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1 LES SOURCES NON CHRÉTIENNES ATTESTANT L’HISTORICITÉ DU CHRIST Par Scolaris Legisperitus janvier de l’an de grâce 2010 Cette étude présente puis analyse les sources primaires païennes et juives des deux premiers siècles qui attestent l’existence historique de Jésus-Christ. Les auteurs antiques qui les rédigèrent étaient hostiles à Jésus, mais ils ne mirent aucunement en doute sa réalité historique. Les objections sceptiques quant à la valeur de ces sources existent. Les plus sérieuses sont abordées ici et systématiquement réfutées. PUBLIUS CORNELIUS TACITUS Ayant vécu pendant les règnes d’une demi-douzaine d’empereurs (de 55 à 120 apr. J.-C.), Tacite est l’un des plus grands historiens de la Rome antique. Il a vérifié le compte rendu biblique de l’exécution de Jésus par Ponce Pilate, lequel a gouverné la Judée de l’an 26 à 36. Dans son histoire du règne de l’empereur Néron (54-68), rédigée vers 113, il décrit le grand incendie qui ravagea Rome en 64, et raconte que le bruit courait que Néron l’avait allumé lui-même puis qu’il s’est alors servi des chrétiens comme boucs émissaires 1 . Le texte ( Annales XV, 44) : Donc, pour dissiper cette rumeur, Néron substitua des accusés et frappa des peines les plus raffinées ces gens odieux que le vulgaire appelait chrétiens. L’auteur de ce nom, Christ, sous la domination de Tibère, avait été mis à mort par le Procurateur Ponce Pilate, et cette détestable superstition, qui avait été étouffée sur le moment, éclatait à nouveau, non seulement en Judée, point de départ de ce fléau, mais même à travers Rome, où affluent et se propagent de tous côtés les abominations et les ignominies. On 1 1. Nous savons, grâce à la rigoureuse Chronique Universelle de l’Aquitain Sulpice Sévère (rédigée vers 403), que Tacite a aussi mentionné le christianisme dans une partie de ses Historiae qui est disparue.

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Cette étude présente puis analyse les sources primaires païennes et juives des deux premiers siècles qui attestent l’existence historique de Jésus-Christ. Les auteurs antiques qui les rédigèrent étaient hostiles à Jésus, mais ils ne mirent aucunement en doute sa réalité historique. Les objections sceptiques quant à la valeur de ces sources existent. Les plus sérieuses sont abordées ici et systématiquement réfutées.

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LES SOURCES NON CHRÉTIENNES ATTESTANT L’HISTORICITÉ DU

CHRIST

Par Scolaris Legisperitus janvier de l’an de grâce 2010

Cette étude présente puis analyse les sources primaires païennes et juives des deux premiers siècles qui attestent l’existence historique de Jésus-Christ. Les auteurs antiques qui les rédigèrent étaient hostiles à Jésus, mais ils ne mirent aucunement en doute sa réalité historique. Les objections sceptiques quant à la valeur de ces sources existent. Les plus sérieuses sont abordées ici et systématiquement réfutées.

PUBLIUS CORNELIUS TACITUS

Ayant vécu pendant les règnes d’une demi-douzaine d’empereurs (de 55 à 120 apr. J.-C.), Tacite est l’un des plus grands historiens de la Rome antique. Il a vérifié le compte rendu biblique de l’exécution de Jésus par Ponce Pilate, lequel a gouverné la Judée de l’an 26 à 36. Dans son histoire du règne de l’empereur Néron (54-68), rédigée vers 113, il décrit le grand incendie qui ravagea Rome en 64, et raconte que le bruit courait que Néron l’avait allumé lui-même puis qu’il s’est alors servi des chrétiens comme boucs émissaires1.

Le texte ( Annales XV, 44) :

Donc, pour dissiper cette rumeur, Néron substitua des accusés et frappa des peines les plus raffinées ces gens odieux que le vulgaire appelait chrétiens. L’auteur de ce nom, Christ, sous la domination de Tibère, avait été mis à mort par le Procurateur Ponce Pilate, et cette détestable superstition, qui avait été étouffée sur le moment, éclatait à nouveau, non seulement en Judée, point de départ de ce fléau, mais même à travers Rome, où affluent et se propagent de tous côtés les abominations et les ignominies. On commença donc par se saisir de ceux qui confessaient leur foi, puis, sur leurs révélations, une multitude d’autres, qui furent convaincus moins de crime d’incendie que de haine contre le genre humain. On ne se contenta pas de les faire périr : on se fit le jeu de les revêtir de peaux de bêtes pour qu’ils fussent déchirés par les dents des chiens ; ou bien ils étaient attachés à des croix [et enduits de matières inflammables], et quand le jour avait fui, ils éclairaient les ténèbres comme des torches. Néron avait offert ses jardins comme spectacle, et donnait des jeux au Cirque, où tantôt en habit de cocher il se

11. Nous savons, grâce à la rigoureuse Chronique Universelle de l’Aquitain Sulpice Sévère (rédigée vers 403), que Tacite a aussi mentionné le christianisme dans une partie de ses Historiae qui est disparue.

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mêlait à la populace et tantôt prenait part à la course debout sur son char. Aussi, quoique ces gens fussent coupables et dignes des dernières rigueurs, on se mettait à les prendre en pitié, car on se disait que ce n’était pas en vue de l’intérêt public, mais pour la cruauté d’un seul qu’on les faisait disparaître.

Ce passage de Tacite confirme que :

Jésus a existé Jésus est le fondateur du christianisme Le christianisme est originaire de Judée Jésus a été exécuté par Ponce Pilate

Objection sceptique   # 1 : Tacite a peut-être simplement pris ces informations de sources chrétiennes.

Réponse   : Puisqu’il était un historien professionnel et pas seulement un commentateur, il est plus probable que Tacite ait référencé les archives gouvernementales plutôt que le témoignage chrétien. En tant que gendre d’Agricola, gouverneur de Bretagne de 80 à 84, il pouvait facilement accéder à tous les documents officiels existants à l’époque. Tacite distingue entre les récits confirmés et les ouï-dire les presque 70 fois dans ses Historiae uniquement. Un exemple de Tacite critiquant un témoignage transmis sans enquête préalable par son bon ami Pline le Jeune peut être trouvé dans les Annales XV, 55. S’il jugeait que ce compte rendu sur Jésus n’était qu’une rumeur ou du folklore, il aurait inclus son avertissement habituel, ce qu’il n’a pas fait.

Objection sceptique # 2   : L’utilisation incorrecte du titre Procurateur au lieu de Préfet annule la fiabilité de ce texte.

Réponse   : Non. Plusieurs sources chrétiennes et non-chrétiennes contiennent des descriptions de Pilate comme étant un « procurateur » (Antiquités judaïques XVIII, 3 ; La Guerre des Juifs II, 9 ; Première apologie XII). Il a été suggéré par des érudits modernes chrétiens et laïques que Tacite ait pu utiliser un anachronisme à des fins de clarté ou, puisque la Judée était une province relativement nouvelle et insignifiante de l’Empire romain, que Pilate ait pu tenir les deux positions.

GAIUS SUETONIUS TRANQUILLUS

Suétone est considéré comme le plus grand historien de l’Empire romain. Ayant vécu de 69 à 125, il était archiviste à la cour de l'empereur Hadrien. Il mentionne lui aussi, dans ses Vies des douze Césars rédigées vers 120, la persécution des chrétiens par Néron en 64, ainsi que l’expulsion des Juifs de Rome par l’empereur Claude en 52.

Le premier texte ( Vie de Néron XVI, 2)   :

Des sévices furent infligés aux chrétiens, groupe de personnes adonnées à une nouvelle superstition pernicieuse.

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Ce premier passage de Suétone confirme que   :

Une trentaine d'années après la mort de Jésus, il y avait des personnes qui se réclamaient de lui et qui pratiquaient un culte basé sur ses enseignements… difficile de croire alors que Jésus n'ait pas réellement existé !

Le deuxième texte ( Vie de Claude XXV, 4)   :

Comme les Juifs provoquaient constamment des troubles à l’instigation de Chrestus, il les chassa de Rome.

De toute évidence, les troubles qui agitaient les Juifs romains à cette époque étaient dus à l’introduction du christianisme dans les cercles juifs de Rome.

Ce second passage de Suétone confirme que   :

Jésus à existé Jésus est le fondateur du christianisme (un dirigeant peut toujours être

l’instigateur d’un mouvement ou d’une cause sans être dans la vicinité)

Une vingtaine d’années après la mort de Jésus, le christianisme c’était déjà implanté dans la ville de Rome

Objection sceptique   # 1 : Il y avait plusieurs messies juifs autoproclamés qui provoquaient des désordres pendant cette période, et puisque « Christ » signifie « messie » (l’Oint), sans doute que Suétone parlait d’un Juif quelconque et que les chrétiens n’ont rien à voir avec cette anecdote.

Réponse   : Intéressement, ce second texte de Suétone est corroboré par le livre des Actes des Apôtres dans la Bible (chapitre 18, versets 1 à 3) où Paul, à son arrivée à Corinthe, y rencontre un couple de réfugiés juifs :

Paul parti d’Athènes, et se rendit à Corinthe. Il y trouva un Juif nommé Aquilas, originaire du Pont, récemment arrivé d’Italie avec sa femme Priscille parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de sortir de Rome. Il se lia avec eux ; et, comme il avait le même métier, il demeura chez eux et y travailla : ils fabriquaient des tentes.

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Disposant ainsi de deux sources primaires qui se confirment mutuellement et considérant qu’aucune source ne les contredit2, il est logique d’affirmer que ce Chrestus était effectivement Jésus de Nazareth.

Objection sceptique # 2   : Puisque Suétone épèle Chrestus au lieu de Christus, peut-être qu’il se réfère à quelqu’un d’autre.

Réponse   : Il était courant pour les auteurs chrétiens et païens d’écrire ce mot avec un « e » à la place du « i » ; Chrestus s’agit donc d’une variante orthographique de Christus.

CAIUS PLINIUS SECUNDUS

Pline Le Jeune vécut de 61 à 114. Autour de 111, en tant que gouverneur de la province de Bithynie (en Asie Mineure), il écrivit à l’empereur Trajan pour lui demander conseil à propos de l’embarrassante religion des chrétiens qui prospéraient dans sa province. Il était inconfortable car beaucoup de citoyens se faisaient torturer et tuer pour leur refus d’abjurer leur foi.

Le texte   ( Lettre de Pline à Trajan X, 96) :

[…] Voici la règle que j'ai suivie envers ceux qui m'étaient déférés comme chrétiens. Je leur ai demandé à eux-mêmes s'ils étaient chrétiens. A ceux qui avouaient, je l'ai demandé une seconde et une troisième fois en les menaçant du supplice; ceux qui persévéraient, je les ai fait exécuter : quoique signifiât leur aveu, j'étais sûr qu'il fallait punir du moins cet entêtement et cette obstination inflexibles. D'autres, possédés de la même folie, je les ai, en tant que citoyens romains, notés pour être envoyés à Rome. Bientôt, comme il arrive en pareil cas, l'accusation s'étendant avec le progrès de l'enquête, plusieurs cas différents se sont présentés. […] Ceux qui niaient être chrétiens ou l'avoir été, s'ils invoquaient des dieux selon la formule que je leur dictais et sacrifiaient par l'encens et le vin devant ton image que j'avais fait apporter à cette intention avec les statues des divinités, si en outre ils blasphémaient le Christ – toutes choses qu'il est, dit-on, impossible d'obtenir de ceux qui sont vraiment chrétiens – j'ai pensé qu'il fallait les relâcher. D'autres, dont le ton nom avait été donné par un dénonciateur, dirent qu'ils étaient chrétiens, puis prétendirent qu'ils ne l'étaient pas, qu'ils l'avaient été à la vérité, mais avaient cessé de l'être, les uns depuis trois ans, d'autres depuis plus d'années encore, quelques-uns même depuis vingt ans. [...] D'ailleurs, ils

22. Nous savons que ces Juifs étaient des Juifs chrétiens et pas des Juifs judaïques car Paul s’entendit bien avec eux immédiatement. Paul n’aurait pas habité chez eux s’ils lui avaient été hostiles. Il n’y a aucune évidence non plus que Paul ait converti ce couple ; ils étaient donc déjà chrétiens lorsqu’ils étaient dans la capitale impériale. Aquilas et Priscille jouèrent probablement un rôle important dans l’histoire des débuts du christianisme, ils furent vraisemblablement des membres fondateurs de l’Église de Rome, ville qu’ils durent quitter après les discordes religieuses qu’ils créèrent en y diffusant la nouvelle foi.

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affirmaient que toute leur faute ou leur erreur s'était bornée à s’assembler à jour marqué avant le lever du soleil ; à chanter des hymnes à la louange du Christ comme d’un Dieu ; à s’engager par serment, non à quelque crime, mais à ne point commettre de vol, de brigandage et d’adultère, à ne point manquer à leur promesse, à ne point nier un dépôt ; ces rites accomplis, ils avaient coutume de se séparer, et se rassemblaient de nouveau pour manger des mets communs et innocents. [...] Je n'ai trouvé qu'une superstition déraisonnable et sans mesure. [...]

Ce passage de Pline confirme que   :

Jésus a existé Les premiers chrétiens considéraient que Jésus est l’incarnation de

Dieu Moins d’une décennie après la fin de la rédaction du Nouveau

Testament (qui s’étala de 48 à 94), les véritables croyants avaient la volonté de mourir pour Jésus. Cela serait impensable s’ils doutaient sérieusement qu’il n’ait jamais existé !

Objection sceptique   : Comment est-ce que cela prouve l’existence de Jésus ? La sincérité d’une croyance ne rend pas nécessairement la croyance vraie.Réponse   : Les premiers chrétiens étaient en position de savoir si Jésus était une personnalité historique ou non. Le bon sens nous dicte qu’il y avait beaucoup plus de preuves d’un Jésus historique dans ce temps là qu’il en a été préservé jusqu’à nos jours. Selon les historiens antiques, les petits-cousins de Jésus, d’autres membres de sa parenté ainsi que les associés des apôtres étaient encore en vie à cette époque. Ces individus pouvaient aisément vérifier son existence.

De plus, une quantité non négligeable de documents qui ont été perdus existaient encore à cette époque (tel le rapport de procès et le recensement de la naissance de Jésus). Justin Martyr vers 150 (Première apologie XXXIV) et Tertullien vers 208 (Contre Marcion IV, 7-19) affirmaient que les actes juridiques concernant sa naissance et son exécution pouvaient être consultées dans les archives officielles et ils conseillaient aux sceptiques désireux de vérifier les faits de consulter ces archives3. Les premiers chrétiens avaient toutes les raisons d’êtres certains de l’existence de Jésus et ils n’étaient pas prêts à mourir sur la base d’une foi irrationnelle.

LUCIANUS SAMOSATENSIS

33. Le sceptique moderne argumentera que puisque ces documents n’existent pas aujourd’hui, ils n’ont probablement jamais existés, et par conséquent que la naissance et la mort de Jésus n’ont jamais eu lieu, ce qui est une erreur de logique connu sous le nom de sophisme du silence. Soulignons qu’aucune archive d’exécution juridique performé par un gouverneur provincial romain du temps de Jésus ne nous est parvenu — en fait, aucune archive de quoi que ce soit du bureau d’un gouverneur provincial de cette époque n’a survécu à l’épreuve du temps.

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Lucien de Samosate a vécu de 120 à 180 environ. Syrien hellénisé, il voyagea dans tout l’Empire romain. Avocat et rhétoricien, ses écrits satiriques furent rédigés en grec (il mourût à Athènes). Dans une lettre écrite vers 165, il dépeint les adhérents du christianisme comme des imbéciles.

Le texte ( La mort de Pérégrinus 11 à 13)   :

Ce fut vers cette époque qu'il se fit instruire dans l'admirable religion des chrétiens, en s'affiliant en Palestine avec quelques-uns de leurs prêtres et de leurs scribes. Que vous dirai-je ? Cet homme [Pérégrinus (95-165), un philosophe originaire d’Asie mineure] leur fit bientôt voir qu'ils n'étaient que des enfants ; tour à tour prophète, thiasarque, chef d'assemblée, il fut tout à lui seul, interprétant leurs livres, les expliquant, en composant de son propre fonds. Aussi nombre de gens le regardèrent-ils comme un dieu [sic], un législateur, un pontife, égal à celui qui est honoré en Palestine, où il fut mis en croix pour avoir introduit ce nouveau culte parmi les hommes. [...] Ces malheureux se figurent qu'ils sont immortels et qu'ils vivront éternellement. En conséquence, ils méprisent les supplices et se livrent volontairement à la mort. Leur premier législateur leur a encore persuadé qu'ils sont tous frères. Dès qu'ils ont une fois changé de culte, ils renoncent aux dieux des Grecs, et adorent le sophiste [sic] crucifié dont ils suivent les lois. Ils méprisent également tous les biens et les mettent en commun, sur la foi complète qu'ils ont en ses paroles. [...]

Ce passage de Lucien confirme que   :

Jésus a existé Jésus était un enseignant Jésus avait plusieurs disciples qui le vénéraient comme Dieu Jésus est le fondateur du christianisme Le christianisme est originaire de Judée Jésus a été crucifié

Objection sceptique   # 1 : Lucien a peut-être simplement pris ces informations de sources chrétiennes.

Réponse   : Lucien prenait fort au sérieux l’exactitude historique et l’investigation critique. Dans son ouvrage Comment il faut écrire l’histoire, il réprimande ouvertement ses contemporains qui tordent l’histoire avec des données discutables :

La tâche de l’historien est de dire les choses comme elles sont arrivées […] il peut faire part de quelques dégoûts, mais il doit attacher une importance beaucoup plus grande au bien public et placer la vérité au dessus de sa haine […] car l’histoire, je le dis encore, a ceci et seulement ceci comme particularité. Si un

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homme choisit ce métier, il ne doit sacrifier à aucun autre dieu que la Vérité. Il doit négliger tout le reste4.

Étant donné qu’il accordait tellement d’importance à la véracité historique, il est plus plausible que Lucien ait basé ce texte sur des références laïques vérifiables que sur le témoignage des chrétiens qu’il méprisait.

Objection sceptique # 2   : Ce passage a peut-être été modifié ou carrément inventé par un scribe chrétien.

Réponse   : En jugeant d’après le ton extrêmement négatif de ce passage, c’est plus qu’improbable. Un chrétien n’aurait jamais inventé un texte aussi ridiculisant pour sa religion. D'ailleurs, il n’y a aucune d’évidence que ce passage ait été interpolé ou qu’il soit une forgerie.

MARA BAR SÉRAPION

Mara Bar Sérapion est un philosophe syrien ayant écrit alors qu’il était en prison peu de temps après la Révolte juive de 66-74. Dans une lettre adressée à son fils qu’il exhorte de rechercher les voies de la sagesse, il fait remarquer que ceux qui persécutent les sages finissent toujours par subir des revers de fortune. Sérapion y mentionne implicitement Jésus en se référant à lui comme étant « le Roi Sage des Juifs ».

Le texte   :

Quel avantage les Athéniens tirèrent-ils en mettant à mort Socrate ? La famine et la peste vinrent sur eux comme jugement pour leur crime. Quel avantage les hommes de Samos tirèrent-ils en brûlant Pythagore ? En un instant, leur pays fut recouvert par le sable. Quel avantage les Juifs gagnèrent-ils en exécutant leur Roi Sage ? Leur nation fut abolie peu de temps après cet événement. Dieu vengea justement ces trois hommes : les Athéniens moururent de faim ; les Samiens furent engloutis par la mer ; et les Juifs, ruinés et arrachés de leur pays, vivent dans la complète dispersion. Mais Socrate ne mourut pas pour toujours ; il survécut dans les enseignements de Platon ; Pythagore ne mourut pas pour toujours, il survécut dans la statue d'Héra. Le Roi Sage ne mourut pas non plus à toujours, il vit dans les enseignements qu'il a donnés.

Ce passage de Sérapion confirme que   :

Jésus a existé Jésus était un enseignant Jésus avait la réputation d’être sage et d’être « un roi » (au sens

spirituel) Jésus est le fondateur du christianisme

44. Lucien DE SAMOSATE, « Comment il faut écrire l’histoire », Remacle, [En ligne]. Une autre traduction pourrait être « si un homme s’engage dans cette discipline ».

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Le christianisme est originaire de Judée Jésus a été exécuté à l’incitation des Juifs

Objection sceptique   : Peut-être que Sérapion parlait d’un autre individu.

Réponse   : Malgré que les sceptiques mentionnent d’autres candidats possibles, la chronologie est incompatible puisque Sérapion prend le soin de préciser que « leur nation fut abolie peu de temps après cet événement ». Uniquement Jésus s’insère dans la ligne du temps appropriée car Titus a détruit Jérusalem en l’an 70, soit seulement 37 ans (environ) après sa crucifixion. Les autres candidats ont vécu approximativement 170 à 250 ans avant la Révolte juive de 66-74.

FLAVIUS JOSEPHUS

Flavius Josèphe a vécu de 37 à 100 apr. J.-C. Quand la guerre éclata en 66 entre les Juifs et les Romains, il prit la tête des forces juives de Galilée. Vaincu, Josèphe sut s’attirer les faveurs des autorités romaines. Il fut attaché au Quartier Général des armées romaines pendant le siège de Jérusalem. Après la répression de la révolte, il s’installa à Rome où il écrivit l’histoire de sa nation.

Dans les pages de Josèphe, nous retrouvons un nombre impressionnant de personnages connus par le Nouveau Testament, et ces pages corroborent plusieurs événements rapportés par les apôtres. Dans ses grandes lignes, le récit de Josèphe confirme celui de l’Évangile. La toile de fond que dépeint Josèphe permet de mieux apprécier le Nouveau Testament ; les deux récits s’accordent dans l’ensemble, bien qu’ils soient totalement indépendants l’un de l’autre. Par exemple, Flavius Josèphe atteste l’existence historique de Jean-Baptiste, le cousin de Jésus.Nous trouvons deux références à Jésus plus spécifiquement dans toutes les copies des Antiquités judaïques qui nous sont parvenues. La composition de l’original s’acheva autour de 93. On appelle ces passages le Testimonium Flavium.

Le texte ( Antiquités judaïques XVIII, 63-64)   :

Il y avait en ce temps là Jésus, qui était un homme sage, si toutefois on doit le considérer simplement comme un homme, tant ses œuvres étaient admirables. Il enseignait ceux qui prenaient plaisir à être instruits de la vérité, et il fut suivi non seulement par plusieurs Juifs, mais par plusieurs Gentils [païens] : c’était le Christ. Des principaux de notre nation l’ayant accusé devant Pilate, il le fit crucifier. Ceux qui l’avaient aimé durant sa vie ne l’abandonnèrent pas après sa mort. Il leur apparut vivant et ressuscité le troisième jour, comme les saints prophètes l’avaient prédit et qu’il ferait plusieurs autres miracles. C’est de lui que les tribus de chrétiens, que nous voyons encore aujourd’hui, ont tiré leur nom.

Pour les ultra-sceptiques, ce passage a visiblement été inventé par des scribes chrétiens au Moyen Âge. Dans le milieu académique, certains

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érudits soutiennent que ce passage est complètement authentique tandis que d’autres croient qu’il est une entière forgerie. Le consensus général est que le passage original a été quelque peu altéré (voir les phrases en surligné) mais que Jésus et ses partisans étaient effectivement mentionnés par Flavius Josèphe dans l’œuvre originale.

Objection sceptique #   1 : Ce passage semble interrompre la continuité du texte de Josèphe entre le passage précédent et le passage subséquent.

Réponse   : Ce type d’interruptions est fréquent dans les travaux de Josèphe puisqu’il les rédigeait lors de séances différentes.

Objection sceptique # 2   : Un juif orthodoxe comme Flavius Josèphe n’aurait jamais parlé de Jésus d’une manière aussi élogieuse (« c’était le Christ » etc.).

Réponse   : Dans les traductions en grec et en arabe, les déclarations suspicieuses sont introduites par des avertissements du genre « Il était considéré le Christ » et « Il a été rapporté qu’il leur apparut vivant et ressuscité le troisième jour », indiquant que Josèphe ne donnait pas son opinion personnelle, mais plutôt qu’il documentait les comptes rendus concernant Jésus. Dans ce cas, les scribes chrétiens n’auraient rien ajouté au texte, mais simplement supprimé les petits avertissements. Or l’omission de ce type de groupes de mots est caractéristique de la tradition textuelle des Antiquités judaïques, ce qui suggère que Josèphe ait pu écrire le passage tel quel sans nécessairement donner son approbation. Par ailleurs, nous devrions possiblement lire « choses étranges » (en grec aèthè) au lieu de « la vérité » (en grec alèthè). Cela donnerait « enseignant ceux qui prennent plaisir aux choses étranges », ce qui est parfaitement compatible avec la pensée d’un juif orthodoxe.

Autres arguments en faveur de l’authenticité   :

1. Le vocabulaire retrouvé dans le Testimonium Flavium est conforme avec le vocabulaire utilisé dans le reste des Antiquités judaïques. La phrase « Il y avait en ce temps là » (plus complexe en latin) apparaît dans des douzaines d’autres passages. La formule « était un homme sage » est employée pour désigner de nombreuses autres figures notoires. L’appellation de « tribu », utilisé en référence aux chrétiens, est aussi fréquemment employée pour parler de différents groupes religieux ou politiques.

2. Aucune copie ou citation ancienne des Antiquités judaïques n’a jamais fait surface avec le passage concerné écrit différemment. Étant donné que tous les manuscrits que nous avons concordent entre eux, nous pouvons conclure que la version en notre possession est très proche de la version originale.

Nous pouvons être sûrs que ce passage n’est pas une entière forgerie car « dans un autre extrait moins connu, Flavius Josèphe parle de « Jésus surnommé le Christ » et de son frère Jacques. Ce passage des Antiquités judaïques (XX, 197-203) relate la transition en 62 entre deux gouverneurs

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romains (Festus5 remplacé par Albinus) et la destitution du grand prêtre Hanne [...] C’est dans ce contexte qu’eut lieu le procès et la lapidation de Jacques, frère de Jésus appelé le Christ :

‹ [Le grand prêtre Hanne] convoqua les juges du Sanhédrin et traduisit devant eux le frère de Jésus appelé le Christ – son nom était Jacques – en même temps que d’autres. Il les accusa d’avoir transgressé la Loi et les livra pour qu’ils soient lapidés. ›

J’attire l’attention du lecteur sur le fait que Flavius parle de Jacques, le frère de Jésus appelé le Christ, sans donner d’autres détails sur l’identité de Jésus. Pourquoi présenter une nouvelle fois quelqu’un que le lecteur connaît déjà ? Parce que Flavius a déjà présenté Jésus appelé le Christ auparavant (Antiquités judaïques XVIII, 63-64), il n’a pas besoin de donner d’autres détails. Son lecteur sait immédiatement à qui il fait référence. D’où, malgré l’existence possible d’interpolations dans la première citation, Flavius Josèphe atteste bien l’existence historique de la personne de Jésus6. » Notons que si ce second passage était un ajout chrétien ultérieur, il aurait vraisemblablement été plus flatteur pour Jacques.

Même en écartant les mots disputés dans le premier passage, le Testimonium Flavium confirme que   :

Jésus a existé Jésus est le fondateur du christianisme Jésus a performé des œuvres hors du commun Jésus était un enseignant Jésus avait plusieurs disciples qui considéraient qu’il est le Christ

(Messie) Jésus a été exécuté par Ponce Pilate Jésus a été crucifié Jésus avait un frère nommé Jacques Le christianisme est originaire de Judée

LE TALMUD

Il existait au temps de Jésus un important recueil jurisprudentiel transmis par tradition orale et qui était la somme de toute l’expérience accumulée par les générations juives passées. Après l’échec des révoltes juives en 70 et en 135, les rabbins entreprirent de codifier tous ces éléments. L’ensemble de ce code législatif ainsi compilé porte le nom de Mishna. Les commentaires ajoutés à ce code sont appelés les Gemaras. Le Talmud est composé de la Mishna et des Gemaras.

Une vingtaine d’allusions directes et indirectes à Jésus sont faites dans le Talmud ; elles datent toutes de la période dite tannaitique, c’est-à-dire avant 200. Nous pouvons être certains que ce matériel n’est pas apparu 55. Cela corrobore les multiples mentions de Festus dans les Actes des Apôtres, aux chapitres 24, 25 et 26.66. Aurélien LANG, « Les documents du Nouveau Testament – Fiables ou non ? », Raisons de croire, [En ligne].

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tardivement dans le corpus du Talmud car le philosophe romain Celse plagie les accusations talmudiques dans son Discours véritable, diatribe dirigée contre les chrétiens composée vers 178. Ces allusions ne sont pas toutes reproduites dans cette étude, je réfère le lecteur désirant investiguer plus profondément vers un autre document7.

Selon les rabbins des premiers siècles, Jésus était un magicien, un hérétique, un idolâtre et un trompeur. Le Talmud corrobore le récit des Évangiles en mentionnant nommément cinq des disciples de Jésus et en indiquant que ceux-ci guérissaient les malades. Cette source mentionne aussi Marie à quelques reprises : Jésus est appelé « le fils de Pantera » (pantera étant une déformation du grec parthenos signifiant vierge), toutefois les rabbins ont tenté d’expliquer la naissance virginale de Jésus par une histoire d’adultère. Finalement, le Talmud contient même un verset se référant implicitement à Jésus (Taanith 65) où celui-ci déclare être Dieu et affirme pouvoir monter au ciel.

Le texte le plus significatif   ( Sanhédrin 43) :

La veille de la Pâque, Yeshu le Nazaréen fut pendu8. Quarante jours avant l’exécution, un héraut a été envoyé pour annoncer « Il va être mis à mort car il a pratiqué la sorcellerie et incité Israël à l’apostasie. Quiconque a quelque chose à dire en sa défense, qu’il s’avance et plaide en son nom. » Mais puisque rien n’a été avancé en sa faveur, il fut pendu la veille de la Pâque.

Ces passages du Talmud confirment que   :

Jésus a existé Jésus était natif de Nazareth en Galilée Jésus est né dans une condition anormale ou miraculeuse Jésus et ses disciples ont performé des œuvres hors du commun Jésus a été crucifié la veille de la Pâque juive Jésus affirmait être Dieu Le christianisme est originaire de Judée

Objection sceptique # 1   : Peut-être que les auteurs du Talmud n’ont fait que relater une rumeur entourant un mythe.

Réponse   : Ce passage du Talmud mentionne l’habileté de Jésus de performer des miracles mais tente de discréditer cela comme étant de la sorcellerie. Si les rédacteurs du Talmud avaient voulu réfuter un mythe, ils auraient écarté le récit de Jésus comme étant une fable plutôt que de développer des théories alternatives pour défendre leur position théologique. Cela démontre que même les juifs rigoristes très défavorables au christianisme admettaient l’existence de Jésus et de ses pouvoirs surnaturels, c’est uniquement sa divinité qui était l’objet d’un débat.

77. Fernand LEMOINE, « Les sources juives – le Talmud », Études bibliques sur ordinateur, [En ligne].88. Sous-entendant « pendu au bois », un idiome juif pour « crucifié ».

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Objection sceptique # 2   : Peut-être que ces passages parlent d’un autre individu portant le nom Yeshu.

Réponse   : Il n’existe pas de candidat autre que Jésus qui regroupe les caractéristiques nécessaires pour pouvoir le faire correspondre au personnage décrit dans ces passages du Talmud.

CONCLUSION

« Ces témoignages indépendants prouvent que dans les siècles passés, même les opposants du christianisme n'ont jamais douté de l'historicité de Jésus. Celle-ci a été remise en question pour la première fois, sur des bases inadéquates, par plusieurs auteurs à la fin du 18ème, durant le 19ème et au début du 20ème siècle. »— Encyclopédie Britannica, 15ème édition, 1974.

« Les historiens sérieux sont unanimes à affirmer sans hésitation que Jésus a bien existé. »— Grande Encyclopédie Larousse, Volume 11, 1974.

« Ce n'est pas, en effet, en suivant des fables habilement conçues que nous avons fait connaître la puissance et l'avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, mais c'est en ayant vu Sa majesté de nos propres yeux. »—Sainte Bible, Deuxième Épître de Pierre, chapitre 1, verset 16.

« Je vous le déclare, frères : cet Évangile que je vous ai annoncé n’est pas d’inspiration humaine. »—Sainte Bible, Épître de Paul aux Galates, chapitre 1, verset 11.

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