les premiers mots du quasi président trump : «nous … · 16 juillet 2016 il devient le candidat...

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EDITION SPÉCIALE 09/11/16 GRATUIT Les premiers mots du quasi Président Trump : «Nous réunir» Rassurer et rassembler. Après qu’Hillary Clinton a reconnu sa dé- faite, Donald Trump a tenu un discours apaisé, visant à rassurer tous les Amé- ricains. Il change de posture, face une partie de l’Amérique en état de choc. « Il est désormais temps pour nous de nous réunir en un seul peuple. Je serai le président de tous les Américains, et c’est si important pour moi. Pour ceux qui ont choisi de ne pas me soutenir par le passé (ils sont quelques-uns), je les appelle à travailler avec moi pour que nous puissions unir notre grand pays. Notre campagne n’était pas une cam- pagne mais un grand mouvement, fait de millions de gens, qui aiment leur pays et veulent un avenir meilleur pour eux et leur famille. » Visage grave et sérieux, c’est un nouveau Donald Trump qui est apparu devant les caméras. Discours classique de rassemblement, sans phrases néga- tives ni slogans outranciers. Pas même envers le reste du monde. « Je veux dire à la communauté internationale que, si l’Amérique passera toujours en premier, nous serons justes avec tout le monde », a-t-il ainsi déclaré. Sans jamais se départir de son optimisme de businessman : « Nous avons un grand plan économique pour doubler la croissance. Nous allons nous entendre avec toutes les nations qui voudront s’entendre avec nous. Nous devons reprendre en main la destinée de ce pays, nous devons rêver en grand. », a- t-il enchaîné. Donald Trump contrôlera la Mai- son Blanche et le pouvoir législatif. Les républicains pourront ainsi défaire les réformes du président Barack Obama. La mainmise sur le Sénat, qui vient s’ajouter à celle de la Chambre des re- présentants, leur donne aussi la haute main sur le processus de nomination des plus hauts responsables gouver- nementaux et des juges de la Cour su- prême. L’Opinion Son parcours en quelques dates 26 octobre 1946 Naissance à New York 1968 Il rejoint l’entreprise de son père Fred Trump, un grand groupe im- mobilier 30 novembre 1983 Fin de la construction de la Trump Tower à New York, sa première construction et l’une des plus connues 1er novembre 1987 Il publie son autobiographie The Art of the Deal, vendue à un million d’exemplaires 2003-2015 Il présente l’émission de télé-réalité The Apprentice 16 juillet 2016 Il devient le candidat du Parti ré- publicain pour la présidence des Etats-Unis Les marchés en forte baisse Economie Les bourses asiatiques chutaient mer- credi matin, heure française, et le dol- lar reculait, traduisant la crainte des marchés après la victoire du le candi- dat républicain Donald Trump à la pré- sidentielle américaine. L’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a clôturé en très forte baisse, cé- dant 5,4%. De leur côté, les futures sur indices new-yorkais plongeaient aux premières heures de la journée de 4% tandis que des valeurs refuge telles que l’or et les emprunts du Trésor améri- cain à 10 ans prenaient respectivement 3,5% et 1,2%. Les intervenants de marché pensent qu’une victoire de Donald Trump pourrait provoquer des incer- titudes économiques et mondiales d’une telle ampleur que cela pourrait conduire la Réserve fédérale améri- caine à s’abstenir de relever ses taux d’intérêt en décembre, comme c’était largement anticipé jusqu’ici. La chute observée sur tous ces mar- chés financiers rappelle celle qui avait suivi la décision choc des électeurs britanniques de quitter l’Union euro- péenne lors du référendum du 23 juin. En dégringolant de quelque 12% face au dollar, le peso mexicain, considéré comme le « thermomètre Trump », est tombé à un plus bas histo- rique. « C’est la panique sur le marché, où les intervenants n’avaient certaine- ment pas anticipé un tel résultat », a déclaré Juan Carlos Alderete, chargé de la stratégie chez Banorte-IXE. Donald Trump n’a pas ménagé le Mexique pendant sa campagne. Le candidat républicain a menacé notam- ment de mettre un terme à un accord de libre échange avec le Mexique et affirmé que ce dernier devrait financer le mur que Donald Trump se propose d’ériger entre les deux pays pour endi- guer l’immigration. Trois économistes interrogés par Reuters s’attendent à voir la banque centrale relever mercre- di son taux directeur de 75 à 150 points de base. Gilles Senges @Gillesenges t Les républicains face au défi du trumpisme Les conservateurs se trouvent confrontés au ressentiment des cols-bleus de la working class blanche et non-diplômée Page 2 Trump et la Chine : «Je t’aime, moi non plus» Le milliardaire manque rarement une occasion de s’en prendre à la seconde puissance économique mondiale Page 3 Economie : un programme ultra- protectionniste Le candidat républicain veut imposer notamment des taxes aux produits en provenance de Chine et du Mexique Page 5 Donald Trump sera le 45 e président des Etats-Unis d’Amérique. Itinéraire d’un fils à papa anti- establishment, d’un homme obsédé de reconnaissance qui déteste les médias Donald Trump : le showman devenu Président Page 2 Show must go on La candidate démocrate Hillary Clinton a téléphoné à son rival répu- blicain Donald Trump pour recon- naître sa défaite dans la course à la Maison blanche. Contre tous les sondages, Donald Trump devient ainsi le 45e président des Etats- Unis. Au dernier comptage, il a rem- porté 288 grands électeurs. Elisabeth Guedel L’outsider de la campagne, celui dont la candidature était si peu prise au sérieux il y a seize mois que le site Huffington Post l’avait reléguée dans sa section divertissement, le self- made-man comme il aime se décrire, a relevé le plus fou des défis de sa car- rière : conquérir la Maison blanche. Sa victoire aujourd’hui prend l’allure de la revanche d’un Américain presque ordinaire au destin hors du commun, détesté de l’establishment politique, du monde de la finance et des médias. Tous les ingrédients d’un scénario digne de Hollywood pour une élection présidentielle américaine. « Donald Trump pense qu’une grande partie de ce que l’on est se retrouve dans les gènes et l’enfance », écrit le Prix Pulitzer Michael D’Antonio, auteur d’une biographie non autorisée The Truth about Trump. Né le 14 juin 1946 dans le quartier de Jamaica Es- tates du Queens, au sein d’une famille fortunée de New York, quatrième d’une fratrie de cinq enfants, Donald Trump a pu commencer sa carrière avec un prêt accordé par son père, d’un montant d’un million de dollars - « un million seulement » comme il le répète. Mais aussi avec le carnet d’adresses paternel bien rempli. Son grand-père, immigré allemand, avait fait fortune dans le Yukon au Canada où il logeait et nourrissait – il aurait également tenu un hôtel de passe - les pionniers de la ruée vers d’or. Selon ses biographes, Donald Trump a hérité à bien des égards de la personnalité de son père : un homme à l’ambition dévorante, à la fois enga- geant à l’extérieur et sévère chez lui. Fred Trump a baigné dans les milieux politiques de Big Apple, a financé tous les partis de la ville pour bénéficier des appuis indispensables au développe- ment de ses affaires immobilières dans le Queens et à Brooklyn. Il a appris à

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EDITION SPÉCIALE 09/11/16 GRATUIT

Les premiers mots du quasi Président Trump : «Nous réunir»Rassurer et rassembler. Après qu’Hillary Clinton a reconnu sa dé-

faite, Donald Trump a tenu un discours apaisé, visant à rassurer tous les Amé-ricains. Il change de posture, face une partie de l’Amérique en état de choc. « Il est désormais temps pour nous de nous réunir en un seul peuple. Je serai le président de tous les Américains, et c’est si important pour moi. Pour ceux

qui ont choisi de ne pas me soutenir par le passé (ils sont quelques-uns), je les appelle à travailler avec moi pour que nous puissions unir notre grand pays. Notre campagne n’était pas une cam-pagne mais un grand mouvement, fait de millions de gens, qui aiment leur pays et veulent un avenir meilleur pour eux et leur famille. »

Visage grave et sérieux, c’est un

nouveau Donald Trump qui est apparu devant les caméras. Discours classique de rassemblement, sans phrases néga-tives ni slogans outranciers. Pas même envers le reste du monde. « Je veux dire à la communauté internationale que, si l’Amérique passera toujours en premier, nous serons justes avec tout le monde », a-t-il ainsi déclaré. Sans jamais se départir de son optimisme de

businessman : « Nous avons un grand plan économique pour doubler la croissance. Nous allons nous entendre avec toutes les nations qui voudront s’entendre avec nous. Nous devons reprendre en main la destinée de ce pays, nous devons rêver en grand. », a-t-il enchaîné.

Donald Trump contrôlera la Mai-son Blanche et le pouvoir législatif. Les

républicains pourront ainsi défaire les réformes du président Barack Obama. La mainmise sur le Sénat, qui vient s’ajouter à celle de la Chambre des re-présentants, leur donne aussi la haute main sur le processus de nomination des plus hauts responsables gouver-nementaux et des juges de la Cour su-prême.

L’Opinion

Son parcours en quelques dates26 octobre 1946Naissance à New York

1968Il rejoint l’entreprise de son père Fred Trump, un grand groupe im-mobilier 30 novembre 1983Fin de la construction de la Trump Tower à New York, sa première construction et l’une des plus connues

1er novembre 1987Il publie son autobiographie The Art of the Deal, vendue à un million d’exemplaires 2003-2015Il présente l’émission de télé-réalité The Apprentice 16 juillet 2016Il devient le candidat du Parti ré-publicain pour la présidence des Etats-Unis

Les marchés en forte baisseEconomieLes bourses asiatiques chutaient mer-credi matin, heure française, et le dol-lar reculait, traduisant la crainte des marchés après la victoire du le candi-dat républicain Donald Trump à la pré-sidentielle américaine.

L’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo a clôturé en très forte baisse, cé-dant 5,4%. De leur côté, les futures sur indices new-yorkais plongeaient aux premières heures de la journée de 4% tandis que des valeurs refuge telles que l’or et les emprunts du Trésor améri-

cain à 10 ans prenaient respectivement 3,5% et 1,2%.

L es in ter venants de marché pensent qu’une victoire de Donald Trump pourrait provoquer des incer-titudes économiques et mondiales d’une telle ampleur que cela pourrait conduire la Réserve fédérale améri-caine à s’abstenir de relever ses taux d’intérêt en décembre, comme c’était largement anticipé jusqu’ici.

La chute observée sur tous ces mar-chés financiers rappelle celle qui avait suivi la décision choc des électeurs britanniques de quitter l’Union euro-

péenne lors du référendum du 23 juin. En dégringolant de quelque 12%

face au dollar, le peso mexicain, considéré comme le « thermomètre Trump », est tombé à un plus bas histo-

rique. « C’est la panique sur le marché, où les intervenants n’avaient certaine-ment pas anticipé un tel résultat », a déclaré Juan Carlos Alderete, chargé de la stratégie chez Banorte-IXE.

Donald Trump n’a pas ménagé le Mexique pendant sa campagne. Le candidat républicain a menacé notam-ment de mettre un terme à un accord de libre échange avec le Mexique et affirmé que ce dernier devrait financer le mur que Donald Trump se propose d’ériger entre les deux pays pour endi-guer l’immigration. Trois économistes interrogés par Reuters s’attendent à voir la banque centrale relever mercre-di son taux directeur de 75 à 150 points de base.

Gilles Senges@Gillesenges t

Les républicains face au défi du trumpismeLes conservateurs se trouvent confrontés au ressentiment des cols-bleus de la working class blanche et non-diplômée Page 2

Trump et la Chine : «Je t’aime, moi non plus»Le milliardaire manque rarement une occasion de s’en prendre à la seconde puissance économique mondiale Page 3

Economie : un programme ultra-protectionnisteLe candidat républicain veut imposer notamment des taxes aux produits en provenance de Chine et du Mexique Page 5

Donald Trump sera le 45e président des Etats-Unis d’Amérique. Itinéraire d’un fils à papa anti-establishment, d’un homme obsédé de reconnaissance qui déteste les médias

Donald Trump : le showman devenu Président

Page 2

Show must go onLa candidate démocrate Hillary Clinton a téléphoné à son rival répu-blicain Donald Trump pour recon-naître sa défaite dans la course à la Maison blanche. Contre tous les sondages, Donald Trump devient ainsi le 45e président des Etats-Unis. Au dernier comptage, il a rem-porté 288 grands électeurs.

Elisabeth Guedel

L’outsider de la campagne, celui dont la candidature était si peu prise au sérieux il y a seize mois que le site Huffington Post l’avait reléguée dans

sa section divertissement, le self-made-man comme il aime se décrire, a relevé le plus fou des défis de sa car-rière : conquérir la Maison blanche. Sa victoire aujourd’hui prend l’allure de la revanche d’un Américain presque ordinaire au destin hors du commun, détesté de l’establishment politique, du monde de la finance et des médias. Tous les ingrédients d’un scénario digne de Hollywood pour une élection présidentielle américaine.

« Donald Trump pense qu’une grande partie de ce que l’on est se retrouve dans les gènes et l’enfance », écrit le Prix Pulitzer Michael D’Antonio, auteur d’une biographie non autorisée The Truth about Trump. Né le 14 juin

1946 dans le quartier de Jamaica Es-tates du Queens, au sein d’une famille fortunée de New York, quatrième d’une fratrie de cinq enfants, Donald Trump a pu commencer sa carrière avec un prêt accordé par son père, d’un montant d’un million de dollars - « un million seulement » comme il le répète. Mais aussi avec le carnet d’adresses

paternel bien rempli. Son grand-père, immigré allemand, avait fait fortune dans le Yukon au Canada où il logeait et nourrissait – il aurait également tenu un hôtel de passe - les pionniers de la ruée vers d’or.

Selon ses biographes, Donald Trump a hérité à bien des égards de la personnalité de son père : un homme

à l’ambition dévorante, à la fois enga-geant à l’extérieur et sévère chez lui. Fred Trump a baigné dans les milieux politiques de Big Apple, a financé tous les partis de la ville pour bénéficier des appuis indispensables au développe-ment de ses affaires immobilières dans le Queens et à Brooklyn. Il a appris à

Donald Trump : le showman devenu Président

Au fur et à mesure de la campagne, Donald Trump et son futur vice-Président ont affiché leurs différencesAvec Mike Pence, un ticket toujours en rodage

Mike Pence avant le discours de Donald Trump le 09 novembre 2016SIPA PRESS

Publié le 18/07/16Donald Trump a choisi Mike Pence dont la mission initiale était de « polir » son image. Peine perdue ! Les deux hommes ne sont d’ailleurs pas toujours sur la même lon-gueur d’ondes. Agé de 57 ans, celui qui siégea à la Chambre des représentants des Etats-Unis entre 2001 et 2013 avant de deve-nir gouverneur de l’Indiana, s’était rangé initialement au côté de Ted Cruz, l’en-nemi juré de Trump, après avoir été tenté de présenter sa propre candidature à l’in-vestiture du Parti républicain pour l’élec-tion présidentielle.

6 Medias

C’est bien connu, rien n’est simple avec Do-nald Trump. Mike Pence, son colistier pour l’élection présidentielle de novembre 2016, en a fait l’expérience dans une interview don-née dimanche 17 juillet sur la chaîne de télévi-sion CBS. Décrite par certains médias améri-cains comme un « mariage maladroit » ou un « naufrage douloureux », l’intervention a eu lieu quelques heures avant l’ouverture de la convention nationale républicaine, qui don-nera l’investiture officielle au magnat de l’im-mobilier.

Ainsi, selon le journal britannique The

Guardian, Donald Trump a parlé plus de 100 fois en près de 45 minutes et a laissé la por-tion congrue à Mike Pence, qui est intervenu simplement 50 fois. De même, le milliardaire a très souvent interrompu le très courtois gouverneur de l’Indiana. Toujours selon The Guardian, le moment le plus perturbant de l’intervention est venu quand Donald Trump a défendu le choix de son colistier de soutenir à l’époque la guerre en Irak, tandis qu’il est ex-trêmement critique sur le même sujet envers Hillary Clinton. Le candidat républicain a ainsi botté en touche une fois cette contradiction pointée en affirmant que le vote avait eu lieu « il y a très longtemps » et que « Mike Pence était autorisé à commettre une erreur de temps en temps ». Quand la journaliste lui a demandé si Hillary Clinton était elle aussi autorisée à se tromper, il a répondu, lapidaire, « non, elle ne l’est pas ».

D’autres thématiques abordées, comme la torture par simulation de noyade ou le traité transatlantique, ont rappelé la partielle désu-nion entre les deux hommes, malgré leur alliance concernant l’interdiction temporaire des musulmans sur le territoire américain. Toutefois, Mike Pence a souhaité rassurer leurs partisans en assurant que si « les styles réciproques étaient manifestement différents, (leur) vision était la même ».

@6medias t

Dans son livre-programme baptisé L’Amérique paralysée, le milliardaire raconte ce qui l’a amené à se présenter à la présidence des Etats-Unis

Trump vu par lui-même : « un mec bien » et en colère

Publié le 17/07/16Gilles Senges

« Certains lecteurs se demanderont peut-être pourquoi la photo que nous avons utili-sée pour la couverture de ce livre me montre autant en colère. J’avais de magnifiques photos de moi où j’arborais un grand sourire. J’avais l’air d’une personne très sympa (...). Mais j’ai décidé que ce n’était pas une bonne idée. Dans

ce livre nous parlons de l’Amé-rique paralysée. Malheureuse-ment, il n’y a pas grand-chose de bien à en dire (...). Donc, je vou-lais une photo où je n’étais pas heureux, une photo qui reflétait la colère et le mécontentement que j’éprouve plutôt que la joie ». Dans Crippled America. How to make America great again, paru l’an dernier aux Etats-Unis et que viennent de publier en version française les éditions du Rocher (L’Amérique paralysée, 274 pages, 16,90 euros), Donald Trump explique plus les raisons de son succès qu’il ne propose de solu-tions pour « rendre sa grandeur à l’Amérique ».

Si, pour reprendre François Bayrou, une élection présidentielle est la rencontre d’un homme et d’un pays, d’un homme et d’un peuple, Donald Trump a visiblement marqué des points. Il touche visiblement des sujets sensibles en dénonçant « les politiciens qui

tiennent de beaux discours durant les cam-pagnes électorales mais qui se comportent en vrais perdants lorsqu’ils sont au gouverne-ment », « les groupes d’intérêts qui se servent dans nos poches », la presse politique qu’il accuse de « collusion avec la classe politique ».

Il charge tout aussi violemment contre les immigrés clandestins « qui prennent les bou-lots qui devraient revenir aux gens qui vivent légalement ici, tandis que plus de 20 % des Américains sont à l’heure actuelle au chômage ou sous-employés ». Autre cible, le Congrès américain, dont « les membres ne font rien et n’arrivent même pas à adopter un budget an-nuel ».

« Qualité et excellence ». Donald Trump

paraît le premier surpris de son succès : « Quand j’ai commencé à m’exprimer publi-quement, je ne savais pas quelles seraient les réactions (...). Tout à coup, des gens qui ne s’étaient jamais intéressés aux élections ou qui n’avaient jamais voté se pressaient à nos ras-semblements politiques », écrit ainsi l’homme d’affaires new-yorkais.

Seul problème, il ne suffit malheureu-sement pas d’être « un grand bâtisseur », de représenter une marque symbole « de qualité et d’excellence » ou d’être « un mec bien » - comme il se présente en toute modestie à ses lecteurs - pour rendre sa grandeur à l’Amé-rique. C’est-à-dire résoudre les problèmes de l’immigration, de l’éducation, de l’énergie, de la santé, rétablir les infrastructures ou encore se battre pour la paix, comme il le promet.

@Gillesenges t

L’Amérique paralysée, 274 pages, 16,90 euros

paru aux éditions du Rocher

Critiqué pour ses déclarations polémiques, y compris au sein de sa propre formation, le milliardaire répond par l’offensiveLe Grand Old Party face au défi du trumpisme

Publié le 03/11/16Les dirigeants républicains, qui, le 14 juin 2015, regardaient avec amusement et mé-pris Donald Trump annoncer sa candida-ture dans sa tour de Manhattan, n’ont pu lui refuser la nomination. Paul Ryan, le pré-sident de la Chambre des représentants, le conservateur le plus haut placé du Congrès, conseillait même à ses collègues de penser en priorité à leur siège, quitte à ne pas sou-tenir le candidat investi par leur parti.

Elisabeth Guedel

Donald Trump aura plongé le Parti républi-cain dans le plus profond désarroi. Le Grand Old Party était certes déjà divisé avant d’enta-mer la campagne des primaires – les républi-cains ont perdu quatre des six dernières élec-tions présidentielles, et celle gagnée en 2000 ne l’a été qu’au collège électoral et non à la majorité des votes populaires. Mais le « hold-up » du parti par Donald Trump le laisse au-jourd’hui en lambeaux.

Mitt Romney avait été le premier candidat républicain à la présidentielle de l’ère post-Tea party. Le Mormon originaire de Détroit avait présenté une plateforme conservatrice clas-sique, fondée sur des coupes budgétaires, la réduction de l’imposition fiscale et la pro-motion des accords commerciaux interna-tionaux. Il avait aussi parlé d’une application plus stricte de la loi sur l’immigration. Une pre-mière concession faite à la base électorale que les caciques du parti n’ont jamais clairement avalisée.

Malgré l’échec de 2012, l’establishment républicain n’a pas su se remettre en cause. Et

quatre ans plus tard, l’idéologie des conserva-teurs se trouve confrontée au ressentiment des cols-bleus de la working class blanche et non-diplômée, des Américains convaincus que leur pays n’offre plus la qualité de vie d’autrefois et qui aspirent à restaurer les old days d’une Amé-rique forte et généreuse. Une aspiration bien comprise par Donald Trump, combinée à une défiance profonde envers un Parti républicain plus occupé ces dernières années à satisfaire ses riches donateurs qu’à répondre aux préoc-cupations de sa base.

Elections de mi-mandat. Les républicains

ont deux années devant eux pour se préparer aux élections de mi-mandat, un scrutin qui mobilise un électorat plus conservateur et plus âgé que celui des élections générales et dont le vote sanctionne souvent le parti au pouvoir à la Maison Blanche. « Le populisme trumpiste constitue une nouvelle force dans le paysage politique américain, il ne va pas disparaître, analyse le politologue Dominic Tierney. Tout dépendra des résultats de la présidentielle : si Donald Trump accuse une lourde défaite, l’establishment pourra reprendre le contrôle, mais c’est peu probable. Si la défaite est courte, Donald Trump sera le faiseur de rois au sein du GOP. S’il gagne, le parti sera à lui… jusqu’à ce qu’il échoue. »

Le bras de fer est d’ores et déjà engagé avec le président de la Chambre des représentants. Paul Ryan n’a cessé de se distancier du candi-dat investi, jusqu’à refuser de faire campagne à ses côtés. Elu Speaker l’an dernier pour réu-nifier le parti, Paul Ryan sera confronté dès jan-vier à une majorité réduite, peut-être de moi-tié, à la Chambre des représentants.

@EGuedel t2 l’Opinion Hors série mercredi 09 novembre 2016

Suite de la page 1son fils comment se faire respecter dans le monde impitoyable des affaires de New York.

« Donald devait être un “tueur” et un “roi” à la fois (…). Rien d’étonnant à ce qu’il devienne une petite brute et un jeune garçon physique-ment agressif », relève encore Michael D’Anto-nio. Envoyé en pension à l’âge de 13 ans dans une école militaire, dans le nord de l’Etat de New York, il y a appris la dureté de la vie, une certaine forme de discipline et le langage fleuri qui a marqué sa campagne. « C’est un petit gar-çon qui n’a pas reçu assez d’attention et qui n’a cessé depuis de chercher à en avoir », a dit de lui sa première femme, Ivana Trump.

Sa quête de célébrité ne date pas du succès de son émission de téléréalité « The Appren-tice ». Ses premiers pas dans le showbiz re-montent en effet aux années 1960, quand il di-rigeait la production d’une pièce à Broadway. Il a compris très tôt l’importance du nom, des apparences, et de la réputation dans la réus-site. En 1971, Donald Trump reprend l’entre-prise paternelle, choisit pour mentor l’avocat sans scrupules Roy Cohn, bras droit de Joseph McCarthy qui défendra le père et le fils Trump accusés de discrimination raciale par le gou-vernement.

En 1975, alors qu’il n’a encore rien accom-pli professionnellement, Donald Trump est

présenté à la télévision comme un jeune pro-moteur plein d’avenir. En quatre décennies, il transformera le groupe immobilier de loge-ments pour la classe moyenne en empire de tours résidentielles luxueuses, hôtels, casinos et golfs. Il a détenu jusqu’en 2015 la coproprié-té des concours Miss Univers et Miss USA.

Il a toujours su capter la lumière, occuper les gros titres des tabloïds, du New York Post au Daily News, par ses deux divorces, trois mariages et multiples aléas financiers. Il n’a eu de cesse, jusqu’à aujourd’hui, de fustiger des médias sans qui il ne pourrait pourtant être The Donald. Avant d’entrer en campagne, il commençait sa journée par passer la presse en revue, son nom souligné au marqueur jaune à chaque apparition dans les colonnes des jour-naux…

La réédition récente du livre de Harry Hurt Lost Tycoon, écrit en 1993, révèle combien l’homme d’affaires milliardaire, misogyne et mégalomane, a peu changé ces dernières dé-cennies. Le showman de 70 ans, qui assurait avec cynisme juste avant les primaires qu’il pourrait tirer sur quelqu’un au milieu de la Cinquième Avenue sans perdre le soutien d’un seul de ses électeurs, est l’homme qui vient d’être élu Président des Etats-Unis.

@EGuedel t

La seule perspective d’une victoire du candidat républicain a fait chuter le peso

Un cauchemar pour le MexiquePublié le 24/09/16Gilles Senges

Donald Trump est devenu le pire cauche-mar du Mexique. Plus encore que la baisse des cours du pétrole! Ces derniers jours, les cours du peso sont inversement corrélés aux sondages présidentiels aux Etats-Unis. Plus les chances du candidat républicain d’arriver à la Maison Blanche grimpent, plus la monnaie mexicaine se déprécie par rapport au dollar. La semaine dernière, le billet vert est ainsi pas-sé pour les particuliers au dessus de la barre psychologique des 20 pesos.

« Alors que toutes les devises des pays émergents, rouble inclus, se sont repris ces derniers temps avec le retour de l’appétit des investisseurs internationaux pour le risque et les rendements, la monnaie mexicaine souffre d’un incontestable effet Trump. Ce dernier re-présente un risque énorme pour le Mexique » relève Philippe Dauba-Pantanacce, senior éco-nomiste chez Standard Chartered.

Le candidat républicain a fait de ce pays l’une de ses cibles privilégiées. Il menace d’y expulser les 11 millions de sans-papiers vivant sur le sol américain, de construire un mur à la frontière commune, financé d’une manière ou d’une autre par le Mexique (soit volontai-rement, soit en bloquant les milliards de dol-lars envoyés au pays par les Mexicains installés aux Etats-Unis), et enfin d’instaurer des droits de douane de 35% sur les produits « made in Mexico ».

Or, les Etats-Unis sont le premier débou-ché pour le Mexique qui y réalise 80% de ses exportations. L’an dernier, les échanges entre les deux pays se sont montés à 583 milliards de dollars avec un déficit de 49 milliards pour la balance américaine, autrefois bénéficaire. Entre l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) et 2014, le déséquilibre aurait atteint les 177 milliards de dollars en cumulé.

Profitant d’une main d’oeuvre bon mar-ché, les entreprises américaines ont installé nombre d’ « usines tournevis » de l’autre côté de la frontière. On y trouve des constructeurs et équipementiers automobiles, des firmes aéronautiques, des fabricants de biens élec-troniques (écrans plats) etc. Le Mexique est ainsi devenu le quatrième exportateur mon-dial d’automobile et le premier devant le Japon pour ce qui est des pièces automobiles.

Enrique Peña Nieto, le Président mexicain, a bien tenté d’arrondir les angles en invitant Donald Trump à venir le voir cet été. Mais la rencontre a tourné au fiasco. Le candidat répu-blicain est reparti en assurant que cette visite n’avait en rien changé ses projets, ne faisant qu’écorner sérieusement l’image de son hôte.

@Gillesenges t

Comme Barack Obama, le nouveau Président républicain est opposé à l’engagement militaire des Etats-Unis à l’étranger et les « néocons » lui préféraient Hillary ClintonA l’international, l’inquiètude des néoconservateurs

Publié le 24/04/16En politique internationale, Donald Trump n’est pas là où on l’attend. Ses déclarations tonitruantes sur l’érection d’un mur avec le Mexique, la justification de l’usage de la tor-ture ou le refus de toute immigration musul-mane masquent l’essentiel : le candidat ré-publicain défend une ligne en complète rupture avec l’interventionnisme amé-ricain à l’étranger. Sur ce point, il s’inscrit beaucoup plus dans la continuité de Barack Obama que de George W. Bush.

Jean Dominique Merchet

Donald Trump, c’est la version américaine de la célèbre phrase du journaliste Raymond Cartier : « La Corrèze avant le Zambèze ». Lors d’une récente rencontre avec le Washington Post, Donald Trump a longuement exposé ses vues avec une grande franchise. « Nous avons construit des écoles en Irak et ils les ont fait ex-ploser. On en a reconstruit d’autres, ils les ont à nouveau fait exploser et on voudrait les re-construire une troisième fois. Du coup, on ne peut plus construire d’écoles à Brooklyn. On n’a plus d’argent pour l’éducation dans notre propre pays », explique-t-il.

Il martèle ses arguments : « Nous ne sommes plus un pays riche. Nous ne sommes plus un pays qui gagne. Nous n’arrivons même pas à vaincre Daech ». Il est temps, selon lui, de s’occuper des Américains plutôt que d’aller guerroyer sur toute la planète pour y imposer la vision américaine du monde. « Nous ne de-vons plus faire du nation building », de l’aide au développement démocratique des pays étran-gers. « Il est prouvé que ça ne marche pas » et « on ne peut plus se le permettre » alors que « nous sommes endettés à hauteur de 19 trillions et que nous devons reconstruire notre pays »,

conclut-il. Les analyses internationales de Trump

restent très sommaires, mais sa philosophie est claire : il veut que les nations alliées des États-Unis mettent la main au portefeuille et s’engagent plus dans les affaires qui les concernent directement. Il cite notamment l’Allemagne, l’Arabie saoudite, le Japon et la Corée du sud. S’il assure « ne pas vouloir se retirer de l’Otan », il considère que celui-ci « nous coûte une fortune », alors qu’il profite surtout aux autres, comme dans le cas des pays voisins de la Russie. Fin 2015, Donald Trump ne cachait d’ailleurs pas le respect que lui ins-pire Vladimir Poutine, « un dirigeant puissant » avec lequel il pourrait « probablement très bien s’entendre ».

Sur la forme, Trump est en totale opposi-tion avec Obama, mais sur le fond de sa poli-tique étrangère, il est plutôt une exagération, une radicalisation des choix de l’actuel hôte de la Maison Blanche. Comme lui - mais contrai-rement à Hillary Clinton - il était pour le moins réservé face à l’invasion de l’Irak en 2003. Élu pour sortir l’Amérique d’une « longue saison de guerre », Barack Obama n’a eu de cesse de ré-sister aux pressions de son Administration en faveur de nouveaux engagements militaires, comme il le rappelait récemment à propos de la Syrie, dans un entretien à The Atlantic.

Là où le président sortant a donné la prio-rité à la protection sociale (Obamacare) ou au sauvetage de l’industrie automobile, l’aspi-rant candidat républicain veut reconstruire les infrastructures et sauver les emplois. Sur tous ces points, Donald Trump s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, quitte à la carica-turer en la poussant jusqu’à l’isolationnisme et au protectionnisme.

Aux États-Unis, comme en Europe, l’in-quiétude gagne les partisans du leadership américain, déjà fortement échaudés par la

politique d’Obama. La journaliste Anne Appel-baum, une figure du néoconservatisme, esti-mait récemment dans le Washington Post que Trump incarnait « la fin de l’Occident tel qu’on l’a connu ». Historiquement issus du parti dé-mocrate (1), les « néocons » pourraient, pour certains d’entre eux au moins, regagner le ber-cail si Trump emporte la primaire. D’autant que l’interventionnisme d’Hillary Clinton, bri-dé par Barack Obama lorsqu’elle était sa secré-taire d’Etat (2008-2012), comme sa proximité supposée avec Wall Street, leur conviendraient finalement assez bien.

Sauf que Donald Trump n’est pas toujours là où l’on attend. On sait combien le lobby pro-israélien est influent dans les cercles néocon-servateurs, en constituant l’ossature la plus ancienne et la plus solide. C’est là que Donald Trump vient de réussir un coup de maître. Lundi 21 mars, il était, comme les autres can-didats, l’invité de l’American Israel Public Affairs Committee (Aipac), le grand lobby pro-israélien. « Il est entré dans la salle comme un démagogue raciste et il en est ressorti certifié cachère » constate, amer, le journaliste libéral israélien Chemi Shalev dans Haaretz, qui com-pare l’orateur à un « joueur de flûte ».

En janvier, Trump - dont la fille Ivanka s’est convertie au judaïsme - promettait encore d’être « neutre » dans le conflit israélo-pales-tinien, ce que dénonçait Hillary Clinton pour qui « la sécurité d’Israël n’est pas négociable ». Deux mois plus tard, le favori de la primaire républicaine dit à son auditoire exactement ce que celui veut entendre : qu’il « démantèlera » l’accord nucléaire avec l’Iran, qu’il reconnaî-tra Jérusalem comme « capitale éternelle » du peuple juif ou que Barack Obama a été le pire président américain pour Israël. Comme l’écrit Haaretz, ce discours constitue peut-être le « tournant sur la route qui mène à l’ère Trump ».

@jdomerchet t

Depuis le début de la campagne à l’investiture républicaine, le milliardaire multiplie les attaques contre la seconde puissance économique mondiale. Il reste néanmoins assez apprécié à PékinDonald Trump et la Chine jouent à « Je t’aime, moi non plus »

Publié le 29/05/16Le candidat à l’investiture républicaine bénéficie d’une cote de popularité assez élevée auprès des Chinois. Il la doit no-tamment au succès de son émission de téléréalité The Apprentice qui a susci-té un grand engouement dans le pays. Aujourd’hui, ses fans chinois n’hésitent pas à créer des sites pour le soutenir dans son entreprise électorale.

Claude Leblanc

La chaîne d’information américaine Fox News dénonçait « l’obsession maladive » de Donald Trump pour Megyn Kelly. Mais la journaliste ne constitue pas l’unique cible de Donald Trump qui a construit sa campagne sur le principe de la dénonciation, ce qui le fait apparaître aux yeux de ses nombreux détracteurs comme un personnage obsédé.

Parmi ses « obsessions », la Chine figure en bonne place : le milliardaire manque rarement une occasion de s’en prendre à la seconde puis-sance économique de la planète. C’est telle-ment vrai qu’un petit plaisantin s’est amusé à réaliser un montage de 3 minutes de moments où Trump prononce le mot « China », parfois sur un ton haineux. La vidéo a été vue plus de 5,3 millions de fois sur YouTube.

Le candidat ne manque pas d’arguments contre ce pays avec lequel, dit-il, « les Etats-Unis enregistrent un déficit commercial de 500 milliards de dollars par an ». Il l’accuse d’avoir contribué « à faire disparaître des millions d’emplois productifs sur le sol amé-ricain », de manipuler le cours du yuan pour « affaiblir la base industrielle des Etats-Unis » et de construire « une Grande muraille protec-

tionniste qui empêche les entreprises améri-caines de pénétrer le marché chinois ».

Pour ramener la Chine sur le droit che-min, il défend l’idée d’imposer des droits de douane allant jusqu’à 45 % sur les importations chinoises. Cette approche pour le moins sim-pliste a pour objectif de frapper les esprits des électeurs qui placent, avec les questions de sécurité, l’économie et l’emploi en tête de leurs préoccupations d’après l’institut Gallup.

Malgré ces attaques répétées, les autorités chinoises ont jusqu’à présent évité de réagir. « Je ne prends pas les discours électoraux trop au sérieux », expliquait récemment le ministre des Finances Lou Jiwei dans un entretien ac-cordé au Wall Street Journal. Même si le grand argentier chinois a ajouté que Donald Trump serait « un type irrationnel » s’il mettait en œuvre ses mesures commerciales contre la Chine, il n’a pas cherché à s’en prendre davan-tage à celui qui dirigera peut-être la première puissance mondiale. Il s’est peut-être souvenu du proverbe chinois : « Qui m’insulte en face peut-être un honnête homme et mon ami. » Dans un pays où l’on attache une certaine importance aux paroles pleines de sagesse, l’image du candidat républicain n’est pas aussi mauvaise qu’on pourrait l’imaginer, malgré ses charges répétées contre la Chine.

Pragmatisme. Fin mars, le quotidien

anglophone Global Times, organe du gouver-nement chinois, a même publié un sondage créditant Donald Trump de 54 % de bonnes opinions. Sa réussite en tant qu’homme d’af-faires y est pour beaucoup. Bon nombre de responsables chinois voient aussi en lui un homme « plus pragmatique que dogmatique », à la différence d’une Hillary Clinton qui, pour sa part, a critiqué leur pays sur deux sujets sen-

sibles à leurs yeux : les Droits de l’Homme et la situation en mer de Chine. Ils se souviennent que l’ancienne ministre des Affaires étrangères a activement participé à la définition de la stra-tégie américaine du « pivot » vers l’Asie.

Trump, lui, se limite pour l’instant aux aspects économiques des rapports sino-amé-ricains. Les leaders chinois sont persuadés que le milliardaire aura à cœur de négocier et de trouver un compromis avec Pékin sur les ques-tions économiques, comme le ferait n’importe quel chef d’entreprise.

Les Chinois sont d’autant plus enclins à ne pas trop montrer leur agacement à l’encontre des déclarations tonitruantes de Donald Trump que ce dernier a récemment expliqué qu’il pourrait réduire la présence militaire des Etats-Unis au Japon ou en Corée du Sud, si les deux principaux alliés de Washington dans la région ne mettaient pas davantage la main à la poche. La perspective ne peut que satisfaire les dirigeants chinois qui souhaitent renfor-cer l’influence de leur pays dans cette partie du monde et se heurtent à la concurrence des Japonais.

La transition économique mise en œuvre par Xi Jinping en faveur d’une économie fon-dée davantage sur la consommation que sur les exportations devrait, estime-t-on en Chine, faciliter les relations avec un Donald Trump obsédé par leur dimension commerciale. Ce dernier a d’ailleurs montré qu’il était capable de surmonter son « obsession maladive ». Le 13 avril, il a eu un tête-à-tête avec Megyn Kelly, au cours duquel « nous avons eu l’occasion de clarifier la situation », a expliqué la jour-naliste. De quoi apporter de l’eau au moulin des Chinois, moins anti-Trump que beaucoup d’Américains.

@Japonline tHors série mercredi 09 novembre 2016 l’Opinion 3

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Aux Etats de décider.

Retrait de l’Organisation mondiale du commerce. Renégociation de l’accord de libre-échange nord américain avec le Mexique et le Canada. Opposition au Traité transpacifique (TPP). Instauration de droits de douane de 45% avec la Chine et de 35% avec le Mexique.

Réduction du taux d’imposition le plus élevé de 39,6 à 33%. Instauration de trois taux d’imposition sur les revenus de 12%, 25% et 33%.

Salaire minimum

Commerce international

Fiscalité (particuliers)

Fiscalité (entreprises)

Dépenses

Energie

SON PROGRAMME

$$

$$

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Réduction du taux d’imposition à 15%.Instauration d’une taxe de 10% sur la repatriation des liquidités détenues à l’étranger.

Programme d’infrastructures (non chiffré).

Rétablissement du Glass-Steagall Act, instaurant la séparation entre les activités de banque de détail et d’investissements.

Services financiers

Immigration

SantéSuppression de l’Obamacare.

Construction d’un mur avec le Mexique. Lutte contre l’immigration illégale. Restriction sur l’immigration qualifiée

Feu vert à la construction du pipeline Keystone avec le Canada. Maintien de l’autorisation à l’exploitation de pétrole et de gaz de schiste.

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SOURCES : STANDARD CHARTERED RESEARCH

4 l'Opinion mercredi 09 novembre 2016

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Les engagements du candidat républicain d’imposer notamment des taxes aux produits en provenance de Chine et du Mexique pourraient déclencher une guerre tarifaire. Sans que le Congrès américain ne puisse intervenir

Economie : un programme ultra-protectionnistePublié le 25/09/16Avec le premier face à face télévisé entre Hillary Clinton et Donald Trump, la cam-pagne pour la Présidence des Etats-Unis entre dans le vif du sujet. Au delà du choc spectaculaire entre deux personnalités que tout oppose, il devrait être question de pro-grammes. Longtemps pris à la légère par les marchés qui ne croyaient pas jusque là à sa victoire, celui de Donald Trump s’annonce très radical.

Gilles Senges

Surpris en juin dernier par le résultat du ré-férendum sur la sortie de la Grande-Bretagne

de l’Union européenne, les investisseurs entendent bien ne pas faire la même erreur à l’occasion de l’élection à la présidence des Etats-Unis. « Donald Trump peut être un nou-veau Brexit » estime Thomas Costerg, écono-miste chez Standard Chartered à New York qui sent monter l’inquiétude parmi les clients de la banque.

Sujet toxique. « Les marchés, comme les

sondages, n’anticipent pas l’élection du candi-dat républicain mais ce scénario pourrait ce-pendant avoir des répercussions importantes sur l’économie américaine » préviennent Michael Aflalo et Mabrouk Chetouane, chez BFT Investment Managers, filiale d’Amundi, le géant de la gestion d’actifs. « Une victoire de

Donald Trump viendrait à réduire le potentiel de croissance des Etats-Unis » ajoutent-ils.

Le volet « commerce international » du programme économique du candidat répu-blicain focalise toutes les inquiétudes. « Il a réussi à en faire un sujet toxique », relève Tho-mas Costerg, co-auteur d’un rapport intitulé « US 2016 elections-Fear and Frustration ». La « peur » réside essentiellement dans les pro-positions ulra-protectionnistes de l’homme d’affaires new yorkais qui ne sont pas rappeller la loi Hawley-Smoot, adoptée l’année suivant le crash de 1929, instaurant une augmenta-tion des droits de douane sur plus de 20000 produits. Ce qui avait déchaîné une guerre tarifaire à travers le monde, l’enfonçant plus encore dans la crise.

En la matière, les engagements du candidat républicain sont radicaux. Il envisage de sortir les Etats-Unis de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), de remettre en cause l’ac-cord de libre-échange nord- amércain (Alena) conclu avec le Canada et le Mexique en 1994, de ne pas donner suite au traité TransPacifique (TPP), négocié l’an dernier avec onze pays d’Asie-Pacifique, d’user de représailles contre les pays usant de « dévaluations compétitives» pour accroître leurs exportations et d’imposer jusqu’à 45% de taxes aux produits en prove-nance de Chine et de 35% pour ceux venant du Mexique...

Même si certaines mesures pourraient être atténuées au moment de leur mise en appli-cation, la menace est à prendre au sérieux. D’abord parce qu’elles seraient bien accueil-lies par l’opinion publique américaine. Ensuite parce que le Congrès, même s’il le voulait, ne pourrait s’y opposer. Le commerce est un domaine dans lequel tout Président des Etats-Unis quel qu’il soit dispose de très larges pou-voirs pouvant aller jusqu’au gel voire la saisie de biens étrangers.

Elu, Donald Trump pourrait donc mettre son programme à exécution avec l’aval de ses concitoyens, devenus hostiles au libre-échange. Dans un sondage réalisé, en mars, par Bloomberg, 65% des personnes interro-gées se disaient favorables à l’imposition de restrictions au commerce international, 44% jugeaient négatif l’accord conclu par leur pays avec le Canada et le Mexique (contre 29% d’avis favorables) et 82% se montraient prêtes à payer plus cher pour des produits « made in USA ». Pire, 68% d’entre elles préféraient accueil-lir près de chez elles une usine américaine employant 1000 personnes qu’un site chinois offrant 2000 emplois!

«Tout cela pourrait provoquer des repré-sailles des partenaires commerciaux des Etats-Unis et déclencher une guerre des tarifs qui entraînerait l’économie américaine dans la récession et couteraît leur travail à des millions d’Américains » prévient un récent rapport du Peterson Institute for International Econo-mics (PIIE). « Une bataille avec le Mexique et la Chine aurait des effets dont les gens n’ont pas idée! » assurre Marcus Noland, l’un des auteurs de l’étude.

Ralentissement économique. Dans le

scénario le plus noir, avec l’instauration de droits de douane de 45 et 35% pour la Chine et le Mexique, les spécialistes de PIIE estiment qu’une guerre commerciale ouverte avec ces deux pays pourrait déboucher sur la perte de 4,8 millions d’emplois aux Etats-Unis, pertur-ber la production de certains produits améri-cains comme l’iPhone d’Apple et provoquer une entrée en récession du pays en 2019. Re-noncer au TPP, comme semble le vouloir aussi Hillary Clinton, serait faire une croix sur des recettes annuelles de 77 à 123 milliards de dol-lars, déplorent-ils.

Déjà, le prochain président des Etats-Unis devra faire face à un ralentissement écono-mique, estime Standard Chartered qui voit le cycle actuel de croissance toucher à sa fin, avec un rythme de progression annuel à venir de 1% conre une moyenne de 2% depuis la reprise en-registrée fin 2009. La banque s’inquiéte aussi des positions radicales de Donald Trump sur l’immigration alors que la population améri-caine est vieillissante et qu’une réduction des visas sur la main d’oeuvre hautement qualifiée pourrait impacter dangereusement la Silicon Valley et Wall Street.

« Si des expulsions massives sont appli-quées, la diminution de la population en âge de travailler estimée à 5,3% réduira de fait la croissance potentielle des Etats-Unis » abonde Mabrouk Chetouane chez BFT Investment Ma-nagers. La société de gestion voit par ailleurs dans la relance budgétaire prônée par Donald Trump un soutien pour la croissance à court terme mais une menace pour la dette améri-caine qui pourrait dépasser les 100% du PIB à l’horizon 2020.

Si l’on ajoute que s’il était élu, il reviendrait à Donald Trump le choix de désigner un(e) remplaçant(e) à Janet Yellen dont le mandat à la tête de la Réserve fédérale se termine au début de 2018, les marchés pourraient avoir du souci à se faire.

@Gillesenges t

Hors série mercredi 09 novembre 2016 l’Opinion 5

6 l’Opinion mercredi 9 novembre 2016

Les 11 invités surprises de la campagne

Le patron du FBI aurait voulu relancer la cam-

pagne électorale donnée perdue pour Donald

Trump, à quelques jours du scrutin, qu’il ne

s’y serait pas pris autrement ! Accusé jusque-là

par le candidat républicain d’être à la solde de

sa rivale démocrate, il se retrouve aujourd’hui

dans le collimateur d’Hillary Clinton et de son

camp pour avoir remis sur la table l’afaire des

courriels de l’ancienne secrétaire d’Etat.

James Comey1

Megyn Kelly2

Candidate à la primaire du Parti républicain,

l’ancienne patronne de Hewlett Packard fait à

son tour l’objet de propos dégradants de la part

de Donald Trump qui avait moqué son visage.

« Pouvez-vous imaginer que cela soit le visage de

notre prochain président ? » s’était-il demandé

devant les journalistes de Rolling Stone.

Coanimatrice du premier débat oppo-

sant les candidats à l’investiture du Parti

républicain, la journaliste de Fox News a

eu le tort de pousser Donald Trump dans

ses retranchements en l’interrogeant

sur ses propos sexistes. « Il y avait du

sang qui sortait de ses yeux, du sang qui

sortait d’elle... de partout », avait-il dit

par la suite, provoquant une nouvelle

polémique.

Carly Fiorina

Repérée sur Instagram par l’équipe d’Hillary Clinton, la photo de cette ancienne Miss

Univers vénézuélienne fêtant sa naturalisation américaine avec un petit drapeau

des Etats-Unis marque le vrai début des ennuis de Donald Trump. Traitée de « Miss

Cochonne » par celui qui était alors organisateur de concours de reines de beauté, la

« belle » s’est vengée en s’invitant dans le premier débat télévisé.

En oubliant de couper les micros de

Donald Trump, lors d’un enregistrement datant

de 2005, alors que ce dernier tenait des « propos

de vestiaire » sur les femmes, Billy Bush, jour-

naliste de télévision, neveu et cousin des 41e et

43e présidents des Etats-Unis, a déinitivement

mis en diiculté le candidat républicain.

alicia machado4

Billy Bush5

Jusqu’à la convention de cet été, le sénateur du Vermont - illustre

inconnu auparavant – a disputé âprement l’investiture démocrate à Hil-

lary Clinton. Les amabilités n’ont pas manqué entre les deux, gâchant

la campagne de l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama qui

s’attendait à un parcours facile.

Bernie sanders6

Le fondateur de Wikileaks qui avait

promis de gâcher la campagne d’Hillary

Clinton a tenu sa promesse. Depuis des mois,

la candidate démocrate vit au rythme de

la publication d’e-mails compromet-

tants, dont plus de 30 000 messages et

pièces jointes envoyés et reçus lors de

son passage à la tête de la diplomatie

américaine.

Julian Assange7

Faute d’avoir pu

sortir son ils Jeb des

grifes de Donald

Trump, le 41e pré-

sident des Etats-Unis

a laissé fuiter le fait

qu’il ne voterait pas

pour le candidat de

son parti mais pour

l’épouse de Bill Clin-

ton - celui-là même

qui l’avait empêché

de faire un second

mandat en le battant

à l’élection présiden-

tielle de 1992.

En dénonçant les « valeurs new-yorkaises » lors

d’un débat télévisé, Ted Cruz visait bien évidem-

ment Donald Trump, son grand rival dans la

primaire républicaine. Cela n’a pas plu à l’ancien

maire de New York (1994-2001) qui s’est aussitôt

rallié à la candidature de l’ancien promoteur

dont il ne partageait pas, jusque-là, la plupart

des idées.

Rudy Giuliani9

Rarement candidat

indépendant à la Maison

Blanche aura été à telle

fête ! Donald Trump

inspire un tel rejet dans la

communauté mormone, à

laquelle il appartient, que

cet ancien agent de la CIA

pourrait jouer les trouble-

fêtes dans son Etat natal de

l’Utah, avec un sondage lui

attribuant plus de

20 % des voix.

Il ne manquait plus que lui dans le grand déballage

provoqué par Donald Trump ! Comme il l’avait fait avec les

ennemis de Bill Clinton, quand les républicains voulaient

le destituer en 1998, le « roi américain du porno » a décidé

d’ofrir 1 million de dollars à qui lui procurerait des vidéos ou

des enregistrements embarrassants pour l’homme d’afaires

new- yorkais. Sans résultat jusqu’ici. Mais il reste quelques

jours avant le vote…

@Gillesenges t

Evan McMully10

Larry Flint11

3

Guest stars

Du patron du FBI à Miss Univers en passant par le président George Bush senior ou Julian Assange, de nombreux personnages se sont retrouvés mêlés à la course à la

Maison Blanche.

Gilles Sengès

PHOTOS : SIPA PRESS

George H. W. Bush8

BEY MEDIAS PRESSE & INTERNET SASU - 14, rue de Bassano, 75116 Paris - www.lopinion.fr - Actionnaire : Bey Médias SAS. Président, directeur de la publication : Nicolas Beytout. Rédacteur en chef : Rémi Godeau. Rédacteur en chef adjoint : Olivier Auguste. BEY MEDIAS PUBLICITÉS - Tél : 01 40 69 46 96 - Fax : 01 40 69 46 59. Directrice de la régie publicitaire : Brune Le Gall. Publicité commerciale : Ronan Daligault,

Pierre-Louis Orsini. Publicité financière : Nicolas Wattinne. Directeur de la diffusion : Vincent Hirtz. SERVICE ABONNEMENTS L’OPINION : 4, rue de Mouchy 60438 Noailles Cedex - Tél : 01 55 56 70 73 du lundi au vendredi de 9h à 18h - Email : [email protected]. Formule d’abonnement pour 1 an – France métropolitaine : 342 €. IMPRESSION : Paris Offset Print (La Courneuve) ; Méditerranée Offset Presse (Vitrolles). Dépôt légal mai 2013 – ISSN : 2266-9922 / CPPAP : 0718 C 91894

La fabrique deL’invité du 14 Bassano

Le terrorisme, au centre de la bataille Trump-ClintonJulien Vaulpré : « Les saillies de Trump sont sa force. Elles lui permettent de se mouvoir librement face à Hillary Clinton certes très préparée mais statique ».

L’attentat d’Orlando, qui a fait plus de 50 victimes en juin 2016, a relancé le débat sur la lutte anti-terroriste aux Etats-Unis

SIPA PRESS

Me m b r e d u « Yo u n g leader program  » de la French American Foundation, président de Taddeo, Julien Vaul-pré analyse les chances de chacun, à la veille

des conventions démocrates et républicaines de juillet et après l’attentat d’Orlando, qui bou-leverse l’Amérique.

Hillary Clinton va-t-elle entamer la der-nière ligne droite très diminuée ?

Hillary Clinton n’a jamais été à l’aise en campagne. Sa première bataille électorale comme sénatrice de l’Etat de New York en 2000 s’était déjà avérée particulièrement âpre. Pour les Américains, « she is good in office, bad in campaign » (forte au pouvoir, mauvaise en campagne). La compétence, la parfaite connaissance des dossiers, un leadership personnel incontestable en font une femme de pouvoir très appréciée. En revanche, la campagne est un exercice dans lequel elle est jugée trop distante, pas assez humaine, ni empathique, très « crispée » lors de ses inter-ventions médias, laissant trop peu de place à la spontanéité. Pendant ces primaires, outre un adversaire plus coriace que prévu, elle a aussi eu à faire face à la polémique sur l’utilisation de sa boîte e-mail personnelle pour traiter des affaires nationales lorsqu’elle était secrétaire d’Etat. Cet épisode a réactivé un problème fondamental des Clinton : le goût du secret. Le sentiment qu’ils ont toujours quelque chose à cacher fait apparaître le clan Clinton comme la force manichéenne de la politique américaine.

Quel va être maintenant son défi ?

Dans l’immédiat, il s’agit de rassembler le Parti démocrate et de réussir la convention de Philadelphie en juillet. Pour ce faire, il lui est indispensable de neutraliser Bernie Sanders. Après avoir attaqué sans relâche la candidate Clinton, celui-ci entend maintenant peser sur le programme du Parti démocrate avec ses propositions phares (hausse du salaire mini-mum à 15 dollars, interdiction de la fractura-tion hydraulique pour l’exploitation du gaz de schiste...). Le scénario noir pour Hillary Clinton serait que Bernie Sanders participe à la convention démocrate, y prononce un dis-cours d’opposant sans lui apporter son sou-tien. Cela dit, les circonstances liées à l’attentat d’Orlando vont probablement obliger Sanders à plus d’unité et plus rapidement que ce qu’il avait envisagé initialement. Le deuxième défi sera de lutter contre ce que les Américains ap-pellent une « Clinton fatigue ». Hillary Clinton fait partie du paysage politique depuis environ 25 ans. Elle incarne la caste capitaliste domi-nante et apparaît comme un « dinosaure » aux yeux de la jeune génération, les millennials, qui ont massivement voté Sanders. Elle doit donc donner un nouveau souffle à sa campagne et porter, à défaut de surprise, un enthousiasme plus fort que jusqu’à présent. Enfin, il lui fau-dra ressusciter la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir et mobiliser pleinement plusieurs segments électoraux décisifs, tradi-tionnellement acquis aux démocrates : les mi-norités noires et latinos, mais aussi les femmes célibataires. Elle doit parvenir à convaincre les jeunes et les indépendants qui jusqu’à présent se sont détournés d’elle. Une forte abstention de leur part donnerait de facto un avantage trop important à Donald Trump.

A-t-elle besoin de Barack Obama ou plutôt de Bernie Sanders ?

Le soutien de Barack Obama lui est acquis. Mais si l’avoir est une condition indispensable, il ne crée pas un avantage concurrentiel. S’il bénéficie d’une cote de popularité correcte, le président sortant est jugé très négativement sur les questions économiques. Sa politique

étrangère ne manquera pas d’être remise en question à la suite de l’attaque terroriste d’Or-lando. Le soutien de Bernie Sanders est plus difficile à obtenir mais aurait un poids beau-coup plus important. Aujourd’hui seuls 66 % des électeurs de Sanders se reportent sur Hil-lary Clinton. Pour ce faire, elle devra continuer à se rapprocher de ses positions comme elle l’a déjà fait, en s’opposant à la construction de l’oléoduc géant Keystone XL reliant les gi-sements de l’Alberta canadienne au golfe du Mexique ou bien au traité de libre-échange avec les pays riverains du pacifique pourtant souhaité par Barack Obama.

Les démocrates américains traversent-ils une crise similaire à celle de la sociale démocratie européenne ?

Ce qui se passe chez les démocrates amé-ricains va au-delà d’une compétition de per-sonnalités. Le phénomène Sanders prend sa source dans un pays marqué par la révolu-tion néolibérale de Ronald Reagan et l’avène-ment, dans les années quatre-vingt-dix, de la troisième voie, c’est-à-dire d’un recentrage politique du parti démocrate opéré par le Démocratic Leadership Comitee et incarné par Bill Clinton qui ont transformé l’idéologie démocrate en une variante du libéralisme éco-nomique. C’est Bill Clinton qui, pour séduire l’électorat modéré républicain, sera à l’origine de la dérégulation des marchés financiers et des traités de libre-échange. La toute-puis-sance de Wall Street, c’est aussi son œuvre - ce qui rend particulièrement pertinentes et fé-roces les attaques de Sanders sur la proximité d’Hillary Clinton avec Goldman Sachs. Alors que cette troisième voie a dominé la gauche américaine pendant vingt ans, la poussée de Bernie Sanders met en quelque sorte fin à son hégémonie politique. En Grande-Bretagne, le parti travailliste avec l’élection de Jeremy Corbyn semble connaître une évolution com-parable. En revanche, ce n’est pas le cas dans toute l’Europe, notamment en France ou en Italie qui n’ont pas connu à proprement par-ler ni de révolution néolibérale, ni d’ailleurs de troisième voie. Dans ces pays, la crise de la social-démocratie est avant tout celle de l’Etat providence qui est désormais sans moyen.

Donald Trump est-il devenu le favori ?

Hillary Clinton reste la favorite mais pour combien de temps ? Si l’on s’en tient aux don-nées, la démographie, l’état de l’économie et le niveau d’approbation de Barack Obama, elle devrait l’emporter. Les derniers sondages la donnent gagnante face à Trump même s’il est vrai que l’écart s’est considérablement réduit depuis les dernières semaines. Par ailleurs, tous les modèles de prédiction économétrique les plus sophistiqués la donnent victorieuse à plus de 70 %. Si l’on estime également que l’électeur américain est avant tout un modéré, un électeur « middle of the road », alors elle devrait l’emporter. Cependant, ces calculs

sont basés sur une compétition politique qui se déroulerait de façon traditionnelle. Or, Trump brise jour après jour le schéma politique clas-sique en disposant de deux puissants moteurs : les Américains semblent prêts à rejeter la configuration politique des quarante dernières années ; il se présente comme le candidat des perdants de la mondialisation, de plus en plus nombreux. Enfin, l’attentat d’Orlando devrait, au moins dans un premier temps, favoriser Trump « le shérif », lui qui ne cesse de récla-mer une surveillance renforcée des mosquées américaines.

Est-ce la victoire des Tea Party ?

Idéologiquement ce n’est pas le cas. Si le Tea Party a des éléments communs avec Donald Trump comme le fait de bousculer le système politique, les différences sont réelles. Le Tea Party est un adepte du Small Governe-ment, il est soucieux des déficits, et se méfie des pouvoirs du Président. Trump a lui déjà affirmé ne pas vouloir remettre en cause la réforme du médicare et l’on peut penser qu’il n’adoptera pas une présidence modeste. Les Tea Party sont avant tout des conservateurs très attachés aux principes, à la constitution et notamment à la liberté telle qu’elle a été envisagée par les pères fondateurs. Donald Trump est un populiste dont les principes se résument à ce qu’il dit et ce qu’il est. Ils se re-trouvent néanmoins sur des sujets communs comme l’immigration. Après l’échec du « com-passionate conversatism » qui avait présidé à l’élection de George Bush en 2000, la désas-treuse invasion de l’Irak et le fait que l’élite républicaine a été exclusivement incarnée par une gentry blanche et riche, le Tea party était le premier avertissement de la base envers le parti républicain. Mais ce mouvement s’est caricaturé avec les excès de Sarah Palin et les défaites lors des deux dernières élections pré-sidentielles, empêchant ainsi un recadrage serein du parti républicain. Donald Trump a surgi dans ce vide.

Donald Trump va-t-il désormais se recen-trer ?

C’est ce que l’on pouvait attendre, mais là aussi c’était compter sur un schéma politique connu. Au cours des derniers jours et alors qu’il venait d’engranger les soutiens du parti républicain, Trump n’a pas pris le chemin de la modération. Ces saillies sont d’ailleurs sa force permettant de se mouvoir librement face à Hillary Clinton certes très préparée mais sta-tique. La modération comme la cohérence ne semblent faire partie de sa stratégie de cam-pagne ni des attentes de ses électeurs. Mais il devra démontrer qu’il n’est pas un choix dan-gereux pour l’Amérique.

Publié le 17/07/16

Ludovic Vigogne@LVigogne t

ChroniqueBenjamin Haddad

Quand les faits deviennent partisans

Un sondage offre un éclairage stupéfiant sur l’étrange campagne présidentielle américaine. Selon l’institut YouGov, seuls 45 % des Américains croient qu’Hillary Clinton a souffert de pneumonie, l’explication officielle offerte par la campagne après le malaise de la candidate lors des cérémonies du 11 septembre. Pire, 46 % des sondés pensent qu’elle ment. Le sondage montre le peu de crédit accordé à Hillary Clinton par une grande partie du public américain.

Routarde de la politique depuis trois décennies, la candidate démo-crate en est venue à incarner, aux yeux de l’électorat républicain mais aussi d’une partie de la base démo-crate qui a préféré soutenir Bernie Sanders, les conflits d’intérêts et le lobbying qui entraveraient le bon fonctionnement de la démocratie américaine. Discours rémunérés devant les grandes banques d’affaires, opacité lors de l’affaire des e-mails, mélange des genres à la Fondation Clinton : les éléments ne manquent pas pour douter de la transparence de la machine Clinton.

Mais au-delà du cas Clinton, le sondage relève une tendance croissante de nos démocraties à ne pouvoir s’accorder sur la nature même des faits, y compris dans les cas les plus extravagants. Plus de 40 % des électeurs républicains par exemple persistent à croire que Barack Obama est né au Kenya.

Comment expliquer ce phé-nomène ? La multiplication des sources d’information, réseaux sociaux, chaînes d’info en continu n’a pas contribué à susciter un débat plus éclairé. Au contraire, les consommateurs d’information, submergés par un barrage de données contradictoires, se réfugient vers des sources qui confirment leur biais initial : éditorialistes conservateurs ou progressistes, Fox News pour les républicains, MSNBC pour les démocrates quand les deux camps auraient autrefois regardé le même JT. Les médias s’adaptent et offrent une information personnalisée, orientée. Même un moteur de recherche comme Google adapte aujourd’hui ses résultats à l’historique de recherche de l’utilisateur.

De plus, rumeurs, informations fausses voire conspirationnistes trouvent désormais un écho plus large grâce à Internet, quitte a être parfois relayée par des médias de grande écoute ou des candidats. Trump s’en est fait l’expert, allant jusqu’à accuser le père cubain de Ted Cruz, l’un de ses adversaires de la primaire républicaine d’être lié à l’assassinat de Kennedy, une intox sans aucun fondement née sur un site d’extrême droite.

Le statisticien et politologue Nate Silver étudie ce phénomène dans son livre The Signal and The Noise mettant en garde contre le risque de polarisa-tion croissante et de diffusion d’idées fausses en cas de mauvaise maîtrise des nouveaux flux d’information. Le problème n’est pas neuf : l’invention de l’imprimerie au XVe siècle portait l’espoir d’un accès plus large aux idées et au savoir scientifique. Elle fut suivie d’une siècle et demi de guerre de religions. Comme le note Silver, les imprimeurs les plus zélés furent d’abord ceux qui cherchaient à convertir à de nouvelles doctrines religieuses.

Publié le 27/09/16

Hors série mercredi 09 novembre 2016 l’Opinion 7