon- daire à une insuffisance circulatoire aiguë, entraînant une baisse de la délivrance effective en oxygène (O 2 ) aux tissus et provoquant une véritable crise énergétique cellulaire responsable d’un défaut de synthèse de l’adénosine triphosphate (ATP) par arrêt de fonctionnement de la phosphorylation oxyda- tive. L’appréciation de cette inadéquation locale reste d’un accès difficile aujourd’hui pour le clinicien car il dispose de peu d’outils facilement utilisables et capables de répondre à la question suivante : existe-t-il une relation entre la dysfonction d’organe observée (en général a posteriori, c’est-à-dire après l’épi- sode « critique ») et le « chiffre » anormal rendu par l’outil de monitorage local lors de l’épisode « critique »? Nous allons examiner dans ce chapitre les tech- niques de mesure dont nous disposons à ce jour dans ce contexte et leur applicabilité « au lit du malade ».

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Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade des circulations régionales et du fonctionnement cellulaire

B. Vallet et B. Lévy

Introduction

Dans une situation qualifiée de « critique » (pouvant aboutir à un état de choc),le système cardiovasculaire ne peut pas apporter un débit circulatoire suffisantà chaque organe dans le but de maintenir ses fonctions métaboliques. Danscertains cas, l’organe lui-même est lésé au cours de la situation « critique » (parexemple le cerveau en neurotaumatologie), et le monitorage systémique nepermet pas à lui seul de conduire une thérapeutique efficace pour cet organe.Cet état critique peut s’observer avec un débit cardiaque bas, normal ou élevémais toujours inadapté à l’adéquation transport-consommation d’oxygène(TO2/VO2) locale de l’organe considéré. Cette inadéquation locale est aussiappelée dysoxie : une insuffisance respiratoire cellulaire, le plus souvent secon-daire à une insuffisance circulatoire aiguë, entraînant une baisse de ladélivrance effective en oxygène (O2) aux tissus et provoquant une véritablecrise énergétique cellulaire responsable d’un défaut de synthèse de l’adénosinetriphosphate (ATP) par arrêt de fonctionnement de la phosphorylation oxyda-tive. L’appréciation de cette inadéquation locale reste d’un accès difficileaujourd’hui pour le clinicien car il dispose de peu d’outils facilement utilisableset capables de répondre à la question suivante : existe-t-il une relation entre ladysfonction d’organe observée (en général a posteriori, c’est-à-dire après l’épi-sode « critique ») et le « chiffre » anormal rendu par l’outil de monitorage locallors de l’épisode « critique » ? Nous allons examiner dans ce chapitre les tech-niques de mesure dont nous disposons à ce jour dans ce contexte et leurapplicabilité « au lit du malade ».

Appréciation des circulations régionales

Évaluation de la redistribution des débits régionaux en situation de stressL’hypovolémie est un modèle particulièrement bien étudié avec redistribution,sous l’influence de différents facteurs hormonaux et neurologiques, du débitsanguin vers le cœur et le cerveau, aux dépens de la perfusion musculo-cutanée,rénale et splanchnique (1).

Le choc septique réalise une insuffisance circulatoire aiguë distributive avecatteinte vasculaire mixte veino-artérielle, dépression myocardique et troublesde l’utilisation de l’O2. Il existe de plus une apparente contradiction entre uneatteinte périphérique en vasoplégie (libération massive de monoxyde d’azote[NO] par une NO synthétase induite dans le muscle lisse vasculaire) et destroubles microcirculatoires en vasoconstriction (par déficit de NO d’origineendothéliale) compliquant ainsi l’utilisation des agents vasoconstricteurs.

La réaction physiologique au sepsis est caractérisée par une hyperactivitésympathique responsable à la fois de la redistribution des débits régionaux etd’un état d’hypermétabolisme, par une sécrétion adaptée ou inadaptée de vaso-pressine et par un état de résistance ou de sensibilité diminuée aux agentsvasoconstricteurs endogènes et exogènes. Le choc septique, et en général toutesles situations inflammatoires systémiques avec instabilité hémodynamiquesévère, représente un contexte clinique particulièrement intéressant pour lemonitorage régional : en effet, la réponse hémodynamique globale (réponse auremplissage ou à l’administration d’un inotrope pour corriger un bas débitcardiaque par exemple) ne préjuge en rien de la réponse des circulations régio-nales et encore moins de celle de la microcirculation ou des cellules.

Parmi les différentes circulations régionales, la circulation splanchnique estla plus étudiée et la plus accessible à un monitorage clinique. Cet intérêt s’ex-plique par :

– la sensibilité de la circulation splanchnique à l’agression ;

– le rôle potentiel de celle-ci dans l’induction ou l’entretien de la défaillancemultiviscérale.

L’approche de cette circulation concerne soit l’ensemble du territoire splanch-nique (vert d’indocyanine, mesure continue de la saturation veineuse en O2[SvO2] sus-hépatique [ShvO2], spectrophotométrie de réflexion), soit la perfu-sion distale des organes creux (capnométrie gastrique ou sublinguale, laserDoppler), c’est-à-dire la perfusion de la muqueuse digestive. La tonométriegastrique peut être considérée maintenant comme une technique facilementutilisable en routine clinique. Les autres techniques se situent à mi-cheminentre la recherche et l’utilisation plus courante.

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Mesure du débit hépato-splanchnique par le principe de Fick

Le vert d’indocyanine (indocyanine green ou ICG) donné par voie intraveineuseest complètement lié aux protéines plasmatiques, exclusivement éliminé par lefoie et ne subit pas de cycle entéro-hépatique. De ce fait, le flux hépatiquedevrait être égal à la clairance systémique du colorant (2). Néanmoins, chezl’homme et surtout en situation instable, l’extraction hépatique de l’ICG variede 15 à 95% et dépend en grande partie de la fonction hépatique, nécessitantpar conséquent un prélèvement dans une veine sus-hépatique pour obtenir ledébit (3).

Sur un plan pratique, la méthode dite « à l’équilibre » nécessite l’injectiond’un bolus suivi d’une perfusion continue. Les prélèvements artériels etveineux sus-hépatiques sont effectués et les concentrations d’ICG déterminéesen spectrophotométrie à une longueur d’onde de 805 nm. En assumant uneconcentration stable, le débit hépato-splanchnique est calculé par la formulesuivante : Qsplan = [débit ICG (mg/min)/[ICGart]-[ICGhep] x (1 – Hct) (4).

La mesure conjointe des gaz du sang artériel et veineux permet de calculertransport, consommation et extraction d’O2 au niveau splanchnique.

Mesure continue de la SvO2 sus-hépatique

Un cathéter peut être placé dans la veine sus-hépatique sous amplificateur debrillance ou sous écho-guidage. Un cathéter à fibres optiques est utilisé depréférence ; il permet la mesure continue de la ShvO2. En effet, dans des situa-tions cliniques comme le sepsis, le trauma et la chirurgie, il a été mis enévidence une augmentation de la différence entre SvO2 et ShvO2 (∆SvhO2)signant un déséquilibre entre transport et consommation en O2 au niveausplanchnique (5, 6). Lorsque l’augmentation du métabolisme est plus impor-tante que celle du débit sanguin splanchnique, le gradient ∆SvhO2 estaugmenté, des valeurs de 20 à 40% étant fréquemment retrouvées (7).

Le gradient ∆SvhO2 peut être monitoré en continu. La sonde peut égale-ment être utilisée pour mesurer le lactate sus-hépatique et établir ainsi unedifférence artério-veineuse en lactate pour déterminer le caractère producteurde lactate de la région splanchnique (gradient négatif ) (8). Un grand nombred’études ont utilisé la mesure conjointe du flux hépato-splanchnique et dugradient ∆SvhO2 pour explorer les effets de différentes thérapeutiques et enparticulier des médicaments vaso-actifs au cours du sepsis (9). Un gradientsupérieur à 10% est associé à une augmentation de la VO2 lors de l’augmen-tation du TO2 hépato-splanchnique, suggérant la dépendance du métabolismeau flux hépato-splanchnique chez les patients en choc septique (10).

Les limites de la technique sont constituées par la nécessité de placer uncathéter en sus-hépatique, d’utiliser du vert d’indocyanine et de disposer de latechnique de dosage. De plus, il a été démontré une dissociation entre l’utili-

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sation splanchnique de l’O2 et en particulier la néoglucogenèse et les para-mètres de transport en O2 splanchnique dépendants de l’activitébêta-adrénergique (11). Enfin, la technique nécessitant un dosage biologiquenon disponible en urgence ne peut pas être utilisée comme outil thérapeutique.Pour pallier à cet inconvénient, la société Pulsion a commercialisé récemmentun appareil appelé LIMON™ (liver monitor). Cet appareil utilise un capteurinfrarouge clipé sur le doigt pour mesurer le taux d’ICG. Par contre, cet appa-reil n’utilise pas de prélèvements sus-hépatiques, ce qui entache la qualité de lamesure en tant que monitorage du débit.

Spectrophotométrie de réflexion

La technique appelée Erlangen microlightguide spectrophotometer ou EMPHO (12)donne un index de concentration d’hémoglobine muqueuse intracapillaire etun index de saturation de cette hémoglobine grâce à l’analyse spectrale de lalumière réfractée par la muqueuse gastrique. L’appareil est composé de quatremodules : une source lumineuse, une microsonde servant de guide lumière, undispositif de détection, le tout relié à un ordinateur. La lumière émise par unelampe au xénon est transmise par le microguide flexible (250 µm de diamètre)qui illumine les tissus. La lumière réfléchie par les tissus est transférée par unhexagone de six guides lumineux (250 µm de diamètre chacun) entourant leguide émetteur à un disque rotatif filtrant les bandes passantes et séparant lalumière en ses composantes spectrales. Les photons sont détectés par un photo-multiplicateur. Le signal électrique est digitalisé et traité par l’ordinateur. Lesdonnées exprimées en valeurs absolues d’oxyhémoglobine (Hboxy) sont calcu-lées en analysant le spectre de la lumière réfléchie par la muqueuse digestiveentre 502 et 628 nm et avec une résolution spectrale de 1 mm. Le spectre estétalonné par rapport à une surface blanche et mémorisé par l’ordinateur.L’analyseur enregistre la différence entre le spectre standard et le tissu. Pourobtenir des résultats reproductibles, la sonde doit être perpendiculaire à lamuqueuse et ne pas exercer de pression excessive.

Les valeurs absolues de Hboxy et de désoxyhémoglobine (Hbdeoxy) sontcalculées en utilisant l’algorithme développé par Frank et al. (13). Le principeest que l’oxyhémoglobine a deux pics d’absorption maximale alors que ladésoxyhémoglobine n’en a qu’un ; de ce fait le pourcentage d’hémoglobineoxygénée (HbO2) peut être calculé par la relation [Hboxy]/[Hboxy] + [Hbdeoxy].Les unités sont arbitraires puisque le volume tissulaire exploré n’est pas mesuré.Les résultats sont présentés sous formes d’histogramme de distributiond’HbO2 mettant ainsi en évidence l’hétérogénéité capillaire (fig. 1).

Les limites de la technique sont les suivantes : interférence possible avecd’autres pigments biologiques tels que mélanine et bilirubine, influence de lastabilité de la sonde et de la pression exercée sur le signal, enfin la zone exploréene représente probablement pas l’ensemble des conditions microcirculatoiresde la muqueuse gastrique.

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L’HbO2 muqueuse a été récemment retrouvée diminuée chez les patients enétat de choc septique (14) ; l’hétérogénéité de sa distribution était augmentée.Cela a été observé en association avec une acidose intramuqueuse (mesurée partonométrie) et en dépit de la normalisation des paramètres hémodynamiquesgénéraux et d’un apport en O2 global important (fig. 1).

Capnométrie régionale

Principes généraux

L’acidose intramuqueuse évaluée par tonométrie correspond à une mesurerégionale du gaz carbonique (CO2) ou capnométrie régionale. Cette méthodo-logie repose sur le fait :

– que les tissus sont très perméables au CO2 ;

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Fig. 1 – L’HbO2 muqueuse mesurée par Erlangen microlightguide spectrophotometer ouEMPHO (A) a été retrouvée diminuée (B) chez les patients en état de choc septique (d’après[14]) ; en association avec une acidose intramuqueuse (mesurée par tonométrie ; ∆PCO2) eten dépit de la normalisation des paramètres hémodynamiques généraux et de l’apport en O2global. EMPHO donne un index de concentration d’hémoglobine muqueuse intracapillaire etun index de saturation de cette hémoglobine grâce à l’analyse spectrale de la lumière reflétéepar la muqueuse gastrique. Les unités sont arbitraires puisque le volume tissulaire exploré n’estpas mesuré. Les résultats sont présentés sous formes d’histogramme de distribution d’HbO2mettant ainsi en évidence l’hétérogénéité capillaire.

– que la pression partielle en CO2 (PCO2) d'un milieu tampon introduitdans la lumière d'un organe creux s'équilibre avec la PCO2 du tissu interstitielet cellulaire des couches superficielles de ce tissu, par exemple une muqueusedigestive (PgCO2 au niveau gastrique) ou sublinguale (PslCO2).En situation normale, le CO2 intracellulaire produit par le métabolismeaérobie diffuse vers l’espace interstitiel puis librement vers la lumière digestiveou le secteur vasculaire. Au niveau vasculaire, le CO2 est transporté via lesglobules rouges et le plasma vers les poumons où il est éliminé par la ventila-tion. Dans une situation hémodynamique normale, la PgCO2 reflète parexemple la balance entre le CO2 tissulaire produit au niveau de la muqueuse del’estomac et le CO2 éliminé par le flux sanguin gastrique. Toute diminution duflux gastrique peut ainsi entraîner une élévation de la PgCO2. Lorsque la perfu-sion digestive diminue suite à une diminution du transport en O2 ou à desdésordres microcirculatoires, la PgCO2 augmente inversement à la diminutiondu débit muqueux (fig. 2) (15, 16).

La mesure de la pression partielle en CO2 par tonométrie est basée sur leprincipe suivant. De par sa haute solubilité, le dioxyde de carbone diffuse libre-ment à travers les membranes biologiques. Ainsi, il existe une relation linéaire

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Fig. 2 – L’acidose intramuqueuse évaluée par tonométrie correspond à une mesure régionaledu gaz carbonique (CO2) ou capnométrie régionale. Toute diminution du flux gastrique peutainsi entraîner une élévation de la capnométrie régionale gastrique (PgCO2) (d’après [16]).

entre la PCO2 intracellulaire et la PCO2 du milieu extracellulaire. Pour unorgane creux, la PCO2 intraluminale est en équilibre avec la PCO2 des couchessuperficielles de la barrière muqueuse.

Capnométrie ou « tonométrie » gastrique

Lors de l’utilisation de la tonométrie gastrique, le CO2 mesuré correspond auCO2 du liquide plasmatique ou interstitiel des couches superficielles de lamuqueuse gastrique.

Le tonomètre gastrique est formé d'une sonde gastrique à double lumière(aspiration, prise d'air), qui se termine par un ballonnet en silicone imper-méable aux liquides et perméable au CO2. L'extrémité proximale de la sondese termine par un canal équipé d’un robinet à trois voies qui permet la purgedu ballonnet. Un tonomètre sigmoïdien, formé d'un tube mono lumière d’unelongueur de deux mètres et dont le diamètre extérieur est de 2,3 mm, a égale-ment été proposé. Son utilisation a été particulièrement testée pour le dépistagedes complications coliques de la chirurgie de l’anévrisme de l’aorte abdominale(17). Le tonomètre sigmoïdien peut également être utilisé par voie naso-gastrique. Ce matériel est à usage unique chez l’homme.

La mesure longtemps effectuée en utilisant le sérum salé s’effectue aujour-d’hui en phase gazeuse. La mise à disposition d’ appareils permettant la mesurede la PgCO2 en utilisant l’air comme milieu a bouleversé la pratique de latonométrie. L'utilisation de l'air comme élément de mesure de la PCO2 à laplace du sérum salé est plus simple car le temps d'équilibre est plus court etautorise une surveillance quasi continue de la PgCO2 (18). Il a été démontréque la reproductibilité et la précision de la mesure étaient nettement amélio-rées en utilisant l’air. Il existe actuellement un appareil proposé par la sociétéDatex-General Electrics (Tonocap™) dont le principe repose sur la mesurecapnographique permettant la mesure de la PgCO2 en semi-continu. Cetappareil permet d’éviter les erreurs de manipulation du sérum salé et les erreursliées à l’analyseur de gaz du sang. Son utilisation est extrêmement simple. Lepatient est relié au Tonocap™ par l’intermédiaire d’un raccord se terminant parun filtre. Le ballonnet est rempli d’air qui est régulièrement prélevé pour l’ana-lyse du CO2 puis réinjecté. Le temps d’équilibration pour la première mesureest de 30 minutes puis des mesures toutes les 10 minutes sont possibles. LeTonocap™ a été validé in vitro en comparant la mesure obtenue avec la PCO2d’échantillon calibrée et avec la PCO2 obtenue par la technique discontinueutilisant le sérum salé (18). Le gain de temps et de charge de travail par rapportà la tonométrie en milieu salé, la possibilité de mesures quasi continues, lameilleure reproductibilité et la précision de la mesure font que la capnographierégionale doit être considérée aujourd’hui comme la méthode de référence entonométrie.

Le tonomètre gastrique permet la mesure du CO2 de la muqueuse gastrique.Pour s’affranchir de l’influence de la pression partielle artérielle en CO2 (PaCO2), la

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différence gastro-artérielle en CO2, PgCO2-PaCO2 ou P(g-a)CO2, est prise encompte.

La signification physiopathologique de l’élargissement du gradient en CO2est multifactorielle (fig. 3) (19) :

– diminution de l’élimination du CO2 produit par le métabolisme aérobiede la muqueuse digestive (bas débit muqueux) ;

– augmentation éventuelle de la production cellulaire de CO2 secondaireà un état d'anaérobiose responsable d'une acidose métabolique locale(H+ + HCO3- ↔ CO2 + H2O) ;

– augmentation de la production aérobique de CO2 (hypermétabolisme) ;– hypoxie cytopathique (troubles de la respiration mitochondriale).Cependant, l'hypercapnie de la muqueuse reflète principalement la dimi-

nution du débit de la muqueuse et, dans tous les cas, une dissociation entre laproduction locale de CO2 et l'élimination de celui-ci (20, 21). Si le débitmuqueux est préservé comme en cas d'hypoxie hypoxique, anémique ou cyto-pathique, l'augmentation de la PCO2 muqueuse est fortement limitée.

Le calcul du pH intramuqueux (pHim) peut être obtenu en intégrant lavaleur de PgCO2 et du pH artériel (pHa) dans l’équation d’Henderson-Hasselbalch (22), c’est-à-dire :

pHim = 6,1 + log([bicarbonates]/PgCO2.0,03)

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Fig. 3 – La signification physiopathologique de l’élargissement du gradient en CO2 est multi-factorielle (d’après [19]).

Dans cette équation, les bicarbonates de la muqueuse gastrique sont assi-milés aux bicarbonates artériels.

Valeurs normales et pathologiques du gradient P(g-a)CO2

Physiologiquement et en considérant la différence veino-artérielle systémique,le gradient en CO2 est inférieur à 5 mmHg. Chez le volontaire sain traité paranti-H2, ce gradient est inférieur à 1 mmHg (23). Si on se réfère aux étudespronostiques utilisant une valeur seuil de pHim égale à 7,32, on obtient ungradient de 8 mmHg. Néanmoins, il existe peu d’études pronostiques utilisantle gradient de CO2. Miller et al. (24) évaluant de façon rétrospective une popu-lation de polytraumatisés ont trouvé une valeur seuil de 18 mmHg et unevaleur de pHi de 7,25. Dans le choc septique, les valeurs rapportées de gradientsont de 13 à 20 mmHg (25). Chez des patients de réanimation polyvalente,nous avons démontré qu’un gradient P(g-a)CO2 supérieur à 20 mmHg, vingtquatre heures après l’admission du patient, était un facteur indépendant demortalité (fig. 4) (26).

Le gradient P(g-et)CO2 peut également être utilisé comme succédané dugradient P(g-a)CO2 ; dans ce cas la valeur seuil du gradient qui doit êtreretenue est de 25 mmHg (27).

Il est important de signaler que l’alimentation entérale augmente le gradientP(g-a)CO2 et rend la mesure difficilement interprétable (28).

Il est certainement légitime de relier les modifications du gradientP(g-a)CO2 à celles de la perfusion splanchnique. Chez 36 patients septiqueshémodynamiquement stables, Creteur et al. (29) ont examiné si les variations

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Fig. 4 – Chez des patients de réanimation polyvalente, un gradient P(g-a)CO2 supérieur ou égalà 20 mmHg, 24 heures après l’admission du patient, est un facteur indépendant de mortalité(d’après [26]).

de gradient gastro-artériel en CO2 induites par une courte perfusion de dobu-tamine à 5 µg.kg-1.h-1 (D5) puis 10 µg.kg-1.h-1 (D10) pouvaient être révélatricesd’une hypoperfusion hépatosplanchnique. Le débit sanguin hépatosplanch-nique était déterminé par la technique de la perfusion continue du vertd’indocyanine. La diminution du gradient de CO2 s’observait préférentielle-ment chez les patients qui présentaient une perfusion hépatosplanchniqueinadéquate ou un gradient ∆SvhO2 important. Chez 11 patients avec un∆SvhO2 supérieure à 20% pour valeur de base, le gradient de PCO2 diminuaitde 12,1 mmHg à 6,2 mmHg (D5) puis 4,2 mmHg (D10), tandis que chez les25 patients avec un ∆SvhO2 de moins de 20% pour valeur de base le gradientde PCO2 ne changeait pas significativement. À aucun des temps, le gradient dePCO2 n’était corrélé avec le ∆SvhO2. Les auteurs concluaient que :

– le gradient de CO2 n’était pas bien corrélé aux indices globaux d’oxygé-nation gastro-intestinale ;

– l’analyse des effets d’un test par la dobutamine sur le gradient en CO2pouvait aider à identifier les patients présentant une perfusion hépatosplanch-nique inadaptée.

Tonométrie gastrique et objectifs thérapeutiques

Plusieurs études, dans la littérature, ont utilisé le pHim comme objectif théra-peutique. Ainsi, Gutierrez et al. (30) ont choisi de comparer une thérapeutiqueguidée par le pHim à une prise en charge conventionnelle dans une étudemulticentrique portant sur 260 patients de réanimation. Après insertion dutonomètre gastrique, les patients étaient randomisés en deux groupes : legroupe protocole où les patients présentant un pHim inférieur à 7,35 bénéfi-ciaient de remplissage (750 ml au total) et/ou d’une administration dedobutamine à la dose maximale de 10 µg.kg-1.h-1, et un groupe contrôle traitéselon les pratiques courantes du service sans prise en compte du pHim. Dansle groupe protocole, 85% des patients avec un pHim normal à l’admissionprésentaient une diminution de celui-ci inférieure à 7,35 pendant leur séjouren réanimation. Pour les patients admis avec un pHim inférieur à 7,35, le tauxde survie n’était pas modifié par le protocole et était identique entre les deuxgroupes (36 vs 37%). En revanche, pour les patients admis avec un pHimsupérieur à 7,35, le taux de survie était significativement plus élevé dans legroupe protocole (42 vs 58%; p < 0,01). Cette étude démontrait pour lesauteurs l’intérêt d’une optimisation rapide de la perfusion gastro-intestinaledans les états d’insuffisance circulatoire avant que ne s’installe une souffranceirréversible du tractus gastro-intestinal.

Ivatury et al. (31) ont randomisé en deux groupes des patients polytrauma-tisés admis en unité de réanimation. Dans le premier groupe de 30 patients,l’objectif de la réanimation était d’obtenir un pHim inférieur à 7,3 et dans lesecond groupe de 27 patients, le but était de parvenir à des valeurs supranor-

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males de transport en O2. À la 24e heure, 44 patients avaient un pHim supé-rieur à 7,3 et seulement 3 patients décédaient. Parmi les 13 patients dont lepHim restait inférieur à 7,3, malgré des valeurs supranormales de transport enO2, 7 décédaient. Chez ces patients, le nombre d’organes défaillants apparais-sait significativement augmenté (6,1 vs 2,5 ; p = 0,03).

Une étude publiée par Pargger et al. (32) montre que la thérapeutiqueguidée par le pHim gastrique en postopératoire d’une chirurgie d’anévrisme del’aorte abdominale ne semble pas améliorer le devenir du patient en termes decomplications postopératoires et de durée de séjour. Il est possible que pour cetype de chirurgie la tonométrie sigmoïdienne puisse mieux convenir au suivi età l’optimisation thérapeutiques précoces. Enfin, pour Gomersall et al. (33) untraitement assisté par le suivi du pHim ne permettait pas de modifier lepronostic de patients admis en réanimation, et ceci en dépit de la confirmationde la valeur pronostique du pHim par cette étude.

Dans les travaux précédemment cités, les auteurs ont utilisé :– le pHim et non le P(g-a)CO2 pour guider la thérapeutique ;– la tonométrie non automatisée, technique rendue difficile par de nom-

breux aléas méthodologiques compliquant l’adaptation thérapeutique.En tenant compte de ces remarques, ces différentes études devront à l’avenir

être reconsidérées, une étude randomisée pouvant être refaite pour confirmerou infirmer leurs conclusions et positionner la tonométrie dans l’arsenaldiagnostique et thérapeutique en réanimation.

Capnométrie sublinguale

La mesure sublinguale du CO2 (PslCO2) représente une autre méthode decapnométrie régionale. Elle est encore peu répandue, quoique quelques résul-tats préliminaires cliniques soient intéressants (34-36).

L’appareil est composé d’un capteur à CO2, d’un câble en fibre optique reliéau capteur à CO2 et d’une batterie. Le capteur est une optode sensible au CO2.La fibre optique se termine par une membrane en silicone contenant un colo-rant fluorescent sensible au CO2. Le CO2 passe à travers la membrane ensilicone et va au contact du colorant fluorescent. La lumière réfléchie par lafibre optique va au contact du colorant fluorescent qui émet une lumièreproportionnelle à la quantité de CO2 présente. Après conversion numérique,la valeur de CO2 s’affiche. Le capteur est en général placé en position sublin-guale. Le temps d’équilibre est d’environ quatre minutes.

Dans une étude publiée récemment, Créteur et al. (36) ont clairementmontré que PslCO2 et PgCO2 évoluaient parallèlement au cours de l’amélio-ration de la perfusion associée à l’administration de dobutamine à 5 µg.kg-1.h-1

pendant 90 minutes chez 18 patients traités pour choc septique. L’améliorationde la perfusion tissulaire était authentifiée par imagerie OPS (orthogonal pola-rization spectral imaging) de la région sublinguale. L’augmentation de la

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perfusion capillaire s’accompagnait d’une diminution de PslCO2 (fig. 5), maiségalement d’une diminution de PgCO2.

La capnométrie sublinguale est un bon marqueur pronostique à l’instar dela tonométrie gastrique (35), mais son principal problème réside actuellementen l’absence de distribution commerciale des capteurs sublinguaux et donc enl’impossibilité de les utiliser en routine clinique.

Mesure des débits régionaux par Doppler

La plupart des vaisseaux afférents aux organes sont explorables chez l’adulte grâceà l’étude Doppler par voie transcutanée : les vaisseaux les plus fréquemmentétudiés en pratique clinique sont les vaisseaux supra-aortiques (artères carotides,vertébrales et sous-clavières), les vaisseaux des membres, les vaisseaux de l’ab-domen (notamment l’aorte abdominale), les vaisseaux du rein (37), lavascularisation hépatique (38) et enfin les vaisseaux destinés aux organes génitaux.

Le Doppler transcrânien

Difficile d’accès, les vaisseaux intracrâniens ont longtemps été peu accessiblesau Doppler. L’amélioration des appareils, des sondes et une meilleure connais-sance des particularités osseuses de la boite crânienne offrent aujourd’hui la

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Fig. 5 – Créteur et al. (36) ont montré que la capnométrie sublinguale (PslCO2) diminuaitaprès administration de dobutamine à 5 µg.kg-1.h-1 pendant 90 minutes chez 18 patientstraités pour choc septique. L’amélioration de la perfusion tissulaire était authentifiée parimagerie OPS (orthogonal polarization spectral imaging) de la région sublinguale.

possibilité d’étudier certaines de ces artères à condition d’utiliser des fréquencesultrasonores basses (2MHz) dans la modalité Doppler pulsé (39). En réanima-tion, trois artères sont habituellement étudiées par le Doppler transcrânien :l’artère cérébrale antérieure, l’artère cérébrale postérieure et l’artère cérébralemoyenne.

L’absence de modifications significatives du diamètre de l’artère cérébralemoyenne lors des variations de pression artérielle (40) permet d’utiliser leDoppler transcrânien pour évaluer l’autorégulation cérébrale ou la réponse auCO2. L’autorégulation « statique » évalue les modifications de la circulationcérébrale lors de variations suffisamment lentes de la pression artérielle pourobtenir un état stable. L’autorégulation « dynamique » est évaluée lors d’unevariation rapide de la pression artérielle, généralement par dégonflage de bras-sards à tension gonflés autour des cuisses à une pression supérieure de30 mmHg à la pression artérielle systolique (41). Une autre méthode simplemais semi-quantitative pour évaluer l’autorégulation est le test de réponsehyperhémique transitoire suivant la compression carotidienne (42). Ce testconsiste à mesurer l’augmentation transitoire de la vitesse systolique qui suitune compression carotidienne d’une durée de 5 à 7 secondes. La réponsehyperhémique transitoire (THR pour transient hyperemic response) est évaluéepar le rapport (fig. 6) :

THR = Vsystoliquehyperhémie/Vsystoliquebase

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 139

Fig. 6 – Une méthode simple semi-quantitative pour évaluer l’autorégulation est le test deréponse hyperhémique transitoire suivant la compression carotidienne (d’après (42)). Ce testconsiste à mesurer l’augmentation transitoire de la vitesse systolique (VS) qui suit unecompression carotidienne d’une durée de 5 à 7 secondes. La réponse hyperhémique transitoire(THR pour transient hyperemic response) est évaluée par le rapport THR (normale compriseentre 1,1 et 1,29).

La valeur normale du THR est comprise entre 1,1 et 1,29. L’intérêt de cetest réside dans sa facilité de réalisation et sa bonne reproductibilité (43).

Le débit sanguin cérébral est corrélé aux vélocités mesurées au niveau del’artère cérébrale moyenne qui est l’artère de moyen calibre la plus communé-ment explorée vu son orientation anatomique et son importance fonctionnelle(44, 45) : une baisse des vélocités de l’artère cérébrale moyenne traduit unebaisse du débit sanguin cérébral et inversement. L’intérêt clinique du Dopplertranscrânien est d’ores et déjà démontré dans la prise en charge des rupturesd’anévrismes intracérébraux (46), des pathologies carotidiennes ou vertébro-basilaires (47) et semble prometteur pour le diagnostic des embolies cérébrales(48). Au décours des traumatismes crâniens et/ou de l’hypertension intracrâ-nienne, l’interprétation des vélocités est délicate et impose le plus souvent laconfrontation de ces résultats à d’autres données cliniques telles que la mesurede la pression intracrânienne (PIC) et de la saturation veineuse jugulaire en O2(49).

La mesure de la SvO2 jugulaire (SjO2) constitue une technique désormaiscourante en réanimation neurochirurgicale. Elle justifie la mise en place d’uncathéter jugulaire interne remontant jusqu’au golfe jugulaire (50). Les princi-paux inconvénients de cette méthode sont :

– le coût des cathéters ;– le caractère invasif de la pose de ces cathéters ;– les erreurs ou artéfacts de mesure possibles liés au déplacement du

cathéter le long de la paroi vasculaire ou à la création d’un dépôt fibrineuxdevant l’extrémité optique du cathéter ;

– les difficultés d’interprétation d’une diminution de la SjO2 en l’absenced’autre monitorage simultané.

Les études réalisées chez les patients traumatisés crâniens démontrent que laSjO2 constitue un bon indicateur de l’oxygénation cérébrale et que sa mesurepermet de dépister les épisodes d’ischémie cérébrale (51). Une thérapeutiqueguidée par l’association PIC-SjO2 semble supérieure à un traitement guidé parla PIC seule lorsqu’est évalué le pronostic du traumatisé crânien (52).

Le laser-Doppler

Le laser-Doppler permet la mesure du flux microvasculaire dans un échantillonde tissu d’environ 0,5 à 3 mm de profondeur sur lequel est posé la sonde. Ilutilise une méthodologie proche du Doppler. Le laser-Doppler peut, en mesu-rant les différences de longueur d’onde lumineuse entre le faisceau incident etle faisceau réfléchi, calculer la vélocité moyenne des cellules sanguines dans levolume tissulaire exploré. Certains appareils permettent une estimation dunombre de cellules en mouvement grâce à la mesure de l’intensité lumineuseréfléchie. Pour ces appareils, la mesure obtenue constitue alors une mesureréelle d’un débit sanguin dans un échantillon tissulaire (de volume non mesu-rable). En réanimation, cette technique a été appliquée avec succès sur

140 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

différents tissus : la muqueuse gastrique (16), la peau (53), le muscle squelet-tique après réalisation d’incisions cutanées (54) et le cortex cérébral aprèsréalisation d’une craniotomie (55). Il faut cependant remarquer que le moni-toring par laser-Doppler n’a pas actuellement trouvé sa place en pratiquequotidienne chez les patients en état critique.

Marqueurs d’ischémie d’organe

La production de protons et de lactate à un échelon local ou régional constitueun indicateur fiable de l’ischémie pour la majorité des organes (à l’exception dufoie). Ainsi, la mesure de la production de ces molécules issues du métabolismeanaérobie au niveau d’un organe permettrait le diagnostic spécifique de dysoxie(insuffisance d’apport en O2 pour permettre la synthèse cellulaire d’ATP) danscet organe (56). Ce type d’analyse nécessite toutefois la mise en place de cathé-ters soit dans le tronc veineux de drainage de l’organe visé avec réalisation deprélèvements itératifs, soit directement à l’intérieur de l’organe. Récemment, lamicrodialyse cérébrale a été proposée pour dépister et caractériser les différentsaspects de la souffrance cérébrale (57) : l’implantation d’une électrode semi-perméable dans le parenchyme cérébral permet la mesure et la surveillance dansle tissu immédiatement adjacent (diffusant vers l’électrode) de différentessubstances clés tel que le glucose, les acides aminés excitateurs (notamment leglutamate), le lactate et le pyruvate (voir paragraphe : « Hyperlactatémie reflé-tant une adaptation métabolique : le sepsis comme exemple »).

Appréciation du fonctionnement cellulaire

Lactate plasmatique

Formation du lactate

De façon traditionnelle, l’hyperlactatémie chez les patients de réanimation, enparticulier chez les patients en états de choc, est interprétée comme unmarqueur du métabolisme anaérobie secondaire à un apport inadéquat en O2induisant une souffrance cellulaire (58). Si cette hypothèse reste aujourd’huiglobalement vraie, elle peut être prise en défaut comme le montrent denombreux arguments (59).

Le lactate est formé dans le cytoplasme par la réaction suivante :

Pyruvate + NADH + H+ ⇔ lactate + NAD+

Cette réaction favorise la formation du lactate avec un rapport lactate/pyru-vate de 10. Le lactate augmente donc lorsque la production de pyruvate excèdeson utilisation par la mitochondrie. Le pyruvate est essentiellement issu de la

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 141

glycolyse. Par conséquent, toute augmentation de la glycolyse quelle qu’en soitl’origine peut augmenter la lactatémie. Le pyruvate est essentiellement métabolisépar la voie de l’oxydation aérobique intramitochondriale via le cycle de Krebs :

Pyruvate + coenzyme A + NAD ⇒ acétylCoA + NADH + H+ + CO2

Cette réaction conduit à la formation d’ATP en grande quantité.Pour résumer, la lactatémie reflète l’équilibre entre production et utilisation

du lactate. Par conséquent, pour un même mécanisme étiologique induisantune augmentation de la formation du lactate, une hyperlactatémie peut êtreobservée si son métabolisme est diminué ou une normolactatémie si son méta-bolisme est augmenté. Ce point est primordial à comprendre, notamment pouréviter de traiter un chiffre de lactate.

Formation du lactate en cas d’hypoxie tissulaire

Par définition, l’hypoxie bloque l’oxydation phosphorylante mitochondriale(60), de sorte que la synthèse d’ATP et la réoxydation du NADH sont inhibées.Ceci entraîne une baisse du rapport ATP/ADP et une augmentation du rapportNADH/NAD. La baisse du rapport ATP/ADP induit une accumulation depyruvate qui ne peut pas être utilisé en stimulant la phosphofructokinase (PFK)et une diminution de l’utilisation du pyruvate en inhibant la pyruvate carboxy-lase, qui convertit le pyruvate en oxaloacétate. L’élévation du rapportNADH/NAD augmente aussi le pyruvate en inhibant la pyruvate dehydrogé-nase (PDH) et donc la conversion du pyruvate en acetylcoenzyme A.

Par conséquent, l’augmentation de la production de lactate en situationanaérobie résulte de l’accumulation de pyruvate qui se transforme en lactatesuite aux modifications du potentiel redox. Cette conversion permet de régé-nérer du NAD+, permettant la production d’ATP par la glycolyse anaérobie,production nettement moins efficiente sur un plan énergétique (2 vs 36). Il estimportant de considérer que la modification du potentiel redox induite parl’augmentation du rapport NADH/NAD active la transformation du pyruvateen lactate et élève par conséquent le rapport lactate/pyruvate.

Au total, le métabolisme énergétique anaérobie se caractérise par une hyper-lactatémie à rapport lactate/pyruvate élevé, une utilisation accrue du glucose etun faible rendement énergétique.

Rapport lactate/pyruvate (L/P)

L’équation de l’interconversion lactate/pyruvate peut être écrite :

Pyruvate + NADH + H+ ⇔ lactate + NAD

Et, à l’équilibre :

Lactate/pyruvate = K . NADH/NAD . H+

où K est la constante de dissociation.

142 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

De ce fait, une augmentation du rapport NADH/NAD ou une chute dupH cytosolique induit une augmentation du rapport lactate/pyruvate.L’utilisation de ce rapport a été proposée pour différencier les hyperlactatémiesd’origine hypoxique et les hyperlactatémies par augmentation du flux glycoly-tique sans souffrance hypoxique. Néanmoins, le pyruvate est difficile à doseren pratique quotidienne et, par conséquent, le rapport L/P n’est pas utilisé enclinique. Enfin, la valeur pronostique du rapport L/P n’est pas supérieure àcelle du lactate et n’apporte donc pas d’informations supplémentaires (61).Dans une situation de bas débit sanguin, l’augmentation du lactate suit l’aug-mentation du rapport L/P avec diminution du rapport acetoacetate/β-hydroxybutyrate témoignant d’une diminution du potentiel redox de lamitochondrie (61).

Classification des hyperlactatémies

À visée pédagogique, la classification de Cohen et Woods reste utilisée. Ellesépare les hyperlactatémies associées à des signes d’hypoperfusion tissulaire(type A) des hyperlactatémies sans hypoperfusion tissulaire (type B).

Lactate et état de choc

Classiquement, l’hyperlactatémie des états de choc est considérée commesecondaire à une hypoxie tissulaire induite par la baisse de perfusion tissulaire.Cette notion est potentiellement vraie dans certaines situations cliniques.

Hyperlactatémie reflétant majoritairement une hypoperfusion tissulaire

Les états de choc par bas débit cardiaque devraient théoriquement s’accompa-gner d’une hyperlactatémie hypoxique. Le choc cardiogénique est associé à unehyperlactatémie avec rapport lactate/pyruvate très élevé (61). En théorie, lechoc hémorragique devrait se comporter de façon identique. Il peut être relevéque le choc septique présente, au moins lors de sa prise en charge initiale, lescaractéristiques d’un bas débit circulatoire avec diminution du rapport acetoa-cetate/β-hydroxybutyrate et augmentation du rapport L/P chez les patients quivont décéder avant la vingt-quatrième heure après leur admission en réanima-tion (61). Leur profil redox est alors superposable à celui de patients en choccardiogénique.

Au cours du sepsis sévère, si l’hyperlactatémie est en grande partiehypoxique, il faut néanmoins distinguer deux grands cadres nosologiques. Lepremier est le choc septique avec défaillance cardio-circulatoire résistante auxcatécholamines, avec désordres sévères de la microcirculation et éventuel étatde bas débit cardiaque. Le deuxième est le choc septique vu précocement avantexpansion volémique comme illustré dans l’étude de Rivers et al. (62) où l’hy-

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 143

perlactatémie est associée à des signes de transport en O2 diminué. Ces deuxsituations sont néanmoins proches des états de bas débit cardiaque.

Hyperlactatémie reflétant une adaptation métabolique :le sepsis comme exemple

De très nombreux travaux (63, 64) montrent que l’adrénaline par l’intermé-diaire de la stimulation β2 augmente la production d’AMPc induisant à la foisune stimulation de la glycogénolyse et de la glycolyse (production d’ATP) et uneactivation de la pompe Na+K+ATPase qui va consommer cet ATP et produire del’ADP. L’ADP produit en stimulant la PFK, activera de nouveau la glycolyse etdonc la formation de pyruvate puis de lactate. Le muscle qui représente environ40% de la masse cellulaire de l’organisme est particulièrement impliqué dans cemécanisme, d’autant plus que les récepteurs adrénergiques du muscle sont desrécepteurs β2 à plus de 99% (65). Pour confirmer cette hypothèse, Levy et al.(65) ont utilisé chez des patients hyperlactatémiques en choc septique traités parcatécholamine la microdialyse musculaire. Cette technique consiste à introduiredans le muscle un très fin cathéter perfusé par un liquide de composition prochedu milieu extracellulaire mais sans lactate. Ce cathéter comprend unemembrane se comportant comme une membrane de dialyse et permet donc derecueillir après un temps d’équilibre un liquide dont la composition est équiva-lente à celle du liquide interstitiel. Lorsque ce liquide est perfusé très lentement(0,3 µl/min), la composition du liquide recueilli reste égale à la composition duliquide interstitiel. De plus, il est possible d’ajouter au perfusat une substancebiologiquement active et dont l’effet sera purement local dans les cellules autourde la sonde. Enfin, grâce à la mesure de la concentration artérielle du compo-sant d’intérêt, on peut déterminer un gradient interstitium musculaire-artèrequi, s’il est positif, indique une production musculaire.

L’hypothèse formulée par Levy et al. (66) était que l’adrénaline sécrétée dansle cadre de l’état de choc stimulait la production musculaire de lactate par l’in-termédiaire de l’activation de la pompe Na+K+ATPase. Deux sondes demicrodialyse ont donc été introduites, l’une perfusée par du Ringer sans lactateet l’autre perfusée avec du Ringer sans lactate plus de l’ouabaïne, un inhibiteursélectif de la pompe Na+K+ATPase. Le résultat majeur de ce travail est que lelactate musculaire était constamment supérieur au lactate artériel indiquantune production située dans le muscle et que cette production était totalementinhibée par l’ouabaïne indiquant un mécanisme dépendant de la pompeNa+K+ATPase et donc indépendant de l’hypoxie tissulaire (66).

L’hyperlactatémie des états de choc pourrait donc être un mécanisme adap-tatif protecteur en favorisant l’oxydation du lactate plutôt que celle du glucosedans les tissus où l’O2 est disponible, et en préservant le glucose dans les tissusoù l’apport en O2 est raréfié.

Cette hypothèse est fortement soutenue par plusieurs travaux expérimen-taux démontrant, par exemple, que le lactate est utilisé comme comburant

144 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

préférentiel dans certaines situations de stress par le cerveau (67) ou le cœur. Ila par exemple été démontré que la déplétion en lactate du myocarde lors duchoc hémorragique diminuait la performance myocardique (68).

Autres étiologies d’hyperlactatémie non hypoxique

– Diminution de la clairance du lactate : Levraut et al. (69) ont élégammentdémontré en utilisant du lactate marqué que l’hyperlactatémie persistante chezdes patients septiques en état hémodynamique stable était due à une baisse del’élimination du lactate et non à une augmentation de sa production.

– Dysfonction de la pyruvate deshydrogénase (PDH) : la PDH convertit lepyruvate en acetylcoenzyme A permettant au pyruvate d’entrer dans la mito-chondrie. L’activité de la PDH a été retrouvée diminuée dans le muscleseptique et restaurée par le dichloroacétate. Le dichloroacétate diminue la lacta-témie des patients septiques. Il est donc probable qu’existe un certain degré dedysfonctionnement ou de saturation de l’activité de la PDH dans le sepsis (70).Ce phénomène reste néanmoins accessoire.

– Dégradation des protéines : le catabolisme protéique libère des acidesaminés qui sont convertis en pyruvate puis en lactate.

Lactate et acidose métabolique

L’acidose lactique est en général définie par une lactatémie supérieure à5 mmol/l et une acidose métabolique (pH inférieur à 7,25). De façon classiqueon considère que durant l’hypoxie tissulaire, l’acidose est induite par l’hydro-lyse de l’ATP, l’ion H+ libéré s’accumulant dans le cytoplasme. En revanche, enl’absence d’hypoxie, l’hydrolyse de l’ATP conduit aussi à une libération d’ionH+ qui sera ensuite recyclée durant le métabolisme du glucose, ceci expliquantl’absence d’acidose.

Ce concept est remis en cause par Stewart (71) qui a redémontré que l’équi-libre acide-base est sous la dépendance de la PCO2, de la concentration desacides faibles (phosphates et protéines) et du strong ion gap [SIG] défini par :

[SIG] = (Na+ + K+ + Ca2+ + Mg2+) - (Cl- + lactate)

Le lactate, comme le chlore ou le citrate par exemple, abaisse la différenceentre les ions chargés positivement et les ions chargés négativement. Cettebaisse du [SIG] induit un changement dans la dissociation de l’eau plasma-tique. L’eau, qui est normalement partiellement dissociée en H+ et OH-,devient plus dissociée, générant donc plus d’ions H+ qui sont mesurés par unebaisse du pH. Bien qu’il apparaisse évident que le lactate est un composantsignificatif du [SIG] agissant en augmentant la concentration de protons H+, iln’est pas le seul responsable des variations de pH. Ceci explique pourquoi uncertain nombre d’hyperlactatémies ne sont pas accompagnées d’acidose oualors d’une acidose moindre par rapport à la concentration de lactate.

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 145

Utilisation du déficit en base

Comme nous venons de l’écrire, hyperlactatémie et acidose lactique ne sont passynonymes. Durant l’hypoxie cellulaire au cours de laquelle le lactate s’accu-mule (par défaut d’utilisation du pyruvate), l’hydrolyse de l’ATP conduit àl’accumulation d’ions H+ (une diminution du pH) dans le cytosol et à uneacidose lactique. Le « déficit en base » (base deficit ; BD) représente la quantitéde tampon alcalin (mmol) nécessaire pour amener un litre de sang total à unevaleur de pH normal, considérant comme par ailleurs normales les valeurs dePaO2, PaCO2, et de température. Davis et al. (72) ont stratifié le BD en léger(-2 à -5 mmol/L), modéré (-6 à -14 mmol/L), et sévère (au-delà de-15 mmol/L). Ces niveaux de gravité peuvent être rapportés à l’importance dela correction volémique et transfusionnelle apportée au polytraumatisés aucours des premières vingt-quatre heures de leur admission aux urgences. Demême que pour l’hyperlactatémie, le degré d’acidose métabolique et de BD aété rapporté à la fréquence des complications et à la mortalité au cours du chochémorragique et du sepsis (73). Cependant, comme pour l’hyperlactatémie, ilexiste de nombreuses causes non dysoxiques d’acidose métaboliques telles quel’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatocellulaire, certaines intoxications, lespertes en bicarbonates (digestives ou rénales) et l’hyperchlorémie. Uneaugmentation du BD n’est donc pas pathognomonique du choc. Par ailleurs,chez le patient en alcalose métabolique chronique (insuffisance respiratoirechronique), l’absence d’augmentation du BD n’élimine pas le développementd’une acidose.

Valeur pronostique du lactate

Quel que soit le mécanisme de production, l’hyperlactatémie (en particulier,accompagnée d’une augmentation du BD), et notamment la persistance del’hyperlactatémie, reste un facteur pronostic majeur et ce dans des étiologiesaussi variées que le polytraumatisme, le choc septique, hémorragique oucardiogénique (74-76). La persistance d’un taux de lactate élevé peut être dueà une persistance de surproduction liée à la persistance du mécanisme initia-teur mais aussi à une baisse de l’élimination du lactate par dysfonctionhépatique notamment ; ces deux éléments possèdent chacun une valeurpronostique péjorative.

Conduite à tenir devant une hyperlactatémie

Le lactate doit être dosé dans toutes les situations prédisposant à sa formationet en particulier dans le cadre du diagnostic et du suivi des états de choc maisaussi devant tout sepsis sévère. Rivers et al. (62) ont, par exemple, démontréqu’une partie importante de patients en sepsis sévère sans hypotension avaientune hyperlactatémie et une SvO2 centrale (ScvO2) basse, cette hyperlactatémie

146 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

se corrigeant avec la réanimation entreprise et la correction de la ScvO2.Le traitement entrepris doit être basé sur les mécanismes de formation

supposés mais surtout sur les désordres physiopathologiques constatés en fonc-tion de paramètres objectifs adaptés à la situation : débit cardiaque, pressionartérielle, échocardiographie, SvO2 ou ScvO2, pression abdominale. Le lactatepeut être utilisé pour suivre l’efficacité de la thérapeutique entreprise (62, 76)à condition de tenir compte de facteurs confondants comme les catéchola-mines et en particulier l’adrénaline mais aussi la fonction hépatique. La crainteprincipale du réanimateur devant une hyperlactatémie, d’autant plus qu’elle estaccompagnée d’une acidose métabolique, doit être l’existence d’une dysfonc-tion cardio-vasculaire quelle qu’en soit l’origine. Une fois ce diagnostic éliminé,au besoin par un traitement visant à augmenter le TO2, le diagnostic étiolo-gique reposera sur la connaissance des différentes étiologies (tableau I). À cejour aucun traitement spécifique n’est disponible.

Spectrophotométrie de proche infrarouge

La spectrophotométrie de proche infrarouge (ou near infrared spectroscopy ;NIRS) permet la mesure continue, non invasive au chevet du patient de l’oxy-génation de certains tissus, notamment du cerveau (77). Les tissus biologiquesétant transparents aux rayonnements de proche infrarouge (longueur d’ondecomprise entre 700 et 1 000 nm), les seuls composants susceptibles d’absorberces rayonnements sont l’oxy-hémoglobine, l’hémoglobine réduite, l’oxy-myoglobine, la deoxy-myoglobine et le cytochrome a,a3 (78). L’utilisation dedifférentes longueurs d’ondes de proche infrarouge et d’algorithmes complexespermet de séparer le rôle de chaque absorbeur pour chaque longueur d’onde etpermet donc de surveiller leurs concentrations respectives dans l’échantillon de

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 147

Type A : hyperlactatémie • États de chocassociée à un déséquilibre • Hypoxémie sévère, intoxication au COtransport-consommation • Anémie sévère, anomalie de l’hémoglobineen O2

Type B : dérangements • Néoplasie (production tumorale ou envahissement hépatique)métaboliques • Insuffisance hépatique

• Poisons cellulaires : cyanure• Alcalose• Sepsis• Bêta-2 agonistes• Acidocétose diabétique• Déficience vitaminique : thiamine, biotine• Intoxication éthylique (augmentation du NADH hépatique indui-

sant une baisse de la conversion pyruvate-lactate)• Toxiques : metformine• Erreurs innées du métabolisme• État de mal convulsif

Tableau I – Classification des hyperlactatémies adaptée de Cohen et Woods.

tissu étudié (situé entre l’optode émettrice et l’optode réceptrice). Seuls lesspectres d’absorption de l’hémoglobine et de la myoglobine, qu’elles soientoxygénées ou non, ne peuvent pas être séparés. Pour simplifier, nous pouvonsdonc obtenir les mesures d’hémoglobine (et myoglobine) oxygénée (HbO2),d’hémoglobine (et myoglobine) réduite (Hb) et ainsi d’hémoglobine totale(Hbtot = HbO2 + Hb). Alors que l’Hbtot apporte des informations sur levolume sanguin total, l’évolution des mesures d’Hb et d’HbO2 exprime lesmodifications de l’apport en O2 aux tissus et les modifications de l’extractiontissulaire en O2 (79). L’absence de myoglobine dans le tissu étudié (cerveau)facilite grandement les mesures. La mesure de l’état d’oxydoréduction du cyto-chrome a,a3 (ou cytochrome oxydase ou complexe IV) permet la surveillancede l’oxygénation mitochondriale : plus de 90% de l’O2 consommé par l’orga-nisme est utilisée par la phosphorylation oxydative mitochondriale. Lecytochrome a,a3 ou complexe IV constitue le donneur terminal d’électrons dela chaîne mitochondriale (fig. 7). Il cède ses électrons à l’accepteur terminalreprésenté par l’O2 et le transforme en eau par réduction. Lorsque l’O2 estprésent en quantité insuffisante dans la mitochondrie, le cytochrome a,a3 nepeut céder ses électrons et reste essentiellement sous forme réduite. La mesure

148 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

Fig. 7 – Le monitorage de la chaîne mitochondriale du transport des électrons et de son niveaud’oxydoréduction peut également être approché au niveau de la NADH deshydrogénase(complexe I de la chaîne) par la fluoroscopie du NADH. L’incapacité du NADH à transférerses électrons au niveau du complexe I rend compte d’un blocage en aval de la chaîne : l’arrêtdu transfert des électrons depuis le complexe I au complexe IV (cytochrome oxydase ou cyto-chrome a,a3) est lié à l’absence d’O2.

de l’oxydoréduction du cytochrome a,a3 permet ainsi d’appréhender la dispo-nibilité en O2 au niveau cellulaire (80, 81).

Plusieurs difficultés sont rencontrées lors de l’utilisation de la NIRS :– les longueurs d’ondes et les algorithmes utilisés diffèrent d’un appareil à

l’autre et rendent les comparaisons de résultats discutables ;– le positionnement et l’écartement des électrodes doivent être adaptés afin

d’analyser le tissu voulu et de minimiser la contamination du signal par lestissus superficiels traversés par les rayonnements, ces électrodes devant, de plus,être parfaitement isolées de la lumière ;

– la mesure quantitative des différents chromophores est à l’heure actuelleimpossible, puisque le volume de tissu étudié est inconnu ;

– la contribution du cytochrome a,a3, théoriquement le plus représentatifde l’adéquation de l’oxygénation tissulaire, est quantitativement faible et soninterprétation reste controversée (82).

Toutes ces difficultés méthodologiques imposent des développements tech-niques pour qu’une utilisation de routine clinique fiable puisse être proposée àl’avenir (83, 84).

Les appareils de NIRS n’offrent actuellement qu’une surveillance de l’évo-lution des paramètres d’oxygénation dans les tissus. En revanche, les avantagesmajeurs de cette technique résident dans le fait qu’il s’agit d’une méthode d’ex-ploration totalement non invasive et qu’elle apporte des informationssimultanées sur le volume sanguin intratissulaire et sur l’oxygénation.L’utilisation clinique a essentiellement été développée pour la mesure de l’oxy-génation cérébrale chez l’enfant (85, 86) et reste une technique encoreconfidentielle dans les réanimations adultes. Des améliorations techniquespermettront probablement l’obtention prochaine de mesures quantitatives desparamètres d’oxygénation et une amélioration de la fiabilité de ces appareils.

Récemment, plusieurs groupes (84, 87-89) ont utilisé la NIRS pourmesurer la saturation tissulaire en O2 (StO2) et sa relation aux paramètresd’oxygénation systémiques ou pour observer la réponse hyperhémique en avald’une brève occlusion vasculaire au niveau de la racine d’un membre.Mc Kinley et al. ont démontré (87) le parallélisme attendu entre augmentationde StO2 et de TO2 chez des patients polytraumatisés lors de la prise en chargethérapeutique. Utilisant StO2 comme un reflet de la dysfonction endothélialeet vasculaire, Girardis et al. (88) ont montré une diminution de l’hyperhémieréactive après occlusion vasculaire chez des patients en choc septique. Cetteanomalie est corrigée chez les patients qui s’améliorent lors de la prise en charge(88, 90). Le développement potentiel du monitorage en routine de StO2 parNIRS au lit du malade permettrait de mieux contrôler les traitements ayantune efficacité possible sur les désordres microcirculatoires rencontrés au coursdes états inflammatoires systémiques. La fonction endothéliale et sa compo-sante « réponse hyperhémique » a ainsi été approchée par spectrométrie procheinfrarouge (InSpectraTM, Hutchinson) au cours du sepsis (91). Les résultatsobtenus avec le monitorage de StO2 peuvent être comparés avec l’observationdes désordres microcirculatoires au moyen de la technique OPS (voir ci-

Les méthodes disponibles d’appréciation au lit du malade 149

dessus) : ils laissent envisager une approche simplifiée de l’atteinte endothélialeau lit du malade (92). Cette technique nécessitera une approche systémiquepour pouvoir être validée au chevet du patient de réanimation : influence de lasédation, influence du remplissage et de l’œdème périphérique, influence desmédicaments vasopresseurs, pour ne citer que quelques situations interférantavec la réponse vasculaire médiée par l’endothélium.

Fluorescence du NADH

Le monitorage de la chaîne mitochondriale du transport des électrons et de sonniveau d’oxydoréduction peut également être approché au niveau de la NADHdeshydrogénase (complexe I de la chaîne) par la fluoroscopie du NADH.L’incapacité du NADH à transférer ses électrons au niveau du complexe I rendcompte d’un blocage en aval de la chaîne : l’arrêt du transfert des électronsdepuis le complexe I au complexe IV (cytochrome oxydase ou cytochromea,a3) est lié à l’absence d’O2 (fig. 7). La forme réduite du NADH s’accumuledonc aux dépens de sa forme oxydée (NAD+) ; l’augmentation du rapportNADH/NAD s’accompagne d’une baisse du rapport ATP/ADP et d’unehyperlactatatémie avec accumulation de protons (voir ci-dessus). Dans unmodèle d’hypoxémie progressive (93), le statut redox NADH/NAD augmenteprogressivement et peut être révélé par vidéofluorométrie (93). Le TissueSpectroscope (TiSpec™) a ainsi été récemment proposé sur le plan expérimentalcomme le premier instrument permettant de réaliser un monitorage en tempsréel de la « vitalité tissulaire » et de la balance entre apports et besoins en O2puisqu’il permet l’appréciation simultanée de la délivrance en O2 au niveaumicrocirculatoire et de l’état redox du NADH mitochondrial (95).

Conclusion

Les paramètres systémiques d’hémodynamique et d’oxygénation tissulaire nesont ni suffisamment spécifiques, ni suffisamment sensibles pour permettre dedétecter les anomalies de perfusion régionale ou d’origine microcirculatoire. Enpratique clinique, le souhait d’obtenir une estimation la plus exhaustivepossible de l’oxygénation des tissus rend nécessaire le monitorage régional d’or-ganes fragilisés par les situations critiques (le cerveau au cours du traumatismecérébral, le cœur dans les situations d’insuffisance coronaire, les reins ou leterritoire splanchnique au cours des états de choc…) ou les anomalies de réac-tivité vasculaire accompagnant, par exemple, les états inflammatoiressystémiques. Le monitorage de la « vitalité tissulaire » peut ainsi compléteravantageusement la prise en charge thérapeutique de patients admis auxurgences, aux soins intensifs, en réanimation ou au cours de la prise en chargepéri-opératoire des patients à haut risque. Ce monitorage comporte, par-delà

150 Les techniques de monitorage hémodynamique en réanimation

l’évaluation clinique et les outils d’appréciation d’oxygénation globale (lactate,gaz du sang, SvO2 ou ScvO2), des méthodes plus spécifiques de la perfusiontissulaire régionale (capnométrie, Doppler, LIMON™, EMPHO, ShvO2, SjO2,StO2) ou du potentiel redox de la mitochondrie (NIRS, fluoroscopie duNADH). Parmi ces méthodes spécifiques, certaines comme la tonométriegastro-intestinale ou le monitorage régional de la saturation veineuse en O2,ont déjà fait la preuve de leur intérêt en routine clinique pour guider la théra-peutique et influencer le pronostic des patients les plus sévères. D’autres(NIRS, TiSpec™) connaîtront sans doute dans les prochaines années des déve-loppements techniques importants qui permettront leur utilisationquotidienne aux urgences ou en réanimation.

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