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Les représentations que les familles et le personnel soignant ont de leur rôle auprès des personnes âgées placées en centre d’hébergement
Par
Marie Gagné
Rapport final
Soumis à Monsieur Michel Boulanger
Coordonnateur de l’hébergement et des soins infirmiers
Résidence Christ-Roi
CLSC-CHSLD Haute-Ville-Des-Rivières
Rédigé dans le cadre du Laboratoire de recherche en sociologie Sous la supervision de Monsieur Jean-Jacques Simard
Et de Mélanie Bédard
Université Laval 22 avril 2003
Révisé le 9 octobre 2003
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Faits saillants
Diverses études ont démontré que :
L’implication antérieure des enfants et des conjoints auprès de la personne âgée vient structurer leur participation dans les soins une fois que celle-ci est confiée au centre d’hébergement;
Après le placement de leur proche en résidence pour personnes âgées, la plupart
des membres de la famille désirent continuer à s’impliquer auprès de celui-ci;
Les personnes-soutiens et les membres du personnel soignant n’ont pas les mêmes conceptions des responsabilités de chacun auprès de la personne hébergée;
Le centre d’hébergement possède des règlements et des normes qui précisent les
tâches des personnes qui y travaillent et leur suggèrent la façon de les effectuer; Dans le cadre de cette recherche :
La nature et la dynamique des liens entre les personnes-soutiens et le personnel soignant sont saisies à l’aide des concepts sociologiques de rôle et de représentations sociales. Le rôle renvoie à l’ensemble des comportements attendus d’une personne qui occupe une position particulière dans la société, alors que les représentations sociales constituent une certaine interprétation de la réalité qui oriente la conduite des individus;
Nous voulions connaître et comparer la façon dont les personnes-soutiens, les
infirmières et les préposés se représentent leur rôle et celui de l’autre auprès de la personne âgée hébergée;
La méthode d’enquête utilisée est l’entrevue, parce qu’elle permet de comprendre la signification que les personnes interrogées donnent elles-mêmes à leur vécu;
Les témoignages recueillis révèlent que :
Tous les enfants et les conjoints rencontrés continuent de tenir une place importante dans la vie affective de la personne âgée placée en centre d’hébergement et la visitent régulièrement, mais ne sentent pas que c’est leur
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devoir d’effectuer les soins techniques, dont ils confient l’exécution au personnel soignant;
Les aidants familiaux ne se sentent pas tous également responsables envers leur
proche. Il est possible de repérer trois types de personnes-soutiens selon la confiance qu’elles accordent au personnel soignant et la conception qu’elles se font des conditions de vie en centre d’hébergement;
Les «confiants» reconnaissent et apprécient le travail du personnel soignant. Ils
considèrent que leur proche est heureux en centre d’hébergement;
Les «vigilants» ressentent une certaine culpabilité d’avoir confié leur conjoint ou leur parent en centre d’hébergement et exercent une surveillance des soins prodigués à la personne âgée. Cependant, ils ne sont pas inquiets pour leur proche qui est généralement lucide;
Les «protecteurs» ou «anges gardiens» ne font pas confiance aux membres du
personnel soignant. Comme les «vigilants», ils éprouvent également de la culpabilité d’avoir placé leur proche, qu’ils ont l’impression d’avoir abandonné. Ils s’assurent eux aussi de la qualité des soins et se donnent la responsabilité de protéger la vulnérabilité de leur proche qui souffre d’atteintes cognitives;
Les infirmières et les préposés ne ressentent pas tous les mêmes responsabilités à
l’égard des personnes âgées et de leur famille selon la fonction qu’ils occupent dans le centre d’hébergement;
Les représentations des aidants familiaux et des membres du personnel soignant à
propos du rôle de chacun sont relativement semblables, sauf en ce qui concerne la responsabilité de surveillance des soins et de protection de la personne âgée que certaines personnes-soutiens s’accordent;
Les relations entre ces dernières et les infirmières ou les préposés sont plus
tendues, car les employés considèrent qu’ils offrent des soins de qualité et demandent la reconnaissance de leurs compétences professionnelles.
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Résumé court
Désireux de comprendre la nature des liens qu’entretiennent les familles des personnes
âgées et le personnel soignant dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée
(CHSLD), le CLSC-CHSLD Haute-Ville-Des-Rivières a commandé une recherche sur la
dynamique de ces relations. La question posée était celle-ci : comment les familles et les
soignants se représentent-t-ils chacun leur rôle et celui de l’autre? Dix enfants et conjoints
dont le proche est hébergé aux CHSLD Christ-Roi ou Le Faubourg ainsi que dix
membres du personnel soignant de ces centres ont été interrogés. Les proches continuent
à tenir une place importante dans la vie affective de la personne âgée, mais délèguent
l’accomplissement des soins techniques aux infirmières et préposés. La façon dont ils
interagissent avec le personnel soignant est déterminée par le sentiment de responsabilité
qu’ils éprouvent envers la personne âgée, par la confiance qu’ils accordent au personnel
soignant et par la conception qu’ils ont des conditions de vie en résidence. Les plus
rassurés reconnaissent et apprécient le travail du personnel, alors que ceux qui le sont
moins s’assignent un rôle de surveillance des soins et de protection de la personne âgée.
Les relations du personnel avec les parents inquiets sont plus tendues car les employés
considèrent que leur expertise devrait être reconnue. Par ailleurs, parce qu’ils n’ont pas
les mêmes tâches à réaliser, les membres du personnel soignant n’envisagent pas leurs
responsabilités envers les personnes âgées et les familles de celles-ci de la même façon
selon qu’ils soient infirmières, auxiliaires ou préposés.
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Remerciements
Mes remerciements s’adressent en tout premier lieu aux répondants qui ont généreusement accepté de consacrer de leur temps et de partager leur expérience. Merci à David Lemieux pour sa participation lors de la recension des écrits et de la réalisation des entrevues. Je tiens également à remercier ma coordonnatrice Mélanie Bédard. Sa très grande disponibilité et ses commentaires pertinents ont contribué à faire le succès de cette recherche. Merci aussi à mon professeur Monsieur Jean-Jacques Simard pour ses conseils judicieux. Je désire aussi souligner la collaboration de Monsieur Boulanger, coordonnateur à la résidence Christ-Roi et Madame Naud, coordonnatrice au centre Le Faubourg. Merci à Monsieur Éric Gagnon, chercheur, et Marc-André Delisle, chargé de cours, pour leurs conseils qui furent précieux en début de recherche. Finalement, merci à Isabelle Gourdes-Vachon et Ghislain Brisson, pour leur support, leur écoute et leurs conseils.
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Tables des matières
FAITS SAILLANTS.................................................................................................................................... II
RÉSUMÉ COURT...................................................................................................................................... IV
REMERCIEMENTS....................................................................................................................................V
TABLES DES MATIÈRES ....................................................................................................................... VI
INTRODUCTION .....................................................................................................................................VII
CHAPITRE I : LES FAMILLES ET LE PERSONNEL SOIGNANT AUPRÈS DE LA PERSONNE ÂGÉE..............................................................................................................................................................9
1.1 CONDITIONS STRUCTURELLES, HISTORIQUES ET DÉMOGRAPHIQUES DE LA TRANSFORMATION DES SOLIDARITÉS FAMILIALES ............................................................................................................................9 1.2 PORTRAIT DES AIDANTS FAMILIAUX ASSURANT LE MAINTIEN À DOMICILE DE LEUR PROCHE ÂGÉ .......11 1.3 LE PLACEMENT EN CENTRE D’HÉBERGEMENT VÉCU COMME UN CHANGEMENT DANS LA DÉFINITION DES RÔLES FAMILIAUX .....................................................................................................................................14 1.4 LES PERCEPTIONS DES MEMBRES DE LA FAMILLE ET DU PERSONNEL SOIGNANT SUR LA PLACE QU’ILS OCCUPENT DANS LE CENTRE D’HÉBERGEMENT ..........................................................................................19 1.5 LE CADRE DE TRAVAIL DES MEMBRES DU PERSONNEL SOIGNANT ........................................................21
CHAPITRE II : RÔLE ET REPRÉSENTATIONS SOCIALES............................................................23 2.1 CADRE CONCEPTUEL............................................................................................................................23 2.2 QUESTION DE RECHERCHE ...................................................................................................................28 2.3 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE..............................................................................................................28 2.4 HYPOTHÈSES .......................................................................................................................................29
CHAPITRE III : LA MÉTHODOLOGIE ................................................................................................32 3.1 TECHNIQUE D’ENQUÊTE : L’ENTREVUE ...............................................................................................32 3.2 PRÉSENTATION DU SCHÉMA D’ENTREVUE............................................................................................33 3.3 LA POPULATION À L’ÉTUDE ET L’ÉCHANTILLON ..................................................................................39 3.4. LES LIMITES DE LA RECHERCHE ..........................................................................................................42
CHAPITRE 4 : LES RELATIONS ENTRE LES MEMBRES DE LA FAMILLE ET LE PERSONNEL SOIGNANT ........................................................................................................................44
4.1 LE RÔLE DES FAMILLES ET DU PERSONNEL SOIGNANT SELON LES ENFANTS ET LES CONJOINTS............44 4.2 LE RÔLE DES FAMILLES ET DU PERSONNEL SOIGNANT SELON LES INFIRMIÈRES ET PRÉPOSÉS...............62 4.3 CONCLUSION .......................................................................................................................................71
CONCLUSION............................................................................................................................................73
ANNEXE I....................................................................................................................................................75
ANNEXE II ..................................................................................................................................................77
ANNEXE III ................................................................................................................................................81
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................................83
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Introduction
Les infirmières1 et les préposés des centres d’hébergement et de soins de longue durée
connaissent souvent des difficultés ou des conflits avec les familles des personnes
résidentes. Ils sont parfois en désaccord sur les soins et services à donner, sur ce qu’il
convient le mieux à la personne âgée et sur la place que peut occuper la famille en centre
d’hébergement. Les rapports qu’entretiennent le personnel soignant et les enfants ou les
conjoints sont parfois teintés d’agressivité. La résidence Christ-Roi désire donc
comprendre l’attitude des membres du personnel soignant et des familles afin de faciliter
l’intégration de celles-ci dans l’institution et de favoriser le bien-être des principaux
concernés : les personnes âgées elles-mêmes.
La Direction de la recherche et de l’enseignement du CLSC-CHSLD Haute-Ville-Des-
Rivières, dont fait partie la résidence Christ-Roi, a commandé cette étude afin d’étudier
les relations entre les familles des personnes âgées et le personnel soignant. Cette
recherche présente un intérêt particulier, parce que si la littérature se fait relativement
abondante au sujet des conceptions que les familles ont de leurs responsabilités et de
celles du personnel soignant auprès de la personne âgée, peu d’études portent sur les
représentations que les infirmières et les préposés ont de leur propre rôle et de celui des
familles.
Dans le premier chapitre, nous serons en mesure de constater que certains facteurs ont
conduit les familles à de plus en plus recourir aux centres d’hébergement. Nous verrons
par la suite que, selon diverses études réalisées sur le rôle des familles auprès d’une
personne âgée, l’implication de ces dernières auprès de leur proche à domicile influence
souvent la façon dont elles s’investissent et participent dans les soins de celui-ci une fois
qu’il est placé en résidence. En outre, les membres des familles et du personnel soignant
1 Notez que tout au long de cette étude, le terme « infirmière » est utilisé indifféremment pour désigner les infirmières et les infirmières-auxiliaires, dans le but d’alléger le texte.
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n’ont pas les mêmes conceptions des responsabilités de chacun auprès de la personne
âgée. Le cadre de travail dans lequel les infirmières et les préposés évoluent sera
finalement présenté, en montrant comment ces derniers doivent respecter certaines règles
dans l’exercice de leurs fonctions.
Afin de cerner la dynamique des liens entre les personnes-soutiens et le personnel
soignant, nous étudions les représentations qu’ils se font du rôle de chacun, les
responsabilités qu’ils s’attribuent et les attentes qu’ils entretiennent réciproquement.
Comme il est expliqué de façon plus détaillée dans le second chapitre, le rôle est
l’ensemble des comportements attendus d’une personne qui occupe un certain statut dans
la société, alors que les représentations sociales constituent une vision du monde qui
guide la conduite des individus.
Des entrevues ont été réalisées auprès de conjoints et d’enfants dont le proche était
hébergé aux CHSLD Christ-Roi ou Le Faubourg. Des membres du personnel soignant
provenant de ces centres ont également été interrogés. La méthodologie employée et la
composition de l’échantillon sont présentées dans la troisième partie.
Dans le chapitre IV, les témoignages des personnes-soutiens et des membres du personnel
soignant rencontrés sont analysés afin de comprendre comment les représentations qu’ils
ont de leur rôle et de celui de l’autre influencent les rapports qu’ils entretiennent. Leurs
conceptions respectives sont comparées afin de voir si elles concordent ou diffèrent entre
elles.
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Chapitre I : Les familles et le personnel soignant
auprès de la personne âgée
Malgré la modification des liens de solidarité au sein des familles occidentales, plusieurs
d’entre elles s’occupent de leur proche âgé à domicile. Lorsque ce dernier est placé en
centre d’hébergement, ces familles sont nombreuses à continuer de ressentir une
responsabilité à son égard et désirent s’impliquer dans les soins à lui prodiguer.
Cependant, cette participation peut interférer avec le travail des infirmières, qui, dans
l’exercice de leurs fonctions, sont soumises à certaines contraintes et règles à respecter.
1.1 Conditions structurelles, historiques et démographiques de la transformation des solidarités familiales
Différents phénomènes ont affecté les liens de solidarité qui unissaient auparavant les
parents et leurs enfants, ce qui a pour conséquence d’augmenter le nombre de personnes
âgées confiées au centre d’hébergement.
Dans les sociétés préindustrielles, les adultes, qu’ils soient paysans, artisans ou petits
commerçants, consacraient toute leur vie à travailler et ne cessaient qu’à leur mort, qui
survenait généralement assez tôt. Il était presque impossible d’envisager la vie en dehors
de la cellule familiale, à l’intérieur de laquelle s’effectuait la production des biens
nécessaires à la survie (Langlois, 1990, p.90). Tous les membres de la famille
contribuaient au travail, qui était adapté en fonction des capacités de chacun selon son
âge. Ainsi, le vieillard, homme ou femme, demeurait avec ses enfants parce qu’il était
encore utile au groupe familial. Il pouvait par exemple s’occuper des jeunes enfants afin
de permettre à la mère d’effectuer les activités de production domestique (Hareven, 1977,
cité dans Lacourse, 1994, p.184; Langlois, 1990, p.91). La famille s’occupait de la
personne âgée jusqu’à son décès. Avec l’industrialisation au XVIIIe siècle, l’apport d’un
revenu salarié diminue les liens de dépendance économique des adultes envers leurs
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parents, parce que les biens qui assurent la survie peuvent être achetés. Il y a
autonomisation et séparation entre la sphère du travail et la sphère de la famille (Langlois,
1990, p.91) qui devient principalement un lieu d’échanges affectifs. Les différentes
générations cessent de cohabiter ensemble. L’avènement du salariat, conjugué à
l’apparition de la retraite au XXe siècle, entraîne la création d’une nouvelle étape distincte
dans le cycle de vie, celui de la vieillesse, pendant laquelle l’individu n’occupe pas
d’emploi rémunéré. Dans la société contemporaine, les individus n’attendent plus la mort
pour mettre un terme à leurs activités professionnelles (Hareven, 1977, cité dans
Lacourse, 1994, p.385).
Avec l’occupation d’un emploi extérieur à la cellule familiale, la prise en charge de la
personne en perte d’autonomie n’est plus intégrée à la vie quotidienne. Alors que les
femmes étaient traditionnellement désignées pour prendre soin de leurs parents, leur
entrée sur le marché du travail les rend moins disponibles pour assumer cette
responsabilité (Vercauteren et all, 1999, p.70; Guberman, 1987, cité dans Pitrou, 1991,
p.296).
L’allongement de l’espérance de vie occasionne une augmentation du nombre de
personnes âgées et permet le côtoiement de plusieurs générations simultanément.
Cependant, ce changement implique que la personne âgée demande des soins pour une
période plus longue pour son conjoint ou ses enfants. Les descendants qui assurent ces
soins sont également de plus en plus âgés et de moins en moins disposés à s’occuper de
leur parent. Par exemple, un enfant qui prend soin de son parent de quatre-vingt-cinq ans
a approximativement soixante ans, au moment où il prend lui-même sa retraite
(Vercauteren et all. 1999, p.70; Lepage, 1990, p.6).
Par ailleurs, avec la diminution du taux de natalité, la taille des familles se réduit
considérablement et les enfants d’une même famille atteignent l’âge adulte en même
temps. Les parents peuvent donc compter sur un nombre restreint d’enfants pouvant
éventuellement prendre soin d’eux pendant leur vieillesse, contrairement à auparavant
(Segalen, 1991, p.237; Lepage, 1990, p.6).
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Tous ces facteurs contribuent à accroître le nombre de familles qui recourent au centre
d’hébergement pour y confier leur proche âgé. Les tâches associées à la prise en charge
des personnes âgées, qui relevaient auparavant du groupe familial, sont maintenant
transférées en partie à des institutions spécialement mandatées pour accueillir celles-ci.
1.2 Portrait des aidants familiaux assurant le maintien à domicile de leur proche âgé
Les liens entre la personne âgée et ses proches s’enracinent dans une histoire familiale
qui a débuté longtemps avant son placement en centre d’hébergement. Cette relation
antérieure vient structurer l’implication des familles auprès de la personne âgée une fois
qu’elle est confiée au centre d’hébergement.
Les motifs qui poussent les personnes-soutiens à s’occuper de leur proche âgé
Malgré les transformations qui ont affecté les liens au sein de la famille occidentale et qui
poussent celle-ci à recourir au centre d’hébergement, plusieurs enfants ou conjoints
prennent soin de leur proche âgé à domicile avant de le confier à la résidence. Les raisons
qui poussent les familles à accorder leur aide à la personne en perte d’autonomie se
rapportent à l’amour et à l’affection qu’elles éprouvent à l’égard de celle-ci, entremêlés
d’un sentiment de devoir (Vézina et Pelletier, 2001, p.162; Garant et Bolduc, 1990, p.6
du résumé). Les relations familiales se fondent sur la solidarité et la réciprocité différée.
Les parents accordent leur soutien affectif, matériel et financier à leurs enfants pendant
leur jeunesse et ces derniers remettent cette aide ultérieurement, lorsqu’ils sentent que
leurs parents ont à leur tour besoin d’eux. Les échanges au sein de la famille ne sont
donc pas immédiats (Segalen, 2000, p.111; Lesemann et Chaume, 1989, p.234). Les
enfants qui prennent soin de leur proche en perte d’autonomie se sentent généralement
redevables à son égard de l’aide qu’il leur a accordée auparavant. Souvent, la personne
âgée a implicitement « choisi » son aidant parmi ses enfants et l’a « investi d’une
responsabilité qui a valeur symbolique». Pour la personne-soutien, ce pacte donne un
sens à l’aide qu’elle accorde à la personne âgée (Lesemann et Chaume, 1989, p.238).
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Par ailleurs, la proximité de l’aidant auprès de la personne âgée a un effet sur l’intensité
de son engagement. Souvent, celui-ci n’agit pas par choix. C’est plutôt un concours de
circonstances qui l’a graduellement amené à prendre soin de son proche, parce qu’il n’a
pas de frère ou de sœur à proximité pour donner de l’aide ou parce que ces derniers se
sont désistés (Garant et Bolduc, 1990, p.60, 62; Lepage, 1990, p.4).
Les aidants sont également motivés par la perspective de la mort, parce qu’ils désirent
procurer une vie agréable à leur proche lors des dernières années de sa vie et parce que
s’en occuper permet de faire reculer le deuil. En effet, le placement de la personne âgée
en centre d’hébergement peut être perçu comme « une séparation anticipée annonciatrice
de la séparation ultime » (Lesemann et Chaume, 1989, p.238).
Les responsabilités de la personne-soutien auprès de la personne âgée
Différentes études ont démontré que les conjoints ont tendance à considérer que la
responsabilité de prendre en charge leur proche leur revient exclusivement (Qureshi, cité
dans Vézina et Pelletier, 2001, p.10). Ces derniers sont peu enclins à recourir à leurs
enfants ou aux services extérieurs pour les accompagner dans leur tâche. Pour leur part,
les enfants considèrent que leurs collatéraux, frère ou sœur, ont le devoir de se partager la
responsabilité des soins auprès de leur parent. Ces derniers acceptent plus facilement que
les conjoints aidants l’aide des autres membres de la famille et des services du réseau
formel (Vézina et Roy, 1996; Vézina et Pelletier, 1998, cités dans Vézina et Pelletier,
2001, p.10).
La personne-soutien qui prend sous sa responsabilité un proche âgé est amenée à lui
prodiguer un ensemble de soins et est responsable du bien-être global de la personne dont
elle s’occupe. Le soutien à domicile accordé aux personnes âgées par les aidants est très
diversifié : il consiste en un soutien psychologique et émotif, une assistance monétaire,
une médiation entre les services formels et le proche âgé, en différents services pratiques
et une présence continue (Garant et Bolduc, 1990, p.5 du résumé).
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Les conséquences pour la personne- soutien du maintien à domicile de son proche âgé
Le fait d’assister une personne âgée en perte d’autonomie sur une base régulière
provoque une situation de stress et de tension émotive ayant une incidence sur la santé
physique et mentale de l’aidant, ainsi que sur sa vie sociale (Garant et Bolduc, 1990, p. 5
du résumé; Lepage, 1990, p.11). Une étude menée en Italie illustre que les personnes-
soutiens trouvent plus difficile de continuer à rencontrer leurs amis, de poursuivre leurs
activités de loisirs, d’organiser leurs vacances, et ressentent une fatigue physique ou
psychologique (Facchini, 1991 cité dans Facchini et Scotergagna, 1993). Une autre
recherche effectuée au Québec affiche des résultats similaires. Plusieurs personnes-
soutiens ont vécu un changement dans l’organisation du temps, sont dans l’impossibilité
de prendre un congé et il est plus difficile pour elles de rencontrer des amis et d’occuper
un emploi extérieur. Cette situation est plus accablante pour les aidants qui cohabitent
avec la personne âgée parce qu’ils doivent lui apporter une aide plus constante
(Lesemann et Chaume, 1989, p.98). L’état émotif des aidants est par ailleurs affecté,
plusieurs se sentant tendus, découragés, prisonniers, liés à leurs responsabilités ou
inquiets au sujet de leur proche (Lesemann et Chaume, 1989, p.101-102). Cependant, le
fait d’aider une personne âgée comporte également des aspects positifs tel que le
sentiment de satisfaction, l’estime de soi, le sentiment d’être utile et d’améliorer la
situation et la relation avec cette dernière (Garant et Bolduc, 1990, p.6 du résumé).
Les aidants les plus impliqués dans les soins ont parfois de la difficulté à partager la
charge avec d’autres. Les efforts investis sont si intenses que ces derniers sont incapables
d’envisager un style de vie différent et de recourir à l’aide extérieure. Il leur paraît plus
simple de maintenir la routine quotidienne car l’organisation des soins semble parfois
complexe. Aussi, les personnes âgées n’acceptent pas toujours de recevoir l’assistance de
quelqu’un d’autre et certains aidants ont le sentiment qu’ils ne doivent pas compter sur
autrui pour les assister dans leurs responsabilités (Allan, cité dans Garant et Bolduc,
1990, p.54).
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Les raisons du placement de la personne âgée en centre d’hébergement
Une personne-soutien peut prendre soin de son proche pendant une période qui peut
s’étaler jusqu’à dix ans (Lesemann et Chaume, 1989, p.65). Généralement, la personne
âgée n’est confiée au centre d’hébergement qu’en dernier recours, lorsque les soins
qu’elle demande sont devenus trop exigeants et amènent un épuisement pour la personne-
soutien qui n’est plus en mesure d’assurer son maintien à domicile (Garant et Bolduc,
1990, p. 24; Facchini et Scortegagna, 1993, p.101). Parfois, c’est la personne âgée elle-
même qui formule le souhait d’aller vivre en centre d’hébergement, afin d’éviter de se
sentir un fardeau pour son entourage (Tremblay, cité dans Garant et Bolduc, 1990, p.24).
Les aidants familiaux épuisent toutes les solutions dont ils disposent pour éviter à la
personne âgée d’être hébergée, mais ils ne considèrent pas que le soutien qu’ils accordent
à la personne âgée est inconditionnel. Ils estiment même que le gouvernement a le devoir
de s’occuper des personnes âgées les plus dépendantes (Lesemann et Chaume, 1989,
p.163). Les personnes-soutiens établissent des limites à leur aide, particulièrement
lorsqu’une détérioration de la santé physique de la personne âgée nécessiterait le recours
intensif aux services d’une infirmière et lorsqu’une dégradation de son état de santé
mentale lui fait adopter des comportements irréfléchis ou dangereux pour elle ou son
entourage (Lesemann et Chaume, 1989, p.138). Une dégradation de l’état de santé
physique ou mentale de la personne-soutien constitue également une limite au soutien
accordé par celle-ci (Lesemann et Chaume, 1989, p.149). Finalement, l’aidant familial
recourt souvent à des soins extérieurs lorsque la personne âgée n’est plus en mesure de
donner une forme de réciprocité affective (Reece et all., cités dans Garant et Bolduc,
1990, p.67).
1.3 Le placement en centre d’hébergement vécu comme un changement dans la définition des rôles familiaux
L’hébergement de la personne âgée constitue souvent un changement important dans la
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vie familiale des aidants, qui doivent apprivoiser cette nouvelle situation.
Culpabilité des familles
Lorsqu’elles placent leur proche en centre d’hébergement, certaines personnes-soutiens
peuvent éprouver un sentiment de culpabilité, accompagné d’un certain soulagement de
se voir délester d’un fardeau souvent devenu très lourd (Rosenthal et Dawson, cités dans
Ross et all. 1997, p.53). « Tout en libérant l’aidant d’une tâche devenue très exigeante,
l’institutionnalisation symbolise pour plusieurs l’abandon de l’être cher, ou encore le
sentiment d’avoir échoué, à leurs yeux et aux yeux des autres membres de leur famille,
dans leurs responsabilités auprès de la personne âgée. » (Vézina et Pelletier, 2001, p.9)
Les personnes-soutiens ont l’impression de faillir au devoir qui leur incombait et
d’abandonner l’être cher, d’autant plus que les centres d’hébergement ont une image
négative à leurs yeux (Vercauteren et all, 1999, p.71). Ces aidants s’inquiètent du
nombre insuffisant d’infirmières et de préposés pour s’occuper de leur proche, de la
promiscuité et de la rigidité des horaires qui caractérisent à leurs yeux la vie en résidence.
Cette image négative est souvent renforcée par l’aspect hospitalier du centre
d’hébergement. Certaines personnes-soutiens essaient de compenser ce sentiment de
culpabilité en s’impliquant dans les soins de la personne hébergée.
La transformation des liens familiaux
L’hébergement de leur proche implique pour les personnes-soutiens une modification
dans la dynamique des liens familiaux. En effet, alors qu’auparavant, les personnes-
soutiens étaient fortement engagées auprès de leur proche, elles sont en quelque sorte
reléguées au rôle de visiteur lorsque que ce dernier est hébergé. Par ailleurs, le passage
du domicile au centre d’hébergement représente pour le conjoint la fin de la cohabitation
et de la vie de couple (Vézina et Pelletier, 2001, p.146). Le conjoint ou l’enfant de la
personne âgé, lorsque celle-ci est placée en centre d’hébergement, tente de redéfinir son
rôle avec les responsabilités et les normes qui s’y rattachent et de l’inscrire dans la
continuité de l’histoire familiale. En passant du domicile vers la résidence privée ou le centre d’hébergement et de soins de longue durée, la personne âgée et sa famille deviennent les acteurs
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d’un nouveau « milieu de vie ». Les interactions familiales qui trouvaient depuis plusieurs années leur sens dans l’intimité des liens et le partage d’une symbolique commune au sein du foyer doivent maintenant conjuguer avec un monde d’étrangers. C’est au cœur de ce nouveau milieu de vie que la famille doit redéfinir sa participation et la signification de cette participation en collaboration avec le personnel soignant. (Vézina et Pelletier, 2001, p.16.)
La première année d’hébergement constitue particulièrement une période d’ajustement
pour les enfants et les conjoints, qui doivent découvrir de nouvelles façons d’apporter de
l’aide à leur proche (Brooke, cité dans Vézina et Pelletier, 2001, p.11).
Les membres de la famille, et plus particulièrement la personne-soutien qui s’investissait
beaucoup dans la relation avec son proche désirent conserver et préserver leur identité
familiale, même après le placement de celui-ci en centre d’hébergement. Participer aux
soins de la personne âgée constitue en quelque sorte pour la famille une façon de
pérenniser la relation antérieure.
Les soins à la personne âgée en centre d’hébergement
Le sentiment de responsabilité que la personne-soutien éprouve à l’égard de son proche
âgé ne disparaît donc pas avec son placement en résidence. Selon différentes études, des
liens familiaux étroits demeurent généralement aussi intimes après le placement de la
personne âgée en centre d’hébergement. Au contraire, les familles qui entretenaient des
rapports plus tendus ou distants ont de fortes chances de continuer à le faire après
l’hébergement de leur proche âgé (Chenitz, 1983; Hook et all., 1982, Smith et Bengston,
1979, cités dans Bowers, 1988, p.361).
Même si leurs tâches se sont allégées et qu’ils se sentent moins inquiets au sujet de la
personne âgée, qui est en sécurité depuis qu’elle est placée en résidence (Rosenthal et
Dawson, cités dans Ross et all, 1997, p.53; Vézina et Pelletier, 2001, p.156), les enfants
et les conjoints continuent à être présents auprès de celle-ci. Ils apportent à la personne
hébergée des petits présents, de la nourriture ou des produits de soins lorsqu’ils viennent
la visiter afin de reconstituer le plus possible un milieu personnalisé (Vézina et Pelletier,
2001, p.159). Ils continuent également à appeler la personne âgée régulièrement et
l’assistent dans ses déplacements hors du centre. Une autre étude réalisée au Canada
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illustre que les femmes dont le mari est hébergé réalisent des tâches semblables (Ross et
all, 1997, p.54). Le désir de poursuivre la relation conjugale, mais également la
perspective de la mort prochaine de leur époux motivent ces femmes à s’impliquer auprès
de celui-ci après son placement (Ross et all, 1997, p. 62).
Les membres de la famille qui prodiguaient des soins à leur proche à domicile continuent
donc généralement de le faire après qu’il soit admis en centre d’hébergement, quoique de
façon moins importante. Le degré auquel ces derniers s’impliquent auprès de la personne
âgée après le placement de celle-ci varie selon leur niveau de participation antérieure.
Plus les enfants et les conjoints assumaient de tâches reliées aux soins physiques de la
personne âgée avant qu’elle ne soit placée, plus ils s’impliquent dans ce genre de soins
après l’hébergement (Keefe et Fancey, 2000, p.238). L’ensemble des soins qu’assurent
les membres de la famille en centre d’hébergement peuvent se diviser en deux catégories.
Les responsabilités indirectes englobent les différentes façons que ces derniers ont de
s’assurer que la personne âgée reçoit de bons soins. Les responsabilités directes
consistent à offrir un support émotionnel et physique à la personne âgée, à faire le lien
entre celle-ci et la famille et le monde extérieur et à lui procurer du confort (Keefe et
Fancey, 2000, p.239).
Bowers (1998) classe également les soins prodigués par la famille et le personnel
soignant en centre d’hébergement selon deux catégories. Elle distingue d’une part l’aide
et les soins de préservation, qui nécessitent une connaissance intime de la personne âgée,
de ses habitudes, de ses valeurs, de ses craintes et d’autre part, les soins instrumentaux
qui exigent une expertise technique. Différentes tâches se rapportent aux soins de
préservation. Les membres de la famille cherchent à maintenir les liens familiaux en
rendant visite à la personne âgée, en lui téléphonant, en l’informant de ce qui arrive aux
autres membres de la famille, en soulignant son anniversaire. Ces derniers veulent
également maintenir sa dignité, en respectant ses goûts, ses habitudes ainsi que son
intimité et en stimulant son autonomie. Par ailleurs, les familles essaient de maintenir
l’espoir chez la personne âgée de voir son état de santé se rétablir. Les familles veulent
aussi aider leur parent à conserver un certain contrôle sur son environnement en tentant
- 18
d’adapter les horaires parfois stricts du centre d’hébergement à ses besoins (Bowers, cité
dans Vézina et Pelletier, 2001, p.14).
Cette même étude, réalisée aux États-Unis, illustre que les familles attribuent au
personnel soignant la responsabilité de l’ensemble des tâches à performer, tout en se
tenant responsables d’évaluer l’efficacité et la qualité des soins, qu’ils soient de nature
technique ou non. La supervision des familles est essentiellement destinée à personnaliser
des soins qu’elles considèrent parfois un peu trop uniformes (Bowers, 1988, p.365). Les
familles espèrent du personnel qu’il dispense les soins techniques en considérant les
particularités de la personne âgée et d’une manière qui ne l’insulte ou ne la diminue pas
(Bowers, 1988, p.365). Ces dernières s’attendent également à ce que les infirmières et les
préposés contribuent à maintenir la dignité et l’espoir de leur proche et l’aide à exercer un
contrôle sur son environnement. Une recherche menée au Québec affiche des résultats
similaires (Vézina et Pelletier, 2001). Les conjoints comme les enfants défèrent au
médecin et aux infirmières les soins relatifs aux questions médicales en vertu de
l’expertise que ces derniers possèdent. Ils confient aussi une part importante des tâches
reliées aux activités de la vie quotidienne au personnel soignant. Les aidants effectuent
cependant des petits tests, observent et discutent avec leur proche ou d’autres
pensionnaires afin de vérifier que le personnel effectue adéquatement ses tâches. Ils
s’attendent aussi à être tenus au courant et consultés pour les décisions que la personne
âgée ne peut pas prendre elle-même (Vézina et Pelletier, 2001, p.157).
La capacité des familles à intervenir auprès de leur proche est largement tributaire de la
coopération du personnel. À ce sujet, les familles considèrent que des soins de bonne
qualité nécessitent une bonne collaboration entre elles et le personnel soignant (Bowers,
1988, p.363). En effet, maintenir les liens familiaux est la seule tâche que les familles
considèrent comme relevant exclusivement de leur devoir. Les familles jugent qu’elles ne
pourraient remplir seules les autres tâches, qui nécessitent la collaboration du personnel
pour être effectuées. Finalement, afin d’adresser leurs critiques au personnel soignant, les
familles utilisent des stratégies progressives, ayant pour but de ne pas vexer les
infirmières ou les préposés. Elles mentionnent tout d’abord leurs préoccupations de façon
- 19
subtile dans le cadre d’une conversation normale. Si ce moyen ne fonctionne pas, elles
montrent aux membres du personnel comment effectuer la tâche. Les aidants
questionnent directement ceux-ci au sujet du problème rencontré seulement qu’en dernier
lieu (Bowers, 1988, p.366).
L’implication des familles se modifie selon la condition de la personne âgée. Diverses
études ont démontré que l’état de santé cognitif de cette dernière influence la
participation des familles (Pratt, Schmall, Wright et Hare; Sharp, cités dans Vézina et
Pelletier, 2001, p.10, Keefe et Fancey, 2000, p.240). En effet, quand leur proche atteint
de pertes cognitives ne les reconnaît plus, les membres de la famille éprouvent plus de
difficultés à maintenir une relation significative avec celui-ci. Ceux-ci espacent
également la fréquence de leurs visites lorsque l’état de santé de la personne âgée ne lui
permet plus de participer à certaines activités qu’ils partageaient ensemble auparavant,
comme l’amener faire des emplettes, par exemple (Keefe et Fancey, 2000, p.240). Le
manque d’activités à faire lors des visites parce que la personne âgée ne communique
plus ou ne reconnaît plus son entourage décourage les membres de la famille à venir voir
celle-ci (Ross et all. cité dans Keefe and Fancey, 2000, p.236). Les familles se
désengagent donc progressivement, au rythme de l’évolution de la maladie de leur
proche.
1.4 Les perceptions des membres de la famille et du personnel soignant sur la place qu’ils occupent dans le centre d’hébergement
Les enfants et les conjoints n’ont pas toujours la même conception que le personnel
soignant sur la place que chacun doit occuper en centre d’hébergement.
Selon Litwak, des perceptions différentes des familles et du personnel soignant à propos
de la façon de répartir entre eux les tâches à effectuer pour assurer le bien-être de la
personne âgée peuvent entraîner un certain chevauchement et une redondance dans les
soins prodigués. Une présence trop active des familles dans l’exécution des tâches dites
techniques peut être perçue par le personnel comme une intrusion, alors qu’une
- 20
participation trop prononcée du personnel dans les soins non techniques découragent les
familles à s’impliquer auprès de leur proche (Litwak, 1981, cité dans Bowers, 1988).
En outre, une étude menée aux États-Unis auprès d’administrateurs de centres
d’hébergement et de familles visitant leurs proches régulièrement révèle que les deux
groupes attribuent au centre d’hébergement la responsabilité d’accomplir la plus grande
partie des tâches instrumentales (Shuttlesworth et all., 1982, p.202). Cependant, quarante-
cinq tâches, sur un ensemble de cent, ne sont pas envisagées pareillement à l’intérieur ou
entre les 2 groupes. Particulièrement en ce qui a trait aux tâches non techniques, les
administrateurs imputent moins de responsabilités aux familles qu’elles-mêmes ne le
font. Dans bien des cas, les familles considèrent que c’est leur devoir d’effectuer
certaines tâches, alors que les administrateurs les conçoivent comme étant celles du
centre d’hébergement. (Shuttlesworth et all., 1982, p.207). Ces résultats semblent
indiquer que les responsabilités des familles dans les tâches non techniques sont parfois
peu reconnues (Shuttlesworth et all., 1982, p.207).
Une autre étude, cette fois-ci conduite en Irlande dans soixante centres d’hébergement,
démontre également que les membres du personnel soignant ont tendance à sous-estimer
la participation des familles auprès de la personne âgée (Ryan et Scullion, 2000, p.626).
Ces dernières sont toutefois satisfaites de la place qui leur est faite et des soins offerts par
les centres d’hébergement. Elles considèrent que leur rôle consiste à offrir des soins de
nature sociale et émotionnelle à la personne âgée, alors que la tâche des infirmières est de
prodiguer des soins techniques. Les membres du personnel soignant reconnaissent
également que c’est le rôle de la famille d’offrir un support affectif à la personne âgée,
mais évaluent que les familles en font moins que celles-ci ne le croient elles-mêmes
(Ryan et Scullion, 2000, p.626). Certaines infirmières ont mentionné souhaiter une
participation accrue des familles auprès de leur proche. Elles ont l’impression que
plusieurs familles ne sont pas intéressées à jouer un rôle actif auprès de celui-ci depuis
qu’il est admis en centre d’hébergement. Elles ont le sentiment que les membres de la
famille devraient visiter ou sortir leur proche plus fréquemment, alors que ces derniers
considèrent en faire suffisamment. Cependant, les membres du personnel soignant
- 21
manifestent des réticences à laisser les familles effectuer certains types de soins auprès de
leur proche, particulièrement lorsque ces soins impliquent une part de risque pour la santé
de ce dernier ou qu’ils mettent en jeu leur responsabilité professionnelle (Ryan et
Scullion, 2000, p.631). Ces répondants jugent que les familles ne possèdent pas les
connaissances médicales nécessaires pour les laisser accomplir ces tâches. Les infirmières
et les préposés interrogés ont également admis que le stress auquel ils sont soumis et leur
charge de travail élevée pouvaient parfois les mener à se montrer brusques avec les
proches de la personne âgée. Finalement, les familles et les membres du personnel
soignant aimeraient que les soins aux personnes âgées soient plus personnalisés, mais ces
derniers ont mentionné ne pas avoir le temps de le faire (Ryan et Scullion, 2000, p.632).
1.5 Le cadre de travail des membres du personnel soignant
La structure et la logique de fonctionnement de la résidence orientent le travail et les
responsabilités du personnel médical.
Les infirmières et les préposés exercent leur métier dans une organisation, c’est-à-dire un
système constitué d’un ensemble de personnes, réunies afin de réaliser certains buts
déterminés. Une organisation est une entité « concrète et visible », circonscrite par
l’environnement physique et s’incarnant dans un édifice (Ignasse et Génissel, 1995, p.46).
Le centre d’hébergement poursuit une mission, c’est-à-dire héberger les personnes qui, à
cause d’une dégradation sévère de leurs capacités, se retrouvent dans l’impossibilité de
demeurer à domicile. Dans le cadre de l’objectif qu’il s’est fixé en vertu de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux (Vézina et Pelletier, 2001, p.2) et en fonction des
ressources matérielles dont il dispose, le CHSLD prescrit à ses employés des horaires et
des règlements à respecter, des procédures à suivre et des comportements à adopter, qui
peuvent aussi influencer la place des familles. « En délimitant de façon précise les tâches
et postes et en spécialisant les fonctions de chaque membre selon des principes de
divisions du travail à la fois hiérarchiques (en terme d’autorité, de commandement) et
fonctionnels (spécialisation par domaines d’expertise), elle [l’organisation] crée des rôles
- 22
relativement contraignants qu’il faut remplir.» (Frierdberg, 1998, p.31.) Pour
fonctionner et coordonner l’ensemble des activités qui se déroulent en son sein, une
organisation doit assigner à chacune des personnes qui y travaillent des tâches spécifiques
à accomplir. Les responsabilités associées à chacun des postes dans le centre
d’hébergement sont donc définies officiellement.
Le temps constitue également une contrainte pour les infirmières et les préposés.
«Concrètement le temps exerce une pression sur les membres de l’organisation, qui
doivent respecter une succession rationnelle, une vitesse et un rythme dans les actions
qu’ils accomplissent. » (Petit, 1979, p.38.)
Pour conclure ce chapitre, lorsque la personne âgée était à domicile, l’aidant qui s’en
occupait accomplissait un ensemble de tâches nécessaires à son bien-être physique et
psychologique. Ce dernier continue à s’occuper de son proche après qu’il soit admis en
centre d’hébergement et se sent responsable envers lui, tout en ajustant sa participation
aux soins que reçoit la personne âgée. Généralement, la personne-soutien s’attribue la
réalisation des soins non-techniques et délègue les tâches instrumentales au personnel
soignant, tout en se gardant de les superviser. Les représentations qu’ont les personnes-
soutiens et le personnel soignant à propos du rôle des familles ne concordent pas toujours.
Finalement, les infirmières et les préposés sont soumis à certaines contraintes
institutionnelles qui orientent et définissent leur rôle.
- 23
Chapitre II : Rôle et représentations sociales
Cette recherche se propose de comprendre comment s’articulent les relations entre les
familles et le personnel soignant. Afin de cerner la nature de ces liens, il faut tout
d’abord saisir comment ces deux derniers définissent les responsabilités de chacun. Par
la suite, la question de recherche, les objectifs qui la sous-tendent ainsi que les différentes
hypothèses seront présentés.
2.1 Cadre conceptuel
Les rapports qui unissent la famille et le personnel soignant seront étudiés à l’aide de
deux concepts sociologiques, soit le rôle et les représentations sociales, qui seront
expliqués dans cette section.
2.1.1 Le rôle social
Le statut social d’une personne détermine l’ensemble des rôles qu’elle est amenée à jouer
selon les circonstances de la vie sociale. Le statut social se définit comme étant la « place
qu’un individu donné occupe dans un système donné à un moment donné » (Linton,
1959, p.71.) Plus exactement, le statut fait référence à la position qu’une personne occupe
dans le système âge-sexe, dans le travail, dans la famille, dans son réseau de relations
sociales et dans la hiérarchie sociale, en vertu de laquelle elle se voit conférer plus ou
moins d’estime de la part d’autrui (Linton, 1959, p.71; Ignasse et Génissel, 1995, p.119).
Le statut d’une personne lui permet de légitimement attendre des autres qu’ils se
comportent d’une certaine façon à son égard (Ignasse et Génissel, 1995, p.109).
Autrement dit, selon le statut qu’elle occupe, une personne se voit accorder certains
privilèges et prérogatives. Elle peut aussi escompter des autres qu’ils lui témoignent plus
ou moins de reconnaissance et qu’ils respectent son autorité.
- 24
Selon le statut qui est le sien, une personne se voit assigner certains comportements par
les autres membres de la société. Dans leur acception sociologique, « les rôles sociaux se
présentent donc comme des sortes de schémas de comportements plus ou moins
complexes, qui sont escomptés des individus, par d’autres individus, dans des situations
sociales déterminées. » (Ignasse et Génissel, 1995, p.110.) Ainsi, les attentes sont
réciproques. Si un individu entretient des attentes envers les autres en fonction de son
statut, les autres ont en retour certaines attentes liées au rôle que ce dernier occupe.
La catégorisation, l’attribution de caractéristiques à un groupe ou à une personne en
particulier, permet aux acteurs sociaux d’agir selon un code déterminé et socialement
accepté. Les conduites prédéterminées associées à un certain rôle permettent de prévoir le
comportement d’autrui et de réduire l’incertitude. Comme les rôles rendent possible
l’anticipation des conduites d’autrui, les protagonistes d’une relation sont donc en mesure
de savoir comment se comporter dans le cadre de leur interaction (Ignasse et Génissel,
1995, p.110). Parfois, les personnes qui occupent des rôles différents entrent en
concurrence. Une personne peut contester l’autorité d’une autre ou revendiquer son rôle.
L’opposition à une décision par exemple, peut être vécue comme une remise en question
du rôle de la personne qui a pris cette décision (Ignasse et Genissel, 1995, p.115).
Quelques fois, les obligations constitutives d’un rôle sont officialisées sous la forme
d’une norme qui peut se traduire dans des documents écrits. Le rôle peut être défini
juridiquement, par des lois qui imposent à celui qui le remplit des droits et des devoirs
(Chombart de Lauwe et all., 1963, p.37). Citons par exemple le cas des infirmières qui
doivent respecter un code de déontologie dans l’exercice de leurs fonctions.
La personne qui occupe un certain rôle interprète les attentes qui sont formulées à son
endroit afin d’orienter son comportement. Ce qui est escompté des individus dans le
cadre du rôle qu’ils ont à jouer n’est donc jamais imposé et défini complètement. Il y a
une part de subjectivité où chaque individu adapte son rôle selon sa personnalité, son
histoire singulière, sa culture, son groupe d’appartenance et la réaction d’autrui (Ignasse
et Genissel, 1995, p.110). Cependant, au-delà des différences individuelles dans la façon
de jouer un rôle existe un modèle défini collectivement qui sert de guide aux individus.
- 25
En somme, dans le cadre de cette recherche, il s’agit de voir quel est le rôle des familles
et du personnel soignant et comment les attentes que ces derniers ont à l’égard de l’autre
influencent leurs relations.
2.1.2 Les représentations sociales
Afin de comprendre comment les familles et le personnel soignant perçoivent le rôle de
chacun auprès de la personne âgée, nous étudions les représentations sociales que ceux-ci
ont. Examinons ce que constituent exactement les représentations sociales, comment
elles se forment et ce qu’elles font.
Que sont les représentations sociales?
La représentation est une vision des choses, une façon d’interpréter et de classer les
personnes, les phénomènes et les événements. Les représentations orientent la conduite
de l’individu et lui font adopter une attitude à l’égard de l’objet de sa représentation.
Les représentations sont sociales, parce que médiatisées par le langage et partagées par
les membres d’un même groupe. Elles se propagent dans le cadre des interactions entre
individus et sont portées par les mots, un peu à la manière des rumeurs. Les
représentations d’un individu sont donc influencées par le discours ambiant du milieu
dans lequel il évolue, puisqu’elles sont transmises par la socialisation. La personne
apprend et intériorise les représentations qui sont véhiculées dans son milieu. En outre, la
position sociale d’un individu, les normes institutionnelles auxquelles il est soumis, la
façon dont il aborde le monde et les valeurs auxquelles il adhère déterminent le contenu
et la façon dont se structurent ses représentations (Jodelet, 1993, p.50). En somme, la
représentation sociale d’un objet est constituée d’une multitude d’éléments informatifs
circulant dans la société par le biais du langage et d’expériences personnelles et sociales.
(Herzlich, 1972, p.313)
- 26
Comment se forme une représentation sociale?
La personne filtre, modifie et réaménage des éléments en une représentation qui fait sens
pour elle. Ce phénomène par lequel des éléments retenus et extirpés de leur contexte
initial sont structurés et agencés en un tout cohérent, est appelé objectivation, selon
l’expression utilisée par Moscovici (Herzlich, 1972, p.312). Dans le cas du rôle social,
des traits de personnalité particuliers sont empruntés à des personnes existant réellement,
pour être modifiés et incorporés en un modèle. Par exemple, la représentation que se fait
une personne-soutien du rôle de l’infirmière se forme à partir de ce qu’elle connaît en
général des infirmières, qu’elle les ait côtoyées dans la réalité, vues à la télévision ou
entendues parler. La personne-soutien retient certains attributs qu’elle rassemble en une
image de ce que devrait typiquement être une infirmière selon elle et qu’elle généralise à
l’ensemble des personnes occupant ce rôle. Les autres ont des attentes envers une
personne qui occupe tel rôle. Des caractéristiques sont donc associées à un groupe ou une
catégorie et les personnes qui composent le groupe ou la catégorie se voient doter des
mêmes traits. « Le sujet perçu devient alors le symbole du groupe. » (Chombart de
Lauwe, p.34)
Plus précisément, il y a sélection de certains éléments perçus dans la réalité, quelques-uns
uns d’entre eux étant accentués et d’autres étant tout simplement ignorés, parce que les
individus ne s’attendent pas à les percevoir. (Jodelet, 1993, p.54) Ce tri sélectif des
caractéristiques s’effectue en fonction de l’expérience personnelle, des valeurs, des
besoins, des motivations, des intérêts de l’individu ou du groupe social auquel il
appartient. (Jodelet, 1993, p.53; Chombart de Lauwe et all, 1963, p.23) La représentation
d’autrui varie donc selon celui qui perçoit, du statut qu’il occupe et du rôle qui en découle
(Chombart de Lauwe et all. 1963, p.34). « L’intérêt particulier que nous portons à une
personne ou un groupe, le besoin que nous avons de lui, nous mettent dans une attitude
d’attente, qui vont nous faire sélectionner les caractéristiques de ce personnage ou de ce
groupe. » (Chombart de Lauwe et all., 1963, p.35.) Mentionnons finalement que la
représentation qu’un individu se fait d’une autre personne se distingue fondamentalement
de celle d’un objet. En effet, une personne réagit à celui qui est porteur de la
- 27
représentation, il se produit une interaction entre la percevant et le perçu qui peut
modifier la représentation.
Les nouvelles représentations sont intégrées dans un cadre de pensée et un système de
significations préexistants. Ce cadre vient en partie déterminer la nature et la structure de
la représentation. Ce mécanisme d’ancrage consiste à enraciner « la représentation et son
objet dans un réseau de significations qui permet de les situer en regard des valeurs
sociales et de leur donner cohérence. » (Jodelet, 1993, p.56.) La représentation s’inscrit
donc dans une vision plus large du monde et constitue un instrument d’interprétation, de
classification des personnes et des événements. C’est ainsi que pour se représenter un
rôle, une personne recourt à sa conception du monde et de la société.
Qu’est-ce que fait une représentation?
La représentation symbolise l’objet, c’est-à-dire qu’elle en tient lieu, qu’elle le remplace,
en même temps qu’elle en offre une interprétation et lui confère une signification.
(Jodelet, 1993, p.43) Autrement dit, la représentation devient l’expression immédiate et
directe de son objet et constitue en ce sens une construction du réel qui guide la conduite
de tous les jours. (Herzlich, 1972, p.313) Comme le mentionne Herzlich, « L’objet
social modelé par la représentation, s’il est le produit des groupes et leur différenciation,
nous apparaît aussi comme le vrai fondement de leur activité et de leurs relations. »
(Herzlich, 1972, p.323) Par exemple, la représentation qu’une personne-soutien a d’une
infirmière va moduler le comportement qu’elle adopte à son égard. La représentation
peut également servir de justification, d’explication ou de motivation a posteriori d’une
action. Finalement, la représentation qu’un individu a d’un objet lui fait adopter une
certaine attitude envers ce dernier, c’est-à-dire qu’il en donne une certaine appréciation
ou autrement dit, qu’il l’évalue négativement ou positivement.
Nous pouvons résumer en disant que les gens se font une conception de ce que devrait
être ou faire une personne remplissant tel rôle, en fonction duquel ils entretiennent des
attentes envers cette personne. La représentation d’autrui varie selon l’individu qui est
représenté, selon la personne qui le perçoit et selon les intérêts qui les lient.
- 28
2.2 Question de recherche
Nous avons vu dans le chapitre I que les enfants et les conjoints se sentent responsables
de s’occuper de leur proche en perte d’autonomie. Le placement en centre d’hébergement
ne signifie pas une rupture dans les liens familiaux pour ces derniers qui, dans la plupart
des cas, désirent poursuivre la relation familiale. Pour leur part, les membres du
personnel soignant travaillent dans une organisation qui les soumet à certaines règles et
circonscrit leur rôle.
Parce que nous nous intéressons à la façon dont s’articule la relation entre les personnes-
soutiens et les infirmières et préposés, nous nous demandons : Comment les membres
aidants de la famille d’une personne âgée en CHSLD et le personnel soignant se
représentent-ils le rôle de chacun?
2.3 Objectifs de la recherche
Plus spécifiquement, cette recherche vise à comprendre comment les enfants et les
conjoints se représentent leur rôle auprès de leur parent placé en centre d’hébergement,
comment ils conçoivent leur devoir envers ce dernier et comment ils s’impliquent dans
les soins à lui prodiguer, en fonction de leur histoire familiale, de leurs caractéristiques
personnelles et de l’état de santé de la personne âgée. Nous nous interrogeons aussi sur
les motifs qui peuvent expliquer que certains enfants, plus que d’autres, se sentent
responsables envers leurs parents. Cette recherche se propose également de vérifier
quelles attentes les enfants et les conjoints ont à l’égard du personnel soignant en fonction
de la représentation qu’ils se font de leur rôle.
En deuxième lieu, nous voulons savoir comment les infirmières et les préposés perçoivent
leur propre rôle auprès des personnes âgées et de leurs familles, quelles tâches elles
considèrent être les leurs et comment le cadre dans lequel elles travaillent et les normes
auxquelles elles obéissent peuvent modeler leur comportement. Par ailleurs, nous voulons
- 29
voir quelles responsabilités elles attribuent aux familles et comment elles conçoivent le
rôle de ces dernières.
Finalement, il s’agira de comparer les représentations respectives des familles et du
personnel soignant afin de vérifier si elles concordent ou se distinguent et comment elles
influencent les interactions qui prennent place entre ces derniers.
2.4 Hypothèses
Nous croyons que toutes les familles ne conçoivent pas leur rôle de la même façon et
qu’en conséquence, elles n’entretiennent pas les mêmes types de liens avec les
infirmières et les préposés. Nous émettons l’hypothèse que les familles qui se montrent
insatisfaites des soins prodigués par le personnel, en supposant qu’il y en ait, sont pour la
plupart celles qui ont auparavant assuré la prise en charge de leur parent pour une période
prolongée. Également, les représentations du rôle vont varier selon que la personne-
soutien est l’enfant ou le conjoint du proche hébergé. Les conjoints des personnes âgées
hébergées ressentent plus intensément que les enfants le sentiment de responsabilité et de
culpabilité associé au placement de leur proche (Qureshi, 1990, Roy, Vézina et Paradis,
1992; Vézina et Roy, 1996; Vézina et Pelletier, 1998, cités dans Vézina et Pelletier, 2001,
p.10). Nous pensons que, malgré le fait que les personnes-soutiens aient placé leur
proche en centre d’hébergement, ces dernières continuent d’éprouver à leur endroit un
fort sentiment de responsabilité (Rosenthal et Dawson, 1991, Laitinen, 1993, Laitinen et
Isola, 1996, cités dans Vézina et Pelletier, 2001, p.9).
Nous supposons également que les personnes-soutiens et les membres du personnel
soignant n’ont pas la même représentation des rôles respectifs de chacun. Nous croyons
que certaines de ces familles s’attribuent plus de responsabilités dans les soins à dispenser
à leur proche que ne le font le personnel soignant, notamment en ce qui a trait aux soins
techniques. Par ailleurs, une étude illustre que les familles escomptent du personnel
soignant qu’il prodigue les soins en prenant compte des spécificités de la personne âgée
(Bowers, 1988, p.365). Certaines de ces attentes manifestées par les familles peuvent
- 30
paraître trop élevées ou irréalisables aux yeux des infirmières et des préposés. Nous
croyons que des contraintes de temps ne permettent pas à celui-ci de dispenser des soins
aussi personnalisés que les familles le souhaiteraient. En effet, à la suite d’observation et
de discussions avec les infirmières et les préposés, nous pensons que leur charge de
travail relativement élevée les empêche de prodiguer des soins selon les particularités de
chaque patient. En conséquence, la famille s’implique auprès de la personne âgée afin de
lui offrir des soins plus personnalisés et de rendre plus agréable son hébergement.
Nous croyons que les familles qui ont assuré la prise en charge de leur proche à domicile
ont développé une connaissance intime des préférences spécifiques de ce dernier et ont
souvent acquis des compétences relatives aux tâches techniques. Comme les soins offerts
en centre d’hébergement ne correspondent pas nécessairement à leur manière de procéder
habituelle, ces derniers formulent parfois des conseils au personnel. De leur côté, les
infirmières et les préposés possèdent également une expertise, qu’ils ont acquise dans le
cadre d’une formation et de leur travail. Nous pensons qu’une implication plus active de
certaines familles auprès de la personne âgée vient en partie remettre en question le rôle
du personnel soignant aux yeux de ce dernier. Les foyers pour personnes âgées possèdent
des normes qui régissent leur fonctionnement. La participation des familles dans le centre
d’hébergement ou certaines de leur attentes concernant les soins offerts peuvent perturber
la vie interne de la résidence et les habitudes de travail que les membres du personnel
soignant ont développées. Les infirmières et préposés ont un travail à effectuer et une trop
grande présence des familles peut les gêner dans l’accomplissement de leurs tâches.
Ainsi, les infirmières et les préposés ne tiennent probablement pas les familles à l’écart de
façon volontaire ou consciente, si c’est le cas effectivement. Nous croyons même que
certaines infirmières et préposés souhaitent recevoir de l’aide des familles, du moment
que cette aide ne remet pas en question leur expertise et qu’elle n’implique pas une
charge de travail supplémentaire.
Nous croyons donc que les infirmières, les préposés et les personnes-soutiens ont des
représentations différentes résultant de leur position respective dans le centre
d’hébergement. Cependant, au-delà de ces catégories « institutionnelles », les préposés,
- 31
les infirmières, les enfants, les conjoints sont des personnes s’insérant dans un milieu
social qui vient façonner leurs représentations. Il faudra en conséquence vérifier comment
les représentations peuvent varier à l’intérieur de chaque catégorie et comment aussi les
représentations du personnel soignant et des familles peuvent se rejoindre, en fonction du
milieu d’appartenance des individus. En effet, à notre avis, le personnel soignant et les
familles ne provenant pas des mêmes milieux sociaux risquent probablement de ne pas
partager les mêmes conceptions du monde en général et de leur rôle en particulier.
- 32
Chapitre III : La méthodologie
À cause des nombreux avantages qu’elle possède pour notre sujet d’étude, l’entrevue a
été retenue comme instrument de collecte de données. Les raisons qui justifient ce choix
seront exposées, suivi du schéma d’entrevue. Par la suite, les caractéristiques de la
population étudiée, la méthode d’échantillonnage et les limites de la recherche seront
discutées.
3.1 Technique d’enquête : L’entrevue
De façon générale, les méthodes d’enquête qualitative permettent de prendre en compte la
signification que les individus accordent eux-mêmes à leur vécu. Dans le cadre de
l’entrevue, la personne est amenée à se prononcer verbalement sur la façon dont elle
conçoit son expérience personnelle et sa réalité. « Il [le répondant] dit « Je » avec son
propre système de pensées, ses processus cognitifs, ses systèmes de valeurs et de
représentations, ses émotions, son affectivité, et l’affleurement de son inconscient»
(Bardin, 1993,p.47). Le chercheur interprète donc une situation à partir de la
compréhension et du sens que les acteurs confèrent eux-mêmes à cette situation
(Poupart, p.175). Cette technique se révèle particulièrement adaptée à notre sujet d’étude,
d’une part parce que les représentations sont portées par les mots et d’autre part, parce
qu’elles constituent un phénomène complexe, que l’entrevue permet d’explorer en
profondeur. Mentionnons finalement que si le chercheur tente de saisir la personne et les
singularités qui la caractérisent à travers son témoignage, il vise également à déceler les
processus sociaux qui se dégagent des expériences individuelles. (Anger,2000,p.67)
- 33
3.2 Présentation du schéma d’entrevue
Le schéma d’entrevue a été construit en fonction des informations recueillies dans la
revue des écrits et du cadre conceptuel utilisé. La plupart des questions incluses dans le
schéma correspondent à une dimension des concepts illustrés dans l’arbre
d’opérationnalisation, alors que les sous-questions renvoient à des indicateurs. Il est
possible de consulter le schéma d’entrevue employé lors du pré-test à l’annexe III.
3.2.1 Opérationnalisation des concepts
Un concept est une synthèse abstraite, une catégorie intellectuelle désignant un ensemble
de phénomènes qui existent réellement. Afin de vérifier empiriquement les hypothèses
émises, il est nécessaire de décomposer les concepts utilisés en éléments concrets et
observables dans la réalité. Ce passage se nomme opérationnalisation et consiste à déceler
les divers aspects ou dimensions du phénomène puis de trouver les manifestations
concrètes de ces dimensions (Anger, 2000, p. 49).
Le premier concept utilisé est celui des représentations sociales. Tel que nous l’avons vu
dans le chapitre II, la représentation est une construction du réel, orientant la conduite de
l’individu et lui faisant adopter une attitude à l’égard de l’objet de sa représentation. Ce
concept est divisé en trois dimensions, soit 1) l’attitude, qui renvoie à l’évaluation
positive ou négative de l’objet en fonction des valeurs du sujet, 2) la connaissance, qui
correspond à la définition qu’il donne d’un objet et à la perception qu’il en a et 3)
l’orientation, qui fait référence à la façon dont réagit et se comporte le sujet à l’égard de
l’objet de sa représentation.
Dans cette étude, ce sont les représentations du rôle qui sont étudiées. Ce concept se
définit comme étant l’ensemble des comportements attendus d’une personne occupant un
certain statut. En retour, le statut dévolu à une personne lui fait entretenir des attentes
envers les autres. Le rôle dicte des responsabilités, des devoirs, des obligations qui
peuvent être implicites ou formalisés dans des règles officielles. Il est possible de mesurer
- 34
la dimension « responsabilité » à l’aide des indicateurs « soins affectifs» et « soins
techniques ». Le premier type de soins renvoie à la tendresse, au support moral, aux
petites attentions prodiguées à la personne âgée. Les soins techniques sont plus
directement liés au bien-être physique de la personne et concernent l’hygiène personnelle,
par exemple.
En somme, il s’agit de voir quelle image les personnes se font des responsabilités
relatives au rôle de la famille et du personnel soignant, quelle attitude elles ont et
comment cette perception et cette attitude viennent influencer leur conduite.
L’opérationnalisation des concepts est représentée schématiquement à la page suivante.
- 35
Schéma : Opérationnalisation des concepts
CONCEPT DIMENSIONS CONCEPT DIMENSION INDICATEURS
Attitudes Soins affectifs Représentations Connaissance Rôle Responsabilités sociales Orientation Soins techniques
- 36
3.2.2 Le schéma d’entrevue
Le schéma d’entrevue a été élaboré de façon à respecter les catégories de langage que les
personnes interrogées utilisent. C’est pourquoi les questions sont formulées simplement
et reprennent les expressions du langage familier. Nous avons par ailleurs privilégié une
approche biographique, en invitant la personne à raconter son expérience par une
question large et peu précise. Cette méthode permet au répondant d’aborder les aspects
de son expérience qu’il juge importants. Par la suite, des questions plus spécifiques sont
posées à la personne si elle n’en pas déjà parlé, afin de couvrir toutes les dimensions du
phénomène.
Deux schémas différents ont été conçus pour les personnes-soutiens et le personnel
soignant. Dans le cas des enfants et des conjoints, des questions d’identification sont en
premier lieu demandées, afin de situer leur expérience personnelle dans son contexte.
Dans cette section, ils sont questionnés sur le lien familial qu’ils entretiennent avec la
personne âgée. Il leur est par ailleurs demandé à quelle distance ils habitent du centre
d’hébergement. En effet, la proximité de ces derniers peut favoriser la fréquence de leurs
visites. Ils sont aussi interviewés sur leur activité professionnelle, parce qu’une personne
n’occupant pas d’emploi extérieur peut disposer de plus de temps pour s’occuper de son
proche. Par ailleurs le métier qu’occupe une personne lui confère un certain statut et peut
également indiquer à quel milieu social elle appartient.
Comme il a été illustré dans la recension des écrits, la situation familiale antérieure des
conjoints et des enfants influence leur implication auprès de la personne âgée une fois
qu’elle est hébergée. C’est pourquoi des questions visant à cerner les relations familiales
avant le placement de la personne âgée en centre d’hébergement sont posées dans la
deuxième partie du questionnaire. La question 4, portant sur les soins que l’état de santé
de la personne âgé requérait, l’aide reçue par l’entourage et la durée de prise en charge a
pour objectif d’évaluer le fardeau ressenti par la personne significative. Cette question
renseigne aussi sur les responsabilités que la personne s’attribue. Les questions 5 et 6,
relatives aux événements qui ont conduit à prendre la décision de confier la personne
- 37
âgée au centre d’hébergement, ont pour but de vérifier si les familles n’ont recours à ce
service extérieur qu’en dernier recours, tel qu’il a été constaté dans la littérature. Les
questions 7 et 8 sont posées afin de voir comment les familles vivent le placement de leur
proche âgé. Bref, il s’agit de vérifier si les familles jugent négativement le placement de
leur proche et si elles en ressentent une certaine culpabilité. Finalement, les répondants
sont interrogés sur l’état de santé de leur proche à la question 9, car il a été démontré dans
diverses études que les proches d’une personne âgée souffrant de démence ont tendance à
s’éloigner d’elle au rythme de l’évolution de la maladie.
Dans la troisième section, les enfants et les conjoints sont questionnés sur la
représentation de leur propre rôle auprès de leur proche en centre d’hébergement. Ces
derniers sont tout d’abord invités à décrire comment ils conçoivent le devoir des familles
en général, s’il consiste à prodiguer des soins de nature affective, technique ou les deux.
Par la suite, ils sont interrogés sur leur expérience individuelle. Il leur est demandé s’ils
ressentent des responsabilités envers leur proche et si leur rôle s’est modifié depuis qu’il
est hébergé. Par ailleurs, la définition que donne un individu de son rôle est constituée
des attentes que les autres expriment à son égard. La question 11.3 est posée aux
personnes-soutiens afin de savoir si elles ont l’impression que leur proche a effectivement
des attentes à leur endroit. Aux questions 11.4 à 11.8, nous interrogeons les personnes-
soutiens sur leur implication concrète auprès de leur proche hébergé. Finalement, nous
leur demandons si elles ressentent des responsabilités envers les infirmières et les
préposés.
La quatrième partie du questionnaire se rapporte aux représentations des enfants et des
conjoints au sujet du rôle du personnel soignant. Il est demandé aux personnes-soutiens
de décrire comment elles conçoivent une infirmière et un préposé idéal (ce qui renvoie
aux dimensions « connaissance » et « responsabilités » dans l’arbre d’opérationnalisation)
et si à leur avis, ces derniers correspondent à ce modèle dans la réalité. Ils sont également
interrogés à propos du fonctionnement du centre d’hébergement, parce que les règles
émises par l’institution influencent à la fois leur conduite et celle du personnel soignant.
En dernier lieu, les personnes sont questionnées sur leur âge, leur niveau de scolarité et
- 38
leur revenu salarial. Encore une fois, ces caractéristiques socio-économiques peuvent
donner des indices sur le milieu social dont provient la personne-soutien.
Le schéma d’entrevue utilisé pour recueillir les témoignages du personnel soignant est
construit selon une structure très semblable à celui des familles, afin de pouvoir comparer
les réponses des deux. Certaines questions ont été posées au deux groupes, dans le but de
vérifier si leurs représentations respectives se rejoignent ou non. Pour leur part, les
infirmières et les préposés sont en premier lieu interrogés sur leur formation
professionnelle, leur expérience auprès des personnes âgées et leur fonction actuelle dans
le centre d’hébergement.
Dans la deuxième section, ils sont questionnés sur les représentations qu’ils ont de leur
propre rôle. À la question 4, il leur est demandé de décrire plus précisément les tâches et
les responsabilités qu’ils considèrent comme associées à leur rôle. Le CHSLD Christ-Roi,
auparavant de soins généraux et spécialisés, a changé de vocation pour devenir un centre
d’hébergement. Les infirmières et les préposés ont du s’adapter à la transition sans en
avoir véritablement le choix. Nous supposions que ce changement dans leurs tâches,
possiblement non-désiré des infirmières et des préposés, pouvait avoir une incidence sur
leur comportement à l’égard des personnes âgées et de leur famille. Une question
concernant cet élément a été insérée au point 5. Une question leur est également posée
concernant le fonctionnement du centre d’hébergement et sur ce qu’ils souhaiteraient
modifier. La question 7 concerne les responsabilités qu’ils croient avoir envers les
familles. En outre, parce qu’une personne interprète les attentes que les autres formulent à
son égard pour orienter sa conduite, nous jugions nécessaire de demander aux membres
du personnel soignant comment ils perçoivent les attentes que les familles entretiennent à
leur endroit.
Les représentations du personnel soignant à propos du rôle des familles sont sondées dans
la troisième partie du schéma. La question 9 porte sur les responsabilités dévolues aux
familles d’une personne âgée placée en centre d’hébergement. Nous avons aussi inclus
une question qui porte sur les responsabilités des familles envers le personnel soignant,
- 39
parce que comme nous l’avons vu au chapitre II, le statut d’une personne lui permet de
s’attendre à certains comportements de la part des autres. Les infirmières et les préposés
sont par la suite interrogés sur l’image qu’ils se font de la famille idéale et sur les
relations qu’ils entretiennent avec les personnes-soutiens, afin de voir si leurs
représentations d’une famille idéale concordent avec la situation qu’ils vivent avec les
personnes-soutiens. Finalement, il leur est demandé s’ils considèrent qu’il faudrait faire
une plus grande place à ces dernières dans le centre d’hébergement. Pour terminer, des
questions sur leur âge et leur revenu leur sont posées.
3.3 La population à l’étude et l’échantillon
Le parent ou le conjoint des personnes-soutiens interrogées demeure aux CHSLD Christ-
Roi ou Le Faubourg. Les membres du personnel soignant sélectionnés travaillent
également dans ces deux centres. Pour mieux connaître le milieu dans lequel les
répondants évoluent, l’organisation des résidences est ici présentée. Par la suite, la
composition de l’échantillon
Les centres d’hébergement Christ-Roi et le Faubourg
Des personnes-soutiens et des membres du personnel soignant provenant des centres
d’hébergement Christ-Roi et le Faubourg, qui relève également du CLSC-CHSLD Haute-
Ville-Des-Rivières ont été interrogés. Les répondants ont été sélectionnés dans 2
résidences différentes afin de mettre en perspective les données recueillies et de voir si
elles ne sont pas attribuables aux caractéristiques de chaque centre, ou si au contraire, la
situation est similaire dans les deux établissements.
L a clientèle des deux CHSLD est composée de personnes en perte d’autonomie pour la
plupart âgées de soixante-cinq ans et plus.
Le centre d’hébergement Christ-Roi est situé à Vanier. Auparavant un hôpital de soins
généraux et spécialisés, il a changé de vocation et est devenu un CHSLD en 1996. Le
- 40
centre embauche cent vingt-deux employés et accueille cent trente résidents. Une
infirmière ou un infirmier chef d’équipe est affecté à chaque étage et a sous sa
responsabilité de 28 à 45 résidents. Le jour, elle est secondée par des auxiliaires et des
préposés, dans un ratio de 6 ou 7 résidents par employés. Le soir et la nuit, le ratio
diminue respectivement à 8 ou 9 résidents par employé et à 12 résidents par employé. Les
chambres sont occupées par 2 résidents.
La résidence le Faubourg est localisée dans le quartier Saint-Jean-Baptiste et héberge
quatre-vingt-seize résidents qui vivent dans des chambres privées. Il y a soixante-six
employés qui y travaillent. Le jour, il y a 4 infirmières, ainsi que 2 infirmières auxiliaires
et de 1 à 3 préposés qui s’occupent des résidents sur chaque étage. Le soir et la nuit, il y a
une infirmière pour les trois étages du centre et une infirmière-auxiliaire par étage ou
aucune. Le soir, le nombre de préposés varie entre 1 et 3. La nuit, selon chaque étage, il
y a 1 préposé ou aucun.
Les familles interrogées
La prise en charge du proche âgé à domicile repose habituellement sur une personne en
particulier, directement responsable des soins à prodiguer et désignée comme telle
(Lesemann et Chaume, 1989, p.45; Morris et Sherwood, cités dans Garant et Bolduc,
1990, p.33). Dans 70 à 80 % des cas, une femme occupe ce rôle (Finch et Groves, cités
dans Garant et Bolduc, 1990, p.33). L’implication auprès de la personne âgée est
considérée par tous, y compris par l’aidant principal, comme étant une responsabilité
individuelle plutôt que familiale (Garant et Bolduc, 1990, p.54). Pour ces raisons, ce sont
les membres de la famille qui apportent la présence la plus significative à leur proche qui
sont interrogés dans le cadre de cette étude.
En ce qui concerne les personnes-soutiens, une liste de candidats potentiels nous a été
proposée par les coordonnateurs du centre Christ-Roi.et Le Faubourg. Le sexe de la
personne-soutien, le lien qu’elle entretient avec la personne âgée, la prise en charge ou
non de celle-ci avant son placement, la date d’admission de celle-ci au centre
d’hébergement, le niveau de soins qu’elle demande, la fréquence des visites de la
- 41
personne-soutien ainsi que la proximité géographique par rapport au centre
d’hébergement sont les caractéristiques à partir desquelles nous avons constitué notre
échantillon.
Au total, huit personnes-soutiens dont le proche est hébergé au centre Christ-Roi ont été
interrogées et cinq autres du centre Le Faubourg. Parmi celles-ci, sept filles, deux fils,
deux conjointes, un conjoint et une nièce ont été rencontrés. Tous les personnes
rencontrées venaient régulièrement ou quotidiennement en aide à leur proche avant qu’il
ne soit pas placé.
Le personnel soignant
Les préposés, les infirmières auxiliaires et les infirmières ont également été interrogés sur
leurs représentations. Ces derniers ont été retenus dans l’échantillon parce que, parmi
l’ensemble du personnel œuvrant dans le centre d’hébergement, ce sont eux le plus
fréquemment en contact avec les résidants. Pour le pré-test, un préposé, un infirmier
auxiliaire ainsi qu’une infirmière ont été interrogés. L’échantillon est constitué de huit
membres du personnel provenant du centre d’hébergement Christ-Roi et de cinq autres
travaillant à la résidence Le Faubourg. Six infirmières, trois infirmiers auxiliaires ainsi
que quatre préposés aux bénéficiaires ont été interviewés.
Au centre d’hébergement Christ-Roi, la liste complète des employés nous a été fournie, à
partir de laquelle les répondants ont été choisis. À la résidence le Faubourg, six
répondants ont été retenus parmi dix employés susceptibles d’accepter de réaliser
l’entrevue selon la coordonnatrice du centre. Nous avons sélectionné les candidats en
fonction du poste qu’ils occupent, du nombre d’heures pas semaine pendant lesquelles ils
travaillent, du quart de travail auquel ils sont affectés, de leur ancienneté et de leur âge.
Les coordonnateurs des deux centres se sont occupés de contacter cinq répondants parmi
les dix qui leur était proposés, en essayant de respecter le plus possible le critère de
diversité de l’échantillon. Nous avons préféré laisser le coordonnateur informer les
employés pour deux raisons principales. D’une part, nous ne pouvions avoir accès à leurs
coordonnées selon la Loi sur la confidentialité des renseignements et il était d’autre part
- 42
plus facile pour lui de prévoir les rendez-vous à un moment qui ne perturberait pas trop le
travail du personnel soignant en place.
3.4. Les limites de la recherche
La composition de l’échantillon et la façon dont certains répondants ont été choisis et
avertis de la tenue de l’entrevue comportent quelques inconvénients qui peuvent affecter
la qualité du matériel recueilli. Il est nécessaire de présenter ces limites afin de pouvoir en
minimiser les effets.
Dans notre cas, la technique d’échantillonnage utilisée ne permet pas de savoir dans
quelle mesure les individus retenus dans l’échantillon sont représentatifs de la population
à l’étude. En conséquence, il faut généraliser les résultats obtenus à l’ensemble des
familles et du personnel soignant en centre d’hébergement avec précaution. En effet, tous
les foyers pour personnes âgées n’offrent pas les mêmes types de soins et ne fonctionnent
pas selon les mêmes règles, ce qui influence possiblement les représentations des familles
et du personnel soignant ainsi que la relation qui prend place entre eux. Par ailleurs, les
enfants de sexe féminin sont sur-représentés dans l’échantillon par rapport au nombre
total de répondant. La taille relativement réduite de l’échantillon limite les possibilités de
comparaison. En effet, il est plus difficile de déterminer si tel comportement est
attribuable à telle caractéristique du répondant.
Trois cassettes d’entrevues ont malencontreusement été égarées. Les notes prises pendant
l’interview ont cependant été incluses dans l’analyse.
Comme nous avons en majorité interrogé des personnes-soutiens qui visitent leur proche
régulièrement et ont des contacts fréquents avec le personnel soignant, nous n’avons pas
pu recueillir le témoignage de personnes qui vont voir leur parent moins souvent. En
outre, les infirmières et les préposés se sont exprimés sur l’ensemble des familles qu’ils
côtoient sur l’étage où ils travaillent. Il peut donc y avoir un certain contraste entre
- 43
l’expérience des personnes-soutiens rencontrées et l’image que les infirmières et les
préposés se font en général des familles à partir de celles qu’ils connaissent. Inversement,
les aidants se sont référés au personnel soignant qui s’occupe de leur proche pour définir
la représentation qu’ils en ont.
À cause de la méthode d’échantillonnage choisie, les répondants ont pu se censurer par
crainte de représailles ultérieures. Même si elles ont été assurées de la confidentialité des
propos recueillis, les personnes-soutiens ont peut-être eu peur que certains de leurs
commentaires négatifs parviennent aux oreilles des infirmières ou des préposés et
affectent l’attitude de ces derniers à l’égard de leur proche. Le personnel soignant a
également pu avoir peur que ses commentaires ne soient rapportés à leurs supérieurs et
leur causent préjudice (Anger, 2000, p.75, Poupart, p.196).
Certains employés se sont peut-être sentis inconfortables de refuser de réaliser l’entrevue
parce que c’est leur supérieur qui leur a demandé, ce qui compromet le caractère de
liberté dans lequel est supposée se dérouler l’entrevue. En outre, certains employés qui
se sont présentés à l’entrevue ne savaient pas exactement en quoi consistait leur
implication à ce moment.
Malgré ces réserves, il est toutefois permis de croire que les répondants rencontrés
reflètent assez fidèlement l’expérience de l’ensemble des familles qui visitent
régulièrement leur proche en centre d’hébergement et du personnel soignant qui y
travaille.
- 44
Chapitre 4 : Les relations entre les membres de la famille et le personnel soignant
Comment comprendre la nature des liens qui s’installent entre les aidants familiaux et les
membres du personnel soignant ? Les témoignages recueillis lors de l’enquête sont
analysés dans ce chapitre afin de voir comment les représentations que les personnes-
soutiens et le personnel soignant ont du rôle de chacun influencent les responsabilités
qu’ils s’attribuent, les attentes qu’ils entretiennent réciproquement et les attitudes qu’ils
adoptent à l’égard de l’autre.
Toutes les personnes-soutiens rencontrées continuent d’apporter une présence
significative dans la vie de la personne âgée et les représentations qu’elles ont de leur rôle
affectif sont relativement homogènes. Elles donnent également des définitions semblables
de ce qu’est une bonne infirmière ou un bon préposé. Toutefois, les enfants et les
conjoints se distinguent en ce qui concerne la confiance qu’ils accordent au personnel
soignant et du rôle de supervision des soins qu’ils s’assignent. En fonction de la
représentation qu’ils ont du centre d’hébergement, ils entretiennent des relations
différentes à l’égard des infirmières et des préposés.
Selon la fonction qu’ils occupent dans le centre d’hébergement, les membres du
personnel soignant ne ressentent pas tous les mêmes responsabilités envers la personne
âgée et son entourage. Il n’y a pas vraiment de divergences entre les conceptions des
personnes-soutiens et celles du personnel soignant au sujet de leur rôle respectif, sauf
pour ce qui est de la responsabilité de surveiller les soins que certains aidants s’assignent.
4.1 Le rôle des familles et du personnel soignant selon les enfants et les conjoints
Peu importe le lien qu’ils entretiennent avec la personne âgée, le centre où celle-ci est
hébergée, leur revenu ou leur niveau de scolarité, tous les enfants et conjoints rencontrés
- 45
conçoivent qu’ils tiennent une place précieuse et unique dans la vie affective de la
personne âgée, sans toutefois désirer participer aux soins techniques. L’ensemble des
personnes-soutiens ont aussi une conception semblable des qualités que doivent posséder
les membres du personnel soignant.
Au-delà de ce schème de représentations communes, il est possible de repérer des types
d’aidants familiaux, chez qui le sentiment de responsabilité envers leur proche se
manifeste différemment. Parmi les enfants et les conjoints qui visitent leur proche, il y a
trois catégories de personnes-soutiens qui se profilent : les « confiants », les « vigilants »
et les « protecteurs ». Ces catégories se distribuent sur un continuum de confiance envers
les membres du personnel soignant. En fonction de la confiance qu’elles ont à l’égard des
infirmières et des préposés et de la perception qu’elles ont conditions de vie dans le
centre d’hébergement, les différentes catégories de personnes-soutiens agissent
différemment envers leur proche et le personnel soignant.
4.1.1 Une place importante dans la vie affective de la personne âgée
L’hébergement de la personne âgée ne signifie pas pour les enfants et les conjoints la fin
de leur engagement auprès de celle-ci, parce que la relation qui les unit se caractérise
essentiellement par l’affectivité. En outre, les aidants familiaux conçoivent assez
unanimement, qu’une bonne infirmière (ou un bon préposé) doit être chaleureuse, tendre
et aimante.
Sentiment de redevance
L’ensemble des enfants interrogés, peu importe où ils se situent sur le continuum de
confiance, se sentent redevables à l’égard de leurs parents pour ce que ces derniers leur
ont donné antérieurement. Leurs parents se sont dévoués pour eux et s’en sont occupés
lorsqu’ils étaient jeunes et maintenant que ceux-ci ont besoin d’aide, c’est leur tour de
remettre ce qu’ils ont reçu. Les enfants prennent soin de leurs parents avant la période
d’hébergement ou viennent les visiter une fois qu’ils sont placés en résidence selon la
logique du don et du contre-don. Comme il a été vu dans la recension des écrits, les
- 46
relations familiales fonctionnent selon le principe de la réciprocité et de la solidarité
(Segalen, 2000, p.111). Un répondant espère que ses descendants s’occuperont de lui
pendant sa vieillesse, comme il l’a fait lui-même pour sa mère. C’est tout naturel. Comme je te dis, ils en ont fait beaucoup pour nous autres. Je ne sais pas, tu retournes l’ascenseur […]C’est la normale de la vie, c’est la logique, tant qu’on pourra faire quelque chose. (Fille, Le Faubourg) J’ai l’impression qu’on leur doit de quoi. Ils nous ont mis au monde, ils nous ont élevés, ils nous ont donné ce qu’ils pouvaient. (Fille, Christ-Roi) Mes parents m’ont élevé et ont eu soin de moi par le passé, là c’est rendu mon tour. Quand j’y lave la figure, des fois j’y pense. Je me dis c’est elle qui me lavait la figure quand j’étais petite, là c’est moi. (Fille, Christ-Roi) C’est notre mère; elle nous a donné beaucoup, beaucoup, beaucoup, énormément. Aujourd’hui, les rôles sont renversés, elle est redevenue comme un enfant, c’est comme si on lui remettait ce qu’elle avait fait. (Fille, Le Faubourg)
Pour les personnes-soutiens, prendre soin de leur proche, c’est naturel, c’est dans l’ordre
des choses. Il leur semble inconcevable qu’on puisse abandonner une personne âgée.
Les aidants mentionnent que ce n’est pas la majorité des familles qui font comme eux et
qu’il y a beaucoup de personnes âgées qui ne reçoivent pas de visites. À leur avis, la
plupart d’entre elles négligent leur proche ou en abusent en leur soutirant de l’argent.
Limites de l’aide accordée par les conjoints et les enfants
Tous les répondants se sont beaucoup dévoués pour leur proche lorsqu’il demeurait à
domicile, et avaient tenté le plus possible de trouver des alternatives à l’hébergement,
mais avaient atteint leurs limites physiques et psychologiques. Devant le dépérissement
de l’état de santé de leur proche, ils « n’avaient plus le choix » de le confier à la résidence
s’ils voulaient conserver leur propre santé. D’autres ne pouvaient pas s’occuper de leur
proche plus qu’ils ne le faisaient déjà parce qu’ils travaillaient. Cependant, les enfants et
les conjoints ne cessent pas complètement de s’occuper de leur proche.
Visiter son parent ou son conjoint
Toutes les personnes-soutiens interrogées considèrent que les familles des personnes
âgées placées en centre d’hébergement ont la responsabilité de les visiter et de demeurer
présentes auprès de celles-ci pour qu’elles ne se sentent pas seules. Elles ont le devoir de
- 47
ne pas abandonner leur proche, de ne pas le délaisser, même si celui-ci reçoit des soins en
centre d’hébergement, en vertu de la logique du don et du contre-don. Les familles « qui
ont leur cœur à bonne place » ou qui « aiment le moindrement leurs parents » ne se
délestent pas de leurs responsabilités envers eux en se disant qu’il y a des gens pour s’en
occuper. C’est une question de principe moral, de conscience. Tu ne parques pas quelqu’un […] ben là c’est terminé. On en voit des gens qui n’ont jamais de visites. Je trouve que c’est ridicule. Il reste que c’est tes parents, qu’ils soient fautifs ou pas dans ta vie. On ne ferait pas ça à un chien […] On a besoin d’être là, on a besoin qu’ils sentent qu’il y a du monde là encore. Il me semble que ça aide à vivre en tout cas. (Fille, Le Faubourg) Pour moi, ça fait partie des devoirs d’y aller de façon régulière, de voir s’ils ont ce qu’il leur faut. Tu ne les abandonnes pas dans les mains des étrangers, je trouve que ça n’a pas de bon sens. (Fille, Christ-Roi) De faire comme si elle était toujours en appartement ou dans sa maison. De téléphoner pour prendre des nouvelles, de venir la visiter et de continuer vraiment d’être présent. Parce que si tu coupes les liens, tu te dis moi là j’ai pu rien à faire; y’a quelqu’un qui est payé pour s’en occuper… y’en a peut-être qui le font mais c’est pas ça, moi je serais pas capable de faire ça. (Fils, Le Faubourg)
Ainsi, les aidants familiaux désirent poursuivre la relation filiale ou conjugale avec leur
proche parce qu’ils l’aiment et qu’ils veulent lui procurer du bonheur dans les dernières
années de sa vie. Pour eux, les familles sont irremplaçables dans la vie affective des
personnes âgées. Les personnes-soutiens interrogées ont donc l’impression que leurs
visites sont appréciées. Leur proche s’ennuie, il a encore besoin d’eux, de leur présence,
ils se sentent utiles.
Mon mari a besoin de l’amour et c’est moi qui lui donne (Femme, Le Faubourg)
Quelques répondants avaient l’impression que s’ils n’allaient pas voir leur proche et
qu’ils ne s’en occupaient pas, son état de santé mental se serait dégradé. Elle sourit tout le temps. Elle est heureuse parce qu’on est toujours présent. Je suis convaincue qu’elle est encore comme ça parce qu’on est là pour la stimuler. (Fille, Le Faubourg)
Les personnes-soutiens sentent qu’elles participent au bonheur de leur proche. Les soins
offerts par les infirmières et les préposés, qui sont des nouveaux venus dans l’existence
- 48
de la personne âgée, ne peuvent se substituer complètement à ceux offerts par la famille
de celle-ci. En somme, les membres de la famille accordent un soutien affectif à la
personne âgée. Ce rôle affectif s’inscrit dans la continuation des liens qui les unissaient
avant l’hébergement.
Attentes de la personne âgée
Les personnes âgées n’ont pas toutes les mêmes attentes envers leur entourage. Certaines
d’entre elles ne demandent pas explicitement ou ne s’attendent pas à ce que les membres
de leur famille aillent les voir, particulièrement lorsqu’elles ne reconnaissent plus leur
entourage. Les enfants ou les conjoints de celles-ci continuent toutefois à visiter leur
proche, parce que celui-ci est toujours heureux de les voir. Le contre-don fonctionne donc
implicitement et les parents n’ont pas besoin de rappeler à leurs enfants de s’occuper
d’eux pour qu’ils le fassent. Quand j’arrive, elle est toujours contente de me voir. Elle me dit : « Ah que je suis contente de te voir », même si elle ne me reconnaît pas tout le temps. […] pour elle, je suis un visage familier, qui fait partie de son intimité […]Alors, oui, je pense que c’est important que j’y aille (Fille, Christ-Roi)
D’autres personnes âgées vont manifester clairement à leur conjoint ou enfant qu’elles
désirent que ceux-ci aillent les visiter. Selon une répondante, celles-ci font parfois un peu
de manipulation et font se sentir coupables les membres de la famille. Cependant, les
répondants qui ressentent de la pression de la part de leur proche ont fixé un nombre
limite de visites hebdomadaires. Plusieurs répondants ont souligné qu’ils n’y vont pas
parce qu’ils s’y sentent obligé, mais parce que ça leur fait plaisir. S’occuper de leur
proche ne représente pas pour eux une corvée. Je n’ai pas de fréquence, moi c’est selon mes disponibilités. C’est comme les téléphones. Il y a des périodes où je l’appelle une fois par jour, d’autres ça va aller aux trois jours. Il n’y a rien de coulé dans le ciment, je ne veux pas avoir d’obligations de coulées dans le ciment à ce niveau là. Sinon, ça ne serait pas moi. Je peux venir une fois par semaine, des fois deux; des fois je fais coïncider avec des dîners d’affaires (Fils, Le Faubourg) C’est notre mère, on s’en occupe, mais on n’est pas obligé d’aller là régulièrement. Tu y vas parce que ça te fais plaisir d’y aller. Tu ne veux pas y aller, tu n’y vas pas. Tu n’es pas obligé d’y aller. Si tout est sous contrôle, tu n’es pas obligé. Mais il reste toujours une chose, c’est une personne qui fait partie de la famille (Fils, Christ-Roi)
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En somme, pour la plupart des répondants, les relations filiales ou conjugales ne sont pas
vécues sous le mode de l’obligation. Ils trouvent important d’aller voir leur proche, mais
les attentes que celui-ci manifeste ne semblent pas avoir une influence sur la fréquence
des visites des personnes soutiens. Celles-ci ne veulent pas se sentir contraintes de visiter
leur proche et décident elles-mêmes du degré de leur implication. Que la personne âgée
manifeste ou non des attentes à leurs égards, ils vont la visiter selon ce qu’ils considèrent
être nécessaire ou dans leurs capacités. La plupart insistent sur le fait qu’ils viennent en
aide à leur proche parce que ça leur fait plaisir, que ce n’est pas un désagrément pour eux
et qu’ils ne se sentent pas forcés d’y aller. Les relations familiales se fondent donc sur le
volontariat.
Implication des personnes-soutiens dans les soins techniques
Nous émettions l’hypothèse au départ que certaines familles pouvaient s’impliquer trop
activement au yeux du personnel soignant dans l’exécution des tâches techniques, et que
cette implication pouvait être interprétée par les infirmières et préposés comme une
ingérence dans un domaine qui relève de leurs compétences et de leurs responsabilités
professionnelles. Les témoignages des personnes-soutiens interrogées révèlent le
contraire : celles-ci ne s’impliquent pas dans les soins techniques et ne désirent pas le
faire. Lorsque questionnées sur le devoir des familles concernant les soins techniques, la
plupart des personnes-soutiens ont répondu que l’accomplissement des tâches techniques
revenait au personnel soignant et que c’est justement pour ne pas avoir à s’en occuper
qu’elles ont placé leur proche en centre d’hébergement.
Si je continue à faire [les soins techniques], aussi bien les ramener chez moi […] Moi je suis prête à donner un coup de main jusqu’à un certain point, mais s’il faut que je fasse le travail du monde qui sont payés pour ça, sinon ils vont les retourner chez eux (Fille, Le Faubourg)
Je ne voudrais pas être obligée de faire sa toilette le matin […]Je ne pense pas que ça soit mon rôle, c’est leur rôle du personnel infirmier qui sait ce qu’il a à faire. Je pense que c’est leur travail à eux autres. Pour l’alimentation, ça je l’aide. Je lui apporte même des choses. […] J’aime ça arriver et qu’elle soit vêtue. Ça ne me dérange pas de continuer disons qu’il reste des petites choses à faire, le maquillage (Fille, Christ-Roi)
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Les aidants familiaux conçoivent que leur rôle est avant tout d’apporter de l’affection à la
personne âgée. Avant même que celle-ci ne soit placée en résidence, la plupart des
enfants rencontrés avaient commencé à déléguer à des services extérieurs l’exécution de
certains soins techniques qui demandaient trop de temps. La plupart des personnes âgées
qui demeuraient encore à leur domicile recevaient de l’aide pour les repas, les soins
d’hygiène corporelle ou étaient placées en centre pour personnes semi-autonomes. Les
personnes-soutiens ne sentent donc pas avoir la responsabilité inconditionnelle d’assurer
les tâches techniques, que ce soit avant ou pendant l’hébergement de leur proche. Elles
sont disponibles pour s’occuper de leur proche du mieux qu’elles peuvent, mais l’aide
que celles-ci lui accordent ne doit pas trop concurrencer avec leur vie familiale, conjugale
ou professionnelle ni entraîner une détérioration de leur état de santé physique et
psychologique.
L’hébergement représente souvent un soulagement pour les répondants, parce que leur
proche vivait seul dans sa demeure. Plusieurs mentionnent se sentir moins inquiets depuis
qu’il est placé en résidence parce qu’ils le savent en sécurité, particulièrement la nuit.
Comme la personne hébergée est surveillée et encadrée, les aidants familiaux n’ont plus à
intervenir advenant une situation d’urgence.
Par ailleurs, deux répondants croient non seulement qu’il n’est pas de leur devoir de
dispenser des soins techniques, mais sentent que ces tâches de type instrumental leur sont
en quelque sorte interdites, qu’elle appartiennent au champ de compétences des membres
du personnel soignant, qui sont engagés pour les effectuer. C’est leur travail et ils
possèdent les qualifications nécessaires pour le faire. Les exécuter à la place des
infirmières et des préposés serait empiéter sur leur domaine. Y’a une partie à laquelle on n’aurait pas le droit. La responsabilité non, moi je dis le mot est trop fort, c’est pas le mot responsable. On peut venir, on peut leur aider, mais on est pas responsable de le faire, ça serait trop dangereux. Nous on le fait, on vient la faire souper à tous les soirs, mais je ne pense pas que ça soit notre responsabilité. On fait pas ce qu’on veut (Fille, Le Faubourg)
Les tâches techniques sont donc principalement exécutées par le personnel soignant et les
aidants familiaux souhaitent qu’il en soit ainsi. Cependant, quatre personnes-soutiens à
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qui « ça ne dérange pas » prodiguent certains soins techniques mineurs lorsqu’elles
visitent leur proche, sans toutefois se déplacer expressément pour les effectuer. Elles
aident parfois leur parent à manger, lui nettoient le visage, le peignent, lui coupent les
ongles. On peut cependant considérer ces soins comme des soins affectifs, parce qu’ils
sont empreints de tendresse et d’intimité. D’autres personnes-soutiens suppléent
lorsqu’elles considèrent que les soins apportés ne sont pas suffisants ou assez
attentionnés. Par exemple, beaucoup apportent des petites gâteries que la personne âgée
affectionne mais qu’elle n’a pas l’occasion de manger en centre d’hébergement. D’autres
font le ménage des tiroirs et des garde-robes parce qu’ils trouvent qu’ils ne sont pas
rangés assez régulièrement. Ce type d’aide est principalement destiné à pallier le manque
de personnel, que plusieurs personnes-soutiens ont dénoté. En somme, le rôle des familles
auprès de leur proche est essentiellement affectif. Elles s’impliquent dans de petits soins
instrumentaux, mais ces soins revêtent un caractère de tendresse et permettent d’établir
une proximité avec leur proche. Elles complètent également le personnel soignant dans
l’exécution de certaines tâches qui, selon elles, sont plus ou moins bien remplies. En
général cependant, la plupart des aidants ne se sentent pas responsables d’assumer
l’exécution des soins techniques qu’ils confient au personnel soignant.
La place des familles en centre d’hébergement
Nous pensions au départ que les personnes-soutiens qui se sont fortement impliquées
dans les soins auprès de leur proche avant son placement pouvaient se sentir écartées de
la relation avec celui-ci, parce qu’une fois hébergé, d’autres personnes lui venaient
également en aide. Les donnée obtenues illustrent plutôt que les aidants croient que les
familles ont leur place en centre d’hébergement, mais que toutes ne la prennent pas.
Ceux-ci ont l’impression d’avoir la possibilité de s’impliquer auprès de leur proche en
centre d’hébergement et se sentent généralement bien accueillies par le personnel
soignant. Une répondante dit que, même si elle n’avait pas sa place, elle la prendrait.
Deux répondants considèrent que seulement leurs tâches se sont modifiées avec le
placement de la personne âgée en résidence, mais pas leur rôle. L’hébergement de leur
proche a permis une diminution de leurs responsabilités relatives aux tâches domestiques,
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par exemple, mais ces derniers ont l’impression d’occuper une place aussi importante
dans la vie affective de la personne âgée.
Il n’y a pas vraiment de choses qui sont différentes [par rapport à avant le placement] À part qu’ici, il y a des infirmiers et infirmières 24 heures, qu’il peut avoir un médecin. Elle [sa mère] va m’appeler plusieurs fois. Elle va m’appeler le matin, avant qu’elle se couche. C’est sur que c’est moins lourd, il faut quand même que je l’admette, mais il n’y a pas une si grande différence que ça. C’est juste que j’ai moins l’inquiétude de l’avoir chez moi (Fille, Le Faubourg)
Les aidants rencontrés n’ont donc pas à redéfinir leur rôle auprès de leur proche ni se
sentent exclues de la relation avec ce dernier, parce que cette relation prend tout son sens
dans sa dimension affective. Les enfants et les conjoints continuent d’occuper une place
importante dans la vie de leur proche après qu’il soit hébergé et vice-versa.
Les qualités d’une bonne infirmière et d’un bon préposé
La plupart des enfants et des conjoints interrogés considèrent que le métier
d’« infirmière » est une vocation, un don. Les qualités que nécessite cette profession sont
inscrites dans la nature de la personne qui l’exerce. Il y a les bonnes infirmières et les
mauvaises, celles qui « l’ont » et celles qui « ne l’ont pas ». Plusieurs aidants familiaux
ressentent de l’admiration envers le personnel soignant et confient qu’ils n’auraient pas
les capacités et les qualités nécessaires pour effectuer ce métier.
En général, ils sont tous dans leur vocation, mais y’en a d’autres qui ne le sont pas. Tu vois d’autres que c’est naturel et d’autres on dirait que c’est un effort épouvantable (Fille, Le Faubourg)
Une infirmière idéale doit véritablement aimer les personnes âgées, elle doit être
vaillante, patiente, de bonne humeur, gentille, à l’écoute. Elle doit prendre le temps de
témoigner de la tendresse envers les résidents. Quelques répondants mentionnent qu’une
bonne infirmière n’est pas préoccupée par ses soucis personnels lorsqu’elle travaille et ne
fait pas son métier pour la paye. Les aidants familiaux privilégient chez les infirmières les
qualités « de cœur », plutôt que les compétences techniques, qui constituent en quelque
sorte un préalable. D’ailleurs, les préposés et auxiliaires doivent posséder les mêmes
qualités que les infirmières. Selon les personnes-soutiens, les personnes âgées ont besoin
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d’amour, de tendresse, d’attention et méritent le respect. Quelques aidants familiaux
apprécient que le personnel soignant vouvoie les personnes âgées, ce qui constitue pour
eux une marque de déférence.
D’abord, il faut aimer très bien sa profession. Il faut bien aimer les malades. Il ne faut pas que t’ailles là pour faire de l’argent, surtout pas. Parce que quelqu’un qui travaille avec les malades s’il ne les aime pas, c’est absolument impossible de faire du bon travail (Femme, Le Faubourg) Pour moi, une bonne infirmière, c’est plus que ça, c’est plus qu’une technique que tu vas appliquer. C’est quelqu’un qui est capable de voir l’ensemble de la personne et de voir si elle est bien ou si elle ne l’est pas […] Il y a des préposés qui sont mieux que les infirmières. À cause justement des qualités de cœur qu’ils peuvent avoir (Fille, Christ-Roi) [Les personnes âgées ont besoin] de chaleur humaine, de respect, d’un grand respect […] Y’en tu vois, juste par un regard, un geste de la main, ça fait du bien. Des petits détails, des petites affaires […] dans ma façon de voir les choses, c’est plus important ça que […] les pilules, les injections et tout ce qu’ils ont besoin de leur faire… Je trouve que ce petit déclic là dans l’œil qui montre que t’aimes les gens, que t’as une chaleur et une compassion et que si tu sais que c’est une mauvaise journée, tu vas repasser et tu vas demander : « C’est tu correct, ça vas-tu ? » C’est ce petit déclic là qui soigne l’humain plus que les médicaments […] Y’en a qui l’ont, tu le vois, tu le sens, ça transperce l’âme (Fille, Le Faubourg) Non seulement elle [l’infirmière] va voir à son côté médical, mais c’est celle qui va aller voir le patient, voir qu’est-ce qui ne va pas; prendre du temps pour jaser, la flatter (Fille, Le Faubourg)
Les enfants et les conjoints ne veulent pas que leur proche soit traité comme un simple
client, un usager comme un autre de l’institution. Ils confient l’exécution des soins
techniques au personnel soignant, mais désirent que ces gestes soient empreints de
douceur.
4.1.2 Des types de familles en fonction de la confiance dans le personnel soignant et de l’image du centre d’hébergement
Les personnes interrogées n’ont pas toutes réagi pareillement face au placement de leur
proche en résidence, n’ont pas le même degré de confiance envers le personnel soignant
et n’interviennent pas de façon identique auprès de celui-ci. Il semble y avoir un
continuum dans l’attitude des personnes-soutiens face au personnel, allant de la confiance
envers celui-ci à un besoin de s’assurer de la qualité des soins offerts et des conditions
d’hébergement de la personne âgée. On peut distinguer trois types de personnes-soutiens :
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les « confiants », les « vigilants » et les « protecteurs » (ou « anges gardiens ») qui n’ont
pas la même image du centre d’hébergement. Un répondant peut se situer à mi-chemin
entre deux catégories, qui servent de repères sur le continuum de confiance.
Figure 1. Continuum de confiance
Les confiants
Les aidants familiaux qualifiés de « confiants » ne se sentent pas coupables d’avoir placé
leur proche en résidence parce qu’ils avaient le sentiment qu’ils avaient fait tout ce qui
était possible pour celui-ci et qu’ils ne pouvaient faire plus. Beaucoup trouvaient la
situation lourde à porter et l’hébergement a libéré certains d’entre eux d’un certain
nombre de responsabilités qu’ils trouvaient assez accablantes. Je trouvais ça assez accaparant […]. Auparavant, lorsque sa vision était bonne, c’était plus facile. Mais là, les trois dernières années, ça demandait beaucoup. Il ne faut pas oublier que nous aussi on ne rajeunit pas. Chacun a ses problèmes de santé. On était bien content de voir qu’on pouvait la placer (Fils, Christ-Roi)
Même si quelques personnes âgées acceptaient difficilement d’aller en centre
d’hébergement, les « confiants » n’ont pas eu l’impression de faillir à leur devoir en tant
que conjoint ou enfant. En plaçant leur proche en résidence, ils n’ont pas renoncé à être
présents auprès de celui-ci et à lui manifester leur affection. Ils ont simplement
abandonné l’exécution de certaines tâches qui ne sont pas garante à leurs yeux de
l’amour qu’ils portent à leur proche.
Confiance dans le personnel soignant Non-confiance dans le personnel soignant Image positive du centre Image négative du centre « Confiants » « Vigilants » « Protecteurs »
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Tel que l’indique le terme qui les désigne, ils ont confiance dans les compétences
humaines et professionnelles du personnel soignant. Peu après que leur proche ait été
installé à la résidence, certains d’entre eux posaient des questions à celui-ci ou venaient
quotidiennement afin de vérifier la qualité des soins. Cependant, ils ont cessé de le faire
lorsqu’ils ont constaté qu’on s’occupait bien de leur proche. Ils ont également
l’impression que le personnel soignant est encadré et supervisé dans sa pratique par des
supérieurs. Ils sont satisfaits des soins offerts et ils n’ont pas beaucoup de commentaires
négatifs envers le personnel soignant. Ils disent comprendre que les infirmières et les
préposés aient beaucoup de travail et pensent que ces derniers font leur possible. Les
« confiants » ne sentent pas non plus que ceux-ci ne consacrent pas suffisamment de
temps à leur proche. Cependant, lorsqu’ils sont mécontents de la façon dont certains soins
sont prodigués, ils ne se « gênent pas pour le dire ». Ils ont l’impression que leur
recommandations sont entendues et appliquées. Je crois que les responsables voient à ce que ça tourne rondement et prennent les procédures si ça ne fonctionne pas. Et d’ailleurs, si ça ne fonctionnait pas, en ce qui me concerne, je m’en occuperais. C’est tous des gens avec des compétences, sérieux, ils ont un devoir à remplir et ils le font au meilleur de leur connaissance. (Fils, Christ-Roi) L’infirmier, lui je trouve qu’il est parfait. Il a toujours les bonnes réponses et il écoute ce que tu as à dire et il met ça à exécution, pis si t’as besoin de quelque chose, c’est fait tout de suite (Femme, Le Faubourg)
Les confiants ont l’impression que leur proche est heureux en centre d’hébergement, qu’il
soit lucide ou non. C’est sûr que « ce n’est pas comme à la maison », mais ils considèrent
que dans les circonstances, leur parent ou leur conjoint est bien. Quelques-uns ont même
observé une amélioration de l’état de santé psychologique de leur proche depuis qu’il est
en résidence, soit parce que la présence d’un corps médical le rassure, soit parce qu’il a
gagné confiance en lui-même en participant aux activités et en côtoyant d’autres
personnes.
Plusieurs « confiants » croient qu’ils ont la responsabilité de coopérer avec le personnel,
de les assister, de compléter ce qu’ils font. Nous on a rencontré le personnel et on leur a dit qu’ils avaient toute notre confiance pis que si jamais il y avait de quoi, de nous le dire et qu’on était là un peu pour suppléer (Fils Le Faubourg)
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Je rencontre ses employés là, je discute avec eux autres, je parle de ma mère, je parle des autres, je m’informe comment ça va, est-ce qu’il manque quelque chose? Ils sont en mesure de me dire, oui, il manque telle chose, elle a besoin de telle chose. Ils ne se gênent pas pour me le dire. Je leur ai dit à part de ça. S’il y a quelque chose, je veux le savoir. Ils ont mon numéro de téléphone. S’il y a quelque chose, vous m’appelez, n’importe quoi. Ils savent qu’on est disponible (Fils, Christ-Roi)
Ils établissent un certain partenariat avec les préposés et les infirmières et se mettent à
leur disposition pour qu’ils puissent les contacter s’ils ont besoin de leur aide. Certains
d’entre eux cherchent à créer un contact amical avec le personnel soignant.
Les vigilants
Les vigilants ont plus tendance à éprouver de la culpabilité que les confiants, liée à une
conception péjorative de la qualité de vie en résidence (et non à l’impression d’avoir
échoué face à leurs responsabilités). Ils se soucient grandement des conditions dans
lesquelles la personne âgée est hébergée. Plusieurs parmi eux ont l’impression d’avoir
dépossédé leur proche de ses biens et de l’avoir déraciné de son environnement pour le
confiner dans une petite chambre. Ils ont le sentiment que la personne âgée est
« déconnectée de la réalité ». Ils trouvent « triste de terminer ses jours dans un centre
d’hébergement » et avaient l’impression avant le placement que leur parent ne recevrait
plus de soins, qu’il s’en allait en résidence pour mourir. Le centre d’hébergement signifie
pour eux l’approche de la mort, leur parent ou leur conjoint ne pouvant espérer que son
état de santé s’améliore. Certains trouvent également démoralisant pour leur mère de
côtoyer d’autres personnes âgées dont l’état de santé, notamment cognitif, est pire que le
sien. D’autre part, les personnes-soutiens déplorent la routinisation des soins. Elles
n’apprécient pas que les soins soient prévus à une heure fixe dont il est difficile de
déroger et préféreraient qu’ils soient adaptés aux besoins de leur proche. Elles n’aiment
pas non plus que celui-ci ait à attendre que le personnel soignant vienne l’aider à
accomplir les actes qu’il n’est plus capable d’effectuer seul à cause d’un manque
d’autonomie.
[Ce] que je demandais, c’est qu’ils la couchent plus tôt. […] Dans mon esprit, moi quand je suis fatiguée, j’aime ça me coucher à l’heure que je veux. […] Là ma mère est schédulée à 8h40 pis même s’ils ont le temps de la coucher plus tôt et qu’elle veut se coucher plus tôt, ils ne la coucheront pas plus tôt, parce que l’heure, c’est 8h40. C’est fixé dans le plan de soins à 8h40. (Fille, Christ-Roi)
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J’ai trouvé ça très dur parce qu’ils lui ont mis des limites pour aller aux toilettes. C’est certain qu’elle demandait souvent et qu’elle ne faisait rien. Mais ça, ça été très dur pour moi parce qu’ils lui ont fixé des heures. Là-dessus, j’avais ben de la misère. Si elle disait qu’il fallait qu’elle aille à la selle, il fallait qu’elle attende et s’il était un heure, ils ne l’amenaient pas avant trois heures. (Fille, Christ-Roi)
Au début, tu dis ils sont bien, mais il reste qu’il faut que t’attendes tes soins à telle heure, il faut que tu attendes qu’ils aient le temps de s’occuper de toi, que ça soit ton tour […] Vous attendez vos soins. À telle heure, c’est ça. Telle journée, c’est le bain. (Fille, Le Faubourg)
En somme, les « vigilants » opposent le centre, milieu de vie routinier et impersonnel au
mode de vie antérieur de la personne âgée, plus personnalisé et plus libre dans le
déroulement de la vie quotidienne. De leur propre aveu, ces personnes y allaient plus
fréquemment au début, afin de s’assurer que leur proche était bien. Une personne-soutien
« vigilante » avait l’impression qu’elle aurait pu faire plus et aurait souhaité prendre elle-
même soin de ses proches pour leur éviter d’aller dans un centre d’hébergement.
Les « vigilants » conçoivent qu’ils ont un rôle de surveillance des soins prodigués à la
personne âgée et de sa condition générale. Ils exercent une surveillance afin de s’assurer
de la qualité des soins offerts et posent des questions au personnel afin d’obtenir des
justifications, ce qui concorde avec les résultats d’études menées antérieurement. Les
personnes-soutiens mandatent le personnel soignant pour exécuter l’ensemble des tâches
techniques, en se tenant cependant responsables d’évaluer leur travail (Vézina et
Pelletier; 2001; Bowers, 1998).
C’est d’assurer un bon suivi, de la façon dont elle est traitée, de la façon dont elle est soignée […] Ce n’est pas de la placer et de dire bon bien, regarde, elle est entre bonnes mains. C’est de savoir si les gens à qui ont les a confié s’en occupe vraiment, comme ils doivent, comme on s’attend à ce qu’ils s’en occupent (Fille, Le Faubourg)
Les « vigilants » ne démontrent pas d’inquiétude par rapport aux soins prodigués, parce
qu’ils savent que leur proche est lucide. Ce dernier peut leur rapporter les éléments dans
son environnement ou dans les soins qui le dérangent ou en faire directement part au
personnel soignant. Ces personnes-soutiens ont toutefois indiqué qu’elles seraient peut-
être plus préoccupées par les conditions d’hébergement de leur proche si celui-ci n’était
pas lucide.
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Plusieurs « vigilants » trouvent que le personnel soignant n’a pas assez de temps à
consacrer aux personnes âgées pour parler avec elles et apprendre à les connaître.
D’autres estiment que les toilettes sont effectuées trop rapidement ou aimeraient que le
personnel soignant prenne plus de temps pour faire manger leur proche. Ces aidants
familiaux attribuent cependant ce manque d’attention accordée aux résidents à une
insuffisance de personnel et non à une déficience de compétences des infirmières et des
préposés. Ils « ont la volonté » et font ce qu’ils peuvent dans les circonstances. Ils
aimeraient que leur proche reçoive plus d’attention, mais ils n’exigent pas du personnel
soignant qu’il s’attarde longuement avec les personnes âgées, parce qu’il n’a pas le
temps. Ils ont des bons services, ils ont des bons soins […] Comme je te dis aujourd’hui avec le personnel qui est coupé un peu partout, ils ne peuvent pas donner le temps qu’ils voudraient, ça c’est sur et certain […] C’est sûr que l’écoute peut être moindre. C’est normal. Ils ne peuvent pas passer une demi-heure dans une chambre quand ils ont des planchers à s’occuper au complet (Fille, Le Faubourg)
En somme, les « vigilants » jugent qu’en général, les soins qui sont dispensés à leur
proche sont satisfaisants, mais ils demeurent tout de même aux aguets. Ils jouent souvent
le rôle d’intermédiaire, de médiateur entre la personne âgée et le personnel soignant. Ils
intercèdent pour régler les problèmes qui surviennent, généralement à la demande de la
personne âgée elle-même. Les aidants familiaux interrogés se réservent aussi le droit de
signaler au personnel soignant les éléments à améliorer dans les soins offerts et affirment
ne pas se sentir mal à l’aise de le faire, parce qu’ils payent pour obtenir ces services.
On est là pour surveiller ce qui se passe […]. Quand il y a de quoi qui ne va pas, je vais parler avec les infirmières pour mettre ça au clair. Je ne me gêne pas là-dessus. Je sais qu’en général, elle a des bons soins. Et maman, elle a sa tête en fin de compte. S’il y a de quoi qui se passe, elle nous le dit. S’il y a de quoi, elle me le dit et dans ce temps-là, je vais régler le problème. (Fille, Christ-Roi) Je pense qu’il faut questionner, savoir si tout va bien […] je pense qu’ils s’en occupent bien, mais on fait bien de continuer à venir et à suivre ça. Je pense qu’ils le savent qu’on suit ça de près donc ils font bien aussi. […] Nous on trouve qu’on est dans notre droit, on paye pour ces soins et c’est soins là, nous on y tient. […] Il faut être bien au courant de ce qu’on a droit et il y a bien des familles qui passent à côté de ça. On est en droit d’exiger telle chose (Fille, Le Faubourg)
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Une répondante considère qu’elle a le devoir de rappeler certains petits détails que le
personnel soignant peut oublier par habitude afin qu’il puisse se corriger ou s’améliorer.
Lorsqu’elles soulignent les améliorations à apporter ou font part de certaines observations
négatives, les personnes accordent le droit au personnel soignant d’être agressif avec
elles. Elles ne tiennent donc pas nécessairement à être dans les bonnes grâces des
infirmières ou des préposés et ne se reconnaissent pas toujours de responsabilité envers
eux. Elles se montrent toutefois disposées à collaborer avec les membres du personnel
soignant dans le bien de la personne âgée et ces derniers savent qu’ils peuvent les
contacter s’ils ont besoin de leur aide. Les protecteurs ou anges gardiens
Les « anges gardiens » sont les plus portés parmi les trois types à empiéter sur les autres
sphères de leur vie pour se consacrer à leur parent. Une répondante « protectrice » avait
emménagé avec ses parents, qu’elle assistait seule. La relation de soins était très prenante
pour elle, car ses parents demandaient une surveillance constante. C’est sa mère qui a
demandé à aller vivre en centre d’hébergement, parce que sa fille ne réalisait pas qu’elle
était épuisée.
Ça faisait longtemps qu’elle [sa mère] me poussait, elle me disait : « Il faudrait aller visiter des résidences, ça va venir que c’est trop pour toi » […] J’ai trouvé ça excessivement dur. Je ne réalisais plus mon état de santé, là moi c’était en dégradation, j’étais sur l’adrénaline à 300%. Ça m’a pris trois médecins pour comprendre que je ne pouvais plus les [ses parents]garder chez-moi . Je pense que ça été aussi dur pour moi que pour eux. (Fille, Le Faubourg)
Une autre personne-soutien dit se sentir obligée d’aller visiter sa mère
hebdomadairement, même si cette visite ampute sur le temps qu’elle peut passer avec son
conjoint. Si elle n’y va pas, elle ressent de la culpabilité. Certains des « anges gardiens »
ont envisagé de reprendre leur proche après qu’il soit placé pour s’en occuper à domicile,
mais ont toutefois renoncé à l’idée devant la lourdeur de la tâche. Bref, les « protecteurs »
auraient voulu faire plus afin d’éviter à leur proche d’aller vivre en centre d’hébergement.
Tout comme les « vigilants », les « protecteurs » ressentent de la culpabilité d’avoir
confié leur proche en centre hébergement, parce qu’ils ont le sentiment d’avoir
abandonné celui-ci dans un lieu où les conditions de vie ne sont pas des meilleures.
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Ça été la panique totale, la non -acceptation. Je ne voulais pas les placer, moi j’appelle ça placer, c’est le terme que tout le monde dit. J’avais l’impression de les tirer dans une maison de vieux (Fille, Le Faubourg)
Les « anges gardiens » jugent que les personnes âgées ne reçoivent pas assez d’attention
et ils aimeraient que les infirmières et les préposés accordent plus de temps à leur proche,
afin de l’aider à maintenir son autonomie, de parler avec lui, d’être plus attentif à ses
besoins. Je peux dire en gros qu’ils [les employés] s’en occupent bien. Mais, ils s’en occupent bien avec les moyens qu’ils ont et comme ils sont capables de s’en occuper, c’est-à-dire avec le personnel qu’ils ont pour le faire. Moi j’aimerais qu’ils aient encore plus de temps pour elle [sa mère]. (Fille, Le Faubourg)
Le personnel n’a pas le temps de donner l’attention qu’il faut […] Les personnes qui sont là, ils en ont plusieurs à s’occuper […] Je me dis, ils ne sont pas capable de répondre à tous ses besoins. (Fille, Christ-Roi)
Comme les « vigilants », les « protecteurs » s’attribuent également la responsabilité de
surveiller les soins. Ils semblent se sentir d’autant plus investis de cette responsabilité que
leur proche souffre d’atteintes cognitives et ne peut donc pas leur rapporter si des tâches
sont mal exécutées. Ils n’ont pas confiance en le personnel soignant et doutent de la
qualité des soins en leur absence. Ils ont l’impression que le personnel soignant s’occupe
moins de leur proche que les autres résidents parce qu’il n’est pas lucide ou qu’il ne
demande pas d’aide au personnel soignant lorsqu’il en a besoin. Selon ces aidants, le
personnel soignant se montre plus attentionné envers leur parent ou leur conjoint car ils
sont présents. Ces dernier se sent en quelque sorte observé par les personnes-soutiens qui
agissent à titre de témoin. Les personnes-soutiens « protectrices » ont l’impression
d’avoir le devoir de protéger la vulnérabilité de la personne âgée, qu’elles comparent à un
enfant, dépourvu et fragile. Maman avait des pertes de mémoire, alors je me sentais le devoir de la protéger […]Je me disais, elle n’est pas capable de faire ses demandes de besoin, est-ce qu’eux autres [le personnel soignant] sont capables de se servir de leur tête? […] Moi je sais que si maman avait sa mémoire, je ne serais jamais inquiète comme ça. […] J’ai l’impression, c’est comme ça que je le vis, que t’abandonnes un enfant aux mains d’autres personnes pis y’en a à qui je fais confiance, pis y’en a à qui je ne fais carrément pas confiance. Ils m’ont démontré que je ne pouvais pas avoir confiance en eux, alors c’est bien difficile pour moi de revenir en arrière. (Fille, Christ-Roi)
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La non-confiance des personnes soutiens résulte souvent d’un incident ou d’une situation
précise et est dirigée vers des employés en particulier. Une personne-soutien dit avoir
perdu confiance en certains membres du personnel soignant et augmenté le degré de
surveillance qu’elle exerçait suite à un événement spécifique où il lui semblait que ceux-
ci avaient mis en danger la santé physique de son parent.
Les « protecteurs » sont plus ou moins satisfaits des soins, qu’ils ne trouvent pas
suffisamment personnalisés. Leurs demandes visent à préserver la dignité de la personne
âgée en ce qui a trait aux soins qu’elle reçoit et à l’environnement physique dans lequel
elle évolue. Les « protecteurs » ont souvent l’impression que leurs revendications ou
leurs demandes ne sont pas exécutées, ce qui augmente leur frustration. Selon eux, il n’y
a pas de mécanismes ou de mesures prises pour traiter efficacement les plaintes et
encadrer le personnel soignant dans sa pratique lorsqu’il fait des erreurs. Ces personnes-
soutiens ont l’impression de mener une bataille afin d’obtenir les améliorations qu’elles
souhaitent apporter aux soins. Ça fait mainte et mainte fois, même un million de fois que je le dis. C’est encore là, je viens de revenir, il est encore là. Alors, donner des suggestions ça donne quoi? On a envie de dire presque rien. Espérons un jour gagner. (Fille, Le Faubourg)
La communication semble difficile entre le personnel soignant et les « protecteurs ». Ces
personnes-soutiens aimeraient discuter avec les infirmières et les préposés afin de
connaître et de comprendre leur façon de voir les choses, mais elles ont toutefois
l’impression que ceux-ci ne le désirent pas. Les personnes-soutiens sont sensibles au
bien-être d’une personne qu’elles aiment et réagissent parfois émotivement. De leur
propre aveu, elles « perdent parfois les pédales » et se montrent agressives avec le
personnel soignant. Je me dis, eux autres, ils ont une façon de voir les choses. Moi je suis pris dans mes émotions, je ne suis pas capable de les ôter. Je ne suis pas objective là-dedans, c’est ma mère et ma mère est devenue comme un bébé. Alors, je me dis elle n’a aucune défense (Fille, Christ-Roi) Moi aussi j’ai du dire des choses pas fines. Moi aussi, j’ai dit des choses à des personnes à qui j’ai du faire de la peine sans le vouloir. Dans des moments comme ça où il y a de la maladie, ce n’est pas si facile, on n’est plus vulnérable, on est pogné dans nos tripes, dans nos émotions. (Fille, Le Faubourg)
- 62
Nous pouvons retenir en somme que les « confiants » considèrent que le personnel
soignant s’occupe convenablement de leur proche et que celui-ci est heureux en CHSLD.
Les « vigilants » ont une représentation moins positive de la vie en centre d’hébergement
et ils exercent un rôle de surveillance afin de s’assurer que les soins que leur proche
reçoit sont corrects. Ils ne sont cependant pas inquiets, car celui-ci est lucide et peut le
dire lorsqu’il y a des éléments dans les soins qui le dérangent. Les « protecteurs »
ressentent plus d’inquiétude, car leur parent ou leur conjoint souffre d’atteintes cognitives
ou n’est pas très exigeant. Ils ont l’impression d’abandonner leur proche et ils ont peur
que les membres du personnel soignant le négligent. Leur confiance a parfois été ébranlée
par un incident en particulier. Bref, les personnes-soutiens n’agissent pas toutes de la
même façon envers le personnel soignant en fonction de la confiance qu’elles éprouvent à
son égard et à l’image qu’elles se font des conditions de vie dans le centre
d’hébergement.
4.2 Le rôle des familles et du personnel soignant selon les infirmières et préposés
Les perceptions que les infirmières chef d’équipe, les auxiliaires et les préposés ont du
rôle des familles ne sont pas associées au poste qu’ils occupent dans le centre
d’hébergement. Cependant, selon leur fonction, ils ne définissent pas leur rôle envers les
personnes âgées et les familles de la même façon.
4.2.1 Des attitudes différentes envers les différents types de personnes-soutiens
Selon la conception qu’ils se font du rôle des familles en centre d’hébergement, les
infirmières et les préposés n’ont pas la même attitude envers toutes les personnes-
soutiens.
Responsabilité des familles à l’endroit de la personne âgée
La majorité des répondants considèrent que les familles des personnes âgées ont la
responsabilité de venir visiter leur proche sur une base hebdomadaire et tous considèrent
qu’une famille idéale le fait. Quelques répondants trouvent que les familles des personnes
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âgées ne les visitent pas assez régulièrement et qu’elles ne remplissent pas leur devoir. La
plupart des membres du personnel soignant sont cependant moins exigeants à l’égard des
membres de la familles que ne le sont elles-mêmes les personnes-soutiens interrogées.
Les infirmières et les préposés ont conscience qu’ils ont d’autres obligations à remplir,
qu’ils ont leur famille, leur travail. Eux autres aussi ont leur famille et ont leurs obligations et leur travail. Déjà de venir voir leur parent, c’est déjà beaucoup. (Infirmière chef d’équipe, Christ-Roi)
Leur support n’est pas inconditionnel. Si le proche de la personne âgée est préoccupé par
ses problèmes personnels ou qu’il ne se sent pas à l’aise de visiter celle-ci, parce qu’elle
souffre d’atteintes cognitives, il est peut-être préférable qu’il ne vienne pas la voir, pour
le bien-être de la personne âgée. Par ailleurs, il faut prendre en considération comment se
déroulait la relation avant l’hébergement. Les personnes-soutiens rencontrées ne font pas
ces nuances. C’est évident qu’il y en a qui n’avaient pas beaucoup de contacts au départ, c’est difficile de leur demander plus maintenant qu’ils sont en centre d’hébergement. (Infirmière assistante chef d’équipe, Le Faubourg)
En outre, beaucoup de répondants pensent que les familles ont la responsabilité de
procurer à la personne âgée les objets matériels dont elle a besoin, comme les vêtements
ou les produits d’hygiène personnelle.
Lorsque questionnés sur la participation des familles dans les soins techniques, la
majorité des infirmières et des préposés ont répondu que celles-ci ne cherchaient pas à
s’impliquer, hormis quelques-unes qui aident leur proche à se nourrir, ce qui concorde
avec ce que les personnes-soutiens interrogées ont avancé. Sans considérer que ce soit
une obligation de leur part, le personnel soignant apprécie bien quand les familles font
manger leur proche, parce que ça diminue sa charge de travail. De plus, la personne âgée
mange mieux et plus parce que les enfants ou les conjoints ont le temps d’aller à son
rythme. Le personnel soignant considère que cela constitue une occasion privilégiée pour
ceux-ci de se rapprocher de leur proche.
Attentes des familles envers le personnel soignant
- 64
Comme nous l’avions présagé dans nos hypothèses, la presque totalité des répondants
trouvent que certaines familles ont des demandes exagérées, qui nécessiteraient pour être
exécutées qu’ils se consacrent exclusivement au proche de celles-ci. Les demandes
particulières des familles peuvent perturber l’horaire des membres du personnel soignant.
Selon ceux-ci, ces familles ne réalisent pas toujours la somme de travail qu’ils ont à
accomplir et le nombre de résidents dont ils doivent s’occuper. Plusieurs infirmières et
préposés ont l’impression que ces dernières ne reconnaissent pas leur travail à sa juste
valeur et qu’ils ne pourront jamais les satisfaire. Selon les membres du personnel
soignant, si les familles qui ont des attentes irréalisables sont minoritaires, elles sont
cependant celles les plus remarquées.
Deux répondants mentionnent que les familles qui se plaignent des soins sont souvent
celles qui sont moins présentes au centre d’hébergement, parce qu’elles ne voient pas tout
le travail que le personnel effectue.
Des fois, les familles font que tu es comme désabusé. Les familles sont très exigeantes, ne sont pas nécessairement contentes de ce que tu fais, même si t’essaies de donner tout ce que tu peux. Tu ne peux pas les satisfaire à 100%, parce qu’eux sont déjà malheureux parce que leur parent est ici. La majorité des familles n’accepte pas nécessairement l’hébergement. Y’en a plusieurs qui se sentent coupables, parce qu’ils auraient peut-être aimé ça les garder à la maison avec eux autres, mais ils ne suffisent pas à la tâche et c’est normal. Nous on fait ça vingt-quatre heures sur vingt-quatre à trois quarts de travail. (Infirmière équipe volante, Christ-Roi)
Parfois, les familles ont des exigences qui peuvent paraître futiles aux yeux du personnel
soignant. Ce qui est considéré comme des banalités n’affectant pas le bien-être de la
personne âgée par le personnel soignant est souvent perçu comme important pour la
personne-soutien qui le demande. Les infirmières et les préposés ont parfois l’impression
de se faire réprimander pour ce qu’ils évaluent être de petites erreurs. Quelques-uns se
sentent surveillés par les familles et sont plus tendus lorsqu’elles sont présentes parce
qu’ils ont peur de se faire critiquer. Une répondante se sent attaquée par les remarques de
certaines familles.
On est anxieux quand on voit que les familles sont comme ça. Mettons qu’on met telle culotte et qu’ils arrivent le matin mais que ce n’est pas la bonne culotte et qu’ils viennent nous engueuler, c’est sur on est plus inquiets. Quand on entend le nom du patient, il faut
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tout « checker », on se sent plus inquiets et sur nos gardes et c’est là qu’on fait des gaffes. Oui, on se sent surveillés (Infirmière chef d’équipe, Le Faubourg)
Les membres du personnel soignant ont parfois l’impression de savoir mieux que les
familles ce qu’il convient le plus à la personne âgée parce qu’ils ont appris à la connaître
à force de la côtoyer. D’autre part, ils n’ont pas le même rapport à la personne âgée : ils
portent un regard plus distant sur la situation, alors que les familles sont prises dans leurs
émotions. Certains ont souligné que les familles et eux n’avaient pas nécessairement la
même conception de ce que la personne âgée a besoin. Parfois, les personnes-soutiens
formulent des attentes plus élevées que ce que la personne âgée elle-même exige.
D’autres sont trop protecteurs pour leur proche qui est lucide et qui est capable de
demander s’il a besoin de quelque chose. Des fois, ils ne perçoivent pas leur parent comme nous on le perçoit. On a plus de recul, on a pas de facteur émotif […]. On ne voit pas les choses de la même façon, mais c’est difficile de leur expliquer, ils ne sont pas très ouverts. Souvent ils ont l’impression quand on leur dit quelque chose que c’est pour se sauver de l’ouvrage […] Souvent, ils vont te dire de quelle façon tu devrais faire. Mais tu te dis : Je la connais plus qu’eux autres. De quel droit, de quoi ils se mêlent? En fait, ils ont à s’en mêler. Il faudrait qu’ils en viennent à réaliser ou à accepter que oui, on connaît bien le patient […]Peut-être que s’il avait une bonne communication entre l’équipe et la famille, ça arriverait moins. (Infirmière, Le Faubourg) Des fois y’a des familles qui nous demandent de quoi pis là y partent pis le résident nous dit non non laissez faire ça. (Infirmière chef d’équipe, Le Faubourg)
Certaines infirmières et préposés ont l’impression que les familles n’ont pas conscience
qu’ils travaillent pour le bien-être de la personne âgée.
Le sentiment des familles par rapport au placement Les membres du personnel soignant invoquent la culpabilité que peuvent ressentir les
aidants familiaux de placer leur proche pour expliquer leur inquiétude et la surveillance
qu’ils exercent. Ces derniers veulent s’assurer que la personne âgée reçoit ce qu’il y a de
mieux lorsqu’ils sont absents. Plusieurs répondants jugent que leur attitude est
« normale » dans les circonstances. Pour d’autres cependant, elle n’est pas
nécessairement fondée. Peu d’infirmières ou de préposés croient qu’une bonne famille
doit se renseigner au sujet de l’état de santé de son proche. Ils comprennent pourquoi les
familles réagissent ainsi, mais en même temps estiment que les soins qu’ils procurent à la
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personne âgée sont adéquats. Ils croient que les familles devraient leur faire confiance,
parce que selon eux, les soins qu’ils dispensent sont professionnels et que les personnes
âgées sont bien. Plusieurs mentionnent qu’ils n’hésiteraient pas à placer leur parent dans
le centre où ils travaillent. La plupart des membres du personnel soignant s’attendent à
ce que les personnes-soutiens leur démontrent du respect envers eux et leur travail.
De me respecter, de me croire quand je leur donne l’heure même si des fois ça fait pas toujours leur bonheur. De respecter nos décisions […] il faut que les familles me fassent confiance. Moi c’est ce que j’attends d’eux autres […] Je pense que les familles savent que je ne prends pas de décision en l’air. (Infirmière chef d’équipe, Christ-Roi) De nous respecter, d’avoir confiance en nous autres parce qu’on est quand même des professionnels (Infirmier auxiliaire, Christ-Roi)
Les infirmières et des préposés se montrent toutefois disposés à discuter avec les familles.
De l’avis de ces derniers, les personnes-soutiens sont plus conciliantes et moins
agressives lorsqu’ils réussissent à établir une relation de confiance avec celles-ci. Ils
parviennent à dissiper l’inquiétude des aidants familiaux en discutant avec eux, en
prenant le temps de leur expliquer les décisions qu’ils ont prises et en respectant les
promesses qu’ils leur ont faites.
On a moins de chialage de la famille quand on a un bon contact avec la famille. Parce qu’ils n’auront pas de besoin de chialer , ils vont dire ça j’aimerais ça que ça soit fait de telle façon. Ah! Je vais le savoir la prochaine fois. Mais quand t’as pas un bon contact avec la famille, qu’est-ce qu’elle fait? Elle s’en va chialer en avant [à la direction] et ça te revient […] Ça fait des conflits. (Infirmier auxiliaire, Christ-Roi) Je me rends compte que si tu finis par leur [les familles] donner l’heure juste tout le temps, elles finissent par te faire confiance. Un moment donnée, t’as un climat qui s’établit. Ce n’est plus des demandes inutiles à ce moment-là, ils ont plus confiance en toi. Quand elles t’appellent, c’est parce que c’est important. (Infirmière équipe volante, Christ-Roi)
Selon les membres du personnel soignant, les familles sont moins exigeantes et moins
inquiètes lorsqu’il s’établit un climat de confiance entre les deux et qu’ils sont capables
de communiquer ensemble. À l’inverse, les infirmières et les préposés sont plus réceptifs
envers les familles lorsqu’ils se sentent respectés et qu’ils ont l’impression que les
demandes de celles-ci sont justifiées.
- 67
Bref, les infirmières et les préposés revendiquent auprès des familles la reconnaissance de
leur expertise, en vertu de leur statut de professionnels de la santé. Les rapports qu’ils
ont avec ces dernières sont plus faciles lorsqu’ils réussissent à gagner la confiance de
celles-ci.
Collaboration des familles Quelques répondants attendent également des familles qu’elles collaborent avec le
personnel soignant, particulièrement lorsque la personne âgée a des problèmes de
comportement, parce que celles-ci ont de l’influence sur leur proche. Ces membres du
personnel soignant considèrent que les familles ont la responsabilité de les supporter et de
les approuver dans les décisions relatives à la personne âgée. Avec des gens qui ont des problèmes de comportements, on a besoin de la collaboration des familles. Si nous autres on agit d’une façon ou qu’on fait une contention ou un traitement physique, on a besoin de la collaboration des familles. C’est comme un travail d’équipe et ils font partie de l’équipe. (Infirmière, Le Faubourg) Ils ont la responsabilité d’être complémentaires à nous, pas de travailler à contresens. Des fois les gens vont parler avec leur membre de la famille qui est ici… on sent pas un complot… mais… Ils parlent de nous mais de façon négative, ce qui fait que ça n’aide pas la relation [avec la personne âgée]. (Infirmière, Le Faubourg) Communiquer et collaborer avec nous autres; ils ont du pouvoir avec leur père ou leur mère. La famille doit se mettre avec nous autres pour qu’on aille toute dans le même chemin. (Infirmière chef d’équipe, Le Faubourg)
Ces infirmières et préposés jugent que les familles devraient coopérer avec eux afin de
faciliter les soins prodigués à celle-ci, parce qu’ils agissent dans le bien de la personne
âgée.
La place des familles en centre d’hébergement
Comme la majorité des personnes-soutiens rencontrées, la plupart des membres du
personnel soignant considèrent que les familles ont leur place, mais toutes ne la prennent
pas. Les familles qui désirent s’impliquer ont la possibilité de le faire et les infirmières
et les préposés acceptent la présence de celles-ci. Selon quelques-uns, il n’est pas
nécessaire de faire plus de place aux membres de la famille dans l’exécution des soins,
parce qu’ils « leur marcheraient peut-être dessus ». Une répondante croit cependant que
- 68
certains membres de la famille de la personne âgée peuvent se sentir exclus. Il se noue
un lien d’affection entre celle-ci et les membres du personnel soignant. Cette répondante
croit que le personnel soignant a peut-être tendance à s’approprier les personnes âgées et
à concevoir les membres de la famille comme des intrus.
4.2.2 Des responsabilités différentes selon la fonction dans le centre d’hébergement
Parce qu’ils n’ont pas les mêmes tâches à réaliser, les membres du personnel soignant
n’envisagent pas leurs responsabilités envers les personnes âgées et les familles de celles-
ci de la même façon selon qu’ils soient infirmières, auxiliaires ou préposés.
La division du travail entre les membres du personnel soignant contribue à accentuer le
sentiment de responsabilité des infirmières chef d’équipe. Ces dernières ont un rôle de
gestion : elles supervisent l’équipe de travail, coordonnent les soins prodigués à la
personne âgée, s’occupent de certains actes médicaux et assurent le lien entre la personne
âgée, les autres membres de l’équipe, les supérieurs et la famille. Elles disent voir les
résidents dans une perspective globale. Elles veillent au bien-être psychologique,
physique et moral de ces derniers et sont concernées par leur bonheur. Elles sentent que
les personnes âgées ont besoin d’être rassurées et quelques-unes comparent leur rôle à
celui d’une mère de famille. La gériatrie c’est un tout. C’est la vie au complet, tu ne peux pas juste faire tes tâches, ça déborde tout le temps. C’est des personnes humaines, là. (Infirmière chef d’équipe, Christ-Roi) Assurer le meilleur pour lui [le résident], qu’il soit bien physiquement, bien moralement, et mentalement; leur confort. Dans le fond, qu’ils soient satisfaits des soins qu’on leur donne. Qu’ils soient heureux là-dedans […] On les voit vraiment globalement les patients. (Infirmière assistante chef d’équipe, Le Faubourg)
Plusieurs d’entre elles souhaiteraient passer plus de temps avec les résidents, mais n’en
ont pas la possibilité parce qu’elles ont trop de « paperasse ».
- 69
Leurs tâches les amènent à informer les familles de l’état de santé de leur proche. Elles
trouvent important d’expliquer aux familles les conséquences et l’évolution de la maladie
de la personne âgée, afin de les rassurer et de les amener à se rapprocher de celle-ci. On a la responsabilité de les tenir [les familles] informées de tout ce qui se passe, si l’état se détériore ou si le médecin prescrit un nouveau médicament qui peut avoir des répercussions. Leur expliquer aussi. On a à s’assurer qu’ils comprennent ce qu’il se passe. Des fois, s’ils nous demandent quelque chose et qu’on refuse, c’est pas juste de refuser, c’est de leur expliquer pourquoi on refuse, pourquoi on ne veut pas le faire. (Infirmière, Le Faubourg)
Les préposés se soucient également du bien-être des personnes âgées et de leur famille.
Cependant, à cause des tâches qui leurs sont affectées dans le cadre de leur fonction, ils
se sentent plutôt responsables d’assurer le bien-être physique des personnes âgées. Ils
réalisent principalement les soins de base, tel que faire la toilette des résidents, les aider à
manger ou les emmener à la salle de bain. Ces soins correspondent à une facette
spécifique de la vie des personnes âgées. La première des choses, c’est de lui donner [à la personne âgée]le maximum de possibilités pour avoir physiquement une vie qui a de l’allure. De lui donner des soins qu’elle a besoin pour conserver sa santé et la préserver […]Plus le besoin se rapproche d’un besoin physique, plus je vais avoir à intervenir. Les gens qui sont ici, qu’ils soient atteints au niveau physique ou psychologique ont besoin nécessairement au niveau physique. (Préposé aux bénéficiaires, Christ-Roi)
Les préposés sont également disposés à renseigner les familles lorsqu’elles posent des
questions afin de les rassurer. Cependant, ils n’ont pas de responsabilités médicales,
contrairement aux infirmières auxiliaires et chefs d’équipe et ne sont donc pas en mesure
d’informer les familles à ce sujet. Beaucoup de préposés précisent qu’ils sont là avant
tout pour le résident et conçoivent que les responsabilités qu’ils ont envers les familles
consistent premièrement à leur indiquer lorsque la personne âgée a besoin de nouveaux
vêtements, d’accessoires personnels ou de produits d’hygiène pour qu’elles puissent lui
en procurer.
S’ils me posent des questions [les proches des personnes âgées], oui, je vais leur répondre. Mais moi je suis ici pour le résident au départ. (Infirmier auxiliaire, Christ-Roi) Premièrement, quand ils viennent voir leur père ou leur mère, qu’ils soient propres. Que leur chambre soit à l’ordre; ma première priorité c’est l’ordre, que leur parent sente bon. Étant donné que je suis préposée, s’il y a quelqu’un de malade, ce n’est pas à moi de gérer
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ça, c’est l’infirmière et l’auxiliaire qui vont avoir à rendre compte de ça à la famille. On peut toujours leur dire comment leur parent a été pendant la journée, mais on ne peut pas aller trop loin là-dedans. Les choses médicales, ce n’est pas notre domaine. (Préposée, Le Faubourg)
En tant que préposé, je peux pas dire qu’on en a énormément [de responsabilités envers les familles]. Si je détecte que le membre de la famille a de besoin […], la personne n’a plus de bas. Par rapport à ses vêtements ou ses produits de soin, ça peut arriver que je vais leur demander. Ça dépend des familles. Il y en a que je ne serai pas gêner de leur demander mais il y en a d’autre que je vais en parler à l’infirmière et elle va en parler aux familles. Il y a des familles que je suis plus à l’aise que d’autres […] Les responsabilités sont toujours par rapport aux besoins des patients. (Préposée, Christ-Roi)
Bref, parce que les différents membres du personnel soignant ne sont pas amenés à
exécuter les mêmes tâches dans le cadre de leur fonction, ils ne voient pas tous leurs
responsabilités de la même façon et agissent différemment envers les familles.
Changement de vocation de l’établissement
Le centre Christ-Roi a changé de vocation, pour passer d’un hôpital de soins généraux et
spécialisés à un centre d’hébergement pour personnes âgées. Nous pensions au départ que
la transition entre les deux missions du centre Christ-Roi pouvait avoir des répercussions
sur l’attitude des employés à l’égard des résidents et de leurs familles. Tous les
répondants qui ont vécu le changement de vocation semblent s’être bien adaptés. Ils ont
trouvé la situation difficile au début parce que contrairement à un hôpital, où les patients
arrivent et repartent rapidement, les résidents en centre d’hébergement y demeurent
longtemps. Ils doivent donc s’adapter à la personnalité des patients qu’ils côtoient
quotidiennement. Par ailleurs, ils avaient au début l’impression d’accomplir un travail
moins valorisant en centre d’hébergement qu’en soins hospitaliers. Auparavant, ils
avaient l’impression qu’ils contribuaient à aider les malades à se rétablir et parfois, à
sauver leur vie, alors qu’en centre d’hébergement, ils accompagnent plutôt la personne
vers la mort. Toutefois, les répondants concernés par le changement de mission ont
maintenant « fait leur deuil » et accepté leurs nouvelles conditions de travail occasionnées
par la transition.
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4.3 Conclusion
Les enfants et les conjoints ne se sentent pas exclus de la relation avec leur proche et
continuent d’occuper une place irremplaçable dans la vie affective de celui-ci après qu’il
soit placé en centre d’hébergement. Ils estiment que les familles ont la responsabilité de
ne pas abandonner leur proche en résidence, selon la logique du don et contre-don qui
prévaut dans les relations familiales et une conception de la famille qui repose sur les
liens affectifs.
La majorité des personnes-soutiens ne considèrent pas avoir l’obligation de s’occuper des
soins techniques que ce soit avant ou pendant l’hébergement. Ces dernières
accomplissent les actes instrumentaux qu’elles sont en mesure de faire, dans les limites
de leurs capacités. Elles ne se sentent pas coupables de cesser d’effectuer ce type de
soins, dont l’accomplissement peut entrer en concurrence avec d’autres aspects de leur
vie. Plusieurs enfants mentionnent qu’ils trouvaient la situation avant l’hébergement de
leur parent lourde à porter, parce qu’en même temps qu’ils s’occupaient de ce dernier, ils
avaient également à se soucier de « leur famille, leur travail, leurs obligations ».
Nous pensions que les familles qui se montrent insatisfaites des soins offerts en centre
d’hébergement étaient probablement celles qui avaient pris en charge leur parent avant
qu’il ne soit placé. Nous pensions qu’elles pouvaient chercher à intervenir dans la
prestation des soins et à conseiller le personnel soignant. Ce critère ne semble cependant
pas être déterminant dans la façon qu’ont les personnes-soutiens de définir leur rôle
auprès de la personne âgée placée en résidence. La majorité des répondants interviewés
s’occupaient à divers degrés de leur proche avant de le confier au centre d’hébergement.
La façon dont ils interagissent avec le personnel soignant est plutôt déterminée par le
sentiment de responsabilité qu’ils éprouvent envers la personne âgée, par la confiance
qu’ils accordent au personnel soignant et par la conception qu’ils ont des conditions de
vie en centre d’hébergement.
- 72
Les relations entre le personnel soignant et les aidants familiaux ne sont pas les mêmes
selon le type de personne-soutien et d’employé. Les relations des « confiants » avec les
membres du personnel soignant sont harmonieuses, car ces derniers n’ont pas d’attentes
qui semblent trop élevées aux yeux des infirmières et des préposés. Les « confiants »
reconnaissent le travail des membres du personnel soignant et ceux-ci l’apprécient. Les
rapports entre les « vigilants » et le personnel soignant vont également bien, quoique les
aidants familiaux de ce type cherchent moins à se lier d’amitié avec les infirmières et les
préposés que les « confiants ». Ils surveillent les soins qui sont dispensés, tout en se
montrant prêts à collaborer avec le personnel soignant. Les liens sont plus tendus avec les
« anges gardiens ». Ces derniers s’assignent un rôle de surveillance des conditions
d’hébergement de la personne âgée et de protection de celle-ci, provoqué par un fort
sentiment de responsabilité à l’égard de cette dernière. Les « anges gardiens » font plus
difficilement confiance au personnel soignant, souvent à cause de certains événements en
particulier. Ils s’accordent un rôle de surveillance que ne lui reconnaissent pas la plupart
des infirmières et préposés, parce qu’il conteste l’autorité du rôle du personnel soignant .
Ces derniers jugent que les familles devraient leur faire confiance parce qu’ils évaluent
qu’ils offrent des soins professionnels. Par ailleurs, les « protecteurs » considèrent que ce
sont les petites attentions, les petits détails qui font la qualité des soins prodigués à leurs
parents. Les infirmières et les préposés n’acquiescent pas toujours aux demandes des
familles, parce qu’ils les considèrent injustifiées ou tout simplement parce qu’ils n’ont
pas le temps. Les aidants réitèrent constamment les mêmes demandes sans qu’elles soient
mises à exécution, tandis que le personnel soignant se fait répéter plusieurs fois les
mêmes plaintes, ce qui augmente le niveau de frustration et d’incompréhension de part et
d’autre.
Tous les enfants et les conjoints interrogés s’accordent cependant pour dire que c’est une
minorité d’infirmières et de préposés qui ne remplissent pas convenablement leur rôle et
qui « ne sont pas à leur place ». Les membres du personnel soignant considèrent
également que c’est également une infime partie des proches des personnes âgées qui
exercent une trop grande surveillance selon eux.
- 73
Conclusion Les enfants s’occupent de leurs parents lorsqu’ils parviennent à la vieillesse selon la
logique du don et du contre-don. Ces derniers les ont élevés et supportés lorsqu’ils étaient
plus jeunes. C’est à leur tour de remettre ce qu’ils ont reçu maintenant que leurs parents
ont besoin d’aide. Pour la plupart des enfants, le principe de réciprocité n’est pas vécu
comme une responsabilité contraignante. La majorité d’entre eux prennent soin de leurs
parents parce qu’ils les aiment et que ça leur fait plaisir.
Le rôle des enfants et des conjoints auprès de leur proche est essentiellement de nature
affective et ne se modifie pas réellement avec le placement de celui-ci en résidence. Les
personnes-soutiens continuent de manifester leur amour à leur époux ou leur parent et
viennent le visiter fréquemment. Elles ne se sentent pas coupables d’abandonner la
réalisation de certains soins techniques pour les déléguer au personnel du centre
d’hébergement, soins qui ne sont pas pour elles un gage de leur soutien affectif. Plusieurs
personnes-soutiens qui prenaient soin de leur proche à domicile ont vécu son
hébergement comme un soulagement, parce cela les a dégagé d’un certain nombre de
responsabilités envers celui-ci qu’elles trouvaient lourdes à porter. Par ailleurs, les
enfants n’ont plus à se préoccuper de la sécurité physique de leur proche qui vivait
souvent seul dans sa demeure et le savent maintenant sous protection. Les enfants sont
prêts à venir en aide à leur proche du mieux qu’ils peuvent, mais tiennent à préserver leur
vie personnelle. Ils ont aussi leurs obligations, leur famille et leur travail à s’occuper.
Les relations familiales se fondent donc sur l’affectivité et également sur une certaine
indépendance des membres de la famille. Les parents ne comptent plus uniquement sur
leurs enfants adultes pour assurer leur vieillesse.
Les enfants et les conjoints ne se sentent pas tous également responsables envers leur
proche qui est placé en résidence. La représentation que les personnes-soutiens se font
des conditions de vie en centre d’hébergement et la confiance qu’elles accordent aux
membres du personnel soignant configurent les relations qu’elles entretiennent avec
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ceux-ci. Certaines personnes-soutiens sont satisfaites des soins offerts et considèrent que
leur proche est heureux en résidence. Les relations qu’elles entretiennent avec le
personnel soignant sont généralement harmonieuses. D’autres aidants familiaux, qui ont
l’impression que leur proche est plus ou moins bien soigné en centre d’hébergement,
s’attribuent un rôle de surveillance des soins et de protection de la personne âgée,
particulièrement si celle-ci n’est pas lucide. Ces personnes-soutiens réclament souvent
des modifications aux soins qu’elles ne trouvent pas suffisamment personnalisés ou qui à
leurs yeux, ne respectent pas la dignité de la personne âgée. Elles considèrent que les
membres du personnel soignant n’ont pas suffisamment de temps à consacrer à leur
proche. Les rapports entre ces personnes-soutiens et les membres du personnel soignant
sont plus tendus et la communication entre les deux semble plus difficile à établir. Les
infirmières et les préposés estiment que les personnes-soutiens devraient leur faire
confiance parce qu’ils offrent des soins de qualité. L’attitude des familles vient remettre
en question leur statut de professionnel. Ces derniers revendiquent la reconnaissance de
leur expertise. Par ailleurs, ils ne sont pas toujours disposés à accéder aux demandes des
familles, qu’ils considèrent parfois sans importance. D’autres fois, ils sont tout
simplement dans l’impossibilité de le faire à cause de règles ou de façons de procéder du
centre d’hébergement qui ne dépendent pas d’eux. Les personnes-soutiens qui répètent
régulièrement les mêmes demandes sans qu’elles ne soient mises en application se
sentent incomprises et ont l’impression de mener une lutte pour obtenir dans les soins des
changements qu’elles considèrent être légitimes.
Globalement, les relations entre les familles qui prennent soin de leur proche âgé en
centre d’hébergement et le personnel soignant sont harmonieuses. Les tensions qui
surviennent occasionnellement sont généralement liées aux limites institutionnelles
auxquelles le travail du personnel soignant et les conditions d’existence de la personne
âgée sont en partie soumis. Les membres de la famille qui ont conscience de ces limites
tentent à leur façon d’en minimiser les effets qu’ils considèrent négatifs sur la vie de leur
proche.
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Annexe I Date : Heure : Lieu de l’entrevue: Sexe du répondant: Fonction du répondant : Nom de l’interviewer : Bonjour, Je tiens tout d’abord à vous remercier de bien vouloir me consacrer de votre temps. Je me prénomme (Marie Gagné ou David Lemieux) et j’étudie en sociologie à l’Université Laval. Je vous interroge dans le cadre d’une recherche portant sur les rôles des familles et du personnel soignant auprès des personnes âgées placées en centre d’hébergement. Si vous n’y voyez pas d’objection, je vais enregistrer vos propos pour mieux les retenir mais soyez assuré que tout ce que vous me direz demeurera strictement confidentiel et que votre nom n’apparaîtra nulle part. Seuls des extraits d’entrevues ne permettant pas de vous identifiez pourront être publiés. (Installation du magnétophone) Si vous voulez bien, nous allons débuter l’entrevue.
Annexe II
Schéma d’entrevue 1 : Familles
A. Identification Nous allons tout d’abord vous poser quelques questions d’ordre pratique pour faciliter le déroulement de l’entrevue. 1. Quel lien familial entretenez-vous avec votre proche placé en centre d’hébergement ? 2. Est-ce que vous demeurez bien loin du centre d’hébergement ? 3.Est-ce que vous occupez un emploi à l’extérieur de la maison ? 3.1 Qu’est-ce que vous faites ? 3.2 Vous travaillez combien d’heures par semaine ? B. Situation antérieure Nous allons maintenant vous interroger sur votre situation familiale avant que votre proche ne soit placé en centre d’hébergement. 4. Comment votre vie se passait avant que vous ne placiez votre proche en centre d’hébergement ?
4.1. Est-ce que votre parent/conjoint demandait des soins de votre part avant que vous ne le placiez en centre d’hébergement ? 4.2. Si oui, de quelle sorte ? (aider la personne âgée à se vêtir, à se nourrir, à se laver, à prendre ses médicaments, etc.)? 4.3. Où habitait-il ? 4.4. Est-ce que d’autres personnes vous venaient en aide pour prendre soin de votre parent/conjoint ? 4.5. Pendant combien de temps en avez-vous pris soin avant qu’il ne soit placé au CHSLD ?
5. Depuis combien de temps est-ce que votre proche est placé en centre d’hébergement ?
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6. À quel moment en êtes-vous venus à prendre la décision de placer votre parent/conjoint en centre d’hébergement ? (détérioration de la santé physique ou mentale de Monsieur/Madame, changement dans votre situation)?
6.1 Qui a participé à la décision ? 7. Quelle est l’image que vous vous faisiez des centres d’hébergement avant de placer votre parent/conjoint en centre d’hébergement (sur le personnel, sur les soins dispensés, sur la qualité de vie en résidence, etc.) ? 7.1 Pour quelles raisons avez-vous choisi ce centre d’hébergement plutôt qu’un autre ? 8. Comment vivez le fait d’avoir placé votre parent/conjoint en centre d’hébergement ? (Sentiment envers le proche, la relation avec lui, le sentiment de responsabilité, etc.) 9. Comment va votre proche actuellement ?
9.1. Comment décririez-vous son état de santé physique et mentale ? 9.2. Semble-t-il heureux ?
C. Représentations qu’a la famille de son propre rôle Les prochaines questions vont porter sur la façon dont vous voyez votre propre rôle auprès de votre parent/conjoint. 10. Selon vous, quel est le devoir des familles envers leur proche placé en centre d’hébergement ?
10.1 Est-ce que vous croyez que c’est la responsabilité des familles d’offrir un support affectif à la personne âgée qui est hébergée ? Pourquoi ? 10.2 Est-ce que vous croyez que c’est la responsabilité des familles de participer aux soins physiques, comme par exemple aider la personne âgée à se nourrir, à se vêtir, à faire sa toilette, à prendre ses médicaments, etc ? Pourquoi?
11. Comment ça se passe depuis que votre proche est placé en centre d’hébergement ?
11.1. Est-ce que vous vous sentez responsable envers votre parent/conjoint ? De quelle façon ? 11.2 Est-ce que votre rôle auprès de votre proche a changé depuis qu’il est placé en centre d’hébergement ? De quelle façon ? 11.3 Est-ce que vous avez l’impression que votre proche s’attend à recevoir de l’aide ou des visites de votre part ?
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11.4 À quelle fréquence venez-vous visiter votre proche ?
11.5 Qu’est-ce que faites pendant vos visites ? (vous conversez avec lui, vous l’aidez à manger, à se laver, vous participez aux activités du centre, etc?) 11.6 Est-ce que d’autres personnes s’occupent également de votre parent/conjoint (enfants de la personne âgée, conjoint, sœur, frère) ? 11.7 Est-ce que vous aimeriez vous impliquer plus dans les soins de votre parent/conjoint ? 11.8 Si oui, de quelles façons ?
12. Selon vous, quelles sont vos responsabilités envers les infirmières et les préposés ?
D. Représentations qu’a la famille du rôle des infirmières et des préposés On va maintenant parler du rôle des infirmières et des préposés auprès des personnes âgées. 13. Selon vous, qu’est-ce que une bonne infirmière ? Qu’attendez-vous d’une infirmière? (Tâches à accomplir, attitude envers les résidents, envers les familles, connaissances médicales, etc.)
13.1 Est-ce que cela se passe comme ça dans la réalité ? 14. Est-ce qu’un bon préposé a les mêmes qualités qu’une bonne infirmière ?
13.2 Est-ce que cela se passe comme ça dans la réalité ? 15. Comment décririez-vous vos relations avec le personnel soignant ? (Partage des tâches, présence pendant les visites, respect de votre intimité avec votre parent, échanges sur l’état de santé de votre proche, etc.) 16. Qu’est-ce que vous pensez du fonctionnement du centre d’hébergement (horaire des visites, activités de loisir organisées, etc.) ? 17. Est-ce qu’il y aurait des éléments à améliorer ?
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E. Identification Pour terminer, nous vous poserons des questions socio-démographiques pour faciliter notre analyse. 18. Quel est votre âge ? 39 ans et moins Entre 40 et 49 ans Entre 50 et 59 ans Entre 60 et 69 ans Entre 70 et 79 ans Entre 80 et 89 ans 90 ans et plus 19.Quel est le plus haut niveau de scolarité que vous ayez atteint ? 20.Quel est le revenu de votre ménage ? Moins de 15 000$ De 15 à 29 999$ De 30 à 44 999$ 45 000$ et plus 21. Aimeriez vous parler de quelque chose que nous n’ayons pas abordé et qui, selon vous, m’aiderait à mieux comprendre comment ça se passe en CHSLD ? Si vous n’avez rien à ajouter, je vous remercie beaucoup de votre précieuse collaboration.
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Annexe III
Schéma d’entrevue 2 : Infirmières et préposés A) Identification Nous allons tout d’abord vous posez des questions à propos de votre fonction dans le centre d’hébergement. 1. Quelle est votre formation ? 2. Depuis combien de temps est-ce que vous travaillez auprès des personnes en perte d’autonomie ou en centre d’hébergement ? 3. Actuellement, quelle est votre fonction dans le centre d’hébergement ? B) Les représentations qu’ont les infirmières et les préposés de leur rôle Les prochaines questions vont porter sur la façon dont vous percevez votre rôle en tant qu’infirmière et préposé auprès d’une personne placée en centre d’hébergement. 4.Pouvez-vous nous décrire votre travail, vos tâches au centre d’hébergement ?
4.1 Selon vous, quelles sont vos responsabilités envers les personnes âgées ? 5. Étiez-vous ici lorsque l’établissement a changé de vocation et est devenu un centre pour personnes âgées ?
5.1 Comment avez-vous vécu la transition ? 6. Que pensez-vous du fonctionnement du centre d’hébergement ? ( la définition de tâches, les horaires de travail, la charge de travail, les heures de visite, etc.)
6.1 Est-ce qu’il y aurait des éléments à améliorer ? 7.Selon vous, quelles sont vos responsabilités envers les familles de ces personnes ? 8 Avez-vous l’impression que les familles ont des attentes envers vous ? C) Les représentations qu’ont les infirmières et les préposés du rôle des familles Maintenant, nous allons vous poser quelques questions sur le rôle des familles auprès des personnes âgées en centre d’hébergement.
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9. Selon vous, quelles sont les responsabilités des enfants ou des conjoints envers les personnes âgées en centre d’hébergement ?
9.1 Est-ce que vous croyez que c’est la responsabilité des familles d’offrir à leur proche un support affectif ? 9.2 Est-ce que vous croyez que c’est la responsabilité des familles d’offrir des soins techniques à leur proche (venir le visiter, l’aider à se nourrir, à se vêtir, à prendre ses médicaments, etc) ? 9.3. Les familles ont-elles des responsabilités envers le personnel soignant ? Si oui, lesquelles ?
10. Pourriez vous nous décrire la famille idéale dans ses relations avec le proche et le centre ?
10.1 Est-ce que c’est comme ça dans la réalité ? 11. Comment sont vos relations avec les personnes-soutiens ? (Partage des tâches, communication, etc) 12. Est-ce que vous trouvez qu’on devrait faire une plus grande place aux familles (dans les soins prodigués à la personne âgée, temps de visites, intimité des rencontres) ?
12.1 Si oui, de quelle façon ? D) Identification Pour terminer, nous vous poserons une question socio-démographique pour faciliter notre analyse 13. Quel est votre âge ? Moins de 25 ans Entre 25 et 34 ans Entre 35 et 44 ans Entre 45 et 54 ans Entre 55 et 64 ans 65 ans et plus 14. Aimeriez-vous parler de quelque chose que nous n’ayons pas abordé et qui, selon vous, m’aiderait à mieux comprendre comment ça se passe en CHSLD ? Si vous n’avez rien à ajouter, je vous remercie beaucoup de votre précieuse collaboration.
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