les prÊtres catholiques devant dÉvolution Économiquedes campagnes franÇaises

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LES PRRTRES CATHOLIQUES DEVANT L’EV OL U TI ON fi CONOMIQ U E D E S CAMPAGNES FRANCAISES pm JACQUES MAITRE Centre National de [a Recherche Scientrjip, Paris, France En face des problkmes tconomiques, les prktres passent souvent pour avoir des rhctions qui vont d’emblte A l’interprttation morale ou pastorale, au jugement de valeur religieuse, en court-circuitant quelque peu l’analyse proprement kconomique ou technique. For- mation et fonctions du clergt concourent A cette orientation. Pour analyser leurs attitudes1 nous avons libel16 nos questions au niveau tantbt de la pure information sur des faits bruts (rythme des dtparts vers la ville, dtcryptage de sigles professionnels), tantbt de l’tvaluation en fonction des prtftrences du clergC, sans discrimination des motifs (dtsir de voir des usines s’implanter localement, souhait d’une exten- sion des emplois ftminins, cadence optimale de l’kmigration rurale), tant8t - et le plus souvent - de l’apprtciation de divers phtnomtnes sur la base de valeurs auxquelles les pretres sont attaches (jugements sur le crtdit, l’tpargne, l’apport du progrts technique A Wtrentes cattgories sociales, l’exploitation familiale, la cooptration). Nous ne ne demandions pas au clergt de se livrer A une analyse proprement tconomique, mais d’exprimer des opinions largement likes d la vie sacerdotale. Et c’est autour de deux rubriques que nous centrerons la prksen- tation des rksultats: les dimensions du travail et les rbles del’argent. A. DIMENSIONS DU TRAVAIL Les activitts professionnelles dans les populations rurales sont ap- prkhendkes par le clergk en de multiples occasions: contacts des prktres avec divers milieux professionnels, sessions sacerdotales touchant aux questions d’apprentissage, antagonismes entre catk- gories sociales, travail ftminin, incidences du ramassage scolaire sur l’orientation professionnelle; nous nous limiterons A six thtmes :

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Page 1: LES PRÊTRES CATHOLIQUES DEVANT DÉVOLUTION ÉCONOMIQUEDES CAMPAGNES FRANÇAISES

LES PRRTRES CATHOLIQUES D E V A N T L’EV OL U TI O N fi CONOMIQ U E D E S

CAMPAGNES FRANCAISES

pm

JACQUES MAITRE

Centre National de [a Recherche Scientrjip, Paris, France

En face des problkmes tconomiques, les prktres passent souvent pour avoir des rhctions qui vont d’emblte A l’interprttation morale ou pastorale, au jugement de valeur religieuse, en court-circuitant quelque peu l’analyse proprement kconomique ou technique. For- mation et fonctions du clergt concourent A cette orientation. Pour analyser leurs attitudes1 nous avons libel16 nos questions au niveau tantbt de la pure information sur des faits bruts (rythme des dtparts vers la ville, dtcryptage de sigles professionnels), tantbt de l’tvaluation en fonction des prtftrences du clergC, sans discrimination des motifs (dtsir de voir des usines s’implanter localement, souhait d’une exten- sion des emplois ftminins, cadence optimale de l’kmigration rurale), tant8t - et le plus souvent - de l’apprtciation de divers phtnomtnes sur la base de valeurs auxquelles les pretres sont attaches (jugements sur le crtdit, l’tpargne, l’apport du progrts technique A Wtrentes cattgories sociales, l’exploitation familiale, la cooptration). Nous ne ne demandions pas au clergt de se livrer A une analyse proprement tconomique, m a i s d’exprimer des opinions largement likes d la vie sacerdotale.

Et c’est autour de deux rubriques que nous centrerons la prksen- tation des rksultats: les dimensions du travail et les rbles del’argent.

A. DIMENSIONS D U TRAVAIL

Les activitts professionnelles dans les populations rurales sont ap- prkhendkes par le clergk en de multiples occasions: contacts des prktres avec divers milieux professionnels, sessions sacerdotales touchant aux questions d’apprentissage, antagonismes entre catk- gories sociales, travail ftminin, incidences du ramassage scolaire sur l’orientation professionnelle; nous nous limiterons A six thtmes :

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Les prttres catholiques devant I’bvolution bconomique J9 le progrks technique, le dtveloppement industriel, la diminution du nombre des emplois dans l’agriculture, l’tvolution de l’exploi- tation familiale, les organismes professionnels, la cooptration et le s yndicalisme.

I . L e progrh techniqrre

Nous plasant au point de vue particulier du pretre, nous avons abordt le progrks technique A travers une question ou se m&lent ttroitement jugements de valeur et estimation de la rtalitt : ctEst-ce que le progrds technique favorise I’e‘le‘uation du niveau de la population de votre paroisse dans les domaines suivants: sante’, culture, temps libre, kducation des enfants, vie de f yer , pratique religieuse, bmergence de leaders sortis drr rang?))

A trois exceptions prks, les taux de rkponses positives vont en augmentant, depuis les ouvriers agricoles jusqu’aux proprittaires exploitants. Selon les prCtres, 12ltvation du niveau de vie, sous l’influence du progrks technique, croit dans tous les domaines avec la diminution de la dtpendance tconomique, les ouvriers &ant plus ddpendants que les chefs d’une entreprise artisanale, com- merciale ou agricole. L’amklioration de la sante‘ apparait cornme l’une des constquences les plus visibles du progrb technique. Pratique- ment, dans un cas sur deux au moins, elle est constatte. C’est elle qui vient en premier lieu pour les ouvriers agricoles et les artisans et commersants. L’tltvation du niveau de ct/lfure est aussi soulignte, dans une moindre proportion pour les ouvriers agricoles (34%). L’heureux effet du progrts technique sur la culture est surtout p e r p chez les proprittaires exploitants (70%). Ce sont les ouvriers d’in- dustrie qui apparaissent le plus souvent, aux yeux du clergd, avoir gagnt du temps libre (54%)’ puis les proprittaires exploitants, et, A tgalitk, les ouvriers agricoles et les artisans et commergants (33%). Le progrks dans le souci de I’bducation des enfants est signal6 chez les agriculteurs par j j % des rtponses. Le pourcentage en ce qui concerne les rtpercussions du progrks sur la vie de foyer est trks proche du prtckdent. I1 est ltgkrement inftrieur pour les exploitants et les artisans-commersants, ltgkrement superieur pour les ouvriers de l’industrie et de l’agriculture. La pratique re&ieuse n’est pas favoriske par le progrts technique (6% A 22%). Enfin l’e‘mergence de leaders sortis du rang est surtout signalte chez les agriculteurs ( 5 8%) et, A un degrk moindre, chez les ouvtiers d’industrie (3 2%). L’ensemble des prstres estime que la population a vu son niveau de vie s’tlever A cause du

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progrks technique aux plans de la santt et de la culture. En revanche, le progrb technique semble dtfavorable A la pratique religieuse.

Si nous considirons les categories socio-professionnelles, il ressort deux constatations. D’une part, le taux des rtponses positives con- cernant les agriculteeuts est toujours plus important que les autres. Est-ce dQ A une meilleure connaissance de cette cattgorie? A un attachement plus grand pour ceux qui, traditionnellement, s’identifient avec le monde rural? Ont-ils t t t davantage aides dans la conquete du progrks technique ou ont-ils eu davantage les moyens de le md- triser et de l’orienter? D’autre part, les chifkes qui concernent les owriers agricoles sont toujours les plus faibles. Us ne dkpassent sen- siblement le tiers des rtponses que pour la sand. Le contraste est particulihrement fort avec les propriktaires exploitants, qui arrivent en tete dans six domaines sur sept. Le clergC se demande si les ouvriers agricoles ont ttt atteints par le progrb technique et s’ils ont ttt A mEme d’en profiter. Les mieux armis d’entre eux ne se sont-ils pas orientts vers d’autres secteurs, laissant sur place ceux qui ne peuvent faire autre chose? Mais les pretres d e n restent-ils pas trop exclusivement aussi A l’image de l’ouvrier agricole traditionnel?

Des risultats classes par age, il ressort que les pr@tres les plus lgts sont rtservts devant l’influence du progrb technique notamment sur la vie de foyer, l’kducation des enfants, la culture et 1’Cmergence de leaders, alors que les plus jeunes l’estiment favorable dans une proportion suptrieure A l’ensemble. A titre d’exemple, void le tableau I concernant les proprittaires exploitants.

TABLEAU I . Proportion des pritres qui &sent p e fe progris tecbnique favorise I’Cfhatim ah niveou der propriitaires et exploitants dc fa paroisse a h & v m abmaines

Sante Culture Temps €?ducation Vie de Jhergen- libre des foyer ce de

enfants leaah

I > % 12% 58% Ensembleduderg6 68% 70% 47% Prkes de 64 ans et plus 72% 63% 44% 49% 39% 42% Pretres de 25 A 3 3 ans 63% 73% 47% 63% 63% 69%

C’est l’tmergence des leaders qui est perpe le plus dif€tremment par les classes d’lge extreme. Pourquoi les anciens ont-ils plus de

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peine 2i se rendre compte de ce phtnomtne social? Nous pouvons formuler plusieurs hypotheses. Ou bien le mot deader)) est ma1 connu. Ou bien les anciens ne se rendent pas compte de ce qu’est un leader. Ou bien ils sont plus sceptiques: quand peut-on dire que quelqu’un est vraiment un leader?

Enfin, plusieurs diffkrences trts fortes apparaissent, suivant le taux de pratique religieuse du secteur, en ce qui concerne les ouvriers agricoles, les artisants-commerpnts, les ouvriers (Tableau 2) .

TABLEAU 2. Proportion des p€tres qui disent que Ie progrks tecbnique favorise I’ilhationduniveau de diverses cattigorier socialer de la paroisse danr dvers hmaines

CatCgorie socio- Taux de prati- SantC Cul- Temps B u - Foyer Prati- Lcaah professionnelle que dominicale ture libre cation que

de la paroisse des religi- enfants euse

Ouvriers agricoles 0- 29% 70-1ooy0

Ouvriers d’industrie 0- 29% 70- 1ooy0

Artisans et cornmer- 0- 29% pnts 70-1ooy0

PropriCtaires 0- 29% exploitants 70-100%

j0% 39% 39% 30% 33% 38% 28% 24% 23% 24%

52% 52% 58% 40% 42% 16% 5 1 % 5 3 % 41% 38%

60% 56% 30% 43% 39%

68% 73% 48% 55% 52%

71% 70% 50% 59% 5 5 %

56% 50% 3 5 % 40% 41%

6% 10%

7% 15%

9% 19%

20%

31%

20%

14%

34% 33%

28%

27%

58% 17%

I1 ressort de ce tableau que les pretres qui sont dans les rCgions A faible taux de pratique, plus que leurs confrkres des rCgions plus pratiquantes, estiment le progrb technique favorable A l’tlkvation du niveau de la population des ouvriers agricoles sauf en ce qui concerne la pratique religieuse. A l’inverse, les prktres des rtgions A haute pratique sont plus nombreux que leurs confrtres des autres rCgions A penser que le progrts technique favorise 1’tlCvation du niveau de pratique.

2. Le dkveloppement industriel

Pour le dkveloppement industriel, nous avons Cgalement abordk le thtme 2i partir des problkmes de la population locale:

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c&st-ce que uous soubaitex un dheloppement inhstriel de uotre r&ion par: - implantation de nouvelles usines a h la paroisse - possibilitt!s nouvelles d’aller trauailler en usine, d I’extirieur, en continuant

Les deux solutions ne s’excluent pas: 60% souhaitent I’implantation dans la paroisse; M%, que les gens aient un diboucbe’ vers I’extirieur. 11 semble que les prCtres se rendent compte qu’un mouvement irrt- versible est en cows et que le nombre de personnes actives dans le secteur primaire ira en diminuant. Mais pres des 2/3 d’entre eux souhaitent que l’usine vienne A la rencontre des travailleurs. I1 est remarquable que ce soient les jeunes pretres qui souhaitent le plus la localisation du travail industriel au lieu de rksidence: 71% d’entre eux prdnent l’usine locale, contre 40% chez les pretres nts au XIXe sikcle (usine ?i l’exttrieur : 3 j yo contre 3 8%).

Queues sont les explications de ces rtponses? I1 se peut que les pretres souhaitent cette implantation t r t s locale pour des raisons d’ordre cchumain)). Par exemple ils estiment que, de cette maniere, les gens ont moins de dtplacements A faire et que, par constquent, ils ont moins de risques de fatigue. Cela peut Ctre aussi pour une raison d‘ordre pastoral. On a davantage l’impression de contrbler ce qui est sur son propre territoire que ce qui est au loin, car la ville, vue de la campagne, est perpe parfois c o m e dangereuse. I1 peut y avoir, outre ce sentiment de c(proprittt)), l’idte qu’une usine locale oh les personnes se connaissent davantage prtsente moins de danger, du point de vue moral. L‘usine n’arrachant pas les membres de la famille A leur solidaritt traditionnelle, les aide A une certaine stabilitk. 11 peut y avoir tgalement une rhction d‘auto-defense contre une dtsesptrance: voir partir les gens est souvent dtcourageant; savoir qu’ils restent sup place, m€me s’ils changent de mttier, laisse davantage de skcuritt. Peut-&re y a-t-il, tout simplement, une connaissance inexacte des exigences de l’tconomie moderne, qui requiert une certaine concentration des entreprises. Si 44% de pretres souhaitent le dkveloppement industriel, quitte A ce que soient dissocits le lieu de rksidence et le lieu de travail, c’est que l’usine ne pardt plus comme un mtfait du sort ou un danger A tcarter. En ce qui concerne les rtsultats selon le taux de pratique, la Mtrence est t r b forte. Ce sont les pretres des secteurs A faible t a u de pratique religieuse qui souhaitent le plus l’implantation d’usines dans la paroisse (6jy0, contre j3yo la oh la pratique dtpasse 70%). Ce sont les pr2tres dont les paroissiens prtsentent une forte densitt de pratique qui souhaitent le plus un dtveloppement industriel par des possibilitts nouvelles

d babiter la paroisse?))

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Les prttres catholiques devant l’huolution honomique 63 Caller travailler A l’exttrieur tout en continuant A habiter la paroisse (47% contre 42%). Quelle est la raison qui pousse A cette option? Est-ce la peur des bouleversements que risquerait d’introduire l’usine dans leur paroisse? Est-ce une vue Cconomique plus r a s t e ?

Le dtveloppement industriel a deux corollaires. Le premier est la dkperdition importante de l’kchelon communal dans le domaine du travail: I prCtre sur 2 regrette cette perte et les anciens et les jeunes ont la msme apprtciation. C‘est probablement le souci d’une com- munautt locale avec des relations personnelles et une connaissance mutuelle rendue plus facile par le petit format de l’agglomkration, qui pousse les prCtres A souhaiter que 1’Cchelon communal ne dCpkrisse pas. Le second corollaire est la diminution de la population active agricole, qu’il nous faut examiner maintenant.

3. La diminution de h population active agricole

La adtsertion)) des campagnes constitue de longue date une hantise pour la socittt franpise et particulitrement pour le clergC rural. Maintes fois exprimt au long du XIXe sikcle, ce thkme fut une des motivations centrales du lancement des bulletins paroissiaux aux abords de 1700. Les journaux et romans catholiques l’ont vChiculC avec perskvkrance et cette orientation a Ctk stimulCe encore sous l’occupation par la politique de Vichy.

Avant de passer aux jugements de valeur, nous examinerons d’abord le niveau quantitatif auquel le clergC situe ce phknomkne: c’est l’objet d’une question, que nous reproduisons ici avec les taux de rkponses positives: C L ~ quelle proportion estimex-vons le d+art des agricultem fran fais vers la ville entre 1 9 ~ 4 e t 1962?)) un sur 10 A 12 17% un sur 7 A 7 17% un sur 5 A 6 21%

un sur 4 11% un sur 3 I % un sur z 3% Le recensement de 1962 rivele que, dans la piriode 1754-1762, le nombre des agriculteurs a diminuC d’un quart (Goreux, 17j6; Institut National de la Statistique et des Btudes Qconomiques, 1762). Cela ne veut pas nkcessairement dire, d’ailleurs, que les manquants soient allies en ville: les uns sont morts, les autres se sont retires, reconvertis sur place ou reclasses dans la region. La question poske

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lors d u sondage aurait ktk plus pertinente si, sans mentionner la ville, elle avait attire l’attention sur le changement d’activitk kconomique. Quoi qu’il en soit, nous avons, dans les reponses, une approximation intkressante.

Les prCtres qui se prononcent pour la proportion ((un sur quatre)) reprbentent 11%. Cela veut dire qu’un pretre sur 10 mesure avec exactitude un kvtnement dont il a l’expkrience et dont il a pu avoir connaissance, avant le sondage, par des articles parus dans la grande presse, notamment dans le journal La Croixa. 24% se rapprochent de cette proportion en estimant le cMre A un sur trois ou a un sur cinq ou six. Si bien que les deux tiers des prCtres ne sont pas, sur ce point la, bien au courant de la situation: 7 j % minimisent l’impor- tance des dkparts tandis que j% les estiment plus importants qu’en rhlitk. Les jeunes sont lkgtrement plus nombreux A indiquer le cMre le plus proche de (tun sur quatre)). I1 est rernarquable que les d.if€krences d’estimation soient pratiquement nulles entre prktres qui rksident dans les rkgions dont la pratique dkpasse 70% et ceux des rkgions dont la pratique dominicale est inferieurs A 30%.

C e s constatations font ressortir que les prCtres ruraux sont mal inform& sur les realitks kconomiques globales du monde dans lequel ils vivent. D’autre part, il faut souligner l’kcart avec les remarques faites habituellement par les pasteurs quand on les interroge sur leur paroisse. Volontiers, ils disent que ((tout le monde)) s’en va. La rkponse largement minimisante donnke A la question concernant l’exode rural signifierait-elle qu’ils voudraient, inconsciemment, conjurer ces dkparts? C‘est une interpretation possible, en tenant compte des rkponses fournies A la question sur les motivations du dkpart en vale (qui nous permet d‘aborder les jugements de valeur).

Comme pour divers autres thtmes Cconomiques, nous avons cherchk comment le clergk se reprtsente les meilleures solutions des problkme de la population : Lorsque les gens partent en ville, est-ce que, (i votre avis, ils ont raison d’esp her:

- accdder a‘ me vie culturelle plus large - procurer de meilleures itudes d leurs enfanfs - avoir un mdfier plus infiresrunt - dleyer leur niveau de vie?),

5 4% 83%

73% 64%

Les rkponses rkvtlent que les prCtres, dans l’ensemble, compren- nent les raisons qui poussent les gens A s’orienter vers la ville. I1 leur apparalt clairement que ceux qui restent A la campagne ont moins

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Les prttres catholiques devant I’ivolution iconomique 65

de possibilitts pour les ttudes de leurs enfants et moins de chances d’tlever leur niveau de vie. I1 leur semble mCme qu’un mttier plus inttressant les attend en ville. Quant A la vie culturelle, elle est aussi, A leurs yeux, plus favoriste dans un centre urbain. Bref, les pretres sont conscients de l’ttat de sous-tquipement et de sous-dtveloppe- ment, aux plans scolaire, tconomique et socio-culturel, dans lequel se trouvent les populations rurales, surtout dans l’agriculture. Leurs rtponses signifient probablement qu’ils souffrent, pour les gens et aussi pour eux-mCmes, de cette situation. Les rtponses des plus jeunes sont suptrieures A la moyenne. Les Mtrences sont t r b fortes en ce qui concerne la vie culturelle plus large et les meilleures ttudes. D’une manikre gtntrale, les prCtres sont plus favorables A un dkpart vers la ville dans les rtgions A faible pratique religieuse, avec des tcarts ttalts entre 3% et 10%.

Enfin, nous avons induit le clergt A une prise de position globale sur le rythme des dtparts, avec la question: ccEst-ce que I’imigration des ruraux doit &re : - priparie 75% - freinie 29% - accilire’e 3% - poursuivie d son ythme?)) Parmi les pretres, 3% seulement pensent que l’tmigration des ruraux doit Ctre acdltrte alors que 29% estiment que le mouvement doit Stre freint et que 37% disent que l’tmigration doit se poursuivre au rythme actuel. Ceux qui souhaitent l’implantation d’usines dans leur paroisse ont les memes positions que le reste de l’tchantillon sur le rythme optimal des dtparts. Ceux qui pensent que I’tmigration doit se poursuivre au rythme actuel disent-ils cela par fatalisme, rtsignation, sentiment d’impuissance ou bien ont-ils des raisons de penser que le rythme actuel est bon? Les prCtres (75% dans l’en- semble; 79% dans les rtgions de moindre pratique religieuse) in- sistent surtout sur la prtparation, quelle que soit leur position par rapport A l’acdltration de l’tmigration. Le souci des personnes ap- parait ici. Les pasteurs sont ttmoins de dtparts hiitifs et hasardeux; ils ont souvent l’tcho des difficultts que les ruraux tprouvent pour s’inttgrer A la ville : logement et qualification profesionnelle font souvent dtfaut sans que le ntcessaire soit fait pour pallier ces carences.

4. Le travail rians les exploitations familiales

Tandis que les ruraux partent ou se reconvertissent sur place, les

37%

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agriculteurs organisent leur travail et structurent leur profession. Qu’en pensent les pdtres? dorsque I’exploitation agricole, artisanale ou commerciale travaille sur une base familiale, est-ce que cette situation:

oui non ne saventpas - dkveloppe les valeurs chrktiennes 14% 17% 27%

kconomiques 62% 18% 16% - aigrit les rapports entre gknkrations?)) j z% 28% 15%

Par leur; rkponse massive au sujet de Z’asseruissement ah rapports familiaux aux objettifJ kconomiques, les pretres indiquent qu’ils sont tdmoins des travaux imposCs aux dif€Crents membres de la famille pour arriver A ((joindre les deux bouts)). On a dit que l’exploitation familiale, c’Ctait l’exploitation de la famille. Nombre d’entre eux souscriraient probablement A cet aphorisme souvent vtrifik. Un prktre sur deux estime que les rapports familiaux sont perturbts: il y a de Z’aigew. C‘est que, dans l’exploitation familiale, le r61e du chef d‘exploitation et celui de chef de f a d e sont assumes par le m h e h o m e sans les distinctions aujourd‘hui ressenties c o m e nkcessaires. D’autre part, la main d’oeuvre employte au hasard des travaux n’est ni associde ni rCtribuCe selon des normes rationnelles modernes. Les jeunes prktres sont particulitrement sensibles d cet aspect de la rCalitt: 68% soulignent l’aigrissement des rapports entre gCnCrations, contre 30% de ceux qui ont 64 ans et plus.

MalgrC cette double affirmation (aigreur et asservissement), 14% de l’echantillon estiment que I’exploitation familiale dkveloppe les valeurs chritiennes. Dans les rtgions A large pratique religieuse, la proportion est plus grande (64%). Dans les rkgions ?i faible pratique, les prktres sont plus sensibles aux mdfaits de l’exploitation familiale. D’un cGtC, on signale donc fortement les constquences fkheuses. De l’autre, on &me une certaine fCconditC au plan chttien. Comment se concilient ces affirmations. 11 faut d’abord signaler l’influence d’une prdoccupation persistante dans le milieu rural franpis: la recherche d’une forme d’exploitation ((A taille humaine)). Cette forme a t t C conpe traditionnellement c o m e familiale. La famille rurale prksente une stabilitC certaine qui, pour une part, est like au mode de travail. Mettre en question l’exploitation familiale, n’est-ce pas s’attaquer A la famille elle-mhe, c o m e si les rapports de production Ctaient immuables et c o m e si la famille ne pouvait pas s’accommoder d‘autres modtles de relations? Le christianisme a valoris6 cette struc-

- asservit les rapports familiaux d &s objectifs

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Les prttres catboliques devant I’ivolution iconomique 67 ture au point que certaines mentalitts ont de la peine ?i faire le depart entre les rkalitts tconomiques, humaines et religieuses qui y sont intimement m&ltes. En dtfinitive, l’exploitation familiale est devenue une expresssion chargee de valeur, voire de passion. Par tradition plus que par r6flexion’ probablement, on continue de lui attribuer des vertus dont on ne s’est pas demand6 si elles pourraient tmaner, de la m&me manikre, d’une entreprise ((A taille humaine)) non familiale. Certes, il peut y avoir coexistence de valeurs et de non-valeurs. Sur un plan strictement religieux par exemple, il se peut que l’exploi- tation familiale, incluant la vie en commun, assure un contrble social favorable A la cohCsion et au maintien de conduites conformes A la morale catholique ou au culte. Mais comment la dCtCrioration des relations interpersonnelles se concilie-t-elle avec la conception de la vie chrttienne elle-mCme?

I1 faut se rappeler ici que la famille est la structure A partir de la- quelle le catholicisme prCsente les rbles fondamentaux de Dieu (ptre, fils, procr&ateur, kpoux) et les interventions de celui-ci dans l’histoire humaine. La valorisation de la famille comme ccellule fondamentale de la socittkn prend dts lors une coloration religieuse extrCmement prtgnante. En tout cas, la vision sacerdotale de l’exploitation familiale semble indiquer une tendance A l’idCalisation, que nous retrouvons sur d’autres points. I1 est d’ailleurs vraisemblable que cela n’est pas propre au clergt.

5 . La coopiration

La cooptration est A l’ordre du jour parmi les pretres de la campagne. Nous avons abordC le probltme de la coopkration agricole dans une question oh ce phCnomkne est confront6 avec une s6rie de valeurs auxquelles le dergt tient profondtment : (( Estimez-vous que le diveloppement de la coopiration agricole :

- crke des rapports sociaux plus conformes d l’esprit de Pivangile - permet de sawer l’exploitation familiale

- est une itape vers une socialisation souhaitabie - fait le jeu du communisme - porte atteinte h la liberte‘

- e’panouit ceux qui coopkrent

86% 88% 71%

8% 11%

84% 87%

ne’gociants ?)) 17%

- facilite l’insertion des militants cbritiens dans le monde profane

- attise la haine de classe contre les grands propiitaires ou les

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Huit prCtres sur dix soulignent les Wtrents avantages de la coo- ptration: rapports sociaux plus conformes A l’esprit de l’kvangile (jusqu’d 98% dans la cattgorie des aumhiers), tpanouissement des coopkrateurs, ccsalut)) de l’exploitation familiale, insertion des chrt- tiens dans le monde profane, voire acheminement vers une sociali- sation souhaitable (le mot ((socialisation)) &ant c(dtpolitist)>, surtout depuis son emploi dans l’encydique Muter et Magistra). Les prCtres se montrent donc sensibles A l’immense effort qui a ttt rtalist, dans un monde agricole rtputt trts individualiste, pour tendre A une coopt- ration qui apparait comme le ctsalut)). On peut se demander cependant s’ils n’idkdisent pas trop cet effort cooptratif. En tout cas, ils ne le boudent pas. 8% seulement pensent qu’il fait le jeu du communisme (Wkrence t r t s forte entre les ages). I 1% estiment qu’il porte atteinte A la libertt et 17% qu’il attise la haine de dasse.

Quelques dii€trences significatives sont A signaler. L’tpanouisse- ment des militants est mentionnt par 93% des plus jeunes prktres contre 73% des plus Bgts. De mCme, les plus jeunes pensent que la cooptration n’atteint pas la libertt et ne fait pas le jeu du communisme (2% contre 16%). Enfin, ils voient les chances d’insertion des mili- tants (86% contre 64%). Ce sont les aumbniers qui vont le plus loin A ce sujet: 98%.

D’oh vient cette faveur de la cooptration? Une premitre raison est d’ordre religieux: la cooptration entre les hommes apparait aux prCtres - originaires du monde agricole pour la moitit d‘entre eux - comme une forme rtaliste de la charitt, une rtalisation du ccportez les fardeaux les uns des autres)). De plus un tlkment central nous parait Ctre la rencontre entre deux phtnomhes. D’une part, les prCtres franpis, placts devant les luttes de classes qui ont marqut notre histoire, dtsirent trouver une voie permettant d‘tchapper A l’alter- native communisme-libtralisme; A beaucoup la cooptration semble permettre de construire par la base la structure rtpondant A ce souci. D’autre part, la cooptration agricole est dans une large mesure une coalition d‘exploitations familiales pour tviter A la fois la prolttarisa- tion, qui menace lorsqu’on tombe en-dessous du seuil de rentabilid, et l’absorption par des socittks financitres, dont le poids est d’autant plus grand que s’accroissent les ndcessitks d’investir et la complexitt du march6 pour les produits du sol; les couches sociales plactes dans cette perspective sont justement celles dont proviennent les prCtres ruraux et auxquelles ils restent li6sa.

Nous en trouvons une contre-tpreuve pittoresque dans le fait que le derg6 lui-mhe s’engage peu dans la cooptration au sein de sa

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Les prttres catholiques devant Z’ivolution iconomique 69 propre activitt professionnelle. Interrogts sur I’utilisation en commun du matiriel dzns le clergi, 24% seulement des pretres estiment &re en avance sur le monde profane.. . Presque unanimes pour recommander la cooptration, ils estiment en grande majoritt (les trois quarts) qu’ils retardent sur ce point dans leur propre ministkre. Pour d’autres formes de coopCration (la rCflexion mtthodique en commun sur les actes du ministtre, l’entr’aide pour les ctrtmonies, la rtpartition des tiches apostolique sur un meme secteur) l’estimation est plus optimiste : entre 4% et 5 7%. Mais le dtcalage reste important.

6. LRS mot$ & l’action syndicale

Beaucoup de catholiques sont engagts dans l’action syndicale et c’est encore une fois par le biais des valeurs que nous avons inter- rogt les prttres sur ce thkme: ctEstimex-vous qu’un catholique militant syndical doit avant tout, dans son action syndicale : - chercber ri favoriser I’in/.ence de I’EgIise 29% - combattre le communisme 15% - faire aboutir les revendications de la masse 51% - favoriser I’entente entre emplyeurs e t salariis?n 78%

La motivation dominante qui ressort est I’entente entre employeurrs e t salariis: 78%. On peut se demander s’il n’y a pas, dans cette rkponse, un reflet du r61e dominant que le curt estime avoir A jouer dans sa paroisse. Par vocation et fonction, il est l’homme de la reunion, de la rtconciliation, de l’assemblte eucharistique et de la fraternitt qu’elle requiert. Tout naturellement, il reltve ce qui va en ce sens : nous l’avons vu A propos de la cooptration. Ici, de mtme, il priviltgie le motif qui lui semble le plus ccpaciiiant)).

I1 faut noter que le syndicalisme agricole s’adresse rarement A des salarib: peu de prEtres ruraux ont sur leur paroisse des ouvriers agricoles syndiquts. Le thtme de l’entente mentionnt ici Cvoque donc plut8t les grandes centrales d’ouvriers et d’employks que le monde de l’agriculture. Mais les syndicats de salarits ont maintenant ptnttrt dans la plupart des communes, ne serait-ce qu’avec les fonctionnaires. Au surplus, l’attitude manifestte dans les rtponses ne dCpend pas seulement de l’expkrience immtdiate du clergt A 1’Cchelon local: tout I’arrikre-plan des opinions sur la marche de la socittt et de la doctrine syndicale catholique se retrouve ici, notam- ment A travers le souvenir de certaines interprttations du catholicisme

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70 Jacques Maitre

social relatives A l’organisation corporative et encore couramment enseigntes dans l’figlise. La rtduction de la lutte de classes est un des objectifs de la corporation (Villain, 1gj4), et d’une manitre gentrale, constitue l’un des points de l’enseignement social de I’Gglise, pour qui l’entente entre les classes est un des progrts desirables pour l’humanid. Mais les documents ogciels rtcents n’assignent pas pour autant au syndicat, comme tiche primordiale, l’entente entre les employeurs et les salaries. I1 semble donc y avoir de la part des prCtres, une certaine majoration d’un motif d’action qui n’est pas avant tout celui du syndicalisme ni de l’action syndicale tels que l’eglise catho- lique les prtconise. j 1% estiment qu’un catholique militant syndical doit avant tout faire oboutir les revendications de la masse. &la semble indiquer qu’un nombre important de prktres participent de la mentaliti courante, selon laquelle le syndicat est essentiellement un instrument de revendications.

Un prktre sur trois incline ii penser qu’un catholique militant syndi- cal devrait avant tout cbercber d favoriser l’inj’uence de I’&lise. Certes, cette expression peut tvoquer un rayonnement de l’fivangile par la mediation des consciences. Elle traduit cependant quelque chose de strattgique en vue d‘une certaine puissance de l’figlise dans le monde du travail, voire d’une prtsence pour y faire autre chose que ce qui est requis par l’action syndicale elle-mCme. Cette question ambigue regoit une rtponse favorable qui va, dans les regions A forte pratique religieuse, jusqu’d 42%. Cette motivation est plus faible chez les jeunes (23%) et plus forte chez les plus anciens (45 %).

Quant A l’anticommunisme c o m e motif d‘action, il est preconist seulement par une minoritt (I j % pour l’ensemble des prktres et 29%

pour les plus Bgts), ce qui est trts significatif de I’Cvolution actuelle des attitudes politiques du clergt.

B. R ~ L E S DE L’ARGENT

Le processus est connu. L’exploitation n’est pas adaptte aux exigences d’une tconomie de marcht: afin de produire plus et mieux il faut moderniser le mattriel et les techniques d’exploitation. Cette opC- ration, jamais terminte, coQte cher. L’argent qui vient de la vente des produits ne sufKt plus. I1 devient indispensable de recourir ?i

l’emprunt. Ce phtnomtne universe1 d’appel au crtdit est tout A la fois cause et consCquence d’une tvolution de la mentalitt des ruraux vis-A-vis de l’argent. En mkme temps qu’ils empruntent plus, ils

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Les pritres catholiques devant I ’kvolution kconomique 7’ donnent un nouveau sens A l’tpargne. Les deux phtnomtnes d’appel au credit et d’tpargne sont en dtveloppement corrtlatif.

Dans ce contexte, peut-on alors parler d’une ccperte du sens de I’bpargne))? En rtalitt il faudrait dire que les ruraux n’kpargnent plus de la m&me manitre. Le sens du mot tpargne a changt. I1 n’tvoque plus le cofie-fort individuel mais bien plut6t la caisse de crCdit. Ce changement constitue-t-il une rtgression? Sur ce sujet, les pretres se prononcent A tgalitt affirmativement et ntgativement (42% de oui, 42% de non): 4 pr&tres sur 10 au moins manifestent qu’ils sont attachts A ce ccsens de l’tpargne)) dont ils dtplorent la rtgression. Ce sont les gtnkrations de prktres plus anciennes qui, d l’instar de leurs contemporains, expriment ce point de vue (61%’ contre 23% des plus jeunes; symttriquement les m o m donnent 2 5 % et 59%). Les rkponses laissent apercevoir une rtticence et une certaine idtalisation: l’tpargne, comme telle, sous la forme pratiqute est vue comme une vertu. En m&me temps, elles ne manifestent pas d’emblCe une connais- sance des exigences Cconomiques. Elles sont A compltter par les rtactions A la question portant sur le cridit, qu’il s’agissait de juger cwkcessairen, ccutile)), cchngereum ou ccimmorah dans six domaines MCrents.

A propos du credit, les prstres se sont prononcts d’une manitre positive. Dans l’ensemble, ils en admettent la 1kgitimitC. Ceux qui l’estiment immoral reprtsentent une infime minoritt (de I A 3%). Ainsi les interdits relatifs au pr&t A interkt - et plus sptcialement A ses abus -, qui s’enracinent dans l’ecriture et dans une longue tra- dition de l’eglise (Bernard et al., 1948)’ semblent avoir pratiquement disparu de l’horizon sacerdotal actuel. Les operations de credit sont devenues courantes dans le processus de production. Les pretres se rendent compte de la ntcessitt du crtdit pour l’tquipement des exploitations agricoles ( 5 7%).

11s dtclarent Ie crkdit nkcessaire ou utife dans les proportions suivantes : hlattriel agricole 88% Bquipement mtnager 83% Achat de maisons 76% Achat de terres 65% Achat d’automobile 64% Achat de fonds de commerce szyo Ces taux font ressortir l’importance accordte au credit pour le mathrid agricole (biens d’tquipement). L’agriculteur ne peut s’tquiper que s’il peut emprunter; le crtdit n’est pas seulement utile, il est nkcessaire

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72 Jacques Maitre

(cette position monte A 66% chez les jeunes). On peut s’ttonner A premitre vue, de l’importance accordte au credit pour l’achat d’une automobile. Cela peut tenir A deux raisons; les pretres s’apersoivent, par experience, que l’auto est devenue un instrument de travail et un remtde contre l’isolement; ils se rendent compte que c’est la meme chose pour les gens au milieu desquels ils vivent. D’autre part, nombre d’entre eux n’ont pu s’acheter leur auto qu’h condition d‘emprunter. L‘kquipement mkmger vient presque A CgalitC avec le mattriel agricole, largement avant l’achat de terres, qui est dtpasse tgalement par l’achat de maisons. Le clerge rural, au contact des familles, se rend compte (et peut-Ctre plus que l’ensemble des parois- siens) de la prkcaritk, de l’inconfort, parfois mCme de la mistre de certaines habitations ou installations ainsi que de la surcharge des femmes, surtout en agriculture. I1 n’est pas ttonnant qu’il soit fa- vorable A toutes mesures pouvant apporter une amelioration. Les pretres sont plus nombreux A Ctre stvtres dans leur jugement sur le credit pour les fond de commerce. Participeraient-ils A la mentalitt du milieu selon laquelle les commerpnts s’enrichissent rapidement et exercent un mttier quelque peu entach6 de speculation? Ou bien serait-ce qu’ils sont moins attentifs aux probltmes du commerce qu’A ceux de l’agriculture et qu’ils les connaissent moins? Le caracttre globalement positif des attitudes envers le credit est

confirm6 par la faible proportion de ceux qui considtrent le crkdit c o m e dangereux: de 9% pour l’achat de maisons A 24% pour l’achat d’automobile, par la proportion importante (43%) de ceux qui, n’ayant pris cette position pour aucun des six types d’achats enumCrCs, manifestent ainsi que le caracttre dangereux du crtdit ne leur apparait pas. Les dif€drences d‘apprtciation par Ages font ressortir que, pour l’ensemble des biens, le ctdangern est plus ressenti par les anciens. Cette constatation est confirmke par le fait qu’ils soulignent moins la ccnCcessitt)).

Dans l’apprkciation du ((danger)), il y a une exception: l’achat de terre est jug6 dangereux plus par les jeunes (24%) que par les anciens (16%). Ce n’est probablement pas un hasard et nous pouvons avancer l’hypothtse suivante: sur ce point, les pretres modtlent leur apprt- ciation sur celle des hommes de leur gtnkration. La valeur ccterren n’est pas apprCciCe de la mCme manitre par les anciens et par les jeunes. L’idtal des anciens agriculteurs ttait d’avoir des biens au soleil et de parvenir A la propriCt6 de biens fonciers. I1 est clair qu’en fonction de cet idkal, le credit n’appadt pas dangereux, la terre Ctant pour ces hommes, une valeur stire. Au contraire, l’idtal des jeunes agriculteurs

.

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Les pr8tres catboliques hvan f l’holutz’on iconomique 73 est plutBt d’avoir de quoi travailler une terre (possession de biens d’tquipement) qui elle-mCme n’est pas, A leurs yeux, de l’or mais un moyen de travail. 11s prCf6rent investir ailleurs que dans l’achat de terres. I1 leur parait dangereux d’immobiliser dans de tels achats des sommes dont ils ont besoin pour le fonctionnement de leur entreprise (Mallet, 1962).

La tonalit6 religieuse invervient A peu pr&s dans les m&mes pro- portions. Le danger du crtdit est plus soulignt dans les rtgions moins pratiquantes. Faut-il expliquer cette Wtrence par le fait que, dam plusieurs regions de haute pratique religieuse, les prCtres font partie de comitts qui gkrent les ctcaisses ruralesn et en assument parfois le secrttariat? Ryant une experience directe de ces optrations, ils en Cprouveraient mieux la skcuriti .. .

Comment se recoupent l’attitude favorable au crtdit et le refus de considirer comme rCgressive la ccperte du sens de l’Cpargne))!

Sur cent pritres qui con- Sur cent pritres qui ne siderent comme une d- considerent pas comme gression la ctperte du une regression la ccperte

sens de I’tpargne)) du sens de I’tpargne~

Le credit est nkessaire pour :

Materiel agricole 50%

Equipement mtnager 21% Achat de terres 25%

Achat de maisons 31%

commerce 21%

Achat d’automobile 13%

Achat de fonds de

63% 36% 35% 45 %

26%

19%

De ces interrogations concernant l’argent, il faut rapprocher celle qui porte sur les r6les positifs de l’argent: ctEst-ce que le rdle actuel de /’argent a h s le monde nzoderne, pour la majorit6 des habitants de votre commune :

- stimule I ’esprit d ’entreprise - incite les gens h donner une formation professionelle aux jeunes

maison (ex. 1 beurre, lait) - /ibdre les femmes par I’kquipement mknager - fait du travail un moyen utile au lieu d’un but pour soi?n

71 % 89%

82%

91% I.%

- libdre les femmes par l’achat de produits aurrefois fabriquh h la

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Dans une proportion des trois quarts au moins, les prCtres re- connaissent que l’argent joue un r61e positif de stimulation, d‘inci- tation et de libbration en plusieurs domaines. 11s estiment que l’argent a un effet libkrateur dans la vie des femmes. D’une part, elles peuvent acheter des produits jadis fabriquts A la maison et ainsi kviter quelques tiches autrefois coutumitres. D’autre part, elles peuvent all6ger leur travail mknager par un meilleur kquipement. I1 s’agit d’une possibilitk thkorique. En rkalitk, les situations ne sont pas rares oh le sous- kquipement des maisons rurales et les conditions du travail fkminin constituent des motifs qui favorisent le dkpart des jeunes filles vers un autre secteur d’activitk. L‘effet libkrateur de l’argent dans la vie des femmes n’est donc ni complet ni universel, soit que l’argent manque, soit qu’il serve A autre chose qu’A l’kquipement mknager, soit que les femmes n’interviennent pas dans les choix financiers du foyer. I1 s’agit, en fait, d’une liberation relative, dont la rdalitk est probablement infkrieure A l’estimation exprimke dans les rkponses des pretres.

Sur un autre aspect de l’existence, plus facilement reperable, les pretres se prononcent aussi positivement : l’influence de l’argent sur la formation professionnelle des jeunes. L’effet de l’argent sur la formation peut Ctre interpret6 d’abord comme une facilitk donnke aux parents: avec de l’argent ils sont A mtme de la procurer a leurs enfants; aussi comme un stimulant qui pousse les enfants A chercher, dans l’kchelle socio-professionnelle, des positions plus Clevkes : l’attirance de l’argent entraine alors une formation professionnelle accrue ccpour arrivern.

Enfin, les prttres reconnaissent que l’argent est un stimulant de I’esprit d’entreprise. L’espoir d’un gain, fdt-ce au prix d’un risque, pousse les hommes P entreprendre et A investir. Leur dynamisme s’enracine dans un vouloir-vivre dont l’argent est actuellement en France le symbole et le moyen.

Les ruraux d’aujourd‘hui, obligks de s’engager dans des operations financitres qui occupent leurs esprits sont-ils pour autant, en train de c<se matkrialiser))? I1 arrive que, dans des conversations courantes entre prttres, on emploie volontiers cette expression: on dkplore l’emprise de l’argent et la ccmatkrialisation)) qui, dit-on, s’ensuit. I1 y a une dif€krence entre une telle apprkciation, hiitive et empirique, et les rkponses que l’on vient d‘analyser. Celles-ci font ressortir que le r81e jouk par l’argent dans la vie des ruraux, avant d‘Ctre jug6 sur un plan kthique, est estimk en termes qui signifient un progrts humain. Cela revient A dire que le jugement dkfavorable connote par l’expres- sion ccmatkrialisation)) ou toute expression similaire, est probablement

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Les prttres catholiques devant I’ iuolution iconomique 71 A reviser. En rtalitt - sans nier le risque d’ccenlisement)) - dans un milieu en voie de promotion, le clergt considkre l’argent comme un facteur d’cthumanisation)) dans le monde actuel.

Dans l’ensemble des rtponses A cette question sur le rdle de l’argent, les difftrences en fonction des niveaux de pratique sont insignifiantes ; en fonction des bges, faibles. Cependant l’opinion positive sur le rdle stimulant, incitateur ou libtrateur de l’argent est moins rtpandue chez les plus jeunes. I1 n’est pas possible d’expliquer cette attitude de la nouvelle gtntration (zj-44 ans) sans se rtftrer aux positions prises dans les autres domaines. Faut-il y voir une tendance h une observation plus objective des faits? Ou bien, au contraire, faute d’information, une propension A juger le r81e de l’argent d’aprks les apprtciations morales apprises, sans rtftrence h une situation donnte? Une autre hypothkse peut aussi Ctre avancte: les gtntrations plus anciennes disposent de points de comparaison que n’ont pas les jeunes. Quand le prCtre bgt fait ses visites h domicile ou quand il parle avec les jeunes agriculteurs, il aperqoit le changement qui s’est optrt depuis les debuts de son insertion en paroisse rurale. I1 recon- nait que les installations de maison se sont amCliortes, que I’tquipe- ment mtnager s’est dtveloppt, que les gens sortent davantage, entreprennent avec plus d’audace car ils ont des possibilitts de se faire aider financitrement, que le souci de la formation professionnelle s’est accru. Dans ces conditions, par rapport A ce qu’il a connu, ce qu’il constate maintenant lui apparait comme un progrts.

C. C O N C L U S I O N

Devant l’tvolution Cconomique du monde rural, le clergt manifeste une ouverture. Au lieu de rester cramponnt A des idtes traditionnelles devenues impraticables, il est attentif A ce qui est en voie de dkvelop- pement dam des campagnes qui font leur entree au sein de la socittt industrielle. Une part d’irrtalisme tient quelquefois A une idtalisation des nouveautts, telles que l’expansion des cooptratives ou l’implan- tation d’usines dans des centres ruraux. Sans doute cette ouverture vient-elle A la fois des liens du prCtre avec la ville - s6minaire, ptriodi- ques, sessions et deplacements ont multiplit ces liens - et des contacts avec des animateurs de la mutation Cconomique, notamment des catholiques militants, eux-m&mes encadrts par des organisations nationales et internationales. Ainsi s’estompent les blocages de la pastorale avec les forces tconomiques et sociales les plus conserva- trices. Si l’autonomie du monde profane est loin d’Ctre entikrement

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76 JacqueJ Mattre reconnue au plan professionnel, du mobs les idtaux tvangkliques sont-ils lus d‘une fason nouvelle, valorisant des comportements qu’on eat condamnk encore au dtbut de ce sikcle. Sans doute est-ce lorsque la famille est en jeu que les rkticences sont les plus fortes, par exemple A propos du travail des femmes ou de l’kclatement du cadre familial de l’entreprise.

Inversement, c’est peut-Ctre par l’ouverture A la rationalitt des impkratifs kconomiques que le prCtre rural fait le mieux craquer le corset des idtes resues traditionnellement. Or, il s’agit d’un domaine dCcisif pour l’tvolution des campagnes et sur lequel le milieu ec- cltsiastique a paaiculitrement peu de prise, comparativement l’Cducation, A la vie familiale, au r61e des laics dans 1’8glise, voire aux loisirs. Les processus du travail, de la production, de la distri- bution et de la consommation s’imposent au clergt; la contrainte matkrielle qu’ils exercent remodde fortement la mentalitt sacerdotale, mCme si elle persoit les faits non en pratiquant une activitk kconomique directe, mais A travers des cattgories sociales et un systkme de valeurs stlectionnkes par l’origine, la formation et les tkhes pastorales des prktres.

NOTES

1 Un tchantillon de I zoo pr€tres de paroisses rurales a &t intkrrogd au cows d’un sondage portant sur leurs rtactions devant l’tvolution actuelle de la vie sociale dans les campagnes franpises. Organisk dans le cadre du Centre d‘Etudes Sociologiques (C.N.R.S.) cette enqu€tc a ttt dirigk par Jacques Maltre, en collaboration avec Joseph Charrier, Constant Ham&, Maurice Hornuss et Pierre Toulat. Les reSultats en sont publits aux &itions du Cen- turion, sous le titre ctLes Pr€tres Rurauxn, comme premier volume de la collection c&tudcs Sociologiquem. Lc present article correspond pour l’essentiel an chapitrc VI dc ce livre et reprend des tltments dont la premiixe elaboration est due h Pierre Toulat. Les mots ou passages en italiques sont des extraits du questionnaire.

Voir des articles dans le journal <&.a Croix)), du zz septembre 1962 <(Cent vingt mille turaux quittent chaque annte la terre depuis 1945)); du zz mai 1963 QEffectifs des departs)); du 9 Juin 1963 <<Diminution de 25% de la population rurale)); du 4 dtcembre 1963 uVingt cinqpour centdedtpartentre 19jqet 1 9 6 2 ~ . 8 G s orientations sont clairement sou-jacentcs B l’important document publit le 25 man 1963 par 14 tv@ques: cdktre des Cv@ques de I’Ouest B leurs pr€tres sur quelques graves problknes agricoles de notre rkgionv.

RBPBRENCES

BERNARD, A., G. LE BRAS & H. Du PASSAGE (1948). Usure. Diaionnaire dc thtologie catholique (Paris: fid. Letouzey), Tome XV, col. 2316-2390.

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Les prztres catholiques devant l ’ Lvolution iconomiq8e 77 GOREUX, L. M. (1956), Les migrations agricoles en France depuis un siecle et leurrelation

avec certains facteurs economiques. Etudes et Conjoncture, 4,327-376. Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (1962), Recensement de

1962. Population de la France. Departernents, arrondissements, cantons et com- munes (Paris: Direction des Joumaux Officiels, Documentation fransaise).

Lettre des evtques de I’Ouest h leurs prttres sur quelques graves probltmes agricoles de notre region (196j), La Vie Diocesaine (du diocese de Rennes), C I, No 14,6 Avril, 2 I 9-2 5 2.

MALLET, S. (1962), La rfforme de la propriCt6 fonciere. L’Agriculture fransaise, numero

VILLAIN, P. (1914). L‘enseignernent social de 1’8glise (Paris: SPES), Tome TIT, 215. special de la N.E.F., 19 (XI), 132.

S U M M A R Y

CATHOLIC PRIESTS A N D T H E ECONOMIC DEVELOPMENT O F

T H E F R E N C H COUNTRYSIDE

Research among I ,zoo Roman Catholic priests has been concerned with their attitudes regarding actual developments in the French countryside including questions on economic change. The principal themes of this investigation were the effects of technological progress, the establishment of industries, the decrease in the population working in agriculture, emigration to urban areas, family enterprise, co- operation, professional organization, and credit. It appears that the clergy in rural parishes have more positive attitudes towards change than is generally supposed. This openness is the least with regard to family life, and strongest concerning economic rationality. Clear differences exist in attitudes between the generations of priests in relation to the majority of the topics.

LES P R ~ T R E S C A T H O L I Q U E S D E V A N T L ’ E V O L U T I O N B C O N O M I Q U E DES CAMPAGNES FRANFAISES

Un sondage men6 auprks de IZOO prttres catholiques au sujet de leurs attitudes devant l’kvolution actuelle des campagnes fraqaises comprend des questions sur les mutations kconomiques. Effets du progrts technique, implantations d’usines, diminution de la popu- lation active agricole, emigration vers les zones urbaines, exploitation familiale, cooperation, action syndicale et crCdit constituent les

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78 Jacqws Maffre principaux thtmes de cette investigation. Le clergd des paroisses rurales apparait comme plus favorable au changement qu’on ne le croit d’ordinaire. Cette ouverture est plus faible lorsqu’il s’agit de la vie f a d a l e , plus dtcidke quand on tvoque la rationalitt tcono- mique. Les differences d‘attitudes sont trts marquees entre les gdnC- rations de prktres, sur la plupart des thtmes.

Z U S A M M E N F A S S U N G

D E R K A T H O L I S C H E P R I E S T E R U N D D I E W I R T S C H A F T L I C H E

E N T W I C K L U N G A U F D E M L A N D E I N P R A N K R E I C H

Eine Befragung von I zoo romisch-katholischen Priestem uber ihre Ansichten zu der Entwicklung auf dem Lande in Frankreich enthdt Fragen uber den wirtschaftlichen Wandel. Die Auswirkungen des technischen Fortschritts, die Industrieansiedlung, die Verminderung der landwirtschaftlichen Bevolkerung, die Abwanderung in stadtische Gebiete, das Familienunternehmen, die Kooperation, die berufliche Organisation und das Kreditwesen bilden die Hauptthemen dieser Untersuchung. Es scheint, da13 der Klerus der hdlichen Pfarr- gemeinden eine positivere Haltung gegenuber diesem Wandel ein- nimmt, als allgemein vermutet wird. Die gro13te Zuriickhaltung wurde bei Fragen uber das Familienleben geubt, jedoch sprach man uber Probleme des rationalen wirtschaftlichen Verhaltens mit aller Offenheit. Generationsbedingte Unterschiede in den Ansichten der Priester werden bei der Mehrzahl der Themen ganz deutlich.