les rois du chocolat

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 Les rois du chocolat  Hauts lieux de la gourmandise, les boutiques dédiées au chocolat, si précieux et si délicieux, sont de plus en plus nombreuses à Paris. Détenteurs d’un savoir-faire unique, les chocolatiers parisiens nous régalent et nous surprennent avec leurs créations, innovantes ou traditionnelles. Nous avons choisi nos préfér és : ils racontent leur amour du chocolat et nous confient leurs petits secrets. Dossier réalisé par  LUCIE GOUZE PALACE COSTES DECEMB RE 2011  3 4

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 Les

roisduchocolat 

Hauts lieux de lagourmandise,

les boutiques dédiéesau chocolat,si précieux et si délicieux,

sont de plus en plusnombreuses à Paris.

Détenteurs d’unsavoir-faire unique,

les chocolatiersparisiens nous régalent

et nous surprennentavec leurs créations,

innovantes outraditionnelles.

Nous avons choisinos préférés:ils racontent leur

amour du chocolatet nous confient leurs

petits secrets.Dossier réalisé par L U C I E G O U Z E

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 Patrick  Rogerne quitte jamais sonimmense atelier-laboratoire situé à Sceaux. «C’est vraique c’est grand, mais je prends beaucoup de place»,s’amuse-t-il. Et, au vu des hippopotames géants sur les-quels il travaille depuis plusieurs mois, on le croit bien volontiers. Pas moins de 4 tonnes de chocolat pour dessculptures monumentales destinées aux vitrines de sesmagasins, nées de quatre coups de crayon griffonnésdans un petit carnet ! Il explique sa démarche au travers

de sa passion pour la moto: «On retrouve dans mes créa-tions cet équilibre précaire. La dégustation comme l’ar-tistique, tout est sur le fil.» Et à «l’Instinct»… c’est lenom qu’il a donné à ses pralinés, ses premiers chocolatscréés dans la cuisine de ses parents. Il évoque la ganache

au citron vert, arôme qu’il a décou- vert lors de ses premiers voyages.Mais ces goûts «pointus» ne sont pasau cœur de ses créations, car il entend

rester prochedes produits

de son terroir,le Perche. Patrick 

Roger ne cherche pas à êtredans la tendance (même s’ilpense que parfois, modestement,il la crée), il se méfie de la pressetrop friande de «nouveautés»Il veut rester lui-même:«Le reste, je m’en fous.»Patrick Roger. 108 Boule-vard Saint-GermainParis VI e 

0143293842

 MichelChaudunditde lui-même qu’il est un «dinosaure» dans lemonde du chocolat. Il a commencé chez Lenôtre, où il a été chef chocolatier pendantseize ans avant de passer par la Maison duChocolat aux côtés de Robert Lynx. C’estpour rester artisan que Michel Chaudundécide de s’installer dans sa boutique duVIIe arrondissement, en 1986. «A la fin,

chez Lenôtre, il se produisait50 tonnes de chocolat par an,c’était devenu industriel.»

Aujourd’hui encore, il sebat «pour ne pas grossir».C’est dans l’arrière-bou-

tique qu’il élabore ses recetteset fabrique tout à la main dans son minus-cule laboratoire, entouré de quatre personnes,toujours dans de petites quantités. Il aime «lebon beurre Charentes-Poitou, la crème deNormandie, les noisettes du Piémont, lesamandes de Valencia et la vanille de Mada-gascar», et, aux chocolats pure origine, il pré-fère les mélanges. Ses fiertés : la pâte de truffe«améliorée», dont il ne veut pas révéler le secretet le Colomb, son invention, un chocolat «grué»

craquant aux éclats de fèves de cacao. Sonsaucisson en chocolat côtoie lareproduction du sac Kelly  pour

Hermès, le cheval de Ferrari ou la per-ceuse Dremel. Objets précieux qu’il expose

amoureusement sous verre. Un régal pour les yeux… et pour les gourmands. Michel Chaudun. 149 rue de l’Université, Paris VII e .08 99 23 03 09.

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 Jean-Paul Hévin voulait se consa-crer à l’informatique ou à la photographie, «mais le cho-colat m’a rattrapé et m’a attiré par son odeur, par sa parti-cularité», dit-il dans un sourire. Il se forme au contact degrands chefs comme Joël Robuchon et M. Peltier avant

d’ouvrir en 1986 sa première boutique à La Motte-Pic-quet. Jean-Paul Hévin a voulu apporter au chocolat de lalégèreté. Il développe, à une époque où il y en avait peu,des recettes raffinées de gâteau au chocolat. Il évoqueson Guayaquil, qu’on déguste avec les doigts comme unbiscuit. Rapidement viendront les tablettes de grandscrus, son autre «cheval de bataille». «Aujourd’hui, j’enpropose de vingt-cinq à trente sortes, et il s’en vend prèsde 150000 par an. C’est quand même extraordinairepour un artisan !» Dans la boutique de la rue Saint-

Honoré, il a lancé le bar à chocolat chaud, avec desrecettes inédites à l’huître, au caviar, au thé matcha

ou à la framboise… «C’est sûr, en vingt et un ans, j’ai eu le temps de faire beaucoup de choses.» Jean-Paul Hévin. 231 rue Saint-Honoré,

Paris I er . 0155353596

 JacquesGeninévoque souvent sonamour pour son métier de chocolatier-fondeur en

disant: «Le chocolat, mesdames, c’est doux et élégantcomme votre peau…» Ce qu’il défend avant tout, c’est lafraîcheur du produit. Pour ses ganaches, il n’utilise quedes parfums naturels (feuilles de menthe, estragon,basilic…), ce qui fait que ses chocolats doivent êtreconsommés dans les dix jours. Jacques Genin aime revi-siter les produits classiques auxquels il redonne ses

lettres de noblesse. Pour Noël,il remet au goût du jour la «mus-cadine» (mélange de praliné, deGrand Marnier et de couverturelait). «Quand j’aurai fait le tour

de toutes les grandes spécialitésfrançaises, c’est que j’aurai réussi,et là, je pourrai partir tranquille.» Il se félicite déjàd’avoir ouvert sa chocolaterie, un magnifique espacede 400 mètres carrés où il fait bon déguster pâtisseries etdivins chocolats chauds. Dans l’atelier situé au premierétage, une vingtaine de personnes s’affairent àla production pour la boutique, mais aussipour de grands hôtels. A la question : «Unincontournable de la maison JacquesGenin ?», «Mais moi!» répond-il dansun grand éclat de rire.

 Jacques Genin. 133 rue de Turenne,Paris III e . 0145772901.

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ChristianConstant est petit-filsde vigneron et découvre le chocolat au sortir de la guerrede 40 grâce aux soldats américains qui partageaient leursgourmandises. Plus tard, grâce à ses connaissances du

 vin, il découvre que les procédés

de fermentation du cho-colat sont à peu prèsidentiques. Il décidealors de s’intéresser auproduit pur, à l’époqueoù le chocolat n’aaucune spécificité. Ilpart à la découverte des

pays producteurs et comprend rapidement qu’il n’y a pasun chocolat, mais plusieurs sortes qui varient selon lesterroirs, les variétés botaniques, les modes de culture etde préparation… Il lance alors l’idée de produire deschocolats «monocépages», issus d’une plantation unique,avec des goûts très spécifiques. «Avec cette idée, je mesuis heurté à beaucoup de réticences, à une époque oùtoute l’industrie était basée sur l’assemblage. Aujour-d’hui, la démarche est plus courante.» Pour ChristianConstant, l’amateur de chocolat est avant tout à larecherche du produit pur et ira plutôt vers la dégus-tation de tablettes. Dans sa boutique, il proposequelques bonbons de chocolat. «La confiserie, cen’est pas ma passion, mais mes ganaches explorentune palette olfactive assez large et mobile, et madémarche reste singulière.» ChristianConstant déplore chez certains une

dérive, avec des associations délirantes.Un sacrilège pour le puriste : «Quandle produit est bon, on n’a pas besoinde le tripoter.»Christian Constant. 37 rue d’Assas,

Paris VI e . 0153631515.

CatherineCluisel, l’une des fillesde Michel Cluisel, s’occupe de la boutique parisienne etdéfend les deux métiers de la maison, celui de chocolatier,mais surtout celui de «cacaofèvier», transformateur defève de cacao. L’histoire de la maison Cluisel commence

en 1947 en Normandie, où toute la famille se consacre auchocolat. L’entreprise prend de l’ampleur et fournit, sousanonymat, de nombreuses boulangeries et pâtisseries. Cen’est que récemment, à l’initiative de ses quatre enfants,que le nom de Michel Cluizel a été mis en avant. Dans lamaison Cluizel, il n’est pas tellement question de ten-dance. «Je ne me représente pas comme parisienne. Monâme est en Normandie, et je peux parfois être en décalageavec ce qu’il se fait ailleurs, lâche Catherine Cluizel. Nousnous adaptons aux différentes cultures: pour le Moyen-Orient, nous avons des coffrets de 4 kilos, et pour nosclients japonais, des boîtes avec 2, 4 ou 6 chocolats…Nous nous adaptons aussi à l’évolution des goûts. Petit à

petit, les gens s’habituent à deschocolats avec des pourcen-

tages très élevés en cacao :notre ganache à 99 %

a beaucoup de succès.» Michel Cluizel.

 201 rue Saint-

Honoré, Paris I er .

01 42 44 11 66

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Sadaharu Aoki s’est fait remarquerpour ses pâtisseries exquises. Pionnier dans sondomaine, il fait surtout sensation avec son millefeuille

et son éclair au thé vert. Il place au cœur de ses créationsdes goûts subtils et innovants, comme le yuku (agrume

 japonais dont le goût est proche de celui de lamandarine), le sanchô (poivre japonais) ou

le matcha (thé vert), qu’on retrouveradans ses chocolats, auxquels il décide de

se consacrer depuis 2007. Il développe unegamme élégante de petits bonbons hyper-

colorés, Maquillage, pour laquelle il perfectionnele choix des transferts. Comme le veut la tradition japo-naise, Sadaharu Aoki se démarque également pour lechoix des emballages, avec entre autres la pochette fleur,

qui renferme de fines tablettes de cho-colat de 25 grammes. Idéal pour offrir

Sadaharu Aoki. 56 boule-vard de Port-Royal,Paris V e .0145444890.

 Jean-Charles Rochoux,petit, voulait être pâtissier en Afrique… Et de cette

envie atypique est né le désir de devenir chocolatier. Jean-Charles Rochoux ouvre en 2004 sa petite boutiqueavec son laboratoire au sous-sol, où il travaille avec unedizaine de personnes. «Les odeurs qui montent, lesbruits de culs-de-poule qu’on entend, ça n’a pas de prixpour les clients», s’amuse l’artisan. Il se fait remarqueravec ses petites sculptures de chocolat (lézard, labrador,canard, angelot), mais aussi avec les parfums particuliersqu’il choisit. Il a lancé le bonbon au whisky Maker’sMark, mais aussi une étonnante ganache au cigare aveclaquelle il a «rendu malade tout [son] laboratoire avantde trouver l’équilibre parfait». Le résultat est saisissant.

Parmi ses autres trouvailles: latablette éphémère aux fruits frais

(mangue, litchi, figue, marron,ananas poêlé), vendue le samedimatin. L’essentiel, pour Jean-Charles Rochoux, c’est de faire

plaisr. «En ces temps de crise,c’est primordial !» Jean-Charles Rochoux. 16 rue 

d’Assas, Paris VI e .0142842945.

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et faire plaisir.

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 Pierre Herméaime le chocolat.«Mon premier souvenir autour du chocolat me ramèneen enfance. Je me souviens de mon père quand il faisaitles moules de la Saint-Nicolas, j’aimais manger le cho-colat qui s’écoulait. Puis, je suis devenu pâtissier, mais j’ai

été également formé à la chocolaterie, à la glacerie et à laconfiserie. Pour mes goûts, je dirais le chocolat au laitpour la gourmandise et le noir pour la dégustation, avec

la diversité des arômes et l’amer-tume. Je travaille de façon quasiexclusive avec Valrhona, à qui je faisconfiance pour les chocolats qu’ilsme fournissent. En ce moment, parexemple, je propose le macaron Infiniment Chocolat Sur Del Lago,issu de fèves de cacao cultivées auVenezuela, au sud du lac Mara-

caibo, dont la fermentation trèsspécifique donne des arômes très particuliers. Tousles mélanges de goûts sont possibles. Il n’y a rien qui ne fonctionne pas vraiment, toutest question de dosage. Un jour, j’aientendu un confrère parler de sa difficultéà utiliser le cassis. J’ai trouvé intéressant depoursuivre cette piste, et j’ai trouvé un équi-libre en l’associant avec le chocolat Chuao.Le chocolat offre des possibilités illimitées.Et les gens viennent chez nous pourtrouver une certaine créativité et une cer-taine originalité.»Pierre Hermé. 72 rue Bonaparte Paris VI e 

0143544777 

LES MOTS DU CHOCOLAT 

Bonbon. Nom populaire employé pour désigner laconfiserie de chocolat. Chaque pièce pèse moins de20 grammes (généralement entre 6 et 10 g). C’est une«bouchée» si son poids est supérieur.

Chocolat de couverture. Mélange de pâte de cacao,beurre de cacao et sucre, issu du traitement de la fève utilisée pour fabriquer les bonbons de chocolat.Chaque chocolatier dispose de couvertures différentesselon son savoir-faire.

Cru. Terme employé pour désigner la terre d’originede la fève. On parle de monocru pour des chocolatspure origine, qui sont composés d’une seule variété defèves provenant de la même région.

Gianduja. Pâte provenant du mélange de noisettesgrillées et broyées, de sucre et de chocolat fondu.

Ganache. La ganache est un type de fourrage, utilisénature ou parfumé, qui résulte d’un mélange de crèmebouillie versée sur de la couverture concassée.

Praliné. Mélange de sucre, d’amandes ou de noi-settes. Caramélisé, puis broyé, il est utilisé pour fourrerdes bonbons de chocolat.

Grué. Eclats de fèves torréfiés.Criollos. De criollo, «créole». Fèves originaires du

 Venezuela. Douces et aromatisées, elles sont considé-rées comme haut de gamme.

Forasteros. Fèves représentant 75 % de la productionmondiale, cultivées en Amérique du Sud et en Afrique.Espèce résistante et facile à produire.

 Trinitarios.Fèves tirant leur nom de l’île de la Trinitéissues d’un croisement entre les variétés forasteros et

criollos. Elles représentent 15 % de la production mondiale.

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