les sceptiques grecs brochard

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Les sceptiques grecs / par Victor Brochard,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Page 1: Les Sceptiques Grecs Brochard

Les sceptiques grecs /par Victor Brochard,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Page 2: Les Sceptiques Grecs Brochard

Brochard, Victor (1848-1907). Les sceptiques grecs / par Victor Brochard,.... 1887.

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Page 3: Les Sceptiques Grecs Brochard

8° R 8247

Paris

1887

Brochard, Victor

LesSceptiques grecs

Page 4: Les Sceptiques Grecs Brochard

C.

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SCEPTIQUESGRECS.

t.. ES

4-et4

Page 5: Les Sceptiques Grecs Brochard

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L'AVIS m KOHITÉ 1JHS llH'IlKSstM.SS Glt.lTl'ITBI>.

I

Page 6: Les Sceptiques Grecs Brochard

LKS

SCEPTIQUES (iRECS,

p.v»tt

VICTOR BROGH&R»,

. lufiiiK ut CeurJinniiiM sm'litM À l'&mu \oimttt sepÉmeuHK.

«mm<jK(mtt<)~)::

CAR 1;CAUI!~Ut: MRS setBtCEt MtHUt.tiS KT t'Ot.tTtCMKS.

(tmjicvicTnRcoiistN..

PARIS.

IMPRJMEaiE iUTUhVALE.

\l llCCI l, H.

Page 7: Les Sceptiques Grecs Brochard

Cet ouvrage a été présenté sons l'orme d« mémoire à

l'Académie des sciences morales et politiques, qui lui a

décerné en t88ft le prix Victor Cousin. Depuis cette

époque, il a été, dans la partie historique, considérable-

ment remanié et augmenté. On s'est efforcé ia tenir

compte, dans la plus large mesure, des observations et

des critiques exprimées par M. Ravaisson dans le beau

rapport qu'il a adressé à l'Académie (Séantes et travaux de

}' Académiedex sciences morales et politiques, i885; repro-

duit à la suite du Rapport sur la Philosophie eit France au

xix* sièete, Paris, Hachette, »885).– Les conclusions,

notablement remaniées dans la forme, sont demeurées à

peu pr«\s les mAmos,

Sel*'mbl'l~ t K~7'

Page 8: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES

SCEPTIQUES GRECS.

INTRODUCTION. a

LES ANTÉCÉDENTS &L'-8CKPTHil8MB.

CHAPITRE-PREMIER.

M WHL080PU1B AXT«SQ(lStA.TlQifK.

S'il falbiil en croire certains sceptiques,on ne saurait re-

monter trop liaul pourretrouver les origines

du scepticisme;

elles se confondraient avec celles mènes de la pensée humaine*

Quelques sceptiques,dit Diogène Laè"rce; considèrent Ho-

mère comme le précurseur de leur secte, parce que, plus que

personne,il exprime sur les marnes sujets des idées différentes,

sans jamais rien définir ni affirmer expressément.)) Hsuffisait

«iissi qu'ontrouvât chez, les sept sages des maximes telles que

celles-ci Rien </<trop; ou l'romem, omxe tle rnine, pour qu'on

tes rangent parmiles ancêtres du scepticisme. Mais

il est ù poine

besoin de remarquer quede telles assertions, inspirées, par te

désir, si fréquent chezles Grecs, de justifier

tout ce qu'onavance

par une citation d'Homère, reposentsur une équivoque. La

mobilité d'espritet l'inconsistance des pensées

sont autre chose

(jue le doute; la prudence et la réserve dans les choses d'ordre

pratique,la crainte des engagements téméraires,

telleque

l'expériencede la vie suffit à l'inspirer, ne sont pas

encore le

doute théorique,toi que la réflexion seule peut le faire naître.

"l IX, 71.

1

Page 9: Les Sceptiques Grecs Brochard

2 »STHttlH5GÏWN.-JtI|ï.Ù»|TBH l..waac:~cca~u: a.

Enfin le doute lui-même n'est pas lascepticisme. C'est ttu ·

doute seulement qu'on pourrait dire qu'il est à pu près contem-

porain de lapensée humaine; car, pour un esprit qui réfléchit

fa découverte de la première erreur suffit « inspirer une certaine

défiance do soi: et combien îleu>ui|is n-i-il Mu à dos

espritsun

peu attentifspour s'apercevoir cpj'ilg s'élaient

plus d'une fois

trompés ?g

L'usage de la langue autorise peut-être à employer le mot

scepticisme pour désigner l'état d'un esprit non seulementqui

doute, mais qui doute depropos délibéré, pour «les raisons

générales seieutifiqitc'utent déterminées. Encore n'est-cepas ta

sa signification véritable et définitive: par, à cecompte, quel

philosophe ne serait unsceptique? La

philosophie, en tant

qu'elle se distingue du sens commun et s'élève an-dessus de

lui, contestetoujours quelques-unes de ses manières de voir,

récusequelques-unes do ses raisons de croire; en un sens, it

y a duscepticisme en toute philosophie. Le vrai

scupttquo n'est

pas celui qui doute depropos délibéré et qui réfléchit sur son

doute; ce «'est pas même celui qui ne croit à rien et. ailirme

que rien n'est vrai, autre signification du mot quia donné lieu

a bien deséquivoques: c'est celui

quide

propos délibéré et

pour des raisons générales doute de tout. excepté desphéno-

mènes, et s'en tient au doute.

Mais de ces trois formes descepticisme, on admettra sans

peine que lapremière précède naturellement les deux autres

et y conduit. Cette sorte de scepticisme, fort improprementnommée, qui consiste à douter sciemment de plusieurs choses,est l'antécédent naturel de ce scepticisme qui niejoute_vérjtg.Va le

scepticisme qui nie toute vérité, en vertu de ladisposition

de l'esprit humain à «lier toujours d'un extrême à l'autre,

comme uu pendule qui ne trouvepas «lu premier coup son

pont d'équilibre, précède aussi cescepticisme qui

ne sait pas si

quelque ehosp est vrai et n'affirme rien au delà des apparences.Les deux

premières formes du scepticisme peuvftrifrfonc^tren>n.sidér«'i>sconnue tes germes du véritable sreptieisnie. Dans

Page 10: Les Sceptiques Grecs Brochard

m VMhùmmw AHt&mmiTiQmi 3.r_ 1

l'iualoire, ellesappamtsseitt lon^eirtps «™mqù&le

8eeptiei8mesuit définitivement constitué. Qtrelle que fut la naïve- confiance

que la pensée humaine avait en elle-même, il étaitimpossible

que dès ses premiers pas ellen'aperçût pas quelques-uns de&

obstaclesauxquels elle ho heurtait, et

n'apprît pas de bonneheure à se défier d'elle-même. Aussi voyons-nous des traces de

scepticisme dès lespremiers temps de ta

philosophie; il y enachez les

philosophes antésocratiques, surtout chez les sophistes,même clu-z les

socratiques.

I. Peutdtre, si nous possédions sur lespremière philosophes

de la Grèce desrenseignements plus complets, trouverions-nous

chez eux des réflexions sur les limites et les dillicultés de lascience. analogues à celles

que nous rencontrons chez leurssuccesseurs, et

qui s'offrettt si naturellement à t'esprit de tous«ux (lui poursuivent la vérité, Toutefois, tandis

que tes éléafes,Heraclite, Empédocle, Démocrito et

Anaxugore sontexpres-

•sèment désignés par plusieurs sceptiques comme les précurseursde leur doctrine, nous ne voyons rien de pareil à

propos desanciens ioniens H des pythagoriciens. A cette

époque, commelanionlré

Ed. Zofl,.P W, r«sprît humains'applique directement

àJ'étud^dujéel sans

sou^jc^nnerj^cj^^ujbjwtive qui par-ticipe i la formation de

$e$1307 le et etl'objet ne font f

rfu'un; 1.' Il' nedoute un moment

1.qu'un l'inteingence

ne doutepas un moment do sa

puissance<"t de sa véracité.

H en estdéjà tout autrem«nl h

|'épo«fu« des éléates ilsemble mène

qu'on voieapparaîtra an

scepticisme oxprcssénwntformulé chez le fondateur de cette école. Xénophane de Colo-

phon. « II n'y a jamais eu dit-il «, iln'y aura jamais un homme

"> L, fhilomplmda Grta, lra.1.E. Boiiirom, 1.1, ,34.

Miillacl», Frapn.phil.grœt., 1. 1, p. io3, fr. 1/,K«J ri p& oi» otÇh oins Mp yévn' oiié tk (oU,

dièe, ifiÇi «.«Si» te x*i Saa» Uya tsepl <t<t't<w ·

àyèp xai ta fuOiait ti!Zoi iers!.e<tpé»oV emèv,airùt S^,( oix olie Sitôt l' ni vâm ténxiit.

r.

Page 11: Les Sceptiques Grecs Brochard

4 mf ROMkmim CIIAMTflK t.

«|Hi eounnisse iww eerfitude tout etquejtrdiMlte dieux et de

l'univers. Quanti miHue if rencontrerait' la vérînï siir cessujets,

il ne serait pas sâr de fa posséder l'opinion règne en touteschoses.» Ailleurs*1* il semble se contenter de la vraisemblance,

\us-i, eho* les uneieu», éhiit-il parfois regardé comme un

sceptique. Suivant Sotion aj, il aurait le premier déclaré quetoiij^tjflsfiiBjw^hensihle; il est vrai

qu'où rapportant re td.

«toignage, Uiofjène ajoute que Sotion serttrempé. Timon de

t'idionie, dans le second livre des Siltes, où ilimagine un dia-

logue entreXénophtme et lui-même, met dans I» touche du

vieuxphilosophe tes invectives

qu'il adresse il tous les dogma-tistes. Ce choix doit avoir une raison. Avoir injurié les poètes,comme t'avait fait

Xénophanc n'étaitpeut-tHre pas un motif

'suffisant pour lui prêter desinjures contre les

philosophes ilest

plus probable qu'il y eut une certaine conformité entre lesiclôes de

Xèmphane «t celles dusceptique Timon (î».

Il sembleimpossible de contester qu'il y ait eu chez Xéno-

phane un commencement descepticisme. Toutefois les témoi-

gnages lesplus dignes de foi, comme ceux d'Aristote, ne lui

attribuentque des

opinions dogmatiques-, et parmi lesscep-

tiques, il en est, comme Timon1'», qui lui reprochent d'avoir

««primé des affirmations positives. D'autres, comme Sextus^

Kmptricus. tout en rfconiiaissaj»tsesafli»itfe avec lescepticisme,

refusent de lecompter parmi les

sceptiques. Xénopliane a été"

Miilliicii, Fragm. phil.gnK., p. 10:{, fP. ,5

Tïvu hSôîm'im (jj« eoimin mît Mtuattt.

Dioii.. IX. ao. Cf. Stuk, KcL, 11, t4; Higp«!vl..%Wi., i, ,4 .Krfj,Diiiictcr et .Solmi-iilewiii. «Jùllinj. Diclricli. tXây). j.

u> DiversI..TO«ign.ig<;< «ttrihiwiit m.Jme à des Silh* analnraos & cent

>im:mnym, plus tard Tira* (VW sur ce point Uaclism.illi, De Timoue VMimk,p. •)().•!mj, l.i|«ijj, i*59.i Mais ^t sans doute une orivur. Dans Ira di«cis

l'as~al[es "s Sillet il~- Timon. Ii,r! COIIIIIIS tlansl'antiquilé, et

frequ/'nlillent cilés,installes <« SilU,,\» Timon,

fort connus ,lai» i#nnfif,Bi!c, et freqiicnmieBt cites,

est XénopliaiK (|.ii est censéparler :<Jos lettems inaltciilifs auront cru nue les

paroles i|u-n lui allrihiic «laiwit (wllwuent «le lui. Voir Cousin, t'ragm. dephiU.I. I. p. 1 1 .V «lit. Paris, Di.lioi-, i805. (varelon. Phil. ff.w. «/ ». aS.ili Uiillarb,

op. fit, p. Kii. y. -ig.

186-11.gréee. rel.. 1). 2.ri.

s II., LvA.

Page 12: Les Sceptiques Grecs Brochard

lu nniMomm xwftsmumwiiï. a

i 1 1 1 ir ri"

s·a·as, s rEV i,acas J'

tantepar

le cluute; il n'ml pas R!6b$ dans le doute Suivant

quelques auteurs ®, il aurait récust' explicitement letémoiguuge

designs,et déclaré que la

raison swiln put «ffgn;tj|rp L-i xtkUé.

I Mais il seinbleplus polmhliï i|im ci'llo o|»|)usi(ioir (mire l<?s sens

et la raison « étéaperçue par ses successeurs, i'urm^uide et

/(non (t'ISIée: ils j)nraisst.»ntà I roles premturs (jui l'aientevijri's-

si'.ment iilliriiK'îe.

FarmdiHtlg et Xè»m d'Jjtfa [icuveni êtrecomptés parmi les

plitlosoptas lesplus^èîgmatistes «jut furent jnraais; l'inlm-

duction dupoème de Parméhide

(lue nous a mntsunèe Sextus

l'Impiricus wen fait foi. Poin-tititt ils eseiwrettt sur ics (hwliacVs

duscepticisme une iniliience

plus (jruitcfo peut-être que n'iiupoile

lequeldes

pltilosoplies atitésoeiatitpjcs. Avec euxapparait cette

opposition du sensible et del'intelligible <pti (levait

plus tard

tenir une si grande place dans les argumentations sceptiques.La counajssmi£e_seHsilile est déelarée instillkunte

cl irat»|ii>u.se.La raison démontre (pie l'èli-e est un, immobile, éternel; les

sens nous font voirpartout lit

multiplicité, le changement,la naissance et la mort; ils ne méritent donc aucune créance.

On sait d'ailleurs comment Pm-inéuideopposait k vérité

{ta nrpls àhfftaa») a rapparenra (rà -mpfc Sii-av): les sceptiquesretiendront cette distinction, pour s'en tenir, il est vrai, à l'in-

verse de Farmuuide, ù in souteapparence. Quant « Zenon,

tous ses ell'orts tendaient il montrer ipiu dans les apparencessensibles il n'y a que contradiction et absunt ité.

Mais c'est surtout par l'invention de la dialectique que les ?•éléates fournirent au scepticisme ses armes tes plus redoutables.

Bien que feurphilosophie fut «vaut tout, connue l'a montré

Zeller, nnephilosophie, de ta nature, la méthode qu'ils em-

ployèrent pouvait servir à d« tout autres lins. Les premiers,

prenant la notion de_Tèlre dans un sens absolu, etappliquant

avec une rigueur implacable leprt«ci|ic de contradiction, ils dé-

!l)Cf. Karslo»,op. cit., p. i8i; Xellor.<»/».«l., l. Il, p.

w

Aristqcl. an. Biiwl». l'rirn, ci-. ni', 17. t; i(j, «.

"f..Vtt.t. t.

Page 13: Les Sceptiques Grecs Brochard

« INTROIHJCTION» CiHAFITRK 1.

inouWkenJ quu lire exclut la nialûjilicito et le cliaijf{«inofif Ensuivant lu même méthode* if était facile d'établir après eux

qu'il n'exclut .\m moins l'unité al tinimouiiité cesconséqu «nées

furent de bonne heure aperçues, comme un peut to voir par*leParméitide de Platon, qui eu signale et essaye d'en

conjurer lo

danger. lit dialectique dMùiésidènie ne procédera pas autre-

ment. Seules les notionsmivc|tiell<'s s'applique la méthode aérant

changées onraisojjm>rtu}U£Jaw_eaj»se et les signes au lieu de

raisonnwrjqr féjre. Et après /Enésidème, c'est à tontes tes

notionspossibles que s'appliqueront les

procédés éléaliques,«vee la mémo facilité ut lu mente

nouent' apparente.Au

surplus, entre les deux écoles ily a des liens de filiation

historitjtte. Sans parler de Gorgias. qui procède directement dé

l'éltSatisme" l'école jné(rari<jue^et l'école d'Krôrie se rattachent

étroitement a cette d'Ëlée de (adialectique esi née

Téristique,et de t'érislique au scepticisme, il n'y

aijti'nn pas. Pyrrfton

subit l'influence de ces idées; car il futdisciple de Bryson, (lui

avait probablement lui-mèiiie écouté tes leçons d'tëuclide de

Mégare12'. Enfin Timon, qui injurie tous lesphilosophes, n'a de

louanges que pour Xéuopiuine Pitrménide et Zenon m.

Ainsi, par un étrange renversement» lesplitlosoplms les plus

hardis et lesplus résolus dans leurs aflirnmtions ouvrirent la

voie ci ceux(lui devaient déclarer toute aflirmatioit impossible

ou illégitime. Celte inlluence cesse d'ailleurs deparaître extraor-

dinaire, si on songe que l'éléatisme commençait par déclarer quele monde, tel

que nous le voyons, n'est qu'une apparence. Nous

montrerons dans le cours de cette étudeque les sceptiques,

surtout a partir d'.Knésidèrae, s'inspirent directement de la

méthode de PanBénjde_ej_de_Zénon les vrais ancêtres du scepti-cisme. ce sont les éléates.

Rien de plus opposé a ta doctrine des éléates que celte d'Hé-

raclite. Les uns disent «L'être est. le non-être n'est pas»;

Zeller,op.cil., I. Il, p. boa.Voir ri-doKout, p. 5a.

'Vl Voir ci-<l«$<Mis, p. H6.

Page 14: Les Sceptiques Grecs Brochard

m iwtMwmw AHtUotmxtimt 71,(1 riiibirav/riiiR ARin9l/UB,VItyt'E> 7

l'autre goulient que Felren'est pas, que le naitrétra est. four-

tant, sur ta valeur du ta connaissance sensible et sur les difli-

eultés do ta science, ils arrivent à la même conclusion «Les

yeux et les oreilles. dit Heraclite, sont de mauvais témoins pourceux <|iii ont des eues barbares liK» L'un des premiers, sinon te

premier» Heraclite a montréque

la sensationsuppose un

double facteur, le mouvement del'objet et celui du sujet <

Parménitie récusait letémoignage des sens, parce qu'ils nom

montrent lamultiplicité et le changement; Heraclite, parée

qu'ils nous représentent les choses commeavant de l'unité et

de la durée.

L'apparition de l'école d'tëlée marque dans l'histoire de la

philosophie grecque et mênie de laphilosophie en général une

date. capitale. Parménide et Zenon eurent la gloire d'introduiredes idées

qui, une foisproposées, devaient s'imposer, et que

fous lesphilosophes ultérieurs, d'un commun accord. accep-

tèrent. C'est désormais un axiomepour la pensée grecque que

IVSjreen lui-même est éternel, immobile» soustrait à ta géné-ration et à la mort, ou, connue on l'a tant répété depuis,

que rien ne n;tPt tto rien, et tttte rien nepefttpenr.

Lesefforts

t

desphilosophes (lui vinrent après eux teiidircnt

uniquement à

expliquer comment cette unité et cettepersistance de l'Ôtre

peutse concilier avec la diversité et le changement qu'il est

impos-sible de contester sérieusement. On sait comment ftnpédocle,

par sa théorie des quatre éléments, Leucippe et Déinocrite, par tcelle des atomes. Anaxagorc par celle des homéomériefs, tous

par faconception mécaniste, qui exp!i<)Me la des êtres

par lajuxtaposition temporaire de

principes immuables, [es-

sayèrent de résoudre leproblème et de concilier Pannénide et

Heraclite.

Uneconséqunncejuicessaire de ces vues sur l'être, toujours

antérieures, chez lesphilosophes de ce

temps, il toute théorie dé

<•> Mnllwh. Fragm., i3, p. :ti7. Cf. Arist.. »fc(., f, 6; ScxIih, .V.. VII.

|-J(i, l3i.

•" Zclkr, «p. cit., p. i-jd, mrfi» ;i.

Page 15: Les Sceptiques Grecs Brochard

S ÈNTROlMHmôM. – CBAWTB-E I.

la connaissance, était que tes sens no nous font pas conjja^rola véiJéTt.'es principes iiiimùaMes, qu'on les appelle éléments,

atomes on liouiéome>ies. nu sauraient tomber sous les sons la

raison seule les découvre; les sens sont donctrompeurs-, Aussi tu»»

kw nouveaux ioniens sout-ils d'accord sur cepoint avee l'armé-

nide et Heraclite « Refuse, ditKmpédwlo !tJ, toute créance aux

sons que lapensée seule te fasse connaître la réalité.» –

«Chacun to se flatte de connaître l'univers mais ni les yeux, nî

tes oreilles, ni t'iutetiigtincc d'un homme ne peuvent le com-

prendre. Tu n'en sauras jamais que ce qu'en peut saisir l'intel-

ligence d'un mortel.» Comme Parménîde, Uctnocrtle (Ji opposela vérité à

l'ojiîiiîan et déelare(pie ce. qui apparaît aux sens

n'existe pas réellement. Ce qui existe, ce sontuniquement tes

atomes; le chaud et Je froid h dottx et l'amer, ta couleur n'ont

pas de réalité. «La vérité, dit-il '» encore, estprofondément

cachée», et il insiste tellement surce point, cEtte souvent on

l'a pris ponr tutsceptique.

Anaxagore'A à son tour déclare que nos sens sont trop faibles

pour connaître la vérité. «Si vous prenez deux couleurs, dit-il

j encore V'K.et que vous tes mélangiez, l'œil ne peut distinguer les

changements quise font

peuà

peu pourtant ils existent dans

la réalité. C'est la raison seulequi jti{»o de la vérité'71.» A ces

vues se rai tache te sophisme que les sceptiques devaient si

souventrépéter «La neige est noire, car elle est formée avec

de l'eau et l'eau est noire !s;.s

Sans aucun doute, c'est à cause de ces assertions que plustard tes académiciens se mirent autorisés à

invoquerte nom de

f«5fu!la<4»,p. » 5;.Ibùt., v. tit-ii. (',(. Oie, Ac, l!,v, t ' REmycdecfc* iutervtuin mîhi fiirere

vulelnr abstona i>swomoia nihil nossentir*»,niliilremerv, niliil oimiiuo,i|ualt!sil.posse rejieriie.n

Seïl.W., VII. i35. Cf. Mullaé, I, p..HJ^.1

Diog., IX, 73; tic. Ae.t H, ï, 3a. Cf. Arisl., Mttafh., lit. 5, 1009.>

SctI.I/VII.Uo.« S«i.,iW., <)o.

Itiid., 91.'' St;itl.. P., I. :s:S; t;ic, Ac, II, mu, 7:jmi, n>n.

Page 16: Les Sceptiques Grecs Brochard

LA PtHbOSOI'JÙÉ ANTÉSOGRATlQlfB. 9

ces |)li^osopjR»s et ù lys comjiloF parmi leiire devanmrs. Mais

ity

a là une exagération évidente s'ils se défient des sens, ils

ont tous une conUanee absolue dans la raison. Même il na

viennel'esprit d'aucun d'eux de considérer les sensations

comme des dtutspurement subjectifs elles n'expriment pas

fidèlement la réalité, mais il y a toujours dans la réalitéquel-

que chose» un mouvement, une «.onibiiiuison d'élémentsqui les

explique. Tonspourraient répéter la maxime de l'orraénide t

«On ne pense pas ce titi n'est pas,n -

Démocrite surtout a été souvent considéré comme unscep-

tique oit comme unsophiste

tl). Le fait est qu'on trouve chez lui

nombre de formulessceptiques. Notts ne

pa clous pus de la

maxime ûù fiâAAo»»,parce qu'il ressort très clairement d'un texte

de Sextus mqu'il lui donnuit un tout autre sens

que celui de

IVrrito». Mais if contestait la vérité de tout ce que les sens nous

font connaître. Dans l'ouvrage intitulé xp&iwrtfput®, quoiqu'ileût promis de montrer que les sens méritent confiance, il les

condamnait. «Nous ne connaissonspas

la réalité, disait-il, mais

seulement cequi s'offre à nous suivant la manière dont notre

corpsest affecté, suivant la nature de ce qui entre dans nos

organes et en sort. » Et ilavait répété '^maintes fois

que nous ne

comprenons jamais ta vraie nature des choses.

Toutefois ces formules s'accordent fort mal avec tout ce quenous savons du reste de sa philosophie. L'alojnisme n'est rien

s'il n'est uneexplication dogmatique

de l'univers. Ainsi le

comprirent les épicuriens, qut furent en opposition ouverte avec

lessceptiques; ainsi le

comprit Démocrite lut-niérnc.

Nous avons heureusement un document ® qui permet d'ex-

1 C'est l'accusation que RiHor en particulier ( ttkt. <feh pliiht. «ne 1. 1. p. A73et «* fratl. Tissot) dirige contre Oomocnle. Zclter (o/i. cil., \i. 3b<] cl teq.)lut a victorieusement rcpvnclti.

">/». 9.3.

w S«sjt.,M.,VH,i:tti.tir IM.

w Cesl te lo»te de Seslus (M., Vit, i.f8), ilunlJ'anlhculicil<!iwsaurait Ht*.louteuse. Seslusciln l'niiti-jj; ih tk-mocritn(iv mitxtu/ôm).itiipicl il cinpruiitn,1"ulell5e, Sexlers dl. 1'001YI'3I:e,1.. 1>morrÍlp (~r soia 1<111") 31111uel il PlllllrlllllpMt citation (xatà À^Ç«>I jiioSjius Sia tvm iiitiA fit ymsin. U axo-tin.

Page 17: Les Sceptiques Grecs Brochard

I ft I NTttOÔtlfiïJON: CH AHTIB f

.~u_. 1..1. t~ £Pplicjuer I» contradiction apparente natte les formules de Démo-eritc et sa doctrine. Quand il est

sceptique, c'estuniquement,

à l'égard des données sensibles! Mais il y a4 suivant lui, un

autre mode de connaissance bienplus certain c'est la raison,

ou plutôt le raisonnement. A vrai dire, il «teparaît pas avoir

cru que la raison à elle seule sulïit à atteindre ta vérité; il s'est

plutôt séparé sur ce point des tSléates». Maisen «'appliquant

aux données sensibles, le raisonnement nous permet de con-

naître les réalités nécessaires pour Lesexpliquer. Telle est la

connaissance légitime (y wfo), qu'il oppose à la connaissance

obscure des sens (axa-rut). C'est à peu près ce que Descartes

diraplus tard. Ainsi, tout en conservant les formules citées

ci-dessus, Démocrile peut dire, au moment môme où il les em-

(tue ce (lui existe réellement{hep),

ee sont les atomes

et le xide.

Finalement, Uémoerife n'est point sceptique dans le sens

plein et entier du mol; il ne l'est que partiellement.. S'il aplu

par la suite aux nutiveaux de voir en lui un pré-curseur, Sextus Eiupirieus, bien mieux avisé après avoir marquéles analogies, a soin"* de signaler les différences qui séparentDéuioerile des

jivrrtiotiiens. «Il ne suffit pas, dit-il p* trèsjus-

tement, pour é*tresceptique, de parler quelquefois comme un

sceptique; on cesse de l'cUre dès qu'on prononce une affirmation

dogmatique.»»

Mais s'il n'y apoint,

àproprement parler, de sceptiques

w If est vrai qiTArislolo(/}« Ce»,et Ctm:, l, a >sltrilraeà Dématrite cette

opinion, santeuiti» plus luril parÊpioir»,ijae le pliviiomèiKsensible est vrai enItii-mwne..MaisZelfor (op. cit., p. Xf;)« hi.Mi monli-é qu'Ari^lole ne donne en ces

passages que io rvstittal in ses propres déductions.

i!;Lorsi|uoDémocnto( Seïi. .V. VIIt 3a7) déchirela démonstrationimpossible,

il s'.ijjit rrai>ciiibiabl<<iiic>iit de lu dèiiowlrniion abstraite, telle que l'entendaient

les .Icalert. Au surplus, niènç dans cette négation, comme le remarque Seilus,

Défiiocritf dillère des sceptiques, qui doutent seulement de la possibilité de. la

•lémnaitraliau.

'Jî Se,t., ,M..VI1..35.

|V! (, ft»3.

ft. 1,1aX

Page 18: Les Sceptiques Grecs Brochard

LA PiHLOSOMÏHî ANTtèSOCIUïlQtfB.- H

tnn ~"ar.E,.a ae .rr: c 1.F «vant les sophistes» il faut reconnaître (jtfên fait, toutes les

I écoles s'acheminent vers h scepticisme; historiquement, elles youi toutes abouti. Des éléates

procédera Gorgias; d'Heraclite,

Prolagurus etCratyle"t,.(|ui en arrivera à ne

plus oser prononcerntt jugement. Nous reviendrons bientôt sur les

principaux

sophistes. Déinocrite aussi eut des successeurssceptique» tel

fut Métrodorc de Cliio <*>,soitqu'il

ait été directement son

disciple. soitqu'il ait reçu ses leçons par l'intermédiaire de

Nessus. Non content d'attaquer laperception sensible, Métradore

déclarequi; nous ne savons rien, pas mente si nous savons

quelque chose mi rie» l3K

Apres M«lrodore «le Cliio vient Anaxanp»e d'Ahdèn». Nous

avons malheureusement trop peu de renseignements sur ce

personnage étrange, corapaijnan d'Aieiandre, également promptà flatter son maftro cl à lui dire de désuj^ables vérités, livré à

toutes les voltiplés. et capable, sa mort l'a prouvé, desupporter

les plus cruels tourments avec uttprodigieux courage (l!. Hais

nous savons de lui qu'il fut de l'école de IMmoerite, disciple de

Mdtrodorc ou de sondisciple Diogène, et cju'il fat ouvertement

sceptique & il comparait les choses aux représentations qu'onvoit sur un théâtre, ou aux tinaijes qui hantent le sommeil et

la folie(ci. Or cetAnaxarque fut le compagnon et l'ami de

Pyrrhon, dont il Joue et admireï'adkfliork W,Ici encore, il y a

an lien de filiation historique entre l'école de Déroucrite et l'école

sceptique.

Logiquement^ le passage du dogmatisme mécaniste et maté-

VoirZfllcr, op. «(.,(>. \^j.•»

Ihii., p. 375.l1' AriMot". op. Kuseb., Pricp. ecaug., XIV, ut, 5 OiSeis fyëp oiièv oïhv,

cW«i!to nvtoaôitpop tiDipev i o»'« otltftet. Cf. Cit., .le, H, %xm, fi; Diw;

IX,58}S«l.«.,Vtl, HH.'«

Wor., IX 5tjî Wiit., Virl. mm., .0; ttém., Slrom., IV, AgO; Voici-. Mai.,

IH.3; Hin., Iliil. ma., VIII. «m, 87.

«SmI.. JI..VH, 87.•• au.

1% ix, es.

Page 19: Les Sceptiques Grecs Brochard

ti HtTfiODtfCTKHfc Clf AlMTttB l

rialiste au scepticismô &'eiipti«|uo sans peine. Tout occupés de

leursrecherches physiques, tes premiers philosophes ont bientôt

reeonim fmsfilftsîinfe do l'eipéricuee sensible; mais tour con-

fiance uaJvo dans la raison n'a pas été ébranlée. Cependantlu diversité des résultais

auxquels ils sont arrivas devait mettre

leurs successeurs en défiance; et des esprits déliés ne devaient

pas tarder àcomprendre que l'an

peut diriger contre la raison

elle-même des arguments analogues à ceux qui ont miné la

confiance d'abord accordée aux données des sens. Lus premiers

philosophes se sont arrêtés à mi-chemin; tessophistes iront

plus avant.

Il. i\ous n'avons pas à faire ici l'histoire de insophistique, 1

ni à chercher les causes qui en favorisèrent l'apparition à

Athènes; notre tache estuniquement de marquer les

rapports

qui existent entre lessophistes

et lessceptiques

de l'école phyr-

rhonienne, et comment lespremiers frayèrent la voie aux se-

conds.

Les faux savants qu'on désigne sous le nom de sophistesfurent très nombreux: tes seuls dont nous ayons à nous

occuper

y. sont Protagoraset Gorj;ias. Les autres, mi (>ffot. tout en parlant

et en agissant comme s'il n'y avait point de vérité, ne paraissent

guère s'être attardés à déterminer les raisonsthéoriques de

teur doute. Leurscepticisme

est surtout pratique; ils songentà

l'exploiter, bien plutôt qu'à l'expliquer. Tous lessophistes,

mais surtout ceux de la seconde période, furent avant tout des

professeur* de rhétorique, de politique, de n'importe quelleautre science «m plutôt de

n'importe quel art; ils auraient cru

perdre leurtemps

et leurpeine s'ils s'étaient attardés à démontrer

que rien n'est certain. Cette assertion est de bonne heure prise

par eux comme un axiome qu'on ne discuteplus. Ils no s'ar-

rêtent pas auxprincipes;

ils courent aux. applications. Si la

dialectique a une si grande importance Il leurs yeux, c'est

uniquement h cause des services qu'elle peut rendra à fa tribune

ou au tribunal: si les disciples si? pressent autour d'eux, c'est

Page 20: Les Sceptiques Grecs Brochard

», v i*iiff.osopiiiKn m&mGMïwm. n

qu'ils espèrent, grftcc à {eues façons, devenir dé* avocats subtite

et retors, capables d'éblouir leurs auditeurs, doperdre leurs

adversaires et de gagner tes plus mauvaises cuuses. Embarrasser

un interlocuteur, tui jeter à la té*£edes raisons, bonnes ou mau-

vaises, qui i'élourdisscRl, et lui ferment lu bouche au moment

oiï il devrait parler» le déconcerter par l'imprévu desripostes ou

par l'étràngeté des questions, abuser contre lui d'un mot mal-

heureux, et lé tourner en ridiculejiar tous les moyens voilà

toute leur ambition. Aussi ladialectique des sophistes n'est-elle

qu'une routine, qu'on n'enseigne pas par principes, mais dont

on fait apprendre par cœur tessophisme* les

plue usuels; c'est

àpeu près, suivant l'ingénieuse comparaison d'Aristote' comme

siquelqu'un promettait d'enseigner le

moyen de n'avoir pasmal aux pieds, puis n'enseignait ni à faire des chaussures, ni

mène à s'en procurer de bonnes, tnais se contentait d'en donner

une grande quantité de toutes formes; c'est un secours utile,

c« n'estpas

un art.

Cette thèse générale qu'il faut douter do tout, quoiqu'elledétruise toute

philosophie, est encore trop philosophique poureux, et fort au-dessus de leur portée. Si peu d'estime

qu'onveuille avoir

pour lespyrrltaniens, ils sont incomparablement

supérieurs à laplupart des

sophistes; lessceptiques

sont des

philosophes; les sophistes sont des charlatans. Ce serait fairetrop d'honneur aetx

arguties d'un Ëuthydènie ou d'un Diony-sodore

que de leur supposer uneparenté quelconque avec les

arguments d'un Cnrnéade ou d'un /Enésidùine..

Ces ciiractères sont, à différents degrés, ceux de tous 1ns

sophistes; en vain Grotê '?> a essayé de les défendre son plai-

doyer n'estqu'ingénieux et sa cause est

perdue (s). Toutefois

il serait très injuste de confondre les fondateurs de la sophis-

tique avec les bateleurs que Platon nousprésente

dans i'Euâtj-ilème. Prolagoras et Gorgias sont, il est vrai, les fondateurs de {

">Sophi$t.Etetick,««ï, |8:«.111 Itul. (h h Grèce, Irait. Smlmis, l. XII, |>. 178 if »n/. Paris, Larron, tK6<>.

m Voir Zeltir, op. cit. t. tl p. a»»,». t.

Page 21: Les Sceptiques Grecs Brochard

f* INTRODUCTION CHAPITRE I.1("" 4 ni. UU~"t 1 11-.0. -1..

réristKjiiB elle procède d'eux eu droite ligne iW niais datte celte

voie ils surent s'arrêter àit'ai|w ifs ont encore un sérieux de

pensée, une tenue do conduite, un souci de logique qui les

mettent fort au-dessus de leurs indignes successeurs. Chez

Piiiton, qui n'est pas suspect. Socrate ne parle jaintiis d'eux sans

égards if lui arrive mêmed'envoyer dus disciples à

Protagoras.Seuls panuiles sophistes, ils sont encore des

philosophes.Oit sait que, par

des voies différentes et à t'aide de formulesen apparence opposées, Protngoras et Gorgias arrivent à une

conclusion identique « L'homme »ditPfolagoras, est la mesure

de toutes choses n, car k«s sensations seules lui font connaître co

qui est; or la sensation, résultent, comme l'avait déjà montré

Heraclite, de la rencontre du mouvement de l'objet avec celui

s du sens, est essentiellement relative elle ne nous fait pas con-

naître tes choses tellesqu'elles sont, mais telles qu'elles nous

apparaissent, et fa manière dont elles nous apparaissent dépendelle-même de ht manière dont nous sotnmes affectés ou disposés.

Profagoras, la chose vaut lapeine d'être remarquée, se place

y toujours à un point de vue objectif la raison de ce que nous

pensonsest hors de nous. V.o

qui existe dans la réalité est

dans unperpétuel

mouvement parmi ces mouvements inces-

sants, les uns, rencontrant les sens, provoquentune sensation;

tes autres n'eu provoquent pas; mais au même instant, diverses

personnes peuvent percevoir, àpropos

d'un même objet, diverses

sensations le même objet peut apparaître comme un homme,

ou comme un mur, ou comme une galère '3|. «A l'élut normal,

on perçoit les choses qui doiventapparaître

à l'état normal;

dans le cas contraire, on perçoit d'autres choses De ta, la dif-

férence des sensations suivant l'âge, le sommeil, la veille, la

folio. Dès lors, comment faire une distinction entre les sonsa-

•u Voir Zdfcr, «p. «'(., p. 5j5.ri' l* ifiic Srortns( P. t 41H)appelle«l'unwul inconnusansdouli»à t'rofa-

ror~a, t&)).« .<iist.,Mfc.Hf.

Uni., /»..(, -us.

Page 22: Les Sceptiques Grecs Brochard

M PHILOSOPHIEANTÉSOfiBATlQDE. t.r>-u,, [ir

tit»ns, àMwep les u«eg vraie»* h» autres fausses ? Elles sonttoutes %afemftttt vraies, étant toutes naturelles, ayant toutesleurs causes hors dejioug,, flnne tout est vrai,

Gorgiass*ejt|jpinio tout autrement. «Rien n'est vrai», dit-il. H

prouve que l'étro n'estpas; que, s'il était, on na

pourrait le con-

naître que, si oiîlocônnnissait, on n'en pourrait rien dire. Mois,dire que Wcn n'est vrai, c'est évidemment la même chose

quedire lotit est vrai.

Dans ees doux argumentations, on pout dire que se trouventan germe toutes les thèses

que le |iyrrhonisme développera plustank La theVurio de Protogtimg lui m-uit M su(fj{(Sr<5epar Je

système d'Héraelitc; mats, pour la justifier, il avait recours auxerreurs des sons, aux contradictions des opinions humaines

/Kndsideiwo no ferapas autre chose lorsqu'il .dnumérara ses dix

froges,et tous les

sceptiques procèdent de même.

(;'est lit méthode de l't%ole d'KIéequ'applique Gorgias it

retourne ladialectique de Pannénide et de Zenon contre leurs

propres thèses. Ici encore sonexemple sera irait»-. Entre la

critique do l'idéede l'ètiv, idte que i'a entreprise lesophiste,

et lucrttif|ue_dêja_nÔtion de cause, telle que la fera &nfoi-

dftme. lapan-nlé est lîviiïïmtéTîies habitudes et la direction

d'esprit des nouveauxsceptiques sont tellement semblaldes ii

celles deGorgins, (jue quand Se*tusw résume une partie du

traité De la iValure ou du tXou-lhre, il ajoute do lui-même et

presque sans s'en apercevoir des arguments et des éclaircisse-

mentsqui

se fondent très l»ien avec le reste de.l'exposition et

font corps avec elle ce n'estq«e par un ellbrt d'attention et

et)comparant le texte avec celui du De Mémo, faussement at-

tribué à Aristote, qu'on peut les distinguer w.

Si on descendait dans le détail, bien d'autresanalogies se

présenteraient. Déjà Prolagoras attaque l'astronomie1»: il écritsur les

mathématiques, probablement pour en contester la eer-

!llM..¥H-.65-87.

111 Voir Zellor, op. rit.. |». fma wife -Xw

Ami., M»., H, ,k.

Page 23: Les Sceptiques Grecs Brochard

m WFRwDfjtrnoN;– .aitAPitite r.

titudescientifique* Ips

scc^(i(|uesse

doniieront |>(us fwd l«

mène tâche, en Peiargissajït et en l'étendant ik toutes tes

sciences(iyxwxAi« ftoA^ww). De même, par une

conséquencedirecte île sa célèbre maxime, Protagoras déclare

que sur tout

sujet, on peut opposer deux assertions contraires <•> c'est ta

première forme de cette hosthéaie des sceptiques, qui, opposantsur chaque question deux thèses contraires

quise font équilibre,

se déclarent dansl'impossibilité

deprononcer. Les nouveaux

académiciens s'exerceront aussi ù plaider partout tepour

et le

contre. S'il y du scepticisme dans l'érislîque dessophistes,

on

verra plus loin qu'il y a bien aussi de l\kislique dans lescepti-

cisme.

Dans les questions de morale, Protajjoras et Gorgias de-

meurent encore attachés aux anciennes traditions. D'autres

sophistes, à l'exempte d'IIippjas. opposent le droit naturel au

droit écrit, l'oadé uniquement sur J&. coutume c'est la thèse

que reprendront plus tardPyrriion et Carnéade. Et ils

préparentencore la voie à €arnéade, lorsque, pour attaquer ta religion

populaire, ils insistent sur ter diversité des religions, et avec

Prodicus, expliquent que les premiers hommes ont divinisé tout

ce qui leur était utile.

Toutefois, a cwtû (les analogies, il y a des différences essen-

tielles lasophistique ressemble au scepticisme.! comme l'ébauche

à l'œuvre achevée, comme fa figure de l'enfant à celle do

f homme Fait. D'abord, comme l'indique Sextus Kmpiricus(5J, quia

pris soin de-noter quelques-unes de ces dilïépences, ia

sophis-

tique est conduite à une conclusiondogmatique que récuse le

pyrrbonismo; celui-ci ne ditpas que tout est vrai ni que rien

n'est vrai il dit qu'il n'enjait_rien. Au fond, iln'y a peut-

êtrepas grande différence au moins la position prise par

lescepticisme est plus facile à défendre et plus habilement

choisie. De plus, c'est sur une base dogmatique que reposent

Dioj; 55. Cf. Zflltcr. op. «'(., p. 5o;.

r>io,r.5i.

'S P., I. ilfi Ht,q.

Page 24: Les Sceptiques Grecs Brochard

U l'Hir.OSO|>|{fB SHTfmcii&TlQiHi. 17

t«s H%ft(iens de Protagaras If déclare qw'en dehors d» nous*tout est toujours im muuv«intt»t

ol «ju'j\ la diversité des mouve-

monts correspond lit diversité des sensations deux points sur

lesquelsSextus ne peut s'entendre avec lui. Ln

sophistique n'est

pasencore enfermée tout entière dans lu conseillée ht

règne

du pur suhjoctivismo n'est pas encore arrivé.

Outre ces différences, indiquées par Sextus, on peut cil si-

gnaler d'autres, non moins importantes. D'abord lesarguments

des sophistes sontprésenté sans ordre et sans aucun souci de

méthode. On verra au contraire avec quel artaccompli tes

nouveaux académiciens savent disposwr les diverses partiesd'une argumentation. Carroîade en particulier, quoique nous

ne le connaissions que par des fragment? mutilés, a laissé des

modèles de discussion, ou toita les arguments sont savamment

groupés,s'enchaînent aisément, se fortifient l'un l'autre, et font

pénétrer peu àpeu dans l'esprit une clarté qui l'enchante, alors

mêmequ'elle ne le convainc

pas. De même, etpeut-être sous

l'influence de Carnéadc, /Enésidème classeméthodiquement

sous le nom de Iropa tes arguments sceptiques: et chez Sextus

Empirions, le souci de" l'ordre et «le la méthode est poussé si

loin qu'il devient fatigant et importun.Mais c'est moins encore par fa méthode

fille par la force des

arguments et la finesse des analyses que les sceptiques l'em-

portent sur lessophistes. Avrai dire, Protagoras «;t Gorgios ne

fontqu'effleurer le scepticisme, lis en

aperçoivent les arguments

principaux, mais ne songent pas ù les approfondir. Rien de

comparable chez eux aux délicates analyses par lesquelles (,'ai-

néade. devançant lapsychologie moderne, montre le rôle de y

l'association des idées, et fait voir que l'accord denosjvpré-

senfations est la meilleure garantie de leur prohabilité. Il v a

loin aussi des indicationsde Protagoras aux trupes d'/Kri<>sidème,

plus loin encore de lacritique de l'idée d<»

l'tjtrepar Gorgias à

lacritique de l'idée de cause par /Knfoidçmc. Le choix mène

de ce»»- notion, siimportante dans tes sciences, les exemples

invoqués, lus objections prîmes, attestent une profondeur, uue

•j

Page 25: Les Sceptiques Grecs Brochard

t» lNtitOl)tlCT[ON, GHAWPRBl

précision, mémo«a esprit scientifique dontles sophistes n'eurent

pas mi'itie l'idée.

Enfin le but que suproposent les uns et les autres, l'esprit?

dont ils sont animes, sont tout autres; et c'est de là (juo dériventtoutes les différences que nous venons

d'indiquer.Les

sophistessont surtout préoccupés dos conséquences et des applications

qu'on peut tirer du scepticisme; leur esprit est tout entier tourné

vers lapratiqué. Ils sout, avant, tout, des professeurs de rhéto-

{ riqueoude politique; ta théorie n'a d'intérêt pour eux que

si elle

conduit » »it art, et quand ils se sont, pour ainsi dire, mis en

règle avec elle, ils ont lutte d'arriver auxapplications. Ils na font

que traverser le scepticisme. Ils renoncent àpoursuivre la vérité

plutôt qu'ils nedésespèrent de la trouver; ils

y renoncent sans

chagrin,et

pleins de confiance en eux-mâmos, ils se jettentavec ardeur dans la vie

publique; ta ils ne doutent de rien.

y. Le doute n'est potir eux qu'un moyen. Il est une fin pour

Pyrrhon. Lessophistes sont des habiles; Pyrrhon sera un

philosophe. CVst par dégoût de la vie active, par fatigue de la

dispute,dont il aura reconnu la stérilité, par esprit

de renon-

cement qu'il arrivera au doute. Ni lui ni Timon une fois quece dentier sera devenu son disciple, ne tireront aucun

profit de

leur enseignement; ni l'un ni l'autre ne brigueront les fonctions

politiques: ik vivront comme des sages, dans le repos et le

silenee.

Cette opposition semarque clairement dans l'attitude que les

uns et les autres prennent a l'égard des croyances populaires.

Déjà Protagoras, malgré sa réserve habituelles exprime des

doutes sur l'existence (les dieux; Prodkus fait plus que d'en

douter: il l'explique par une illusion. Leurs successeurs ont

encore moins de ménagements; ils ne s'occupent que de renverser

les idées reçues: en religion comme en morale et enpolitique,

ils sont des révolutionnaires. Les pyrrboniens seront des conser-

vateurs. Leur constantepréoccupation

.sera de nepas toucher

aux croyances Populaires et, comme ils diront, de nepas

bouleverser la vie; l'vrrhon sera (fraiid prêtre. Ils affecteront à

Page 26: Les Sceptiques Grecs Brochard

U 1*HIM>S0I'IUK WfÉSOGBATIQUE. 1»

t'égnrtt d« kFtttfBLo» et dos traditions im respect si grand qu'onade In peine à lie pu» le trouver ttn peu suspect. Leur eonelusioa

'sera qu'il faut vivre comme tout le monde, puisque lu .science

n'est bonne tt rien et même n'existe pas. C'est bien à tort qu'on

regarde souvent te pyrrhonisme comme un déli jeté au sens

commun. Nous montrerons au contrairequ'il n'est pas autre

chose (lue la philosophie du sens commun. Ausurplus, les

sceptiques ne s'occupent pas volontiers des questions pratiques;ils n'en

parlent qt^'âleur corps défendant, et n'en

disent queré

qu'ilest

impossible de n on pas dire. Ils se sentent mal à

l'aise stn* ce terrain, et aiment à s'en détourner; car c'est là

qu'ontes

attaque toujours, et ils sentent bienque c'est leur

point faibk Aussi serejettent-ils volontiers dans la discussion

théorique: c'est là qu'ils triomphent. Ce qui chez lessophistes

était en somme l'aecessoiro devient pour eux l'essentiel.

C'est donc seulement par les grandes lignes 'lue ces deux

écoles se ressemblent.Presque tout restait à faire après les

sophistes.Le

pyrrhonisnio reprend l'esquisse rontmoméo, partes

sophistes, et l'achève. C'est d'ailleurs ainsi que procèdef~

généralement l'esprit grec. Les artistes fonttoujours

la même

statue, et si>contentent d'y modifier quelques détails, d'y ajouter

quelques traits. Lespoètes dramatiques reprennent

souvent les

mêmes sujets, et imitent leurs dei'ancicrs sans tes copier. Les

philosophes recommencent des tsepi Çûasw et ne se font passcrupule d'encadrer les pensées do leurs prédécesseurs au milieu

des leurs. Tous procèdent par additions successives, améliorant

peuà

peuIWvrc commune,

jusqu'àce

qu'ilsl'aient

portée au

plus hautpoint de perfection. C'est a

peu près ainsiqiivlruvniile

la nature; et c'est taprétention

avouée dugéniu grec de

se con-

former en toutes choses à la nature.

Page 27: Les Sceptiques Grecs Brochard

-j». wnwmcnm. «:ïi ai*i'Fhk h.

CHAPITRE Il.

SUCIUÏE BT LES KUCttATiQUES.

f Socrate a été l'adversaire uchurné des sophistes; longtempson a (tu qu'il n'y avait rien «le commun entre eux et lui et

qu'il•'•tait leur

opposé en toutes choses. Certains historiens modernes

ontcltittigô tout cela: Hegel (t! trouve que Socrate ressemble aux

sophistes: Grote'1 estimefille

lesprincipaux sophistes ressem-

blent à Socrate; va, (in decompte. Soc rate ne serait

quele

plusillustre îles

sophistes. Socrate, dit Hegel, n'est pas sorti de

terre tout acoup

comme unchampignon; il est en parfaite

continuité avec soit temps. Comme les sophistes, il renonce à

expliquer le monde; il seplace au point de vue subjectif. – Si,

dit Groto, dans le milieu de la guerre du Péloponèse, on eut

demandé à un Athénienquelconque Quels sont les

principaux

sophistes de votre cité ? il eut certainement nommé Socrate

parmi les premiers.

Sans entrer ici dans une discussion qui nous écarteraittrop

de notre sujet, nous devons signaler cequ'il y

ad'exagéré dans

•esopinions. S'il

y aquelques analogies entre les sophistes et

leur illustrecontemporain, les diifércnr-es sont bien plus nom-

breuses et plus importantes fîi. Assimiter Socrate même à l'rota-

îjonis et à Gorgias. c'est à la fois lui faire une injure imméritée

H commettre une grave erreur historique. Quels que soient les

(ievIMte ,1er Plutôt., l. II, p. ôa (Wtrl,e. t. XIV; Berlin Ouncker, i833).

Itàttiire dela Orke, Iracl.Sailuus, t. MI, p. \-}3 et mj. (Paris, Lacroix,mitij.

'• CVI re (|ii« Zeller il'hiht. lier Ctiechen, t. H, p. j.'iK, :t*AuH. fcipri|>.

|X-5) iiniiitiT ,iï(><- lip.uii-.)ii|i ili> fiiirr- <•! <|i> piiVisitm.

Page 28: Les Sceptiques Grecs Brochard

stWftATK lit XRS SÔGlUTIQIiBS. 21

moyens t[«'ît wn|jh)ift ei h>s ifétour» «mse «Hiipintt «a pensée,

Socratc nuqu'un but' trouver une vérité absolue, univer-

selle, qui s'iijqwse a totitosprif: et (font la conscience individuelle

n<>soit pis lit mesure. Sa doctrine a été fort bien nommée I»

j)tii!oso[iliie desconcepts, et it l'a nettement dûfînie en disant

que lu science est la connaissance du générai. QueUes quesoient ses hésitations et ses réserves il est des

points sur lesquelsil n'a jamais varié. Où voit-on qu'il ait douté de la vertu, de i»

différence du juste ot de l'injuste, de l'obligation de faire le

bien* Jamais moraliste n'a montré une convictionplus profonde,

une ardeur plus sincère etplus commumeative a

prêcher la vertu.

Si on peut luireprocher quelque chose, c'est d'avoir eu trop

d« confiance dans la science, d'avoir cru qu'il suffit de connaître

te bienpour Je faire, d'avoir identifié la vertu avec la certitude

absolue qui s'empare del'esprit lorsqu'il est

parvenu à recon-

naître la véritable nature du bien. Et si la pensée de Socrate

avaitquelque chose de commun avec le scepticisme, comment

comprendre que sesplus illustres

disciples Platon et Aristote,

s'inspirant do son esprit et continuant son œuvre, soient arrivésti

à construire les systèmes lesplus dogmatiques qui furent

jamais ??"

Non seulement Socrate a eu foi dans la science, mais il a

découvert une méthode excellente. Cet examen qu'il- recommandeà chacun de faire sur sot-môme

et 'qu'il savait si bienpratiquer

sur autrui, cetteanalyse (les notions, cette épreuve par l'ironie

et ladialectique à

laquelle il soumettait sesdisciples, était vrai-

ment unprocédé scientifique. Ce n'est pas la méthode

expéri-mentale, puisque ¥êksy)(ps ne

s'applique pas à des objetsextérieurs et conserve

toujours un caractèredialectique et

subjectif; mais c'estquelque chose d'analogue et

qui procède du

mômeesprit. Grote, (lui sait malgré tout lui rendre

justice, le

compare, sous cerapport,

a Bacon, s VEknchos,tel que Socrate

"> Voir, sur |« vrai sens de h philosophé; ,k Son-ale, la Mie liiud* ,1e M. Km.

Uoiilroi», Hoaate, fondateur de latcience morale (Sémites cl Itavam de f Atari. <k?

». morales <( |)olilii|ii<^i, t8*3).

Page 29: Les Sceptiques Grecs Brochard

•22 tfttUOMm'hON. – aiAMTRR11.

l'appliquait, dit uiJKW*mm raison l'historien anglais^, éliBl a

animé* de l'esprit le plus vrai de Iiiscience positive «t forumil un

précurseur intlispensabîu qui aidait à y parvenir.» – «Soerute,

ujoutu-t-il, était te contraire d'un sceptique personne ne

regarda jamais (a vie d'un œil plus positif et plus pratique;

personne ne lendit jamais à san but avec une perception plusclaire de la route tpi'il parcourait personne ne combina jniimi»comme lui l'enthousiasme tlu nii&nannuire avee la finesse,

l'originalité*, l'esprit de ressources inventif et la compréhension

yt''iu''ralisatnce du philosophe.»

Toutefois, si Soeratte est le contraired'un sceptique, il finit

reconnaître qu'il y a dans son dogmatisme des parties de scep-déisme. Lorsqu'il répudie

tascience, déjà nature et déclare que

de telssujets dijpassentjVnjlendfinent humain (i|, que la divinité

les dérotx! ;i nos yeux, il parle comme lessophistes et comme

lessceptiques

de tous les temps. Il est vrai qu'il donne «ne

définition de la science, et en cela il diffère dessophistes

et des

sceptiques; tnais, il ne faut («rs s'y tromper, la science dont il

parle est uniquement la science morale '3' tesconcepts qui en

sont l'objet sont uniquement desconcepts moraux. Qu'est-ce

que le bien? le juste et PiiijiiNÎe ? lapiété ?

Voilà lesquestions

qu'il examine le plus souvent dans les Mémorables do Xénophutiet certainement Xétiophon nous représente Socrate

plusfidèle-

ienwutt|iie Platon, (domine les

sophistes, la pratique l'intéresse

bien plus que la théorie toute son ambition, comme la leur,

>' Op.âl., |>.3/li. t.

<•> Xctiajilion, Mentor., l, i, 1 1;– tV, vu, 6. – Aristote, Met., I, 0.

'• Xoiis croyons (jue XI. Fouillai', ilan< «oh K»rii «l*aiti<*urs sircniairjuaMo, Lu

MUatapliK i/c Svemlp (fit. n et in; t'aris, 0. Bnilliére, 1 87*1), a <;xa|{<jté le l'amc-

tite u>i;tnpliysti{ia> de la pliilusuphiu ife Socral». 1.0 lestw si «unun du l'héém 96, A,

sur lei|net rfjiose suitout son iulcrprélatiun uian|u« nRtlomenlla tlilfc-rcncu1)11pi;int ifc vue 1I1; Socrale, iINpow < rxpli(|ucr te monde par l'Iioinmc, avec celui

les |jIiî1'i>o|i1im :nilfri«ir< 'lisposé» à cipli(|»or l'homme par le tnondft; maii il

n'implique pas un sysii'incî ila iii('ta|)ltysi(|iic. U\ si-iil« tcieuci' iloit! Socralo s'oc«up«cl dont il reconnaisse la Icgitimilû «I la morale. Cf. Km. lioulruux, < al. il 1x3-

[oniit (railleurs à savoir ai dans ci:passage l'fctton >^primc, non sa propre pensée,

mais celle <lt- soi» inailro, «I cVsi fofl druilniiv.

Page 30: Les Sceptiques Grecs Brochard

SOCBATR- ET IBS SOCRATIQUES. >M

est (le loniiertlt's lioinmes «lilos, diîfjoiiir citoyens; il ne (HlK'ru

d'eux (jtio par l'idde qu'il se fait du but à alttiîudre et desmoyensles

plus propres à y parvenir. Nous m* voulonsplis,

avne

A. Lange, {'accuser d'avoir arrêté tes progrès dofespril humain

et de l'avoir égard «pur des milliers d'années dans le dédain

de l'idéalisme platonicien(1)», Mais il est certain qu'il professait

pour ceque nous appelons aujourd'hui la science positive un

dédain excessif. Lorsqu'il recommande d'étudieri'iirilltiiiéliqiie

et la géométrie seulement dans la mesure où elles sont prati-

(Iuement utiles fc", il tient exactement le niante langage quetiendra

plus tard SextusEmpiricus c'est vraiment une sorte de

scepticisme.

Par la méthode qu'il emploie, Socrate se distingue encore

desphilosophes (lui f avaient précédé et se rapproche (les

sophistes. Dès l'instant oîi il se confinait dans t'analyse des

concepts, In dialectique était la seule méthode qui lui convînt.

Or il fallait une grande attention pour s'apercevoir que les

mômes moyens peuvent èlre employés en vue de buts tout diffé-

rents. Ajoutons que, soit par un défaut inhérent à l'esprit [frec,

soit par tes nécessités que luiimposait

une Julie quotidienneavec des

esprits exercés et redoutables, ladialectique de Socrate

est souvent subtile etjwaft captieuse. Encore aujourd'hui, en

lisant certains dialogues de Platon, ne nous arrive-t-i! pasde

nousdemander quel <wt le

sophiste?Il n'est

pas surprenant quedes

contemporains commeAristophane, s'y soient {rompes. Sur

cepoint encore, Socrate devait avoir des imitateurs les philo-

sophes de la nouvelle académie s'autorisent de son nom et le

revendiquent pour un des leurs"

Enfin, même dans les questions où il avait les convictions les

plus arrêtées, dans lesquestions morales, tes n<5cessk«!sdela dis-

cussion et le caractère de sa méthode forçaient Socrate aprendre

HUtoin du matdvialUtm, Irait. Pommerai, t. I, p. 5o. l'aiis. Reiim-aM.

1877.

'•" Xcno|iliou, Mm., IV, m, a.

Oie, 4c. t, iv. iti-in, Vu

Page 31: Les Sceptiques Grecs Brochard

M UmiODlFGTIOS i. aUMTRtf ».

«rie attitude sceptique. Dans toutes les discussions, son premiermut était qu'il ne savait -rien son

premier soin était de montrer,

soit à des adversaires présomptueux, sott « des disciples inexpé-rimentés, qu'ils ignoraient tout; et il ajoutait qu'il n'avait rien

àleur apprendre < DeM cette formule si connue

« Go que jesais

le mieux, c'est (lue je «e sais rien (î!.» Ou encore «Seule h Divi-

nité possède lit sagesse; ta science humaine n'a que peu duvu-

leur, et même n'en a aucune511. » La sottiesupériorité qu'il osât

s'attribuer sur les autres était de ne pas croire qu'il savait alors

qu'il ignorait '•>.A force do faire de l'ignorance et du doute un

éloge immodéré, il a fini par être pris au mot on s'est trompéa

sur soit ironie, et, sans le savoir ou sans le vouloir, ce dogma-tisas a favorisé de son nom et de ses exemples les entreprises ul-térieures du scepticisme.

Il. Parmi les successeurs de Socrate, ceux qu'on appelle les

IH'tils mmthptes ne furent qu'à demi fidèles à leur maître du

moins, s'ils se souvinrent de sonenseignement, ils ne le conser-

vèrent pas sans alliage, et l'on voitreparaître dons leurs doctrines i

l'influence desphilosophes antérieurs et des sophistes celle de

l'éléafisme et de Gorgias. chez lesmégariques

et lescyniques (5);

celle d'Héraclile et de Protagoras, chez lescyrénaïrpies.

De là

dans ces doctrines des germes de scepticisme (lui ne tardèrent1

pasà se

développer.

Eticlide est certainement un philosophe dogmatique. Avec ses

maîtres éléafes, il répète que les sous nous trompent, mais il a

une confiance absolue dans la raison il croit à l'unité de

!1= t'Ial., Tftéél., i5o,C; Slena, 8oA; Arisl., %/i. clenck, xxxm, iK3.4; Cic, Ac, II, uni, 7-'i; t, ir, i(i.3"

Cl.it. AjiuI.Sijix., ai, B,H teq.« ftiW.

Antistliùncarailéldteilis(;iplo(leCor;fias(l)iog,. VI, i; Ath-, V, 330); quantà Ku.lide, nous ne suoni camnii!nl il fut initié nm doclrincs <!« IVcolu <l'KI';i;;

mais il n'est |ias il»ul«it.v iju'il les ait connues. Cicûron {/te.. Il, .un, i:>;>) na

fait .iiiciiiio ilt.-liuflioii i-alro lVrote <l'Éléc et celte <fe Mé|<aro, ajijicl<>e plus tord l"«?-

cote it'Kiis. cl ifiiliii i«i|e tPCnfirip Innijui: MènéSkiw se fxt «-failli dans cette

deruivns ville. Cf. Arislocl. aj». Eus., Prmp. «., XIV, t»n, 1.

Page 32: Les Sceptiques Grecs Brochard

SdCftATË m IJ-ÎS SOCRATIQUES. 25

l'klpfif'f iinlititti'l'il'i r>l Mpvnnt iiu'îl iiminft» «user fi> Riim m» fni'htre'" immatériel et éternel, qu'il apjiefte aussi ll> fiîctn ou la

Raison; il admet k théorie des idtk's. Mais, comme les êUalva

aussi, tes exi|»etwes de la causé (fu'il défendait te poussèrent vers

lu dialectique. Ce n'était pas chose aisée de dépendre directement

et do faire accepter la théoriesuivant laquelle l'Être véritable est

un, immatériel et immuable il était plus facile de prendreà

partie eouxqui s'en

tiennent auxapparencçsjjf^ibles et de leur

montrer que leur croyance mène, à d'inévitables contradictions.

La mène raison qui avait faitapparaître

la méthode indirecte de

Zenon d'EIée après celle de Parniénide devait cette fois encore

susciterl'Institue après lit dialectique, Eubulide après Euelide.

Eulmlide re|)rcnd ou invente("2) lescélèbres sopbismes du Voilé,

du Menteur, du Tas ou dit Chauve, du Cornu; nous sommes en

pleine sophistique: Eutfiydème et Dionysodorene parlaient pas

autrement.

Ces sophistes ne méritent pas qu'on s'occupe d'eux, mais nous

devons faire uneexception pour JJiodere Cronus, vigoureux dia-

lecticien, au témoignage de Cicéron f5!, et qui a exerce une cer-

taine inlluencc sur l'écolesceptique.

Sextus le cite souvent pourse moquer, il est vrai, de lui et de sa dialectique; il l'appellemême un sophiste (1). Néanmoins il lui arrive de reprendre (tourson propre compte les arguments contre la

possibilitédit

mouvement, que Diodore avait lui-même empruntésà Zenon

d'Élee.

Stilpon réunit les doctrines iiiégariqucs et celles de l'école

cynique5" Il soutient, comme l'avait déjà fait Antisthène^, Km-

f" Voir .Waltt'l, //ijIuiVc <fc l'écoic rfc Migart et 4a écoles d'Élu ei it'Hrilric. Pnrij.

i8A5.

'«l'nmtUCeKlMhtc <ler Ugik, M. I, a, p. 33- Uipzi|{, Hîrtct, .Ki5)ak

triliufià c« siipliismn uni; origine mc(;iirii|ite. Zelle- {op. cit., Il. p. a3-.t, 3, 3'

AuO.)es\ ptntût |>orli;Apenser«|nc<lt*j[àlt>ssophiste,s'en Hakni staris.– • l'raiitl

exposeen détail IonscescurieuxraisuDircmi'uts.M/fcfiifti, vi, il.

"» />[(. a&5;M., X,85,ç,9.

'» P., III, 71.r.

Zellcr,«/). cil. II p. 3H1 et scq.V«y.ci-dessousp. afi.

Page 33: Les Sceptiques Grecs Brochard

i& iNTROIMiCTJMt CHAPITREci.

ptissibilité d'uiHi- deux lenat» dans unJw^ineftli de dire

par

exemple Le cheval court >lKparce que are cheval et courir sontdeux choses très différentes. H dirige aussi, comme plusieurs

cyniques, contre b religion populaire desattaques qtti font déjà

prévoir Carnéade (2>.Lephilosophe inégarique Alexinus ® combat

de mène la théorie de Xénon de Citium sur l'âii»! du monde

par un argument que Carnéade s'est plus tard-approprié.

Pyrrhon, né àElis, qu'il ait été le disciple de

Bry-sou fils de

Stilpon ou d'un autreBrjson, fut certainement inilî«| de bonne

heure à cettedialectique ou à cette

étistique; et Stilpon fut le

maitre do Timon. H y a donc un liejihistorique entre l'éeole de

Mégare et te pyrrhonkue. Mais c'est surtout plus tard que se ma-

nifestèrent les analogies entre les deux écoles. Les trois écoles

issues de Socratu devaient, en se transformant, donner naissanceaux trois grandes écoles

post-aristotéliciennes lescyniques sont

tesprécurseurs des stoïciens; les

cyrénaïques, desépicuriens;

lesniéfjariqnes, des

sceptiques.

Avuc Antistîtène et les cyniques, nous voyons une

disposition toute nouvelle à subordonner la .science à la morale.Môme uae 'Mme d'An tislhène. manifestement inspirée par les sou.venirs Je fi'nsei«netnt>ntde fi«»rgias, conduisait directement à ta

destruction de toute science. On ne peut, suivant lui, unir dans

un ju{jen»enl un sujet et un attribut-, car leconcept de l'un dif-

lère ducuncept de l'outre, et de deux choses dont tes

conceptsdiffèrent, on ne saurait dire que l'une est l'autre. C'est toujourscette rigoureuse application du

principe de contradiction dontnous wons déjà signalé l'abus chez Parménide. Par

exemple,dire Cltommeest kn!i\ c'est dire que l'homme est autre chose

.|ue lui-môme. En d'autres termes, toute délinition. estintpos-

!1>Mut., /Mr. ù>ht., ati, i .|J,

»f«og.. Il, mS.

r)>Voicice raisonncnreiit,d'aptfe Sextus (,«., IX,toS): Lepoète vautmieuxque relut ifiii n'est pas poêle, le grammairien, que celui qui n'est

pas |;rammai-tvn, et île même pour tout te reste, il n'ya rien île mnlionr que lemoucfc; (toutle muoii<> tst poète et graiumairiuii.

11 Phlim, Sople. -»i, B; Arist., Mtt., IV, ag.

Page 34: Les Sceptiques Grecs Brochard

80CRATB BT LES SOCItATlQUBS. 27nJemawuas-a asr. ams.v.sar~s.t.e.r.r. 8-1'

sil>te. On » dit tout ce qu'on- jwtiîsavon' quand ou

adésigné une.

chose, quandon l'a nonimita ce qui existe réellement, ce sont

les élws individuels les concepts ite sont quedes manières de

penser ot ne correspondent à rien de rdel. Je vois les hommes,

disait Antisthène" je ne vois pas l'Immunité. Ce aominalismc est

exactement le contraire de la doctrine de Socrate et de Platon.

Cette sorte d'atomisme logique amenait Antistlièiie à des

propositions inquiétantes,couime «ello-ci qui rappelle les for-

mules sophistiques il est impossible <juodeux personnes se con-

tredisent «.

Toutefois Atitisthènô n'est pas gcepticjùe.tl a écrit un livre

sur la distinction de t'opinionet de la science i3) il juge encore

ta Kcience nécessaire pour préparer lu morale. La IWtuule<|iie

nous venons da citer n'a pas pour tui une signification seeulique.

Si deux personnesne peuvent

se contredire, c'est ([ue dans sa

théorie notninulisto chaqueêtre devant être désigné par

un nom

individuel, il n'y a pas deux manières de désigner une raûine

chose. Si l'on ncs'entend pas, c'est que, eroyantparlerd*unm<?me

objet,en ratifié* on parte d'un autre. Si on parlait

du même,

on s'entendrait; on ne peutse contredire, parce qu'on

ne dit rien.

Aristofe avait donc raison de conclure aussi (le cette proposition

qu'elledéclare toute erreur impossible.

Ilais. outre quecette

théorie, qu'ellete veuille ou non, est «ne entière renonciation

à la science, on conviendra (luede telles subtilités confinent à

lasophistique;

dans S'Eulhyëme de Platon, lo sophiste Oionyso-

dore tient exactement Je mène langage. Antisthène n'en a pas

conclu directement que la science est impossible;mais ses suc-

cesseurs iront plits loin toutes les sciences (iyxàxha italhfiuna)

seront pour euxw, ainsi que pour les sceptiques,comme si elles

n'étaient pas.

Aiïstippe et les ivrénaïques sont d'accord avec les cyniques

"Siroplic, Ineaftg. Scluil. Aritl., i>h. If.

Arist. Mel., VU. M) (iAef«'« àmiiyav.

1% VI, 17.

l>iof[.,VI,|S 7»; Slol).Wort/ XI. i h.

Page 35: Les Sceptiques Grecs Brochard

28 HfTKOlHfCtlÛJt – tlttX PITRE IL

.r~ _il1_ 1 1pour diminuer- le rôle du ta science; mais bars raisons «mtdifférentes. Nous ««uns, disent-ils, des sensations mais nous

no savons rien des choses (lui tes produisent. Le doux et ruiner,le Froid et le diattd, Je blanc et le noir sont des états de notre

conscience (W^): mais nous nopouvons dire ni

que le miel est

doux, et l'herbu («mire, amèrc; nique la glace est froide et le

vin généreux ni rjtie l'air «lela nuit est obscur (u. Comme dans une

ville assiégée, nous sommes isolés des choses extérieures nousne connaissons que nous-mêmes. Nous ne

pouvons m&ne pas dire

que noussoyons tous afteefés do la mène manière, dans tes

mènes circonstances; car, si deux hommes disent qu'ils voient du

blanc oit du noir, qui peut leur assurerqu'ils éprouvent des sen-

sationsidentiques? Chacun d'eux ne connah (lue la sienne. il y a

d'ailleurs de grandes différences entre les hommes et les ani-maux il on est

qui n'aiment pas le miel: d'autres se nourrissent

d'herbe tendre; parfois la glace brûle et le vin refroidit; Jesoleil

aveugle et il est des élresqui voient clair

pendant la

nttit. Si nous voulons i-viter ferreur, il ne fautparler que de

nos états de conscience. Ne disonspas que les choses existent,

maisqu'elles paraissent'-1. Et c'est

parce que noire science se

réduit à connaitre ce qui se passe en nousque le plaisir est le

seul bien.

Ens'exprimant ainsi, tes

cyrénaïques reviennent au pointde vue

purement subjectif de Protagoras; ou plutôt, ils le dé-

passent. En effet, Protagoras, nous l'avons vu, expliquait le

caractère relatif de la sensation par le dogme héraelitéeit duIlux

perpétuel des choses; il objectivait nos sensations en aliir-

mant que tout ce qui est représenté existe réellement, que toutest vrai. Los

cyrénaûnies s'affranchissent de toute affirmation

métaphysique; ils s'en tiennent au pur phénoméiiisme; par làils sont encore

plus près duscepticisme.

Plut., Mt. CMm.,j'i. (X Cie.,Ac, 11,tm, tlis; m. 30; Sert., «.. VII.191; I, 3l5;DM)t' II.99.

MPlut., ibid. Tifanwmi -uUpivo,, sir }'ê<r1i p* vfommo^uvà^aH» ttepl

TWP êxTGt.

Page 36: Les Sceptiques Grecs Brochard

SOCIÎATK ET LES SOCRATIQUES. 2U

Ifs en sont siprés, (jtft* Sextus s'est cm obligé de marquer

les différences Ilui séparent tes deux doctrines Les eyre*-

nn'tynes, dil-i], allirment que tes objets extérieurs no peuvent

(Hro perytm: le sceptique n'en sait rien. La différence, on ie

voit, se réduit a peu de chose.

Mais tescyrdnaïqueK

se bornaient àindiquer cette théorie

surisy insister beaucoup. Elle n'est pour eux qu'un moyon de

justifier leur doctrinecapitale, celle qui prétend que le plaisir

est le seul bien ce n'est pas encore le véritable scepticisme.

Ht, II serait ridicule de chercher des traces descepticisme

chez Platon et Aristotn. Quelle affinité peut-il y avoir entre les «

sceptiques et tes grands philosophas qui. dans toutes leurs

«uvres, parlent avec une si Jîère confiance, des choses en soi,•

de l'être en tantqu'être,

du bien, absolu et immuable? Jamais

il ne leur est venu à l'esprit qu'on pïtt vivre dans le doute et

s'en contenter; et oit les aurait bien surpris si l'on eut exprimé

devant eux les formules du pyrrhonisme. La seule forme du

scepticisme qu'ils aient connue est celle, nonqui doute de tout,

maisqui nie tout. c'est-à-dire un dogmatisme retourné. On sait

de quelle manière ils l'ont traitée. Il sullit derappeler ici ta

vigoureuse réfutation de Protagoras dans le Tltéétète, celle de la

théorie du plaisir dans le Pltitèfa; le Gorfiies et leSophiste

achèvent de nous montrer avec la dernière clarté ceque Platon

pensait des sophistes, et quel ras il faisait de leurs arguties.

Quant à Aristote, s'il a pris la peine, dans sa Rêfutalùm fies

wphimtcs, de résoudre quelques-unes des difficultés soulevées par

eux, c'est toutau plus si dans les revues générales des

philo-

sophes antérieurs par lesquelles il aime, à commencer sesgrands

ouvrages, il daigne tnentionner quelquefoisles thèses des

plus

eélèbrfe sophistes, Il se «mtenle de formuler nettement,

d'établir magistralement leprincipe de contradiction; il ne fait

pas à Protagoras H à (îorgias l'honneur de tes discuter comme

un Paritténide on un Pythagore." uf..

Page 37: Les Sceptiques Grecs Brochard

30 tNTftODttCTÛUL-- CHAPITRE tt.

ComiiK'at doue ses i'ait-il i|uo toute une branche de l'ècok

sceptique, la nouvelle académie, n'ait cessé de se donner

conune iu gardienne fidèle des traditions platoniciennes ? El elfe

a trouvé créance dansl'antiquité; car Cieéron a l'air de

prendre au sérieux cette prétention, et SextusEmpirions dissorte

doctement sur laquestion du savoir si Platon est dofjmatiste ou

sceptique*11. C'est une erreur, incontestablement: mais des

hommes(lui n'étatent ni

privés d'intelligence ni de mauvaiso

foi n'ont pu se tromper sansqu'il y ait au moins une apparence

qui explique leur méprise. Qu'y a-t-il donc dans laphilosophie

de Platon qui puisse servir doprétexte

à une interprétation scep-

» tique ?

Nous avons déjà indiqué les raisons qui obligèrent Socrate,

entouré d'adversaires si habiles, à n'avancerqu'avec prudence,

à

ne rien alttrmer qu'avec ménagements, et en faisant toutes

sortes de réserves. Platon prend naturellement, surtout quandil fait parler Socrate, les mêmes précautions. De là dans ses

dialogues nombre depassages

où il semble hésiter, où il se sert

de formules dubitatives «affirmer, dit-ilaprès avoir exposé

le mythe du PkéJon, que les choses sont telles que je les ai

décrites ne conviendrait pas à un homme sensé. » – tt Dans ses

ouvrages, dit à son tour Cicéron Platon n'affirme rien il

discute le pour et le contre, hésite sur toutes lesquestions, ne

dit rien de certain.» Mais, visiblement, Cicéron exagère. Dans le

passage que nous venons de citer. Platon fait les réservesque

tout homme raisonnable tloit faire et peut faire sans rien con-

céder au scepticisme. Est-ce douter de la vérité que de dire

Dieu seul peut la connaître tout entière !IJ; ou encorependant

sa vie mortelle l'âme nepeut

en avoir la pure intuition M, et

enfin qu'elle ne peut é"tre entrevuequ'à

de rares moment? et

ft,lt-«l9.• Phad., ii 4, l>.' Je., ut. /il». i;f. II, «m, -h.

f'arm.. t3V C.

/•<««. II.

Page 38: Les Sceptiques Grecs Brochard

somiA'FB tët im mgmîiwmï. n

avec beaucoup de peine ®î Si c'est là duscepticisme, tous les

philosophes sont sceptiques. Mais il n'en fallait pas davantage à

des tioiiunos passionnés, qui cherchaient partout des autorités

et voulaient des «neâtres h tout prix,ils abusaient du droit

qu'ilss'attribuaient de se contenter on toutes chose» des appa-

rences.

Toutefois un» si faible raison ot un si misérable prétextel2t

ne suffisent pas a nous faire comprendra que ta nouvelle académie

aitpu

se donner pour l'héritière légitime de Platon; il faut qu'il

y ait entre elle et lui un lien réel de parenté. C'est d'ailleurs

une parenté fort illégitime.•

Dans une intention toutedogmatique, afin d'exercer l'esprit, t

do l'habituer à se mouvoir avec aisance clans la région abstraite

des idées, Ptaton avait recommandé ces discussions <liaiecfi(jtio.s

qui, d'une idée donnée, ou, comme il disait, d'une hypothèse,

déduisent toutes les conséquences, positives ou négatives, qui y

sont contenues, cherchent celles qui s'accordent avec elle ou la

contredisent, l'examinent en un mot sous toutes ses faces; nous

avons unexemple remarquable de cette méthode dans le Parme-

nùh^K De là l'habitude(lui

s'étaitperpétuée dans l'école d'exami-

ner sur chaque sujet toutes les alternatives possibles, ut de peser

tour à tour lepour

et le contre. Avec letemps,

on oublia le

but, pour ne conserver que le moyen; l'esprit passa, et la lettre

resta. Des intelligences moins élevées que celle de Platon purent

croire de bonne foi qu'elles appliquaient sa méthode, alors

qu'elles n'en avaient conserve que la forme extérieure et le

procédé technique,et

qu'à vrai diro. cttes faisaient tout le con-

traire. ("est une décadence progressive, analogue à celle que

Platon lui-môme a si finement décrite, lorsqu'il montre, dans le

8° livre de litliépublujtw comment de la forme la plus parfaite

i» %VI, 5o«. Ej VU, 517. B«Phœl, *M, A.

Ce serait aliustr des mois <\m «In [itvltmdre ln>um>r <*itez Ptalon <|iu'lt|ti.'

chose de la inmiiéru <t«i sceptiques* parce qu'il a <lit( ftji., V, '1711.C,):vit' eli/uoire

y? elvv ovre fp~'dsepnoûsenvbCstpov.'»» i:l.*i. 0. Cf. /w. 101. I): Mon, SI,. B.

Page 39: Les Sceptiques Grecs Brochard

te~y IJrfftOftUtmOiV, – RH*P!'PKB M

de gouvernement mussent pou à peu, par (tes dégradations

presque insensibles, les formes inférieures.

IV. Si Aristote a été compris parmi les maîtres dont les

sceptiques de la nouvelle académie revendiquaient tes noms,

quoiqu'ils le nomment moins souvent et insistent moins pour

faire de lui un des leurs, c'est que lui aussi attachait une grande

importanceà la dialectique. Dans lu théorie de l'induction, le

grand philosophe avait remontré leproblème (lui préoccupe

tous les modernes; comment passer dequelques

cas observés

la loi(lui régit tous les cas semblables ? comment, sans faire

une énumération complète, manifestement impossible, affirmer

de tous les êtres d'un m'ente genre cequ'on n'a constaté que

pour quelques-uns* C'est par ta dialectique qu'il avait essayéde

combler l'intervalle. Étant donnés tes cas observés, les croyances

généralement adoptées, les proverbes, surtout tesopinions

des

hommes lesplus instruits, il faut, avant de formuler une loi

générale, soumettre ces faits à ta critique, examiner dialec-

liquenient ce qu'on peutdire

pouret contre, passer en revue

les difficultés et essayer de tes résoudre"1. De là des expressions

analogues •'" à celles que lessceptiques

devaient plus tard em-

ployer; it faut douter avant de savoir: c'est le doute méthodique

de Descartes. Rien deplus

raisonnable et deplus conforme au

véritable esprit dogmatique, quelques réserves qu'on puisse faire

d'ailleurs sur cette manière de comprendre l'induction. Mais, ici

encore, il y avaitune

apparence de scepticisme; cette apparence

suffisait à desesprits peu exigeants.

En résumé, si onprend le mot sceptitisme

dans son sens précis

ethistorique,

il n'y a pas en de scepticisme avant Pyrrhon le

'"/> I. i; Elhk. Sic, 1. H.Vny<>i,sur toute rett« thourie,Zcll'T,ay. cit.,

(. Ht, ]i. «13, :r Anl%..Mél.. Ht. t të« dé toh chnpHatu £«/>o|Jîi'Oi> -afjiyjoyov tù Sur.opûaat

HSÀvs- ilj i(» ititpor tlmpii /iiis ;w œpôispov -ir.opvjftivis:< caVi.. Cf.Elhie.

Mr.. Vif. I

Page 40: Les Sceptiques Grecs Brochard

SCtôRATB MT tES SCHiRATfQUKS. SJ

limreteiivftA -nef- ltt*atmnn'( ttriit IttAYtttm niiiifinnin tin ri t'iti* nMu

jvyi'i'hnnismeest vraiment tmi' th&nic urijjinalo, une vu» nou-

velle introduite dans litphilosophie. On voit bien poindre chez

les philosophes antérieurs quelques-uns des arguments (font les

sceptiques se serviront; on y déVouvre les liiiéimonls do lour

itoetiiiie. Mais, outra(lue

cesarguments n'y

sont qu'à J'état

(t't-buuclie, ils ne sonlpas encore groupés suusuiKjidée commune,

etsystématisés

en vuv d'une monte poiiclusion. La sophistique

elle-même est fort éloignée du véritable scepticisme. Mais des

raisons unafojjues à celles (lui avaient donné* naissance à la

sophistique, la diversité d«g systèmes, leurs lacunes ou leurs

contradictions intimes, et aussi. si on tient compte des circoti-

sfanees extérieures, la mort d'Alexandre, et !e trouble quo

la chute de sonempire apporte dans le monde grec, vont fitvo-

riser Pdctoston du pyrrhontsme.

Page 41: Les Sceptiques Grecs Brochard
Page 42: Les Sceptiques Grecs Brochard

UVRE PREMIER.

1/ANCiKKSCEPTICISME.

CHAPITREPREMIER.

DIVISION- DE L'HISTOIRE 1)1." SCEPTICISME.

Les historiens divisent d'ordinaire l'histoire duscepticisme

en

deux partiesils distinguent l'ancien scepticisme et le nouveau:

entre tes deux se place naturellement la nouvelle Académie.

Parmi tes anciens sceptiques, Pyrrlion et Timon sont les seuls

surlesquels

nous ayons des renseignements précis; le nouveau

scepticisme commence avec /Enésidème; Agrippaet Sextus

RmpiricHs en sont les principaux représentante.

Cette division a un grand défaut; elle est en désaccord avec

cellequ'indiquent

tes sceptiques eux-mènes. Un texte de Sextus

distingue bien les anciens et les nouveaux sceptiques: mais

/Ën&tdème est rangé purini tes anciens. «Les anciens scep-

tiques, dit Sexlus" nous ont tniusmis dix troues quironchiont

la suspension du jugement.» Or, dans un autre passage» les

dixIropes

sont formellement attribués a /fênésidèinu-l Haas!ry.

P*f I, 36 \iipii3i&<tt>i<u qviii6v< tzapi lofe ipxptnxip'ns «xetftxoi; rp*')H(tt.

d~ 4rv $ ésa,~ysrn·:IyeaOar ôvxei. 3:xa Trtl· npnt~e.iv. tGid., r ti!t Oi 3~ t'ï~cp~t

tKtvltKoi vtnpxitSô'xm Tpônov; tris èxo%ïiç vétTe toviSs. (]f. t, i~ W-- ^H-

Vih: KiOirep tStiÇsqttr rois tupi ry Aintmjiififi ipuSdvs fwiartct.

'•" \a i|(H'slioit de savuir si >'i>^dit Iropes itniv'i'tit Hiv n'i'lliMiiciil nltrilnii'^ à

,Knmiili'nu' sera discutù; plus tnïii, \i. "ij.'•yi lir IHnttm. •irrptir'ti'. *uri'i'*xîntiitt ».v iliss. iitiiiijj, Wûri-lmi-jjî SluliW, iS^It.

I'. -H.

Page 43: Les Sceptiques Grecs Brochard

UVftK t. (ÎIIAflTRE t.

l

«jat« h

pttsmtr s%nnM cotte ttiUiétifttf, FmiciH-trcftH»' en

outrecjtie |HtrtoitI où Sextus tite ;KiiéskKi«e, il I« met en

compagnie dePyrrhon et de Timon (li. UiogiW» ot Aristoefôs ««

nomment attssi /Énésidème eu mènetemps «jut* tes doux fon-

dateurs duscepticisme. Il faut «Jonc laire commencer le nouveau

set>pliris»»e. non avec /lùiésidèmi', mais avec l'iiufcur des tin»

I runes, «p! nous savons l'ireAgrippa.

CcjM'niliint, eit fuviMir (le la «livtsion ordinainuiicnt ado|>ttkson [X!itt invu(|ucr d'assez lionnes raisons. D'abord, cj'îipùs un

térii(»igH;l{;é form«l, «élu» d'AristocliXsf», /En&idèmcrenouvela

le scepticisme «jui avait, jiendant un temps assezlong, subi une

iVKjis»'. En outre, si on considère te contenu mônie «les d»e-

Irine. il est impossiWo de ne pas reconnaître une grandeditteiTiiee entre .Knésidènie et ses devanciers. Chez Fyrrlion et

Timon on trouve peut-être déjà (c'est titipoint controversé)

les dix tropes; ils ne paraissent pourtant pas les avoir classés ut

éimmérésméthadif{uciucnt. Mais surtout, nous ne rencontrons

citez eux rien de pareil h luçrjtitpjede l'idée de cause et de la

dt'inonst ration t|it'a entrepris* /Kn(5sidènie. Il y a là, si nous ne

nous trompons, un élément tout à fait nouveau, «l'uneimportance

capitale, et(lui a exeraS une {'rando inlluence sur le «lévelop-

|iement ultérieur du scepticisme. Les successeurs (F/Enési«lènie,

y ronjpris Sextus, tepr(«luisei»t tes raisons d'/Kn&idènie; et,alors ineme

(jn'ifs apportent de nouveauxarguments, il est aisé

de voir ijit'ils lui empruntent sa méthode, et appliquent les

mentesprocédés dt^ discussion a d'autres* notions

qu'/fên&ùlènu-

n'avail peut-i-tre pas smt{;é à discuter. Il nous snmblo tn's

injuste àl'égard tl* Knésidèinfi quand il lui refuse toute orïjjîmt-

lité, déclm-f ,p, ,Vsl unphilosophe médiocre et sans génie,

'pi'il n'a pas eu de disciples cl n'a pas faitépoijHe dans l'histoin!

I. 1H(), »|ii, -Jïfl; III, i.'IN; W.. VII. :i 'i5 ,{((), i>|c.[:

I '«. IX. ion.'''

K\>. Ku.#k, Praf.ev,, XIV. wil.id.>'

.\|i. Kik, /»,«« XIV, ïi ni .<(. Mni<tàip£< ti< ivy(m-.vp-:ïe tipt*T. f(1W-

·,Ilfr r~il.. If,

Page 44: Les Sceptiques Grecs Brochard

DIVISION Bt: J/mSïOtttK DU SCEPTICISME. M

du .scepticisme. La munière -<K»itt les derniers sceptiques parlantde lui, l<;fait qu'ils te mettent sur la même rang qui* l'yrrkonet Timon attestent qu'ils ne votaient pas en lui un homme

ordinaire- Maïs surtout l'étude de ses arguments si -vigoureux et

si profonds, d'un esprit scientifique si rare duns l'antiquité,

nous montre en lui un philosophe de premier ordre.

Nous trouvons bien plus d'analogies entre /linésidème et les

dernierssceptiques qu'entre le même

philosophe et lespremiers.

s

S'il fallait à tout prix conserver la distinction entre les anciens

et les nouveaux sceptiques, en dépit tlu témoignajje de Sextus

ft «les arguments rappelés ri-dessus, nous n'hésiterions pasàuous

rallier à l'opinion commune (lui voit dans MnéàAvme le premierdes nouveaux st;of»tu|ues.

Mais esl-il nc'cessaim de rousevver «elle division t Elle lût

pas (fronde valeur htslociijuc et n'estindiquée que deux fuis en

passant par Sexlus, tpti ne semble pas y attacher lut-invitic

beaucoup d'importance. S'il compte /Enésidèine parmi les anciens

«•ej>li<jues, comme nous croyons qu'il faut l'accorder à Haas,

c'est sans doute pour une raison chronolojjtijue» ou parce qu'ila été frappé lies dillurences, d'ailleurs très réelles, qui distin-

guent sapropre

doctrine de celte dVËnésidème. Mais a-t-il tenu

un compte sullisant (le la différence(lui sépare .EiiésidÙHje de

l'yrrhonet de Timon ? A lit distance où il se trouvait de. ces

philosophes, il n'était pas bien facile il Sexlus de la mesurer

exactement; peut-être ne s'en préoccupa-t-il guî'iv. Enfin Pyrrlionn'avait rien écrit; est [)robatile que Status ne connaissait les

anciens sceptiques que par lesécrits usines d'.Knésidème: il »«•

devaitdonc pas faire de distinction entre eus.

l'our toutes ces riisons, nous croyons qu'on peut sans incon-

vénient abandonner l'ancienne division enfit» les anciens et les

nouveauxsceptiques, el sen tenir h une distinction nouvelle

fondue sur les caractèresintrinsèques des doctrines. Cette division

<rom|m.'iuliail trois périodes, correspondant à trois aspects bien

trau<lit:s de la doctrine sceptique.La |iiï'mi«V«»est eellt' de Pyrrhoii ft île- Timon. Klle a

pour

Page 45: Les Sceptiques Grecs Brochard

«UVRE t. – CHAHTRtë I.

caractère distinétif te dédain es ledialectique on m

préoccupeavant tout

d'échapper au» subtilités dossophistes. Nous verrous

plus lui» ijhc Pyrrhon et Timon, obsédas d« ces discussions sans

fiu ontpris li«parti de ne plus répondre à

personne. Do là les

formula; Je ne sais rmn. Je ne déliais rien. Toute leur ambition

se borne à trouver un moyen de vivre heureux ettranquilles.

La morale ou, si ce mot esttrop précis pour désigner une

philosophie c|«i n'admetpas

de distinction naturelle entre h

bien et le itml, la viepratique, est {'essentiel à leurs yeux.

En cela, its sont bien encore dessocratiiHies-, mais Soerale

fondait la morale sur la seienee; ils ont essuyé de la fonder sur

la né*{ja(ioi>d? la science, ou plutôt en dehors do ta science.

Onpourrait designer cette période sous le nom de scepticisme

moral, ou, si ec nom estt{({uivoque, de

scepticisme i>mtique.hn detmt'niL' période, séparée de la

première, (juoi i|aV*nIlise Haas, par tin assez long intervalle, comprend /Ènésidême

et ses siK'ct'ssi'urs imméilials. Elle présente un caractère tout

opposé ù celai de la précédente le scepticisme devient surtout

diatcfiHutc. Pyrrho» et Timon avaient i\é\h oppose les sens et

la raison; mais ils insistaient surtout sur les contradictions des

opinions et «fttténioi|jna{»e des sens. /Knésidème conserve ces

arguments; il classe les dix tropes, mais il s'atlarhcprincipale-

ttieitl a montrer dialeetûpteinent l'inipuissance de la raison,

Il reprend, en ta renouvelant, la méthode, des éléates et sepro-

postîîle mettre

partoutla raison en contradiction avec olle-mène.

Onpeut désigner cette période nous le

nomde mflkiiuiK dialectique.La troisième période présente encore un caractère tout ttou-

vfa» <-taiii|ucl il ne nous seiuhl« pas que les historiens aient

timj(>nisii(t;n;héinieiHi|mrtanH;sullisaiile. L'école sceptiepie, con-

tinuant tk> mettreà profit

les travaux de ses devanciers, récuse

!<•lémoifjmt|j»> des sens, si> sert de ta

dialectique,et mémo en

alutsc, pour montrer l'impuissanee de la raison. Mats, au fond,

•Ile Hii-juise la(fiali'rtiijue u: c'est par lial>iliuli\ par une sorte de

Voir imbiuiu»iil f<ln:scini.iiii-|ni|H|r<-

<nrles sn|i(tisimf> ut'i S«<Xt«s (ft .11,

iï'i) <>|>|(iw; II niptlimif .|f, ilial.olitii'iiv ;( <A\v <Ks m«<|riiis.

Page 46: Les Sceptiques Grecs Brochard

UimiON M tfltlSÏOlM DU SCEPTICISME. è$

dilettantisme, pourse donne? te plaisir de montrer à ses ad-

versaires qu'elle sait manier leurs arme* et les tourner contre

eux, qu'elle hasarde tant de raisonnements subtils; itnais elle

sait ce qu'il faut penserde la

<lialei'|i(|tie elle n'est pas

dupe. Le caractère* propre des scejitiques (le cetteépo(jue,

c'est

qu'ils suiii on tnënto temps dt-s mudecins empiriques; ils connais-

sent ou [>tutèl ils entrevoient la mcHiuid»1d'observation; ils se

sont apcrais (ju'un i.-uustutanl des séries du ptiûnouiènes, on

.peut. en prévoir empiriquementle retour c'est cette méthode

qu'ils veulent substituer à ladialectique.

Ce n'est pus la science

si on veut, c'est un art uti tme routine, mais qui est. à leurs

yeux. fort préférttbio à t<»vaine science dont on s'est contenté

jusque-là c'est une sorte depositivisme. (lomnie les premirirs

sceptiques, les piiilosophes dédaigiient, quoHji/its s'en servent,

{o raisonneineitt j>ur el ta diaketique; mais ce n'est ptus seule-

ment la vertu personnelle, ta force du caractère, l'indifférence

du sajje qu'ifsvoûtent substituer à la c'est IVipéricncc

et l'observation. Cest ta période duscepticisme empirique.

Outre ces trois périodes, il faut faire une place à la nouvelle

Académie. La question ,tféjàsi discutée

par(es anciens, de savoir

si ta doctrine de la nouvelle Académie est fa même que celle

des sceptiques sera examinée quand les doctrines auront été

exposées. Lesanalogies

extérieures sont suttisuutes pour qu'ilsoit impossible de faire l'histoire du scepticisme sans parler de

la nouvelle Académie. Elle se place naturellement, par l'ordre

des dates, cuire fa première et ta seconde période tluscepti-

cisme.

Nous diviserons donc la présente étude enquatre livres, et

nous examinerons successivement le scepticisme pratique

(Pyrrlion et Timon), le pruhalnlisiue (nouvelle Académie),le

scepticisme dialectique (;Knési<lènreet Agrippa) et le scepticisme

empirique (Sextus Kuipirieus).

Page 47: Les Sceptiques Grecs Brochard

M MVRfi r. CHAt'ITUU IL

CHAPITRE II.

\.m OHUilNKS DIS L'ANCIBNSCBCTlClSHli.

De toutes tes écolesphilosophiques «te

l'antiquité, {'école

pyrrhonienne est certainement celte dont tes doctrines nous sont

le mieux connues. Plus favorise" que ses rivaux le stoïcisme et

f'epieurisnie, c'est par un livreauthentique» œuvra d'un de se»

principaux représentants, Scxtus Ëmpirieus,qiie tepynhonisine

est arrive jusqu'à nous, et ce livre n'est pas un abrégé ou un

manuel, comme les xupkt S&l&ud'Kpiettrc, Platon iui-m&ne et

Aristotc n'ont pas eu cette heureuse fortune de laisser après eux

un exposé clair, systématique et complet do leur doctrine. Mais,

s'il n'y a aucun doute sur cequ'ont pensa les philosophes qui

doutaient do tout, il n'en est pas de môme de leurs personneset de leurs biographies. N\ sur Pyrrhon, ni sur yKn&idème, ni

sur •ScxtusKinpin'eus. nous n'avons des renseignements sufli-

sanJs. Tous ces philosophes se sont eu quelque sorte clïact's

derrière leur œuvre l'oubliprofond oit ils sont tombés est

continu la rançon «le la renommée qui s'est attachée à leur

doctrine.C'est à peine

si ta physionomie de l'un d'entre eux, de

celuiqui a donné son nom a la secte, peut être à peu près

retrouvée. Mais les origines, l'histoire intime de sa pensée nous

échappent presque wtuèreinenl 011 ne peut les atteindre que

par conjecture. Il f;iut pourtant essayer, dans la mesureoù nousle pouvons, d'indiquer les causes de l'appiiiilion du

scepticismefl les liens

quiIt- nitiachenl aux doctrines antérieur!

l. l*»rmt les causesqui pruvoquèfenl l'apparilioit du scepti-

cisme, il faut ccrtaincHienl si|>naler au premier rang la «liversité

Page 48: Les Sceptiques Grecs Brochard

I,KS OKlfffHBS Dlî LMNCIÉN SCEPTICISME, 41I,KS OKlfffHBS Dlî I/ANCIEN SCEPTICISME. 41

et l'opposition «les systèmes auxquels s'étaient arrflés les philo-

sopljesantérieurs. Il est nécessaire ici de su défendre d'une

sorte d'illusion d'optique. Nous nous figurons volontiers que,

parmi tant de systèmes, ceux de Platon et d'Aristottj, si différents

parcertains détails, si semblables au fond, étaient lus seuls

avec lesquelsil fallût compter. A la distance où nous sommes,

nous voyons ces grand» systèmes s'élever au-dessus des autres, à

peu près comme à mesure qu'on s'éloigne d'une chaîne de mon-

tagnes on voit se détacher plus nettement l'imposante majesté

des plus hauts sommets. Il n'en était pasainsi au

tempsou ils

prirent naissance ils paraissaient t»us à peu près au meure

niveau. Quand tes plus anciens historiens, Solion el Hippobotus,

essayent de les .classer, ils nomment ensemble, dans un péle-

iiK'Ie et avec un .sans-façon quinous offensent, le mégarisme,

te eyrénaïsme, le platonisme,l«

péripatétisme,le cynisme.

Diogène Lnvrco, dans son grand ouvrage, consacre bien un livre

entier à Platon, mais it ne faitpas

<ï Aristotc le môme honneur.

CicéroB lui-même i!imtnore une foule de systèmes ceux do

Dêmowile, d'tënijitklocld, de Pluton, d'Aristote, sans avoir t'air

de faire entre eux uno bienprofonde différence.

La diversité et

l'oppositiondes systèmes étaient donc.au temps de Pyrrlton.bicn

|>lus frappantes que nous ne sommes ù présenttentés de le sup-

poser, et on comprend que des esprits d'ailleurs éclairés et

ouverts, tiraillés en tous sens, assourdis, roinme le dira Timon,

par tes cris discordants des écoles <juise

disputentles adeptes,

aient cherché le repos dans t'abstention et le doute.

A côté de ces causes d'ordre intellectuel il faut sans aucun

doute faire une place aux influences extérieures et politiques.

L'époque uii apparut le scepticisme amien est cette tjui suivit !a

mort d'Alexandre. Les hommes qui vivaient alors avaient été

témoins des événements tes plus extraordinaires et les plus

propres à bouleverser toutes leurs idées, deux dVnlre eux sur-

tout qui avaient, comme Pyrrhon. accompagné Alexandre

n'avaient pu passerà travers tant de peuples divers sans

s'étonner de la diversité des mœurs, des religions, îles institu-

Page 49: Les Sceptiques Grecs Brochard

te WVftiî fc CiUiHïltK U.

tmsi On l'aremarqué souvent, il n'y a rie» de tel

<joe la

contact (tes j»o«j>tosétrangers pour inspirer nux «mes tes inionx

trempées «k>sdoutes sur teuvs croyances, même tes jiîus invité-

i-ées. C'est ainsi que Hutte Ueseartos, pour avoir roulé à travers

te monde, «su délivra deheatieoup dVrreura qui peuvent offus-

quer uotre lumière naturelle et nous rouira moinscapables

d'entmidre raison w ». Lesvoyuges sont ttno écuio de scep-

lieisniif.

Mais surtout c'étaient les eottf|u&es d'Alexandre (jut donnaienttme majifo matière aux réflexions. desphilosophes. L'empire du(jrand roi, qui »on

dépit de toutes ses faiblesses étamtait encore

les Grecspar sapuîssairco et sa richesse, s'était éeroulé en ({uel-

«jik* mois sous kscoups d'un jutine cotupiéranl. Chose jdus extra-

ordinaire encore pour des esprits grecs, ce jeune eonquérantavaitvendu se l'aire adorer, et il y avait réussi. On sait quelle résistance

les Grecs, lesphilosophes surtout (sauf Aiwvarque ), opposèrent à

Alexandre quand illui prit fantaisie de se déclarer (ils

de Jupiter.H en coûta la vie à (lallistbèiies. Les survivants durent se rési-

gner et jjarJer pour eux leurs réflexions. Mais ils avaient vu

cwnttneitf oh fuit un dieu.

Ce lut bien attire chose encore (|ttiind les successeurs

d'Alexandre sedisputèrent le monde. Toutes les idées les

pluschères ;t des esprits grecs reçurent dts événements les plus cruels

démentis Jamaispeuple n'avait été jusque-là |dus profondément

iiltory à la liberté Platon, l'aristocrate, Aristote, l'ami

d'Alexandre, ne parlent de la tyrannie qu'avec dédain ou ironie;tous les Grecs, d'un commun accord, la regardent comme le

p!as nbjt'rt gouvernement. C'est latyrannie pourtant qui triomphe

partout. Après une tentative malheureuse d'Athènes pour recon-

quérir la liberté, la lourde main d'Anli|jaler retombe sur la

ville: lu guerre lai»i»qitu a mis fin aux dernières espérances; ilfaut décidément obéir a un

l'olysperchon.à un Cassandre, un

iJf'inélrius Polioirèt'.1.

1 \téil,L t.

Page 50: Les Sceptiques Grecs Brochard

uvs oRtiitNBR m h'xmtm scKtfrrcfffSHL o

Ott iivaif déjà m bien des fois succomber h justice et le fion

droit, mais il était réservé ce temps de voir le plu« insolent

triomphedu (a farce brutale, tkhnosthènes et Hypéride sont

morts: Léoslhèties a succombé; Phocion boit lu ciguë. Mais,

après Démétrius de Phalère» Dérnétrius Poliorcète s'installe

triomphalement dans Athènes,souille lu temple du Minerve de

déhaueticssans ttoro et iiilrottuit ouvertementen Grèce fa dépra-

vation orientale. Toute la Grèce est en proieà une horde de

soldats avide» et sans scrupules; partoutta trahison, la fraude»

l'assassinat» tics cruautés honteuses, inconnues jusque-làdans

l'Occident. Kl ce n'est pas seulement la Grèce, cest l'univers

entier, livre aux lieutenants d'Alexandre, (juidonne ce lamen-

table spectacle.

Si encoru un- avait pu laisser passerla tourmente et attendre

destemps

meilleurs! Mais l'espéraucemôme est interdite. L'avenir

est aussi sombre <|itcle

pr&i'iil.Le peuple

d'Athènes est si pro-

fondément corrompu (fu'it n'y a plus rien à attendre de lui

l'arbre est pourrià sa racine, (l'est ce

temps,en effet, où tes

Athéniens se tléshonorèrenl par d'indignes flatteries à Démétrius

Poliorcète; ils changunt In loL chose inouïe, pour lui permettre

de s'initier avant l'àjjo aux uiysfères d'Eleusis; ils chantent en son

honneur FItyphalluset le mettent au-dessus des dieux :r Ceqac

commande Oéinétritts est saintà l'égard des «lieuse ju&f e à l'égard

«les hommesu>. » On élève des templesà ses maîtresses et à ses

favoris. Les choses en viennent à cepoint que Déiiiéfnus lui–

mène dtfclare«pj'il n'y a plus à Allièues une seule âme iwble et

généreuse f- et ou voit des philosophestêts que Xénocrate-1'

refuser le droit de cite dans Athènes.

Les philosophes même ne sont pas exempts de reproche.Outre

«piela

philosophieest devenue trop souvent une sorte d'amuse-

ment accessible même aux courtisanes on a vu desphilo-

' t'Iiit., DéuiiHr., 4.

AllK'li., VI. In. (ht. |r. «a: t'tiil.Itimèir,. «6.

l'till.. 11m:. ail.

VHimii..\|||. (, :.s:{:VU. p. (,.

Page 51: Les Sceptiques Grecs Brochard

m mm i,_cH.unTRiï n.s

sophes devenu1îles tyrans

.») et sa sîguulcr par lettre miiiukW

Théopliraste «si IW de Démenti» tic Phalêre, et Arislott tit ae

fait le flatteur d'Antigone (îonatas.

Quoi d'étonnant si,«;n présence d'un tel spectacle, quelques-uns se sont laissés «lier h désespérer de la vertu et do la vérité,i

d&larerque la justice n'estqu'une convention? Il fallait uno

vertu plus (inhumaine pour résister à (te telles eommolious.

Cette vertu, ce sera l'éternel honneur du stoïcisme d'en avoir

donnéait monde. Mais on ne saurait être surpris si

d'autres, nioius éiertficjwïs et moins fiers, se sont découragés,ont renoncé à la lutte, et dit, comme le fera plus tard Urutus,

qtre la, vertu n'est qu'un nom.

-0tj se représente habituellement les sceptiques coinmu ayantcontribué à

produire, par leurs subtilités et leurs négations, cet

affaiblissement de laet des mœurs

pulilt([ues. Ils

seraient, à encroire hcmieoup d'historiens, les auteurs des mal-

heurs deleurs temps. Ils en sont

plutôt les victimes. Au moment

oùle scepticisme paratl, Athènes n'a plus une vertu à perdre.

U ne s'agit plus alors, comme au temps de lasophistique, de

saper sourdement les anciennes croyances elles sont en ruine.

Lesceptique, nous le montrerons plus loin, n'est pas à cette

époque, un railleur, qui ne songe qu'à détruire, à s'enrichir ou

à étonner sescontemporains c'est un désabusé, qui ne sait

plus où seprendre. Il est plus voisin dit stoïcisme <jue de l'épi-

îurisme aussivoyons-nous (lue Cieéron nomme toujours

Pyrrhon avec les stoïciens. Comme les stoïciens en effet, il

s'isole d'un monde dont il ne peut plus rien attendre il ne

compte que sur lui-même il renonce à toute espérance,comme à toute ambition. Sa

replier sur soi-même, afin de don-

ner ait malheur le moins de prise possible, vivre simplement«t modestement, comme les humbles, sans prétention d'aucune

sorte, laisser aller le miindu. etprendre spu parti de maux

qu'il

'•Altiéll., V, |>. >i.'i; XI, |». "mH.

Atlh'ii., U, |». a.'ii, ifnprnt Timon.

Page 52: Les Sceptiques Grecs Brochard

ÏM ORIGINES DE MNOtEtf SCBPTtCiSHE, ®

r .t-" .rlo- ff. ta '1 '1

s'est a» pouvoir de personne tf empôt-her /wifà {'idéal du seep-

!i(|iKi. t*liilosojihïo existe et bornée, sans doute! U y avait

mieux à faire mé"raoen ces temps troublés. Mais il toutprendre

il faut convenir que comparés à leurs contemporains, lespyr-

rtiotiiens doivent encore i?ti« rangés parmi tes meilleurs, Il y a

dans leur attitude une certaine dignité, et une véritable force.

Ils ont manqué de vertu du moins ils n'ontpas

eu do vices. Ils

sont à peu près comme copersonnage moderne à qui l'on deman-

dait ce (ju'il avait fait pendant la Terreur et (lui répoiltlait

«J'ai vécu. »

Cette résignation et ce renoncement qui sont les caractères

distinetifx duscepticisme primitif. Pyrrhon

en avait trouvé les

exemples sur les rives de f indus c'est encore un point par où

l'expédition d'Alexandre a exercé sur tes destinée* du scepti-

cisme une influence que nous croyons capitale. It nous est ex.

pressément attesté(jue Pyrrhon a connu les gyrnnosophistes,

ces ascètes <|tii vivaient étrangers au monde, indifférents à la

souffrance et la mort. Nul doute qu'il n'ait été vivement frappéd'un spectacle si étrange;

el il s'en souvint, lorsquerevenu

dans sapatrie,

il vit ù quels misérables résultats avaient abouti

tant d'efforts tentés par les philosophes, tant de victoires rem-

portées par le plus glorieux des conquérants. La dialectique

lui avait pent-étre appris le néant de la science telle qu'elle

existait (le son temps il apprit des gymnosophistes le néant

de la vie, et crut, ave«- un autre sage de l'Orient, que tout, est

vanité.

II. (les influences extérieures sutiisent-ellcs àexpliquer l'ap-

parition de Pyrrhon, ou faut-il chercher un lien plus étroit

entre sa doctrine et les philosophies antérieures? A première

vue. on peut être tenté de croire qu'il y a une parenté inlimo

«utre lasophistique et le scepticisme que. malgré les efforts de

Sociale «t de Platon, la sophistique n'a jamais entièrement dis-

paru, qu'ellen'a

pascessé «le

vivrt' rtrlégiiét* au di'iivièincplan:

qu'en un imd. Pyrrlum i*! h' véritable continuateur d«< (im-giit*

Page 53: Les Sceptiques Grecs Brochard

t» hrviiBi.-ruiAi»rraiiH.

et di1 PfoliijjftRH. %Ukmm («rions déjà indique* Wles dijfettai);

profondes cjui séparent les sophistes «t tespyrrhoniens c'est

par une véritable injustice:de l'histoire qu'on u

trop longtemps

poursuivi des mémos raifleïk's et des mthrtes invectives ces deux

sectesphilosophique», l'vrrhon, on te verra

plus loin, était

l'ennemi déclaré des sophistes, et tout ceque nous savons de

son caractère et de sa vie fonfifiiu» sur cepoint

ce témoi-

gnage formel de celui <|iii t'a te mieux coanu, soudisciple

Timcft.

Lessophistes nimaienl les lionnettrs et l'argent ils menaient

une existence brillante, et on peut dire, au moiii* de^ackpies-

uns d'entre eux. que leur scepticisme mettait leur conscience ;t

l'aise, et les allégeait d'utt certain nombre (le scrupules. l*yr-rlton au contraire est resté

pauvreil n'a point tiré parti

de son doute sa vie estsimple, austère, irréprochable

elle

a tout le sérieux et la gravité (lui ont toujours manqué aux

sophistes.

En outre, lasophistique est avant tout une doctrine d'action.

Si elle déclare la scienceimpossible elle cultive avec une con-

fiance souvent excessive toutes les sciences, ouplutôt tous les

arts elleappartient a la jeunesse du

génie grec. Pyrrhon est

par-dessus tout indifférent ou apathique; il neprend intérêt à

rien; il se laisse vivre. C'est une doctrine de vieillard.

Enfin les sophistes sont une race essentiellementdisputeuse

ils excellent tous dans la dialectique. Pyrrhon renonce à toutes

tes discussions, qu'il trottve également vaines. Si onpeut dire

qu'il y a duscepticisme dans la

sophistique, il n'y a rien de

sophistique danstescepticistne, du moins dans celui (le Pyrrhon:

c'est ce qu'on verraplus clairement dans la suite (le cetln étude.

A défaut de lasophistique est-ce à une autre école

qu'ilfaut rattacher le pyrrhonisme ?'r

Logiquement, ou peut trouver un lien eu Ire lui et toutes les

écoles untérienres c'est en effet tint; chose digne de renmrfpK',

Vint"i'i-ih'S«(H, |i. iti.

Page 54: Les Sceptiques Grecs Brochard

lbs ohkmks m vsmm scepticisme m

({mi<proscgue totitot», par des pbeinû» diffiSnatts, aboutissent an

scepticismel'éléatimne* sans

parierde Gorçjras, par Kubuh'dc,

Otodore et l<»st<ratii|iies; i'héraeliléïsuie, par (i'patylwut Prola-

{{oras; lecyrejioïsnuj, des le temps d'Aristippe; le cynisme, du

vivant d'AnlistMnes le ptittoititiine lui-même, |iar lu nouvelle

Académie.

Historiquement, il y a un double lien de filiation direct'.1

«litre Pyrrhon, et, d'tiiio part, l'tkok de Mtyuve, d'iuiire part

{'(Seole de IMmoerile. Né à Klis, Pyrrhon a cerfaineroenf connu

la dialectique de Ueoh d'Élis-Érëlrie. qui continuait celle d«

tiégaro. Ort rompt» parmi se» limitas Brysoti, cjuifat (teat-ôtre

disciple d'Euelidt!. Toutefois, si cette école a pu exercer <|iioii|tie

influence sur les orijjint's du [lyiThotiisiiie, nous no croyons |>»s

fju'il en dérive directeimuit fl>. Sans parler des dtificuUés <{»e

présente In question do savoir quel a été ce Brysun uviUre.

de Pyrrbon, on verra plus tard fftie Pyrrhou u été l'oniii'ini des

sophistes, plutôt t{«e teur imitateur Timon a souvent des mots

durs pour lesmégariques.

Sa doctrine a été une réaction

contre tes abus du raisonnement et s'il s'est servi de lu dialec-

tique,c'est

probablement pourcombattre tes dialecticiens.

Entre le pyrrbonisme et ta philosophie de^éraocrite, les

liens .sont beaucoup plus étroits fal. Il est certain que Pyrrhon

avait tu Démocrite, etipt'it j;;irda toujours pour

eephilosophe

un goftt très vif. Timon ue parlede Démocrite qu'avec éloges.

En outre. Pyrrhon fut l'ami et li-eomjMjjtitm d'Aiiaxanjui-,

<Hi'on raille <pit4<|itefms parmi tes sceptiques fl!, etAitaxarque

!tJ On Irnnw it <sl ïrai, du'! Tiinui», l(v sumssvur «te Pyrrhon, quolt|trcs idées

i|iii gcnibtenl iiruvenir «l'uni' souiv.. m>rart<jn<>. Voir cwlisstms. p. 88.

I'* Voirci-ttvssotifi,|».i:>.M 'Fouira les i-ii-iuis- ((ii'uii peut iltmiier |iour ralUutioi- Cyrrliun à D(:ninrrit>'

uni èU1 |irésonl«cs avvc htaiirmij» de fnrci1 |i»r Ifincl (inters. ut Cicm's fkiowph.

Stliriflm 'f heil III, p. I.iM|i;i; llirzcl, iSs:i). 'l'uiili'l'ois il imiis somlili' ipio Iliivel

lient Imp pi>u «te coiitpt"' il" t\m;;Hi»!ili; •!(• IVii-lum. Pyrrlmu il siibi il mi liaiil

tifjrû l'iulliifiici' iIi>Di'inncrili>. nous IVninttin^, mais nous nniH i->'fusnns n vnir

i'il lut un simple di«ripli>.

i'sctid. «al., Uut.fini.. I. lit. p. ;i'i. ôdil.Ktilm.(XS^Itis. il.. VII.'|K.

Page 55: Les Sceptiques Grecs Brochard

m LIVRE L- CHAPITRE tl

élût Iw-méttie le drsHpl« «fo ce Slétïodkire «te Ctifo, disciplu de

0énocrito, et qui disait1" «Mous ne pouvons rien savoir, pasmême si nous savons quelque chose ou vien. n Enfui, Diogène

Luêieu,q»i probablement reproduit l'opinion de l'alexandrin

Sotion l' range l'yrrhon parmi les philosophes de l'école ita-

litlue, et leplace

h h suite d'Anaxorqtie de Protajjorus, de

Démocrite, «ju'il rattache lui-imhno à l'école lYÉlée.

On peut être d'autant pins tenté do faire dériver le pyrrhe-

nisrne de Oôimterite, que Démoerito lui-même a souvent em-

ployé des formules sceptiques. Mnis nous avons vu plus ltaut(3) l

cequ'il faut penser du prétendu scepticisme du Démocrite. II 'a

est possible que l'yrrhon ait été particulièrement frappé des n

arguments pur lesquels Démocrite récusait le témoignage des,j

sens mais comme des idées analogues se retrouvaient ehex j

bien d'antresphilosophes il n'y a point là de raison suffisante J

pour affirmer un lien deparenté plus étroit entre le pyrrhonisme

et l'école de Déinocrite. Tous les philosophes de cette école ont

pu exprimerdes doutes, comme Métrodore, avoir (les boutades

sceptiques on n'estpas pour cela en droit de les ranger ni

parmi les sceptiques, ni parmi les aiief-tres du scepticisme. Au-

trement, il faudrait en faire autantpour Socrate, qui a dit à 1]

peu près les mènes choses.

Quant au témoignage de Sotion, lu classification étrange

,1

1 cet Iristorierr s'est 6' titotcrrrtc ;rutorité sestrarales

adont cet historien s'est contenté oie toute autorité à ses

parolesnous n'avons pas à en tenir

compte.Efiltn les relations de Pyrrhon avec

Anaxarque n'impliquentnullement que le second ait partagé les idées du premier. Entre

l'aaslère Pyrrhon, et celui qui fut un des plus vils flatteurs

«l'Alexandre, il y a des différences de caractère assez notables

S» ArisUw.s|>.Kuseli..Vnty. Et., XIV,us, x. Cf.&•<(., Af.,VII, m-, Dioj;IX 58. Cit. Ac. II «m 7.1.

'' Sur tes source» auxquelles a |iiiisu Diujiène, vnir Wtisclu', Ile Ilinj' ImcH.n

funttinu. Itfaiit. Mm. i8«i8; llalmsi-li, {hmslimmui Je Utog. l.uert. juiitibu* initia,

("jambiiiic, îSGH, diss. iiiauj> tt>i!|i>r, lidhhj'ia, I. lit, \i. :i.i, iH/(8 Victor

K(»({iïr, De fmililim Itiiij'ènù Lmelii, llflntf.uix 'iiiiiiiniiilllini, iHMi,l,

1! Voir p. 9.

Page 56: Les Sceptiques Grecs Brochard

t.m umGtNBs M vkNcnm scepticisme, m

pour qu'oit sott autorisé à penser ipi'ft n'y avait pas entre eux

une communion: d'idées fort intime.

ii est un point pourtant par ou Déniocritc etl'yirhon

m

touchent, deplus près c'est la morale. Nous voyous on effet

<|ta> pour Démocrito, le biensuprême est la bonne humeur

(eiî%*i'«), l'aliseoco <ie eruiotola tranijuiitilé,

l'ata-

raxtit (li. Pyrrhon dirapeu près {a même chose. Il est possible

que 1rs livres de Démocrite ({«'il lisait leplus volontiers fussent

des traités comme le FJepi svOuftlns îî: m le ïlepl vSxw w. Tou-

tefois, il ne parait pas <|ueDt'inocrite ait

érigé l'wtiaplmrie et

rapif/iii?1** en système, et on «otrouve chez .Pyrrhou rien d'ana-

logue à la théorie de Démocrit« sur leplaisir et la douleur con-

siilccijs ciiintac critoriuiti de futile, et du nuisible^ Enfin, s'il

y » des ressetnlilaiices entre les deux philosophes, il faut rap-

peler que IY;llti(jut! de Démocrite so relie assez mal au reste de

sonsystème

On [lottrrail aussi trouver d'assez frappantes analogies entre

Pyrrttoit et Socrate. Il est certainque

lespyrrhoniens se don-

naient eux-mêmes pour des socratiques • Et nous verrons r{tie

Pyrrbon, comme Socrate, s'estproposé avant tout de trouver

le secret du bonheur. Comme lui, il renonce à la science théorique

pour tourner toutes sespréoccupations du celé de la vie pra-

tique. Comme lui aussi, il prêche dVvi'inpJe, et l'ait plus «l'im-

pression sur sesdisciples par sa conduite

que par ses discours.

Mais ici encore les différences l'emportent de beaucoup sur les

ressemblances. Socrate croitlonjoitrs

à la science, et s'il lui

assigne puur but la recherche i\u souverain bien, s'il la confond

•' Cic.Km., V,v*n, 875 Dioj; IX,'là; Stok, Ed., Il, -fi.">

l>i»(f., JX, Ut; Sia..T,:<m.t, 3.

''• Mullnrh, t 'ragm. plains. Gnee., t, |i. ïiu

>' Xuiis incuilivroits plus loin que s'tîst Won i'n/Mi/iw et 11011pas, comme le vimiI

llirzcl, t'iitorarn) qu'enseigna l'ynlioii.

« Stoli., Un:. m,:f.'i.

?"' Voir Zi'tter, \m philos, des Cm* 1,1, Irai). Uouli™» p. i'nj.

ri* Cic, De orttt., tll, «7 "Kiiomnt l'ttani alrâ ({flm'ra (îltilnsoplioniiti i[iiiso

(jiniK's tciv Sociatims <lii:ekul. Kiiilriuruiu, tloritlitiruiii Mr|;aricartiui. I'vitIiu-

Mcormn.i

Page 57: Les Sceptiques Grecs Brochard

5» tt¥ft& – CttiFITRB H,

avec la nioralo, à» moins il ne. dêespère pas d'atteindre un»»

vérité universelte et absolue. Sacrulu. est plein d'urdmir et de

eontiuïKv; Pytrhan est un désabusé, et c'est ou (in de comptedans mm sorte do routine, fondée sur tu coutume1 et lit tradi-

tion, qu'il trouve te honlieitr. Pyrrhon « et» peut-être «tes vertus

personnelles qui [icrtnettent de te comparer à Socrate; mois

outre ia force d'unie telle c|tie fa conçoit Socrate, et rindillerence

pyrrbonienne, il y a uu iarg» intervalle outre lapiété du

maître de Platon, et celte (litgrand préln* d'h'lis, il y a tout«

ta distance qui séjiareune foi éclairée et vaillante d'un

empi-risme vulgaire.

fên résume, laphilosophie de Pyrrbon n« dérhn véritable-

ment d'aurune pljilosopliie antériotire c'est une doctrine

originale, [/'éducation dePyrrlion, ses voyages, surtout ses

relations, en Asie, avec tesgynmosophistos, t'avaient

préparéà se

désintéresser de toutes choses. Le spectacle des discordes des

philosophes et los événements politiques dont il fut le témoin

achevèrent (le le détacher de toutecroyance. JI a pu se. ren-

contrer alors surquelques points avec ses

prédécesseurs; c'estuno simple coïncidence. Sa doctrine est t»n premier commence-

ment «Ileapporte une idée nouvelle, une notrvolh* manière de

résoudre les problèmes philosophiques.

Page 58: Les Sceptiques Grecs Brochard

i>r-iiitm>iv. m

Les si-optiquesanciens reconnaissaient expressément Pyrrhon

pour leur maître et leur doctrine a conservé chez tes modernes

it- nom «I»jHjrrlionisme.

Ilsemble que

les écrivains sceptiques se

soient fait un devoir ou une habitude d'inscrire son nom en

tête de leurs ouvrages. Jinésidènje intitule un de ses ouvrages

lluppvvuot X<5yot,et, quatre siècles aprèsla mort (le Pyrrhon,

Soxtti» Empiricus donne encore à un de ses livres le nom

SlhjfotijftDsesftjn-lmmmum.

Cependant Pyrrhon est un desphilosophes les plus mal connus

del'antiquité.

Nous avons sur lui peu de renseignements et

encore ces renseignements ne s'accordent pas très bien entre

eux. Il y a, à vrai dire, deux Pyrrhon celui de la tradition

sceptique représentée par Aristoclès, Sextus Empiricus et Dio-

j'ène; celui de la tradition académiqueconservée

par(acéroit.

Aprèsavoir résumé les principaux faits de sa

biographie,nous

examinerons ces deux traditions et nous essaierons, en les con-

ciliant, de déterminer le véritable caractère de Pyrrhon et ta

portée de sa doctrine.

I. Pyrrhon. fils dePleistarque fli ou. suivant Pausanias'-1,de

Pistocrate, naquità Elis* vers 36."> av. J.-C. Il était pauvre

et

i" Dioj; IX, 6t. Suièis, n»pp«i..

'» IV,,,4, h.l!! l'onr (iwr h ilati» if l'yrrdou, voici le* (iocumcnls dont nous disposons:

i" un article «le Suidas ( ffvpfwp), où il <>$(dit qu'il vvcul sons Philippe ili' Maré-

iliHi»', dans la m* «lympiaile (;t.'i(i-i;i'-i), ce qui ne lions apprend rien ili»|riwis

(|ieitt-<!frc faut-il liiv ch«"i Snîdas Kari rnv fi àivpx. an tien <|c pra' [ Hc:nliiirdy j.

<!f. Hua», Ih xctplir. phtlw, tncreuioit.. Wurttbaiirg, 187.'», p. T>, ft); – a" 1111

<|c pra'JHcinliardyj. j.

p. îi ft) – i" 1111

h.

chapitre rn.

l'YHItlIUX.

Page 59: Les Sceptiques Grecs Brochard

M MVBKf. – «HAPiTftRHt.wif rrE,'yrLf r± – ~tmtt t t <t<t tif.

commen^u pur cultiver sansgrand amc&s, h

pointure;on eon-

servail encans dan» sa villo iialafc, an timtptl<» l'utisumns, des

laui[Ki(lo|)limes assez inAliocn/iiU'iil im'eutéstjui

étaioul son

œuvre. Ses moitres en philoKojjhte furentBrysort "5, disccplo de

Soerule, on, ainsiqu'il semble plus {itobiibie, dïùiclitk' de

Id^gape, puis Anaxanjtie !2), qu'il suivit parloul dans lit cam-

texte de Uiogètic, K <k, oà it est dit qn'ft vécut qnatrtj-»in|;M« ans;– 3*tes

témoignage* de Iliogène, qui nous montrent vu lui un compagnon il'Ali«tMiiln>.

(.'ommi' il avait, avant de partir puni- l'Asie, suivi lus terni» (te tient maitivs et

eill(i»ô lit peintun-, il est pomtK de conjecturer qu'if était à|[ê <l<: |ilns d« fmile

ans an montant *le l'e\|)i:ilili«in il'Ale$autlrf (:i'ih). De iù k-s date do .Ififi-n^f»*ur Iwjui'llcs I» plupart «les liiitnrimis, M. Zotfcr, ttaas, Maccott {'the Gmk

streplia, l.omlon and tamliriilgn, Macmilfun, iSlîy), M. Wiutdiii|;lun (/'jrWion et

le pyirhunàme, séances dis l'A'-ad. «tvs sciences mor. et pulit., iK;(», p. «5, 4oC,

fv.^tt), sont d'awonl,

Ct QiibI est n; Krvson dont Pjithoii suivit Ivs leçons? CVrt un pcttnt .qu'il importu

d'tkliiireir, rar il faul savoir s'it » a un lien entre te |>yn!ioiiinmo et l'école de

Méjjarc. Miuj5'"HP l'appelle fils deSlil|inn; i-'vtl m.iMifcslciiiciif nrio erreur, car

Stilpon cmci|pm lieaucoup pliK tard vt put (jour disciple Timon. ( Voir /Coder, Dk

l'Iùtot.itrr ffrwc/icu.B'1 It, p.!»»S, 3* Am(J., j87».)OnpoiiritiilavecK<i>pi>r(l'W-

M. ki, hdû ) corriger te lotie de Dio/>ùiie et lire Bpfa, »}St/Aa. ait lieu de Bp»'».tov Siiiit. Mais it est bien peu probable que P;rrlion ait enlvntlu Stilpon. liein

hypothèse» sont possililes uu t'yrrlion n'était pas disciple tle llrjsoii, ou Brysonn'était pas Gb de Sfilpoii. Zcller"(ll* IV, p. A8i, y Aull., t88o) penche pour la

première, nous inclinons «ers la seconde, l'jrrfio» a vucertainement pour maittv

un Bryson. l>i«|;ciie l'atteste <•!Suidas in ri'pête atkat rcpriws. Mais il ti:«tdfedu

l«tto di- Suidas (S«Kp4»n<) ijiwl« ftrysnn dont il s'agit ûlail non le filsile Slilpon,

mais utniiscijjlf dt» Hoctate ou, suivant il'autres, il'Kmliilo «le Mv)jin>. ïiwparits.

ÇùoaiÇms ttfyiaxta. ftpiawn iipixhùrnv os tiIm e'pi»7«i)i' Smlvenxil»

eînéjaye («ri Viixleiîuv, tais ik Upwi'i'ï oj Sa'Hpéro'jt 4/X' Ev'xAW&v

ixpoïTiii' yç,i$mtrr roirm Si «ai (Ivpfi'jii1 iKp'iicno. Ailli:iir< (Ilvppui'), Suidas

ivjprdi! Itrysun eonmie (ïisciplo de Oiiuiliiiifjuo. autre philosophe île l'école ,Vléj[a-

rï«{iie. t'est |ietit-<!trc In wài»' Bryson que tuiiuiiie. Scvtns ( it. VH 1 3), Joui Aris-

tote dit ijw'il avait trouvé li» (|i>adr»ture tlu ri'ccfe et qu'il ap|iclle un sophiste

(W/ieV., III, s, i.< De (i/tii/i. kûtur., Vf, 5; IX, 1 1; Ih. m/j/iùm. cfrii. \t, :i6).

t:f. Xi-H«r, H, K30.

l)io([., IX, Ci, d-\ Aiislocles, ap. Eusck, /'rayi. tvaug., XIV, tvin. «».Dulri' lliysnii et Aii.iv.iiijun, mi rompit* c|ucl<|iiffni< ^liUiédéme parmi

Un maitresde

INi-rhim ( Waitilinf'fon, for. cit.). Mais il résiiltv d'un leste •!•• Dingène (II. thi)

<|ti<»Mèiiiili'fini» vivait encore ait temps «le la lot.iille <le l.vsimactiie ( *jS av. l.-C),et it mourut à snU»ut<M|tiii(nrj'.<* ans; it était dmiv plus ji'tm» «jite Pvrrlinn it'envirnn

lieiiR mis. (Cf. StiidaM, Apuras.) tt i'*t vrai qu'uu lit dans Suidas {Xvxpint).IhtiIupi It/EWi' Hii tinv !tiw wtîrtaivï* v)(o)jw i»i> i\)ci-i«i\v as' «v'toS

tXnOe ïiiv Çoiepw* &è*£r»» Èpnpiiitù êxhiQrt Mît»t^»(4w eis iïpèiùetv 5i34£wttt<•

Page 60: Les Sceptiques Grecs Brochard

PYlilUIQN. 5»

fi;ij;iit' (lAsie. VratsoiimfuMommil le premier fui enseigna (a

ili;tliï(li'|uc subtilequi

fttt tutti e» Imimeur dans l'école de

Mt'jpco et <|(tf aboli tissait naturellement h une sorte descepti-

cismesophistique. L'autre l'initia à Ju doctrine de Démocrite,

pour laquelle il conserva toujours un goût très vif etqui [watt

avoir exercé sur sapensée une grande influence1".

En compagnie d'Anu.wf|ue,l)yrrhon suivit Alexandre en Asie.

Il composa tttie pièce do vers dédiée auconquérant et qui lui

valut unprésent de 10,000 pièces d'or f->. li connut li'sgymno-

sopltistes, les mages indiens, etprobablement ce Calant!»8' qui

accompagna quelque temps Alexandre et donna aux Grecsétonnés l«

spectacle d'une mort volontaire si fièrement et si cou-

rageusement supportée. Onpetit

croireque ces événements firent

surl'esprit

dePyrrhon- une profonde impression et détermi-

nèrent au moins en partie le cours queses idées devaient

prendre

plus tard.

Après la mort d'Alexandre, Pyrrhon revint dans sapatrie; il

y mena ulte vie simple et régulière, entouré de l'estime et de la

considération de sesconcitoyens, qui le nommèrent grand

prêtre et, après sa mort, lui levèrent une statuequ'on voyait

encore au temps de Pausanias M. Il mourut versa75.

San fia poésie dédiée àAlexandre. Pyrrhon n'a rien écrit; sa

doctrine n'a été connue des anciens(pie par le

témoignage de

ses disciples, et particulièrement de Timon.

ex retîruu Ji roi Siàsaxitov c llippùiir yiyorte. On punirait » la rigueur rapporterh rovrov StSiaxâXm à Plu.'doii mats ce passage uiiii|iic 11e semble pas suffisant

pourcumpterni l'bûlun ni Mûnûtéiw pantii los maitivsde t'yrriion.Pioj[., IX, U7. llinel (IJiterstuL in Cicero't philos. Scliriflen, Bd lit.

p.( et « k'i|«i);, Ilinet, jS83) insiste avec raison sur ectk' influcnro de D«mo-

irite sur Pyrrlio». Il est certain (pie Tiuiun (Diog. IX, 4o) parle <t« Héinocrite

jii'c îles <:|;arclsi[u'il n'a paspourla autres philosuphcs,pas uiteft pourceux <lo

Mt:(»aiv.Toulel'ois,on verrapar ta suited<>ce travail que,suivantitotis,l'influviirede Dt'-niorrilo,si graiule qu'elle soi! n'a pas élti h ptus ilikisive.– II n'y a paslieu d'insister sur iVmploi par Dcmo.nle de ros|u-i>ssioii oti Sextus moiitre

(/ I, a i3) qu'il l'entendait totrt stitromcnt que l'yrrlion.•!î

Wojj., IX, (il. – Sixte, M., f, :tS-.t.r l'hit., De Akr.jortil., I. »o.

-'» l'Itrt., Iï«. Alex., r,i».«

Diotf., IX, 6â. – {'ans., Vf, -i4,

Page 61: Les Sceptiques Grecs Brochard

54 UVM f. – «HAPtîKK Hf.*J.'f l.ll ItQ f. Ull-11 tl IHi lit. a.

|)iogè»e«, iiiitjiietnous

empruntons la plus |;rmtde partit'dit

résuméqui

va suivre, ne fini aucune distinction entrePyrrlion

et Tiinoii. Suivant sa coutume, c'est lit doctrine générale des

pyrrhontens qu'il expose sous le tiotu de Pyriliou, sans distin-

guer ce qui appartientau inaltre de ec

queles

disciples ontpu

y ajouter. li en est de mène d'Artstoeiès dans le fragment que

nous u conservé Etisèhefl'\

f {. Aristoelès 'ai résumait en ces termes in doctrine «le Pyrrhon

«Pyrrhon d'Élis n'a laissé aucun écrit, mais sondisciple Timon11y ,'1' ton1:1 IS n'a aucun <!<;rit. itinis sondiseilite Tistion

tlit que celui qui veut être heureux doit considérer ces trois

points d'abord, que sont !es choses en elles-mêmes? puis, danst

quelles; dispositions devons-nous ô*ti*eù leur égard? enfin, qno

résuitera-t-it pour nous de ces dispositions? Les choses sont

toutes sans différences entre elles, également incertaines et •'

indisceniaWi's. Aussi nos sensations ni nos jugements ne nous

apprennent-ils pas le vrai ni !e faux. Par suite nous ne devons

nous fier ni aux sens. ni a la raison, niais demeurer sansopi-

nion. sans incliner ni d'un côté ni de t'autre, impassibles. QueUe (

que soit h chose dont il s'agisse, nous dirons qu'ilno faut

pas

plus l'affirmer que la nier, on bien qu'ilfaut i'aiiirmer et la nier B

à la fois, ou bienqu'il

ne faut ni {'affirmer ni lit nier. Si nous

sommes dans cesdispositions,

dit Timon, nous atteindrons

d'abord l'aphasie, [mis Xataraxie. n Douter de tout et dire indif-

férent à tout, voilà tout le scepticisme, au temps de Pyrrhon

comme plus tard. Efoqm\en suspension du jugement, et adia-

phorie, m indifférence complète, voilà les deux mots que toute

l'école répéteravoilà ce

qui tient lieu de science et de murale.

Examinons d'un peu [dus près ces deux points.

Pyrrhon n'a pas invente le doute, car nous avons vit, bien

avant lui,Anaxarque

etplusieurs mégariques

tenir la science t

pour impossibleou incertaine. Mais Pyrrhon paraît

être lepre-

miel qui ait recommandé de s'en tenir au doute sans aucun

Prtrpar. Kr««n.. \îï, wrir, r

('

IU.

I

Page 62: Les Sceptiques Grecs Brochard

MfHiHWK. 55

iiiéfuiijji! d'afliriuatiou.au dmUs syshjmalHHie, s'il est, permis

<runir c<;silimx mois, (i't'st lui<|uij a» |t.:moi(;iia|;i; d'Ascanius»1't

trouva la f'oriiiulo sceptique suspendre son jugement. Aristote

n'emploienulle pari le mot étto^.

La raison qu'il donnait, c'est que toujours des raisons de

force éjjale peuvent »Hreinvoquées pour et contre chaque opi-

nion {énùajhtt lm<r(ltvsta\ m. Le mieux est donc de nepas

prendra de parti d'avouer qu'on ne sait pas {itumtkvtyh) fï'; de

ne pencher d'aucun coté (âppe^t'a); de ne rien dire (<lip«x/a);

de rester unsuspens {htê^etv n)p avyxcndOecrti>). De ta aussi

diverses formules l4î (lui. ont la me'me signification je ne définis

rien (<iij$it>«îp/Çs»}; rien n'est mtelligMe («waXijjr'Me); ni oui ni

hou (uùSb niï.Aov). Aliiis ces formules sont uncoro trop ullir-

matives; il faut entendre qu'en disant qu'il n'affirtae rien» lu

sceptique n'affirme nnîme pas cela. Lesmots!5î «fiasplm

cecique

cela» n'ont dans son lmi{ragc,nt un sens afltrnmtrf ef marquant

IVjjiililc connuequand

on dit le pirate n'estpas plus méchant

que le menteur; ni un sens comparatif, comme qimnd on dit *1

le miel n'est pas plus doux tlue le raisin; mais un sens n<%a(if\

comme quand on dit il n'y a pas plusde Scylla que de chimère.

Quelques-uns rnôme fl" ont. remplacé la formule oi3èv fiâAAof pari'intorrugatioti il y.à'klov. En d'autre» ternies, dans toutes ces

formules, l'alfirnuilioit n'est qu'apparente; cite se détruit elle-

même, conitne te feu s'évanouit avec le hois qu'il a consumé,

comme unpurgatif, après avoir débarrassé l'estomac, disparaît

sans laisser «le trace '"l

Le sceptique revient avec insistance sur cepoint; toutes les

expressions dont il se sert n'ont de do(jmali<jue que l'apparence.

Elles désignent non une chose réelle, mais un simple étal de la

Dioff., IX Cil. Tri tilt ixnah)<l>iif xni cnu-^iit sîSoi tiottyayiv.

1 Diog.,IX,fi,1, io3. -Cf. Scritis, P., I, 190.Seiliis, l'ii'rf., Ma.

•'Dio{! IX. 74. – Seïf., 197.

••*»Dioi' IX.7».

Sex»., /». 1 8.''•

Dio{[.. 76. – Arislor., l»e. or. Scx»., P. «065 M. Vlfl, /180.

Page 63: Les Sceptiques Grecs Brochard

50 L1¥BB t-GHAfWRKtH.

personne (jiii parte, une strople iniuiiùra d'&re f"tjnt u'impliquo

i.'u mienne manière tutu nSulîté exU'rioure à cotte personne i't

indépendante d'elle c'est un simple ph(5nomuuo, connut? nous

dirions mijuurd'htti, purement subjectif.

Lesdisciples du Pyrrhon sf dormaient lu nom de zélé-tique»

parce qu'ils cherchent toujours ta vérité; dosceptique*, parce

qu'ils examinent toujours sans jamais trouver; Mpkclifies.

parce qu'ils suspendent toujoufs- leur jtijjeinenl: à'aporétiqnex,

parce qu'ils sont toujours înccrlains, n'ayant pas trouvé la

vërifC1.

tl importe tie remarquer que iettotttosceplitjttenepwte passan- li~r

tes apparences ou pliénomènos{<ptttv6(xep<x) (pu* sont évidents mais P

uniquement sur les choses obscures ou caçlides (df<?«A«j.Aucun

sceptt(jue ne doute de sapropre pensée*, et le sceptique'1* avoue

qu'il fait jour, qjt'H vit, qu'il voit clair. Il ne conteste pas cjnetel objet lui paraisse blanc, que

lu miel lut(uintissc dou.v. Mais

l'objet est-il blanc? le miel est-il doux? Voilà cequ'il ne suit

pas. Il i;;uore tottt ce qui n'apparaît pas aux sens; il no nie pasla vision; mais il ne sait pas comment elle s'accomplit. Il sent

quele feu brftle, niais il ignore s'il est dans sa nature de

brûler.

Un homme est en mouvement ou il meurt; lesceptique Tac-

corde. Comment cela se fail-il? Il ne sait. Si l'on dit qu'unlableau présente des reliefs, on exprime l'apparence;

si on dit

«[d'il n'a pas de relief, on ne se tientplus

àl'apparence, on

espritne autre chose. H ne faut donc pas direque

lesceptique

doute de tout en général; il ne doute pasdes

phénomènes, mais

Sett. 1 1 37 Tovto $ikto» » iyè oira ontoiii'i nu ai puiè» t&v inà

jih> £iimtjn» T«i<& aenSaHàvav nOivu âoyfinixâi iî ivMpeîu-. TaSxo Si <pnai

>éy'jiv tù i*VT'ï <Çw<m'.vov -eepl Tiv npoxei^êvam otî» a'ixcij) «Atixiit fiai «jckoi-

IHe'.wt àvtiÇitvopsvai 4XX' & isif/ti in\y ni^zvui.1J)

Oiujj.,1K,70.– S*it.. t1., l. 7.

''•Driig., IX, 77 'ir.ïiv 0Sfov wiyi^ inep vooiotv, 4 n j-«p puenat Sfiiov,

ait. ùv iiïs iMiiacat ftnia^Kiaiii. – Uiid., loft: Km yip r« ^ni'ofieroi» TiOéfieOt,ai.i-: 'v ni, ..i.,9'Í<lI<l1 pt'Í"x.r'V"IV' Ibill" 1otl: ":Ii ""P 1.1p1l1"¿PCVO¡l 110ip,(Jœ.

ov% es Jesei tmovroviv, – • Ihiil., 10G.

11 Dioj;. io'J.

Page 64: Les Sceptiques Grecs Brochard

PYBKHON. 57

t:.sonloitt('f)t des réiiiit's en lant

<jae distinctes dus apparences.

Si on retient bien ci» point, il sera facile de répondre ù tous les

sophisme* dirigés contra la scepticisme"1.

Nul doute, on te voit, (jne Pyrrho.it n'ait fait une distinction

entre le phénomène et la chose, ou, comme nous disons, entre

le subjectif et l'objectif. De lu ce vois do Timon m s (/apparence

est mmpartout oà die m présente. «Pyrrhon, dit .ïinésidème f3>,

n'affirmait rien dogmatiquement* ù causu de l'équivalence des

raisons coiilmiics; il suivait los apparences (toîs QawQfiivw).»

Fatit-it attribuer « l'yrrhon ks dix tropes (Tp4woi}au raisonsde douter (appelées encore terni au tàym) i\tii tenaient dans

lesargumentations sccpli«|i»es une si grande place ? Il est pro-

bable (|ue l'yrihon, on mOuic temps (ju'it opposait los ruisoiis

contraires et d'égale force, a signalé (|m)l<jues-tines (tes contra-

dictions des sens. M. Wuddiitglon(tl a ingénieusement détaché

des résuinds de Dingètie et de Se.vttts un trait <[iii semble bien

luiappartenir, et «|ui est comme un souvenir do ses voyages:

l)éinn|ihoii maître d'hôtel d'Alexandre, avait chaud si l'ombre

et froid au soleil (3(. Mais la question est de savoir si ces dix

tropes, sous la forme et dans l'ordre ait ils nous sont parvenus,

étaient déjà des arguments familiers à Pyrrlion. Nous ne le

croyons pas. Les dixIropes sont formellement attribués h Aiiiû-

sidèini; par Diojjèiic par Aristodès'7' par Seuttts aucun

texte ne permet de tes mettre au comptede l'urlum. Accordons,

si l'on veut, ipi'Kuéstdènien'a fait «pie mettre en ordre des

arguments connus avant tui, et s'est borné à leur (limiter une

formeplus précise-,

mais il sembleimpossible

d'allerplus

loîn(oi.

'•" Sest., I, »uS.

l)io|{., IX, ioa.'•'>

U)i4., 10O.

<"Op. cil.

•*>Sext., f' f,St; l)iu|{.. H».

« 87.''•

Ap. EhscI. /%>.«. VI V. uni. 11.

»» M., VII. 345.

' ta mt'iitiuii dan» lu i-ilatoj'iiv de IMutiir<]iic par Ijinpniii. (Kabric. Dibliuth.

Page 65: Les Sceptiques Grecs Brochard

5» MVltK L– (MAPtTRE lit

i.iim.tl: 1?,*t. l? ,i. ' I' I- i-fc È'1 iX i

Uuei ûit iV'itsoiuuuttieiiC moral tfo Pyrrfuni? Stu-m point •'

`

cftrare jtaiis avoi» peu du tfuvunu»ils. « HsMUl«îii»itv<Ûllliogèiie*

que rien ttVst honnêio ni tion'luu'x, juste ni injuste, et de métne

pour tout le reste; quo rien n'existe réellement et en vérité,mais qu'où toutes choses les hommes se gouvernent d'après laloi et lit coutume; car une chose n*est pas plutôt ceci

que cela. »

En dehors de cette formule toute négative, nous savons

seulement que Pyrrium considérait l'aphasie et l'atnraxio, et.

suivant une cxpressioii qui parait lui avoirété plus familière,

l'tutmptuM-ienif apathie'* eoinine le

dernier terme auquel iloivent

tendre tous nos ellorts. N'avoird'opinion ni sur le bien, ni sur

le mal, voilà le moyen d'éviter toutes les rnuscs de trouble.

Laplupart du

temps. Ifs hoinnies se reudeot tnallieureux'

|Ktr leur faut» Aî; il* souffrent parce ([ti'ils sont privés de ce

qu'ifs eifti'tit être un bien, outpie, le |H>ssédant, ils craignent

do le perdre, ouparce qu'ils endurent ce qu'ils croient êlre un

mal.Supprimez toute croyance de ce genre, et tous les maux

disparaissent. Lis doute est le vrai bien.

Pyrrl«m paraît ici avoir professé une doctrine que lesscep-

tiques ultérieurs, et mène sondisciple immédiat, Timon, trou-

vèrent excessive, etqu'ils adoucirent. L'idéal de

Pyrrbon, t'est

l'indiflerence absolue, lacomplète apathie; quoi qu'il arrive, le

fir., I. V, p. 163) «l'un ti«ri? llrpi iài> Itippaivos oéx« tpônwu ne saurait iHreim

argiiinont sirieiix. En supposant même te niliilojjui' ;niKiciiti<]ii.>, riIMfio(|uc

de

l'Iul.ininu. oh ne fait («iit-te do di'tiilctiuti outre Pvrrlwit vl tes nvii-hanimi».<1V61. (T.S.xt.M., Xt. r/to.'!i Kst-ci'IViliinu-ieou l'apathie<|iii fut, suivant l'vrrlion, te but snpn!mede la

vie Jliiïi-I i»f». rit., p. t5)se prononce pour ta première Uvjiotlt&ie. Mai* nous

suons pur Diogàno (10S) <jiik corlaiiis sreplKjiies K'j;iinlaieiil l'npalliio loininc te

lernier mot >U la safjcssi-. Qm- \Ak ait <'!« t'upiiiiun «le Pcrrhon c'est ce que mon-

trent avw ta ilcrni-Tc .j.lciice les l«il«s du l.'in-mii ([«"on lira plu* t«in; t'expti-cationque ituniteIliraoldu l'emploiîle »•<•mot par Oici'roitsemble biciiaibilr.iiro.H n'ett }«is vrai no» plus, cuiniue !«• croit Jlirifl rjiie Ici testes de Timon «inlro-

ilisfut ceU»r iiilerprillatiuii; Titnoit, <» effet lotie vm maître «t avoir (fliBjipi; aux

inaiiv <|ui iiais»vnt ix tuteur Sortit le. (Mdllacli, ia.'»). || semlile donc (|«el'ist

Mïulemrnt [.lust.ir<f f(«« les si-'(iIm|iio> siilisiitiiwenl à ï apathie la tiwlriof athie.

(Cf. KîIIit -t l'reller. Itut. /)/«/ [.. :I'm, ti* Alh.)3:

Dioj; 108, tri/. Cf. Arisloc. ap. Eiucli.. /V«r/). «•. XIV, velu, 18.

Page 66: Les Sceptiques Grecs Brochard

muuius. m

sii||e, celui dit moins rpji est arrivé, rhoxè dillicite., àdépouillur

l'homme, il» selaisse pas émouvoir. CW une doctrine analogue

ù celle d'Aristote et des stoïciens. Au contraire nous voyons1"

«jiiftTimon et /Knésitfèmo su contentent -do Taluraxie; et bientôt

une distinction s'introduit. Dans les maux tlui dépendent de

ro|ûnton'(3' (A»t«ïs &Sw7ofr), il faut êtreimperturbable; dans

ceux qu'on ne peut éviter(év mît

xonmmyHa<ïiiév(n$), il faut

par un ««(fort do volonté, et par le doute, diminuer la souffrance,

sans qu'on puisse réussir a la faire disparaître [psrpioitSuet).

Pratiquement, le sage doit vivre comme tout le monde, se

conformant um lois, aux coutumes, « la religion de son pays^.S'en temV'uu sens cuiiiituiit. et faire connue Jcs autres voilà

la règle (|ti'ti|m>s Pyrriion tous lessce|ili(jues

ontadoptée. C'est

par une étrange ironie de la destinée*(|iic leur doctrine a été si

souvent roiub»ttu<> cl vit'ùUe an wmrdu sens commun une de leurs

principales préoccupations était au contraire de ne pas heurter

le sens commun. «Nous ne sortons pas de I» coutume,» disait

déjà Timonî»1. Peut-être n'avuient-its pas tout à fait tort: le

sens commun fait-il autre chose <jue de s'en tenir aux appa-rences?Y

Tel fut l'enseignement de Pyrrhon d'après la tradition scej)-

ti(|tte.H faut maintenant nous tourner d'un autre côté.

III. Si nous lie connaissionsPyrrhon tjue par

lespassages

assez nombreux oit (iicéron parle de lui, nous ne soupçonnerions

jamais qu'il ait été unsceptique.

Pas une fois Cicéron ne fait

allusion au doute pyrrhonieu. Bien plus, c'estexpressément

à

AreésiJas(5>i{u'il attribue la dortritic d'après laquelle le sage ne

!l>Diq| 107.Sexl., M, I, 3o; III, «35. l.o in|i|)roclii>meiitde ces douxIcxlos, oit les

met» itiÙM cl *ripï{« s»nt siilislilites J'im !i l'aulrp 0» iIpuï |>l»rasi<-i iilenlii|ii<s.montre qu'il iû a |»s cuire r.i|i.illii<; p| l'jl.innic nulunt A», ilifeem-tt 1111e te croit

ttMe) (<. ejIlinel {/. c.)

a I)as etitrt4 1«~-kletlitieil.I'al;il-~ixie akt(iklit (l~~ titie le crxiii

11Hio{; 1118.llmt., mi.

/te, II. \\t\: }- -Ni'iiio Mi|n'noitiin non hukIo t't|nv»«ral snl n<- dix.-r.it

Page 67: Les Sceptiques Grecs Brochard

» WVltË t. CHAPITBKt«-

iloifc avoir aui'imo »|iiiiion .»t t|U;tiul il prit» dt« P&axV. C*«st«BH-on?

» propos d'Aiv&itiis. Pourtant, l'omision ik>pnk>r

«lu

«eofjlieBine --pyrrtiotttenno lui n

pas mompié.tt

y a dmi» les

/ln«/w«jKis Jeuxpussages'» oh, (tour les besoins de sa nuise,

il «minière avec eomplaismice tous le» (iliilosophes cpii ont

révoqué ou doute la eiTlittulo de nos caïutaissuitcw; on est surprisîle trouver sur cette liste les noms de l'iimidnide, d'Anaxnjjore,tfc Socrate tneïiie ot «le Platon on est encore plus surpris <l«

n'y paslire coitti de Pyrrlion.

l*onr (iirérun, Pyrrfaon' it'«st«[tAm moraliste très <lo|jimi-

lùjuc' très sévère, lu plus sévka diâmo de touteIWi(|iii((>.

fl crôtla ta vertu0', a« souverain bienfjiiî

est i<lioiin$tc(é(tlf: il

ii'atlmet mtUiiepas cesaceoinmodentcnt»

nu.xquckscpriîttttcuties

stoïciuas; les <t>oses indifférentes, telles rjue la santd et lit ri-ifiessc, (jui, sans être des biens, so

rapjn-otrkoat des biens d'aprèsZenon

(«potfy^fa), sont absolument sans valeur auxyeux de

l'yrrliinr1'. (.iciirou lu nomme presque toujours enconipagnio

du sévère stoïcien Arisltm'01, et il dit«ju'il pousse plus loin que

Zéuou [ui-in^itte la rigidité stoïcienne -71.

<|ui([t'iit (mise liuininciit uihil «pima-i nec sofiim jiosso, rhI ifa iiecosse esso sa|iieuti,!>t^l. hiii, 5çi et.lc, I. tit, .'jj «Uuuin cutUnn re («aria lOKtriiriis iir ji.itliliu. mo-

mt'nlii c,-ili«uuiu imt'iiirailiir, facilins abutraquu parle assciisio rclinurvtur. n –

i'X. KihpIi,, lac. cit., XIV, r«, «5.

•" f, ïrr, i'j; II, uni, ii,seif.« U» lintsrivn ancien, NiiiMéiriiis(Dio;j., IX, dH)h ajjanlait aussi comme un

iii)pluiiili({ue.iJI t'iu.y IV.ivi.&.t: ft>yrriii>«i)ieet.i|iii virtutu consMiUt, nitiil untnino quwt

,c|i|if(i?mluui sit ivliuquiit.^"•

(fol-, iH, iï, i:i -KisdHirlioni clAristiuti) isttullionestimi, no» summum

iiiwlo, s'il •'liant, ni fit vis, solmii tiuuuni viil«ri.1'

iU., If, un, i:t<> 'Unie (Ari^loni) Minimum fiotmm est in lii* rébus ueu-Imiii

i» |).irtcin itmwri, ((iw %3a$uph ait ipso diciltir. l'yrrho «lient ea ne senlire

quidiMn Sitjti.'utiiiii <|ua-ixiùtii ntimiiiiitur.

!•»Ac., II, un, i'Io. lui., IV, xm, 'r:f; IV, »im, H!, m, h; V'.vm, 33;

II, vi, 35; II, »m, M. 7«»c.,V. m, «5. 0/ l.ir. Ô.

l'ïn., IV, «i, W Mil» vitliititur mimes (|»iitcm ilti <Tras.se i|tii linem liono-

iimi iwe ilitvriint Itom^lis vivure s*hI ;tlius alio HMj;i-. l'yi-rho sciliiTl maxime.«IWinli'.liislu. Slnici atift'iu «jihmI liin-ui luniciniiii iu tma viriuti* |i<umnl stmi-li-s siiril illoriiiii, i|uur| atilvm (iriiicipiuiii ullicii i|ua'raiit, uivlius quain l'yrrlio.»

Page 68: Les Sceptiques Grecs Brochard

I*HIIHH>,V. «f

Ces textes.attx<ju«fc

lest liistûl-lofts, sattl' H, ftaddingtou"'ft Lew.s {->,ne nous semblent |>ns «voir

apporté «ne ntk'tilioti

sudisiiiilt1, sont itîllïeiles à concilier avec I» tradition que nous

rapportionstout à i'tifiiFu. Ils ont sur les reiiseigiraients de

Diojjtmtj un grand avantage c'est qu'ils sont d'uneépoque

Jjciiucuup pli» voisine «le Pyrrlton, et où il était moins facile

il« prêter à cephilosophe les idées de ses successeurs.

On put dire, il est vrai, (|tie Cïcéron ne connaît le»philo-

sophesanciens

que par .'iulenuéd faire des nouveaux aeadémi-

cîens; et ces derniers n'ont-ilspis nu,

soitpar igjiorance,

soit

par espritde rivalité, laisser «Ibcôté toirte ttn« partie de ['rouvre

îlel'yrrlionf .Mais alors. scml)lf-{-tI, ils

a'iiuraient jiiis (làparler

non plus de ses théories morales. Ou ne voit jias bien non pluspourquoi ces philosophes, «jiie le souci (le

(inruHre originaux

ii'cmpdclmit pas de eliercher des putrous et des modèles tkvt

f««s lesphilosopln's anciens, auraient négligé de s<;prévaloir

de l'autorité d'tm homme aussi célèbre et aussi recoimnaiidabl»

»|(ie l'a étéPyrrhon. S'ils n'ont pas plus parlé de lui, c'est très

vraisemblablementqu'ils n'avaient rien de

plus à en dire.

Onpeut essayer pourtant

de concilier les deux traditions.

Elles sont d'aceord sur unpoint; toutes deux attribuent à Pyrrhun

la doctrine morale de l'indifférence(iSiaÇopla) et même de

l'apathie» (<br<ftfef«) ijui nuirque, d'après (Jkéroti, undegré

de plus; le sage, suivant Pyrrhon ne doit pas éprouver menu»

un désir, uidinc unpendianl.

si faible(ju'il

soit; il n'estpas

seulement indifférent, it est insensible. \m désaccordporte

sur

deux points suivant la tradition ta plus rvceule. Pyrrhon esl surtout t

un sceptique; lasuspension dit jugement parait être l'esseutiel

rimlifférence l'accessoire. Cicéron mparle (jue de l'indifférence.

En outre, dans la traditionsceptique. Pyrrbon, loin dVtnpIoyer

ces expressions: la vertu, le souverain bien, déclare

«juc dans la nature; il n'y a ni vert», ni honnêteté, tùaniinnns

allentiveuieni ces deuxpoints,

encommençant par

le second.

» 1m:. ni.

llisliiiii ul l'Iiiktsufihii, I, •&

Page 69: Les Sceptiques Grecs Brochard

M UVRIv fc – tff.(VI»rrHK ÏM.

la MiSne eoril nutiVtiou tj ne ikihsmnarquotts «titre ta tra-

dition académique et la (rmlitiousceptique kc retrouve datw

lys («tes lesplus aniiens et les

plus anth«?attqucs ijmt nous

ayons, ceux tk> Timon. D'une part, en «iffel., nous voyons une

d'après Pyrrhon el Timon Je bien et Jo mal sont choses tfo

convention, f«imli*esuniquement sur lu coutume; les lois oui

été instituées ait hasard^ itn'y it pînt dit justice selon la

nature.

\{ais ii'»utfejtart, clicz h mène Timon, Pvrrlmtt nous

Appiiruftsiurs un

aspect tout nouveau. S'adressanl a son mailro,

te disripio s'écrie'3' «Voici, àPyrrhon,e» iju«j« vomirais savoir.Comment, n'étant

rju'uti lioinme, mènes-lu. uuu vie si facile et

si paisible* Gomment peux-tu guider tes hommes, semblable

au Dieu qui promène tout autour de ta terre et découvre à nos

yeux te disque enflammé de sa sphère ?» Puis, dans un autre

passage™, fpti semble bien é*tre laréponse de Pyrrhon a nette

{{uextivn, nous lisons «Je te dirai ce qui me parait être la

<»Seul.. M., XI, i ^10 Otxe iyiQi» ti itfit pian, aihe xaxàv,

otA/i njpàf iv&pânùw Tavrï luiftw K£Hptxatt

*n« ïùv Ti'fiuv»..Vous lisons avec ÏVmé (j». ifi) t'âpp ait lion «k vw ( IHkcr>.(>l Timon (Mutlacti, i«») fixent vopeOmnt.

Diuj[., IX, (ir».

To«i»(tot, «5 Ifvpp'i)! i(»s<ptiai jiiop jxova»

oii, -orot' <i»i)p ^r' éyetç pijo7« (ie6' lîow^ilf

[iivi«j; i1 ivQpùtwm &êov rpônov rtyeftuveien

os aepi tsimv i/in> j*ii> ivm'ï pèserai

Saxvii eùxôpvmi aÇaipti xnfiKairopa kùxXo».

I.ps (rois([«piliersvers «mtrites par S(!i(us(Sf., l Soft); nous citonsle troi-sièmed'aprèstoi; it nesemblepas douteux, maljjri!une tpgore dilKronroilans Jetroisièmeyen, que cepissag«suit ta suite de celuiqu'a cité INo^ne.

ljSntius, il., XI, s».

i j*(i «j«if eps» dis (joi X3ti^<uV;t<u eiiii

ftvOov ihfiems Aptyov t-/w xavùva,

es A toû Srcivj te 0ûa« xaî tàyélov é-/ei,

è£ &> ioomos yiprtv iv3(à fias.Aïw. Valoijj, h'artek. z. Uesch. it. HrlximlMtqiroltknn im Allml. Rerlin, i8K/*

fp. :i(|«t, mu» thimi^a an Ki>» ili» «ti. l.'mlci |)r.:lati<in iirufinsiii- |«n- Hinnl

(|>. aK) pom- !<• vers ùc i» t&6 .y«V,v. scmlili' iiiu> vaiw <utililil(j.

Page 70: Les Sceptiques Grecs Brochard

l'YRKHUJÎ. «st k. rv.

vé-ittf, ayant une («mite dis iétM peur rè{*l« infaillible; je {«>

«Unit quelle est lu nature du divin ut du bien, d'où vient pourl'homme» I» vie la plus égale, »

Ainsi, voilà le fondateur duscepticisme comparé par le disciple

(pli l'a le mieux connu, ait soleilqui éclair» les hommes. Il a une

parole de vérité, une règle sûre; il connaît la nature «I» divin

et du bien. Nous ne gommes pas très loin du mtmmumktutm dont

(Iin?ron nous parfait tout à î'Iieure.

La contradiction «si tr«p forte pour n'avoirpas

sauté aux veuxdes

sceptiques anciens. Sextus a une façon bien plaisante d'ex-

pliquerla comparaison tfe Pyrihon avec le soleil. «Si. dit-il, un

grammairien veut expliquer le vers de Timon il diraqu'il il pour

but défaire* honneur àPyrrhort.

Un autre s'avisera qu'il renferme

une- contradiction, car le soleil éclaire, (audit; que lesceptique

obscurcit toul. Mais le vraiphilosophe, ajoute le bon Sextus.

comprendra que si Pyrriion ressemble au soleil, c'estque le soleil

« éblouit «euxqui

le regardent trop attentivement. De même le

sceptique ôte à ceuxqui l'écoutant la vue claire des choses, et

,les met hors de rien comprendre' » Or nousdispensera

d'insister sur cette explication manifestement inventée après

coup. Ailleurs f>ililexplique que le mot est u'est pas pris par

Timon dans un sens positif, mais dans un senssceptique, dési-

gnant seulement ce(lui appamt't. no» la véntabie -réalité. Mais

ici encore on est en droit desuspecter l'interprétation de Sextus.

Il est bien vraique Pyrrhnn annonce qu'il dira ce qui lui pa-

raît <*tr« la vérité (as pat xaTsf«iWr«« eiV«i). Mais s'il ne s'agit

que d'apparences ou de.plii;noiH«iU's. comment comprendre

lesexpressions itiOov âÀjjfei'us et bçMv xtuvivaH Comment com-

prendre surtout que l'yrrlion se (latte de connaître la nature

(lit divin <>t«lubien? que peut iHre le divin ait sens phénumé-

nistc ?1

Kntre cesiisserfidiisconliadicfoiies. il n'y a pas d'autre con-

ciliationpossible que celle-ci la théorie r-t la

pratique, la

11 .M.. I.:iim.

W.. M, ••«.

Page 71: Les Sceptiques Grecs Brochard

«ft MVHB L – r.ll&PltBK Ht.

1 t

w» Mvnii i. – latAfitttK Ut.

spéeutafKtt cl lumorok», Pyrrtou ci Tintait font une »lisftneU«uliés nette. Hs rejet tent foules tes théories, ils n« s'embarrassent

d'aucune doctrine. Mais ils ont la certitude, toutepratique et

toute inonde, d'avoir trouvé ia Meilleur» manière do vivre, du

posséder le divin et le bien. Peul-iitro (j'teéton a-t-il un peuforcé te sens de leurs

expressions en rapprochant les théories uVPynhou de celles des stoïciens, les plus dogmatistes des philo-

sophes; maïsPyrrhon a dû dire

quelque chose d'analogue it

sait où est le bien {iK

Toutefois, cette certitude pratique, et l'emploi d'expressionsaussi ingénument dogmatiques que celles

que nous venons de

citer, ne sont possibles qu'à une condition^: c'est ijue lescepti-

cismeii ait pasencore eu chez Pyrrlion et Timon la forme arrête

et systématique qu'il aprise chez leurs successeurs. Qu'il y ait

eontnutrrtto» entre les formules de Timon el ta stricte doctrinede iVnrox»', c'est ce

qui est évident et co dont témoigne l'em-

barras dessceptiques ultérieurs et de Sextus

pour les expliquer..D'autre part, Pyrrhoii et Timon ne

semblent pas voir ia contra-

diction, cl il estimpossible qu'elle ait échappe* à de tels esprits,

si eBe existait. S'ils ne t'ontpas vue, c'est

qu'elle n'existait pas.

Et si i.«Ilen'existai! pas, c'est que les sceptiques n'avaient pasun-core

pris cctlu attitude de dialecticiens insaisissables et rompusà toutes les (inesses

quites distingua dans la suite. Its se soucient

peu de la dialectique, ils rejettent tontes tesUntaietAlof pratiques

parce quelles leurparaissent tusuflisautcs ou ridicules. Us se

contentent de chercherune bonne règle de conduitew.lls croient

Cl". I)i«(; ti.'i nu, <l"aprèï Aiiiii;mn- de Carjslii, un tinsplus anciens liislorions

l'yiTlHiij (IiVIniv iju'if vi'iil devenir un Iiuiumt> ifc Won, ^ptia7«.

lliru>i({t. (iti, teq.) et Naloi[>(:!i|a) ami ;miv«;s à mu- roiirlimmi amtnjjtic.!.« (wiiil i|«i iwns s.'|i»n>, r'wl .[«'ils pn'-ti-u! diijà à |*yrrlinit <•! à Tiitimi unelInoiiV Miratiiu, uni! ilisttnrtiui! piCxtf vains li> fioitil •• »«.. |iltômt»ivt»îst>* et l><i«<;iiiatisini>, Mlc ipi'i-Ut! u|)pr.iiti:i r\w Iihhs siicri'sscm-». Nous cniywis ejii'ils ont

<>M(,»:n' Si'loii niiiH, I»vitIioh «l Timon ne mudlietajuis leur llukric iironilc

«v>'C leursci-|ili.:isnn!,(Kirc.: ([lie ton si-cplicismo itVsl viiroiu «|iiY( l'iilaf il'ôtanclia,

[Kircf ijii'ils n'y alliiclnnl i|ii"iine uudiocivimpoil'uicc. H» sont sii'|ilii|ucs et in-

JilFéicul. mm-iiiuiu-, sre|ilt(|n«..s i(n'iiriltHVrfnls.

.tinsiTinwn(S<"tl.. M.. VII, «o)ivprtKli» A l'Iatoml'avoir fait <li; S».ii.l.'

Page 72: Les Sceptiques Grecs Brochard

PÏMHM. 6f>

ravoir trouvé: ils le disent, cl si e» le disant ils sont au Tondoit

contradiction avec eiu-ntc'mes et redeviennent doffmatisles sans

le vouloir, peutour

importe. Aussi bien leur dogmatisme, si

dogmatisme il y a, ne relevant d'aucun principe abstrait. sera

toujours différent du dogmatisme qu'ils ont combattu.

Lu mômeconclusion va s'imposer à nous, plus clairement en-

core, si nous considérons l'autre différence que nous avons si-

gnalée entre la tradition sceptique et la tradition académique. II

nous parait certain que les sceptiques ont exagéré te scepticismede Pyrriion, et, en lui prêtant leurs propres idées, ont modifié

tes siennes. Nonque nous refusions de voir en lui ua

seep*

tique, le fondateur môme du scepticisme. H a suspendu son ju-

gement en toute question; il a dit qu'en toute occasiom onpeut

invoquerdes raisons équivalentes pour et contre chaque thèse;

un texte précis nous l'affirme et nous n'avons aucune raisond'<;n contester t'exactitude. Mais est-il il alléplus loin ? s'est-il

attaché à formuler le scepticisme en termes précis, comme l'ont fait

ses successeurs? lit -il comme eux un logicien et un disputeur,

ou est-il surtout un moraliste? Le scepticisme, tel que nous le

connaissons est une doctrine savamment élaborée toujours prêtela riposte et (lui cherche querelle tout le monde. H a une cer-

taine aflinité, au moins apparente, avec la sophistique. Pyrrhon

lui-même a souvent été présenté comme une sorte de sophiste,

par exemple dans la légende'" qui nous le montre si incertain

de l'existence «les choses sensibles qu'il s'en va se heurter contre

les arbres et les rochers, et que ses amis sont obtins de l'ac-

compagner pour veiller sur lui. Le père (lu pyrrhonisme a-l-il

été un logicien subtil, ou comme Socratc, qui doutait aussi de

beaucoupde choses, et des mêmes, est-il plutôt un moraliste ?i

Tout d'abord, ce serait une question de savoir quoi <*iaitpourlui le vrai sens des formules oCSèv\ta\Xuv et «rsx«. Avaienl-ellcs

une signification morale oulogique? Voulait-il dire je m

préfère

un savant, an lieu de ne voir en lui iju'uri homme qui montre coniiiiiml il faut

ivre.

tl!l)i»| IV.fi*.

dt ,j.

Page 73: Les Sceptiques Grecs Brochard

<Î6 LiVftB.f. – CH*PttRE III.«« r «« «4 «. Mil (1*. ». J- II» f|h

pa&eedptutot que celn. ou jn n~'me pas p!(ttot cecique cota'('{

je ift'absfieus de c/tora»' uu «IVjj&ww? II est malaisé, on plutôt

impossible pour nous cte décider ici le point ilo vuelogique et

te point de vue raoral se touchent de siprès qu'ils se confondent.

Accordons néanmoins, puisque aussi bien c'est la trudttîou ta

(ilus accréditée, queces formules doivent être entendues au

senslogique.

Mais voici quedes

renseignements, malheureusement insuffi-

sants et iiR'Oiii|)k'is mais d'une authenticité incontestable, nous

sont fournis par les vers do Timon, et permettent de résoudreta question. Timon nous représente Pyrrhon comme évitant les

discussions, etéchappant aux subtilités des sophistes !l>. Ce

qu'illoue en lui, c'est sa modestie, c'est la vie tranquille qu'il a

menée, et qui h rend égal aux dieux; c'est la sérénité de son

«me, et le soin aveclequel il a évitâtes vains fantômes de la pré-

tendue science. Le même caractère se retrouve d'ailleurs chez

les successeurs immédiats de Pyrrhon. Ce qu'on voit reparaître»le plus souvent dans les fragments mutilés de Timon, c'est l'hor-

reur des discussions vaines et interminables où secomplaisaient

lesphilosophes; il leur

reproche sans cesse leurs criailleries et

leurs disputes, surtout leur morgue et leurs prétentions il me-

sure enquelque sorte la valeur des hommes à leur absence de

morgue etXénopiiaue, qu'il loue cependant, n'en est

qu'à demi

exempl(3!(iwr<]fTOpo?).Ainsi encore Pliilon d'Athènes, disciple de

Pyrrhon vit loin des disputes d'écoles, et ne se soucie pas d'y ac-

quérir de la réputation <*>.Euryloque, autre disciple de Pyrrhon,

l) Mullarli,vois 197 <•!suiv., t. J, p. i)5fi yipov, à fUpp'jiv, adi {, wtOt» éxb*mre$pt(

hnfwitîoivv « HSroÇpeoiimt te ooÇniiï»;

Hiid., mjrs 1/17

ftyjoTt f«50'i{<Jv;£iitt

tlsl i^pùvxhlut xm ixtvitrvf *a»i tavm

(t)i ttpioexf iWiA|u>f* iiviâymt açÇntt.

.Niitts .îilopfons pour «• (l.-rnicr vers h runoclioii i|<; Bcrj'fc. ( Voir VVnchsmntli,De Tiimme l'hliaiio, l.oipzij;, |85;{, p. 11.)

'•Miillich wrs :!9, l'vrrlinit unconlrain1( wt*139}«t appelé itvÇo*.M»/ hts H».

Page 74: Les Sceptiques Grecs Brochard

t'¥RHHON. Q7

5,

«%itîtuBsj un ennemiacharné dos sophiste» f«. Si Timon sa montre

très dm-pour Arcàiilas,<fonl fcg idées, autémoignage de Sexttnu

serapprochenthemicoup lies siennes, c'est sans

doute parce qu'iluso et abuse de la

dialectique.Dès lors, la doctrine de Pyrrhon nous

apparaît sous un journouveau. Ce n'est

pas par excès, par raffinement dedialectique,

en renchérissant enquelque sorte sur ses

contemporains, qu'ilest arrivé ait scepticisme; sa doctrine est plutôt une réaction

contre ladialectique. Sam doute, il renonce à la science, et il

estsceptique mais le

scepticisme n'est pas l'essentiel à ses veux,et il ne s'y arrête guère il aurait peuWHre été surpris autant

Ilue fâché d'y voir attacher son nom. Las des discussions éter-nelles où se

plaisent sescontemporains, Pyrrhon prend le parti

do répondre il toutes lesquestions je ne sais rien. C'est une fin

de non-recevoir qu'il oppose à la vaine science de sontemps; c'est

unmoyen qu'il imagine pour ne

pas se laisser enlacer dans lesrets de l'éristique. Son

scepticisme procède de son indifférence,

plutôtque son indilférence deson scepticisme. Sonesprit s éloigne

«te lalogique pour se tourner toutenlierversleschoses morales,

il nesonge qu'à vivre heureux et tranquille. «Faire du doute,

r

dit très bien M. Waddinglo», un instrument dosagesse et de

modération, de fermeté et de bonheur, telle est la conceptionoriginale de Pyrrlio», l'idée mère de son

système <»»

Oncomprend dès lors qu'au temps de Cicéron, la seule chose

qui eût attiré l'attention fût sa manière decomprendre la vie.

Sa vie, bien plutôt que ses théories, ses actes bien plutôt queses paroles, sont

l'enseignement qu'ila laissé à ses

disciplesaussi l'un d'eux»

dira-l-H qu'il faut imiter sa manière dVMre,tout en

gardant sesopinions il soi. Plus tard, on dira ewors'1'

"J Rio)»., ta, 69: iv tluh(u6Tiaos xote <nÇta1a.K ùs xtti Tifiuv Çn»ft».

Op. cit., p. aa/i. M. ileiHNtncr avait déjà Jivs bien dit (Manuel <fep/nfa..on-cimm, t. ll,j>.3io. Paris, fouli, Wt ) -Pyrrlioi. A-ut un Socralo Inmqmlloet résigné. Il détruisait la «aplinti^, A ne tendait pas à la n>mptaccr.->«

Nniisipliancs, ap. »io, IX, 04 {Çaoxt yivcaQat ielv t.k fUuitéiatuiiif

Uuppavelev, tâv Se Àoyw «h. Imnoi.m

fti«if-. 70 >ij«itp ïi» w awpiveiui ùpôipmux.

Page 75: Les Sceptiques Grecs Brochard

m IJVRlï {. – CHAPITRE ftl.

cftiê c'est parles mœurs qu'il faut lui ressembler pour

être vrai-

ment pyrrhonien.

Comme Pyrrhon avait laissé de grands exemples, comme it

était vendre presque à l'égal d'un Socratc (l) par tous ceux qui

t'avaient connu, les sceptiques trouvèrent bonplus tard. une

fois leur doctrine complètement élaborée, d'invoquer son nom*

et de se mettre en quelque sorte sous son patronage. C'était une

bonneriposte ù l'objection qu'oit leur jetait toujours

à lit télé do

supprimer la vertu et dis rendre lu vieimpossible,

Ils étaient

dans leur droit, car Pyrriion n'affirmait rien, pas même qu'il ne

savait rien; mais peu à peu ils en vinrent, sans s'en rendre compte

peut-tHro, il lui attribuer des théories un peu différentes de ce

qu'ilavait pensé. On interpréta on un sens

logique ce qui d'à-

bord n'avait peut-tHre qu'une signification morale. Bref, Pyrrhonfut une sorte de saint, sous l'invocation duquel te scepticisme se

plaça. Mais lepère

dupyrrhonisme paraît avoir été fort peu

pyrrhonien. C'est plus tard que la formule du scepticisme fut

que sais-je? Le dernier mot du pyrrhonisme primitif était tout

m'est égal.

IV. Il résulte des considérations précédentes que, si l'on veut

se faire une idée exactede ce qu'a été Pyrrhon, c'est sa biogra-

phie qu'il faut étudier, c'est au portrait que les anciens nous ont

laissé de lui qu'il faut accorder toute son attention. Dans les

renseignements que nous a transmis Diogène'2', il y a peut-être

tl! Lunes, «laiis te [«rirait qu'il lrac<> de Pjirhoii ( llùtarg »J phUmufUy 1, 3Ï7)iiiiisli' sur ct'lli' nj-sumlitiiiici' Je Pjrrlion «««* Socrat«.

In plupartde crtSdétailssolit emprunté; jiai-Rici;ji>n«&Anti|;om'do Cnnslc,

<|iii vivait ait temps <l« Pyirlion (Apistoc. ap. Knsoli. /Vtry». ceang., XIV, hiii,

afi) ft avait <;fiit tim» Vit de Pyrrhtm (Oinj; fi«)«l m»' !« île Timon (ibird., >tt).

llir»él rcinnn[ia' otpc raison (p. ij) i|«'. Km'fiiclémi' a roulnnlit |i>s ri'iisci(;pii!-rai'iils d'Anlifjorio <-t comliattu la

|i''Qi>ud(> (|tii i'c|>n*'si'ii|c Pyrrlmii •oiitin» ni»

iroy.iiit pas Ii In ré.i(it>- dis uftjels l'Xl^i'ù'iii-s. Kn raison du rctti* apposition tfimtl

csl iKspoié à récuser le tmmfftagte cl'Anti|;om.>. Mais il m> parait pas aïoir^nn(p»

i|»i»|K'i»(-<i|rp/lùifeitlûnir'a en tnli-tiHù nouswpresrntpr l'jrrhan un peuaiilre-niitiil i|ii'il iiV'Iail, iitiii ifo pmu'dir iiivn«|ii«r sou iitikiriti-, nu

qu'il it pu (lit tnVlimtni* foi lui pivlcr «es propres idt'm et, roinmp ou >lit, (>> tirer à Itti. Von*

Page 76: Les Sceptiques Grecs Brochard

pviiBMos. a»

tl~~ EsiV E K, sr. y rr t.

|)i(is (Cuti irait (toiil il faut se délier, plus <Pun détail trop légè-

rement accueilli. Maistous ces faits, même s'ils ne sont pas ab-

solument authentiques, nous montrent au moins quelle idée les

anciens se faisaient de Pyrrlion, et parmi eux,vu l'ancienneté de

la sourceà laquelle Dio^ènu a puisé, ceux qui avaient

pu recueillir

les traditions les plus immédiates, etpeut-être infime connaître

lephilosophe. Si l'on peut s'en rapporter

à eesducuments, Pyr-rima est un persawwjje fort

remarquable. Dans cette longue

galerie d'hommes étonnants, bizarres ou sublimes, quenous fait

parcourir l'histoire de laphilosophie, il est à

coup sûr un des

plus originaux.

H vécut pieusement (ev<rê&«} avec sa sœur Phiîista, quiétait

sage-femme. A l'oeeasiott, il vendait tui-méme au marché la

volaille et les eoçkons de lait; indifférent à tout, il ne dédai-

gnait pas da nettoyer les ustensiles de ménage et de laver la

truie. Son égalité d'Aine était inaltérable, etil pratiquait

avec

sérénité l'indifférencequ'il enseignait. S'il arrivait qu'on le

quittât pendant qu'il parlait, il n'en continuait pas moins son

discours, salis que son visage exprimât le moindre méconten-

tement. Souvent il se mettait en voyage sans prévenir personne,il allait au hasard et

prenait pour compagnons ceux qui lui

plaisaient, il aimait ù vivre seul, cherchait les endroits déserts,

croyons,pour noirepart, qu'il faut voir précisémentdansles témoignais «t'.Eiié-

sidème le commencement de cette tradition sceptique (lui a modifié la vmio

physionomiede l'yrclioii.tl est vrai que {tirent invoqueun autre argumentqui serait décisifs'il était

foiulii c'est que le nidl d"Autij<oiu$de.Caryjte est en amltadietionavecles textesd« Timon. Maisil tousa titc impossibleitv voircette ronlrailiclioii.On vvrra, jwr!c chapitre suivant, qu'il y a de grandes analogû's entre le carac tèrv dePyrrLou et

celui«leTimon le maitre et le discipleparaissentavoireu le mimegmitpour laviesolitaire et paisible (Cf.Dïoj; 113, et la correctiondeWilnuiovilï).Xotani-uicnl, nous ue voyonspas queTimon, dans lesverscités par Pio|>ùnc-(G^),fasseun reprocheà l'hilou, commele dit Itiriel, de fuir la société(leshommes;il n'y a

dans ces vers aucuneIraeade reproche.H n'y a donc pas de raison sérieuse pour révoquer en (toute FaulwilB d'Antigène.

H reste vr»! que son ténioif>naj;cest >ii>r.Sceluide Timon litplusancti'ii.et nouscroyons, avec Wibiiiovitt-Mollendoil ( t'hilus. inlcrsticL, IV, 3'i; Berlin, Weis-

iiiaiin, 1881), qu'il a unehaute valeurhistorique.

Page 77: Les Sceptiques Grecs Brochard

» ÙVWt f. – tiHAMTftk lïl

et on ne hvoyait qtte rarement parmi les mens, Son

tHiiquu

préoccupation était de sWïcer à litpratique

de la vertu. Un

jour* un lesurprit A parler seul, et comme ou lui en demandait

la raison, ilrépondit «Je médite sur les moyens de devenir

homme de bien. Une autre fois'1', il était sur un vaisseau

battupur la

tempête; tous lespassagers étaient en proie à la

plus vive épouvante. Seul, Pyrrbon neprditpas un instant son

san^-froid et, montrant un pourceau àqui on venait de donner

de forge etqui mangeait fort

paisiblement: «Voilà, dit*ih Ift

calme qne doivent donner la raison et la philosophie à ceux quih

ne ventent pa& se laisser troubler par les événements, jj Deux il

fois seulement son indifférence se trouvit en défaut la première » u

c'estquand, poursuivi par un chien, U sa réfugia sur un arbre1*1* si

et comme on te raillait, il répondit qu'il était difficile de «

dépouiller tout à fait l'humanité et qu'on devait faire effort pourse mettre d'accord avec les choses

par la raison, si on ne pou-vait le faire

par ses actions. Urie autre fois, il s'était fâché contresa soeur Pltilista et comme on lui reprochait cette inconsé-

quence «Ce n'est pas d'une femme, répondit-il, (lue dépendta

preuve de mort indifférence.); En revanche, il supporta des x

opérations chirurgicales avec uneimpassibilité et une itidiffé- «

ronce qui ne se démentiront pas un moment, ii poussait même '«

si loin l'indifférente qu'un jour, son ami Anaxnrqne étant tombé

dans un marais, it poursuivit son chemin sans lui venir en aide,et comme on lui en faisait un reproche, Anaxarqtie lui-même

loua sonimpassibilité. On petit ne pas approuver l'idéal (te

per-fection

que les deuxphilosophes s'étaient mis en ttHe il faut

convenir du moinsque Pyrrhon prenait fort au sérieux ses pré-

t:c|ttes de conduite. Lalégende qui court sur son

compte n'est

pas authentique, et l)io{;ène nous ditqu'elle avait

provoqué les

dénégations d'Enésidètne. Si elle l'était et si elle a un fond de

vérité, il faudrait l'expliquer tout autrement qu'on ne fait d'or- 1

tlinaire. Ce n'est pas par scepticisme, c'estpar indifférence que

«

l>iog., fi*. Cf. PliiL, Ih prof, in mrt., 1 1.

DioR-, lot. rit. Aristor. ap. Élise b. toc. cit. rtviii, 16.

1

Il

Page 78: Les Sceptiques Grecs Brochard

l*¥RBItU.Y. 71

Pyrrhoit serait ailé nonpas sans doute tfontier contre tes racliurs

et tes murs, mais commettre ticsimprudences qui inquiétaient

ses amis. H no tenait pas à h vio. C'est de lui que Cicéron a

dit qu'il ne faisait aucune différence entre ta plus parfaite santé

et laplus douloureuse maladie. C'est lui encore qui, au témoi-

gnage d'Epietoto Wl, disait qui! n'ya

point de différence entre

vivre et mourir.

Saphilosophie, on le voit, est cette de la résignation, ou

plutôt du renoncement absolu. C'est ainsi, nous dit-on isJencore,

qu'il avait toujours à lu bouche ces vers d'Homère « Les hommes

sont semblables aux feuilles des arbres: » et ceux-ci aillais, toi,

meurs à ton tour. Pourquoi gémir ainsi? Putroele est mort, et

il valait bien mieux que toi. a

Cet homme extraordinaire inspira a tous ceux qui le virent

de près une admiration sans bornes. Ses concitoyens, nous

!'avons dit, lui conférèrent les fonctions de grand prêtre et lui

élevèrent une statue après sa mort. II leur avait donné de la

philosophie une si haute idée qu'en son honneur ils exemptèrenttes

philosophes de tout impôt. Son disciple NausiphanèsM,le

mêmepeut-être qui fut te maître d'Épicure, avait été séduit

par ses discours, et on racontequ'Épicuro* l'interrogeait sou-

vent sur le compte de Pyrrhon, dont il admirait la vie et le

caractère. Comment croirequ'il eût exercé un tet ascendant sur

Nausiphnnès, esprit indépendant, et sur Épicure, si peu soucieux

de lalogique, si sa principale préoccupation avait été de mettre

des arguments en forme f H parlait de morale plutôt quede

science, et sa vertu donnait à ses discours une autorité que

n'ont jamais eue tes raisonnements sceptiques.

Mais ce qui plus que tout le reste témoigne en faveur de

Pyrrhon, c'est l'admirationqu'il inspira à Timon. Timon n'avait

('• Fin. H im .'ici Ut inter optimevalereet gravissimeii'|;rolan>iiiliipromis ilicoronl intéresse. »

Slob., Servi., mi, 3 S ttvppwlÀeyeppSèvinÇipeivÇiivil tcVl'îni.

t)ii>|j.. «7.

I>io¡:" 1i!1. m.

Page 79: Les Sceptiques Grecs Brochard

H MVRfil. CHAPITREHt

pas -.1 admirationfacile, H est l'inventeur dos Sillmelpersifla

avec mu! maliceimpitoyable mt grand nombre il»

pHiiosoplu»,entre autres Platon seul l'y* rrhon- trouvagrâce devant lui. QuandTimoa

parie do son nrattre, c'est sur le ton de l'enthousiasme^1*«Noble vieillard s'éerie-t-il Pyrrhon comment et

par quel che-

min as-tn suéchapper à

l'esclavage des doctrines et des futiles

enseignements des sophistes ? Comment as-tu brisé tes liens de

l'erreur et de la croyance serviteï Tu ne t'épuises pas à scruterla nature de l'air

(lui enveloppe la Grèce ni iti nature et la tinîle toutes choses. Et ailleurs (i> «Je l'ai vu

simple et sans

morgue, affranchi du ces.inquiétudes avouées o« secrètes, dont

la vaine multitude des hommes se laisse accabler oit tous lieux

par l'opinion etpar les lois instituées un hasard.

» sPvrriion,

jo désire ardeinineat apprendre do toi conuncMU, étant "encoresttr la lerre, t« mèut-s une vie si lieurciuse ut

traitt|iiilte, com-

ment, seulparmi tes jitorti'ls, tu jouis de lit félicite des Diuux.»n

<>esvers font n»t«relteineut penser à ceux où Lucrèceexprime

sicloijuetnmenl son admiration pour Ëpkure c'est le inùim

sentiinetit, lu inùtrtu effusion dedisciple entliousiaste. Mais encore

faut-ilreuniruuer <{uo Liurèie n'est pas tut railleur de profes-

sion ily a toi» du grave et sévère Kouiain au Grec spirituel et

mordant, àl'esprit «lélié et subtil, prompt

à saisir tuus les ridi-

cules et àdémasquer toutes ks affectations. lî« outre, Lucrèce

n'avait pas connu personnellement Épieure Timon a vécuplu-

sieurs années dans l'intimité de Prrrhon. Quelle solide vertu il

fallait avoirpour résister à une pareille i-preuve, et

«|uet- plusprécieux témoignage pourrait-on inv«H[tier en l'honneur de

Pyrrhim «pie lerespeet .pt'il sut

inspirer à l'ancien saltim-

l>aiif|tie

Il nous est bien dillicile, avec nos habitudes d'esprit modernes,de nuus

représenter cepersonnage oit tout semble contradic-

toire et incohérent. Il nous est donné connuesceptique, et il

l'est eu effet: pourtant cesceptique est

plus que stoïcien. H ne

ilJI)io|(i5.

'"• Eustib.. l'iap. (t.. U-. cil.

Page 80: Les Sceptiques Grecs Brochard

-WttHON. 73

( t' Itl..00- 1 s k ~t .f .e

se borne pasà dire «Tout m'est <%ttï», il met au théorie eu

pratique. Oh » v« bien des hommes, dans l'histoire de ta pitilo-

KO|)hi« et dos religions pratiquerte détachement dos biens du

monde et le renoncement absolu; mais les uns étaient soutenus

par I*csj>oird'une

récompense future; ils attendaient le prix de

leur vertu, et les joies qu'ils entrevoyaient réconfortaient leur

courage et les assuraient coutre eus-memes. Los autres, à défaut

d'une tulle espérance, avaient tut moins undogme,

un idéal,

auquel ils faisaient. te sacrifice de leurs désirs et de leurpur-

sonne le sentiment de leur perfection était au moins une coin*

pensution à tant de sacrifices. Tous avaientpour point d'appui

tmo foi solide. Seul, Pyrrhon n'attend rien, n'espère rien» ne

croit il rient pourtant il vit comme ceux qui croient etuspùreitt.

Il n'est soutenu par rien et il se tient debout, H n'est ni .décou-

ragé ni car non seulement it ne su plaint pas, mats

croit n'avoir aucun sujet de plainte. (le n'est ni un pessimiste ni

mi égoïste; it .s'estime heureux et veut partager avec autrui lu

secret du fiaidieur qu'il croit avoir trouvé. H n'y a pas d'autre

terme pour désigner cet état d'âme, unique peut-être dans l'his-

loire, que celui-là même dont it s'est servi «'est un indifférent.

Je ne veux certes pas dire qu'il ait raison niqu'il soit un modèle

iuimiter; comment contester au moins qu'il y ait là un étonnant

/«.vemplede eu que petit ta volonté humaine?

Quelques réserves

qu'on puisse faire, il apeu d'Iiotnnies qui donnent une plus

haute idée de l'humanité. Eu un sens Pvrrlton dépasse Maic-

Auièle et Spinoza. Et iln'y

avaitplus qu'un pas il faire

pour

dire, commequelques-uns

d«i sesdisciples l'ont dit rj, que la

douceur est le dernier mot du scepticisme.il

n'ya

pasà

s'y tromper, il faut reconnaître là l'influence de

l'Orient. L'esprit grec n'était pas faitpour

de telles audaces

elles ne furent plus renouvelées après Pyrrhon. Lescyniques

avaient bien pu faire abnégation de tous les intérêts humains,

mépriser le plaisir, exalter lit douleur, s'isoler du monde mais

Dioj; io8 T«i« xai tili»iwiÛmv, &/<«<Sè»i>i>trpaéinta

«Âos ehtiv

ixai toit owalixoCs.

Page 81: Les Sceptiques Grecs Brochard

7t MVKB l. – CKAlHTUfK lit.

~1c «ait en

prenant 1 égard dus autn» tut Iond'arrogance et de

défi, et dans cette vertu d'ostentation, et doparade, l'orgueil la

vanité et r%olsme trouvaient leurcompte. Plus sérieux et plu»

sincères pout-dtro, les stoïciens, ou du moins tesplus illustres

d'entre « renoncent à cette vainc affectation et sepréoccupent

moins d'étonner les autres(lue de se mettre discrètement et

honnêtement, duns leur for intérieur, d'accord avec la raison.

Mais, sans compter qu'ils admettent encorequelques adoucisse-

ments» il y a en euxje ne sais

quoi d'apprêté et de tendu ilsse raidissent avec un merveilleux

courage, mais on sent l'effort. t<Chez Pjrrhon. le renoncement semble devenir aisé, presque «naturel il no fait aucun effort pour se singulariser, et s'il a dulutter contre fui-mèiie

(car on nous assure qu'il était d'abordr'

d'un naturel vif etemportiî), sa victoire semble définitive. Il vit

comme tout le monde, sansdédaigner les

plus humbles tra-

vaux il a renoncé à toutes lesprétentions, même à celle «le la

science, surtout à celle-là. Il ne se donnepas pour un sage

supérieur aux autres hommes et lie croit pas l'être; il n'a pasmène l'orgueil de sa vertu. H fait

plus que derespecter les

croyances populaires, il s'y conforme, fait des sacrifices aux idieux et

accepte les fonctions de grand prêtre; il neparait pas a

les avoir remplies plus mal qu'un autre.

C'estl'exemple des

gvmnosopbistes et desmages de l'Inde

e

qui l'a aineiw à ce point c'est dans l'Indequ'il s'est assuré

quela vie humaine est

peu de chose et qu'il est possible do le

prouver. Les leçons de Bryson etd'Anaxai-que avaient

préparéle terrain l'un, en lui

enseignant ladialectique, lui en avait

montré le néant; l'autre luiavait appris que toutes les opinions

sont relatives, etque l'esprit humain n'est pas fait pour la vérité

absolue. Lesfjymnosopliistes firent le reste, et lui

apprirent,mieux

que par des arguments et desdisputes, ta vanité des

choses humaines.

Ce n'est point là une conjecture. Diogènc'" nous ditque s'il

c

tX. (W.

tl

Page 82: Les Sceptiques Grecs Brochard

PÏRKHON. 75!-i lClilIlIfW (f

cluucbatt h solitude, et s'il travaillait à devenir homme de

bicn, c'est qu'il n'avait jamais oublié les paroles du l'Indien(lui

avait reproché hAnaxartjiif; d'ôlra incupaltlo d'enseigner aux

autres la vertu, et dufréquenter trop assidûment te

palaisdes

rois.

Pourtant il faut se garder de diminuer l'originalité doPyr-

rlion, et de te réduire au rang d'un simple imitateur de ia

sagesse «H-tHiitale il estplus et mieux qu'un gyniiHisopbisfe

indien. Nous connaissons mat tespensées de ces sages de l'Orient

et nous ne savonspas par quelles raisons ils justifiaient lotir

renoncement. Mais si, coriune il estpermis de le présumer,

c'est surtout des préceptes du Bouddha qu'ils s'inspiraient, on

voit lu distance «fui l<« sépare du tirée savant et subtil, expert à

tous les jeux de ln dialectique, informé de toutes les sciences

connues de sontemps.

Va n'est pas uniquement sous t'influence

de la tradition, de l'éducation et del'exemple, que le contem-

porain d'Aristote est arrive au même état d'aine. Ce n'est

qu'après- avoir fait en quelque sorte le tour des doctrines philo-

sophiques comme il avait fait lo tour du monde, qu'il s'est reposédans l'indiiïérence et

l'apathie, non parce qu'il ignorait les

sciences humaines, mais parce qu'il les Connaissait trop. il jointla sagesse grecque à l'indifférence orientale. et ta résignationrevêt chez lui un caractère de grandeur et (le gravité qu'elle ne

pouvait avoir chez ceux qui furent ses modèles.

Knrésumé, l'enseignement de Pyrrhon fut tout autre que ne

le disent la plupart des historiens. Oit ils n'ont vitqu'un scep-

tique et unsophiste,

il faut voir un sévère moraliste, dont on

peutà

coup sûr contester les idées, mais qu'on nepeut s'em-

pécher d'admirer. Lescepticisme

n'estpas pour lui une fin c'est

un moyen; il le traverse sans s'y arrêter. Des deux motsqui

résument tout lescepticisme, é/mijuc et adiapliorie, c'est le der-

nier qui est le plus important à ses yeux. Ses successeurs ren-

versèrent l'ordre et firent du doute l'essentiel, de l'indifférence

ouplutôt de l'ataraxie, l'accessoire. En gardant la lettre de sa

doctrine, ils pu altérèrent IVsprit. Pyrrhou eut souri peut-être

Page 83: Les Sceptiques Grecs Brochard

W LIVRE k-GH/tHTKK If t.

et montré({Uetque compassion, s'il «ftt vu Sexto»

Empirions sedonner tant clo

pota» pour nissemblor en deux indigestes etinterminables ouvrages loin les arguments scepiiijuus. II arrivait

a ses tins bienjjIiis simplement. Il fut avant tant uu désabusé

il fut un ascète grue.

Page 84: Les Sceptiques Grecs Brochard

îîmon de imiumm 77

CHAPITREIV.

TIMON DR FIIMONTR

Pyrrhon eutplusieurs disciples. Timon est le plus célèbre de

tous tes autres étaientEuryloque, Phiion d'Athènes, Hécatée

d'Abdèra, Nausiphaiwsde Téos. Dbgôneî» cite cil outre parmi

ses i'jiinilicrs(oW0e«s ) Numénius. en supposant que Nu-

inénius eut «Hé un pyrrhonien, comme il est nommé avec Mnési-

dème, il estimpossible de- savoir si ce

philosophe était un con-

temporain de Pyrrhon, ou s'il n'a vécu que lonr-teniris aprèslui«>.

« t

S'il est permis de hasarder une conjecture au sujet de ces

obscursphilosophes, il nous semble

qu'ils étaient moins les

(lisciples.au sons précis du mot, que les admirateurs dePyr-

rhon, ses familiers ou ses imitateurs. Si eneffet Pyrrhôn,

ainsi que nous avonsessayé (le l'établir, n'avait que fort peu de

doctrine, comment aurait-il fait école Oncomprend, au con-

traire, que quelques-uns do ses contemporains ^vivement frappésîle sa manière de comprendre la vie, l'aient pris pour modèle, et

aient essayé de continuer, non son enseignement, mais ses

exemples.Cette

interpolation est confirmée expressément, pour deux

(l) IX, 103. Sur ce passa|;<>, voir ci-dessous p. 89.

» Suidas (GiôSapot) cite encoreparmiceuxqui ont enlimdu Pyrrhon,TIiôo-dore t'atliép. Il n'y a lit rien <l'im|»ssili|e, cl on .1 pu iiMÎnie (Tcunoiiianu, Hit-foire de h

phihtopliie, t. I, Irail. Cousin) atlriliucr ù Tbi-uilure tes formules très

voisines du pjrrlionisinu. oinjilcniV* |kh- t.s cvrwimîqiics. Cic., Ae., Il, uvi, i/ia ï

'l'rrter |iermotion<» iiilinms iiiliil pntnnt t-sst- judicii.« (T. Plut., Ade. Colul., «/1,«; Setl., M..V||, .91.) |J scmlilcloulffoispliisprabsblftqui' ces formulesétaientplus anciennes «l remotilaù'iit à Arisli|i|ic lui-im'mc. Voir Zeller, «p. ni., t. Il,

p. 3oh. V Anfl.. cl ri-dcssii-s ji. -ig.

Page 85: Les Sceptiques Grecs Brochard

78 U fim L – CM» l*IT RE f V,

ait iHoifis «lesphitosojiht-s qu» nous sont donnés comme ses

disciples. Pitilon d'Athènes, ainsi tjue l'attestentauthentique-

inéiif deux vers do Timon, n'était d'aucuneécole (èti&xxtàos) c

il vivait dans la plus complète indépendance, loin de toutes tes

disputes, et philosophait pour son propre compte. «Fuyant los

bomines, dit Timon, étranger a toute dcole, ne conversant

(ju'aeer Ini-raâme, Philon ne se soucie ni de» la gloir» ni (les

disciples fli.»

De même, Nausiplianes témoignait à l'égard de son maître,en mànii li>raps qu'une grande admiration, une grande indé-

pendance. U disait qu'il fallait imiter la manière de vivre é»

Pyrrhon (y(veo(ku m SiaÛéaews rns ïïvppvvsiw), mais s'en

rapporter à soi-mêmepour

les idées (râv X6ym xëv êoanoS).Cette distinction de

Nausiphanes, entre ta <ftrf0eo-«s(jfcles Myat,est très significative, et

marque bien le véritable caractère de

l'ancien|tyrrhonisnic. Au surplus, Nausiphanes n'a pu écouter

bienlongtemps les leçons de Pyrrhon; car il a été lui-même le

maJlred'Ëpicure; or Kpicure a ouvert son école vers 3 1o av. J.-C.

et il neparaît pasfâ que Pyrrhon ait

puêtre de retour ù Élis

avant 333. Ajoutons «juo Nausiphaites appartenait plutôt à

l'école do Démocrite qu'à celle de Pyrrhon Cicéron r<>ppelleDémocritêen i3'.

Eu n loque ne nous est connu que par une anecdote. H lui

arriva, raconte Diogènc, de s'irriter tellement contre son cuisi-

nier, qu'il saisit une broche chargée de viandes, et le poursuivitainsi

jusque sur la place publique. Le fait que ce seul trait est

arrivéjusqu'à nous, n'est-il pas un indice

que pour tous ces

philosophes, la grande affaire était moins de raisonner que de

vivre impassibles et indifférents, et que la malice d<>leurs con-

temporains, curieux de voir s'ils tiendraient leur gageure, enre-

gistrait soigneusement tous les traitsd'inconséquence qui

pouvaient leur échapper? fiurylorçue lui aussi avait peu de (»oât'

f»i«i[., IX, Gy; Miillacli. firof;. l'hito». Grœcor., l. I. jj. i>i, ter* Hu.;li

Mit, aii.nl., I. IV, | 'm. noli- i.51

ljr.5nt.t'je..l, ttve. 73.

Page 86: Les Sceptiques Grecs Brochard

'rt-NIO9. ttË t'ttf.fÛXTK. 79

~uai ~.[;(t1 .–

"lll"dit

peur litdispute; «tnsi f>iogèntt«* raewnie <juç pour se soustraire

aux questions (j«fon lui «dressait, il jeta suit manteau et traversa

l'AlpIwe à ta nage, il était, dit encore ÏKogène, l'ennemi déclarédes

sophistes.

Sur Hécatée d'Abdère nous avonsquelques renseignements

plus précis. Il vécutauprès do Ptolémée

Lagi etl'accompagna

dans sonexpédition

enSyrie»». Joseph» («l'appelle ^xjnfto

#(i* xalmpï ràs vpdÇsts tmvéturot d'où on

peut conclure

qu'àses

yeux lapratique et l'action avaient bien

plus daprix queta théorie. Hécatée avait composé un livre sur la philosophie des

Égyptiens, puis desouvrages étrangers, à la

philosophie»», entre

autres un livre sur les Juifs et Abraham <w. C'est un trait(lui ltti

est commun avec Timon. Cesphilosophes, après avoir demandé

à laphilosophie tout ce

qu'elle pouvait leur donner. c'est-à-dire

unerègle de conduite, s'adonnaient à d'autres travaux.

I. Le véritable successeur de Pvrrhon, le confident de ses

pensées et l'héritier de sa doctrine fut Timon w.

Ilnaquit

Wà Phlkmte vers 3a& av. J.-C, et mourut à

<»D«)B.,tS,

« Cepliilosopt.0 lit. doit pas élro confond» (it Ta êU) avec UécMéo de Miletttelonon Voir Paul}-, lieat.

Eneptop.«- ifarlfaiiMMNMi.fi, Stuttgart,Melilcr, i83j.

m Gmtr. Apiait, i, as.

w l'hrt.. De ItMe et Otirié, <>; |)iog. I, 10.

«» iosèphe, /oc. ei».Cf..liifry. Juâ., l, tu,

<•» Scsi., M., I, 53 Ô «po(f»iftiis t<3i>lliîppiiTOs ^«v T/puv.«''Pour Brar la ilatr.de ïimo», voici les rcnseignomeiils donl nous disposons

•i il fut disciple de

Stilppn, Diog. K, o9 »• il vécutqualre-riogl-dir ans, ,bid.

i«a; .1" il survécut à hnésWu, car il composa unIhttqutl funèbre d'Are^silos

.>4; e"G" il r"ll'anli de tac><les- «««esscw dArcoalas, avec lequelAUieitcc (X, hU) rapporte qui» lui arriva de s'enivrer. (Cf. Élien, IW Hi$K, HS i ) Or. Stiipon ne parait pas avoir »«•«. au delà des premiùres années du .»• siècle(Zeller, op. al., 1. Il, an, i). On peut croire «,»e Tiiuon, qui avait été danseuravant d être

pl.ilosoj.lie. «toit âgé ,|Vm ironvingl-ci.uj mis lorsqu'il arriva à Atyorec« qui pfc. la ,lal« de sa naissance ,ers ;{a5. La date de » mort «rail alors à;ï5

coijm concorda bien avec tes auinsreieoisncnients .toêiilas mnuriil vw ,j, r

!r l' IV> !'• *»«• 3>> et <fatls l'>'»«'i-vallc qui sépare cette dal<- de lau ,35,Imiioii eut i,,ut (“

!«,“,“, Mie,«aiB. lwm. flianuer d'opinion sur lo compi,; ,1'Arc.

Page 87: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVRE r. – CHAPITRE IV.

Athènes vers a$k II 'exerça «l'abord te mfam <te immin puis

il y renonça et alla à Mégare, où il entendit Slil|)nn. Huvenu

ensuite dans sapultie,

il a'y maria-, jnii* il alla trouver Pyrrhon

ù Elis; à cette époque Timon était déjà célèbre. Lapauvreté

io

força à partir; il se rendit à Chalcédoine, où il s'enrichit en

enseignant, et accrut encore sa réputation. Enfin, il s'établit à

Athènes, et sauf un court séjourà Thok's, il y demeura jus-

qu'àsa mort {l).

Malgré sa vive admiration pour Pyrrjton, Timon ne l'avait

pas pris pourmodèle en toutes choses. On a vu qu'il ne se

résigna pas comme lui iVlapauvreté;

il n'eut rien nonplus

de

cette gravité et de cette dignité, qui conquirent à Pyrrhon la

vénération et ta confiance de ses concitoyens. 11 fat à certaines

heures fort peu philosophe; divers témoignages nousapprennent

qu'il aimait a boire, et s'il faut en croire Athénée tî!, il n'avait

pas perdu cette mauvaise habitude, infinie ti la fin de sa vie, té

IVnoque ou il connut Lacydes, le successeur d'Arcésilas. Cepen-

dant, on cite de luiquelque* traits do caractère, par où il se

rapproche de soit maître. Il aimait comme lui la solitude et les

jardins, et faisait preuve, du moins « IVjjard de ses propres

ouvrages, d'une assez grande indifférence.

C'est surtout par son esprit vif et mordant par sa méchan-

ceté que Timon est reste célèbre. 11 exerçait sa verve railleuse

sii.is qu'il avait cl'alidn] l'oit uraltrnilu, e\ qu'il tuita i'iisuit« iliins k- HipiSsmuov,

puis |inur tlcveitir failli df Lacyes, i|uc sans itunle il n'avait |ui cnnniiiln: «lu vivant

•rAreé>ila% 0» voit donc <|iie <VsE à tort qui» Ililtcret l'eidlur (llisl.fhit. Grtec. et

ttvm,, .'{57, 6" Aull.) (•! Wiickiiiiilti (Oc Timuiie l'hlium, |>. 5, U'ipzi; i85j|)

ilccl.triMit «(tic Timon u'a pu Hrc <lisei|it« de Stilp«it il n'y n jras île ttillicutli

i:bronnto<iii|iieà nilniPttm te l«-iii«i|;n.i|t tl« t>iii(>i'iut sur i-c p«inl.

Qui>|i|ites liisl«iii>n* uni «u pouvoir ••«nclm-c A'un pns-^ijn- do f>i<}(;t-ifo

(i«;( Sitùav iaipump êSilaÇs) <|m- Timon élail aussi ini-ili><-iti i>l ils wml [Mirtitde là [«un- dire

i|iiotl«t ct'llc p|m<|He te scepticisme avait .iv<îc ta iiKJdccintr d'étroites

alliniti.'s. Mai» il est bien peu vniisi'intil.ililv rpt» Tiniwi dmis<-w, |»«'l'' et pliiln-

so|ili>», ait micorir i!it lir ti-iii|is lïittv médecin. F,<> pas«i<;o tic DinQÎMU) sijjnilÎH sim-

plement (|ii*it lit apprendre In iiièderine à son fils.

'»> V, p. ft:«r i>Ip.; Rlien. Kir. Hi«f.. tili. Il, r,u DioBcnc l'appelle aussi

?w««i»i, no; mais Waclistniilh (op. cil., p. 8) dit avec raison (pie ctt passivedoit «Hre coitij»(; et ijn'il fmt lire Çi^o*omtiif.

Page 88: Les Sceptiques Grecs Brochard

TIMON DE PHLIONTK 8i

t.

sur fausles sujets, et aux dépens de tout le monde; if

n'épargnait

pas sa propre personne; comme il était borgne" il s'appelaitlui-m^me lo

Cyelope,et

plaisantait volontiers sur son infirmité.

Mais ce sont surtout lesphilosophes qui furent en butte à ses

sarcasmes; il paraît s'être acharné particulièrement sur Arcésilas

si doux pourtant et si aimable, dont tes opinions présentaientavec les siennes plus d'une ressemblance. Un jour (ju'Arcésiio»'2'traversait ta place des

Cercopes, il lui cria «Que viens-tu

faire au milieu do nous autres, qui sommes des liomrnos libres?» >t

Une autre foi», comme Arcdsilas lui demandaitpourquoi

ii dtatt

revenu de Thèbes «Pour vous voir en face, repondit-ii, et

rire do vousw. » II est vraique plus

tard il se réconcilia avec

lui, et fit môme son éloge dans l'ouvrage intituléBanquet fu-

nèbre d'Avcésilas.

Timon avait composé un grand nombre d'ouvrages; des

pommes épiques, des tragédies, des satires, trente-deux drames

comiques, puis des livres en prose qui n'avaient pas moins de

;to,ooo lignes w. Parmi ces derniers se trouvaient le Tiepî

<tloO)tazù>v(i\ hYlvOav^'Kprobablement ua dialogue entre lui et

Pyrrhon, qu'il avait rencontreau moment ou it partait pour Del-

phes;et

peut-être un livre ïlfArtoif tyimxoèt 'et kpxeeniéo»^

atptSsïrrvop. Ajoutons enfin les tombes^, les Images (it»5«Xpo/}tIOÎet les SiUes; ces deux derniers ouvrages sont les seuls dont it

01Diojj., IX. tta, ni.

«>Ibid., ti k.w Ces ieiilesde Diugèimoù sf iimuifeslcla niouv.iisohumourde Timoncontre

Areifilns sont conGruu» par plusieurs vers des Silles, où le fondateur de la iiuu-

velte Académieest fort fiialineiic.Voirentreautres frag. irm, in, cdtt. Watlt*-inulh.

'«l>io({., IX, m.

«I /*«/ io».

? Iliiit., 6»; Arisloc. ap. Kiisol»., Pru-p. evang., XIV, uni, th.

ra Sent., .1/ III, a. –du sVstparfoisdemandési ecl ouvragen'était |»ssim-

pli'incul imo partie des Sillei (Tcnnemann, Gtuk. l'Itilos., u, p. 177; l'ait!

DeSittis, p. «;>).">

Wiojj., IX, 115.'" Ibid., 110.

Sextus, M., Kl, jo. ftiog. IX, i«5, 65.

Page 89: Les Sceptiques Grecs Brochard

82 LIVBBi. – CHAPITREi V.82 LIVRB t. CHAPITRE «V.

nous soit parvenu quelque» fragments, cinq«h six vef* «lufe

ImagetM, et environ cent cinquante des &<?*.

Les Silles sont de beaucoup l'œuvre tu plus importante de

Timou c'est de là que lui est vorni te nom de mllograplie,et il

faut que ces poésies nient été souvent lues dans l'antiquité,car

elles sont fréquemment citées par Diogène, Sextus, Afhénde, à

(lui. nous devons les fragments conservés. C'était un poèmesati-

riqueen vers hexamètres, dont chacun paraît avoir été une pa-

rodie d'un vêts d'Homère'*1. Tout co que nous savons de certain

sur la composition de œ poème, c*est qu'il comprenaittrois

livres le premier était uno expositioncontinue {aùtoSnfynrov

r

%si tùp ippttmh»}®;le second et le troisième avaient la forme i

de dialogue Xénophane de Colophon, répondantaux questions

de Timon, passaiten revue, dans le second livre, les anciens

philosophes,dans le troisième les philosophes

modernes. Tous

trois traitaient le même sujet,et étaient consacrés à injurier

et

à couvrir de ridicule tous les philosophes.

Wacu$i»uuY(t>, d'une manière très ingénieuse, a essayé de

reconstituer l'ensemble de l'œuvre. Le premier livre serait une

descente aux enfers, une vsxvta, imitée de celle d'Homère

Démocrite, Pythagore, Pannénide, Zéno» d'Élée, Mélissus,l

Platon, Zenon de Cititini, Aristote auraient tour à tour été dis- il

JÎHgués par Timon dans la foule des ombres, et chacun aurait

été caractérisé par tluelque réflexion, généralementdésobli-

géante. Pytlmgore n'est qu'un charlatan impudent et ignare;

Heraclite, un déclamateur criard qui injurie tout le monde;

Platon, un hâbleurqui

n'est pas dupe des mensonges qu'il in-

vente; Xénophon un pauvre écrivain; Aristote un vaniteux insup-

i') 1.09fragmentsde Timonsonlremis dans Mullacli, /•ragriit.Philo*.Grœcar.,

I. I, p. 89. Cequi nous est reslo des Silles a été publié avec grand soin par

Wacbmuth,0cîi»i«fi« l'htiatiu. l.ci[izi| «85y.

VVVlianiKth a eu soin itfftiler, en regard des vent <li>»Silht, ccik do i'Iliaile

ou de \'Oilysiée dont ils ont la parodie. i

»Biog., IX 1 1 1. Cf. Aiïstre. /oc. cil. a» «a'»t«« toi* ««Sirote Qtlooo&ioantK

j!f&«~'))t<);Xt.

11 (if. ril. |i. 1 7 ci 'ii/.

r

Page 90: Les Sceptiques Grecs Brochard

TOION f»R FHfJONÏ'B.8»

\os.

1:.

~#,

porlahfo; Phétfon «t ÉncBde» desesprits ferles, <mi ont jnfra-

duit à Mégare la rag« do fa dispute; tes académiciens» desbavards sans esprit (1>.

Tous ces philosophes se livraient à unegrande discussion,

une lofpmwhie assourdissante analogue aux combats racontés parHomère et dont la foule des ombres applaudissait ou sifflait les

principaux épisodes. On voyait surtout la lutte de Zenon de

Gitium contre Am'sitas «l'ai vu<*>,dans «ne fastueuse obscurité »une vieille Phénicienne, goulue et avide de tout elio

portaitun tout petit filet»1 «jui laissail

<5cb|>per tout cequ'il contenait,*

et. elle avait un peu moinsd'esprit cjn'une guitare, Puis Arcé-

silas, le combat fini, « ayant ainsi parlé •«, se glissa au milieu dela foule. On se pressa autour de lui, comme des moineaux au-

tour «l'un hibou et on s'extasiait en montrant k sot person-

nage. Tuplais it fa multitude c'est bien peu de choso, malheu-

reux! Pourquoi t'enorgueillir comme un sot?»»

Enfin, paraissait Pyrrlion!5! «auquel nul mortel n'estcapable

de résister». Ilreprochait à tous ces

dispaleurs leur fureur et

l'inanité de leurs discours, et finalement rétablissait fa paix. Ici

se plaçait l'éloge de Pyrrhon que nous avons cité plus haut.

Dans le second livre on voyait arriver Xénophane. Timon

fui demandaitpourquoi il n'avait pas pris part au combat

pré-cédent il répondait en

témoignant son mépris pour tous les

philosophes, et ilexpliquait comment if avait dierchiîla sagesse.

sanspourtant parvenir à l'atteindre, honneur

(lui était réservés

à Pyrrhon.

Enfin le troisième livre disait leur fait auxphilosophfs les

plus récents, contemporains de Timon.Épicure n'y était pas

mieux traitéque Cléantlie et les s(oïci»>ns les

philosophesd'Alexandrie n'étaient

pas plus épargnés que ceux de l'Académie.

>» Mlltlacli, tw. al.

« Mull.,«r.8H.01 Allusion mut

•mltlilifw caitlimigps de» sloïeieiw.w

Slull., y. 7fi.!l> Vers i«C, Oiïk &v Jil flippmi y'ipl<toem- §ptnit i>.iot.

Page 91: Les Sceptiques Grecs Brochard

84 UVRE I. CHAPITRE IV,

C? I '11( X% •• -«.

"* w ï «a ï.– «jH.iri i niv i ¥,

Si(datisible (|uvelt<j soii, celle reconstitution uo repose, d<?

l'aveu (le son auteur, que sur une conjecture ce qui est cer-

tain, c'estque Timon parlait des

philosophes sur letoit le plus

méprisant et le plus injurieux. On voitpar

là combien il est

loin de Pyrrhon. Son maftre dédaiunait les philosophes parée

qu'ils se contredisent Timon lesoutrage.

Il y aquelque analogie entre ses

procédés et ceux des cy-

niques. Antisthèim et Diogène estimaient aussique la science

est inutile»'; ils critiquaient les iymSxXta (utfiffiunaM, et cri-

blaient de leursépigrammes les (logmatistes. Eux aussi se

plai-saient aux parodies111. Sans doute, Timon est avant tout un

sceptique: mais cequ'on vient de voir montre

qu'il y a aussi

quelque chose de la manière grossière et insultante des cy-

niques chez l'ancien saltimbanque.Il nous reste aussi

quelques fragments (treize vers) du livre

de Timon intitulé tes Images (î«*<5«).p<»')W.Vraisemblablement le

passage conservé par Dioyène était le commencement du poème:Timon demandait à son maître Pyrrhon le secret de cette sa-

gesse qui l'élevait au-dessus de tous les autres hommes, et per-mettait à ses

disciples enthousiastes «le lecomparer au soleil.

Pyrrhon répondait ensuite à cette question et nous avons aussi

le commencement de sa réponse (5t. H nousparaît évident (au-

lt>Diog.. \>l, K,3.

'»Diog.,VI, to/i.

!>1Waelmmilli,op.cil., p. '46.

Diog., lX,(ir>tToCto pu, & lUpptni, ifielpnii Jrop ikowau

a$( mu' ân)p h' iytts «raVra («jO' iaw/ins

\twvot i'àvOpûnatat béov

Tfvnmt iryeyiweias

St aipl -aZattv è'/Sv ynïw àvxolpétpetaiieiKvis eiidprov aÇvipnt -ovp«*v«>p* xix/ov.

Ui Ann iJemwrs vore sont cités par Soilns. St. l. 3of> ils sont CTitlcnmiiiit

la suite fat premiers.Sett.. iL, XJ. ao.

fl yèp iyùv épia & (loi xm^afeetai elra,

(iv9oi> ti.ïiOeinf ùpOùv iyjtv xwivn,

ût » tov Beiuu repimt xmiiynOoiiki

é~ trK~iaré*axos yin_xxr xvdpi jStOt.

Page 92: Les Sceptiques Grecs Brochard

Ï1M0N M PliyôKM. m

feint qu'on jw»l parler d'évidence avec des documents si insuf-

fisant»} que ks ipSalpoi étaient un vrai traité de morale à ten-

dances assezdogmatiques

îft. Ils renfermaient, si nous nous

sommes fait de l'œuvre doPvrrlum une juste idée, la

partieessentielle «lo l'enseignement sceptique primitif. Les Sillet étaient

une œuvre depolémique &t de destruction les Images, une

œuvre de construction; on y enseignait le moyen d'être heu-

reux, c'est-à-dire de trouver le bonheur dans Pataraxie et l'in-

différence.

Suivant IfirzeP, il faudrait entendre pr îvSak\xo( les imagesou plutôt les phénomènes, les représentations sur lesquellesnous devons nous régler dans la vie pratique. Timonlïl parattavoir déjà été

préoccupé de J'objcction qui devait <Ure-taiit de

fois répétée dans la suite le doute rend toute action impos-sible. Il ne faut pas, répondait Timon, demeurer inerte; il

faut agir. Pour agir, il faut un critérium un critériumpratique,

Vu critérium, qui n'est autre choseque l'alarasie, permettra

dedistinguer parmi nos

représentations (hSàXftoi) cellesqu'il

faut suivre et celles qu'il faut écarter. Delà, une suite depré-

ceptes, dont nous avons peut-être un échantillon dans un vers

cité par Athénée !4), et qui auraient été le contenu du livrede Timon, analogue par ce côté aux traités des stoïciens, ou

plutôt au Uspï eùthtiiw de Démocrile.

Mais cette conjecture de Hirzel nous semble fort peu vrai-

semblable les raisons dontil l'appuie sont bien subtiles. Cont-

ment croire que Timon, s'il avait voulu parler seulement desimages vraies ou utiles, eût intitulé son livre ïvSaXiwi sans

aucune qualification? Il estplus probable comme l'a

conjecturéWacbsmutli W, que le mot hSaXptol est

pris ici en mauvaise

Voy.ci-itaaus, p. 6s.«

Op.dt., i>. 5i,(io.

'» Se*l., M., VII, s<j.Vtlt, :07, t\. ttayKÛ'jX Si «ai à T/(i4>i. {$»

sraVtue (iii> v(i'Jma7a xtxâv îmOvpiv èaii».

s» Op. cil., p. 11.

Page 93: Les Sceptiques Grecs Brochard

86 L1VHB l.– r.ltM'lTRB IV.

part; il s'agit desimages

ouajjpurencos trompeuses quo la fausse

sagesse des |>lûk>s«j>lu>t;,suivant Timon, oH're à l'esprit humain,

et qui sont le |irinci|mtobstacle à la vie heureuse. C'est en ce

sensque

te mot est employé dans un vers de Timon, emprunté

aux \»Sakttoiil\ L'endroit môme où Sextus place ce vers, au

début de son chapitre contreles moralistes semble indiquer que

ce vers était deveuu dans l'École une maxime courante, qui do-

minait toute ta morale et résumait nettement la pensée scep-

tiquesur les

questions de cet ordre.

11. – Laissons maintenant de côté lesconjectures, et es-

sayons, à l'aide des divers fragments quinous ont été conservés,

de recueillir quelques indications précises sur les sentiments et

les idées de tour auteur. Ses opinions ne diffèrent guère de

celtes de Pyrrhon, puisque c'est par tui qu'on connaît Pyrrhon.

fi y a pourtant quelques points à éclaircir.

Parmi tes anciens philosophes, les seuls qui aient trouvé

grâce devant Timon sont les éléates, Démocrite et Protagoras.

Nous avons vu que Xénophane est le principal personnagedes

Sillet c'est ttti qui passe en revue toutes les doctrines; c'est

sous son nom queTimon distribue l'éloge et surtout le blâme.

Il parle avec admiration de Parménide(2J «Le grand et illustre

Parniétride a montré que les idées sont de vaines apparences.»

H loue l'éloquence de Zénon. et Mélissus n'est pasoublié. Pour-

tant, en mènetemps qu'il leur adresse des éloges. Timon fait

des réserves c'estque

ces philosophes n'étaient pasassez

scep-

tiques a son gré ils ont approché de la perfection; ils ne l'ont

pas atteinte Mélissus était supérieur àbeaucoup

depréjugés,

non pasa tous3'. »

Quant àXénophane. Timon le représente

se

«« Sral., M., XI, i:

M>jrapMs^'ifàùpok nivïàyw aoÇini,

Vvi-f. I» comdion «le Bsrgk. (Ontiin. cri't. Sj«c, I, p. A.)

"> Mnliiich, ao-ii. •!3-aO.

n Mulfach.»

lUc SUstaouv

zruücvv ¢amaa~w trt~v~.r rsavp ~rv ye fttf ii'1(J~t.

Page 94: Les Sceptiques Grecs Brochard

TIMON UK PHMONTB. 87

désolant d'ttïoîf été trop longtemps égaré et d'être arrivé à h

vieillesse, sans avoir atteint la vraie sagesse t *Car dequelque

cotéque

se tournùt mon esprit. je voyais que toutes choses se

réduisaient n un seul et même être11*,n Mais c'est là une assertion

trop précise et si Timon lui sait gré d'avoir combattu les fables

d'Homère, il ne le trouve pas encore tout à fait exempt de ta

morgito dogmatique [ùndftitifat).

Démocrile est un des premiers écrivains qu'il ait lus1'11, et il

admire fort sa sagacité w! et son aversion pour les discours équi-

voqueset vides. Il

parleaussi en termes fùvorubles de Prota-

goraxw, et il raconte comment, aprèsavoir écrit son livre sur

les dieux il dut prendre ta fuite pour ne pas subir le sort de

Socrate.

Il serait intéressant de trouver dans les fragments des indi-

cations sur les formules dont se servaient i'yrrhonou Timon, et

sur te degré d'élaboration diateetHjiie que te scepticisme avait

atteint de leur temps. Malheureusement lesquelques

vers dé-

tachés qui nous sont parvenusne jettent pas grande lumière

sur ces points. Partout Timon s'attache uniquementà la

partie

négative du .scepticisme;il railtu les philosophes ou ceux (lui

les écoutent; il nousprésente par exemple un jeune homme

qui su lamente d'avoir perdu son temps et son argent à suivre

les leçons desphilosophes, et

se trouve réduit il la misère, sans

avoir rien gagné du côté de l'esprit w. Les ternies tels que

hox'i, oùSèv f/âAAw, si usités dans la suite, n'y paraissent pas

'«Uulbeh. 3a.37.

<•» Ibid., i5.

<3>A»lieu de

OW 4nftéxpit«i> xt mpiïfpovn, oo/fiera (iv'À'i',

àfiÇhoof Maxwt feri -ap-inunv ivéyvuv

t Milliard, i')-éO), XieUwlu! [inifwse de lire;

oTov iVn(ioxpir«V te aepiÇpova, unSpovs pvOuv

i[i$ùoy<iiv Xea^w te, fieià apûjoiviv wéyvvv.

((îratuhtiaaschrijfli(r»i\c<fir/ ;u llascl, Rascl, 1H70,|>.-ji-j'J).»> Mullacb, AO-ôH.

W Ikid.. 97, toit.

Page 95: Les Sceptiques Grecs Brochard

88 LIVRE 1. – CHAPITRE IV.

une seule fais» On pourrait lire ces fraginnnts sans se douter

qu'on a affaire à un sci-pliqui. H est clair toutefoisque

«le liti

an ae peut rien conclure.

Si, ù défaut du texte même de Timon, manifestement trop

incomplet,nous consultons les divers

renseignement»iinfirecls

qui sont arrivésjusqu'à nous, plusieurs indices nous

portentà

«airequ'il

avait déjà donné à son scepticisme la forme savante

etdialectique que lui conservèrent les

sceptiques ultérieurs.

Nous savons» en effet, par Sextus qu'il avait eVrit flpèstous (pwtxovs. On pourrait croire, il est vrai, qu'il a traité

lesphysiciens commeil avait traité

les philosophes, eu raillant

et ça injuriant plutôt qu'en discutant. Mais deux allusions

faitespar le mémo Sextus donnent à

penser que Timon avait

engagé une discussion en règle contre le dogmatisme des

physiciens. 11 disait f", en effet, que, dans les dékls avec les

physiciens, la première question est de savoir si ces derniers

prennent pour point dedépart

unehypothèse, (/hypothèse, en

langage sceptique, c'est ce que nousappelons une proposition

évidente ou un axiome: c'est une proposition qu'on ne démontre

pas. Refuser d'admettre aucune hypothèse, et c'est vraisembla-

blement ceque

faisait Timon, c'était donc rendre toute démons-

tration impossible. Si (elle était vraiment sa façon d'argumenter,ce serait déjà un des

cinq tropes d'Agrippa.Dans un autre

passage Timon, selon Sextus '*>,démontrait,

que letemps n'est pas indivisible, car dans ce

qui est indivisible

il estde distinguer des

parties; par suite, dans tin

temps indivisible on ne pourrait distinguer ni commencement ni

fin. Voilà un raisonnement analogue a ceuxque firent plus tard

k'ssceptiques sur toutes les questions de physique; le fait que

S«tus..W. III, a.

-M..<'), 6C. Cf. X, «)~. t)an<ces <temla <n'u)MchoseaHt soit'' M., VI, 66. Cf. X, iji;. Dans ces «leuipassages, la «cutis chose qui soil

allribiiw à Timon, e'mt que li>temps ne pmrt t-tn» imlirisiiMi?. Qu'il ne puni»? pasnon plus tlri» divisible, cW ce

<ju. soutient Sejtiw vl ce que rvebmc la tilt»;

scqitHjiie. Mai» cette assertion u'mI \m fornwlli'ment attribuée à Timon. Il sep«ul

qire Timon ait allîrrné l'imlmsibilitù du |irés(!iit àpropon «l'une autre question; on

n'a pas te droit de lui prùtvr tonte l'argumentation «le Sittlua.

Page 96: Les Sceptiques Grecs Brochard

TIMON M PHUQRTK. 89

rTtmmi « écrit contre fes physiciens permet

de conjeetofer que

surplus

d'un point il avait argumenté <1«lu Bvtto.

En outre, Dingène mous donne aussiquelques renseipc-

iuenls positifs, it nous apprend(li

que Timoncombattait ceux qui

veulent confirmer le témoignage des sens par celui de lu raison

et Le franeoiiii et le corfieu se rencontrèrent,» «lisait Timon

dans un voïsqui était peut-etr»

le commencement d'une fable.

(."es noms«{'oiseaux sont employés ici, ainsi que ra remarqué

Ménage, comme synonymes de fripons. C'est à ces fripons que

le sceptique assimilait les sens et la raison.

Enfin, Diogône"' nous assure que, dans le Ptjâtrn, Timon

interprétait lu formule oùSèv fiiXlov dans le sens où tous les

sceptiques l'ont entendue depuis.

D'un autre côté cependantsi la

critiquedes thèses dogma-

tiques avait eu chez Timon un grand développementet une

véritable importance,si soit scepticisme

avait déjà pris la forme

dialectique, comment croire que Sexttis ne Tout lias cité plus

souvent et avec plus de précision et en lui faisant deplus larges

emprunts ? Quand on le voit insister avec complaisance sur les

arguments d'un Dioelore Cronus, comment supposer qu'il n'eut

pas saisi avecempressementPoecasion de reproduire

les critiques

<•> IX. M S.

la supposition admiw par Wilamovilz (P/u'M. Unlert., IV, 3a), suivant

la(|iiol|c Tiinun aurait joini sur l<i mot Kovfuwifo* et «teij;n« en im'me temps qiio lu

curlieu li' |ilulo.w|tlie Ximn.'iiicn, uutri! <li«ci|>lc do l'yri'liou, t« im'inn qui est fit*-

par IHogèiiB (tX, tua^, «>Bjbl« liien invraisemlilalilp. Il faudrait aènrtlre ijtie ce

NiiiiK'iiiiH, iliscipli' inliilt'lc (!< Cyrrlidu éfilil ilcvi'im un (lojimalisle; c'est poui'fc

motifijue nciii, <ïapti% Diu|{£iiu (08), il aurait dit <(uk l'jrrtiun atait (tojjipaliw.

tt est ptus (iruluM< «)iuui« le montre (tirai («p. rit., p. ft6), que le Ntuwinms

de Piof'i'im ni k ii(-o|i}-ttu|;»riacn ilmil Enwlie nom a cmisorvii des fragments. D<!

plus, si te Numi'iiiiH iioinuié ptni loi» an'i- Timuii Icii-inénip et /Kiiésiilèiiic ('fait

un wi>|iin|iic, on no voit pa» puimjuoi Tiinou l'aurait atta«fii> tl se [«ml aussi

comme I<>roujmtuif! llira.'l, que IVimiiRT.-iliim ;wr. liizarrc de Timon, A\nùù-

ili'iiio, Niuiiwiiii». NaiitiplianiH, np[wU* aviii!lai <l<;l'vnlicni quoiqu lia w soient

pi» tons du iih'ido tvmp.'i, »>it iiiw inliirpolalion. Ktiliii, comme l'imliqiw Naloip

{op. ci(., p. 9(>i). ovmOas ne «srapporte peiit-élw qu'à Timon cl /Knèsidi'ine;

it n'y mirait alore nu«iii<: i!illkuli« à itmsiik;rcr Kiimèiius comme êtraiigir à

fécolc sci>plii|in>, aussi bien ({tu? Naasiphaites.<»

l)io|f.,IS,7G.

Page 97: Les Sceptiques Grecs Brochard

90 HVHRf.-CHAPtTREtV.

.t:~a r.w..re__ 1 1 à e

déjà formulées pr un des plus anciens représentants de sa

propre doctrine? 1

En outre, comment concilier tes subtilités inévitable!; dans

cegenre d'argumentation avec l'horreur pour lit dispute dont

Timon fait preuve àchaque instant dans les

fragments les

plus authentiques ? Celui qui parle siironiquement des mé-

garû|uesfi| et de leurgoût pour les discussions sans fin, eelui

qui a» cruellement malmené* Arcésîlas et les académiciens, a-t-il

pu leuremprunter leurs procédés et imiter des façons d'agir

qu'il ne se lassaitpas de blâmer?

Timon a pu relever des contradictions chez ses adversaires,

signaler les difficultés que présentaient quelques-unes des con-

ceptions admises par lesphysiciens: il a

opposé les sens à la

raison'9. Mais tout celan'indique ps qu'il ait été un

sceptiquedialecticien, comme le seront Arcésilas et yËnésidème. Le

scepti-cisme nous parait plutôt avoir été chezlui comme chez Pyrrhon«ne réaction contre les prétentions de l'ancienne philosophie »un renoncement à toute philosophie savante et à

l'appareil dia-

lectique dont cite s'entoure. Comme son maître, c'est lapratique,

tu manière de vivrequ'il avait surtout en vue.

Pyrrhon avait

dédaigné la dialectique, Timon s'en est moqué(}>.

Timon eut-il desdisciples? MénodateM dit lion et soutient

qu'après lui lescepticisme disparut jusqu'au jour ou Ptolémée

(ta Cyrène le fit revivre. Hippobotus et Sotion disent, au con-

traire, que Timon eut pour auditeurs Dioscoride deChypre,

iViVolochtis de Rhodes* Euphranor de Séleucic etPraylus de

Troade. Que cesdisciples aient existé on non, ils n'ont rien

ajouté à l'héritage de leurs maures. Tout ce que nous en savons.

111DioB.,Il, 107.111

Nalorp. toujoursdisposaà ivlronrar chi>zte pltw anciens philosophesk'giloflrines te* pins recciites, un nionquo pa» (t')tlfriliin>r Ii Timon te scepticismesivaniniciiléhimri qu'on trouvedira musiicctswii-* (op. cit., p. a8C), maislesraison*qu'il ifonnnne paromonlpv*«frasives.

"f Sur fc« opinions de Timon en morale, voir ci-dessus, p. (>a.!li

1% IX. n5.

Page 98: Les Sceptiques Grecs Brochard

TIMON t>Ë PUUGNTE. 9t

lest que l'myHis de Troade fit preuve dun l'are courage en se

laissant inettrt* en croix pir ses concitoyens, (juoitju'ii filt imio-

cent, sans daigner leur adresser une parole. C'est un reiuar-

ijuuhlo trait d'ituiifférence, si toutefois il estatitlji*nti(jm>.

=:

Les vrais continuateurs de Pyrrlton et de Timon furent tes

nouveaux académiciens.

Page 99: Les Sceptiques Grecs Brochard
Page 100: Les Sceptiques Grecs Brochard

UVRE II,

LA NOUVELLE ACADÉMIE.

CHAPITRE PREMIER.

LES OBIGINES DE LA NOOVKLfcBACADÉMHÎ,

Les doctrines de tel nouvelle Académieprésentent tant de res-

semblance avec celles que la tradition la plus accréditée attribueà Pyrrlwn, qu'on est naturellement tenté eïe considérer l'école

d'Areésilas commeune simple continuation de celle de Pyrrhon.

Aussi voyons-nous que déjà, chez les anciens, plusieurs auteurs

inclinaient vers cette opinion; il est vrai que d'autres la com-

battaient. «C'est, dit Aufu-Gelie *• unequestion ancienne fort

controversée parmi les écrivains grecs que celte de savoir s'il ya une différence entre la nouvelle Académie et le pyrrhonisme. »

Nous ne nousproposons pas de rechercher a présent si, à

aller au fond «les choses, leprobabilisme de ta nouvelle Aca-

démie ne se confond pas avec lescepticisme. Pour examiner

utilement cette question, il faut d'abord connaître tes doctrines

de la nouvelle Académie; lacomparaison avec le scepticisme

trouvera naturellement sa place et ta fin duprésent ouvrage.

Mais, en dehors de laquestion des rapports logiques des

deux dortrines, ily en a une autre dont il convient tie parler des

maintenant.Historiquement, la nouvelle Académie se rattache-

l-elle. par un lien de filiation qu'on puisse retrouver, au

pyrrhonisme? A-t-elle. au contraire, uneorigine distincte et

/Voci.»«.,XI,5.

Page 101: Les Sceptiques Grecs Brochard

m I.IVttK H. «HAPITRE t.

0: r> If-

imiéfiendaiite? L'aeconl, s'il tjsiste, et dans lit mesure oit il

existe, provient-il d'une influence directe exercée par Pyrriion,

on résulte– t-it d'il no simplerencontre ?̀~

Arcésifois a connu et fréquenté Pyrrhon,Nuihénius 'l) te dit en

propres termes, et il neparatt guère possible qu'un philosophe

aussi célèbre n'ait exercé sur lui aucune influence. En fait, nous

savons quesur tien* points au moins l'accord* était complet entre

Pyrrhon et Areésilas t l'un et l'autre soutenaient qu'il faut sus-

pendre son jugement l'un et l'autre justifiaient IViroxrf par cette

raison qu en toute question les arguments pouret contre sont

d'égale valeur (-a. Sextus dit qu'Areésilasest

presque pyrrho-

nien w. Timon, Mnaséas, Phiiomélus l'appelaient aussi un

sceptique{lf. Aussi un historien moderne, Haas (5i, a-t-it

pu

considérer la nouvelle Académie comme ta continuatrice du

pyrrhonisme.Par une sorte de pacte conclu entre les deux

écoles, les nouveaux académiciens auraient été chargés expres-

sément depropager l'enseignement sceptique.

Mais contre cette opinion s'élève un fait indéniable la violente

hostilité de Timon contre Arcésilas. {! n'est pointde philosophe

que t'impitoyable raiHeur ait plus malmené. Il est vrai, et c'est

un point sur lequel Haas ne manque pas d'insister, qu'il parattsVlro réconcilié avec lui sur le tard; il fit après sa mort son éloge

funèbre. Mais on conviendra que ce n'est point là un argument

suffisant pour admettre que les deux écoles se soient fondues

en une seule.

H est vraiqu'Areésitas

est quelquefois appeléun

sceptique;

mais il semble bienque

ce soient ses ennemis qui lui donnent ce

nom, et que leurintention soit de lui contester toute originalité.

H n'est pas probable que Timon, qui l'attaquesi souvent, ait

songé à lerevendiquer pour

un des siens. S'il l'appelle sceptique,

Eiisel».,Prœp.étang., XIV, i». Cf. h, 4. Diogmw«Ht«ouleraonl(1V..13)

TJi> flipfKDVH uni Tivsf iinXûxa.

>»(m. Ae., I. ni, 46-H,««», 77.!» Scsi-, P..I, a3'«.

Eu.wft., foc. cil., ri, a.

»Dr i>liih*. ueptu. tucrwioi>iliu$,f. ai (Wirrpbiiijjï. Siuher. 1875).

Page 102: Les Sceptiques Grecs Brochard

ÏM ORIGINES DE LA N0«mi.fi ACADÉMIE,

w~n t". A. t t t t rtt u r r y

c'est pour lui ôtre dàttffwkWe.l'elb est aussi ta signification du

vers d'Ariston f" « Ptuton par devant, Pyiihan par derrière,

Diodore peut le mto. Nous no pouvons guère comprendreautrement

que commeune critique déguisée exprimant la môme

pensée que le vers d'Ariston, deux passages assez obscurs de

Timon (Il « Posant sous sapoitrine lit ptombdo M~éiemo,

il (Arcésilas) courra versPyrrhon aux fortes ehuirs ou vers f>î«-

dore», et: «à» nagerai vors Pyrrhon ou vers te tortueux Dto-

dore. n Nous savons m enfinqu'Épicure lui

reprochait souvent

do ne faire (lue répéter ceque d'autres avaient dit.

Il n'estpas douteux qu'Areésilas liri-méme ait répudié cette

parenté avec le py.rrlronisine. Nous en avons pour preuve déci-

sive ce fait *fue Cicéron, si bien instruit de toutes les traditions

de la nouvelle Académie, no fait nullepart allusion à «ne telle

BHation. C'estexpressément à Aredsifasqu'il attribue l'invention

de l'&roxifM. C'est Ml'écoleplatonktenno que constamment il la

rattache. D'autresténioignajjes viennent corroborer cette asser-

tion t Arcésilasest avant toutdisciple «le Poldmon et de Crantor

et il se flatte toujours (le continuer la traditionatadétnique (s>.

Non seulement on nous donne Arcésilas, et on nous dit qu'ilse donnait lui-même pour un académicien. mais on nous dit

pourquoi il prétendait continuer Soerato et Platon. Ces! ("abord

parce qu'il avait conservé ou plutôt repris l'habitude, fort

répandue dans l'école de Platon et même dans celle d'Aristote(fli,

de discuter alternativement le pour et le «onde dechaque

question W; c'est aussi parce que Platon aimait à se servir

de formules dubitatives (8). Nous n'avons aucune raison de

W Euseb., foc.cit., v, (.-(;Scsi., /»., I, «34;Dioi' IV, 33.(»

Diofj., ibùt.

fJ) Pl«(., /Irftf. &ali.(l) Ae., Il, iw, 71. F)i"|;i'w, qui n'en ml pas »

compter se* ronlradûUans,dit à peu près la 111*1110chose {IV, j8) llp<3tof hiexùv xàt ixo&aut Sa t«

iravttoinivt t<$v XoyiSu.'*>Plllt.,Afc. Col., J«.W «c. Un., V, iï, tn.

Cïc, Kii.,H,i, :t.î"

Cic De ont. ,111, tvw «7 II,- irat. ttmr.. l. v. 1 1

Page 103: Les Sceptiques Grecs Brochard

9(5 LIVRE1 1. CHAPITREh

contester ces deux points, et il ne paratt pas '-possiblede niée

quela

philosophie d'Are&ilas, parses origines, se rattache à

celle de Platon bien plutôt qu'àcelle du Pyrrlion1".

Si les considérations quenous avons présentées dans la livre

précédent sur le caractère du pyrrltonisme primitif sont exactes,

pout-Ôtre faudrait-il se ranger à l'avis de Cicéron et dire sinon

qu'Arcesilas a le premier donné à ta doctrine de la suspension

dujugement

sa formuleprécise,

(lit moinsque,

le premier, il l'a

Justifiée (lialei'li(|uenn>nt. Pyrrlmn pratiquait le scepticisme

plutôt qu'il- n'argumentait en sa faveur il avait horreur des

discussions subtiles. Arcésitas, nu contraire, y excellait et s'y

complaisait. C'est peut-être pource motif que Timon l'a si vive-

ment combattu; c'est à propos de son {jout pourles

disputes

«{tut le raille le plus durement, et probablement il était moins

sensible à l'analogie des doctrines qu'il la différence dans la

manière de les défendre.

Sur deuxpoints surtout. Arcésilas diffère de son célèbre

contemporain. Pyrrhon et les premiers sceptiques, comme le prou-

vent les dixtropes

dont ils se servaient, insistaient surtout sur les

contradictions des données sensibles, des mœurs, des croyances;

ils procédaient en empirisles. Areésitas et ceux de la nouvelle

Académie s'élèvent surtout contre 1» prétention^ stoïcienne de

trouver dans les données sensibles ln infai!lible

v_ériteT~ils [iroceïTcnt en dialecticiens. Ce ne sontplus

les

'» Hiwt (op. «(.,[>ifi), qui «mlirmt b mt'-me (Iùsa que nous indiquons ici,

non»parait^lagérorqiturnlil mllnclmAmVtlasà Socrate[itulot qu'A Platon.Le

fait que <|«pI«|uos noiiïeaui wailûmiciens uut dit combattre Ptafon, comnw k lit

(."arnéiiili> <>n parlant rontro la jmlico (Oie, llep., lit, (•)), ne saurait servir do

prmiw, puisque, sur évite([iiestiou

de la justice, Sorralc «tait d'accent avec

l'Ialon. Si, dan» les textes de Cict-mn, l« non) de Socrate est ph» soiivenl joint Ii

celui <VVrrésilas que celui tto Ptalon, cfh lient à eu qtu» Swrrate était l'invcn-

leiir de la nwthoitn d'interrogation pratiquée aussi par Platon, «I à ce que tes for-

miilivi ditliïlativcs de Sncrate éiai«nl plus nertto» qm« celles di- Platon. Qu'Arcésilas

n'ail pa» fait, sous os rapport, de différence eswntiHh1 entw Socrale et Platon,

cV«t ceq«« prmin> h pa»"age de Ciréron ((te oral.. ttt. jvki, 67) Arcosilas.

c% variis Pfaloni» lifiria wrinnuiliusijiiiî S«cralicis Ii«c iM.vimc ai'ripuîl, nihtl esse

rorti. «{i'S.An. I. tir, AS.)Arcésilasse rallnchailà Socrale, mais par Platon.

Page 104: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES «RRîIffKS Ï>K U SOiJVBM«B A«:.4I)ÉMIIÎ. H?

.I.n .t. .r- t. « à.

1

'6'u U"

croyances |»o(iHt«kns qu'ils «jt|Mjsimt « «Iles-iiieines; c'est uni*

doctrinesystématique qu'ils veulent ruiner. El il»

attaquent lu

foiHyissittiçt?sensible

de telle manière,qu'on.

«|Jii

se deman-

der s'ils n'avaient pas «mepensée de derrière la ((île, si à celte

connaissance imparfaite its no voulaient pas substituer une cer-

liltuleplus haute, el d'une autre nature fl'.

Mil outre, tespyrrfaoniens se bornent (t dire

que la ««Sril»?

nVstp»

encore trouvée ils ne disentpas qu'elle

soit tnawes-

hîI>Io5 ils ne tlésosjtèrent pas de tir voir découvrir un jour:hkHhc il* lu cherchent; ils sont

zététitjues. Arci-sibs croitqm? l«-i

vi?rité non seulementn'est jias liwmw, maïs qu'elle ne

peutf'êlre; cl la raison (ut'it en donne, est

qu'il n'ya

pus durepré-

.•M'iilaiien vraiequi soit telle»

qu'on n\;n[iiitssn Irotivor une

fausse absolument semblable {-\ Les[nrrboniens se bornent à

constater un fait ia nouvelle Académie tranche une questi«nde

principe.

Tout cela n'empéclto jias (|ue Pyrrhon ait jhi exercer une

certaine influence surl'esprit d'Aiwsilas, (jit'il l'ail par exemple

coiiltnué dans sts tendances sceptiques. Mais certamement Ar-irsilas est «rrivilatt

sceplicisme parun autre chemin

que» |»yr.

rbon. Lesgermes

«lescepticisme contenus dans la doctrine de «

Démoerile ont. ense développant,

donne naissance aupyrrho-

nisnie. Lesgermes de scepticisme contenus dans la

philosophie

de Sociale el de Platon ont, mse développant, produit la nou-

velle Académie. Si Pyrrhon n'eût pas evtslé, la nouvelle Aca-démie aurait été à peu près ce qu'elle a été. Ainsi l'école evré-

uaïque est arrivée d'elle-même, et sans qu'on puisse soupçonnerune influence

pyrrhonienne. à des formules très voisines du

scepticisme.

C'est unequestion de savoir si à l'inlhience

socratique el

platonicienne il ne faudraitpas joindre celle des

mégariques.Le vers d'Aristo» cite ci-dessus autorise à répondre allirumli-

Voir i:i-ili>sim.sp, 1 1

'*>Scsi., M., VU, 15/1.

Page 105: Les Sceptiques Grecs Brochard

5»» iIVRK H. ËIMPfTfiK I.

vwHtmt'l Mais nous savons tru|) |h'U (le chosesd'Aicûsitas jioui1

démêler les traces cfo celte influence*'i!. D'uitli'urti, l*ée«lwiu<%a-

rit|ue procède du mtïme ospril que le platonisme. L'important

était (le montrer qu'enlrv n.'s deux teiidiinces (|tii fuitlicitvnt ît.

eette <5j««jiio l'esprit grec, otjieut-dtre en tout tcmjis l'esprit

humain, l'une vers l'obsoivaiion l*e.\[jértent'e et les faits, l'autre

vers l'analyse j)syeliol«gi(|iie, J« dtaluctiquu et IVloqucRri! (on,

comme nous (lirions; à présent» Tuiiuscientifique « Tautrelitté-

raires), c'est à la[ireiniètu que se rattache le pyrrhonisme. à lit

sei-omle ta nouvelle Aciuléitiie.

1 ' faut ojuuler «jm-' dam di'm uiilivs passuyi» assez obscurs pour iiuiis, ra|i-

poriés jBir Diujjém1 {\ S3), Tniiowcitt' IMcniurc, à c»lt> tin l'jrrlum et de Mi'tw-

itôiiin. foinmo Ml <li"î |ilii["SQ|itios ilnut Afcêsilas *V4 inspiré;''} itiiwl croil [luuvuir atlrilwpi- & Aici'silus ti's !ir|jiuin'(ils- q|ipo|t>s fyxswXvp-

fkévoi Au)o{ et <j4ip(tn( ^Sestus, J| Vit, /nu, ftiTt) el ivllu coujwluri» p»t assez

ïrai<<Miil)lah|i'. Tiinli'loi*. l'icii it.in<i h; li-vii' <ti>SVvlns n'iuilnpii.* <|ti<) <*•>» ai^jitnnniM

;i|>jiurti<'iiii>'itl • |nu|m' ;i AinWtiis. tt si-iuliti> mï-inc qtte l'arjfimicnt dit stirid* n'a

pu tUit»iciïu(|in'1([ii'iiprèsCliry<;ip|M>.

Page 106: Les Sceptiques Grecs Brochard

AftCfoHUS. m

CHAPITRE .1!.

h«;ksii.as.

Lps mnituis liisfiuguaioiil |jart«is j»ii«ju"i ftiiwj af'atJériiiés lt

<-eife île. Platon, celle d'Areésifas. celle de Carnéade et de i'.ïi-

totituque. celle du Piiifon i'l dif C'hiirmide. colle tf'Aiiliooltus,

Une traditionplus autorisée à

laquelle nous mais t'onfonne-

i-ons, n'endistingue que doux .-l'Ancienne et la Nouvelle, «elle

de Platon, et celle d'Arcésilns.

i/aticieime Académie «'«jouta rien d'essentiel à la doctrine

de Platon '• c|le se borna à la déveiopfw H à la commenter.

Spousipjie et XénocniUî; repremint une division de ht philo-sophie en trois

[larties, déjà indiijufc par Platon. s'»tf.i^H<rent

àexposer méthodiquement la pensée du maître, «ms'aidait! à la

fois de ses livres et des souvenirs de son enseignement; \i!»n-

crate peuclm davanlage vers lesmatliéinahcjues

et introduisit

nombre dVIéiiii'nts pythagoriciens dans le platonisme; i*aï«*-

iiion, Cratès, Crunlor. négligeant mipeu

lamétaphysique, s»«

préoccupèrent surtout de la morale. Mais le caractère commun

à Ions ces philosophes fut qu'ils s'efforcèrent de faire du plalo-uisitte ttn

corpsde doctrine, de

l'approprier à l'enseignement'1*.

;l> Sexto», P.. t, asti. i'.(. Vtiinvuius, ap. Kusi-K, Vrap. «rang., XIV, iv. il!.<» «;ir. Ite Orat., lt(, stm, (i7; Av., |, «». !,(n Ik Fi»., V, m, T. Vam.,

op. Auj'iisttn. Ilecir. Ipi, XIX, i, I).

('•Dïojî-. IV, i;€ic.f.. I, ,t,34.

"l Scil., U.l. i«.si Cir. Ae., t. iï, 17 -Snd iilriqu« i^rislolcics et Xenocralcsj. l'talonu

uburtali! rotii|)fefi, certttm qiwiml.uu (lisci|ilin.r fnrmutain composucrunl et «am

<|itiilcmptt'iiain ac rcferlam itlantaitti-raSncralicamtlnhilatiuitcitide omoibiisrelim. H null» atrirnialimi.- .iiibiliila » caunu-tiulinem di-.s<-ivnili rcliqiirriinl. lialacla i'sl, ijtmil ,Socral<-s nimrmi-

|imlwli.il. ai> (fiiatlmii |>ltito<u>|ilttic.ft i>tiiiii

ordo, et ili>5srri[ili« <li«i|iliiia;

Page 107: Les Sceptiques Grecs Brochard

10» MVRKft – tillA-ptTKB H".

Ott ne eliercKtttt(tltts, eut Ist vérité dtntf trouvée; «Ht*était tfnmt

taparole du maître; oh ne discutait plus-, on commentait.

La imiivcllt' Académie chungptt (otil cela. Elle déclara qu'ilfallait se remettra a ehorcher la .vérité, car il n'était |ias sûr

qu'elle fût trouvée; elle ajouta mômequ'on ne la trouverait

jamais. Par suites elle remit en honneur ta méthode dialectique,un

peu oubliéedepuis Socrate. Elle proclame, comme Swrate,

qu'ellene sait rien, elle

ajoute que cela nwime. nilo ne le

sait pas. Au eiopiatisme elle substitua une librecritique; cVst

piï cela(ju'elie fut muselle. L'»ulunr tncuntestti île celt« révo-

lution dans l'Acadi'niie fut ArrèàtaK.

l. Aiet'silasnaquit à Pitaiiu.en Éolîde. vers 315 5 av. J.-C. K.

\onu x MUl-nes av«c t'intention d'tUuciivr lailiétoricjuc il prit

{>oût à laphilosophie, et devint le disciple d'abord de TWo-

|)liraslei2). puis de Crantor'»', avec(lui il se lia d'une étroite

amitié, <tl(lui plus tard lui légua sa fortune !w. Dès sa jeunesse.

il donnait et belles espérances, etThéophrastc ne le vit quitter

son écolequ'avec les plus vifs regrets t;>). Après la mort de Croit-

lor, il entendit Polémon w et Craies <ï!. ef lullo fut l'impression

qu'il recul de leur enseignement, qu'il tes appelait des Dieux,

des débris de l'âge d'or'81. Il est probable, qu'il connut aussi

Pyrrhon, Diodore leniégariquc et Méné<tème{!>). Comme tous

les académiciens de sot> temps, i) avaitappris

lesmathématiques,

Dio|;i'np nous «piiroml (IV, Gi) (|tic Lacjdcs lui succèla dans la tpnlriimoaimén ik ta cent Imilc-<|u:i(ri«iiK>ol)iiiprado f-».'io »v, J.-<); rt d'nuln' jmrt(IV, 44), ((ti'il iiiouriil à i'ij>i> <[i- sijivurili.M|iriiiH' ans. lliogùiic se lrom|>(< pi-oltalifc-iucrI lurs(|u'itdit it'a|iivsA|)«R<Kiur<<,ifu'il f!uri$saitiliiiista cout vingtièmeiilyui-|iiadc ( agi» av. J.-C), car Arc&ihu n'aiirart on alors q»M>«tÎMiPiif ans.

Uio| IV, ft9.* lbi<l. Cf. Nu mon. «ji. Ktisch. toc. rit., v, !•>.1

t% !¥. -)â."

J)i«i;IV, So.

'• S«l.P., I. j«; (,ic.. De Orai., lit, uni, «7; At.i.,V, <«(, yfi /te., f

n, -i'i. Aujjusliu. A<1Dion, epi* 1(1; lùisch., /«<•, «i.,ï, u.''

Di», IV. :ii.

ftiiij;. IV, a».

Uiii»..IV.S»; Bits»* fcr. nf.; Sftl.. | :iS&.

Page 108: Les Sceptiques Grecs Brochard

AttUÉStUS. t«i t

d'abord avec .iHtolyMis' dans son pays, puis à Athènes, avec

Hippoimuts' II avait la Platon' et professa toujours pourlui ht

plus vivo admiration. La supériorité d'Areésilus était tel-

lement reconnue, même par ses condisciples, qu'après la mort

do Cmtès, Socratidesw s'effaça devant lut, et lui laissa la direc-

tion do IVSeole; it mourut, Agé do 7S ans, vers 360 av. L-tï.

Savie ne fut marquée d'aucun événement important. H resta

systématiquementa l'écurt des affaires

publiques,et taudis

queht plupart de ses

contemporains illustres couraient au-devant

d'Auti({one avec un servile empressement, il s« tint toujours sur

la réserve. Aussi, envoyé plus tard en ambassade auprès d'Àtitt-

jjoiw par sesconcitoyens, i{ échoua.

S'il fallait croire tous tescommérages de Dîogéno, Arcésilas

aurait été unpcrsonnajje fort peu estimable. 11 nVst presipji«

•»

question, dans le chapitre que le compilateur lui a consacré,

que d'orgies et de débauches; on l'appelle un nouvelAristipp;

nous voyons te successeur de Platon vivre publiquement avec

deux courtisanes, et ce sont ses amours les moinscoupables;

il n'est pas Jusqu'à son amitié avec le sage Crantorqui

n'ait

donné lieu h de méchantspropos. Il mourut, nous dit-on, pour

avoir trop bu. et it aurait rendu te dernier soupir en diva-

guant, et dans un hoquet. (Je sont au inoins des exagérations et

probablement des calomnies. Ses succès, comme ses doctrines,

lui avaient lait beaucoup d'ennemis: on l'a vu par ceque Timon

dit de lui, etPiularque

''•" nous assure qu'Kpicure était fort

jaloux de sagloire. Vraisemblablement, l'ennemi acimrné de

Zenon n'avait rien de l'austérité stoîeienne; il sepeut qu'il

ait

pris plaisir à se mettre, de toutes tes manières, «»noppositionavec son rival, et

qu'il ait eu pour le luxe et lYrléjjance plusde

};oûl qu'on n'en attend d'ordinaire d'unphilosophe; sa grande

lf Diojj.. !»<).

IM., 3-.» ltii,l.>:/W.-

Mr. '(.. -ii.

Page 109: Les Sceptiques Grecs Brochard

W* LIVHK II, – Ç1UIMTRK H.

fortune le lui |KU'ni«Mttil; tes mûmes«I» mn temps Fy invitaient

et sa morale ne le lui interdisait jras. C'était assexncut-ttro pur

itoiuier prise ù l« m;di{>Mté H à l'envie. MaisMutai-que. qui

parla souvent de lui. no lui adresse aucun reproche de co

|{t'tire; il cite dus roots «ti des actionsqui donnent d« lui «ne

tout autre i<k>«.Ktnous avons, pour nous éclairer sur cepoint-,

unti*moign»|{a précieux, celui dW adversaire, du stoïcien

Ciéjiirlii'.Quelqu'un aeeusait diwant lui Amkilas de ne

pasvivre hoiuitHeiucHl «<T«is-toi, ditCt«5atithe;w; si dans ses dis-

eoms ilsu|)|)riiue le dfvoir, il lu rétablît dans ses actions.»n

<»W :VrciSsil«seiicorscjui. voulant

avpli^uor pourquoi on quitte

i[in>Ii|iief(}is les autres socto [tour celle?- d'Êpicure, mais jamaistulle

ifKpieure pur les autres, disait « C'estque

dos hommesau fait des

wmmjuys, mais avec deseunuques on ne fait pas

des hommes. r>

Nous avons sur le caractère d'Arcdsilas des renseignements

(lui lui dunnenl une physionomie toute particulière. La plupartdes

(iliitosojàes de soit temps «taient pauvres, ou môme dé-

{{ucnillés. ce qui «fe un peu de leur valeur à leurs théories sur

lemépris (les richesses. Arcésilus. tui contraire, était riche; et

pour t'honneiir de la philosophie, «11 est heureux (levoir qu'il

sul. sans ostentation et sans faste, mais au contraire avec une

aitttatd*siiiijilrciU1. fair<! d« sa fortune le plus noble usage. Un

(li-s ikhiiIiii'iivtraits qui nous sont. rii|>p»r(és montre avec

quellebonne |{nW cl

quelle exquise discrétion il répandait ses bien-

faits. Il avait appris qu'Apelle de C'hios était malade et se trou-

vait dans leplus complet déiiuettifiitl; il vint le voir, et lui dit

«Oh lie voit iciqn« les quatre ûlttateiits «l'Empédode.. du feu.

île IVau, delà |.«rre <•(de l'air. Kl loi-ini1tn< lu n'es pas bien

conclu:.Puis arrangeant son coussin il ({lissadessous une bour»;

qui couti'oaitviHjjt iliaclimes Sans dont. il était (-outumier

dit f;tit: car. quand la femmequi servait Apelle fui apprit sa

IM«b-. Vit, 17t.1.

lli..l;IV, 'l!.

!iil.. Ile mkl..1 .m». \\l|. t. Ct. l>i«.». |V..1^.

Page 110: Les Sceptiques Grecs Brochard

,tituÉsti.4s. 103

!t!lui.éf dit ên .riaE~€ '<t~tMttt tilt ttmf <t'4r<<<!si(a). )ttrouvaille» cetui-ci dit en ptaat î Voila tut iuut* u nrééstlaii. »

On l'acoitfii aussique

son maître deuiutUéitiatiquos Hipponi-

eus, étant devenu fou, il te prit ches lui et te soigna jusqu'à

complète |;iii'"i'isKii.

Arcésilas avait une grande droiture do caractère. Bienqu'il

fui en guerre ouverte avec les stoïciens, il interdit l'entrée de

son école à un certain Battus qui s'était moqué de Cléanthe

((uns une comédie, et il un se reconcilia avec lui que quuud if

eut donné* satisfaction à Cléanlhe 'l!; Ses sentiments «'aviiient

lieu do mesquin et d'exclusif; bien qu'il fût très friand «le popu-

larité, il engageait sespropres

élèves « suivre tes leçons dos

autresphilosophes

ini-méim»en conduisit unaaprès du péri-

patéticien Hî^ronyinc a': II paraJl avoir exercé une grande in-

fluence sur les jeunes {jens qui -se [«ressaient autour de lui, bien

qu'il ne leur méiiageiU pastes

réprimandes et t.(i\fsouvent poureux des mots durs'

Tous lestémoignages s'accordent à rendre hommage ait mer-

veilleux talent «l'Arcésilas. Familier dès l'enfance avec Homère

et l'indarft. il futpoète

à ses heures^ etciuuposu quelques épi-

gramincs. Cicéron iJ nousparle

de la grâce exquisede ses dis-

cours. et c'est {'orateur autant que le philosophe qu'il admire

en lui. Plusieurs rnuts qu'où cite de lui attestent la finesse et

tapromptitude de son esprit. H fut d'ailleurs servi « souhait

par les circonstances, et les adversaires qu'il eut Il combattre

étaient les plus propresà faire ressortir, par le contraste, les

brillantes qualités dont il était doué. C'est contre les stoïciens

qu'il ne cessa tir lutter, et il semble s'être donné pour fàclie de

harceler sans cesse Zéuutt an (.itium. s«n anciencompagnon

aux leçons de Polénwn. Lotinls et ciiiIkiit»s*s dans leurs for-

mules sèches et arides. inhabiles, malgré leur subtilité, mis fi-

nesses de la dialectique, jçénés par leur gravité et Jour sérietiv par

l'Iul.. /to M. <•(mm* \|, .If».

« IV. 'i!.

Vml.. :(«.

1.!< 11. >l. tfï: lh- finit.. Ht. «Ht. (r;.

Page 111: Les Sceptiques Grecs Brochard

wt uvrk n. – nutvnmi it.IV l M V IUV II. – <#IIA t'I I lit1, il.

toutes h«»s tguott&s qui i«i grand juttr-cfes disenssiotts publtipresse tournaient en défauts, les stoïciens étaient décmnwtés

parcette

éloquence agilocl «Hée, tour à tour

ironique,subtile oh

ciiipoi-

tét\ toujours brillante, qui bourdonnait à leurs ort'illus, les al la-

quai! sur tous les (lointsà la luis, tes irritait Jourôtait tout sttnjf-

froid, et suvaittoujours,

vlwseiui|)Or!aiito à Athènes mettre les

railleurs du sou cùlii tt.|,eur iiiusu, dit un anciiM^ ii'uvaitpas

!»•soerotdu beau laii({a|jc. ut iguorait les {jruees. » Leui* embur-

ras était d'autantplus gr»mt, qu'ils n'avaient point de prise sur

un adversaire qui luisait profession donc rien affirmer, se déro-

bait, leur .glissait entre tes nrains, cliaqucfuisqu'its croyaient le

saisir» et savait connue eus fantômes inalfaîsatitsqu'on ajipe-

latt les oni|)uuw.'s, |irettdre itiilte formes diltereutes. Us en étniont

réduits, fnuttt de savoir par où prendre Arcésilas, àinjurier

Walon» qui était mort; et ils paraissent s'êtreaet|uiUvs de

«î

soin avec conscience. Dans lastupeur

de ses adversaires, dans

l'enthousiasme de sespartisans,

la victoire d'Arcésilas fut com-

plète.Les Athéniens étaient sous le charme, car il tous ses «Ions

•iratoircs leurphilosophe joignait tous les avantages physiques:

la beauté de sun visage le feu de ses yeux, le charme de sa

voix enlevaient tous les suffrages. On en était arrivé à cepoint,

nous dit Numéuius, qui a tracé de ces luttes oratoires un

tableau vif et animé,qu'il n'y

avaitpas

uneparole» pas

un sen-

timent, pas une action, si iusi|;i)ilianle qu'ellefùl. qu'on se

permît d'approuver, sitel n'était pas t'avis d'Arcésilas de l'itane.

Jamais, nous disent d'autres écrivains (". aucun orateur ne f«l

plus populaire,et ne laissa, après

sa mort, deplus

unanimes

rejjivls.

II. Arcésilas n'a rien écrit ;i|: (ontce que

nous savons <l«

\cini..i|i. Kiiscli.. Inc. ni. ,XtV. vi, l'i.

Muni.. '«. ril. XtV. ïi ii.

• Unit., vi, X

tli»; IV. 'l'i Xsoii/fUu o(^/s À'/iiiitui' nitU.

Ilin; IV..ic l'Iut.. />c .l/cr. iiidilr. l. iï.

Page 112: Les Sceptiques Grecs Brochard

AROÊSILAS. J05

positif sur sa doelrMio se réduit assez peu de chose. Nous eon-

iKiissuns seulementlu point précis dit long et retentissant débat

qu'il «ri avec Zèiou et les stoïciens; il est vraique ce point est

d'une importance capitale et <jue, ni ArcéVtlas a gain de cause,

c'en est Fuit de tout le stoïcisme.

A partir d'Aristole01, une des questions les plus discutées

dans toutes les écoles, aussi bien par les épicuriens que par les

stoïciens. les sceptiques ou les académiciens, est eelle du crité-

rium de -la vérité. Zenon trouvait ce criterium dans ce qu'il ap-

pelait la représentation compréhensive (fywm&t* xtttahmitxtfy.Parmi nos diverses

représentations, il e» estqui font sur nous

uneimpression si

purlicutière, si netfe et si précise, qui se

;«rawnl si vivonienl dans l'âme, iju'il estimpossible de les con-

fondre*- avec les autres et qu'elles portent en elfes-in&iiès le

tétnoijjuii{{e de la vérité de leur objet elles le font connaître en

inéttH;temps «ju'elle* sont elies-iuônws connues «m d'autres

ternies, elles sont vraies. Cesreprésentations forment le premier

degré de la connaissance, (lue Zenoncomparait a la main

ouverte w. En m&iie(etups qu'elles se produisent, elles provo-

quent dans la partie supérieure de l'âme, en raison me*nie de

leur clarté et de leur force, un assentiment{myxoniOsirts) qui

est comme une réponse au clioe venu du dehors. Cet acte,

«'•mané de l'initiative de l'âme, dépend de la volonté, mais ne

manque jamais de se produire quand lïinte éprouve une repré-sentation vraie ;i). C'est le second degré de la connaissance,

comparé par Xénon à la main légèrement fermée. Vient ensuite

lacompréhension (xarâXn^te), comparée au poing, puis

la

science, assimile nu poing fermé et fortement maintenu parl'autre main.

Cesprincipes posés, Zenon établissait'1 que le sage cesserait

Voir Itavai&oii, fc'mii sur litinrlitjikijtiijiw ttAnttnle, 1. Il, Il. («7.

t'icint. Pliil., Ih i/litc. jihilus., IV. »•! V.vismvlttsvtiv éivrû Te xcù là ae-

T.rtfix~t.

(m.. Av.. 11. xlkii, i'i.'i.

"•«'»• .le. H, xii, :!>-.

Die. /Ir.. H, <\tv. 77; w. (Ki; wi.'»7:S«t., .M.. VU. tUS .1 »/.

Page 113: Les Sceptiques Grecs Brochard

l(MÏ L1VRK rt CtlAPItRK II.

de mérite»* suit nont s'il lut arrivaitjamais

de (tonner son assen-

timent à desreprésentations qui

no seraientpas coinprélionsivcs

il ne le donne «(«'àlu vérité

il n'a point d'opinions, il n'a quo

des certitudes.

'Joule cette théorie de la seieiice,«t parsuite toute fa morale.

v repose sur lareprésentation eompréhonùva, qui

est réellement,

et j\ die seule, le critérium de lu vérité. Si onta supprime, n'y

aplus

decompréhension, parlant plus

de science. C'est bien là

le nœud vital dusystème, (l'est là

«p/Areéstlas?, en tacticien

avisé, porta sescoups

lesplus

rudes.

Il nia d'abordque t'asscrif itnont 'pttisso iHrc donmî â de

simples

représentations ;t(;<m ne

l'accorde, suivant lui, qu'à desjuge-

tneuls(a&<y!i*Ta (.C'està peu près

ceque

nous disons aujourd'hui

en aUtnnantqu'il n'y

a de. vérité ou d'erreurque

dans lejuge-

nient, filais cen'était pas l'argument principal

de sa rél'u-

lalion.

Iladmettait pleinement la déduction de Zenon le

sage, s'il

mérite son nom. n'apas d'opinions,

mais des certitudes. Seule-

ment iln'y

«pas de certitude on de science, car il

n'ya

pasde

représentation rompréltensive. Par suite, leseul parti qui

reste

au sage, c'est de ne rien nilirmer ou de suspendre son jugement.

Areésilas abonde flans le sens- de Zenon, maispour

ramener

pinssArcuienl. à son

scepticisme. Il veut l'enfermer dans ce

dilemme ou le sage a desopinions,

ou il ne doit rien affirmer.

Lapremière proposition, qui

nous sembleaujourd'hui fort accep-

table et(pte

Oarnéade admettra, nepouvait

à aucunprix

être

accordéepar

Zenon il est contradictoire à sesyeux que

le

sape ou le mvantpuisse ne

passarair en

qu'ilnlltnne. Il faudra

donc prendrele

second parti, Faute de eertitudo absolue, hsage

renoncera àtonte croyance. Cette abdication vaut mieux

qu'une

concession c'est la doclrim; du tout ou rien.

Voici maintenant comment Arcésilasprouvait qu'il n'v

apas

dereprésentation (-ompréhensive. La définiti»n stoïcienne admet

SmcI.M-, VII. i.V'i II nyitiiitts<iif ai -apùt Çwmotxv ylvevii, wit>p«>A'~ yin .¿e'(r1!J'¡'t~!t.~?H' œi ~V~JC~T~f~.

Page 114: Les Sceptiques Grecs Brochard

AKCÎÉSH.AS. t»7

e*plicit<miéntfl> qu'une représentation vraie diffèrespëeîflque-

nu'ul dvs autres représentations, commetesserpents à cornes

dilii-ront des autres serpents, hes premières sontproduites par

cequi est, de telle façon qu'elles ne sauraient é*frc produites

sernblablernent par ce qui n'est pas f2!. Or, en fait, disait Ar-

eésilus, Cette différencespécifique n'existe pas, car des objets

qui ne sont pas font sur nous des impressions aussi nettes et

aussi expresses que ceux qui sont. ÎVous n'avonsaucun moyen,

lorsqu'une représentation seproduit,

dfdistinguer si elle est

eompréhensive ou non. si elle a un objet ou n'estqu'un fantôme.

Il n'y a donc!pas de criterium de la vérité.

H ne nous est pas permis d'attribuer à Arcésilns tous les déve-

loppements que les académiciens donnèrent plus tard h cet ar-

gument et tous les exemples qu'ils invoquèrent, car ils ne sont

pas expressément mis à son compte par les textes. H est bien

probable cependant (pie, pour montrer qu'il n'y a pas de diffé-

rence spécifique, entre les représentations vraies et les fausses, il

invoquait déjà les erreurs des sens, les illusions dit rêve, de

t'ivresse. de la folie i31. Et il est aisé de deviner quel parti un

dialecticien habile et spirituel pouvait tirer de tous ces faits

pour tourner en ridicule le dogmatisme stoïcien.

Il concluait que ni les sens ni la raison ne peuvent atteindre

la vérité'*5. H faut se souvenir ici que, par raison les philosophesih ce

temps n'entendent plus la faculté de connaître l'absolu

comme Platon et Arislote. mais seulement le raisonnement, quitire des conséquences des données sensibles et s'élève de ce

qui

Sp\I., W., \Ut 'ii YÀyJ ri r«fwîoi<t5iwpi j\ toisvtii ^wraoiai siaroi tis

<i/^(K Çatnaoiif xtOixsp m *fp*j7ï« -aipà rois iXÀovf SiÇus.

Cic, .le, tt, ri, j*4 tVisimi iin|irrainn elttdiinu|Up irx oo, midi* ossel,

i|na|p pss* non |iossi>l i>vm, tnult* non t-s<p| i<J nos a Zirtom- ilcluiitiiin rerti»itne

ilifiiims. Cf. ibU., tut. HvxL..1/ V|tv a'i8, io-»; P. Il, 4; IW.

ï|l,4(».<1( O<l du im.iiK t-,

ipi'im j1Cn| riiiijiYiiirin" iI'^hv* le pas.saj[e il>! Si'itus

M.. M\, t.i'iî: UCZipii nain j/.hÎik ^vriii tvpi'ïxetai wi aux ii> yltonu~ltJJ1i,. M< 'M t!0~/4't'Xtt~)(~.Mt< 1i1Jp¿'J7-2U'.

'•I • Dei.nit., Ht. um,

Page 115: Les Sceptiques Grecs Brochard

108 livre Il. l.

ust visible « ce tj«i a» Peslpas. Contester les- doimées êtes sens.

celait donc du indiuecoup mettre lu raison on interdit.

Bu lia «lecompte, il n'y a

rien que l'iiomme puisse percevoir,rien

qu'il puisse comprendre, rienqu'il puisse savoir. Tout «si

enveloppé de ténèbres. Hien no serait moins digne1 d'un sage que4* devancer

pardes affirmation» téméraires ta certitude

qui lui

manque: il doit s'abtentr et clouter toujours. Far suite"1, Areé-

silas passait ses journées à combattre toutesfa» assertions, dogma-

tiques, et ilapportait djms ces discassions u&e subtilité et une

obstinationque rien ne lassait W.

Outre, cesattaqua contre la théorie de la connaissance des

stoïciens, il estprobable qu'Areésïlas s'est plus d'une Ibis égayé

auxdépens de leur physique et do leur

théologie. C'est ce qu'on

peut conjecturer d'après uu passage de Plu turque M Arcésilas,

|)our se tno(|uer d« la formule stoïcienne suivantfaquelie un

corps qui se mélo à un autrecorps te pénètre dans toutes ses

parties (xpdcrets St' 'âku»), disait que, si ou coupe une jambe et

si on la jette à la mer, où elle sedécomposera Hotte d'Antifjone

ou celle de Xurxès pourront naviguer dansune jambe. De môme,

quand Tertuflien '•' nous dit qu'Arc&iuu distinguait trois sortes

de dieux, it est vraisemblable qu'il s'agit d'une critique de la

théologie stoïcienne; niais nous n'avons sur cepoint que des

renseignements tout à fait insuffisants.

Cependant une grave difficulté se présentait que faire et

comment vivre, si on ne croit à rien, si on nit pas d'idées arrê-

tées sur le bien et sur le mal, sur cetjttt est utile ou nuisible ?1

Il semble, en effet, que lasuspension du jugement doive en-

traîner tasuspension de l'action,

et qu'étant incertain dans ses

opinions, «n ne puisse é"tre qu'irrésolu dans sa conduite l'une

de ces abdications entraîne t'autre. Mais. d'un autre côté, Pinae-

& /te., I, tu, 45.

'« Cic.i&ûf.'•"

Mr. (,'ntit., -ii;.

'• M nnlimi.. Il, >.

Page 116: Les Sceptiques Grecs Brochard

109

tYerritr~ifnnhe~cf~e~~eery~~E :a.t:f.f, t_ t_I i«i»et Pimmohifité absolues sontincompatibles avec les tendances

les plus naturelles d« l'homme t-t les exigence» fes pl«s pres-santes île la vie. On

ne fieirt évifei' de se prononcer sur les cli«w»de In vie

pratique, et refuser de se décider, ce serait encore sedérider. Une philosophie (|tii aurait recommandé à ses

adeptesde (iemeurer incertains et irrésolus, de se laisser prier par

les

«Wénements, comme les feuilles mortes sont le jouet du vent, téfntt d avance vouée au ridicule moins que {iersonne, des Grecs,des Aihémens ne pouvaient s'en eonlenter. f)'ail{eurs, au tempstl'Arcdsilas, ce

qu'on demandait avant tout à luphilosophie

c était une règlede conduite hquestion n était pas de savoir

s'il faut agir, mais couraient il faut »j»ir. C'était là le but et laraison d'être des

systèmes talogique et lit

physique n'étaientque le vestibule de la morale.

Onjiouvait.à la rigueur, sepasser

du vestibule, pourvu qu'on eût l'essentiel, mais renoncer à la

morale, c'était renoncera laphilosophie.

C'est ici que les stoïciens attendaient Arcésilas et que vrai-semblablement ils

reprenaient l'avantage. Ils tenaient en réserve,comme ultima ratia, un

argument qui devait décider de fa victoireen leur faveur, alors mène

que leur défense obstinée de la

représentation compréhensive n aurait pas satisfait tout le monde.

L'action, disaient-ils, et à plus forte raison la vertu, sont impos-sibles à qui n'a point de croyances. La sensation et l'instinct ne

suHisent pas à la vie de l'homme.Agir, c'est se décider. Quel

homme se décidera sans savoir si leparti qu'il prend est conve-

nable ou non à sa nature.avantageux ou nuisible, bon ow

mauvais? Cicéron ;"y lorsqu'il faitparler les stoïciens, insiste

sur cet argument, etRtilarque nous

apprendque les stoïciens s'en servaient connue d'un épouvantai! dont ils

menaçaient leurs adversairessceptiques.

Nous ne pouvons, n lit vérité, allirinerqu'au temps d'Aivé-

sikix ils avaient donné à cette argumentation tout !<•développe-

.(<• Il, »ll. ri:'ri m/ jii,

."ty.

WAit». C«tnt.t>.

Page 117: Les Sceptiques Grecs Brochard

fîf> LIVBH Ifc – MMFITKK fi.

ment qtreilii; eut |»ks fiu'il. Mais il parait iai possible ([un ((esraisons si

simples ut si légitimes ne se su i nul (ias présentées de

bonne heure a leur esjicit i;. lui tout cas, Areisilos ne pouvuit

inam|(ier d'avoir à sV\|jii([U(T sur in manière dont il convient

d'agir, et voici comment il su tirait (le cette diiticutié.

Il avouaitque

lit vie|>taticjui* exige un eritenum, et «» mte-

l'ium il le trouvait dans le raisonnable(evXoyov).

H formulait

mpensée

à la manière stoïcienne, dans un sorite le but

suprême4e la vie est le bonheur, le bonheur a pour condition

litprudeuee ( Çpômimf)

laprudence

consiste à faire sua devoir

(xaTipOwia) h devoir est une m'tiun qu'un pt'itf expliquerrai-

.soHunblftment ( etfÀoyot')

Qu'est-ce iiiaintenanl que cet eûloyou dont Arcésitas l'ait le

critérium do la conduite pratique'' Tous les historiens l'ont

jusqu'ici runfoii(tii avec le nnQavlv (le Caméade et ont désijjné

l'un et l'autre indilféreniment jrar les mots de vraisemblable et de

probable. Mais Iliraol' dans un des meilleursrliapitrcs.de

la

belle étudequ'il

a consacrée an scepticisme ancien, a montré

qu'il y it une différence, notable entre les significations de ces

deux termes.

D'abord il n«us est cxprvssûmctit attesté fju*Arcésilasreje-tait le probable (ai0av6v}; suivant lui. aucune représentation ne

l'emporlu sur une autre au point,de vue de ta créance qu'elle

mérite r'J. C'est assez arbitrairement que quelques historiens ont

tenu le témoignage de Numénius pour non avenu. D'autre part,

('' Onvoit, par nu passaguîle]l'tiilai(|iie ( /li/t. &,lai,, :ii)\, que,suivait! les

aradi-niioipii*, Ciiislinct (spuA) pi'iit ta jinitci' de tui-uu!me à l'artioii et n'a |«»

liesoiit «te l'açsi'ntHiiciil (avfxvtiOems) donné À la son*ilion. D'aulro pari, nous

savons tPlul., Si. n>;> MA'II, m) ijiib OirysipfiR sunlcnail te contraire. C'est

|mit-i;lre contre bi Iliiorie d'Aiwila» <)i>W ilirijjëB l'olijcoliidi de riiry.i|)|Ki.-•

Seit.M., VU, i5H.

Oji. cil., i5o. A P»p|>ui île rctle tluV*», on pourrai! si(jnalw les criliqum que

(iarni'ade, rf'ajirès Pliiliinfii» ilk rum. tmlil., WVII, t.r>), ;i diriges contrr; la

llirâric ttoieioiiiio ife la tHAywTiat èxïoyn. (Voir li-di-ssom, |). «57.) p

Nmni'li. np. KiiscIj. l'mp. evaiif; XIV, vi, 5 kvtupaûvxit x« aùxàu 10

ibii$ist uni xà foÇ&ot, nni 10 nnfapoV.

M S«*xL, I, s^îï Oiie xntà twV'ii» A imo'iiw vftanpivst ti Hçyw érepov.

Page 118: Les Sceptiques Grecs Brochard

AKtiÉSlLAS.m 1

uuwi.voyons qui» k* stoïciens»! faisaient une djffifntt»eftfn

mOwé» et etXeyw. le -aiOavh est défini •. <££,«Matj fyw siscnyxotéletn», «t Je f&qw ^/«^ Tè ^/wb-

«tygppfc j^ïfe rè «Aij&ls ehoet. Si le «<§«»/& conduit à

l'assentiment Arcé-silas était

conséquent avec lui-mène en le repoussant. JJpouvait,au point de vue pratique, «Intel!» le tfo07w eomme

équivalentde ta vérité.

D'ailleurs, le eShyw d'Arcésilas ne se confondpas avec k>

mfavàp de Caméade. l*as une fois le mot dkoyw n'estcibbIov*

pur Sextuslorsqu'il cxpom les théories de Carnéade. De

plus.pour Curnuade «w;

représentation isoléepeut. en raison de sa

forci, et de sa vivacité <», êtreappelée «lOaW; il est clair

.jue |p

sfàoyo» suppose une pluialité dereprésentations l>ien lifes entre

elles. Il est vraique Carnéade, comme on Je verra plus loin no

se contente pas de ce premier caractère, etexige en outre t|ue

la Çcnravia soit émplancoriot et *,ep,oS$vnifvn et ici, i| est

évident que la mison intervient <«. Mais elle intervient d'uneautre manière

«pie chez ,4rcésilas. Chez ce dernier, c'est de laraison seule que dépend la vraisembliuiœ; chez, le

premier, la

probabilité des re|jn>sen(atk>ns ne vient({«.; pmn- une

part d<'lu raison; sa véritable source «st

l'expérience la raison ne fait

guère qu'exercer un contrôle. Il faut donc faire une distindioi,entre les doux termes pour Arcésilas. c'est le

raisftnnabfe fpfiest le critérium

pratique <le la conduite: pour Carnéade. c'est If-

probable. Si on persiste à désigner laphilosophie de la nou-

velle Académie sous le non», d'ailleurs assez mal choisi de probn-bilimne

(car ce mol était employé au xvrr*siècle avec une signi-fication bien

différente), c'est seulement àpartir de Carnéâd,-

<|uo ce mol trouvera son application légitime.Le raisonnable

pour Arcésilas désignait dont- dos actionsqu'on

»io(! Vit. 75. ,li.Sr.it.U., VH. il>(»-17i.

s) (iintrairem.MiI ô IIirrI, il nous semble <(«f c'ml la raisonqui juw s'il nyy» pas amlmliclion cnlnt «fccras npKmmiam ,«i ««oiHiliIBn«rt>c..Hcqui«* ™

question. M«iS «reste vrai, comme il Umowlrê..|ue lit «,“«>. &> ta pro-

liiilnllt« wt •'ssi!iitn>lleineiil ilans la ilonnw' sensible.

Page 119: Les Sceptiques Grecs Brochard

1t4 UVIMÎ ». – (UIA14TKB ».

pr~ut,~ustitïet:ptt.t e~cltettttes tai~a~tr4.trliti t" ttt~trttr ttént r~atrdrus. I.t

formant un ensemble bien lié. Cesl une uk*t'. stoïcienne, wiiimw

lit forme de raisonnement adoptée parArcpsilus. Do môme aussi

te mot HtnipOwfna est fréquemment usité «tans la teroiiiwtojfk*

stoïcienne. De tans ces faits it semble résulter qu'a» moins en

inuvale les stoïciens avaient arraché à leur redoutable adversaire

<rtnj[ioi*laiîtt'sconcessions. il no

paraît pis d'ailleurs qu'Aret!-

silas se soit étendu volontiers sur les questions de cet ordre

car Gieéron ne mentionne pas une seule fois ses opinionssut*

cet important sujet. (n va de soi (lue malgré ces concessions au stoïcisme, Arci'1-

rsilas ne peut pas plus être considéré comme un ilogrnatiste jjui* tles

pyrrlioniens eux-mêmes; car ees derniers reconnaissaient I

aussi un criterium pratique. D'iiilionrs, comme il ne s'agît ici <

(jueJe l'accord subjectif des

représentations, Arcésilas continue

à ne rien affirmer hors de lui.

Il y a pourtant ((tioltjues diilercnces entre le fondateur de la

nouvelle Académie et les pyrrltonicns. D'abord Arcésilas n'assi-

gnait pas pour fin dernière de la conduito l'adiaphorie ni l'ala-

ra.xie; il s'en tenait lasuspension du jugement; Sex.tus(1)

fnarque

jissoz nettement cette difterence. En outre, tandisque

les purs

pyrrlioniens demandaient a ta raison une entière abdication, cl

se soumettaient aveuglément à la coutume et aux lois établies,

Arcésitas prend la raison pour juge enchaque cas particulier;

par lu, on peut direqu'il

s'élève fort au-dessus dupyirlionismfi:

il garde quelque chose (te la traditionsocratique

et platoni-

cienne, Il est au total aussi sceptique que Timon; mais son

scepticisme est celui d'un homme instruit et éclairé il reste phi-

losophe dans le scepticisme, au lieu que les purs pyrrlioniens

renonçaient jusqu'aunon» de philosophes.

111. Jusqu'ici, rien dans les doctrines d'Arcésilas suuf te

dernier point que nous venons d'indiquer, m- peut nous faire

t·i I' U*.t-t Kai séi~na fOi.. sivst T))y dao~»v. » avveto£~r;~ez7~t 7lip 4T«P'ZFJQI'

ijueïf iïimopzv.

Page 120: Les Sceptiques Grecs Brochard

viiefisfus. m

R

,LI~U'U'

M»mprniHtr« pourquoi il apris> «t pourquoi \m mmww lui «ut

conservé le nom d'académicien. Ko quoi est-il k continuateur

àde Platon? il !'est de deux manières-, d'abord, l'Jaton aimait à

employer des formules dubitatives, et on sait- avecquelle d<?-

tianœ, voisine duscepticisme, Stierute

pariait des théoriesphy-

siques, A tort ou à raison, Arcésilns et les nouveau* acadé-

miciens, art poussant h doute jusqu'à ses dernières limites»

pouvaient se croire fidèles aux idées du maître. Sur ce point, Jmj

témoignages abondent Cieéron regarde toujours la nouvelle

Académie comme la (ille légitime de l'ancienne. Mais c'ust sur-tout

par sa méthode, pat samanière d'enseigner et de

parlerqu'Arcésilas s'est montré véritable académicien. Les anciens

attachaient peut-être plus d'importance ces formes extérieures

qu'au fond des choses, etpour mériter le non» d'académicien,

il suflisait i leursveux de parler comme les académiciens.

Voici continentprocédait Arcésilas. Il attendait qu'un inter-

locuteur vint exprimer devant lui son sentiment surquelque

point; en général, if n'aimaitpas qu'on lui adressât des ques-

tions il faisait parler les autres. Mais, quelle qun fut la thèse

exposée, ilentreprenait aussitôt de ta réfuter. l*ar exemple"

fin lui disait le plaisir est le souverain bien (souvent même onle disait sans le penser, uniquement pour lui donner l'occasionde parler» et le mettre en train), et il discourait sur ce.

sujet.De là sans doute une grande variété de discours. Il faut bien

qu'Arcésilns ait traité de la sorte un grand nombre desujets;

car il neparait pas que les thèses négatives que nous venons

de résumer aient pu suffire à son activitéphilosophique et ora-

toire. C'est ainsique, comme Socrate, il interrogeait et répon-

dait. Comme Socrate aussi, il traitait tous les sujets qui sepré-

sentaient, suivant le hasard des rencontres etl'inspiration dit

moment. Voilàpourquoi Cieéron nous dit qti'Arcésilas avait

repris les «sages de l'Académie, depuis longtemps tombés en

désuétude. Cequ'il ne dit pas, c'est que, selon toute vraisem-

('»Cic, Fin., Il, i, l),th;<t., III. tmi, f,7; l)r Xal. /»«. I. v, n.

Page 121: Les Sceptiques Grecs Brochard

IU WVJtKII.- -tîlMI'tTftE ».

tthumv, tt y avait itijtvt* Ai'césîJas el 'Sacrale «te protondés tttffi'1-

ronces. Sceptique et irrésolu seulement en apparence, Socrato,

à Iravors fous tes détours du ses questions, ne perdait jamais de

vue io but moral tjti'i! poursuivaitil avait des

pointsde repère,

des idées arrêtées, qui donnaient à ses discours un sérieux et

une élévationque

n'uni pasmunue ses

disciple* dégénérés, Kn

outre, Socntte seproposait

moins debriller que

d'instruire, «I ii

est permis df penser que sur tant do sujets nouveaux un amk'ii.v.

imjH'évfiisou attendus. Areésilas rherebuil surtout IWasion

(f'r'tnk'r les jjràces de son esprit et de faire valoir les ressmui'es~t

de su iliak!t(i([iic.

En résumé, ni dans tes idées d'Arcésîlas. ni dans la méthodee

qu'il mit à teur servii-e, nous no trottons une grande originalité. s

Ses rivaux, lipieuri* surtout, le fui ontreproché plus

d'une t

lois: ils l'accusaient de ne rien dire de nouveau, et de jeter rie

la poudre aux yeux îles ijfiioiaiits. An-ésilas en convenait de

Iwnne {;n*ice; i! se flallail seulement de suivre l'exemple deSo-

••rate. de Platon et de Pannénide, et it s'abritait derrière l'au-

torité de ws grands noms.

ii

IV. Il n'est pas facile, même après qu'ona réuni tout «e

((

qu(! nous pouvons savoir d'.Areéstlas du se faire «ne itlée nette i

de ce personnage, el de porter un jugement d'enseuilile sur son i;

enseignement. Ksl-ee un penseur sérieux, on seulement un tlts- i

coureur habile à ce jeu de la dialectique qu'il appelait lui- mène

un art d'escamotage %? Est-il sincère mi son scepticisme, ou

sceptiquemême à l'égard de son scepticisme?

Ksl-ce un pliilo-

soj)l»e on nu sophiste?

F^es anciens se trouvaient déjà dans le inètne embarras ait

nuiis sommes, et d« bonne heure les avis ont été partagésà

l'éjjard du fondateur de la nouvelle Académie. On ri» fait par-

fois, un dojjnmtisle honteux on le supposait au fond plus plu- t

tnnii:i«Mi qu'ilne voulait le paraître:

dans son l'or intérieur, il l'

l't-H.Mr. t:t»t.. «f,; Ct. «:ir.. > tl. v. l'i.

Si..ti.. FM., IAWII. 'i.

Page 122: Les Sceptiques Grecs Brochard

WtëSfUS. flf,

K.

ituntit liityoHCKle»»» (Hun- les dogmes du maître '(font if conser-

vait ostensiblement l;i tradition, et son scepticisme n'aurait été

qu'une sorte de contenance«|if*ïl

s» donnait, en untemps pu

propice aux spéculations imttapbvgiqui's. Sextus fc'mpirkus après

avoir dit lti en sonpropre non» qu'il l« regarde eouwue à peu

près jivii'lionicii, ajoute que suivant quelques-uns, tes argu-ments

st'uptupes lui servaient seulement depierre de touche

pour éprouver ses disciples s'it leur trouvait tes qualités d'esprit

requises pour comprendre la doctrine du maître, il tes ittitiait

il ses dogmes. Suivant Diodes de Cnide"i!, c'étaitpar crainte

desdisciples do Tfiéudore et de Bion. ennemis acharnés de

tout dogmatisme, capables de ne reculer devant rien. qu'Arcé-silas, afin de conserver son

repos, avait feint df ne croire ;Vrien;

son doute était, comme l'encrequi' jette la sépîa

autour d'elle, et

qui ht protège. Elest vrai que JVumwmis, qui rapporte ce témoi-

gnage, ajoute aussitôt qu'il ne le croitpas

exact.

Un textebeaucoup plus important

est celui où (licéron^1 fait

allusion à un enseignement ésolériquede la nouvelle Académie.

tt y avait, semble-f-il. desmystères dont la eoiuiaissaiice était

réservée aux initiés; t-Vsf afin d'atteindre ta vérité que les aca-

démiciens défendaient et combattaient tour à tour toutes les

opinions.

La traditionqui

attribuait aux nouveaux académiciens des

pensées de derrière la tètepersista longtemps; nous en trouvons

encore «n écho riiez saint Augustin Arcésilas, suivant saint

Augustin, voyant lo stoïcisme gagner de proche en proche, et

la foule disposée à croire que Pitons est mortelle, que tout, y

compris Dieu, est matériel, aurait désespéré de la ramènerala

vérité, faute de mieux, il se sentit contenté, ne pouvant t'itt-

"> I. »3.'i.

Xliro.;i[). Kiwli.. Inc. cit., Il, (i. (X rill,

;vl.-le, il, «vin, (Su -Italiil illuit, «|cum{ tlicuut. veti inveuiriwii causii «mlrit

onmia«liri o|iortiTe, et pntoinuibu».Volof|;ilitr virfotvi|niil invueriiil.N!«uwi-

him», inipiil. ostonlew. Quœsunl lamfortisla mysleriti «nieut rc[;i(îs,quasitiirft^alii|iiiii.senltmliiiin««itraïuïn

!l> (Mit. Armlmiit:. I, un, IW. Cf. Ail l)im,;epitl.. tli.

Page 123: Les Sceptiques Grecs Brochard

\U UVRE If. – «H APHr'RK H.t.

s-U'ttirt*, de ht désabuser, et A«stfiminpoi

il se serait attacha à

Latin1 i'n brèche le dogmatismesensuulisle des stoïciens; les

ei-uyaua'sdo l'Académie éttiit'iit comme un trésor, qu'il

avait

enfoui, et qu'endes

b*m|is meilleurs, ta|»ost**ritt'*sunratt re-

trouver.

De nos jours, Getîers u) a soutenu ingénieusement la mente

opinionArcéstlas aurait mérita! pleinement son nom d'acadé-

micien. i't serait luujours, au fond du cœur, demeuré fidèt« à

Platon..

H fiiul convenir (|tnl y a là une dilticulté oinbaiTassaitte; le

texte de CWroi» surtoutpeut

donner fort àpenser.

Nous ne

croyons pastoutefois

qu'ondoive s'arrêter à ce soupçon de dog-

matisme ôsotéricjuo, que nous verrons reparaître k proposde e

chacun des nouveaux académiciens. t

L'assertion de Diodes de (Inide est bien invraisemblable et ]

î\ mm;riius avait bien raison de n'y pas croire, comment ad-

mettre qu'un dialecticien hardi et sur de lui, comme Arcésilas,

ait tremblé devant des adversaires très inférieurs, etn'ait pas

osé

dire toute sapensée?

Y

It faut aussi écarter ie témoignage de saint Augustin; nous1

voyonsen effet

parun

passageformel du Contra atadmitos® f

qu'il s'agit ici d'une conjecturetoute personnelle, d'une explica-

,1

tionque

tepère de l'Kglise s'est proposée à lui-môme, et qu'il

it

ne donne que sous toutes réserves. tt se peut, ii est vrai. qu'il!

ait été amené a cette hypothèse par certaines indications des

auteurs anciens, etpar je ne sais quelle obscure tradition. Mais,

comme lui-même fuit allusion au texte de Cicéron, it estpro-

bable que c'est ce texte qui t'a induit à faire son hypothèse. Le

texte de saint Augustin n'a doncpas

de valeur par lui-mê'me:n

Au moins il n'aque

relie qu'il emprunte au témoignage (lee

Cieéron.

t

''» Dénota Acaitemw Areei. imcl. couttituta fiymn. pro|;r.tïoltin| lilia; |).iS. t

»' Ml. vv», :i- Atidile jam(Krnkialk-i>liu<s,non qniit sriim.scdquitl oiis-

liini'i» [{or milii rt»; .Acmlcriiiris inlei inr |ir"l«iliitikT ut |Kilni jm-inhosî Iwr

• t .Ji;i hiijiisiiuHti Hiilli viiL'illuv "

9

I]

I

Page 124: Les Sceptiques Grecs Brochard

~~tt~~t:ytt:~s. it7~t~1'jf..«. fi <

•lULr,.TII,;VB. 1|7

Or, Oeérun, s'il fàit allusion à uua sorte de dogmatisme

mystérieux, ne parle pas en tous cas d'un dogmatisme platoni-tien. Kt si lit nouvelle Académie avait eu «m enseignement secretde

quelque importance, comment croireque Ciedron n« l'etU

pas connu? Et s'il l'n connu,comment supposer qu'il n'v ait fait

qu'une obscure «illusion? Commentcomprendre surtout

qu'ilne nous

parle jamais d'Arcésilasque comme d'un

sceptique?Bien

plus, Platon lui-iuftite ne lui»pji»Rtit jamaisr (jue comme

unsceptique; il ne Voit en lui que {'homme'

qui discutaittoutes les

opinions, salis seprononcer sur aucune

D'aprèslui, c'est

le jugement que formulaient sur Plalon tous lesphi-

Iosutiltes de ta nouvelle Académie; s'ils déchirent qu'il n'y u

qu'une seule Académie, que In nouvelle se confond tvec l'iui-ciemie. c'est

qu'ils prêtent à l'ancienne le douteque professe la

nouvelle**>.

Reste letémoignage de Sextus. Mais Sextus ne le donne

quesous forme dubitative; lui-même

n'y croitpas, et il est bien

plutôt disposé a ranger Arcésilasparmi les

purs pyrrlioniens. Levers tf Ariston souvent rite, Platon

par devant, Pijrrhon par der-

rière, Diodoreuu milieu, indique peuf-&n> que pour Ces anciens

témoins leplatonisme

«'est chez Arcésilasqu'à la surface c'est

uneapparente;

ta réalité, c'est lepyrrbottisme. Et enfin, nous

savons que Timona fait l'éloge d'.lrcésilas après

si mort. L'in-

traitablesiliograplie lui mirait-il pardonné des arrière-pensées

platoniciennes et desréticences dogmatiques t

II reste vraicependant que Cicéron et Sextus

parlent sinon

d'un dogmatisme platonicien au moins d'une sorte de dogma-tisme. D'où vient cela ? Il ne faut pas oublier

que les nouveaux

académiciens sont, lion depurs sceptiques,

mais desprobabi-

lisles;cn d'autres termes, ils se réservent le droit d'avoir des

opinions. Ces opinions* ils s'interdisent de lesprofesser en

public, parce qu'ils ne veulent pas donnerprise sur eux à leurs

adversaires, parce qu'ilsvetd.-rrt

garder toujours l'offensive: cVst

-k., I. \n. if.. Cf. IkOr, lil. uni.«;.

tf.. t. xtr. 'tti.

Page 125: Les Sceptiques Grecs Brochard

m MVIUS II.UHAIMTRB II.

a .É r.ac 1 a iff a

une attitude de combat qu'ilsont choisie. \hh en particulier,

arec des disciples d'élite, ils jiottvai«ntdiscourir à leur aîse,

et après avoir montré te pouret I«*eoutra, laiswr voir leurs

préférences, fiiitw paraissent-ils avoirévité d'exercer «ru-, in-

fluence ellicuce sur les mty.auf«n; «le leur» adeptes.Ils su bor-

naient à proposerdes

opiuioits,sansk>s

impsi'i";ils voulaient.

dit Cteérott dans le |»iissa{{«iiH'ine

queho«ih u«««s rappclt* lotit

ù riiettre, ([uela raison seule, et non l'autorité, tes déeidùt iU

rntitme putius quantauctorihtte duemtlnr. On peut comprendre

à

pr«s»nt.comment n

pris naissance la tradition, mi fa léj'endc, [i

(bul saiitl Atigusliu s'est Kiit t'édio: on voit sur c|uelle mii-

l"nsi*m ctlorepose

(ioinme k's nouveaux ucadémîciens, tau-

joiu-s sur la rési'm' ci» public» onttut enseignement partiVu-

lier plus pusittf,la malice des adversaires ott figHorancf de f

tpn4i|t»eskislm-iftis leur prèle

tics itugmcs. Comme ils se disent

disciples de l'Ialon et se ri'diiinottl de son aulmïté, on Iwir "•

attribue, des dojjutes jdatoniciens.On un prond pas garde,

ou ott

ne veut pas voir, <|u*eitlrcleur «nseijjnemenl ésotériepu: et leur

cuit»1 pour Plstltn* iln'v

a aitctiiie t-rmnexifé. (le n'est pasSi

t-omine plittouieiens «jit'ils ont des dogmes, puisque suivant .eux <

Platon Inr-ntèine it'ett a pas.Kt au vn«. its n'ottt même pas

de <

dogmes mais seulement des opinionsvraisemblables.

Kncore l';iut-ilajouter t|iif.1

tout cela est vrai bien plutôt des

successeurs d'Arcéstlas ipied'/lreésilas hii-mtSme. il [cirait en

effet on l'a vu. avoir été surtout sceptique, et ctt lin de compte

plus prèsde l'vnlion <pie

du (Jtméadi; lui-même. Sextus '•' dit

t'iipropres

fermes ipi'il est (tresipio çoinpliîtementd'aci-ord avec

les pyrrlmniens.Mnttséas. Pliilomélos, Timon, au témoijjuajjc

tle Niiménifis i;. le re|;iu'dni(!nt cointue un sireplupte. llappelons

enlin ipte selon (!io>r«n c'est Anésilas. quia le premier

iiTi»minaiidé laMispi>nsion

d»jugenn'iil.

et If iiième Oieéron:>;

1><Irct|>tiiitliun i lat|wfti-

«"in-rfli- lliizirl (>>;).rit.. III. |>. :ti! «I w/.)

I, ••

' \\i.¥.<l--b.. tir..II.. \tV. vt. "(.

,1. II. wu. 7;.i.l. Ili. IV.••«.Ur.. M. vuir. "ut.

Page 126: Les Sceptiques Grecs Brochard

iKCfiSILAS. i|y

iUrhw ((fioiiiif m(joint, ii cul plus de fermeté uue Cameade.

»(jitt

H arriva peut-é*tre do eoïK'éder que le» sage pourra avoir

«lesopinions, «ait seulement au |»uîni do vue

pratique, maïs

utiliiM!un théorie.

Areésilas fiit-it du moins sincère dans son scepticisme 1 Oti

eu doutuil parfois eliex les anciens. Suivantcjuetyucs-uiiu !H«

«lans faguerre acharnée

«pi'illit à Zéiioa, il n'aurait obéi

tju'à

un sentiment dejalousie «ontre son ancien

compagnon,et an

désir de te contrecarrer et de le dénigrer en toutes choses. C'est

<re.que disaient les stoïciens, et ils aimaient à le représenter

foinine un esjirii brouillon et inquiof, sans conviction siiieèi-u,

se plaisant àjeter partout le désonlrc et la c«ufusion, faisant en

un motpour la pfùios<»|iltif ce ijue Tibérius Gracclms fil 1«hpo-

îitùjue1' V.kt'mn prend lapeine de h déft'iidre contru t'es

acciisatious il winhle<juc ce suit bien inutile. Poui- attribuer à

un jfraud esprit des motifs aussi bas et des sentiments aussi

u»cs<|tiius, il faudrait d'autres preuves «|ue les boutades jKissiou-né-s de

<(uuI<|UGsadversaires.

Ajoutons (|itu d'après le rapju-ocfienieiil des dates il u«> paraît

p«s (lossible <|u'treésilas ait suivi tes leçons «le i'olûiimn en

inèmetemps ijue Zéuoii }).

Entre tesinterprélalions diverses, le

plus ssiijc notts paraitêtre de s'en tenir au

jugement de (Jicéron. Arcésilas apu

être

un esprit sincère et élevé, vivementfrappé de la difficulté ttc

reconnaître la vérité ait i»ilieu de tant desystèmes ditl'ihvitts:

l'absteution lui parut en lin de compte te parti le plus sûr, et it

l'a considérée comme pouvant se concilier, ainsi cjue te «lit Cicé-

ron" avec riionnciir «t ta dignité du sage. Il pouvait aprèsfont invoquer d'illustres autorités, l'arinénide, Sociale. IMaton:

«•I il ne s'en lit pas faute.Il se peut aussi qu'il ait obéi à des motifs moins noble. Ku

:liXntittMi.. for. cit., x. i uCic. 4< II. n. ni.

!iCic, /le, II, v, i5. tJ..

1 V<»ii* Z<lli>r. •/»..!».. t. H. j,. 'ii,r. t.

/le., II.UIV.77 -tldfll >t.l ^lil.-ltll.i. !>iiii il.iih'-tit ..1

i|i«tia ~ii|«»-(il.

il. k. I. <M. fi4.

Page 127: Les Sceptiques Grecs Brochard

m uvitË n. –'chapitre il

Il 1: 1..1:1" 1; t.. 1' b.

ces temps de utiles «uiUmtefles et |>uli!u|»es, (à pail<i£ct{ilHetltt

doute était- iti- plus facile « défi'iidro. N'être «i»»hîHTass«(t^itucuti

dogme,ne donner

ptisustu* soi à aucun adversaire, prendra

toujours l'offensive, et n'avoir rien il j»arder, était uneatlitudo

commode et avantageuse pourun orateur avide de popularité

et attaché avant tout au succès. Aucune autro doctrine no pou-

vait donner « l'éloquence plus d'occasions de briller; aucune

n'était plus appropriéeà ta souplesse d'esprit

«t à l'habileté

oratoire dont nous savons qu'Areésilas adonné tant deprouves.

Nous ne pouvons rie u affirmer, et il faut nous aussi nous contenter j

ici dis vraisemblances; il rat vraisemblable que des raisons dej

cet ordre ont été de quelque poids dans la balance où Arcisilas,

avant d*1 [Hfndre parti pour l'indtkisioi», apesé

lepour et la

t

amtrp.'1

V. Lu nouvelle Académie ne brille dans l'histoire que d'un

éclat intermittent à la distance où nous sommes, nous ne la

connaissons que pur tes (jrnmls noms (lui Ponl illustrée; les

.sommets seuls éuiergonl«le l'oubli. l*our avoir des rensoigne-

nients précis, il faut aller d'Arcésilas ik Oarnéade, et franchir (

une période de cmcptitntc ans.

Nous savons pourtant quetlans l'inlervidfe la doctrine n'a

cessé ni d'iHre repiésenléeni d'tHre enseignée, et si incoin-

[dèles qu'elles soient. les données quenous possédons nous

prouvent que. l'activité philosophique,si elle a été moins heu-

reuse, ne s'est pas entièrement arrêtée. Les chefs de l'école entre

Arcésilas et (Jarnêade nous sont connus; nous savons imîme les

noms d'un ynind nombre de philosophes, (lui sans avoir eu

la direction de l'école demeurèrent attachés à la doctrine du

maître.

Lacydes, Tcléclès et Kvandre, Hégésinus, tels furent les chefs

de la nouvelle Académie; Caruéade fut Ic quatrième1".

l,ai'nli-s devait avoir quelque célébrité, puisque Diogèuc a

t:i. I. II. n, 16.

Page 128: Les Sceptiques Grecs Brochard

ARGÉStLAS. m

écrit sa vie, et que Nttjuénitïsparte imëx longuement de lui il

est vrai que t'un et l'autre content des anecdotes sans inférât,ou hm?hw ridicules m. Il succéda à Arcésitus, dans Ja

quatrième [année de let cent

trente-quatrième olympiade (a/it av. J.-C.)ot

remplit sa fonctionpendant vingt-six ansf2>; même il y a lieu ï

cie penser qu'il enseigna du vivunt d'AreésHas, ou du moins l

occupa près de lui dans l'Académie uneplace importante (3>.Les

renseignements que nous avons sur lui sont contradictoires.

Diogène l'appelle àvty oepvlvaxos', d'autre part, il ditqu'il mou-

rut d'un excès de vin, et divers témoignages nousparlent aussi

de son culte immodérépour Baeehus». On nous dit encoree

f|u'il fut u» travailleur acharné, aimable et d'un commercefacile.

Quoique pauvre, il ne répondit pas aux avancesque lui

fit Alfale, et il sedispensa (le lui foire visite en disant «Les

statues doivent être regardées de loin.» C'est Ittiqui par

ses

écrits lit connaître les doctrines d'Arcésilas; on cite de lui t**

deux ouvrages fiUaoÇet et -crepi Çvvew. Il neparaît pas qu'il

ait modifié en rien la doctrine de son maître.

Lacydcs, suivant Diogène, laissa la direction de l'école aux

Phocéens Télèclès et Évandrc. Cicéron (otne nommequ'Évandre

et après lui liégésintrs (appelé par Clément d'Alexandrie ™ Hé-

gésilaus), (jui fut le maître de (Jarnéade. iVousne savons de ces

philosophes «juo leur nom.

La liste est assezlongue de ceux qui nous sont donnés comme

ayant professa les doctrines de la nouvelle Académie ici encore

il faut nous contenter d'unesimple énuntéralion <8>.Parmi les

mKust'l). l'nif. n-ttiig., XIV, vu.

(!>Oing.. IV, Ci.

«D'après le lôuiotunaj-c .Ip Solion (l)i«g., VII. iS3). Cbrjsippc. à lopwiw

où il mcliiiiiit vers les i<lws .le ta numelic Académie, et où il écrivait un Iroilé surla cuiiliimc, s'iis<ocia us Iravaiu (mieeÇùoooÇiioe) il'Aiwsilas ol Je Urydcs. Oi-,

Chi-jsi(>(>c. à la iuurtir,in-vsilas, avait <it>jù saeatU ;i Clwmtlti', niorl vors arii.

KhVi»,Var.llttt., II, '« t Atlioii. X WS,«; VIII, «06.6.(!l .Slliil.is AtaiSnt,

Al\, II. M, |(i.

iV/njMi,, t. .'(en, c.

'» V. Mkr. t. IV, p. 'hJ7.

Page 129: Les Sceptiques Grecs Brochard

ÏM M VUE II. – UKAPITUK II.

disciples iPArodsilas. on citePjÉoèw' t|tti ronstgua nom

dans ttu Imité les opinions -du son maître, Aridicusde Klitide»'

Dorothée'3'* PiinaitHas' P&nophanes' i&dc'mos ou &lélos!0)

«|ui juiiu un rôle |)olitt(|iio, au temps de Philopéuteti, ApeH«»!7!.

Liicydos t-ut piMir disciple Arâtipp du€yrèn«iS|.

k mAine

mns doute(jui écrivit un livre mpi <pu<rtoXiyan>'1Ji,et p«ut-iîlre

isspï ««X»às rpv$nsiV>ii puis fimlus'"1. Voici enlîii les noms

d'autres ucadéuiicieris Paséas, Thrasys. deux KubuI«i»!K', Aga-

ipestor'ou

Agapstor" puis Uamo», Leonteus; Afoseirion,

Kvaudre d'Alhènt'S UM. Boéthus.disciple d*Aristi[»[ie de Cyrène.

eut une coutroversu avec Carnéide il'K

f'î [iià* Ikiailaïu'iisia,ml no («((. UuclraicivUrypIiiMnililk-,Oyinn.projii-i S(>j).

"Hiil.; .Vttii'ii., X.i-i(>. > l>tut., Ctmetl. tu«r., II. i.i-s: l'olid fV, i.h, -i.

1 fndcjr.ibiiL!« Alhwt.. XHI, .m-i. • Cl'. Klicn. I. «.

« ('lui., WhVo; h: .Jraf.

(/.M.

Vtlicn.,X. 'isô, d.

KhscI»., Itiv. ut., MV, nu t'i.

!«<«.. VIII. -m.

Vii'lïsche./(A««..M»»..XXIV.•>"' iitiiiti. 'IMlex.. i'iivm.. it><». i>.i: Itut, Itère. %m{.:i~,1: /ii'.i.

:|11 l'ful.. fjtltnt. nue.. 1. iv.{. S.

*> .Suiila*. lOir'jf.

t- Index roi. -jH.

Page 130: Les Sceptiques Grecs Brochard

r.AHNKAMi.– SA VIK KT SA JM1CTKLNK. i%\

CHAPITRE III.

CAHSKADB. SA VIK KT SA »«CTRl,\K.

Bienque

les successeurs immédiats d'Areésilas n'aient rien

trouveà ajouter

à sadoctrine, it restait

beaucoupa faire dans

la directionque

le fondateur de la nouvelle Académie* avait indi-

quée.Xf»H seulement Areésïlas n'avait

pasdonné à ses

arguments

s(rc'[)tti|iieK'toute ttr

prwî.siou etlu

i%tient' (ju'iIb comportaient

Miitis ils'était trop [truibiuucul contentû

du rôlo facile de «les-

ÊriKtwu- et denégateur.

La nécessité de vivre cl lescxigimres

de

I» viejira(ii|uu

onttoujours

été tagrande difficulté qu'ont

ren-

contrée lesspcjitïques

c'est ie tatou d'Achille duscepticisme.

Lu doctrine de h vraisemblance n'a été inventée(jtrtî pour parer

à ci-tte dillieulti'. Mais la doctrine de la vraisemblance n'était chez

Arcésilasqu'à

l'étatd'ébauche. Quand il fallait

s'expliquersur ce

point délicat,il balbutiait

plutôt qu'il no parlaitil

passaitdu

doute à la

vraisemblance brusquement,sans

rira justifier, parce

qu'il ne pouvaitfaire autrement.

Car»éad»-,qui repritson œuvre

de fond en comble, en vit bien !<• défaut, ety porta

remède, il

maintint avec autant de fermetéque

sonprédécesseur la

thèse

querien n'est certain, et

il portaà l'école de

Citrysippedes

coups

aussi

rudes que ceux qitoZenon avait

n-çus d'.Virésitas. 3tais,en

menu;temps,

il sut trouver des

intermédiaires, distinguerdes

nuances,passer doucement, sans embarras et sans scandale

logique,du doute à la

probabilité.ses

mains, la doctrine

de la nouvelle Académie forme un tout bien lié et devient un

stslèiiie quimérite l'examen, et,

quelquesréserves

qu'il pro-

voque,tait honneur ses auteurs.

Oiniéadu n'a rien wiïl;1, etprobablement

cV-sl à cette cir-

'l>i«j[.. IV. li.'t: Nul.. II,. I/r.t. tittntr. |. 't.

Page 131: Les Sceptiques Grecs Brochard

ut uvre ». mxpiî m m.

eotwtottc»', joitrte m peu àm favettf qtt'ôitfieimGirë d'ordinaire les

doctrinessceptiques, tp/il a dû do n'&i'e pas euntjité parmi tes.

grands philosophes. Un eatmen impartial de ce que nous con-

naissons do lui atteste du moinsqu'il fut un

puissant esprit

Depuis Aristote jusqu'à Piotiu, la Grèce n'en apas eu de plus

grand; seul, Chiysipjio pourrait luidisputer In palme, et «ion

s'en rapportait al'opinion de I» plupart des anciens, c'est à Car-

néad© qu'elle appartiendrait.

[. Carttéade, fils d'Épicomus ou de Philoeomus, naquit à i

Cvrène"> vers aj t av. JL-C<*}.Ses admirateurs faisaient remur-

ijuer qu'il était né le mène jour que Platon, le jour des jeux«annSetts consacrés à

Apollon (î). Il eut pour maître, outre Hdgé-sinus à (lui il succéda te stoïcien Diogène de

Babylono^, (luilui enseigna la

dialectique, Malgré rmlervalb (letemps consi-

dérable (lui lessépare, on

peut regarder Cbrysippe comme «rides «mitres de Carnéad»; c'est probablement dans une lecture

approfondie des nombreux écrits du grand stoïcien qu'il acquit,sans

parler de bon nombre d'arguments sceptiques qu'il lui

emprunta, cettesouplesse H cette habileté

qui le rendirent si

redoutable dans la discussion. Lui-même reconnaissait ce qu'ildevait à son illustre prédécesseur, car il disait souvent, parodiantun mot connu « «S'il n'y avait

point eu deChrysippe, il

n'yaurait

point de Carnéade'51. Sauf lit célèbre ambassade à Home

dont il fut chargé en i 56 avec Diogène de Babylone et Crilolaûs

lorsque les Athéniens voulurent se faireexempter d'une amende

fl>Oiojt., IV, 6a; SCral»., XVII, m, aa; Gt., Ttue., (V, in, 5f Suidas,

Kapnâhit.i!>

Di«([«nc (IV, 65) dit, d'après Ajiollodore, qu'il mourut «huit la qualricnreaim.» de ta cent aoixaittc-<kti\iéinR otympiado (larj av. i.-C). Si oit ailmol, arec

I)iolfèac (cf. lkicipit, ti(lerob.. a 0). elet'il véclit ;inç, teig fisc-1-4l)io|[t'ne (cf. Lucien, Maerob., ao), qu'il vécut qiialrc-vinj;t-dnt| ans, on fiwi-aavBc la plupart des historiens la date <l« M naissance en at.'i. Mais Cicéron (.le,Il, vr, il!) «-f. Vater^Slatiw., VIII, vu, 5) «lit qu'il vécut qualre-vingt-dh »iu. Il•viuhU: lirên tjiip c'est ;i Ciau-nn qu'on doit s'en rapporter.

Ptiil. Quart, orne., ïllf.t, s.

i; Ck..Ae., Il, «t, ;j8.'1

ttmS.. IV. fis. Cf. i'li,t., Hluic. repun., V, ».

Page 132: Les Sceptiques Grecs Brochard

aBNÈAilB. SAVfR ET SA DOCTRINE. 123 l· à-

infligéeJ la stiîte dtt sncd'Orope, sa vie n'est

Marquée d'aucunévénement

important*». Sa vieMlesseparaît nvoh* été assttmbrm

par de cruelles infirmités il devint aveugle»» et fut consumé purmm maladie de langueur. Ses ennemis en prirent occasion pourlui reprocher de n'avoir pas mis fin à ses jours, comme soif rival

Antipaler, et d'avoirmanqué" de courage devant la mort. Mais

c'était en vérité uneétrange prétention des stoïciens de vouloir

imposer leurs idées à tout le monde, et de cond;tmner tous leursadversaires au suicide. Rien dans les

principes de Carnéade, ne

l'obligeait à recourir a cette extrémité. Il se bornait fort sage-ment à dire « l«i nature, qui m'a formé, saura bien me dé-truire.» Il mourut en

ta uv. J.-C.,âgé dequatre-vingt-dix

ans.

Bien différent de son élégant et spirituel devancier Âreésilas,Carnéade ne chercha point a briller ailleurs

que dans les dis-cussions

publiques. Son extérieur. nous ditDiogène w, était fort

négligé .-jamais iln'accepta une invitation à dfner, afin doue

pas se laisser détourner de ses travaux. Il était tellement absorbédans ses pensées qu'à table il oubliait de

manger etqu'il fallait

diriger ses mains1*

Tous les auteurs anciens s'accordent à célébrer son merveil-leux talent*»'. Les rhéteurs, dit

Diogène, fermaient leurs écoles

pour aller l'entendre; on sait quel émoi son premier discours

provoqua a Rome etquel enthousiasme il

inspira à lajeunesse,

quelles craintes u Caton le sénat même ne sut pas échapper ùla séduction

que ce Grec extraordinaire portait partout avec lui.H serait téméraire de vouloir le juger sur les

quelques analysesque les auteurs anciens nous ont conservées de ses argumenta-

">l'Iul., CalaMajor,aas Gell., AWf.au., Vt, w, ,ot Cie., Tusc, IV, m,

5, etc. Voir,sur cepoint, le très intéressantchapitre<loM.Mnrtlia«Tansta»Elude*morale*sur l'auliqmlé (Paru, (lichette «883).j.

« 1% IV,«6.

(>) IV,6a.<«

Vnl..M<rc.,VIH,vit,5.<>»Cic, Kit., III, «., /ïi.etf.; 1% IV, (53; Coll., kK.cit.; l'Ii.t.. Col»Jfo/m-,

toc. cit.; tact. Diu. tu$l.. V, i Eus.. /Wp. «•«, \|V. »m, el teq.

Page 133: Les Sceptiques Grecs Brochard

t& i t va b 1 1. – »: k ht it !•; it i..u f.,I.UU vf. ui1 i! 1 Nti III. 8.

fions; titiits, inéW en lisant) ces fragment* mutilés au I» boJîo

restitutionquereller"

!t latte de sa discussion-sur t*c\fe<K*iiee des

diuux ou est frappé de la savant» oiilomiuueo dos arguments»de leur enchaînement ludde du mouvement dont le discours

semble animé «Iqui

nousemporte

avec lui. Saréputation était

de lune étant survenue au mometttdesa mort.

quelt|ucs-utis supposèrent que l'astre s'était voilé «mi si{jne de

ttoijît- î lesoleil nuhne, dît Suidas, s'était obscurci. Longtemps

aprèssa

unirtajuandou voulait

parler d'uninjueslian insoluble.

on (lisait, *n 'manière de jiroverl» Oarm'-aclc lui-iiK'nn», si`

l'Enfef le laissait revenir, ne la résotidraitpas f3:.

Il avait, dit !l

Cicérun 4» mie vivacitéd'esprit inrroyabic, une promptitude et ll

«ne siketé salispareïlk's jamais it n« soutint une tfièst» sans lit ll

faire fiiompht'i', jamais il n'attaquaune doctrine sans la détruire.

Ses advi'rsairi's fuyaient à sonapproche. Aiittpater qui fut après

(lliiysippe le principal représentant du stoïcisme, en était réduit

à écrire dans les coins les réfutations qu'il lui destinait, et on

l'appelait le criard par écrit>*. [In de ses ennemis, \uniéniu>t

décrit sonélutaience en des termes dont la malveillance mé'me

urehausse la signification et la valeur. C'était, dit-il, comme un

l(

large Heuvequi emportait et couvmit tout; mais, (tans ses plirs ri

I(

violents eniportemeuls. biensupérieur

àAreésilas. qui se laissait 'j

citlramer irt seprenait

à sonpropre piège '>r>, il savait rester en t

pleine possession de lui-même: quelquefois il cédait, mais comme

Pliilat. lier (itvctuit. t. tV, p. 5o4. 3* Aiitl., 1H80.

Diog., {V, «1.

Urt.. Itit. lmt.,V. i'i.

' Du <«•«(.. II. ««rai, i(5i.t

Ka/aji6&ï>. Plut. De ilnrntl. «1.(

A|i. Kus-, l'rirft. eiuiij; XIX, vm, ji cl teq.'• (km* «* passaijft A> \11111c11i11s K'fiOev ê«/t»i> apmov èpinatiixàit (iii

nvtfioQv, aemiaOai l' x>n8fi shv i téya k. r. À., Hirzol («/). cil., p. 15, 1) croit

r(ii"il làtif siippriim'i- l>?s mois fnr îjifinoSit %er.st'Ait 3é, paro* qui* l.> si-ns !«• lui

parait pas clair. II nous spmhtn tort sirapli». Aii'îla-i ru» s'aprawvoit pas fpi'it «tait f

pi>tsiii»l«», «in» l'avoir appris par Im.«-nii.ipii!

o> ija'il .lisait «tait vrai. Carnéail».

suivant N imi>niu> n'avait mi'mp pas c<l(ti' rroyarinr; aus«i «oif-mi, par h sirid- du

ti>xti>. ijoil nf ii>nail i»n anmn» façon à rcijn'it jiyait dii.

Page 134: Les Sceptiques Grecs Brochard

eUH-NlUlHv.- – SA VIEY BT H MJCt'HijîK. W

f i~ n r ¡. 1"

w InHns féroces cjut «e reculentquo pour ruvenîr rasuîfa plus

menaçantes etplus irrésistibles. Puis, quand it était vainqueur,

il paraissait oublier ce qtj*il avait «lit il avait ce stiju-i-mc «lûdaiu

de fairepeu de cas doses meilleurs arguments et de.se montrer

supérieur même à sa viefoirc. Ajoutes à tant de ijuofttds diverses

qu'il avait de l'esprit, fjno sesréparties étaient fittes et promptes,

tju'il était servi par une voix d'unepiiissunce

extraordinaire.

Aussi, dit NuinéiittiB, ontmfuait-i( les Aines «t les mottnit-il «

ses pieds; les mieuxpréparés et les plus exercés no pouvaient

tenir un instant (levant lui.

11. L'enseiijnenienl de Cni-néude autant <fu<' nous en {«m-vohs juger par les documents qui noirs sont

purvimus, portaitsirr trois points principaux: la théorie de la certitude, l-'existeiiw

des «IÏphx, te souverain bien. Zelter'1' ot, après lui, IJaecoll'

ont cni pouvoir distinguer dans cet enseignement demparties:

l'une destructive ptnégative,

la réfutation dudogmatisme;

l'autre

«•onstruelin» et positive rétablissement du piobahilisinc. Xous

ne saurons pas cet exemple, parée qu'une telle division exagère,selon bous le caractère et

{'importancedit

probabiiistne, tel (jhii

l'a conçu Carwéade, et. d'autrepart, parce qu'en religion

et en

inonde, lephilosophe n'a été. croyons-nous, conduit à aucune

conclusion positive.

i" TiiÉoittE i*k m CRBTiTMB. Il n'y a point de eiïtcriutn de la

vérité, voilà ceque C'arnéade voulait établir, non seulement

«•outre les stoïciens, mais ungénéral

contre tous lesdugimt-

tîstes «Jî.

Le critérium ne se trouve ni dans la raison ni dans 1rs sens.

car la raison et les sens noustrompent

souvent la raine plongéedans l'eau, la diversité des nuances du cou de la colombe vu ail

soleil en sont tes preuves

/.«•. aï.(l)

Tkt greeh *ce;</r«, p.t:ï ( Ijimlnn an>i Oimliriilgo. Utii-nnltan. iX(U) i.

P» Sfrttus. M.. VII, r5(|.

l!i. /te. II, «t. 7<|.

Page 135: Les Sceptiques Grecs Brochard

Î2K UVRR tt -.CHAPITRE IlL

~n macEnn a~aumi:wa.ar~ m.a.l:a.a "11. ~t.I. lèt..z.El» outre, rendons-noti* compte de ce (JW«(toit ôtrewn eriR'-

rîum(l>. Hne peut être qu'un état de l'âme

(«tfflbfi) produit parl'évidence (ânb xnt évaçyskt). (l'est par Ta puissance de sentir

que l'étre vivant diffère des choses inanimées, c'est par elle seule

(ju'it pourra coiiiniîtm et lui-même et ce qui est hors de lui. Pour

cela, il faut tinchangement, car s'il demeure immobile et impas-

sible, le sens n'est plus un sens, et il ne perçoit tien. Cet état1

de l'âme doit, en môme temps qu'il se fait connaître lui-même,

faire connaître l'objet qui l'aproduit

cet état n'est autre que la

représentation {favrctvk}; comme ta lumière, elle se révèle

elle-même à nosy eus en môme temps que l'objet qu'elle repré-

sente. Le critérium s'il existe doit donc être une représentation

vraie, c'est-à-direqui révèle l'objet qui la

provoque.i

Y a-t-il maintenant des représentations vraies? Carnëade le (

nie. Pour(lue

lareprésentation produite par un objet réel fut

·

reconnue avec certitude, il faudraitqu'il y eût entre elle et la

représentation fausse une différencespécifique

il faudrait qwl'une ne

pût jamais «ire prise pour t'autre. Or, il n'y a point de

représentation vraie a côté delaquelle

il ne s'en trouve une

autrequi n'en difîèreen aucune manière, tout en étant faussera.

Voilà le point capitalsur

lequel portait le débat entre la nou- l

velle Académie et ses contradicteurs. ?

La thèse des académiciens est résumée par Cicéron dans I

tesquatre propositions t° il y a des

représentations fausses

a" elles ne donnentpas lieu à une connaissance certaine 3° si

des représentations n'offrent entre elles aunine -différence, il est

impossible de dire que les unes soient certaines, les autres non;

h" il n'y apas de représentation vraie à côté de laquelle il ne

s'en trouvii une faussequi n'en diffère en aucune manière. La

deuxième et la troisième propositions sont accordées par tout le

"i Sest.. if., VII, i59.<" Cic, .le {(, tut ,'u >Omn«> »isum <jtio<l ait a vero laie pss* (|ual<> «liant

a fat» posaitm.<m».t>Cf. iliût., mi 09 » Teno.ïlm-modoilltiil non irwssoin liis

quidqunm l.ilo <|ii»lc non f liai» falsimi niliil ab en (lilfrri'ns ck» posait.»tT!IM., II. twi. M.

Page 136: Les Sceptiques Grecs Brochard

{aItNÉrlD~ SI\ Vtt~ 1~1' Sl tJOC'rnfNI~, t2U

t & à «

'I

monde; npicure seul se refuse u accorder lapremière; niais les

stoïciens et laplupart dos dogmatisas ne

font pan do difficulté

sur en point. Tout te débat porte sur la quatrième.Pour la justifier, Carnéade

invoquaitles

exemptes du rêve,

les fantômes de l'ivresse, les hallucinations de lit folie. Mais,

répondait-on, les imagos du rôve et de la folie n'ont pas la

mémo foree que celles do la veille ou de l'état do santé; revenus« nous. nous savons les distinguer. Quand vous êtes revenus

à vous, fort bien, répondait Carnéade"1; mais, pendant quo vous

iites sous l'influence du sommeil ou du vin ? Mais laissons cela.

A l'état de veille, en pleine santé, nous voyons des chosesqui

n'existent pas, sans pouvoir lesdistinguer

de celles tlui existent.

Castor et Pollux sont deux jumeaux tout à fait semblables

(;astor est devant vous; vouscroyez voir Pollux. La

représenta-tion supposée produite par Pollux ne diffère on rien de celle quedonne Castor; pourtant elle est fausse. Dira-t-on

que deux

hommes vivants diffèrent toujours par quelques traits Maïs

Lysippe ne peut-il façonner avec le mène bronze «ent statues

d'Alexandre absolument pareilles? Cent empreintes faites sur la

môme cire avec le même cachet sont-elles discernables? Deux

n*ufs,deux grains de blé, deux cheveux ne peuvent-ils dire abso-

lument semblables? Ne peut-il vous arriver de prendre l'un pourl'autre? Et si vous avez été trompés une fois, quelle confiance

avoir dans vos représentations? Vous avez eu d'un sujet, qui n'est

pas, exactement la même représentation quevous auriez eue d'un

objet réel. La vie pratique offre àchaque instant des confusions

de cegenre. Quand Hercule, croyant atteindre les fils d'Eu-

rystbée, frappait sespropres enfants, n'élait-il [>as dupe d'une

illusion ? Qui donc a jamais, enprésence d'un objet réel. une

impression plus vive que celle qu'il ressentait?

<»r.ctli>argiHil'iilalioii,(|ii(> nous <™priintoi» à Sratliis (M., VII. 'i»3 cl $ti/.) 1

n'est pas roniinlli'iru'iilatlrihtiép.i Cuméadi'. Mai»Cicôro» (Ae., Il, win, 87|

mi!ir|iie qu'elle se trouvait iléjn ibiris un liviv île(.ii)si|i|ii., « i|ni Cam.'jdi' avjil

fait île lar|;w l'iiijtiniils (»(» m arniiiliini <««> Cmipad.-inL H ,«( don.- |i<>i-mis <)•

irfnsor ((lie l.ann'.nlf Jtuit ili'ïplnppi- «< :u jjiinii'nls,

Page 137: Les Sceptiques Grecs Brochard

«<> LIVBE II. (Ur.iPITRK Hl.

Lareprésentation cai»|ii'(5lini)sivo a'a donc pas» comme le

soutiennent lus stoïciens, «ne proppiiSU- intrinsèque (tâfapa)f»

qui ladistingue des autres. Si

plusieurs serpents sont enlacés

dans une caverne et que l'un d'eux dresse la tête, nous ne pour-rons discerner sûrement lequel a fait le mouvement. H semble

que la vue perçoive la couleur, les grandeurs, tes formes} elle

ne perçoit rien de tout cul» (a. Elle neperçoit pas la couleur

d'un homme cette couleur varie suivant les saisons, les actions,

la nature, l'âge, les circonstances la santé, la maladie, te som-

meil, la veille. Ces variations, nous pouvons bien tes connaître,

mais ta couleur en elle-même, jamais. Et de môme pour les

formes: le même objet apparatt rugueux et lisse dans les pein-tures, rond et carré dans les tours, droit et brisé dans l'eau et

hors de l'eau, en repos ou en mouvement selon qu'on est sur

un navire ou assis sur te rivage.

Ajoutons encore l'argument du sorite i3). De l'aveu de Chry-

sippe, à côté de la dernière représentation compréhensive, il yen a une non eompréuensive qui en diffère

infiniment peu. Dès

lors, comment les distinguer?La représentation n'offre donc pas un criterium sérieux. Dès

lors, la raison ne présente pas ptus de garanties, car, avant

d'être soumise au jugement de la raison, il faut que la chose

dont il s'agit lui soit représentée; or, elle ne peut lui être repré-sentée

que par l'intermédiaire de lareprésentation. Carnéade,

d'accord en cela avec tous sescontemporains, n'admet pas que

la raison ait directement l'intuition des choses en soi.

D'ailleurs, l'œuvre propre de la raison, c'est ladialectique.

Ladialectique, disent les dogmatisles, sert à distinguer le vrai

et le faux. Mais où. et comment? Ce n'est tri en géométrie, ni

dans les leltres, ni enmusique.

Ce n'est môme pas en philo-

sophie, car file n'apprendra p;is les dimensions du soleil, ni la

nature du souverain bien. Ello diraquelles liaisons d'idées sont

'l' Seil.. JL.ÏU, 6n.tt. VfF.siia.I; Sont., .M., VU, 'ua <!>»»(>. o\ si Kmènfim.'3: S.><t.«.. VII. 'iiC.

Page 138: Les Sceptiques Grecs Brochard

CtlI-XkUMv. – S* VIK lïï SA DttCTBlNK. U\

<i.

légitimés; eVst bien peu. et on attendait mieux..Mais cet art

perfide se retourne contre ceux qui l'invoquent; dansquelles

dillicutté» ne s'embarrassont-ils pas!On connaît en genre de raisonnement qui s'appelle

l<?mite.On

ajoute à une chose donnée, ou on en retranche unequantité

insignifiante enapparence; mais on répète cette

opération si

murent, que la chose change sansqu'on s'en

aperçoive, et lenaïf

qui s'est laissé conduire est inévitablement amené ùquelque

sottiso. (I estimpossible de fixer nulle part des limites précises;

on no peut savoir cequ'est un tas, ni si un homme est

pauvreou riche, célèbre ou obscur. Mais. dit-on, le sorite est un so-

phisme. liésoivez-le donc: montrez-en tepoint faible: <est te

devait- de ladialectique. Chrystppe croit se tirer d'affaire par nn

plaisant expédient. On lui demande si trois sont peu ou beau-

coup. Il dit c'estpeu. On augmente d'une unité quatre, est-ce

beaucoup? Avant d arriver àbeaucoup, il éprouve le besoin dp

sereposer (tf^^stv). Repose-toi, répond Carnéade; ronfle

mène si tu veux, je n'y metspas d'obstacle. Mais tout ù l'heure,

tu te réveilleras. et on te demandera si enajoutant iwt au

nombreaprès lequel ttt as gardé le silence, on obtient peu ou

beaucoup;il faudra bien

que tu répondes.– Comme un cocher

adroit, réplique Chrpippe. quia

prévu l'olijectton j'arrêteraimes chevaux avant d'arriver au but ail milieu de t'interroga-

tion, je cesserai derépondre.

– Belle avance, riposte Cirnéade.

Ou tu vois la vérité, ou tu ne la vois pas. Si tu ta vois i*t ne

veux pas la dire, tu es bien fier. Si tu ne la voispas, tu fais

bien de te taire. Mais ton art est bien impuissant. Ktsi, aprèsavoir dit que neuf est peu, tu t'arrêtes devant le nombre dix, tu

refuses ton assentiment à des choses certaines et bien claires:

pourquoi donc ne me permets-tu pas d'en faire autant vis-à-vis

(les choses obscures?

Mais ily

a mieux mieore: ladialectique se détruit elle-même.

commePénélope défait sa toile, ou comme le polype dévore ses

propres membres r' CVsl un axiome admis en dialectique par

st~t, t:r~arrpu..t3.

Page 139: Les Sceptiques Grecs Brochard

«2 r.ï?»K il ~r.ru pitrr m.

les stoïciensque toute

propdsittett est vraie au fuosso. Ks^etlevraie ou fausse, cette

proposition si tu disque tu mens et que

ce soit vrai, tu mens, tout eti disant la vérité. Les stoïciens dé-clarent

que ce sont lit despropositions inexplicables (ittexplim-

Inlia) et demandentqu'on- fasse

exception pour elles. Mais pour.

quoi leur accorder cette concession? Cetteproposition n'est-elle

pas exactement du même type cpio celle-ci, prise pour exemptapar Chrystppe si tu dis

qu'il fait jour et que ce soit vrai, ii fait

jour? Elle revient à «lire Si tu mens, tu mens; or tu mens;donc tu mens.

Ghrysippen'a

pas pu en sortir1".

Rien ne trouvait grâce devant Carncade; il allaitjusqu'à

contester la certitude depropositions mathématiques comme

celle-ci doux quantités égales h une troisième sont égaies entre,»lles^. En résumé rien n'est certain; le

plus sûr est de sus-

pendre sonjugement ». «Chasser de nos àtnes ce monstre re-

doutable et farouche qu'on ap|iclli; laprécipitation (ttt

jugement,voilA. disait

Clitomoque <«, le travail d'Herculeque Carnéade a

accompli.»

Tout estincompréhensible (ixarcàmiâp)', voilà ce

que Car-

néade a prouvé. Rien de mieux en théorie. Mais la vie pra-

tique est là<pii demande ellc aussi à être prise en considération.

Lu conclusion naturelle de cequi vient d'être établi, c'est

qu'ilfaut ne rien croire, ne rien aflirmer, qu'il faut suspendre son

jugement. Mais d'autrepart, pour agir, il faut croire. Il y a la

une grande question dont la solutions'impose au

sceptique.Nous avons vu la réponse que faisaient les pyrrbomens et Arcé-

silas. A son tour, Carnéade doit résoudre leproblème.

lii se présente une difficulté peut-être insoluble, surlaquelle

Hirwl'5i, avec une grande sagacité, a pour lapremière fois at-

tiré l'attention. Les témoignages que nous a conservés Cicéron

»' Cic, Ac.. II. m. r,«.''•

(tatou., Jk optima iloctriim, |. |, p. ftâ.!l>

(m.. ,tc, II, ««,f,8.w Ci. A. U, m iv. uiX.

'»;i. il.. |i. ifiî, el ttij.

Page 140: Les Sceptiques Grecs Brochard

GAKR&IM&– S,» vrK ET SA «OCTItlSK. 133

m.mal pas d'accord enta* .eux; y a mvfopHiîort de Darnéadii

deux mutilions discordantes, celle de Clitornaqw, sondisciple

immédiat, et cette de Métrodoru et de Philan.

l)'»prt>s Clitomaque»», Viwotf peut s'entendre de deux fa-

çons «>. D'abord elle signifie que le sage n'affirme rien. fên un ?

autre sens, onpeut entendre (lue te sage, sans rien affirmer, l

préfère ou approuve (probnre) telle ou telle représentation qui lui

paraît plus vraisemblable, C'est dans le premier sens seulement "«

«jue Cnrnéade recommande ïtwff(\ il ne l'admetpas

au second

scns<». Il faut bien en effet que le sage fasse un choix entre ses

diverses représentations, s'il veut agir et se mouvoir r aussi

bien fl), il n'est ni de fer, ni de bois il a une àme il a uncorps t

il a des sens et unesprit; il faut

tju'il agisse, Il agira donc, et

nura des préférences pour certaines représentations, dont on in-

diquera tout à l'heure les caractères. Mais il faut bien entendre

que le sage, tout en ayant ces préférences n'aura pas d'opinion.S'il dit oui, ou non, c'est uniquement au point de vue de l'ac-

tion. H serait en effet indigne du sage de donner son assenti-ment

(wyxxtatfflgaûou) à des chosesqui

ne sont pas certaines.

(,'est cequ'avait dit Arcésilas.

D'après Mélrodorew elPIûlonau contraire, Cantéade «tirait

renoncé à Pàro^i/dans les deux sens du mot. Cette propositionte sage peut avoir des

opinions, donner son assentiment à des

111Âe., Il, xuu, tfia.!1) lit. io.'i. «D«|>iùi(CT tlici ajsensus snsttncro saj.ieittL-iii uiin muilo cwm liac

inlolliyalurmmiiiio puni mi imlli ansculiri; aliet», ruiu se a ns|ioii(leiu!o susiincat.ut neque negetaliqtiiil netp» «iat. n'3<

Ae., H. t«i, (jij it|)mo plawl esse Carnoadi (jouira vUni'itut in uiio liane.liïisioiicm «liavisaesse«|uœperripipossint. alia quœ non [wssiirf;iu alleroaii-Ici», alia visaeue protKrfcilia.alianon prokliilià. llaquc, .|.ia.>cunlra st'nsuscon-Iraqae perepimilalcmdtnntnr, ca portinercad superioraii <liiisionero.Conlrapos-tcTi«remniltildicioporlcre qirareil» placeratale visum iitilltiniesse ut perreptiofOiisiNjuerelui- ut auleni pioh.ilio, iiiulhi.-

de., Il, \m, ioo.

l!| Ac., Il, «iv, 7K: -LitflKil iiihil perapere, ,.[ iamcu u|)iu;ni: cjtioti ;> Car-iiede dicifnr proliîtltm». K<|tif<l<>iHCliluitincliu pins ,(«;““ J'Iiifot» mit Metrodoro«rcdciis. lim: nrajjis al) e» dispnlaliiiii •|mmt pmUliim pnlo.-Cf. txui. 5j>; tiviii,i '• %\t. ri- v«v. ita.

Page 141: Les Sceptiques Grecs Brochard

134 M V M tt. – Cil AI'ttKE Ul.

choses ttut no sont oas absolument certaines – prouosiliot

sva ut t uax er. 44 a a wu ac~.

choses quine sont pas absolument certaines –

proposition qui

semblait à Àreésilas comme aux stoïciens, et à Cicéron lui-même,

un scandale logitlue– n'effraie (tas Carnéade. Sans doute, est

donnant son assentiment à des représentations quina sont que

probables,te sage devra se souvenir qu'elles ne sont pas abso-

lument sûres, qu'ellessont suspectes par quelque endroit; mais

cette incertitude ne l'arrêtera pas. Modestement il se contentera

d'opinions probables. A placer le but trop haut comme l'avaient

fait les stoïciens et Areésilas, on risquede ne jamais t'atteindre,

En un mot, entre les stoïciens et Arcésilas » Carnéadeaurait pris

une position intermédiaire (0. Aux premiers il concède qu'il

faut faire une distinction entre les représentations; il va raàne

jusqu'à leur accorder leur définition de la représentation com-

préhensive.hormis un seul point elle est gravée et imprimée

dans i'àmepar

unobjet

réel, etqui

lui est conforme; Carnéade

refuse seulement d'ajouter uide telle façon qu'un objet qui

n'est pas n'en puisse produire une semblable. A Arcésilas. il ac-

cordeque nous ne saisissons jamais les choses telles qu'elfes

sont en elles-mêmes; mais il n'estime pas quecette impuissance

de la[wnsée

doive nous interdire toute croyance.

Qui. deCtifoiuaque

ou de Métrodore. a le mieux compris la

pensée du maître? (l'est un point que dans l'état de laquestion,

it nous estimpossible de décider absolument; Cicéron» à qui

nous devons I<'S plus i-Iairs et les meilleurs de ces renseigne-

ments, semble incliner du côté de Clitomaque!1>;il reproche

mène à (larnéade d'avoir été moinsconséquent

avec iui-m&ne

>" 0» peut bien (lire"avecllirzel (p. t8o) qu'en s'oijirinnnt ainsi, Caraûarfo»

fait tin |kh vpinle (iof>inatisme.Taulofais, en même teuipit,it renonceà cet idéal

du sage, à ce typedp piTl'oction(jiieles stuiciciBavaient rètv, et que les premiersacadi'iuirieus .iv.iient encore admis. Par là it s'éloif'nc du ilo;;mn!isine tel du moins

qu'on tu comprenait do son temps, plus peut-êtrn «m'il an s'en rapproche par sa

théorie <lt? la vr;ii«*m!)l*HKf* il renonce à la certitude.

Sftït., M., VII, 'ioa. – (X VII, 17a oti it est question «Je représentations

capables de ùt <mfK%ii(itefv e'a<ri:w9w. ('.(. l' I, s»H-a3o. C'est sans ilo«t« par

.«rreiir '|hp dansre flnniier passageSnxliisattribua à Clitom.i<j«i>ta mêmeopinion

qu'à tarnéade. –Voy. Hirzf I p. 1 -,(i.

/w. e.it., ttlv,

Page 142: Les Sceptiques Grecs Brochard

CABNËAlïM – SA VtK BT SA B0CTRINB. f3»

q«Ar<588Jtastri» mm, duutrepan, il montiorine à diverses re-

prisesdes

interprétations conformes à celle de Métrodore''" et il

dit ltii-iiièno que Métrodore131passait pour bien connaître ta doc-

trine de Carnéade. D'un autre côté, on vient de voirque Sextus

comprend la pensée de Cnrnéade comme Métrodore. Enfin, il

semble tlilliciiument admissible que Carnéade ait élaboré ta doc-

trine savante que nous allons résumer, si sa conclusion avait

dtl dire que le sage doit s'interdire toute opinion. Nous pouvonsdonc dire, avec réserves

it est vrai, que Curnàtde avait renoncéà l'énoxtf; il.reconnaît ta légitimité do certaines croyances; il est

probabilisle. Cest luit{«i,

tepremier, a introduit dans l'Aca-

démie le GtiÛaviv.

Quelles sont maintenant lesreprésentations qui s'approchent

do la certitude sans jamais l'atteindre?

La représentation peut être considérée à un double point de

vue(i|. Par rapport h l'objet, elle est vraiequand elle s'accorde

avec lui, fausse dans le cas contraire. Par rapport ausujet,

tantôt elle paratt vraie et on l'appelle ^«o-« ou probable («u-

Oavif); tantôt elleparait fausse, et on l'appelle à-ni\t$<itJK. àitet-

9tft, âviOavés. Ecartons celles qui sont manifestement fausses,

ouqui

neparaissent pas vraies. Parmi celles qui paraissent

vraies, il en est qui n'ont cette apparence qu'à un faible degrésoit

parce que l'objet considéré est trop petit, soit parce qu'iln'est

pasà une distance convenable, ou

que nos sens trop

faibles ne le perçoivent que confusément. Ecartons-les encore.

Mais il en estqui

ont cette même apparence à un très haut

degré; plus nous y sommes attentifs,plus

elles nous frappentet nous paraissent probables :'Sl.Mètm alors, elles peuvent être

:i> Iac. rit., irnt, 59.'" /le., Il, x«f, 78; mit. r»g; in, 67 xuv, in; uviii, j/i8.

11 Ac, II, vi, 16 "KcueanlemnasseCiiriutf<kniStntlonicousMelrodorus|m-lalralur.» Il fautrapprucliorde ce texte le pas^ignronservépar Vttutej-il'lk'riu-

laiiuut, oit Mi'lTOturcdôciuro<|ti«tes aul«>5|>tiilos»pltraont mat cumpris(îamé.iile

(KapvexSov mpaHnxoiw admt) {Iml. Ilercul., col. (tri, ti).

» Sert, .l/Vll,i(ï6f<»«/.* Sur la «tilKreno» entre te t&of»p d'Arcéilas et Ip mOnvàp de (."arnrade

voir pi»', haut. p. 1 11.

Page 143: Les Sceptiques Grecs Brochard

136 UV'itKH. – «HAtrfttE Ht

fausses? tuai» ces occasions sont rares, et cette châtiée tÊ&ttmr

ne doit pas rrous empêcher d'accorder notre assentiment aux

sensations probables; c'est sur ellesque

laplupart du temps

nuu$ réglons nus jugements et nos actions. Voilà la première

condition que (luit remplir une représentation pour limiter

notre assentiment.

En voici une seconde. Nosreprésentations ne sont pas iso-

lées: elles sont liées entre elles, et forment comme une chaîne.

Si je vois un homme, j'aperçois en même tempssa ligure* sa

taille, sa couleur, ses mouvements, ses vêlements, ses chaus-

sures; je vois aussi les chosesqui t'entourent: l'itif, la fermière,

la terre. le ciel, ses amis. Par exempte, si je crois voir Soeratc,

c'est quetoutes les circonstances accoutumées, sa figure, s»

taille, son manteau, sont réunies. Qu'une ouplusieurs

de ces

circonstances viennent àmanquer, j'entre aussitôt en défiance.

Ménélas, ayant laissé sur son navire le fantôme d'Hélène, «ju'il

avait amené de Troie, le prenant pour Hélène, n'en pouvait

croire ses yeux, lorsque abordant à l'île de Pharos, il vit la véri-

table Hélène. Si, au contraire, toutes les circonstances sont

réunies, ce concours est une garantie. Disons donc queta re-

présentation, outre ijuVIie est probable, doit n'être contredite

par rien (àitsptoTtxolos).

Faisons encore un pas de j*tus. An lieu tic se contenter de

voirque

dans ce concours de circonstances aucune ne nous sol-

licite en sens contraire, on peut examiner enparticulier

et en

détail chacune de ces circonstances ainsi dans les élections, le

peuplefait subir en particulier,

àchaque candidat, un examen

attentif. On examinera le sujet; on s'assurera qu'il a de bons

yeux. Est-il on bon état?.Vesl-il pas

fou? On examinera i'ubjel:

n'est-il pas trop petit? On examinera l'intemiédiairo entre le

sujet et l'objet l'air n'est-il pas obscur ou la distance trop

grande? le lieu est-il l»ien convenable? te temps n'est-ilpas

tropcourt? H faut en un root «pie la représentation soit exa-

minât1 en détail^Si^uStoftéw). Sans doute, dans les circon-

stfinn's depeu d'importiinrc.

dans le rours ordinaire de fa vie,

Page 144: Les Sceptiques Grecs Brochard

CARflftAD&– MVIE BT SA DOCTtUNK. U7

il est Hnpssibbde preaitre toutes ces précautions on se cuii-

tente alors des deux premières conditions, Parfais, te temps

in;tni|uo pour n'assura* que lu troisième estremplie. Un homme,

poursuivi par les ennemis, aperçoit une caverne il s'approche,

et croit voit*qu'elle est occupée par l'ennemi; il ne va pas exa-

miner la chose en détail, il se sauvo; la seuleapparence pro-

bable lui sullil. Mais un autre a du temps devant fui. Il entre

dans une maison mal éclairée voit une corde enroulée et se

figure que c'est unserpent; il s'en va. Mais à la réflexion, il re-

vient sur ses pas; leserpent

est immobile; il est probable quece n'est pas un serpent. pourtant, l'hiver, les serpents sont en-

gourdis; il faut s'assurer davantage; ilfrappe

le serpent de son

bâton, et décidément s'aperçoit qu'il n'a qu'une corde sous tes

yeux. On voit àquelles

conditions la représentation sera un

bon crilerittm pratique;elle devra être probable, n'être contre-

dite par rien, avoir été examinée dans tous ses détails.

Dans toute cette théorie, on l'a vupar tes paroles mêmes de

Sextus, Caraéadc distingue très nettement, comme les mo-

dernes, le point de vue objectif et le pointdo vue subjectif.

tl renonce absolument à rien aftirtner touchant lit conformité de

ta représentation à son objet, ta chose en soi par lit it demeure

en dehors du dogmatisme tel qu'on t'entend d'ordinaire; il nie

la certitude en tant que perception d'une réalité située hors (le

l'esprit. Sa philosophie est exclusivement subjective; seulement,

sans sortir du sujet et de ses représentations, il cherche d'abord

dans te caractère tfe la représentation, puissurtout dans te tien

qui unit les représentations* dans leur mode de groupement, un

équivalent pratique de cette vérité qu'il déclare théoriquement

inaccessible, Par là, il diffère dessceptiques proprement dits,

qui ne reconnaissent que desphénomènes

éparpillés et sans lien.

On peut dire qu'il occupe une situation intermédiaire entre tes

deux écoles. H importe cependant de remarquer qu'il no fait ou

ne croit faire au dogmatisme aucune concession importante,

puisque toujours il nie que l'esprit puissesaisir ou

comprendre

hors d<*lui une réalité véritable. Il est, à vrai dire, plus éloigné

Page 145: Les Sceptiques Grecs Brochard

I3& yVRE If.-GIUPITRU Ht

a: _fi i'i _c;lIn. 1;

a* (ioxTitE les Dieïx. On connaft la théorie stoïcienne, qui

regarde l'univers comme un être vivant, doué de raison, infini-

ment sage et disposant tout en vue des fins les meilleures. En

même temps qu'elle anime le monde entier et circule dans toutes

ses parties, cette intelligence universelle prend conscience d'elle-

même, elle se concentre dans une personne divine qu'on appelle

Jupiter ou Dieu. Et comme ce Dieu se manifeste sous une mul-

titude d'aspect différents, onpeut lui donner autant de noms

K

qu'il prend do formes diverses ces noms sont ceux des divinités

païennes, et les stoïciens se trouvaient ainsi d'accord avec lat

Q- [h Palo, XIV,tU. CI. XI, «3.

A la théorie de la connaissance telle qu'elle vient d'être ex-

poste, se rattache la théorie de Carnéado sur le libro arbitre.

Mais c'est seulement àpropos de la divination que les arguments

de Cuméade sur ce point nous sont indiques par les témoi-

gnages. Nous les exposerons plus loi», l'ourle moment, conten-

tons-nous deremarquer le lien qui unit sa théorie sur le libre

arbitre à celle de la connaissance. Si tous les événements du

monde, disait-il • étaient étroitement enchaînés entre eux, ta

nécessité régnerait an maîtresse; par suite, rien ne serait eu il

notre pouvoir. L'argumentation de Carnéacierepose donc tout ™

entière sur cepoint que quelque chose doit être en notre pou-

;l

voir; etqu'est-ce qui est en notre pouvoir, sinon l'assentiment B

que nous donnons ou refusons à nos idées? li n'insiste pas; il

semble qu'il parle d'une vérité incontestée; c'est qu'en effet tes

stoïciens ne te contredisaient pas.Pour tous les philosophes de

ce temps sceptiques ou dogmatiques, c'est une vérité incon-

testableque nous pouvons librement accorder ou refuser notre

approbation. Carneade fait seulement observer avec toute raison

que les stoïciens se contredisent lorsque, après avoir reconnu ta i

liberté de l'assentiment, ilsproclament

la nécessité universelle

ut absolue.

(tu dogmatisme (lue du scepticisme; II diffère des sceptiques pût'un» nuance* des dogmatisas par un

principe.

M

'l

r

Page 146: Les Sceptiques Grecs Brochard

(MHN&IOK. – Si VfK Kï SA i>ÔtiTRlNK, 13»

religion populaire, Optimisme et linatité, déisme et polj thôismo t

tout se conciliait dans leur synthèse un peu confuse. Sur tous

les points,(larnéailo tes combat il nie la finalité*, if conteste les

preuves de l'existence des dieux, il souvent que l'idéequ'on

se

fait de la divinité est contradictoire, il réduit à l'absurde les par-

tisans de la reitgiou populaire.

Pourquoisoutenir

que tout dan» le inonde est l'œuvre d'une

intelligence sage et prévoyante0'? Est-ceparce que

tout se fait

avec ordre, parce que le cours de* saisons, les astres obéissent

à des lois invariables t A ce compte, il faudrait dire que le Jlux

et le reflux del'Kuripe, les marées de l'Océan, les retours de la

fièvrequarte sont des choses divines. Est-ce

parce que tout est

faitpour

le bien de l'homme? Mais alorspourquoi tant de

fléaux, d'animaux nuisibles, de maladie!»-? Est-ce parée que

tout tend au bien dechaque

être enparticulier?

Mais dira-t-oii

quec'est

pour son plus grand bien que le pourceau est tué et

mangé (îl?

L'argument par lequel les stoïciens veulent prouver que le

monde est intelligent peut servir it prouver tout cequ'on veut<

lis disent cequi a la raison vaut mieux que ce qui en est dé-

pourvu rien n'est meilleur que le monde, donc le monde est

doué de raison. On pourrait dire de même il vaut mieux

connaître litmusique que

de l'ignorer rien n'est meilleur que

le monde, donc le monde est musicien.

Quand vous voyez une belle maison, dit encore Clirysippe *ai,

(l' T«ulc cellearjjumunlaliiinrapportée par Clairon (De util. <leor.tIII, it, ••&

et Meq.)n'est pas expressémentatlrilmw :i Carnéadii.Maisnous garonsparCicéron

i|iii> Canittido avait longuement discuté rcltn qm<slinn; <!' plu?, c|iii'lquM-iinM îles

raisons invoi|ucfs par Cicéron nous sont données ailtciiM ( l'orpliyce, lie aklin. tti

jo;SV'it., M., IX. i Ao etteq ) comme «tant de (liiméaid'. Ouest donc autoriseà croire (|«c Ci^Vuiiavait ettnt yeux nu

au

de avait

lu

le est d>> Clitonmipie

à croire fisse Ci''en)n uvait 80UStm yeux 1111ait lIIoill5 avait lit le tir. r2r· Clitoutailtie

et qu'il s'en servait. CC Tlûaticourl liimi sur les truite* philos, de Cieéron, l'aris,

IfacfniK-,iS8ôTp. a.fg.Cic, Ac, H, xiitiu, t»o.

<MPorphyre,Detiktin., III, ao.

(li Cic. D» liai. rf«ir.il(. 11. ti3.

!>; /W.,x,»6.

Page 147: Les Sceptiques Grecs Brochard

« MVKM ft. – GUAWTHK M.

vous savent»»qu'elle est fiwfe [w

des butines, «oupow

des

ruts; de même le momie est la demeure «Vs dieux, le le croi-

rais, répond Cufut'adc si j'étais sûrque te monde a été eoustntit

et non fuspi'nu! par la nature. La nature suffit à toutexpliquer.

Toutes lesparties de l'univers sont unies entre elles par un lieu

(le parenté qu'un appelle cnymSsm ce sont les forces de la

nature qui iiiaintimtnent cet accord, et non les dieux.

S'il y aquelque chose, poursuit Chrysippe^, que l'homme;

ne puisse pas faire, celui (lui le fait estsupérieur à l'homme;

l'homme nitpu faire ce (lue nous

voyons dans le monde-, tet

monde est donc l'œuvre d'un Dieu.Pourquoi d'un Dieu? ri-

t

poste Garnéade. Qu'est-ce Ilui prouve que cet être supérieur à

l'homme soit semblable à lui et, comme lui, doué do raison?

Pourquoi lie serait-ce pas la nature? Il faut. une rare oulrecui- t

dancepour déclarer

qu'à l'exception (tes Dieux, il n'y a dans la

nature rien de meilleur<ju<?l'homme.

Les Dieux dit-on nous ont donné la raison, qui nous rend

si supérieurs aux autres animaux. Quel admirableprésent! Ne

voit-on pas des hommes(lui tous les jours se servent de leur

raison pour mieux préparer etperpétrer d'horribles crimes '-1? s

Vlédée et Atrée auraient fait moins de mal s'ils avaient eu moinsa

tl'esprit. La raison n'est un bien que pour ceux qui en font un

bon usage, mais combien y en a-t-it ? Les stoïciens avouent que

pas une fois on n'a vu un sage accompli. Tout le mal, dit-on.

vient du mauvais usage que nous faisons delà raison; ce n'est pasta faute des Dieux. Déjantre non

plus ne voulait pas faire de mal

a Hercule quand elle luienvoya une tunique teinte du sang du

centaure. Les hommes du moins sont excusables quand ils se

Cic. De mil. ,leor., lit, a5.

'• Ihid. vu, l\:> vt w\. M. Tliiaiu'.oiirf (toc. cit. |i. tilt'i ) croit <|iie ( j'céron

n'a «pas <m ici <Ir ino<i>'le tftvr ou du meins <jti"ïl s'en estinspiré tri:* VibiviMnh.

(Ju'il *'m »>it inspiré librnmmt, c'est rn «jiw pnmïi>nt en oITel Iks nombi-etix

|jassa(»i»» htin-i iju'H cili». Mais ijiianl an foiwf !•• l'ir;;niii<'iilalion. il nous aoinbto

iiiihiliitaiit» rjn'il i?st <-niprunti: atr niwféle gmc. Cia;ron n'a ({«rire apporté <pm des

,upl, ,'1 .I~ âlalion~, fin voit. p~'I"e CORlIIINlt le rnr'prot,hp.lII('nt .'('gl fai'l'viiiplc* cl Jm citation». (In voit prp9«|ii(> loniuiciil ti> rapprodiomont sVst faitdan* son l'Hpril, quand il dit (vm 7») il\k' in sy*>pliel>i9 .learfomicuriuii

mort»rmilra •'riminun<>niopinioni'inii'm diibilal piifpiaii;ralinno.«

:i

c

Page 148: Les Sceptiques Grecs Brochard

lIAIWÉADIi – SA-VIK B't" SA iJOGTHJNtë. Ui

(ittiitiionti mais les Mieux! Aliettx valait nepas donner la raison

aux bonnues s'ils devaient ©n>abuser et co point. Un médecin

serait impardonnable do permettre à un malade do boire dit vin

pur s'il savait qu'il en boira trop et mourra.

Que dire enfin des muux dont sont accablés les- plus honnétett

gens et du triomphedes criminels ? Pisistralo régna longtemps

il Athènes; Denys, (lui s'était tant inoqué des Dieux, fut trente-

huit ans tyran de Syracuse. Et que d'exemples semblables!

Quelques criminels, il est vrai, sont punis: t justice tardive et

(lui ne répare rien.Pourquoi

nepas

les frapper avant qu'ils nient

fait tant de mal'"?

Et ces Dieux dont on parle tant, quelle idée pouvons-nouspous en faire? lis sont, disent les stoïciens, des âtres vivant et

corporels. Mais il n'y a point de corps qui ne puisse périr les

Dieux ne sont donc pas immortels. Tout être vivant estexposé

sentir le choc des objets extérieurs, par conséquent à être

divise, mis enpièces, c'est-à-dire à mourir. Tout corps est sujet

au changement la terre peut être divisée, l'eaucomprimée; le

l'en et t'air cèdent au moindre choc; comment n'en seràit-ii pasde mène d'un <?tre forme de ces éléments?

Tout être vivant a des sens c'est le signe distinctif des êtres

vivants. Loin de refuser aux Dieux les sens que nous avons, il

tant leur en attribuer de plus nombreux et de plus délicats.

Mais toute sensation, de l'aveu deChrysippc,

est une altérât ion

un êtrecapable d'altération est exposé

àpérir. De plus, avoir

des sens, c'est êtrecapable de

sentir le chaud et le froid, le doux

et l'amer, par suite, le plaisir et la douleur. C'est donc chercher

ce(lui plalt, éviter ce

ijiiifait souffrir, c'est-à-dire ce qui est

contraire à la nature; mais ce (lui est contraire à la nature peut

amener la mort. Et ne sait-on pas que toute sensation portée à

l'extrême est une cause de destruction ?Vivante®, la divinité doit être heureuse, mais ïv bonheur ne

(.'clin aij<aiiii>tilalr(ni csl foiïiit>lf(>iin>iit alh'ilmm» « Carm'-adi» par (acmm (On

imi.iltoe,, III. m, !if| cl »«/.)i't par Sostus (.11., IX. l'io <<*•'(/.).11 Ott* parti" nVsl pas foriwllcmpnl attribnô» t» Coméadi"; mai*. <"li« Ciccron

Page 149: Les Sceptiques Grecs Brochard

142 UVRE tL~ tHWtTHtë t».

m pa* sans la vertu h divinité aura doue lotîtes les vertus. Ltti

attribuerons-nous laprudence? C'est l'art de choisir entre le

Won et te mal; mais it quoi tui servira-t-elle, puisqu'elle ne

petit. éprouver ni bien ni mal ? Et latempérance Elle n'est une

vertu que s'il y a des plaisirs auxquels il est difficile de renoncer

on n'est pas tempérant pour dédaigner une vieille femme mori-

bonde, mais pour renoncer à Laïs ou à Phryné si on les a à sa

disposition. Et le courage? Montrer du courage; ce n'est pasboire du vin doux, mais se laisser brûler ou déchirer sans se

plaindre. Si les Dieux sont exposés à de telles douleurs, sont-ilsencore des Dieux ? La

sagesse suppose des obscurités qu'on, peut i1

dissiper: rien n'est obscur pour les Dieux. Il est également im-

possible que les Dieux aient toutes les vertus etqu'ils ne les aient

pas. Et s'ifs ne les ontpas ils ont, d'après un paradoxe fameux

des stoïciens, les vices contraires, car il n'y apas de milieu

entre le vice et la vertu.

Voilà d'inextricables difficultés; on en rencontre bien d'autres,si on considère, non

plus la divinité en général, mais les dieux

populaires dont Zenon etChrysippe s'attachent à démontrer

l'existence. Si Jupiter est dieu, ses frères Neptune et Plulonsont aussi des dicax 'K Si

Neptune est dieu, il faut en dire au-tant d'Acliéloûs du Nil de tous les fleuves, de ious les ruisseaux.Si le soleil est dieu, le jour aussi est dieu, puis l'année, puis le

mois, puis le matin et le soir. On dira aussi que la foi, la con-

corde, t'honneur, l'espérance sont dieux ou d&sses*, de fait, onteur a élevé des

temples. Mais quel homme sensé prendra toutcela au sérieux?

Pourtant, point de milieu: il fautaller jusque-

là ou nier l'existence de ceux qu'on appelle les grands Dieux.

Carnéade n'avaitpas la

partie moins belle avec les théories

stoïciennes de la divination m. Où s'exerce, disait-il, la divina-

oioim.cltwSexliw, elle semble fairecorpsavee la précédenteet n'n <Hre«iib lasuite.

" Ci. De met. deor., lit, «, 5,. c;f. S«st., M., IX, 18a.

lj Cic, Oe Juin., t, ir, 7; H, m, tj. li ne {tarait pas douteux que, <bm lo.ille «tmiupim livre du fin Mwmimiie, Cirênm ml suivi pas i pan un philosopha•tp la noMwfle Académie, M*

probablement OitiHiiaip-: aussi alfribiions-noiis à

Page 150: Les Sceptiques Grecs Brochard

CARMÉÂDR. -SA VfK ET SA IMJCTIUNE. Wi

.a..¥ I:.I~--1. 1:lo.. ,,1. 1tionî V» n'est pas 4

propos des choses «j«e les sensperçoivent

il sttflH de voir, (le toucher, d'entendre* Ce n'est pas dans les

différents arts auprès d'un malade on n'appelle pas un devin,

mais un médecin-, pour apprendre à jouer de la Mte, on n'a

pas recours à unaruspice.

Ce n'est pas dans tes lettres ou dans

les sciences demandez à un devin la solution d'un problème de

géométrie, ou ta grandeur du soleil. on le mouvement de la

lune. Ce n'est pas enphilosophie va-t-on demander à un

aruspice quel est le devoir, comment il faut secomporter à l'éjjard

d'un père, d'un frère, d'un ami? Ce n'estpas non plus dans les

questions dophysique ou de

dialectique la divination n'aa

jamais enseigné s'il y a un ouplusieurs mondes, quels sont les

éléments, comment on peut résoudre le raisonnement du menteur

ou les difficultés du sorite. La divination no nous instruit passur toutes choses: elle n'a pas non plus de domaine propre il

n'y a pas de divination.

On répond que la divination a pour objet la prévision des

choses fortuites (l). Mais si cequ'elle annonce est vraiment for-

tuit, comment peut-elle le prévoir? Si l'art. si la raison, si l'ex-

périence, si Ja conjecture peuvent quelque chose, ce n'est pasde divination qu'il s'agit, mais de science ou d'habileté. Et lu

où toute conjecture raisonnable est impuissante, iln'y

a rien

qu'on puisse prévoir; comment prédire ce (lui n'a aucune cause,

ce que rien n'annonce? Sur des indices incertains, comment

fonder des prévisions certaines ? Un Dieu mêmey perdrait sa

peine. Si un Dieu prévoit t'avenir, l'avenir est certain; s'il est

certain, il n'y a plus de hasard. Mais it y a, dit-on, du hasard:

il n'y a donc point de divination.

Les mêmes stoïciens, il est vrai, qui appellent la divination

la prévision des choses fortuites, disent que tout est soumis à la

Carncadc,bien«jn ilni-soit pat nommé |iarlotil, tViiwtnblede cette .iqjmnoiila-lion. Voir: Sclriclinr, Ik fontihm lilmrum iMertmis </ni mut da dkhialMite, loua,

187' llarlfeldor, Dit Quelle» <*« Cicom't :uw« Bùchern de dimnatiom. Kivib. in

Rrôgaii, 1878; Thiaiieniirl, «p. «(., |i. ifi?.'• ? fft. Il. f. ,'1.li.

Page 151: Les Sceptiques Grecs Brochard

Ma LtVlHS U.-CH,U»l?nK HT.

roi iiit'wrnbk' (lu destiti. Muis alors i\qu«i surt ta divination01?

Si «m no petit emp«Mter ce qui doit arriver, t\ quoi bon tepré-

voir? Il vaut bien mieux l'ignorer. Qtictt» vie que celle de

l'num si dès son enfance il eût connu le sortqui l'attendait.!

l)ira-t-on que l'attente d'un mal petit l'alléger? Mais le Jupiter(l'Homère m» s'afflige4-i! pas (le ne pouvoir soustraire son fils

Sarpédou il la tuortprédite par le destin ? En deux mots. s'il

y a du hasard, l'avenir n'est pas certain, et ne peut être prédit.Et si l'avenir est certain, si tout est fatal, il n'ya pas non plusde divination puisque lit divination est définie le pressentimentdes choses fortuites.

Serrons Inquestion de plus près et entrons dans le détail. Il

y a deux sortes de divination. La divination savante, qui reposesur des règles et des préceptes fixes; elle interroge les entrailles

des victimes,interprète

lesprodiges,

lescoups

de tonnerre, etc.

La divination naturelle est une sorte «l'inspiration aeeordée à

quelques privilégiés sans préparation et sans art les songeset les oracles révèlent l'avenir.

Sur quoi repose la divination savante fe" ?Comment a-t-on

appris ce que signifient les entrailles des victimes ? Est-ce parune longue observation ? Qui a fait ces observations Quelle en

a été la durée ? D'où a-t-«n su(lue telle fissure annonce un

péril, telle autre un succès? Le» aruspices d'Egypte, d'Étrurie,

de Cartilage se sont-il mis d'accord sur tout cela ? Au contraire

ils sont clivisés, Et les Dieux mêmes ne s'entendent pas entre

eux35. Si on sacrifie àplusieurs Dieux en même temps, l'un

menace, tandis que t'autre promet; les mêmes entrailles offertes

àApollon sont favorables-, à Diane, défavorables.

S'il y a «lesprésages, comment sont-ils possibles? Les parti-

sans de la divination ont recours à un merveilleux subterfuge111.A:ous ne savons pas, disent-ils, la cause des présages, mais

(' De ilitt, H vin an.

!) HM.. tu, »8.

i<r», :ts.

xi. a;. Cf. u, ilj.

Page 152: Les Sceptiques Grecs Brochard

(UHKtADE. -SA VIK Ht SA ÙOCflUNK. Ub

H'

noti» savHBs *f«*Hy en a; c'est. un fait, tous tespeup^s Font

reconnu; mille témoignages le prouvent. El ilsmultiplient «

l'infini lesexc'.iii|iios et tes fables.

Mais est-ce à l'avis d'uni' multitude ignorante qu'il faut h'm

rapporter!»? Bt s'il lu faut, que (liront les stoïciens, quuud la

môme foule déclarera rjue le plaisir est te souverain bien ? Quantaux faits qu'ils invoquent* ils n'ont pas jiris lu peine de les con-

trôler: ce sont des fables qu'ils acceptent de toute» mains. Est-ce

fà une méthode dephilosophes? Et depuis ({uund les

philoso-

phes renoncent-ils à chercher les causes? Les stoïciens s'ima-

f;iin;nf-ils qu'on lesdisjiensera de s*e,\[iIi«jHer sur i:<;point

Il y a deux manières de rendre compte desprésages; ils ré-

sultent ou de la continuité* de lit nature, des liens étroits tpiiunissent toutes les parties de l'univers, ou de rintervenfiott des

Dieuv

La continuité delà nature, ce{|tteles stoïciens

nppellcnt wp-vaOeU, est un fait bien constaté ait solstice d'hiver, le foie des

rats se gonfle; on voit des cordes résonner d'ellçs-miimes, quandon en a touché d'autres dans le voisinage; les huîtres et les co-

quillages grandissent avec la lune. Mais entre une lissure du

foie et leprofit qu'on m'annonce, quel rapport peut-il y avoir?t

Mon petit bénéfice est-il étroitement lié au ciel, « ta terre, il

l'univers entier Et quand on va choisir une victime entre tant

d'animaux. Ohrysippe vient nous dire qu'une secrète inspiration,une force divine

préside à ce choix? On en rougit pour lui. Les

stoïciens vont pins loin encore ils disent .qu'au moment où un

saerilico va commencer, les entrailles sont tout Mcoup changées.

Voici un veau dont le foie sera sans tcHe s'il est choisi par tel

sacrificateur, avec une tête, s'il est choisi par un autre. On en

voit dont le «pur s'envole tout il coup, on nu sait où. Ce sont

des physiciens qui disent cela ? Quelle vieille femme le croirait ?

Dira-t-on!J! que lesprésages sont les moyens par lesquels les

m mit. 8r.

»uv, ."tS.

''«ï, r.'i.

Page 153: Les Sceptiques Grecs Brochard

Î46 LIVREIfc – CIf.mîRBIII.IQtt btVRCr lit – lilUrHIVft Ht.

Dieu* nous st|jniftL'nt leurs intentions? Mais patmuntt leurs

avis sont-ils si pu clairs quenous ayons besoin d'interprètes

pour les comprendre? Kt pourquoi nous annoncer des périls

qut» nous lie pouvons éviter? Un simple honnête homme n'agi-

rait pas de la sorte il n'annoncerait pasù ses amis des calamités

inévitables; un médecin n'avertit pus les malades (tout il prévoit

la mort certaine, Il faut, si les Dieux veulent que nons soyons

avertis, qu'ils s'expliquent clairement, ou s'ils veulent nous

laisser dans l'ignorance, qu'ils nous y laissent tout à fait, et ne

nous troublent j>us par d'obscurs avertissements.

Tous ces pétentius prodiges ne sont dus qu'auhasard. Uans

les carrions de Cliio 'I:\ on a trouvé, en fendant un rocher, la

tète d'un Panisque. Uans tout bloc de marbre, ily

a des têtes

dignesde Praxitèle. L'artiste fait-il ses chef-d'œuvre autrement

qu'enenlevant certaines parties tin marbre La hasard en

peut

faire autant. C'est une fiction soit. Ne voyons-nous pas souvent

dans les nuages des têtes de lion ou (les hippocentaures? 't

Disons mieux, il n'y a pasde hasard tout n une cause '*>.

Nous pouvons,en bien des cas, ignorer la cause; elle existe

cependant, Chrysippeest le premier Il en convenir. On » vu des

mules fécondes, je le croîs. Si elles ont existé, c'est ijue cela

était possibleit y avait une raison, il n'est rien, dit-on, fille

les Dieux ne puissent faire' Qu'il leur plaise «le faire des

sages 11 y en a moins «[tte de mules fécondes.

Reste la divination naturelle. S'il y a des Dieux, dit Chry-

sip{>e;> «t qu'ils n'annoncent pas ans hommes l'avenir, ou bien

ils n'aiment pas tes hommes, ou bien ilsignorent

eux-mêmes

l'avenir. on ils croient <|uenous n'avons pas d'intérêt le con-

naître, on ils trouvent indigne d'eux de nous le faire savoir,

ou ils n'ont pas le moyenlie nous avertir; tout cela est impos-

sible: donc il est impossible qu'il y ait des Dieux et qu'ils ne

': Iktliv., I, tin, *3; II, «I. 'iS.

*• mut, tit.

fit. Kti,

WX- tul.

Page 154: Les Sceptiques Grecs Brochard

aKNfolM.~iU VIK KT SA DUtiTHINK. 147

«an» avertissent {«««.Or il y à des Dieux* donc ils nous aver-

tissent.

Admirable raisonnement Mais comme il prend pour accordées

une foule «le choses dont on «ligule « S'il y a des Dieux, ils mil

bteueeillant*aux hommes. » Qui vous accorde cela t Est-ceÉpuuro ?t

« Us n'ignorent rien.» Beaucoup de grands hommes Font contesté.

«//mhu»importe tk connaître tavenir.n De bons esprits n'en con-

viennentjias.

« « 'estjtm ô«%«c d'eux île nom le faire connaître, r>

Sans doute ils visitant ta maison de chacun pour savoir cequi

fui est utile! « Or il u aenDieux. » Tout le inonde en convient

donc f

Chrysippe n rempli tout un volumefl) de récits d'oracles et de

sonjjes. Mais dans ces prédictions, «jue d'équivoques Quandloracie avertit Grésus

qu'en passant le fleuveHalys, it renver-

serait un grand empire, il était bien sâr de nepas se tromper:

t empire do Crésus serait renversé, à moins que ce ne fut celui

de son ennemi.Quelques préilielions se sont vérifiées: c'est un

hasard. iTa-t-on pas ouï direqu'elles n'étaient pas toujours

désintéressées? ÏWmoslhènes n'oceusait-ii pas la Pythie d<>

pliilippisert Elpourquoi les oracles sont- ils devenus moins

fréquents ?Pourquoi la Pythie est-elle àpeu près muette Le

temps aurait-il affaibli ces exhalaisons tic la terre qui inspiraientla

Pythie ? C'est donc comme le vin et les salaisons qui se

gâtent avec les années. Mais quelle est cette force divine que le

temps petit affaiblir? Car c'est vraiment une force divine, si

jamais ily en eut, qui donne la

prévision de l'avenir, et permetà ses

interpièl«;s de parler en vers. Etquand s'esl-elle évanouie? t

Kst-ccdepuis que

les hommes sont devenus moins crédules ? Us

"racles s'envont; la fortune n'est

plus fortunée qu'à Prénesle m.

C'est surtout par les rêvestitre les Dieux interviennent dans

les affaires humaines.Mais pourquoi y a-l-il tant de ré*ves

trompeursM ? Est-il di|»ne (les Dieux dï;ptn>r dt> faillies

in, u 5.

">«11,87.

Mil,!••

Page 155: Les Sceptiques Grecs Brochard

.ttt UVBB. th Ctr4PtTRK III.

liôftimes ? M stfy

» des rêves vrais, d'autres faux, fequef signetes

distinguer? Pourquoi les rcWes sont-ils si obscurs? Chrv-

sippe^ rdeon'ti*qu'au homme vit eu rêve un œuf suspendu sm

sangles tle son lit; un èmn tut ditqu'un trésor «''lait caché sous

son lit; on creusn. on trouva le trésor, une bonnequantité d'or

ontouré d'argent. Mais d'autres n'ont-ils jamais rêve" d'un œuf?

Combien do pauvres gens, dignes de la protection des Dieux.

<|uo leurs avis uont jamais mis enpossession d'un trésor ? Kl

pourquoi, an lieu tUee syruWe bizarre, ne

nos dire clairement

qu'if y avait litun trésor ? Kt onlin, quelle iddc s« fait-on desDieux iminortcts? Vont-ils visiter les lits. Epsgrabat» de tousles mortels, et tandis

qu'Us ronflent, leurjeter des visions em-

brouillées, <ju« leur ils vont, pleins d'épouvanté, porterà des

interprètes ? N'est-il pas plus simple etplus vrai de croire-

que ruine garde la trace desimpressions qu'elle a subies, et

revoit on rêve les idées(lui

fontpréoccupée pendant la veille ?

La divination, sous toutes ses formes, est donc illusoire. II

ne s'ensuitpas qu'il faille détruire la religion fï). La

religion ne

peut que gagner à i-tre débarrassée de toutes cessuperstitions.

Le sommeil est lerefuge où nous nous reposons de toutes les

fatigues et de lotis les soucis: c'est pourtant «le lui que naissentles

plus (grandes inquiétudes et les plus grandes terreurs. On les

dédaignerait, si lesphilosophes ne les avaient prises sous leur

patronage; il fallait bien leur dire leur fait et réduire à néant

toutes ces subtilités et ces cbi mères,propres seulement à trou-

bler lesesprits.

A la question tle la divination se lie étroitement celle du

libre arbitre Carnéade l'a traitik* avec saprofondeur et sa

pé-nétration habituelles: il una donné une solution hardie i-l ori-

ginale.

Le problème se posait pour sescontemporains d'une manière

bien curieuse. Deuxpropositions, doux axiomes.:

sur lesquels repo-

/Ar..H. r.u. i3'i. i.

I.UII, l'iK.

Page 156: Les Sceptiques Grecs Brochard

tiABH&UlR.-SA VIKKT SA IM>GTHtRJt tfttt

S;li(!Ut toute ta iittvstuiti;i-( liittti>f:> AuA,il .“(..••

..a. m 1 f)~1 mt1 r~ittl r rltPrri. tat

stitiml toute fa|Ay»4iHi(!(twufora dialectique, conduisaient {ont

droit au fatafisi».. «talu nécessité universelle l>e«es propositions:

Tout tmemeut <«%* nue came, toafc imeriùm fuite porte w le

/«vWm*o« /W,v ert mv« oufausse, comment ne pas conclure

«fut! tout /enchaîne, que tout événementquel qu'il soit

dépenddes événeuienls

oniMoun, |»ar suite est déterminé d'avance, estcertain, et peut èlm

prédit t El dire«,uo tout s'encltaîno, uuo h

l'atum est Ja loisupràne du monte, n'«sl-co pas dire

que* toutarrive

iiécessttiretMBnt (j«*i| n'y “f»oint de place pour lu liberté t

Si ou accorde les deuxpremières propositions (et comment s'y

rofusurf), iiosl-onpas entraîné de foreo à admeltiela troisième

et I»ijuad-ième? C'est, en des tenues un ^rdiflSrente, l'éternel

problwm' de la(«science divine estdu libre arbitre.

l'enoimucependnnt ne voulait aller

juseju^tt \)m{. p0Mrtrouver des

partisans de la nécessité universelle, il font, suivantLieW», raooBlcr à Heraclite, à Uémocrite, à Kn.pédocle età AnstokL La morale, qui est le souci

princifial de toutes lesécoles

philosophiques postérieures h Arislote, ladiakclitmemetne, aageut que l'on fasse une pince à la liberté, que quelquechose soit en notre pouvoir, que nous puissions accorder ou re-

fuser notre assentiment. Autremont, à quoi bon discuter? A

quoi bon donner despréceptes de morale? ï

Les stoïciens étaient fort embarrassés. Leur théorie de fa lii-vimitiun, les

principes de leurphysique, |(,»tr théorie de l'unité

de letre tout concourait à les contraindre de s«.prunoncur

pour1.

lalulisine; aussi neperditient-ils aucune occasion <l'af-

fimier lenchamement uniirersel des phén.miônos. tt fallait pc»«r-lant sauver la liberté. Pour

y |wrvenir. Obrysippe ii.Kijjin» unedistinction entre la fatalilé et la nécessité. One chose, suivantlui, peut are fatale, c'est-à-dire amenée pur «ne série

impos-sible à

rompre d'événements antérieurs, sans être nérnssairo; ilest

possible lo(;î,,uemonl qu'un évém.m«.,il futur n';inm|mSi

quoiqu'il suit certain qu'il arriu-ra; aussi peut-oti |«.prédire

tl; tr~. ~INYf, CYtI..S,r.

Page 157: Les Sceptiques Grecs Brochard

15» LIVRE tt – CHAPITRE: Hl.

amm q«*iieusse tWtFe

«Hrtittjfeftt. Netts tûivotispas

à entrer ici

dans le détail de cette théorie flH if est aisé do voirque Uliry-

si|ip« avait fort à taire pour justifier sa doctrine s Cieéron nous

dit qu'il sua sîuijî et eau'1, et nous n'avonspas de peine a h

croire. Carnéade n'était pas {tomme à ne pas proliter (te ses

avanta|jes-« il ne paraît pasf3) cependant qu'il ait sur ce point at-

tnrjtté son adversaire»trop durement w.

Lesépicuriens, tout aussi intéressés

queles stoïciens, et

pourles mènes raisons, à défendre la liberté, avaient pris uu

parti

plus radical: ifs repoussaient eu bloc lesquatre propositions.

De là leur théorie du dintimn. M y a, disent-ils, des mouve-

ments sans cause fD).fl y a despropositions qui

ne sant ni vraies

ni fausses'•). Mats de telsparadoxe» étaient un seantlata

pourles

physiciens autant que pour les dialecticiens.- Cicéronv bien

qu'à tout prendre il soitplutôt disposé fi se résigner à suivre

cetexemple qu'à accepter le fatalisme stoïcien {7), ne

peut s'empé-eber de s'indigner onde railler1'8'.

d'armîiuttf vint nu secours desépicuriens avec

quiil avait

(ait campagne contre les stoïciens sur laquestion de la divi-

nation: pent-étre est-ce le prétexte' dont il se servitpour ré-

soudre à son tour, sansparaître tomber dans le dogmatisme,

un problème dillitile, bien digne àcoup sûr de sa virtuosité

dialectique.

Ilcommençait par établir, à l'aide d'un soiïte. contre les stoï-

ciens, qu'il estimpossible d'admettre le Fatum sans nier la liberté

''• X'mis Pavons uxponx dan» noire i.(m-i.iil, l)e tmeiaiuue xloki (jidd tauvriut.

Pari», tl. IJ.tilft.-re, tf^g.

lie fnb>, a|>. lit-Il., ,V..J. VI, J T(;iuysi|)|iin ;ifslii.i»s l.ilwrnnsi|in-.ifM fiif», xiï, Ht -Niillnni iiiHiilH-lint calumiikiii.i

l'ctit-iHn.' Cici-ni» >'in^|)in'-l-il (•* Carnéiiile il.m* <a oitii|tir> ,(« ur;;iniioiib•le i;iiiy<i|i[j<: >ui- li>s Clial.lwiis .-t cuire la llrciiii.i <lt><jwwiM.-s il.- [)io,'lHrc, n,

ï, i«i. TmiMuU. (jiiinwnl.- n'ist |«s nmnnii1 ilaiis i-i>ll.><li$-ii&$ioii et il si-mlj|i!

[.lus |iitilnili| .pi,- c>>Mini <'H a l'injjriiiil.- li!s ék'Uit-n[!i à il'iiulri-s philosuplira.ih' Fatt>t •-•.

I. ! tvi. :t-.

X. I

«ïi.:<«.

Page 158: Les Sceptiques Grecs Brochard

CARNÉADË. SA VIK ET SA UOGÏIHMK. 151

«Si [mit arrivepar

(tes causes antécédentes W<tous les événe-

iiiciils sont lif'*s outre eux par un étroit Vit eu est

ainsi, la nécessité produit tout. Si cette conséquence eut vraie,rien n'est en notre pouvoir. Or

quelquechose ost en notre

pouvoir. Mais si tout arrivepar

ic destin, tout est produit par

des causes antécédentes ce n'est doncpus par

lo destinque

tout arrive.»w

Esl-ce direque, pour conserver ta liberté, on doive nier

que rien ne se fasse sans cause, ouque toute proposition con-

cernant l'avenir soit vraie ou fausse!->Y Carnéade ne lepense

pas. II n'est pas besoin, selon lui. pour résister ù Chrysippe,de recourir a la vaine hypothèse du eliumneit. II n'y a pas de

mouvement sans cause, pourrrtit direKpieure; mais tout mou-

vement ne résulte pas de causes antérieures; notre volonté ne

dépend pas de causes antérieures. Quand nous disons qu'unhomme veut ou ne veut pas sans cause, c'est un abus de (an-

gage; nous voulons dire qu'il se décide sans cause extérieure et

antérieure, mais nonpas

absolument sans cause, (-'est ainsi

qu'un vase vide, dans le lanyajfe ordinaire, est un vase où il n'ya ni vin, ni (tuile, mais non pas absolument vide. Quelle est

donc la cause du mouvement volontaire? Mie est dans sa na-

ture même, qui est de dépendre de nous, de nous obéir: la

volonté est elle-màne une cause.

Ainsi, pour échapper aux raillerie» desphysiciens,

onpourra

dire que l'atome se meut, non pas sans cause, mais parce qu'ilest dans sa nature (le se mouvoir par son propre poids; sa na-

ture est la cause de son mouvement.

K» d'autres termes, a côté des séries d'événements étroite-

ment liés entre euxpar une nécessité naturelle, il y a des causes

qui ne dépendent d'aucun antécédent, qui apparaissent fortui--

Hï, 3l.

(1) Kl, ;)3. Ntcds «divans ici te Iraiht nullité, otiucur et soitvviit inroliûrrnt rte

Cicûiun, ma» en «.'ssayaiil d'y mettre! nu («m il'untrv. il hW pat ttoiiteut (|iteCiixTcm se soil ins(iiiv i(e Clitiiiun(|iie t[ui n|inidiiil les iiliiws ilij (':irin:iiit>>.

l.f. 'fliinuromt, lue. cit., |>. hSi>.

Page 159: Les Sceptiques Grecs Brochard

fé2 unuî tt. (mumM m

tement'»*, roMjMMrt b trame «les événeiBimte. s'y insèrent, et

produisent de nouveaux effets.

Par suite, l'action d'une véritable cause nepeut être prévue;

l'événement seul h découvre S- Tantque Pliiloctèt» n'avait pas

été blessépar un serpent, quelle cause y avait-il dans la nature

pour qu'il fut abandonné dans l'lie de Leninos?

Cependant, si l'action do ces causes fortuites ne peut être

prévue*, en elte-mdtne elle est certaine. Nous touchons ici ait

point essentiel de toute cette argumentation. Les événements

futurs sont certains, mais d'une façon enquelque sorte abstraite.

sans qu'aucune intelligence, fut-ce celle d'un Dieu, avoirconnaissance de cette certitude; car personne ne peut savoir

d'avance quand les causes fortuites interviendront. Apollon lui-

même ne connaît le passé que s'il en reste quelque trace w; à

plus forte raison ignwe-t-il l'avenir. Il n'aurait pu prédire le

crime«l'Œdipe, parce qu'il n'y avait dans la nature aucune

cause antérieure (lui forçât Œdipe â tuer son Pourtant, il

était vrai de toute éternitéqu'OEdipe tuerait Laïus, et

que Plii-

loctète sciait abandonné à Lemnos.

Qu'on ne disepas que cette théorie revient au même que

celle des stoïciens. (le n'est lias la même chose de dire que tout

est vrai de toute éternité, ou (lue tout arrive en vertu d'un en-

chaînement Fatal. Deceque toute

proposition £ii est nécessaire-

ment vraie ou fausse, il ne s'ensuitpas immédiatement qu'il y

ait d«s causes immuables et éternelles qui empêchent les choses

d'arriver autrementqu'elles n'arrivent. » La proposition est vraie

parce ijhrdes causes surviendront à un moment donné qui réa-

liseront l'événement annonce. Par suite, cet événement aura

une cause, et il reste vrai que rien n'arrive sans cause.

Mais tout en accordant que rien n'arrive sans cause, la théorie

(1) />«•Fiito,mt, a« Fortuit.mot causa;i|ua>eUirimilnt voretlicanltir«juœita (licontur veniet in Sciiatum Calo, non inclitsa' in rerimi naluni aiijtit? tuunilo.»

'» m.37: Batio evi'»lusa[KTi(c,iiiaiif.r>

; m, ;i«, ;«.1

xii. iK.

Page 160: Les Sceptiques Grecs Brochard

CAHNiUDK. – SA V1B-RT SA DQCTIUX& 153

de Carm'ude diffère (Eo-celfe tins stoïciens en ceque l« cause

«l'un fait n'estpas

\im ellu-iotate à des émises éterneltes. Les

stoïciens sont dupes d'un» illusion ils confondent ta succession

et la causalité. Un événement arrive à la suite d'un autre sans

lequel il n'aurait pu seproduire"} ce dernier est-il la cause?

En aucune façon. A cecompte, il faudrait dire

que si je joue à

la paume, c'est parce que je sais descendu auchamp de Mars,

qu'H&ube a été lit cause de la ruine de Troie pare qu'elle a

donné le jour à Paris. Le voyageur In'en vêtu serait la cause quile fait dépouiller par un voleur. La vraie cause n'est pas seule-

ment cequi précède un fait, eest ce qui a une ellicaeité natu-

relle, une vertu, une action c'est cequi. une fois posé, amène

ttdcessnireirtent son effet. Ainsi la blessure est lu cause de la

mort, le feu de la chateur.

Par là se trouve résolue la difficulté tirée do l'argument pa-resseux. Nui ii te droit de dire

qu'il guérira d'une maladie si

tel est son destin, soitqu'il appelle, soit qu'il n'appelle pas un

médecin. Le médecin serapeut-être celte cause, survenant à

t'improviste, qui doit le sauver.

En résumé, tandisque Chrystppe coupait la chaîne des

quatre propositions indiquées ci-dessus, entre ta troisième et la

quatrième, Ctniéade s'arrête à la sc-conde, un plutôt; ilcoupe

cetteproposition par le milieu, accordant

que l'avenir est vrai

ou fativ niant tpj'il puisse êtreprévu.

Telle est ta théorie de (larnttade.Quelques réserves

qu'elle

appelle,on n'en saurait contester

l'originalité; onne peut

nier

nonplus la profondeur de ses

remarquessur ta nature des

causes et la (lillérenee de la causalité et de la succession. Mais

te qui est surtout remarquable dans ce mémorable débat, c'est

que parmi ces philosophes si différentsd'origine, d'esprit, do

tendances, parmi cesdisputeurs si iu-tiarnés, parmi ces

espritssi subtils et si hardis, aucun lùiil songé à nier la liberté.

•!° CuvriiK u MoiiaK. Les idées de Caméade sur ta morale

w..Vi

Page 161: Les Sceptiques Grecs Brochard

154 LIVRK II. – «wUHTuK lit

nous sont surtout caitnitns msif son f»utt>u« <(>•»'»»!•<><

·w- usvssu aa.y.uleilei lfLv

nous sont surtout connues |>ar son fameux discours contre ht

justice, dont Cieéron avait fait uneanalyse

(bris le IH* livre du

lielïepuljlka, malheureusement perdu; mais Laclunce nous on

a conservé quelques fragmente;, ou outre. ou rencontre dans

les ouvrages de Cicéron quelques-unes descritiques qu'il diri-

geait contre la théorie stoïcienne.

Lajustice1", dtsait-il à Home, est d'institution humaine; il

n'y tt point de droit naturel, antérieur etsupérieur aux conven-

tions conclues par les hommes, sans autre règle que leur inté-

rêt. On voit en effet que te droitehamje suivant les

tempset les

pays. Si d'ailleurs il y avait une justice, ce serait une suprêmelotie-, car la toi de la nature pour tous tes êtres vivants est de

chercher ce qui leur est utile. Les peuples les plus puissants, il

commencer par tes Humains, n'ont aucun souci de la justice;autrement, ils rendraient tout ce

qu'ils ontconquis et retour-

neraient fi leurs chaumières.

Comme les Klats, les particuliers consultent plutôt leur inté-

rêtque la justice. Un homme possède un esclave rebelle, ou

une maison insalubre il est seul ù connaître ces défauts, et il

veut vendre son esclave ou sa maison. Ira– t– dire à l'acheteur

que son esclave est rebelle, ou sa maison insalubre? S'it te dit,

il sera juste; mais il sera aussi un fou, car il vendra ù basprix,

ou ne vendra pas du tout. S'il ne le dit pas, il attira sagement,mais malhonnêtement. Carnéade citait plusieurs autres ras de

conscience fe: ce sont tes mènesqu'on voit reparaître au troi-

sième livre tlu De nj/îem il parait avoir été indirectement le

fondateur de lacasuistique.

Jusqu'ici on peut être juste sans courir de grands dangers;on ne meurt pas pour être pauvre. Mais voici des cas plus dilli-

ciles. Que fora l'honnête homme dans un naufrage, s'il voit un

de sescompagnons, plus faible

que lui. en possession d'une

planche qui ne peut porter qu'un seul homme? La lui enlèvera-

l-il. surtout s'il s'est assuré qu'en pleine nier nul nel'aperçoit?

l.ai-t. Ih'viu. InMil., V, i.">.'

fin., II. xvm.û(|.

Page 162: Les Sceptiques Grecs Brochard

t~i ti 1%f. Aille. s.1 VΠET SA ROCTtttNK. 1 Iii)

l'_ kt. )~ ..<!

If reitftWiu s'il eut sage: s'ilaime mieux périr» on

l'appelleral

un juste, mais un fou. Bans une défaite, nu homme est pour*suivi

par les ennemi» il rencontre un Messe" installa sur un

flievttl; i« l«issem-l-jl aller, aurisque

depérir lui-m<îme, ou h l

jettera-t-il à bas, [iota- échapper? Dans le premier cas, il agirasagement et malhonnêtement honndtenient et follement dans lesecond.

Iln'y a

point de justice, voilà la conclusion du discours de

Carnémle. Aen juger par cet dehanttllon de sa nionrère, on peutdire tenté do croire qu'il faisait

publiquement profession d'im-niontliid. Toutefois, il serait injuste de rester sur cette im|tre8-sion. D'abord, nous savons par des témoignages précis qu'avant

d'iitta(jucr lesprincipes de la nmmle,

Cnrnéade avait expose" enfort beau langage toutes les raisons qu'on peut invoquer en leur

laveur, tous les arguments que Socrate, Platon, Aiïstote, Chry-sijipc avaient tant de fois

développés. Si les documents dont nous

disposons nous renseignent moins complètement sur cepremier

discours, et le laissent un peu dans l'ombre, c'est sans doute

parce que ces arguments étaient plus connus de tout le monde.H ne parait pas que Carnéade ait été moins éloquent te

premier

jour que le second; son ambition on sacoquetterie était

d'expri-mer avec une éjjale foree le pour et le contre. Ses discours de

Home, si on voulait le juger d'après eux, prouveraient simple-ment l'indécision de sa

pensée sur les questions do principes; on

ne saurait en conclure qu'il ait favorisé la thèsenégative.

Mais sans vouloir abuser de distinctions subtiles, il semble

bien qu'il faut ici faire une différence entre lephilosophe et

l'ambassadeur. L'ambassadeur se trouvait dans des conditions

particulièrement délicates; nous reviendronsplus loin sur ces

discours de Romequand nous aurons a apprécier la valeur

propre et le caractère duphilosophe, Pour le moment, c'est de

son enseignement qu'il s'agit; et on conviendraque pour s'en

faireune juste idée, il faut connaître ce qu'il a dit à Athènes,

bien plufôl que tes discours qu'il « {finis à Rome.

Iiïpiicwp. nous savonsqu'il il les stoïciens avec son

Page 163: Les Sceptiques Grecs Brochard

tm LfVBK H. Cil.U'ÏTKK lit t

ItitllclIftlH îlf'ffftl'ltiiltltllkf ifctCitxt lliïifii Itn/tato, n/m ilit ii..fc,î.I;;habituel ucliuracinciil, mais nous avons peu de r<!tts«igi(UHU>tttssur le détail de cette

phsfniqiit>. Sur deux points smdetnuut tes

textes nouspermettent Je nous luira une idée de sa eritùroe.

Laquestion du souverain bien, toi que lo finissaient k>*

stoïciens, attira son attention, et il poussa son attaque avec une

telle vigueur tjtt'it força ses adversaires à reculer et à modifier <

leur tht5orte.

La vertu, disaient les stoïciens, est fe seul bien; J« vice. le

seul mal; tout le reste est indiffèrent. Mais, d'autre part, lit

vertu consiste, suivant eux, à chercher ce Ilui est conforme il la

nature. Comment tous ces avantages conformes la nature, quele sage doit chercher, seraient-ils indifférents? Ils

ont jiar eux-

mêmes une certaine vatcur ce sont des biens* La vertu n'est

donc [tas lo seul bien. En deux mots. si le seul bien réside seu-

lement dans tapoursuite d'une chose, dans l'effort pour l'at-

teindre, il n'est pas besoin lie parler de la nature et de ce <juilui est conforme; surtout il ne faut lias appeler les biens naturels

choses indiltérentes. Si on tient compte de la nature et de ce

qti'oHe réclame, il ne faut pas faire consister te bien dans la

seule intention, dans la seule vertu.

Les stoïciens essaientd'échapper

à Pobjeetton en distinguant

parmi les choses indifférentes celles <|ui sans (ître bonnes, se

rapprochent davantage du bien(©po»;y{tsW) et celles qui, sans

être mauvaises, s'en éloignent (âvovpotryftépa). (Test, répond

Cari«!ade!1;, une manière détournée de revenir à cequ'ont en-

suignû Ptaton, ArisEote, toute l'ancienne Académie. De lit, le

reproche tant lie fois adressé aux stoïciens d'innover dans les

mots plutôt que dans les choses, lis mettent en avant de grandsmots et font les fiers; mais ou bien ils se bornent à

répétersans franchise ce

flue d'autres ont dit avant eux, ou bien, si Ott

les suit au pied de la lettre, ils se contredisent.

Cette difficile question (qui divise encore aujourd'hui les

moralistes) paraît avoir été chaudement débattue cuire (Jarnéade

' Cic. K».. III. ut, 'ii. 7W., V, 'm.

Page 164: Les Sceptiques Grecs Brochard

CUINÉ.IDE.– SAvlK Wt M DQUÏtWNK. 157

«t Attttpnter m. ho bien, selon tes stoïciens, consiste oBsenlielie-et Antipatcr m. ho bien, selon tes stoïciens, consiste essentielle-

ment a l'aire un choix raisonnableparmi tes avantages naturels.

Mais, objecte Carnéade, utt choix ritisonnitiiie suppose une fin;

«Hielto est cette fin ? (l n'y en npas d'autre, répondent-ils,

«jih> de bien raisonner dans io choix des actes conformes ù la

nature. Mais d'abord l'idée du bien apparaît etdisparaît en

mène temps. Pour bien raisonner» il faut connaître la fin. Mais,

famine la lin est de bien raisonnai*, ifn'y

a ni droite raison sans

ta (in, ni fin sans la droite raison les deux notions nous

échappent à la fois. En outre. chose encore plus grave, pourfaire un choix raisonnable, il faut tenir

compte de ce qui est

bon, ou utile, oupropre a atteindre la fin: car comment

ap-

peler raisonnable un choixqui s'arrêterait à des objets sans

utilité, sans valeur, sans qualité ijaî tes fassepréférer? Diront-

ils qtte le choix raisonnable doitporter sur des objets capables

de contribuer au bonheur'/ Mais, comme le bonheur est poureux la droite raison, il faudra dire que la fin suprême est de

bien raisonner dans le choix des objets capables de nous aider il

bien raisonner. Admirable définition!

Antipaterftitbien embarrassé. II eut recours a des

expédientset à des distinctions subtiles- Finalement il dut, au moins sur

un point* s'avouer vaincu; «"convint'3'(lue

(si bonne, réputation,au lieu d'être, comme l'avait soutenu Chrysi|ip»« chose indiffé-

rente, mérite d'être désirée et recherchée pour elle-même. Dès

lors la vertu n'est plus le seul bien.

La question des consolations était encore une de celles que

Xoiucin|jrtm(un9 c<>lt««r{pin»ml<ition â l'hilai^juc ( Ihmmm. notit. XXVit, Xi.

Ellen'est pas i>\|iro<wim>ntafti'ihiiûoà Carn&idc,maisUrmat <|ni lcniiiii<>lepas-Ktgi' di! l'liilan|ui' i bteivov yàp (Aroixarpop) vnà KvpniSw •oreîapsvoi' els

raint xanSfooQu lit ctipiwAoj/df s»utbto bien iii<lii|itiT <|m> le fnml ait moins

•Iftt.ri([imienl5Mt l'inprunli'à OarnOailc0» peiil mi:nn'cnnj«Curorqiu>I'liilan|[u'«V«l inspiré Av ce

pbilosojitiR en plus d'un |>:i«si;;i> <li' l'iii^timciilalion t|ni j)ré-

ri'ile (XXVII,1»l »«/.).Acelle |iuli'inii|ti<<ennliv.iiiti|ml«r s« ratlaclin prokilili1-uii'nt l'opinion tfiio Cironm »l(riliin> smivenl à Cunirâilo ('hic, V. (tt, X'ij

S\\n\ bonum nisî untuni* piiniïs. frai.

'!î Slol».,M, II, lïti.

de. Fin., Ul, xm. :•

Page 165: Les Sceptiques Grecs Brochard

15S UTRB II. UIIAPlUUï Ht,

les sleteienï traitaient luplus volontiers; là encttïu tîm-uéuib kw

poursuivit. Nous voyons, en effet, que (;iitoiua<[iw fli, écrivantaux Carthaginois, ses compatriotes, après la ruine de four ville,

leur résumait lesarguments

de Curneudi». A celtequestion

Le

sajjodoit-il

s'affligerde la ruine tic sa

patrieif

i! abondait néga-

tivement. Nom ignorons les raisonsqu'il donnait u

I appui de

cette belle thèse. Ailleurs encore nousapprenons qu'il s'élevait

contre la manière dont tes stoïciens entendaient les consola-

tions «C'est la fatalité, disait Gbrvsippe à ceux qu'il voulait

consoler d'un malheur, et personne n'y échappe.» – « N'est-ce i

pus un grand malheur, disait Cnrn&ule, qui' tout lo monde soit-

soumis à une si cruelle nécessité 3Î?» n

A côté de cette critique toute négative, il serait intéressant de

savoir si Carnéade avait, en morale comme en logique* quelque

enseignement positif. La question est fort dillicilu à résoudre.

Nous savons d'abord qu'en logicien consommé qu'il était,

Carnéade énumérait fort clairement toutes les solutions quepeut

recevoir leproblème

du souverain bien, et réduisait toutes

les théories morales à un petit nombre de types. Il y a, disait-

il'*», un art de la vie; or, tout art se distingue du but qu'il

poursuit. Ainsi la médecine a pour but la santé, l'art du pilote.la navigation. Quel est le but (le l'art de vivre on de la sagesse?z

Tout le monde à peu près convient que ce but doitâlre appropriéà notre nature et. par suite, nous sollicite, nous attire, fait naître

en nous ce mouvement (le l'âme qu'on appelle inclination (dpftq).Le désaccord commence

seulementlorsqu'il s'agit de définir cette

fin de notre conduite, ce but de lit vie. Trois théories sont en

présence la fin suprême est fe plaisir, ou l'absence <fo douleur,

ou les premiers biens conformes a la nature (t(& vfpvrct x«t«

fâmv, prima .lecnmlum »«<«r«i»), tels que la santé, le bon élut

de toutes les parties du corps. l'intégrité des sens, la force, la

beauté et bien d'autres choses semblables. Ces trois fins ainsi

;i Ck., 'Film. III. xtH, a 4.

î! Ctc, Unit., IU, utv. "»f|.

t;i> Fin.. V, m, ji>.

Page 166: Les Sceptiques Grecs Brochard

CARttfctDK – M V!K ET SA DOCTHMlL Wi

.x. .s~ 1- ):,

posées oit peut concevoir t|«o fa souverain bien ou le. devoir

.soit «ii Im-n de lesposséder, ou seulement dû les |ioitrsutvret

<tftt-o« ne pas les atteindre. Seulement les stoïciens sont les

seuls qui aient considéré lapoursuite dos premiers avantages

naturels comme bonne enellc-mômc, qu'elle aboutisse ou non

à tut heureuirésultat; jamais on n'a dit

quece fût un bien de

poursuivre le plaisir ou l'absence itu douleur, même sansy

parvenir. fl reste donc, en fin decompte. quatre systèmes de

moralepossibles; tous ceux

(luiont été soutenus

s'y ramènent,soit directement, soit

indirectement, lorsqu'ils essaient de réunir

plusieurs des principes indiqués.Carnéade a-t-il pris parlï pour une des théories morales

qu'ila si licitement formuliica/ Nous avons sur ce point des ronsei-

j;ncineiits contradicloii-es.

Cicéron nous ditque Carnéade défondait l'opinion de Calli-

|ihonw avec tant d'ardeur

rju'il semblait l'avoir faite sienne.

Or, l'opinion de Calliphon<• était que le bonheur exige deux

conditions le plaisir et l'fionnéte. Mais, dans d'autrespas-

sades plus nombreux, te même Cicéronoppose

Caniéade h

(''aiirphon f3/; il va même jusqu'à lerapprocher d'Bpicure!*>.

Une autre doctrine positive est encore attribuée à Carnéade

par Cicéron. Le seul vrai bien aurait été de reehunrher les avan-

tages naturels sans sepréoccuper de l'honnêteté (a). Un témoi-

gnage de Varron <0).dont il ne faudrait pas exagérer l'importance,concorde avec cette assertion.

Mais, en mêmetemps qu'il attribue cette doetrine à Car-

wAc, H, m-, »;(f> n l't (,'ailipliimloiii «c<|ii,ir, ciijn» (|uitli>in soittcnlisr»

(.'•irneattraila stritliw (lufcnsilaliat,ni «•iiin[iroliarcclinm ïiilwclur. »"> Cii- Fin., V, «h. ai V, xvt, 73; Ttue.. V, x«. Sa.;J

Fin., Il, xi, ;t5.

:lifine., V, mi, H7.

le, II, un. i3i; Fin., Il, w. 35 .1 :)8; Tusc, V, xxx. 85.

/fc%SV«|m-nliI<.s. fr.XXIV, nii, iK.ABi. |«o«', p.31/1. Lriptig. iHlifi:

• Vwaa viai» Zuiiuna iiicessinst', «hier *icliil«, liane t*si> nolùlmn, all.'rnnt Car-

iKKiitftn il.'<irIiiilaM. Imna corporw wnilnm. XXV. vu, 19 <r ,Ut»rain >iam

<k>fiiiitta«sn Caruiwtfin. n II s'.i|;i| uMilnii.-iil ii-i. un !• voil, ((.• l.i |i»l.i»it|nfi ,!<•

(.ariH't'ulc (-«difro fi* M(nfi*î>iuif'.

Page 167: Les Sceptiques Grecs Brochard

1-6» LIVRE H-OHAMTIHHH.

ttéude, (acéron nous avertît ({tôt »» h smiltmnitpnspuuf sm»

prajn-u compte mais seulement pour luirepièee aux stoïeiens,

tl'wserendi eaum^u

De cestémoignages opposés il semble résulter que Carnéade

n*aprofessé aucune doctrine morale positive. Il défendait tantôt

uneopinion, tantôt une autre. suivant les hasards delà discus-

sion. Onpouvait s'y attendre, d'après

tout ceque nous connais-

sons d« saphilosophie, t<tc'est ce

qui nous est confirmé par le

passage où Cicéroa'3-1 nous dît que sondisciple préféré, Cfita-

inaquo, ne parvint jamais à savoir quelle étaitt'opinion

do (Jar-

néade. Nous aurions ntattvaisc grâce à être plus exigeants que

C'tilomaque.Si Carnéade a eu une doctrine morale personne ne

le saura jamais avec certitude.

Est-il admissible cependant qu'il ait refusé de faire aucune

réponse à la question (lui, de soirtemps, dominait foule la

phi-

Josojjltio et mente était toute la philosophie comment faut-il

gouverner sa vie? l'eut-on croireque le philosophe qui a fait

une part à laprobabilité, qui sesf éloigné sur ce

pointdu

pur

scepticisme et s'en est éloigné plus qu'Arcésilas lui-môme, ait

laissé absolument indécise In question pratique parexcellence?

On pourrait bien diretlue la seule règle de conduite qu'il

recommandait était lie s'attacher en toutes choses à laprobabilité.

Mais enprécepte semble encore insuffisant. Quelles sont tes

actionsprobables?

Aupoint de vue logique, on l'a vu, la pro-

babilité est déterminée par la vivacité de la sensation et parl'accord des

représentations entre elles. Slais, au point de vue

pratique, quand il s'agit de faire un choix entre diverses actions,

il semble bien que ces caractères soient insullisants. H faut bien

avoirpar devers soi une certaine conception du bonheur ou du

bien, probable elle-même, sinon certaine, et ainsi reparaîtl'idée de la fin on la définition du bien, que Carnéade semble

avoir voulu «parler.

'• Ae.. Il, un, i.'ii; /*Vh.. V, vu. -ta.

'• /le. Il, \i.i. i ït) Qitutiratlinsalliriuatiut nniiijiwiii m- iiit«llî|;«'re |>otniw

ipiirl CarU'Mili piuliiu lui

Page 168: Les Sceptiques Grecs Brochard

KAMÛitiK – M MÉ G'f SA DOfifBINK. Iftf

i »

Le seul moyen que nous apercevionsde résoudre côtlé diffi-

culté est d'admettre quti.Kuivimt Ctu-néWe» lafin la plus plau-

sible qtte l'activité humaine puisse se proposerest de rechercher

les bien» naturels, rà -erpêra xarà <pâ#tt>.Nous Ysommes conviés

parune sorte d'instinct d'impulsion naturelle, <5p/wA(lui

semble

bien jouerici le mémo rôle que la sensation probaMo e'est une

donnée naturelle que nous recevons, qui s'imposeà nous et

peut servir de règle ou de critérium pratique.suns qu'on intro-

duise aucun principe dogmatique, aucun élément rationnel, ««,

comme nous disons aujourd'hui,«

priori.

La morale ainsi conçue n'est pasnécessairement une morale

scnsualisle. Parmi les biens naturels, nous en avons pour garant

(acéron.Carnéadem* comptait passeulement Ces avantages mr-

porels., comme la beauté ou la santé, mais les(juafités

de

l'esprit !ll II pouvait ainsi conserver l««nom de vertu, et môme

eelui d'honnêteté p), en l'entendant, il est vrai, autreitieiit i|tie

les stoïciens: il y a une vertu et une honnêteté naturelles, sans

prétentions dogmatiques,telles que les comprend d'ordinaire le

sens commun. Ainsi entendues, les idées de (iarnéade ne s'éloi-

gneraient pas beaucoup, du moins si on considère l'application,

des théories d'Arislote et de l'Académie, ijui faisaient une large

part au bonheur dans la définition fin souverain bien.

Mais, dira-t-on, si telles étaient tes vues (le (,'arnéade. elles

se rapprochaient singulièrement de celles des stoïciens, <|ui,

flux aussi, recommandaient lit recherche des mpôna x«rà <pwm>.

Et alors, pourquoi tes attaquer si vivement f

Mais d'aburd répondrons-nousc'est justement

ce que leur

(Il Fi»., V, v« 18 "la quilms mmieitml mmldniiliilcm quorum simili»

«tintprima in unintis, quasi rirtiiltim i|;ntcilli et si'iniiia.» Hirzel (oji. cit.,

le. i(j5, s) s'creriiK! i pronvci- que ces <li-miùr<>s |«iiti|sne <luiv«nt |«» t'Irc

misps sur le ramplc de Caméaàf, mai» suit) une addition Ac Cicéron. N'ou* ne

voyons,pnurjinliïior cnlte coiiJMinw,aucuneraison plaiisilih-.Caniftirfnpmmiil,

«ai» &m inli«Ii-te à son point de nie, porter de («•mi'nn's i|i> vertu, et inêmi» de

vi>rtfi<. l'yirli.m cl Timon mil bien (ciiii < liiii(;a;;f.

II acconlail méinn IVitiplot<lr- rr mnl daiw l;i doclrine «t'Kpifiire. Ijr., fin..

V. vu, ici <tlîl liimfçliini sil fiicw» oinnis «ttitplalii raiisa. ••

Page 169: Les Sceptiques Grecs Brochard

162 J.tVRE il– CHïtnTRK IU.

reprochait tarnéa*?.Après Cous lettre beau* drsi»rs, ik <»»

revenaient ù ce qu'avaient dit plus simplement les anciens aca-

démiciens; ils n'innovaient que dans les mois. En dêTmissmrt te

bien comme ils te faisaientpar leur distinction des vponypépa

et des ivoirpotrypé/a, c'étaient eux qui venaient à Carnéade» etnon Carnéade qui allait à eux.

D'uiUettrs. il subsiste de notables différences entre la doctrine

stoïcienne et l'enseignement deCarnénrfc.Chrrsippeet Anlîpater

se déclarent enpossession de la vérité absolue; Carnéade ne se

Halte que d'indiquer la rèjjle de conduite Inplus acceptable, la

plus probable il ne dogmatise pas. Mais surtout les stoïciensfont consister le bien ou la vertu dans la

poursuite, f&t-elle

infructueuse, desavantages naturels c'est moins dans In

pour-suite que dans la

possession de ces avantages que Carnéadetrouve le bonheur, et môme la vertu. En un mot, le

sage, sui-vant la formule de Carnéade pourra se conduire comme le sagestoïcien. Il le fera d'après d'autres principes, avec moins de pré-tentions et d'orgueil. Ici, comme partout, ce sont moins tesconclusions des stoïciens

que les raisonnementspar oit ils y

arriventfjue Carnéade a combattus. C'est à leur science, non à

leur vertu, qu'il en veut.

En résumé, si nosconjectures sont exactes, la morale de

<;amt%de est une doctrine moyenne, sans profondeur et sans

grandeur, conforme aux données du sens commun, â laportée

de tous lesesprits comme de tous les

courages. Celui qui s'yconformera ne fera rien de grand, il ne méritera ni l'admirationni la

louange; il ne fera pas de mal non plus. Si Carnéade ne sefait pas une haute idée de la vertu, nous ne voyons pas non plusqu'il ait jamais fait

lapolof-ie duplaisir it est aussi loin d'Épi-

cureque de Zenon. C'est une doctrine de juste milieu. Telle

qu'elle est, on feraitbeaucoup pour la mémoire do Carnéade si

on pouvait prouver qu'il la pratiquée,et

qu'il mérité cet élogesi justement décerné à sis rivaux d'avoir conformé sa vie « sesidws.

Page 170: Les Sceptiques Grecs Brochard

CAIINKADK KXAMKN CftlTlOUK. !«:{

1

CHAPITRE IV.

CARJiÉADB. BXAMBNCRITigUK.

Caméade n'apas bonne réputation. L'histoire t'a fort mal-

traité. La plupart des historiens modernes le regardent comme

un sophiste sans conviction et sans vergogne, pareil à ceux dont

Platon nous a laissé leportrait peu flotté. Ses idées ont natu-

rellement étéfrappées du môme discrédit. On veut bien lui re-

connattre quelque esprit; on ne leprend pas très au sérieux, et

on ne lui fait guère l'honneur de le discuter quelques lignes

dédaigneuses suffisent pour lui dire son fait et le remettre a sa

place. Cette exécution sommaire n'a pas lieu desurprendre,

si on songe que l'histoire de la philosophie a presque toujoursété écrite par des dogmatistes naturellement

prévenu» contre

ceuxqui n'entendent

pasla certitude comme eux, et, en France

surtout, plus enclins à réfutertju'à expliquer, à critiquer qu'à

comprendre. Aussi n'est-cepas une taiche aisée

d'essayer de

juger impartialement Carnéade et son œuvre; il estpourtant

nécessaire de l'entreprendre.

I. L'origine de toutes tes accusations contre Carnéade est sa

fameuse ambassade à Rome où, en deux jours, il parla tour à

tour pour et contre lajustice. N'était-ce pas donner une publique

leçon d'immoralité, et pourra-t-on juger assez sévèrement l'au-

dacieux qui s'est joué ainsi des sentiments et «les idées lesplus

respectables? Aussi flétrir Carnéade est devenu un lieu commun;

et peu s'en faut qu'on n'ait déclaré que t'apparition de ta philo-

sophie à nome ainarqué le commencement de la

corruptionromaine.

Ou»; la condamnationpmn«im'e contre (!aruéa«le soi) au

Page 171: Les Sceptiques Grecs Brochard

t<i4 LIVKtë II. CHAHTHÉ IV.

moins tro{> sévère, (juoson

procès aitété témérairement instruit

«*l mérite d'ôlre revisé, c'est ceque M. Mnrtlm(t>a récemment

établi avec une abondance do preuves, une finesse d'analyse,une modération et une fermeté de jugement himi propres à dé-

courager tous ceux qui voudraient tenter aprèslui une rélia-

biittuttoii de (iarnéade.Cependant, môme après le livre de

M. Marina, nous avons vu reparaître'* les mêmes accusations

f»( la même sévérité. Ce sera notre excuse [jour oser revenir sut'

ttn (jeta t|ui pouvait paraître définitivement clos.

Nous avons dound tout à l'heure le résumé ({es discours de i(fjarnéade. Le premier jour, il exposa en beau langage tout ce (

(jn*on [«'ut «tire en faveur de la justice il rappela les arguments “

«le t%tun, d'iirislote. de 7.4nou, du Cluvsippe. Le second jour.ii indiqua les raisons de roux qui m croient pas à l'existence dfi r

la justice; il insista surtout sur l'oppositiuii (|iiiéclate entre ta

jiislict' et ce tju'on appelle comniunément la s»{jflsse t'Iiontme

<jui, avant de vernir» sou esclave, avoue ses défauts, celui cjuidans un naufrage se résigne à la mort plutôt que d'enlever a un

plus faible (jue lui laplanche <|ui le sauverait, sont justes; la

sagesse populaire ne déclare-t-elle pas (jn'ilssont fous? Les

liommi's font volonti<lvs i'élt)j»8de la justirt»; mais c|uantl ii s'agitde l'observer, leurs actions démentent leurs

paroles;la réalité

contredit l'idéal, et on peut dire *|ue tajustice n'est pas.

11semble vraiment, a entendre les accusateurs de Cnniéud^

'' fjt [àilostipke Camtode it Hume, piililii; dans les Klndtt i/wrafrj «m- l'anli-

ifuité. l'aris. Harliotte, t KSS.

'• Dans sa (rôs inliTOssanle» c-l clianimnlc- i;ltuli> intïliil<>e Un ptvMème morni

éw* Fanti,i«ilé (l»aris, Ilactintti-. iSS'i), M. B. Tliamin rel fort sévèn» |wur- Car-

n»*n*tt* nous rroymis qu'il est injuste. Qiinnilil <tilpar cssomplfi(p. t|t) «jm»«h»;

n>nl.>[u[ior;iiiK <ti> (larni'atlo- ne lui fiivnl pas pnwîsinu'iit l.i n:piil;ilioii «l'un iiôros»,"mtl>mporaills .1.. Car/lO:a"~ n~ lui lil"nl pas (l.is.lDlI'nlla "pulalion d'un Ité,'osl>

et cola siiii|ilciiii'iil [Kirco qu'il n'a pas voulu sV'irijiuisoimur a la suite d'Antipaler,

M 'riiiliniu confond nianife^li'nK'iil tes il«nlci)i|Kii,iii)3 de (.'arniâde nvre ses 011-

immU à nmins que nous ne prisions <>njirincipi' i|iw les pliilusoplu» doivent suiïn»

li>nrst rnnthttlieliMirs dans la IoiiiIk1, aussitôt <|ii*it plaît à res ilerniera d'y eiilrer

leur sort serait encore moins enviable ijik» celai dp la veum il» Mahilnr. tt r«!sl<vait li'ailleins à savoir quelle trsw mptih> l'anfcilod' rappoili'o [wr Oiojjriic (IV,

fi'»): !•• liait .iitulojjii.' cjié par Slaliw (Fhril.. f'XIX, kj) |ianit pins vinisi'iu-

lilaW.

Page 172: Les Sceptiques Grecs Brochard

tiAKR&Jil)& – KXAVRJf CKLTIQU& iG5

«j«e as discourrait inhirê les Humains u um pt'rvëmM uW

jusque-làils n'avaient pus ou l'idée, «ju'uvaut lui, aucun Humain

ne se serait avisé" do réaliser des profits illégitimes, d'abuser de

sa force et dodépouiller les faibles. Caton, qui traitait si dou-

cement ses esclaves, a dft frémir d'horreur à l'idéo d'une tette

atrocité,

Citrnéade n'a non appris aux Romains, ou il ne leur a appris

qu'une chose:e'est que de» rnani&res d'agir qui leur étaient

familières et leur semblaient naturellos étaient fort réprélien-siblcs. Aussi voyons-nous qu'il a eltoisi tes

exemples les pluscapables de taire impression sut -se» auditeurs, ceux qu'ils pou-vaient le mieux

comprendre. On a reproché ù ses cas de con-

science d'être (ait peu épais; mais il liiHail bien se mettre à la

portée de son publie, II on avait d'autres pour d'autres ocras-

sions, et M. iVfartlm en cite un tout à raitexquis'1*.

Si tephilosophe n'avait prononcé ses discours, comme le

suppose si ingénieusement et sispirituellement M. Marina, que

pour «mener un argument ad hominem et trouver moyen, sous

le couvert (Cuite thèse générale, de dire teur fuit aux Romains,

et de leur laisser entendre agréablement qu'ils étaient tes plus

fit Voici le cas île i-mncienco oit M. Mail lia, m«c Inuli- raisin», selon nous, mil

une prouve de ta iléliralrsse murale de Cariiwido --Si ht savais qu'il y «iU «»

>[iiel(|ii« endroit un«ei-pcul caché, cl qu'ira homme >|ui u'eii siiiiail ri»»*, cl A la

morl iIihjiwI lu |[aj;m;rais, fiil sur te pniiil «le s'asseoir dessus, tu Iwiiis mal de ne

{«is Peu pmiM'-clier. Cqu'iidaul In aurais(Ht iinpiiuénionl iip pas l'atertir; qui I'bc-

ruswsiif?» (& Ik Fia., Il, wiii, âtj.) Hc|iondani a M. Slnrlha, qui si|.nal«;re passif;»; dans sou rapport M. Thaïuin écrit « Dans lu passa|{a cite par M. Martin,lit donii«t! scut; est. «lit |ihiloM>|>ti<! ttont il sVst constitué le (mtron; fa furme et la

délicatesse morale ((u'ellc exprime sonl d« Ciccmr», <[ui, en inl«r|m'-tanl l'arjjii-mciit dit sceptique le relourne conln; ftii.n Mais «l'ulioni, il n'y a rien dans fc

toxtii de Cicéron i|»i permette de supposer que Caméadc n'a pas inlcrpriUc If cas

de commence comme le fait l.'icéwj; c'est très ;if/)itr.iiremcnl qu'! il. Tbaim'it lui

retire ce niériti*. Mais fùt-il vrai que Cacnéadc n'a pas eu cette délicatesse d'iu-

twrprétaticiii, il ternil Inujwirs le pramier «|iii ait eu l'idâ! d'un cas dis consciencemi nil s'ajjil d'un scrupule Ion! iiik-ricur, ili'-rotn! à la connaissanci! des hominfs-,t'i

par fi ce <as de ronscieiin? ilenieiircrnit fort supcriitur « lous les milrvs; if y an-rait, dans la wiiIb dviiiK'R, une liuessc p»v<-|iolo|>i(|iii!, H intime mit? itélitatcssp

murale dont il ne serait (p.n- juste <lo loin.1 tioimcur à OariiMi.te.

Page 173: Les Sceptiques Grecs Brochard

t«6 UVRK IL CHAPITRE IV.

grands pillards d« l'univers» on nopourrait que sourire tfe in

malice duphilosophe, et if n'y aurait plus de déliai.

Si< comme il est probable» Caraéade a voulu servir la cause

des Athéniens, et fairecomprendre aux Humains qu'il ne faut

pas abuser des grands mots de justice et d'honnêteté, et qu'eux-mêmes, les

ayant fort souvent oubliés, devaient se montrer in-

ilufgents ù l'égard d'aulrui, on pourrait penser qu'ifa é¥

troj»

diplomate pour unphilosophe. Mais lu mission dont il. était

chargé l'intérêt de sa patrie d'adoption, seraient pout-eire pourlui des circonstances atténuantes, et il serait bien ditiicile, sur

ce chef, do le condamner sans réserves. il

Mais laissons cesexplications. La méthode

employée parl

Carnéude dans ces fanteux discours était cellequ'il suivait con-

stamiuent c'était cette de l'Académie, de l'ancienne autant que<

de la nouvelle. Prenons ce discours comme un échantillon de

ceux qu'il prononçait dans son école, et négligeant les circon-

stances accessoires, jugeons-le à un point de vite purement phi-

losophique.

Que reproche-t-on à Carnéade? Kst-ec d'avoir, sous couleur

d'exposer impartialement le pour et le contre, secrètement favo-

risé la thèse négative, et sournoisement trahi la cause de la jus-tice? C'est bien ce qu'on a dttlli; mais c'est inexact. Rien dans

les texte» ne justifie cette accusation, et elle est contraire à tout

ceque

nous savons de sa méthode, de ses habitudes, de t'atti-

tude mêmequ'if avait prise. Tout son art au contraire était de

tenir la balance égale entre les thèsesopposées, de faire en sorte

que l'auditeur. sollicité en sens contraire par des raisons tout à

(" -C'est froidement,«til-on,et pour t'amourde l'art, queCaméade({«montreàceux qui l'écontont, et dnnt il ro Gientdt Inuer ta patieirae, leur radicale matlton-

ntURté.*Mailce n'est pasparcequ'il a in<%iu-le publie,c'est ail contraireparce«pi'il a eu trop de siiewsque Cirnâide a dit quitterRome.Il n'a pasété chassé:re nVil pas par scrupule moral. c'est parce que la jeunesse était trop enthousiaste,

i|«r>Catan a fait régler lalfitire qui retenaitl'amlaisadnurathénien. C'est un

point i|«e M. Sfarfha a surabondammentdémontré tes teites «ontformel?.Df

pfns, Oarni>ad<! ni» lémontre pas aux Romains «leur radicak mallionnctetéx-, il se

mnteulp A* montn'r qu'en certain au il y a nue ililforciicp ou une oppositionentre la jn«iirc <;t ci- qu'on nuiront; la sayessc.

Page 174: Les Sceptiques Grecs Brochard

CA!~ÉAM.–t~AM!{~<:MTm~. Ui1

i P4: f !f' '1: ·t·. nf rt

fait filles, fôt (hitiH i'ijii[)ossfl}fl]té de seprononcer. On nô

peut

supposer quedans ce discours certainement très (trépan! i'ow-

tetiL-, toujours si rnattre de sa parole, ait commis ta faute de

trahir 11110secrète préférence, s'il l'avait, Ott qu'il ait eu la naï-

veté de la laisser voir. Il n'étaitpas naïf!

A vrai dire, lu seul reproche qu'on puisselui faire, c'est de

n'avoir pas conclu. Mais ici In personne môme de Garuéade est

hors de cause c'est sa doctrine, une doctrinequi

lui est com-

mune avec beaucoup d'autres, (lui est en jeu. Avant des'empor-

ler en invectives contre lui, il faudrait s'entendre sur ce point:le doute, fût-ce en morale, es£-i'f un crime? Est-ce uh déshon-

neur d'êtresceptique? C'est un point dont tout le monde ne

conviendrait pas. Ne voit-on pas de fort honnêtes gens ébranlés

dans Ictus convictions par les difficultés de toute sorte que sou-

lève la critique, plusencore

par les démentis que l'expérience

donne tous les jours à leurs idées lesplus

chères? Et Dieu

sait si (le tels démentis étaient fréquents au temps de Carnéade!

Quand Brutus désespère de la vertu, il estsceptique

à sa ma-

nière suti{jc-t-on à lui en faire un crime? Pascal en a dit bien

d'autres que Carnéade. Il ne s'estpas

borné à douter de fa jus-

tice, if a déclarécatégoriquement qu'elfe n'est qu'un leurre.

Nous n'avons pas la folle idée d'instituer un parallèle entre Car-

néade et Pascal; on nous accordera bien cependant qu'ils ont

ici un point commun. Locke en exposant si longuement l'argu-

ment tiré de la contradiction des croyances en morale, tant

d'autres après lui en revenant sur ce lieu commun, n'ont en-

couru aucun reproche d'immoralitépourquoi

réscrvo-l-oti toute

la sévérité à Carnéade?

On dira peut-être qu'en pareille matière, quand ou nepeut

pas conclure, on doit setaire, qu'au lieu d'étaler les vices des

hommes, il vaudrait mieux ne pas voir ou, si l'on a vu, garder

pour soi son pessimisme. Mais qui ne voit qu'il y a ici un cercle

vicieux? On ne peut demander il un homme de régler sa con-

duite sur unecroyance que, par hypothèse.

il n'a pas, etqui

est

précisément l'objet du débat, lit si. avant «les doutes, Carnéade

Page 175: Les Sceptiques Grecs Brochard

t6» UVRB JK – €H.y»tTKK »V.

les awfwfa nettement, il a du mains le mérite de te ftatt-

chisem>

Sans doute, c'est unedisposition très fréquente, et fort hono-

rable, de ne pas vouloir livrer a la discussion leprincipe même

do la morale. Nous sommes blessés quand nous entendons

mettre en question l'idée du devoir; nous voudrions qu'elle fût

en dehors et au-dessus do tout débat. Mais avons-nous le droit

de l'exiger? Et si nousl'exigeons, oîi sent la limite? Il

y a des

gens qu'offense le moindre doute élevé sur l'existence do. Dieu

s'interdira-t-on d'examiner cettequestion* II y a des personnes

ijui s'indignent qu'on puisse discuter l'existence dtr monde exté-

rieur t'admettm-t-on sans examen? Il faut a desphilosophes

plus de philosophie. Il faut se résigner à voir tout remettre en

({uestiun, sans exception; il tant surtout s'abstenir desuspecler

ta bonne foi de ses adversaires, quelle que soit ta thèse qu'ils

soutiennent, intime s'ils n'en soutiennent aucune.

Toute la question est de savoir dans quel esprit. avecquelles

intentions Oainéadt» aexposé tour à tour le

pour et le contre.

Est-ce un stiphisk» qui se plaft à porter le trouble dans les

consciences? tëst-e»' tnj philosophe qui expose sincèrement ses

perplexités? 1

Sophiste est bientôt dit; ntaisquel étrange sophiste, si con-

stamment occupé à réfléchir qu'il en perd presque le boire et

lu manger! Que nous voilà loin de ces charlatans dont l'Ialoti

nous a laissé le portrait!

Un des traits caractéristiques du sophiste, c'est apparemmentde faire des sophbtnes. On

parle souvent de la dialectique cap-lieuse de Carnénde: M. Martha lui-même a répété ce reproche.Noua osons dire

que rien n'est moins fondé. Dans tous les rai-son iieincnt.s de (iarnéatle

qui sont arrivés jusqu'à nous, il n'y a

Oiiv qui reprochent ù Ctcncadu «l'avoir dit ce <|ii'il faut taire, t'acrcilitvnt n

t\ii<iede ti'uti-s il" f;ioiroi( oit «s idws sont <-o«MiIt:o;es comme |«-r(irrtiatric«.<iet

rurruplrins d« la jiiimessw..Ainn'niilnn mii>n\ ipi'il cûl fail uuiime Ociiroii, (|«idisait ci» [itililii: lit (iiutraire <li;ce i(u'il («usait, <|ui wciuvail pas aitv Ment, et

f.ùxnl h* tli'-vut |i.ir |»p|itiijti. (fut raillait l,i ilivinaliun H >-tiiil atij'utf'! !)•' Cicêivii

•m ik> Caniùitlc. 1«|iii>I i-»l l« plus cstiiiKilile? 1

Page 176: Les Sceptiques Grecs Brochard

t~AlttVt~Ali~t:XAS!(EI~ tati'l'(t~ tG9

-s .e fî -u- .4~ t t t <

point d'arguties, fl y a peurtre (tes erreurs c'est un point sur

lequel, nous reviendrons tout à l'heure; it «"y a pas de ces sub*

filïtdR <|ui impatientent I» 'lecteur;' il n'y a rien qu'un honnête

homme nepuisse dire. Si le

philosophe aquelquefois tort, il

n'estpas toujours facile do te lui prouver. On ne trouvera rien

dans toute son œuvre qui ressemble aux «infusâtes du tas, du

voilé ou du cornu; c'est lui na contraire qui reproche aux

stoïciens tes subtilités de leurdialectique réellement captieuse

en bien (tes cas. Il y a sous corapport une grande différence

entre Carnéade et tes pyrrhoniens, Ceux-ei, on le Verra par la

suite de ce travail, ne sontpas toujours très scrupuleux sur le

chois de leurs arguments ils disent avec une sorte tie ricane-

ment que tours raisons sont toujours assez bonnes pour des

dojjroatistes. L'impression qu'on garde de la lecture des dis-

cussions de («irnéade, c'est i|u'il parle toujours sérieusement.

On sent en lui, avec un art admirable, le souci d'éclairer et de

convaincre; il a lerespect de lui-meine, de son art et de ses

auditeurs. Ce qui frappe leplus dans le peu que nous avons de

lui, c'est mie foute decomparaisons ingénieuses et

spirituelles,

empruntées à l'histoire ou à la mythologie, et(lui donnent « sa

pensée un relief et une netteté saisissante. Point de formules

abstraites; des exemples et des faits précis. On n'est pas un so-

phiste quand on a un tel souci de -la clarté. Dira-t-onpar hasard

que dans le discours de Borne, l'argument lire du conflit entre

le juste et l'utile, l'idéal et le réel, n'estpas un argument sé-

rieux, bien digne d'attirer et d<; fixer l'attention d'unphilo-

sophe?t

Un autre caractère distinrtif du sophiste, c'est de changer

d'opinion ou de n'enpoint avoir, au gré de son intérêt, de flire

de soit art, de battre monnaie avec ses doctrines c'est

bien là ce«pie disent Platon et Aristotc. Or, nous ne trouvons

rien depareil chez (laniéade. On ne nous dit

pas de lui, comme

d'Areésilas, (pj'i| ail été opulent; il paraît avoir vécu fort sim-

plement, en vraiphilosophe. Il n'était p»s ambitieux l'ambas-

sade à Home était une lourdecharge

autantqu'un

honneur: il

Page 177: Les Sceptiques Grecs Brochard

17» LlV*B lt.-C«A»'ÏÎRK tv.

lie paraît pas l'avoir briguée; <te fait, c'est foi «pri it rendu au

j;iantl service aux Athéniens, (licérou dit et) propres tenues qu'ilne se mêla jamais do potitittue. Oit ne cite pas un trait ile sa

vie qui ne soit à soli honneur. 11 ne circuit» pas sur son compte,

comme sur celui d'Arcésifas, des bruits fàctiouv ou seundalcuv.

Un homme tel que lui devait avoir «les ennemis il en a eu; ils

ne lui reprochent t\iw des discours, non (tes actes. Quand Nuiné-

nitis(1) l'appelle « fiiuu joueur de tour» », il parla au lijjurt? et s'il

tucompare

;Vces légumes vides qui Ilolteaf A la surface de l'eau

où on le* fait bouillir, tandis que les bons vont au fond, cela

veut dire seulement qu'il n'est pus de son avis. Il n'a pas été de

ri-s esprits légers el brouillons(lui

seplaisent

« jeter le trouble

chez les autres: c'est Amîsilas, et itou pas Curiioade, ijuo le

stoïcien desAcadémiques compare

à ces tribuns du peuple quine rêvaient (|tùi{ji(ation et desordre. S'il a aimé ta (jbire et to

succès dans les luttes oratoires c'était apparemment son droit.

Il n'y a même pas lieu de dire de lui qu'il ait, comme Cicéron,

choisi le prubabiiisine parce que, n'ayant rien à défendre et

toujours prêt ill'attaque

il donnait plusde facilité a l'éloquence.

Stoïcien. épicurien on pur platonicien. Carnéacte, doué comme

il l'était, aurait toujours été lepremier orateur et te premier

philosophe de son temps.H

y a mieux encore Quinlilien'21 nous

dit enpropres

termesque Carnéade n'a point

été un homme

injuste. Luctance '3| nous assure qu'il n'en voulait pas il la jus-

tice. Saint Augustin parleaussi de lui en termes favorables.

<iicértttt'•• déclarequ'il

ne voulait pasdétruire tes dieux c'est

uniquement au dogmatisme stoïcien qu'il avait affaire, non à la

morale ou à la religion. Les stoïciens, (lui font les fiers et veulent

A|i. Knsi.'h., Priv/K Kv., XIV, nu, i'«.

liMit. nraU, XII, i, 3">. ~\f Cai'iieadra ille.. iiijtudm vir fuil.-)

:S> Die. liistit., V, 17; EpilwiK, I,V, «non <|iii.i vilupeMndan» cs<a jusliliam

«PnHobut

*' Cmilra académie, Ili. un, 3;(.

De ual. t)«ir., IIK xvii, 'i'i: illmc CaruiMili-i aiflial non ut «leoj lnlf«n-f

(>|tiuf itiiii |iliilo9uplio miiHM •oiiviiii'na), *'il ut itokus uifiit (1k iIih <.>i|)licar>!('lui.1 ,.nim l'ltiloljtJpho miuus mnv,'ni.,ns), St'd III ';Ioieus niltit d.. ,Iiii '!llllicaf'J

«nnvincoret.

Page 178: Les Sceptiques Grecs Brochard

CAttNKADK. EXAMEN CRITIOUR. 171

tout prouver, ne prouvent rien voilà toute sa thèse. Sorti des

discussion»publiques, dit NitlHénius, it rendait hommage à ta

vérité, dans ses entretiens avec ses utnis, etparlait comme tout

le inonde. S'il doutait do ta justice dans ses discours, il l'obser-

vait dans sa conduite. Nous l'era-t-ou croire aisément qu'il ait

été un malhonnête lionime et un sophiste, tephilosophe qui a

exprimé cette belle pensée rapportée par Plularque'" «fl no

faut pas croireijne, si les encensoirs, même quand ils sont vides,

répandent encore longtemps une bonne odeur, les belles actions

disparaissent sans laisser dans rime du sage despensées»

dont

la douceur toujours nouvelle la rafraîchisse et la ravive, et lut

pcnnctti' (lemépriser ceux (lui se répandent en

plainteset en

injures contre lu vie, comme si le monde était un séjour de

misères, un lieu d'exil où les âmes ont été reléguées.» »

Pourquoi,nous dini-t-om ce sérieux et aimable esprit s'est-il

attaché celle étrange etparadoxale doctrine, le

probabifisme?

C'est toujours à ses idéesqu'il faut revenir, car c'est te seul grief

qu'or»ait contre lui. lia

réponse ici est trèssimple c'est qu'on

e

se fait du probabitisine une très fausse idée. Si, au lieu de le

condamner sans l'entendre et sans le comprendre, on voulait y

rcjjanlcr d'un peu près,on verrait bien vite

quecette doctrine

n'est pas aussi noire qu'on le dit, on s'apercevrait mène qu'il ya

parmi les honnêtes gens beaucoup de probabilistes sans le

savoir. L'objection qu'on lui a toujours opposée, par laquelleon

l'étrangle, est tout simplement pitoyable. À-l-on répété assez tic

fois ([ne laprobabilité ne se comprend pas sans la certitude,

qu'on ne peut s'apercevoir qu'une chose est probable ou vrni-

semblable si on nepossède un modèle. un type de vérité

d'après lequel on juge et mesure la vraisemblance, que, par

suite, c'est un non-sens de dire que quelque chose est vraisem-

blable si rien n'est certain ? .Mais ily

a une certitudeque

les

prolmbilistes, pas plus d'ailleurs que lespyrrhoniens, n'ont

jamais contestée, «-'est celle du phénomène Le probabiliste ne

De traiHjuii imimi, i;|.

Page 179: Les Sceptiques Grecs Brochard

m trVBE" IL CHAPITRE IV.

ttif |*a», eoimne oit te lut fait dire rie» n'est eertudit pas, eoimne on te lut fait dire rie» n'est certains. H dît

rien n'est certain, hormis le phénomène. La niuntàu dont ihmik

sommes affectés, la donnée, le Wflw, voilà cequi, dp l'aveu de

tout le monde, est évident, certain d'une certitude indiscutable

et indiscutée. Voilà le type, l'étalon ijui peut servir à juger de la

vraisemblance. Comparée à ce modèle peut-on direque la cer-

titudo despropositions générales, de celles

qui portent sur une

existence réelle hors de nous (en laissant de côté, par consé-

quent, les véritésmathématiques, uni supposent toujours cer-

taines conditions admises au préalable et sont.à ce titre, toujours

hypothét unies, connue disaitPlaton),

soit de mette nature?

Ktle ne t'est certainement pas, puisqu'on endispute.

Au fond de tout m débat, il y a un malentendu et tine étjiii-

voque on conçoit, satiii s'en rendre compte» la certitude dé deux

manières did&enles. S'agit-il de la delitur tlteorkHcemenl ? l^i

définilion est fort belle c'est l'adhésion ferme, inébranlable,

irrésistible, de l'unie à la vérité, et rien qu'à In vérité; cVsl la

prise de possession directe de ta réalité par l'esprit; c'est l'union

intime, la fusion, sur un point, du sujet et de l'objet. Aucun

doute, aucune contestation n'est possible; bref, la certitude est

définie commequand

il s'aj;il du phénomène actuellement donné.

Sajfit-il, au contraire, non plus de la théorie, mais del'appli-

cation et de lapratique, considère-t-on la certitude, non plus

telle qu'elle devrait être, mais telle quelle esl, c'est tout autre

chose ce n'est pins que l'adhésion pleine et entière, très forte

ni très passionnée peut-être, absolument sincère, nul ne le con-

teste. mais pourtant qui peutêtre

donnée, qui est souvent

«tonnée à des choses incertaines, votre à «les choses fausses. On

confond ces deux concepts fort dilïécetifs on parte de la certi-

tude pratique, celle dont nous vivons, comme si elle était

toujours ta certitudethéorique,

et elle ne l'est pas. Que répondreà (Jarnéade quand il vient nous dire Cette certitude que vous

déclarez inébranlable, il lui arrive d'être ébranlée; à cette cer-

titude que vous dites irrésistible, vous résisterez tout à liieure,

<|uun(ivous aurez reconnu votre erreur. Mais alors ce n'est

pas

Page 180: Les Sceptiques Grecs Brochard

«ÂftlflU'DR. – EUMES* IÎ.BITIQIJEL m

la vraie certitude. – Sans ({(Mité; main, ijukine vous la prenez`

la vraie certitude. ^– Sans diMito; main, puisque vous laprêtiez

(«qui-lu vraie certitude au moment où vous vous

trompez,vous

n'awas pas un moyen snr «le distinguer lu vraie et fa fausse il n'ya

pas une représentation vraie ôlaquelle nos'appose uni* repré-

sentation fausse qui n'en peut être distinguée. Donc, menu si

vous avez atteint ia vérit»?, ce «jui est possible après tout, vous

imîpouvez en être absolument sur. Avouez -le de bonne grâce, et

neprétendez pas vous élever à une perfection inaccessible Ii la

faiblesse humaine.

Rien (le plus simple an fond cjue cette distinction. Mai» si un

philosopheose ta faire, sif vient dire que la certitude dont on

se contente dans la vie est autre chose (jue cette qu'on définit

superbement dans les livres, s'il avoue que In réalité est fort au-

dessous de l'idéal, tottt le momli' se tourne contre lui. Pour

avoir ditque

la certitude pratique, fini légitime d'ailleurs, est

autre (pie la certitudethéorique, on IWusn d'avoir

dit qu'il n'yya pas de certitude, on l'accable sous le ridicule des

conséquences,on le

repousse avec dédain, on le flétrit du nom de sophiste. Ce

n'est pourtant pas ce qu'il a dit. Mais, ayant distingué deux

chosesqui sont en réalité différentes, il a

proposé» pour plus de

clarté, de tesappeter de deux noms différents à l'une il a

réservé suivant l'usage constant desphilosophes, le nom de

certitude; à l'autre il a d(»nné le nom d*>probabilité. A-t-îl con-

testé que cette probabilité puisse s'approcherindéfiiùmimt tle la

certitude, qu'elle en soit l'équivalent pratique, qu'elle suffiseà la

vie, à la morale, la sciwtce même»1? S'it l'avait fait, il serait

peut-ôlre un sophiste là est précisémunt Je tort et l'erreur des

pyrrhoniens. Avant reconnu que nous n'atteignons pas cette cer-

titude absolue que les philosophes définissent dans leurs écoles,

ils déclarent qu'il n'y a rien à mettre à laplace, qu'il faut

renoncer à toute allinnafiou voilà l'excès, voilà la gageureinsoutenable. Encore y aurait-il

beaucoupà dire sur ce point.

car lespyrrhoniens ne sont pas sans avoir

prévu l'objection. Mais

:i1 f'.ic, Ar.. Il, ï, .'{•• IVoMiili' alît|uid es»» ol <|iro«i von«imili\ i>:n|iif«

irti n'giita i'l in u|win!i vi(a, et in <[nu>Fi>Mit<>ac ilissi'iviitln.

Page 181: Les Sceptiques Grecs Brochard

174 MVRK H– KHtPlTftK ».

Carnéade s'est précisément garde" do eut excès, A défaut de ecttt*

certitude parfaite qui n'est qu'un idéal nousavons lu probabilité,

qui en tient lieu et qui suffit. Cette croyance [irulk|\iu, qui peut

être aussi inébranlable qu'on voudra. s'il t'avait appelée, comme

peut-être on pourraitte faire, certitude morale ou pratique,

l'objet même du début disparaîtrait. Mais il a voulu éviter toute

équivoque; et, au risque d'employer un mot mat sonnant aux

oreilles des dogenatistes il s'est contenté du motprokabUilé. Sa

mémoire en a porté ta peine. Mais aussi pourquoi s'est-il attaque

à ta vanité humaine?Pourquoi nous a-t-il refusé le pouvoir

d'embrasser l'absolu, comme des dieux'/ Pourquoi a-t-il blesséç

notre orgueil? 11 reste vrai néanmoins que, si on va au fond

des choses, il s'est rendu compte, avec beaucoup de pénétration,

de mesure et de modestie, des limites de la connaissance hu-

maine; son seul tort est d'avoir vu plus clair que les autres,

son plus grand crime est d'avoir oul'esprit trop précis.

Avec quelle finesse et quel admirable bon sons M. Marthn a

sur cepoint

rendujustice

a Carnéade Hfaut citer cette belle

paye,de

plusde portée qu'elle n'en a l'air en sa forme discrète.

«Nous sommes tous probahilistes. vous et moi, savants et igno-

rants nous te sommes en tout, exceptéen mathématiques et en

matière de foi. Dans les autres sciences et dans la vie, nous nous

conduisons endisciples

inconscients du Carnéade. En physique,

nous accumulons des observations, et, quandelles nous parais-

sent concordantes, nous les érigeons en loi vraisemblable, loi

qui dure, quireste admise jusqu'à ce que d'autres observations

ou des faits autrement expliquésnous obligent à proclamer une

autre loi plus vraisemblable encore. Toutes les vérités fournies

par t'induction ne sont quedes

probabilités, puisqueles progrès

de la science les menacent sans cesse ou les renversent. Dans les

assemblées politiques on se plaident le pour et le contre sur une

question,on pèse les avantages et les inconvénients d'une pro-

position législative, et. si la passion ne vient pas troubler la

délibération, le vote est le résultat définitif des vraisemblance!;

<|tii>l>'s orateurs ont fait valoir. !»<• vote n'est

qu'unemanière

Page 182: Les Sceptiques Grecs Brochard

CiBNëADË.– BXAHKKGHÏTIQUB. 175-

ccHivenuwde cltiflVer teprobable. Do mène chacun «le nous,

({nanti it faut prendre un parti examine les raisons «|u*tt a d'agirou de s'abstenir, les met comme sur une balance, et incline sa

décision du côté ou le plateau est loplus chargé de vraisem-

blances» La méthode de Curnéudo, comme du reste toutes les

mtUliodes, ne fait donc qu'ériger on règles pins ou moins judi-cieuses co qui se litit tous les jours dans la pratique de la vie.

«Ainsi interprétée, et c'est ainsi qu'elle doit IVUre, lit doctrine

probabiliste n'estplus ce violent paradoxe qu'on a tant de fois:

dénoncé, c'est une doctrine très sage et très raisonnable, à égaledistance du

pétlnittisnte dogmatique et da l'ironiesceptique, (l'est

par lu qu'elle apu,

à Rome môme, trouver des adeptes parmiles hommes les

plus graves et les plus respectables. On se repré-sente mal un personnage i-oiisulaire tel que Cîcéron se déclarant

publiquement tedisciple

d'un sophiste. »

Osons dire toute notre pensée: la doctrineacadémique, en-

tendue dans son vrai sens, est laplus libérale et Ja plus favo-

rable an progrès des sciences. Le dogmatisme semble être ta

condition même de l'esprit scientifique; en réalité1, if le tue. Hn

effet, si nous possédons d'ores et déjà la vérité. à quoi bon la

chercher Le pur dogmatisme est une doctrine d'immobilité, il

y en a de» preuves dans {'histoire. Reconnaissons au contraire

que jamais nous ne pouvons qu'approcher de la vérité sans être

surs de t'atteindre tout entière, et la recherche aura sa raison

d'être; le progrès serapossible.

La science esttoujours inachevée.

En fait, il n'y a guère eu d'esprits plus ouverte, plus curieux

des progrès de la science humaine que lesphilosophes do ta

nouvelle Académie.

Pour achever decomprendre le rôle do Carnéade, et pour

le juger équitahlemenC,it faut se souvenir qu'il avait aiiuirc

aux dogmatistes les plus insupportables. Les stoïciens sont de

fort honnêtes gens, et nous n'aurions garde de diminuer en

rien leurs mérites. Il faut convenirpourtant que si, à la dis-

lance ou nous lesvoyons,

huas travers s'ellai-t-nlpour

tie

laisser appirm'liv que leurs grandes qualités, vu.* d«« pr»V«.

Page 183: Les Sceptiques Grecs Brochard

176 LIVRf 11;.– WMPITRE IV.

dan* le coinraereequotidien de la vie. ils devaient tftrfi de

désagréables compagnon*. Kcoutez-les, écoutes surtout les mé-

diocre* continuateurs (leCbrystppe démontrer d'un ton rogne

et triste., avec une longue suite do sortiesa 1 appui que

seul

le sage peuf&re roi, prêtre, devin, jurisconsulte. b»nq,ttier,

cordonnier» qu'il peut bien s'emplir de vin, mais qu'il ne sera

jamais ivre. Est-il (lidicilo decomprendre qu'un esprit libre et

vif, comme était Carnéade, ait perdu patience, et qu'il se soit

donné pour tache de foire Justice de ces sornettes, de culbuter

(«us ces sorites Aqui tiVsl-il pas arrivé en écoutant certains

dogmatistes, de se sentir furieusement pencher vers lé neepti-r

cisme i Caniéade entendait tous les jours les stoïciens; il n'en

faut pas davantage pour expliquer qu'ilsoit devenu prolinhiliste.

La lâche «|(nl s'est donnée «Hait méritoire, et on compri'ad

Il

<;i«?rou disant oi «Caméade mms a rendu un service d'Herettte

en arrachant de rvosàuies une sorte de monstre, l'assentiment t.

trop prompt, c'est-à-dire la témérité et la crédulité.» Que dans

celle lutte de tous les instants il n'ait jamais dépasséle but, que

l'habitude de ta discussion ne l'ait jamais amené à outrer quel-·

qu'unede ses thèses, qu'il n'ait pas parfois méronnu tes mérites

Il

de ses adversaires, c'est ceque

nous ne voudrions pas nier.n

quoique, nous l'avons dit, il ait toujours montré une grande

a,

mesure, et une rare possession de soi-même. Mais en bonne

justice, si cela est, un ne peut lui en faire un grand crime, pas

plus quede nos jours on n'en vent

beaucoup à un homme poli-

tique si. étant de l'oppositionil n'a pas toujours proclamé

exactement les vertus dugouvernement .qu'il

combat.

En résumé, Carnéadfi est un calomnie* de l'histoire. Il a chè-

rement payé le tort de n'avoir rien écrit, Livrer toutes ses pen-

sées à des paroles que lie vent emporte, que les auditeurs ne

comprennent pas toujours. quela

postérité ne peut pascon-

trôler, c'est faire lapartie trop

belle a ses ennemis, c'est se5

t

mettre à la merci des osprits superficiels. Heureux dans sonH

Av.. IL h\» iftK,

(

i'

s

Page 184: Les Sceptiques Grecs Brochard

UAHNÉADK. ~» RXAMRN OfUTIQItK. 177

I

malheur. Carnéiide »(•«•pixianl produit sur ses

cotiieiupor.tiits:un» si vivo impression» il a laissé après lui des

disciples si

lidefas, qu'un écho lointain it«* sesparoles est arrivé

jusqu'ànous, ftl qu'à la condition d'y apporter du l'attentiou et de la

bonne volonté, nouspouvons nous faire une idée à peu près

exacte de eo cju'il a été: un esprit merveilleusement subi et

alerte, aiguisé pur l'étude, une réflexion constante, et l'habitude

de ta discussion; animé, si étrange que puisse paraître celte

expression appliquée a un piobnbitisle, dn pur amour de la

vérité; énneiiii de toutpédantisme et de tout fanatisme. tourné,

cliost! nouvetle iS sonépoque, vers l'observation inlûrieure et

l'analyse subjective de la pensée; dialecticien consommé, mais

scrupuleux sur le chois despreuves, attentif

A n employer «pie«les arguments irréprochables, et' mis en garde contre les subti-

lités captieuses de ladialectique, justement parce (j«e »»euv

que personne il en connaissait et les ressources et lit faiblesse:

soucieux di> convaincreplus encore «pjt« d'étonner; mettant la

passion art seiïice de ta raison, etcomptant moins sur ellu

pourarriver a ses fins

«jiiesur la belle ordonnance des preuves. Peu-

«-Itatnement clair et rigoureux despensées, et cette force du

raisonnement (lui, grandissant d«« période en période, portedans l'âme de l'auditeur, avw la joie de

comprendre et de se

sentir dans la vérité, la clialeur et lalumière (pij ta mviWnt

jusqu'à t'enthousiasme; orateur, pour tout dire, autant«pic plii-

losoplie, mais unissant ces deux qualités sans sacrifier l'un*1 à

l'autre, dans la plus belle harmonie peut-être «piists

soit jamaisrencontrée; tel fut notre (iarnéade. Cette

puissance extraordi-

naire, ce génie quia fait l'admiration descontemporains, (lar-

uéade ne l'a, quoi qu'on ait dit. mis au service d'aucune mau-

vaise cause. Probabilisle convaincu, comme il avait tract? utu>

ligne de démarcation «elle et piufnnde entre laspéculation

pure où il déclarait la certitudeimpossible, <-t la vie

praliqnooù il déclarait la

croyancea ta fois légitime, et nécessaire, il a

pu, sans se contredire, prendre dans les «liscussioitspubliques

l'adihidc d'un.vcepfique qon nul n'a mis pu défaut, et garder

Page 185: Les Sceptiques Grecs Brochard

m MVHE n.– -tiittWTKË tv.

dans ta vie privée les idées. Imamats et fo ton d'un honiiêto

lioiunie. Sa vie estexempte

dereproche. Sa murale, dont Cieé-

l'on nous a donné la formule précise, tvluptim cum Iwnestule,

était celle do l'ancienne Académie, do Platon, d'Aristole, des

stoïciens mdtne. si on tient compte destempérament* qu'ils

savaient apporter à leurs hautaines formules. Seulement cette

morale, il la déparait des principes abstraits, il se contentait de

la pratiquer sans en faire la théorie. On peut penser que cette

manière decomprendre la vie n'est ni assez noble, ni astm jus-

tifiée nous sommes loin de le défendre sur ce point. Maïs ce

n'est pas à cause de sa morale que nous revendiquons pourlui le titre de grand philosophe. Ce titre, il l'a mérité par la

force et l'originalité de ses idées.

II. «Carnéade, dit M. Martha, n'est pas, comme on le dit,

un sophiste, mais un véritable philosophe, (jui dans sa constante

dispute contre les stoïciens apresque toujours la raison de son

cuti1. Nous oserons aller un peu plus loin que le savant cri-

tique,et dire que d'après ce (lue nous connaissons de l'œuvre

de (jaméade, i;e n'est lias presque toujours, c'est toujours qu'ila la raison de son côté. Seulement, pour que cette assertion soit

exacte, il faut que l'on consente, comme on le doit en bonne

justice, à tenir compte de l'époque où Carnéade a vécu, et de

la manière dont lesproblèmes philosophiques se posaient de

son temps.Ce serait faire à Carnéade la partie trop belle t\ue d'insister

sur sa polémique contre les théoriesreligieuses des stoïciens,

si ingénieusement accommodées au paganisme. Qui oserait au-

jourd'hui défendre contre lui lathéologie de

Chrysippe, et le

blâmer d'avoir réfuté par l'absurdo repanthéisme naturaliste

(lui divinisait sans exception toutes les forces do la nature ?

Si on laisse de e<H« lespoints particuliers <hi le stoïcisme re-

joint la religion populaire pourlie considérer que

tes preuves gé-nérales qu'il donne de l'existence des Dieux, peut-être y a-t-il

c»ncor<; aujourd'hui des philosophes qui invmpiKnl le consente-

Page 186: Les Sceptiques Grecs Brochard

UMttiÊAM*– KUMKN CRITIQUE, m

mk*ft*bith^_toi i"i«'»-.«->i»u».i^itfLfrud»y i i ï tt jL ï •(fc

t >i

niant univui-set «i les i-auses finnfet.. Y en n-ï-itqui n'avouent

pas queces deux .upineuts présentent de sérieuses d'incultes ?

tf consentement mrivei'seJ peut-il passer pour Ui»argument sans

réplique ? El Canidade n'avait-ilpas le droit de

rappeler aux

stoïciens que, selon leur doctrine, tous les homiuos sont îles

insensés? Parution liii-iinîme, pou suspect en cette manière,

avouait que la preuve des l'atrees finales est «t une voie moins par-faite

pour arriver à fesistenca de FJiou. Nier l'existence du

mal. pour n'avoirpas à

l'expliquer, est un procédé* tropfacile.

«Quand les stoicietrs, dit M. Afartlui, dans lotir optimisme sans

mesure et sans nuance, prétendaient que tout est bien dans le

monde, que la sagesse divine a tout formé pour l'utilité* du

genre humain ( .améade n*awiit-j| pas le droit de leur demander

enquoi servent au bonheur de l'huiminité les poisons, les béb»

féroces, les maladies, pourquoi Dieu a donné à l'homme une

intelligence dontil peut abuser, et qu'il peut tourner au crime?»Il

Carnéade était dans le vraiquand il disait, non pas qu'il n'v

apas de Dieu, mais

que l'cxistence de Dieu n'est pas ddmontrdiî

par toutes ces preuves.

C'est uneremarque juste et

profonde d'Éd. Zeller(r'que

les

arguments de Carnéadeportent plus loin

quele but qu'Us visaient

directement. Ilsn'atteignent pas .seulement le grossier anthropo-

morphisme des stoïciens, qui donnait aux Dieux des corps et des

sens; ils mettent en lumière les graves difficultésque

rencontre

toute conception de lapursoiiuattlé divine. Comment le

parfait,l'infini. l'absolu, est-il eu mo*m<;

temps une personne, c'est-à-

dire, à ce qu'il semble, une existence déterminée et limitée, pi

comme telle, soumise auximperfections de la nature humaine,

àl'image de laquelle on se ta représente? Les adversaires du

théisme en touttemps n'ont guère fait que répéter sous d'autres

formes les arguments de Carnéade. Accordons, si l'on veut, queces raisons aient été incomplètes et insuffisantes les dttlieultés

qu'elles signalent sont-elles imaginaires? Sont-elles entièrement

'•t'Iutnx. iltr (iiifclmi. I. IV, |i. Un-j.

t >

Page 187: Les Sceptiques Grecs Brochard

180 UVRE IL ntlUMTiUÎ tV.

résolues de- nox Jours? fai eantntire-, nom «van* vu nmaftn»

le même débat, et if ne [tarsttt pas (très de finir. Oh

oublie, dans s eesreteittissoiite!;disputes, (e vium philosophe tjui

a le premier mis le doigt sur fa dtDiculté it n'avait pas tort

pourtant d'être embarrassé là où lesplus émineiits esprits de

notre temps confessent leurs hésitations, et montrentpar

les

solutions meniez «jti'ik proposent I» difficulté dit jirobfème. Tout

récemment encore. M. Pat»! Janet<t;

déclarait«que

Dieu n'est

pas une personne, mais .qu'il est la source et l'essence de toute

personnalitér>.

Ne disons rien de lanolémitfue de («iméade contre la tlivi- a

nation; i<*icVst le triomphe éclatant et incontesté du bon sens

sur lu routine de la raison sur la superstition. Mais nous ne:II

pouvons passer sous >ilence l'admirable discussion sur le libref

arbitre.NVAl-it «pie

ert seul titre. no»»s n'hésiterions pasà dire

«pie Caniéadi1 a mérité l'aiîmiratioaipe

les anciens lut !»'-

monnaient unanimeinent. A aucune époque, on n'a défendu

plus fermement la liberté de l'homme, tout en reconnaissant la

part qu'il faut faire au déterminisme. Malgré l'autorité de l.eih-

nitz.»p»i

les a suivis tur ce point admetJra-l-oi» avec les stoï-

ciensque

ce soif une thèse sérieuse, celle cjui distingue le Fatum

et la nécessité, et déclare que nous sommes libres tout en nej^

pouvant agir autrement «pie nous ne le faisons ? Personne avant

Carnéade n'avait analysé avec autant deprofondeur l'idée de

cause,distingué aussi nettement la causalité et la succession, et

fait aussi résolument une place dans l'enchaînement des phéno-mènes à ces causes actives tju'on appelle

des êtres libres» et

qui s'introduisent, sans la détruire, dans la trame iks événe-

ments. Avons-nous mieux à dire aujourd'hui sur cesujet, im-

portant entre tous Le philosophe contemporain quil'a le

plus

profondément étudié. M. Henouvier, soutient précisément la

même thèse que tiarnéade. Il est juste d'ajouter «ju'il reconnaît'-

hautement la parenté de sa pensée et de celle du philosophe

lleeur </<•« Prtu-.t/.>jii/e». i" juin |K>>>.

• \oir ii'i!amm-iill.i Critique p hilos.. y" aiiiii*. t. \V|t. p. <i.

.1

Page 188: Les Sceptiques Grecs Brochard

C.tKMiDK.– EXAMEN CtttTIQtE. m

j'réf, et tjue*ft»

premier parmi les modernes, ii lui a rendu

pleine justice.

Kii morale aussi, Carn&irfea aperçu avec

beaucoup de

finesse les point* faibles tin dogmatisme stoïcien. On ne mit

pas trop cequ'Anfipater pouvait répondre à un dilemme comme

celui-ci ou vous regardez les avantages naturels comme des

biens, et alors vous ne faites que répéter Platon et Aristote,

et ('intention ou la vertu n'est plus le seul bien: ou vous vous

obstinez à dire ijue la vertu ou l'intention est k bien unique.<?talors vous vous contredisez

quand vous donnez un contenu à

l'idée de vertu, <|ùand~vous dites <pi> la vertu consiste h faire ce

<[ui est conforme à la tiatun». Et ta preuw .pi'il atait raison.

c*e>t <nTAntipaler a été oblig»? jiour répundre à >es ubjet-tions de

iiKiditiop la tltéorie stoïcienne. Ou ait «|ue fa«{uestiou do savoir

si en morale l'intention ou ta forme de l'action est la seule

condition du bien, indi'p'ndarnment de l'action elie-inénie.

divise encoreaujourd'hui tes philosophes.

X'avait-il pas raison encore «jitand il se moquait des étranges

[laratloxes des st"ïciens ? Se f rouver.-iît-it aujourd'hui tjueltju'un

pour stutlenir <{uela douleur n'est

pas tin mal. <jti«»tous tes vices

et toutes les vertus sontt'gauy. (pie

lesage possède

foutes les

•{naliiës et qu'il est infaillible ?L;i encore il faut qu'on le

veuille ou tmn svtre duttarti

de €<»rnéade.

Mais, dans toutIWi-ignement

d.> Carnéade, lapartie

maî-

tresse est la théorie de la connaissance. La plupart des historiens

et des philosophes se pronuneeiil en faveur des stoïciens une

sorted'esprit

decorps les porte à couvrir le dogmatisme, quel

iju'ilsoit cintre les

attaquesdu

scepticismeou de ce

iju'rti»

appelle d<>ce nom. Opendant combien y en a-t-iltpii. regar-

dant de près la thèse stoïcienne, oseraient laprendre à leur

compte: On peut bien être pourelle en présence de (.arnéade:

on t'abandonnerait certainement Mtiarnêade n'était pas là. Otte

théorie, en effet. e>t àpeu près

la mêmequi

il été soutenue dans

notre siècle par l'école écossaise. Elleprétend «jue nos sens per-

çoivent directement sans aucun intermédiaire, la réalite telle

Page 189: Les Sceptiques Grecs Brochard

Ï82 IIWE. fL–-tiliAI'lTRK IV.

qu'elfe estenette-m&ne; ils saisissent lestes choses, et non

(tas seulement les idées des choses. L'analyse psychologique a de

Hosjaurs déliititivemettl écarté, semble-t-il, cetteconcention. Après

les analyses doBerkeley, de Mil! de Taine, d'Helmliolte, eVst de-

venu un lieu commun de direque la sensation n'est

pas sotnhbblo

à la cause qui laprovoque, tju'ellc est un état du sujet, que, si

l'Ile suppose une cause, cette cause ne pouvant la produire sans

la participation du sujet, on ne peut jamais ta considérer quecomme une modification de ce sujet, en un mot qu'elle peut être

le signe des objets extérieurs, qu'elle n'enest pus même l'image c

la copie fidèle.

Carnéade n'a pas connu ces finesanalyses; encore faut-il rap- “

peler que nous ne connaissonsqu'une partie de son œuvre.

Il n'estpas exagéré de dire cjtè'il tes a

pressenties: il est certain

que, par un chemin peut-être différent, il est arrivé à la même

conclusion. Si les sensations sont lescopies fidèles des choses,

il doit de toute nécessitéy

avoir autant de sensationsspécifique-

ment distinctes qu'il y a de choses réelles; par suite, des choses

réelles, semblablesd'ailleurs entre elles, deux œufs, deu.v jumeauxdeux cheveux, devront

évoquer en nous des sensations distinctes

et discernables. Peut-on dire qu'il en soit ainsi Et s'il n'en estr

pas ainsi, s'il nous arrived'épmuvcr la même sensation en pré-

senced'objets différents, il est

impossible de soutenir que nous

percevons l'objet lui-même la théorie stoïcienne est atteinte »

la racine. tin vain les stoïciens oiit-ils essayé de résister sur ce

point: ils n'ont rienopposé et ne

pouvaient rienopposer

de

sérieux à cette formule deCarnéade. La représentation compré-

hensive n'est pas un critérium suffisant, puisqu'un <>l>jt>tquin'est

pas peut éveiller en nous une représentation aussi fortequ'un

objet qui est réellement. De nos jours, n'est-cepas aussi surtout

par l'étude des erreurs des sens, des anomalies, que Berkeley et

les autres ont été mis sur la voie de la vraie théorie de ta con-

naissance ?I

Le stoïcisme ruiné sur ce point, Carnéade n'a point cédé à

la tentation, qui elit été irrésistible pour unsceptique, de sp

Page 190: Les Sceptiques Grecs Brochard

CAHNÉABK. KXAIElf ftlUTÏQUK. «83

renfermer «ans te silence et de ne donner aucune prise à ses

adversaires; ii n'a pas craint d'exprimer ses propres idées et de

s'exposerh son tour à ta critique -11.Si ce n'est

pasdans te rap-

portdes sensations aux choses que fions pouvons trouver le cri-

terium de la vérité, puisqu'il est impossible de nous placer

entre ta sensation et t'objet pour vérifier ta ressemblance, si ce

n'est pasnon

plus la force de l'impression qui peutnous servir

de règle, il ne reste plus à considérer que la combinaison, l'ordre

desreprésentations.

C'est ainsi que y l'undes premiers « Carnéade

a insisté avec beaucoup do finesse sur te rôle que joue l'associa-

tion des idées pour déterminer une sensation actuelle, pur

t'attribuer à un objet et la situer dans un point de l'espace. C'est

moins la sensation actuelle (luele cortège des idées

que l'esprit

y ajoute en souvenir de l'expérience passée, qui lait la connais-

sauce. Parla» le grossier sensualisme des stoïciens se trouvait

déjà dépassé. Par lit aussi, l'argument tiré des erreurs des sens

cessait de valoir contre la connaissance sensible, tt est absurde

quedeux

objetsdifférents

produisentune même sensation, s'il

doit y avoir autant de sensations spécifiquement distinctes qu'il

ya d'objets. Mais si l'objet, au lieu d'être directement perçu par

nous, est un groupe de représentations, rien n'empèclie plus

que la même représentation fasse partiede plusieurs groupes

différents Je ne puis prendre Castor pour Poilu*, si la sensation

produite en moipar

Castor est tout ce qui me donne l'idée de

Castor; s'il fautque j'y ajoute beaucoup d'autres éléments qui

ta déterminent, on comprend qu'ajoutant des éléments qui ne

lui conviennent pas, je farine l'idée de Pollux l'erreur n'est pas

dans la sensation, elle vient de l'usage que j'en fuis.

Aristote, it faut te reconnaitre, avait déjà proclamé le carac-

tère relatif de la sensation et soutenu que la sensation priseen

11 est vraisemblable, tontine te conjecture l'hilippson {De PhiMemi libro qui

l'iillEpion^aùir, p. 57, Merlin tS8i), quoCarni'adpaetiiprniitéinichiues-unesdesps

idées aux mmlc'ciiis pinpirii[iies, ol qu'il a, à son lu»r, exercii uni? certain»» iiiflucnot»

sor l'épicurienZenon atib'iir d'une iinjiorlant><et.curieusetln'orï<>itiïl'iiulucliuii.

Zenon avait o'rlaiitoiuml été tin des admiraient-» ontlionsi;ist''s A» Carnéarfc. ({'je.

/(<• I. vi. 'iti. )t

Page 191: Les Sceptiques Grecs Brochard

IS& LIVRB lf.-miAHTRK IV.

cHt'Hti*i«t» netrompe jamais, qiw ïmtmr mt

toujours dans lu

synthèse. Caméade s'en i-stput-être souvenu; rien

n'einjjôéaitun

philosophe de la «otiveljo Aeadénno do faire deseiu^ruat»

undisciple de Platon.

tùirnéade ne s'en est pas tenu là. L'association des idées ne

sa Hitpas a rendre compte de la connaissance on n'arrive

parlà qu'à un

empirisme1 fort imparfait. L'animal aussi estcapable

de cetteopération. Chez Fhommc, il y a

quelque chose de plus rla contradiction ou la non-contradiction dos idées. On a vu avec

quel soin Carnéade insistait sur cepoint il faut, pour qu'une

représentation mérite confiance, s'assurer que rien ne la eoifc-

tredit, il faut en examiner eu détail tous les éléments et voirs'ils s'accordent entre eux.

S'exprimer ainsin'était-ce pas intro-

duire m» élément rationnel et proclamer» contrairentenl à lu

thèse stoïcienne, PntsmTisance de la sensation? Dcscarles et

Leilmitx diront-ils autre cbse quand ils définiront laperception

ltti rêve bien lié?

Nous avons tbttc une règle de vérité. Sans doute, il ne faut

pas l'oublier, et Carnéadcv insistait, ee n'est

qu'un critérium

subjectif, nousn'atteignons pas l'absolu; nous ne sortons

pasde

noiis-ntêttiis et nouspouvons encore nous

tromper. La con-

naissance demeure relative. Mais cette règle est suffisante pourla vie

pratique mêmepour la recherche et te raisonnement.

Wst-eepas ce que prorlamenl aujourd'hui, en des tenues

peut-<Hrc différents, mais dans le mène

esprit, bon nombre de phi-losophes et de; savants? Il y aurait témérité à

soutenir que nous

possédons aujourd'hui ta vérité absolue sur cettequestion. Mais

il estcertain q«'en poursuivant ses

investirions sur le difficile

problème de la connaissance, laphilosophie moderne a donné

raison à Carnéadc sur ses rivaux en ce sens, il a été en avancesur son

temps et il s'estapproché très près de ce (lui est encore

pour nous la pltis liant.;approximation de la vérité.

Telle fut l'œuvre de (iaméacie.Quelques réserves

qu'on puissefaire, on voit quelle était la sulidité de ses thèses, la clarté etta

vigueur de ses raisonni'inents, lapénétration de son

esprit.

Page 192: Les Sceptiques Grecs Brochard

CAKNÉADB. – ÈUttBN (iHITlQUE. 185

te sérieus et !*orij»ittallt<j tte ses recherches. Pertfeiwe m eoatcit-

tera qu'il ait ét4 un vvrttablo |>litl»s«j*Iie; plusieurs piiseroM

piif-ôtre «|Uiî tes «todeïnes feraient une œuvre <fe justices'ils

lui tvrulak'iit la |iliictu[ue les anciens lui avaient assignée parmi

les grands philosophes.

Page 193: Les Sceptiques Grecs Brochard

18fr t.t VHSIf. GHANTItB V.

CHAPITRE' V.

KBS SUCKRSSBtlRS DE CARNKAOB. PIULU\ DE LABISSB.

l. U nouvelle Académie avait atteint sonapogée avec Car-

néade; nous n'avonsque peu de chose « dire de ses successeurs

immédiats,€Utonraqnt>, Charmmla», fiseftme. Métrodore de

Stratohice, que (Jicéron > nomme en mêmetemps, furent

cependant encore des hommes illustres.

t'Iitoraacjueest le plus connu des successeurs de Carnéade.

c'est ti luiip»e revient l'honneur d'avoir par ses écrite sauvé de

f oubli les doctrines de son maître®. 11 était deCartilage '*> et

avait d'abord porté le nom d'Hasdnibal <«. Déjà, dans son pays,il s'était occupé de

philosophie et peut-être avait-ilpublié quel-

ques ouvrages dans a langue maternelle. Il vint il Athènes vers

l'âgede

vingt-quatre ans'5', étudiapendant quatre ans, s'initia

à toutes tesphifosophies alors eu vogue, au péiipatétisme et au

stoïcisme, et enfin s'attacha, pour ne (dus la quitter, il la nou-

Ai «rat., I, h, 45; Je, II, VI, tti.*'• S'il faut n'en rapportvr à ïlmter flereulaneiuit CliloniatfiiL- n'aurait ps

«i<:<il.; iimni!ili«|.>inetit à Caniéade, il aurait ûté précédé par un antre Canu-a4\fifs de PolôinaFcbi», qui mourut au hout de deux ans, et pal- Craies <le Ti.rst! <|uipiiseijfijii quatre ai». (Col. mï, t. Cf. \«. i.)

ref>i«(; IV, r, Ci, Ac., tf, an, 98.

liioj;. /oc. ri*.

' N»«s siiirons ici l'Index Ikrailtmmsii tle |>réfùr»tiœ à Dinj5(''ne, cjtij |e faitvnir à .Uliincs i, iMge <la i|«iii;tiil.j an<. D après ttimme .In Itjranco (Ih «rie

Kipjrnîait.), it aurait en vinj;t-lmit ans, ce qui couevrde à |wii près avnc la ilaln

.!«i#ié.' par rWr. On a vu plus liant (p. (5«) fo |i»ï|c <|p Cicéron d'où il résulte

<|u« «:titoma<{iiiv olait <l(ijà .liscipte d« (jinwmh l«rs . lu tîtstradtoii «h Cartliaga1 'ii> av. J.-C). Voilà

pnun[iioi «n iloit avw Zcller, adniPltm coniun- date <l« sa

nai.van« «u moins {"année 1 73. la date i|p sji mort oui .l.'IcmimiM» nppmviinali-vemont par t-o fait rjnr>, d'apr« Cicéran (ft- unit.. I, 11, S.1). I.. Crawus l'avait

'•nrwc vu à \lli(-iH"i l'amipc «mil fui >{ii<?si»ur «1 1 mi av. J.-C

Page 194: Les Sceptiques Grecs Brochard

IMS StlCtlËSSKfMi* Ofc CAHRÉADK. – PIIIiON. 187

vcllo Académie. It «lait né vers 17a av. i.-C. et mit tin ù ses

jours après l'année t »aav. J.-C.

(Jlitoiiiiii|iie avait une gFtintitï réputation Cicéron loue sur-

tout lapénétration

do sonesprit

et son ardeur au travail, [i avait

beaucoup écrit, pittsde

quatre cents ouvrages, d'après Diogène.Outre les Conmlulkm, dont nous avons parié plus haut, on cite

du luiquatre sur lit

Suspension thjugemml®, que Cieéron

a suivis de très près dans son exposition des Académiques, II

avait traité le marna sujot dans deux autres ouvrages, dédiés

l'un au poète G. Lucilius l'autre à L. Gonsorinus (|uifut

cuiisuL

Sou condisciple Charmadas ou Oliarmidas était parfois consi-

déré comme» l» fondateur, avec i'Iiilon, de laquatriènre Aca-

démi»tw. Fîd«k» à la traditionacadémique, il discutuit, non pour

faireprévaloir

uneopinion, mai» pour combattre toutes les

alliriualtons c|u'on uxprimuit devant lui l0'. tl imitait Carncadu

jus(pi« dans sa manière de parler'71. Sonéloquence

et sa prodi-

gieusemémoire® l'avaient rend» célèbre. Il soutint avec Glito-

imupieune vive

polémique contre les rhéteurs et prétendit

«pj'on ne peut arriver à la véritableéloquence sans avoir étudié

les systèmes des philosophes !IW; c'est la thèse tjue soutient à

«etteépoque

toute l'Académie. Un autre académicien, Hagnon"1,

avait aussi écrit fin traité contre les rhéteurs.

Parmi lesdisciples

de Carnéade, Mélrodore de Stratonice

mérite une mention particulière. C'était un transfuge de l'école

»> SUib..R«rit, VII, 55.

(iic-, Ac, If, n, iti; i«t, <(K;Allie»., IX, toa, 0.<J' De xuxHneiitlta a»t?toi»HÎkui t Cic, Ac* t II %\u 4K.

> Oie. .If. II, xxiii, 103.

!i: Sexl., l*l, aao; Ëuseb.,/Vip/j.ev., XIV.n, iti.

ifi tic, Hé oral., l,nni,8i.

iT'Cîr., Orutor, XTI,»i.

">Cic, Deirai.. Il, muni, 'JGo; Tiueul., I, mi», jy l'liu., nat., VU,

<tiv, 85.

ç"SojIiis..W..tl,«o.:i*' fae., Dem-au, I, «ni, H'i.

Qtiinlil.. IJ. «ri», >>.

Page 195: Les Sceptiques Grecs Brochard

188 LIVRE II. CHAPITRE V.

t_ i\\ il », •• » ». «t

épicurienne (li. Il neparaît pas qu'il ait rien écrit. Nous avons

déjà vu qu'il était, sur unpoint essentiel, en désaccord avec Cli-

tomaque. Suivant ce dernier (4), Carnéade prescrivait de sus-

pendre son jugement en toute question qui n'était pas d'ordre

pratique. Suivant Métrodore, il autorisait l'assentiment, pourvu

qu'il ne fût pas donné comme une certitude, et il estimait quele sage peut avoir des opinions. Peut-être était-ce Métrodore quiavait le mieux

compris la pensée du maître. C'était du moins ce

qu'il disait lui-môme, au témoignage de Y Indexé herculancmis.

Gicéron (4) nous assurequ'il passait pour bien connaître Car-

néade, et nous voyons, fait plus signiiicatif encore, que Philon y

se séparant de son maître Clitomaque, se rangea à l'interpréta-tion de Métrodore (6).C'est peut-être de Mélrodore

qu'est partiecette tradition recueillie

par saint Augustin (0) et suivant laquelleles académiciens auraient, pour le plaisir de combattre les

stoïciens, dissimulé leur propre dogmatisme, 11 est difficile decroire cependant qu'il n'y ait pas là

quelque malentendu ou

quelque exagération'71.

Des autres disciples de Carnéade, nous ne connaissons queles noms Mélanthius de Rhodes'8', Eschine de

Naples'0', Mentor

que Carnéade surprit chez sapropre maîtresse'10', et que, pour

ce motif, il chassa de son école, enfin Hagnon de Hhodes"11.

L'Index Hereulancnsis^ nomme encore Zenon d'Alexandrie, quiavait, comme Glitomaque, exposé dans ses écrits les idées de

<"Dio0.,X>9.

M Voy. ci-dessus, p. i33.

Col. xxvi, 8 KixpvedSov vnxpaKtjxoèvat vtdvrae.

"I A, Il, vi, i(j. Cf. Deorat., I, xi, 45.

<BlAc, Il, xxiv, 78.< Contra académie, III, xvin, /11 « Mnlrodoriu priinuu dicitur esse con-

l'cssus, non ilncroto plaonisBe jicadi'inicis ni 11 i! pusse coniproliciidi »ed nocessario

conlra slnicos liujimmoili «os ni'iiin Buinj)gi«se.»

Voy. ci-dessus, p. 1 1 7.'»'

Cic., Ac, II, vi, iG.

"I Cic, Dnnrat., I, m, lit). – Plut., An emi ail (fa: limji., un."")

Dio|[., IV, 6."t. – Kiisoli., Inc. cit., vm, i3.

<"> Qiiinlil., II, «vu, i5.– AlliiSn., Xlll, fioarf.

Col. xxn et tcq. Cf. xsxiii, \xxvi.

Page 196: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SUCCESSEURS DE CARNÉADE. – PHILON. 189

Carnéade; lusTy riens

Zénodore et Agasidès; Balaces elCory-

dallus d'Amiso; Bitou de Soles; Asclépiade d'Aparté; Olym-

piodore de Gaza; liipparchus de Soles; Sosicralc d'Alexandrie;

Slrutippc; Calliclès do Larissc; Apollonius. Parmi les Romains,

Catulle' (lui fui collègue de Marius, et à qui Cicéron donneun rôle dans les Académiques, fut aussi un des partisans de Car-

néade.

Clitomaque eut a son tour un disciple célèbre, Philon de

Larisse; nous exj)oserons tout à l'heure ses doctrines. Les dis-

ciplesde Charmadus furent Héliodore (2), Phanostrate, Métro-

dore'" de Scepsis, célèbre, comme son maître, par une mémoire

extraordinaire. 11 fut au service de Milhridate'41.

Nous n'avons pas de renseignements sur les doctrines de ces

philosophes.On pourrait être tenté de croire qu'ils inclinaient

déjà vers l'éclectisme, en voyant Clitomaque également versé

dans la connaissance de plusieurs systèmes151, ceux de l'Aca-

démie, d'Aristote et de Zénon. L'histoire de la nouvelle Aca-

démie nous montre d'ailleurs une marche plus ou moins lente,

mais ininterrompue, vers le dogmatisme. Toutefois, il estplus

vraisemblable encore que les successeurs de Carnéade se bor-

nèrent àdévelopper ses idées, sans aller

beaucoup au delà.

Nous verrons en effet que Philon lui-même demeura, en dépitdes apparences contraires, fidèle aux vues sceptiques de Car-

néade. Ce n'est que plus tard, au temps d'Antiochus, que la

nouvelle Académie se rapprocha ouvertement du dogmatisme

stoïcien, et finit par se confondre avec l'école de Zenon.

II. Philon naquit à Larisse (0) vers i/i8-i/io av. J.-C''1. Il

"> Ac, Il, xlviii, t48.

's> Ind. Ilerc, col. xxxvi, 2.

(3> Cic, De ural., III, xx, 761 11, uixvm, 3fio. – Ttuc., 1, xxiv, B9.< Slrob. XIII, 1, 55. –

Plut. LncuL, an.

<»>Diog., IV, C7.

(•>Slob. licl., 11, Ito.C Los dalna ne peuvent élre indiquées <|im li'ime façon «iipcoiiniativc. Voici

les points de repère que nous avons: i° d'après {'InJar Ihrculancnm (col. xtvin),il avait (renle-huil ans lorsqu'il succéiln à Oliloniaque; mms avons admis (v. ««;»«,

Page 197: Les Sceptiques Grecs Brochard

Î9& LIVRE'IL fi HAPfTRKV.

vint à Athènes tk l'%odo vingt-quatre aiisW» «t fttt pondant

([tiulol'zo ans disciple «V Ciitomaquc, à ipti ii siicedda sans

dauto vers 1 1 o av. l.-C. lorsque tu guerre éclata entre Milliri-

date et les Romains, il tluitta Athènes avecplusieurs

des ci-

toyens lesplus notables, et se réfugia à Rome(i!; il y enseigna

avec grand succès, et on peut conjecturer qu'il do quitta plus

cette ville: en tout cas, il est certain tfu'i'i ne retourna jamais

dans son pays'5'. If mourut âgé do soixante-trois ans, vers 83-77

av. J.-C.

Avant d'dcoutor Clitomacpie, il avait reçu dans sapatrie

les

leçons de Callteiès» disciple de Carnéade w. U entendit aussi le

stoïcien Apollodore

Philon fut célèbre en son temps. Plutar(|neM nous atteste

qu'il excita l'admiration dos Romains autant parson talent <|ue

par son caractère, Il eutpour disciples pltipeur^ hommes il-

lustre*, entre autres Gicéron, ijtii lui témoigna toujours ie pins

vif attachement, ettjui rappelle

un grand homme17'. StoWe'*1

p. 1 87 ) qui' CtilMiuutjue iMuitrtit vers 1 1u uv. i.-C..Mai», comme on t'a vu, cette

date est incertaine C'lituuiar{uea |)enMtre vécuplus loii);K'Hips>-ll'Iiilun n piin.itlre à une ilafe voisina it(> i'io; «? Cjcvron (Ai:, fl, IV, ri) dit que deux livres

île l'Iiiloii venaientol'i-ln-pubtk-sIor=«jii«Autiuchnsvtait à Alexandrieavec l.u-

fiillds suivant Zimipt (Abhaiul. <let Kinigt. Ilerlin. Atmil., i8fm) c'cbirt en s'i; z

suivant O'mtouiFtut. Ikli, t. IIJ, |». 1*7) «•( Keiniiiiw (Ik l'hit. l.arii*. Ditfcrl,

t"r p. 4. Oôtlinjf.i85i, (tviiiii. pfojjr.). <">H7;.T F/mter noirs apprendqu'ilmourut à Hiivaule-lruis ans (Col. <xuu, iH), si loutcfuis on tloit tire avec Hticliflrr

èîifxoiti. l.orsi|iie C'itvn»! vint à Allioiics, «n -y, il dit (llnit.a, ,ii5. /<<»., V,

I, IJ qu'il suivit six mais les Iwonu d'Antioclius dans te |;jimiase il« l'Iolûun-v; si

Plrtlmravait été ù Atlrèm-s,Ciivi-oun'aurait jkis m;ui(|U<*di>te dire. Pmit-cHre

i;tai(-it i-eslv iî Itomf; it est plus prolialile. cotiimi:le omjwtdi-cZollor (t. IV,

p. •*<fff), qu'il était mort.

!1» /«rf. /fcrp., col. xxtm.

'• tic, llrul., u(ti(, 3uO.

"> Cic. Tiuf., t, uiïii.

D'iprès l'tiukjr il niti'iil suivi ses Iwons ;ieiulaul iliv-lmit ans; Z<'lli'i- curri|;i'

avec raison o? Icilu (|iii fait iiiiniJii.-iifi;i- n l'Iiilim IVlndn <li- la plitliKopliiv drâ IVijji»

vraiment trop I.ti.Ih- de sis ans.

'' /«< M.

w <.ïc, :).

yf< I. i», ij': ,1'liifo. iii9f,'iiiis fir, ni lu esislinias."

') Ed.. II. h».

Page 198: Les Sceptiques Grecs Brochard

les soncEss-fiirns se GAitNtoE.-Pnn.oN, fw

toue aussi son tal«nt, et saint Augustin sa prudence w. Sa gtaire

était assez bien établie pour qu'où l'ait parfois considéré comme

le fondateur de la quatrièmeAcadémie fil.

Il enseignait la rhétoriquu tut même temps quela

philoso-

phie w,et avait réservé certaines heures de la journée pour

cet

enseignement; il ne se bornait pus,comme les rhéteurs, à faire

plaider des causes particulièreset étroitement circonscrites; il

aimait aussi les sujets généraux tes questions (te principe que

les rhéteurs laissaient d'ordinaire aux philosophes.

Pliilon avait certainement écrit plusieurs ouvrages; aucun

n'est arrivé jusqu'à nous, Cicéron signale(SJdeux livres de lui

publics à Rome, et dont une copie, apportéeà Alexandrie,

excita l'indignation d'Antioehus'01; c'estpour répondreà ces deux

livres, pleins,suivant lui, de nouveautés dangereuses, et en

contradiction avec renseignement de l'Académie, avec cetui

môme (le Philon, qu'Antiochusécrivit un ouvrage intitulé So$m.

A cette attaque, qui paraît avoir été fort pressante, si nous

en jugeons par le discours que Cicéron met dans ia bouche d'un

disciple d'Antiochus, etqui. presque certainement, suivait «le

très prèsl'œuvre réelle du philosophe, Philon lit-il une ré-

ponse !t!?On peut conjecturer, d'après un passage

de saint Au-

gustin, que le livre d'Antiochus lui fournit une occasion de

reprendrecontre tes stoïciens le combat acharné ou s'étaient

signalés tous les vrais adeptes de la nouvelle Académie. Cicéroo

111 ton*, académie., III, vvm. Ut.s.

f> Sert., l' t, s-.io. Eiisck, Pegf. et., XIV, ic, tlî.

M lme.A\,t\\M. 3.

W Cir. Deerat., III, «xnii, 1 10.

»> Ac> II. n.t t.

''• Liiculhis,ibns les Académique»,reproduit lu liist'ours(|ii'i| il entendu pro-noncer parAiiliuclrns,et Cice'roninskt'*à plusioiirsropriscssurla intirtoin-eïtra-

ordiitairc dont Luciitliis >'lail diiuô. A< II. i. u, 't.

(T> Krischc «fans sa rc'ma«|uablu élmlc ùImt <.ïw«*« Atailemilia (tîôtlïn|jer Stu-

dieu, iH/15)se prononcepour la Bi:(jatiK!(p.ij'i); Hi-rroann{op.cit. p. 7) lui

oppose avec raison te passade de «nint AiT|]ii«liii Cnntr. Aautemic, III, mu, '1 >

-S«J Imic. (Ai)linrlio),arrupti< ilcnmi illisatmis, l'hilo» irslitil ilimoc «««rerclnr.»

((£/»«., H. w. 17.)

Page 199: Les Sceptiques Grecs Brochard

m uprjï ii-ciuvmmv.".t"JI¡ 1.

(lit aussi que, latit (|H*it vi'ctit, rAcadoiniene

manqua pas ita

défenseurs. Toutefois nous n'avons sur l'ouvrage ou lesouvrai;!»*

que Ptiiton put iM'rh'ct\ ce moment aucun renseignement précis.

III. Pour Pliilon comme pour se» prédécesseurs dans

l'Académie, coimiie pour tous tes philosophes de son temps te

problème capitalfut celui d<; la certitude.

A en croire laplupart des historiens, Philo» se serait rallié

à une sorte ttc dogmatisme mitigé;il attrait recule? i'n arrière de

Carnéade» et incliné déjà vers ce dogmatisme éclectique qui ndevait triompher avec Aiitioclius.

Nombre de témoignages en ciïet s'accordent à établir qu'il a

moiliiit' l'ensuigncment de la nouvelle Académie. On a vu (ju'il

fut considéré comme le fondateur d'unequatrième Acadéniio; et

(aviron nous dît enpropres

termesqu'il

introduisit des non-

veautés *• Ces nouveautés devaient ôtre de <|ticique ifnportance,

puisque,lisant t Alexandrie deux livres

quePhilon venait de

publiorà Rome, son disciple Anliochus, le plus doux des

lwinmes, entra dans une fjran<!t> colère faisant appel aux sou-

ventrs du ceux (jui avaient avec lui suivi les leçons de Phtloii. il

leur tfeuiaiKla si jamais pareilles choses avaient élé entendues

dans l'Académie. Knfin, ilcomposa lui-même un traité pour ré-

futer son maître.

Nul doute encore que Philon n'ait professé une sorte de dog-

matisrne. On nous dit 's>en effetqu'il

faisait remonter jusqu'à

Platon la doctrine de la nouvelle Académie; il se flattait d'être le

continuateur du maître d'Arktotc, disait qu'il n'y avait jamais

eu qu'une seule Académie, et s'élevait contre «'euxqui

soute-

naient le contraire.

iVmnénins (îi nous apprend aussi que dans sa joie de succéder

àCliloraaqu*1, il était, avec une ardeur toute nouvelle, parti

enguerre

contre les stoïciens. Mais plustard

l'expériencecalma

' Ac. II, vr, iS «l'hiluautel», dum nova i|ti;i'daincomiiiovcl.i

Kic. Ac, t. 1», i3.

yAp. Eiiicb.. Anj». it..XIV, lit, t.

Page 200: Les Sceptiques Grecs Brochard

I<KSSIMKS8K0RS015 «URNjUDK. PHH.ON. 193

t'A

son zèJe. Il rui)iurt{ija t'aceord (les .«^sat ions, et leur évidence,

U n'osa pas tourner le dosTses anciens amis. Mais il souhaitait

de trouver des contradicteurs qui le fissent changer d'avis. et

le convainquissent d'erreur.

De môme, suivant saint Augustin Ui, Philon, esprit très cir-

conspect, avait déjà avant la défection d'Antiochus, entrouvert

lesportes

de l'Académie à dos ennemis vaincus, et tenté de les

rutnener sous l'autorité et les lois de Platon.

Enfin, ce quiest

peul-étra encore plus décisif, Sextus'21 dit

en propres ter^es^que, d'après Philon, lavér ijé ne peut sans

doute être connue à l'aide du critérium stoïcien, mais qu'en

elle-même, par natuiy, elle peut être^onnue. C'est uniquementcontre le dogmatisme stoïcien que ses critiques auraient été

dirigées; mais cette doctrinesupprimée

et balayée, it y avait

place pour un autre dogmatisme

Ajoutons enfin <jueCicéron!Ji lui.même fait allusion, en termes,

il est vrai, assez obscurs, à un enseignement mystérieux et éso-

térique sur lequel tes académiciens refusaient des'expliquer.

Quel est donc le dogmatisme que Philon avait substitué au

dogmatisme stoïcien Ici commencent les difficultés. Aucun texte

ne permet derépondre avec une entière certitude ce n'est

que

par voie deconjecture qu'on peut essayer de résoudre ta

question.

D'après(es lextes qu'on vient de lire, la première idée

quis'offre à l'esprit est

que Philon revenait simplement au dogma-

tismeplatonicien. Les choses ne peuvent être

connuesjiarles

sens*. Platon l'avait dit, Pltilon le répète, et c'est pourquoi, au

témoignage de Sextus, il combat le critérium stoïcien. Pour-

tant, les chosespeuvent être connues comment? si ce n'est

comme t'avait dit Platon, par l'intuition de la raisonpure.

Telle est l'opinion qui a été adopter et défendue aussi ingé-

Conlr. aetufemir. Ht, »»m, 4» -Quippiï Anliftchns, l'iiitonis aiidilor, ho-

minis, quantum arbilror, rimtnnpeclissimi, qui join veluli apriw iwlontibus lios-

tjhus |xvrtss nt>|H>ra(, et sut Plstonis atictinifat^in Acndemiitin typsqiie mwatt.~

IS: P.. I. -ïMt.

<v Ac, H. Win. (in. – Cf. ^iioml.. (or. cil., wii. HK; x\. Vi.

,t~(

Page 201: Les Sceptiques Grecs Brochard

m M¥RK H. -«.'H4P1THK t.

iitousemeiit qu'elle peut fÉrt*par

Hermonn^, H l'avait iiuli-

quée dans sa premiore dissertation~hitoH Larisse. Il t'a

maintenue et développée, malgré, les critiques d'Ed. Zotler, en

l'appuyant d'arguments nouveaux, dans sa seconde disserta-

tion.

Un point sur lequel Hermanu a lepremier

attiré l'attention,

c'est l'emploi par Cieérot», quand il expose la théorie dos aca-

démiciens, d'expressions telles que imptvmm m animoatcjw

meute w. menti imprmasubtilitert qui rappellentd'autres passages

oh Cicéron admet une sorte deconnaissances innées

ou plutôt

analogu«s à celles que, suivant Platon, i'ûme a acquises dans

une vie antérieur». 6

Cependant les arguments d(> Heniiami ne nous onT'pas

convaincu, et nous croyons (luela doctrine de Pfiilon avait

un tout autre sens. et ilempurait fort éloignée du vrai plato-

nisme.

D'abord, pour commencer par ie dernier argument signalé

par Herinann, ia preuve que Philon n'entend pas l'expressionmeitti subtiliter impreua au sens platonicien, c'est

queCicéron

ajoute aussitôt neque tmienid jtercipi ac eomprefiendi possc. L'intui-

tionplatonicienne comporte-t-eile une telle réserve, une (elle

incertitude?

Lepassage où Cicéron fait allusion à une sorte d'initiation

mystérieuse est trop peu explicite pour justifierla conclusion

qu'on an tire. Il ne s'applique d'ailleurs pas à Pbilon en parti-

culier, mais iî tous les académiciens, Kl s'il avait le sens qu'on

veut lui attribuer, comment te concilier avec cet autrepassage

où Cicéron nousnpprend que Clitomaque n'a jamais su il quoi

'eri tenir sur les opinions de l.nrnéade'3'?

Quant an témoignage de saint Augustin, il ne renferme rienilf

précis sur renseignement de Philon. D'ailleurs, saint An-

1 Diuert. i' Huumi;. »Si»i. fiyinn. [irogr.– Hiiwrl. n" Guiling. i85â.

tlym». |ir.1

«< II. st.. '•

.!• II. u», i:{,

Page 202: Les Sceptiques Grecs Brochard

I,HS SU(&RS&Ë(tK>v|tK (UKKÉADR.– l*HfM)\. 195

if. t.

gustin prtHfiles

tiiéiiH» arrière^pettsée*à Arerfsilas et à Car-

néade»', et nous avnun vuqu'il se

trnmp. Il faut se souvenir

d'ailleurs qu'il présente cette idée eowinn* une conjecture per-sonnelle, non comme une donnée certaine.

Enfin, Phiion fut-mèiie, chez Cicéron. se rattache à Platon

et déclarequ'il n'y a eu qu'une seule Académie. Mais

qu'on y

prenne garde! PJitfon est à ses veux unsceptique; comme So-

t crate il se gtird^ de jamais rien aflirmer.§'it n'y a eu, selon

Philon, qu'uni' setffa_AeadjSiaie, c'est une Académiesceptique;

ce n'est pas la nouvellequ'il ramène à l'ancienne. c'est l'ancienne

qu'il absorbe dansTa nouvelle.

Dans les deux livres desAcaMmifue*. qui sont arrivés jusqu'àa

nous, Philon nous esttoujours |»rvson(é comme un probahitiste.

Cicéron, dans sa lettré d'envoi à Vairon l--Kdêflare~îpj'il s'est

fait leporte-parole de Phiion; or, (iicéron se donne toujours

pour probabiJiste. Et si Pliilon avait renouvelé le dogmatismede Platon, comment comprendre qu'Antioclius ait

pu lui repro-cher de dire des choses inouïes

jusqu'ici dans l' Académie?Com-

mentcomprendre qu'il Tait si

âprement combattu, lui qui avait

justement la prétention de restaurer le platonisme?Nous n'avons malheureusement

pas le II* livre de ta deuxième

rédaction desAcadémiques, où. suivant la très plausible conjec-

ture de Krische<3), était exposée en détail la doctrine de Philon.

tandisque le troisième et le quatrième correspondaient à

peu

près au Lucutlmque nous avons. Mais le fait même que Cicéron,

plaidant pour Philon. répond a Varron défenseur cTAntiochus,

montre bienque Phiion ne professait pas une théorie

analogueà celle de Platon. Et

quand, dans le [mcuIIus, Cieéïtm, aprèsavoir exposé les théories

sceptiques de (,'arnéade et de Glito-

maqutt, s'écrie m: -Tout ce que je dis. Antiochus l'aappris

t

l'éiole de Phiion, » <onnm>ntsupposer qu'il ait de grandes

III\'ny, ci,dt'SSIlS,p. (Ii.Vny. ci- dessus, p. i ir.

•Adfima., l\,im, i.

Op.cit., p. tXn.II. nu. •"><>.

Page 203: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVBKH. – CHAPCTHKF.

différences eniïfe Philun et Carnéade? tt a pu é*tre un adver-

!faire moins tranchant '<, un interlocuteur plus conciliant; il était

sur le fond d'accord avec sesprédécesseurs

immédiats.

Il faut donc écarter ta thèse de Hermarm. Philon n'a pas été

un dogmatiste platonicien. H a pourtant professéune sorte de

dogmatismeSextus le déclare formellement, Nnniénius l'assure,

et Cicéron, on va le voir, ne le nie pas.H a cru l'existence det

la vérité. mais la vépjtën'est connue ni

pariëssèTrëTnt par la

raison.Comment doue l'est-elle? Et que répomlaitT'hifon

a cette

question ?g

Il ne répondait rien, et cela par la raison fort simple que, selon

lui ta vérité n'est jamais connue avec certitude. Elle existe, elle

est peuMtreconnue, tnais nous ne sommes jamais sûrs de la

posséder.Il manque toujours te signe infaillible auquel nous la

reconnaîtrions (2!. En elles-mêmes les choses peuvent

être connues; elles sont, en ce sens. compréhensibles1";mais,

en fait, nous nepouvons distinguer te vrai du faux. Autre

chose*41 est la nature du vrai, autre chose la commissmee. La

connaissance toujours possible n'est jamais certaine'5*.

Une pareille thèse peut nous parattre singulière; nous sommes

habitués à prendre tes mots de vérité et de certitude pour syno-

nymes,et nous ne concevons guère que

l'une puisseexister sans

l'autre. Voici, croyons-nous, comment Philon a été amené à

soutenir ce paradoxe.

Après avoir fidèlement suivi la doctrine de Carnéade et de

Clilomaquc,Philon fut un jour profondément troublé par une

Cic, fa., tf, nr, ra.

Cic Ac. Il, xwi. mi

« Sort. I. «35.»: GicAt.. II. \«m, 58.

r>> < Méroa dit à plusieurs reprises ( tt. \i 33 ux», 1 1 •! )que ta ctélinitioi» stoï-

tienne de la représcntiilioii coniprcïiensivt1 peut êlre awplé*1, pourvu qu'on n'a-

joul» pas quomiÀo imprimi non jmwmI « /alto; cVst ta pensée <!<>Pliilon, tout a fait

pan'illi» à cellr- <|iii> Sr»xlot (.tf., VII. 'ma) altritinc A CnrtK'role. Cf. K«s.»l> Prap.

.i-n»/ XIV, ni. iT» iiaÇopii- i' £«•« iStào* »« ixntiiifitîw, ««< vivi* itiv

'w jx*t«An«7«, ni trim ii iitti. Cirôrnn tFailh'iiM. ilam Lmullus, mfpns.•Ile lln;oiii' rnmnii» <Manl rHfc» ilf (jinirâii,

Page 204: Les Sceptiques Grecs Brochard

J.ES SUCCKSSBURS && GARNÉA&E. NHU.GN. m

objection (Mntiachus£l1. Parmi lesquatre propositions qui ré

sumoiit la théorie de Carwkdo otqu'on a lues ci-dessus it en

est Jeux, les plus essentielles* qui se contredisent. – II y a, dit

Curnéade'9, des représentations fausses. Puis, entre lesrepré-

sentations vraies et les fausses iln'y a point de différence

spécifique.–

Mais, objecte Antiocitus, quand vous admettez la

première de ces propositions vous admettez implicitement quek* vrai peut étos distingué du fous, et vous le niez dans la

seconde. Si la seconde est vraie, la première ne l'estplus; et si

la première est vraie, il faut renoncer à la seconde. Au fond,

c'est l'objection si souvent dirigée de nos jours contre lenroba-

bilisme, maisprésentée ici sous une forme plus saisissante et

plus vive la probabitité^upjiosçJa vérité; rien n'est probable,

sjjienLnVsl^vrai.-*–

Que répondre à cette objection ? Rien autre chose, sinon ce

que répond Cicéroo!îl? Et on peut être assuré qu'il répèle les

paroles de Philon «L*objectiou serait irréfutable si nous sup-

primions toute vérité; c'est ce que nous ne faisons pas. Car nous

discernons le vrai et le faux. H y a desapparences

en faveur de

laprobabilité, il n'y a pas de signe certain dTTvnfi. »

H faut, on le voit,pour^sauver

laprobabilité reconnaître

l'existence deia'\vérUéyMais, toufëïlivoiïarif cette existence,

Philon~necroit pas à la certitude. Il y a des choses évidentes

(perspicua), (pu ne sont pas perçues et connues(percepta, cmpre-

hensa)l*K (Jes choses évidentes, vraies, (lue l'on peut croire

Cic, Ac.. Il. xmiv, 111 «r.\c ilfatnijuittcmpnclcrmùisU,Lucutte,repre-liensionemAnlioclii(nec uiirum, in primis cnim est nol/ilis)<|iiasolebatdicereAnliochusl'iiilonommaximoperlurbalum-

(t) Ibid. Cf. /)<“ Il, «v, hh.

131 Ac., tt, ïiiiï, in "Id ita essel si nos «arum omnino lollercnms. Xon

rariruu».Maint.-iiuvera c|iianifalsacerniimis.Sed pralundi 9|«>cii>susl pereipiondisignuinluilliim liatu'imis.-

'•* .-le.. Il, «, ;{•! -Mii aiifoni l'Iqrjntius qui etiam querunlitr quotl eos insi-

iniiloinui omnia iiic.'rlu (iteerc i|iiaiiliiin(|iic inlersil inler mrcriutn cl id c|iiod

percipinon possildncr>rei-onanliir raniic ilUtiiigiicra.xCX.Ac, II, w. H «t'tr-

spirua » porceptis vohinl dislin/jnoro, et conanlur o«lendcrfl <weoliquiil jM'rspinii

v<*nim illurl i|uiilem iiupifSMHii in anima alq«<? mente. noqiw laim>n id pfreipi k

Page 205: Les Sceptiques Grecs Brochard

m uvm ri. citapitkk t.s~V t«t «K ttt ~tttfH HHHr T.

(jnvfaiv) r maismut eonuattre (jfMtvi)^}1'11, c'est cequi est pro-

bable on vraisemblable au sons où Canukde, d'après .Môtrodore,

définissait ces termes. Et c'est pourquoi, probablement Philo»,

abandonnantl'interprétation

deClitomaquc, adopta celle de

Métrbdore. Il donna seulement à lit pensée de Curnéade ainsi

comprise plusde netteté ot de décision.

Comment iHulou,. dira-l-on, a-t-îf pu soutenir «ne pareille

thèse? Comment dire ijue la vérité existe, si nous ne In cunnm's-

solis pas ? Comment croire qu'elfe est, si nous ne savons jamaisce qu'elle est* Nous no disons pas que Philon ait raison; encore

serait-ee tint» question <ie savoir si cette thèse nepeut èlm

défendue. Mais ce u'est pas do cela <|inl s'agît ici.Historique-

ment, la preuve quu l'Iiilon a soutenu cette théorie e'est

couipref«miji pose.» 4e., Il, s, 3-i rVotunl >'nim jntilKiliilf alitjuid esse, et

(|t«isr vwisiinitc.v Cf. ,1c, il, ïïvii, t«a.

"i Cf. Sfok, Fhril.. aPi :Oi««è t«« fut^tptt iyuïs pèv («iolhiasis) ditli' aviùf olettti XtiSeh àXttOivif Çwnahi, ot! |*i)c ikpiGeh.

"L'inlvrprvblioii de Hirari {o/i. cit., p. igHjcst, au fond. d'accord «w tu

ftftf. Suivant tlir:et, lu jjnttttk crigin.ttitK de l'iliion étè t'iutraduetiort dit mot

xxrùnvitiir, jusque-là cmplayo par h» seul* stoïciens et (fu'H iitiralt adopté pn lut

donnant, il '•'( vrai, un sviis tout ilillërfiit les choses sonlcomgréheiuibla; oeil-

lement nous ne sonunos jani«iis9Ùi"s» faute d"uii_ ciid'rimii suttisanl de les avoir

comprises. Cette intitutuctioii d'un tenue stoïcien dans le lanjj.ijjo de rAcadânie

mirait été ta nouveauté qui a ni fort «camlâfnle' Autiochun. (/le, H.iï, tt.)

A l'appui de cette thèse, Hitzcl cite tu passage «le Sexlm (A, I, »î5), oit li>

mot XKttiwtlov est. en eftVt, einptové pour le compte île Philon et celui de

Cicéron (.4c., II. n, i8),(jui semlilc liicn avoir lu injino »i(juilîcalioii. Il est fort

possible ([ne Hirzel ail raimii. l'Iiilo» iwoiin.ii?«aut l'existence ili> la «ériié, pentfort bien avoir dit (juo toi choses sont cmnpnhviuiltkt et, par suite admis la pos-sibilité de la science. Ce serait un emploi dit mol détourné, it est vrai, de sa

signification ordinaire, i p"it pu'1» connue, chez nous (|ui'I<|iim philosophes peuventêtre amenée à dire (pie nous suniiiip* parfois certain du choses «|uî ne sont peut-être pas vraies.

.Vous avons cependant ifiiptyiips «cruptili-t ù udincttiv! ipie l'Iiilon ait lait <Iu mot

xïM/uirîoi» IViii|iloi «|ue suppou.» flirzel..V<nii vojons, '"il >'ffi"l, «[ii<! la tlies»- con-

".lauti» altriliiiée aux académiiiins et par Liirullu«, i|«i la cnnilial. et pr Cicéron,

<|in l.r itéfend, eit iji«r rien tift peut être p.-irn ou compris (11, xt, o'.li xm, lis:

m-, 't'A \n ti» <t\ fit; vu fiK «m ^:i «it ^8 elc. i. II est vrai <|«"ou a

réscrsi» i-t mis do ri'rtt* la tlif>«" ifp l'Iiiton (i», 19; uni, y^ Main ii'riitlili'His pas

rpi» f.irérnn, dans sa l«'tlre 1»Varron, se donne p»ur In rcpr>>'»mlaiit df l'ililon

(parte* miiu tiim/i» l'hihtm 1 ••! it nV>l pas pif-innalili' «pic <utw édition A

Page 206: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SUCCK8SKUH81>KCARNÊÀtfE. l'IULUN. 199

qu'Antiochus la combat avec une grande vigueur et lui adresse

précisément l'objection qu'on vient da lire il compare Wspiri-tuellement tes

partisansde cette opinion

àquelqu'un qui ûterait

la vue à un homme et dirait qu'il ne lui a rien ôté de cequ'on

peut voir. On nous refuse les moyens de connaître la vérité, mais

on nous laisse lu vérité. –

Si étrange qu'elle puisse paraître à quelques-uns, cette thèse

est celle que soutient Cicéron lui-même dans toute ta seconde

partiedu Lucullus. H répète à satiété

que rien n'est certain, mais,

eu mêmetemps,

ilajoute qu'il

ne conteste pas l'existence de la

vérité^1. La vérité, dit-il encore en se servant d'une expressionde Démocrite11', a été profondément cachée par la nature: ne

pouvant l'atteindre, nouspouvons

du moins nous en rapprocher.

l'autre, it ait rliiing» d'attitude. De plu», eu liivti des paisses, il est fait allusion

expressément à l'Iiilon (sut, »x\i», m), ou sl's (îartiwi» s«nl. *t\oo tout''

vraiBembbtico, désigués sans Hce nommés ( %t\, ^i'i v, .•!(. Comment croire que

Cicéron ait combattu nwrikm l'opinion suivant laquelle tes choses sont compré-

hensibles, si Pliilon l'avait soutenue, menu.' atpc les restrictions qu'on suppose:Comment croire surtout, si l'Iiilon avait admis l'emploi de ce mol, c|ue Cicéron ait

écrit (H, ut, ia8) Nec ptumit diceiv aliuâ alio rrnrgM mmujrc amprehtmti

quoniam omnium ivriim nna nt dtjinitio comprehendendi. Enfin, d'après une 1res

ingénieuse correction que Hinef lui-même a inlroduite dans le texte <l« l'Imlius

{Myricb. cod., at«), l'bilon santenail que tout «gl âx<n4Xn*1er (Hirzel, p. îS'.i). i.

Ce qui paratt probable, c'est que l'Iiilon a déclaré que, si nous m1 |io«vons iHrf

si'in) <fe rien, cela ne tient pas à la nnturo même des choses, mait aux cundil'ums

de la connaissance !.« [Ki&uijja d» (Jicênui (H, «m, SB «Veriet lulsi tmiîTïiodri

cognitio, sed ctiam nutura loiktur») concorde tout à fait avec relui de Sexttis. Eu

d'autres termes, te viîriti* jifsil <lfe connue, maie nous n'avons jamais te droit de

dire que nous la connaissons De là à employer couramment te mot Jtitïiun'îdi', il

y « une certaine distance.

.Nous fruyoïis donc qm> l'fiitou ii ronlinné ;'t "inpIunM- |i> mot mOwèv, nmmf {>•

fait constamnient Cicéron. liais ee qu'il os( çs«Pntiel de remarquer, c'est qiif. dan*

un ras comme dans l'autre, il <•$( loitjuui r»>st«liilèlr an point de vue d<> Carnêade

•>t n'a fait au dojjmalisiim qu'iinc ronce^iaii apparente. En lin di> compte il ne dit

pas autre chose, s'il te dit itnttvtneiti «pie « qu'a dit (!arnéadi\

• iM.,Ar., Il, vi. Si.

r> .le II, «, :«.

'• /If. II, ïviii, y'.i rVeri «KM altipiid iniii ii.'|;iirmis pr>ii-i|ii pw«i> m-j'uiiiiH.

Cf. 11, vxwrir, ni): Viili'* iiw l'aleri alit|iii«i <-s>r>vti. iaiu|>iv|iendi ea Iviucu "t

pert'ipi ue(jo.n1

I' I.mi. i'i.

Page 207: Les Sceptiques Grecs Brochard

20» LIVRÉ ii. – t;HAI*rritE V.

et il fout Essayer itl. «Nous ne leuoiiytms pas par fatigue à ta

poursuite de ta vérité toutes nos discussions n'ont d'autre but,en mettant aux prises des opinions contraires, que d'en faire

sortir, d'en faire jaillir une étincelle de vérité ouquoique chose

qui en approche. » Hjure ses grands dieux qu'il estplein d'ar-

deurpour

la recherche do ttt vérité wl. Mêïne dans les sciences

physiques, si incertaines, il suit quelle joie un éprouve à s'élever

au-dessus desapparences vulgaires, à tenter du pénétrer le»

secrets de la nature et à découvrir uneexplication, ne fût-elle

que vraisemblable13'. C'est ainsique, plus tard, les nouveaux

sceptiques diront que peut-être ht vérité1 existe, qu'il n'estpas

impossible qu'on la découvre un jour, qu'il ne faut décourager

personne. En attendant, elle n'est pas trouvée. |,

Au surplus, disait «ncure Cicéro»' la simple probabilité n'est 5

point tant a dédaigner, Il y u bien des cas où le sage lut-môme u

s'en contente, fait-il autre chose quand il monte sur un vaisseau,

quand ii fait desplantations quand it se marie, quand il a

des enfants? A-t-il, m» toutes ces circonstances, la certitude

absolue et inébranlable dont se targue te stoïcien ? On aflirme

sans hésiterque

te soleil est dix-huit fois plus grand que la

terre; est-ce une chosequ'on ait

compriseou

perçue f0)?1

Si cetteinterprétation est exacte peut-on dire que Philon ait

faitquelque concession au dogmatisme et

qu'il soit, àquelque

degré, éclectique? Laréponse a cette question dépend de ce

qu'on entendpar dogmatisme. On est sans doute dogmatiste

quand on admet l'existence de ta vérité. L'est-onencorrxpijriid î

un ajoute quenous ne sommes jamais surs

de la posséder?C'est

cequ'on appelle d'ordinaire te scepticisme, et quandon accorde

ta possibilité de se rapprocher du vrai, ou même de l'atteindre

sans \c savoir, on estprobabilistc. Philon n'est ni plus ni moins

1 Oie. II. m, 7.

te..11, \v, 65.

le, II, tu, 117.

t< Il «Kl 93.l<\ Il, luir. iuç|.te, 11, m.i, i-jX.

Page 208: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES DE (:AI(NPAD9. P1UloON. 201

({u'uii prôbaJrifiste-,c'est uniquement pour sauver k

probabilité

qu'il a «dmis l'existence de ta vérité; ila paru. changer d'opi-

nion, tuais la concession qu'ila faite au dogmatisme est de pore

apparence.

En quoi donc (Mère- t-il de Carnéade et quelles sont les nou-

veautés qu'au témoignage de Cicéron il a apportées? Malgré

l'autorité de Zeller, nous ne croyons pas qu'on doive lui attribuer

en proprela distinction entre les choses évidentes ou probables

(prspicun, probabilia)et les vérités certaines; cette théorie est

de Carnéade (1). comme on l'a vu plus haut. Tout au ptus pour-

rait-on accorder que Pfailona attaché plus d'importance

à ta

partie positive qu'à la partie négativede la doctrine de Car-

néade; il insiste plusvolontiers sur le caractère probable

ou

vraisemblable de certaines propositions, Nous avons vu comment,

avec Métrodore, il prêtaità Carnéade des assertions plus posi-

tives que ne le voulait Clitomaque. D'après Potion, Carnéade

croyait qqe le _sage peutavoir des opinions (licéron. d'accord

avec Clitomaque, ne voyait.là qu'une thèse soutenue pour con-

trarier les stoïciens !2).

Les nouveautés de Philon se réduisaient à deuxpoints,

Il dé-

clarait. ce que Cornéade n'avait pas dit et ce qu'il n'aurait

peut-être pas accordé, que latérite existe.En outre, et

précisé-

ment peut-être parce qu'il reconnaissait l'existence de la vérité,

il a prétendu rattacher la nouvelle Académie à l'ancienne.

Pjaton, en effet, quicroit aussi à l'existence de la vérité^ a sou-

vent des formules dubitatives 13~. it entourt- ses assertions de

beaucoup de réserves; il n'admet pasnon

plus que tes senssoient juges de la vérité, et il permet au sage!1)

d'avoir des

opinions."PlH"lona donc pu,

à tort, nous le voulons bien, mais

de très bonne foi, se croire le continuateur fidèle du fondateur

>' Cest aussi l'opinion de fiint«l, p. 407.

««4c, II, xxiv, 78.

»> /le. ,1. ut. n ~itl.

i" Ac, II, mv. u.'i "Incognito nimirnin aswnliar, ii ni, opiimbor.Hor

mihi et |ieri)).ilctii-iet velusAcademiactiil>*cdit.i

Page 209: Les Sceptiques Grecs Brochard

m MYKË f âUAPITRif- ».

tte f Académie. & même, il est dans son droit quand il rap-

proche sa doctrine de celle tl'Aristote. Si k connaissance était

seulementl'impression

faite sur l'esprit par ta vôiité, tes péri-

patétieiens, comme Plnlon, y souscriraient11*. (Je qui gâte tout.

c'est cette grave addition de telle sorte que le faux n'en saurait

produireune semblable. Qui a

jamais, dunsle Lycée, tenu un

pareil langage? C'est Aniiochus, ce sont les stoïciens qui ont

altéré la pure doctrine de l'Académie.

On comprend parlà comment- Pltibn a pu passer pour un

novateur, quoique,au fond, il n'ait guère fait que répéter,

soulignant peut-être certains traits, ce qui avait été dit par

Carnéade. Les innovations de Philon sont assez importantes

pour qu'ont'ait parfois regardé comme, te fondateur d'une qua-

trième Académie. Elles ne le sontpas

assea pour quecette

qualificationait été" universellement admise, et ail

prévalu.

Si Numénius et suint Augustin lui ont attribué un change-

ment d'opinion,et ont vu en lui un

Journaliste jilaton tcimi

c'est qu'ils se sont mépris sur le sens que Philon donnait à cette

formule ta ^EJI^s^isfe. Il faut convenir queleur erreur est

excusable. Il n'est pas naturel, à première vue, qu'un sceptique

proelame l'existence de la vérité.

La grande colère d'Antioclius contre PJtilonliJ vient, selon

toute vraisemblance, de l'effort tenté par le dernier pour mettre

Platon et Aristote d'accord avec Carnéade, et effacer les limites

entre les deux Académies. Transfuge de la nouvelle Académie,

rallié avec éclat au stoïcisme, c'est chezjes stoïciens qn'Antiochus

prétendaittrouver les vrais continuateurs de Platon et d'Aristote.

l'.k:, Ae..If, i i-i.).fI' Suivant Ilircel (|>. ijift). e'usl smlmlt

remploi1I11 mot mtzXnttio» qui

aurait ««tiMlalBc Anliadms. Slai-s wt-e- bien <ic ••<>ni«l. «l (le VMàt (pi'il «priiiKS

(jii'it pouvait dire ci- suiit diows iiwiiiw «taux \eaàétmr1 l.ui-UNim! il'ailt'-ur'

*»i» «'rrait. <>1 it |ir»'t(?n<l(iil lii.'ri n-sler dons l'.k'aelétiiiir..Nous iroj'ons pfiitiit i|ii«

•<><it l'inkipti-tatimi s«-|itii|iii; tlo t» ilm-triiii- An IMatxn •! il'UrsloU' <|«i ta si fort

irrité. <X Ar., t, ii, l-t. (.VxpfWiSirtii i/ienlidir <>ni|)l»yee «Nu fuis t II, «i. iH-iv.

i I ù l'i'|pril île l'Ililoiis.-iiil.l.ni^i |ilnlol s';i|j|ilii|ii.M :t tni |ioinl <1p fnîl )|u'à une

^H.-vtiMii «le tlut-triti'

Page 210: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SHCCESSfiUBS iïfc .CAKNÊAD& – PHILUft 20$

*i t-t. ii t> t «*• il item tfi allait jusqu'à dire qu'entre les stoïcien»

^JaS£ÎS!!2g«âS»^ )

mie, les mats seuls différaient, et que le stoïcisme est une cor-

rection de tWtenneJkadémb !l). Il roulait conserver à l'école

(|u'ilservait avec'un zèlo da nouveau converti, le prestige dos

grands noms de l'ancienne Académie t2!. On lui prenait ses

Dieux; il voulut les déftaidre, et c'nsl pourquoi il écrivit le

Sosm,

Deux points assex délicats restent â expliquer. Quel. est le

modo de connaissance admis par l'hiion, et désigné par cos

mots menti subtiliterimpression ? Quel était cet enseignement

i5sotéri<|ue auquel Cicéron fait une allusion dimèfc

Sur le premier point, Uenmmti et Xeller semblent croire

qu'il s'agit d'une connaissance innée, non pas au se».s .stoïcien,

mais au sens platoniciendu mot. Mais on ne peut invoquer en

faveur de cette conjecture aucune raison probante m. Au con-

traire. PliiloHct Cicéroft sont sur ce point de l'avis de Caruéade

qui manifestement fait dériver toute (connaissance des sens.11

noussemble probable..que les académiciens

ne s'expliquaient

guère sur la manière dont se fait ta connài55antcr-tts'T;ûnsta-

taient, comme une donnée, la présence des idées dans notre

esprit, et les tenaient pour conformes à leurs objets,sans rendre

compte du passage des choses à l'esprit,de l'action des choses

matérielles sur la pensée,sans recourir surtout aux images

et à

la terminologie inalérwlistes_dc>s ^fwcieiw^ljs y ont toujours

répugne.C'est contre eux

qu'est dirigé le mot subtilitei: C'est

surtout par cette opposition constante au matérialisme stoïcien

qu'ilssont vraiment de {'écolo du Platon.

Sur renseignement mystérieuxdes académiciens, nous nu

pouvons naturellement hasarder quedes conjectures.

11y a, di-

saient-ils, des choses probables. Mais quelles sont les choses pro-bables ? Quel choix avaient-ils fait parmi les diverses assertions en

tm- –

l; .1. l. «i.«:{.'•' At., Il, ïv, 7<».

Hiosel {Escuri. Il) romkil iv« beaucoup <t«' bvrv lit tlmfi île t''»\ i|tii

(iretonl à Cfci'iwi la lld'uiic <l<^ i'It'c» iiimws.

0

Page 211: Les Sceptiques Grecs Brochard

2M UHM IL – GHAIUÏRB V.

faveur desquelles on peut invoquer des raisons plausibles? On

eomprettd que des diulectieiens subtils qui passaient leur vie à

discuter avec des adversaires retors, (ijciit évité de se prononcer

publiquement sur ce sujet se prononcer, c'était donner prise

sur soi, c'était renoncer à cette positionsi avantageuse de gens

qui. n'ayant rien à défendre, sont toujours prêts pour l'attaque,

choseplus facile, comme chacun sait. De là, leur réponse aux

questions indiscrètes sur leurs. mystères"' Non xolcmus o«tei«fere.

Mais dans l'intimité de Parole avec des disciples w choisis et

privilégiés, ils n'avaient plusles mêmes raisons de se tenir sur

la réserve; ifs n'avaient plus d'altitude à observer. C'est làpro-

bablement qu'ils disaient cequi leur paraissait vraisemblable,

et cequ'en

réalité ils croyaient. Mais mêiti£ alors, onpeut croire

qu'ils ne prenaient pas un tondogmatique, lis proposaient leurs

opinionsà leurs

disciples.ils

n'imposaientrien. lis donnaient

leurs raisons, et laissaient à leurs auditeurs le soin et la liberté

de conclure. Ils (-(nient en cela conséquents avec eux-mêmes.

Nous voyons par un passage de Cieéron que Leur souci était

de faire triompher non l'autorité, mais la raison. Cerespect de

la liberté et de la conscience individuelle paratt bien rare dans

tes autres écoles; c'est un caractère propre aux nouveaux aca-

démiciens. Ces excellents philosophes ont été les esprits les plus

libéraux et lesplus modérés de leur

temps.

En tout eus. il n'y a pas, dans t'obscurpassage

de Cicéron,

de raisons pour leur prêterdes dessous ténébreux, ou des

pensées de derrière ta tète. Saint Augustin s'esttrompé quand

il a cru qu'ils tenaient soigneusement caché le trésor des dogmes

platoniciens. On voit quel est le malentenduqui

a donné nais.

sance à la tradition, ou plutôt la légende dont il s'est fait l'écho.

En résumé, IMiilon est toujours resté le fidèle disciple de Car-

néade. Zeller se trompe, ou du moins il force la note, lorsqu'il

(jr., /le. Il, «uti, (in.

*Cf. S<-«t., I.9Î4. Au|;nsl., Coniï. «iWrra.c Il, xnt. K): III, un, .tK.

!1) Oie.,/le., Il, wiri.lWi:-lit, i|iiin(iili''iil. >alione|ioliu*i|iiiim«iictorilalv<lii-canliir.-

(5

Page 212: Les Sceptiques Grecs Brochard

LESSUCCESSEURSDR CARNËADK.PHILOR.205

le range avec Antiochus parmi les éclectiques. Cicéroo Wdit

que pendant ta vie de Philon, l'Académie ne manqua pasde

défenseurs. Saint Augustin!Matteste que jusqu'à sa mort il ne

cessa pas de résister à Antiochus et au dogmatisme; il faut

croire ces témoignages.

IV. Si l'on peut contester l'originalitéde Philon en logique.

il est un pointdu moins par où il se distingua nettement de ses

devanciers, et c'est peut-êtrece qui, plus que

tout le reste, a

contribué à le faire regarder comme inclinant déjàvers le dog-

matisme, et placer plus près d'Antiodius quede Carnéade il

traita explicitementles questions

de morale. et Stobéew nous

a conservé l'analyse malheureusement trop succincte, d'un

de ses traités (*>. Puisqu'il reconnaissait rexistBnç_eMdgJa_.yéj«té.

Philon pouvait, sans se contredire, donner despréceptes je

morale. H neparle

d'ailleurs que de morale pratique, et il faut

se souvenir que des sceptiques déclarés, tels que Pyrrhonet

Timon. se sont toujours réservé le droit de dire leur mot sur la

meilleure manière de vivre et d'être heureux.

Nous n'avons pas le titre de l'ouvrage; mais l'objet en est

clairement indiqué. Il se divisait, comme la philosophieelle-

même, en cinq,ou plutôt, à cause de l'importance

d'une des

subdivisions, en six parties.Le philosophe

ressemble au médecin. La première tâche du

médecin est de persuaderau malade qu'il

doitaccepter

le re-

mède; la seconde èsTde détruire l'effet des parolesdeceux qui

lui donnent des conseils contraires. De même, le premierlivre

de Philon, afin d'amener les hommes à la vertu, montrait les

»» Ac, II, vi, 17."I Contr.«cad., lit, wil», &i-o.

<« Ee% », ko.

<•>C'estpeut-dire ce traité qui u servi de modèleà Cieéronpour son tkrUMitu

(Hennann. op. cit. f. fi. n. 36). D'autres critiquesestiment que Cicéron«'était

plutôt servi des nporpetitHa de Posidonius, ou (tu apotpniixàs d'Aristote.

Cf. Tliiaiittmrt, litsai itir It* IrailA philoi. rfc CiWro». p. h- (Paris. Hnchette.

i88r>>.

Page 213: Les Sceptiques Grecs Brochard

m f.lV'RK- M. – CttA'FlTRK V.

grands avantage» qu'elle praeure, et réfutait les calomniateurs

de laphilosophie.

C'était l'exhortation(tIpâTpé7f7wt&»).

Après avoir bien préparé son malade, le médecin doit indi-

quer les causes des maladies, et leurs remèdes. De même, le

philosophedélivre

l'espritdos fausses opinions et lui présente

les vraies. Tel était l'objet du second livre il traitait des Bien»

et (les Maux (Iîspï iyaOëtf x&l naxwv).

Le médecin poursuit mi butqui est la santé. Lu fin que se

propose lephilosophe est te bonheur. Le troisième livre de

Phiton traitait des Fins (îkpî tùmv).

JI tre suffit pas au médecin do donner la santé*, il faut encore

la conserver, et indiquer les précautions à prendre. Lephilo-

sophe donne aussi les préceptes les plus capables d'assurer le

bonheur c'est ceque

faisait Philon dans sonquatrième

livre

sur les Manières de vivre(ïlepl |&W). ft traitait ce

sujet à un

double point de vue d'abord ilindiquait les règles particu-

lières, applicables seulement àquelques-uns. Par exemple, le

sage doit-il s'occuper des affairespubliques, fréquenter les

grands, se marier? Dans une secondepartie du même livre,

qui, en raison de sonimportance, formait un livre à part, /<•

Politique, il traitait lesquestions générales, celles qui intéressent

tout le monde quelle est la meilleure forme de gouvernement?les honnmirs et les dignités doivent-ils être accessibles à tous?

Si tous les hommespouvaient être sages, Philon se serait

arrêté là; mais il faut tenir compte aussi de la moyenne des

hommes, de ceux (lui ne peuvent s'élever à la perfection, et,

faute de loisirs, ne lisent pas les livres desphilosophes. De

bons conseils peuvent leur être utiles; de là le dernier livre tlo

Philon, les Précepte» ÇfnoOerixèç\eyos), qui présentait en abrégé

les indirations les plus propres à assurer la rectitude du juge-

ment et la droiture de la conduite.

Lerapprochement obstiné

que Philon établit entre la philo-

sophieet la médecine pourrait donner si penser que déjà, comme

t«' feront plus tard les nouveaux sceptiques, il songe à n'em-

ployer d'autre méthodi» que l'observation f>| l'expérience, lais-

Page 214: Les Sceptiques Grecs Brochard

LESgUtiCESSKOKSM; il/tRNïU&K. PHI'MlN. 207

•iiinf «la i-AliS hic nptttriiinic rnf ïnrinntil ut tns tfSmiîrifiSc ita lia nuî-sant de côté le principfiijttUoiinelt;, et tes témérités de ta mé-

taphysique. Mais nous ne savons riende précis

à cetfgsrd.

Telle qu'elle est, ta sèche analyse de Stobée nous montre

que le livre de Philon était un de ces excellents traités de sagesse

pratique, comme l'antiquité grecquedut en connattre beaucoup,

et dont nouspouvons

nous faire une idée d'après le De OJJiriis

de Cicéron. il serait intéressant, si les donnée» ne nous faisaient

défaut, de comparer cettemorjIeJLceifejles

stoiciens. Elle en

évitait certainement les excès, elle n'en avait pas la raideur et

elle donnait les mêmes conseils pratiques.Sur un point au

moins elle a une incontestable supériorité; les stoïciens n'avaient

pas pourla moyenne des hontmes, pour les humbles et les

simples. ces égardset cotte bienveillance que leur témoigna

Philon en leur consacrant tout un livre. Ils se contentaient de

les appeler des insensés, et tes dédaignaient. C'est la première

fois peut-être qu'avec Phiton laphilosophie

s'avisaqu'il existe

dans le monde autre chose que des philosophes et des sages. Il

n'est que juste d'en savoir gré à la nouvelle Académie.

En résumé, PItilon fut un esprit raisonnablo et modéré. En

logique,il combattit le dogmatisme, non pour le plaisir de dé-

truire, maispour réagir contre les Ilrétentions orgueilleuses des

stoïciens. Loin de se laisser entraîner par t'ardeur de ta dispute.

il s'attacha avec autant de bonne foique

desagacité

à rem-

placer la certitude absolue, qui, suivant lui, nous est inacces-

sible, pur son équivalent pratique, lajyobabilité. Unephiloso-

phie qui nous laisse au moinsl'espoir et_t chaneejl'atteindre

la vérité, n'est pas unemauvaisejîmTosophie. Elle ne décourage

pas ta recherche. et nous interdit une trop grande satisfaction

de nous-mônies. Elle est à la fois modeste et laborieuse. En mo-

rale, Philon prit aussi parti pour les opinions moyennes. Il se

défia des grands mots, et il ne connut pas cette vertu farouche.

les ehovetix hérissés, le front ridé et en sueur, seule sur la pointe

d'un rocher, dont notre Pascal a si éluquemment parlé.La

sienne n'est pas non plus enjouée et, folâtre; elle n'est pas cou-

Page 215: Les Sceptiques Grecs Brochard

~t?t~ t V1~N: ll~1- ti[IAPFPRFl V.

(!I1~(i mntliamatit. (l1lfifbl7Y "i", ,1.lt..ioiu"t,{ ¡.iII.li.nB ufilée mollement dans le sent de lorsivetétranquille, etn estime

même pas, quoiqu'on l'en accuse souvent, que l'ignorance et

l'incuriosité soient deux doux oreillerspour

une tête bien faite.

Elle est plus grave. plus raisonnable, plus mesurée, plus bour-

geoise enquelque sortis et son

principal mérite est peut-être

que,sans être vulgaire, elle est à la portée de tout le monde.

C'est avec lui que la nouvelle Académie atteignit son apogée.EUe garda ce qu'il y avait d'excellent chez Carnéade, avec un

plus vif souci des choses morales, avec je ne sais quoi de plus

tempéré et de plus doux. Mieux que personne, Philon nous

permet denous faire une idée de ce

que furent ces philosophes

trop maltraités par l'histoire. Esprits déliés et subtils, éloquentssans affectation et ennemis de tout pédantisme, ouverts a toutes

les idées justes sans être dupes des mots. sûrs dans leurs ami-

tiés, les nouveaux académiciens furent leslaius aimables de tous

les philosophes. Très certainement ils valent mieuxque

leur

réputation. La philosophie de Cicéron, qui est la leur, malgré

ses lacunes et ses faiblesses, n'est pas une philosophie mépri-

sable, et ce n'est pas un de leurs moindres mérites d'avoir su

conquériret garder la

préférence de Cicéron.

Après Philon, la nouvelle Académie ne fit plus que décliner.

Antiochus passa à l'ennemi. Les autres successeurs de Philon

n'eurent point d'éclat. Philon de Larisse fut le dernier des aca-

démiciens.

Page 216: Les Sceptiques Grecs Brochard

AXTîUr.HUS B'ASCAIiON. 2t»9

le la naissance <i Antio-

i4li

>

CIKPITKK VI.

A.VTIOCHtiS IJMSCAtOV.

Mous avons achevé l'histoire de la nouvelle Académie. Antia-

ehus d'Ascatan, qui nous est présenté par les historiens, et se

présentait lui-mi'me comme un académicien, ne mérite ce litre

que si on t'entend au sens primitif du mot il appartient petit-ètre» c'est dit moins sa

prétention, fortpeu justifiée, comme an

le verra, à l'ancienne Académie; iln'appartient pas à la nou-

velle il en est .l'ennemi déclaré; il le dit lui-même dans leImcuUus oît visiblement Cicéron reproduit ses

propres paroles !l).

Pourtant, l'histoire de la philosophie d'Anliochus est à un

double titral'épilogue nécessaire de l'histoire de la nouvelle

Académie. D'abord Antiochus apendant assez longtemps fait

partie de l'école de Philo». Plus tard il s'ensépara et dirigea

contre elle de nombreuses et graves objections. L'historien a

tout a gagner à nepas substituer son propre jugement à celui

d'uncontemporain des doctrines

qu'il expose l'œuvre toujourssi délicate de la

critique lui est épargnée; du moins il peut de-

venircritique sans cesser d'être historien. Enfin, on n'aurait

d'une doctrinequ'une connaissance incomplète si on ignorait les

objections auxquelles elle a donné lieu. Voilàpourquoi

nous

étudierons aussi la philosophie d'Antiochus, en nous attachant

principalement auxpoints par où elle tient encore à celle de la

nouvelle Académie.

1. Anticelitis naquità Ascalon!2!, vers !î| i a 4- 1 a7 av. J.-G. Il eut

(I' Âc, Il. if, ra K.an<)in'nt Antinetmmtcontrarcnctnmïrnt(disaernntantj.-Cf. It, vi. (8.-

'» Slral»., XVI, ir, -3çi.– Pliil., Luc, '»<. Ck.. > Bnrt., a. Élicn, P. H.,

111, là. Stéphane1 de ftyuwce, cilé pur Falirictiis, liibtiotk. (ir.. I. III, p. 5S7.(3' \011s n'avons pas «l'iiuliivilioris [uwiscs sur la date tic In miissancc rt'Anlio-

Page 217: Les Sceptiques Grecs Brochard

°3tt1 t.f4~l4F~tt: cal\tJ'tTIŒ VI.

\.0- t ut f --0, tht't 1

peur titaftw» fi' stoïcien Mn&ttn|ttt!a>,elsurtout l'Inloti dont tf

sttivit tes leçons pendantfort longtemps'*1'. News ut1 sa vanssi,

après avoir quitté Athènes, il vint à Romhm niais nous h; lutroit-

vuiis plustard à Alexandrie, avec Lucuitus. en Pau 87 suivant lus

uns, 84 suivant l«s mitres01. Vers 79. lorsque Ck-itoiu pendant

tu dictature de Sylhi. jugea prudent de quitter Uoiiio, et alla

passer six mots à Atht'iii's. Aiilim'lms y enseignait uvet" éclat1*'

il é"tail le dief incontesté de l'Académie. Kn(in,iiarcompa^n»

encore Luentlus m\ Syrie et assista à la bataille du Ttgrano-

certe(il (&i> av. J.-C.). (I mourut peu tie tempss*' après, en Ué-

sopotamie,à la suite des tatigues de la campagne D>.

Cicéron, sansparlajjer

toutes lesopinions d'Antioihus, avait

pour lui beaucoup d"ni)'eclion et d'admiration &. l\ vante I amé-

nité de sun carad ère la liuesse de son esprit, l'éclat d» sa

paroie:«t'est sans doute ta douceur de son éloquence qui l'avait

fait surnommer l« cygne (<J). Les amitiés illustresque

le philo-sophe

sut f;agner et conserver, cettes d'Atticus, de Lucullus, de

Brutus, de Vairon, attestenttjue

CtctTon ne l'a pas jugé avec

trop de faveur.

chus;maislorsqu'ilmitconnaissanceà Alexandriedeslivresde l'Iiilon(Cic, Ac., 11,

I»,11} en8'i 01187 (vny.ri-di'Siiis p. i ij ), était di'jùseparùdeson muiln',dont

nocissavoin(Cif., Ac., Il, un. tii|)(|ii'il avait «tivi lot leçons pendantdo Iuiijjiics

annéi"».On n»m trnmppnipasde beaucoup,seinble-l-il on uJiuetUiiitqu'à c>>ttp

époque Antiochus devait dire «|{é d'environ quarante ans ce i|iii pince sa nai»sauci>

vers li'i ou ir^ av. J.-C. Cli.ippuis, ifotit te livre [De Aittioclii Asailomtir çila el

iluclrimi, l'aris, tH.'i'i) a tilé iutpudmiiiit'nl pla|;ii' |Kif it'Attniiaud (De Autioehu

Ateahnita, Marnurgi Caltiiriiui. t^56) initique l'an taH.

"> .\nmen. Ap. Èuseli., l'nett. fi'cXIV, k, ;i. Saint Augiisliii. Contra aauk-

mien, tfl, sviti, '11. tac, /le. II, «il, (»).

<•> «•• Ac, I[,mii.W Cic. Ac.l, it, 11; 11. ft; xn, lii.

Cic, lirul., xci. Si». Ae., 1, K, i3: II, «t», t tX te/ I, tw, 54. /•ïn., V,

i, t. – l'Iiil., tic., 4.

<*> Plut., /.«<>S.

lit Ck., <(«: II, <it, lii II;ii<- tiilioclms, in Syrin quiuii csSfl niccimi,

pauln autf quani «--îtmorluus.-

W Mer Km., \xn\ S.

11/le. ft, il, 'i; \vw. il 3.

S(.;|>li. «te Byzance, I. c.

Page 218: Les Sceptiques Grecs Brochard

AVnGtîHlfS D'AStiALON. M

Xt»H.tconnaissons lits titres dûplusieurs ouvrages (l'Atrtiocluis

le Sosititli) d'abord, qu'il écrivit pour répondre à Philo», dans

l'accès (te colèreque iui avaient donné les assortions de son •

maître sur l'identité do lu nouvelle Académie et de l'ancienne <

ilprotestait avec thtergie contre cette confusion, et

revendiquait

|wui' lui-même, pour les dogmatistes, pour les stoïciens, lo titre

d'Académicien. Sexto* W cite aussi un passage d'un livre d*An~

tiochus intitulé Kavovucx sans doute ily traitait les questions

delogique; nous voyons qu'il y mentionnait l'opinion du eélèbre

médecinAsclépiade, d'après laquelle

les choses sont connues

par les sens, ni nullement JMrJajwison. C'estpeut-être

le livre.

que Cicéron avait sous les yeux en écrivant le Lucuflus cepen-

dant, comme il ne nomme que te Sostts, il est naturel de croire

qu'il s'est plutôt servi de ce dernier ouvrage lil.

Dans un autre livre, adressé à Baibus (5).Anfioclius soutenait

qu'entro tespéripatétteiens et tes stoïciens, il n'y a

qu'une diffé-

rence de mots. Enfin Plutarquet6'nous

parle d'un livre Ilepi &éan>%

qu'il avait écrit dans les derniers jours de sa vie, puisque c'est

làqu'il parlait de la bataille de Tigranocerte. Indépendamment

de ces ouvrages qui appartiennent à la seconde partie de sa vie,

Antiochus en avait écrit dans sa jeunesse d'autres, ou il défen-

dait les idées de Philon Mais nous n'avons pas de renseigne-

tnents sur ces premiers essais, et sans doute ils furent de bonne

heure oubliés.

Pourquoi Antiochus s'est-il séparéavec tant d'éclat de ses

anciens amis? Ses adversaires ne manquèrent pas de mettre cette

défection sur le compte de son ambition on disaitqu'il

était

resté fidèle à son maître jusqu'au jour où il eut à son tour des

(1) Sosii!» est le nom d'un pliili»o|)li<>, rnnipalrioh- d'Aiiliorlnis, <>l qui ap|mrlo-nail à t'école stoïcienne(Stéph. de livrante, <•.).

IlCic, ,<< H, », u. t.

w M., VII, ttoi.m Cf.Thiaucoiirt, «p.cil., p. 58.») Cic, //« nal. /fo»- I, vu, 16.

" f.m., n8.

Cif.. /te, II. \\n,*i(>.

i

Page 219: Les Sceptiques Grecs Brochard

m uvuk ri.– i:ii4i»;irH"K vj.

disciples if voulait «Itre dfcf <t'ê?o{«. «roir ws disciples qui

tussent appelés Antiachiem -'• Nous n'avons aucune raison de nous

associer à ces accusations t dictées peut-être par le dépit les

llièses de Pltiion n'étaient pas tbllemeut évidentes (ut fitî– m^nto

avait varié) qu'ilftlt interdit à ses disciples «l'en proclamer -l'in-

suffisance et de les abandonner. Cicémn est-ilplutôt dans le

vrai lorsqu'il dit q-u'Anlioehu* nu pouvait résister aux objections

unanime* de tous les|ïl»îtoso|>ftcs? Qttf»i «pn! eu. soit, à

partir<le ce moment il se (lniiiia mw double làcltu réfuter les doc-

trines de la nouvelle Académie, et en reprcnmit ({uelques-mws(les idées de l'ancicnn». tui

opposerun dogmatisme rajeuni

il. Leréquisiloti'c d'Aitliochus t'untre tes académiciens était

certainement lapartie principule

(te son unsuignement:, son

umvre de prédilection -f. Ilapportait

dans la discussion une

ardeur exWme, faisant face à ses adversaires sur tous les

points, ne négligeant aucun détail, lespoursuivant partout

avec

une verve infatigable, une dialectique souple et animée, et il

faut le dire, parfois victorieuse.

Il n'hésitait <•*>pas à rendre justice aux

qualitésde ses anciens

maîtres il reconnaissait(ju'ils procédaient avec méthode, divi-

saient bien les({«estions,

les discutaient à fond. Il ne songeaitmène pas à leur reprocher, comme sans doute on l'avait fait

plus d'une fois, la subtilité de leurs analyses et tlt* leurs défini-

tions rien de plus digne, à son gré, des véritablesphilosophes.

Il n'estimait pas non plus qui* te dédain fut une réponse sufli-

sante â une doctrine(lui

nie la possibilité de la connaissance

hausser tes épaules et passer outre, sous prétexte qu'on défend

une doctrine aussi elaire que le jour, lui paraissait aine réfuta-

tinn insuffisante. Le sujet vaut la peine d'êlro étudié pour lui-

Cic Ai:. II. mu. -» • for-1 lit >'< <|m se S"<|iuTviiliii-, tnlinchii »«ra-

ivndir,

1<"ic, /Ir., If, vi, 18. \u;;infm. ùml. iimulemic. tt, vi, ifi.

\uiisimipmnloii* to»< !••« r>'tisi'i|;n^rai'iils i|iii mitl «imvit .m {.mutins tlt»

• lioroii. /«««nu.

Page 220: Les Sceptiques Grecs Brochard

ttV`I`tttf~((f: ()',1:~(::il. 213

,.E~ t~,t~f,>, ,tl.i'a ,.#Fx .A: a ~.–t-t

m^iim; et si Pé/videne*» se défend eite-mèné, iJ am«u pourtant

((d'un se laisse prendre il certains prestiges, qu'on soit embar-

rassé par des qwestians subtiles et captieuses il faut avoir tu

réponse prête, être armé lie Manière àrepousser toutes tes

attaques.Examinons donc les thèses dos académiciens.

Tout d'abord, c'est « tort qu'ils s'abritent derrière les noms

des grands philosophesde Pannéiiide. d'Empédoclo de Dému-

rrtte, de Socratc» et de Platon. A quelques exceptions près, ces

philosophes bien loin de (lire qu'ils ne savaient rien, ont affirmé

bienplus qu'ils

ne savaient. Et si parfois ils ont hésité, depuis

qu'ils ne sont plus, l'esprit humain n'a-l-il donc pu découvrir

aucune vérité? Socrate et Platon, en tous cas, ne doivent pasêtre mis au nombre de ceux

(lui doutent Platon, parce qu'ila

laissé imsystème

achevé d<» toutes pièces; Soerate, parée qu'il

lie faut pas se méprendre sur la modestie aveclaquelle il s'ellac^

dans les discussions c'est pure ironie, et il ne songe qu'à sur-

prendre son adversaire.

Considérons aprésent les conséquences oit conduit ta doc-

trine académique. Aucune représentation, dit-on, n'est infail-

lible..Mais chacun de nous, àchaque instant, donne un démenti

h cette assertion. Ne nous attardons pas à discuter l'argumentde la raine plongée dans IVau ou dit cou de fa colombe les

couleursque

nousvoyons. les sons: que nous entendons, tes

parfums qtre nous respirons nous inspirent une pleine confiance.

Kl si oit conteste lulégitimité

de la sensation, tejugement,

le

raisonnement, la mémoire deviennentini|iossihles

comment se

rappeler desdio-ses fausses, des choses que l'esprit n'a point

saisies, et qu'il ne tient pas? Avec la mémoire, l'art disparait.

Que deviendra le ({éomèlre, s'il ne peut discerner rien de cer-

tain? dominant lo musicienpourra-t-il jouer en mesure, ou

suivre la marche dos vers? Knlin, chose plus gravu. In vertu est

reiidui;impossible. Trouvera-t-on des hommes de bien, décidés

à braver tous les loiirmenis plutôt que (le trahir leur devoir, si

les raisons de cette obligation ne sont point connues, perçues,

comprises, fi u1»*avecuu< inaltérable certitude? L'w'ttou. méiue

Page 221: Les Sceptiques Grecs Brochard

~t4 t~VtŒn.-t~tt'tTtU~L

1. 1.- 1 _1.' .4..e f

la plus ««tptu, sttjijK» des idées mT&ées, ê/x. creyiuiees. Uii

n'agit pas sans désir et commont délibérer quand on ignore si

la chose désirée est bonne ou mauvaise, «informe ou non « tu

nature? Plus de raison, plus dephilosophie, plus de ces

prin-

cipes (&7fwnr«) qu'on ne peut trahir sans crime; plus d'umilié.

plus(le

patriotisme.

Laissons de eùlé les conséquences d'urdrepratique, ot envi-

sageons lu (jueslion au point de vuethéorique,

tas académiciens

disent rien n'est certain. Mais cette assertion mène, avouent--r·

ils qu'elle est certaine? Xotv, i-éjioiwluil (^amende àAntipalcr

quilui faisait cette objection. Celui qui dit rien n'est certriin.

lie fait aucuneexception; cette proposition n'est que probable,

il n'y a point dej>IhIosoj>Iùo, réplique Anlioclius, qui

n'ait une

opinion sur ces deux points le souverain bien on la règle des

mœurs, et ladistinction tlu vrai et du a~ Qmutd on SI) donttt'

pour philosophe, quand o» veut enseigner aux autres ce qu'ilsdoivent faire et éviter, croire ou rejeter, il faut avoir un prin-

cipe. Leprincipe des académiciens est

(lue rien n'est certain il

faut donc qu'ils s'en tiennent à ce principe, qu'ils lui soient

fidèles; en d'autres termes, qu'ils soient certains.

Ainsi serrés de près, les académiciens répondent Est-ce

notre faute, si rien n'est certain? Prenez-ïous-en à la nature

qui a, suivant l'expression de Démoerite, caché k vérité au fond

d'un abime. Abandonnons lessceptiques, dont il faut désespé-

rer, et pour lesquels tout est aussi incertain que laquestion

de

savoir si le nombre des étoifes est pair ouimpair. D'autres sont

plus adroits: ils distinguent ce (lui ue peut être connu, et ce

qui est incertain. If y a suivant eux des choses qui, sanspou-

voir être connues ou saisies, sont claires ils accordent qa'il ya de laprobabilité, de la vraisemblance; c'est là, disent-ils,

qu'ils trouvent une règle pour l'action et pour lapensée.

Mais comment distinguer ce(lui est probable on vraisemblable

de cequi

nel'est pas, s'il n'y a aucun signe distinctif de la vé-

rité? Entre les représentations vraies et les fausses, i!n'y a pas.

dites-vous, de dilléreme spécifique. Dès lors. de quel droit due

Page 222: Les Sceptiques Grecs Brochard

tNTifJCHÛS D'ASC .tt.OR. 215

•{il* tes iuws serapprwliênt «le

la vérité, quelus uutix's s'en

éloipeul? Hlk'S sont toutes également suspectes, (.'est su tiiu-

qoor d« direi|d'ofi

nous enlevant te iiioycm de connaître la

vérité on- nous laisse fa vérité elle-inéïne. Dites à unaveugle

([ti'cn lui étant la vue ou ne lui a pus été ce (lui peut «*lie vu

On commet lu mène erreur quand. un reconnaît dus choses

évidentes (//«•«/«(««)«nuis

qui ne «miraient elre perçues. (Jotn-

lueitt dire qu'une chose est évidemment biunche, s'il peut arriver r

(|uo le noirparaisse blanc? Comment dire d'uni- chose (|u'etlo

est

évidente ou linciiient gravée dans l'esprit, ijuand on lie sait si,

oui ounwnJ'esjM'it

en «reçu rimpression?

T

Qu'est-ce donc que la probabilité Appellerez-vous probable

la première impression <[ui s'olïreù vous'/ L'aertieillerez-vous du

[tremier coup? Quoi de plus tétnéraire? Ne l'admeltra-vous

qu'avec circoiispeelion ct après un examen attentif? Mais quand

vous l'aurez retournée de toutes façons, vous dites qu'il pourra

encore se faire qu'elle soit fausse quelle confiance aurez- vous

donc en elle? Quoi (le plus absurde que de dire voici ta

marque, la preuve qui nie fait admettre celte assertion; il est

bien possible pourtant qu'elle soit fausse.

(ioiisidéréc dans la formule générale qui l'exprime,la tlièse

des nouveaux académiciens ne peut se soutenir examinons à

présent les arguments de détail qu'on invoqueon sa faveur.

Avec les stoïciens, on distingue plusieurs sortes de représen-

tations. Les divisions sont admirables les définitions fines et

exactes. Mais quoi n'est-ce pas là le langage d'hommes quiont

desopinions

arrêtées? Ces merveilleuses définitions, une fois

formulées, peut-on les appliquer imlifTércnuuent an'importe

quoi?Si oui, comment dire

qu'ellessont justes? Si mm, il

faudra bien convenir qu'il y a desobjets auxquels

seuls elles

conviennent, et qu'on lésait, fêt comment ne pas voir une con-

tradiction éclatante entre ces deuxpropositions, expressément

admises par les académiciens II y a des représentations fausses.

Entre les représentations vraies et tes fausses, il n'ya

pointde

différence spéeilique. Ku mbitcUant la première, vous niez la

Page 223: Les Sceptiques Grecs Brochard

~ë Li v h L.' t 1. (. il A p tir ItR v 1.

,l.. 0'1. t tseconde t en

proclamant la seconde, vous cfétrttisez Itt- pre-mière.

Analysonsavec soin le fait luêuie de lareprésentation» Lu

représentation est titi état de l'àme, mais un état qui en mêmetemps qu'il est cunmi nous fait connaître aussi ce qui l'a

pro-duit. Je vois uit objet: en le

voyant, je nie trouve dans un état

différent de celui où j'étais t'instantd'auparavant, et je connais

deux choses cet état mène, et ce(lui

l'aprovoqué.

La lumière

se révèle en faisant voir les objets qu'elle éclaire il n'enpeut

être autrement de tareprésentation

Mai», objeete-t-on. si lareprésentation «luit toujours avoir

un objet, d'où vient qu'il y a des représentations fausses exacte-

ment semblables aux vraies? On va alors chercher les fantômes

du riH'e, les illusions de l'ivresse les hallucinations de la folie.

Laissons de côté le soritequi permet de

passer insensiblement

de l'apparence trompeuseà l'impossibilité do distinguer le vrai

du faux(' C'est unsophisme il pourrait tout aussi bien servir

àprouver que les

loups sont des chiens. Cequ'il faut opposer

obstinément à tous cesexemples, c'est qu'ifs n'offrent pas le vé-

ritable caractère de l'évidence. Dans le sommeil ou dans l'ivresse,

les images n'ontpis la même netteté

que dans la veille: on

hésito. un tâtonne, on doute, et te fou, revenu à lui-même, se

hâte de dire mou eojiir n'est pas d'accord avec mes yeux. Et

ne faut-il pas vouloir tout confondre pour aller chercher de tels

exemples? Nous voulons savoir où est la sagesse, la lucidité, le

sérieux on nous parle de fous, «l'endormis, ou d'ivrognes. La

seule conclusion qu'on puisse légitimement tirer de tous ces

faits, c'estque pour connaître la réalité, les sens doivent î!tr«

en bon étal. Nous nous assuronsque cette condition est rempli»

••n changeant la situation des objets que nous regardons, en

modifiant la lumière qui les éclaire, en augmentant ou dimi-

nuant l'intervalle qui nous en sépare, fe précautions prises,nous pouvons juger cm toute sûreté.

1 S»»t.. M..Vit..ii.

C.ii- ,|(\ II. w »,.

Page 224: Les Sceptiques Grecs Brochard

ANTIOtlifUB"1ÏWCAWN. if7

Que dire eutiii tlo m$ rossemlilances dont on imôhiî si grand

bruit, attire deux jumeaux, deux œufs, deux ebeveiu? tics res-

«srahlanees, tout le monde tes recoitttttlt mais pourquoi en

«onelure l'identité dos objets semblables? Vous ne distinguez pas

deux jumeaux î Chezeux, leur mère les distingue fort bien. l'ha-

bitude aidant, vous les distingueriez aussi. On a vu à Déios des

j{ens qui.à la seule

inspection d'un œuf, pouvaient reconnaître

Inpoule Ilui

t'avaitpondu. Et à raisonner ainsi, si toutes choses

dans la réalité sont confondues et indiscernables, ce n'est pas

seulement la connaissance, c'est l'existence oublie de ta vérité qui

devient impossible. La jirdwb.iltlvjjieiiit^disjKU'aft il faut en

revenir avec Arcésilas à la suspension du jugement. Au fond.

Arcésilas était bienplus conséquent avec lui-même (|iie (larnéade.

lit. (l'est le dogmatisme stoïcienqu'Antioclius veut sutisti-

tuur au probabilisme de la nouvelle Académie En mente

temps, il est vrai, il se llatle de rester fidèle aux doctrines de

Pluton et d'Aristote, qu'il ne distingue pas l'une de l'autre.

Si un on juge par l'exposition (lue fait Varron. dans te I" livre

desAcadémie»

<le Cicéron. Antiochus divisait la pltilosopliie.

comme les stoïciens, en troisparties;

mais il attachait fort peu

d'importance à la physique, et il avouait volontiers(lue

tes ques-

tions obscures et difficiles dont elles'occupe donnent trop

de

prise » l'argumentation sceptiquedes académiciens. Les deux

questions principales de la philosophie sont pour lui celle du

critérium de la vérité, et la définition du souverain bien -.Dans l'exposition de Varron» ta nKMfle~oèaîpe~la première

place,la

physiquein seconde; la logique

ne vient qu'entroi-

sième lieu.lie

lit seconde. lit1, lit!

vient ~itt'etitroi-

En morale, Anliochiis admettait ta division de Carnéade'-1;

Cït* /(* t tt, M.ift. t «f*i { Aiifiot'liiis) i|m a|t|if^atKitiir.U'attt:inii:tt>.i-iat

<|ui(lcm. si |)iT|«ima iiiu(.ivis~pl jji'tiiiaijï^siiiuis sloû us.

f< Il, ». !(( -Kt'-nim ih» cssi' hwi" maiiina in |itiilu-o|)tna. JMiliriui» «fi,

"I liiifiit tmiiui iim.^

(>lV«y. ri-tU's'iiis. {i. 1 jfc. (jif.. {'Vu.. V, \i sti.

Page 225: Les Sceptiques Grecs Brochard

•1W UVtlti if. lîltitTTftB Vf.

é.i.ttMtj*.iKh'tffcCatiKfifctiti..it& <j.ft^t-,̂ |h_A fc B _t i^_iï. tAprès <iwi' combattu et exclu foutes les autres solutions, il se

prononçait pour celle des stoïciens. Le souverain bien est de

vivre eufttWro&ntmt a fa nature 1» naturepropre

de l'homme

est la laisou l'homme doit donc se conformer à la raison. Lit

vertu est pour tui le sauverai»bien" Jusqu'ici le Portique et

l'Académie sont d'accord. Voici oit ils st*séparent. Dans l'homme »

les stoïciens no. voient<jue

h raison; Antiuchus tientcompte

de

ta sensibilité et tl»forjjs1-

Sans donle, étant de nature infé-

rieure, lecorps doit Otrt» suhordouiiiî à res|>rît{*; rouis le sou-

verain bien iiuplitjue leplein épanoni^ement du coq» et de

l't'sjmt,la possession des

Ijieiisjjorporels autant (jue des biens

spirituels. Le bonheur* par suite, itujdûjue aussi cette double

condition. La vertu sullit uu bonheur ;« les stoïciens l'ont dit.

<it ils ont raison. Aristote, ou du moins'FlitSophrasto et son école

sont à tort portés àexagérer l'importance des biens extérieurs^1.

Mais si la viepeut être heureuse grâce à la seule vertu, elle

ne t'est parfaitement qu'à la condition que les biens extérieurs se

joigneitl>JB.Vjgrtu c'est ce que les stoïciens ont trop inéconluW.Anttochus. on le voit, rapproche et rénmtTpintôHfu'il necon-

i-ilie, les vues divergentes (les deux écoles: certainement elles

ne sont pas aussi parfaitement d'accord entre elles qu'il lui plaîttic t'allirmor, et (iicéron raison de lui dire

qu'entre l'une et

l'autre il faut choisir Antioehuss'éloignait encore du stoïcisme

en refusant d'iidmeltiel'égalité «le tous tes

péchés |5i, etl'impas-

sibilité absolue du sage Ui.r 0'

Laphysique rf'Anltocfius admet deux

principes, la force et

' l'.k., l'iu., V, fx, a6. t'isoii ci|M*e la ttuctcttw it'Autioclms, K»., V, m, K.

Af., I, », hj, Cf. Fi»., V, un, 37; vit, 'm: nu, ,fjj.

Cir.. K»., V, xi», 3i.

t'.ie., 4i"l,n, 31 -luuna tirtiile es*' pnsilain lip.il:im «itam, nt'c lamcii

hi'iili^itiiam, ni» n<ljiiiij;iT(!nltir et nir|wris, ift cetera, (jiw sitjirn ili>la smit, ad

viiliilis Mstmi kIoiiki.- Cf..1, H, ,1.111, i.'J.'i. Vin., V, lut, 71 «un, K|.IS

Ci. Fin., V, »-, ri. ,lc, [, x. 35.

Oii-. /•Vii.,V, uiï, 7>t.

lr. tt, xtvtl, ili».

t.'ir.. Ac, II. ii.ui. i^î-J.•

<4i-•!<• |I. «i.iv. i.5.

Page 226: Les Sceptiques Grecs Brochard

antiockus imaioN. m..& a. ne·s mamve·. 4~J

lu matière. t|ui tiu jiiHivent exister l'an sans l'autre. t,a réitniwtt

tio«;es deux {iriueips fatum uu eurps, ou

qualité {usotiitis). D«

ces qualités, les «nus, au nombre de cinq, sontsimples

et irré-

ductibles ce sent les éléments; les autres sont composées, ce

sont toutes lespropriétés

«leseorps. Sous ta diversité do tous tes

corps subsiste l'unité de la matièreprimitive» divisible il l'infini,

éterncHa, indestructible, d'oit tout est sorti, oît tout doit rentrer.

Lu réunion de tous ces corps forme l'univers, gotmjnrô par une

intelligence supr&ne parfaite ni éternelle elle Maintient l'ordre

et rburinonie c'est la Proviileneo. On l'a|i|ielli; aussi Dieu, et

parfois lu Nécessité, parce tjue l'encliaînement t|u'efle établit

entre toutes les parties de l'univers est immuable et filial.

Antiocliusexpose

cetto doi-trine comme étant commune à

Platon et à Aristote e'est manifestement une erreur. (Jette

physique ganthéiste est exclusivement ((oïeietme le désaccord

entre Faneimiiie Académie et le stoïcisme est ici encore ittcott-

testable.

Enlogique,

Antiochusexpose

assez exactement ta tltéorie

plalonicietifle_de la connaissance. Toute connaisMinee » pour

pointde

départ les^sens*, niais c'est àk\raisou jpi'il ap|iartieul

dediscerner la

vérité. Les sens sont faibles, imparfaits; ils ne

perçoivent pas les choses qu'ils paraissent ronnailre. On ne voit

pas bien comment Antiochus concitiait cette théorie avec cellu

de la|rt'présenlation compréhensiv^ qu'il admettait avec les stoï-

ciens . Gicérondit d'ailleurs qu'il ne s'est jamais écarté des

traces deClirvsipjie fl).

Tout au moins, il abandonnait (a théorie

des idées de Platon et Oicéron a raisonquand

i! constate ce

désaccord 'SK H est possible, connue le remarque Zeller3', qu'ilait

concilié £Ar.istofe et tes stoïciens est déclarant que la (véritéréside dans tes concepts formés

parla raison h l'aide des dounifis

sensibles.^H reste mTaniiioTns certain

(ju'Aristote attribuait à lu

raison un rôle tout différent de celui que fui laissent les stoï-

Âc, II, mi, l'i.i.

<•' Itàii.

'*>Hp.ril., n.twli.lV Allll.

Page 227: Les Sceptiques Grecs Brochard

mu mm ii.->m\nnm\*i

tiens; ici encore Amodias «*» pu r&tttîf d«K doctrines en

réalité fort différattes. <ju'«i faisant violence à l'une d'elles

flous retrouvons partout le mène éclectisme, sans discernement

et sans profondeur.

IV. Dus deux(«mies de l'œuvre

philosophique d'Antiochus,

c'cst, ainsi qu'il arrive si souvent. tapartie négative ou destruc-

tivequi, de beaucoup, lui fait le plus d'honneur. Son dogma-

tisme ne témoigne d'aucune originalité. 11 se borne àrépéter,

sans les approfondir, les assertions des stoïciens il lui suilit de

(es aHéutterquelquefois, et d'adoucir quelques paradoxes insou-

tenables. S'il invoque la grande autorité de Platon et d'Aristote,

c'est presque toujours à contresens il altère et affaiblit leur

doctrine, pour la mettre d'accord avec cette des stoïciens, et

cet aceortl est lui-même depure apparence.

K» revanche, sacritique de la nouvelle Académie ne

manqueni de finesse ni de force. Du moins ou peut dire

ijueles adver-

saires du poimbilismi1 n'ont jamais trouvé d'autres arguments

»{ue les siens.

Toutefois. la critique d'Antroelius serait bien plus décisive

si, à Carnéade ut ù Pliiloit, il opposait autre chose tpte te doj;-matisnjc seiisualiste des stoïciens; Antiochusa peut-iHre raison;

«rais il ne donnepas

de bouiu's raisons. Très fort dans l'attaque,il devient très faillie

lorsqu'il s'agit de substituer une thèse posi-tive à la thèse sceptique qu'il combat. L'objection des académi-

ciens contrela représentât ion eomprêheMsii-e; si nous ne nous

trompons, subsiste (ont entièru. Que répandre à cet argument de

Carnéade si. comme le soutiennent lessloïciens.fbLfepréwji-

liH^_ço|O{iriljensive coiTespondï(y;at'tenicnt à son objet, deux

«bjots différents doiventprovoquer des représentations spécifi-

quement distinctes. Or, l'expérience prouve qu'il nVnest rien à

chaque instant, desobjetsjli fièrent s provoquent des représ*>ftta-

tions identiques. Celait là lu nœud de la dillictiilé Antiocbus a

»-u auiriôtuTle mérite de le c»iH|ni>ndn.> car il mrtsacraîl des

journées cnlit-res à lu dist;ij.<si«fi cl** <;cpoint. Mais

sesarjjri-

Page 228: Les Sceptiques Grecs Brochard

~Ttf)<:tftiSH'ASt:At< 2St

.·:r. .·.E~ .x,: ~t.HH'ttfs, tels du mains

qu'ilsont éié consorv^s

par (îie^rou,fie

rikulvimt|ifK

la (iitlktttté Ony sent

de i'oiahtirras et de l'indt'

«isitm lit tiuttvetle AciuMiuie rc>s(«* victorieux» c'est a vrai dire

du si'iisualisitii' iju'ullc triomphe. C'est moins sans doute In faute

tl'Anltochtis «jue cette d« h doctrine <|iii lui «U«tt eoinniuau avec

les sloïcit'iis. An'invo(|uer que le

tvinoignage (tas sens, à s'en-

fernjerjJgiisJl^tirJRfiiç, Uçiiolcy et Humel'on! bien prouvi'»

plus tard, il estimpossible île fonder

une solide tlu'orio de la

cwiiludf.

V. Quelles furent, après Philon ot Antiorhus. (es (iestini5es

de la nouvelle Académie? Il semble bien <juc dans l'ardent débat

«jtit s'engagea enlro le inattre et le disciple ce dernier eut l'avan-

tage. La manière dont Créerai' n<»«» (lit Htifont vivo, uende-

wmfattwSnmm «oh <fi^id'( n'indicjue-t-elte pas qu'une fois Phiion

dis|)(iru. l'Académie n'eut plus de défenseur? fi'est d'ailleurs ee

tjil'atteste expressément le môme Cicéron quand il dit que l'Aca-

démie est abandonnée**?, qu'en Grèce m#mc elfe ne trouveplus

departisans

f*

Toutefois, il faut faire ii-i une distinction. L'Académie n'eut

plus de représentants à Athènes c'est que Pbilon qui avait quittéla Grèce att

temps de la guerre de Mitliridatc, n'y retournaplus151.

Elle! en eut à Rome Cicéron d'abord, puis (,'otfa M, pout-étreln

P. et G. Selius et Tetrilius Rogus. Mais il ne fallait pas comptersur les Romains pour donner à des idées jjn;c<|ues un dévelop-

pement original.

La nouvelle Académie eut aussi desadeptes

à Alexandrie, qui

«•tait devenue dès celle époque la capitale plttlosophiquede ta

Grèce. Cicéron mais parle en effet d'Heraclite (!•• Tyr. tlisriple

(l> tic, Ac, H, m,

/If., Il, H, l7.

« /ie.,ll. ir, 11.a.

'« DeN. O..I, ï, 11.

<;ic, Tinc, V, n«m.

'<••«:ir.,DeN.tl, I. vu, iti.

1 Cic. /!.• 11. iï, 11.

Page 229: Les Sceptiques Grecs Brochard

i'H2 UVIHÏ H. RH tMTKK Vi.t~

é» j'btle» m\mène fOKipsqu!A"t{iaehtt8>l',q«i (int buii

justja'auIwtrt en faveur des doctrines de son maître, et combattit AimV

chus avec une douceur obstinée. C'est(>roh;tblcRi<>nt lui mje

twéron l'ait allusion quand il ditque la doctrine tic Phileu,

prope dimixsa, rn'oetttw.

Peut-être faut-il aussi compter |jormi lesdisciples lidèles de

Philon, Eudora d'Alexandrie. Du moins, il nous est donné®

comme académicien. Nous savons de lui qu'il avait écrit un

livre ou if examinait vçf£ktiyionot<Si toutes les questions pliilo-

sojtltifjui's. ci? qui signifie [irobableraent îsi qu'il exposait toutesles opinions à lu façon académique, sans se prononcer, et en

laissant aux lecteurs le soin de conclure. Cependant, nous

voyons qu'ilavait écrit tut commentât!*» <tt sur les

Catégoriesd'Àristole et peut-dtre sur la

Métaphysique® vraisemMeineirt

il it avaitexpliqué le Tintée tle Platon. Tout cela donne à

penser que nous avons affaire à unéclectique. Enfin un pas-

sage qu'Arias Didynius luiemprunta, et

que Slobée7 nous a

conservé» indique, par son allurestoïcienne, qu'il avait fait

plusd'une concession au

Portique. C'est peut-être à lui que pensait.-Enësidème

quand ilreprochait aux académiciens de

n'élre plus

que des stoïciens aux prises avec des stoïciens.

A côté d'Eudore, il faut placer cet AriusDidymus, auquel

StobéV*1 aemprunté tout le vu0

chapitra des titibyeu. Ce phi-

losophe est le miîme""qui fut l'ami intime d'Auguste et de

''Ae.,11, i»,ii. Cf. lud. /far., mm («6 m«.), 4 oà yeut-«lte il est indiqué

comme avant vi'cu soixaiihMtix ans.

» sioK,Set., tr, .'18.<:r. r%r, «.«% vu. sm.i; Zeftcr(l¥,6n) interprète autrementcrt m«t. tfind (Itf, p. ai/) comlial,

avec raison selun nous, «relieinlerpnHation.

Simptic. Sclml. ira Arts)., (il, «, ifi.

!i Viex.Metaph.,XI.1V, *.t.

Plut., De anim. prticr. in Tin., ').

Ed., H. 'i!i. Voy. Thiaupourt, /Je.SW. Ed. mi-nmijni' /ètrii'iits, r. vr. p. 58.l'an», Hachelt*. t»85.

Thiaucourt, idib. 50.

"'» Ce point a «té ronteslc (Hcino. Mrbuch fur <(«.«. t'hilnl., i«fi;i>. nuis à

lurl. (V. Uiels., Daxo».-Gra-c. p. 8ti.) Kit revûndw, il faut cli-.liiif>ncr Ariiisili-

Xiivpr, Atik«« ilnnt pari» Suidas. (Z"ll«'r. «p. rit., (i. liifi. -j,)

Page 230: Les Sceptiques Grecs Brochard

INTtOttHliS D'ISCALOiV 223

Jîdeeiro<», €|«i adressa- uue Consolation it UvieM, et '«mtributi

par son amitié avec Octave à sauver Alesundrio, sa puhi«w,Ze-ller a remarqué avec raison qui? son exposition de la ino- «

raiejidi'tplélicifiino a na« couleur stoïcienne Arhts va môme

jusqu'à employer des expressions utilement stoteieniies par tra-duire les idées momies do Platon et il'Aristote w. Toutefois, cotte

raison ne serait pcut-élm pas décisive pour te ranger parmi les

stoïciens; car tes anciens ne sepiquaient pas toujours d'une

scrupuleuse exactitudehistorique, et Anusa pu, tout en voulant

ne fairequ'une

œuvre d'historien, se servir d'expressions fami-

ftères etplus connues de son temps pour exprimer des idées

plus anciennes. Deplus, s'il est très souvent d accord avec An-

tiochusis|, onpeut aussi citer nombre de points où il est en

contradiction avec lui w.

Ltt question serait difficile à résoudre, si la découverte de

l'Index Lmirenliamis™ n'était venue couper court à tout débat.

Nous voyons en effet que Diogène range expressément Arius

parmi les stoïciens, et leplace entre

Antipater de Tyr êt Cor-

nutus W.

La nouvelle Académie a donc bien fini avec Philon, tout au

plus avec Eudorc. Antiochustriomphe décidément. Il eut d'ail-

leurs un grand nombre de disciples, à Home, Varron et

«>Ktim, r«r. ««{.«», j5.

(i! Unfragmentci»««tu conservéparS«iti|uc, dont,ml Mm-c, li.

"> l'lut., Prmc.ger. teip., «nu, 3. Apoph.,Aii(i., tu, 5. Anton., 8a. Su«..

Octm., 89.(l) Tliiaiicourt,op. cil. p. t)(j.«" Zeilm,p. «>j6( t.W Hireel,op. cit., Il, p. 713, 6gfj; Ut, p. shh. llirzct, quiveut à toute fort*

faire d'Eudore et d'Arius duscaiilinualenrsde Philon, ivniari|ue avec raison

((«'Aiius t«moi|;neenversPliilon d'unegrandeadmiration(Stot)., H, ho) et qu'ilsemble connaître et citer l'talon bien mieux<|ii'Anlioi-lms,qui ne le connaissait

que de seconde main (p. ad»). Mais tous ces arguments tomlienl sembie-l-il, de-

vant le texteformel<iot'/i«fcr Lminmlûmm,dont Ilii-zelne parlepas.Cf. Diols.,liât. Gr., p. 81.

m Val.Ruse,Hmiu'i, 37o.

111 C'est d'ailleurs ce <|iie confirme Sàwque, (tant, «st., VII, mn,a •tradf-

miciel vcleres, et minores, tmtlum iinlûtitein ri'li((iiiTtmt.r:

Page 231: Les Sceptiques Grecs Brochard

2U LIVRE If. -CttAHTRK \st.

Lijfttftus, Bi'Hius^'1: jVAtexutttffio. swt frèiv Arishis Wl, Ariston

et Dion' finalement Arius Didymus. bien d'autres encore dont

nous n'avons plus à nous occuper. puisqu'ils n'appartiennent

plus à la nouvelle Académie.

Ainsi, le stoïcisme s'établit définitivement sur t<ls mines de

l'Aradémie. Il est vraiqui»

c'est à la suite d'uncompromis, signé

par Antiochus, qui réconcilie Zénun et Plut»», la- pis a été

coud iu> aux dépens di' Philon. et l'Académie a acheté son unité

en rejetant hors de son sein cettetrs&tioa.J4goib"te

etsceptique

qu'elle avait si longtemps essayé de concilier avec les exigences

de la morale et de lu vie pratique. Cette tradition était pourtant

authentiquement platonicienne; et c'est une questionde savoir

si l'Académie aplus. gagné que perdu en se dépouillant d'un

élément, embarrassant il est vrai, maisqui avait sa valeur et sa

dignité et en tous cas tenait étroitement à ce qu'il y avait de

meilleur dans teplatonisme

et i'aristotétisitie. Au point de vue

moral, sans aucun doute, Platon et Aristote sont plus près de

ifénon <juede Carnéade et de Philon.

( Encoreeussent-ifs sou-

scrit aux paradoxes stoïciens ?) C'est ce qui explique et justifie

en un sens la victoire d'Antiocttus. Mais jamais Platon et

Aristote n'eussent admis le sensualisnie_éiroit des stoïciens c'est

à condition de faire silence sur ce point, cependant capital,

d'oublier (juelques-u nés de leurs croyances tes plus chères, qu'on

apu les réconcilier avec les disciples de Zenon. C'est en sacri-

fiant l'idéalisme au sensualisme et à une sorte de matérialisme,

([tt'Aiitiodius a fait triompherla

m»rale__8toïcienne.Il est vrai

que les éclectiques, quiadoucissaient tout, ont pu adoucir la

rigueur stoicienne, en imime temps qu'ils tempéraient jusqu'à

lesupprimer

l'idéalisme platonicien. C'estpar

des concessions

réciproques que se font les compromis. Mais ce n'est pas pardes

compromis que se fait laphilosophie.

Si donc il faut jujjer l'cntrepriso d'Antioehns, on se trouve

Ijc. llrnt., les», 3.ta. Ac, m. i->. Fin.. V. ut. 8. Tme., V. nu, a».

('je., Ac, II, iv, 1 a; I. m, i'. etc.

(l Me, A(., II. IV, la.

Page 232: Les Sceptiques Grecs Brochard

ANTIOGlfDSWkiMMM. 225

dans un vmitnhle emhniTnx ici imefirô, connue disaient volon-

tiers tes académiciens, it y a tlu|Hmr et du contre, il «si vrai

tftie cettelongue série de philosophes, réunis; par Anlioclitis sous

l« titrerefipwliî

de l'Académieetijui

vit de Socrate, Platon et

Aristote, ii Zenon et ù(llirysippe, embrassant toutes lt»s glotïes

du laphilosophie ancienne, fuit assez honni! fi/jure. 0» fie

peut

A'iu|i«!cliet jtotHianl depenser qu'entre des noms si divers, t'en-

t«'!ïte n'estqu'apparente, et comme de

parade; epetous ces

philosophes,réunis à leur

corps-déToudanl, ecsKcraîvnt aussitôt

d*(?tr« ti'accord, s'ils cointn«»t-aicnl ss'exjilitjtier. et

(jim celui

tjtit a stgiw te \tmtf d'afliauve «'ii leur nomn'avait peut-être pas

<|ti«lité pour les repit-senter. Peut-iilro aussi est-il permis d'avoir

«n regard dosympathie pour ces

proscrits, que la défaite de

l'idéalisme a dûlinîtivement exclus du chœur despliilosoplrcs, et

tjui porteront devant l'histoire hpeine d'avoir

trop courageuse-

ment contbattii le sensualisme. Dans tous les cas, ce n'est pasdans cette m*>têV

depTiilosophes qu'on trouve le véritable et pur

esprit"' de l'ancienne Académie it nereparaîtra vraiment que

quand renaîtra Inmétaphysique, dans l'écofe d'Alexandrie.

''• Saint Aii|;iistiit ne s'y i>sl (i«s homjié. S'il a cii tort, ramniu uo«s Pimni*iniinti-é,do |ir'lur aux nouveauxaail<;mieicnsîle scci^lMJojimos[ilalonu-iiiiis,il »(«en vu du moins (|u"ils êl.-itTit à liien des i!(;iu-tls, plus [ir?.-ï (hi n'iitalili:

espril

[•latonicioii ((lie leurs liïaiw sloîcii'ii». Aiiliochus est ù ses yc<n ihic sur!» «le tralln1.

c|iii n livii: In place » IVimomi. Cmitr. ucmlemi, [Il, uni, 'n -f A' lim-litis) in

\f.itlpiniiim vclciciii, (jtiastvaiuam di'fminiriluis>( (|ira>inullii lu«U»smuram,vi'lol ailjiKin' i-l rivis

ii-rcpseral. iiiv-ti» i|itiit iiil'crfiis mali •!(>-luirui him rini>riliii<i

((Uiitl l'Ialnni» iiiilii tiiilaci'l.

Page 233: Les Sceptiques Grecs Brochard
Page 234: Les Sceptiques Grecs Brochard

i5.

i.Vlii: fil.

t.~ Sf:)-:t'T<~8MH <MALt':(!TtQtJH

CHAPITRE PREMIER.

1,'KCOI.B SCEt'TIQliF..

Itam de plus obscur que l'histoire du scepticisme àpartir du

moment où fa nouvelle Académie avant eusse d'exister, *m vit

rurtuitrn ttnr.: lrluï lrrit 1 1 r1e

1. f,'est irenatltc une <;colcqui prit fe nom de

pyrrhoBieune. C'est à

peine si, pour une période d'environ deux cents uns, nous pou-vons savoir quelles furent les doctrines (les plus illustres

scep-

tiques. Le scepticisme est comme un fleuve(lui s'enfonce sous

la tenupour ne revenir à la lumière

que fort loin de IWIroit

nu il u disparu.

Nous avons bien une liste dephilosophes sceptiques, mais

elle est trop courte pur le long espace dotemps iju'elle doit

remplir. H faut qu'il y ail une lacune d;tns la succession des

philosophes sceptiques. Où est cette lacune 1 C'est un premier

problème qu'il faut essayer (le résoudre.

Kn notre, on admet généralement qu'à partir du montent oh

te pyrrhonisme réparait sous soupropre nom, l'école sceptique

forme un idiiI, ou il n'y Il lien d'introduire aucune subdivision.

Le nouveau scepticisme, pour laplupart

des historiens, comprendsans distinction tous tes philosophes qui

se succédèrent depuisPlolémée jusqu'à Sextus

Kntpirktts. On croit que leur doctrine

s'est développée régulièrement, sans modification notable en

particulier, on tient pour acquis que l'tmton duscepticisme

avof la médecineempirique, incontestable depuis Méiiodote jus-

Page 235: Les Sceptiques Grecs Brochard

ma mviuï i rt – cit vpirm-: i.

t. i_u. n 1 1 ~t~ 1

<|«*à Seïtus.- a l'ammniLvf>emiettnp plus {ùf, ei cjKt» ta

plupart«ii's

sceptiques,sinon tous, «ml été en mène

tempsdes méde-

cins.

.\ous essaierons nu contraired'établir <|u'it y

a lieu de dis-

liujjuer deux périodes. «|uïse succèdent sans doute sans in.

leri'uptioudans le

temps,«mis diffèrent

parte earadèn> des

doctrines. U;t»s !a proiiiièn. tusci<|i(ici.siHcest surtout (tiutec-

tiijae.Dans la sewmfe, it devient

«»iij|*tr»|m*yfnit altîami1 avec

ta s«toinédieatu:t|ui.[H>rfe je ini'Ute ..nom, et sans rien atxtn-

donuer des aryumonts précédemment invoqués, en ajouk1 de

nouveaux, et tes nnirne d'un tout autreesprit.

M'est l'e.vamt'H i.«l

la tuiiiji.iiaison tics d<»ctn*nesqui Justifiera cette distinction.

Dans le présent chapitre, en passant en revue la suite des piitio-

so|iltos scc|ilii|ues. nous monli'orons (jn'il n'y a iti.st(>ri(piente(tl

aucune raison sérieuse *Ie considérer tesphilosophes seeptitptes

de notrepremière période

commeavant

été des médecins, oh

comme avant aucune affinité avecl'empirisme.

I. lu texte (le Diogène' fortimportant au point de vue qui

imtis occupe renferme la liste «les philosophes sceptiques,t Timon, à ce

ijue dit Méiiodole, n'eut pas (le successeur. Sa

seeti' finit avec lui,pour

être relevée ensuitepar

Ptolémée «le

(Àwiie. Mais Hippubotus t't Sotion disent tpt'il eut pour disciplesl)ioscoride tle

Chypre, Nicoloclius d(« Khod<;s, Knpiirannr de

Sélemie, et IVaylus de Troade. Eupliranor eut pour disciple

Kiifutlus «l'Alexandrie et Eubttltts fut te maître de IHnlémée

Sarpédonet Héractide écoutèrent Ptolémée. AHéracKde succéda

,'Knésidènie de Gnosse: à /Enésidème, Zcuxippe de Polis; à

Zeuxippe, Zi-uxissurnommé le Bancal; a Zeii.vis. Antiochus de

Laodicéc stirle Lycus: à Antiochus. Ménodolede Niroraédic, mé-

decin empirique d îhéodas de Laodict'-e. A Jlénodote succéda

Hérodote de Tarse, tils d'Aricé: à Hérodote, Sextus Empiririrs.auteur «le iliv livns sur le scepticisme, el d'antres ouvrages

; IX. trli.

Page 236: Les Sceptiques Grecs Brochard

I.'KCULK SGKPTKHI& 22»

«wuReirts;à Si'vhis sum'ila îïaiiii'iiiniis Cyflii&ms, empirique

comme ha.» P-

Un calcul 1res sintplt} prouve que«rtto liste est incomplète,

tiuijn'îl s'est trouvé une péfiotfe pendant laquelle l'école scep-

tiquea cessé d'«îlre

représentée.En effet. Timon, un l'a vu.

paraît avoir vécujusqu'en :»3f> av. i.~C. Ott fixe à

peu prèsunanimement lu date du

l'apparition de Status lîmpiricus à fan

180ap.

J.-C. Entée ces deux[toiitls extrêmes, il s'est éiibitlé'

'ita ans; et poitr raiiplir cet intervalle, nous avons douze

noms encore faut-ilrcman^tter '[ue (ilusietiis plalosoplios,

Siirpdott et Héraclide. Uénodoie et Theodas. ont r«i;u les

leçons d'un iiidmo maitn*, ce<[ui exclut ridée tle Jouïo (|('néra-

fions successives. Y eut- il douze chefs de l'écolescepfi<|ite,

il

faudrait assigner u chacun imedtirc'o de [»rès de(lenle-cinij ans,

cetjni est sans exemple,

et inadmissible.

Ou n'a pisde raison de croire <[uo J)io|;èna oit les auteurs

tlont il s'inspire aient omis aucun nom. Au coiilraire, deux lestes

|»r«kis nous disent qu'il ya eu «no lacune dans

l'ensiM{{uemeiit

sceptique celui de Dioyène, cju'on vient de lire, et un autre

non moins formel d'Aristoclès'tj!.

Heste à savoir où est t'ettc lacune.

On admet généralement qu'elle s'est produite soit aprèsTimon, soit après Eiibulus. La première opinion a

pourelle

l'assertion fonwlliï de Mèiodolc, qui, étant un des représen-tants les

plus illustres de l'écolesceptique, devait an bien com-

iiiiîlrc riiisluire. La seconde se fonde sur un calcul encore fort

simple. /Knésidèrne a vécu, suivant laplupart dt-s Itistortens. au

commeneciuenl de notre ère, ou an plus tôt, suivant une opi-nion défendue avec

beaucoup d'ardeur par Haas iJi, vers l'an 60

av. i.-C. En prenant pour point de départ cette date extrême.

AilEiiscIi., /V«?ji.ci\,XIV, svih. -iiy. Mnîsvùi iiualpnÇénot viiû», ws si

ftiMÎé êjivotno maipivctp, tyftit x«

-apvwèv

KMhvSfâf îiï xh' Xtymîav

\hnmh\uii ris iiii>'jJT,-jpch'iî(i£it»tùk Htav loituv.;)

l)t jilulvyijih. *rt)itK. miceuiviiibia t)iv. iii.iii' 11, i.'i. Wiiiiitiuiii j; Sltt

l.i-, 187a.

Page 237: Les Sceptiques Grecs Brochard

ûU UVRK HK – r.HAI'lïRR I.

t'-6' 'J s 1 ~i · ea l'

on voit quw PtoMmee h*«s{séparé

d'.Km'sidènieque par Sarpé-

tltltt et Héraelide. tpii furent tous tlt,'t14 ses(lisril)lt,5.

On vit aussi

loin que possible en admettant avec Haas qu'il vécut vers i iio-

t -jo av. J.-C. Mais d'autre pari; Ëububis n'est séparé de Tiinolt

que par deux générations il ni1 peut guère «voir dépassé l'un » 3f»

av. J.-(J. H est ilnncimpossible que Pttitémee ait été, comme le

dit Dtogùuc. disciple iI'KuIkiIus. [k'imuquuns d'ailleurs qae

Dtogène parleen son nor», cl cesse, eu noimnai)t le disciple

tl'fêubulns, d'invoquer les tênoiçnages de Métiodole on de

Sotioiu Hy

a donc eu, avant Plolémée, une éclipse de l'école

sceptique.

Ce calcul, en cequ'il

1 d'essentiel, n'est contestépar per-

sonne.Cependant,

Haas s'est ici séparé dit Popinion commune

des bistoriens, H yà bien une lacune suivant ttti; mais elle

s'estproduite après .Knésidème. Quant à la période qui nous

uevupe, il estime «pie le scepticismen'a

pus disparu, mats qu'il

it eessrs seulement deporter

un nom distinct, etqu'il

s'est con-

fondu avec la nouvelle Académie. Hienque Timon ait en des

mots durs pour Areesitas" il aurait Hni par s'entendre avec lui.

et Arcésilas serait son véritable continuateur. L«ssceptiques

auraient fraternisé avec les nouveaux académiciens et fait cause

commune avec eut contre les stoïciens. Ce n'estque plus tard,

quandCarnéade introduisit dans la doctrine des modifications

(jui en altéraient lapureté, que Plolémée de

Cyrène aurait dé-

noncé l'alliance, et recommencé à faire bande àpart.

Cette interprétation, ingénieuse jusqu'à la subtilité, ne nous

satisfaitpas. Que ce soit

(tourune raison ou

purune autre, il

demeure acquis que l'école sceptiquea cessé pendant un temps

d'avoir une existence.1 distincte. Il faut appeler les choses par

leur nom et celas'appelle une éclipse. Nous aurons d'ailleurs

l'occasion d'examiner tesrapports

dupyrrhonisme

et de la nou-

velle Académie, et de voir si a aucune époque, ils ont été aussi

étroits quele croit Haas. Enfin un des maîtres de la secte nous

ï!llt'lj* W y I I 't. I |5.

Page 238: Les Sceptiques Grecs Brochard

i;ÉCOiB SCBPTfQUE. 23t4 _e.. iii!

.Y -1;'1"

dit u» propres termesqu'il y u

eu interruption W. Nous nous eu

tenons à ce témoignage formel.

II. C'est seulementà partir du Piolémée que lus

philosophes

sceptiques se succèdent sansinterruption. Dans ce long espace

de tetnjis. nous croyons qu'il faut distinguer deux [tériados

l'une, eomprenunt tessceptiques depuis l'taltfmde

jusqu'à 3M«o-

ilote; i'auti-e, sondant de Méuodoto à Saturniuus, Etumiuon1i,en réservant /Enéstdème, qui sera l'objet d'une étude particu-lière, ce

que nous savons des|t(tiloso|)hes de la première de

ces périodes, et reelierchons enparticulier s'il y ti de bonnes

raisons de croire, comme on le (lit souvent, qu'ils aient iM des

mwk'iins. Mais auparavant, il conviendra de dire quelques mots

desprétendus successeurs dé Timon, d'après Hippobotus et

Sotiou.

Nous ne savons rien de Diosearide de Chypre, de Nicotoctiiis

de Rhodes, tl'Kuplinmor de Séleucie. De Praylus, Diogène nousdit seulement qu'il inoatra une telle

énergie que, quoique inno-cent, il se laissa mettre eu croix par ses

concitoyens sans dai-

[jner leur attresser une parote, Ëukulus est aussi tout à fait

inconnu.

Il en est «le imiiuc du rénovateur duscepticisme, lHolémée

de(Jyrène la date de sa vie, ne

peut,on l'a vu ci-dessus, être

fixée qu'indirectement, dans sonrapport à Celle dVEiiésideme,

qui soulève elle-même de graves dilHcultés.

Des deuxdisciples de Plolémée. l'un, Sarpédoti, est tout à

fait inconnu. Sur le second, Uéraclide, on croit avoirquelques

renseignements qu'il importe d'examiner de près. On connaît

plusieurs Uéraclide qui furent médecins l'un d'eux n'est-il

pas en milinctemps

lephilosophe sceptique dont /Eitésidème

reçut les leçons? t

'•'•l/inloqjivlalion t[iie duiuiv Haas ([». 1 1) «lu mol d« M.'iKhloto Siéhsev «

\yuy4 Si'iiilili;iiiailini<si(»tc.Niilti-[isrton ne viiil<jui>les sc.|>li(|tifsoussoiit(m,-iiraiiicVe |iarlirttli>V !<• «ivre (rite mliW» d imtilula). Cf. Zdler, Dit MtiU. ,kr

lîriedm, vol. IV, jj. 'is;i, 3.

Page 239: Les Sceptiques Grecs Brochard

232 MYHB IIL-CUAPITAB L

.t"

.rs.swr aanm ctlfal'LFI.fG i..

Galtei» itousprie d'abord «l'un H&actttfe qui fin cumnieitta-

Itmrd'Hrjipoerati''11, médeein empirique <K et «uteur d'un oit-

mMji» tntftufè fï^pï ffci(initpm>haips<rsms<3K En outre, il »ite

«plusieurs reprises Héraelide de Tarait?, eoimueukiluur d'Hip-

pocrate'1; disciple deIVrojifjiiéen Maiitias*, mais

<|iâ plustard se rallia à fa secte

empirique. Évidemment ces deux Iléro-

flide n'en fontqu'un.

Ilen a un autre appeté, Par Catien et Sirabon'i!, lit(raclid«

li'Ërylbrée, dont on nous ilii.|«'H fut

«lisciple de Oiryscnne^'»

'•t liéropliiléen il avait commenté, non plus, comme le précé-dent, toutes les œuvres

d'Hippoeralu. mais seulement lesÉpidé-

mies (s

L'un de ces deux Héroclide est-il Héraclido lesceptique?

On est liien tante du iïm que k>sceptique et

l'eiiipiritjtie de

Tarante sont le ine"mepersoimajje «piand o»

soit^e aux liens

étroitsqui ont uni le scepticisme et l'empirisme. C'est le parti

tjti'a pris Haas '•»' sans hésiter. Mais c'estune question de savoir

si ces liens existaient déjà àl'époque dont nous parlons. D'ailleurs

lachronologie oppose un obstacle insurmontable. Les historiens

<l« la médecine assignent il fléraclide de Tarcnte rne date bien

1lu ,/<• mot. i.£k., 1, vol. XVIII, 6, j.. 03i.

li.lil. Kiilm. l.ip«œ. iS33.

h Itiyp. tle hmn. protim., vol. XVI, p. t.

!8; thllur.mih., If, 7. vol. X, |>. i'i:i. h Itipp.aptior., VII, 70.ro!. XVIII, «,

|i. »»;S'iii^ Eitf., p. 6t>. 10.

-1' tklib. piv/iF., i|, vol. XIX. p. SS.

"* /« llijip.ih hum *4, vol. XVi, j>. 136.tM mmp. rnetl. sec. foc., VI. ij. vul..VII p. y8g K«poi* ir iv ,i«i toiij oï-

à«om JIijpii'i xai ClpaxAc% tw Tipamip» Br/sw1?» Çipptx* yiffaffim. Boii

fitt tw'm»ivjnépw

àflptxtsiint «i » SiSAfxalu* «îîtov 5f«n«if. Aààï Mwti'h

(iît>, i'« e{ àpx>'« iT» H|so?ttîio* oi'tu «ai Aé^mev i^isi «in-toi, 6f|psx)cU»<

«i Tiic Tin ijaupM&v iitpûv iyjyynv ieixpivev, in fit iptaîof xi te Om ifK

:i-/vvt ?eyoviss xii -aÀshluv Çtpjiix^v ïpxitpot."'

Gw/rt- V1V, p. li'iii.

•rGalo»., De diff. puli., IV, 10, vol. VIII. p.. ?43. /« i% <j;«t, x.

«il. XVII, .1, p. lioK (nu il r«n( lire sans Junte iipixhiètn au lipu t|». f|p»>sKiv).Ir* Mat., vol. I, j>. 3o5.

''fn Ilip/j. fpûl., i. ïirl. XVII, 11, |>. -Jtf'ii.

'"Op. cit., p. 07. l'Iiitippsuii, De A'AiW. ftiru s. aii/j;iuc (UimIih, 1870) fait

.Ki>sitl lli-inrliile uni-oiidniiprimin An Zenon f'i-pktn icii.

Page 240: Les Sceptiques Grecs Brochard

f/ÉGOLESCEPTIQUE. 333d Ji t1 V >l'l É fil

mitdrtKure il aurait n'eu de «&o A ssû, suivant fhnvitilMjrg0*.

et S|»rettf*el''i' |ilaœ vers 378 la dutode Stuutias, qui fat .ewtei-

noDH'ut le mutin; (i'HeYtteltde. Kit udtiiuttaul que cette date soit

trop éloijjitée, |HÛ!H|U<»Ctelius Ain*«lîtt»usiaî a|i{itiH(! tlûruclittt»

(Wmw(wtt^tiwai») pwttrior «(que omnium jwobubUioi', toujours

est-il que d'aptes «a uutr«s teste de C«l»«'li, il a dft précMer

d'un temps a|>préetabie l'époijuc tï*Aselé|iia«tc ijut vécut vers

100-80 av. J.-C. if n'a donc pu iHro le mettre d'/Knésidèiue,

m^iue si on admet que ce |>liiioso|ihea vécu vers 60 av. i.-C

Comme le fait observer Zt'Uer;if, ce «"est qu'en torlurant le leste

«jueMans a

|»iir.ieeomriwder il sa thèse ^'K

Si notre sc«|>ti<|ue n'est pas ll&aeiide de ïarentu» peut-il

titre Héraclided'Ërylhrtfe? Zelter, sans se proiiuiiccr, incline vers

cetteojiiniun

it ne voitpas

du moins d'obstacle daits (es dates.

Il nous semble pourtant «ju'il y eti a un, et tout à fait infran-

chissable.

<" WwfoiVe tk* «cteiiM» «u'ificofes, cli. nu, p. 167 (Paris, i.-ti. Baillwte,

1870,).!*> Vermch riim iingiiuidschea Cmc/iiV/iW ikr Arumkmuh, ettnmolvgmlw t't-

bertichf (Halle, Gcliralicr, r8oo.)

|J' De morb. ucut. 1, 17."' De Sleilic, piwi».. v, 3. Ettit. l)an.'nrl»;r(;. ll.i(isi.i;, Teubm-r. iH5g.)

"KjMs aiilviu, qiuc «ihi niurli»* curni, lom;« chrissimi unilurcs cliam allins ijua!-

tfarn a;;ihiix'caii3ti,rct'Ui»()iioi|iiunaliinc silii co|;nili»iii;iit vimliraviniiuf, laiii|ii.nu

sine m Irunc» et «Icliil» mciKcina t"ssc». l'osl quos, Sen|Mou |irimu<ointtiinu niliit

liane latioiuiloni tlisci(iliu;iiii |)Ci'lincre ail miilkinani [irofossus, in iisu laiilnm et

fX|»Tiuii'iilis c»m |H*«il. Qiiuiii Ijiiillciiiinset «ilaiwÊis et niiijiuiilu j»^l HvraclWcs

'farentinus et ali(|ui non mwliacres virt seeuli, el ifisi profrssiuita se enijiWïos

;i|ipellav«rant. Sic in duas (rartes c'a quoipre, «[lia; victu dirai, medifiiia dhisacst,

alïis rutiuiiak'iu 3rtau,atiis «sun» l-inlum «tbi vîntlîiaiilibiis, iiiilto Ter* qtiicqiiam

;w»( <<«, f m' iu//ra mi«p'/ip»« mini, a|plaut» iiisi i|uwt a«c|«îfal, 1I01WC 1sck'pia«t<?s

Hiulciuli rationom et ninj;n;i (Kirlc iniilavit.-

'>O/t. rit., I. V. (i. 3, 1.

"' It entend «|iœ le» mois pmt eus qui «Mj/m cumprcliemi «mil désignent, non

(«s les mwlortiis 1(11*011 vïont de ttaiiiniiT, niais en {ïén«ral les ctaritsiuu ««eloirt

antérieure à Si-r»|iion. De «elte manii-iv, eiiliv livnididi' et Asflt'|iiadc il pourrait

mu pas y avoir d'iulcnalle »p|>rà:ial>k IJ'ailleiw m» passifde «Jalieu doit lever

tous les dimk'S, Iteeimji. umtie. «v. d«., Vt, 1}. vol. Xl(, |». i)$i\, riti:ckf<ss«s»

p. •»:!•.l.'f\|irf.sioii

m'A xoixmr itanèpaù il(mx>.cihs K«i « iiiwxt'oi a»tuà

Mai>M3« a|irùs mur i-Miiiiiératioii uii esl toiH|iris Astlépiadcsemble tlétisivi-.

Page 241: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVRE fil. – CHAPITRE l

ïïest bien- vrai

que Strabon m dit twraoHcumttt i|«'Bûràcfi.lo

tTtërytlirée, l'hérophiMen, fut soncontemporain. Mais d'outré

part k-s historiens de ta médecineassignent ù Héraeltde

d'Ery-thrée une date beaucoup plus ancienne

Sprengellii le fait vivre

vers «o4 uv. J.-C, etDaremberg « voit en lui un

contempo-rain d'Héraclide de Tarente. tëiilro ces deux dates, la fin dum* siècle av. J.-C. et la fin du i", l'écart est considérable. II

faut, on que tes historiens de ta médecine se suient gravement

trompés, ouque, suivant l'hypothèse de Daremberg<*>, il v ait

eu deux HiVacfide, également lu-ronliiiitens, et tous deux d'Erv- u(brée.

3

Quofs arguments les historiens de la œédwîneapportent-ils ?1

«

Daremk'ig invoque le passage où Galien's) tes cite ensemble i

eetle raison n'ust pas décisive, la ressenihlanci; des noms sulli^ «

sant àexpliquer ce

rapprochement. Mais ailleurs tô, Gaficn citeHéradtde

d'Ërythréu |iariiti ceux qui ottt lespnmkm commenté

Hippocrafe. Il suit d'ordinaire très exactement l'ordredes temps

or Héradtded'Erythrée est placé entre Zeuxis de înrente, très

ancieu, comme nous le démontreronsplus loin, et Baccheius et “

Glandas,qui

le sont encore davantage. Enfin, chose décisive. '(Héraclide (l'Kryllirée nous est donné comiue le disciple d«:

Uiryserme!" nous avonspeu

derenseignoinenlK sur ce méde- l<

f-iij, mais «n s'accorde à le placer au af siècle1" av. i.-C. J

II ne reste doncplus iju'à se rallier à

l'hypothèse de Daremhergsi invraisemhlable

((u'elle paraisse d'abord. Ily

a eu deux Héra-

tfwf»- KW. p. lîiâ : tx -rits mtSt ooieas {ÊjuiSpa) xti xiff ij(*« ftp»-xMStif HpoÇasiof àrpit m<rfo>ja'^t knoX'/mmov toi SM«.

WOp. cit., Qirimnlog. t.'el/enieht. Cf. p. ',$

Op. cit., p. i(i-,

IU.

|s:In -piit., vol.

XVII, a (>.lioJ* T« i? flpix/s/w f sr. Ùptxui-

îo») t>,i Ttpitnivov ts jtii ToyÈpiSpthu yeypiiiptint imStibu,

i("; In «;,W., t. v,,t, XVH, «, ,i. 7y.( Tw «pûnw g»}«rificMw ù

fr&lup, h ois xii 'iS&i ialip â Tipinivos mi ô fipuîpjfos tipixwins nxi vpù«iiâf Wmr/imai ri xii Vr.itatiis.

«!; Ih,iïff. ,,“ IV.10, vol. VIII. p.7'a.•:tn av. J.-C. siiivanl Sfiroiii'ct i I. c. ); >“» suivant DitivmWrjj ( I. <.t.

Page 242: Les Sceptiques Grecs Brochard

fc'ÈCOLK SCEPTIQUE. S3»

PKiyrtiniif, yreubiUenit l»m deux, «I si l'un d'en* « étéclide d'Br|tfmîe, yrephifêch»

tous deux, «I si l'un d'en* « été

te maîtïe tl'/Knésidème c*ort le contemporain«laStraboit.

Cette qualité d'héraplùléenH*est pas

(tu obstacle, comme le

dit folles- Si laplupart

des sceptiques sont empiriques.Us ne J

le sont pas tous, témoin Sextus Empirieusw, qui fut neut-ôtre«

twStliotlHjue, al Hérodote. Sjn-cugel (J! remarque d'ailleurs que

beaucoup (fhérophîtfoftsavaient adopté tes principes empi-

riques®. ~'t

Si orpouvait

établir avec eertifutle que le «lattre tl'/Kiiési-

tlèine a été Héraclitle d'Erythrée, contoinporain<l«Strabon un

arj»mne!»i ddirîsif serait acquis pourrésoudre lo problenw

si tltf-

fieilc de lu date d';Ë»6sidème. Mais, oh vient è; k voit', ta cer-

titude fait entièrement défaut. Rien ne prouve quete maître

«P/Enusîtlkne ait été un médw-in, et il n'y a pe«t4lreici qu'w»«

homonymie fortuite. Le nom d'ItéVaelide était fort commun chez

les Grecs. Pauly w en cite jusqu'àneuf qui ont obtenu quelque

célébrité. L'uniqueraison

qui provoqueces rapprochements,

c'est que beaucoup de sceptiquesont été en même temps méde-

cins mais ce n'est qu'à partirdo Ménodole qu'on

est en droit

de considérer le mariage, entre- te si-npiicisme et flaaiàiàsmc

comme consommé. l>ons rémunération qu'ilnous a bissée,

Diogène, cïToommantMénodote, ajoute (jtt'il

était empirique

que signifierai! cette mention, si ses prédét-esseursl'avaient été

aussi? Il est plus plausibled'admettre qu'il fut

te premier.C'est

pent-étre une illusion historique de transporteraux premiers

cequi

ne nous est affirmé quedes derniers. /Knésûtème ne

bobs est présenténulle part

comme un médecin pourquoison

"I Voy.ri-dessous, p. a'Jtî, t.

O/<. ci* |>. ^<)5.M 11csl *rai <|uècelle roniar<|m-ne paroi*fftèm pnnvoirs'appliqua

à Ilôra-

tliile il'Érïlfiràv (Galwii, Ai* «icrf., vnl. t. p. 3oâ.) Ajoutons qu'en a|mm.mt

ci!tt.> opiniur», Spiviiccl s'appHW sur t'cniiiiplu *> Z.'t«i«.l» *»» liémpbitûi-ti <-l

•'itipim|iie;>'l cVsl un puiul

oit (•ert.iiiicineril it so Irnwpc. Voy. n-tlwswfc

p. rsSfî-'»

llvalliiuyrl.fMtu: itcr tamsdu-u .Uurlhttms>vmfimhajl. Stuttgart. Mrtïlw.

,M1,5.

Page 243: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVHË M.- – (îftAlMTRE I.

tuatfftj IWaiMI éM? Ou petit fave sceptique sun» ère méde-

cin, et médecin, inOiiieempirique, sans ùtie

sceptique.Ni liisto*

riquenieiit, nilogiquement, le scepticisme ne dérive de l'ernpi-

tisiuc et l'e(iij»irisrae ne dérive pas non plus tltr scepticisme'11.Les deux doctriues ont du se développer |MH'nttèteuic»t ce

n'estque su»' le tard qu'eues

se sont aperçues de leurs atliiiités,

et se sont unies. Nous montreronsMtbiHMjEie, [lourdes

raisons

de pure doctrine, le seeptieîsine dVEiiésùièmo doit être disiin-

gué de celui des médecins. Aussi, conclurions-nous volontiers

tju'Hikaclide lesceptique

«l'est ni lie Tnronte, «i if Erythrée..C'est un

persoitnayudont on »ie sail

quele iiot» à la Manière

de Sarpédon et elcZeu.iîp»e et tous nos i-lforls pour le tirer de

sou obscurité sont parfaitement vnins.

/Eitésidème succéda ù Hécaelide. Nous reviendrons phrs loirrstir <•<;philosophe, (e plus grand nom peul-etre de l'école seep-

lique.

Il eut pour successeur Zeitxi|>pe de Polis("J>,dont nous ne

savons rien, et qui fut lui-mêmeremplacé par Zeuxis. Diojjène*

nous apprend que ce philosophe avait ioiiihi /Knésidètne et com-

posé^iin livre: Hepï Strtwp )£yav. Ce titre donne îi peuser que,comme bien d'autres sceptiques, il exposait le

pouret le contre

sur divers sujets, de manière Il conclure il ïisostlimie, c'est-à-dire

h l'égale valeur des thèses contradictoires, et par suiteà Titupos-

stbilité de rien aflirnicr.

Au sujet de Zeuxis, une question sepose, analogue a celle

que ntms avons rencontrée ilpropos dïféraclide. On connaît

i"Haïti*, après;iï«i<'tttclaiv <|ucI» itodriire<ti'Sruiiilccitijio<'tlui<tii[in.isa pius

'l'iiilinitit svi-i: lu so-ptici^me (|ire la in.;iii'.iin' <iiifjirii|in', ujimlu que rufti! .illiiiité

ni':me n'a rien d'atisulu, i( (|n'un potil la fuii-l.iter s.iil.'iifiit par la conipinaiwiiil«s lli«ori»'s: cimjih si-iulilt- liien miiUiir dire ([lù-lli's se suiil (>r tuluilvs i.-<iléiwiil,

i'ii pleine itiilOpflnil.uio', i-l que le i'»p[irutlioiiiviit n<*p>'iit avoir lion i|ii'apr«'s coup.(/ I .((: xai ù$ tspôt gy) xptatv èxsxvyy o*j^ iv).v{ ^iïtïoc sk Toiîraii' x*i tvv

3T~ï]f/jt<?<&tt' y<~ûM sextc,syry3rore.p" (.'olii-t ikrit ZtiSiszoi ù o'/Aira; an lieu <!>« H»/ mu, lais.int ainsi île &'ii-

tippe n» conrftoii'ii if .'Ktlcsiilêliie. On fait nli?iiin;r ipie. |w«i' «pu; ciifli- l«iitii dît

f'-ftilmie, il fmitliiiil i|u'on pût In <• i tio'/mn ntoi.J;

l\. i..fi.

Page 244: Les Sceptiques Grecs Brochard

1:1~t:lHÆ SI.:tW'Hf)lat ~7

ii< {«lis tlnm im'ilnr-iuu l'un oiniiii'iiiMf Ur ni rmii-

««1*1*1*1*14 r»**t«§ uv^

ifi'Hs Zeims. toiis tlnitv uiéttceiiiK l'un emjttriqnfl nK et eom-

nM'iiUiliîtir trUij^XM'ialf' (Vest proljubieruenl le ntihiio qui est

a|»j»i'li4 Z«Hixis deTarenle)'* l'antre, Zeuxis de kamiteée, béro-

pfiileVn,et fondateur de la grande école de médecine

hérophi-

leVnne, établie à Litodk'dc àl'exemple

de lY'cole l'rasistratik'nnc

fondée à Snijrne jiarkémis ()1.

Haas'3' allirmc, et Zeller(f* est jjorté h croire(|uo le

sc(.'|)ti(|uon'est autre

(juu Zeuxis !\ui)jiiri(jue.Mais il

y u ici une

(lifticullû (jiii scmMe itisnrni«)>lahle. Galion (" cite Zcuvis paimi

ceux (lui ont les premiers coiumeiilé Hippocrale. D'autre part, lufait

(fueZi'uvis est ntë à

|»I(isieuis reprisesaïee Ildraclûiu de

Tarentc tloniw lieu dn croire (ju'il était à peu près dit mèmn

temps Dnrcmberjjts' croit même cjir'il lui était anldriour. Mais

ity

a mieux dans un texte que ni Haas, ni Zeller n'ont cite.

Zeuxis est ev|>ressément appelé par (Julien le plus ancien des

empiriques('• Ailleurs, il est dit

queles écrits de Zeuxis sont

devenus fort rares (10i, ce qui nes'expliquerait guère s'il avait

vécu a la lin du i" siècle après J.-C.

Galon., [h Ilipp. «/)/.<»•. VU, 70. vol. XVIII, a, 187.

In Iti/tf. epiit., I, vol. XVII, «, p. fJou, 711S. In Ilipp. <fc /un»., vu!. XVI,

p. ». Ibiit, t, ai vol..Wi. p. 196. In Ilipp. de mal. njf., 1. vol. XVIII b, p. li;ti

i') fiai., vol. XVII, «, p. 7«):J.;li Slral»., Gc,q;r., VII, p. 5So.

'»' Op. cil., p. 73.

Op. cil.. V, p. 'l, :l.

i:' In Ili/ip. de kum., I, n'i, vol. XVI, p. n|li Ù |ici> j<ip I'Àîvxi'i; nul tlpi-

x^e/jnc ù Tif3i'tft»(;ff xni Zevjis, «i wp-iTM -otrVri se toi! tniAsioS «Jvjjptfifjiri

^£i»ji?CT«f(»eiK«. ÛoiK^of Si à fiÇémat xii taëlrot èx t«i' »>ts>T^pi.T. Haas -citrec

trxk'; mais »'H sci|i|K)iiul uiOui.- (fuoli's mol*o» -opvt«< screoilt sutilumvitt à ûjijwsci'

(Ivrarlûlp et Zi-mis ans vtêtepot, lluliis il'Kphw <"1 Saliimis, l'onli'iiiporains di>

Trajnn, mi iw voit (tas liicn comini'iit d» pasia|;i' aiitiuiso Haa« à iliii- (lige teuxU a

Vi'CU j»st|Hi'vois l'an 1 00 npit'4 J.-C. ( l'Uni centeriuuuu post ('kri'lum mirniin vilain

«un protulil). j.

O/i. cil., ch. mi.

ly' luIlifip. pnvti., III, 5K, vol. XVI. [i. (i3(i i'ovÇof pèp il fiÇ;«ri« aVilp £v-

«Wein pli» «I rasipvfiEroî tis tta/.rf*s ;(3i^is, s'i'tîvOoi 5» iirmfivj' 'nztii rv

aaitnivi' èpnciQMû, tû ùt iiii'ia t» l^i;axfi4Ti>vs ^iÇà/k j typtÇi-ti iitojjn'fisii».

ZevSis ^é, e»v <?p»iJiï xi< tvvnv pimintviiam.

In Ilipp. epii.. V.viil. XVII. «. p. (iu.'i: XtianttfK» "iv 4 ftéXtv Jtéfav

inù 'Isi^ioe ei> tî> -a(iùrv t(ii|. e,V t« ap'jKitftivuf fi&)iav j-oimtfià-ncv «ai iV

Page 245: Les Sceptiques Grecs Brochard

*» i.ir-itE- irf. – t;KAiiiTitB'r. f.

feMin. Étûtiiiti Mpiuee Zttusis avant Zému, qui vécut vers

'«ÏO-ti'lO.

Pom1 toutes cesmisons r, nnus croyons qu'il faut, avee Im

historiens de la médet-inu, aâigttt'r à Zeuxis (%>tii|iii-i«|uoune

date brt antérieure 370-s'io d'après Daremlierf'; par consé-

quent, il h*» rie» de commun avec iîwuxis te scepliijue.If y aurait moins do difficulté* à identifier ce dernier avec

Zetivis du Laodieée, d'autant plus que, suivant la remarque de

ZeUer'-3-1.son successeur dans l'écolesceptique, Anttochus était

aussi de Laodteée. Zeller objecte que ce Zim.vis était unhérophi-

téen mais celait unWrophitteH, Pittlinti». t|tii avait fondé .«

t*ei»|Hrisiue, et nous avons vuihio [)t»ut-«tre les fiérophiléens et f

tesempiriques avaient fini par s'entendre sur Jieaufoup de i

points. Une autre diiJiculté, signalée encorepar Zeller, c'est qu'ài

cecompte Zeu.vis aurait e» deux sueeessours comme philo-

soplie, dans P«Volo sceptique, d'après Diogène, il aurait été

rciu|ilacé par Antiqclius; comme médecin, dans t'école liérophi-léennc, «l'après Slralron, Alexandre Philatètlie aurait [«ris sa

[ilaic. Peut-dtnj 'est-ce pas là encore une raison décisive. Zeller

1.11invoque uneautre, plus grave. Si Zonxis te sceptique et son é

successeur médecin. Alexandre Philalèfhe, ont élé contem|)o-rains <l<;Strabon, c'est-à-dire ont vécu vers io-jo

ap. J.-C, sou (

ii»quii%-mi' successeur, d'nprcs la liste debiogène, Sextus Empî-

e

haï iiuivoy fô<mif/ etvQt tsmsîv £v ioïs toioiItok itnaifi^ti toi* pmXopitms tAi>

Il

ia'tophv tîvtop jsâvm TOpàj j'xefiio to fig>.i«v, M.' isttU M xoû 'lefâ/Sat inu-

(tmipjTi (tn*£it mtotilt&iiïvx asatliei, Stà xavt' nîlwtw épi SiûQet» «vt* tiii»

TpxllVâRëi *,j

MfM~MfOf 4fOt>llyZ!l3Vbr· (I~1'ti,.

'•'•> Gtuuar. in ltii>pwr.. |i. «j. Kdif, FtaM. Ki[>sw-, i7K«. Â[ieii>oi> Ji «(«i

iviytypiÇitm rois vzpi tûv't.vA-v, £'% *« 7.nvwi. Cf. (iitl., vol. XVII, «,

p. lti(|, t'i-jS.

l/ai^uiiien! invnqiii'jnr Haasfo/ «/ p. -^i) |i»tir i-liibtir i[hp Zenxi.i tsl

|insli<rii>ur à l|i':rai:liili> «l'Erytlir>-< miit>m[)Oiiiiii <tc Strob»u sérail décisif, si le

feule <I(î riali«n (|u'i| invm|uu {lu /%j. rfut., VI, i, rot. XVII, «, p. 7<);{ 'Uihs

v Tstçwïirrt; xii iÉp-,Sp3ïo« iiptx'siijfi xii aptt rliêv Ktxyjii'K 1e mï

'1Tt.n»ms) ne se rapportait .i^l/ltiiu-Fit a» pnruiier lléiiitlid*' tl'Éiylltrô-, tli»i|ilR l;•lu t;lni;si'rm«>, <-l tii-aucuttp plus ancien (pie Slialmu. jVo». <i-<k^sus, p. -Ï.Ui.)

''' f^ cil., vul. V, p. '1, 11. ». Haas (p. -t'i, 11. ij (folinjjiifl .n^si Zifmi<|

•:cc(ilic|Mi-(ii- /.••u\isriwirupliiltvu.

7

;<

i!

Page 246: Les Sceptiques Grecs Brochard

~:1~~(~(~t:tGSCf~'Ff~tm :Ht

.4 t.. (é.r Il.. 1 il .t ..<

rk'tis, qui vécnl à k fi« «la s<?mhkJsiMt* «p. J.-C. «sf s«(i«a«

de lui |)iu*un intervalh- «le

pès•(<•«{eux cents ans. II est

jhjjios-

siblc d'admettre que charnu des |tliil(isuplii>s iiitoni»(î(liair(;s ait

<;iis<'i{;tt(' pendant [nés cfe(|uarai»((! ans, .sui'limt si ('un sonjjc

que deux dViiliv eux, Ménoiiiilo «! ThéodaK, wiit connu le même

matin».

Il st.'inbli' doue l'jjak'UK.'at iiiadiumstkte (juc Zt;uxis le scep-

tique s« confonde soit avec Zuuxrs el« Tareiite. soit avec Zeuxis

«le Laodicée, C'est sans tloiitc un- troisième personnage, et cetti?

fois encore, comme à propos d'Héi-uctido, nous rmum-querons«jiic s'il y >ien (les im'ilceins du nom de Zi'tixis, n> n'asl unit

raison ni fiotir qu'ils aient «'-téscf'pliinn's.

nipour <[«<_• Zeuxis

le

sceptique ait été médecin. Il y u eu aussi bien des Zuugis en

Grèce Pauly un compte jusqu'à six. [{énonçons donc à (tes rap-prochements que rien ne justifie suffisamment, et rendons

{jrftees à Dieuqu'il ne se sait pas trouvé dans Je cours des «ges

d'autres médecins portant le môme nom qu'un philosophe scep-

tique. Nous <i u rionsdû faire à leur sujet le même, jié'itibfetra-

vailque

nous uni coûté tléraclidc et Zcuxis.

Aiitiocbtis, de L.iodicéc sur le l.yens succéfb à Zuuxis.

Tout co(|»e

nous savims de fui, c'est que, comme Zeitsisel JEtiû-

sidèine1' il ne en» ail qu'aux [iliéuomènes.Aver tes sttceesst'urs d'Antioclnis w Ménodoff et 'IV'ûclas,

il; Slrali.. Ongr., XII. vhi. i«. p. :Vi.'»

liio. IX, ii>C.

;i' Oitlic les |)hiliKM|i!i(is «iiuprU iliins la liait- (le Didj^uc et i|ui sont scult<-

mi'nl t« chefs <fo r<!col«, if «t encon* lait mention il'inr ci'rlaiii iiuinkr<' «te sn'|i-

fi<|iies. \inii''iiiiis cil iioniUR' par tïioffi'îiu" (IV, mi) ;iuv Timon, .'Kiii;si(|i'ri;f i't

.Vniisiplianes. Slms if y a [ii'iil-ln' ii-i un<; «•«iifthion. (Voir ci-iK-ssus, p. %.)

\llmsviis ol Cliildiiii'lin soitl rilùs |iai- ArisludiK. ( V|>. Kik., Prn1)'. Ev. MV, ïl <r».)

l>i(i|jt:iii> (VII, :3.'t, 'Ml) |i,irl" aussi (l'uiif-'iissius, p\nlniliicii, i|iii mail ;nltv>sc

.1 Xétma <!<•ttumlm'uses «ïlii(ii'<. t"<-t fuiènblt'UKid lu in<?mt> <f»itt |mrlc (i.'ilû'ii

(Ihunbfig.einfinn, p. 'lO.Hoimel, Ilomt, !•-•!). qui |inistri>aillVirt|>l(iitliiraison-

iiHini'ii! ;tji(M-}«- |).is^l;;c ilu si'nilil.cl.li' ;m viutilal'h', H .n.nil >'crit lin fivn> •nlc-'r

.••iif •>; sttjft. \m fait «file tWius avait traité une (•lit) i|ii<Mi»H, «I r<i|>|msilimi <|"«

iîalien •l.ililit vativ lui t'i't'hûuilas, l;ni»<'iit à pi'iisui- qu'il n;ciil ù peu |nvsil.iiis, le

iminpi' (cin|i'c. i-t (ju'il fut 'Miilijiiijjoi-.iiii de .Uviiudiilc.

A|;ri|jji,i .si iiiissi, mi \v vi'it», un <-if|ilii|in' Imrs r.ulii'. Il fil .I i|i' iti<R)i-

Page 247: Les Sceptiques Grecs Brochard

M& UVRE Hf. (M tPITIÉB h

WHinwnce mie naitvetti! jjértoifo ènu l'histoire è» sdojrficismetious en [jarluroivs |>tns toi», H wrt

fwnps à pvési^nl tk» rftercher

ce cjue nous [lotivous savoir des doi'lriui's des (thilosoplics aœnous avons (tassés en revtre, et surfont du |ili«s illustre (rentre

eux, i'Knéstdcmo.

d'Apefles, ([ni avait «rit mi Rire intitulé Agripga, i'l dt- 'flrôtown. (Diog., IX,

7«, Cf. SiiiJiis, art. flvpprivswi. Cu itcruivi- piôfcniiait, itaiis s<» Summuim

wptiifiu^, que la (ihilusupbîe .sci'(iti(|iiu m- doit pa-uHre iiuiuihÛ! (i$ittliOttifRR»;carsi !«• mouvfin.'iil de la pensée dans un sens an dans l'imtw ne peut dire compris

[wr nom, iiuikii'->irt]iiiims»ii»p(Kti>îu{iini»i»<tet\frlioii,e([Ku*raus.(|iH>iit,uuus

ne pouvons nuus itwfaper pvrilioiiimis. D'iiillouiiî t'vtrlinn n'avait pas inventé !<

scepticisnu;. l'eut-ùtre vsl-ceTlKodusiu* i«h voulait cmiiptur lluuivtv. tes sept safjffit

t!t Kticipide yaniii lf& ancûlro* du .srcpficMti». (I)iii> fX, 71.} H <li«itt au»i

qu'on 11e duit app,.[(n- pyrrliuiiiens <[iie r«ix qui virent à la manière du l*yiilion.

D'aj)tvs Suidas, Tliiioito>iiis mirait composé phuieu» ouvcajjcs, entre autres im

commentai a> il» ivsiimé de TiHJodas, cl plusieurs, mires, sur à-s sujets de matin1-

iiiali<|«es H d'astn m>. M;m comnii' Siitifaj lui-unSmepaif«> d'un autre 'f Modo-

sius (pii avait ininp»^. nu livre sur h> print"iiipj, llaa» (n. j^)coni(lchir«avw ïriï-

spnitilamv qm> Tli.™dtKins tesci'pliipic est ci'lili de Tripolis, ol qu'if doit <!trv

«tistiiijjuédoTlKiidosiiisdeBitliynKMSIrolion, tieogr., XII, p. 506), le raathômrr-

tîrien.

Il faut en»»? coniplcr pamii fc>.« «rvpiiinn-s UhmjÂus d'éjjini», dont le hVro intj.

tolé àixntxx, a rlé (vsmii.' par l'Iiotitu ( .VjriUft. end., t85). tl y traitait dn-

tpianlL- <piesli.)ni du luûfc-eiue, et eli:i»[Hi» fois, ta inanii-m Ae* sceptique*, it oppo-sait les thèw* nmtrair>'«. l>ai-

fï.'injil.! it montrait d'abord que le désir ait Iwrre et <tc

maii'f.T .liait «ni si.v .faits k>cwp< tout eiili.'r; puis ii .(aliii-s.)il qu'il ne résidait

que dans IWiuii;k.

Page 248: Les Sceptiques Grecs Brochard

.GfltôSI-DÈMK. Ml1

it| Hiraef,1H8.I.

1 li

CHAPITRE Il.

KVBSIDKMR.

/KiiiîsuMiHeWi!8l avec Pyrrhon le plus illustre repréieutitrt

duscepticisme

dansl'antiquité. Entre

ces deux hommes, les dift'é-

ronces sont noinhrouscs. l'yivhoii, on l'a vu, est surtout m»

moraliste, cl dédaigne ladialectique. Nous ne savons presque

rien des idées d'/Knésidèoie sur fa morale; en revanche, nous

sommes sûrsqu'il

a été un dialecticien subtil et profond; c'est

luiqui

a donné aupyrrlioiiisme une forme1 philosophique et

scientifique-,te scepticisme lui doit ses arguments tes pttts forts

et les plus redoutables; il a mérité* d'être comparé à Hume et

a Knal.

Nous connaissons mal tes idées de Pyrrhon, mais nous avons

d'assez nombreux détails sur sa vie et son caractère. C'est Fin-

verse pour /fênésidèuie. Ses doctrines sont connues incomplète-

ment, mais d'une manière précise et très sure; nous ne savons

presque rien de sa vie, et rien de sa personne: sespensées

seules ont survécu. (I semble que ta malignité du sort ait [iris

plaisirà

multipliertes contradictions au sujet île ce personnage

qui voyait des contradictions partout,il est impossible de con-

citier tes renseignements qui nous sont parvenus sur la date de

sa vie. On tecompte

d'ordinaireparmi

les nouveauxsceptiques;

mais ity

a de fortes raisons de le ranger parmiles anciens. Des

Notreavon*«Misnltésur .Eiusiili-nie R.ivaisso.v,Ettni tur lu Mctaphijnque4'Aritlale, t. Il, p. a5ij Stisstr, h' tcepticinnii(Paris, DidiiT,a*ëttit., |8(!5);

AtiioiLl., Ttiû (Imk Sti'iJticx,friim /'jrr/iu (a Settm (bimioil, Muctllillnil, iHOcji;

fins, f)e jihihtuplwniM teppiicorum mcee»»iomlius (Uiivclwi'i;. Stubcr, >H^5);

N*Toni', l'oneh. zuf (letchichte des Rrketmlnistprnlilaia un Attcrthitm (Ilorliii,

188A); Dibls, Doxagr. Grteci, p. si», lierliii, Heimor, tXiç; H. Hintei., Vnter-

tttclumfieii ùlier l'inro'iSehriftett, m. Tl> [». M et *ttf,, teifiztfr, Hintef, iHS3.

Page 249: Les Sceptiques Grecs Brochard

*« LIVRE III. – CH^PÏTRK ïï.

léraoigiia^'s précis mm le représentent eonïme la seepliffue par

excellence. Mais d'autres, non moins certains, nous font voir

ea lui un (iopiatiste* partisan des théories d'Heraclite. Kssuyens»

sant nouspromettre d'y réussir, déluciderces

questions;it s'unit,

avantd'indiquer

ceque

nouspouvons

savoir de son œuvre, du

chercher ce que nous connaissons de sa vie et de ses écrits.

l. Aiésidème naquit à (înossem en Crète, oupeut-toc

.é{' il enseigna a Alexandrie^, oit ne sait à quelle époque.

Dans une période tl« a to ans (de 80 av. J.-C. à 1 3o ap. J.-C.)

on ne peut lui assigner une place avec certitude. Quelques

Iristariens le font vivre vers t3oap. J.-C;

d'autres au commen-

cemenl de l'ère chrétienne; d'autres enfin voient en lui un con-

temporain deCicéron. Examinons les raisons qu'on peut doniwr

àl'appui

d<; chacune de ces opinions.

Miiecoll choisit la date (le 1 3oaprès J.-C. sans s'appuyer

sur d'autres textes (lue celui d'Aristocics dans Eusùbo'51, ou

.finésidème estreprésenté comme ayant vécu récemment, ix$s

mi mpvtiv. Mais, outre que cette théorie ne tientpas compte

des autres textes qu'on verra plus loin, elle a ta tort d'attacher

une importance excessive à l'expression dWristoclès. Si le mot

êxpès xat tspvnv peut dési/jner une période d'au moins soixand;-

dix ans, car Aristoclès vécut à la Bn du u* siècle de l'ère chré-

tienne, et peut-être au iii% pourquoi ne désignerait-il pas aussi

bien une période de centcinquante ans, ou môme une plus

langue? U faut remarquer d'ailleurs qu'Aristoclès oppose /Knési-

dètne à Pyrrhon, mort depuis longtemps et par rapportà ce

dernier, la tentative dVEniîsidèmo pour renouveler le scepticisme

pouvait lui paraître récente.

<•»DioB., IX, 11C.

t'> Pholius, .MjridWtio», cod. ai-.i.

m Arutoclè»,»|i. Kusiib.,PriBp.Ei'ang,, XIV, mu, «g..

!«> Op. du, p. fij.

•M /Vipp. Ecaitfr., XIV, mu, aj SfnJevàt SiuuflpdÇtvttK aiwv, ùs à ftvSi

tytvovso TO 'GnfI'ÍtrlJI1, éx0le xai ~ctptintv dv Á).~ç~I1Jpe¡' xai ttlpvdivv AffW-

tvpof in ivaicûimpetv ifpÇïio xùv ïQïoe mvxov.

Page 250: Les Sceptiques Grecs Brochard

/ENÉSIMMii. Mi

lii_ iti £\ Ail €MIk Cà\ià

il'

Suivant lUtlet"1, Saiffiiet*® at Xeït<î('w* c'est au Cflnjrattirce-

moiit (k I**V«elwfJjfciioft qu'auraitvécu Mnêàdhnm, Pour (ker

culte date, ils s'a|)|)iiiontsur te

passageoa l)iogène<41 donne la

liste des philosophes sceptiques, depuis Pyrrhon jusqu'àSatur-

riiinis. On a vu cMlessus(&t ijuo, danscolle longue période,

nous

pouvons fixftr deuxpciinls

derepère

la date de la mort de

Pyrrhon (37»uv, J.-C),

et celle île ia mort do Sextus Kmpi-

ricus (a 10ajt. ÎAl). Entre ces deux termes extrànes il doit y

avoir une lacune, etd'après Ménodoto, cette lacune doit ôlre

[ilactta après Timon. Dès tors, en remontant de Sextus ù ses pré-

dikessiuirs, et enprenant pour moyenne de renseignement de

chacun une durée de vingt-septans (cî, on e«deule qu'/Ënési-

dème a dû vivre ait début do l'ère chrétienne.

Il faut convenir quece mode de détermination mancluc de

précision et 0» ne peut s'en contenter que s'il est impossible

de trouver mieux. Ne saurait-on fixer la date d'^ndsidème h

l'aide d'autres renseignements que!e passage si embarrassant

de Diogene? Quelques historiens l'ont pensé.

On a vu plus haut m comment Haas a été amené à soutenir

qu'il ya une lacune dans ta liste des sceptiques après

Mnêsi-

(lèmc, et non avant lui. Suivant Haas, /Emîsidème serait le der-

nier des anciens sceptiques, et non le premier (les nouveaux il

aurait vécu vers 80-60 avant 1.4, Cette opinion, quiétait déjà

celle de Fabricius*8' et de M. Havaisson m, a été admise parf)iels"0) et Natorp!ll) elle repose

sur deux raisons principales.<« Histoiretle h pliibituphie ancimne, trml. "l'issol t. IV, p. m3. Ladranoe,

iS36.

")l* tcepticttmo,p. 9».

« Die Phihi. tler Griecfan.IWftcrTirai, tvtéte Aliflieif.!i' A«ll. l<«'«p!

i88t, |i. 8.<» IX. ni!.

Ml'ajjo ;><(.

< C'est te cliitl're iRitrijuv par Zcller.

('<t'ii||ca3o.

'•1 Ad Seit., I, aSi.

Ruai sur lit Wt'lii/z/i. d'Atûl., I. It, p. '>"

'•'•> ftoxographi Graei, |>. «it.

«~:llp. cft., jh aa.

Page 251: Les Sceptiques Grecs Brochard

*4 LIVRE Ht – CHAH'ÏKE 11

Mans i imaiyse de Punm1© d\Éui'sMtènu*, qui nous » dié c«i-

servtîepar Pliotius !| il est Jri que de son temps l'.U'iidémie

«.Hait devenue presque stoïcienne. Or, Seslus wparlant d'Anlio-

chus s'exprime à peu près dans les m^mcs termes, si (non qu'on

|ieul se demander si les doux écrivains n'avaient |ias sotts les

yeux ou tic se rappelaient pas le même texte d'un philosophe

[dus ancien, peuMtre tiVKnésiclôrnt» lui-tiwiny.

En outre, Photius nousapprend ilue le livre d'/Knésidème,

intitulé Uufâfotuu I6yot. était dédié u un lionmin illustre,

L. Ttibéron W. Si l'on songe que Cieéron fl)parle a

plusieurs re-

prises tic Tubéron comme d'un ami des lettres et de la philoso-

phie, distingué à la fois par les qualités de sonesprit et par

IVelul des dignités dont il a été revêtu, il est naturel de croire

(lue ce TuWron est précisément celui a(lui /Kmîsidèine a dédié

son livre.

La forée de <resraisons ne nous parait pas sérieusement affai-

blie par les objections de Zeller. La plus {{rave (te ces objections

ist qui; Cieûron non seulement rte parle pas d'/Ënésidème, tnais

encore, h maintesreprises, déclare que le

pyrrlioni.siiie est une

doctrine morte'1'. Comment croireque (aeéron, toujours si

bien informé et si curieux ait ignoré l'existence d'ui» philosophetel qn'/Enésidème? Comment admettre surtout (|u'il ait été indif-

férent à une doctrine si voisine de celle (le l'Académie, et qu'iln'ait rien su de la rupture (lui se faisait sous les auspices do son

ami Tubéron entre un académicien (Enésidème avait commencé

paF en être un) et le reste de l'école? 1

Xffriolt. rotf., ait 0/ Jè «ira rfit Axaltijthf, Çval, p4Xi<rt<t t#f vifv, xal

Xtvîkiïs <np$épotn<u eviene Savais, xii si y^A vihfièt ehciv, Stwixo) ?a/vonai

tCaxü~evar 2.'imixois.

" I. 5-15 À/)à xtù ù Kvxmr/ot ti)i" I'tow pttrtynyw eis ti)i> Axa ivpfav,

'if xuî tipvoOi) lu' (tivi, &it iv i\xi$npi<f ÇiMvuÇli ti ïtoiihi.

p* Plinl. c. YpàÇti Si toit iiyovf AivnaiSrtfioe ttpooÇwvinr aitoùt riï» i%

:~xad>tfetas rmi avvarpeov:rsg .\r,"xj~ TII~¡fII&I"" yévas ~3v i'~flti¥, .rúÇ!¡ .ri ~afmrp~èx ttfayovav x« aohuxài içfit ad fis iv/fiiotf («îriôiit*.

M Quiat. finit. Hp., t, «, 3, to. Cf. Prri Ugar., vu, st n, 9-

ir l'in., Il, <i, .'{5 -l'jrrho, Arkto, Ilcrilliis, jamdiu .ilijcrli.i lliùl.,mt. k'.li

V, vtfi. jH. /)b lirai., III, xïii. (Va. (>/ nj?ir.. I. », ti. TntmL, V, in, 85.

Page 252: Les Sceptiques Grecs Brochard

*;niîsim.uh. m&

TtMtefuk» il n'est pas impossible de lever la dilu'cullè". D'a-

bord, «m la vu plus haut, quand Cieéroi» jfarfo de Pyrrtow,

c'est toujours et uniqueinuiit In moraliste qu'il a en vue ta doe-

trinu qui n'a |>!us de représentants est celle derindiJF<îrcncc, et

non te scepticisme, toi quo t'entendait /Ënésidème, Kn outre,

Cieéroi) no connaissait guère, les doctrines philosophiques quepur l'intermédiaire de ses maîtres, les philosophes de la nou-

velle Académie. Oncomprend qu'ils aient mis pou d'emprosse-

ment hpropager une doctrino nouvelle, parliculièremunt diri-

gée contre eux. Il estpossible enfin (lue Cicéron ait entendu

parler do renseignement dMiaésidwne, mais trop peu pour le

bien connaître, ouqu'il n'ait pas daigné le discuter. C'est -du

moins ce que sembleindiquer

unpassage dés Acwlémiijueitil\ ait

Cieéron fait allusion, sans y attacher d'importance» il une doc-

trine qui paraît bien être leswpliwsHje radical d'iKuésidènie.

Zelfer, pour refuser de voir en /Enésidème un contemporainde Cicéron, est obligé de

supposer que te Tubérort àqui

ïnê-

sidème a dédié soit livre u été un neveu ou un descendant de

l'ami de Cicéron. Mois cettehypothèse

est peu vraisemblable. Il

résulte du texte de l'Iiolius que Tubéron n'était pas seulement

connu dans les lettres c'était un homme politique <->, utealte

désignation qui convient très bien à l'ami de Gicéron, ne paraît

.s'appliquer« aucun «titre

personnage dit môme nom.

fleste enfin le tcvle de IHiotius, flui présente avec colui de

Se.vtti.s de (elles' analojfies qu'on ne peut {jnère douter qu'il pro-vienne d'une mène .source. Zeller pense «[ii'Antioclius n'est pasle

seul académicien quiait pu mériter le reproche qu'/linésidème

adresse à rAcadéoiii1 Au son ti:uq>s. Mais un examen attentif du

texte de t'holius montre qu'il au s'agit pas d'Aiitiueliiis, ni d'au-

cunphilosophe

de non école. Nous y voyons en clletquu

les

académiciensdogmatisent

surbeaucoup de points, et ne ivsis-

teut ativ stoïciens quesur l;i

<pi<fstioii de la l'cprésenlutiuii cum-

II, i tllw. i|iii iinhim HÏ in>'i>iTit ilkuiil. itl .(elliii'iim iiiiimiiiis |t.il ;ul

imtlar ~i 1 f)ttît'<t à 1-sliet ie il al4yilus l'c!tltlvtlt:lItIF!·.

'0) Xtt 'Lt4fITfltTf ''P~~ 4i lie Tv~aat p'suo-YTl.

Page 253: Les Sceptiques Grecs Brochard

24fi UVRE (tf. GHAMÏlttë11.

pfdynswi)*11. Otr prêëtséraent sur ce point, Aatociuisu c|it«

deéma appelle genitmimiitut* ttotm, était d'accord avoc les

stoïciens (* nous en avons pour garant tout te second livre des

Académiques.Ce n'est certainement pas à Antiochusl5), c'est à

l'biloQ ou à un de ses successeurs «ju'/Ënésideme fait allusion

dans le texte do Photius, Nous savons en effet que Pliilou, après

certaines concessions faites au dogmatisme refusait de céder sur

la question du critérium. Au reste, tout le passage d'/Enésidèiue

montre bien Ilue les académiciens dont il parle se donnaient

pour des sceptiques, 'ce qui n'était pas le cas d'Antiochus. Kit

effet, il leur reproche d'aflirmer et de nier dogmatiquement eer-

taiaes choses, et en même temps de dire «pic tout est incom-

préhensible w. Il leur montre qu'il faut choisir, e'est-a-dînv

s'abstenir d'aUirnier et de nier, ou renoncer à dire que tout est

incompréhensible. Or, ce reproche est précisément le mémo ipjo

chez Giceron (5!, Aatiochus adresse ù Philon, et nous savons

t|tt' Antiochuscombattait ardemment la théorie des nouveaux

académiciens.

Enfin il n'y a pas lieu de supposer qti'.Enésiilùmo ait dirigé

ses critiques non contre J'Iiilon lui-môme, tnais contre ses suc-

cesseurs; car, sauf Eudore d'Alexandrie, et encore la chose est-

elle fort douteuse®>tPhilon ne laissa point de disciples. Il ne

semble donc plus douteux qu\Knésidènte ait été le contempo-

rain de Philon, d'Antiochus et de Cicéron, et qu'il ait enseigné

vers 80-70 avant J.-C. &.

(1> l'Iiol., E. c. -crépi voiXân èoypnifawi imy%u&m<HV ii «epi yotni Mt

R<Sf<S).1J,,1ulif,<;«""<1"

" /le, II, vt, 18.

(l> On peut admettre avoc Naturp (op. cit., p. 67, 3o3) que la première partie

du texte (tu&iala ti'is vvv) s'appii(|iie à Aiiliuclius ta sccomli! depuis jtvTspoc à

t'hilon.

111 Ilirzel (op. cit., p. u.'i.'i) a Ir.'s judicieusement corrigé le teste de l'iioliiis,et montré que dam m |i.iss.i|;ii Ta yip 4un nOcvii ti mt o/peii» àvafipÇoXui, &pix

t; ^-jvii xotvit &nip)(u» Hivthmlà il faut lire iieniïnîi.

« /fc.K, tiï, M.

(s;V<ij. ci-ilessiis, p. saa.

II "=! frai i|it<: la (iitinullé sigiialéu fuir Z.-lli r «ui»btu toujiiuis. c'est Irnp

Page 254: Les Sceptiques Grecs Brochard

/KNIÎSlUÈMli. %7

H. Les ouvrages attribué*» 5 /EnMdèïKe |Htr les divers au-

lours (font les témoignage» nous- ont été vomm-vés wnl m

nombre de cinq i' ÏM huit livres «lesfhi^mam MyotilUt

a" K«tà <ra$(«* (11i S" flapi Çim/agw pl; 4° Twaitfww* efe rà

nv|J{^M«Mew; 5* ï&VH%ué<rm|5).

C'est une questionde savoir si les deux derniers litres ddsi-

jjiient des ouvrages particuliers ou des parties dus otivra|;i's jiré-

ctkients. Riller'01 est \wMà emm «j«o l'ïiroTiîîrwris «*e«l fjue

le (mmiier Hvre do* YhippépetM Myota\ HaosW pense tjueeo

litre désigne Ponneinblc desHvppàvmt \tyot, qu'on |teul ronsi-

dt'Tor coiiiine un abrégé de lu docti'iuo ttce|tti([iiu. Suivant Saisscst""

et Zeller(l0ï au contraire, il estplus probable que

c'est un ou-

vrage particulieran- au témoignage d'Ai'istoclès, tes div trojics

élaienl développés dans cet ouvrage or, dans l'analyse que

l'holiiis nous a laissée des Ihppévtuoi Xéyot ii n'en est pas fait

mention. Quant aux £tQixetwrst$ et à un autre titre mentionné

parSextus £ll>,nous n'avons aucune donnée précise.

Des trois ouvrages ijui suulcc'rlaineinentd'/Ëné.sidètnc, il en

est deux dont mms.iie connaissons (jue tes titres; les huit livres

des Ihfâvvsioi Myoi sont les seuls sur lesquels nous ayons des

renseignements certains Wiotius nous eu a conservé t'analyse.

Le but de l'autour était du montrer que rien ne peut ôtre connu

|u-ii Ji'« sc|it iiuiiiHdo ta lislu«le Oiojjèiio|Mur ivtuptir l'iiilcivulli'cuire ('<•-

j»«|!io (i'.lim'-sùti'im? et rtifl» de Soilus. Nuits ue rayons aucun moyen il-' h

ré«m(liT.

W St'»l., ,W.,Vltt.ji.V t% tX,t«»6,ii(». l'holMB,anLt*t<t, appelle c«t

<iiivl'n|;<: \lv(/ji-j.'vlwl> Myoi.<

Di»J(.,IX, l«><».

"> IM.

«»Diuj; IX, 78. Arisluc. ap. Biisek, /'w/i. t'r., XIV, «m, 11.t.

c» Aristac.,ibid., i>>.Cl

Oi>.cil.<:>l'fiolitisdit queilans ce |>n!iiiiurlivre ioufela litiiuriestc'(ilinueciait piv-

si'iilri' M nnf mi xt%<tXvu3ôs.

(if. cit. |i. (Si).•" Of. eil. [i. 37."« «/>.<«.,p. 18. t.

M. X, »i(i wp«Jr» rro»jn)ii.

Page 255: Les Sceptiques Grecs Brochard

258 IWRÉ Hi. – CBAP1TKË tl.

avec certitude™, et epil faut s'interdire foule «flmwttion: fou*

vruge était dédié 6. Tubéron, partisan de l'Académie. Il

semblequ'après avoir fait partie de cette école» /Kn&idème ait

précisément dam cet ouvrage rompu avec ellepour se déclarer

en faveur du scepticisme.

Aussi son premier soin fut-il demarquer nettement m

(lui

sépare les académiciens et les pyrrlioutons. Les académiciens

sont dogmutistes tantôt ils affirment sans réserve, tantôt ils

nient sans hésiter. Au contraire» i! n'arrivejamais aux uyrriio-

«iens de direqu'une chose est ou n'est pas vraie ils n'aliirment

rien, pas mène qu'ils n'alfirnieulrien, et s'ils su servent de

cette formule, encoretrop affirmative à leur f;ré, c'est que le

langage les y force» Eu outre, les académicien* sont souvent

d'accord avec les stoïciens ce sont à vrai dire des stoïciens

en lutte avec des stoïciens. Ainsi ils font une distinction entre lu

sagesse et la folie, entre le bien et le mal, entre le vrai elle

faux entre lu probable et ce <jui ne l'est pas ils n'ont d'hési-

tationqu'au sujet de la <pavtwrl& xartthml ixr{. Hion de sem-

blable cIicï les pyrrhoniens. Enfin les pyrrlionîcns ont encoresur les académiciens cette supériorité qu'ils ne sont pas en con-

tradiction avec eux-mêmes; car «est se contredire de soutenir

qu'il ti'y a rien de certain, et eu mènetemps de faire un choix

entre le vrai et le faux le bien elle mal. Ayant ainsi opposé les

deux doctrines, .Emîsidènw achève son premier livre en don-

le résumé de tout le système (î> pyrrhonien.

<Wiot., op. cil. OiSèv piÇmuv E(V jutà^i, oitt Zi uioOiiww, dW oixe

(àtv 'hi voijacait.

Nous suimiios fort onilKiri-assé jmirr traituim le mol ij«i)i) tloul t« pyrrlto-iiiriis <w Mirvaii'iri, el due Sextus oppose » aCpeon (/ I, iO), Les |>yiTliuiiiensixT«««nl ilo «lire qu'ils «ont d'itm' «cfc-. (jn'ils ont un xijstéiue, ,111sens qù lus rfog-malUlM•iii[>luii:nlewsnuit» ils oui «.'(ilcmi'iil(li's iiianii'-rf!)de voir, lundis sur

r«'j|i,;ricnc<> cl la ciiiiIiiiiia (4xoïo-J)<nuet> yip tiw fiya ntxi. rà Çanràptmv (««•

Seixvvvti lîpfti %i Ïiîk «pot ri taaitpra èQn xi\ toit vufiovi k<h ià« àj'jiyis uni jà

mxiïn wi'h). Zi>IIcr iriiJuit lirâ lin>n (>• mut imi iitlciiianil par Huhutiiir {«p. rit.

p. sft, 4). \'mi< ni» Irmivniis ps ilVqiiivitk'iri «il fp«n;.ii* fore"! iniu< l'stdVm-

pUiyw k usai ttjttrmc, on in<ti<|iiiiul l«.nl«:f«i< ni >|i«-i sens (inrlictilier il faut l'r>i»-

(«mlr. (X -suc <•<>ptiint Wwf, \>. h.t.

Page 256: Les Sceptiques Grecs Brochard

"ANtSID&ttB. viW

Le second livre développe co qui est indiquédans la |weiiiior

il traite desprincipes (t), des causes, du mouvement de lu géné-

ration et lie lu destruction; Le troisième est consacré à let sen-

sation et à la pensée ul ; lequatrième démontre qu'il n'y a point

(le signes, puis indiqua les dilHcuités relatives à ta nature, ait

monde, àl'existence

des dieux. Le cinquième montre qu'il ne

peut y avoir de attises huit tropes, distincts des dix tropes dont

il. seraquestion plus loin, y sont exposés. Le sixième traite du

bien et du mal; le septième combat la théorie des vertus; le

huitième veut prouver queni le bonheur, ni la plaisir, ni la .va-

gosse no sont le souverain bien et qu'il n'y a aucune lin que

l'homme puissese

proposer.

En dehors de ces indications, nous trouvons (bits Sevtus plu-

sieurs pnssuges où /Knésidèitic est nommé, etqui reproduisent

entêtement, sinon les tonnes marnes dont il sVst servi, au moins

sa pensée. Il y » seulement quelque difficulté à décider àquel

point précis s'arrêtent les arguments empruntasà /tënésidème,

et à quel moment Sexlus recommence à parler pour son propre

compte.

Ces pnssayessont les suivants i° Math., IX, at8 (sur les

causes), jusqu'àla section :i(16 suivant Pabricius'11; jusqu'à

a;>S

suivant S{Hssetl*\ car les mots rotvw odSè x&ià StdSomv ont le

caractère d'une conclusion et d'une transition jusqu'à wjsui-

vant JîeHer'51, car les mots xa) "esdXtvel êc/îi tl nvos othtov indi-

quentle commencement «l'un nouvel argument. Il semble bien

qu'onne puisse

attribuer en toute sûreté il /Knésitlème quele

passage comprisentre 218 et 337.

a" Slalk, VIII, '10 (sur la vérilê) jusqu'à la section 55 sui-

tl iàul pnibaMciiMtit lire (170, B, '>) apx"11 !1" lieu ''e «^tfiHf- Voy. l'ap-

|ici)Iii'im, Die Tm/muiler (jnech. Skepl., |>. a'i; Ilertin, [885.

l>(f'ajtftculicirn(Uni.)mm«veacoev lietifi.'H«iitc-n!te (<-ik, et lit, au li«i de

me pi xivriaeiûi ki) aiaOtiaeust sept vovtacwi mï amHoeai,

wAil Srat. Kuipir., IX, »i8, 'J,

(>) Op. cil., |i. :iti. ,«liir|i(|i. iH:t)cs( ilu nièiM' auv les raisons i|u'il domu!

tic liens juraisM'iit pas ik-cistivs.

Op. cit., p. art, (i.

Page 257: Les Sceptiques Grecs Brochard

2S0 LIVRÉ Ht CHAPITRE ».

£* f » #* à- n 9 mi±^viiiit unimtï jusque Mseulement suivant Mler et Haas«*. y

raison donnée par Haas, que la régression à l'infiniinvoquée à

la tiit dul'arguaient uo saurait

appartenir à /En&stdèine, car

cette «laitière d'argumenter ne duto quo «l'Agrippa, n'est pasdécisive. Mais Sovlus'* combat

[opinion «te ceux i|ui regardentcomme vrai ce

qui obtient communément l'adhésion (ri «oX-

Xokvtéifku). Or, cette

opinion- a <fté justomon t sôuteuuo par,Enésidônie ». H

n'ya donc pas lieu d'attribuer à /Enésidôme

une contradiction sî foruieltc, surtout si on prend garde qu*éïi-dvuinieiit un

arjjuiiionl nouveau commence à la section 48.

3° Maà., VHI, 3-i5 (sur les signes), jusqu'à la section a64

suivant Sitïssel, jusqu'à a3& suivant 2eller«. il semble bien en

effet <|u« Sestus, sous prétesito de défendre .'Bne^idème, saisisse

l'occasion de faireétalage do ses connaissances en iogiout* sloï-

eietme.

On peut encorerapporter à /Enésidème le passage où Sextus

expose les dix tropes. On verra plus loin que le fond de cette

théorie est tl'/Enûstdènu}» «mis Sextusl'uvpuse librement'6', sans

prétendre donner une classificationméthodique et définitive*"1.

A quelle partie lies ttufâépuot Myot faut-il rapporter les

diverspassages cités ci-dessus?

Sextus i*1ne donne d'indication Formelleque sur le texte re-

ta0(1Cit., p. 'il.

« Naturp (p. (j.6) «eut ciimiireSaiswl |irolon(ji'f la cilalion (IVKuràiilvtm»

iimiu'ii S."». Il rai [wssilite. A la wrilâ, ijiie raqpimpuiafioii eoiilm te mfhtniv d«s

;i.-nil.TOifi.'iis«lit île ce [jtiitojuplie(cf. l'hutius). Mais iiouiii'avuiiaaucun druilde t'irflîntM'r.

<3>SI., VIII. H.

(>i En «wptout k- passage i-ïi-t&h, cjui scmlile Iii«i d'miu autrw sonnv. \'a-

lorp '$) P., 1, roi rmprrutt a £1It!JJidèmt! jll'1llu'all l'lr.1urap/¡e:th (p. 1 (1).j.« /> 1,30.

V V

w P., I ."18 Xf^efe « T# i«|ei rain ^noût.

m Si o» jwuvait croire ijui" Sexiin t-v|n«« liilùlciuviii i-l ibus li' ilélail les iir|;n-rn^nis et les n<TOpl« <t'/Eii.'siil;ine, lu <jn.slr..ii si dillirilu .1.; la .laie é- n- |ibi'|

sophiî soraiJ .Iot.Iw>. Il rite >•» <€tl (/». H.'i) IVu'iitpIc drr Tilk-re, voyait«lails li-s lilmlire*.

!'> .V., VIII, »i 5.

Page 258: Les Sceptiques Grecs Brochard

/8NÉS1DÈM& m

tutif aux signes est extrait du quatrième livre. eu qitr s'accorde

ntfec tas rensoignements de l'hotius.

Pour le texte rotatif aux causes, SoiBsetW, «'appuyantsur

un jiassagedu PhotîusW!, le rapporta

au ci»«|uit'ine Uvre;

Seller i3)croit qu'il faut plutôt le placerdans le tluuxidiiitf livre.

Pliotius dit en effet que dans ce livre il était questiondes causes,

de la génération et de la mort. Or» précisémentdans lo passage

dont il s'agit» Sextus dit qu'A'nésidème s'occupait des difficultés

relatives à la génération. Dans le cinquième livre, il était sur-

tout question,à propos des causes, des huit tropes que

nous

avons déjà mentionnés.

Enfin le texte sur la vérité doit «Hre manifestement rapparié

au premier Uvre, en raison du témoignage de Photû».

Le passage ou sont exposésles dix tropes doit ôtre vraisem-

blablement attribué, comme on l'a vu plus haut, à l'ouvrage

qu'/Enésidènteavait intitulé Titotûw&wtk.

Voilà les seules wdonnées positives quinous permettent

de

<• Op. cit., p. 33.

i» Corf., ai a.

<" Op. cit., p. 90, 6.">

indêpeiHbnuntmt do ces pasMgcs et de ceux, surfont reblifs à Hiiractile,

t|ii'un lioiivura cil& plus foin. if y en « piMiMIre beaucoup tfaiilivs, «taii* ft-s trois

ouvrages tbScxtus, où l'auteur »'iiis|>ire il'/KimiiiKuii. soil dans |'M(Huiiiim des

iloclriiios, soit dan» la aiHi|iw. Mai» it nous est impossilik- tin les ntoiiiiallte avec

stirelé. Iji discussion conlro les acnlémicicus (/ I, Mo-s3.rj) est probablcincul

•iiipnmtvu eu grande partie ,'t .Ivni-sidwiie, |iuisi|iio imus «nous par l'Iioliu» tjiiu eu

philosophe «mmu'iiçait son livre par lit critique de recote, qu'il venait <l« i|uiUer.

,'KmaîMlAine y est «l'aillcurs «xpnaavnient iioiraiié (aaa). Mais I» fait qu'il wl «iW

en iiiêiue temps qno Méiiottute, donne n [wusvv que Sœtlus a réuni Hmwle» iirjj»-

monls invix|m'» |iarl«f Sfeplicjiies aprfs Aùiésidôims qu'il ne sinsiiire d'ifciM»»-

d!-me, <Iu moins en cet endroit, qu'àtravers Ménotlote et nous sommes enclin à

croire que c'est de la même manière, e» lie prenant qui! ce qui «st devenu le

liieu commun dis» 8tellliqlle5, «{lieSextus suit /Kiiésidèïne, partant

où il no te

i-ite |>us.

CqietidantXatoqj, pour des raiwits -iouratK (.lus suliiaes i-t ingéiwiisw q««»>-

lidcs, c:ii)it pouvoir «Itrilmiir siVrement à .-Kncsidi-Hie nombre de passigc»,f«i«

surtout oit sont ejcposws tes uli'ws de Uêmm-iile et d'Kpirurf. ( II I H i >U.,VII

V87 i-l suitHUl f.n-t;l i35-i.'I<i; !Hi3-.H<»; Vllf, r>lî-li(i; 1 H3-1 1 3s!»-3»7 ¡

;!37-«7«; 34H-6.S: \.3uj-3ft5.) Lit rat»»» («iniipal»' invoqué.- j«ir NatMr|>«l

i(tw ht critique diri([«i par Soiltm eoHlve l>t;in<-liius de l^iroiiic (W., VIII, Silîf-

Page 259: Les Sceptiques Grecs Brochard

'M Ll\m HL – GHAWRE Il1 .1-

^trouver, dégagée autant <j«e jwssiMe &«s ttttwprâf triions et des

commentait-us la pensée d'JnésidiW C'est à l'aide de ces do-cuments que nous essaierons de reconstituer son argumen-tation.

3tiS) doit dire empruntée « /Knésideme. Pourquoi «iler, au lieu d'épieum, un deses plus obscurs disciples! Co clww iw se comprend guèro que si Démélrhu « été

déjà pris à partie par uncontemporain,

et e'eH ta que confirment tu Ion et lamacUë do. la

{wtwm.jiie. Z«||t.P avait «ê <léjà Trappa de ces taisons mais w »*<*l

pas C«ru«adcf mmm« le cwit Pillustre historien, c'est Jim-sidèrne, «l'aiirts Xa-

lorp, qui a été Fadvi-rsaire d« Deiiiétoiis.

"louic «Ile argumentation est loin dVlrt. sans valeur il faut, crujoiii-iioiis,Ktanhr à .Voturp ( p. -iO3 ) q«o c'i'sl iJiwitfûniei et mmCarnrâdo, i|ui"a été lad-«ewaire de Démctriiis. M»î* vu atinii'llanl (pre SmIiis ait wujininté itircclwiiontcelle criliqw à /Eiiésidëm. vt quVIto ne fut pas devornu* un lieu commun scejj-liqtta, riipiHé et modifia par tous les auteurs A'h^n/lyfoseï, iiuiik ne v«y««s pas«me cela autorise à faite venir «to la miam source tous les i-eiisci|rnoiiiouts fclalifs à

Epicnre et à Oénocrit^. Pat-mi tes raisons directe» invoqué» en fanur de cettedérivation, am-tiue ne imus a paru décisive.

Enfin N'atorp n'Itvsite pas à allriliucr « .Ki>i!sidèin« toute la discussion comprisnentn.' les sections 348 et 368. Ici, il excède lotit ri fait soit droit. La discussioncontre Wmùtritis se fermiiiK ««ideuutwnt à 357 x« fy* xitaltiu&refav chapeir.tl n'est plus question (faits lu suite, de DéimUrius, mais «le*dojpnalistes (3Go). f>i\<lors, il nous est impossible d'attaeW autant

d'importance quelo fait Wilarp an\

pa*ag.-» i|ni viennent après. Toute la théorie «ja'il «lilie sur ces traies nous spimIiIu

péclici- par la base. Ce n'est pas que noua inêcoii!iai«ious ni fc grand savoir ni lafurw <ie p#nwe d»«l Natorp fait preuve dans cette rwonslitiilion, qui remplit son

cliopilrn VI. Mai» en général it nous semble pn:tw à /Kiiésidème des formules Iropinodl'rnes, les raisons ipi'il invoi|iH> sonl trop subtil», tes textes m»disent pas footce qu'if leur fait dir». Au surplus, nous soiiihrs dVrunl avec Xalorjt sur nombrede poinls im|}orl.iiils pour des raisims dilTènnitcs, <-l par un autre chemin nousranimes arrivé à des conclusions analogues aux siennes, iiolainuieiil

lorsqu'il rap-proche

.Eiiésidème de Hume et Kaut.(Voy. ci-dessous, la

p. v. )

Page 260: Les Sceptiques Grecs Brochard

«ItfisfOÈMfcSOSSCEPTICISME 253

CHAPITREIlf.

KSÉSIDKJIE. SOS SCKPW.I8MK.

Dans la doctrine d'/Enésidènte, on peut distinguer deux

parties. D'abm'd lu philosophe résume i-l classe, sous te nom de

Impôt,les arguments que

lui avaient té|jiiés tes anciens scep- î

tiques par là. il démontre que les sens ne peuvent nous donner

aucune certitude. Puis il entreprend <k> prouver quelu raison

n** pas plus de succès, et sa démonstration porte sur trois point»

principaux la vérité, les causes, tessignes

oupreuves.

C'est

relto dernière partie <piiest son «-uvre originale et

personnelle

c'est le nouveau srcplicisme.

(. Plusieurs historienspensent <|U»

tes dixtropes,

connus

depuis longtemps, étaient le bien commun de l'école sronliqito'1'.

Mais Zelk'r{il soutient, avec raison selon nous, «jire si le fond

do ces arguments, plusieurs «les exemples qui y sont invoques,

et l'expression môme detropes'3'

n'ont rien de nouveau, c'est

/Knésidème <|tii Ce premier les mit en ordre, les énumérn avec

une certaine ntvuWr, leur donna, en un mot, la formequ'ils

ont gardée. Pour avoir été exposésdans les

ïlu^ûvstot lâyai,

ces arguments ne doivent pas plusêtre attribués ù Pyrrlion

qu'on ne fuit honneur à Socrate «le (miles les théories présentées

parPlaton sous son non». Et si Diogène rite tes dix

tropesdans

la vie de Pyrrhoit, c'est qu'il a l'habitude de dire, a proposdu

pftrc d'une doctrine, tout ce(lue

ses disciples ont pensé lavie

de Zenon renferme les idées de tous les stoïciens. C'est expws-

Saîssct, uf. cil., (i. 7H.

1 Op. en., (». »6. 5.

« Ml., N. A., XI, v, 5. Cf. JMfcr.l. IV. p. 846 (.VAiiIJag.-)-

Page 261: Les Sceptiques Grecs Brochard

m uHKiit--cMAmm in.-rac · r~u ·an. ai,sril aaicti est.

sèment &jBaésîtlèmo (pj'ÀHstaefês*l>, Stsstus»*, Ûîoffène51* attri-

buent les dix tropes nulli> paît ils ne sont attribués h aucun

nuire {tf: il n'en est pas question quand les uneii'usprient

do

l'exposition que tit Timon do la doctrine de Pyrrhon. Et m ces

Iropes avaient été connus, comment croireque Geéron n'en cftl

riendit&>? e

Par ce mot/tt^e* {rptoot, ou oitiployuit aussi les mots téiro»

et Mj,-oi){li>,tes sceptiques tlési^uaient les diverses monit-ros on

raisons par lesquelles on arrive à cette conclusion: qu'il faut sus-

|)fit(fiv son jugement, fis ineti(|uaiont comment se forme, en

générai, ln persuasion nous regardons comme çerlarnes les

choses fjui prutluisenl toujours sur nous des impressions ana-

logues, celles qui ne nous (rompent jamais ou ne noustrompent

que rarementcelles qui

sont habituelles ou établies par les lois,

celles (lui nousplaisent on que nous admirons (1>.Mais

précisé-ment

par les niâmes moyens onpeut justifier des crovances

contraires àcelles qui sont les nôtres: à

chaque allirmalion on

peut opposer tmc affirmation contraire, appuyée sur des raisons

équivalente», sans que rien permette de décider (lue Turc est

préférable à l'autre. H suit naturellement de fàqu'il

ne faut

rien affirmer. Ramener à leurs types lesplus généraux ces op-

positions d'opinion, c'est dresser enquelque

sorti; la liste des

catégories du (toute, ou plutôt* car il faut ici mi mot nouveau, 4

qui n'implique aucune allirimition, c'est énumérer les tropes ilil

y en a dix.

!l>Ap. Euseb.>TOp.eï.. XIV,wm,«t.S.

.«., Vil, .Via.

« IX, 78, 87.!li Le mot Tifeoi(Diog.,IX, 79) s'appliqui»plin iiiiturcltMixmtà .Euréitlt'mc

qu'il Pyrrhon. On pourrait aussi adopter la correction prnptHde jur Nielswlie (/fei-

Irâge :«r Quetlaïkwute itt Dwfr. Ijierl., Dasct, 18711. p. 1 j), (|iii lit Toutou* ii

toit ii*t ifôwivt mi Stoiôatos tiftimi» fo -apmot x.r.X.

!i) Zellcr relève (p. a5).tnns IVtpnsilirm il« F)io(;nic et <I« SmIim iiombrc (tVi-

prossiui»qui ne sauratPiit être.nildrieiircaà l'i-|iO((ueit'jf)ut'siil£ini>.

Sea P. 1 36. Cf.l'appenlieim DieTro/miikr Criait. Skept. p. 1:) Bcr-liii. iitS'i.

Di»g.,l\,78.

Page 262: Les Sceptiques Grecs Brochard

/ENÉSIDÊME. – «01» SORI'TlOfSMK. 205

Us sont 0X1)081%,uvot; une -extrôme nbnnduiu'iMlY'ximiples et

do commentaires, |mr Sevlus* et plus sobrement, mai» presque

dan» le» mêmes termes, par Uiogftn»*31: un jihbsuj'u'3' do c« «loi--

nier donne à penser qu'il avait sous lesyeux te texte mémo

«ivh'iiôsidôino; nousempruntons à eea deux auteurs tes éléments

du notre résumé <

Lu divenilê des uttimmtw. – 11 v a de nombreuses diffé-

rence» entre les animaux tous ne naissent pasde la même

manière, tous n'ont pas les mêmes organes. Or, on sait qu'unemodification de l'organe, comme la jaunisse chez l'homme, ou

t'action du su frotter les yeux modifie la perception, Quand donc

on voit des animaux (lui ont une tueur dans les yeux ou la pru-nelle allongée il faut admettre que leurs perceptions diffèrent des

nôtres. On doit en dire autant des autres sens te toucher n'est

pas le iikWpour qui

est revêtu d'tille coquille, ou de plumes.ou d'écaillés; le goût pur Ilui a la langue sèche ou humide.

L'observation atteste d'ailleurs cette diversité des perceptions

l'huile, qui est bonne aux hommes, tue tesguêpes et les abeilles,

Peau de mer est un poison pour l'homme s'il en tise trop long-

temps. cite est fort agréable auxpoissons.

Dès lors, d'un objet connu f»|«_rjes sens, nouspourrons

bien

dire comment il nousa^Htraît,

tuais non pas ce qu'il est car

dequel droit supposer que nosjiorceplions sont plus conformes

à la nature des choses que relies des animaux?

D'ailleurs, les animaux ne sont pas aussi inférieurs Al'homme

t~r t' t. 34 et aeq.

w IX,7«iei«î.'<»>IX, 78.

SuivantAristoclès(ap. Kusek, l'hep. tt., XIV,xvm.u). /Knosidt'ineii'niir,iilreconnu que neuf tropra. S'il fallait choisir entre le tiimoijpiajje isolé il'ArtstocIfa et

li»«témoignagesconcordantsde Si'ittw ot de l)io|jùni!,an dernier*devraientévi-

demment olilonir la prûfcronee. Il est pnilmlilft qu'une erri'nr a été rummijo mit

par Aristocfc'.i,soit par uu cupist» c'est aussi l'opinionde Zollm-et detlinet (III1 l'i), PnppMilichn(op. cil.) prend parti pour te tette d'Arisloclés mu rahousne

nousont paspont décisives.Nouspersistonshallritmerà ^néiidtfiuc la dixIropes,comme le fait Sextus, ,1/ VII, 'A'i'i mOinep éietÇtiwv ioi> mapi iji MvwtUw

Jéxa ypénout èmimef.

Page 263: Les Sceptiques Grecs Brochard

2M LTVttIUH. CIMPJTRK Ifl,

tja'il ptatl aux doginatistes de h dire; (es sceptiques prennent

plaisir à énumérer les ««Vîtes du chien. Non seulement il a des

senssupérieurs

aux nôtres, «mis il sntt choisir mqui

lui est

utile il a dus vertus qui règlent ses passions, il connaît l'art de

la chasse, il estcapable di>justice, môme il

n'est pas étranger à

fadialectique.

a" h's(lijfêremes

ente ta hommes. – Accordons cependant

tjue [es>lionmi«.'s sont smaHtie«i>saux animaux. H y a entre eux

<le telles différences (fu'ait sera encore dans l'impossibilité dedécider où est la vérité. Les corps diffèrent

par la figure et le

tempérament on a vu une femme d'Athènes boire trente drachines

«te t'Jj'wë sans en «îtr«* incommodée. Démophou, serviteur

d'Àtex&ndrc, avait froid au soleil ou dans un bain chaud h

l'ombre. Lesesprits

ne diffèrent pas moins les uns aiment la

vie active, les autres lerepos; tous les poètes ont signalé ces o|>-

positions. Entre tantd'apparences diverses, comment choisir?

S'enrapporter

implus grand nombre? Mais nous ne connaissons

pas tous les hommes, et ceque la majorité pense ici, elle ne le

pense pluslà-bas. H vaut mieux tm pas choisir et ne rien

ttflirmer.

3* Im (Urtrsiti des sens. Dira-t-onque, pour échapper à

cette difficulté, il faut s'enrapporter à un seul homme pris pur

jit{;e, le sajje idéal du stoïcien par exemple? Il sera tout aussi

embarrassé de se décider, trouvant entre les différents sens une

nouvelle diversité. Une peinture a du ndief pour les yeux et

n'en a pas pourle toucher. En parfum agréable à l'odorat blesse

Ingottt. L'eau de pluie, bonnepour les yeux, enroue et incom-

mode le poumon. Qui sait si lesqualités

des choses ne dépendent

pas uniquement de la diversité de nos organes? Une pomme dit

potil-ârc (jti'iine seule qualité; peut-être en a-l-ellcplus que

nous n'en connaissons nouspouvons les ignorer comme

l'aveugle ignore les couleurs. Donc, ici encore, nous ne voyons

que l'apparence non la réalité.

A" Les cirmmttmrex(ureptorifaets). – Sons ce nom l«*sc«p-

Page 264: Les Sceptiques Grecs Brochard
Page 265: Les Sceptiques Grecs Brochard

/ENÉsmiÏMK. SON t>(ilïl»TlClSMK. -m

'7

tique désigne les ItaJiitudf.s lesdispositions au en millions par-

ticulières (lui font varier lesperception!; tels son* t veille ou

te sommeil, les divers iîges de ta vie. lorepos te mouve-

ment, l'amour ou la haine. Le miel parait mner ù ceuxqui ont

la jauirisse. A censqui ont un épancheaient de sang, une étoile

parait couleur de sang, lundisque nous la jugeons toute diffé-

renie. Il n'y itpas

ilobjecter que ce sont des cas anormaux et

do maladie» car comment savoir si, eu pleine santé, nous ne

sommes pas dans des conditions capable» de modifier l'apparencedes choses? Ainsi encore l'amour nous fait voir la beauté là où

elle n'est pas. On luipas les mêmes idées étant ivre on

â jeun.Rutre toutes ces

apparences comment se décider? Toutes se

valent.

a" fats stluatiom, fe$ distance* et les lieux. Un vaisseau, vu

(le loin, (tarait petit et immobile; vu de près, il paraît grand et

en mouvement. Une tour carrée, vite de loin, parait ronde. Voilà

pourles distances.

Une rameparaît

brisée dans l'eau droite dehors. La lumière

d'une lampe parait obscure au Soleil, brillante dans les ténèbres.

Voilà pour tes Hem.

fine peinture a du relief si ou la regarde de loin i'IIi*paraît

unie si on la voit deprès. La |;orfje des colombes se nuance «le

millt! couleurs différentes suivant (|u'elles se tournent d'une façonou d'une antre. Voilà pour les positions.

Mais comment («nnaihre les choses, abstraction faite du Heu

qu'elles oecupimt de (a distance où nous sommes de la position

qu'elfes prennent ? Nous lie les connaissons donc pas.

ti L'x mélangea.– Un objet ne nous

apparaît jamais seul.

mais toujours uni ùquelque

autre chose à l'air, à la chaleur,

à la lumière, au froid, au mouvement. Dans ce mélange, com-

ment connaître l'objet en lui-ntdmc? La couleur de notre visage

[tarait autre, quandil fait chaud, et quand il fait froid. Notre

voit ini pas le même son dans un air subtil et dans un air

épais. La pourpre n'a pas la mé*me couleur au soleil et à la

Page 266: Les Sceptiques Grecs Brochard

~~t~ I.f\lRE III. t:IfW1'l'IUf HI,

ttt 1,

latnp«. t) -mini part,nous no connaissons les choses

«pu* mutt'iitfemwtli » de nos

organes, nouveauutélan<*e qui

altère in

pttiweptiott. A pourquoitout

parait et blanchâtre à «>n\

qui <mt la jaunisse. Nous iwpouvons pas plus séparer les choses

de ceijui

tes entoureque

nousn« distinguons l'lmtlu dans un

ongutml. Mais liepas

lesséparer,

c'est nepas les connaître en

elles-mtJmes.

7°Ix»

quantité*ou

compositions ' – Les elioseschangent

«l'aspect suivantqu'on

lesprend en plus, ou moins

grandes quan-tités. Considérez

à partIvs raclures de cornes de chèvre elles

j>araiss«nt blanches; regardez les eûmes(jtù

en sont forindes

elles sunt noires. Les |>nûns de sable, séjiaivs. paraissi'nt rabo-

teux; dans le monceau, ils paraissent mous. Lu vin fortifie si on

enprend

avec modération: il affaiblit si on en abuse.

H* La relation – Toute chose est relative à lu fois aux

autres choses ;tvoelesquelles

elle estperçue

et à celuiqui

la

perçoit,liiie chose n'est

pas à droiteou à

jjauctte par elle-nuhnc,

maispar rapport

à une autre. Lejour est rotatif au soleil. De

môme le haut est rotatif ait bas. le grand unpetit, le père

ait

Èils. Rien n'est connu en soi-même.

9" Lafritfuenw Wla rareté.– Une comète nous étonne

parce

qu'elle apparaît rm-ement le soleil nous effraierait si nous ne le

voyions pastous les On ne

s'inquiète plusdes tremble-

ments de terre une foisqu'on y

est habitué. Ce ne sont dom-

pas les caractères des choseselles-mènes qui

dérident de nos

jugements, mais leurfréquence

ou leur rareté nouvellepreuve

•pie nousn'atteignons que

desapparences.

io" hs roulâmes les lois, lesopinions

– II nes'agit plus

i<-i des sensations, mais des croyances mirâtes elles variant à

l'infini. LesKgyptiens embaument leurs morts, tes Bornai as les

Otvnpn «fit»lniili>Miv>ch'i DiojK'm1.

Dixii'Éiiefin-I>icpj;è»M.

il^iniiiiii'iiii1 i:Iii»zOiogi-n'

Page 267: Les Sceptiques Grecs Brochard

-KSltëSHrêSIE. SON SfiBPTieJSMK. *59

'"•

'.#I.r"«na:t ;1'1:. J" (J ql~;U~.

Iwûfenl, los PéotiïeiïK tes jettent. dans les marais. Les Perses

permettent aux. filsd'épousei- leurs mères; tes

Égyptiens, au*

frèresd'épouser leurs swiirs; ta loi grecque le défend. Que de

diffwiwes entre les diverses religions, entre lesopinions des

philosophes, entre les récits despoètes! On peut donc dire ce

«pie les hommes ont pensé sur tel ou tel point, ce qui leur a

paru vrai hou cequi est vrai.

Ces dixtropes, on le voit, se succèdent, sauf les

quatre nrerroiere. sans grand' ordre. Il n'y a pas lieu de s'en étonner ce

n'est pas méthodiquement ni « priori, maisempiriquement- et

en accumulant des observations, qu'ils ont été déterminés. On

aurait mauvaise grâce à exiger ici un ordre plus rigoureux quecelui

qu'on trouve, dans les catégories d'Aeislote. jetées. elles

aussi, les unesaprès les autres, sans aucun lien (lui les réu-

nisse'•

Toutefois,il est aisé, tle s'apercevoir que lessceptiques atta-

chaient une certaitteimportance à l'ordre de leurs

tropes. Nous

m avons lit preuve dans cetteexpression de Sexlus xpûpefa

Tjf «*;« ravxti &ermvs; et à diverses reprises il insiste*'1' sur

Tordre auquel il s'astreint. If prend même la peine tle simplifiersa liste et

remarque 'l que les dixtropes peuvent se ramener a

trois le premier porte sur celuiqui juge, le sujet ( it comprend

lesquatre pretniers lie la liste); le second porte sur l'objet (il

comprend leseptième et te

dixième); le troisième porte sur te

sujet et l'objet ^ce sont les cinquième, siviètw. huitième et

neuvième). Onpeut dire aussi, ajoute Sextus.

que torts tes

trolles se ramènent à un seul celui de la relation'5»; il est le

II n'y a pa's lira, (l'ailloitim, de duwlicr ira rapport plus dirait entre Ira lrepc<d'/Kn&iitnne (il les oilégarim <f Aristolu, canimu le- fait ftiuppnlu-iin.

"'P., 1,38.

<>' P.. I.iii.fil

ft.l.II wmlili. tft'en sViprinuint ainsi Soïtiii fasse allusion Ii la rl.wilicalio»

ailn|ilvi' |iar Uiof>i'm>-«fl ijui plao- au <l."riiif>«-raiig li> hiipe è* la relation. NW m-

rroymis pa', avec lliiwl, i|ni a il'aitlciii-s «rit sur ri«U> i|imslion des pi»j;cs ciwl-Icnlfs (op. tit., p. ii.Vi. <|ii.- S<-vlits n'ait jw« l'nimu imc aiiln- liste que fp||(.

Page 268: Les Sceptiques Grecs Brochard

2GU UVRE fil- CIIAmUB ffL

genre suprême, les trois précédents sont les genres, les dix mat

desespèces.

On conviendracependant (tue si les dix

tropes se ramènent

aux trois qu'on vient d'indiquer, une méthode rigoureuse exige-rait

qu'ils fussent disposés dans un ortirocorrespondant. Sextus

ne s'estpas conformé à ses

propres indications, probablement

parce qu'il reproduisait le texte môme dMCnésidème* et que le

besoin d'un ordreplus satisfaisant ne s'est fait sentir

que plustant. Mais aous avons la

preuve que lessceptiques ultérieurs

procédèrent autrement.

L'ordre adopté par Diogène, d'après uasceptique plus récent,

Saturntnus o» Théodosiuswi, est, à certainspartis, plus satis-

faisante Le dixième trope (la devientle

cinquième. : il s'agit, en effet, de divergences d'opinion tenantr

à la nature ou aux dispositions dusujet. Le

septième devient Te

lessixième, septième, huitième et neuvième tropes

(situations oudistances, mélangea, quantités ou compositions, fréquence

ou rareté) serapparient à

l'objet considéré en lui-même, abstrac-

tion faite de toutrapport soit entre le sujet et l'objet, soit entre

les divers objets. Le dixième enlii» (/« ivla(iou), le plus important«le tous, désigne les

rapports des objets entre eux.Remarquons

à cepropos que l'idée de la relativité est présentée chez Diogime

un peu autrementque

citez Sesctus. Cedernier entend par relativité

aussi bien lerapport de l'objet au sujet que le

rapport(les

objetsles uns aux autres. La première forme de la relativité (lui se

présente à la pensée est, en effet, la relation des choses à l'es-

prit. Un examen plus attentif ne lardepas à montrer

quela

relation (les choses entre elles n'est pas moins réelle, et celle

relation fournit au scepticisme un argument encore plus décisif:

aussi est-ce uniquement de cette dernière qu'il est question chez

IJiou;~nc

«i'iEnéùlèmiiFonlm màn<« qu'il indique ici prouve qu'il conçoit «no disposition

ptus méthodique.(> serait certainement TlinutoMiu. si un arfupbût la correriiou Je Kietisclic

indiquai; i-i-desii» p. tà'i.

Page 269: Les Sceptiques Grecs Brochard

/ENÉSIDÈHE. SON SCEPTICISME, 2tt!na~uarmsn~u. avri ~UUf- II-U.Qj'I-I4" 4Vi

On pourraitétablir une

comparaison analogue entre ces deux

listes et celle de Favoriniis"1. Mais il paraît inutile d'insister

davantage sur unpoint après tout peu important. Bornons-nous

à remarquer que tes dix tropes d'/J'lmisidèine, sauf le dernier

(encore s'agit-il desopinions communément admises, sans aucun

caractère scientifique), ont pour objet de montrer j'insuHisancevitmetêre ont 110111'objet de montre)' 44,~1-ligal"Clde la perception sensible. Il restait à faire un pas de plus et a

montrer que la science (.llc'-roé'me, malgré ses prétentions, n'est

pas plus heureuse. C'est ici que commence l'œuvre propreet

vraiment originale dVËnésidème.

If. C'est probablement sous l'influence de la nouvelle Aca-

démie, àlaquelle nous avons des raisons de eruire

qu'ilavait

d'abord appartenu et pour répondre aux ex%encus nouvelles de

la philosophie de son temps, qu'iKnésidôme fut amené à sou-

mettre à une critique subtile et profonde les idées essentielles de

la science. Après que des philosophes tels (tue Carnéade avaient

proclamé l'impossibilité de la science et mis oit lumière l'in-

suffisance (te la connaissance sensible, le scepticisme,s'il voulait

tenir son ran;; parmi les systèmes, ne pouvait plus se contenter

d'éimmérer desopinions ou des apparences contradictoires, et

secomplaire au jeu farile d'oppositions comme celles

que nous

trouvons dans les dixtropes. Il fallait pénétrer plus avant et

montrer non seulement que la science n'était pas faite, mais

qu'elle ne pouvait se faire. C'est ce qu'entreprît /Eiiésidème. Nous

ne connaissons qu'une partie de ses arguments ils donnent une

haute idée de son rouvre. Il n'estpas impossible, d'ailleurs, que

cequi nous a été conservé fut l'essentiel l'esprit subtil et ctair

de Se.\lus Kinpirieusétait bien capable de faire ce choix judicieux.

En tous cas, !es trois lambeaux de doctrine qui sont arrivés jus-

qu'à nous se rejoignent aisément et forment un tout bien lié.

Lesceptique

établissait d'abord i>n {fénéral qu'il n'y a point et

ne peut yavoir de vérité c'était contester la possibilité 1116110

l'onr FaniriuiH (Oi»j; IX, 87)1 h m'iivivuic H»\><\ de Diojji'iie esl le

Iiiiiliùuii'; lediiiùiuc de Diogi-tm ili'iKiit te iienvit'inu.

Page 270: Les Sceptiques Grecs Brochard

262 -tIVBB Ht -CHAWTKK m.!«"»» ia – ondriinb ut.

de la seitsncev Cemqui ëftrieat 41» seienee fa considèrent comme

la découverte des causes ou comme un ensemble de démonstra-

tions s'imposaut nécessairementà l'esprit. Il n'y a

point, il

nepeut y avoir de causes, répond làiésidême. Il

n'y a pasnon plus, il ne peut y avoir de relations nécessaires outre nos

idées,el,^»ar

suite, if n'y apoint de dCnnoiistralion. C'est, on

nu peut s empêcher du leremarquer, précisément buiéme suite

d'idées que Hume défendit pins tard. Mais nous devons d'abord

exposer sans commentaires la doctrine d'.t'nésidème sut- ces trois

points capitauxil

n'y apoint de vérité; il

n'ya

point de causes;

il n'y a point 1 démonstrations, ou. comme oit disait alors, FI

n'ya

point de signes.

t° Dk LA vbihtk. – Sexlus'Ji nous donne, mm le texte même.

ruais le sens de t'arjjunienlation iCEnésidème.

Si le vrai estquelque chose, il est sensible, ou intelligible,

ou l'un et l'autre à la fois, ou ni l'un ni l'autre. Or tout cela «>st

impossible.

Le vrai n'estpas sensible, car les choses sensibles sont géné-

riques, comme tes ressemblances communesà plusieurs indi-

vidus tels l'homme et le cheval, qu'on retrouve daus tous les

hommes et dans tous les chevaux; ouspécifiques, comme les J

qualités propres à tel ou tel, à Dion ou à TWon. Si donc le vraiv

est ehose sensible, il fautqu'il soit

génériqueou

spécifique or il

n'est nigénérique ni spécifique. D'ailleurs, ce

qui est visible

peut êtreperçu par la vue, ce

qui est sonore.par l'ouïe: de

même tout ce qui est sensible est perçu en général à f'aidtï d'un

.1/ Mil, io-i8àuviati Se x*i </ Mnfihaai. izopne rifamv.i:

Pourquoi? Le leslu ne li; dit pas. Suivant Fal.riciiH, le vrai, [wn.u p;tr 1^

«us, n'est pas un j;enri?, para; «ju»» les «ns nfl pm-çoii>»nt pas riinin-rMl il nVst

pas non plus uni» <|tialili: spiù-ilique parce <|w> !<« smt.4 m>pi'Koiïenl j.iniaiî cp quiJ

est propre « un ,.h-i!, mars <eu&>mi<ur lés i|uafik>9 anunium* à f««*. Il non» semble t

plus simple (J'int0rpr<;t<>r ainsi la pi-nsrô it',Kn«itiéRU> le vrai ii'mI jas un genrp.car ce n"psl pas iiih> propri*' qui tarattiri*' un« ilas».< .|'nr« à l'i>trl>i<iaii ,Uhautres loutc» \c< clioais swisiLI.'» pi-mont <>tr<!vraii'-s. El f n>>l pat non jiIik I.i

propricli; i|i> tel ntt d>| oltjel. putir la im!in(> raison.

Page 271: Les Sceptiques Grecs Brochard

£Mtell>ÉM&– &0S SCEPTICISME, 263fi.'VivSIBEMK. – sus scepticisme, 263

sens. Mais h mûin n'est pa» perçu en général à l'utde d'un sens,

car la sensation estpar elle-iHttoie dénuée de raison; or on lie

peut connaître le vrai sans raison. Lo vrai n'est ({une passen-

sible.

Il ti'est pas non plus intelligible, car aucune chose sensible

ne serait vraie, ce<|iii

est absurde. Eu outre, ou if sera intelli-

gible pourtous à la fois, ou il le sera pour quelques-uns soule-

moitt. Mais il estimpossible (|ti'il

soit connu du tous à la fois, et

il n'est pas connu «le quelques-uns en particulier, car c'est in-

viiiisemblable, et c'est justement <le quoi on dispute.Knliii le vrai n'est pas il la fois sensible et intolligible. €ar ou

bien on dira quo toute etiosu sensible et toute chose intelligiblesont vraies dit bien certaines choses sensibles seulement ou bien

certaines choses intelligibles. Or on ne petit dire (pie toute chose

sensible et toute chose intelligible soient vraies, car les choses

sensibles sont en contradiction avec les choses sensibles, les

choses 'intelligibles avec les choses intelligibles, et réciproque-

ment, les sensibles avec les intelligibles et les intelligibles avec

les sensibles. Et il faudra, si fout est vrai, qae la nième chose

soit et ne soit pus. soit vraie et fausse en mène temps. (I ne se

peut pas no» (dus i{ite <|ociques-unes des choses sensibles soient

vraies, ou({uelrpii!s-unes «les choses intelligibles, car c'est préci-

sément (lequoi

ondispute. D'iithVttrs, il est

logiquede dire que

toutes les choses sensibles sont ou vraies ou fausses. car. en tant

qu<>sensibles, elles sont toutes semblables l'une ne l'est pas

plus,l'autre inoins. Et il en est de même des choses intelligibles:

toutes sont également intelligibles. Mats il «>st absurde de dire

que toute chose sensible ou toute chose intelligible soit vraie.

Donc le vrai n'est pas.

a" DE la cAi"S-%r.iTiî. – ("est encore Sextusqui

nous

' II nous sctulilc vtirii-iil qu'il finit faire ili'i'/u&éi lit sujet d<' ji'i'piiftii('i.'i);à moins qu'a» lieu ili; ot»ra xni 10 ahUntî»' xtuvxt afaOnan j nupiîmt on ne tiw>

oûsu gai rb ai~n5és.' .V.. IX ftix-;ia;. «X l>i«| IX .7, g8. 91,.c f

Page 272: Les Sceptiques Grecs Brochard

26* LIVREML GHAPltBBf ILm c s 1 ii Ii 1 l..

donne le résumé de rargamentirtien d'/Eiiésidèra» contre tes

causes.

fi n'y a pas de causes, car uncorps ne peut être la cause i

d'un corps. En effet, ou bien cecorps n'est

pas engendré, commeç:l'atome d'Epicure, ou bien il est

engendré, comme on le croit

d'ordinaire*», et il tombe sous les sens, comme le for, ou if est

imperceptible, comme t'atome dans les deux cas, tt ne peutS

rien produire, car s'il produit quelque chose, c'est en demeurant

en lui-même ou en s'unissant à au autre. Mais, demeurant en

lui-même, if ne peut produire rien de plus que lui-même rien

qtti ne soit dans sapropre nature.- S'unissant à un autrtvi! m»

peut pas nonplus on

produire un troisièmeqtti. n'exisliU

pasauparavant; car il ne se peut pas quW devienne deux ou quedeux fassent trois. Si un pouvait devenir detiv, chacune desdeux unités ainsi

produites deviendrait deux « son tour, et it yen aurait

quatre-, puis, chacune desquatre unités se dédoublant

à nouveau, ily en aurait huit, et ainsi à l'infini or il est tout à

t'ait absurde de dire que de l'unité sorte une infinité de choses:et il n'est pas moins absurde de dire

que de l'unité naisse une

multiplicité.

Il est encore absurde de dire que de f union d'un certainnombre de choses il puisse en sortir un plus grand nombre. Carsi une unité,

s'ajoutent à «ne unité, enproduit une troisième,

cette dernière. s'ajotitanl aux deux premières, en produira utte

quatrième. celle-ci une cinquième, et ainsi à l'infini. Donc un

coq» uepeut être la cause d'un

corps.Par les mémtw raisons, l'incorporel ne

peut «Ire ta cause de

l'incorporel: car jamais de l'unité ne peut naître It pluralité, ond'une pluralité donnée une pluralité plus grande. En outre,

Au lieu de éOos. li?Kte iwiiifetcment alltré. onpourrai! lit*, avec (lirai

(p. i46), ivQptmos. H est possilil» quVn soutenant qu'il n'y apas .{<:causes, ,-Kné-

sidèm» s* soit lr,,<ivé iFmyon! «w Héractil.. .•onmw l.sii|>pn*. |nra«.| (*«/.). 1.Mais les raisons imo<jii,« à lappiii de o-Ho mnj«ctun> nous ^ml^nl I, «cii.Iwisnes. CVsl [oui aiilm e\l0.é ,te ,|iw, cnmme k (.,it i\c.T:leiill, f,:tl,m; A|llïHtrum., i.'i), ,[“,> [, ,,WIlè|,v “ lie cailW) p| (||V pr0(.|f1lll(, fOn,me |à. iji,

/tni:Hili-ni. rirapu>sil)ilil.f tii;«i<|iio .le iouli- fau?alil.

Page 273: Les Sceptiques Grecs Brochard

f

/KNÉSiDÉ&f E – SON SCEPTICISME, 265

110-i. Ii<

l'incorporelétant

inr;i|tnl)l(» de contact, nepeut ni agir ni

pattr'

!)<• mé"me que l'incorporel n'engendre pas l'incorporel un

corps nepeut produire l'incorporel, ni l'incorporel un corps

cw lecorps ne renferme pas en iui-mâme la nature de l'incor-

porel, ni l'incorporel celle (htcorps. Du

platanene nift pas un

cheval, parce que la imturo du cheval n'est pas contenue dans

ccilo du platane-, d'un cheval ne peut naître un homme, parce

(pie la nature de l'homme n'est pas eoiHenw flans celle du cheval

De inOme d'uncorps ne sortira jamais l'incorporel, parce que la

nature del'incorporel n'esl pas dans celle dti corps, et. inversé-

ment, de l'incorporel il ne sortirajamais un corps.

Bien plus, ftm des deux fftt-il dans l'iiutn* i! ne sera pas

engendré par l'autre, car, si chacun existe, il ne naîtpus

de

l'autre, mais possède déjà la réalité existant déjà, il nepeut

«W engendré, car la génération est un acheminement vers l'être.

Ainsi. le corps n'est pas la cause de i'ineorporel ni l'incorporeldu corps. f)"où il suit qu'il n'y a pas de cause.

^TSstte argumentation «l'/KnésKlî'tne sacomplétait par l'éntHiié-

ration, dans le V" livre des ïlufâw'ttot Uyov-K de huiltiopes

particulièrement destinés à réfuter ceux qui croient à l'existence

des causes Sextus nous en n conserve la liste en des termes assez

obscurs.

Cestropes

diffèrent d« ceuxqu'on

a énumérésprécédemment

non seulement par leur objet. mais par ta manière dont ils sont

présentés. H ne s'agit plus ici d'opposer les trucs aux autres des

opinions d'égale valeur et contradictoires, mais seulement d'in-

(Kijtier des manières de mal raisonner sur les causes le mot

trope est employé dans un sens nouveau. La liste d'.Knésidème

est à vrai dire une liste de sophismes.

Saiwil croit voir ici un«O|iliisnif. rttaisonnur ainsi ilitril. ••>>!

supposer

relie maji'iire une cause i«>(«'lit a/;ir r|iu- jiar

mnlm-l. dp, ifiijaemnli- ce(l«' ttta-

jeure ï l'ei«imw, i|ii« je sache, cw|iléIw maiûrialiisb'S.i tlais sans [jartpr tle*

sluiciciis, c«I!(t lli«"se mt a-lte d*Aiistuli« Cm. au».. H. i. 7S1. A Htvcivjip piV

in'ioficvov iàitnx(,y. (;f. Zollcr, t. III, |>f.ri(i.(:

t'Iiol., Mgr. (mI.. -it- Srtliis, ifcv.

Page 274: Les Sceptiques Grecs Brochard

Mù UVRK-Itr.-CtUWTftE I».

Voies ces hait tropes11': te Recourir aune catrsw qui n'«st pasévidente et

quin'est

jxisattestée

|>arune autre chose

qu'où

puisse appeler évidente s" Ayantà choisir «itre plusieurs bonnes

raisons également plausibles, s'urrâter arbitrairement a une

seults; 3° Les choses se passant suivunt un ordre régulier, in-

voquer des causesqui ne rendent

pas compte de cet ordre»;

4* Supposer queles choses qu'on lie voit pas se fassent comme

des choses qu'on voit, quoiqu'elles puissentaussi se faire au-

trement; 5* Rendre compte de toutes choses, ainsi que {'ont

fait la plupart desphilosophes

à l'aide des éléments qu'on a

imaginés ait lien de suivre les notions communes avouéespar

tout le monde: 6' .\e tenircompte, comme le font beaucoup de

philosophes, que des causes conformes à ses propres hypothèseset

passer sous silence celles qui y sont contraires, quoiqu ellesaussi probables; f Invoquer des causes

qui sont con-

traires non seulement auxapparences

mais même aux principes

qu'on aadoptés;

8" Pour expliquer des choses douteuses, se

servir (le causes également douteuses.

(I peut arriver entii», remarque J'inésiilème, que les philo-

sophes setrompent en

indiquant des causes de plusieurs autres

manièresqui

se rattachent il celles qu'on vient d'indiquer,

3° Des signes. – S'il est impossible de couitmlre directe-

ment les causes, etpar

ellesd'expliquer les effets, de descendre

Fabrk-iu'i (M Sexlam, P., I, t8u) les explique pat <I<m «xniipte» ingénieuse-ment choisi* r* Kv|ilii|m-r. romnifi ht

|i\tli.ij["riri..Mi9, ta tlûfimi-e île? planète:; parune proportion mmirafe: 3* Expliquer- 1«: itrliorituinent iiniiiieidti Sil parla funli- «tes

ncigi's, aluis ejtt'il p«i! j avilir iCaitiref l'aiHfs.niiiinii* ft'« pluies, (p voul.li" sufeil;

'•'•' Ki|)li([(wr li> moiiveniiitt ik'!i «ntris jiar imo piT--ioii niiitu^Ile i[«i ne r»'nit

.iiifimciiienl rmiipti; t!<; l'onlrt; <|ni y rcj'iies 4* Kxplti|it"r l.i vinion <lc ta même

iiKiiii.1*1 que l'a|iparition des iiiK^s diius une clianilire m)ire; 5* Kvplt'jrrcr le

in»nil>f par les .ilomes, cintime Epinnro, «11 par !>* li«iiM«iiK-ries, comme Aiiina-

fjorc, mi par la matière ci la forme. comni>i Arislole; ty Expliquer Ic^ eoiaHfa

comme Smloto, par r;is«i-mlilaj;e de* vapeurs «kiiiks ilii ta lernr, parce (|»e eettf

lllénri"' concorde utn: *p* idées sur ri'ihi-mhla de l"uniïiM>; f Admettre, comme

Kpieiin1, 1111climnien incampatilile ;i«« la nwm^iti» qui' cepcruliinl il firaclninc:H* Kfpliqii<!r ta inontw de la s«vi? jiar l'itlradinn. parcu mm IVpiifje alliiv t'piiu.

fait i|ui <'<! |iourl.inl contf-slé par i(ni'lqiie»iiii«.

Page 275: Les Sceptiques Grecs Brochard

.BNËSHJKUK. SUN SUKI'TICISMK. 267

des cnuses uux dlels, 110peut-un fcmoiMor dus effets aux causes,

saisir tas causes un delà des «ffets, c'eirt-à-dire les atteindre in-

directement? Les ellels, mi d'autres termes tesphénomène)*,

se-

raient afors «tes xifpies ou des prouves dont laprésence attesterait

la réalité des causes le raisonnement serait lemoyeu que nos-

sède notreesprit pour s'élever il l'explication des choses. Telle

était précisément la thèse des stoïciens, des épicuriens: Maê-

sidème essayaaussi de lit ruiner.

(' l J)Ulîï çilvfins tri-& f'Cette thèse, mous savons trèspstiaimmeni «{nVlinétidème

s'est appliqué à lu combatliv. «An quatrième; livre de son ou-

vrage, iiotiS'rfil lJttotiusil!, /Knésidènie déclarequ'il n'y a pas de

signesvisibles révélant les choses invisibles, et

ipieceux

qui

croient à leur existence sontdupes

d'itno vaine illusion, n

Ce fènoi{jna(;e est confirmé par «m passage plus explicite ûe

Sc.vtus1*1.Siles pliûnointiiuis. disait /Knésîdèmc, apparaissent de

la niému manière à tous cenv(jui sont semblableutent disposas,

et si d'autre part les signes sont des phénomènes il fautque

los signes (ipparatssont de la même manière à tous ceux qui sont

aembluhhmeid disposés, Or, les signes n'apparaissent pas de la

inéiui! manière à tous ceuxqui

sont seinblableniciit disposés.Les sifpujs lie sont donc pas «les phénomènes.

Sevtus se donne beaucoup depeine pour prouver que c'est là

un raisonnement correct, formé d'après les règles de ceque

les

stoïciens appelaient te second «iode d'argumentation indémon-

trable «ni au troisième. Sans entrer dans ces subtilités, accor-

donsque l'enchaînement de ces trois

propositions est rigoureux,et. voyons comment chacune est justifiée.

La première est fondée sur l'observation tous ceux qui ont

les ycu.v en bon é(at voient la couleur hiiiitrhe de la même ma-

nière il en est de même pour les autres sens. La seconde est

évidente. Pour la troisième, la médecine fournit des exemples

décisifs la rougeur chn/ cein qui ont I» fièvre, la moiteur de

la peau, l'extrême chaleur, la fréquence dupouls,

observéespar

.U~tf~ t~n. Il,

"' M..VIII. ai.").

Page 276: Les Sceptiques Grecs Brochard

26* UVRE Ht CHAPITRE lit

des médecins seiublobtement dispose* m malpas interprétées

par eu* de la même manièreHt'-rophite y voit une marque do

la bonnequalité

dusang; pur Krwristrato, c'est le

signedu

passage du sang des veines dans lesartères; puur Asclépiade,

c'est la preuve d'une tension [dus {grande descorpuscules intel-

ligibles tiaas les intervalles intelligibles u).

En empruntant cet argument à .Enésidèm©(et probablement

m ledéveloppant à sa manière, par des

exemples qu'il choisit

dans la médecine), Sextus le fait servir àprouver que lus signes

ne sontpas choses sensibles, connue le voulaient les

épicuriens.fi reste après cela à

prouver qu'ils ne sont pas non plus choses

intelligibles, commele croyaient les stoïciens Soxtusentreprend

en elFet cette tféruanstrutia.tr. Mais il ne paraît pas qtùtëuésidèinB

y ait songé il a dû se borner àétablir que

tes signes ne sontpas

choses visibles, revêtant des chose» invisibles-,Çotpepà

t2v d<fa-

vâv. comme dit Pbotitts. Sevtas nous avertit' Itii-ititîntequ'il

tnoditie unpeu l'argumentation do son maître, en prenant le

mot <p*tvi(t°im connuef équivalent

de ahOirtd.

Il serait inléinssant de savoir si .Enwidème avait déjà fait la

tlistinc(if>ii que lessceptiques adoptèrent plus tard enice les

signes comindinoratifs(ùxoium</lixi)s et les

signes imlicalifs

(ivSetiet uca). les uns révélant des choses visiblespar elles-mêmes

|la fumée, lefeu), les autres découvrant des choses

toujoursinvisibles (les mouvements, l'àine). Faire cette distinction, c'est

avoir le sens très net de la méthode d'observation dans son op-

position à la méthode ludique oudialectique. On

peut être tenté

de croirequ'un esprit tel qu'.Knésidème avait

déjà bien compriscette diiféreitce, d'autant plus que les huit

Iropes contre les

causes donnent àpenser,

nous l'avons vu,qu\ Knésidèine

avatl

un tourd'esprit scientifique, une tendance à

interpréter sans

idéespréconçues les données de

l'expérience. Cependant ces

tropcscux-mé'mes. à tout prendre, sont encore d'un dialecticien

plntôt que d'un observateur, et, cequi est plus grave, aucun texte

S«t.V.,VHI, :(:.>.

Iliul.. :ili 'l'uvoftin fiii> ùaixc Hiltïv i Afaneihiftoi i& liaOmî.

Page 277: Les Sceptiques Grecs Brochard

<KNÉSJDKME. SON StitëPïïClSMË. Wi

[Jtvcisno nous autotise à atti'ihuoi1 à /Eni'fsidènre ht (Iwtinctioit

(jUt! fait Suvlus !n. La seule distinction qu'ait fuite /lîro-sidèiiie ml

celle «les st|»nes_sgnsjb|çs et clos intelligibles or e'est par une

•'ireur manifeste que r'abririus l-J confond cette distinction avec

«•die de Sevtus; car les épicuriens, (lui n'admettent que des

iViilorp, «tans un curieux et hardi ttiupitie tl'> ses Fanvlmn^m <ler Gmliùltlt-

ifc* lù-hnntnisijirobhim. p. 197 et mif. (Berlin, JlorU, tHSft), soutient l'opinion

contraire ses arfjumi'iits no nous ont pas comaiiicu. Nous croyons avec N*<ilurp

que Soxlus emprunte a /K nésitli'iim ta plupart <l« ses argument» contre Il's aignot

maïs de ci! liiil iiuiis timns imo condusion euntruirv. H est vrai qw Scïtus confond

le signe <>niji'ni'Kil des «lutciimset le sijjuo imlii'alif. l.à-ik'sstis, Philipiisun (Ik l'A. tih.

p. 57) l'arctise <Ic s"i}lr.- omlmlit..Niilurp k défciicl, mais le dt'&nct iimf. Suivant

lui, SimIiis ( 11, 07-1 ;).!«( .1/ VIII, i'in-ii|K) ne pui'ti; que itu signe on jjém'

raf, cl te(BK«n;e/fK 101,011 ce sîjjik* esta|i|««liV hitnamw, csl iulcrpulé. M»te

sijp|iusey un.1 iiiUfijioIitliufi,>'<'sl se tirai* coniuiod<:uicn( d'ulKiire. f.a (lit*; de V.i-

torpest il'iiitfours oiivorteiiK'iit coiitrediti1 parle pacage /ll, to3: cVst bicif du

«;ju<' indicatif <|iic veut parler .Si'xftii. La solution est bien jitus siuipfc. C'est ijhb

|au(uu! 0/1 li.'s- slmàfi}* discitl i;;»»' («lis q«.i)i(kvi(/on/, Sp.ilus eulciitt signa indi-

catif, liiiiluisan! en son laii|;a;;<\ ijtii ôtait atis^i celui ilos slonii'iis île son l'jmj>s, ta

|ien«!e des ;i(KicMi>. tt ivst vrai que te !*i|{in> tint sloicii'iis ne rentre pas evactement

dans la délimitai! qu'il a «limitée «in sij;iie indicatif. Mais ce n'estqu'une

diiïérence

de tonne. Au fond, lesïltrn· etyï~lts

et .lr:rn.= iydirafiÇ sont id(,~litiqtl4~s t'un

et l'aulre supposenteulru le sijjue et ta chose sïjjniliA' un lien néo'^Miii). C'«t

poun|iiot le signe est ëiemhtt1iit''V mv Mlyovmt, es Çioevs ûaiyopwimùv tov

<miieii>rav(M., VIII, tiui). G- xijjueest le seul ([iiM'jiésirfi'-me ait connu, (fiioiipu*

vraiscmliliiiileimml il ne t'ait pas a|i|ielé truliculit'. Et c'est puurquui l>iu;;enc (IX,

<j<i) <fi( sinqilonii'iil Snatîov ovx f/ra.

Il n'y a |>;is;i contester >l"ailleui.< que la ilislincliiiii enlre ta science i-l l'opinion

fonili'i' sur la seule l'ïpurii'iiivsuit aulvrienru à Kiiêsiilèine cVsl iv «|iw [itou\i> un

k'Vl<- de Platon (/(' Vil, ."11fi, ij qui nous avilit iiuiis-mùiiie vivi'uu'iit frappé

.naut ijue I.aas et surtout Natoru «mi cuisent tiré. d'iinpoilanti'* ciihsi'h(iii')ii:ms. <j>r-

bîneiiieiit l'Ialon, et prolintifemeut les sophistes, nul loann une ircyjos rpi&i

(/idî(/i'. ;ïtïf*t ÏC) furè vytsiitc île t'ïW'MovWst rîii» ant^ifKwt* (Sevt*, it "J3jj. J.

Miits csl-ci' unir raison pour ulErihui'F, t-n l'uliseuce il'un f<-iuui];iiajr,j> jn itîh, à ,V.w-

siili'nii' iiiti' llii'iiiii! savante >!• l'expérionce Nous ue truuvuns aucune trace de I»

distinction platonicienne rhet les acailéuriciet». tin pins, autre chose est itistit)|;iKr

la science et ta routine, anln- choy-u faire la théorie de celle routine, la -ulistiliUT

de propoi délilH:re à la science, en formule!' les règles. Il ne parait |jas que h-s

stqiliisli'- aient <léjia<>$c le premier <le <<>sdeuv [loiuls de vue.

\«us rruyiin» aii'C [Valoip i|n'if j y dans f« sci'p(i<'i.wne uw parl(>' ixuiliio nain

nous ne la voyons que cliez Sovln' onlti:inoi>l chez, .f'jiésidèint-, Kt si i-lli>a (>té dira

.'Knfeiifeine ( ce qui n'est miHciur-nl impossible), nous n'avons dans les ilofitinenls

dont nous disposons, aucune raison certaine «te i'altiriuer.

Ad Sexl.. f' H, 100,

Page 278: Les Sceptiques Grecs Brochard

•m unx\i Ht cH.wrBK in.

signes sensibles, croient attv signes indicatifs, l'.lwse Meisivo i

Smtus. liait* fa critique qu'il l'ait (le ta lliéwie (tes signes indi-

catifs kl\ «t i»« il suitpiesque

certainement Krtésidème, stnubtt"

oublier parfois sa propre distinction it cite t'animeexemple

de

signes indicatifs t celte femmea du tait, elle « conçu. Or, c'est là

évidemment un signe coniinérnof'atif. Dès lors, il est certain*

qu'au temps de l'écrivain dont s'inspire SesUis (et c'est iKnési-

clèine ) tes signes île cet ordre «tttwnt l'onsidért5» comiiie imite»-

tifs, ouplutôt simplement comme des signes. Lit définition du

<»ignon'i'tait pas tirée, couiim1 <;lle le fut plus tard. du caractère n

de l'objet signifié- (perceptibleou non), tnais du

lien quiunit. le iî

signe à la chose sigitiliéi' entro le lait dans les mantolles et le ?

t'ait d'avuir couçu il y a un ruppoti iH'cessairi! (àxo/.whtx. ouvép-

rncrti). En d'autres termes. la distinction des signes indicatifs l

et commémoratife n'est|»as (iww faite; elle

appartientà un<>

éfoli1 postérieure

lll. En morale. l'enseignement d'/Enésideme ne parait pas

avoir différé de celui de Pyrriiuit et de Timon. A deuxreprises m,

.KtK'.sidùme est uoninié avec Timon comme ayant dit que l'ata-

raxie est le seul bien que nous puissions atteindre, et qu'elle

résulte de l'hto^n. Nous voyons par le résumé de Photius qu'.fë-

nésidùme blàinail les acadéiniciens d'avoir donné une définition

du bien et du mal. Dans tes trois derniers livres de son ouvrage

il combattait la théorie morale des stoïciens sur les biens et les

maux, et leur distinction entre les ispottyptivoi et lesàwovpo-

tiytifim; il réfutait leur théorie de In vertu, soutenait missique

le bien suprême n'est ni le bonheur, ni le plaisir, ni la sagesse,

et finalementque

le bien tant célébrépar

tous lesphilosophes

n'existe en aucune manière1.

Vny. CMkssoiis. I. IV, ih. II.

Siée Philippsonfp. 6fi) nousPallribucrionsà IV«rolei<mpirir|iic,<*tplus particulièrement à Nft-iioilotc. ( Voy. t. IV, eh. I.)

J'Diojf., iX. 107. Vristw*. ap. Kiisek, op..•!> XIV. mil, tir.

ir C'itl.t jia: O p' ziti Tsiai xii w' Ktn* t«v tz^au? sy/atsT^i, prfrs uti* eïëat-

fioriai', [iitre tiii> tUopiii», (tnt« mt 2f.«iii<jiv, puît* iiiu ti sitôt énr/wpvv tirai.

Page 279: Les Sceptiques Grecs Brochard

.-K.NÉSIDÈMK. – SON SUKPÏICISMK. 271

Si ï'tm tram- Uix' sort»! «le cûHtt'udieliou entre eelii} ufyn.

lion abstiltii* et Piiifiriuntitt» suivant {«quelle Fatumie est te

bkii que peut seul assurer lescepticisme, celle difficulté est la

iiiétiM'-que nous- avons cl«5j rencontrée àpropos

del'yrrhon nf

de Timon. Klie doit être résolue de la même manière. Ce n'est

[•us dogmatiquement, utt pour des raisons llicoriquos qu'/Kni'1-sittètue reeeiniuatidc l'utaraxie, c'est à itit point de vue purement

pratiqua,et en s'intordisaut toute allirmufiun sur tes

pnnti[jiNou {'essence des eftoses.

Il y a pourtant encore une (iiificttllé. Un passage d'Aristoclès fli,

distii)j;uaiit /Knésidèiuc et Timon, déclare ijt»c faconséquence

du doute, dopii'-s ;Knésidènie. est non seulement {'nturaxto,

mais f« plaisir. S'il n'y « pas ici unn simple erreur, il faut en-

tendre lo mot tiSovif dans mt sens très large, celui par 'veniple

que lui donnait l'Jpirure, qtii Itit aussi comptait l'alnraxiepour

un plaisir iJl. (l'est aussi dans le môme sens <jtte Pyrrliou partait

du bonheur (fii' (iê}^.wt<t evSatttovtfaetv) comme but de la vïo(3i.

Eh tout cas. cepassage isolé ne saurait prévaloir contre fo ré-

sunté si iwAque nous a conservé l'Iioiitis..iînésidèrne ii'allimiait

rien en morale. S'il lui est arrivé de dogmatiser, et s'il y a

quelque contradiction dans son œuvre, ce n'est pas làqu'il

fatilla cuerrj)er.

«itej» ai» Tit T4Îi>x«rà ÇûnitoÇfctf aiftiatuv So^icaev, iXX' iiù.vs o»'x rfim tWo«

xà lErsffd' vtiv&jftçvov.

O/i. ol.: Toi, ficv-soi Smxttpivott oîtw atpiéotaQw Tiptuf <fa«i vipôtov jiii»

iÇaoiav, Hun 3i àtapijiïi/, Mmml&npoi ii vSt>v\\v.

«Diojf., X, i3fi ft pè» yip infant x« ir.ovii x«j«î»paT(xi/ riW

tidovaf.

•' tt est pottililu i|ii'il y »it lu, continu le suppose itjj;ninusfm.>n( Hiracl

(p. ioç(), ta (race d'une Iiiilirlivo pour «inrilipr lecyrenaisinv et te pyrrhonisme.

Mais nuuïtavons trop pou «le raisonsdocroira à fi<*sEptidanct1»(*(tectif}iie-ichoz

/Kiu^idèinc jiotir (|u'on puisse allriliifi- une j;i-;tnil<- valt'iit' e rotlo roiiji'ctnri'. Na-

lopp (p. :too) ivcuse sitnptenn'nl le lenk' d'Aristoclè^.

Page 280: Les Sceptiques Grecs Brochard

•in *2 UVRE Ut. -CHAPITRE IV.

CHAPITRE IV."

.VAÉSIDKME. SES 1UW0UTS AVEC LHÉMCMTÉISM1Ï.

Il tant maintenant tourner la médaille. Nous venons de voir

un .finésidènie ennemi déclaré de tout dogmatisme, '«;l scep- j

tique à soulraitvoiei -un Enésidème ouvertement

dogmatique. s

el lesrenseignements qui

nous le montrent sous ce nouvel

aspectsont

prisaux mêmes sources, oui une

«gale antwiUî.

tënésidème se rallie à l'école d'Heraclite il a mie opinion

sur {'essence «les chose*, et surbeaucoup

de (juestïons fort dô-

battut's. Comment expliquer cette inéfamarpliose? C'est le pro-

blème l« plus eiifbarrassiint «me [irésente l'Iiisloire dVEniSsidème.

Les hiskirieiis. t'urt en peine, ontiin«{»in« plusieurs

solution»;

aurune n'est pleinement satisfaisante. L'histoire de fapensf''e

d' Knésidème est comme son système, ijui oppose tes contraires,

et leur inconiputibilitéest (elle, que peut-être te mieux serait s

(ra|i[)li<|iier lu maxime sceptique, et de retenir son jugement.

I. Klalilissons d'abord les preuves de son adhésion à l'béia-

clitiiisrae.

A plusieurs reprises Sevlus, indiquantdes opinions com-

munes ù'Hénielitc* età :Knésidèinc. emploie l'expression A/wj-

niSrtfioi X(nà ilpéhùstiw'1'.

Avec plus de précision encore if dit qu' Knésidème rJ consi-

dérait lescepticisme comme un acheminement vers la doctrine

"• .W.,V1I, .l'iy; IX. :i:ir, X, -ni;, ..y.t.

t. •! 0 Êt?I Si ftr t3Spt t'tv MwJt&npfiv êÀsyw ôêini ùvat tùi» oxtnUtxiiv

iywym Mi ii>v ftpïx/tittioi» Çiio<ro?«ii,lieu

opwjiÎTiiroi rivini* -atpi t«

3'Jre ivàp%£tv To TivxifTis -issfii tv vhà §ixvztfitii xii oi ftèv exenttxoi Çiinsctiit

/.syov'rt 7% Hrtvtvt tizpt Te avrw oi hï HpsxÀfi'refoi affô toîîtov x*i ira t» vitâp%etv

aùri it$upyj>vTit.

Page 281: Les Sceptiques Grecs Brochard

/KNÉSIDÉMK. HtèKACMTlïlSME. -m

tfttdraciite, et qu*«i> habituantPesprttà

mivque

les contraires

apparaissent ensemble dans les phénomènes, if hpriipam

à

comprendre qu'ilssont tiitt* dans la rculïté.

Non seulement on nous dit qu1, Enésiderne se rattachait à

Heraclite, mais on iiuusindique nettement sur quels points cet

accord s'était établi,

tënésidème croyait'" c|«e YMvo est fuir.

tl soutenait «[tio cejuviiiiet* |irîm*i|ie. l'air, ne dilli'iv ps du

(einjis, ou (fii nombre. Voici h passage fort obscur do Sextus

ou ct'llesiuguliùrc nsscitto» se trouve formulée • ~Knésidnrne

a dît. d'après Héraciih1, que letemps est utt i-tii'fis; car il né

tliffève (mis (h l'ètiv» Mt du corjw j/idrtwr. }J«ns sa («•eHiière

introduction rniHcnant à stv tesanpt'tintiiius siniptes des

«;liosf;s sl;, (|tii sont Je» parties (fa discours, il place les motsItuips

et unité tliius la catégorie de l'essence, <|«i estcorporelle. Los

jjraiuleurs de temps et les principaux nombres se fortui'fit par

rnultiplicalioii car ce qu'on appelle nmititeimut et<pii inarque le

temps, et (fe même l'unité, ne sont autre chose que l'essence.

Le jour, le mois, l'année sont (les multiples dit maintenant,

c'est-à-dire dutemps. Deux, div, cent, sont des multiples «le

l'unité. Cesphilosophes font tlone du

temps un corps.

Kntkiâèmc affirmait encore que ceprincipe, en recevant les

contraires, donnait naissance if foutes choses. En d'autres

termes, malgréla diversité des

apparences,c'est la mente

essence qu'on retrouve au fond de foute cliosc. et grâce à cette

communauté d'essence, on pont dire que te toutestttlenticme à

chaque partie, et chaque partie identique su tout'5'. La partie

•' il/ X. afti Tri re Av xni tir (ipix'/tnw îiip înlt», et Ziiitv n Sivuai-

~ttt<M.

X. ait).1

IIpi'ïH «Vsji'jn. Sur Miniii»»u voir d-dwiits, |>. i't-t.

(ioinini' te luit n'muri|!i''r llilter {' |>.a.sît), il y a là un $<<» <l<' loiuli'i la ilor-Irine tl'l l'itïiclito [ttts systi>itiali(jiii"iiii'iil par la

?<inifnn>i*on ib>.<furnii'S ilf IVlrc

avii: t. fniiiii-s <fu l,ni|i| Xtiiirellu |iri.im' <|it l'nr.-iJùmo prônait tnrt »u MTieu\

-ou adliésï»!) ù la ilortriiiR il'ili'rnctilc.

SVil.. J/fV.:«7.

Page 282: Les Sceptiques Grecs Brochard

274 LIVRE III. CHAPITRE IV.

est autre choseque

te tout, et elle est la même eltose. C«i' l'es-

sence est à la fois le tout et lit partie elle est le tout si on eon*

sidère te monde, ta partie, si on s'attache à la nature lie tel ou

tel animal. La particule (ftipiw) à son tour s'entend en deux

sens tantôt elle diftere de cequ'on appelle proprement

la

partie (p/pc;), comme quand on dit qu'elle est une partiede

ta partie ainsi le doigt est une partie de fi main. i'onutl» est

une partie de la tôle; tantôt elle »Vn diffère pas, mais eite

est une partie du tout ainsi on dit souventque

le tout est formé

de particules.

H a aussi une théorie sur le mouvement. Tandis qu'Aiistole

distinguait six espèces de mouvements, /Enésidème les ramène

toutes à deux; *Les partisans d'Enésidème, dit Se.vtus'1*, ne

laissent subsister que deux sortes do mouvement, te mouve-

ment de transformation (fierot&tiToerf), et le mouvement local

(pna&mW) ''• kepremier

est celui par lequel un corps, en

gardant la mé"me essence, revêt diverses qualités, perdantl'une

et gagnant l'autre c'est ceque

l'on voit dans le changement du

vin en vinaigre, de l'amertume dit raisin en douceur, du camé- i

léon. qui prend tour à tour diverses couleurs, et du polype. i

Ainsi ta génération et ia corruption, l'augmentation et ta ilinii- >

nution doivent êtreappelées des transformations particulières,

i

que l'on comprend sous le nom de mouvements de transfor-

matiou à moins qu'on ne dise que l'augmentation est un cas

du mouvement local provenant de l'extension du corpsen lon-

gueur et en largeur. F4emouvement local est__çgipi par lequel

i!> .«., X.3K.Faut-it croire, .wec Faiiiicius, qu'-Kiiffliilèmc n'a réduit à deux les six ps|iéces

fie mouvement que pour montrer ensuite plus fitfilenvmt <|ue ni l'une ni l'antre

n'«ist«? Comme sceptique, il devait en effet niiM>U-ràlUi; ilu momouient. Oh

bien, roman'Saisset([>.ai i. noie)paraitdisposé» le lain\ faut-ilr.i|i|»irlor celle

tliéorio au dojjmalisniejujiïiclilii'în ? C'est un point <|»'oti doit laisser imlocis, faute

île documents. Remarquons seulement ([n'en tout ois, celle Iliéorie semble persun-

nette » ^nésidème; car .Sextus, au lieu île dire ici comme pnrloul ailleurs Aivnai-

Snpot xni ïtpxxlmav, dit seulement Oi iaepi im Atwio/Aiaoi». Il peutsi» faire,

comme l'indique Zclter (p. 3"). ), (jii".Ku>:Fidèmc ait emprnnlêcelte i-orrection

aux stoïciens.

Page 283: Les Sceptiques Grecs Brochard

iKNÉSlUÈHB.– HÉttACM'tKlSMB. -iV.>l',1.. 1..I_~ 1

iS.

un mobile change «V fié», soit en entier, soft eu partie en en-

tier, roititiHt les êtres qui tournent ou qui se promènent; en

partie,connut' la imiin qui s'étend ou se ferme, continu les par»

ties d'une sphère qui tourna autour de son contre; car. tandis

que la sphère demeure au mène endroit. («s parties changent

de place, If

Enfin /Rnôsidème a une opinion arrêtée sur ta nature de

l'Ame, fi saitque la raison

(Stdvota) n'est pas enfermée dans ie

corps elle est on dehors(lî. D'ailleurs, ellene<se_djïtingue pas

d'esjenselle aperçoit les choses au moyen des sells. comme à

travers des ouvertures. Sans (toute, il faut rapprocher cette doc-

trine de celle quiest ailleurs (îl attribuée à Heraclite par Sextus

et suivant laquelle nous aspirons enquelque sort» l;i raison

quiest répandu*; â travers le monde. (]ètté{raiswij^onimÙîj^estlè

critérium de htgèrilé. Ainsi encore. d'après /Enésidème (3f,c'est

par l'aspiration de l'air chaud que l'enfantaprès

sa naissance

acquiert la force vitale.

C'estprobablement à celte ib«'orie qu'il faut rattacher l'opi-

nion d'/Èné'sidème sur les notions communes. «Lespartisans

dVfviUisitlèttie. dit Sextus. d'Heraclite etd'Épicure, ayant la

Sexl., .1/ VII, 3iy 01 Se eh>at piv [t^v Wmw) &ef«ti>, oSx é%>1$ av'ii'

Se rôit'jf -BeptéxeaQst àÀ)' ol ptv èxrùç to$ oéftijos, es Aivitai&tfutf xsts Hfï~

x/eiTot> I{5o ol Se «îtiin sîi'ii ris aiafhjoeis, x«9«ep Sei »m> <faw vïh>

ait)&nmpïwj tjpoitijt'j ovoxpy hs c'îàçeiûf )Ï£>£e )L%çitw ti u Çvmitàf xtt A/vitai-

Snpos.W M., VII, t *) t Tovtov Se rèv &cïoi> ï.6y<iv x«0* llpvKÀctwtr S? xvitcpoiîs

cvéaasrm voepol ytvàpéh. Canin? fiîrzct, et aw Di«>ls «t Nalorp f nij-'i), nous peu-

sonsi|im >*<>-[ki>!ia(;(>sur tiéraclifeest empruntépar Snlus» l-jn'siiti'tnc»liii-injnii>.

f.«s raisons pour li>s«{«e|{«?-«Minai croit devoir ntCribiiur fout le tlcvc(upp«ment de

Si'itus (Vit. 8(|-i'n) à un historien (t>)|;uiiilr<|iiot semblent bien conjecturales >'t

sublifcs .Nslorp les a bien i^fuliws.

Terlul,, De amm,,»/ i-lsli (lui [incstimimt non in nloro concipî animant.

sed r-ITuso partit noncliim vivo infanti ntlrinsecti.'i impriini, (rariicm) éditant

et (te nteri toroac~ fumantem et <!ah)f<*~httam. ot (em)m i);ttit'tnt, et itM<t<*<nM-et de ulcrï fomao* fumantem «t ralore «ihitam, ut ferrant ijjiiilMru, et ibidem fri-

gidœirnmersum, ila aeris rigoropercutsn»ni vim aniiualcnirapor<>«l vocalem

sonnfa eàere. H»r sto'ici cmn £aesideim.n On i«ni.iK|U<!ni l'accuni dVEiitsidome

avec tes sloicioris. Zellci- aigiiale en outre plusiours points on le iiu'-mc occonl se

produit: l'air confondu avec le. feu, lelemps tunsiili-n''

cuinmi' r«s»irw des chnws.

IVmplut du mot oiafa, vif. (p.i.'f ).

Page 284: Les Sceptiques Grecs Brochard

m LIVHK III. CH.ll'if M IV.

tnénie opinion sur tus choses sensibles diffèrentcependant

comme tesespèces d'un {jeure. l*es partisans

dMvnésidème font

une différence entre lesphénomènes; les mis

apparaissentcoiu-

Munément à tous tes hommes, lus attiresen particulier

àquel-

ques-uns,lieux

qui apparaissentà tous de ht mente fuguii sont

vrais; ceuxqui m* présentent pas ce

caractère sont I'.iuïd'après

sonétyraolujjie, le

mol m»' sij'titlte t'fqui »Vîe|ja|i|je juts à i'oj)t-

niori cuiuiiiune. »

Entre ces divers fragineuts, pouvons-nous diVouvriiMiit Jietf- t

H semble bienque plusieurs au

moins des|»re>|)osi lions dog-

mati(|uesif Enésittùim1 soi>C te

dévt'J«jj|»('mi'nl tl«celle formidu

qui lut est runiimme avec Heraclite dans la n'alité, dans l'ab-

solu, les contrains coexistent.

Direque

Mire est l'air, etqu'il est

letemps, que

letemps

est

uncorps, identique

iui-inè-ine à l'unité. c.Vsltapproclicr

et con-

fondre (tes chosesque

le sens commun et lesphilosophes

distin-

guent etopposent l'une à t'antre Ainsi encore la

partieest

identifiée au tout, et le dm ta lapartie, la parcelle

à lapartie

et lapartie

à laparcelle, l'ettl-être Knésidètne n'n-t-il ramené

toutes lesespèces

de muuveuieiils à deuxque pour

montrer en-

suiteque

ces deux mouvements différents ott contraires sont

identiques,et ne difl'èretil

pasdu

tempsou de l'être. Enfin la

raison de l'homme est identifiée à la rarsun nui va-selle, l'esprit

à la inâTieTêl~le contenu au contenant. sens et la raison,

qu'onest habitué à

distinguer, soiiïuneseule et même chose'

Nous wvoyons pas,

il est vrai. comment onpeut rattacher

à1

cette théoriemétaphysique

l'autreopinion dogmatique

allinnée

par.'Riiésidème: les phénomènes qui paraissent a tous dota même

utaniiTi* son(_jrr_ais.On est

surprisde voir le sens i.-oiuuiun de-

venir unerègle de connaissance et un critérium de véritédàns

(/Vtll.s.

Nous ïuyiiiis nularmiienl ( S«l.. M,X «37 ) «|»e sloiciens et «|>it:»ricns s'ac-

1oittai''iil ii rt!j;.iriji;r lo Iciiif (oiuin"incorporel.II "-si à n>fiian|ui>ri|ii*ici n>nVst pas <rt[t>racliti<, mais ilft Slr.iiou |i> physi-

cien <jhpSetlt»rri|i|,nicli.' Kmwiik'me ce r|tii semble tômoigner Je l'indiipcnilanc»

't~ ~1 Ileus,

Page 285: Les Sceptiques Grecs Brochard

KXKSlf)t>\|K.– HKH.tCMTÉISME. 27Ï

cotte étange métftphysn|ui,<, Peut-é'b'e ho faut-il voir là qu'une

règle toute pratique,destinée seulement h rendre

possiblela vit;

de faits les jours: IWès inft«« de ces spéculations aventureuses

rendait nécessaire, pour le train ordinaire de la vie, une règle

de ce yenre. L« critérium d'ifênésiilème serait alors analogue au

précepte de PyrWiaii l'aire comme tout Je inonde, 0:1 ù ceque

Timonappelait amnfieh. II est vrai qu'alors l'emploi du mot

fànQti a lieu denous Kur|)run<lre.

Quoi qu'ilen soit, les idécsjJogttiatiqMesjllîKjJiSsictwiie sont

nssez bien liées entre i-llcs pour qu'il soitimpossible

de douter

•[«».'nous sommes ici en

présenced'un

système,fort

ir»| arfaite-

nietit couru de nous sans doute, mais soigneusement élaboré.

et délibérément accepté par son arttmir. Km. Saisset se lire d'em-

Imrras trop l'acilomcul(jtiaiid ri (léefare l| rju«

les déln'b de

riténicliléism*' d'Knésùtèttiif n'ont qu'une importance secon-

daire. Sipi'ii iiit|>ur(;iii(s qu'ils soient d'ailleurs ils sont

en par-laite contradiction avec tout lu reste de ce que nous savons

dVfênésidènu'. L'historien nepeut se soustraire au devoir ele

Hieivtter comment un même homme a pu étr« à la fois le plus

illustrereprésentant

duscepticisme

et ttn dojjinatiste si hardi.

C'est leplus dilliiile df toits tes problèmes que situlèv» l'histoire

duscepticisme

ancien.

il. Diverses explications ont été proposées. Saisset suppose

qu'après avoir passé en réalité d'Heraclite à l'vrrhon, .Knési-

dème « voulut éviter le reproche de se contredire par nu ingé-

nieux sufiterf"»[je, eu établissant entre le scepticisme ol l'Iiéra-

cliléisine cetteespèce

de lien logique dont parleSe.vtus. Au

fond, rien ne paraît certain, et li; parti le plus sage est de

s'abstenir de tout système. Mais s'il fallait eu elicmir un, celui

d'Heraclite devrait avoir la préférencei»

1,'iiiiiijue raisoninvoquée par Saisset pour justifier cette inter-

prétation est laprétendue

loi de l'histoire <le fa philosophie,

d'après laquelle le sci'|iticisme sViirhamernit toujours au sensua-

Op. fil.. |>. -I.HJ.

Page 286: Les Sceptiques Grecs Brochard

m LIVRE Hl. – CHAPITRE IV.

linna coiuijw à uu principe sa conséquence inévitable. Nous ne

pouvons admettre cette méthode, (lui consiste à construire l'his-

toire fiftmi. D'ailleurs, te texte eité plus haut (lit précisément

le contraire' de ce que Saisset lui. fait dire. /Euésidèine, dit

Sextus regardait le scepticisme connue le ebeuiitt qui mène

ù l'héraeiitéisme de quel droit soutenir que c'est t'héraciitéisnie

quil'a conduit au scepticisme1'1'?Y

Ze-ller et Diels:3>proposent

uneexplication

très ingénieuse.

D'après eux, c'est par suite d'une méprise qu'on attribue à iEné-

sidème les opinions d'Heraclite. Ce pliiiusoplte aurait, peuUé'tredans un ouvrage particulier w, résumé à titre* d'historien, oit.

pour en tirer des arguments, {a philosophie d'Heraclite; puis,comme il est arrivé quelquefois, on lui aurait attribué les opi-

nions qu'il exprintait pour le compte d'autmï. Deux raisons

ont déterminé Zeller à prendre ce parti. D'abord, c'est le

seul moyen de disculper .KnéYtdènie dureproche de contra-

diction. \)cplus, dans fous les passages de Sextus cités ci-des-

sus, il est expressément indiqué qu'yKnésidème parle d'aprèsHeraclite Os Çncw è Aù>ij<7$»feosxtetà ftpâxÀemw. Si j£nési-

dètne estparfois nommé seul, on peut prouver une fois au

moins que Sextus lui attribue uneopinion qu'il avait pu expri-

mer aussi pour le compte d'Heraclite. Le passage J/VIH, 8.

attribue à .Enésidème seul if. dit évidemment la même chose

quele

passage 11. i3i, où Heraclite est nommé. Tertullien

ou plutôt Soraïuis, dont s'inspire Terluilien. aurait fait la même

confusion t peut-être parée (jui*tous deux tte connaissaient les

écrits d';Bni-si(lème qu'à travers les livres d'unsceptique plus

ancien, celui-là même peut-être qui avait fait la confusion.

l.i! 10.

U n»:mn erreur a ék" commise par Diels, v/i. cil., p. aïo.J'

Drixojr. firaft'l p. :t t<».

'• Hittol rfiscutfi aviip bvutnmp <liv force («j/. cit., p. ja) les diverses supposi-

tiArts qu'on peut fmrc îi c^ sujet.

1 C'est par eci<>ur (]u«»ce passive e>( «msiifisn> par Zeltm- comme ne nommant

i|»' Kni'*i<l'-in<> (p..ti! t fféracliti' et nvmnui deux tîgiics ptus haut.

Ut nmmn 1.

Page 287: Les Sceptiques Grecs Brochard

ttl~It,\(a.l'1'KI~~Œ, 279

t.~ ..tt.t.. N"o.E.t .i.. ·s..ll_

Malgré toute l'autorité de Zeiler, uotis ne |mttvoiis accepter

cette hypothèse.Continent comprendre que Sexttts, d'ordinaire

très exact, ait trccueilli » ta légère et sans songer à la contrôler*

une opinion qui attribuait à l'un des chefs de l'école sceptique

une véritable défection? Mat» surtout comment concilier cette

hypothèse avec le passa/je ou Sextus dit en propres termes

({u'/fênésidènuî regardait le scepticisme comme u» achemine-

ment vers l'Iiéraotiléisme? Il n'estpas possible que

ce soit là une

explication que Sexto se serait donnée à lui-même e nul le

tangage mé'iiie dVKnésidème. Il faut donc renoncer à récuser sim-

plement les textes où /Enésidème nous estprésenté

comme un

(luj/iiiatisle.

L'espoir de concilier des textes, à première vue si incon-

ciliables, devait tenter quelque esprit ingénieux et subtil. Dans-

une très intéressante et forte étude sur lescepticisme dans l'anti-

quité, iNaforp'1'' a entrepris cette l«k-be difficile. Pour l'honneur

d'^nésidème et deSextus, Natorp

nepeut admettre ni que l'un

se soit si ouvertement contredit, aique

l'autre ait été le scribe

inintelligent et étourdi que supposent Ed. Seller et Diels. Il sou-

tient que tout en proclamatit avec Héraclite la coexistence des

contraires dans lesmèmes objets, Mnésidème nu pas cessé d'être

sceptique. En effet, ce n'est pas dans les choses mêmes, ait sens

dogmatique du mot»-'1,que les contraires coexistent, c'est seule-

ment dansles ^apparences,

dans tes phénomènes. Déjà IYo(a-

/«((i'iin-/iim(ji'jiù(/i'r(/ic.SViY)iiii"iii.'1/lci'f/i!(»i(UliiMiusr|ic';Miisoiim, I. XXXVM,

t i$H3). Cette étuiic a éti n>prai{iti(«> dam I"uiivi-j/;c< déj» cité Fimekungm z«r

Getdn'elite des ErkemUttapraMea* un Altertlwm, Berfa'n, 'Hvrli, i$&î. Vite Ofi-

nï'in aiKilogiK! a M misst iti'li'iulin1 jiri'«|irn en inOwe ti-inp* j»r Ilirad, op. cil.

'r' Pour jiislilior celle dtlPwiu'i», Ifiwi»! iiisi«ti> »nr !•• |)assa|;o itn Scxliis, M.,

V'Ifl. S, oh /KnésidiTO rfil simlcmi'iit i|iie les phénoiiténM ^ont */u6i>, Undis

([ii'lipicun', (|iii <>sl dugmaliile, appdlo k»s t}tt!w «oustlitcii iXnOii xii âvn. Mats

cette «lifliiiiMio" il'c<|irijsïiuii n'a pas la porta* (jui1 lui prùlc Iltrzel les mots cn>-

\i\»vh par lîpiaire «ml iiiiiqiuuiicDl tlcstiius ,'i espliqucr la iti'linitioii <lr>la vérilo

i|iii va suivie. El si, (fans la pi'iisré <(< Seslus, la llirârifl (r.Em:siiti'in>' «vait un

foin [miciin'iit ptn>ii«nii>iiist«, oohikk'nI cfttiijjreiKlm <|n'il t'ciil |iiatv«' entre ((«'M

lliwe* bnit ù fait ilo.jiiKilûjiii's, n-lli- do l'Iatn» et rclte (CKpirurc? l,'ar);inncnt

f»nd(: sur fctymofujjiu du mol ilyÛét (iù (ni >iiOov) nous |i.iiail aussi bien .-ulili!

vl pou probant.

Page 288: Les Sceptiques Grecs Brochard

*W MVBKIH. – CKAPfTRKIV.

garas, discipled'Htraelite, remarquantle caractèrerefaltf des

sensations,constatant<|tie tes chosesn'existentpot»' nous quequaudelles sautperçuespar nous, et queleur nature dépenddecelle perception,avait déclaré que toutesles aupareneesjioiilégalementvraies.(Testdans le mcuiesens. purement phéno-»néniste.«|u'Ettésidèmeadmettraitla coexistencedes contraires.

H yauraitainsidans l'œuvred'Ënésidèmeune partie positive,et cela, non seulementau point de vuepratique, maism«*ineait

point devite théorique.Cettepartie positive contiendrait «ne

triple aittrinution d'abordcelle de l'existencedes phénomènes,

qu'aucunsceptiquen'ajamais contestée;puis celle de lu possi-bilité deliUfcieiit'e,unde la recherche{ôh/uns) que les scep-litjnes regardentconuneie^ittiue, puisque la vérité n'est pasencoretrouvée, ait lieu que les doj;iuatistesdoiventla déclarer

inutile, ptris-qn'ibse croient d'oreset déjà en possessionde la

vérilé eiiliticelledi;la successionrt'yuiière despliénoinètiesoudes apparencesdonnéespar l'expérience;cette successionpeutéfr«»prévue,sansqu'oi»ailirmerien des chosesen elles-mêmes.Telserait le sensde la ilisliuelitmfaitepar les sceptiquesentre

les .sijjniscotiiniémoralit's,qui rappellentdesphénomènesobser-vables, maisitclticlleinenLinajieiçus,cl les sijjijesjndicntifs(o\svSstKTtidv}qui d aprèslo*di^yuatisles.tout découvrirdeschoses

tatijutirscachées{àSnm\ Les chosessensiblesou infellifjibles

[fonrx. othfhni) nousseraient à jamaisjimccessibles:les sen-sationsiahûn'crsisi etnu'tneles raisunnemenls(votjasts)seraientfortItjjjttimes.Parla premier*;decesthèses,.Knésiclèmeresterait

>cepliqne:par la seconde, il se rapprocheraitd'Heraclite, et

pourrait soutenirque, dans li-sphénomènes,les contraires co-e\i.<ti'nl.Maislniileuprorlaoiantcette coexistence(les cuiilraii'ès,.Kiii'-Milènii'ajouteque i-crtsiiinisjippîiri'iiccs.coinniuiiéinonlre-ciuiiiuespar Ions,-.ontvraies les autres, n'obtenant quedes

\tnis.iiutKuii>nln*plusli-lilli|ii»iv-lli!ili-hiicl:iMim;doitpj'i<rlri'alti-iliiii-ct .Kt|sl<Jfllp;l[i.l<ii>i.

fftr/îiiisM'*.'iiismsur- jidintt.p.tj't •( illaitirmtr)|ii*"r1»m«uwfojjte.-i(Ul-•II-f.-r»iii]>*•I"Kn-î«i«-i»t«•.iïi'i!.iri';jl<!iwni'rlf'iiii-iilwo-plti»parless-pjili<|««'S.

Page 289: Les Sceptiques Grecs Brochard

-BXifolDÉMË. – lléHACLITÉISMK. 28!

;nllii!siot)H |t.(i-(ii»li(<ft'.f soitl fausses. (I y a ainsi un critéfuim

devérihCtniis

<i« vérité purmnewt relative et iMumtiénahu

:\ntar|i dépense,des trésors de subtilité pour défendre cette

théorie: inaiheurwiseniruit il est bien dillieife de {'admettre. Ce

n'est pas quenous lui* reprochions cette subtilité avec Jinési-

tlènn* elle est bienpermise.

(Je n'estpas

nonplus t|ini

nous

méconnaissions la jnirt de vérité que renferme sou explication.

fl est tout à fait certain, et nous ie nioatreroitis plus tard, qu'il

yti dans le

septieismede la ilemière

[ukioile unepartie positive,

œlle^iù mène<j«')i signalée iVatorp.

Mais si celte conceptionest

incontestable chez les derniers sceptiques,aucun texte n'autorise

ii l'attribuer à /Knésidèmo; on n'u pas le droit (ft*j>r«?ter

ù un

philosophe <{<>spensées que d'autres ont eues un siècle ott deux

après lui: rien ne proinv <|u'nu* esprit, fit-il aussi puissiinl que

ciflni (i'/Knésidème uit su apercevoir(tu

premier couptoutes

les conséquences llui devaient sortir des thèses du scepticisme.

iValorp sent bien qu'il y u là une difficulté; if argue de f'insuflr-

saucn de nos renseignements sur /Knésidème pour réclamer le

droit de reconnaître sa pensée dans lessceptiques ultérieurs.

FJien m- peut faire cepetidanl que ce ne soit là mie méthode qui

outrepasse le droit «ie l'historien.

fi y aplus cette théorie que nous n'avonspas le droit d'attri-

buer ;ï Knésïdème, est précisément celle quesoutient Sextus; «m

on verraplus

loin d'irrccusalili-spreuves,

(l'est Sextus quifait

une distiuclifi)} très nette entre les choses ou réajjida_eji_ssji, iu-

accessifoles à la connaissance, et tesphénomènes dont

l'ordre de

successtotTpeirt ètrt.1observé et prévu c'est dans sa philosophie

ipi'il f-itil *uitr<i la i'f)ii(tiiti4', ffiirt.» t-nutmi* fottl t«* MUHiftt*̂ Sc\f., K tFi(i, i:}^K

Sexlus dit mi-mi! (|H.> li' sOf|di<iiiiin,<;oiiiiii(' Imile* ii'S aiilivs |)liiloso|iliics, pari i-o

xotrùi xàv irifv-vr af»).niivf ( t tin). Mai» la «lislaiiei" <|ui s»"paiv ici

.•KuwvMwih- <!•* vrais <r.'jjliijciv> n'i->! iliiujuiit'" iju'Ii ajjpnri'iuv, car les «epliiju"1"

tf «.intiiii'iit l'i'Mi d>> dire <|i|i- >i- qui > riiiilurii»1 <i l'opinion comnmiioj«it vrai

il< •ikiii'iil sciili'inciil i|n*il faut s'y ronfoiiiuM-, i'l c'nt là mi pivri>pl<> [iiirem^ill

pi^fi'pt* ttt **iiihitiv\ fClit'-»K't*it' fft'rltirt* vmic>ki|uî i(|»|itfriiff tfc fu iitèiii»' ttlifttit-ri*

à loin \f> liuuu»u>. il il b'iiîI j»»s («««iW»1 '!•• -:ii|j|i<>.>"r iftf'il n'.>il |w* i»i»pnsb

pitiiûo tic («• mt»l ^ï)\hi$ *:t i|tril ait «*rtt ip«-t^r <(-cptùjtu.' çii lo |ininotiranE,

Page 290: Les Sceptiques Grecs Brochard

•m uvre m,– chapitre iv.

qu'on doit distinguerune

partie positiveet une partie négative.

Si doue la même tuéurie su lût déjà trouvée» comme le croit

ffatorp, chez .Enésidènie, Sextus était admirablement préparé

à lacomprendre, et

la louer. Mais bien loin du lu recuimaJtre

chez iluésiiièiiie il traite son devancier comme un ilogmatisto;

il le réfute, il lui reproche sa témérité (tafpow^reia).

Dira-t-on que Soxtus n'a pas compris les distinctions intro-

duites par /Enésidème? Quelle invraisemblance! Et comment

Xatorp, (luilotte si Imbu la fidélité, l'exactitude et l'intelligence

de Sextits lorsqu'il s'agit de le défendre contre Zeiler et Diels.

pourrait-il lui supposerici tant de légèreté et un esprit si obtus?

On m' peut ta^fiiu pas imaginer que Sextus ait ététrompé par

l'emploi de certains mois, tels ijue dhf&eta, ùtrdpxstv, ovcrfa;

car ilreunirque Ini-méme que le langage, naturellement dog-

laafiijue, se prête tuai ;liCmpression des idées

sceptiques;il est

donc en garde contre les erreurs de ce genre, et dans les cir-

constances délicates, il neniaiK[iie pas

d'avertir que les termes

dogmatiques dont il est obligé do se servir trahissent un peusa

penséiuen fait il évite les formules

équivoques.Ces précautions

que prend Se.vtiis, .Edésidèraen'avait-il pu les prendre avant lui?

fêt njihiji' s'il ne le* a pas prises, comment croire que l'esprit

délié et exercé de Sextus n'ait pas su reconnaitre, à travers une

terminologie défectueuse, des idéesqui

lui étaient à lui-même

si familières?

(I no reste pltn qu'à supposer que Sextus, comprenant la

vraie pensée d'.Knésidèrae. n'ait pas voulu la reconnaître appa-

remment pour se réserver le mérite de l'originalité. Ce serait

une supposition tonte ;*raliHte, car ntillo part Sextus ne témoigne

d'aucune prétentionde re j'enre. Il ne donne pas comme lui

étantpropre

la doctrinerpi'il expose

elle est le bien commun

dessceptiques.

En fait. il semble bien qu'elle a été professée

avant lui. telle qu'il l'enseigne, par quelques-unsd<; ses prédé-

cesseurs, tels que .Ylénodotc. Loin de vouloir innover. Sextus

invoque volontiers les autorités les plus anciennes s'il ne cite

guère les modernes, il écrit souvent les noms de l'yrrhon, de

Page 291: Les Sceptiques Grecs Brochard

mtSWtUK. ilÉKACLITéiSU'K. 283

Timon et dVÊnêidèmt». Son ambition paraît être de faire du

scepticismeun

système aussi ancienque

tesphilosophie»

tesplus

illustres nul doute ([ne. s'il avait pu placer sous leputrunagf'

d'.Ené.sidèiue ta théoriequi admit!. la prévision des phénomènes

«l une rè(»le cbconnaissance empirique, il eût ngi à r%ard (!<•

vette théorie mmme h l'égard de la tfiëodc des cause» et des

signes.

Enfin, il suHit de lire sans parti pris le texte de Sextuspour

dissiper toute illusion. Dans cesparafes mponyûtw iwiiwnfa

vtep) t5 avtb inépxfitv rè i<xva.vtia «tepl tJ «M famalhu, xatl

01 (ièv o-xmitxQÏ ÇalnaQau Myw&i %à évavtia «spi ?è aôti, ai

Se \\p<uù,ehstot âttb tqutow xcù ênï ib ù-Kixpxztv aùti pnéfflwvucuuunent croira «hwràap^eii' ire|ï! t6 aiîrè. si viaii'enient opposé à

<^«W&M,nci désigne pas une estistpnee sitljsfanhclle, réelle, en

dehors de la ncttsée et des |ilt<Jnotnèii«s? Coiutncnt les motsenrô

mérou xai éitl ta vitolpxgtv etvtà fterépxpvrm ne di'.signeraient-ifs

pas avec la dernière évidence le passage du point de vuephéno-

raéniste au point de vuedogmatique? Personne ne soutiendra

que les héraclitéens soient pl«5no»iéjustes Knésidèrae, s'il est

d'.tecord avec eux, no l'est pas non plus.

Natorp a bien compris (jue c'est ici lepoint faible de sa thèse.

Il tente d'expliquer comment /Kiiésidème a jm dire que les con-

traires existent(fajp%tw) ensemble, (|uui(|u'tl déilare explicite-

ment ailleurs"1 cjue cela est impossible. Suivant Natorp, si

toutefois nous lecomprenons bien, .Knésidème argumentant

contre les do^tnatistes prouve que la même chose en même

temps est et ji'est pas, ce qui est absurde. Cet arpinenl atteint

les (loi;inalisles p:ii% danstous leurs raisonnements sur les choses

ils se fondent sur le principe <{&xçotrtt<iietiott. Mais il n'atteint

pas celui (lui nes'appuie pas sur ce principe, et accorde (jue les

contraires coexistent.linésidènn! s'est placé un instant au point

de vue des dogmutistes, il s'est prêté Il leur manière de voir; les

ayant réfutés au nom de leurs principes, il reprend sa liberté;

llJ M., VIII. 5-' AèvviTOi' to stïrô Htti elvttxù (in eivst.

Page 292: Les Sceptiques Grecs Brochard

28* 1-tVftR H L– CHAPITRE FV.

ilportante

tm principe ttrtitopposé

«H. ayant prouvé1 l'impûssi-

bifité d'atteindre, aucune wisteiu'o réelle il n'aOinue uueune

existence Je ce genre, eu introituisant dans ta formate (le ma

principe le mut tkapx«v.C'est bien subtil, nmis il s'agit d' fêné-

sidème.

Toute cette subtilité est en pure perle. Pour en avoir raison,

une simple reuiorcfiie suffit nous voyons dans Sextus que» pour

'l' l s('<'j)t!Mtne ext Mn l l'hé.Eni'sidème, lescepticisme

est un adteminement vers l'iiéra–

elitéisme. Par suite, le scepticisme et Fltérarlitéisiue ne sont pas

•nie même cliose on n'est plus sceptique en étant héraelitéen

on n'est pas h h fois sur la route et au but. Et i-oniment croire

i{u« ce soit un sceptique ([«i ait adopté (es (Mories très dugma-

{iijues d'tléraelittt .sur te leitips,sur t'essent'e. sur l'identité du

tuul d d<; tapaitte?

Iférartitc eertos ne les interprétait- pas en

il ii sens|)[i(;noiii<[ii.s(c

en se ralUtclutni sievptictleinent

à Hdra-

rlile. KtiésidèiiH' ru>les intei-prète pas autrement

(pi'Hécactite.

(lest donc avec tonte raison que Swtiis fait une distinction 1res

nette entre rkénietitéiMno i-t te pyrrlmnisme. La conciliation

ivvi'epar \ittorji

estimpossible.

lit. Si on ne rejette pas les tevtes de Se\tus, comme Zeller,

si on ne les conciliepas avec

les autrespassades

du inâme auteur,

«oimne l'a lente Nal«wp il w reste j>i«s ifn'mi partià

prendre

c'est d'admettre qu'.Kni'sidèniu a changé d'iiléo. t|(t'it ya plu*

.sieursphases

dans sa vit*. Il m-serait pas le seul <jtii, à différentes

priodes,eût

professédes dnef Fines ditférentes. On admet sans

dilKcntté (pie, dans sa ji'iiiïesse. il a passé du scepticisme mitigé

«le rAi-iidêmie a» sceplirisim1 radi<*al. Pourquoi par une seconde

évolution, ne serait-il pas allé du sceplii'isnu' «m dogmatisme?

Ih pi-u

ticscepticisme

l'avait écarté du dogmatisme: beaucoup

de scepticisme l'aurait ramené à nue sorte de dogmatisme. On

dit ainsi ([ni- Platon, ver* la lin des!» vie. devint pythagoricien.

On devrait liésilnr à accepter cette explication,si ri»tte troisième

doctrine, cède Iroisiènc manier* était s;tnsrapport lofjiipie

avec

fa pivcédeiili'. Ou'un esjiril tel iiii*Kricsidèini' dont on apu

Page 293: Les Sceptiques Grecs Brochard

,k\i:;sh*k\u*i – uiiHA<;uïÉrs\iK. ma

tiit'stu'i.-r la subtilité 14 lu puissmici' eu lisant les m-jjimimlatitms

exposéesei-dossu», «il sauté

hrusquetueiil etsans raison d'une

opinion à »ii<* autre, c'est et; qu'il est impossible d'admettre.

Mais quesa

pensée, poursuivantses

investigations dansle. même

sens, se soit lentcim'iit modifiée, c'est eu (|ti'il est 1res facile de

comprendre.

Si, en un sens. Enésidèmerompt

avec le pyrrhonisme,

puisqu'il prétend savoir quelque chose tlo ta réiitit«MibK(»I(t«\ en

un aulrosoiis.il lui reste lidèle t«i le cwifiitiH*. Si «*!»{ èlr**sei.'(>-

ti([ue de dire Les (ontrain's apparaissent tutiJKtiFs en^'iitbk*,

c'est, ei»(juelcpij

wnniiW, tïSliif bienc[iiv;tiil«{{e <|iie

tic din» <

Les contraires, dans l'absolu existent ensemble.

Aramionsreppurtafil potir le tnomenl f[ii'tt ne mérite plus

du tout. |ttiis(|tt*il afitriiiR «{rfi'lijtte chose, (<ïnom *lesci-ptitjue

aussi bien if semble en convenir int-incW [iuisf|ti'ii »|ipe{i« le

scepticisme mi acheminement à J'hérarlitéisnie. H cslilofjjnalisle:mais un comprend <[tùii> dialecticien délié or exercé (et <pte lui,

et à vrai titre unmétaphysicien profond et MibliLait passé

d'un

de l'es points de vue à l'autre. fwee de méditerstirrop|nisttian

et l'étpji valence des contraires dans ra pensée liuinaiiie. n'a-l-it

pas pu se demander d'uii vient cette opposition et cette é<piiv;t-lence ?

L'esprit litinmin. et surtout l'esprit d'un tel homme, ne

se contente pas longtemps in fait il en vent Pexpfiiuf ion. Après |avoir tant douté, il vent savoir pourquoi il doute. Le système

d'Heraclite lui offre une réponse ilt'adopte. Les contraires se

fontéquilibre daus l'esprit, parce ipi'ils

se font <;<jitilibre dans

la réalité. Sans doute, pour ert arriver là, il faut abandonner Li

grande, aiuviinc du pyrrhnuisnte il l'aiil afiîriner..Mais tf moyen

truand on a le tempérament d'unmétaphysicien,

de résistera ti

la tentation? /Knésidcine reconnaît dune sun erreur: mais en

même temps il l'explique, ce qui est une manière de lie pus

l'abandonner tout à fait; onplutôt

.ses vues sceptiques n'étaient

pasfausses, elles n'étaient

i|u'inconiplèles.On se

pardonneaisé-

ment de étranger d'opinion, quand on peut se dire qu'on est en

progrès sur s((i-m«*ine.

Page 294: Les Sceptiques Grecs Brochard

ûm I.IVKK ttt. – CHAPITRE If.

It y a plus: oh pont etwwwM' qu'en adhérant au dogmatisme

héraclîtéen..Knésidèute ait prétendu conserver, en eequ'elles

avaient (.ressentie!, sus idéessceptiques1'.

Tous k«sargument» |

«posés ci-dessus ont pour but d'établir que la cliosa un soi, la jj

réalité dégagée de toutrapport

avec{'esprit ou avoir d'autres

choses, est inconnaissable. Que dit-il àprésent

avec Heraclite?

Que la chose en soi, la réalité (t'est pas ceciplutôt que cela,

mais <|ii*elie est tout à fa fois, qu'en elle les contraires s'identi-

fient. Par suite. il reste vrai qu'on n'en peat rien dire. Dans

l'héraclitéisme» comme dans ta pyrrbonisme, ee quêTle sage a

de mieux à fain*, dans chaque cas parficuli(»i'. c'est de ne rienaiïinni'r. En se radiant au dogmatisme liéractîte'en, /En&itlèm<*

(l'abandonna aucune des thèsesqu'il avait précédeinment sou-

tenues il reste vraique

nous ne connaissonspas

ia vérité en

soi. les causes réelles, et qu'il n'y apoint

de démonstration pos-

siWe. Mais ces thèses, d'abord isolées dans i;i période pyrrho-

nienne,sont réunies et forment un tout dans la nouvelle doctrine

qu'adopte le sceptique converti. ii n'y apoint de science voilài

cequ'il avait dit d'abord. II sait plus tard pourquoi il n'y a

pasde science.

C'est àpeu près ce qu'un autre sceptique, disciple lui aussi

d'Heraclite, avait souteuu. On a vu ci-dessus' comment, suivant

| Prolagoras, l'intelligence humaine, suivant lopoint de vue ait

elle estplacée, découpe, pour ainsi dire. dans la réalité des

parties différentes, qu'elle voit a l'exclusion des autres, égale-

ment existantes pourtant, et réelles ait mène titre. Qu'y aurait-il

d'étonnant si, après avoir été sceptique comme Pyrrhon,.Enési-

dèine était devenu sceptique comme Frofagoras ?̀~

Qu'on ne dis»' pas qu'il y aurait là une sorte de retour en

arrière et une substitution d'une doctrine plus faible à une

doctrine plus forte. Si, en un sens, la réserve pyrrhonienne, (lui

interdit de rien allirmer, est logiquement plus satisfaisante, et

1 ('.(. Brandis, GaAithte <ter Knlmckflnu/im lier fçrieclmchm Pkikmjifm,

t. il. p. 107 (Ri'rtïri, Roiiwr, i86'ij. ¡.

•" I'. il. V..SKTI.. ft.l. txH.

Page 295: Les Sceptiques Grecs Brochard

KNfelDÈMK. – itlîlueUTËiSM. m

surtout plus facile à iléfentlfc dans les discussionsque tt«scopti-

cïsuie nidieal do Protagorns, à un autre point do vue, on peutsoutenir «(ire ce dernier a une

plus haute valeurphilosophique.

Peut-être n'esf-il quejusltj da voir dans II*pyrrhonisme un arti-

fice de discussion plutôt qu'une doctrine sérieuse. Là où le

pyrrhunion dit (lit bout des lèvresqu'il nejait rien et «'est sûr

de rien-, on peut croire qu'au fond it est surqu'il «'y

a rien de

vrai il déguise sa vraiepensée, pour ne

pas fairescandale pour

ne pas choquer le sens commun. Eutout cnsr le scepticisme ainsi

présenté aje ne sais quoi d'emprunté et de cauteleux qui pou-

vait ne pas convenir toujours à leuesprit ferme et décidé. On «lit

quela

vérité- n'est pas encore découverte, maisqu'elle le sera

peut-être un jour; qu'ilne faut décourager personne; qu'on ne

sait pas ce qui peut arriver c'est une sorte de pis-aller. i\*est-ilit

pas bien plus hardi et bien plus franc de dire, avec Protagoras,non seulement

qu'onne sait

pasla vérité, mais

qu'il n'ya

pas

de véritéet qu'on

ne la saurajamais?

En s'exprimant ainsi, il

pouvait se croire en progrès sur lut-méine. Sans doute, il fallait

pour cela abandonner ta maxime pyrrhonienne et se décider à

affirmer. Mais n'est-ce pas un sacrifice assez léger, après tout,

quede se décider à affirmer une seule chose, pourvu que ce soit

fa négation de la science? /Enésidème, bien différent deSoerate.

ne sait qu'une ctlose c'est qu'on ne peut rien savoir. Suivant

un mot célèbre, la science consiste souvent a dériver l'ignorancede sa source la

plus élevée, et on ne fait pas un crime à la

science d'être sortie d'une ignorance. Le sceptique, lui aussi,

n'a-t-il pas pu dériver son doute de la source l« plus élevée? Et

si, à l'inverse du cas précédent, cette source est une connais-

sance, il lui pardonne d'être une certitude en considération des

nombreuses incertitudes qu'elle autorise.

Dira-t-on qu'à ce compte /Bnésidème ne devraitpas être

appelé disciple d'Heraclite? On donnepourtant ce nom ù Prota-

goras, qui fut ouvertementsceptique. S'il suffit, pour le mériter.

d'avoir adopté la maxime ftéraelitéenne, quetes contraires

coexistent dans la réalité <>ndoit sanshésiter le donner à /Kné-

Page 296: Les Sceptiques Grecs Brochard

388 MVBB t If. -CHU'fTUK IV.

sitième. Rien, flans les lestesque

tiotts «vous, tt'unttirbe it

supposer i}«*tteutadopté

toutes les vuesdogmatiques (.t'iitiruetite.

Saut'lu tliéoiie do l'àme et de fa rakon i<>miiiini<\ toutes tes

opinions attribuées à Kuésidènie surapportent

a la doctrine di>

l'existence tics contraires, et cette théorie de IVimc peut elle-

uièmt1 èhv considérée cnmm« une uiuwxo tt« Titutiv c'est uue

inanière itese représenter t'orijjitu:

tic lu cui»»»ist>uueo({»i trouve

tiitiui't'llenieiit sa placcilans iine itorfrme où on admet ht miliU'

oljjeclivt* <lc>scontraires.

Kn ri'suuië, iiousrroyuils qu'apè:» avoir (féienJu. avec(|tiei{e

vifjueuf et (jtifitle t'otcc, on i'ii vu «-dessus, le pur.scu|>tirismo.

Knêsitfôiue. ili>propos tiélibéiv et «tdiatit Tort lue» ee

(ju'il

taisait, a pris |tar(i pour relie autre forme descepticisme, qui

»*est. à vrai dire, tju'tm (lojjmatisme ttéfjafif. Eu procédant ainsi

it a frit rester lidèle ;i ses principes et tussuivre jusqu'en leurs

tlernùVes fonsiitjniMtft's. §| » rrn être en progrès sur iut-méme

a certains éjjards il a eti raison. Il y a peut-être plus de fran-

chise et de hardiesse «finis cette forme «lescepticisme que dans

l'autre. En tout cas.iJ y a plus de métupbysicjue, et /EtMsiilèuie

«•st avant tout unifiétapiiysiiïe»*

Si eette explication est vraie, il n'y a pas lieu de s'étonner

que tes sceptiques uluVieurs, mal;;ré une sorte de défection,

aient persisté à le tenir pourun des leurs: au fond, ils s'enten-

daient. Dans tous les cas. ils avaient !•>droit de prendre leur

bien ait ils le trouvaient et d'adopter tes thèses de la première

partie de ta vie d'iivnésidème eu écartant les autres, (l'est ci»

qu'ont fait, (fc nosjours, certains positivistes à l'égard d'Auguste

Comte.

Kst-ee à dire qu'avec Hitter1', il ne failli' voir en fïnésidwnc

qu'un dnjjmatiste? Cette manière de s'exprimer a le tort de ne

pas distinguer entre tes deux périodes de la vie duphilosophe.

Or» doitl'appeler sceptique, puisqu'il l'a été très sincèrement:

ses changements ultérieurs ne modifient pas le caractère de sa

"•' <>p. rit.. |>. iiS.

Page 297: Les Sceptiques Grecs Brochard

KNÉMDÈME.-llfiftAlîUTlilSMR.. m

'•>ze>1

pM»im<V« «loelrine. Ihi'yu

pas<f«

raisons, ti'aHIcurs*, pur nous

montrer plus exigonnte «jihj tessceptiques anciens. Ëiitin. c'est

[mr soft sroplicîmne que nous te connaissons surtout, et c'est

uniquement par là qu'it nous inldrosse. Voità pourquoi nous

persistons à Je ranger parmi les cliefs de tMcolesroptifjuc.

Page 298: Les Sceptiques Grecs Brochard

iVHi~t UVHK lit. – tlll Vl'ITHtC V.

CtîU~'HŒ V.

E\ \11' ,:m'l'IQI¡i,

f,i's afffiiiinHkts, t[" Knéskiètnt* produisent sot' l'esprittint» stn-

ijulit'iï- impression.Si (lie consulte k* Iwu si on voit où l'on

.0

va. un résisteénergriqticmetit

si on considère les raisons invit-*

qttées,elles sont claires, simples. irréprochablement enchaînée*

on ht'sitt?, on estinquiet;

on sr (feitiantl*1 si cen'est pas

le boir

sens (jtrt a tort et lesn>|>ti<pic «fui

a r»is*on. Tour à toui", .suivant

le biais paroù oh la prend, i'tit^iimentalton paraît irrésistible

ou ricliciilt* elk* est comme le caméléon, «Jtie les sueji{i(|Ui's

prennent volontiers [joiirevernple. et qui change souvent de eoit-

îenr si lin le regarde longtemps, fi faut pourtant lâcher d'yvoir

elair c'estclime trop l'actte d'écarter un raisonneinent sons pré-

textefpt'il

est faux, sans nian|tter on tjitot il l'est. Cette poursuite'

dusophisme, «pie Platon, clans un «-as analojjue. comparait à

une chasse ditlit'ile. ott lin animal fort adroit met plus d'une fois

sur les dents le téméraire «ptî le poursuit aquelque

chose à l«

fois d'irritant et de captivant: elle est surtout dangereuse pour

celui qui IVnt reprend i-'esl une véritable aventure. Le moindre

desrisques que l'on court esl d'être accusé de subtilité.

I. Voici le raisonnement d'.Knésidème sur la vérité réduit à sa

plus simple expression. Toute chose est sensible ou intelligible

dune le vrai, s il existe, sera sensible ou intelligible. Or. il n'es!

ni l'un, ni l'autre, ni tous deux a la lois donc il n'estpas.

Ce

raisonnement sembleirréprochable. C'est

un sophisme. Où est

la faute? Il y ;i, si nous ne nous trompons, un double artifice,

uni' double équivoque.

Enpremier lien, le

sceptique transforme illégitimement des

Page 299: Les Sceptiques Grecs Brochard

KMBStDÈMK. KXAMKN CR1TIQIIK*. Bi

t sensible, mais

<<t.

relations en cntitM, desrapports

en chose» on soi. fl raisonne

eommt si le vrai. lesensiW, J'inlelltgiWe étaient des êtres, des

réalités tout au moins il tes regarde connue des propriétés

positives ou intrinsèques que; posséderaient les objet» qu'on

appelle vrais mu sensibles, il faut bien avouer que le Janyajfc

vulgaire, et même celui des |ihilui>o|>Iie$, est do connivence avec

fui. No parlons-nous pas a chaque instant dé l'existence du vrai' 1

Les stoïciens allaient jusqu'à faire de la vérité u» eorps.

11 suffit pourtant d'unne»

de réflexion pour comprendre <|»e

lewraj^cst uneirejatioiytmechose lie recèle pas en elle-même

la jiropriéU; (fV-Ire vtaiet elle ne la possède ^ue si elle est mise

enprésciH'jejljK esprit.

La vérhésuppose

dmx termes une

cfinsc <|iti est, et une pensée oti elle est ntprés-enfée. Quoi d'efon-

uant si aprèsavoir ronsidéré caninte olioso eu soi ce

<juino

peut è-tre positiveiuenl conçu ijueconniuî un rapport on arrive ;'i

prouver que celle cfiose n'existe pas? Il est bien certain quei<*

vrain'est pas.

sipar

là on entend unerwdjt«Mnd^jjemiarile_(l<'

toute [leiisée. El ou en peut dire autant cfûscnsiltlo et de j'intet-

fifjîbte.ljui ne saut aussi iju« des_rejiit4p»s-

Peu importe, pourrait répondre le sceptique. Que le vrai soit

unrapport

ou titte chose cm soi, accordez-vousque

là où se

trouve le rapport exprimé par le mot sensible, li aussi se trouve

lerapport exprimé parle

mot vrai'f Vous*l'accordez certainement

si vous ditesque

le vrai est sensible: et il l'attl bien que vous le

disiez, à tnoins de soutenir qu'il est intelligible, et alors la in&ne

question se posera sous une forme un peu différente.

C'est ici que se découvre la seconde équivoque du sceptique

il entend dans un sens absolu des identités* quine sont accordées

que comme partielleset relatives. Xous accordons, naïvement

et sans défiance, que le vrai est sensible ou intelligible. Que

voulons-nous dire ? Simplement qu'il v a d<"s choses vraie. qwi

sont en même temps sensibles on inlolli|;il)lt's. Ces deux qualités,

vrai et sensible, vrai et intelligible, peuventcoexister dans un

mène objet. Vraie sons unpoint

ile vu«, une chose est sensible

sfMi:; titi autre, et tous tes deux à ht fois. Elle est sensible, niais

Page 300: Les Sceptiques Grecs Brochard

in fJVHE fil. CHAPITRÉ V.

elle m»Test pas utiif[tinmi'ii( et ossenliehVunwtt; êlto lVst mm

perdre sa nature propre elle est « fa fuis rumine dirait Platon,la mcteie «|«e le sensible et autre «Jim le sensible. Le

sceptiquene l'entend

pasainsi

if prend tes termes ;iu pied de la lettre.

Vous accordez. dira-t-il, que le vrai est sensible cela veut dire

quevrai et sensible sont «ne seule et niante chose, ou. en

votre tangage, quelà -aii se trouve le

rapport exprimé par le

mot «vii, là se trouve nécessairement lerapport exprimé par

le

mol seuMe. Là oit nous avons enten«lu que deux choses,

d'ailleurs distinctes, sont rapprochées, confondues en un même

objet. et. en ce sens, identiques, il entend «pù'f va une identitéabsolue et définitive il

comprend que l'une «les chosesabdique

sa nature et devient l'autre. l,o vrai est te sensible. Une chose

n'est plus vraie eu mêmekm^is qu'elle est sensible. mais pmw

'/«elle est sensible. lin langage moderne, on diraitque, pour le

sceptique,le lien qui uttit les deux termes est

analytique, tandis

que, pour nous, il estsynthétique.

H est «isé de voir, d'ailleurs, «pie cette seconde «î«|uîvo«p»edérive (le la première. Si vous considérez le vrai et le sensible

comme choses en soi, en disant«jue l'une est l'autre, vous lie

pouvez que les identifiercomplètement c'est une identité dVs-

senceque

vousproclamez. Une chose

peut avoir «liverses relations

ave»; d'autres choses; elle ne peut. en ellc-m&ue, être plusieurs«•hoses.

On voitpar là continent se résout la dilHcuité. Le vrai est-il

sensible ou intelligible? n est tantôt l'un, tantôt l'autre, ni l'un

ni l'autre absolument. – Mats, objecte le sceptique, c'est ce dont,

ondispute; en d'autres termes, on ne peut distinguer les cas

où il est sensible de ceux où il est intelligible. Ceci est une

nuire question, celle du critérium «le la vérité,qu'il faudra

résoudre à part. – Mais ^il est %w/«e, ajoute-t-il que toutes

les choses sensibles soient vraies ou fausses: car, entant que

sensibles, elles sont toutes semblables l'une ne l'est pas jdus,

S..VI.I/ VII. '17.

Page 301: Les Sceptiques Grecs Brochard

KtfKSl&ftME. KUHEN CRITKJBK.. in

l'antre moins. »- On voit Mon ici le sopltkine f|ini nous venons

de signaler ii suppose quetoutes les choses sont vraies, r>a

tant (fttc sensibles c'est justement ce(juc

nous iivoijs contesté.

Elles sont sensibles ot, on outre, sons certaines conditions,

vraies.

Voilà le sophisme démasqué, mais àquel prix?

Nous avons

reconnuttue le vrai itW pas mm chose en soi nous nous

sommes enfermés dans Ja sphère du relatif. Nous avons «*>

cordé, en outre, qu'en jugeant Je vrai sensible ou intelligible,

le rapport établi entre le sujet et l'attribut n'est ps une identité

absolue c'est tfau identité parliefle et contingent* En d'autres

termes, celte identité n'existe<jue

dansl'esprit

ici eiti'orë nous

ne sortons pus du relatif. D'ailleurs, on nepeut formuler le

principe d'identité, si oit veut échapper aux subtilités des scep-

tiques, ipi'en introduisant urértsémeitt l'idée d'uni' relation.

«Une cIkkm ne pcul, en itième(etnps et ma le mène ntjtfiort,

ôtre et nopas être. » Bref, nous n'avons résolu la difficulté cju'en

considérant les choses dans notreesprit. telles cpi'elles appa-

raissent, et non tulles qu'elles sont en soi.

Peul-itre /lùiésidèmeti*a-t-i( pas vwthi dire antre chose. Km

te réfutant, peut-èlrc fui donnons-nous gain de cause. Pourtant

nouscroyons n'avoir rien accordé ipi'un dogmatisme sérieux ne

puisse et ne doive accorder, et nous sommespersuadé que,

tiiemc en enfermant Ja pensée é(tm fa sphère du relatif, en lu

soumettant en toutes ses opérations à ta catégorie de ta relation,il est possible de définir la vérité sans lui fcitru perdre le carac-

tère de nécessité et d'universalité sans tetpiel elle n'est plus.Mais il faut convenir

<juc frup souvent le dogmatisme connue te

sens commun, a des prétu» lions plus hautes. Il se flatte d'at-

teindre les réalités en soi, telles qu'elles sont, en dehors de

toute relation entre elles ou avec lapensée

c'est contre ce

dogmatisme que sont dirigés tes arguments dVKnésidème. et ils

sont sans réplique.

II. Les arguments ninln- les causes donnent lieu à des oh-

Page 302: Les Sceptiques Grecs Brochard

•m livre m. ciiapithis v.2»» MVHK III. (;.ll.t!'ITKË V.

sei'vatioiis analogues. Si on analyse l'kh'c itc eattse, ou voit sans

peine qu'elle implique une relation, et cela » tut doublepoint

de vue. D'abord une chose ne*peut Aire conçue eoitmio cause que

par rapport ù son effel c'est un point qu'/Knêsidème ne [iaraî(pas avoir touché, et qu'ont envisagé seulement les sceptiquesultérieurs. Mais, en outre, l'acte <le pensée par lequel

une chose

est, connue en elle-même est autreque celai par lequel elle est

connue ewiiruc cause. La chose est d'abord conçue en elte-méme.

en sou essence-,puis

elfe estenvisagée

comme cause ta causalité

est une relation (lui se surajoute à l'idée que nous avons de la itchose, sans la détruire et sans se confondre avec elle. Mais le

sceptique ne t'entend pas ainsi, ici encore, autorise, il faut bienle «lire par le langage et par l'usage, il considère la causalité

i|'.oiiiuii; une propriété réolle et objective qui appartiendrait aux

choses il en fait une chose en soi. Deplus, cette propriété est

identifiée avec la chose même en(lui

elle est supposée exister

ne dit-onpas qu'une

chose est la cause d'une autre Par suite^

si une chose est cause elle l'est absolument par son essence, en

sa nature intime. Iles lors, il tant comprendre comment cette

essence déterminée peut produireautre chose qu*elle-me*me.

Mais laquestion, ainsi posée, est absarde. Une chose donnée. n

délinie en son essence, ne peut qui» ce qu'elle» est. i

Direqu'elle est cause. en serait dire qu'elle est autre chose «

qu'elle-mthm»ce serait se contredire. En langage moderne,

nous dirions que de l'idée d'une chose on ne tirera jamais ana-

lytiqucment l'idée d'une autre chose; et cela demeure vrai si.

au lien d'une seule essence, uu en considère plusieurs réunies

onjuxtaposées. En d'autres termes. comme Hume et Kant l'ont

montré, le rapportde causalité est un rapport synthétique. Les

deux termes posés comme cause et elle ne sontpas

donnés il

la pensée humaine comme identiques, mais seulement comme »

liés d'une certaine manière sous une catégorie tui gmn-is qu'ont

appelle la causalité. C'est cequ'/Euésidème a compris,

et c'est A

pourquoi il est juste de voir en lui. comme l'a fait Saissel, un

précurseur (lesphilosophes que nous venons de nommer.

i

I!

Il

:(

Page 303: Les Sceptiques Grecs Brochard

.KXËSiftfitiK. BXAUfcS CRITI()«H 5^5

c t~, fPar suite au viiit va

qu'il ya de vrai et du faux dans !o rai-

sonnement d'$nésidènm. Irréprochablesi ou considère les i-uuscs

comme des choses en soi, ifperd

toute valeur si on considère fit

cmirtlilé fournie un ru|^iorlétnMi par ia p<m«é<*entre ilivom

objets.C« rapport lie lus olijois Naiis iiioililier leur uaturu

[ifu|HO.Us sont d'ahortl

co tjtt'itsmnl on ma-mèims; et, un

outre, ils s««tciivtsiifjiM

comme lié» it d'autres sous eertuttH»

bis. Dès lors, il uV a(tks

de canlcaûktiuu ta eurporof peut

iUre lié <l« cotte mauiâiv au t't«|jorel,ou Tiiicorporel a i'ineor-

j»oivl iiiciuc («'csl unjioiiit Ero|t tlisi-uté tl<-nos jours pour tju'il

suit utile- d'y insister ici) ua (»«•«(cuucevoir f'im'tirporct eointiie

tiitrso tfu em-fioi'i-l. wu îii\-(.'rst!tnt'nt.

Oh le voit, ici «'Henri!, nous n'avons j>u réfuter /Enï-sidèiuc

tjt»'* laeoiitf ît-iott dt; nous enferttier ffaiiir lo relatif, et de renoncer

«il do{îiH«i(i.smeabsolu «outre lequel il <tirigeail ses coups.

III. La fliiWiedwisijjtR's, telle que les léHoigMJiges autbenti-

(|ites nous pt'i'ittelteiit «lu l'attribuera /KnésidèiMe, seriiduilàfort

peu de chose elle est. on Ta va, manifestement incomplète, et

««tains historiens, comme Ritfcr1', ont pune fa considérer »[ue

mhiimm' Hiio forum prticulière du dixième trope. (-'epemlanl

irous soiiiincs fuelin h croire qu'elle avait, »liins la jiensré d'.tëiiB-

sidônw, une bienplus jjraii(îe [>ortée ^nésidètnv devrait &rf

rt'jjartléeoimne le |irécm"seur de Stuarl .ÏÏi[f,si oit pouvait sAn?-

Hicitt mettre à son compte les arguments dont les sceptiquessi>

sont servis nu temps <fe Sexlus. I^u scej»ti«jue, tjuel tjttilsoit.

qui le premierles a développés, a droit « ce titre.

Il est. en effet, digne de remarque qu'àl'occasion de la

théorie des signes romiuémonitifs, Se.vtits <l«:ciit l'indurtion en

tennes que ne désavouerait pas un disciplede l'école anglaise.

«. Lesigne romtiiéiHiii'ittif, observé clairement eu mèiiift

temps

quela chose signifiée s'il se présente ttc nouveau après <|u<'

celte dernière est devenue obscure, nous fait souvenir de la

Op. t., [i. •••X.

,W..VIII.t.

Page 304: Les Sceptiques Grecs Brochard

296 tfVBK HL–tMArTFHB V.

f tt. f t à*

a»» tifvim tu. – btt:trirttR ï.

chose (fui a été observée ott nu'iue temps que (ni ©I n'es! plusactuellement évidente ainsi ta fumée nous filit

penser au feu.

En effet, ayantsouvent vu ces

phénomènesunis entre eux,

aussitôt que nous apercevons l'un, la mémoire nuus suggèrel'idée de {'autre, du l'eu, qui n'est pas actuellement visible, lï en

est de même pour lit cicatricequi se montre après lu bles-

sure, et pour la lésion du cœurqui précède la mort. Voyant

la cicatrice, ht mémoire nous représente la blessure<|ui l'a

précédée; et voyant la lésion du cœur, nousprévoyons ta mort

future.»»Ce que les

sceptiques combattent c'est la théorie des signesindicatifs, c'est-à-dire la doctrine suivant

laquelle if y aurait

entre lesphénomènes un lien nécessaire et constant, tel, en un

mot. que l'entendent aujourd'hui encore les dugmatisles.

Il faut bien convenir qu'au point de vue où ils seplaçaient,

leurs arguments sont inattaquables il s'en tenir aux seules

données de l'expérience, auxseuls

phénomènes,il est

impossible

de voir dans l'induction autre chose qu'une association d'idées

fondée sur l'Habitude, et variable connue elle. Ainsi Stuait Mill,

en essayant d'établir une théoriescientifique de l'induction

avotie que Pindueiiwi ne saurait avoir «me valeur absolue elle

ne vaut que pour le immole où nous sommes, et il y a peut-elrcdes mondes où les phénomènes tte sont soumis à aucune loi.

Encore une fois, nous neprétendons pas quVKnésidèmc soit

alléjusque-là les textes ne nous

y autorisent pas. Mais, s'il

n'apas

montré enquel

sens et dansquelle

mesure ilpont y

avoir une science expérimentale, il a compris et prouvé quela

science, au sens absolu que (tonnaient à ce mot les anciens, est

impossible. 11 n'y a rie science, en effet, et de tUmomtmhon quelà où les idées sont enchaînées par un lien nécessaire mais il

n'y il de nécessité véritable que là où les rapports peuvent <!lre

déterminés rationnellement, ou. comme nous disons aujourd'huin

primi. Or. qu'on essaie, étant donné un fait, un signe, pour

parler comme les stoïciens, de déterminer a priori la nature d«?

lit chose signifiée. Ici. comme quand il s'agit de la cause, et plus

Page 305: Les Sceptiques Grecs Brochard

.«NÊSlbÈlil-l – BXAHËN CHITlQUfL 297

évidemment encore, Un meréussira pas; et si on

nu réussitpas,

il n'y mira pus de démvnstnitwn. C'est ce tju'/Kitésiilèuiea voulu

dire. et il n'y «» rien à lui répondre.

Les considérations qui procèdentnous permettent démarquer

In véritable place d'/Enésidème dans l'école sceptique.Les histo-

riens s'accordent généralement à ïoir en lui le premier repré-

sentant de ce qu'on appelle le nouveau scepticisme,Pourtant ifs

ne sont pas unanimes .'Haas"1, par exemple, regarde M nésidème

comme l'un des derniers représentantsde l'ancien scepticisme.

Et il. faut reconnaître avec lui que Status !q> semble l'opposeraux

nouveaux sceptiques» dont. Agrippa parait avoir«Hé l'un des

premiers.Nous n'hésitons pas, pour notre part,

à nous ranger à l'opi-

nion conwnumn la puissante originalité d'/Knésidème nu nous

parait pas pouvoirêtre sérieusement mise en doute il a vrai-

ment renouvelé le scepticisme.

Rien n'emptk'tic pourtant qu'après fui, cette doctrine ait en-

cure subi de nouvelles modifications: dans le nouveau scepli-

risme, on peut introduire des subdivisions, comme ott distingue

des espècesdans un yenre. Il est possible qu'après /Enésidènio.

d'atttrcs philosophesaient imprimé

h la pensée sceptiqueune

direction nouvelle ainsi s'expliqueraienttout naturellement les

parolesde Sextus.

S'il fallait marquerle trait précis (lui distingue les <le«* pé-

riodes du nouveau scepticisme, nous dirions qu'iEnésidèmes'est

surtout montré' métaphysicienet dialecticien: après

lui. les

sceptiques sontsurtout des médecins à la spéculation pure, qu'ifs

déclarent vaine, ils opposentl'art ou lit science pratique, qu'ifs

tiennent pour légitimeet nécessaire;. Pour /Knésidème, le seep-

»»/». «t. XIII, XIV, p. if) el «/.

<'> 3<i lUptSttov™ Toiiw owvflat aapè rois àpx*mTëpoK Xxe*1iM'.is

iposoi h' iv >i èito%ii awi-ytoQu Juxeï, Sèm rir ifiiftôv, oif x« >»yow x»

roitovf avpumfOK xr/uitiv. Ikûl.. ifi\:«ûii veârepoi Sxes/fxw' ra«fi<5i*aoi

rprssavs nit '7w;éi, tauu.

Page 306: Les Sceptiques Grecs Brochard

m tÂSlW tU. – CIUI'ITRË V.

1. t. .t: t: t.u .·a ci#ticisiiM1était u Itti-iHihiif sa |H"<)[H'e(rit. <*ittioins (|it'il ire tùt nu

«eftt'mmemt'itt « tttt nuttvi'au(it>;riuatisuit>; jimir

ses succt'sst'Uïs

il «st te rusd'buii* tt«! ta tntMei'iiio. Si .-Kit&tdèiH*? simslratt

tjt(el([«c |)ro[)»silit>ii au duuti' universel. cVsl. on Ta vu. hih<

tfit'si; iu<'tti|>ht'sit|uc cl triinsci'uditttfc' t'ulentitit é* t'onti'atrcs

tl.nts Fubiiitltt. Si lesscc{)li(jties (illmintrs iiuienl à e|iielt|tte

«•biisu, c'estKiiiijueinent

aux sui-eessiiiiis eit»[)iii(|tK's <l«* ptiéito-

iiient's tellusque

rubservalioii <vn dehors de foute (fiéyrie jK'itt

i*.s tivcuuvrtr. f'etiMîre pourrait-on ajouter ijue, si .Kiâésidème

lirait do •••tu .sct'jjtif.-ijUH' une ci«isétjue»c« |u'»tt<|ttc. tV'h»it mit–

queinefitun

jifiwpU»de morale t tes

sci'jjfjijuesultérieurs

jiuraissi'tttavtiir

[»r«HV'r«rtes biens ttu

ci>i'|>.>à ceux de l'âme ii.<

ne songentà ruiner, ht sûeuet> S|*écul;itiv(.î <ftnr pour fuire [»liicc

;( fit jctent-u[iitsttive

ou. fournit! ils- dist>ut. » l'ai't. /Kn«'sidèti*»?

est l'ttcore u» i»éf<i[j|iy.sii'ien: ses sticeeweiirs. sur lest|uel.i. tous

lis historiens le iwonitai.SMfiil» il n'oveiva ([ni1 |teu d'iuliui'iiei»,

ne sunl |>liis que des jwsilivisles, ils iuv(j(|uciitson autoiilé ù

jn.'Mjhvs eontute ,\«<f. (.louilt*iuviii|iiti cette d« kaiiE, Hais c'est

i;'i mi jwiiit iiiijiurtaiit .surlequel il tuudia revenir dans ta sititu

de d- Intvail.

Page 307: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SÈJCC.KSSBUUSDMJNÉSIBKttii– MîKIH'l iîltf

Ctf IPfTRIv VI.

I.K» SUCCESSEURS D\-EXKSII>BMK. AtittlPPA.

.Nous n'avons. sur tënésidème quo (tes clartés ittsullisuntes

aprèslui.» la nuit est

complète.Nous connaissons les noms do ses

successeurs immédiats, Zeuxijipe. Zeuxis et Antiochus- de Lao-

dicée. Oh a vu ci-dessus ff peu que bimis savoirs sur ces plii-

JosopJjes. Il est (trobabttt qu'ilseautiiiuèietilIWvpcd'Kiwsidt'mi;

dans le même esprit,et en suivant iaitiânte direction. Outre lés

lroi« grandes questiaus qu'il a traitas d'imo manière si f>rt|;buik\ 1

nous savonsoiir

le résumé do Wiotius(ju'.fJuésidème

avaitajijili-

<|uésa subtile dialectique à d'autres sujets, au mouvement, à la

(fénéralionet à la destruction. On j»eut conjecturer que ses argu-

ments furent repris, développés, affinésdo toute façon par

-«es

continuafeurs. (."est ainsi parh; travail curieux et patient du plu-

sieurs générations dopenseurs que

la critique sceptique /^rdant

de toutes ces reeberclies ••«qu'elle trouvait de meilleur, rejetant

le reste, prit cotte ampleur et acquitcette richesse, cette provi-

sion accablante d'argument* variés sur tous les sujets, quenous

luii-oyorts

autemps

de .SexfiisKnipiiiciis. Mais

nous ne savons

rien des ouvriers anonymesde ce lonjf travail il y a chezSovtus

ronirne un parti pris de silence à l'égard de ces obscurs philo-

sophes quiconcourent sans {'foire à l'œuvre commune: ri faut

renoncer à essayerde leur rendre justice. V.'vsl seulewienl quand

nous arriverons Il Sextus qu'ilsera pos*ible de jeter un coup

d'mil d'ensemble sur cette œuvre de longue patienceelle

émerge alors des ténèbres de l'histoire, à peu prisconnue on

voit les bancs de coraux, après de loirffs sièeles. «fltcurer à la

surface de l'océan.

1'. :t;i(i i-l suiv.

Page 308: Les Sceptiques Grecs Brochard

3W LIVRE Ut. – CHAPITREVIt'r k • > ».On seul

nuitj.pafjuit-espWys^ilïos^aécIwfjipBàroaWi. et.

ehosesingulière, ce n'est

pascelui d'un »lt«s elle de l'école

d'un de ceux (lui parlaient officiellement en son nom, et avaient

reçu directement l'héritage des niaflres.Agrippa n'est pas cité

dans la liste de Diogène: Sextus n'écrit pas son nom une fois.

Nous savons pourtant, à n'en pas douter, qu'il introduisit dans

la doctrine sceptique des vues nouvelle; qu'il fut l'auteur d'une

série detropes, et on verra que cette liste marque un véritable

progrès. C'est à cephilosophe hors cidre qu'il était réservé de

donner fa formule la plus nette et faplus décisive des arguments

sceptiques. Aussi mérite-t-il de nous arrêter.

I. Nous ne connaissons rien de fa vie (l'Agrippa, nous nu

pouvons même fixer avec certitudel'époque où il a vécu. Haas <lf

croitpouvoir affirmer qu'il enseigna à la fin du i" siècle après

J.-C. et ait commencement du second. Mais son calcul reposetout entier sur ce fait que Dio|jè»e, le seul auteur qui mentionne

te nomd'Ayrippa, avait emprunté à Favorhus tout ce

qu'if dit

des sceptiques. Il semble bien cependant que le compilateur ne

s'est pas borné a suivre Favorinus, nuit plus que Sextus, puisquesa liste des dix tropes diffère de celles de ces deux

philosophes.Ce qui est certain, c'est

qu'Agrippa fut assez célèbre, et eut

assez d'influence, pour qu'un sceptique, rtuntmi:Apelles, donnai

son nom à un de ses ouvrages-.

Haas, s'étonnantqu'un

telphilosophe n'ait pas été reconnu

comme chef del'école, imagine que la liste de Diogène, oti il

n'est pas mentionné, ne comprend que lessceptiques qui furent

en mène temps médecins. Mais une hypothèse que rien ne

justifie. Parmi lessceptiques qui furent médecins, Haas compte

Zeuxis; or, on a vu plus haut les raisonsqui contredisent cette

assertion. lin outre, où commencerait, dans cette liste, la série

dessceptiques médecins? .Enésidème, qui y ne parait t

pas avoir jamais cultivé la médecine. Il faut donc laisser Agrippa

Op.ai., j,, K5.•'

lliojî.. IX,.<><

Page 309: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SUCCESSEURS DVBNÉSIPÉMB.-– AfiRIPfc*. 301

maigre* soit méYtffi* en débets de ta liste dus étefs d« l'éeolc.

La chose »*cst d'ailleurs pas sans exemple dans laphilosophie

grecque f".

{[. Les cinq tropes, ta seule chose que nous connaissions de

ta doctrine (t'Agrippa,, ont éiê exposés par Diogënew et par

S<tus-\ ([ui tes attribue en générai aux nouveaux sceptiques,

sans nommer Agrippa. Mais comme fiiogène emploie l'expres-

sion. ot asso) AypiTcnav, et présente tes eintj raisons de douter

dans Je même ordre et presquedans les mêmes termes que

Sextus. on peut considérer comme certain qu'Agrippa en est

réuttcinent l'auteur.

Les cinq trolles sont le désaccord, te progrès à l'infini, tu r<

latron, FJivpolbèsp,le itiallèle. Bitterfw trouve que cette iîn«-

mdfatîoit manqued'urdre et de méthode. On peut se convaincre

répondant en lisant Sextus que les cinq tropes arrivent l'un

après l'autre,se renforcent et se complètent l'un l'autre, de ma-

nière à n« laisser aux dogmatisas qu'on pourchasse aucune

issue; ity

it entre eux une sorte d'enchaînementlogique,

et ils

correspondent à peu près aux diverses positions queles dogma-

tistes pouvaient occuper,<*ldont ils étaient successivement dv~

fogés.

t° Toute chose qui est en questionest sensible ou infelti-

;;il>lr; mais quelle qu'ctli! soit, il y a désaccord, soit entre les

philosophes, soit dans la vir> ordinaire, Les am estiment quo

{l> V'oirZctliT. o/J. ctl.,1. V, p. 7, 1. l,Vx|ilirnbiuii {iroposi-c par Hiticl (p. tïi ).

Miiïiwl la(|uclfp Agrippa attrait clé omis sur la liste «te t>io|[ène |»rcc ijH'il repn«-

sentait une .luth'dii'cclioii ilu so'jiliri^mc, est peu chin1, et au total moins satisfai-

santeque cellequelionsindiquonsici.

'» IX, 88.

"1 I, «6ft ttwif.

'* Itiilmrc de la jiliilotoplM ancienne, t. IV, p. «3o, not« (Irait. Tissol). If finit

ajouter linitofois que l'ordre ilaiis lequel Sextus les vminivre «J'alwnl (ot qui rat le

tr^mc chez Diojjiîne) ii'i-st pas> conforim» à celui qu'ilsttit lorsqu'il s'agit

«te les

oKpiiqucr.Ci-«leniierparait le plu*Itijjîqui!.Biojjùiifiexpliquelescinq Iroposil«i«s

l'nrrfn» suivant lequi'l it li«! a «'•iiiiimw* iii'uvcllc [irMin' qu'il ne pui»1 pas t«nl «

fait ;i«i wburs soi(rc«.

Page 310: Les Sceptiques Grecs Brochard

Mi LtVttK tti. – cii.u»rraK vi.

«ai! le st'Hsibh? «st vrai les autresfju«v ce privilège lùijtpartieBt

«ju'à i'iuk'tlijjtbte d'autres t'iiint t|ut* certaines choses sensibles

t't certaines chosesinlcHijfihk's «mt vraies, tlomaient décider

l'utri' (titttiN ces dissidences? 1

i* Si on m- décide rn-n, il estt-lair tju'il faudra suspendre

sonjugement.

Si ou décide cumulents'y pritmlnt-t-oit?

Pour r

prouvi'r unt1 elin.se seiisibif', on aura. r»'«»urs h mw ;wtre chost'

M-nsîWf. ou ou se servira d'une rhoso intcHijjibli' pour prouverfini' elio?!' iuk'lli'filjle. Maisces ii<T«ièi"i»sont etfes-mt.!nios lusoiii

de vuiiltnnation, vt H eu sera ainsi ut l'iiilini.

3" Wra-t-o». |>oiif ik'tfapjx-r au progivs à l'infini, (jue le

-i'iisîl>ff «•prouv." {»;» rtftti"Hi»iW.' ? Mais Ftut<tti(>it>t«>,cuitiment

sf|»rmivi.f-ii? Si eVsl |>ar i'iiilelliijikte. voilà encniv ic progrèsà t'iiiliiii si r.V.slpar h< si-nsilili.1, tjuï i;sl lui-nii'iitc firouiv par

riiili.'lli«;iW<.i.on est i>iiferitu; ilans un ceivle eVsl le dialfèlt1.

'(' Pour sortir clic rt'relo. ['adversaire dira-l-il(jtt'il prend

[wtiFa<i-<trdt.'>, et sans démonstration, certains

principes tjui

sen "iront à lit démuiislratiitn fiitiire? Mais[«•«céder ainsi,

c'est

(aire uni* li\ [jothèsi*. D'aliurd. si<ri>lui t|ui suppose e«-s principes••t les

prend pouraccordés,

est dignede foi, nous, disent les

i'»ptii|iii?s, i|ut supposeronset

prendrons pour accordés des

pt-ineipfs contraires, nous serons éf»al«>ment dignes de loi. f)'ait-

leurs. si <'r>(ju'on supposa est vrai, on le rend

suspect par cela

même iju'on lesuppose. Si

c'est l'auv. on construit sur un fon-

t|i»UGiif- ruirieia. Enfin, si unestippitsitimi

.suffit àprouver

(Hiei(|u«.' chose, il n'est pas besoin de 'supposer un principe pour

prouver laronsétpteiire: autant vaut admettre tout de suite la

l'onséipienri'i-omnu' vraie. Kt s'il est ridicule de

supposervrai

cef { ut

est enijiiestton.

il ne |Vsipas moins

fiesupposer vraie

une aulre proposition, plus générale, qui le contient.

•V Enfin tout est relatif Lu sensible est rotatif à Tètro<pii

Hiojfi.'iio c ( inf. i|iivl- ce Ipifi-: .iiilK-iïienl- t!s'agit |ioiic lui non tte la

rvblivik- •!•-« rlm-isp.ir nippot'l à

l'uprit. mai-: <!»• d'iir i-.?(atiïil«; tes unisil l'i!ur<l

'(•'< .|ilfi"s. l.;i >-<it)<*lll>it>u <r.:lfi*Mir>' t'-t [a lii'-im*.

Page 311: Les Sceptiques Grecs Brochard

LKS JÏHXKSSEHIS Jï* KNHSilJKME.– MMUPiM. AÙi\

mhiï, et rintfliliifiiittut fintei%f>iiwi car s'ils étaient cunttus tels-

iju'ils suiit en iMix-tuèWs, abstraction faite de l'être en inii ils

sontrt'présentés,

ils ne «foniierait'iti lieu à minute controverse.

Noncontant» «h1 cette rédttctittn tfes misons (tu douter à eimj

les .wt'jiliijiM's, nu k'Jiwignajfe de StMtlus" avaient essayé tle

simplifier emore. ot *!•• condenser leur argumentation eu uih>

formule plus concise, lleuv trops ntiraii'Ht su(B. Tout» chose,

tiistiient-iis, est cotuprise par.elt<iuôtue ou jiar auti'f; chose.

1)111? l'îi'iï »•• soil -ruuiprK parsoi-jm'inc. tùwl Ctt

ijhij pnmvtiiit

l»'s discussions<ju<

soutiennent lis do^mulistus;aussi bien sur

k'n rhosrw .<;«>it>if|>fi*.st|irt' sur les elmst's t«t«*H»giWes: ef on m»

petit mettre tin tei'iue à ta »|uwlle, car ni h' scnsilitc, ni Tin-

lelJij'iW»*, jMiistjiTifssiml l'un et Taulnr rré«i|«& (» tlyulis »»

(M'tni'til servir a fixer le jii[[i!itifnt. Rien non plus 11c peut titre

l'Bmpris par <tu(re chow* rar ei'tU' <tutn* eliosc i'l!«?-»»èiiM'»»

exigerait une autre. <( c'est leprogrès

à i'iniini.

CV(|<«,si»(j*!i(itatif)H lù-st iiu'apprimb^;un ue

peuf: <*vplîfjii«r

les deux tropes,et les justifier, <ju"à lu condition d'introduire

les précédent; sauf celui «le la relalkité. Mais t'est là un aryn-

inent capital ;mt|itei [esvrais sceutîtpjes tte devaient pas riitoii-

cer volontiers, cl «ite li;;t<1quil'omet est iiiconiplèJe.

Les tîiKj (ropes (l'A{jrî|i|ia, nous dit Sextns ne sont [>at-

destinés à evefure les dix fropes d'.Knésidème; ils servent settfi.

menl à introduire «le la variété dans les nr^uinents ipû mettent

:'i nu la vaiiid: du dogmatisme. Toutefuis, «m y" regardant *!<

I. 17S. Sa&el (up. rit., |j- •Jt'i'j siijijkis<' i|tiir l'aiilcnr (f>: «?ll« iso»»»«-if»'

ih'iIiii lient est A;;ri|>pu; mais ti li'ii|i])oi| irtiniHc piwiw [«tsifin.' û r.i|j|)ui (i>! ri'll-

asM'rtioit. I.ngiijiremtnt. il ri ;i |i;ti non |iln* il" raisins |><mr adiiii'ttie qui- l'aiik'iir

4".s ciin| tro(»sle» a K'cliiil-i à «t-'iH. Il ust plus naturel dt> ppiisitr qui- cette n-iiuc-

lioii 05I t'iiimi' il'im M-»|ilii|iii> till>'i'i*iir. |icnl-«1tr(' cimtmel« sii|i|io«i'iil Rillci' i"iliun l~:ol f"H'U\n' d'uu ~1"'I,tillll" ull¡;idU'. IICllt-f~h'1~, fUimno f(~ suppo,¡onl mUet, pt

2-H.T.île .Mi!im<M.(V.Xcltit-, y. rit., t. V,p. :W,4).'•

I, 177. Après Afji ip|i.i |w cinq Irnfs furent i'immiiri>;ni"iil cnifiloy»"'

|>ar U'S i«cf.iilii|tt'>s( et 011 k'$ vi-rru ivjiitt'iiiliti kuii.^ tiien dos funn>s divoist^s «luis la

tnitgjtii? ai];iiiiiciitaliou du St;\Uis. Onles ivlnuive inissi «Unis le 1 ôsiimt! de l)i(i;;i'ii<'

• IX. i|O f( m/ It f»n( iiilim'llrtniï'v Hii*i, |>. *Ï7, qm- <l;in>> ei> |kn«i< 4pn-

pow i' oiiroi,f.> iIimiikt mot tlr>if;nr, ii'tn !<•* wptii|iiM <'ii ;;éin>i;il, mais U's

rtï-ittiot i)nn\ il a i-l>; <fin-4|i«n <»»["•« (il»« twiul.

Page 312: Les Sceptiques Grecs Brochard

304 uvm ni – at&HTM n.

près, il est aisé de voit* qu'ils ne sont pas, comme Si'vtns sciwbic

lu dire, une simplevariante de cens d'/Knésidème.

De l'ancienne liste, deux seulement sont conserves, celui du

désaccord et celui de ta relativité. A vrai dire, on peut consi-

dérer les littit autres cominrcompris

et résumes sous le nom de

relativité ils n'expriment en effet que les différentes relationsdes choses particulières avec l'esprit. Tout ce qu'il y a d'essentiel

dans l'ancienne liste se retrouve donc dans la nouvelle. Mats les

trois autres présentent un caractère touf différent ils portent

uniquement sur lit forme de la connaissance, tandis que les pré-

eédents sont plutôt relatifs a la.niatière. Nous dirions en langage

moderne que les deux anciens sont suggérés purla théorie de lit

connaissance, tes autres, pur (a U>giijue cm la dialectique: ils

correspondent aux* conditions tte tutttidéjnonstnttion.

En outre, les dix troues, sauf le dernier, portaient tous, ott

l'a vu, sur ta connaissance sensible. Ceux-ci, au contraire, atta-

quentà la fois les sens et l'intelligence Sextus a soin de te faire

remarquer. «»t consacra à charnu de ces deux pointsune dé-

monstration particulier!> r

III. Les dixtropes d'/Knésidùnie tendaient à prouver que

la

certitude n'existe pas en fait les cinq tropes d' Agrippa veulent

établir qu'il ne saurait logiquement y avoir d« certitude". Par

là, »n peut mesurer la supériorité des derniers sur lespre-

miers.

liirzel('iji-cit. p. 1 31) remarqueIrv? judicieusementque, à partir J'A^Tipjia,le scepticismeitifTôrcen un point imporlantde ct>([n'avaientenseigné lespremierspyrrhoniens, Suivant leur point '!<• vue en effet, la iiwiierclie (Çitthots) n'a [tasen-

mre pjussi,maisellepeut rcussir laquestion resteouverte. tes Iropcsd'Aj;ri|i|Mla condamnent absolument et sans réserves. Nmn sommes ici bien ptus voisin» du

point 'le vue îles académiciens (|im de relut ilii pyrrlionisme, et l'inlliieuce <1<?la

nouvelle Académie sur le nouveau scepticisme se manifeste fort rlnireinenl. Il faut

ajouta' pourtant <|ti<' Sextus prétend rester l'uiih à l'idée primitive il jjarde te nom

dt; ïnti)T«<is(P. I, u). Comment il conciliait cette prétention avec l'approbation

qu'il itonnp suttropM il'Agripp*, c'est ce qu'il n'wt pas facile de romprendre. On

pi'iit rcmari|ui>r toulcliiis que re ihiiii d« ïntimmî iyayv u'apparall qu'une fuis

dans toute sim <i'iivif (/ ~t ).

Page 313: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES St'GCRSSEtJltS ItM&i&ffrëMIC. – AtiBIPPA. 303

En Olllic. ce n'est iiliisi fn ilnnnnî<i<;nn<*(> «ciwtfili. l'

30

En outre, ce nW; plus la connaissance sensible,Wnnnhn

communequ'ils mettent on

suspicion c'est la science même ou

le raisonnement.

On peut dire aussi qu'en un sens, les tropes d'Agrtppa IVin-

portent mène sur lesarguments d'/tindsidème, relatifs aux

causes et aux signes. Si générales que soient tes conceptions

critiquées par /Endsidène, elles ont encore un contenu déter-

miné; les arguments «l'Agrippa atteignent, non seulement telle

ott telleproposition, mois toute

proposition quelle qu'elle sait. Ë

non seulement certaines vérités, mais toute vérité, envisagéedans les conditions les

plus immédiates et lesplus essentielles de

fa connaissance. Si on veut mesurer le chemin parcouru d'/Kné-

sidème àAgrippa, il suffit de comparer les arguments des deux

philosophes sur In vérité. /Knésidème discute taquestion en

dialecticien et e» métaphysicien. Agrippa en logicien. C'est le

concept«le la vérité, pris en lui-môme, qu'il trouve en dé-

faut ce n'estpas comme son

prédécesseur,en le

rapprochantd'autres concepts, et en cherchant si le vrai est sensible oit in-

telligible, qu'il parvient ù en récuser la valeur. Mémo les huit

tropes contreJ'étiologic présentent un autre caractère

que

ceuxd'/lgripp». Ils sont ilirif>és contée une manière détermi-

née du raisonner, contre l'application de l'idée de causalité

les tropes d'.Vgrippa s'attaquent tout raisonnement quel qu'ilsoit.

C'est hien àAgrippa qu'il font faire honneur de ta découverte

de ces tropes. Sans doute, les diverses- manières de raisonner

qu'il a réunies avaient tUp 6W<employées avant lui cela est

incontestablepour

teIropedu désaccord, pour celui de la rela-

tion peut-être Timonavait-il déjà invoqué l'argument de l'hy-

pothèse. Et il serait invraisemblablequ'il en fût autrement. Mais

•'< Nous ne pouvons !mii«Tir>; t» l'opinion «h- llintvl (|>. |3<> ) qui coihmK-i-o le*

<:mi{ Impes comiw detliaés à mnpimr les Imit teapm (t'.CntWdvmc amlce les

.iiiws. l.c paSMjjir deSeilns(/J, iK.'i) signifie ijup les ciitif lro|<-« |icuvciil rem-

placer tes Imit, t-<f ([tii va de soi ils |wnrcnt même, en i-.iison ili> leur oiraclèiv

gi'-iiiVal et lin uii'l n'inplan't' loin Icmaiilivs. Mais li"j imil tmps m> s,-mr;n<>nl rpm-

Page 314: Les Sceptiques Grecs Brochard

300 LIVRE lli. – UtAl'mUÏ VI.>>v\> I.IVUIV lit. tilt.11'1 IIIIV VI.l.

Agrippa u paraH é"lre hpremitïr qui

ait vit renchttfnemitnt de ces

tropes, et quiou ait

aperçu I» portée abstraite-, il est lepremier

qui en ait fait un système C'est à ce titre qu'il en est l'inventeur.

Les cinq tropes peuvent dire considérés comme ta l'annule I»

plus radicale d k plus précise qu'oit ait jamais donnée ctti scepti-cisme. En un sens, encore aujourd'hui ils sont irrésistibles.

Quiconque accepte la discussion sur lesprincipes, quiconque ne

les déclarepas supérieurs au raisonnement et connus

par une.

immédiateintuition de P esprit

admis par un acte du foi primi-

tif, dont ott n'a pas à rendre eoinptu. et qu'on n'a pas besoin de

justifier, ne saurait échopperà cette subtile

dialectique. Encore,

l'effort par lequel le dogmatisme «te tous lestemps

se soustrait

à l'étreinte élu scepticisme a-t-il été prévu par Agrippac'est ce

qu'il appelle l'hypothèse, l'acte de foi par lequel on poseles

principes ranime vrais, Il a seulement tort de tf déclarer arbi-

traire. te n'est pas arbitraire f[»'il faut dire^maisjibrj;. 0n est

libre sans doute de refuser soit adhésion aux véritésprimor-

diales voilà ce qu'Agrippa a bien vu. Mais on est fibre aussi de

ta leur accorder. Or. entre ceuxijui refusent <'ett« adhésion et

cettï qui ta donnent, la balance n'est pas égale, comme le croit

lesceptique la nature nous incline d'un côté, celui de ta vé-

rite, et le fait qu'on peut ne pas user de ta liberté, ou en abu-

ser, neprouve rien contre l'usage légitime qu'on

en peut faire.

Pourtant, si on fait. ainsi usage de sa liberté (et c'est ceque le

dogmatisme atoujours fait. ce

qu'il doit faire j, il faut avouer

qu'on donne en un sens raison ait sceptique. On convient que ta

rajsonjne peut pas tout justifier, qu'elle est impjùssaniej réduite

à ses seules forces, a produire tous ses titres, qu'il faut cher-

cher ailleurs le principe de ta vérité et de la science.u_u_

En résumé, le scepticisme ;• parcouru trois étapes. Avec l'yr-

plir le niètiieodice, et les tlêtii libte" W", ilettemf-lit(listill(.Ie.(:elleptir te mi>iin.- office; et les ilwu listes il.-m<îini-ul irès nettement distitiilos. Colle

iV.KniJsiilèiin; i'sl plutôt une liste ciV-rcetirs nu tte sophismes qtf une série il'nrjjn-

ineiils •iicliaini-s erilri; euï et a|iplirahles .i Imi* les ras possibles.

VaCorp i |). 3ot} ne ïtmi^ |»ar;itt |i,i^ reuiliv juvlift; à A|çrtpj»a.

Page 315: Les Sceptiques Grecs Brochard

LES SiJCCKSSKtiliS «'.«NÉSIDÈME. ..WlitPPA. Ml

rho», il cuiitcsU1 1» légitimité tic lu eeiHiaissaitee «lisible, et d»

i'o|)i»ioti«'oiBiBiitit;. Avet: /Enésidème il réVus<»I» science, Avec

Agrippn» s'tîlevniit à un plus haut degré (l'abstraction, il déclare

impossible*la. vérité quelle qu'elle soit. C'est k> dei'iiter mot du

$fu|)ttcisine diaiectiqui». Les successeurs d'/tgri{»j»a ru* pourront

que répéter, souvent en les alïailttissunt ses arguments. Les

sce|)tif|iius modernes les iTpraifuirunl aussi, sans y rien ajouter

d'essentiel.

Dans l'avi'iMr, lo snepticisme conservera soigneusement les

thèses soutenuespar

ses fondateurs, il n'y a peut-iHre pas dans

l'histoire- d'autre exempta d'une <[«elrin« quise soit développée

avec une pareille continuité, et soit demeurée aussi fidèle à elte-

mé*me. A ebnque «Hape, on y njitufn quelque chose, mais sans

rien perdre de ceque

les aurions ont acquis. S'il n'est pas de

philosophie qui les arguments avec plusde

profusion,

il n'en estpus

non plus qui se soit montrée plus avare des ri-

chessesacquises. Sous la l'orme nouvelle que

nous allons lui

voir prendre, nous retrouverons tous les arguments d'/fênésidème

etd'Agrippa;

mats nn autre élément s'y ajoutera l'alliance

du scepticismeavec la médecine leur donnera une signification

et une physionomie nouvelles.

Page 316: Les Sceptiques Grecs Brochard
Page 317: Les Sceptiques Grecs Brochard

LIVRE IV.

LE SCEPTICISME EMPIRIQUE.

CHAPITRE PREMIER.

LES «BDEC1X8 SCEPTIQUES,- MÈXODOfBCT SEXWS BMPtfUetlS.

Lescepticisme empirique

ne diffère pas essentiellement du

scepticisme dialectique; il se sert des omîmes arguments et

adopteles mêmes formules ses représentants

sont les fidèles

disciples d'.Enésidèroi.1 et d'Agrippa. Us trouvent sans doute de

nouveau* arguments, mais ces arguments w modifientpas

le

fond de la doctrine ils sont. comme des variations infiniment

diversifiées sur un thème déjà connu. Le principal mérite des

sceptiques de Ja dernière période est d'avoir systématisé et coor-

donné les arguments de leurs devanciers. Rassembler ces été-

ments épars, en former un tout qui. par sa consistance, par

l'union étroite des parties, parJa puissance de synthèse qu'il

suppose,soit l'égal des systèmes dogmatiques

les plus célèbres,

et pourtant conclue contre tout dogmatisme telle paraitavoir

été leur ambition.

Toutefois, si, par le fond de leurs idées, les sceptiques empi-

riques ne se distinguent pas nettement de leurs prédécesseurs,

l'esprit dont ils sont animés, le butqu'ils poursuivent, quelques-

unes des conclusions auxquellesils sont conduits. leur assignent,

selon nous, une placeà

part.C'est

pourquoi.contrairement à

laplupart

des historiens, nous avons distingué le scepticisme

empirique et le scepticisme dialectique.

Enésidème et ses successeurs immédiats n'étaient, croyons-

Page 318: Les Sceptiques Grecs Brochard

310 I.IVRK IV. – CHAt'I'i'RB I..r r.r r.u "1'. cnrr.ac a r rsrs r.

nous que des dudcetieiens* ilspoursuivaient

iniu finpurement

négative et ne songeaient qu'à renverser le dogmatisme. Lit

M'ietiee supprimée, ifs m» mettaient rien à saplace,

et se conten-

taient, dans in viepratiqua, d'une routine réfjtée sur l'opinion

commune. Les sceptiques «te la dernière période sont îles mé-

decins s'ils veulent aussi, et de lu môme manière, détruire le

dogmatisme (*« tu philosophie, c'est pour tu remplacer par fart,

l'undt* sur l'observation par lu médet-im. c'est-à-direpr

une

sorte de science.- Ils sont |Hirentetit et ouvertement plfénomé-

tristes, mais ils ont une méthode et en fout même lit théorie.

lis combattent te dogmatisme ,comfne de nos jours les positivistes

combattent lu métaphysique: laphilosophie

ilsopposent l'ex-

périence ott l'observation (rypno-is), comme aujourd'hui on

oppose la science positive a tamétaphysique.

par suite, il y a lieu de distinguer dans leur doctrine deux

parties l'une négative ou destructive, l'autre positiveou con-

strurtive. et cette dernière n\»st pas ta moins curieuse ni la

moins originale. On ne trouve rien de pareil chez les sceptiques

de ta période précédente. Ladialectique

n'estplus

cultivée ou

aimée pour etle-méine. elle est mise au service de l'empirisme

elle est un instrument qu'on emploie,mais

qu'on rejette après

s'en être servi, et qu'au fond oh méprise.

Nullepart ailleurs, si ce n'est peut être pendant

certaines

périodes pou connues de lïpieurisme. on n'a vu éclater dans

l'antiquité le débat<{iii

divise aujourd'hui lesesprits

entre la

science positive et lu métaphysique. A ce titre, l'histoire du

scepticisme empiriqueest

pour nous d'un haut intérêt. Les

mêmes questions qui nous passionnent aujourd'hui s'y retrou-

vent. présentées en des ternies différents et vues sous un autre

angle.

Avant d'exposer ta doctrine sceptique sous In forme définitive

quelui a donnée Sextus Kmpiricus, dont les ouvrages pour-

raient titreappelés la

tourne de tout le scepticisme,nous devons

indiquer ce qu'il nous est possible du savoir des philosophesde

retle dernièrepériode.

Page 319: Les Sceptiques Grecs Brochard

MKXMUTKet sexths empihicus. anf

t. Méaottaltî, de Nicum&lie, est If premier swptifjue (jai

ikmi& soit donné, ett lutines formels Ji, comme un médecin em-

pirique.Son contemporain, qui avilit été avec lui disciple d'An-

liocbus, Tliéodos >%Kde Laodicée, fut aussi certainement un

médecin empirique '31. (l'est à partir de ces deux philosophes

qu'est définitivement, réalisée l'alliance du scepticisme et de la

médecine empirique.

H est bien difficile «le fixer la date de ces deux contemporains.

Sprengel f indique pot» \lénodote 81 après S. Al., et pour

Théodas, 117; Ditreinbergîr' pourtous les deux, jo- 19a. Mais

il j Il certairtement non erreur daas le raleiit «IfeSj*r»*«(»«l Mé-

nodnte doit, en eiïet, avoir survécu à Théodas, j)tiist|uii,fl«n>

la liste de Diog&itt?,(jui; nous avons si .souvent citée, nous voyous

tjue c'est li Ménodote fjue succéda Hécodofe. La date indiquée

par Darcmborg ne semble pasexacte non

plus,si l'on son;;e que

Sextus (t 80-3 10 ) «'est sé|iar< de nos deux philosophe» <{tie par

une génération. Haas101, en se servant rl'un livre de Galîcn,

calcule qu'ilsont di\ vivre vers i.r>o aj>rès J.-C. Cette solution

setuble bien la[ilits probable.

Nous savons peu «le chose sur Tliéodas. Il avait composédeux

ouvrages*71: Eiaayayrf et KeÇdteta, assez importants pour que

Galien ait écrit contre eux un commentaire isK Théodas paraît

s'être occupé surtout des divisions de ta médecine: il distinguait1'

!)»(> IX, 1 16- Pseudo-Gale».. /««/ '1, vol. XIV, |i. fi8.'i Tiit cfjscipixiis

•opoéffînow. |ieÔ' oit MwdJoTO* xii %êîios ai xù ÎKptPîi ixpitwav tirni'.

Cf. ScxL. 1,39a (avec la corrocltaiulft Falirioiu») ytwiitrw «iî Xivtr-

alinfoi', ovxm yàp p&ioîei totmif tjpof'JÎnifai' ivs alitteaf (sr. «kcsîooIs i.

!')Appelé

BtmSïf par Dioip'w», deoitt par Galii>n (On Mr. prnpr., IX.

vol. XIX. [t. 'M\. Qcvfe par Suidas lart. BeoUni'n). i.

»' (ial.. Thtr.mtA., Il, vu, vol. X, p. 1/19.

l! l'enaeli cher fn^nmlitchm GtwJiirhlf rfci- Arzmikmute [>. O.">8 (llnllc,

Gcbrauer, 1H00).

llul. déficience' médicale*, p. i fin. Pari*. HicbeMe. t8jo.

M:(Jjfi. <i(., p. 8. Zcller (IV, p. 'i83, 11. > ) pl.10! Ménmtole «lan* la Jemienw!

partie d» ti* siMp après J.-(;.

">Gai.. /Aî/itr. pmyn- IX. col. XIV,|>. ÎW.t:r.Silida«. lie. rit."i ft>i.l.

(ialcit., tle •Mlijiftioatmat .ininrini |>. u, |-tlii. limini'l. Bimn. iH-;i.

Page 320: Les Sceptiques Grecs Brochard

•mû mvrb ri'. – triiAPrrttK f.

trois parties tigmtiva, euntlim, mmitiva. Il ajoutait que la cou»

itaissiince médicale s'obtient par l'observation, l'histoire, le

jwssttj'o du semblable au semblable c'est la doctrine constante

de l'empirisme: nous It retrouverons plus loin, uvec les correc-

tions que Thôodas et surtout, Ménodole y ont apportées. Théodas

parait iMre le premier M> (|ui susuit servi du mat observation

(Wjmkt») pour désigner eu qu'on appelait jtjs«|u*u lui atho^ta.

Il semble aussiqu'il

ait ou à e»ur demontrer® que

lesetnui-

rifjui'Sfont usage de fa raison, et ne se bornent

pasà amasser

machinalement des observations.

Méiiodote avait ccritphisionrs ouvrages; nous savons: seu-

leitu'iitijiic

l'un d'eux, compost; de onze livres, était dédié &

Sévérus II avait aussi réfutéAsetéptade

;1' avecbeaucoup de

vigueur, à ce qu'il «iiiblc. et mène de passion, car il se départitde la réserve

sceptique, et déclara <jue tes théories de son adver-

saire étaient certaiiieutr.'nt fausses'5*. Peut-être avait-il aussi

écrit un ouvrage pour recommander l'étude des arts et des

sciences ebose qui surprendrait clieg un sceptique, si on ne

savait que les sceptiques avaient une manière de définir l'art ou

ta science purement empirique, qu'ils conciliaient oucroyaient

concilier avec leurs négations' Enfin, il nous paraît extrême-

ment probable que Galien avait sous les yeux un livre de Méno-

dote *s nous ne saurions dire lequel et qu'il le suivait de très

près, lorsqu'il composa le De subfiguralioiw empirica.

Méiiodote a été un écrivain assez considérable pour que Ga-

lien ait écrit contre lui deux livres '*J. fl le prendà

partieavec

Oiifen.t De tubfgavaûaue emyinat, 3g.

1)1 /W.,4o,G6.

lialen.. De tibr. ;«»/«• IX, vol.XIX,p. 38.(l' Oaleu., De uat. foc., t, «iv, vol. Il, p. 5a Kaitei xà ftiv KoKhiwiSoti

Miï~e~oTff o ètta=rFrxâs d(.'vrtrmt èttlé)

Oalc»., Subjijj., j>. 64.

A i'ii juger par te titra di! l'oiivr.iije de Galien {De tibr. jimpr., toc. cil.)

l'ci/iivov tupa^p^vj'oO tov MnvofÔTOv apotpmlixiif ïéyoi est là; si-fvîi.°*

Voy. ri-dpMUii*, ch. m.

Voy. ri-<ifî>soust p. lij t.

De libr. irufir. Iw. cil.

Page 321: Les Sceptiques Grecs Brochard

MÉNOUQTÊET SKXÏUSEMPiBIGIS. 313

vivueitd et paraft m&neavoir pour fui peu d'estime {ll>Peut-être

no faut-ii pas s'en rapporter trop fiteileiueni au k!nu%nu(je d'un

adversaire. Mais, à en croire Galien. Ménodote aurait été un

médecin peu recommandable, ne voyant dans la médecine qu'un

moyen d'arriver à la richesse ou à la gloire". Cn(lui parait

certain » c'est qu'ilmalmenait fort ses adversaires il avait tau-

jours, dit Galien < l'insulte ù la bouche, aboyant comme un

chien ou injuriant comme un bouffon. Ces procédés rappellent

assez bien la manière de Timon.

Quels qu'atout été les défauts personnelstte Ménodole, ii a

été un puissant esprit; personne,dans

l'antiquité, n'aeu un

sentiment plus vif de ce quedevait être la méthode des sciences

(le la nature. Nous montrerons plus loin1*' que c'est lui quia

a donné il la méthode empirique une précision «t une rigueur

inconnues jusqu'à lui..Ménodote, si nous ne nous trompons, a

lepremier étroitement

uni f empirismeet le scepticisme

et donné

h cette dernière doctrine un sens et une portée toute nouvelle.

A Ménodote succéda Hérodote de Tarse. Fabrkius !5! et

2e lier 'o; croient que cet Hérodote est ie médecin du même nom

dont Galien !7> parleà

plusieurs repriseset (lui vécut il Borne ;s'.

Mais Diogène ne nous dit pas qu'Hérodotele sceptique

ait été

médecin. S'il l'a été, ilappartenait

non à la secte empirique,

niais à l'école pneumatique, ce quia un certain intérêt, parce

qu'Hérodote a été le inuttre de Sextus Empirtcus. Le sceptique

!»Il l'appelle(De <•<».«cf., IX, vol.XI, p. 277) muiti HmoSotet.

Degtm.tiipfocr.et Maton., IX, vol. V, p. -fit.

Subfig. cmp., (i;i «Metiodoitis, qui nuiiquaui rfefccit ait injuria et bomo-

locbiaadvenus médian vot manifestelatrans rient canir, vetMmplictterinjiHianssicul lioino qui ect in platea, aut vitupérai» tiomotocltire dirais eus drimyiiioros,

et (Irimylconcj,et (l.itii-otos.«f imillisaliis talibusiiominibui nuncii|>ai»tlagma-licosqui ante ipsimiiin'dicuset philosophes.

'« Cli. m.W

llibl<,ll>.gnec.,tU.

'"l Op. cil. p. 6.

"» Gateii., vol.XIII, 788, 601; XI, Sug, 'i3o, 44a.

<* Galcn.,ïot. VIH.îSj.

(w (jal., vot. XI, p. 43». Voir, sur ce point, Pappeuiieitii Ubeimvrltàltmue

Sert. Kmp,, p. i,'>. 3<>. Berlin. 187a.

Page 322: Les Sceptiques Grecs Brochard

314 UVRIv IV. – CHAPITRE I.

empirique avait-»! reçu les leçons dW dogmatique ?'Petrt«étra

ya-t-ii ici une nouvelle confusion de noms. Peul-eire aussi

Hérodote n-t-il fait aceidentelfeiuent i'tUoge du pneuniatisme.

comme on verra plus tard que Sextus {ui*tn<hue a «lissympathie*

pour la secte des inétiioclrqttos.

Tout ce que nous savons dv cephilosophe, c'est qu'il avait

pris plaisir, suivant le procédé habituel de»sceptiques

à à montrer

les contradictions des sens. Ainsi il soutenaitque

tes substanees

lesplus

douces citmmfe les plus anièrus ont te mente pouvoir

iistrinyt'Ht ;i H 'vécut vraisemblablement vers t5o-t8o après=

I.-C.

Nous avons sur son successeur. Sextushntpiricus.

«u du

moins sur sa doctrine, un peu plus de renseignements. Il faut|

étudier îleprès

«_personnage, l'un des pins fjraiufc noms de i

l'école sceptique.

II. iiii l)ia|<r;i|)lii(> tiii Sextus Kinpirtcus, comtne celle dMsnë-

sidème ('td'Agrippa, t'st fort peu connue, ("est il peine si notts

|mtiv«tnsKxer avec

(j!«>lqne précisionIn date de sa vie. U est cité

par t)io|;ène -1.mais la date de

Diogèneest aussi

sujetteà cou-

(

Iroverse.et jiiirlois un se sert. tic cette mention de Sextus [tour la odéterminer. Pourtant on s'accorde assez

généralement

a le

placer

vers le milieu du ni' siècle après S.-{' et connut* Diojjène cite.

outre Si'xtus. sun successeur Satiiniinus. il est clair que notre

philosophe l'a précédé au moins d'une génération. On pourrait

èlte tenté de cr«ire,avec Brandis i3;.qoeSexhis

vivait au conuiten-

ceinent fin in" siècle; maisil nous dit lui-nié'meqHe.de son temps,

les stoïciens étaient les principaux adversaires des sceptiques'1';

or. au in'siècle, après

les Antonins. l'école stoïcienne était en

r"(ial.. Ihumpi.

mcilu:ump. et fat., l. ,'î'j. vol.

p. /ifts. hh'.i.

IX. «7- itii.

<3" (ienhirhle iti-rEnlirnkflililj; tli'r gnerhitilun l>h%Lu<'i>hu'

M* 11. p. ao<)

(llcrliii, lli'lliu'r. (SOI). ).

fl>t, (<.ri Ksii toit \aii<s'% ilfiir îii'inîofnvptai iw Jo^fiinxo» tmt ixo

n~~ XtMf.

Page 323: Les Sceptiques Grecs Brochard

WÉXOItOTK ET SKXTUSËMPUUCKS. 3t5 J

ntiiîii.. itiSi>:iiti*iii'it • Il tiai-iiil iluiir nii'il fnnl faîd* riMiiMifei' tu

pleinedé"ca«We Vf. il parait d«»e cju'it

faut faire remonter la

date de Sextus à mit» époqueantérieure il serait alors le eon-

teroporain «Je Galien. (jui mourut v»ts fan aoo.

Lm* cireonsfanee plaideen faveur de cette hypothèse c'est

qu'il était, au témoignage de Diogène a» disciple d'Hérodote,

dont Gulit'ii parle souvent: it est vrai que c'esl, comme l'a

remarquéHaas dans k>»ouvrages qu'il composa

vers la 6n de

sa vie. Mais une autre difficulté se présente comment se faif-U.

si Sextus aété le "Contemporain

de Galieit.que

ce dernier tte

fait jamais nommé? II cite pourtantun grand nombre de mé-

decins de son temps, et attaque surtout les empiriques i or. il

semble queSextus ait

appartenu,au moins pendant quelque

temps, a culte école et on nous dit mêmequ'il

en fut un des

principaux représentants*.

On peut toutefoi» diminuer cette difficulté en admettant, avec

Pappenlieini que Sevlu* n'a pas <>» comme médecin tout

l'éclat quelui attribue le pseudo-Galien;

aussi bien le livre qu'il

arait écrit sur la médecine avait fait peude bruit, puisqu'il

fut

perdu de bonne heure, et nf nous est connu que par la mention

qu'il en fait lui-mênn1" Il est possibleenfin qu'il ne soit devenu

«Itef d'école qu'aprèsla publication

desprincipaux

écrits de

Galion. On peut donc, malgréla difficulté signahV. fixer la date

tïtfee philosophe au dernier quart du second siècle, entre iSo

et aoo ou peut-être ato aprèsl.-C.

•>' Rittcr. PkiU. auc. tnà. Ti«ot. t. IV. |i. hjÎ. Cf. Z«ltcr. I. V. p. S,

1 IX. i»t>.

<i! Op. CI»., |>. -K.

''' Voy. ci-ii^ssoiis. p. 817-

Pscmltvtîalen.. lt«g., vol. XIV. 51. 68S Mirruijotaf lit Sifrcf si xn'i

aïpiSi'f èxpir.ne jv'i- i«. tri' êar«c«iir lipfsir. 1.

UbtnsvrrluUlmfff de! Stx:. tuif.. |i.S iBcflin, i^r>.

VtlV. CÎ*it^\y^tt> p. 3-Ji>.

' Los hi»l>wii<ns insistent, pour ùwr ia ilalc di* Soslns. «ir ce fait ijii'il nommi>

le stmnon Ba<iM<« (M.. VIII. -mS'. «jn'-w ivjante gônfralcmenl comme tm dc<

iiiailr.it tle \far>lnn'l>1. Mais- Wt^r 3 in:>ntr>; .jo'il >agit pr-ttl -<*fr*»i i .î'un autremail" tie \(al'l-' \111'1". "ai, 7."¡¡,'r a us.mU,· 'Inïl-i¡it P1-l11-,I(I'" i,i ,1'1111 3nfr"

Basili.t«. rom|iri-- H»n« la ti*1 <!<•<vin; <tAi<-inn< 'l»nl sen li\i;;m.'nl >(.• Dinp-Bc

nvi<mim>nt piihlio par \a!. ll(W- llrrmn. I. :i-n. lîcrlin. j •>»>(• nnn« l»il

Page 324: Les Sceptiques Grecs Brochard

«6 UVRE IV. tmAHTlÉlvI.

JI est eer itttn que Sextas était un Grec*'1, «tais nousne 'pouvons

savoir ni tià il était né, ni où il «eiisi'ipé. Divers

passages tfe

ses écrits nousindiquent qu'il n'était ni d'Athènes1*1 ni

i

d'Atcxuadriu i connaissaitpourtant Athènes '«, peut-être Alexan-

drie W, et onpeut conjecturer qu'il a

passé ait moinsquelquc

ttt

temps ù Koni» 5;. Tout ce que nous savons de certain, c'est qu'il tfut chef du l'école

sceptique Metqu'il enseigna «t mène endroit

où son maître avait enseigné(7!.

Le surnomli'Euipiricus, sous lequel il est désigné déjà (»ar

Diogène, semble-indiquer qu'il était médecin de la secte

empi-

rique. Lui-même nous ditqu'il était médecin'5', et un autre

témoignage fortprécis-' Je range aussi parmi les

empiriques.Enfin nous savons par lui-mâne110' qu'il avait écrit un ou

peut-ôtre deux ouvrages de médecin». <

D'aulre part. cependant un passage desHypotypoml11' indique

qu'if inclinaitpfufùl vers l'école

méthodique. Ilreproche à l'em-

pirisme d'affirmerdogmatiquement que les choses invisibles sont

connaître les noms. Au surplus, quand il serait acquis par là que Sextus est postérieurà Marc-Auiëfe,ce fait ne jetterait pasuik>jjraijif»hinmw sur {'époqueprécisedeta vi«. j

•"M., 1. iS6; l' l, lia; P., III, un, ail. Comme ra montre Pabricius {

{P. mi.,p. XIX, «lit..(.. i8'u), c'est par erreur que Suidas (arl. Esfro*) l'appelle tLybien. le mime Suidas te confond aussi avec Seilu» de Cliérouéc, neveu de

Pfutarqiw (Fabi-ic, ibiii.). '•:

W .1/ I. •jW.W «., VIII, i'.5.(l!

.11.,t. ai-'f il,, X, ta. On ne peut rien concluredeces telles, car Sextusprentl le nom d'Alexandrie pur exemple, à cause de sa célébrité, comme ailleurs

(iforf. %) if prendpour cxem|>teun homme habitant Rhodes.w II connaît tes lois romaines (P., t%, t5a, i5C), ceqtti, à vrai dire. ne

prouve pas grand'eboso. Comme son nwilre Hérodoto avait été un célèbre médi-cinà Rome (Pseud.-Gal.. De puU., IV, m, vol. VIII. p. 75i ), peut-être Sextus avait-il 1

aussi njsidc dan» cette ville. r

'> Diog.. Inc. cil. '(•" y», m, no.

"> M, I, :l6o. l'»*

1'scud.Oalen., hag., !i, vol. XIV. «. 683."»>Jf.,¥lt. «os; Jtf., l.6i.

I, ;i.1(> l'i ianupia ixtbm aeei TtT* àx»r«AmJi« têv «Jif/.wi» SnSiSttioij xi

«. -M., VIII. 3»;.

Page 325: Les Sceptiques Grecs Brochard

MÉNODOTR KT SEXTUS EMPHlfCUS. 317

tricoinprélwiisiWeK.tes

inéf|iudiquf.vsen s'attachant

uniquementaux phénoBièBcs, sans se

préoccuper des choses, cachées, soit

pour les alîïîmer, soit pour lesjiior, s'accordent mieux" avec les

sceptiques.

Il est vrai que, dans un autre passage (t>, il semble se contre-

dire en ullirmunt que sceptiques etempiriques sont d'accord iiour

déclarerque

les choses cachées sont incompréhensibles.Pour résoudre ces difficultés, il n'est pas nécessaire de sup-

poser, avec Pappeulieira®, qu'il n'y a, dans te second texte de

Sextus, qu'une expression maladroite qui trahit sapensée.

Sextus a fort bien pu, sur unpoint (lui n'intéresse après tout

que la théorie de la connaissance, modifier les assertions des

empiriques, et y apporter plus de réserves, sans cesser pour cela

d'êtreempirique m. Nous trouverons dans l'exposition de la

doctrinetrop

depreuves de la fidélité de Sextus à

{'empirisme

pour pouvoir douterqu'il ait bien mérité son surnom. Il convient

d'ailleurs deremarquer'*1 que, dans le second texte, il dit sim-

plement que, d'aprèsles

empiriques et les sceptiques, les choses

cachées lie sont pas comprises (pu xarahz(£éve<j6at). C'est un

simple fait qu'il constate, ce n'est pas une atlirmatton dogma-

tique qu'il soutient. Enlin, il est encore possible, comme l'a

pensé Philippson (ii, qu'il se soit exprimé comme il le fait dans

H. fiaÙ. simplement parw* im'il reproduisait un passage d'un

écrivain antérieur.

Nouspossédons trois ouvrages de Sextus les Uufiftoivetot ùita-

ivnéom et, réunis à uneépoque récente sous le titre de ïipot

(laOnfUTiHom. deux ouvrages, dirigés l'an contre les sciences en

général. !`autreeon_tre,tesyltïfost3r~iyes<i~r,r~t.~tit~ucs. Ils formentgénéral. raulracoD^Je^lijjo^j^sjip^^jijpcs. Ils forment

onze livres. mais vraisemblablement il n'y en avait que dix à

'' M., VIII ,191 Oi fin" Çum> nvti (ta iiit/.i) (iii «««iwtfiSaVajflin éaisep ot

àno Tiîs ifiactphs ùrpoi xii ol inù sas ^xc^evi £moVo$oi.

(>! Of.rit, b.»0.

" <XZellcr,I. V,p. ko.

(*' Njlorji (p. i56) Mt du ni^mc :im,

Of. rit.. |>. fia.

Page 326: Les Sceptiques Grecs Brochard

31» MVKR IV. – ClIIAfrTUK l.

l'origine; tes doux livres Hpès yuaiitépcii et 'ïtfSs dpiOfjtmtxois,

Août l'un est furt court, n'avaientpas

encore été séparé^

Le premiur de ees «ivrayes., ainsi que l'indique le titre, est

un résumé ut comme un bréviaire duseeplieisine.

(I est divisé

en trois livres le premier définit et justifie directement le scep-

ticisme; tes deux autres te justifient indirectement et renferment

une réfutation sommaire du dogmatisme.

Dans le ïtpfe (ta.On(intmvs-, Sextus pusse en revue toutes les

sciences connues de sontemps. (ta êyxvxha, (ua(?i/f/*T<x)

et s'ef-

force de démontrer que toutes leurs allirinutious ne réposent

sur rien, qu'on peut leur opposer sur eh;u|ue poiul des iilliriua-

lious cofjlraires et d'égide valeur. Li'Sgranmiaii'ieus, les rhéteurs,

les géomètres, tes arithméticiens, les astronomes, les musiciens

sont successivementpris

àpartie

dans les SM livres dont se com-

pose l'ouvrage.

C'est auxphilosophes qu'est

consacrée» la troisième œuvre de

Sextus des cinq livres dont elle est formée» la réfutation des

logiciens occupe les deux premiers; celle desphysiciens, les deux

suivants le dernier est dirigé contre les systèmes de morale

On est en droit d'ulBnnerque

les ouvrages de Sextus ont été

composés dans l'ordre suivant11' i" lesthjpolijjmsex; a° le livre

contre les philosophes: 3" le livre contre les savants. En elfet.

'' CVst pur c" motif mm doufp i|iic DiojjiHiu (IX. itti) dit en [Ktrlanl de

Scïtus Ov xm ti Séxt -r»v oxenitxûy *ai aiia x»7/io7«. Kt'IIer a liicn montré,

contre Pa"nheim (I)e ,ljerri lilllpiri.:i librorum "u") CI 6rdi'lr. l!eclilt, \e"r,«mire ['u|i|ji>nlieiiri ( fh Serti fimpirià libeorum iimuhto et ordme, llcrliii, Welwr.

«Xj'i. Cf. Dk iropen «fergrt'w A. Skepl. p. i(>, a; livriiii, t H85J (ju'il ne s'agit pas

ici des dix tiopes allriliin.'s ù jEiiésittûiiic, fît non à Sextus, mais t/iun de dix (ivres.

Suicliis jiai te aus«idp» Séxi vxizîtxi. I'iMiIh>|m> son tcinoigna);? a-t-il un peu |iln*

de vateur <|tt*f iv* ttti en atlrilitie Xt*Hcrt fi, un lien de ctmsïdi'rcr Suidas cfiiiim^ un

«impie copiste df Diiigcmsa» admet, ihcc Nivlischc ( Ittu-in. Mm., iKUâ, |>. 'iaK), .1,

qu'il a piiW à la m^in» smpec.

A TetKiu\Jh de Zollir, i-t jiour (Jus'!< simplicifv nous ritecous les deus

ouvrais (Il> Seitus sous le titrt* collectif Wpàt [mOnp'iTiKo'Ji «aits les distiujgtti'r

îtiitrvRioitt «|ti<^ par h: numéro des ïïvros.

:iiPappcrtlieifii (De S. Emp. lil/r. mim. et tnliwi croit i|no fc- Hp. (iifl. «I 11'

premier ouvrage di1 Si>s(ik; il ; rtic«ui«r<! d'-< tr:ici'< île ji.'nii<fssi> et un sci-plifisnii'

moins décidé >|tt» d»n» Im anlrc>. Zfllrr, avrr raisin, setou iioiii, fonili.it rett»

upininn. S'il y a des >liflftr*rm> »t n c-llc? ont <|iiij(|ii<- ifnpnrlani:i>, i-llo» prnvieiiiit'fil

Page 327: Les Sceptiques Grecs Brochard

MIÎN'ODOÏK ET SEXTUS KttPIMCtS. 319

le smiontl d« ces ouvrages est htmé par Sextus tui-méme'1'

comme la continuation du premier. En outre, <!<>nombreuxpas-

sages disent expressément que les mènes questions ont déjà été

traitées ailleurs et font manifestement allusion auxHypotyposes;'21.

D'autrepart, Sextus, dans le

Hpàî pafitifMaatait, rappelle plu-

sieurs fois !ï! los arguments qu'il a dirigés contre lesphysiciens.

Un passage de cet ouvrag«!>' sembleaussi renvoyer

auxllypo-

itjfmm !s>.

Outre ces trois ouvrages, iiuu&tnwrons encore dans le teste

mdme de Sextus d'autres titres, tels «jue ÀtTipp»jt«oi– TA

«fepi <r\uyt,dw* – ^M&tiïtxà ûitopviliïavi, – 2Sxar?ixa – llep!

tîs <7xsw7«x>?s aj-iij'flf Ilvppaîi'Ew. Faut-il v voir desouvrages

distincts des précédents etqui auraient «?l<?perdus, ou seule-

plutût des modèles <(iic Si'itus avait sons tes rein, l'Iulipp-on (fA- l'kilwiemi libto,

|i. fil, lierliii. 1S81, «lis», inaug. ) *(• (ironuiire [jour t'anlérioiilô il» ITp. Soyya-

imois sur tes itypolyptan, (i»r c«HI« raison que, itain ce demfcr «uvra/;o, Sextua

pi'iiclte ïer* Ifs iiK;lhu<tiinic>(. tiniln «pu- dans l« jiieniicr, it esl jilus favorable au»

iiii)|>irii|iies ( voyez ci-ilesiiis, ji.(17). \ih l'arj'iimeiil !»voi|iié par l'Iiilippsoit un

nous srmble |i«î pouvoir Otii? mis en balance a»w |i>< |ir<<iive« dérism-s qui rosullciil

du texte mi-nu' de Sextus. Si on admet ((lie S<>jtu« n comjju-iij ses ouvrajjes dans

un autre ordre i|uc celui du leur juiMiration et tes a corrigés pour n'iivoyer de

l'un h i'aiilr», nu ne voit pas |ioiirt|iioi il n'aurait pas en mAiie temps effueè dans

te llp. Soyfi. le* traces de IV»i|pirmtie (lui amit cessu de lui pu-iilre rji.!lî

JU., Vit, t.

w M., VII. 9<J. et /> I, »! il., VII. Uû. et I, 36; M., IX. 19», et

III. 1»; ;W., XI, t/i/i, et aâ.

»» AI., t 35, et IX, ii>»; ht., III, 1 il», et IX, »7f(.(« Af., I, 33, A P., Kl. sf»!). Mai»c'est [mit-iitre une allusion « V. XI. »36.

(" Non coulent de rall.irher te livra conlm tes dogmatiques aux Ifypolypotit,

Zfller croit pouvoir ajouter ijue fes //j/joljpscj annuncetit le llp. lîoyfiir. Il y«irait <|iip|quc cliow! de singulier :i renvoyer il'avanci» à un oimiijje futur. En tout

ras, tes deux textes cités |kir Zellor peuvent s'expliquer autrement 1° Quand

Scittisdil (P.,l, 31) » |iro(iosdii crilûriinu île la vérité Hepi oi i» tût àitippn-

tixy Ac$ofiei> Zetter, aïecr'ahricius.croilijHil fait alittûniv au passagi» M.. Vil, .?(),

où la indine ifiieslinn est eu effet traitée. Mais uVsl-il pas plus iiaturol <le penser

qu'il songe au II' livre dis tli/futyyusts i'i,où il Imite aussi !'• niériie sujet'/ La

criti(|iie du dogmatisme cnlcepriio de* les Hyiiotypiim c»l appelée aussi itnlp-

pmoit {! It, 17); 'i" f)e même te |i.is«;;e Il, uii Ilepi Se «Xav xori pipant

AaAcfu'fitfo «ai iv to« Çvwxoif Si /.tyoftàuis scmbfff annonror .If., IX. 3ïi.

tliapitr>* iiililuté tlcpi iitov »ai pipuvs. Mnis il est |ïo;si!de aussi cl plus prelnlile

cju'it s^rapporte ;ut rliiipitrc- dos tltfp/ihfjinsi's, fit, nK.

Page 328: Les Sceptiques Grecs Brochard

M UVRE IV. UHUMÏHE h

~nt.1;ment des désignations dift'dreutes de ces intimes ouvrages? Ccst

pour ce dernier parii qu'on se prononce après un examen attentif

des textes. On retrouve, en effet, soit dans tes Hy\mUjpom,soit

dans les deux autres ouvrages, tous les passages auxquelsSexttis:

fait allusion quand it mentionne ces différents titres

H y a pourtant(tes ouvrages de Sextus qui ne sont pas arrivés

jusqu'à nous; ce sont les îcnptxà vitopvtf[ia.Ttx m, identiques

sans doute aux tpnuputà Citoptvïfnara w, et le tiepl •tyvxniMî.

111 Ainsi »* ktntppmmii Xûyai {P., l, at) désigne soit St. Vil, 39, soit

plutôt Il, t4. – a* II. alotxtiuv (M., X. &}, cité » propos (te (a question du

ride, se rapporte :t Ht, ni, passage compris dan* un dëveton|>einimt intitulé

II. iXutir àpxjSv; le mut <x7oijj«W est employé comme équivalent de ip^û» (P.,

fil, .}-).– ,1° Ijgt <r«ir7«i iisopripii* sont iii>iiiiiiiJs trois fuis A..V., 1, 2g,

A/n5s« iitopoi»; oa rotrouïtt A II, 80 ÀvtinafiXTo; eoîiti iV<ii>fd««. – B. K propos

de fa (tiTOonstrjtion, M., Il, iol> Otf&V e'o7ii> jno%i$r;. Cf. P., Il, tlt't Kvv-

napxriJs itrttv H âitofeôf. – C. A propos (f« la voiï, .1/ VI, 5s i Ti^t» Çûvnv

àmvtpHrm: Eu rorrigeanl l(> tettv, comme h1 Fait l'.ifj|ieiïlipiin pour faire droit à

une objection de FabriciiK, et vu lisant Àirà tits rûv ioyftviixû» ôpiUas au lieu

ili> pxpTvpia; ott ri'tnmvt1 l'éi|iiivaleiil dans M. VIII 1 1 Otîx ioa Miv ri pûvn.

– Il' Les oxtrûixi Hitil cités à proposile lit notion de corps, M, I, nfi; la môme

chose se retrouve dam P., lit, 38 Aea&n^tav w <j«(ia. Cf. M., tX. S5(j. –

5* te Utpi tijf OKtrtiiHiif ifttfUt, oit il est question du critérium (M., VIL, tig),

semble faire allusion i P., I, ai. ti* VLvpp'àvetx, où il est (|ucslion du temps

(St., Vf, Ot), n'est autre «pie P., III, «30 (llspi %pivov). C(. M, X, 169.– Dp

même, .V., VI, 58 renvoie à M.. VIII. i3i. il y apourtant ici itiu- ditlicultR

signalée par Fakiicim ( .V. V| ,r>)i h. ). Lemême ouvrage est encore cité M. l

aSj, à propos iii> la lecture ilt's jwrti's. l'alninns remai-que <|ifim ne trouve |ai

trace, dans les ouvrages <l>>S«xtm, du piissaj-e atiifuel il est fait allusion. i'»p<

penlieim (<>p. cil.) croit te trouver dans I, 1 •'«7 i5o. Mais il signale lui-même

nne difliculté qu'il ne surmonte pas. H se pourrait que, seul» parmi les ouvrages

que nous venons de citer, les nvppaWii f«s«ent titi livre perdu de Sexhu. – Re-

marquons encore qu'un deux endroits des Ihjfahjfinei S'entus fait allusion à des

développements qu'il a dû itonner ailleurs et qu'on ne tienne pas dans les ouvrages

(lui nous tout parvenu') 11 a 1 <) à propos de la division 11/iTiitcpoi' cV 4/ /ois

SafoÇofitOx et il j<( Kai ciniOit Aa/.cfd(ic6i. – Le fait que les quêtions

relatives ail syllofpsni' ù la dclinitiun, aux |;cnrfs cl aux cspéci/S lie sont pastrait»» dans le II. c<i)|i. donne à [tenser que Sextus avait examinées ailicuis en

détail.

« M., VII, «03.

.ff.t I, 61. l'.ippenlii>ttn, qui avait d'ïliord adopté retle upinioil (De Sejt.

Emp. libr. itilm. et ttrtl.), snnlilf plus tard, et sans dire p6urcpiui, dispiné» I'uIkici-

doiitioi ( Ubetunerh Sext. lîmp.. t « ).1

M., Vt.aSîX.skU.

Page 329: Les Sceptiques Grecs Brochard

MfeNOBOTE m SEXTIiS KHPiattllîS. 321

r · ·

!l

k'H trois ou. si «« rèurtit te tk'ux feniere sous «ii nitinie

ttlro, los deux ouvrages de Swrtus présentent entre eut le» plusétroites analogies. Ils sont écrits dans le mente esprit et renfer-ment les mêmes arguments, exprimés quelquefois dans lesmêmes fermes- 0» peut dire

que. in second est lu continuationdu premier; plus exactement, dans le Hpâ? (ta&rptaTwous, IW

teur reprend etdéveloppe les arguments qu'il «avait

qu'indiqués<taits les deux dernière livres

des %»typaw. Ce dernier ouvrageest une sorte «l'abrégé du scepticisme, écrit peut-être à

f usage«les commençants.

Ces deux ouvrages sont un vasterépertoire

de tous tes argu-mente dont les

sceptiquess étaient servis contre leurs adversaires.

II semble que j'auteur se soitproposé pour but de n'en omettre

aucun, de ne laisser perdre anémieparcelle de

l'héritago de ses

devanciers. Surfltaque point, au risque de se répéter cent fois,

ilreprend un à un tous les griefs qu'on petit formuler contre

les dogmatistes. Il réfute lu dogmatisme sur lesquestions géné-

rales; il le réfute encore sur les([«estions particulières, bien

qu'il sache et diseque la première réfutation suffit. 11 ne fait

grâce d'aucun détail. Parfois, il semble s'apercevoir de ce quesa méthode » de fastidieux et de rebutant: il annonce l'inlenlion

d'abréger, d'éviter les redites, mais sa manie estplus forte que

sa volonté, et bientôt il retombe dans son péché d'habitude.

Une seule réfutation surchaque point particulier ne le «intente

pas; il. en écrira dix, il en éerira vingt, s'il le peut il ramassetout ce qu'il trouve, entassa tes argutnents sur les arguments; à

vrai dire,il compile. Dans l'auteur qui l'anime, dans .sa fureur

de destruction contre toutes tes thèsesdogmatiques, tout lui i>st

bonil prend (le toutes mains, il tilt flèche de tout bois. A «ôié

d'arguments très profonds, d'objections sérieuses et de grande

portée, an trouve dessophismes ridicules ou passe brusquement

(te rintérèt et do la curiosité mêlée d'udutiratioiiqu'éveillent

toujours, mente quand «u m: lespartage pas, les idées d'un

esprit puissant etpénétrant, à

l'impatience et à l'irritation quedonne»! U's

dispuleurs sans lionne f»i. Il n'estpas toujours dupe

Page 330: Les Sceptiques Grecs Brochard

MiLI MVKtë fV. – tîHAPITKB 1.

de ses arj»itltfs: parfois il se moque hti-méïne de ses arguments:

seslhj[)oltji>wi> se

terminent sur une sorti1 de vii»»netnent. Mais

il tnt semble que contre les JogmatistL-s fous les moyens sont

bous. Aussi bien, eu s« qualité <te sceptique, il nu pas h faire

de choix, cuire t« bonnes raisons et les mauvaises ii nedoit pas

savoir, ut ne sait pas.s'il y a entre elles une

différence, tl pousse

;i ses dernières limites t*iitij*îirtï»l*léà leur égard, et il explique

ironiquement qu'à Tevenij^e des médeetns, t|«i jtroiiortiunnt'iil

l'énergieries remettes à ta. ffravité des cas, le s«!jiîtt|tte

tbii se

servir également demisons fortes et tte raisons faibles les fortes

guériront ceux *(«i sont- Fiirtéiuénf attitebés àtt «l((«;i«iitist»ie: les

faibles, cetix (jitin'v (ienneul tjuc f»ibiement. Ainsi tous seront

sauvés tle l'oij'ui-it t-t de la présomptiondu. do'gnuttisnio c'est

sa manière d'être j)liiUiiitltro|K!»'

Cette multiplicité d'arguments et cette bigarrure donnent à

penser ijhc Sextus n'exprime pasdes idées originelles et se borne

à rejnHerce que d'aulws oui dit avant lui il est incontestable

<{ii'ila fait ù ses devanciers de largfs emprunts.

Au surplus,il

«Vn fait |«ts mystère, (,'e n'est point en soit propre nom. à titre

de pensées originales et personnelles. <|tnl présente ses argu-

ments c'est toujours -le sceptique» ((tri prie.Itien de moins

personnel que celivre c'est Tuiiivrc collective d'une érote. c'est

ta somme de tout le sceptieismi'. Les maîtres même. sauf/Knésr-

dème. n'ysont pas nommés Agrippa n'est pas cité une l'ois; est

une (|uesttonde savoir si Ménodole l'est même une luis. Pour-

tant tous tes |ihtloKOpbes des autres étotes tiennent- une grande

place danste npèsfjta#>/f*»TiWs;

leurs opinions y sont longue-

ment exposéescl distillées: Sexlus n'est muet que sur les siens.

Quelles sont les sources ott ii a puisé? \vait-ilsous les yeux

un ouplusieurs

modèles 1 Vena-l-il un qu'il ait suivi depréfé-

rence? Toutes questions auxquellesta pénurie de nos renseigne-

ments ne nous permet pas«li«faire une réponse

certaine. Zeller'

nmjerturr- que e esl surtout d'. Knésidème que Sexlus s'est inspiré

111.>« :Ô ^ùnen'tHut.'!<im îtfiv'lpwis sïi'ii.. x. t. '

«;».> i. v. 'u. :r VhII.

Page 331: Les Sceptiques Grecs Brochard

ttÊSOITOTR KT SBXTWS RWPmMliîS. ai»

a .t. 1-.il en donne pour raison <pte. parmi les auteurs cité» par lui, ilen est bien peu (jot soient postérkws au milieu du i" siècleavant J.-C. C'est certainement là un fait

important et tjui mérited'être

pis on sérieuse considération car nous savonspar Sextus

lui-même »pi« le scepticisme eut de son temps de redoistaiilcs

advepsakesi, t«!sijuc

les stoïciens, et il est«tranyï? »|u'ii n'aii |j«s

on l'occasion <le mmimw e«s advorKaires, ou mime sespropres

jir(îd&esseurs. Pourtant ît faitt|«el«j»efois allusion à tles théories

certainomont[wstértcurfls à /Rn&ittëiw!. par «xei»{»li>auv

l'iiicjtropes d'ABri|i{ia et aux d««x

lro|ios (j«i y furent plus tanl s»jb-stitii.5s'«. En otrfre, toutes tes fois .|u'/Km?si*'me aduptu les

«pûtions tTHénacliti», nous voyons i|ue Sextus sesépare de lui,

et il lui arrive de te combattre; directement' Si ancompare

avec les livres île Sextus inrapide analyse fja<?Photitis iwus ;t

conservée de celui d'/Kn&idènic. on constate aisément, commeil fallait s'y attendre, (pie les

mêmes questions principales sont

traitées par les deux auteurs; il y a pourtant des différenceslissez notables. L'ordre des

«pestions n'est pas le mftne: (tue cesoit à Sextus oa a un antre «ju'il faille en attribuer Fhonncur. ilest certain

<ju« leplan de Sextiic est mieux c.tmi-n et mi<>u\

or<lonné. De plus, /Enésidème avait consacre trois livres surImit aux .ptesiions morales; Sextus. soit dans les

ll^iotifpo^x.soit dans le Ttpèç itaOnfictriKovs, leur fait une part bien moins

laifje: il esl visible <|ii*iln'insistepas volontiers sur ce sujet if

n'en parle, «pi'à son corps défendant, et. si oupouf. «lice, par

acquit de conscience. Enfin, il ne paraît pas .juMinéstdènie ait

ea, comme Sexttis. te fjoftt des roeberebes et descomparaisons

historiques. Pholitts nous dit bienipi'il avail pris soin, au début

de son livre, de distinper nettement lescepticisme do fa nouvelle

Académie; maissaus «toute c était dans uniijtér*Hdepure p(déini(|ti(<

Scxlu* fuit fiWB .illn$i«ii » .« >i,:ltl>ii).>nls |HB[éri«uis ;i l-n^.id,» n.livre •mipAu t' t, 84. ,w it iiommo IVmpwiir TiWn.; | ,». ,r, i| ,i,.soit Slànmlnl. s«il !lm«l«t<>iU..ti. ti*. <«'i ,™raii |o

nm.Kl'H..nn3î;«Ki», .“hiiiporaiit il',tul?M<>; W.. t. li ù <«> fni.iv.- !<• nui» ,|u p,-i i(..il.-liri.>n Vl*m.

i|iii esl ilu t" «il iln ii' siiVk- <| |v-n. rhn>lii>mif

'> Vf.. VU.:iC,?i.

Page 332: Les Sceptiques Grecs Brochard

:m LI VIIH IV. – CHAPITRE i.

et afin d'espliquer et dk* justifiersa désertiuir11. aesfus, au con-

traire, s'attache. dans lestl y poli/posez,

à distinguer te seeptieisme.

hou seuleiiwBt «le la nouvelle AviuléuiRMiKiis «icoro *l« toutes

tes doctrinesqui présentaient

avec lui uneanalogie»

même loin-

laine. De mente, dans le Iïp« paftfpcmxGtfc, il est visible qu'il

traite avec (joiUles

questions historiques il s'y attarde volontiers,

et il y apporteune impartialité",

un souci d'exactitude et une

précision auxquels il «'est que juste tle rendre Iwmniage. Ses

expositions de doctrine sur lecritérium de la -vérité, par exemple»

et sur la théorie- de lit connaissance des stoïciens, ont rétendue

et lu valeur d'une véritable' exposition Historiquet on oublie

presque,en les lisant que

ces théories ne sont si bien exposées

que pourêtre réfutées, et q u'elles

ne sont la que pour faire mieux

ressortit- te mérite des conclusions sceptiques.

Nous sommes fort loi» de vouloir dire que ce ti'est pas cl'iEtié-

sidèuieque

viemiunt la plupart(les arymnents exposés par

Sextus; c'est, iiu contraire, notre opinion ([ii*il faut attribuer à

ce philosophe tout ce qu'il y a d'essentiel dans lapartie critique

du nouveau seepiieisme. Ses sucresseurs n'ont guère fait autre

choseque

d'étendre il de nouvelles questionsles procédés

de

discussion dont il s'était servi: its sf sont inspires «le son esprit,

et ont continué son œuvre à peu près dans lit direction que lui-

même avait marquée. Mais cequi

nous semble difficile, c'est

d'admettre que Sf\tus se soit attaché au texte même d'/Knési-

dènw, Il faut sonjjer que, dans l'intervalle qui sépare,tes deux

philosophes,bien des écrits

sceptiquesavaient été publiés, dont

le dernier venu a flù faire son profil. Petit-éUrc, il est vrai, le

livre it'/Knésidèiiie avait-il servi de modèle à tous ces écrits scep-

tique' etformait-il connue le thème auquel its ajoutaient

des

variations. En tout cas, il ne semble pas que nous ayons le droit

de refuser à Seslus le triplemérite d'avoir donné à l'œuvre une

forme plus régulière, d'avoir réuni autour des arguments «PyEné-

sidèrne tous ceux que la subtilité sceptiqueavait inventés après

'-t-tt-i. tt- -t't~.

Page 333: Les Sceptiques Grecs Brochard

MiÎNODÔÎE ET StiXTUS KttPHUClia 325

lui, èt de tes avilir fortifiés dé toutes tes e«nstdf5ntti«>nshistoriques

«font nous venons de. parler l.

Outra tes titres d* .fênésidènK.\ est certain mie Sextus a eu

sou» les yeux ceux d'un {jrand nombre d'autresphilosophes, feus

ne saurions ici nous donner ta lâche du rechercher toutes les

sourcesauxquelles if a puisé bornons-nous à iiuti<[uer quelques-

unes de «ellesqu'il désigne iui-nrcW, et qtti intéressent parti-

culièrement fhistuire du scepticisme.Sextus cito

trop, souvent Timun, avec -Piuditratioir [jrn'ise des

ouvrages mu(|ucls il l'ait des emprunts, pour (pi'on puisse douter

ipi'il itiunul fris exactement tes ouvrages (tel silla«raphe. Il s'est

é> mêmeinspire des livres des aeafiemiriciis, U(»(ainuicul de

i-eux deCltituiiisiquo et d' Antionhus. Des pages entières, relies

entre autres où il expose tes arguments île ùmmule contre les

l)ieux, sont empruntées il(îlitoiuin|uc, et la

comparaison de ces

textes avec rem où Cieéronexpose les minuta idées ne laisse

pasde doute surf exactitude du résumé qu'il nous dotme. Il est

mène assezplaisant de l'entendre se

plaindre;ii de (» prolixité

avec latpjt'lli! tes acadéimiriens ontdéveloppé fktrripptKrts. Le

soin tpj'il prendM

d'indiquer partout techapitre auquel il fait

des emprunts nous rassure sur leur exactitude.Parmi le» écrivains qu'il ne cite guère, mais (tout il s'est

te plus inspiré, il faut«erlrtinenienf placer Jtémidofe c'est li-

vrai maître de Sextus, s'il est vrai que son prédécesseur immé-

diat, Hérodote, ail été. mi médecinjHwuinatitjue. eVst-à-tlire

dogmatique. On verraplus loin, par l'exposition dis doctrines,

quele

scepticisme de Sexkis nerévoque en doute

que les vétités

métaphysiques, celles qui se démontrent dialediquement. ta

sciencealistraite et «priori desdogmatistes il veut substituer tiuii-

(li .Somwnl St'ilm seml.lc tn<tii|iiei' ifu'il eui|)i-iii>lo ses ;tcj[imieiil» ài|ii«|t|in-

(Icvimi-HM-, Im^jtif jnr cxmn|ile. it dit Tikjt >ij u,m ( M.. Ht .Si i 1l' \U, iH.'l, ofr.) l'aifiits. il wiiilil.; ij»'il ajimte lui-Riiinu1 im ai^uinciit iiuuv.iiii•V., WH, iG(i Vw<isi« ui Ufov toi«st'.i> Cf. Il, ni't. •>(c, ,.(

H. ••»'[.

1M.,tV..

''M..VII, .“. L

Page 334: Les Sceptiques Grecs Brochard

m fJVltB IV. – CltAPlTKR t.

«tentent encore i«t housans quelque émouvras, une sunenu science

ott d'art, fondéeuniquement sur l'observation, sur des

phénomènes etde leurs luis de succession, (le scepticisme

est ce

queuqms

appelons aujourd'huile

positivisme.Cest [à sa

marque

distinctive, c'est le caractère nouveau duscepticisme tte

ia der-

nièrepériode. Or, ftîtle métltutlc nouvelle, sinon dans ses traits

essentiels au moinspu-

la rijjitotir aveclaquelle

cll« estap|>li-

est.cette dt* Méitoftod1. N»l doute

(jueScxtus no

procède

lUrcetoiient tic Mf'nudule. (Certainsrliajtttrus, par (txcjiijJile

celui

<[tiiest cunsiti'iv à ta

tvfutatkm (les sophismes' sont probable'

iiiontinspirés pu'

lepremier sceptique

nu'ttcuin.

Tooft'fois. si Sextus a fait de iiuiitlireuxemprunts

t on ne

smiail voir «>» lui un vulgaire coaipitulcui'ou ne doit

paslui

«dresser k1*i-t'proeÏH's «juis Diog&tie mérite si bien. Le soin

qu'il

prend de recourir aux textesoriginaux, de

citer même longue-

ment lespropres paroles

des auteurs<jn'ii combat,

n'estpas

le

tiiif d'unesprit

tnultentifqui

veuts'épargner ia peine

depenser

et deroiiiprendre:

c'est pftitùt |« soitci d'un historien conseien-

tieux etettéEhodùpie. ijtti

tu* veut rien avancer à lit Légère: c'est

le scrupulehonorable d'un

écrivain (jiiine veut ni afl'.iiblir. ni

travestir lapensée de

ses adversaires, et niel sa {jloire àexposer

iittpartiaieineut leurs opinions.Peut-être faut-il voir là un lieu-

ri.'jix eilV't de celle inéiliode d'observationprécise <pie

Méitodole

venait d'introduire dans la scienct1.

Kji cas niènii' au milieu de <e fatrasd'arguments qu'il

reproduit d'après autrui, Sevttissait garder

une sorte (roril,,i-

naltlé. Il n'estpas besoin

de le lireloiiîjfetnps pour s'apercevoir

i|it*mia affaire à un

esprittrès net et très très maître de

sapropre penser;,

clfort capable

de >*as>imil':r celledes autres.

Ilprend

unplaisir iMdt'iit, <;l souvent

beaucoup |ilus qu'il ne

faudrait, à se jouer an milieu des subtilités de ladialectique.

ï.f n'estpas qu'il

se fasse illusion .sur l'utilité de cette scienre

il sait lui dire son fail à l'occasion, et il luiarrivi' d'opposer

fort

K II.

Page 335: Les Sceptiques Grecs Brochard

ttiïXODOTK KT SKXTtLS lïtfPMKItFS. 327

simsfhnimt l'inatiité desarguments invoqués par

les dialecticiens

à la précision utile des faits surlesquels raisonnent te&tn4decms>

i\'éamnoins on diraitqu'il veut montrer aux do^màtistes qu'il

•sicapable de rotowitor coiitm eux leurs «nues favorites, et

qu'ilsuit tes manier avec dextérité; il

y met une sorte decoquetterie»,

et il n'est [Kis fôclié «le montrer aux dialecticiens deprofession

«[«'il pourrait au besoin leur en remontrer. S'il commet parfoisde

pitoyables sophismes, ce n'estpas,

oa l'a vu, par ignorance

«tu par faiblesse d'esprit, mais de propos délibéré et par dilet-

tantisme Malgré toutes ses subtilités,, son style, .d'une séche-resse et d'une

précision scofastiques»san*ajr«flatioti ni recherche

de lausse t'li;ga«ct*, estpresque (oujours parfaitement efair il

ne vise[tas

à feflet. tû dittoujours exactement ce qu'il veut

dire.

Historien ûrudit, dialecticien et médecin, Sexlus EmpiricuK,un suppnsiinl mC'ine, ce i|ui n'est nullement

prouvé qu'il n'ait

rien tiré deson propre fonds, garde encore une assez belle part.

Ses livres, maigre leurs défauts, comptent parmi lesplus pré-

cieux muiuiimnits que l'ai(!i([uité nous a laissés. Sextus a bien

mérité de nouspar lis mmibreux

renseijjncments iiistdrirjues

qu'il nous a transmis. H ;i surtout bien mérité de smt école. C'est

h luiqu'elle doit d'être la mieux connue de toute

l'antiquité.•\«ns tte connaissons pas bien les

sceptiques, mais, jrmee a

S«;xtus. nouspouvons coimaitre parfailtMimnl le scepticisme.

A SextusËmpirtcus succéda, dans la direction de l'école

sceptique, Satuntiutiscuititiuipuraiti de Dio^ène Uierce;ti, dont

«mis ut' savonsqu'une

chose, c'estqu'il fut. lui aussi, un mé-

decin cin|>iriipie.

fên dehors desphilosophes

deprofession qui reçurent direc-

OiililiiaiK li> Ivvh'iti' l)!<ij;<'iii!(.t\. i ili) l'3iv(yfit>Af« Krfm'i». l'cisouiH'

ua |»H «iuorc <>(|>lii|iHT m «uriuiiM <li' (àiIk-iuis. Il mm- >omlilf eviitmil (|ii"il liml

Km» mPiufti Mb: ttmvet'mn i»s| in<lii|ih<> par Mîohsclh*, Itritriige :tir tyurl-tatlmutle uml knuhés /.«ni., y. n>. IW^I. Sïlmtt/ iS-n. l'itit-.Hli' im>si

{Illlll'lttil-Oll liiv r', ;x Krfnpis.

Page 336: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVRB fV4 – CH*H'PRE f.

(emciif l'héritage des tiiaîtri;s,ii neparait [tas ijtte le scepticisme

«il recrutébeaucoup d'adhérents il en eut moins ipte t;i (loti–

vetlo Académie. Sénèque ne parie pas de cette école et semble

«i ignorer l'existence. Les se«lspartisans «lu scepticisme dont

tes noms suient arrivés jusi|u*à nous sont Lieiiiius Sura, à qui

lUtue le Jeune ' adressa deux lettres, et Favwiims. Ce dentier,

bien qu'à vrai dire il îùt nmins un philosophe qu'un littérateur

ami de la |>tiitoso|>t>fc. mérite de nous arrêter un instant.

Favtiriims itiM|uttà Arles vers So-cjo après J.-C.

:K il tml|«jur

maîtres îïion Chrystistome et |jeut-ôtrt> Kjjïelète • contre

iw[net il écrivit plus tard un Uvre15'. A Athènes, il rencontra

fô-monav. et se lia trune étroite amitié avec Hcrodi>.<Wtîrus>

(mis il séjourna lattgtenrps à Rouie et eut |iour disciple Auîu-

(ii'llc, (|iiiresta toujours tm df ses plus fervents admirateurs

il lut iHis<i l'ami tlePiiitarque. <|tti (ut dédia un de ses ou-

vraj»«s"i'. H nimiriil vers fan lâoaprès J.-C.

Favoriitus étaitcmuicjue ou lienniiphrodite''1' eirconstance

i[tii lui valut plus d'une raillerie miellé. commeon peut le voirdans le Mimum de Lucien. Vukï le

portrait qu'onnous fait de

lui ' «Tunsani frontein, gemts molles, os laïiun, cervieem

tenueni crassa erura podes plenos quasi rouyestis pulpis, vot-em

reniineani. vcrlnt niuliobria, mcinlira et arliculos mimes sine

vigore laxos ft dissolûtes, n C'était uu tieau prieur, également

'" IV, :io; Vfl,

Suidiis dit i|ii'il iiiKjuil soi* Tntjaii et wciil ju^u'au Idiips if.VJricii. To»t(.«-

Euis, it ifciil èln> mi j.Iiis |ùl. <•!» i'titr»K|tie > Quasi, ome., VIII, s, ï) parfe ito lui

«itiime ifitti écrivain «iitjà félétuv. J>'autr(» part, Miiic-inl Anln-lîclle (S.A., Il,

'•i,, il cmiiiiit f''r»nlua;ijtr»s

<o» ammht, ( t-Voitlou fut cuikiiI <> iVi. tt iloit

.ii'iir MiiviW-ii à Wrien.

l'liH«str. Vit.tnpkût., l, mu, t.

(«-II., .V..I., XVII. if|. tj.il., Ili-o/il. ilm:lr., I lui.l,|i. ii; Dttibr. pmpr..»ol. X! 1>. 4ï.5

liai.. ii.iV/.

" l.iiei>*n« Dèiimiitix, i». l'l>il'i-tr. bit. cit.

V. I..II. :!l):l||. !(,.

('tlinfiiH, Ihldiolh. jrruv. V, |>. tli't.

fbttosfr.. f"< ci'. $uMsi«. Liii-içn, /h/i«ix, \t.•'

Val. IW.U. /;••

II.71.

L

Page 337: Les Sceptiques Grecs Brochard

«Ê1WD0TEET SEXTUSEttPIlUCttH. 329t 9-r 1 1 ~a

fiabifr* dans f,i l»ft|pi«; grecque et dans la langue latine, combletic discourir

longtempsav-tse une érudition abondante et facile

sur tousles sujets» mémo les phts rnest^iins. Il no

nantît pas

queles vrais

philosophes, comme D&nonax aient (*«pour lui la

iiiuirult'ti estime.

Favorinus, d'après Suidas, avait composé un grand nombre

d'ouvrages; il tîlait fort instruit, très au courant des doctrines

philosophiques, mais plus particulièrement attaché à la rhéto-

rique. Parmi ceux d«.ses livres qui oui trait à laphilosophie, il

faut signaler: i ïlav-toStiin) (Copiât; a" les A7rotipni*ovev(tavx;

Fliojjène Lacrcc s'est servi de- ce» deux ouvrages; Ènnotitf'l\

qui n'est pwul-étre qu'un thajntre de lit ïlmvaScati fc'iopfai;h"

Kupuvaixa'i* 5" Ikpï Ô/so/pot*<roft«sl:ii: (*"Flepï Uvppwtla»

rpimm^h f trois livres Uspï tirs xotràkyntttxm ^wwxks yi8"

nAci/To/p^os # erspî T»/!r \x7$>)nztxi)<; hafHcrzvs Un de ses

livres était consacré hprouver que le soleil Itii-int'int! tte petit t

ùltc perçu- Il avait aussicompost1 un liait« Yirèp ÊutxTnW*.

(i't'Sl unequestion de savoir s'il finit

compter F»vuriuus|)!inni

lespartisans du nyrrhonisiue ou

parmi ceux tlo la nouvelle Aca-

démie. Jîeller tientpour la première opinion Haas

pour la

seconde. Il est certain que Favorinus professa une gnmde adiiii-

ralion pour l'yrrhon5*, «t il avaitexposé

les dix tropi-s dVEiw-sidème. Toutefois, par bien des traits, il se

rapproche plutôt dela nouvelle Académie. Il était bien, commeArcésilas et Curnéadc,un diseoureur habile, qui se servait de la philosophie plutôt qu'ilne la servait: on nous dit d'ailleurs, qu'H avait l'habitude de

f"Stcpb. Ifwaul., i*>jxâs.

(i)St«'[il(. Itjz.ml., kXtZaiptu.

<» Sui.lat.

<« OH.,XI, f, 5."•' Gai., De Vfl. ihctr. vnl. f |>. du.

<') /4k/.

tGirf. M);~ rVH 1fA/UV ëfFbi X2rœÀI,n1~1"

< Gai.. lk lil>r. impr.,tu. vol. ViX,|>. V'i.81 l'hittxlr., /w. rit. f, mi, «k tWti., Xi, v,

"••i'II.. KV. i V«lim un! i|ii.i'ivrc i|uit| o>Ulinn'i». Stis l'iiim -oliliitn i-sw

un- |ir« <tisi-i()liiia meUr, '[u.iiii «ilo. iiM|iiin>n! i»iij;is i|iinm (Ictvrncrc. S«l <[(i;e*«

Page 338: Les Sceptiques Grecs Brochard

330 LIVItE IV. – CHAt'lîttH I.

(iissiu'tiif sur toutes choses, à la imtnwe de» «"H'ndéinieions. mm

rien décider. Deplus,

comme Art'ésilas et Carnéade, ainsi que le

titre d'un tk' ses livres en fait fui, ils'attaqua

surtout à ta théorie

stokienue de la représentation cauniréliunsh'e. lùiliu, dans l'ar-

gumentation, contre les oraclesque rapporte Atitu-Geltu

o» 1«

voit combaltre la théorie stoïcienne par les mêmes arguments

ûmit se serraient lus nouveaux acudéraiefens ii insistaitiJ> nu-

taimiieitt sur l'incompatibilité du libre arbitra avec lu divination

et iVstun argument dont it ne parait pas tjueles

pyrrlioniens

se sttieut servi*»,

H ne semble |>as, d'iiîlleurs, que- Favorinus ait rien ajouté

d'importantà fa tradition de ses maîtres. Au stirptusjt's rapports

entre les deux écoles étaient assez étroits pour ijtte Favorinus se

considérât eimime appartenant à toutes deux. Entre les acadé-

miciens, i[tiilioienl savoir

qu'ilsne savent rien, et lus scepti-

ques, qui n'en sont pas siirs, il n'y a pas un abîme'3*.

Siri.'uiii C.irji.-n ti'i1i-cfijcc |)utili,|i.T>• itinkiiti-i istis ili>|nila!ionuui aaulomici^.n

CI",thti. ,t),-if). ttoctr., vu!. t,p. '10.

V..I., t. Il font «ignakr cette fitrimik, tunto iicailL'mieiwnio -Exit-

wttiti uiili'iii nui) uiliriiliiutli ijiMliii in;;eiiii .m «jinitl it<i *ii« jinlicatoinie osislimare!

nan ffaln.t» ihi'ii ».»

Mut. -iaiit vent fit tninimp ti'r^ii*t(iiit r^t^haf, iftioit umt hiluIu i*asu^ i»i

•«l'iilit, «jikp lînniiviil iMtriii'iii.'Us, *;d t-uiisilin i|imijiw Iiuiriimn» ipsi, iiiiiiliarias

»?t varias votuilii*U< a|)|}i^ilit)ti<.>^|tiu et ttt't'litiattimc-f, et foi'hutHs tX'[tL'HllHOS(|U(î Ht

!i i.»«imi< ii-liiis aiiïiiiui'Uiii iitiji'tus. receisusnut". luureri ajjilariijue dusujwr e cmlu

[Hilai'cfit."

<nll. M. v. S.

Page 339: Les Sceptiques Grecs Brochard

LE SCEPTICISME. – IWKTItë DESTHUCT1VË. 331

CHAPITRE II.'

ÏM SCEPTICISME BMPHUQUE. PARTIE DRSTlUiCTiV'K.

Uansle scepticisme empirique, iei que l'expose Sexfus, if y a

lien, selon nous, de distinguer deuxparties que Sevlus confond, <

mais qui sont loin d'êtreidentiques b légitimité (te la distinc-

tion ([ik nousproposons se justifient dVItc-uiénus croyons-nous, 1

par l'expositiondes différentes thèses du

scepticisme empirique.Les

sceptiques sont d'ntiord desphilosophes ils s'attachent à

ruiner le dogmatisme sous toutes ses formes c'est lapartie tics-

trutlive de leur œuvre, eell»; à laquelle ils paraissent avoir att;i-

tin! kplus d'importance. Mais its sont en même iemps des mé-

detiiiii il fautqu'ils jiislifit.-ftt ht science- ott ptittùl l'art ([u'ifs

cultivent. Ile là un certain nombre de (héses positives, qu'ilslaissaient volontiers au swond plan, mais qui sont pour nous du

plus liaul intérêt et. qu'on peut considérer connue lapartie

<-on-

struttive de leursystème. En un mot dans le

scepticisme empi-

rique, il convient de distinguer le seeptieisme et l'etnpirisme.

L'exposition duscepticisme proprement dit

comprend elle-

même deux subdivisions. Lapremière délinit le

scepticisme,formule, ses

principeset ses

arguments, explique tes termes dont

il se sert. La seconde prend 'l'offensive contre le dogmatisme':

passant en revue les troisparties de la

philosophie, elle expose

imprtmtenieiil le pour et tecontre sur chaque question, et con-

clut ill'impossibilité

de rien savoir. Nous résumerons les tUm\

parties de l'œuvre do Sextus en usant librement de ses trois ou-

vrages. H serait impossible de parler de tous tes iu|;unu.Mits que

l'iiilatiijahle sceptique acciininle nous choisirons lesprincipaux

non les meilleurs, mais ceux (lui ininsparaîtront les

plus propresà donner une idée exacte <le t'ai^umcuiutiou et à

reproduire

Page 340: Les Sceptiques Grecs Brochard

332 UVRE IV. – CliAlUTRE li.

dans un résumé aussi hrefque possible, {« vraie physionomie

de l'ensemble.

t. Le scepticisme consiste à comparer et àopposer

entre elle*,

de toutes les manières possibles» les chosesque les sens perçoi-

vent, et celles que rinteittgciice conçoit0'. Trouvant que les rai-

soks ainsiopposées

ont tin poids égal (iaaaQévmx), lesceptique

est conduit à la suspension du jugement (iir^f) et a l'ulariixie.

Cette suspension du jugement ne tloit pas s'enleiulve eu un

sutts trop large. Lorsqu'il y est contraint par une sensation

tju'il sttlrit, k:seoptique ne s'interdit pas d'allirmer. S'il a chaud

oit froid il ne (lira pas je crois que je n'ai pas chaud ou froid (-K

it ne doute jauuii&ik-s pltûuanièui's ' ..Maïs s'il s'agit d'une de

ces choses tactiées (£&*>.&)queles sciences prétendent con-

naître 'v, il (loÏÏtctoujours.

le >wmis rieu'* jette ilêfuiis rien pas plutôt ceei que

cela '7|

peut-tin' oui pcul-t'lre non" tout est iucûinpréltettsibte^'x voilà les

formules >'ont il se sert pour exprimer son doute, à moins que.

les trouvant encore trop atlinuatives, il nepréfère recourir des

interrogations,et

dire: pouvquoiceâ plutôt qwedu tl>!1 Mais dans

tous les cas, il faut bien entendre que jamais il n'affirme rien,

au sens absolu dti mot il dit seulement ce qui luijwn.ul. Ainsi,

quandil dit

qu'ilne sait rien. ou que tout est

incompréhensible,

ou qu'à toute raison s'oppose une raison d'égale valeur, il ne

faudrait [tas lui reprocher de se contredire en uflirtnant une pro-

position qu'il tient pour certaine. Il ne la tientpas pour

absolu-

ment certaine la chose lui paraît ainsi, maispeut-être

est-elle

/l, H.

i-f.

P., |, HJO, ttjHt «JOO.

• K.l, ii

/Uni.

P.. 1.11,7./[. iMH.

' 'f, '<Jft-

i> r, ioo.

•'p., 1,1%.

Page 341: Les Sceptiques Grecs Brochard

LKSCEPTIf.ISMH– PARTIR DESTRUCTIVE.333

autrement U1. Mne parle jamais que peur laî-nieW ï chacune

«le ses formules sons»c«teinl â refi'iîi me semble®. Toutes ses

formuless'appliquent

à olles-mèues elles s'enveloppent eîles-

mômes. lin purgatif, en même*temps qu'il entraîne tes humeur»

ducorps, disparaît avec elles (ï|. De mi'ino, les formules scepti-

ques, e» supprimant toute certitude, sesugjn-JnièntîîHSs-mènes.

Kn un mot, et c'est nupoint sur lequel Sextus insiste souvent,

le sceptique ne fait jamais qu'exprimer l'état purement sttbjecttf-où il se trouve sans rien affirmer tic ce tjut est hore de lui, sans

rien dire <{»iîait unepoj-tdc générale

Par conséquent, le sceptique n'est d'aucune secfe(!y), d'aucune

«colc, à ntuins qu'on iv'enfeiulepar !à une disposition » suivre,

conformémcRt à ce «piu les sens nous montrent, certaines rai-

sousqui conduisent à bien vivre (nott pas au sens monit, mais

a» sens larç;e du mot /!«•«)> ol àsuspendro son jugement. L«s

raisonsque

suit lesceptique lui apprennent à vivre d'après tes

coutume», les lois, les institutions de sa patrie, et les disposi-tions

quitui sont

propres.Le

sceptique a un eriti'-rimn, non pour distinguer le vrai dit

faux, niais pour se conduire dans la jjjpCe critérium, cest le

phénomèneou la sensation s» hic, et qui s'impose, sur laquelle

la volontTn'a siuctine prise !*>. Nepouvant demeurer tout a fait

"» P.,f, i;>,i<ji,!>o3,clc.m.

f, m>6.

ll! P., t, ti> T<i éïstâ Ciii-Jfiei'uif ié>ei xù to •uiflos dviyyi>?ci m éwtoï

àSoiiaiais pnlièv aspl vis iç-Jlev Otroxiifiii'ur iitSiStuovyttvut. l'S. I il).

tl est iiii[io«ïhte <!«>lnuluin> i<- mut «jajif donl so sert Sextns, et qu'il op-

pow: au mol »i'pr»i« trop (tu;;inaliquc à son j;rc ( P.. I, rC). Les mots »«•(«, rfw-

Iriue, lira, institution, pwfeai'm direction expitum-aieul (oujiiurs une i>l<k>trop

(jusiliic, o>iii<iii(|uci'iiiciil de cl;ti-té. ~ott'<* lallllllu, ami" (t<*t:t jx~cition, jà,a pas .1..

iikiU pour cou nuiinres sulililos 1 1 jjuiisj'i».nus nous servirons, a l'oco.ision, ilis

nuits rente «il ntuifintmtnt, IjJvii i|u'il> Suicnl atiMÎ a-M-7. inijini|irO5 il faiuha fi'uU

ini'iil ciiliMiiliv <|u'il lie 5u|;ii [os «Tint curps dit ihiclrini's liw et dwluré inwiinnblc,

mais sctiiommit il'mt |p-uii|n> d'opinions l'imiiiiiincs à un certain nombre d'hommes,

i:t afJujitOis par eux, ai» si!irs i|di vit'nl dMtn; dit eVsl-à-din' a«cc rêswïo*. «.( sans

huir altnliiKr une vak'irr nljsoliK.

1 '! Kl' xsciaa yip x ji àëov/.iiiw tiiOei tteijièvti iMnitos c'oîiv.

Page 342: Les Sceptiques Grecs Brochard

»ft IJV'HKIV.– Cft.4l»trttlSIL

inacfif.'to seeptiqiu1 vil sans- avoird'opinion. nnit|iii;tn<!ti(

attelle

auxaujxirences,

et auxpratiques d<- ta vif coiumuinj.fi obéit

aux suggestions de la nature, et fait isaj*»! de son intelligence,

comme le premier- venu: il sttitl'impulsion

do «sespassions,

nutnjfes'il a faim, boit, s'il « soit.

Bespectuettx (tes lois et cou-

tumes tic s»ki pays, it regarde ta piélé comme un bien, l'impiétécomme itu mal il

apprendet cultive lt»s arts. QttVn ne fucntse

donc pas tte s'enfcrmiïr dans l'oisiveté. Ai veut êtretruiisr>(|ucul

avt»c htt-niôjnc, et «le tomber dans l'absurdilâ et ios contrïxtir-

t'utm, «IVln1 forcé par exemple,si un tyran lui ordonne tic faim

who maifvitiso action ,'dc choisie entre le crime- cl la tnori» ce«[tri

est foiitt"»ii"(! « hcs inuNtiucs1-. Raisoiutpv ainsi, c'est oublier(|«o

l« sff|itif[ir<ikv se conduit pas d'après- des rfjjles pliilosojihitjtips

ils't'ik rap|M>i'te

à l'observation et àtVxjnti-i«iee'->t, <[ui

n'ont rien

à faire avec taphilosophie. S'il

est mis eh ilciitcurepar tin tyran

de taire «ne action défendue, suris s'inspirer d'autre chose <piedes lois de- sa

patrie,il saura prendre uno décision: car il peut,

comme tout le monde,préfén-r

certaines choses, et en éviter

d'atitres.

l*»r là, il atteint le but qu'ilse

propose, et([ni est l'nlamxir

à l'éfjiird (tes opinions, la métriapathie h l'égard des «-luises tpif»mit ne peut éviter' Le

dojjmalisle ipiia une opinion sur le

bien et sur te mal, tjui croitpar exemple que

la pauvreté est un

mat est deux fois malheureuxparce «pi'il n'a pas re <[u'il désire,

et parce mi'ilse

travaille pour l'obtenir. O»ltenl-il la richesse'' t

il est trois fois malheureux, parce ipi'ilse laisse aller à

une joio

immodérée, parce fju'ilfait tous ses efforts pour garder ses tré-

sors, parce rpj'il est torturé à l'idée de lesperdre''1'.

Toutes ci«s

peines sont éporjjnées au sceptique. Il est vrai qu'il n'échappe

pas plus queles autres aux

douleurs sensibles: il pourra souffrir

do ta faim, de la soif ou du froid. Mais si ta douleur dont il

J/ Xt. lli'i.

M., VI, tiij\yû'i<soyùt nipuiK.

l.rt.•- .«., XI.i'ni-itio.

Page 343: Les Sceptiques Grecs Brochard

Uï SCKÎ'TICtSMlï. – t»AItTÏE MS'FRlJC'nVfi ;««

s'agitest très vive, elle dure

peusi elle dure, d'ordiiurtre eifc

n'est[Mis

très- vive, et oupeut y apporter quelque soulagement.

Fût-elle très vive, ta faute tCen seraitpas

ausceptique, «jais

:t

ta nature, et le.sceptique

» du moins évité la seule fauteque lus

hommes(missent commettre eu pareil cas, celle «le s'infliger <\

soi-mAnte une foule de maux par les idées<ju*ou

m fait du bien

fa <l« mal. Celui <jui ne se figure pas «juela douleur est un niai

ne souffre (|u« île l'impression présente; celui «pji la regardecomme un mal double sr. souffrance.- On voit parfois l'homme à

»|uioh l'oujie un rni'iitbrc, souffrir sans

pâliret sans gémir les

assistants au contraire, dès <|t"t'iisvoient eouloi-

le sang,s<» met-

tent à trembler et ù pleurer; tant il est vrai(lue l'idée d'un mal

peut tîtropfiis pénible que le mal lui-même.

Voilà continent le sceptique, bien plus facilement »|tie Je

(lograatiste. arrive à être heureux, il est comme «•«peintre | <jui

ayant voulupeindre l'waine d'un cheval, et désespérant d'v par-

venir, jeta de dépit contre son tableau'l'éponge qui lui servait M

nettoyer ses pinccitux elle atteigait te cheval, et IVctinte se

trouva fort bien représentée. Lesceptique

aussidéVspérnnf

d'atteindre rationnellement ï'alarasic, parce qu'ila vu le désac-

cord dns sens et de l'ititolligmf e suspend son jugement: ft parunc heureuse rencontre, l'ataraxie survient, comme l'ombre suit

lecorps

•i!.

Divers chemins conduisent à «etleperfection morale. On

ap-

pelle tropes, les moyens d'arriver à la suspension du jufjemeut.Il y a des tropes gi;nérau.v, au nombre de trois on

peut oppo-ser les sens aux sens ainsi une tour vue de loin est ronde t de

près, elle est carrée: ou l'intelligence à l'intelligence ainsi

l'ordre du monde prouve qu'il ya une

providence; les malheurs

des honnêtes gens. <[u'il n'y en apas; enfin l'intelligence aux

sens: ainsi la neige parait blanche, mais Anaxagore prouve

qu'étant de l'eau condensée, elle doit être noire.

Il y a encorebeaucoup d'autres tropes plus particuliers tels

'•" P., h *K.

p.r l, -"t.

Page 344: Les Sceptiques Grecs Brochard

330 LIVRE IV. – CHAPITRE II.

sont les dix tropes tl' -Knésidenie, les cinq iMgrippa, les deux

qui y l'ui'f utplus Uinl substitua, îes huit «".Etiésidème contre

les partisansdes ranges ".

II. Réfutationdu dogumtlsuw (àv-itfân&K). – La tâche du

sceptiqueest moins d'expliquer son (toute que tfe combattre les

croyiiiKeseu ceux

(jiiiire doutent pas. il

parle«le lui-inétne te

moins possible, aiiti de donner moins (te prise sa principale

preo<Tii[j;ition.c'est de

parlertfcs autres, ott

plutôt contre les

autres, il ne se dûfomt guère, n'ayant rien à garder; mais if

excelle dans f 'attaque: son ouivro propre est de détruire. Aussi

la l'éTtilation du dogmatisme, ï'ârtfpfrvriscomme il

l'appelle,est-elle de beaucoup la

partiela plus importante de l'ouvrage de

St'XlUS.

Elue famlrail pas seméprendre

sur le sens de ce mot réfuta-

tion que nous employons tank' d'un meilleur, et en tirer contre

lescepticisme,

un argument Taciteque

Sextus aprévu,

etauquel

il « répomfu il'avanee. Il ne réfute pas les dojjrnalistes en ce

sens (ju'il voudrai!prouver qu'ils ont tort ce serait une llièse

affirmative. Il se contente de monlrer qu'ils n'nptjas raison, ou

du moinsqu'à

leurs raisons ott «eut opposer des raisons égides

il se borne à les contredire. Knlre les raisons contraires, Sevtiis

se garde de faire un choix, et comme on pourrait s'y nii'jn'endre.

il lerappelle souvent, quand il achève une de ces discussions où

il a examiné minutieusement toutes les hypotUèscs qu'on peut

faire, et môme quelques-unes que personne n'a jamais songé à

foire.

sceptique règle ses mouvements sur eeuv de l'adversaire

qu'il veut harceler, et l'duTt'fâmrif comme laphilosophie

elle-

niihuese divise en trois parties l'attaque porte sur ta logique,

la physique ni la morale.

t° Contre leslogiciens.

–D'après les logiciens, les choses

apparentes {<p<zw6(tsva, èvnpyii) sontconnues directement au

Vuir ci-<i(?s«!is ji. afi'i, aliâ, Soi

Page 345: Les Sceptiques Grecs Brochard

1.1'- 1'tit'riE 11 [-.S'r fi (. t*r 1 l~ ÏK

âitnuttîs ,.1.~ L~t.t.jC,C~ t*moyeu «lu erîtefiam, tes choses «idiées

(«4xa) ««[ireçtcmeut.ail inuyeu des signes et du la démgtistiation. H faut evmmnet'

leurs tinsses it ce doublepoint de vue

h: critérium dont il s'agit ici n'est pas celui dont il a été

question plus haut, et(|iti permet de choisir entre

plusieursactes

possibles tians la viejirahijue ecsl l<>rrtt<*riutu (lui \mv~

mut duftisiinjjuer le vrai et le liiiiv.

On jjcuI distinguer Iroi* sorte» de critisrium. suivant <[ir'onmnsidèïf «« k

sujet »jmvsl censé nmnaitffr lit vérité

(xpmlpiov

(ÎÇ'off), o« riiistrument à l'aideiluifuel il la commît

(StoSj. ou

rctnpjoijmrficiïïiei1 (lui est l'ait elec-el iuslmmciii iWi'Ç. «oo^-

€3A~M}ct~~o-M\

Qu'il n'y ait dt; critérium eu aucun sens. cVsf ce.nue tiumtiv

Wwrd le désaccord desphilosophes. Suivant Xénupli.-iue. t*ro-

taj»oras,(ior(}ias. il n'y a [loiul tk> fritiytutn il» tout. Pour Ana-

xsigore. les pythagoriciens, Démoerito. Partuéuidc et l'Iaton.c'est In raison seule à l'exclusion des sens, ijui jh>u( jii('er h

vérité; encore, l'entendent-its divcrsimiont. SuivantRmpi>dorlc<.

il v <t six critériums: pour les stoïciens, il n'y en aqu'un, la

sensation com|iri'he«sive les ««uténùciens nient lu ceiiilode. t't

naîu^tenTTpî^tir^rolialjilité;enfin c'est nu* sens seulement

({tioles

cyrénaii|iii>set les

épicuriens accordent leur confiante.

Est-ced'abord Hnmiiiie ([i»t est le i-ritorinm ou. comme nous

(lirionsplutôt aujourd'hui, le

juge de la vérité.? Matsqu'est-t-e

•jue l'homme? Nous nepouvons

le savoir, jms utème nous en fairetune idée r. Les

philosophes ont donné de l'homme bien dest

définitions aucune ne résiste à t'etumen. Laplus célèlw est

cellequi voit en hti un animal raisonnable, mortel, capable de

science etd'intelligence. Mais c'est définit' l'homme

pr sesipia-

lîtés accidentelles, et les accidents sont autre chose que lesujet.

fcn outre, nous n'avons rien à faire avec la mort, tantque

nous

vivons; et dira-t-on que tes ignorants, les fous, les gens entier-mis ne sont

pasdes hommes? Knlin. les autres auiittauv «ml

1 u.. vu.. -iâ. i\. h, si./II. J3.

Page 346: Les Sceptiques Grecs Brochard

m livkk rv.. «tirAPfïiiK tr.

aussi mortels; doués d'tntrf%ottw\ et jusqu'à «rt eertitin poiitfde science. Les sceptiques aimaient à «l'iiuiiH-rtfi' t»Hij;utniv«itCtfs

iii;fuii(«'iifs qui prouvent i|tK' l'iitlolli(;i'[iL'c des animaux

n'est

jjuère inférieure à celte du l'homme.

D'ailleurs, si riiouimepeut se connaître,

il s'yemploiera

tout

entier. ou if n'y emploiera i|u'ituo partie de lui~mêm«. S'il s'y

emploie touti-iitii'j'. il hi> restera

plusrien à connaître; et s'il

n'emploie qu'une partie île tui-tné'me, est-cepar le corps

t ju'il romwilru lus »;ns et la fteiiséc ?Maïs lecor|is;

est sourd H.

s;uis raisuo il ne |>uut rien i-uiri|)rcm(re; il faudrait il*aill''iii's

ifu'il({('vint

jiiiatiijjtit'a vu

(jiu fst connu n:v «''est-ii-ilire- aux

itl<V>et au\ st'usattims; il ttm'itMitlKnt dwwl'objet tle sapropre

reeherclie en«jui

est alisitidc. lîsl-«(« par tes sens qu'il eonmild'n

leiorps

ft la punsée"' Mais les sens sont privés ilo rais»n et no

savent rie» la vue même ne peut jiercct'oir «jue f étendue su-

perlicielle et non laprofondeur: autrement elle saurait distin-

guer les statues d'or de celtes qui ne sont que dorées. Enfin les

setts ne sauraient connaîtreijue

desqualités, et non le corps

lui-même. Bien phts ils ne se connaissent pas eux-mêmes

comment la vue connaîtrait-elle la vue? Est-ce par ta pensée qu'il

connaîtra U>.corps

et les sens 1 Mais la|ieijsi!e devra devenir ana-

logue à ce qu'elle connaît c'est-à-dire corporelle et sensible, et

il n'y aura plus rien qui puisse connaître. Et la pensée ne peut

pas même se connaître elle-même autrement elle connaîtrait le

lieu où cite se trouve. cl les philosophes ne seraient pas aussi

embarrassés pour dire si elle réside dans l»>cerveau ou dans le

cuitir.

L'idée luiuw d'un critérium ne peut s'entendre. Ceux qui

se croient en possession d'un critérium l'affirment-ils sans dé-

monstration ?On pourra avec un droit égal leur opposer une

assertioncontraire. Apportent-ils

une démonstration:' Pour en

juger la videur, il faudra un critérium sur lequel tout le nrondr

Sfihis sctiitil" .i[i|iii'|M-i- f»n* [inliii-li in.tsiiii'' .iristoMirtenne, ijuc le s«nr-

Malilt: |miI "'iil miuiiiilr" li> M'itiliblil". "il <|iif l<; sujH <'l t'okji'I <l>; til eoHIiais-

fiincf m> iiiiif<.int«il iliini farli' il«r riii»)iii«<aiu'i'.,t"_

v

Page 347: Les Sceptiques Grecs Brochard

I.K St'.BmtîfSMB. IMftTlB DSSTttUCTtVE..139

Ai »*••'soit d'accord et il n'y en a

jias. 'kunnse tous«eux qui croient

avoir un critérium sont en désaccord entre eux, il faudra Un cri-

térium pour uousranger

à l'avis des un» etrepousser celui des

autres. Si ce critérium est différent de tous ceux qu'on propose, 1il sera lui-me'me en question or, ce

«jui a besoin de preuve ne

saurait servir à prouver. S'il est d'accord avec l'un d'eux il aura

comine lui besoin dMtro justifié» et par conséquent ne sera pasun critérium.

Endésespoir de cause, choisira-t-on parmi les dogmatistes

unphilosophe que l'on déclarera juge suprême de ta vérité ? Sera-

ce un stoïcien, où un épicurien, ou un cynique? Et s'il est au-

jourd'hui le plus savant des hommes, nepeut-il en

apparaîtreun demain qui soit plus savant'? Et le plus habite homme du

monde n'est-il pas exposé il setromper? D'ailleurs, si on lui ac-

cortle ce titre. c'est en raison de son âge, ou de son travail, ou

(le son intelligence et de sapénétration. Mais tics hommes de

même âge, Platon, Démoerile, Zenon, sont en désaccord entre

eux. Tous ceux qui ont combattu pour la vérité étaient des

hommes laborieux. Tous aussi ont montré une hauteintelligence

et on sait qu'il y a des jeunes fjens plus intelligents que des

vieillards,

Dira-t-onqu'il faut tenir compte du nombre des

partisansd'une doctrine? Mais stoïciens, péripatéfieiens. épicuriens son)

en nombre apen près égal. H arrive dans la vie

pratique qu'unseul ait le

coup d'œilplus stlr que la foule, et it peut en être de

même enphilosophie. Enfin ceux

qui sont d'accord sur une

doctrine sont toujours moins nombreuxque toutes les autres

sortes réunies c'est donc avec ces dernières qu'il faudra se mettre

d'accord.

Examinons maintenant le critérium au deuxième sens du mol .•

c'est l'instrument qui sert à distinguer la vérité. Cet instrument

nepeut

tonque

les sens, ou la raison, on tous les deux à la

fois.

Les sens sont mauvais juges. Ils sont allectés par la couleuri: P., II. 38- W

Page 348: Les Sceptiques Grecs Brochard

3W MVIltë IV. – «ÎH.-W'ITRBII.

Ottle son Kuttï« alternent pus e«>qui est eulorwou sonore, us

m1peuvent unir lest diverses parties «l'un sujet, far l'addition

n'est pas une sensation. Enfin un sait avec quelle lin'itité ifs se

trompent.La raison ne vaut {{uèremieux. Quelles dHféroneesentre la

raison tl'Héruclite et celle de Goi^ias, l'un soutenant que tout

est vrai, l'aiitre tjuo rîftt n'ust vrai* Puis, avant tic connaître itt

vérité, t;i raison devrait se (ounttiliv elle-miîiiitM'ominerarclu-

tt'ck*"eotinait le ttroït et l'oWitjtie avant«l« se servir tin runi|tiis;«r «tt a vu «|u'ellene s<»connaît [»iis.Ëuiin entre fil raison fit les

sitost'Xs» trouvent tt;s sens tuû itit«ive|it«at la vue d« la péililt!.

Séjiaréo des chosesvisibles par la vmL,îles elioscs sonores parl'ouïe, la raison est coi'!iiiiM!iii|>rrsonnêe,et nepeut sortir d'elle-

/lUllllf',

Hennir les si>»sà ta raison ne conduit |ias à un [iii'iHi'iirré-

sultal. Raisonnant sur le fait »p> |i«mtttl \n\tu\l doux aux uns.

amer attx mitres. Démoerite«omitit qu'il n'est ni l'un ni l'autre.

Iféraelile, qu'il a tes deux qualités. De jilus. les sens ne font

pas rtHiiiaftrf à la raison les eltuses l'tii's-mèiiics. maisseulement

la manière ({ont ils sont aifectés la sensation (lu chaleur est

autre rhose que le IVti car »{!«*ne brnle |>as. Kt les sensations

fussent-elles semblables aux choses, la raison serait «limsTira-

possibilité de wrilier cette ressemblance.

Accordons pourtant. j»ar grâce, que l'homme peut connaître

la réalité il est certain qu'elle lui apparaît toujours sous la forme

d'une idée ou d'une sensation particulière, ("est le troisième

sens du mutcritérium je veux«lire l'application ou la tléteriui-

mitton particulière de la sensation.

La sensation compréhensive des stoïciens, définie non pas

grossièrement connue une impressionfaite sur la cire. maisainsi

ipie In voulait Clinsippc. comme une modification survcnirn

dans la partie principal*; de Tânie, ne se comprendre. Com-ment les nouveaux changements.. en s'ajoutanl aux anciens, ne

les font-ils pas disparaître'' De plus, si quelque chose subit un

clian{jr>n)i>nlce n«' peut t'ire que ce qui subsiste ou w qui ne

Page 349: Les Sceptiques Grecs Brochard

Liv sckptiuismk. – nnn& lymnmïmti m

subsistepas.

<x> n'est pas «iqui subsiste, cap tt n'y aurait pas

dechangement

et eeitV'st jms

et»<|ui

ne subsiste|ias, car, avant

disparu, on ne peut dire qu'il ait changé. Eu outre, l'aine neon ne l'eut 1Il'1' ..111 ait, IIIIIH' 'Il IJlltt'I~. ¡ÍJUI! lie

confiait Jamais que ia sensation, et non la causequi

taprovoque

«'t à mains de dira que la cause et l'elfet sontidentiques, on ne

pourra soutenir que la sensation soit la ittdiuc choseque sa

cause, etqu'elfe se perçoive en m«?ure

temps qu'elle.Entre (es diverses sensations. à moins de dire avec Proiagoras

qu'elles sont toutes vraies, il faut faire un choix. D'après quel

principcHxsacadémiciens et surtout Carnéade out assez nton-

tre que ce eltoiv esl Hupssibie. etqu'il n'y a

point An tliiférenre

s[iécili(|ue entre ta sensation i-ompréhensîve et les autres. La

thèse des stoïciens sur cepoint repose sur une pétition de prin-

fij«>•'=.Qttanrf on leur demande ce

sjuVst ia si'ti.intion foiiijirélH'M-siv«. ils disent «pie c'est mm sensation gravée et imprimée dans

l'Amepar une chose réelle, de telle façon (tu'une chose non réelle

ne saurait enproduire une pareille, Et

cjuaud on leur demande

cetju'esl une chose réelle, ils répondent «pie c'est celle«lui pro-

voque une sensation compréhensive. ft faut connaître ce qui est

pour distinguer une sensation cimipréheirsive, et on ne «mitait

cequi est ipie si nu a ilistiiifjué la sensation conipiviiejisive.

Supposons pourtant qu'il y ait »» critérium il tte servira à

rien, caril n'y a pas de vérité.

S'il y aquelque chose de vrai, c'est ce

<pii est apparent ou ce

qui <'st caché. Mais re n'estpas

ce«gui est

apparent car on voit

apparaître dans le sommeil et lit folie Uieii des choses tpji ne

sont pas. Et ce n'est ps ce qui est caché; car despropositions

contradictoires connue (vlles-ei le nmnhre des étoiles tsl im-

pair:le nombre des étoiles est

pair, i:alenienl cachées, devraient

être également vraies. Il ne faut pas dire nonplus qu'on doit

laire un choix entre les choses cachées et les chosesapparentes:

car il n'y pas de critérium.

lieplus, si tfueltfur

»/«».« est vrai tout est vrai: car lotit»!

»/ VII.',«{,.

H. m;.

Page 350: Les Sceptiques Grecs Brochard

•MÛ LIVRE !V.- t:tt.U~'t'H Il.

chose est quelquechose; «t ce

qu'on peutattîrfHer tîtt genfo, «h

twl «»t tlrott «le l'attirint'i1 îlel'espèee.

Kt si tout est vrai, rien ne

sera fans, pasmême cette proposition que

rien n'est vrai. l*«»tr

les inôaws raisons, si quelque chose est faits, tout est faux,

compriscette proposition qu'il y « de la vérité. Et si quelque

chose est à la luis vrai et faux, les conséquences sontencore plus

car de toutes choses il faudra (lire qu'elles sont à la

fois vraies et fausses, etqu'elles

ne sont ni vraies, ni fausses.

De mène te vrai n'est ni absolu, car s'il ne dépendait pasde

nos dispositions particulières,tous les hommes le connaîtraient

tel qu'ilest et il n'y aurait pas

tte désaccord entre eux; ni rela-

tif, car un rapport n'existant quedans l'intelligence qui le per-

çoit, le vrai ne serait que dans noire esprit, non dans la réa-

lité.

Et .Knésidème a prouvé: que le vrai n'est ni sensible, ni

intelligible, ni tous les deux à la fois, ni aucun des deux.

A défaut d'une vérité que l'esprit puisse apercevoirdirecte-

ment et sûrement, y a-t-il quelquechose qu'il puisse

atteindre

indirectement'? C'est à cettequestion que répend l'argumenta-

tion contre les signes et contre la démonstration.

Parmi les choses obscures, c'est-à-direque l'esprit n'aperçoit

pas du premier regard, il en est qui nous sont pour toujours

inaccessibles (xaOdnaÇ a«5>jAa) par exemple, j'ignoresi le

nombre des étoiles est pairou

impair,et combien il y a <le

grains de sable dans les déserts de la Lybie. Laissons de côté

ces sortes de questions.

Il est d'autres choses, actuellement obscures, mais quine le

sont pas absolument. Je ne vois pas Athènes en ce moment,

mais je puisla connaître il y a des cliosus momentanément

cachées («pcsxaipw &S»>a). k n'aperçois paslus

poresde la

peau, ni le vide, s'il existe il ya des choses cachées par

nstare

( $wnt oi&fXeij je puis pourtant U* «oiinaitre parh ruisemu;-

iiu'iit. (À- qu'onsait di- ces choses cachées, ou IVppremlpar

les

:> Vl.l. (i-lIl-MH. |l. >

.«.. VIII. t't.V<>«.• H, <; -i *(

Page 351: Les Sceptiques Grecs Brochard

Uv SCKmCISMB. – PARTIE DËSTUtCTIVE. 343

9.~ -1signes t«tranime tes éuxws «rchè-s sant «te «l«>tKsortis, il y a

detjvespèces

desijjn«s. Le

sîjjno etinmténiofntif(tfifMeiw i/'iro-

Itpnaitxir) révèle, les «pis xaupw <$uX«; {<•sij{ne iitdic«tif(cr. &-

SémutA») les ^û<rgj <&ifA«.Parexemple le mut Athènes, si

déjàje commis colle ville, w'y fera {««user: la fumée me

fera penserau feu la cicatrice à la blessure voilà

îles sifjnes eoimnémora-lifs. La sueur, en coulant sur In peau, me révélera itu'il v a dès

[tores; tes immraiients dwcorps

me feront connaître l'ûme, in-

visible |mr elk>-ui<?iiie ce sont déssignes.in(liçaj|fs.

Contrelos^d|(|ie£^mrâw»|alilk/les sccptMjuus

ne soulèvent

a'uciin<>fiitHculté. Bien «it contraire, ifs se défemient d'y porterta moindre atteinte ils veulent rester d'accord .*vec le se»* cwti-

iiunt, ils ne sanjjent pas à bouleverser toutes les lialiiliides1'1».Les siynes de celle nalure sont fondes mie un grand nombred'observations le

sceptique est ave<- ceuv<|iri y croient simule-

menl, sans dugittatiser; it ne s'élève<|ite contre tes [nvlmlioiis

des savants, Ouverra plus loin ([ue cette théorie du signe rot»-

ntémoratif est poar Swtjis le 4>okl -de-tlépart-tkloiitçjini! "doc-

Iriiie de IWt ou de^ptalifjue.et «Tune sorte «le dogmatisme.

C'est uni(|iienient au sijjue indicatif «JuTTeh vetïï71f 'dttiitefort de son existence, re

tjui en son langage signifie ijn'il n'y ena

pas.

Quand on se sert des signes indicatifs, on formule deux pro-

positions dont l'une (la chose?signifiée) est ta

conséquence né-

cessaire de l'autre(le si(;ne). Par

exemple si une femmo a du

lait, elle a conçu. De là cette définition du sifjiie indicatif

«Ccst uneënoncifttion «pn dans un tnvrtytpisvm' correct est l'an-

lécédenl, et qui découvre la vérité duconsi:(|ii(»it

Dans la logique stoïcienne, et chez tous tes dogmatistes, toute

'•'<K.tl. ioa.

M., MU, :th.>: XÇiùiwi s» Syici wnwàvv H-^nyniftsvov tima/-vsîuoi> t. «

'lijwtoî. VS. II, imi.<>!C«II« il.-liiiiliini atail d'ahwi «(• chei Ifs s(on-i«>s, .•Ile ttu si;;n.- ,m |rouei,il

(vny. rid.'ssiis, |<. -itii), mit., t). Qicimt ott «iH Ctil b .listnu linn crili,. |.w cl..iustirliw ik>

sijjnes, ''Ile s'.i|i|ili(|iin !iiii<|ii.iii.iil ;iu sij;m: imliralif: <;t niiiiii, ,v si,;i,u

I piiisi|«'il si'rt :« I»il.WMrHtrjlii.il) <st t.? sijji»- |r <i-f|t.-u«-.>. Mm- .|if S-vIi'k.

Page 352: Les Sceptiques Grecs Brochard

:i'i'i LtVttE IV. – catAl'i't'ttK t(.

déiiiotistratimi avait pour [«•'fuisse un awnfiuivw tïe re genrec'est ht majeur».! tl<» presque- tous les .syllogismes «;t sorties, le.

nerf do (mîtes lus preuves, l 1'cxî.steiti'c (les signe* indicatifs

est doue liée toute' lu théorie de hi démonstration. Lessceptiques,

après «voit* refusé ùl'esprit humain I» coniiaissainf directe de la

vérité, devaient essayer tl«* lui arracher encore celle dernière

arme ilsn'y ont

pas mampté.

Tout d'abord, lesjjjue

ne saiiruit exister absolument et partui-nvhiM1 il est une celaUtm. lit». <-ltose n'est un signe tjuo si

»n la met enrapport avec ce dont elle est le signe, l'ar suite,

le sijjue et la chose signifiée «luirait élre pensés en même temps:de même (fii'on tic put penser » fa droite «ptVn l'opposant à la

•piuriw. Mais si. en connaissant k» si|jne, on romiatt la chose

st{j»ifî«.;e, » «ftiwi sert le si*jii t* H«enous apprend rien (joe nous

v'jiit'jvini'Hu-itl » l'aïKii'ittre !wiwn<>!t>j;i<* stiHcii'ime, l*ii[>|n'tie jiiiip|i;uu'iit 1'! sijjn».Ce*t « (|ii! ivsout uni> iliRîcuttv i|»i a

«•uliarra^i* \almp i |i. i /i3). Si ou It! atlculi-

venicnt tes «b-iit |)a-.s;iji.>s ik» S.'il»s ( I» Il io'i et .W. VIII, a.'i3 ), on voit fluire-

iiiBiif i|n<; ibim Tint et ilans l'anln», r'wt iik'iiilu si|>in> initiialif iju'il s'ajjtt. Un pouavant f<>

proiuinr A; ea< pas^aj; i'i>ïpii^i(ni (par li«(ii«ltc .Si>x(iisiiimuiice le dcTOlop-

|»"ine»t >fni v;i siiiuv v!x iv:r.ipxtr,v Itiia tu irStanutiv viipcîov ei'utuf ionov-

Ux'kss imli<jti.> Iiifiti «|iift c'est du st|;ne inilintlif «pi'il v«ul parler. Kl <(!«• le scconil

passage Itaiti* aussi la mi'iiie i|u.-lion. i-Vst <•<»ipi'nlli'sti; tout le <lév4:lappcni<"iilJiint il lait |ijrlii', et lu |i.ï«a|[o l •!•]'>) où l'aiili'iir upp»MCle sij;ni. soit si'B-

silita. suit inl-HijfiliW, mais toujuitts iud'natif, ni si|;ne ciiiiinii-iuuratil' ùcoiep«rot* if iT lô tnftsitn; i^'iot »vtù Çvmv iytst «pot i«i

îvhixwiQ*i oi^l Ji ixsfoo

Utiv ejjei iwhixuKm' t«5i> iliiïwp. tt «t vrai tpte parmi jcî (.«scitiplcs, Sextus

tiidiquo un >i;pn' iiiarHrr-stciiii'nt <:uiiitiit>iii<iialif e! ji/.i lyei Hic. Mai< cela

|iroi(Vi; «HN|it>'iiii>at i jiti! la (|ni'<<liim «<? »• [uisait pas (mue k>s <.l(ii<-i«n«™miin' pcmrSintliis, «|ii" la «lislini.lion «ntn> Im ilmin «>rti"s «tesignu «l'était pas -rnrorc fuite Le

j;iaii<l jiuinl pcitir les ^uiok'fii, «t <|uVnlnt le si|;nc <•( h ehuse sij[iii(i«i' it v ait

im (ion niWMiin* tîxwo'/jii, m^tmii j. Kir ce swit*. Itur iWiniliull pent s'an-

pliqu-r à 'rt.cins >i;;u« ('rinun<'ii>i>rafil's m.iis minw aloiï ils IViiIl'IkIcuI tout aii-

ln>«»«il <pn- !•< ".Hptii|in's. l.'c»iiipl« tt joi/.» iyja iïSi »'(<! pas un sijjm» puni' i-m

.m «mis mi !•<»w|ilii|uis

l'ciiliiiKliMil ( c 'i:il-à-.liri! fiimiiiu fouili- sur uni! assuciatiim

i!ii!i;Si-iu|>ii iipii' | iTiTii ïsl pas mi si|;iic vatalih' pour tas -n'|i(ir|u">, an sens oit

I i'iiti>iiilrnl lis stonii'ii» ( i;'p<t-;i-ilir.' couiiiii' oxpriiiiaiit un lien uvcaMiire entre

<le_n\ iln>Sl. Il n'y a pour (m slnirii'iis, rnmniR le prniiïi» rlain>in(!nt i« telle SI.,

Ml t 'i "> if ii'iiii simiI sijjnc ilij;ne «!•• o> nuin r'i-sl l« »i»n« inilicilif celui i|ui

jiniiiM! îk Tiiii'&f $i<tevi un KtaMKiiiutl1.. tt. ni! t. On voit di1* lorsqu'il n'yva iii-oti.- raison puni- suppiM'i-, i-lii;ue le fiiil \atorp mi jicn liâtivi'iiii'iit, <pn'

h-

[ot^a;^ H. lut f'ht iutoriKilt^

Page 353: Les Sceptiques Grecs Brochard

I.K St:KPTI<:iS%fK. PAKÏIB DESTHUCTfVK. 345

ün u·W eHi.itaW · Iw n~a. n.a.s~a.· _e~A.

tte sachions la chose

si|jirtfh?e

est connue

parette-mônie, non

par le signe.

Le mène

argument peut

être

présenté

sous uneForme

plus

saisissante, it est

impossible (pte

le

signe

soit connu avant la

chose

signifié»,car en dehors «le son

rapport

aveceJl«,

il n'est

pas

un

signe.

H ne

peut pas

non

plus

are connu en mène

temps

qu'elle •. car

étant connue, la chose

signifié"»n'a

plus

besoin <fe

signe.Et it serait

trop

absurde d« dire

ijn'tl

est connu

après.

Le

signe est-il, connu parles sens,,

par laraison? Les épi-

curiens tiennent

pour

la

première opinion

les stoïciens

pour

ta

seconde. Mais

comment justifier l'une

ou t'attire? H faudrait une

démonstration mais la

démonstration suppose qu'on

connaît

des

signes

ou des

preuves,

et c'est ce

(lui

est

en question.

IWra-l-on néanmoins

<|ue

le

signe

est chose sensible (lom-

ment

com|)rendrealors le tlésnrroni des

philosophes?

Il

n'y

a

pas

de dësaeeord sur les routeurs, sur tes saveurs. Au contraire

philosophes

et médecins

interprètent

tes mêmes

signes

tie cetil

laçonsdifférentes. De

plus, pour

connaître les choses sensibles.

il n'est

pas

besoin d'éducation au contraire, si l'on veut

gou-

verner unnavire,

it faut

apprendre quels signes

atmom-cHi la

(cinpiUo

nu le beau

temps;

et il e« est «le même dans la méde-

cine. Hitfin. si le

signe

est chosesensible,

it doit être connu

par

trn sensdistinct, comme

la couleur

'\wl

est ce sens? 1

Suivant tes

stoïciens,

c'est la raison

([u'ijappartient dceon-

italtc<! les sij»uest

Ils CRibarrsissciit ce

sujet

d'une foule de dis-

tinctions subiiles. et

disent que

le

si^rle _esjLjinejmi|iositioii

simple, capable

de servir d'itntéf&lwtt à un

<nn>n(*pi^i>wl'! rc«j«-

lier, cld'en découvrir te

eonsécf tient..Mais y

a-t-il des

proposi-

tions

simples •'? C'est

une

question

et eotittnenl la résoudre,

sans recourir à une démonstration, c'est-à-dire à un

signe?YY

t.eavnifjficiv.il'

tl(>s »liiicii>it4 i>sl h i-i'iininn il<v ilcm|iro|)">iliinis,

ilont ta

|ir<

niiw. «m«iilcii;'(fcii(r, «si

ta ("iiililiuu ta swobiW. un

cunswjiiitnlc. Ust'Hijila

sisi

!<•

<in|i«

<!meut l'ùtiK* l'vistc.

11 "s a;;tlici du t.sxxov ritms/H,

<\urUs ^louiiMis ili- I.iiviiI

iiioiyipjxl,

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iliml h"«

••|tirtti ii.-lisirw'lil

Crsisli'ilii'. H, Mi'l.

Page 354: Les Sceptiques Grecs Brochard

3ft« LIVREt¥.– €«.U>ITKBH.«*v u* mi tr. utl.'tt i t tllï tl.

a-l-it tt8*<yt»i»!fip(é'«réguliers? Onn'en sait rien. EtsVan'omptu,

ceux*|tti »e savent pas ce

qu'est une proposition simple, et n'ont

pus apprislu

dialectique, ne devraient pas savoir ce qu'eut un

signe. Ne voit-onpas pourtant des pilotes sans culture, et des

laboureurs, interpréter très exactement les signes célestes? lit

l«j chien necomprend-il pas des signes quand il suit une piste?r

S'il estétabli qu'il n'y a point de signe» indicatifs, il est éta-

bli par là mômequ'il n'y at pas de démonstration car lu dé-

monstration est formée de signes o« de preuves. Cependant, il

tant faire voirque la démonstration

proprement dite, telle quela tféf missent tes dogmatistes et surtout les stoïciens, est chose

absolument inintelligible.

La démonstration en général (ysvtm'} est chose obscure,'

car m» en dispute, l'our mettre fin ait débat il faudrait une

preuve, e'esl-à-dire une démonstration. Mais comment recourir

à une démonstration particulière, lorsqu'on ne saitpus si la

démonstration en général estpossible On a le choix entre le

cercle vicieux et la régression à l'infini. Prcndra-t-onpour point

oie départ une démonstration particulière qu'on déclarera vraie,

par exemple celle qui établit l'existence des atomes et du vide,

et inl'érera-l-on de tit(lue

la démonstration en général est pos-sible? ( l'est faire «ne

hypothèsemais

l'hypothèse contraire sera

tout aussi légitime.

D'ailleurs, quand nous exprimons la première prémisse, ta

seconde et la conclusion n'existentpas encore quand nous

exprimons la seconde, la première n'existeplus. Or,. un tout ne

petit exister si les parties n'existent pas ensemble. Donc, iln'y

apas de démonstration

Les dolytnatistes répondent 11ne faut pas demander (lue tout

soit démontré. On doit poser d'abord (t?£ ùisdHmus >.ap6n»eii>)certains principes évidents, si on veut que le raisonnement1

puisse avancer. Mais. répond lesceptique, il n'est pas nécessaire

que le raisonnement avance. Et comment avancera-t-il? Si tes

(' II. 1V1.

Page 355: Les Sceptiques Grecs Brochard

.1 I.K SKKPTICISMK. – P.illTlB MSTHL'UTIVK. 347

prémisses sont (tonitées- comme <fcsimples apparences, tout ce

qu'on en tirera ne seraqu'apparence et on n'aura

pas atteint le

véritable but de la démonstration. Vouloir atteindrepar ce moyen

la réalité ou {'être, c'est le fait de gens qui renoncent à se servir

du saut raisonnement, ets'emparent violemment de ce qui n'est

pas nécessaire, mais seulement possible.A vrai dire, c'est d'hypothèses de cette sorte que les dognia-

listes font dériver toutes leurs démonstrations et toute leur phi–

lesophie. Maïs, autretju'à

«nehypothèse on peut toujours op-

poser unehypothèse contraire,

ce qu'on pose par hypothèse est

vrai ou faux. Si c'est vrai, à quut bon recourir à l'hypothèse f c'esttaire tort à la vérité. Si c'est faux «c'est faire tort à ta nature et

te reste sera fans aussi. Dîcu-t-onqu'il

suffit de tirer rigaureuse-raeut d'une

hypothèsece

qu'elle confient? Mais à ce compte, si

oit commencepar supposer que trois est égal à quatre, on pourradémontrer que six est égal à huit. Puis, à

quoi bon ce détour?

tard faire que de recourir à deshypothèses, mieux vau-

draitsupposer tout de suite que ce qu'on veut

prouver est cer-

tain. Oh dirapeut-être que l'hypothèse

estjustiliéc par ce fait

que tescmiséquenccs correctement tirées sont conformes à la

réalité? Mais comment prouver ta vérité de cesconséquences,

puisqu'elles ne sont eHes-indmes justifiées que par les pré-misses ? Et combien de fois n'arrive-t-il pas que de

prémissesfausses on tire des conclusions

quise trouvent être vraies ?

Des difficultés particulières peuvent être soulevées au sujet du

syllogisme dont tes dojjmatïstes sont si fiers. Quand on ditque

tout homme est animai, on ne te sait que parce que Sacrale.Platon. Dion, étaient à la fois des hommes et des animaux. Si

donc on ajoute Sociale est homme, donc it est un animal, on

commet une pétition de principe car la majeure ne serait pasvraie si la conclusion n'était <l«'jà tenue pour telle"

II n'y apas non plus d'induction. On veut trouver l'universel

à l'aid«>dus casparticuliers { itio » xntà.

pépot aiaiovofixi n

K.Il, ,<

Page 356: Les Sceptiques Grecs Brochard

S'të UYM IV. CHAPITRE If.

Il ..ti

«J • **»¥ Ht# If. till:li I I II IV If.

xa&jAw)1: mais si on ne considère que ([nclijUfS cas, l'induction

n'est (mis solide; si ou prétend les considérer tous, on tente l'im-

possible, car les casparticuliers

sunt en nombre1 infini.

It faut <<n«lire mitant des définitions, auxquelles les dognrn-tistes attachent tant d'importance. On ne

peut liélinir ce ({«'on«e connait

jiaset si on le connaît, u tjuoi bon le tlûtinîrf Et ù

vouloir tout définir oit tombe dm»frle progrès à Knfini8'.

H n'yil dont' tir signe, ni détnoust ration. Mais, arrivé au

tenu» de futte longue argumentation, le spepltrjuc n'est-il pas

pris en flagrant délit de contradiction, et tes dognuttistes ne

vont-ilspas retourner contrit lut ses propres armes ? Ou vos pa-

roles, diront-ifs, ne signifient rien et alors à quoi bon tant de

discours?- Ou elles ont une valeur: elles sont «les signes et «les

preuves, et alors f|tie devient votre thèse 1/e mène, ott it n'v »

pas tle démonstration, et alors vous n'avezpas prouvé qu'il n'y

en apas: on vous l'avez prouvé, et alors il n'est pas vrai qu'il

n'y ait pas de démonstration.

.\fitjs le sceptiquea

réponse à tout. Je n'ai pas nié, dit-il,

l'existence des signes eominémoratifs, tuais seulement celle des

signes indicatifs. C'est clans lepremier sens qu'il faut

prendrenos paroles elles

n'apprennent rien ou ne signifient rien, mais

servent seulement àrappeler

à la mémoire les arguments invo-

qués centre les signes.

Quant à la démonstration, jVcorde que je n'ai rien prouvé,il est seulement

probable qu'il n'y a pas de démonstration voiliti

cequi

meparait en «'<*moment: ]« n'affirme

[tas qu'il en sera

toujours (te même l'inconstance de fhonuiM est si grande!

OhjeeCi'rail-on que lesceptique n'est pas persuadé

de la valeur

de ses arguments, qu'il n'est pas de bonne loi? Qu'en sait-on?

La persuasion ne se rouimaiide pas on ne peut pas plus prou-ver u un homme qu'il n'est pas persuadé qu'on ne peut prouverà lin Imuune triste

qu'ilm;

l'est pas.

M'oublionspas

d'ailleursque le sceptique n'affirme rien. (le

ll.i.

II.

Page 357: Les Sceptiques Grecs Brochard

u-: scKrnms.UË. – i'ahtie hkstihjctive. m1,1. ~H'.I~H' – r~Ktm tm¡'lIuHd1VI~. :E!>~

qu'il opposeaux (ïaginaiistes, ce sont des paroles vides

(f^è»&6m Ùyap). lît fût-il vrai

que son argumentation est triom-

pliante il ne s'ensuivrait pas qu'elle se détruise «He-mème, et

s'exclue en s'établissait*. Il y a bien des choses qu'on dit en

sous-enfendant une exception par exemple, si on ditque

Jupiter est le père des Dieux et des hommes, on sous-entend

qw'il n'estpas

sonpropre père. De môme en disant «fii'il e.4

impossible de rien démontrer» onpeut sous-entendre sauf

cette proposition moine. Accordons pourtant que cette argumen-tation s'exclut elle-même elle ressemble au feu qui su consume

lui-même en nwîme temps que la matière rpii l'alimente, oit ai

cespurgatifs «pri sont chassés- en mi'me temps ipw (es humeurs

qtr'ils entraînent. Etpeut-eire enfin le

sceptique resseinlite-t-it

iVl'hommetpii, arrivé ait faite, repusse du

pied IVchelle (lui

IV a conduit. (,'ontcnt «l'avoir démontré qu'il n'y apas de dé-

monstration, il n'a plus besoin de cette démonstration, et il

l'abaudonni!.

«' Contre les pltt/siciem, C'est surtout dans lesquestions de

physique ijuese manifeste la

présomption des (lojjmalislesmais lit encore il est aisé de démontrer l'inanité de leurs pré-tentions. 11 suffit pour cela d'examiner les

principes et les idées

les plus essentielles, telles fpie celles de Dieu, de la cause.

active ou passive, du tout et de la partie, ducorps, du lieu, du

mouvmuent, du temps,du nombre, de la naissance et de la

mort.

Dans la question de l'existence des Dieux, plus encore (lue

partout ailleurs, Sextus s'attache à tenir la balance égale entre

l'allirmalion et la négation, ilexpose longuement et

impartiale-ment les arguments des doginatistes, et réfute même en passant

quelques-unes des objections qu'on t dirigées contre eux a tire

cette partie de son œuvre, on leprendrait pour un

croyant. Il

semblequ'il ait à cœur de ne

pas mériter le reproche d'impiétéen insistant avec

trop de complaisance sur lesarguments néga-

tifs. i'l on voit dans toute cette discussion percer le souci de ni;

Page 358: Les Sceptiques Grecs Brochard

35M MVKK IV.-CIUlMTRfi il.

passe mettre en

upjiasîtionavec tes «'avances commîmes. Ltt

sceptiquene veut pas se laisser confondre avec les athées, et il

s'enferme strictement dans- son rôle d'avocat, qui plaidealterna»

tivement le pour et le contre, sans conclure. Au reste. la thèse-

négative n'y perd rien, et elle est exposée à son tour avec les

mômes égards.

Les trois preuvesstoïciennes de Tesistenee de Dieu, tirées.

Tune du consentement universel, l'autre de l'ordre du monde,

la troisième des inconséquences où tombent les athées, sont pré-

sentées et discutées tour à tour. Dans cette critique,Sextus se u

borne à reproduireles arguments de Carnéade, que nous avons I

résumés ci-dessus il est inutile d'y revenir ici. <

Nous n'indiquerons pas tous les arguments invoqués par les

Nce|)ti(|uescontre l'wlfo de cause, la etef de voûte de toute expli- 1

«ation physiquede l'univers. Vraisemblablement, chacun des

sceptiques qui se sont succédé a tenu à honneur d'inventer une

ttitliciiité nouvelle, et de tancer sa flèche contre l'idole.

Trois cas peuvent être examinés ou l'on parle de l'agent

(cause active), ou de i'ngcnt uni .-tu patient (principe passif Ott

matière),ou du

patientseulement. :i

Pour la cause active lK sansparler des arguments d'/Ënési- a

dème, exposés plushaut. il est clair

qu'elle appartient, comme

le signe et la démonstration, à la catégorie des choses relatives

une cause ne peut èlre appeléede ce nom (lue si on a û;;ard à

son ell'el. et de même l'effet est inintelligible sans la cause; il

est donc impossible de comprendrece qu'est une cause en elle-

même. Et pourla même raison, on lie peut dire ni que

la caust;

précède Feiïet, puisqueavant l'effet, elle n'est

pas encore cause;

ni qu'elle l'accompagne, puisque l'un et l'autre étant donnés

onstmible on ne peut distinguer lequelest la cause, lequel

est

l'ettet; ni rpi'elle le suit, car ce serait trop absurde.

En outre, s'il y a des causes, cequi est en repos n'est pas la

cause de ce (lui est en repos, ni ce (luiest en mouvement de ce i

''• M.AX, a»-. (;f. P., Ml, a i Rappelons (|ti« r elle ni-gumeiitalion "'stattri-

l»uée, à tort cruvniis-nnm à .Enésiilsmi1, par Sais»* Vov«* ci^tvssi», p. -t.

I

Page 359: Les Sceptiques Grecs Brochard

M-: mmmmmi j'aktik hesthim;tivb. 35» 1

qui i>st en mauifemeiit; car «tans te deus cas. faprétendue

«

cause «t leprétendu effet sont indiscernables. Voici une roue en

mouvement; celuiqui la tourne est aussi en mouvement et de

«fuel droit direque te mouvement de lit roue est l'effet plutôt

que la cause du mouvement de celui(lui

ta tourne? Mais d'autre

part, ce qui est en repos ne peut pns plus être lu cause du

mouvement, que le (Voici ne peut réchauffer, ou le chaud re- v

froidtr; et de mène cequi est en mouvement, n'ayant pas en ï

soi leprincipe du

repos, nepeut produire le

repos, Comme il

n'y apas de

cinquième hypothèse, il faut direqu'il n'y

apas

de l

cause.

Dira-t-011que la cause active

n'agit pas seule, mais de cou-ceri avec le

principe passif ou la matière? On verra bien d'autres l

absurdités. D'abord oh aura deux noms, ceux d'agent et de pa-fient, pour une mène chose le

patient sera aussi actifque

?

l'agent, et l'agent aussi passif que lepatient. Le feu ne sera

pasplus la cause de la combustion

que le bois qu'il consume.

Deplus, pour agir et

pàtir, il faut toucher et être touche*.

Mais l'agent tout entier nepeut toucher le patient tout entier:

car ce ne seraitplus un contact, mais une union. Une partie de

t'un louchera-l-eile une partie de l'autre? No», car si elle tou-

chait cettepartie tout entière, elle se confondrait avec elle; et

si elle n'en touchaitqu'une partie, la mc?me difficulté se

repro-duirait, el ainsi a l'infini. Il est de même

impossible (lue le toutsoit en contact avec ta partie, ou la

partie avec le tout; iar letout devenu coexlensible à la partie lui serait égal, ou inverse-

ment. 11 11e restepas

d'autrehypothèse.

Quant ir la cause passive, si elle est. en tant qu'elle a une

nalure propre, elle ne peut êtrepassive: car elle est déterminée

en elle-même autrement que par le fait d'êtrepassive. Elle le

peut encore moins si elle n'a pas de naturepropre. Par

exemple,Socratc ne meurt pas tandis qu'il vit et il lie meurt

pas non

plus quand il n'est plus. Une chosequi s'amollit n'est pas pas-

sive tantqu'elle reste dure: et

quand elle il cessé de l'e*tre. elle

n'a plus rien à subir.

Page 360: Les Sceptiques Grecs Brochard

352 LIVREH. Clf U'tTKKII.

Ilepms,

«ne chose m1petit

otrepassive- que par

sanni-aitimi 1

addition ou altération. Mais la soustraction est chose inintelli-

gible u'. Les mathématiciens st> moquenttin momie car ils par-

ient «le couper on doux une %ne droite. La ligne» suivant eux,

estcomposée

depinte

comments'y prendre {tour couper

une

ligue composéed'un nombre impair

de |ioiuts. de neuf par

exemple?0» ne put diviser le cinquième point puisque

le point

est sans étendue: et si »m ne le divise[ias,

les d<i«vparties,

au

lieu d'être égales, auront l'une quatre»l'autre

cinq points. Pour

la même raison on ne peutdiviser un cercle en deux, et uni*

t

ligue droite ne peut eu cotiper une autre. Ainsi encore on ne peut

1

retraticber un nombre d'un autre,par exemple cinq

de six. Car

pour retrancher une chose «Tune autre, il faut qu'elle y ««il t

contenue. Mais sicinq

est contenu en six, quatresera contenu i>

en eimj.trots en

quatre,deux en trois, un en deux ajoutez

tout cela, et vous trouvez que six contient quinze,et tjue cinq

contient dix. On pourrait montrer ainsi. observe judicieusement

Sextws. quele nombre six renferme une inlimté. de nombres. Et

voilà pourquoila soustraction est impossible.

Oit nous dispenserad'insister sur les raisons analogues qui 1

prouvent que l'addition et l'altération sont impossibles.

Le tout et la partiesont aussi inintelligibles Si le tout existe. i

ou bien il est distinct «lesparties,

il a une existence propreet

indépendante,ou il n'est que l'ensemble des parties. Mais il

n'est pasdistinct des parties;

car si on supprime les parties,il

n'est plus il stillil même pour le faire disparaîtred'enlever une

.seule partie. Le tout lie peut d'ailleurs être défini que dans sa

relation avec les parties.Et si ce sont les parties qui

forment le

tout, diia-t-on quece sont toutes les parties,

ou seulement

quelques-unes?Dans ce dernier cas il aurait des parties (lui

ne seraient pasdes parties du lotit, ce qui est absurde. De plu»,

il faudrait renoncer à définir le tout comme on te fait d'ordi- J

naire, une chose à laquelle ne manqueaucune de ses parties.

Si

• M.. IV, 4«:t..M..IX.S3S.

c

Page 361: Les Sceptiques Grecs Brochard

LE SCEPTICISME. PAKTfK DESTRUCTIVE. 353

»;>

ce sont toutes les parties qui forment le tout, le tout par lui-

m&ne n'est plus rien, etpar suite il

n'y a plus même de partiestout et parties sont choses corrélatives commele haut et le bas,

la droite et la gauche.

Mêmes dilficulk'sà propos du corps11'. On définit le corps une

chose(lui a trois dimensions longueur, largeur, profondeur.

Mais lalongueur n'est rien car la

longueur, c'est la ligne, et

la ligne, disent les mathématiciens, c'est un point qui s'écoule.

Mais le point n'existe pasil n'est ni

corporel, car il n'a pas dédimensions, ni

incorporel, car comment pourrait-il engendrer(tes

corps?Ce

qui engendre ii'agil que par contact, et ce quin'a pas de parties nu

peutêtre on contact avec rien. Le point ne

peut mêmepas former la ligne en s'&oulant; car, s'il demeure

au môme endroit, il reste unpoint, et ne devient

pas une ligne;s'il

passe d'un endroit dans un autre, abandonne-t'il entière-

ment le licuqu'il quitte?

Dans le lieu nouveau qu'il occupe, il

est un point, et non une ligne. Ne l'atiandonne-t-il pas, et oc-

cupe-t-il à la fois le lieu ancien et le lieu nouveau ? Si ce lieu

est indivisible, le point n'est toujours qu'un point; s'il ne l'est

pas, le point sera divisible comme lui, et ne sera plus mène un

point.

La ligne n'est pas davantage une série de points, car si les

pointsne se touchent pas, on ne

put direqu'ils

forment une

seule ligne et comment se loucheraient-ils, n'ayant pas depar-

ties, et nepouvant se toucher sans se confondre;?

On démontre de inàne (lue ht surface et le solide sont choses

inintelligibles.

Il nous semble inutile. après avoir résumé les arguments

sceptiques sur les points lesplus importants, <lo

poursuivrecette exposition dans le détail des autres

questions. C'est tou-

jours la mt?me méthode ce sont toujours les mômes procédés.on

pourrait dire les mêmes artificesdialectiques.

Ce que nous

avons dit sullit amplement à en donner l'idée. Nous nous hor-

' M., ix. :«*.

Page 362: Les Sceptiques Grecs Brochard

m LIVRE IV. -CHAPITRE H.

nut'ons doue « indiquer les autres questions sur lesquelles porte

le débat.

On no saurait se faire une idée «lu lieu car il n'estpas

un

corps.et ne

peutêtre vide. De plus, puisque. par définition, it

contient tes corps, et doit par conséquent être hors d'eux, il

faut qu'il soit ou la matière ou la forme des corps, ou l'inter-

valle qui sépareles {imites (les corps, ou, connue disait Aiislofc.

ces limites m&nes toutes hypothèses inadmissibles.

Le mouvement estimpossible car or ne

peut comprendre ni

qu'un mobile soit mis en mouvement parun autre corps»

ni

qu'ilse mette en marche de lui-môme, Les sceptiques s'appro-

prient en outre l'argument de Zenon d'Ëlée un corps ne peutse mouvoir, ni dans te lieu où il est, ni dans le lieu où il n'est l"|

pas. Restent enfin tes dtllieultésque soulève ta question de sa- <

voir si te mobile, le temps, le lieu, sont ou non divisibles à l'in-

fini nil'opinion des stoïciens, qui admettent la divisibilité à

l'infini, ni relie desépicuriens, qui reconnaissent des indivi-

sibles, ni celle de Straton te physicien, qui admet l'indivisibilité

dans letemps, mais refuse de la reconnaître dans tes mobiles et v

dans le lieu. rie résistent à On retrouve dans cettecurieuse discussion la

plupart des arguments qui sont encore

invoqués de nos jours par tes partisans et tes adversaires de

l'infini actuellement réalisé.

Comme le mouvement et le lien, !<temps ne peut

ni être

conçu, ni exister-, car it ne saurait «Hit; ni uni, ni infini, ni divi-

sible, ni indivisible: it ne peut ni commencer, ni finir; il est

l'omit' du passé, qui n'estplus,

et de l'avenir, qui n'est pas en-

core; enfin it n'est nicorporel, tit incorporel.

Le nombre est impossible car il n'est ni une essence distincte

des choses nombrées, ni uni»propriété

des choses nombrées. Kn

outre, quoi qu'aient dit tes pythagoriciens, on ne peut connaître

l'unité; et, comme t'avait montré Platon, on ne peut pas non

plusconcevoir qu'une unité, s'ajoutant

à une autre unité, cesse

d'fHre l'unité et devienne le nombre deux.

linlin on ne peut comprendrela naissance et la mort, lie qui

i

Page 363: Les Sceptiques Grecs Brochard

Uv SKKPTItiSMR. – PUtTIK l>ESÏtll.-«:Tf V-JE. 355

-j.'i.

ttmfo, c'est ihi

«•> qui i>\îsk\ oit «•«;qui

n'existepas mais

ce «nri

existe n'apas

à naître, et à cetftti

n'existepas,

on »«peut attri-

buer aucunequalité, |)u nrênm «ne chose ne

peut naître ni «le

ce(lui existe, ni «le ce qui n'existe pas. Les mènes raisons mon-

trettt l'impossibilité de in mort.

'A° Contre les moralistes. Laquestion capitale en morale

est celle-ci Qu'est-ce quele bien ? Le sceptique répond qu'il

n'y apas «le bien*

Tout le monde- aecordeque le feu produit de la chaleur, et

la neige du froid. Si le Jiïen existait naturellement, il feraitaussi sur tout te inonde la même impression. Mais d'une

part,

pour les hommes incultes oh ignorants, le bien, c'est tantôt la

santé, et tantôt les plaisirs do l'amour; c'est de s'emplit- de vin

ou de nourriture, ou encore de jouer aux dés, ou d'avoirplus

d'argent (lue les autres. D'autre part, parmi les philosophes; les

titis, comme les péripatéticiens. distinguent trois sortes de

biens, ceux de l'Ame, ceux ducorps,

et les biens extérieurs; les

autres, comme les stoïciens, en admettent trois sortes aussi,

mais ils l'entendent autrement, et distinguent les biens inté-

rieurs, comme lus vertus, les biens extérieurs, comme les amis.

et les biens qui ne sont ni intérieurs, ni extérieurs, comme

l'honnête homme. Kpîcure est d'un mis tout différent, cl on a

entendu unphilosophe dire J'aimerais mieux être fou

quede

me. livrer auplaisir.» Entre toutes ces théories il n'y a aucun

moyen de choisir. il n'y a pas de critérium.

Km outre, le bien est-il le désir(lue nous avons d'une chose,

ou cette iltosi; elle-même/ O n'estpas

le désir, car nous ne

ferions aucun effort pour obtenir enque nous désirons, puisque

la réussite ferait cesser le désir. tët ce n'estpas la chose; car,

ou elle serait hors de nous et alors, si elle produisait sur nous

une impression agréable, ce nVsl pas par elle-même qu'elle se-

rai! tin bien; et si elle non produisait pas. elle ne seraitpas un

P.. IU. 17.

Page 364: Les Sceptiques Grecs Brochard

356 UVRE IV. UKAl'ITHK II.

bien, et ne provoquerait de notre partaucun effort. Ott elle

sentit en nous mats elle ne peut être dans le corps, qui est

étrangerà ta raison: et

(juantil l'Ame, outre

que peut-êtreelle

n'existe pas» si elle est composée d'aloines, comme le veut fêpi-

eure, comment eompreudre tjue dans un groupe d'atomes, le

plaisirou le jugement puissent apparaître ?

tët iln'y

apas

moins

de clillkultés si on définit l'âme à la manière des stoïciens.

Eulin d'iiHiombi'ables exemples prouvent que les hommes,

sefnn los temps et les lieux, ont les itlét's lesplus différentes sur

le bien et sur le mal sur le juste et t'injuste. Sextus reprendici ï

tous tes faits «{ti'ilil défit énuinérés à propos du dixième trope

»

d'-Enésidènte, et il en ajoute beaucoup d'autres. En présencel!r'

tfe tant (le contradictions» it ne resteplus qu'a suspendre

son

jugement.

Allons plus loin. Fut-il vrai que lo bien et Je mal oxistent, il

serait impossible de vivre heureux. Le malheur a toujours pour

cause un trouble, et te trouble vient toujours de ce qu'on pour-

suit, ou qu'on fuit une chose avec ardeur. Or, on ne poursuit

et oh ne fuit «ne chose que para1 qu'on ta croit bonne ou mau-

vaise. Maistjuiconipte

a «ne opinion sur te bien et sur le tnat t

est malhetiretjv. soil que jouissant deci'

qu'il croit être un bim», t

il craigne d'en êlre privé, soit que, à l'abri de ce qu'il croit ïslre ti

un mal, ii redouttt de nepas

t'être toujours. D'ailleurs, k- mal

t>st, de l'aveu <&dogniatistes,

si voisin «tu bien,qu'on

nepeut

avoir l'un sans l'autre ainsi, celui 'lui aime l'argent devient

avare; celuiqui

aime la gloire est bientôt tilt ambitieux. Enfin

la possession du bien ne satisfait jamais celuiqui

l'a obtenu.

Riche, il désire accroître sa fortune, et il est jaloux de ceux(lui

possèdent plus qtit: lui.

Cependant, les dojjmatisles prétendent qu'il ya un art de

vivre heureux et ilsl'appellent

la sagesse. Mais lorsqu'il s'agita

de définir cet art, ils sont en désaccord. Les stoïciens, qui afii-

chent à cesujet les plus hautes prétentions,

avouent qu'il n'y at

pas de sage parfaitil n'y a donc point de

parfaitbonheur.

D'ailleurs on a vuplus

haut que la science en général est im-

1

i

Page 365: Les Sceptiques Grecs Brochard

LE SCEPTICISME. – PARTIE DESTRUCTIVE. 3SÎ

possible i il nesaurait donc y avoir «lu science de bien vivre. La

science et l'art se reconnaissent à leurs œuvres Fart du méile-

cin à lu guérison «jn'il produit, l'art dupeintre

à ses tableaux.

Mais il n'y apoint if œuvre

propre à la sagesse entre tes actions J

accomplies par te commun des hommes et celles du prétendu

sage, il n*y apoint de différence honorer ses parents, rendre

un dépôt, voilà des choses dont tout le monde est capable.

Enfin, lesage no peut être

appelé vertueux (juit s'il doit

lutter contre des appétits contraires à la raison l'eunuque n'est

pas continent, et ceux qui ont l'estomac malade ne sont passobres. Si on dit que la vertu consiste à vaincre ses

appâsls, le

sage n'est pas heureux, puisque sesappétits sont pour lui une ;=

cause de trouble- et sa sagesse ne lui sert à rien.

Y eut-il un art de vivre heureux, il serait impossible dp l'en-

seigner. Trois choses sont requises pour tout enseignement il J

faut qu'il y ait une chose à enseigner, puis quelqu'un qui en-

seigne, enfin quelqu'un qui reçoive l'enseignement. Mais il n'y ;

a rienqu'on puisse enseigner. Car on enseignerait ce cpii est, ou j

ce(lui nVsl pas. Enseigner ce

qui n'estpas serait absurde. Si

onenseigne

cequi

est, ont'enseigne

en tantqu'il

est. ou en

tantqu'il possède quelque qualité.

Dans lepremier cas, la chose

enseignée est un être, et par conséquent doit èire évidente. Le

second cas est également impossible; car l'être- n'a point d'acci-

dent ou depropriété qui ne soit un être.

Onpeut montrer de mène que ta chose enseignée ne saurait

être ni corporelle, ni incorporelle; ni vraie, ni fausse; ni arti-

ficielle, ni naturelle; ni claire, ni obscure.

Il n'y a non plus personne qui puisse instruire ou cire instruit.

Il serait absurde deprétendre que celui

qui sait instruit celui

qui sait, ou que celui qui ne saitpas instruit celui ijui ne sait

pas. Et celuiqui

sait nepeut instruire celui qui ni; sait

pas: car

ce dernier est comme l'aveugle qui nepeut voir, ou le sourd

quine peut entendre. Kt par quel moyen l'instruire? Ce n'est ni

par

l'évidence, car cequi est évident n'a pas besoin d'être enseigné;

nipar la parole, car la parole ne signifie rien par nature, puis-

Page 366: Les Sceptiques Grecs Brochard

3i8 LlVttË IV. – CHAPITRE II.

(jUt*les Grecs «e

«MRprettueiit pustus barbares, ut rtfcittfoijtte-

meftl i si lu parole a tut stsus. c'est en vertu «l'une convention

on m» peut «loue la comprendre qu'en surappelant

les choses

qu'on«'st convenu di*

désigner partes mois el cela

suppose

«ju'mi k's t'uuiuUt déjà.

fi n'y » (finie pas pius-c{<>vérité certaine en morale «{ii'il n'y

ïu a on p!tvsH|«K*et eu logitjue. Suspendreson

jujjw»cmtvoilà

la si'dti! chose raisonnable et «jni puisse donner te tioultcur. Si

t4l« Jte mi't pas l'homme à l'abri du tous lescoups

du sort, si

elle ne k jiivserve pastle ta faitu. de la soif, de la maladie, du

Mioins elle supprime twus ces tuai» imaginaires dont l'homme

se tourmente lui-même: et les maux inévitables, comme on Fa vu

mIpssus. elle Iw rend toujours plits supportables.fi

i

n

Page 367: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'EMPIRISME. PAUT1B COKSTKUttTim 359 l

CHAPITRE

I,E SCEPTICISMBBMPifttQUB. PARTIE CONSTRUGTIVK.

Lu suspension absolue du jugement devrait logiquement

conduire, dans la pratique,à l'inertie absolue. Etre incertain

dans ses jugements mène tout droit à é*tre irrésolu dans ses

actions; leparfait sceptique, s'il

étaitconséquent

avec fui-mémo,

so désintéresserait de la vie. Lu doule se traduit, dans la vie

pratique, par l'inditlercnre. MaisPyrrhon est le seul qui ait usé

avouer cetteconséquence

sesdisciples sont

plustitttides. Vivre

à l'aventure, demeurer inerte, s'isoler du monde, ne s'intéresser

à rien voilà une manière d'êtrequ'il était difficile de recom-

mander sérieusement et qui avait peu de chances de plaire. En

Grèce surfout, lesapôtres d'une telle doctrine n'auraient guère

échappé au ridicule; c'est à peine si lessceptiques y échappèrent

en adoucissant singulièrement tes conséquences de leur principe.

Il faut vivre voilà ceque répètent

ù l'envi les adversaires des

sceptiques; et les sceptiquesen conviennent. Dès tors, ils sont

forcés d'admettre un minimum de dogmatisme. Nous avons vu

comment lespremiers pyrrlioniens et les nouveaux académiciens

reconnurent cette nécessité, et s'y soumirent. Les sceptiquesde

ta dernière époque n'échappent pasà cette lai. Ils

reprennentles vues de leurs devancière, mais y ajoutent quelque chose;

l'empirisme leur fournit un nouveau moyen de répondre aux

exigences de la vie pratique et du sens commun. Par suite, cette

partde

dogmatisme inavoué qu'onretrouve au fond de toute

doctrinesceptique, prend t\wt eux une importance plus grande.

Ce n'estpas qu'ils

la niellent volontiers en lumière, et s'y arrêtent

avec complaisance ils 1» laissent plutôt au second plan sentant

bien que là est Ifpoint

faible du système. Mais, par la force

Page 368: Les Sceptiques Grecs Brochard

360 LIVRK IV. CtfAMTHH [Il.t 1: P

des choses, ils sont amenés de temjjs en temps à sV-xpli^tter sur

cette question délicate; onpeut démêler chez eux quelques as-

sertions postées. Il y a comme une construction de modeste

aspect et de cliélivos dimensions à côté des ruines qu'il»ont

amoncelées, Recueillons avec soin ces indications dispersées: le

scepticisme nous apparaîtrasons tilt aspect assez différent de

celui qu'ilnous a montre jusqu'ici et présentera avec plusieurs

doctrines modernes (les analogies assez inattendues.

l. Nous ne voulons pasaller à l'encontre du sens commun t

ni bouleverser la vie, disent les sceptiques'•'>, nous ne routons »

pas rester tira? tifs !-K» Tout en laissant de côté la science dogma-

tique, reconnue impossible, il y a une manière empiriquedo

vivre il v a une observation pratiqueet sans

philosophiet

qui peut suffire.

Cette conformité à la vie eunmitino comprend quatre choses55'

i" Suivre les suggestions de la nature le sceptiquea des sens,

il s'en sert; il a une intelligence, il se laisse guider par elle et

cherche ce qui Illi est utile; a* Se laisser aller à l'impulsion de

ses dispositions passives t» sceptique maiifje s'il tr faim, boit

s'il a soif; 3° Obéir aux lois et coutumes de sonpays

le scep-

tiquecroit que la piété «si un hien.au

pointde vue pratique

(0iùnmv>), l'impiété un mal; h" Ne pasrester inactif et exercer

certains arts.

Les trois premières de ces règles prescriventun simple retour

au sens commun il faut vivre à la manière dessimples, voila

Sextiis, ,M., VIII, t.j^ OiSî (i»^ôps5« «« xoiviU tiv iiépiavv epo-

\w\tatv, O'jèi ttvj-/i^tv roi' plot.(lî Seil., I, ->3 Mij A'SvepjuToi mviivmn tivii. u'i Ovk wsi'ïpjniof

èaatv eV fût mpvtpGinqÈtv tv/vitt.<J| H, u'ifi lvfi«l(îii* Kit iiuiinTvs xxti lie xi.iri( tnpiiacit te xii V(<i-

XvttK J5ioîi> mspi tmc sV SoyptunUt Tssçtspy'vit xii pi/.to"i& lîu iS« {Siamxûf

^pji'if i.eyottèf<i»i èvè/awi,

î« 11,-54:1, a.. V. Xt, »«.=>. t. aï; Iil,]3.r»..tooiTo?(winpi|5K.

fttùtttxrï r\\pftfjiç.» l».,»,»3.

Page 369: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'ËMPmiSMJÏ.PART1B G0NBTBUCT1VR 3G1~sm "II! 4V1

ce que répond te sceptique à laquestion obstinée de ses adver-

saires. Séduit un moment par (es promesses des dogmattstes (luifaisaient briller à ses

yeti* l'espoir d'une explication de toutes

choses, d'un» science qui, en satisfaisant son esprit, lui per-mettrait d'agir en

pleine connaissance de cause, il a pu les

écouter et les suivre. Réflexion fuite, ils'aperçoit que ces pro-

messes sonttrompeuses, ces

espérances fallucieuses; ify renonce

et revient à sonpoitit de

départ. Apres cotte aventuraspécula-

tive, itreprend, désillusionne"* sa

place dans la foule, il redevient

homme du commun comme devant; la seule différence entre lui

et l'homme du peuple, c'est que celui-ci ne se demande pas s'il

ya une explication des choses, tandis que le

sceptique croit

qu'il n'y en a pas ou qu'elle est inaccessible, an moinspour

le

moment. C'est un retour fortpeu naïf à la naïveté |irrmitive.

Etresceptique, dit-on souvent, c'est douter de tout. Cette for-

mule n'estpas tout a fait exacte. Le vrai sceptique ne doute pas

desphénomènes-, des sensations

qui s'imposent à lui avec néces-

site'; il distingue ses états subjectifs de la réalité située hors de

lui. Quand ilparle

dessuggestions (le la nature, de ses disposi-

tions passives, des lois et coutumes de son pays, ce sont (le

simples faits, sentis ouéprouvés par lui, qu'il a en vue; il ne

lesjuge pas. il n'ailirnte rien au delà des phénomènes.Il y a bien la une sorte de croyance ou de

persuasion

(«re7<r<s)îts. Mais cette persuasion involontaire etpassive (A»

âëovhfty mâOetxstftévit), il la distingue de l'adhésion réfléchie

et voulue que d'autres accordent aux préfendues vérités de

l'ordrescientifique. C'est Me rien croire

quede ne croire

qu'aux

phénomènes.

Lesceptique ne s'en tient pas là. Il recommande l'action,

l'exercice de certains arts, (l'est icique nous voyons apparaître

l'idée nouvelle dessceptiques

de la dernièrepériode.

Il y aquelque embarras dans les discours de Sextus a ce

sujet. Tantôt ce n'estpas seulement la science, mais l'art même

"'•/».,( l3.

Page 370: Les Sceptiques Grecs Brochard

3(52 LIVKK IV. CHAPITKK fil.

(ré^pn) «jtt'H proscrit-, et s'il recoimnamfc «l'apprendretes arts*,

il a démontré wltaiirs fort savamment qu'il est impossible d©

rienapprendre* Mats

il se tire d'allbire parnue distinction. L'art

qu'il admetest

puruiiient ciiipiriijiiu, <iilVainhi do toutprincipe

général c'est une routine. Platon, dans le Gorgiax, opposeà

peu près «lelit utàite manière ta mutine à la scicnce.

Lorsqu'il passe on revu») toutes les sciences connues de son

temps fNwr en montrer te néant, Sexfusa soin de nous prévenir

(jueses coups ne visent pas certaines priitii^ucs <|ui n'ont de ta

science que l'apparence, «H sont umcjtiementfondées sur t'expé-

cience et l'bbservatitfii. lutre chose est, par exempte,cette

partie

de ta grammaire qu'on apprend anï enfants, (lui leur l'ait con-

naître les éléments titi discours, les lettres et leurs combinaisons,

ff(lui

est i'art tie lice et d'écrire; mitre chose cotte sciencepré-

tentieusequi

veut cutmaître lu nature titèue des lettres et

leur origine. <|iii distingue tesvoyelles

et les consonnes et se

perd dans une l'oirte de distinctions sttUtdes- Contre la pre-

micro il n'a rien à dire: tout le monde convientqu'elle

est utile

à tous, au savant comme àiignorant.

De même quela médecine,

elle a un grand mérite elle donne un remède contre l'oubli, et

lesceptique

lui sait un jjré infini de lui permettre de sauver et

de transmettre à la postérité ses arguments contre t'autre gram-

maire.

De même, s'il n'aque

sévérité et ironie [tourla

rhétorique

prétentieuse des savants, il n'attaque pasla connaissance des

mots ni le boit ushjjc de la langue. Seulement il estime que

l'habitude et IMdtiriition libérale suffisent à les faire connaître'31,

et il préfère le laiifpfje sinijdeet familier des ignorants aux

beaux discours des rhéteurs. Ainsi encore il ni' blâme pas l'usage

des nombres nmis seulement la science arithmétique, et il ne

i-onfondpas

l'astronomie mathématique. i't surtout l'astrologie

f' t. :t T~/t'M' ~«XJt~M.

~f.. t. ~tf! .:a.

V.. 11,77-/ttt..r,

Page 371: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'EMiMllISMB. – PARTIE UOtfSTRUâiVK. 303

des (JltiiIJt't'ns uvtM' cetto «bservittion |H'.tti({ue <{t» p«nnet tle

ptWii-ela

pittte, kliwm temps et tes tremblements de terre Ui.

Mais c'est surtout en médecin»? que cette distinction a une

grande importance, La médecine savante» celle desdognmtti juhs,

qui su flatte d'atteindre tes causes et <t<;connaître tWence des

maladies, paraît à Scxlus vaine et stérile; l'autre, celle desempi-

riques,ou

plutôtencore celle des

Méthodiques, tjui, négligeant

IomIo considération transcendante, se bornent ù constater des

phénomènes, a en observer la liaison, à en prévoir le retour.

lui scinbto excellente11'. Il décrit fort bien ks procédés de cette

dernière w: «En médecine, si noussavons qu'une lésion du cœur

entraîne la mort, ce n'est pas a fit suite d'une seule observation,

mais après avoir constat élitmort (hï Dion, nous constatons cellede Théon de Sociale et de bien d'autres. j> La science empi-

tif jue' (lid'èrc de l'utitn* «s» ce *jvie ses règles gûnériites sont

toujours obtenues à la suite d'un grand uombre d'observations ;i

faites directement ou ronscrvcVs par l'histoire.

ili's passages nous montrentque

tes médecinssceptiques

avaient parle* leur attention sur les moyens d'atteindre la véritédans k's sciences tfobservnJion ils avaient unis sorte de

logique.IWrt différente ;V coii|jsùr de cell» ti'Aristot» et des stotViens,(»n

plutôt une méthodologie, dont tes rèjfles et lespréceptes for-

maient uncorps de doctrine. Mathoiirausement, dans les ouvrages

tle Sevtus «jue nous avons, cespréceptes

ne sontindiqués qu'en

passant etpar allusion son but étant principalement de com-

bat -Ire le do|;niatisine. il n'a pas h insister sur ce sujet. H est

|l! M., V. i, a.

t. •••')(>. Cl. II. a'iO: Èf-cir.aa te xtt ilaÇioîùn jrati jit xairii

tnpvieti Te kiï Gpcthiim ,Si«w. Cf. aâ.'l. tt. -ÙK t» ixio'm liyvn riip hl

iw vptypixm •uip^xntuifhmv. M., VIH, tiSH Svy%upMopa> eV mis

Çmaptivait iwatiUMtttP tir* éyttiv ixofmOiw xnO' wv fumuwiiw til'j (ics-t ihw

ziOïvpnvxi:<« rii'«

-srpi m"j!i>, x-ii ara usti tiV» ix ïi'u i£rvpotiaw izax'îéaiu'i

*i'*t»î«VTai vk Mme.

"'M., V, i«,'i.

.1/ Vtil. ><jt H cv tr;(s ^iivj!i:voii aîptijojiéiin U)(im.' Hiiil.

Sàyip t«c Eu/ixtc T£T»|ii)p£iwf iï iif'mpnitinrr cwïitii i« ivr

.?c!8'pnFl.jt~'J! ~M~t'TFtf.

Page 372: Les Sceptiques Grecs Brochard

304 UVRErV.– CHAPITREFil.

bienpotable <p* si ses ouvrages de médecine nous étaient

parvenus, nous aurions sur cesquestions de plus amples éclair-

cissements, etejue

nouspourrions mous faire une idée à tu lois

plu* exacte «tplus précise do ce que nous avons

appeléla

partie©instructive de Peinpiiisrae sceptique.

A défaut du témoignage direct de Sestns,n»us trouvons elte»

Gatien des textes précis qui montrent avee laplus gronde clarté

fjueles médecins empiriques avaient mûrement réfléchi sur kw

questionsde méthode, et <[u'iis

avaient une théorie savamment

élaborée. Voici les principaux points de cette théorie, tels quenous pouvons les reconstituer d'après te De sertis >'• de Galion.

et surtoutd'après le Ik

subji'gumltoue'* empirteo, du ni&ne

auteur.

Lesempiriques sautiennenl

([ttela science médicale est

fondée, non pas, comme te disent les (lo|;m;i(i<[ues, sur l'expé-rience unie à fa démonstration niais sur

l'expérience seule'ïf.

Il y a trois sortes d'expériences l'expérience directe ou pre-mière vue

(autours), appelée aussi par Théodasw observation

(rripncrtf); l'histoire*, et le passage du semblable au semblable

(n iou iftoku (iSTot'feWfs)31.

Voùserration ou autopsie peut être ou naturelle, c'est-à-dire

due à une simple rencontre (mepiitivais), par exemplesi un

nomme soutire de la tt'te fait une chute, s'ouvre la veine eu

front, saigne etéprouve

unsoulagement ou improvisée (atÏTO-

vxéftov), par exemple si, dans une maladie, on éprouve du

soulagement ou une ;ij;f;raviition pour avoir bu instinctivement

de l'eau ou du vin, en tin mot, toutes tes fois qu'on essaie un

moyen suggéréen songe ou tout autrement; ou enfin imitatwe

Kilit. kuliii, vol. f, p. (ili W spij.

Le U\lf jjrcc >|p cet (jiiïrnjjo a iH« |ichIh nous n "avims tjiip il-s (railuclions

laliiies qui liaient il» xiv' siivle. U |<rinfi[«li' tl<- o-s Iraducliuiis, «••> il<> Xicolaus

niip(;imi<. n cti! rt>|)i"i[iiile an.c <ju--i>jms cwrectiuiu par liuiim.1, fk C. dakui

slihjig. imptr. 1)01111,1X73.!t

Stthjijf.einp., p. SU.'"

U»,t.,v. :•'*' ItiiiL. p. 'Mi. (X lie «.(.(.. «il. I, (i. t)<i.

Page 373: Les Sceptiques Grecs Brochard

I.'BMHKISMK. – l'ABTIK C0SSTRI1CT1VK. 365 Si. mi iiimiii), inativi \,fti\n i n lit. I IV I». Ma

(fiijttinKtl), si onexpérimente à diverses

reprises, dons des

afflictionsidentiques, des moyens quelconques qui ont nui ou

soulagé, soit accidentellement, suit par hasard.

Cette dernière forme del'expérience, surtout lorsqu'elle n été

précédée, comme on le verraplus loin, du passage du semblable

au semblable et qu'elle est devenuel'expérience savante

(-rpi-

€rxtf)fl!, constitue l'art. Quand on a imité non seulement une oudeux fois, mais très souvent (on «e fixe pas Je nombre tle cas

pour échapper à l'argument dusortie ^j le traitement qui a

soulagé une première fois, et constaté la régularité des effets,

«m arrive ait théorème(s-eaip^a), qui est l'ensemble de tous les

cas semblantes. L'art est la réunion de ces théorèmes celui quiles réunit est médecin !S>.

Ménodoli»'1' paraît avoir ni complété la théorie des anciens

empiriques. Dans l'observation imitative, on ne (toitpas. selon

lui, se contenter d'enregistrer tes cas favorables; il faut encore

s'assurer si le même remède aproduit le même résultat Ott tou-

jours, ou teplus souvent, ou si te nombre des succès égale le

nombre des échecs, ou si l«; suceès est rare. Faute deprendre

cette précaution, on n'a qu'une expérience incomplète et désor-

donnée, xaià fiiptof èfiTtsifitap àaùvOstw thtctpxpi/crav.Il

importe aussi de distinguer avec soin les caractèrespropres

et les caractères communs des maladies et ries remèdes. Pourles maladies. il faut considérer d'abord les

symptômes. Un

symptômeest un cas contraire n ta nature !il. La maladie est un

concours[owSpopil) de plusieurs symptômes qui surviennent,

fle uxt., j>. Gti Tifi» -eeïpit' tivttji» r>)v hophn» ni -toi ôjLaiov psnSiau

Tp~tjt~t' Jt!t)c'~)t'.

'•«S«bf.i8.

m De sert., lut. cit..

Galion, il est vrai, u'ittltiljiic |ws oi|>ie^meiit celle corrodinn à Mriiwlulc;mais cest Mùnoilotti {Sub/ig., 38) ijui a ilomui sou nom i fcxiiûricute itinmi-

plèle, et. par suite, il wmbli' bien «pie c'est lui qui a fait l>» pn>mior lu distinction.

Mënodote tient mie lell<> place lions te Uembfiguraliom tmpirîta qu'on peut

rroire «ju'ila servi<l«niudùlcou de guide » Galieu(wiif l'expositionde laméthode

empirique.'>'

Subjig., 44.

Page 374: Les Sceptiques Grecs Brochard

M6 LtVttK IV. – UHU'ITIUUH.

persistent- drintiattent etdisparaissent

en mêmetemps;ii. hea

«us sont «Hjstants (awî<5p««»'T«), les autres accidentels {mift-

ëjsiWra).H

ya aussi des conditions internes ou externes

qui

doivent vutrêr en 'ligne decompte l'âge,

lu tempérament, le

climat. Je sol, la saison" Cette étude attentive de la maladie,

fondée sur la simple observation, et en écartant toute considéra-

tion descauses cachées, s'applle non fa

dëleemiitàtioi^1 (tenue

dogmatique), niais la dùtiuction de I» makdie. Klle conduit non

à latté/initimt (terme dogmatique), mais à la ilesmf'mn (ùvo-

7pa$tr ùitoii-rr'jXTts).

Cependant la vif est courte. It est impossible au médecino

d'étudier lui-mènie tous les cas iiitéressaufs, IIprofitera donc

des observations de ses devancier); c'est l'histoire (l<rioph). u

Tous tes um|)irit[ues ont fait h l'histoire s» [rart. Ménotlote a g,

doimé à leur doctrine, sur ce point, plus de précision et de

rigueur.Selon lui '•*• il faut soumettre les

lémoifjiiaijesà l'exa-

men, tenir compte de leur accord entre eux, d«* la situation et

de la valeur moral»! des témoins, enfin et surtout, de fa concor-

dance des faits attestés avec ceux <|u'on peut directement ob-tt

server.il

Enfin, il v a des maladies que nous n'avons jamais observées•

et que l'histoire ne nous l'ail pas connaUn». If y a des remèdes cdont on n'a

puvérifier directement IVtJicacité wt

qu'on ne peut 5(se procurer: là intervient le passade du semblable au semblable

(il toû ifiialw ptrd&»Tts\. l'.fpassage

.se fait de pltiskurs rna-

niètX'S;r>1cf après la rcssemblaïKc desparties du corps le remède

qui a réussi au bras pourra réussir à la jambe d'apèsia tvs-

scinblance des tnabidies dans les mêmesparties

du corps on

Is"k-'

'>-y

'«De art. ,r'i. 83.

IJ

Snkji! i>i. ï.'??l bitMi piolidbl^iiK'iit eiïcoto Mt-uotiot*? (|in u pr«?scritfit siih- C

slituliun fie IM'HK'S i'i;;niireu«;iiii-nl •tiipiri<|iii-j;tui .X|tivi,iuiis <lo[jiii,iti<|iii!s

aille-

fiottrf'iiient usi(<s. Ou <mi vern pln^ Iimh tin ïtttd-i1i*xwnf>l<*

a prop"^ (f^

( ppitn~~jxW r.

lGui.it. L

W.ll/ ;>'l. t.f. U-'WI. ÙH

S,

Page 375: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'KMHHÏSKK. PABTIK.c:oNSTB[!CTI¥& 3&7

tflKA(lïïr Ffi Éti.Aiï'tn• uivt. I.V. tht .t. I 1 é%traitera do la nrôii'ie manière fa diarrhée <•(fa dysenterie; enfin

d'après la ressemblance des remèdes. Il faut avoir soin seule-

ment, quand on veut substituer un remède à tut autre, de tenir

compte des différences eu mêmetemps que des ressemblances.

L'expérience monde en effet que les ressemblances do forma,de couleur, de dureté, de mollesse, assurent rarement la ressem-

blance des effets. U en est autrement des ressemblantes d'odeur

et de saveur, surtout si tes deux derniers caractères sont réunis.

Ici encore, Ménodotc a perfectionné litthéorie empirique.

Lepassage du semblable au semblable était aussi admis

par les

dogmatiques, mais dans \u\ tout autreesprit. Los dogmatiques

prétendaient tirer leurs conclusions de la nature intime dit fait

observe ils se flattaient d'atteindre l'essence des choses et d'ar-

river à fa vérité par la seule force dit raisonnement. Ils se fon-

daient, «nnine nous dirions aujourd'hui, sur desprincipes «

priori. Suivant tes empiritptes l'induction (car «-'est bien l'in-

duction que les anciensappellent passage du semblable au sem-

blable) nerepose sur aucun

principe logique. Elle nesuppose

(lue le .semblable doive produire le semblable, nique le

semblable réclame k* semblable, nicpte

les semblables se com-

portent sernblnblcmenl. Seule, l'expérience nous aappris que,

dans des cas semblables, (les remèdes semblables ont réussi.

Et, pour bienmarquer celte différence, que Ménodole n'a

pasinventée, mais sur

laquelle il insiste plus que personne, il veut

rjue lesempiriques se distinguent des

dogmatiques, même dansles mots le raisonttenienl qui permet de passer du semblable

ait semblable s'appellera lion pas. eomme le veulent les

'>Catien, Tlarap. melh. 7. Kitlm, ml. X.p. ia(I V.iphxciit (i» xix Tijs

acifxte 10 <U;a</J',F, i/j' ,,ix ii è.uÇwo\ftvov vï îlj o-jfiîr» • xii en iovio tûv

SfntipaiC-v otâe'n èfiÇiiveobsi Çn-jt tûié tiw iA » xaiioi yt ixoimtcï» Xifo-jftiroh TyJs xxi opoijyeîofe» m-h ir,Qie xii

mipvmp^sui lui: tvèt, mi ,vsi'naoai' tiir tv/yw xnpvaiv rs xii fii'tijiim $zmv ûvu ni ri me wi, xm ti wpôtivos mi ti («tî uvos aoXiixts èûpxtit. Tw mw e£ oiiîijf ii,t toi Upx') fi2logWomt ùfpipevov ifyvpûrxctv t» ixô/m'Jm' îvi-j t«< w£/pls 4viiihis xi! e«r.cmr

e'oîi oesonTd'te. Cl". Dci/tl. wtt.. 1 '1.K.. I, i/ii|.'•

Sut,fil;î,t,.

Page 376: Les Sceptiques Grecs Brochard

368 UVRE IV. -CHAPITRE lil.

lKjut»s,«iiafo|jts»«', niais é^ikj*îmiei}i. Par Ki rt sera bien entendu

qu'il nu s'agit pas d'une é'muHxtnttioit mais d'unesimple

consta-

tation de mccensious.

De plus, et c'est utt point capital, Ménodote® estime que le'

passage du semblable an semblable fait connaître non la réalité,

tuais lapossibilité. Tant

que l'expériencen'a

pas prononcé,on ne

dépasse pas la vraisemblance. L'induction n'est ps la découverte

(eSpsms}.En revanche, aussitôt que l'expérience a vérifié les

conclusions tirées de ta ressemblance, n'eùt-on fait qu'une seule

expérience, on possède une certitude complète53'. Par là. l'ex-

rienee savante {tp&mtf) diffère de l'expérience îtuilalive', qui

exige que la mène observation ait été fréquemment répétée.

En mèaie temps qu'il insiste sur l'origine empirique de toute

connaissance médicale, Ménodoie se distingue avec soin do ceux

qui se contentent d'une, simple routine et ne font aucun usage

du raisonnement1' Entre ledogmatisme, «pu,

ù l'aide des seuls

raisuttni'iinMits logiques, prétend arriver à la vérité, et l'érudition

sans eiiticpte, quise borne à amasser des faits, il y a un moyen

terme on peut faire une place à ta raison sans lui faire ttne

place exclusive Jî. Le véritableempirique constitue un art; il

instruit tes autres' Ménodote" appelle Irikicas et tribonieos tes

observateurs irréfléchis qui s'en tiennent aux seules données de

l'expérience. Pour parlerte langage moderne, c'est vraiment la

méthode expérimentale, et non le vulgaire empirisme, dont il

trace les règles.

Xiityr/f.titî TVocansppïtu;[ïsiiMiinhocfurliimi.i f X.'itf.Cf..Sprengelop.eii.t

p. (i-j i I." mut épilogume n'est |«is n'ii[voiiit;uii le Inirnf rln'i Aiislole et Kpicun;.

\[iii> tii M|;nitica(iuii |Kirtii:ulièi'e iju'il (Jteml chei tes ciu|iiii([ii('S p,nnil dater <t>;

,t6!IIIIftVU·.

=IHJ., .r>3, 55.

t"/tuf., ;>3, 55.

Iliitl. 'iy Uilît-rt(nnjiine ab va qui irraliniialcmcrtidilioiiemjier-Iractal.n a

111Ibid.. ijb -\lcnutii)liis, multoliens ([tiï<l>'in inlnuliiriiis aliml terlium pralor

Riemoriam, et mnsum, uiiiil aiiud jionens quant epilugisuuunt

Ihiil., ig -Constiitiit arl'-in. c! docel alioî.

Ibui, ,r>c>.H distingue I» tribaeat <( Iriioiiiro* des tnlionet, qui .«ont l''s vuls

vrais «avants.

Page 377: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'EMMiSBE. l'AHTIK (ÎONSTHUCTIVJB. 369

'i ~1

Telto est» dans ses If ails essentiels, t;i méthode des médecins

l'iwjiiiitjnes. If serait intéressant do savoir s'ils Pont découverte

ou empruntée, et àtjttelle époque ces idées se sont introduites t

dans laphilosophie grecque.

Sur ce point, nous nupouvons

nous flatter d'arriver à des conclusions- certaines if est possible,ï

du moins» tio réunirquelques probabilités. 1

La secteempirique fut fondée, suivant

Celsef",[jar Sérapiond'Alexandrie, «gui vécut au milieu du in" siècle avanf î.-(j., et,suivant Galie» ®t par Pititinus de Cos

(cuntempoiain de Pto-It'-mée Lajji ^!i3-a83). Eu tout i-as, vers 98t»-!i5o, l'école était

formée. 2

Le médecin Glaucias™, dans un livre intitulé le Trépied, ex- ïi

posa les troisprocédés de

l'expérience «fuenous avons décrits

<'i-<lessus(aÛTO^iot, fotopfa. $ rov

èptolov (UtéSoimsj. l

D'autre part, nous savons *pie les épicuriens avaientadopté

-"

une mélhode tout a fait analogue (tous en avons la preuve dans

ce(|iti nous a été conservé di> Zenon i'lipicurien. contemporain

et maître dis (iicéron, dans le livre de l'hilodème ïtepï cnt\u>iwx»i <r>i(te«û<rew retrouvé à llcmilaiiuiu. Selon

Ëpicure, ni les Z

sens tout seuls, quoique leurs données ne soient point fausses,

ni la démonstration, ne mous permettent d'arriver à lu vérité.

Mais tes sens fournissent lespremiers matériaux indispensables

delitsfïeim:: la mémoire réunit lesfaits et prépare l'anticipation

(upiXtityis); vient alors le raisonnement (Uyioitos). nécessaire

avec les données des sens pour atteindre la réalité(par exemple

dans la |ircuvo do l'existence duvide). Zenon, modifiant ta

doctrine d'Kpicure in, ajouta Us passage du semblable au seni-

biabie (expression «ju'il (>m[H-unEavraisemblablement auxeiupi-

rMjites)101; cette o|)ératïon permet, suivant lui, de connaître,

d'après lespropriétés communes des choses visibles, la nature

Mfilir, promu.

Vi#;f., :(;">. VA. l'scuil.-ljiileii., KkIih, vol. XIV, |>. tiSX

Snl'Jitf., ('».{.

1l'liiti|i|i.nii. /)« Milmhni ftln» </i« iM H. anptiuv xii ntpetéacaii |t. •»(, XL

Ih-rtiii, lliicMriirkvi'oi-Actti'ii-tH'sctlsclian. iKhr.

lltitl. (t. V.» ;«li.

Page 378: Les Sceptiques Grecs Brochard

M» LIVRE IV.-CUAPITRK IIL

tics choses invisibles ($uat»«KrJUi)> /enoti ne parait pus cepen-dant avoir non fait, pour l'induction, qui ressemble aux travaux

d'un Bacon ou d'un Stuart MiH, it ne s'éleva guère'1' au-dessus

de l'induction fieratumeratioaem

iimplicem.

Entre les épicuriens etles

empiriques, il yavait

pourtant des

différences. Pour les épicuriens, l'anticipation (s> se fait toute

seule» naturellement. Pour tes empiriques, il fautrépéter fré-

qm'ttunentla même observation l'attention et ta réflexion sont

nécessaires. Mais surtout l'épicurien se flatte par ce moyen d'at-

teindre au delà des phénomènes les réalités ou les causes; i'em-r

pirique, au contraire, borne la connaissance aux phénomènes et, a

plus hardi dans la négation queles sceptiques déclare tes causes k

incompréhensibles. £

il n'estpas possible qu Épicttre ait emprunté sa méthode aux t

empiriques, puisqueson livre fut écrit vers la fin du ive siècle

etque l'école empirique ne fut ouverte que vers i8o-aâo. On

pourrait supposer que tes empiriques ont fait desemprunts aux

épicuriens, s'il n'était bien plus naturel de croire que les uns et

tes autres ont puiséà une source commune.

`.Nous voyons en effet qu'avant Glaueias Nausiphanes & qui .j

fut le maître d'Épicure.avait écrit un livre intitulé le Trépied.

C'est vraisemblablement de m livre que s'inspirèrent etÉpicun* Lv

et Glaucîas. ^l

Est-ii possible de remonter encore plus haut? Suivant une

conjecture ingénieuse et plausible de Philippson Aristote

serait le mat'tre dont se serait inspiré Xausiphanes. On trouve,

en effet, chez le Stagyrilo tf'. la description des procédés employés

plus tard par les épicuriens ot les empiriques, et ils sont pré-

sentés en des termes presque identiques. Pour Aristote, comme

pour tes empiriques, la science commence par la sensation

(afoQricrts). continue par la mémoire (pvt/utf sroXXa'xfsnv avnû

''PIlilippon. 'il. g

!l Cic, ,V«<. ilenr.. l, <mi. A».n

Diog.. X. i/i.

(If. cil., p. al.

$'•.iuld/l. ftith'r.. il» tin<

rt

Page 379: Les Sceptiques Grecs Brochard

r/EMNRlSM-B. PARTIE fiONSTRHCTfVK. »7t l

:t l

ytmndvwt Arisk; panfon rw «roXAéeiï dxmihas àffléprw. Ëm-

pir.)» s'achève par lacomparaison dos semblables {$ rtôèpalw

Swpfa, Arist.'1'; d rav èpofav itsrékcrts, Ëmpir.). La science, ou

l'art. est définie par Aristote -aiMa tn$ ijmsipks iwotfwut 3r;

par les empiriques -aélkou ipiieipki.Est-il possible de faire encore un

pas de plus et (te trouver

avant Aristote lespremière linéaments de la méthode empi-

rique ? Les documents nous font défaut, et il faut borner ià nos

recherches

Mais si la méthodeempirique, envisagée en ce

qu'ellea d'es-

sentiel, est fort ancienne, il est un point que l«s historiens de

laphilosophie n'ont pas assez mis en lumière c'est

que Méao-

doteparaît être le premier qui ait donné il cette méthode une

précision et une rigueur scientifique. Jusqu'à lui, il semble bien

que lesempiriques

se soient contentés d'indications unpeu

vagues et sommaires; ils faisaient granit cas de l'observation,

mais ne dépassaient guère ceque Bacon appelle experientk vaga.

La grande place que Ménodote tient dans le De subfgmatioiw

empivka tleGalien donne à penser que c'estd'après lui que Galien

décrit la méthodeempirique'*1. En tout cas, plusieurs des cer-

rections les plus importantes apportées à celte méthode lui sont

formellement attribuées. C'est Ménodotequi prescrit

de sou-

mettre à une critique attentive les renseignements historiques,ait lieu de les admettre tous indistinctement sur lit foi du pre-

<»Top., l, mi, 8.

I»ilélai>L,i, i, 5.

W Ott peat admettra, nvec Pliili|>|>«ii»(p. 55), qu'Acislolc ayant attribué parvoie (!<• am<ùftenN! A IWinorrite ™tt'> ttovlrim» <|n« les ap|Kirom-<>» «-nsililci son!

vrains (re tjitn fiii-uirnic. u'aitruit pas iiitmis) (rf. Zi-llor, I. I. p. H-jn). Naiisipliams

H'up|)ro|iria wdc manière «le »oii-, <jui fut «iksî par la suitn c* il'(v|iknn.>.

\ii(ui[> (op. cil., p, i li-j et nq. ) ruiroum cliei Mnlon tui-iiii>iiic! iminliri: «h>pa«-

sages (notamment Gor/ Soi, t., ( Rep., VII, 5i(J, <) mi il est fait allitsimi à

une sorte d'empirisme. Avec beaucoup de siilililik- et i('in|j«'niosili-, \atar|i fait

remonter ju«|«'à l'rol.ij;orîK l'origine di> lu uii'tliwlu (>ni|iiri({iii>. Tout ro que nom

poinroux lui accorder, c'est que Pioliijjftras a en le pressent imwil de ce ij«o devait

i:tre cfltli* inélliod». Rion ti'autoriso à lui altrihucr sur ce point dea nm |>riVisp« <•!

dw idws îHTdl«(*s comme celles <|ti^on trouv** clu*z ïcseui»in'|iii?>.

X.llol j> I \>. t.">IJi llliliiM' i-is hi in,'»»' (i|ii/ii<in.

Page 380: Les Sceptiques Grecs Brochard

m LIVREIV. – CfiAMTttKM.

iititu1 venu, C'est probablement lui qui (tans t*o>;pt'Fit*nroimita-

tive (ce (jue nous appelons l'expérimentation}, recommande de

tenircompte

exactement des échec» et des succès, en d'autres

termes, d'introduire, avee la mesure et te calcul. la rigueur

scientifique,("est lui", enfin, (jiii considère le passajje du sem-

blable au semblable comme donnant setilement la probabilité,

et non la certitude, aussi longtemps du moins que les conotu-

sions nu sont pas confirmées par des expériences expressément

insu' tuées pour les vérifier, Kn môme temps, it modifie ia termi-

nologie,substituant des termes purement empiriques- aux expres-

sions équivoques qui «valent servi jusque-là aux dogmatiques et

aux empiriques.Avec toute raison, selon nous, Phiiippson, en

décrivant la méthode des empiriques, évoque le nom do Stttart

Mil!. Maisce n'est |«w tux empiriques en général, c'est à iVîéno-

tlote qu'il faut faire cet honneur: rest lui (luia eu, aussi claire-

ment qu'un le pouvait à cette époque, et en s'oerupant d'une

science telle que la médecine, qui aujourd'hui encore ne com-

porte {;uèrc une rigoureuse application des procédés de la mé-

thode inthietive. quelques-unes des vues les plus importantes

du logicien anglais, li est aussi fin autre nom qui vient àl'esprit

quand on considère, l'œuvre du médecin grec c'est celui de

notre Claude Bernard. Qu'est-ce autre chose, en effet, queces

ressemblances qui font connaître te possible, non le réel, et ne

donnentque

I» probabilité tant (lue l'expérimentation n'a pas

prononcé,sinon

l'hypothèsesi bien décrite par te savant français

ist dont te rôle essentiel dans la science a été si victorieusement

démontré parses théories et ses découvertes? En tout cas, si un

telrapprochement paraît trop ambitieux, on ne peut contester

que Mi'noiliile a fait preuved'un véritable esprit scientifique.,

qu'il « ou l'idée nette etprécise

de ceque

devait «'Ire la méthode

"' Un fait <[ui iiioiilri» bien l'originaliti- île Mi-nodule tt continue la supposition

i|ue nous avons éini«" en disant <|in' < *e4 par Mùnoiiulo que s'est laitu la cirncilifiliuii

In «'plirisini' • •!<; rempirNin», •'•wl <|«e t« pyrilroiiii'iiOawiiii romlMiteil

Yi'iuçhn <l« fôjiftio» fiers?*;» (G«l.. Sulif. emy.. '10). (1V>I Tliniilas i't M«no<t<ili-

(fut ont ''(Mitt'Ht! hs pr>:niifis pacmi ios Si'«k|)tit|ti<^ la lt!|*itiiiiitô do < faîson*-

iraml.

Page 381: Les Sceptiques Grecs Brochard

»/GMPHilSME. – PARTIR €ONSTBU«T1VK. 37»

expérimentele. fît if <i eu le rare mérite de ne pas exagérer le

rôle dol'expérience, d'éviter te pur empirisme..Su méthode

est

celle qui éclaire et féconde i'ovjiérwiice par le raisonnement, et

se délie d'une vaine dialectique sans se borner à anmsser des

faits. G'est In vraie.

Ce que nous savon» avec certitude tic Ménodote et desempi-

riques, avons-nous le droit de l'étendre à tous les sceptiques? `t

La méthode que nous venons de résumer, et qui est celte des

emjiiiupies, est-elle aussi celle dessceptiques, et notamment

celle do Séxtus Ëmpirieus? Aucun doute nie peut s'élever sur ce ï

point. Si Ménodote est médecin, il est en nuirne temps uu des

chefs de l'écolesceptique. Sextus Etupiricus en inême

tenips^

(pt'il estsceptique,

est médecin.D'après

sonpropre témoi-

j;na{jeit!, ils'inspire tle Ménodole. Son nont même indique à

quelle secte il appartient. S'il lui arrive decritiquer

les empi-

riques' et de se séparer d'euxpour se rapprocher des métlio-

diqut's, c'«st sur unpoint seulement: et d'ailleurs les méthodiques

neprocèdent guère autrement

queles

empiriques. S'il ne décrit

pas la méthodeuinpit-ïque dans les ouvrages que nous avons de

lui, c'estque

ce n'étaitpoint

sonsujet. Très vraisemblablement

ses livres de médecine, si nous tespossédions,

nous montreraient

qui-, sur lesquestions

de méthode, rien ne sépare Méimdole et

Sinltis. Même, à nous en tenir aux seuls ouvrages quenous

ayons, toute la théorie des signes commémorait! chez Sextus,

est ûvideuimeut la tnûiw: qui; celle des empiriques. Enli», dans;

le livre «les Hypoiypotte*. on trouve un très curieux chapitre (n

qui est toutimpréjpié

del'esprit de .Méitodole c'est t'elui où

l'auteur montre que te seul iimycn de résoudre les sophtsnies

<|ui ont tant embarrassé les dialecticiens est de recourir à l'ob-

servation cl àl'expérience.

On nous dit !vi de môme que Méiio-

;'l i, ••

Voy. «i-<li'>5iis, p. Sifî.

''H.J3IJ.

IjaKii.. Suhfy. tilt: l>e «relu Mit. I, |». }7

Page 382: Les Sceptiques Grecs Brochard

374 LtVftK IV. – CHAPITRE lit.

dote regardait ïépihgisme comme nu excellent moyen de -réfuter

lessuphisnies.

Nous sommes donc en droit d'affirmerque

(otite la théorie

de ta méthode est le bien commun'" desem|)ii'i(|Ui's et des

scu|>ttE|uesel quek's titres de Sextus ([tic nous avons ne nous mon-

trent qu*ini<>face de l'empirisme sceptique, A côté de la science

qu'its nient, it y a une sorto de science, ou d'art, en laquelleles

sceptiquesuni contiunce. Une exposition complète de leur

doetrinc doit donc renfermer, outre la partie destructive que

nous avons résumée unepartie

constructive surlaquelle

nous n'avons malheureusement flue des indications incom-

plètes.

Ces cieux parties peuvent-elles se concilier Pmie avec l'autre?t

N'y a-t-il pas contradiction à combattre le dogmatisme, comme

le t'ait Sextus, pour admettre ensuite une science ou un art,

mêmeempirique ?

Nous lecroyons, |>our notre part.

Cet art

empirique, que Sexlus oppose à la sciencethéorique,

an fond

et sans s'oit rendre uncompte exact, il l'entend autrement qu'il

ne le définit et qu'il ne lo faudraitpour que

sa distinction fût

tout à fait légitime. A une seule condition, en effet, cette dis-

tinctionpourra

<*tn.»maintenue c'estque,

l'art empirique,

les assertions qu'on se permet. ta persuasion oà l'on est. s'appli-

quent uniquementa des

phénomèneset ne tes dépassent

en

aucune façon. En est-il ainsi citez Sexliis- H ne le semble pas.

'fi\:i(iirp (p. t'ifi, !} nuits [Lirait s« tromper tufsiju'il fait mie différence witm

ta Tufiii.-ixn m*À(.v5ih des sceptiques nt l'et |in'-s!ut) anatufjtu*, à propos des cm|ii-

iii|uik, ([«'ou Inmvfrelu» (ialicii i :i(j. t^t <i|>ittticatioii «tt'*<leu* expressions «4

\i-iliknifnl fa inèiio. t'.t. Sovlus. If., Vit! atfs'. Il ».• pui-.iit |i.i> nuii plu» c|ii

mtU'i» tirt'r aiicitnt1 v.>ntln>ûiH <t^ fat^i'Urt* i!:itvt fi^ rarfï ttûfimit'iiU etupil'Upii'S

ipie n«iw aïiin». il«t'iptwsiniis

Mw *t iviveoCaQn. Nalnrp ivcoimait d'ail-

Inin la l'onl'iiriiiili- <1<>l.i doctrine dit Sctlus à coll. dits empiriques.

Non* anins •'(<;heureux île trouver dans t' iivn; il» .Naturp (p. i J7, et jiiwiui) t

des vues niialiijuw. Nalnrji ailnnl comme nous et <léinuiit(« avec beaucoup de

fniT'1qu'il y j.il:iii« le scepiirisme,unepartiepositive, unetendancescicnlifiipiP.Il sniiiieul MMili'iiieiil (|uo cette tendance se manifeste- dés te détint du pyrrhonisme

il la trouve cliei .finiHid'-m'1. thn Timon (p. tâ8), mimncha Pmtaffina. Xous

rr«voii3i|uV»IIenes'ist montréequeplus tant. En tout ras, à partir de Ménodnlc,

"Ile est ilirnnte<t<ibK

Page 383: Les Sceptiques Grecs Brochard

kBMIMIUSMË. – PAKTIK CONSÏttUCITIVK. 375

L'art (tu la médecine en elïut, pour no parier (jm* dit celui-là,tel

qu'ilIVnkmd et lu

pratiquem s'arrête

(tas scrupuleusement

h la constatation desphénomènes; it s'élève, tes textes cités en

sont 1» preuve, jusqu'à despropositions générales (Seapituitav

miaidaets). Il arrive même que Sextus, oubliant tous les argu-

ments qu'ila

répétés à ta suite d'iEnésidème, se laisse aller à

parler (te fa découverte de la cause (<xhiov) d'une maladie. Et ce

n'est pas ici mie chicane de motsque

nous lui cherchons. Ce n'est

pas seulement le mot qui est employé par lui; if a l'idée que ce s

mot exprime. Y a-t-it d'ailleurs une médecine possible» si unrenonce à conuaitro des lois générales, des règles qui permettentde

profiter de l'expérience passée et d'en appliquer les résultats

auprésent

et à l'avenir? Mais, dèsqu'on

s'élève h la connais-

sance des lois, qu'on le veuille ou non, on dépasse l'expériences

proprement dite; o»prête trn caractère d'universalité et de né-

cessité auxphénomènes observés; on introduit un élément

rationnel dans la connaissance; on renonce auphénoméinstue

sceptique. C'est, bon gré, mal gré, une sorte de dogmatisme.

On est, si l'on vent, dogmnlisto autrement que ceux qui affir-

ment des nkitités intelligibles et absolues on n'est plus tout à

faitsceptique.

Soyons indulgents pourtant pour l'erreur où Scxtus est tombé.

car nous voyons encore aujourd'hui nombre de philosophes

commettre la même faute de raisonnement. Il y a, en ctlet,

entre les doctrines du médecinsceptique

et le positivisme mo-

derne, des analogies qu'il importe de signaler.

Il. La description que fait Sexlusdc fa méthode d'observation,

son passade du semblable au semblable font penser naturelle-

ment il la théorie de J. Stuart Mill sur les inférenecs du parti-

culier au particulier^ Ces ouvriers(lui jettent les couleurs de

manier*; à produire les plus inajjnitiques teintures, et sans

pouvoir rendre raison de ce qu'ils font; ce (gouverneur de

Sijstèmr tk lo/fu/iie. I. 11, m..1, jj. <ii:<. trad. l'i'isso. l'aiis. La(lr.in|;i!.

Page 384: Les Sceptiques Grecs Brochard

«6 yVKÉ IV. – CHAPITRE Hl.

colonie, d'au Ijoii sens pratique, auquel tuftt Mansfieid réeonr-

inmidu de cendre la justice sans jamais motiver ses arrêts, w

possèdent-ils (Hts une sorte de connaissance empirique fort ana-

lojjue « celle dont Settus admet la possibilité? En considérant

les lois comme des faits généralisés, en expliquant les principes

tes plus générauxdo fa science

par l'association des idées quin'est

i|u*uh prolongementde l'expérience, les logiciens anglais

ont bien, comme Sextus. la prétention de s'en tenir aux pliéno-

uiènes et de n'y rien ajouter. Avec plus do précision et une

analyse psychologique jncoropariiblviiteul supérieure à tout ce

que St'xtus pouvait tenior. Stuart Mill el 51. Bain reprettnenl lit

ittùiuo thèse: ietir phénoinénisme est. au fond, la môme chose

qoe j'eropirisme de Swtus.

C'est surtout ewitre laphilosophie considérée comme science

des causes et (les substances:, c'est-à-dire ce que nousappelons

aujourd'hui la métaphysique, quesont dirigés les arguments (les

sceptiques et s'ils visent aussi toute.* les sciences, s'ils attaquent

les physiciens autant que lesmétaphysiciens, c'est que la

science,

tellequ'un

ta mneevait alors, ne seséparait pas

de la méta-

physique; elfe procédait, comme elle, « priori et montrait le

lucun.' dédain del'expérience. Si tes médecins sceptiques s'étaient

Ire .tvés en préseace d'une science comme la physique moderne,

fondée uniquement sur l'observation et l'étudi' directe des phé-

nomènes, ils s'y seraient certainement ralliés. Leur langage est

à peu près celui i[iw tiennent aujourd'hui les positivistes ne

disent-ils pas que, s'il y a des substances et des causes, il est

impossible d'en rien savoir et qu'il ue faut dire ni qu'elles sont

ni qu'elles ne sont pas?

Lespositivistes protesteraient peut-être contre le nom île

sceptiques, et ils en auraient |i> droit, car iU allirinenl beau-

coup,et

quelquefois trop de choses. Lessceptiques,

de leur

côté,repoussaient

le nom de savants. Mais la différence est ici

dans les mots plutôt qui; dans les choses. Tout positiviste est

sceptique, au sens où l'entendaient les médecins comme Sexlns;

tout sceptique était positiviste, au s«n» (pie ilon lient aujourd'hui

Page 385: Les Sceptiques Grecs Brochard

L'EMPIRISttK. PARTIE CON&TKUCTITC 377

si pu iiint rnnf mit l'nnt ineitntit t .ne h ni; enitt epadtutiiBt rtlt mi-k ce mol ceux(jui

t'ont inventé. Los uns sontsceptiques

en mé-

taphysique, les autres ne sontsceptiques qu'en inul;ifjliy.si«jue

c'estbien près

d'étra la môme chose.

(I y a toutefois des différences ((u'il ne faut pas omettre. Les

sceptiques usent et abusent de lit dialectique; d'une manière quenu saurait

approuveraucun positiviste. Par là, ils tiennent

encore aux doctrines qu'ifs combattent c'est en métaphysiciens

qu'ils luttent contre la métaphysique, (;'est qu'ils n'avaient pas

d'autres armes & leur disposition, Ils auraient raisonné autre-

ment, si lesprogrès

des sciences de la nature leur avaient fourni

d'autres raisons. Mais, par des moyens différents, ils tendent au

m£me but; l'esprit qui les anime est le même. Pour les uns»

comme pour tes autres, I» jjrande affaire est d» détourner l'ac-

tivité del'esprit

dos études purement théoriques, pour l'amener

auxquestions pratiques

ils sont l'^iifcniotit utilitaires.

En outre, les thèses négatives tiennent, «;hez les scejitiques,

bien plus de place que chez les positivistes. Les noms des duc-

trines sont à cetûjjard. très significatifs. Les sceptiques insistent

surtout sur leur doute, ils le soulignent. Les positivistes, ait

contraire, <mt surtout la prétention d'être do{;malistes ce siml

leurs ailintiutions qu'ils tnettent en avant; leurs doutes resteut.au

second plan. Touteluts, en allant au fond des ciiuses. on ;i

pu su demander si leur doctrine n'est pas surtout une doctrine

de négation. Mais, sans insister ici sur cette question, ce qu'il

y a, à notre sens, d'essentiel dans le positivisme, c'est la ligne

de démarcationqu'il

a tracée entre la métaphysique et la science

c'est l'affranchissement de k science qu'ila

proclamé.Mous

savons bien que celle vue ne lui appartient pas en propreDes-

cartes avait <hi le sentiment del'indépendance

de la sciciirc à

l'égard de la métaphysique; fiant en avait eu l'idéo claire, et.

bien avant cesphilosophes,

les savants du .vvif et du xvm''siècle

avaient fait mieux ils avaient constitué la science sans se préoc-

cuperdes

problèmes métaphysiques. Néanmoins, si les positi-

vistes n'ontpas

eu cotteidée, qui

n'estplus, croyons- nous,

contestée p;ir pei sonne, ils se la sont c» quelque sorte tf|»|irojiiïc»;

Page 386: Les Sceptiques Grecs Brochard

m Lrmiv.-ciiAPtTKE ni.

par l'ardeur avec («quelle ils l'ont défendra?, par l'importance,

oxuyéréc souvent, qu'ils lui ont attribuét'.jiai' tes coiisûqiuuuTS.

souvent excessives. qu'ilsen ont tirées. Or, cette idée, qui

est le

fond de leur doctrine, et peut-être toute leur doctrine. les scep-

tiques l'ont eue comme eux. Certes. ils ne s'eu sont pas rendu

un compte exact et n'ont pas su en tirer grand parti par là,

ils demeurent tort au-dessous (le leurs modernes continuateurs.

Ils sont pourtant les véritables ancêtres du positivisme. Quelque

ti[)irttoii, d'ailleurs, qu'on ait sur ce point, cequi est incontes-

table, c'est qu'ils ont essayéde fonder un art pratique tout à fait

analogue à ce([ne

nousappelons aujourd'hui la science positive,

ne relevant que de l'expérience et n'ayant besoin, pour se con-

stituer, d'aucune solutionmétaphysique.

Ce n'estpas

un mince

mérite ils réalisaient en cela un véritableprogrès

et devan-

çaient l'esprit moderne.

Peut-être n'est-ce pas par insttdisanee de génie qu'ils n'ont

pas tiré de leur idée un meilleur parti s'ils avaient cherché leur

art pratique plutôt dans la physique que dans la médecine, ou

si cet art avait pu réunir un assez grand nombre depropositions

évidentes ou vérifiées, peut-être se seraient-ils enhardis à lui

donner le nom de science. Malheureusement, c'est à la médecine,

la plus complexede toutes les sciences do lit nature et

qui, an-

jourd'hui mène, commence à peine à devenir une science expé-

rimentale, qu'ils se sont d'abord attaches leurs efforts n'ont pas

été et ne pouvaient pasêtre assez tôt couronnés de succès

pour

justifier une telle hardiesse. Il ne leur a manqué peut-être que

d'arriver par un autre chemin au point qu'ilsont atteint, pour

doter l'esprit humain, quelquessiècles [dus tôt, de la méthode

expérimentale.

En revanche, il est unequestion

où les sceptiques nous pa-

raissent reprendre l'avantage. Cette réserve, cette sorte dopudeur

logique, qui leur interditd'usurper

le nom de sciencepour

une

doctrine fondée uniquement sur l'expérience, leur conserve une

physionomie à part et les dislingue nettement de tous les mo-

dernes. De nos jours, on estporté

à direque,

seuls, les phéno-

Page 387: Les Sceptiques Grecs Brochard

f.'EMIUÏUSME– PARTIECOXSTtUICTlVB.379

mènes sont objets de science; pouf les anciens il ne pouvait y>

avoir de science la où il n'ya

quedes

phénomènes. Ilssa faisaient

de tu science unetrop

haute idéepour

admettre un instant

qu'elle pAt avoir affaire à autre chose qu'à rabsotu, qu'àl'im-

imiiible. Pour eux iln'y

a du scienceque

de ce (luine passe

pasla science est essentiellement inébranlable, et ils n'auraient <

pas admis qu'on désignât de ce nom, comme le fait par exemple

Stuart Mill des vérités qui pourraientêtre autres, si nous étions

autrement constitués,»! eessent peut-être d'être vraies «dans utt

des nombreux firmaments dont l'astronomie sidérale compose

l'univers». Voifà pourquoi les sceptiques se sont contentés du

nom d'art, d'observation pratique. \\<)nw en niant ta science,

ils s'en faisaient une idée plus haute que ceux qnr s'eir montrent

aujourd'hui les plus zélés apologistes.

Voilà donc le earaetèi-e distinelif, l'idée principaledes der-

niers sceptiques, ils n'ont si vivement attaqué la -philosophieet

la science que pourfaire

placea cette autre science qu'ils pres-

sentent. mais qu'ils n'ont point faite. Leur doctrine est un posi-

tivisme qui n'n pastrouvé sa formule.

Par là, outre tes différences quiont déjà été signalées entre

l'ancien et le nouveau scepticisme, on voit .que les deux doctrines

ont des tendances sensiblement différentes. Le but de l'ancien

.scepticismeest de conduire a i'ataraxie il se propose

une fin

purement morale. Son idéal est l'homme affranchi de tout souci

et de toute pensée, détaché da tout ce qui l'entoure presque

étranger au inonde où il vit. Le nouveausceptique

ne renonce

pasà cette tradition c'est bien encore la pratique qu'il oppose

à la théorie. Mais il l'entend autrement, Il se inêie au monde et

prendintérêt aux choses qui s'y passent. H exerce une profession

il est observateur, attentif. prudent et avisé; it a de l'expérience

et sait s'en servir. L'ancien sceptiqueest désintéressé: li1nouveau

est utilitaire. Le premier n'enseigne que If moyen d'être heu-

reux; te secondapprend

à être habile, et s'il néglige les choses

inutiles, c'est pour s'attacher d'autant mieux aux biens positifs.

Page 388: Les Sceptiques Grecs Brochard

380 LIVBB IV. -CHAPITRE- ML

L'ut) a ttos amis; t'attire, une ctieutôk». f<u mut iiiitilFt''ri'iiw

(âSiafpapi»}* (|tte Pyrrlioft avait toujours à la bouelie. tte se

trouve pas une fok dans lus troisjjros

livre!»de Sextus. Ïa\ tl«c-

trine a fait du l'IuMiiiu i(e|Ptiis le pauvre ascète Pyrt'hoa j(is(|tt'au«ivaot médecin Sextus Kt»|iiricus.

Page 389: Les Sceptiques Grecs Brochard

I.K l'YIUUIONfôME ET LA NOUVELLE ACADÉMIE. 381

CHAHTUE IV.

Ll?PVnlUlUNISHRET LANOUVELLEACADÉMIE.

Qu'il. yait entre le. scepticisme et la nouvelle Académie des

analogies suturante* pour que l'historien sait autorisé à réunir

sous tw i»e*me lilio l'étude de ces deux écoles, c'est cequi

ne

saurait <Hre contesté. Mats jusqu'où vont ces analogies? Y a-t-il

aussi dos différentes notables, ou bien, à aller au fond des

choses» esl-ee la mène doctrine que, sous des noms différent»,

{«•sdeux écoles ont détendue? (l'est une question que les Grecs,

ait témoignage «i'Aulu-Gelie avuienf souvent agitée, et (|iii les

divisait. Les historiens modernes S<>»1 aussi[»arta|{és.

Comme

k>s sceptiques de Pdeolc d'iEiiésidème ont fait «le grands efforts

pour se distinguer de ceux qu'ils regardaient n»tnme des rivaux,

nousdevrons, avant d'essayer h notre tout' de résoudre ta tjues-

tion, iitdicfiier les raisons du'ils ont invoquées.

l. On a vu plus hautK que. d'après le résumé de Pliolius.

/Knésidèiiie.au début de son livre, éntimérait avec complaisance

k'sdilïereiiecsqui sé|>arenl

tes deux écoles. Les nouveaux acadé-

miciens sont dogmatistes ils affirment certaines choses comme

indubitables, ils en nient d'autres suis réserve. Lesceptique

n'affirme el ne nie rien il ne dit pas querien lie soit

compré-

hensible; il en doute. Pour lui, rie» n'est vrai, ni Taux, vrai-

semblable, ni invraisemblable.

En outre, les nouveaux académiciens se contredisent sans

s'en apercevoir. Ils di.->lïii(juenl le vraisemblable- et rinvraisem-

blalilc, le bien et le mal. Mais de deux choses l'une: ou ou

A. 4., M. à.

'• »». -is.

Page 390: Les Sceptiques Grecs Brochard

m UVRE IV. CIUPITRE JV.

a to- ï

ignore ce qui est vrai et cec|ut est faut. ce qui

est bien et ew

qui est niai, et alors il faut dire que tout est incompréhensible

ou on peut faire clairement cette distinction, soitpar

tes sens,

soitpar la raison, et alors il faut dire avec les autres philosophes

que tout est compréhensible.

Sextus Eniuiricus1" reprendles mêmes arguments, et en

ajouteun autre. Tandis que tes académiciens distinguent des

degrés dans la probabilité,les

sceptiquesdéclarent

qui»toutes

les représentation»sont épies, et qu'aucune ne mérite l'assen-

timent. Il est vrai quedans la vie

pratiqueil faut choisir entre

le bien et le mal. tlais ce choix, tes ucadémieiell~ le font parce

quele bien leur paratt plus vraisemblable; tes

sceptiquesle font

sans se prononcer, sans opinion (à£oi&i*ius)* simplement pour ne

pas rester inaetifs. Par suite, on peut bien dire que sceptiques

et académiciens donnent également leur assentiment à certaines

représentationsmais (iarnéade et

CUtomaquele donnent de

propos délibéré, par réflexion; ils lu donnent de tout cœuris)

(perà fspoaxKiaeoK crÇoSp&s). Les sceptiques suivent leurs idées

sans conviction et sans choix ils se bornent a ne pas résister

ils obéissent à la coutume et il leurs instincts, presquemachi-

nalement, comme l'enfant suit son pédagogue.

Nous ne sommes pas surpris que ces raisons n'aient pas paru

décisives aux anciens. et qu'on ait persisté à mettre les académi-

ciens et tes sceptiquesà

peu près sur le mente rang. Incontesta-

blement la position prise par les sceptiques est au point de vue

logique plusfacile à défendre. N'affirmant rien au delà des

phé-

nomènes actuellement donnés, its mi donnent aucune prise. Il

est plus rigoureuxde dire Je ne sais

pass'it y a une vérité, que

d'allirmer qu'il n'yen a

pas.Mais si, négligeant ta forme exté-

rieure de l'argument. on va au fond des choses, il faut bien

convenir que les deux théories reviennent au mène!l;. Ni l'une

!1<P., I. aafi.» P., I, *3o.

Sam n>> pouvons nous eu>|jdcb<>r île penser i|iii' Saissel ( |i. } t) (iront! un |«>ii

trop iiti *f'*n»MKta (fctiwtiott faite par .Kn^itft'tiits ettfu'tl fait ù ci* pltil<KO(>hf*(a

Page 391: Les Sceptiques Grecs Brochard

IM M HltHÛNfSMtë CT i.A NOUVELLE AMD&ttlE. 383

lit l'autre n'accorde hl'esprit humain te pouvoir de connaîtra te

vrai et c'est lit l'essentiel. Disons, si. i'mi vuut, que les deux

écoles ne diffèrentque commis les espèces

d'un genre. Au sur-

plus, nous avons vu qu'Jïné'sidème avait commencé par ôlre

académicien, et qu<- son livre était dédié à un autre acudduii-

cien, Tubéron»

Quant « l'assentiment que réclame ta vie pratique,ta dis-

tinction faite par Sextus tison importance. Toutefois,quece soitt

pour une raison ou pour une autre, il est certainque scep-

tiques et académiciensdonnent en certains cas leur assentiment,

et en cela ils se ressemblent. C'est parcu que nous y sommes

forcés par les exigences de la vie pratique, disent les sceptiques.

Mars ce n'est pas pour une autre raison que Ips académiciens, du

moins- ceux (lui suivent (,'iilornu<|tie. préfèrent aux autres les re-

présentations qui s'accordent entre elles. Il y a une différence, si

t'on veut, puisque te choix imposé par tes conditions de l'action

est guidé chez tes académiciens par une règle, laissé au hasard

ou aucaprice

de la coutume chez lessceptiques

mais il faut

beaucoup deboune volonté pour voir lu une distinction capitale-.

Bien mieux, lescepticisme,

dans sa dernière période, n'a-t-il

pas faitpeu près la Hoirie chose, lorsqu'il a cherché dans

l'expérience, dans tareproduction

constante des mènes séries

tle phénomènes, un moyen d'en prévoir le retour? Ce n'est. pasla science, si on veut, mais c'est une sorte de probabilité. L'as-

sociation des idées, tette que ta décrit Sextus, ressemble de bien

près à l'accord des idées telque te

définit Carnéade.

Onpeut

donc tlire que Sextus, embarrassé par le formalisme

sceptique,et cherchant des différences dans les ternies mêmes

dont se servaient les académiciens, a mal défendu sa cause. C'est

moins dans tes formulesqu'il faut chercher ta différence entre

part trop liolle. Nous ne rrovoni \kk non plus qu'il y ait lieu de (iistingiii'i' le* ara.

ilémiriciiï et les sr0|>li<jncseu cp wib <juoles premiers auraientnié mène les

phénomènes internes, (je qu'ils ntniiml it'iiecont aive les MV|>tique!i, r'<>sl la farnlU'*

te ('millilitre l;i "rùililé absolut). Ils nient 4 peu les |>liénomèin'.<i !iil'1riu'«, <[tc ô'st

I» «ju'ils IroùvtMil le» (|i'|;rrâ' île lu |>r«li3l>il>té l'est l'orfln" on l'acrainl il>>s ivpre-

wnlalioii- principeUiul .Mihjetiir, >|ni Iciii'mjiI île (H cotuliiclrair.

Page 392: Les Sceptiques Grecs Brochard

38S LIVRE IV. – tillAl'ITKË IV.

k's deux écoles ijue dans {"esprit qui tes anime, dans leurs (en-ttances, dans leurs méthodes.

Il, l'anui les nwdcnius plusieurs historiens ntrles regiinlenl

pas comme fort éloignées l'une de l'autre. Ifayle les confond à

'peu près Zeller n'est pas loin d'en faireautant1". Cependant

l'historien anglais Siaceolt ti} seprononce dans un sens tout dif-

férent et les raisons qu'il invoque valent lapeine d'être eva-

minées.

Suivant MaccoH, les ikutv set*tesdiffèrent par tour origine, t

par leurobjet, par leur métitodu. Le pyrrhonlsme paraît à une

Iépoijue où la (irèee, épuisée par ta jjrand eiïort de lu

conquête·

«le l'Asie, retombeé|»uiséi. L'esprit {{ree décline en mtim temps

«j«e tes libertés des cités grecques leur sont enlevées c'est une i

époque de misohfrle.vl laphilosophie de

l*yrrlton est unephilo-

sophie de désespoir. Tout autres sont les circonstances où appa-raît la nouvelle Académie

cinquante ans plus tard, intervalle

considérable fiiez tm peuple tel que les Grecs. La puissancematérielle d'Athènes est «hUruitu sa force intellectuelle n'a ja- smais été plus jjrande. Elle est lt? rendez-vous de tous les philo- t

sophes du monde iîéno» est Phénicien Héiilliis vient de f.'ar-

tlra«{e. l!Vsl alors qu'on voit naître et prospérer toute nue flo- o

raison de systèmes dont ht force et le stucès attestent la vitalité-

du jjénie grec. Le stoïcisme etl'épicuiïsnte s'élancent à la pour-

suite de la vérité, «t ne doutentpas qu'on puisse l'atteindre.

Cest cette ardeur même et celle confiance illimitée qui leur

suscitent des rivstnt Areéstlas, sans jjrande conviction peut-être, prend plaisir à contredire Zenon. Le

j>j rrhonisme était né

à uneépoque de dépression et d'affaiblissement la nouvelle Aca-

démie naît d'unsurcroît d'activité, d'une sorte d'exubérance doliait ri'uu surernit ( ê!dmte, d'urte surte (1(-

lapensée yreeque. Telle est la puissance du mouvement, que

Carnéade lui-même ne se contente pasde nier «l de rlétruire.

A celteépoque

de renouveau, il faut quand ineW des croyances

Uw t'Inlrnuphiii iU-l- iirierlurn t. V |j. I ">. :t' Allll.

Tint '»'Stfjiins. I.oih1»m iimt (!,iiu|iii(l);i', iff(it), Miinuilbii, |i. ij«, i<if|.

Page 393: Les Sceptiques Grecs Brochard

Mï MRBUOlWSteEBTU MHWAAMAGAMvMlR385t

••il'•II.IIUlltlil'llt

« on eontlmt tu science follequ'on l'avait conçue jusque-là, c'est

[lotir lui substituer une autre sorte d'aHirnmtion plus tempéréeet plus modeste. Ménii> tes académiciens m; sont pas «mu'inis de

la science ils la cherchent etl'espèrent.

L'icéron croit à sa pos-

sibilité, autant que les stoïciens Catun et Balhus.

te but despyrrhoniens est d'atteindre Je

repos, l'ataravie. A

cetteépoque, tous tes

philosophes sont unanimes à ne voir

dut» laphilosophie qu'un moyen d'arriver ait bonheur. Cnr-

néade ne fait pas exception mais cent ans après la mort de

Zenon, il il moins du confiance dans la vertupratique

des

systèmes. Il a vu successivement tontes tes finsque l'activité (ut-

muiiiepeut su proposer, toutes les théories, conduire à des con-

séquences inadmissibles, et ne pas tenir leurs promesses. Aussi

renonce-t-il à faire un choix entre fautes ces lins il se tient à

égale distance de l'ascétisme stoïcien et du lit froide immobilité

du pyrrhonisme. C'est unephilosophie

dejuste milieu, c'est lit

philosophie (lit bon sens.

Les nouveaux académiciens diffèrent encore despyrrhontmts

par leur méthode. Lu pyrrhonisine lie s'aperçoit pas qu'ilse dé-

truit lui-même. Itton de mieux que d'attaquer, comme .tënési-

tlèine. la causalité, et d'éitumérer les huittropes

de la cause,

ou, connut' Sextus, de mettre en pièces laludique stoïcienne.

Mais attaquer en mèiiie temps la théorie du la démonstration

c'est anéantir sui-nu'ine sonouvrajfe,

el briser dans sa main

l'arme dont o» se sert. Carnéade et(.'litomaqtte

ne commettent

pas mu: pareille faute ils se servent, de lalogique pour

dé-

truire, mais ils se {{ardent bien de détruire, la logique. Il est vrai

qu'ils attaquent la diulei-iicfuc. insistent sur les absurdités aux-

quelleselle conduit. et la comparent à un

polype quise dévore

lui-uie'nie. Mais de la part de dialertteiens aussi exerces, (le telles

attaques ne pouvaient être bien sérieuses on ne renonce pas.

aussi facilement a un art on ou excelle. Au fond, ils veulent

substituer à la seii'iico de la réalité, rwonnuo impossible, une

science toute tonnelle, Ott ladialectique

et lalogique occupe-

ront laplus |jrande place

ce sera la systématisation, ou la

Page 394: Les Sceptiques Grecs Brochard

3W WïftE IV. – CU.tPITltB IV..csr s c. aaes.ti t W 41 1'

coordination descoueepts. Tel est te sens, telle est b portëe tlu

probtdiilisme. On le verraitplus clairement si tes idées de fav-

néade établit mieux «ouïmes, si sesnégations

n'avaient fait

fjruiid tort il la partie positive de son système.

Hl. H y a, selon nous. des vues 1res justes clans cette péné-trante et ingénieuse comparaison. Il est vrai, et nous croyons

l'avoir montré par des raisons purement historiques, qu'il y a

une différence d'origine entre le scepticisme et la nouvelle Aca-

démie. Le pyrrlionisme a des affinités avec laphilosophie (le

Déinocrite. La nouvelle Académie reconnaît Platon et Soerato

pour ses ancêtres. C'est par des chemins différents futé pyrrho-niens et académiciens sont arrivés au même point, peu prèscomme les

cyrémûques de leur côté, et par une voie (jui leur

estpropre, aboutissaient à des conclusions analogues. Les deux

doctrines sont comme deux fleuves(lui

serejoignent, mais dont

les eaux, mêmeaprès

la rencontra» demeurent distinctes.

Kn effet, de cette différence d'origine en résultent deux autres

dansl'esprit (jdndrat des detti écoles, et dans l'attitude qu'elles

prennent à l'égard de leur ennemi commun, le dogmatisme.

D'abord si nous avons bien interprété ta philosophie de Pyrrhonc'est par lassitude par dé^otit par dédain de la dialectique et de

ses infinies subtilités qu'il est arrivé au renoncement sceptique.Au contraire, c'est par le goàl passionné, et l'habitude invétérée

de ladispute, c'est par amour tie la dialectique, que les acadé-

miciens ont été amenés à combattre le dogmatisme. Les tradi-

tions de leur école, autorisées par les grands noms de Sot-rate,

de Platon cl d'Aristote, leur faisaient un dr-voir d'examiner sur

chaque question le pour et le contre. A propos des doctrines

éteintes, des philosophies mortes, il leur fallait prendre le

conln:-pied de tout et'qui avait été aliirmé, et découvrir le

pointfaible de toute

opinion. A combien plus forte raison ne devaient-

ils pas appliquer eettt» méthode,lorsqu'ils avaient devant eux

une doctrine vivante, qnise

jetaitdans la lutin avec toute l'ar-

deur et la présomption d<>la jeun<wsi»? Les nouveaux aradéini-

Page 395: Les Sceptiques Grecs Brochard

LE t'VHMiONlSMK ET LA 30 WELLS ACAD&UIL 387

.1.~ 1..1" 1

•t.

riens étaient pur rftat obligé» dé «inibùttré le stoïcisme» aiws

mômeque

des rivalités personnelles et dis Jalousies de cou-

disciples n'auraient pas cuvoniiné le débat.

Plus (uni, avec /tëitésidèwe, lu scepticisme, .suivait! peut-étro

l'exemple de lit nutivelle Académie1, abusa à sou lom- «le la dia-

luctic[(t(;. Miictoll u biuii montré foiuiucitt lessceptiques ruini'itt

ladiul<!cti(|uo ujji'ès s'en titre servis, tandis

que les académiciens,

bien qu'ils aicmt pu avoir d(!s mots durs pour leur «xeréite favori

lui conservent au fond une cortaino tendresse Jo cœur.

De l'origine platonicienne! de la nouvelle Académie résulte

encore »u« |«jrti<ulai'ité <jui h« nous semble1 pirs avoir été asse/.

mise en Itjinière. Ceijue

tes académiciens, différents on cela des

sceptiques, attaquent surtout chez li-s stoïciens. tW luur suu-

sualisme. Par là, ils se montrent les véritables héritiers d«r Fla-

ton. Nousn'allons jms ]usï|u'ù admettre avec saint Augustin'"

ijue leui1» négations n'étaient que poor la montre,«ju'ils se pro-

posaient avant tout de combattre avue sesprupres armes te «ia-

té*rialism« régnant qu'au fond ils étaient des idéalistes convain-

cus, attendant des temps meilleurs pour laisser paraître au grand

jour leur vraie doctrine. Si séduisante qu'une [Mireille supposi-tion puisse paraître, elle

s'appuie sur des preuves trop insulli-

santes saint Augustin est un témointrop éloigné pour qu'où

puisse s'y rallier, et lui-uièiie doute trop ticl'hypothèse qu'il

insinue pour que nous puissions y croire. On comprendrait mal

d'ailleurs une l«sll« timidité de la part de cesinfalijpblesdispu-

tcurs. Et puis, Caméade serait un singulier représentant du paridéidisKie Mais, sans aller

jusqu'il attribuer «us -académiciens

une doctrine de derrière la téfe, il est certain qu'ils répugnaientau sensualisme stoïcien its l'ont combattit de tout leur cœur.

L'histoire a vraiment été injuste pour lu nouvelle Académie.

Le titre de dogmnl isles dont se cuivrent tes stoïciens a créé un

préjugé en leur faveur. On a fermé les jeux sur les insiilfisamcs

de leur dogmatisme par celle seule raison qn'ils avaient, .mv

\«iï rï-tltsstis,|i.

là.

*JAi:. tt. «viii, tin.

Page 396: Les Sceptiques Grecs Brochard

388 MVRR IV.– CIIAIUTRIÎ IV.

yeux de leurs juges, te mérite d'élïe dôgmàtîstes. Et on n*a su

aucun gré aux académiciens des bonnes raisons qu'ils invo-

quaient, parce qu'ils su donnaient ic tort du s'attaquer à des

dogmatistes. On les appelle desdisciples dégénérés de Platon.

Il faut bien te dire pourtant Platon, s'il eût vécu, n'eftlpas vtt

d'un d'il favorable ie stoïcisme. C« sensualisme lui etU rappelécelui de l'mlngows jamais

il n'eftt admis que les sens puissent

embraser, comprendre la véritable réalité; it aurait appelé tes

stoïciens, comme les matérialistes de son leinps, des «fils de

Cadmus». (laruéade etClïïômaque étaient quoi qu'on puisse

dire, dans la vraie tradition platonicienne, lorsqu'ils s'élevaient

avec tant de vigueur contre les thèses df Chrvsippe. Ils étaient f

encore Bdèiesà l'esprit de leur école, quand, renonçant a saisirl'

ta réalité matérielle ils cherchaientdans|eswjej;| dansjTaecojïI

dj^repréjientatonSj/te qu'on peut connaître dfiJioérité. Socrate

aussi clienhait dans lesconcepts

lavérité; q«o les sens n'attei-

gnent pas: les idéesde PîâTôlv. l'acte dfArislo((r notaient pas

non plus des réalités matérielles, Sans doute, car il ne faut rien

exagérer, Carnéade etClttomacjue s'éloijjnaient beaucoup du

dogmatisme idéaliste de leurs maîtres ils leur ressemblaientdu moins

puisqu'ils étaient idéalistes jus(lue dans tescepticisme.

Leur doctrine est à vrai dire une protestation contre le sonsita-

tisme_âioîcien. l'ar fa encore ils diilèrent notablement des scep- |

tiques. En leurqualité (le médecins, les sceptiques de ta dernière

période ont un pencltant marqué vers le matérialisme épicurienil arrive a Sextus Hinpirieus de |»arler comme un véritable épi-curien.

Maraoll nous paraît avoir bien justenmnt caractérisé la nou-

velle Académielorsqu'il l'appelle une école de juste milieu.

dette assertion est exacte à la lois aupoint de vue moral et ait

point de vue lu|jique.

En morale, Carnéade ni Ciitoinaqiic ressemblent aux scep-

tiques lorsqu'ils rejettent fontes les lliwirii's sur le souverain

bien, dont ils ont vit les exagérations, et qu'ils croient inca-

pablesde tenir leurs promesses. Mais tes

sceptiquesà leur tour

i

Page 397: Les Sceptiques Grecs Brochard

Li PWnaOMSMB KT I*A NOUVELLE ACADÉMIE. 388

tombent dans nn antre excèsqui

no sauraitdavantage

Satis-

faire des esprits sages et éclairés. Vivre selon la eoutumu, ù la

façon dessimples vivre d'une vit» instinctive et. on quelque

sorte, machinale, se laisserporter par tes événements, et re-

noncer à se gouverner soi-même, voilà une extrémité àlaquelle

des hommes intelligents lie sauraient que difficilement su ré-

soudre. Entre ces deux excès, tes académicien»prennent

mi

moyen terme. Sans doute, on suivra la nature, on cherchera les

biensqu'elle,

recommande depoursuivre mais dans eetto re-

cherche, on ne renoncera pas à faire usage de son hou sens, à

faire lui choix. On utilisera son intelligence, puisque aussi bien

on en a une à défaut de certitude an s'attachent à inprobabi-

lité. Si on ne se flatte pas d'arriver aïi iMërTubsolii ù la perfec-

tion en soi chimères que les dogmatisies sont"seulsà poursuivre

du moins on fera pour le mieux. Ou s'arrangera de façon à passer

commodément letemps de la vie, en tirant le meilleur parti

possihle des moyens dont on dispose. A coup sur, cen'est pas là

une morale très élevée; telle qu'elle est, elle est supérieure la

morne indifférence dessceptiques

eu tout cas, elle est autre

chose.

Au point de vuelogique aussi, la doctrine de lu nouvelle

Académie est un juste milieu. U'accord avec tous lesphilosophes

(le son temps, elle rellousse le i(hijjniajisme_jdéaKsteJdlePlaton

et d'Aristote. |)'acconl avec les sceptiques, elle repousse le dog-matisme sensualiskyk's stoïciens. Mais tandis

que les sceptiques,

se jetanTS" roxtï'^tiitté opposée, s'en tiennent, aux seules appa-

rences, Carnéade et sesdisciples adoptent

uninoyc'nterméiTlo

a

probnbititi'. (le n'estpis la science, et ils en conviennent mais

ce n'est pas non plus las>in)pie^sus|)ension du .jugenwat. CVst

une sorte d'équivalent, uneapproximation

de la science à dé-

faut de lu science objective, c'estla^eience subjective/

II est permis de penser avec Maccolt qu'un luiuiiuc tel queCarnéade avait mûrement réfléchi sur ce

point. Rien ne serait

plusintéressant

pournous

enmde savoir comment

il justifiait

cette situation intermédiaire, et ce qu'il entendait exactement

Page 398: Les Sceptiques Grecs Brochard

•M& LIVRÉ IV. CHANTRE IV.

par probabilité. Mattioureusemi'itt, ta pénurie de nos renseigne-ments nous réduit 4 des conjectures.

Faut-ii croire, avec Maccoll, que cette sorte de seienee se ré-

duisait à une combinaison, à un système deconcepts,

tVune

connaissancepuremeHyimnelle, que l'œuvre

de l'esprit humain

devait «Stroseulement, selon Carnéude, du ctasser ses idées selon

le meilleur ordre possible, sans se préomipërlle savoir si elles

correspondent à une réalité? Ilest possible à la

rigueur cjue cette

-interprétation soit exacte t ellene serait alorsqu'un retour aux

vues de Socrate, dont la philosophie a été si justement appelée ht «

philosophie des conceptsToutefois, rien de ce

que nous con- *

«âjssôTîFne^usniîFëélte hypothèse. Autantqu'on

en peut juger

par les résumé assi'a étendus que Sctins nous a conservés des u

doctrines de Carnéade, cephilosophe se préoccupait moins des

concepts, et de l'ordre abstrait selonlequel ou peut les

dispo-

ser, que de l'accordentre TjltedeS-rëprésentatïôns ou sensations

actuelles, d'après lesquelles nous devonsrnofl3"gn1ïfëFdans la vie

ils'afjit par exemple de distinguer une corde d'unserpent, tut

Fantôme d'une réalité1. Le philosophe seplace à un point de

vue utilitaire et pratique ici, comme partout au temps de Car- !»

néade, la théorie «si subordonnée à lapratique. Ce qu'il y

a de

plus important dans les idtws, c'est la manière de s'en servir. (,

Ainsi interprétée, cettephilosophie est moins platonicienne, t

mais plus voisine du stoïcisme et de l'épicurisme elle est davan-

tage de sou temps.

Utvi conséquence trop peu remarquée de l'effort de Caméado

pour trouver un moyen terme entre le dogmatisme et le scepti-

cisme, c'est qu'il devait attacher plus d'importance à l'élude

dujsujet. Les sceptiques avaient Itni par ôlre surtout des dia- »

lecticiens les nouveaux académiciens sont aussi despsycho-

»

iogues. La théorie do l'association des idées à un point (teviTo |j

purement psvcholn^ique. l'étude attentive d<;s<;ts où unerepré-

sentaûon s'accorde avec jcs autres, exigeaient une réflexion sur u

soi-môtne, des analyses et des- observations, dont nous ne re-

trouvons les ;hi;iIi>|;ucn dans aucun autre système dephilosophie

t

il

Page 399: Les Sceptiques Grecs Brochard

WîmUÈHONfSMK BT M NONVËLLE KLVBÉMIE. ,19t

aitëfomie. C'est ta première fois peut-être qu'ondécouvre uu

essai d'analysetlo l'entendement.

(l'est probiSîêmëut par suite des ruôtiios éludes que Carnéade

et tes académiciens ont été amenés à examiner ta question du

libre arbitre, et a combattre le déterminisme stoïcien. Nous

avons malheureusement trop peu de renseignements sur ta ma-

nière dont tes nouveaux académiciens résolvaient cette ques-

tion, intéressante entre toutes. Il est à noter au moins que

lessceptiques

ne s'en préoccupent pas. Ils semblent admettre,

i! est vrai, avec presque tous leurs contemporains, que notre

assentiment, h une représentation f|uelconfjp dépend jejK>«9»

mais nulle part,dans tes trois grands ouvrages dé Sextus, la

question n'est discutée pour elle-même, comme elle l'a été ccr-

tainementpar

Gaméade.

En résumé, le pyrrlionismeet la nouvelle Académie ont une

grande ressemblance, puisque l'un et l'autre combattent te dog-

matisme, et, par la force des choses, sont souvent amenés «\

employer tes tm'me arguments. Mais tes deux éeoles mènent la

même campagne de deux manières différentes, et l'histoire ne

doit pas les confondre. Le pyrrlionisme aspire a ruiner toute

démonstration et toute dialectiquela nouvelle Académie vil de

démonstration et de dialectique. Le pyrrhonismeest ttne doc-

trine radicale c'est le pur phénoméiiismeen logique, c'est

l'abstentiuii et le renuiicement en morale. La nouvelle Académie

est une doctrine de juste milieu elle remplace la science par

une sorte d'équivalent;elle donne en morale des préceptes de

conduite, et assigne un but à la vie humaine. Enfin les nouveaux

académiciens sont des psychologues ils ont sinon l'idée, du

moins lepressentiment que

c'est pur une analyse de l'entende-

ment que doit commencer la philosophie.

Il est toujours dangereux de comparer les doctrines anciennes

aux modernes trop de raisons s'opposentà ce

quede telles as-

similationspuissent jamais

être entièrement exactes et elles ont

pour l'ordinaire plus d'inconvénients que d'avantages, Pourtant,

Page 400: Les Sceptiques Grecs Brochard

392 LIVRE IV. CHAPITRE IV.

si on voulait à toute forée faire «n rapprochement on pourraitdire

que le scepticisme, par sadisposition à tout dériver de

l'expérience parsu secrète connivence avec la sensualisme

épicurien, ressemble davantage au. phénoménisine uiaderne

/Enésidèwe et surtout SextusËrapiricus font, à certains égards,

penser à David Hume. Carnéade, par sa disposition à interroger¡

l'esprit lui-même, à réfléchir sur les données et les conditions

de fa connaissance humaine, offre plus d'analogie avec Kant.

Mais n'insistons pas sur cesrapprochements.

If est trop clair

que Uarnéade n*a ni le sériëu* moral, ni la haute élévation

d'esprit d'un Kanl ildiffère du philosophede

KoMjigsberj* bien

plus encore qu'il fui ressemble. /Rnésîdènie de son côté diffère

en bien des manières de David Hume sans parler même du t

système de métaphysique par lequel il semble avoir couronné •

sonscepticisme, sa fa<;ond'argumenter et sa dialectique abstraite

lierappellent

en rien les riflesanalyses du philosophe écossais.

Mais s'il est téméraire de faire un parallèle entre les hommes,

il n'en est pas tout à fait de même des doctrines. Parce qu'ellessont moins personnelles, et ne

dépendent pas, en ce qu'ellesont d'essentiel, du caractère particulier de leurs auteurs, et des

circonstances qui ont dirigé le cours de leurspensées,

elles ,i

peuvent avoir entre elles deplus notables ressemblances. Ainsi

on pourrait direque les théories d'Kiiésidèrae et de Sextus tout I

pressentir les doctrines modernes suivant lesquelles l'esprit ue

connaîtque

desphénomènes et leurs fois empiriques. Les nou-

veaux académiciens, cherchant un moyen terme entre te dog-

matisme, idéaliste ou sensuuliste, et lepur pyrrlmnisrae. ont

tenté uneentreprise analogie « celle (lite Kant a réalisée. En

dernière analyse, il y a entre h» p\ rriionisinc et la nouvelle Ani- |

demie n peu prèsla même différence qu'entre le positivisme

phénoméiiisli: de notre temps et le criticisme Kantien. t

il

Page 401: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION.

La célèbre formule, si souvent reflétée depuis RoyeivCollard

« Onne fait pas su scepticisme sapart dès qu'il a pénétré dans

l'entendement, il l'envahit tout entier», est peut-être le plus bel

élojje qu'on ait jamais fait du scepticisme. Il semblerait, à fa

prendre au piedde la lettre, que

tu raison soit désarmée eu

présence des raisonnements dessceptiques, qu*eilis soit vaincue

d'avance si elle accepta la lutte. Le mieux serait de fermer les

jeux et île se boucher les oreilles, comme on fait pour échapper•-

à d'irrésistibles séductions. Encore uu peu on ferait défense aux.

philosophes de s'occuper de ces questions, comme on défend

aux enfants de jouer avec le feu. H est inutile de remarquercombien une pareille crainte Pen la supposant fondée, serait

contraire à l'esprit philosophique;mais elle est ait moins l'oit

exagérée. Ni le scepticisme ne mérite cet honneur, ni la raison

cet excès d'indignité.

La formule de Koyer-Collard si elle est philosophiquementsans valeur, exprime cependant assez bien l'état de

beaucoup

d'esprits, d'ailleurs excellents» à l'égard de ceux qui s'aventurent

h discuter le scepticisme «ne ira et studio. Si art fait au scepti-

cisme sapart, ou même une part quelconque, tout aussitôt

on

est accuse de pactiser avec t'ennïmii. On est suspect, dès qu'on

parlemente avec lui la moindre concession prend aux yeux de

personnes trop effrayées, les proportions d'une trahison.

La crainte de paraître complice ne nous arrêtera pas [dus que

la peur d'être emmené en captivité. Sans vouloir nous laisser

envahir, sans consentir non plus à nous laisser enrôler parmiles

pyrrlioniens. en fort bonne compagnie, nous oserons examiner

Page 402: Les Sceptiques Grecs Brochard

m ctmcimum.

les thèses sceptiques en tonte liberté d'esprit, essayer d'en dé»

luMer lt> fort et li> faible, leur donner raisonquand

il nous

paraîtra qttt*ta raison est

pour elles, les condamner quand ilr

nous: sera prouvé qu'elles ont tort. Nous essaieronsd'accomplir j

culte tâche sanspassion,

carquoi

de plus inutile? sans faiblesse I

lion plus,et sans complaisance pour les doctrines que nous

avonslongtemps

étudiées, car quoi *fe plus ridîeuk*, au temps

où nous sommes, qu'une apologie (lu scepticisme ? Si, comme

il est à .craindre, nous ne réussissons pas, ta (lillicnlté de t'en-

treprisesera notre excuse. Si nous n'échouons

pas complètement

c'est que, vu de près* lo monstre est moins redoutable quil.no1

paraît:on

s'apercevra qu'il n'était pas besoin d'un Œdipe pour

résoudre les questions de ne s|)liinx. Nous ejilrous dans unt|

tiéyrinthe, mais il n'y a pas de Minotiuiie.

I. Considérée dans son ensemule et dégagée de la multitude

infinie ttes détails dans lesquels elle s'est trop souvent complue

et égarée, l'arjjMMientatton sceptique peutse ramener à trois

chefs principaux i" Elle récuse ta connaissance directe on in-

tuitive (le la réalité. L'intuition sensible (personne ne parlant t,

plusde t'intuition intellectuelle il l'époque oti te scepticisme

s'est

constitué) est jujjée par elle radicalement impuissante.

a" Klle récuse lit emunnssatiee indirecte de la réalité, soit parb

le raisonnementproprement

dit. soit par le principede cau-

satité. S'atlaeliant, non plusà

l'expérience vulgaire, mais à la

science tulle quela définissent les philosophes,

elle s'efforce de

démontrer que cettescience est impossible.

.")" Enfin, se plaçantà fin point de vue encore plus général,

envisageant non plus l'expérience ou la science, mais l'idée

même île la vérité telle que tout le monde la conçoit, elle veut v

montrer quecette idée n'a pas d'objet. Par définition, la vérité <•

serait cequi s'impose

ill'esprit:

or rien, ni en l'ait, ai en droit,;l

nes'impose

ill'esprit.

Malgré leurs hnbiludt>s d'ordre i«tde précision,les sceptiques

Il

I

Page 403: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION. 305

n'ont pas totijaitm distingué tesphases do leur arfjtimentatiurt

aussi nettementque

nous le faisons ici; Sistus W mêle con-

stamment. Mais, historiquement, ces trois thèses se sont déve-

loppées «tans l'ordre mémo que nous indiquons. Les (lit tropes,réunis par /Knésidôme, connus avant lui, et tes arguments

[dus subtils do (amende condamnentl'expérience c'est une

analyse psychotonique. Puis jfênésidènio démontre dialeetique-inent l'impossibilité de ta science. Enfin tes cinq trapes (t'Agrippaservent à établir lo{ji(|iiemei)t qu'aucune vérité ne nous est ac-

cessible.

Ainsi enchaînés, ces trois arguments forment certainement la

réquisitoire le [dus redoutable qu'on ait jamais dirigé contre ta

raison humaine. Qtielb est ta valeur de chacun d'eux?

Sur tepremier point, pour établir qtte nous n'tti teignons pas

directement la réalité, la jmmïplt! raison des sceptiques, celte

dont ils ont tant abnsû, est le trope du désacconl, la célèbre ]

preuve tiréadcliicontrndictiondesopinioiislminuineb". Ce médiocre

lieu commun inmmit |>as eu «ne si brillante fortune, si souvent

ses adversaires ne l'avaient fortilié par leur manière de I« com-

battre.Presque toujours ils' perdent leur temps ù discuter pied

à pied la question de fait, àpuilier

les cuntradictioim,à ctiercher

un accord entre des opinions opposées c'est courir ù un échec

certain. Il fautpasser

cundainnittioii sur faquestion

de fait.

d'est dans le raisonnement ([tic tescepticisme montre toute sa

faiblesse. H est clair, en oli'cf que du désaccord des opinionset des systèmes on ne pourra conclure li*ititiienient à

l'impos-

sibilité, pour l'esprit humain, d'atteindre lu véritéqu'à une

con-

dition, c'est clue ce désaccord ne puisse sVvpliquer que s'il n'y

a pas de vérité ou si elle nous est inaccessible. Oâ-,on peutl'ex-

pliquer autrement, fl peut venir et il rient, en eltel, non do ce

que tous les hommes nepeuvent connaître la vérité mais du ce

qu'ils ta cherchent mal; il a pour origine mi défaut de méthode.

Objecle-t-on qu'il n'est pas vraisemblable que. pendant tant de

siècles, l'esprit humain, avide du vérité, ait l'ait iaussse route.

Page 404: Les Sceptiques Grecs Brochard

ma conclusion.

s'il était capable de trouver te bon chemin? C'est d'abord

changer de thèse, car, puisqu'on raisonne, ce 'n'est pas de vrai-

semblancequ'il s'agit. Mais surtout, que

ce suif vraisemblable

ou non, il est possible qu'après de» longues recherches, l'esprit

humain n'aitpas

roncoiitré lu vraie méthode; il est possible qu'il

la rencontre pins t«rd. S'il y avait encore, de nos jour», des

sceptiques,l'avènemetit de lu méthode expérimental» et les

progrèsdes sciences leur fermeraient définitivement la houcitc.

Il est trop clair qu'un long égarement ne prouve rien contre la

possibilité de trouver le «-hemin le désaccord passé ou présent

t»e prouve rien contre l'aceurd possible dans l'avenir; et. en fait,

nous votons que cet accord se réalise peu il peu dans les

sciences. Enfin, une analyse psychologiquetrès

simplemous

montre que les croyances des hommes, mè*me les pltrs savants et

les plus grands, dépendent. (Kitir une notable part,île leurs

sentiments et de leurs passions. Dès lors, comment imputerù

l'infirmité d» leur intel!i}j«iice cequi peut être te fait de leurs-

passit»ns, essentiellement jKissayères et changeantes*

Pris un lui-même. l'argumeHl Vérité eu deçà de» Pyrénées,

erreur mt delà, est donc sans valeur, il séduit bien des jjens par

sa simplicitéet par les développements interminables qu'il coin-

porteau fond, il n'est bon qu'à amuser les badauds. Convenons

toutefoisque

la rélnlatitiitqui;

nous venonsd'c<>qui$ser implique

l'abandon de la thèse de l'intuition directe. Il deviendrait fort

dimeiie d'expliquerles eonlradiiliojis humaines, si on se repré-

sentait l'esprit humain comme un miroir qui reflète les choses.

Les sceptiques étaient donc après tout dans leur droit en invo-

quanti-i-targument contre les partisans de l'intuition.

C'est surtout par les neuf autres tropes qu'ilsont montré le

caractère relatif de la cunuaissatu-e sensible. Ici. il est impossible

de contesterqu'ils

aient raison. DepuisP.irménide et Démocrite

jusqu'à Descartes et Kant, c'est un lieu commun, parmi lesphi-

losophes, (pie les sens ne nous font pas connaître la réalité telle

qu'elle est. Il y a bien peu de personnes aujourd'hui (pli ne

considèrent tes sensations comme «les si<jm« correspondant,il

Page 405: Les Sceptiques Grecs Brochard

tt()N(~1,USION. ?7

t·. t. gr

ni frai, « certaines réalité?, maisressemblant aussi peu h

ices

réalités que tes mots ;iu\ choses qu'ils dikijment. Reid liii-

fuéiue l'admettait. On peut doue considérer eu point comme

acquis.

Il «si vrai, car it faut se garder d'exagérer le mérite tles scep-

tiques, quela

psychologie moderne se refuse à admettre que les

sens nous trompent. Confirmant cequ'Ai'isfoti; et fêpieure avaient

déjà dit, elle h établi que, prises en elles-ineîmi's et tlé|jaj;ées de

tout ce «|»e t'usant y itj<tate les mterpr<!ter. {psttttttn~'sdes sons ne sont

jamaisfausses. Mais elles ne sont

psvraies

trait |)l(ist; fur ([atïlla .sipulicafion c« ittot |iofarait-il avoir Aèa

t'iiislaut <nùm reuuncc il considérer les sensations contint' des

eojiiesfiitèks div lu n'alité ? fia vérité, contint! Furreur, réside •

uniquement dans les cviubititiisons, dnns tessynthèse!* formées

de plusieurs sensations. (l'est ce que ti;s .sceptiques n'ont |iascompris.

Leursanalyses,

sauf celle de Carnwule,qui

s'estap-

proché bien prèsde la vérité, sont ituromplèles et superlicielles.

Mais, pour les jiujer équitablcinent it faut se souvenir de la

thèse <pi"ils voulaient combattre. Que emyaît le sens commun,

et avec tut la plupart (les philosophes? Que les sens, soit toujours,

soit oh certains cas. nousreprésentent exactement fes- choses

tellesqu'elles sont.

(ï'était lit tlièsiMies stoïciens. Les

sceptiquesétaient certainement dans le vrai en leur prouvant

qu'ils se trompaient.

H y a bien des sophisme* parmiles arguments que

les scep-

tiques uni dirigés roiitre le raisonnetnenl ou ta théorie de ta

preuve mais il faut i<-i néjjlijjer les détails pour ne voir que

l'essentiel. Or. le raisonnement pris en lui-même, ikmis permet-

il d'otteindre la réalité? Le propre du est d'établir

a prion un lien de nécessité absolue entre les tenues qu'il unit, t

et cette nécessité se ramène ù l'identité comuie nous disons au-

jourd'hui, h- raisonnement est essentiellement analytique. Kn

d'autres termes, la conclusion ne faisantqui; répéter

cequi

est

déjà contenu dans les prémisses le raisonnement ne nous ap-

Page 406: Les Sceptiques Grecs Brochard

39» CONCLUSION.

prendrien par fui-itiène. Il est inutile d'insister sur ce

point,

«•eut fois mis «n lumière,

Strii'teuwnl parlant. si l'on veut rester fidèle au principe

d'identité, le ntisouiieiuent est impossible, ll'itne chose ou d'un

terme on ne peuttirer

cjuecette chose ou ce tenue. Dès fors, il

faut choisir ou renoncer à l'application rigoureuse du principe

d'identité,par conséquent

au raisonnement, car un affirment

entre tes choses dos rapportsconstatés rationnellement ou einpt-

rifjuement, tuais non démontrés; la vérité sera dans les pré-

misses, non dans le raisonnement ou s'en tenir strictement a»

principe d'identité, et alors l'esprit est enfermé dans chaquu

définition. il est prisonnier de ses idées; tous les éléments de la

«' pensée sont isolés les uns des autres, reTractuires à toute combi-

naison, matériaux inutiles d'une sciencequi

ne se fera jamais.

A vrai dire, cet»rguiiK>tit n'appartient pas

ci*propre

aux

sceptiques.Les éléates, les sophistes, IcsiHégariijues s'en étaient

servis avant eux: mais l'ancienneté d'unargument

note rien à

sa valeur. Platon lui-même en avait été vivementfrappé;

c'est

probablement pour résoudre- cette itilliiufté (ju'ilécrivit le Par-

ménide et le Sophiste. Il avait bien vu tEtte proclamerla valeur

absolue et satis réserves du principe d'identité, c'est rendre la

science impossible; aussi admettait-il fa pmiicipalion(tes idées,

c'est-à-dire t'uniim, constatée comme une toi primordialeet irré-

ductible, mais non ilédititeni jiistidéeanalytHiueinent,ou

de choses différentes les unes (ha autres, identifiées néanmoins

sous certains rapports. Mais quoi! déclarer que des choses diffé-

rentes, le sujet et l'attribut d'un jujjement.pur evemple, ne tant

«|u'u!i;fju'iiHecliost;estlaiiiâHie(|u'uneimtre;(jueeette chose n'est

pas ce (|u*ellc est, puisqu'elle eu est en mônu.' tempstitie autre,

n'est-ce l'as fouler aux pieds la loi suprême de la pensée?Platon

eut pleine conscience du scandale lo|jirpii! ampiel il était conduit;

avec la décision des grands esprits, il en pritson

partiet. par

la formule dont il se servit, il eut soin de souligner, de mettre

en lumière la hardiesse de sa doctrine. «Il faut, pournous

défendre, soumettre a l'épreuve la parole de notre père l'armé-

Page 407: Les Sceptiques Grecs Brochard

conclusion. m

nide; et prouver qui»l« non^tre «st sVijuelquofr égards et ijiw, do

son côté, sons certain» rapports, faire «"est jmsît!.»

En iitdnie temps qu'il résolvait à sa manière lu difficulté,

Platon faisait droit ii l'objection. Lis sceptiques oublièrenton ne

comprirent pasI»

réponse;ils retinrent l'objection. Ils étaient

dans leur droit, ait point d» vue (Je la dialectique, vis-à-vis d'ad-

versaires qui n'admettaient pas, eux non plus,la solution plato-

nicienne. Il faut convenir avec eux(tue

le raisonnement pur, (u

déduction toute seule, ne suffisent pasà fonder la science:. Il faut

d'autres principes qui; le principe d'identité, des principes syn-

thétiques, comme l'a montré kaiit» c'est-à-dire des données

premières, qu'on accepte sans les faire dériver d'un principe

supérieur,sans les déduire. Les sceptiques

n'eussent peut-être

pas accordé qu'il existe de tels principes, mais ils ont bien vu

l'insuffisance du principe d'identité et ils auraient pu invoquer

en leur faveur le témoignage de Platon.

Au défaut de la démonstration, la science atteint-elle la vé-

rité parla recherche et la découverte des causes ? De nos jours

on confond souvent celte manière de procéder avec la précé-

dente nous voyons à chaque instant donner le nom de dé-

inonstratioit a des raisonnements où le principe de causalité joue

leprincipal

rote. Lessceptiques

les distinguaient et ils avaient

raison. Le raisonnementproprement

dit ne pose que des iden-

tités à chacun (les degrés qu'il parcourt, nous savons, nous

comprenons quetes termes

quise subtituent tes uns aux autres

sont identiques ou équivalents. Mais, quand on parle de cause

et d'effet, le lien qui unit tes termes est fort différent; la cause

ne saurait éire conçue comme identique à l'effel. Entre deux

choses posées et maintenues comme distinctes, on allirmc une

relation sui jpneris; on conçoit dans ta première une force, une

énergie quisuscite et amène à l'existence la seconde. Par suite,

CiS-iphisl., ait, D. Tôk toû ««{M* KapfievWoi» 't.ùynv ivvyHtfa» ii(ii»

cr'(iw(/f<cV</is ialu {kawifap xii Çiiietfat v) xc («il «Suùt Mt tutti ti *«•' tô

iv ai sraiii» iis «tix év'n m.

Page 408: Les Sceptiques Grecs Brochard

MO CONCLUSION.

«ta*. twittt rtr^vtùl •»( i»i **i-t itnn itftiicn tiPAfflttf lin- fHIitf finun petit constater qa une

cause produit un ellef on ne saurait

prévoirl'elll't dans la cause; ou ne peut

l'on déduire. Cependant,

comme celte action transitive de la cause estreprésentée

euinme

nécessaire il arrive fréquemment qu'on ta confondu avec la re-

lation d'identité, nécessaire, etl« aussi, quoique«l'une manier»

fort différente. On raisonne sur la cause pour eu déduire les

effets, comme sur une définition pouren déduire les consé-

quences; unne

(~rend pas jjarde que,si ces effets n'étaient

«Minus (Finance par d'autres moyens, en ne saurait les prévoir;

par suite, que la déduction ttest qu'apparente. Humele

pre-

mier, Kant surtout. parla célèbre distinction des jugements

aiiitlvliijdL'Set des jinjeiucnts synttiéliques.

nous uni mis en

garde oinfre ire défaut. Les gi-ands philosopltes n'ysont d'ailleurs

pastouiJws. |>ans la physique de Descartes, dans celle de Male-

bntttchcf, <l;«is toute la ftittks'opfiiu (le Spinoza,ta notion (le

cause (rau-sitive ne joue aucun rote.

Les sceptiques, quifaisaient fort bien celle distinction, con-

sacraiettt, ou l'a vu, à ht causalité toute mie série d'arguments

particuliers. D'alwrd rc.vrsk'nce des causes foliosque

les entend

naïvenit'iil le vulgaire,la réalité hors de nous de choses qui.

sans rapport ni avec d'autres choses ni avec l'esprit, seraient d<*s

causes, est manifestement impossible.Une chose ne saurait être

par elfe-jiit'me une cause elle ne devient telle que si elle a un

effet, tën d'autres termes, la causalité est un rappwf.ot non une

chose en soi elle fait partie deschoses relatives t'JSp mpis tt.

Aucune contestation sérieuse n'est possible sur ce point.

Mais, s'il en est ainsi. la causalité ne peutrien nous n\t-

prendre sur la nature des choses. L'ambition de la science serait

d'cxplique-rles effets par tes causes; mais voilà que nous ne

pouvons connaître les causes que ([uandles ell'els nous sont

connus, car un rapportne se conçoit pas sans les Im-nies qu'il

unit. C'estparce que

l'ellet est donné que nous .saisissons la

cause; il ne faut donc pas dire que nous allons des causes aux

l! Traite de lu mil. hum., lit, • p.10S. iraJ. Heooinier et l'illou. Ibris.

187S.

Page 409: Les Sceptiques Grecs Brochard

l.4F t! i.afa lt i3 ~t\a roi 1

tint il ntlfiinpik. rfcfti>ftiWfc*f.îf n*% Àf«w*- niiliiainhnt à

»(>(i

1 1.1

offieis. Comment, «J'oilbsirr», pourrait-il en Ôtro autrement, s'ilest vrai que l'effet soit différent de la cause? D'une chose, l'ana-

lysene saurait tirer autre cliose

qu'eHe-mâmB,Il no resterait

qu'à concevoir expressément dans la cause ce qu'il s'agit d'ex-

pliquer:nui» il est clair qu'alors on n'expliquerait rien. C'est

«près coup, quand l'expérience nous a appris à connaître l'effet,

que, par une sorte de retour, nous nous avisons de le retrouver

dans la cause; nous Cuisons comme ces prophètes qui prédisent

l'avenir après qu'il est arrivé, liéduits it nous-mêmes et avec

l'aide du seul principedu causalité nous ne saurions a priori (et

sans cela ii n'y « pas de science) trouver aucuneexplication.

Anrisque*

d'étonner nos lecteurs, nous avouons nepas

voir

ce qu'on pourrait opposer cette argumentation. La llièse tT/Ené-

sùlème a été reprise etdéveloppée

avec une précision supérieure

par D. Hume; on n'a jamais, ilue nous sachions, répondu rien

de sérieux à eetlo pagedw philosopheécossais W «Je hasarderai

ici une proposition que je crois générale et sans exceptionc'est

qu'il n'y y pusun seul cas

assignableoù la connaissance du

rapport <|iii est entre tu cause et l'effet puisse être obtenue a

priori; mais qu'au contraire cette connaissance estuniquement

due à l'expérience, qui nous montre certains objets dans une

connexion constante. Présente:: an plus fort raisonneur (lui soit

sorti «les mains de ta nature, à l'homme qu'elle a doué de la plus

haute capacité,un

objet qui lui soit entièrement nouveau-, laissez-

le examiner scrupuleusement sesqualités sensibles; je le délie,

après cet examen, depouvoir mdiqner «ne seule de ses cattses

ou un seul de ses cflets. Les facultés rationnelles d'Adam non-

vellement créé, en lessupposant

d'une entière perfectiondès le

premiercommencement des choses, ne le mettaient pas en état

de conclure de la fluidité et de la transparence de l'eau que cet

élémentpourrait

lesuffoquer,

ni de la lumière et de la chaleur

dn feu, qu'il serait capable de le réduire en cendres. [I n'y aa

point d'objet qui manifeste parses qualités sensibles les causes

Estais plntosvphiijMS II" l'ssai, p. hn, liad. [Wiioiivicr et l'illon, Paris,

1878.

ili

Page 410: Les Sceptiques Grecs Brochard

kti'i CONCLUSION.

(|tà font produit, ni tes effets qu'il produira ù son (ouï-, et nuire

raison, dénuée du secours th< f«ï|)«rî«in;ctnc Jiruro jamais ta

moindre induction qui concerne les faits et les; réalités.

•«telle proposition Que ce n'est pas la misait, mais ^expérience,

qui mus instruit des cames et es effets, est admise sans difficulté

toutes les fois que nous nous souvenons dutemps où les objets

dont il s'agit nous étaient entièrement inconnus, puisque alors

nous. nous rappelons l'incapacité totale où nous étions de pré-

dire, à leur première vue. les effets qui en devaient résulter.

Montrez deux pièces tic marbre polià un homme (lui ail autant

de boit sens et de raison qu'on enpeut avoir, mais

qui n'ait au-

cune teinture de philosophie naturelle; il ne découvrira jamais

qu'elles s'attacheront l'une à l'autre avec une force quine

per-

mettra pas de les séparer en ligne directe sans faire de très

grands efforts, pendant qu'elles ne résisteront que légèrement

aux pressions latérales. Ou attribue aussi sanspeine

ù l'expé-

rience la découverte de ces événements qui ont peu d'analogie

avec le cours connu de la nature personne ne s'imagine que

l'explosion de la poudre » canot) ou l'attraction de l'aimant

eussent puêtre

prévues en raisonnant apriori. H en est de

mènelorsque

les effetsdépendent

d'un mécanisme fort com-

pliqué ou d'une structure cachée: en ce cas encore on revient h

l'expérience. Qui se vantera depouvoir expliquer par

des raisons

tirées des premiers principes pourquoi le lait et lepain

sont des

nourritures propres pour l'homme et n'en sontpas pour

le lion

ou pour le tigre?»

Qtt'on veuille bien teremarquer ce passage

de Hume n'est

pas nécessairement lié à la théorie du mêmephilosophe

suivant

laquelle l'idée de causalité transitive serait sans objet, parce

qu'elle ne correspond à aucune impression sensible. Admet-tons. si l'on veut, la théorie de Maine de liiran déclarons

que l'idée de cause nous estsuggérée par

ta conscience de Pef-

fort, que le moi se connaît lui-même comme cause active. Mais

une fois en possession do cette notion, quel besoin avons-nous

<fi*la transporter hors de nous ? Quelle nécessité lirais contraint

Page 411: Les Sceptiques Grecs Brochard

«ONCMiSm». 40»

>(>.

à concevoir sous Ions Inx phénomène!) «•sté'rimirii, des énergies,

des forces analogues à ci»ll**«[ne nuits avons connue en nous-

montes? Si nous le faisolls (et peut-cire avons-nous le droit de

le faire), ait moins faut-il reconnaître que nous n'y sommes pas

forcés c'est une hypothèse qui nous est commode, c'est une

explication quenous nous offrons à nous-mé*me«* mais qui ne

s'impose pas. La preuve qu'elle ne s'impose pas, c'est queta

science moderne a dû l'éliminer ses progrès (latent du jour où

la cause étant définie l'antécédent invariable d'un phénomène,

on a exclu de la cause la notion de causalité transitive, c'est-à-

dire vidé l'idée de son contenu et gardé le mot en changeantla

chose. Enfin, fut-il avéré qu'il ya hors de nous des causes ana-

logues au moi, toujours est-ilque

ce n'est certainement pas la

connaissance directe de ces causes qui nous permet de prévoir

leurs effets. Nous ne connaissons ces oifiets que par l'expérience

c'est après que nous les rattachons à des causes.

Kant, convaincu plus que personnede la sotidité de l'analyse

de Hume, a bien essayé de ressaisit le principe de causalité.

On sait comment ce philosophe, après avoir reconnu queco

principe est synthétique, soutient qu'ilest en même temps

a

priori; il en fait une loi de la pensée, une condition nécessaire

que l'esprit impose aux phénomènes,sans laquelle les phéno-

mènes n'auraient. pour ainsi dire, aucun accès même dans l'ex-

périence.telle théorie est déjà bien éloignée de celle que

combattent les sceptiques, puisque Kant renonce expressément

à l'idée de causalité transitive, puisquela toi de causalité s'ap-

plique, suivant lui, exclusivement à desphénomènes,

et non

aux choses en soi. Telle qu'elle est, elle se heurte pourtant encore

à une difficulté insurmontable. Si la toi de causalité est imposée

a priori par l'espritaux

phénomènes,il reste à rendre compte

du détail de l'applicationde cette loi aux phénomènes,

lin phé-

nomène étant donné, illaut qu'ilait une cause, c'est-à-dire un

antécédent invariable quellecause ? quel antécédent ? Voilà ce

qu'aucun principe ne nous permettra jamais de savoir « priori.

Que et- soit tel phénomène ou tel autre, les exigences do la

Page 412: Les Sceptiques Grecs Brochard

m conclusion.

pensét* seront également satisfaites,(!W

par l'observation, l'hy-

pothèse, l'expérimentation, qu'un peut déterminer fa omise

réelle. Comme instrument de connaissance, te principe, de I»

causalité est sans utilité et il est souvent dangereux. ii nousarrive

souvent del'appliquer

a tort et à travers, comme dans le so-

phisme si fréquentPost hoc, eego proptvr hue. Le grand définit

tle la théorie (le Kant, c'est(ju'elle

se prête mal ti l'explication

des erreurs. Induit à lui-même le principe de causalité n'a

jamais permis de distingue»' une vhi\è d'une erreur. C'est un

pvilton f|(iirauvre

trop souvent d<>la conti-ebando de science.

ti'est Kous-iuèmes; comme l'a fort lm«a moiitivHume, (jui

introduisons la nécessité dans les connexions empiriques, c|tii

scults nous sont données. Tantôt à la suite d'une observation

uih(|(k> et sommaire, lirais alors nous avons mille chances de

noua tromper: tantôt. ;hi contraire, à la suite d'observations

minutieuses. dVj>reuves et deeontre-fyreuves

nous déclarons

i|n'nne succession de faits est permanente et universelle; nous

érigeons le fait en loi, nous lui conférons la dijjnite' d'un prin-

cipe, nous le revêtons de laxpecies (etevittUttis. Je ne dis |ias que

nous ayons tort de le faire, mais c'est il nosrisques

et périls que

amis hasardons ce coup d'autorité. Aucune nécessité ne nous y

contraint, du moins aucune nécessité lo{[i<jtie; car, pour la néces-

siti»pratiipie,

c'est autre chose. Ilimporte peu, «railleurs, pour

la question qui nousoccupe, que

l'idée de cette connexion néces-

saire nous ait été suggérée comme le veut Hume par l'habitude

et l'association des idées, ou qu'elle soit, suivant la théorie df

Kant. une loia priori

de l'esprit. Toujours est-ilque l'application

de celle forme à une matière renferme qaoltjiie chose d'hypo-

thétique et nous fait courirquelque risque. La loi de causalité,

sinon dans sa formule abstraite, au moins dnns ses applications,ne peut atteindre que lt prohabilité, comme le disait Hume

'Ile justifie la croyance, non la certitude. Les sceptiques l'avaient

liiou dit.

Hresteraità examiner si leprimijje tle causalité, manifes-

ii'fwnl impuissant comme instrument de connaissance, n'est

Page 413: Les Sceptiques Grecs Brochard

nosrcLUsïos. 405

pas indispensablecomme garantit! de lit si'iottœ.

Supposezun

instant qu'ilnu soit pas fondamentalement certain, et rien ne

nous assure que lus phénomènes seront demain ce qu'ilssont

aujourd'hui l'eMiliee do fil science s'écroule comnio tes pierres

d'un mur sans ciment. Imaginez qu'ilne soit pas la toi intime et

esseiilietle îles choses et do ta pensée comment comprendre

que les mêmes successions de phénomènes se reproduisentinva-

riablement et qu'il y ait de véritables luis? L'existence des. lois-

est urt fait qui doit être expliqué. Si c'est l'expérience «fuidé-

couvre les lois et fait enquelque

sorte le gros œuvre de la

science, le principe de causalité, pourrait-on dire, l'achève et

lui donne lu consécration suprême. C'usl peut-êtreun tort do

faire honneur de l'œuvre entière il cet ouvrier de la dernière

heure i mais,sans lui, elle ne serait pas complète.

A vrai dire, nous ne croyons pas que ce soit parler correcte-

ment (pie d'appeler le principe de causalité la garantie de la

science. Est-ce le principe qui ([araiitilla science, ou la science

qui garantit le principe?Nous inclinons, pour notre part, vers

cette dernièreopinion.

A parler strictement, on n'a le droit

d'affirmer le principe que dans la mesure où l'expérience le con.

firme il y aquelque

témérité il l'étendre au delà et il lui

donner une portée absolue. Mais, en tout cas, reste vrai que

croire à la science, c'est croire à une loi permanentc des choses,

à un ordre invariable, en d'autres termes, au principetle causa-

lité. Lacertitude de la science et la foi de causalité ne sont pas

deux choses dont l'une (lérive de c'est la mène chose

sous deux «oins. C'estprécisément

ainsi queKant

posete pro-

blème. La certitude de la science étant admise et élevée au-

dessus de toute contestation, il se demande comment elle est

possible, et l'analyse des opérations qu'elle suppose ramène à la

découverte des loisprimordiales

de la pensée, qui sont en réalité

celles des choses, des seules chosesque

nous puissions connaître.

Par là, la métaphysique redevient possible: mais, au lieu de se

trouver à l'orifjiuo des sciences, elle su trouve à la fin. Du moins,

si les premiers principes sont pour quelque chose dans la science.

Page 414: Les Sceptiques Grecs Brochard

ftOtt CONCLUSION.

.est à la manière dont les racines d'oui arbre travaillent à en

nourrir le feuillage et les branches on ne voit bien leur rôle

que quand leur tâché estaccomplie. L'esprit humain fait d'abord

la seiunee.sans se préoccuper de savoir comment it ta fait: c'est

ù son œuvre quese connaît co merveilleux artisan.

Cette fois, nous avons bien décidément échappé au scepti-

cisme: c'est par une manœuvre des plus hardies, par «ne inter-

version des rôles ([esplus singulières. Au lieu de s'attarder à

chercher, ainsi qu'il settiMe naturel, sur quels principes doit

reposerla science. l'esprit humain court au plus pressé

il mon-

trera ses tih'es plus tard. quandil les aura conquis: il fait la

science et, son œuvre achevée, ou tout au moins suffisamnicnl

avancée il revient sur sespas

et réiWchit sur ses actes. Au lieu

de se demander comment la science est possîMe avant de l'avoir

faite, it se pose cette question après qu'elle est faite, il prouve

la vérité en la trouvant, 11 pusse outre aux objectionsdes scep-

tiques et, la certitude obtenue, devenue universelle, irréfragable

it montre triomphalement son œuvre et s'en sert, comme d'un

deyré, pour monter plushaut.

Toutefois, ù cluelle condition cette victoire a-t-elie été obtenue? 1

A condition do renoncer à spéculer sur les choses en soi et de

s'en tenir à l'étude des phénomènes et de leur succession. €'est

précisément ce que recommandaient tes sceptiques, Ils ont eu le

mérite de comprendre ce que devait être la véritable méthode

leur tort a été de ne pas savoir ou de ne pas pouvoir l'appliquer

assez longtemps. Oh l'a vuplus IkuiI ils auraient cessé d'être

sceptiques,s'ils avaient poussé plus avant dans ia voie où ils

étaient entré. Ils succombent donc avec honneur, et il reste

vraique,

contre le dogmatismetel

qu'onl'entendait de leur

temps,tel que l'entend peut-être

encore plus d'un philosophe.

ils avaient raison.

H nous reste à examiner la troisième argumentation des scep-

tiques, celle qui déclare impossible toute certitude, inaccessible n

toute vérité, de quelque manière qu'on entende la certitude et

i

Page 415: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION. k97

h vente, Ici encore, il importe do bien marquer fepoint

de vue

auquelse

placentles

sceptiques et le terrainqui leur estcommun

avec leurs adversaire». Pour les uns comme [mur tt'satitrus, la

vérité est cequi s'impose

à l'adhésion, cequ'il ust impossible»

de contester, coqui

force lacroyance. S'ils lie s'expriment pas

précisément en ces tonnes, il est aisé do voirque celle concep-

tion domine toutes iiiiirs discussions. Pourquoi auraient-ils

insiste, puisque tout le mondecomprenait

la vérité de la mène

manière? De luj&joiirs encore r combien n'y a-t-il pas de ptiito-

soplu-s (lui partagent, expressémenton non, cette manière de

voir?

La thèse des sceptiques est celle-ei. Knsupposant ihio la dé-

monstrationapporte

avec elle cette iiuVesstté sans Impclio il n'y

a pas de vérité et c'est un poînl «jue, d'ailfeuF», ilstimtestent),

lesprincipes sur lesquels repose toute démonstration n'ont pas

ce caractère de et, par conséquent, il fait défaut à la

démonstration tout entière. En eUet.déinontre-t-ort tes axiomes?

C'est un progrès à Pinlint. à moins <j«e ce ne soit u» itiallMe.

Xe les tiéinontre-t-oH pas!1 Ce sont tic simples liypotltèiii^, ijii'ouest libre de

rejeter ou d'admettre. D'ailleurs la contradiction

tics opinions humaines montre qu'on n'est pas d'accord sur ces

hypothèses. On ne contraint pas, on ne peut contraindre l'adhé-

sion de personne voilà ce(pie les chkj tropes (t'Agrippa établis-

sont clairement.

Cette fois encore, au risque d'être nous-nièiu1 accusé de

paradoxe, nous n'hésitons pasà dire epic nous ne voyons rien à

opposer à rarguinentatian sceptique. Qu'ont répondu les Journa-

tistes de tous les temps? Qu'il y a despropositions

si claires, si

évidentes, qu'elles s'imposent «l'elles-mè'mesa l'esprit sans dé-

monstration qu'elles forcent l'adhésion. f,essceptique; ont prévu

la réponse ce sont cespropositions

très claires, mais non dé-

montrées, qu'ils appellent des hypothèses.– Des hypothèses!

se récrient les«logmalistes. Appeler hypothèses des propositions

(elles que celles-ci deux et deux font quatre le tout est 1)lus

grand que tapartie!

– En tenant ce langage, riposte tescep-

Page 416: Les Sceptiques Grecs Brochard

40$ CONCLUSION.

tiqtiOvjo veux simplement dire que ces propositions ne s'imposent

pasà ma

croyance avec une absolut1 nécessité, et je le prouve,

non en disant ({«'elles son! fausses, mais ei» ne letu' donnant

pasmon assentiment. l^est après tout, une reproduction de

l'argument trop vante de Diogène prouvantle mouvement en

marchant. – Vous n'êtes pas de bonne lot ((ira le dogïnatiste.Vos lèvres seules refusent ait assentiment <|tie, dans votre for

intérieur, votreesprit

lie peut s'euipéVlier d'accorder, – VoiliV

l'uluma ratio on arrive vite, dans Eus discussions de ce genre,

aux personnalités blessantes.

Hais, d'abord,- (lui ne voit le danger de cette méthode?

Nul n'a le droit de s'ériger en juge de la bonne foi des autres.

Historiquement combien n'y a-t-if pas depliiiosoplics

au-dessus

du sottpçott qui ont tenu pour douteuses desproposition» <|tie

la bonne foi d'autres philosophes leur interdisait (le mettre on

suspicion; Quand Descartes faisait l'hypothèse du malin génie,

ne révoquait-il paseu doute des propositions analogues à celles

«jue nous venons de prendre pour exemples ? Ce ijim Descarlcs

u fait, sans trop y croire, il est vrai, ethyporbolùpiieuneiit,

cumule if le dit, d'autres philosophes ne peuvent-ils le faire clans

toute la sincérité de leur cœur? |

Mais laissons ces considérations et examinons l'argument en J

lui-m<?me. Les mots dont il est réduit a se servir en désespoir [

de cause, cette expression de bonnefoi, ne devraient-ils pas<

avertir le dogtnalisle (pi'il déplace laquestion

et donne, sans

s'en douter, gain de cause à sw\ adversaire ?Qu'entend-oii par

bonne foi, sinon un acte moral où le scnliinent entre pour

•juelc pie chose et la volonté pour beaucoup ? Le mol 60» le mot

foi 11e sont [tas du langage de l'intelligence ta raison pure n'a

rien à voir avec la bonté, mais avec ta vérité; elle n'a pas de

foi, mais prétend à la certitude. C'est la raison pratique qu'on

invoque pour vaincre les liésilations de la raison pure c'est le •

ecimr et la volonté <[u'on appelle son aide. On fait bien assii- s

muent on ne peut ni ne doit faire autrement. Mais en ne réfute '<

pas tessceptiques, qui prétendent que la raison pure ne suilit à

Page 417: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION. WJ

rien. Il no faut pas, ijtmiul on nous a accordé un axiome, faire

comme si nous l'avions arraché: quand nous avonst'uttuppel

à la

bomievoltmté.ttnefautpasatitiliiter tant l'honneur de la victoire Z

à la nécessité. On ne saurait trop admirer la naïveté do certains-

doginatistes (|tti croient avoir vaincu le scepticisme ait momentmôme où ils lui accordent tout ce

qu'il demande et chaulent vie-

loiro art moment même où ils sont ses prisonniers. IMions-nous

d'ajouter queles grands dogmatistes n'ont pas commis une faute Z

si yrave» JoulFroy tl!, jiouc «b citerqu'un exemple, déclarait avec

son admirable sincérité que le scepticisme est tlidoriquemeitt

invincible.

Lacritiqua du scepticisme nous a conduit à un singulier

résultai il triomphe sur toute lu ligne. H a raison contre Fin-

luiliom il a raison contre le raisonnement; il a raison contre

riHlellectunlisine. Bien plus, il serait aisé de montrer, si nousen avions le loisir. que, de tout

temps,le dogmatisme ne sVf.l

fait aucun scrupule d'employer le premier des arguments scep- ']

tiques contre l'empirisme; on a plus d'une fois réfuté l'idéalisme

u priori ù l'aide du second argument; et, si on ne peut dire que »

le (formalisme ait toujours eu recours au troisième, du moins

certains philosophes, tels que tes stoïciens et Descartes, n'ont

pas craint d'admettre, d'accord en cela avec lessceptiques, que

la nécessité ne décide pas toute seule de nos croyances, et

même de la certitude elles dépendent, ait moins pour une pari

de la volonté.

Pourtant, il est impossible (le s'en tenir là. Hfaut maintenant

tourner la médaille et voir Je revers.

il. L'histoire nous montre que, de tout temps, tes sceptiques

ont été bien peu nombreux. Maljjré la force «le leurs arguments,

àlaquelle nous venons de rendre pleine justice, il ne semble

pas que lespyrrhonîens soient jamais parvenus à se faire prendre

au sérieux. C'est à peine si oit peut dire qu'ils ont fait école.

Mélanges, Ih sceplicànw.

Page 418: Les Sceptiques Grecs Brochard

410 tlONCÏLOSKhV.

Aucune école, en tout cas, 'n'offre autant de lacunes et tt'iiityr-

ruptiuns. A plusieurs reprises, te pyrrtiouisme disparaît, pourrenaître

plus tant, il est vrai. mais sans jamais, sauf peut-êtredans ta dernière période, jeter un grand éclat. ii

ya une

éclipsedu pyrrhouisme après Pyrriion au temps de Cicéroit. le scep-

ticisme est encore tout à fuit inconnu. Après /Enésidème, nou-

velle disparition Sénèquene

parle ([u'avec déduin des idées do

Pyrriion. La nouvelle Académie, qu'ana trop confondue avec le

scepticisme, dure plus longtemps et obtient plus de succès. Elle

finit cependant, phénomène peut-être unique dans l'histoire de

laphilosophie, par abdiquer ouvertement, et cela au profil do

ses anciens adversaires. Lit subtilité dos arguments sceptiquesl'effort d'esprit considérable qu'ils exigent pour être compris, ne "•

sauraient expliquer leur peu de succès chez un peuple tel queles Grecs. tt y avait quelque chose encore de plus fort

quela

dialectique d'/Ënésidùm«'etd'Agri|>pa, et quia vaincu te scepti-

cisme.

C'est que le sceplicismcabsolu est une gageure, qu'on peut bien

tenir tant qu'on reste dans l'abstraction, mais qui devient sin-

gulièrement embarrassante quand on rentre dans la vie réelle.

Ne rien croire aurait polir conséquence naturelle ne rien faire t:

et c'est aine extrémitéù laquelle

on ne se résoutpas aisément. h

Ce n'est pas qui; nous ayons l'intention d'invoquer contre le

scepticisme t'«r/j-umc«<«m biteulinum ou d'essayer de renouveler

les plaisanteries de Molière dans le Mariage forcé. la comédie

peut couvrir de ridicule les plus grands esprits, même Socrate,

même Aristote, au chapitredes chapeaux. Si décisives

quedes

raisons de ce genre puissent paraître à bon nombre de per-

sonnes, la réflexion laplus superficielle suflit à montrer

qu'elles

passent à côté de la question. Le sceptique crie ou fuit quand

on le frappe u-t-il donc jamais nié le phénomène de la douleur,

ou un phénomène, une sensation quelconque? Arrivât-on, d'ail- >

leurs, a prouver qu'en fait il croit à des choses dont, suivant >

sesprincipes,

il ne peut démontrer l'existence par des raisons v

valables. on aurait prouvé qu'il se contredit, mais non pas que

Page 419: Les Sceptiques Grecs Brochard

(iONCLKSION. 411

mhb&wexistent. ipjiart'HJifit'iit lus coups ne mnlpaSNous aurions honte d'insister, et

-avons--.si 'Ut.. il'lu'uUÎÍUUIt.nuv .1. 1...A,I:n. I\n,U6

anmmm ««labfos existent. Apparemmoiir lus coups lie mnlpaSdes raisons. Nous aurions honte d'insister, et

ptml-tHre avuiis-

nous déjà litit trop d'honneur aux de ta comédie. Nous

«'en aurions m4mepas prié, si trop souvent on ne les retrou-

vait chez certains philosophes, sous une forme moins gaie mais,

au- fond, non moins plaisante,

( "est tout au treeliose d'interroger les Hceptkjues sur leur théorie

delà viepratùfue. La question de savoir comment l'homme doit

agir est trop grave pour qu'aucune philosophie puisse s'en cMsin-

térosscr il faut s*esplii|uer. Telle est la sommation <[ue, dès

r.iiitKjtiilé, lesiulvetsitlves des sceptiques feur ont adressée avec

uiw persistance infatigable, et les sceptiques- se sont exécutés

sinon de bonne |;i'aee dit moins en essayant de faire bonne

contenance, Ils ont bien faitquelques plaisanterie* sur celte

télé de Gorgone dont oh les menace toujours; mais, linalemeni.

ils ont accepté la discussion et fourni lusexplications réclamées.

Il est vrai qu'elles sont passablement embarrassées c'est ici le

talon d'Achille du système.

L'objection est très simple. Vivre, c'est agir; et agir, c'est

choisir, préférer, entreplusieurs

actionspossibles, celle qu'on

juge la meilleure. Point d'action sans jugement. Que devient

alors ta maxime sceptique il faut suspendre son jugement?

Il n'y a(lue deux partis à prendre. On peut renoncer à s'oc-

cuper de la vie pratique et de l'action, la jeter enquelque

sorte

par-dessus bord. S'enfermant dans le monde d'abstractions où

il s'est placé, le sceptique dira que, cherchant les raisons théo-

riques de la croyance, il n'en trouve aucune. Qu'on ne vieimo

paslui

parler de lu vie pratique il l'ignore, (l'est déplacerla

question que de la porter sur ce terrain. Que, dans lit vie réelle

l'homme agisse ou n'agisse pas, peu importe au sceptique.Tout

cequ'il

veut établir, c'est que théoriquement,c'est-à-dire ration-

nellement, l'homme n'a le droit de rien affirmer. Sa tâche est

remplie quand il a établi ce point. Si on veut réfuter ses argu-

ments, il est pré*t à la discussion: si on lui parle d'autre chose.

il ferme ses oreilles. Que si, d'ailleurs. il lui arrive à tui-inènic

Page 420: Les Sceptiques Grecs Brochard

M2 CUKCL-ttSIOK.M2 CUKCL-ttSIOK.

d'agir et d'alMFUier. eh tient il se contredit. Cefei- prouve que lacontradiction est partout. Il est dilHciie, eoimno dit

Pyrilton, de

dépouiller le vieil homme. Une contradiction de plus ou «le

moins n'est pas pour effrayer un pyrrlionien. La contradiction

est son élément il y vit et s'y complaît.

Voilà l'attitude en quelque sortehéroïque que

tessceptiques

auraient pu prendre. Ils ne l'ont pas fuit, et en vérité on ne

saurait tes en blâmer. Prescrire aux hommes de no faire dans

ta vie pratique-aucun usage de leur intelligence, de vivre comme

ranimai, c'était tomber dans te ridicule. llefuscr à l'homme le

pouvoir tie distinguer entre le bien et le mal, déclarer la vertu

impossible, renoncer toute monde, c'était tomber dans l'odieux.

A «neépoque

surtout ou la morale était unanimement regardéecomme la partie principale de la philosophie, où la fonction

essentielle duphilosophe,

sa raison d'être était de définir le

souverain bieuel la vie Heureuse, raisonner ainsi, c'eût été ab-

diquer. Déjà des historiens refusaient de compter tessceptiques

parmi les philosophes, parce qu'ils n'avaient pas d'opinion. lis

se seraient mis eux-mêmes hors de la philosophie, sils avaient

déclaré ne pas s'occuper «le la viepratique.

Il fallut dont bien faire mie théorie de l'action.Quelques-uns

essayèrent de se dérober à celle lâche en remarquant que l'in-

stinct peut de lui-même, sans aucune affirmation réfléchie, porterles animai» et l'homme à l'action. Mais l'insulltsancc d'une telle

théorie éclatait d'elle-même c'était réduire l'homme à l'état de

l'animal. D'aiîlenrs, la question n'était pasde savoir si l'homme

agit quelquefois par instinct, mais comment il doitagir lorsqu'il

n'obéit pas à t'instinct. Force était donc d'en venir à une véri-

table théorie. Les sceptiques, on l'a ru, se défendaient éncrgi-

>|uemcnt de vouloir bouleverser la vie, et, sous le nom de

critériums pratiques, ils formulèrent diverses règles de conduite.

C'était introduire l'ennemi dans la place et tomber clans des

contradictions que toute leur subtilité ne parvint pas à déguiser.

Formuler des maximes générales, si simples qu'elles soient, c'est

s'élever au-dessus des phénomènes, c'est sortir du point d«; vue

Page 421: Les Sceptiques Grecs Brochard

GÛStCLUSl'ON. mi

pm|»irw|ueet «mcrfet foire une théorie e'estitedevottii1 justiciable

do l.tlogique.

Avec Pyrrhottte

sceptique déclare que suspendant son juge-

ment en toute question théorique, ne sachant rien, nocompre-

nant rien, il se conformera aux opinions admises de sontemps

par ceux au milieudesquels

il doit vivre. Faire comme tout h'

monde, suivre la mode, voilà sa devise. En parlant ainsi, il se

(latted'échapper

à toute contradiction de n'affirmer rien au delà

des phénomènes observas. Mais, à moins de n'être plus qu'une

simple machine, le pur pyrrhonien. |«>ur se eonfoniter ans

opinions reçues,a

présentesà

l'espritcertaines règles générales,

certaines façons (le comprendre la vie. Quoi qu'if lasse, l'expé-

rience acquise et la tradition se codifient enquelque manière

sons la forme (t'axiomes. «le maximes- ou de proverbes. Sans

doute, pour lie pas fournir d'armes à ses adversaires, il évitera

de formuler ces lois {générales en seront-elles moins les inspi-

ratrices de ses actions f II ne les aihYmera peut-être pas: il fera

mieux, il les observera: il ne dira pas qu'il v croit se dispen-sera-t-il d'y croire réellement, s'it les applique? Une croyance

•si tout aussi réelle et positive lorsqu'ellese manifeste par des

actes au lieu de se tradttiiv par des paroles elle t'est peut-être

davantage.La foi la [tins sincère est la foi qui agit.

Ainsi quoi qu'ilen dise. IHitIiod dogmatise. Son dogmatisme

est sans doute un pauvre dogmatisme c'est la philosophie du

sens commun. Nous avons déjà en l'occasion tie signaler cette

singularité le pyrrhonisme. qu'on regarde volontiers comme

l'antipode du sens commun n'est qu'un retour au sens commun.

Est-ce la peine de faire tant île chemin, de mettre en mouvement

tout l'appareil de tadialectique, pour en venir là ?Le pyrrho-

nien, qui,ait fond, n'est

pas exempt d'orgueil, a laprétention

den'être pas dupe des théories des philosophes, de ne pas se

payer de mots. Kl il quoi cela le mène-t-il ?A se faire volontai-

rement l'esclave despréjugés

de la foule et des erreurs de la

tradition, à s'interdire toutprogrès,

à se mettre au nivetu des

plus humbles c'est une philosophie de simples. Encore n'n-l-il

Page 422: Les Sceptiques Grecs Brochard

4!ft (ÎONKr.USION.

pas fexet»se de croire vraies le» idées- qu'il suit H sait ft amis'en tenir. C'est bien moins

quela foi du charbonnier. Mais, si

réduit sichétif tjtt'il soit, ce dogmatisme enfantin est un dogma-

tisme. C'est vainement que lepyrrhonien se flatte

d'échapper»\

ta contradiction.

Quant à la nouvelle Académie, elle dogmatise de sonpropre

aveu. Elle dogmatise avec mesure, prudemment,à bon escient.

Elle déclare que la vérité existe, quoiquenous ne

soyons jamaissûrs de la posséder loin do nous décourager, elfe veut quenous ne cessions pas de la poursuivre. elle aime et cultive la

science elle a toutes les curiosités, On lui a souvent reproché,de se contredire. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point;ce qui dès à

présent n'est pas douteux, c'est qu'elle a des

croyances, fju'eîle dogmatise.

Enfin, nous avons montre, dans le chapitre précédent, qu'il

y a, chez Sextus et tes sceptiques de la dernière période, une

partie positive, c'est-à-dire un véritable dogmatisme. Nous avons

déjà eu l'occasion de leremarquer plusieurs fois, les

sceptiques

empiriques sont les véritables ancêtres du positivisme. Réduire

la connaissance à l'observation des phénomènes et des séries

qu'ils forment, s'interdire la recherche des causes, substituer

l'induction à la démonstration et décrire l'association des idées

comme ils t'ont fait, c'est bien, en ce qu'elle a d'essentiel, la

thèse de nos modernes positivistes. Or, ce n'est pas faire injureaux positivistes que de les considérer comme des dogmatistes. et

même comme tes plus dofjmatistes de tous les hommes. Non seu-

lement ilsprétendent posséder la science, mais ils

ajoutent (luehors d'eux il n'y a ni vérité, ni certitude. Étrange renversement

des idées et des mots, et spectacle instructif entre tons! Les

savantsd'aujourd'hui sont tes

sceptiques d'autrefois les mômes

doctrines, auxquelles on refusait jadis expressément le caractère

de la certitude, sont cellespour lesquelles aujourd'hui on reven-

dique exclusivement la certitude. Ni; nous faisonspas toutefois

d'illusion sur la modestie des médecins empiriques. S'ils n'ont

pas oserevendiquer pour leur élude le nom «le science, s'ils se

Page 423: Les Sceptiques Grecs Brochard

t;ONCI<U9'ION; 416

-~t. .t'.t J~ ~t: Aisont contentés do celui dWt ou do roulino, c'est jimit-ëtre parce

que leurs maladroits essais pour appliquerla méthode d'obser-

vation ne leur ont donné que do «natures résultats. Il» auraient

sans doute été plus heureux si, au lieu d'appliquer leurs procédés

ù la médecine in plus dillicile et tuplus complexe des sciences

expérimentales ils les eussent transportés dans taphysique. Très

probablement te succès les aurait enhardis, et, rejetant le titre

desceptiques, ils se seraient proclamés des savants, les seuls

savants, et on les aurait vus dogmatiser d'importance. Disons

donc, si on veut, que leur théorie est un dogmatisme dans t'en-j t

fonce, undogmatisme qut

ne se connaît ni ne se possède encore l

pleinement on ne peut refuser d'y voir un dogmatisme.

En lin (te compte, lescepticisme échappe chaque fois

qu'on

croit le saisir. Considérez un sceptique quelconque, un scep-

tique concret et vivant, suivez-le jusqu'au bout, et toujours il

arrive un moment où il se transforme en Journaliste. Tout scep-

ticisme recèle un dogmatisme implicite et ne subsiste que par là.

Si on cherche à déterminer la valeur exacte du mot scepticisme,

la réalité concrète à laquelle il correspond, on ne trouve rien.Le scepticisme

n'estplus qu'une différence entre divers dogma-

» tismes; on n'estpas sceptique par soi-même,

maispar rapport Il

autrui le scepticisme n'est pas une chose, mais une relation,une différence, une limite, ou, pour parler comme les scolas-

tiques, une privation. C'est un dogmatisme qui ne s'avoue pas

ou se déguise; c'est moins une doctrine que l'envers d'une doc-

trine. C'est une attitude que prendun dogmatisme pour en

combattre un autre; c'est an pur non-ôtre tescepticisme n'est

qu'unnom de guerre.

Enfin, si nous cessons de nous placer au point de vue des anciens,

pour embrasser dans son ensemble leproblème

duscepticisme,

il

n'est pas douteux que lesprogrès

de la science aientporté

au scep-

ticisme un coup dont il ne se relèvera pas. Qui donc oserait au-

jourd'hui seproclamer sérieusement sceptique? Il y a certes bien

des choses dont on peut douter s'il s'agît du scepticisme partiel,

il y a ura toujours dessceptique*. Mais de sceptiques complets.

Page 424: Les Sceptiques Grecs Brochard

«tf CONCttlSiOS.

q«it en auenn ras, n'osent dire ni uni ut mm. de sceptique»

qui se tiennent toujours sur ta réserve, de sceptiques suivant la

formule, il n'y en a [ittis; c'est uneespèce disparité. Si tes an-

cien* sceptiques pouvaient revenir, ilsseratentde ferventsapôtres

du progrès; et si quelqu'un essayait de reprendre leur rôle, te

ridicule en aurait bientôt fait Justin.

Dira-t-o» qu aiKruter les vérités de la science, c'est reprendre

précisément la thèse des anciens sceptiques, puisque la science

lûilfirmc que des phénomènes et des lois? Nous avons reconnu

lis- rapports quiunissent

l'empirisme sceptiqueavec la science

de nos jours nous avons fait auscepticisme

«nepart

assez

larjpj. Maisrapprocher

à ce point la science et l'empirisme scep-

tique, déclarer que le scepticisme est (a science ouque ta science

est lescepticisme, ce serait faire aux mots et aux choses une

étrange violence. En affirmant les lois de la nature, la science

moderne a lapréienfion. fort légitime d'ailleurs, de

dépasserles

phénomènes. Elle no craint pas d'étendre ses fois aux tempsles plus reculés du

passé;elle les prolonge dans l'avenir le plus

lointain. Mlle ne se borne pas à attendre passivementet machi-

nalement, commepouvaient

le faire l«.àssceptiques, la repro-

duction des phénomènes qu'ellea observés. Elle les

prévoit, «Ile jttes

prédit elle est sArf qu'ils arriveront. Si «diepèche par quelque

endruit. ce n'est assurément pas pardéfaut d'assurance et de

confiance en elle-même. Où trouvera-t-on la certitude, si elle

n'est pas là. et (pùippelierons-nousvérités absolues, si nous

refusons ce nom aux lois toujours vérifiées de l'astronomie ou de

laphysique ? La science va iiu'iiie plus loin elle ose s'attaquer

aux choses en soi elle aentrepris

d'atteindre l'atome, de le

mesurer, de le définir. Que nous voilà loin del'empirisme

des

sceptiques! C'est avec raison que ces derniersappelaient modes-

tement leurs connaissances un art ou une routine; c'est avec

raison que les modernes: ontrevendiqué pour tes leurs le nom

de science. Les sciences de la nature, celles-là mê*me dont les

sceptiques contestaient le plusvolontiers la légitimité, sont de-

venues ta science par excellence.Quelques rapprochements qu'on

Page 425: Les Sceptiques Grecs Brochard

<:<~MMON. h!~

f k 1. M ~r i

ttfMMMn;t,de

IIUl'1ue

'17r

paisse faire, il y u un uhfm» «ittre le scepticisme d'autrefois ut ta

science d'niijonrd'hirii 1«scepticisme doit être relégué parmi tes

cltatM» quirtnt

disparu pour ne plus revenir.

Nous voici encore arrivé' à titi résultat singulier. Tout à l'heure

lus arguments des sceptiques nous paraissaient invincibles à

présent le scepticisme n'est plus qu'une umhru. Voilà une anti-

logie comme celles oft seeomplnisaii'nt

tespyrrhoniens.

Mais

«île-ci n*a rien de redoutable elle provient- d'un malentendu

sur la nature de la certitude, d'une équivoque sur la définition

de ta vérité.

lll. Le- mot certitude déàipe, tlans te tangage ordinaire,

l'udhêsiou pleineet entière de Pâme à une idée la certitude

est caractérisée par t'abetae actuelle de doute. A co compte, il

nous arrive souvent tl'élru certains du faux. Dans le tangage plus

précis (tes philosophes,la certitude n'est plus

seulement une

aiiliésioii pleineet entière elle est l'adhésion à la vérité à l'élé-

ment subjectif s'ajoute un élément objectif la certitude est

caractérisée non seulement parl'absence de doute, ntais par

l'impossibilitéde douter, cette impossibilité

étant entendue dans

un sens absolu, ^'étendant il l'avenir autant qu'au présent. Ilest

clair qu'on ce sens, on ne peut être certain ttu faux certitude

et vérité sont termes synonymes. Toutefois, y a-t-il entre ces

deux termes équivalence complète?Peut-on dire, si on quitte

les définitions abstraites, quisont cc qu'on veut qu'elles soient,

si on s'attache à la réalité, qu'il n'y ait certitude que quand

nous possédonsla vérité, que

la vérité, vue par l'esprit, entraîne

toujours la certitude? Nous ne voudrions pas rentrer dans ce

débat, qui a déjà été maintes fois soulevé on nous accordera

sans tropde

j^ine, croyons-nous, que la certitude, si elle ne

mérite son nom (lue quandelle s'applique

à la vérité, est cepen-

dant, autre chose quela vérité. La vérité est comprise par

l'in-

telligence: la certitude relève de l'Ame tout entière, comme

disait Platon dit! est autre chos»; iju'une simple intellection.

plie suppose l'uitewiitiond'un (acteur personuct, de quelque

Page 426: Les Sceptiques Grecs Brochard

418 UONOMJSMm

nom qu'onveuille Papjjelcr, scnliiitunt on volonté, et cela «si

vrai Af toutes h1» formes de la certitude. Kit admettant que la

rectitude seproduise

nécessairement enprésence

de la vérité, M

tout le moins nous nceordera-l-on qu'il *'«[jit ici non d'une né-

cessitélogique, mais, comme lu disait Descaries, d'une nécessité

morale, ijui laisse un certain jeuà ce facteur personnel, sans

lequel il n'ya

pasde certitude complète. Bref. l'adhésion (tonnée

si une «fée est autre chose que cette idée nous mettons toujours

dn nôtre clans noscroyances.

même certaines. C'est un point

que les sceptiques ont contribué il mettre eu lumière, mais que

leurs adversaires leur aceordak'Bl..Mai» ce n'est pus là. pour ta

question quinous occupe. l'essentiel qu'on distingue ou non

la certitude de la vérité. la grande affaire est de définir la

vérité.

On ta définit d'ordinaire raccord de nos idées avec les choses. »

la conformité de nos idées aux choses. Le moindre des inconvé-

nients de cette définition, c'est qu'elle ne peut être acceptée de

tout te monde. Elle affirme tout de suitequ'il y a des choses

distinctes de t'espritet

qu'on peut tes connaître c'est ce quetes

idéalistes n'accorderont pas. Cette définition est unepétition

de

principe. D'ailleurs, quelle notion précise peut-onse faire de

cet accord, de cette conformité entre des choses aussi hétéro-

gènes que nos idées, et une réalité qu'ons'efforce de concevoir

en dehors de toute relation avec nos idées? Enfin, la définition

de ta vérité est équivoque.A

quoidirons-nous que les idées

mathématiquessont conformes? Non pas

assurément aux choses

réelles, car tout le inonde accorde qu'il n'y a pas, dans la

réalité. depoints

sans dimension, de lignes sans épaisseur. Les

objets des mathématiques sont des concepts,c'est-à-dire des

idées. Si on les appelledes choses, il y aura^des choses qui

ont une existence idéale. et d'autres quisont (le vraies choses.

Reinplacwa-l-onte mot chose

parle ternie plus vague d'objet?

Mais. ou bien ce mot désignera une réalité, une chose indé-

pendante de lapensée,

et on retombera dans les difficultés pré-

cédentiw; ou bien on désignera par là un des termes corrélatifs

Page 427: Les Sceptiques Grecs Brochard

CttNCMSKm tt't

*~t* t.. t~f ~– t~t i t~~ t 't~de lit représentation oit le définira en «lisant que toute idée

implique nti sujet et un objet mais alors il n'y a plus ni vérité

ni objet en ce sens, une idée fausse a un objet étoile lui est

conforme seulement cet objet n'existe pas. Ecartons donc cette

définition insullisanU*.

Il n'y » «le véritéque dans les jugements, et c'est seulement

ilans le tien qui unit les termes d'un jugement queréside lu

vérité, Un jugement vrai est un jugementtel

que nous ne puis-

sions malgré les plus grands efforts, séparer tes termes qu'il

unit. C'est la nécessité(lui caractérise la vérité. La vérité ne

saurait chiiujjer: c'est parce qu'ils sont nécessaires <|tie les juge-

ments vrais sunt immuables. La vérité est In mêmepour

tous

les esprits: c'est parce qu'ils sont nécessaires que les jugements

vrais sont universels. (Test en ce sens encore qtte la vérité est

absolue elle ne dépend pas de nous, elle domine nos indivi-

dualités et nos personnes, elle s'impose. Bemarquons qu'il s'agit

ici d'une nécessité tout intellectuelle, et non pas de la nécessité

de croire. Que l'adhésion soit libre ou nécessaire, c'est une ques-

tion dont nous avons dit quelquesmots ci-dessus mènie si

l'adhésion est libre, on peut comprendre qu'il y ait des syn-

thèses nécessaires en ce sensqu'on n'en puisse disjoindre

les

termes sansque

lapensée

soit hors d'élat de s'exercer. C'est

uniquementcette dernière nécessité

qui caractérise la vérité.

Il y a deux sortes de vérités les vérités de. raisonnement ou i

apriori;

les vérités de fait oua posteriori

Dans lepremier cas,

la nécessité qui unit les termes est directement connue par la

pensée; l'espritdécouvre im« identité sous la diversité appa-

rente des termes, et, des lors, il ne peut plus lesséparer

sans

se contredire. Dans le second ras, la nécessité résulteunique-

ment de ce que les sensations, queles termes

expriment,sont

toujours données dans le même ordre par l'expérience.Si nous

essayons de modifier cet ordre, l'observation nous donne infail-

liblement un démenti. Que cette nécessité soit le fond même de

fa rénlité, ou qu'il n'y ait dans l'absolu que (le la contingence,

toujours est-il queles

pbt-nomènes murs apparaissent nntis sont

Page 428: Les Sceptiques Grecs Brochard

ftift CONCLUSION.fl15U t,.IJI,hl,U.1 \II',

dunnés comme soumis h h nécessité, et la science de ta nature

n'est possible qu'àcette condition.

( lette distinction entre tes vérités de raisonnement et les vérités

«le fait est iinivi-rsoUtmicat admise de nos jours. Elle eorres|ionct

à la dilïérence de la déduction et de l'induction. Sluart Mrll

distingue une logique de la conséquence, (lui détermine les loisIi

de la penséeen tant

qu'elleveut rester d'accord avec elle-même

et une logiquede I» vérité qui

détermine les lois de la pensée

en tant qu'elle veut être «l'accord avec l'expérience. Lit distinc-

tion faitepar

ce philosopheentre la logique

déductive et la

togtqueînductive (nous aurions. pour

notre part, d'expresses

réserves à faire sur cepoint)

est devenue classique.A deux sortes

de vérités correspondent deux sortes de certitudes on distingue

dans les cours de philosophie,une certitude mathématique «'l

une certitude physique, qu'on placesur te môme rang. Il est

vrai qu'iln'est Jamais question

de cette dernière qu'au chapitre

de la certitude partoutailleurs ou raisonne comme s'il n'y

avait qu'un typede certitude cello que

Kant aappelée apatlie-

tiiiue. Quoi qu'il ensoit. savants et philosophes

sont d'accord

pour appeler vérités art mène titre les vérités de fait ut tes vérités

mathématiquesil serait ridicule de considérer les unes comme

moins certaines quetes autres; le même mot science désigne éga-

lement ta connaissance des unes et des autres.

Nous avons ici un remarquable exempledes modifications (lui

.s'introdarsvnt, sans qu'on y prenne garde, dans le sens des mots

et qui préparentles plus regrettables

maie» tendus. Un mot

prend une signification nouvelle, pour des raisons d'ailleurs fort

légitimes; il garde en même tempssa signification ancienne, ni

notre espritobéissant à des habitudes d'origines diverses. oseille

de l'une de iressignifications

à l'autre et les confond. C'est ce (lui

est arrivé pourtes mots. scionre t't certitude.

Jamais les anciens philosophes n'auraient consenti à i-mploviTu

ces mots dans lis sens que nous leur donnons aujourd'hui, l'our

eux. savoir, c'est comprendre or, il faut bien en convenir, dans

les sciences de ta nature, nous savons sanscomprendre.

Nous

i

Page 429: Les Sceptiques Grecs Brochard

conclusion. m

8 1savons lu en nous constatons

«piecertains |*heïiomeile.'i s'uccom-

»«gueitl toujours; nous m1 savons pas, nous nocomprenons |ui!»

pourquoi il on est ainsi. H nous arrive bien do ramener une loi

particulière a une loi générale, c'est-à-diro de reconnaître une

relation d'identité, et notre. esprit obtient alors le genre do satis-

• faction que lui donno la découverte dos vérités mathématiques;

mais ta loi (jèiê'rato elle-mùino n'est pas expliquée:elle est tou-

jours une proposition syjilhétûjue dont tes termes ne sauraient

logiquement se ramener l'un à l'autre. Pour les savants d'autre-

fois, la science véritable était uni(|ueraent la découverte du vérités

nécessaires a priori. La connaissance mathématique a une telle

sûreté et ttue telle clarté, elle est relativement si facile elle

donne il l'esprit une telle conscience de sa force et le satisfait si

pleinement, que tout naturellement elle a été prise pour la

science par excellence, Les «titres sciences, fa métaphysique, tu

physique, ont été conçues d'aprèsce

principe unique. Descartes

et Malebranclie veulent encore déduire laphysique

a priori, et

on sait quel dédain Spinoza professait pour l'expérience. L'ob-

servation et l'expérienceavaient bien leur place dans la

physique

de Descartes, mais une place restreinte, un rôle subordonné.

Encore aujourd'hui, n'avons-nouspas quelque peine à ad-

mettre <{u'on puisse séparerces deux termes savoir et com-

prendre ?

fi n'y a pas, d'ailleurs, à revenir sur cette extension du mot i

science aux connaissances de fait elle est consacrée par l'usage

et pourraitse

justifier par de fort bonnes raisons. Bien plus, les

rôles sont renversés. La science par excellence était autrefois la

science « priori s'il fallait choisir aujourd'hui entre elle et la

scienceexpérimentale, laquelle aurait la préférence?

Nous ne songeons pas il contester(lue les sciences de la nature

aient une certitude égaleà celle des sciences de raisonnement:

mais, si elles sont également certaines, nous avons bien te droit

de dire qu'elles le sont autrement, et de cette différence résultentcertaines

conséquences importantes. L'espritmoderne,

pourrait-

on dire, n'a pas encore admis toutes les conséquences du triomphe

Page 430: Les Sceptiques Grecs Brochard

Mi «ONULliStOH.

de la méthode expérimentale, ou if ne s'y est pas e»co«'

résigné.

Le propre des vérités de raisonnement, c'est ([u'iiussiiot «iper«

eues, elles sont définitives et iaiinuublcs; onpeut

en découvrir

de nouvelles, mais le progrès du la science ne changent rien il

celles quisont connues le progrès se fait

par additions succès- t

sivos, non par transformation. En peut-on dire autant des sciences

de la nature? Précisément parce ou»,»nous constatons les lois de

la nature sans les comprendre, c'est-à-dire sans reçonmiitr» ui»e

identité logique entre les termes qu'unit chaque synthèse, nous

ut? puuvonsêtre sûr*, du

premier coup, d'avoir découvert une

véritable* lui c'est par des expériences successives, des vérifica-

tionsmultipliées,

en ti« mot, par beaucoup de tâtonnements,

que nous arrivons il nous mettre h l'abri de l'erreur <*>.Encore

faut-il ajouter <|u'i(it terme de toutes ces opérations, nous pou-

vons couseiverquelque inquiétude.

Les défenseurs lesplus

résolus de la certitude .scientifique ne font aucune difficulté

d'avouer, ils prodatiieitt ujèiue vo}<m(iecs. que si im fait nouveau,

bien coiislalé, vient contredire une toi connu* la formule de lit

lui devra être atodiu'ét*. Or, pouvons-nous jamais connaître tous

les faits? Ou cite dans l'histoire des sciences un assez grand

nombre de lois tenues longtemps pour définitives etqu'on

a du

y niodificM"par Jasuite. En d'autres fertiles;, les .cienws de tu imitiiv

jsoiit toujours dans le devenir. On définit assez bien les lois

qu'elles déterinineut, en disantqu'elles

sont deshvjiothèses

vé-

rifiées. Il n'est peut-être pas une de ceslois qu'on puisse

consi-

dérer comme définitivement acquise. Sans doute, cela ne nous

empêche pas d'avoir en quelques-unes d'entre elles une confiance

absolut'logiquement

on peut faire des réserves. Encore une

fois. nous ne voulons pas ébranler cette certitude tout au con-

' M. K. \avitle, diin* «s bfil«« •Indes Mlr I.i PIiuv <d- Vliypilluse liant lu(J

teienca t fkn. plaint., 1871», t. H, |>. ftçi et n3|, ;t iHuiitM- neltoiiMiiit fl «rimt»

miiuit'fe di-'ljuitivtï <^ut! Ui\ibt tiiicutivert'î ^cichtj^uif a roiimtcffO: pic t!lro une livpti-

Ilii»". Nous ne fitvoiH >'il i'ti*li" nu* lAgùpu dv l'hypi&ett les d>Mi mots »i»il

nn |j«rti >urprf^ <!•' *•* tnttivcr lafiprorfK*», tu.'t^ *iti moihs il n'y a [tas de vt'rik'

ail'litjio'tii-*».

Page 431: Les Sceptiques Grecs Brochard

I:ON(;I.QSION.'t:t3

t..tt~–tt'-t<t't,t-train-, nous estimons qu'elle est fort légitime, e! titèm»«{tt'tt n'y

••Ha pus d'autre. Mais farterdu coi'htudt: provisoire, de vérit»';

i|iii peut elianyor, c'est assurément faire de ces mut» unemploi

assez iiotm-au et, au premier abord, inquiétant.

Il ya

plus celle [taride

conjecture et d'Iiipothèse f|uenous

trouvons duos les sciences de la nature les pins soudeiuenl éta-

blies, nous l'apercevons aussi, sous une l'unira différente, il «si

vrai, miltnedaus les sciences niitllwiimli(|ues. h^ conséi|t»ences

t{u'on y déduit. sont absolument et rigoureusement certaines,

pourvu «|u'on accorde les axiomes et tes définitions qui ont nervi

(te |)oint de départ. Tant ([ii'on reste dans l'abstrait, aucune dif-

ficulté n'est possible. Mais ces sciences, après tout, n'ont d'i«-

téro't et d'utititû '{uesi nous pouvons

enappliquer

les formatai

« ta réalité. Les iiiatlKUiali(|Ui;s garderaient-elles tout« leur vajduc

!>i nous nepouvions

assurerque

les choses se conformeront à

leurs lois Nouspouvons l'assurer, mais seulement si lil réalité

remplit, soit absolument, soit avec une approximation sullisaale

les conditions présupposées jiar le raisoniieiuunt or it n'appar-

tient pas aux uuilWniatiqttes de s'assurer que ces conditions

sont remplies. C'est (loin: toujourssous condition, liypothé-

liqueinent, que les matliéinatii|iies sont vraies, au sens absolu

du mot.

Dans tut antre ordre du sciences Ilui sont l'honnmir et la

Ijloire de notre siècle, les sciences historiques,il est plus aisé

l'iieore (le retrouver une part fie conjecture cl d'hypotlièse.

Toutes les sciences humaines ont été soumises à lu subtile et

pénéinwte critique des pyrrltoniens et se sont entendu dire par

eux de cruelles vérités. Seules, les sciences historiques ont

éclmppé. Ce n'est pas la faute des sceptiques: elles n'étaient pas

nées; mais nous y avons perduun beau morceau de

dialectique.

Sans vouloirreprendre

ici unjeu qm;

nous no sauriutisjouer

sériuHseinent, on peut se faire mit' idée, fort incomplète sans

doute, mais sufltsatiie, du parti qu'un ivnésidème ou un Se.Uus

aurait su tirer de ce tln'ine. lui laissant (le e«té tes faits aiia-

lo'jiH's ii ceux qui font J'intérèl de l'Antufwim-, du Waltcr Seolt.

Page 432: Les Sceptiques Grecs Brochard

«KS (ÏQNCtOSfOl*.

nous avons vit, de nos jours, des histoires bati&es, teni

(tant de lonirs siècles nuur jilisutimiimi iWnim*: /«

nous avons vu, de nos jours, des histoires bati&es, tenuespen-

dant de longs sièclespour absolument certaines, ts'effondrer

tout àcoup sons tes

coups dé litcritique et être convaincu)'!»

d'imposture. Combien de récits, jadis authentiques, nevoyons-

nous pas passer a l'état de légendes! Combien de faits eontrou-

vésqu'on rectifie en atttentiant

que la reetitieation soit corrigée!Quelle inquiétude ne soinmes-uous

pas en droit de concevoir

pour lesvérités historiques» certaines aujourd'hui, et

(lui demain

peut-être auront cessé de l'Are! Si I on songe tapeine que

nous devons prendre pour nous assurer d'un faitcontemporain

dont les témoins- sont vivants, pour lequel les documents abon-

dent, que penser de ces hardies reconstructionsd'époques dis-

parties? Notre siècle aurait bien (les raisons d'êtresceptique.

Nousprions instamment

qu'on ne nous prenne pas pourun

apôtre de ce scepticisme nous sommes priJt à faire un acte de

foi dans la vérité de l'histoireprise dans sou ensemble. Mais

outrepassons-nous notre droit de logicien si nous concluonsque

les sciences historiques, comme tes sciences de la nature, sont

provisoires? Leurs progrès témoignent de leur instabilité.

Kn toute science humaine, il y a donc unejtart de conjecture

et iritvpotlà'so voilà ce qui ne saurait être sérieusement con-

testé. Maiss'exprimer ainsi, e'est, qu'on

le sache ou non, revenir

àl'antique jnubabilisiut.1.

La certitude, suivant le dogmatisme traditionnel necomporte

ni restrictions ni réserves elle est absolue et définitive, on elle

n'ijsl pas. Dansl'ancienne terminologie, une probabilité qui peutsW-ruitre indéfiniment demeuro toujours infiniment éloignée de

la certitude. Nous ne faisons plus tant de façons nous sautons

à pieds joints au-dessus«le cette bamèrtMHi réalité toute factice,

nouspassons

d'emblée lit limite, et nous avons bien raison.

Mais il n'en estpas

moins vraique

ceque

nousappelons

ait-

jourd'hui wrtilud»! est re qu'un appelait autrefois probabilité.Nous sommes probabilisk-s sans le savoir. La science est proba-bilistc Disons plutôt qtto

tepiolwbiltsnri; est

scientifique.tt n'y

ilpas, ilans toute l'histoire de la

philosophie, de serti*

Page 433: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION. 425

~4- 1-qai ait été plus injustement traitée quefécole |)robal>ifisto. 0»

lui les marquesd'un déttuin quVtio nu mérite pas, ut

il est piquant du remarquer (|iio beaucoup do ceux((tii trompés

par uiio différence do mots, s'en moquentau nom de ta science

moderne, reviennent précisément mi mômepoint qu'elle. Que

disait, Oit effet, la nouvelle Académie? Que nous pouvons apji ro-cher sans eusse de la vérité qu'il

faut croire les faits scrupu-

leusement observés, après s*ëtr<!assuréque

rien ne vient les

contredire; quetn scieiree est possible qu'elle peut Caire de con-

tiniK'ls progrès; qu'il faut travailler sans relâche à réaliser ces

progrès, l'eut-ôtre avait-elle tort d'ajoiitor que nous no souinies

janiiiis absolument sors, si près (jtionous en approchions, d'at-

teindre la vérité-, mais, en cela, elle ne rainait qu'accepter la

définition donnée par le dogmatisme cite avait de lu science

unetrop haute idée, aussi ces

philosophesont-ils

Irwj»cédé à leur

pcnebanl à la cliicaue encore faut-il ajouter qu'ils

avaient affaire aux plus relurs de tous les disputeurs;et s'ils ont

tant insisté sur les côtés négatifs de leur doctrine, c Y' tait pour

faire échec au dogmatisme étroit etinsupportable

des stoïciens,

et» quoi ils avaient bien raison. N'oublions pus, d'ailleurs, quela restriction qu'ils apportaient à la certitude était toute théo-

rique, et n'eiupëchatt nullement la confiance pratique et l'action.

Qui blâmerait aujourd'hui un savant s'il (lisait que la toi de l'at-

tractionuniverselle est vraie jusqu'à

cequ'un

fait nouveau vienne

la contredire'/ Les probabilisles ne disaient pas autre chose

quand ilssoutenaient que nous ne sommes jamais absolument

sûrs île posséder la vérité. Qu'il v aurait du choses à dire si nous

voulions entreprendre une réhabilitation queces excellents plii-

sophes ont trop loii|i'iii|is attendue! Ils avaient bien raison de

remarquer quela probabilité tient dans la vie humaine plus de

place que la certitude dans les circonstances les plus graves,

c'est sur desprobabilités que nous nous décidons. C'étaient des

esprits fermes, .sérieux, modérés, connaissant bien les limites de

l'intelligence humaine mais très*disposés à la laisser agir libre

ment eu deçà de ses limites. Encore aujourd'hui, nous pouvons

Page 434: Les Sceptiques Grecs Brochard

4~ t:ONCt<titS~N.

t.t.At.Ï-t~-t-~–t irtrouver eb«s eux de très bonnes leçons de modestie, de réserve,

de tolérance Cieéron est un fort bon maître.Beaucoup de phi-

losophes, beaucoup do savants roéïne auraient tout il gagner à

séjourner quelque temps à l'école de la itutiveile Académie. Mais

ce n'est pas ici ta lieu d'insister sur cette apoluyie. liomoiis-nuusà

répéter que leur théorie de la connaissance est précisémentcelle qui prévaut de UOIIjours. Ce sont oux, et non pus les

.scuji-

tiques, ijui sont les précurseurs de la science moderne t Gar-

néade est l'aucêtre de Claude Bernard.

Il iuiit faire justice d'une objection banale cent fois invoquée F,contre le prouabilisine. Si nous iw pouvwis atteindre tu vérité,

rdit-o» comment nous assurer

que nous enapprochons? f mpro- 7

babilité est une mesure et qu'est-ce qu'une mesure sans une

unité? Mais, ett supposant que la vérité j»ouséchappe tout il fait, u

ne pouvons-nous la concevoir comme un idéal ? Les élémentsIl

ne nous fout pas défaut pour concevoir cet idéal. Ni les proba-bilités ni les

sceptiques n'ont jamais contesté que les phéno-mènes s'imposent à nous avec certitude ta science parfaiteserait celle dont les vérités

générales s'imposeraient à nous de la

même manière; et It science est d'autant plus parfaite (jtietes

rpropositions dont elle est formée s'imposent à notre esprit avec ,1

plus de force qu'elles sont confirmées par plus d'expériences,

qu'elfes ne sont jamais en opposition avec un fait avéré. C'est·

précisément ce que disait Garnéade.Pour revenir ait scepticisme, on voit à présent 011 est le

malentendu que nous signalions tout à l'heure comme l'originede toutes les difficultés. lléfinit-i>« la certitude suivant l'ancienne

formule La prend-on pour l'adhésion à une vérilé non seule-

nienl -immuable et universelle, maisdéfinitivement et pleinement

possédéi! des 'à présent par l'esprit, si bienqu'it y

aéquation t

complète entre la pensée et son objet, que nous soyons au

cœur de IMlrc? Alors le scepticisme a raison le dogmatismen'a rien de sérimix lui opposer. Ktilcttd-oii, au contraire,

n

«'omuii! nous le faisons tous les jours, par .certitude, fudlu-sion

à miii vérité, immuable sans doute et absolue en eUc-iuême,

Il

il

Page 435: Les Sceptiques Grecs Brochard

CONCLUSION. hit

mais dont uotts ne pouvons que nousrapprocher pr des

éitapes

successives, dont nous n'avons peut-être pus encore lu formule

définitive,, telle en lin quenotre coirtiaissiince

puisse faire des

|)ivii);r(;s, que nous devons chercher toujours Et nous obstiner à

lu poursuite du vrai f Alors le scepticisme est vaincu. Tous ses

arguments viennent échouer coutre te dogmatisme ainsi entendu,

(l'est unepuérilité

do refuser de rien ullirmor sousprétexte que

nous nu possédons pis actuellement toute la vérité.

Le dogmatisme traditionnel et lescepticisme sont «feux ex-

(renies, Le dogmatisme aplacé

le but trou haut. Pour pénétrer

au cœur des choses, pour tes connaître dans leur nature intime,

jiuur tes voir, nour ainsi dire, du dedans, il faudrait un esprit

plus puissant que h: nôtre it faudrait dire Dieu. Même en Dieu,

c'est une question de savoir si la raison pure explique le monde

pa? oHe-même elfe ne crée que des possibilités; il faut une

volonté pour les faire passer à l'acte. Cmmacnt unu intel-

ligence bornée pourrait-elle déduire les décrets d'une volonté

libre ? On a fait de lu certitudequelque

chose de surhumain

quoid'étonnant si l'humanité ne l'a

pasatteinte? Telle

qu'on la définit d'ordinaire, elle est un idéal c'est dire que nous

ne l'attciynous [tas.

Le scepticisme a bien vu cette impuissance, mais il a désespéré

tropvite. Entre (.'uarvMe et Scyfla, il y a un passage celui

que la science moderne a franchi toutes voilesdéployées, il y a

un dojjmatistiie tempéré et modeste, nuicroit à la vérité el .s'ef-

force de s'en rapprocher. Moins orgueilleux, mais non moins

confiantque l'ancien, il ne croit jamais son wuvre achevée, il ne

se repose jamais il ne décourage aucune tentativepour trouver

de nouvelles vérités ou corriger d'anciennes erreurs; s'itprofile

beaucoup du passé, il attend davantage encore de l'avenir; et,

chose 'ju<; l'ancien dogmatisme ne taisait pas volontiers, il a

assez de couiiauce dans la vérité pour ne pus craindre la discus-

sion, jiout laisser remettre en question les solutions eu appa-

rence les plus définitives pour livrer le monde aux dispute?, de

c«rnv <}uiIVludiriil cl compter sut* le triomphe final du vrai.

Page 436: Les Sceptiques Grecs Brochard

m CONCLUSION.

Qu'au vetftftu biutt k retnïH'queï, en (téltnissant ainsi h» dog-eu n'est pas un t'l' 1 nous tr~'otts. un vmumatisme, ce n'est pas un plan uU'oI qn« nous traçons, un vœu

nous exprilliolis, C'4,-Stune réalité tléci~ivoits. tque nous exprimons, c'est une réalité que nous décrivons, ho

doute universel a disparu l« science est constituée» île manière

à definr toute attaque. C'est le dogmatisme inébranlable, fondé

sur l'accord unanime df tous, t|i»ia dultnitiveinent vaincu te

scepticisme.

Est-ce trop peu? De vastesespérances s'ouvrent devant nous,

qui [Kiiveitt séduire tes esprits épris de certitude absolue. Les

rapports de plus enplus étroits de la physique et des inatlié-

matitpjes, la réduction. dmcjue jour plus sûrementaccomplie,

n

des |ihénôuiètics plttsicjuesà des mouvements, permettent d'ores

des l' tenOlllctws 1,,)'slIjUCSa (les

IllOItVl'ments'llcl'meltent 1 ores

et déjà d« prévoir le jour où le rôvo do llescartes sera réalisé,et

(1(,I«~i([te prévoir Il-- jour OU le rciv(t (e ut'scurtcs sera l'ca ISe,

oul'esprit pourra reconstruire le monde «

priori. En supposantcette tâche

accomplie, Tuncie» dogmatisme sera-l-il reconstitué? t

Nous en doutons, pour notre part, car. à l'origine de cette

série de déductions, on trouvera toujours certaines données

qu'on constatera soit comme des faits, soit comme des actes

accomplis par une volonté suprême ia pensée ne saurait tout

expliquer. Mais.après tout, cela n'est pas sur. et il ne faut,

comme disaient les sceptiques, décourager personne. Mais, si la

science parfaite peut un jour être atteinte, c'est une espérance î

qu'il faut ajourner: on facompromise à vouloir la réaliser

troptôt. Pour le présent et pour longtemps encore, lu vérité, en ce

qui concerne le monde, renfermera encore quelque chose d'im-

parfait et de provisoire elle ne seraqu'une hypothèse vérifiée.

Si la sciencepositive se contente de cette sorte de certitude

qu'on appelait jadis probabilité, il serait téméraire de penser

que htmétaphysique puisse s'élever plus haut. Elle aussi pro-

cèdepar conjecture, par hypothèse, par divination. Son infé- >

riorité a l'égard de la science, c'est qu'elle n'apas les moyens del'

vérifier directement, ducontrôler par l'expérience ses hypothèses: (

c'estpourquoi il convient du réserver le nom de certitude aux

hypothèses vérifiées et de donner le nom de croyances aux vé-

ritésMétaphysiques. Toutefois, il ne faut rien Si par

Page 437: Les Sceptiques Grecs Brochard

KONfiMJSIOK. m

i> nu cntciiil nînsî rm'ît nrfivn niioltiiii'fois. Pmmlvsi'métaphysique on entend, ainsi qu'il arrive quelquefois, l'imidysi'

de l'entendement, lu erifkroo de la raison, la vérité peut «Hre

atteinte aussi sûrement quedans les sciences lie lu nature, car

les opérations(le l'esprit sont des faits au mémo titre ([lie tes

autres phénomènes naturels, et une théorie de l'entendement*

tenue de*tre d'accord avec eux, se trouve parlà même soumise

à un facile etperpétuel

contrôle. Si ta métaphysiqueest l'expli-

cation do l'univers, comme il est impossibled'embrasser d'un

coup«l'œil la totalité des faits, le contrôle direct est impossible,

(l'est pourquoi les systèmes de métaphysiqueoffriront toujours

de beaux risques à courir ils seront toujoursdes ponsws dont

il faudra s'enchanter soi-même. Cependont une théorie de l'uni-

vers, sans titre complète, peut rendre i*om»le<d*unplus ou moins

grand nombre de faits comme il y a des degrés dans la {irolm-

kilité il y en a dans la valeur des systèmes. L'esprithumain

peut«lotie continuer soir «.«uvre, appliquant

au delà de l'expé-

rience les mômes procédés quilui ont réussi dans la science

c'est pourquoi ta métaphysique et la religion sont éternelles.

Ii faut seulement qu'elles ne se fassent pas illusion sur elles-

mêmes, qu'elles seproposent

sans s'imposerleur seule arme

est lapersuasion.

Lesplus

fermes défenseurs de la foi r«'li-

jjicusoou

métaphysiquereconnaissent

que l'esprit y"i<?l beau-

coup «le liii-imime, et qu'il atteint la vérité parla foi et par le

••«•Mi-,autantque par l'intelligence.

Quant à ta morale, elle présente,au

pointde vue de la cet-

titude, un caractère toutparticulier. Lorsqu'il s'agit de l'idée du

devoir, suivant une profonde reniait pte deKant. ta question n'est

plusde savoir si elle a un objet au sens ordinaire du mot on

ne demande pas si le devoir est toujours accomplisur la terre.

L'idée du devoir est un idéal, une n'jjle que l'esprittrouve en

lui-mdme etqu'il s'agit de faire passer dans ses actes. Le fait

ici, ne précède plusl'idée; il «bit se modeler sur elle. Si l'idée

du devoir s'ollre nécessairement la raison elle ne contraint

l'f Voir, sur o'Iltï <|n.>>lii»nle beau livre il<> M. Ollc-la|nune

Im rtrtiliulc

uiui-nfi-, l'aris, liclill, iH8u.

Page 438: Les Sceptiques Grecs Brochard

m conclusion.

pas là volonté: ici encore, il faut à Porijpiië dt> la connaissant'o

un acte «le libre initiative. Mais, imo fois que l'autorité thi devoir

a été reconnue(et

il importe peu que ce soit par obéissance ou

par persuasion J,le «bute a

disparu. L'agent moral n'aplus

be-

soin de jeter les yeux sur le monde pour raffermir ses croyance*:

c'est en lui-même qu'il découvro ta vérité; sa volonté se suffit

pleinementà elfe-même. Nul ne peut foire que l'idée «tu devoir

ne soit absolument certainepour quiconque s'est décidé lui

obéir. Ni les démentis deni les cruautés de la vie

ne sauraient affaiblir la fermeté du stoïcien te monde peuts'écrouler sans ébranler sa foi. C'est assurément le type le plus

parfait de certitude <|ue nouspuissions connaître.

sTel est le dogmatisme qu'on peut opposer sans crainte aux

i(

critiques dupyrrbonisme. Mais, si nous condamnons te scepti- j

cistne. nous ne devons méconnaître ni ses mérites ni les con-

cessions que nous avons dû lui faire. Si la science a puse

constituer définitivement, c'est à condition do faire droit à ses

principales objections elle atriomphé avec lui plutôt que

contre lui. Quoi qu'on ait pu dire, l'école sceptique est une

grande école elle a contribué pour sa bonne part au progrèsde l'esprit humain, elle a

apporté sapierre

à cet édifice qu'elle >déclarait impossible. En

dépit desapparences, Pyrrlion, Car-

1néade, /Enésidème, Agrippa ont bien mérité de l'esprit humain.

liCette science dont ils n'ont

pas voulu s'éievaiitplus haut qu'eux,

griiee h eux. pettt les compter parmi ses précurseurs. Leur

pensée négative revit dans l'œuvrequ'ils ont méconnue, et. quel-

ques restrictions qu'on doive faire, le jugement del'impartiale

postérité sera que ces puissants esprits n'ont pas perdutmit>

peine. />

(

Page 439: Les Sceptiques Grecs Brochard

TABLE DES W4TIKRES.

IXTtWlBl'CTKttu

I.BS OT&KhBNTS bli SCEPTICISME

tt

tCiiAwrnB t. La philosophie imlt!sticrati(|tn' t

ttiiAPreiu: II. Somiic cl les socratiques«o

LIVRK t.

WXCtKJf SCKPW.iSMB.

(iiiAPiTUEI. Division (le l'Iiisloire tin srcjilifismo 'Ait

&IAMTREII. l,cs origines di» l'iineienspcpticismeho

CijAWTae ll{. PytrtioD 5tt

tiiMPtrite IV. Ttuioii de l'iilionh1 77

LIVRE (I.

LA NOUVELLE ACAUlÎMIK.

GiniMTHB 1. Ijp* origines rfo In nouvelle Ac-ulc-iuie «|8i

ÙMHTRK II..llYV-silaS t)<)

Ciiawtrb IH. Cararâilc. – S» vie ut «1 ctocfriim t a3

Ciiai'ITrk IV*. CAurnêmk. – litomen critiqiii*«63

Chapitrc V. Les successents de CamJadc – Wiilon «le Larissc.. t8(»

Ciiawtrb Vf. Anliochus d'Ascalon '109

LIVRE lil.

I.K Si.firTICISME U1ALKCTIQCK.

Chapitref. L'étote scepti(|tic «a/

Ciuimtiib H. ;Ëm-si(lc>mp •' ft 1

Gii.vi>itre III.Ein!4dèm< – H«>ii sci'|ilicismi'^5."{

Page 440: Les Sceptiques Grecs Brochard

m TABLE DES MA'MftES.

Oihrtiik fV. Knisittème. – Ses rapports uvw riiitaclitfismt1.37»

tiit*miii? V. ifodâidème. – Ëvimeii critique «g»

Cittmnis VI. {a's siicct'sspurs trJîuésklènM*. –Agiijipa «gtj

LIVIU5 IV.

LK SCgt'TH.ISMK KUI'HIIQIK.

Oiiu'itrb t. Li'sniûli'cins sceptiques.

Mitaulote et SextusEni|ii-

i-ieus. $m

Cihrtkf. li. t,i- scepticismo cinpificjup.– Partie dwlnietivc1 .t.1 t

Cii-write Ht. h«? sccjrtteisim» «»mj>tcM|iio.– Partit» «instructive 35«y

Cmi'iTiu: iV. Le [lyrrlioiiMiiu1 ci la nouvelle Aiwlt'ini'1 3Si

t;ovfii.asn»t 3<|tt