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Les personnes seules âgées de 65 ans et plus et vivant de l’insécurité alimentaire et leur recours aux services d’aide alimentaire, dans le quartier Limoilou, Québec Mémoire Mijanou Bourque Bouliane Maîtrise en santé communautaire Maître ès sciences (M.Sc.) Québec, Canada © Mijanou Bourque Bouliane, 2015

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Les personnes seules âgées de 65 ans et plus et vivant de

l’insécurité alimentaire et leur recours aux services d’aide

alimentaire, dans le quartier Limoilou, Québec

Mémoire

Mijanou Bourque Bouliane

Maîtrise en santé communautaire

Maître ès sciences (M.Sc.)

Québec, Canada

© Mijanou Bourque Bouliane, 2015

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RÉSUMÉ

Nous vivons au Québec un phénomène de vieillissement de la population. Or, plusieurs aînés

souffrent d’insécurité alimentaire. Peu d’entre elles recourent aux services d’aide alimentaire

mais leurs motifs sont méconnus. La présente étude vise à documenter les stratégies d’accès

alimentaire des personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules au sein de la communauté, et

vivant de l’insécurité alimentaire, dans le quartier Limoilou, et à mieux comprendre leur

recours et leur non-recours aux différents types de services d’aide alimentaire (banques

alimentaires, cuisines collectives, etc.). La réalisation de deux vagues de 14 entretiens

individuels avec des personnes âgées vivant seules dans le quartier Limoilou a permis

d’approfondir ces données. Les résultats de cette étude suggèrent des pistes de recherche

intéressantes ainsi que des pistes d’intervention pour améliorer leur accès aux aliments et

adapter les services d’aide alimentaire aux besoins et réalités des personnes âgées.

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ABSTRACT

We are currently experiencing an aging of the population in the province of Québec. Even

though many elders are food insecure, very few of them resort to food aid programs.

However, the reasons behind this low take-up are unknown. This study aims to document the

food access strategies used by food insecure lone elders living in the Limoilou neighborhood

and to better understand the motives behind their use and non-use of several types of food aid

programs (food banks, collective kitchens, etc.). We carried out two waves of fourteen

individual interviews with food insecure lone elders from Limoilou, which deepened our

understanding of their experience. The results of this study suggest interesting avenues for

research and intervention to facilitate their access to food and adapt food aid programs to the

elders’ needs and realities.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ .................................................................................................................................. iii

ABSTRACT ............................................................................................................................... v

TABLE DES MATIÈRES ...................................................................................................... vii

LISTE DES FIGURES ............................................................................................................. ix

REMERCIEMENTS ................................................................................................................. xi

INTRODUCTION ..................................................................................................................... 1

CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE ET RECENSION DES ÉCRITS .................................... 5

1.1 Historique, définition du concept d’insécurité alimentaire et de sécurité alimentaire et

concepts connexes ............................................................................................................. 5

1.2 Les déterminants de la sécurité alimentaire ................................................................ 9

1.2.1 Les déterminants individuels de la sécurité alimentaire .......................................... 9

1.2.2 Les déterminants collectifs de la sécurité alimentaire ............................................. 9

1.3 L’insécurité alimentaire et les personnes âgées : un aperçu de l’état des

connaissances .................................................................................................................. 12

1.3.1 Le revenu et l’isolement social au cœur de l’expérience de l’insécurité

alimentaire chez les personnes âgées .......................................................................... 12

1.3.2 L’état de santé des personnes âgées et l’insécurité alimentaire ......................... 14

1.3.3 Le manque de connaissances nutritionnelles et d’habiletés culinaires et

l’insécurité alimentaire ................................................................................................. 16

1.3.4 Les stratégies d’accès et de gestion alimentaire ................................................. 17

1.4 Les services d’aide alimentaire et les personnes âgées ......................................... 18

1.5 Objectifs et questions de recherche ....................................................................... 21

CHAPITRE 2. CADRE CONCEPTUEL ................................................................................. 23

CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE ......................................................................................... 27

3.1 Devis de recherche .................................................................................................... 27

3.2 Justification et description du milieu et de la population choisis ............................. 27

3.3 Méthodes de collecte des données ............................................................................ 33

3.3.1 Observation participante ...................................................................................... 33

3.3.2 Entrevues individuelles ....................................................................................... 34

3.4 Sélection des personnes pour les entrevues individuelles ......................................... 34

3.5 Stratégies de recrutement .......................................................................................... 35

3.6 Outils de collecte de données .................................................................................... 37

3.6.1 Le guide d’entrevue ............................................................................................. 37

3.6.2 Adaptation d’un outil de cartographie participative pour les entrevues .............. 38

3.7 Déroulement du recrutement et des entrevues .......................................................... 39

3.8 Processus d’analyse des données .............................................................................. 39

3.9 Considérations éthiques ............................................................................................ 40

3.10 Critères de rigueur ................................................................................................... 41

CHAPITRE 4. RÉSULTATS ................................................................................................... 43

4.1 Profil des participants rencontrés .............................................................................. 43

4.2 Stratégies pour faire face à l’insécurité alimentaire ................................................... 46

4.3 Sources d’approvisionnement alimentaire ............................................................... 52

4.3.1 Principales sources d’approvisionnement alimentaire utilisées .......................... 52

4.3.2 Des sources d’approvisionnement alimentaire peu utilisées ............................... 53 4.4 Motifs de recours aux services d’aide alimentaire .................................................... 54

4.4.1 Recourir aux services d’aide alimentaire en tant que stratégie de survie ............ 54

4.4.2 Recourir aux services d’aide alimentaire comme dépannage .............................. 55

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4.4.3 Recourir aux services d’aide alimentaire dans les périodes difficiles ................. 56

4.4.4 Ne pas avoir les compétences culinaires nécessaires pour préparer des repas .... 56

4.4.5 Briser l’isolement ressenti ................................................................................... 57

4.5 Motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire ............................................ 58

4.5.1 La méconnaissance des services ......................................................................... 58

4.5.2 L’évaluation de leur situation et leur besoin de services .................................... 59

4.5.3 La situation de pauvreté et la non motorisation .................................................. 59

4.5.4 Des craintes ........................................................................................................ 60

4.5.5 Raisons liées aux caractéristiques des services .................................................. 60

4.5.5.1 Manque d’anonymat et de confidentialité ............................................ 60

4.5.5.2 Critères d’accès empêchant le recours ................................................. 61

4.5.5.3 Complexité des procédures empêchant le recours ................................ 61

4.5.5.4 Fonctionnement trop contraignant d’un service .................................. 61

4.5.5.5 Services exigeants sur le plan physique................................................ 62

4.5.5.6 Heures d’ouverture contraignant le recours......................................... 62

4.5.6 Avoir vécu des expériences négatives ................................................................ 62

4.6 Pistes de solution identifiées par les personnes pour diminuer l’insécurité

alimentaire ................................................................................................................... 63

4.6.1 Percevoir qu’il est impossible d’améliorer les choses ............................. 63

4.6.2 Désirer une amélioration de la qualité de la nourriture dans les services

d’aide alimentaire ............................................................................................. 63

4.6.3 Désirer une hausse des revenus ............................................................... 64

CHAPITRE 5. DISCUSSION .................................................................................................. 65

5.1 Sources d’approvisionnement alimentaire ............................................................. 65

5.2 Stratégies d’accès et de gestion alimentaire ........................................................... 67

5.3 Motifs de recours aux services d’aide alimentaire ................................................. 69

5.4 Motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire .......................................... 70

5.5 Réflexions générales en regard du cadre conceptuel retenu ................................... 76

5.6 Pistes de solutions pour diminuer l’insécurité alimentaire ..................................... 77

5.7 Limites et forces de l’étude .................................................................................... 78

5.8 Pistes de recherche ................................................................................................. 80

5.9 Pistes d’intervention ............................................................................................... 81

CHAPITRE 6. CONCLUSION ............................................................................................... 85

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 87

ANNEXES ................................................................................................................... 95

ANNEXE 1. CADRE CONCEPTUEL ........................................................................ 95

ANNEXE 2. GRILLE D’OBSERVATION ................................................................ 97

ANNEXE 3. GUIDE DE DISCUSSION ..................................................................... 99

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Le sexe des participants…………………………………………………………….44

Figure 2. L’âge des participants………………………………………………………………44

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REMERCIEMENTS

Je tiens d’abord à remercier Sophie Dupéré, ma directrice de recherche, pour son grand

dévouement, son écoute, sa patience et sa grande disponibilité, malgré ses nombreuses autres

responsabilités. Elle a su être présente tout au long de mon cheminement et m’encourager à

me dépasser. De plus, elle s’est également montrée présente sur le plan personnel, lors de

moments plus difficiles. Je la remercie également pour avoir permis mon intégration au sein

du projet VAATAVEC, car ma présence au sein du comité de recherche de ce projet a été très

enrichissante pour mes travaux personnels. Je souhaite également remercier tous les membres

du comité de recherche VAATAVEC, qui m’ont accueilli à bras ouverts dans le projet. Je

remercie particulièrement Gracia Adams, qui a été d’une grande aide pour le recrutement des

participants à La Bouchée généreuse en me présentant à l’équipe de bénévoles et en m’aidant

à présenter mon projet aux personnes présentes lors d’une distribution alimentaire. De plus, je

tiens également à remercier Micheline Bélisle, qui a également beaucoup contribué à mon

projet de recherche, notamment en acceptant de réaliser une entrevue test afin de tester mon

guide d’entrevue, ainsi qu’Élise Landry, Jenni Labarthe et Manon Roy, qui ont également

contribué à son avancement.

Au sein de l’organisme La Bouchée Généreuse, je remercie certains employés y travaillant,

soit Pierre Gravel, le directeur, qui m’a permis de recruter des personnes lors des distributions

alimentaires et m’a permis d’utiliser les lieux pour les entrevues, Louisette Soulard, la

responsable des bénévoles qui m’a aidé à recruter des personnes et Christine Ranger, la

secrétaire de l’organisme, qui a permis la réservation d’un local au sein de celui-ci, afin de

réaliser les entretiens individuels avec les participants. Au sein de l’Office municipal

d’habitation de Québec, je remercie Annie Tremblay, qui m’a permis de présenter mon projet

de recherche aux résidents des Immeubles Saint-Pascal, via une assemblée générale annuelle.

Aussi, j’aimerais remercier mon conjoint David Mathieu ainsi que mes proches, qui ont su

être présents durant tout mon cheminement et m’encourager tout au long de celui-ci, et ce,

également dans les moments plus difficiles de celui-ci.

Pour finir, je tiens à remercier toutes les personnes ayant accepté de prendre part à mon projet

de recherche, sans qui le projet n’aurait tout simplement pas pu exister. Je remercie également

certaines d’entre elles d’avoir facilité mon recrutement en parlant du projet à d’autres

personnes de leur entourage.

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INTRODUCTION

Le Canada est un pays riche, classé au sixième rang de l’Indice de développement humain de

l’Organisation des Nations Unies. Cependant, au sein de ce même pays, l’écart socio-

économique ne cesse de croître entre les plus démunis et les plus fortunés (De Schutter, 2011).

Selon les données de Statistique Canada, 8,3% des ménages canadiens souffraient d’insécurité

alimentaire en 2011-2012, soit 1.1 millions de ménages (Statistics Canada, 2011-2012). Au

Québec, 13,5% des ménages étaient en situation d’insécurité alimentaire en 2012 (Tarasuk,

Mitchelle et Dachner, 2012). Dans la ville de Québec, selon le Plan d’action local en santé

publique du Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale 2006-2010, 20,4%

des personnes vivant dans le secteur Basse-Ville-Limoilou-Vanier rencontraient ou craignaient

alors de rencontrer des difficultés d’approvisionnement alimentaire, comparativement à 10%

dans le secteur Haute-Ville-Des-Rivières et 7,8% dans le secteur Sainte-Foy-Sillery-

Laurentien (Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2010).

Parmi ces statistiques se trouvent les personnes âgées, qui sont aussi susceptibles de vivre de

l’insécurité alimentaire. En 2011-2012, 115 336 ménages composés de personnes âgées

souffraient d’insécurité alimentaire au Canada (Statistique Canada, 2013). Plusieurs études

effectuées auprès de personnes âgées au Canada et aux États-Unis ont mis en lumière

différentes facettes de leur expérience d’insécurité alimentaire et ont identifié des facteurs y

étant associés. (Dachner, Ricciuto, Kirkpatrick et Tarasuk, 2010 ; Dewolfe et Millan, 2003 ;

Green, Williams, Johnson et Blum, 2008 ; Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ;

Krondl, Lau, Coleman et Stoker, 2003 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008 ;

Rabinowicz, 2002 ; Sharkey et al., 2002 ; Smoyer-Tomic, Spence et Amrhein, 2006 ; Wolfe,

Frongillo et Valois, 2003). Toutefois, au Québec, très peu d’études portent sur l’insécurité

alimentaire telle que vécue par cette population (Rabinowicz, 2002 ; Table de Concertation

sur la Faim et le Développement Social de l’Outaouais, 2011) alors que nous assistons à un

vieillissement de la population et que les personnes âgées sont pourtant affectées par

l’insécurité alimentaire et ses conséquences.

Bien que ces études nous informent sur l’insécurité alimentaire telle que vécue par les

personnes âgées, certaines d’entre elles comportent tout de même certaines limites.

Notamment, l’étude de Lee et ses collaborateurs réalisée en 2006 comprend beaucoup de

mesures auto-rapportées concernant la quantité de nourriture ingérée, la grandeur et le poids.

L’utilisation de telles mesures, particulièrement concernant le poids chez les personnes

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présentant de l’embonpoint, peut avoir conduit à des surestimations de sous-nutrition au sein

de l’échantillon. De plus, cette étude présente différents facteurs contribuant à l’insécurité

alimentaire, soit des facteurs médicaux (présence de comorbidités, médication), des facteurs

fonctionnels (mobilité réduite, besoin d’assistance pour préparer les repas, les consommer et

acquérir de la nourriture), des facteurs liés à la santé buccale, des facteurs sociaux (état civil,

taille du réseau social) facteurs liés à la religion (support religieux), des facteurs

psychologiques (statut cognitif) et des facteurs économiques, soit les différents niveaux

d’insécurité alimentaire. Cette taxonomie semble limiter l’insécurité alimentaire à sa

dimension économique, ce qui contribue à réduire grandement celle-ci. De plus,

l’environnement physique n’a pas été nommé parmi ces différents facteurs, lequel est pourtant

important dans l’expérience d’insécurité alimentaire.

Selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec, le nombre d’aînés

devrait passer, d’ici 2031, à 2.3 millions et les aînés de 85 ans et plus, à 300 000. Selon ces

prévisions, plus du quart de la population sera alors âgée de 65 ans et plus (Institut national de

santé publique du Québec, 2010). Dans la ville de Québec, cette tranche d’âge représente 17%

du territoire du Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, ce qui est plus

élevé que dans la région de Québec et même du reste de la province. Dans le secteur Basse-

Ville-Limoilou-Vanier, près d’une personne sur quatre est âgée de 65 ans et plus, soit près de

19 000 personnes (Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2010).

L’arrondissement de la Cité-Limoilou compte 28 025 personnes âgées de 65 ans et plus, et

près de la moitié d’entre elles vit seule au sein de ce quartier (Mercure, 2009). De plus, le

territoire de Basse-Ville-Limoilou-Vanier présente le plus grand nombre de personnes vivant

sous le seuil de faible revenu (SFR). En effet, près de la moitié de la population du territoire

de ce CLSC vivrait sous le seuil de faible revenu. De plus, 44,2% des personnes âgées de 65

ans et plus y résidant bénéficieraient du supplément de revenu garanti. Dans un territoire

marqué par la défavorisation sociale et matérielle, les personnes âgées, entre autres, risquent

d’éprouver de la difficulté à combler tous leurs besoins essentiels, notamment sur le plan de

l’alimentation, et sont donc susceptibles de vivre de l’insécurité alimentaire. Toutefois, aucun

rapport récent n’établit de statistiques touchant celles-ci au sein du quartier.

Le recours aux services d’aide alimentaire, notamment, permet de diminuer l’expérience

d’insécurité alimentaire des personnes. Seulement, un rapport québécois et des études

américaines relèvent que très peu de personnes âgées recourent à ce type de services (Banques

alimentaires Canada, 2011 ; Gundersen et Ziliak, 2006 ; Wolfe et al., 1996 ; Wu, 2009).

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Les motifs de la réticence des personnes âgées à consulter des services d’aide sont encore

méconnus. Ces informations s’avèrent précieuses car elles permettraient de bonifier les

stratégies d’intervention visant à diminuer l’insécurité alimentaire des personnes. Dans cette

optique, la présente étude vise, en premier lieu, à documenter les stratégies d’accès

alimentaire des personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules au sein de la communauté, et

vivant de l’insécurité alimentaire, dans le quartier Limoilou, et, en deuxième lieu, de mieux

comprendre leur recours et leur non-recours aux différents types de services d’aide

alimentaire (banques alimentaires, cuisines collectives, etc.).

Pour répondre à nos objectifs de recherche, nous avons réalisé des entretiens semi-dirigés

avec des personnes âgées à faible revenu du quartier Limoilou. Les principaux thèmes que

nous avons abordés sont les sources d’approvisionnement alimentaire utilisées par ces

personnes ainsi que leurs motifs de recours et de non-recours aux services d’aide alimentaire.

Nous avons également brièvement discuté des pistes de solutions suggérées par les

participants pour diminuer l’insécurité alimentaire.

Ce mémoire est divisé en six chapitres. Le premier chapitre expose la problématique et

recense les écrits pertinents sur le problème. Nous débuterons par un bref historique du

concept de l’insécurité alimentaire et nous explorerons les concepts connexes pour bien

camper le sujet à l’étude. Par la suite est présentée une revue de la littérature sur les

principaux déterminants individuels et collectifs de l’insécurité alimentaire et un aperçu plus

détaillé de l’état des connaissances sur l’insécurité alimentaire vécue par les personnes âgées

ainsi que le phénomène de non-recours aux services d’aide alimentaire.

Quant à lui, le chapitre 2 présente le cadre conceptuel utilisé afin de guider l’analyse. Dans

cette section, nous présenterons les différentes dimensions de ce cadre et nous justifierons son

utilisation dans la présente étude en le comparant à d’autres cadres conceptuels existants.

Ensuite, le chapitre 3 fait état de la méthodologie utilisée dans la présente étude, soit le devis

de recherche et une justification et une description du milieu et de la population choisis, soit

une présentation du quartier Limoilou, où l’étude a été réalisée, ainsi que des services d’aide

alimentaire établis au sein de celui-ci. Ensuite sont présentées les méthodes de collecte de

données utilisées, la sélection des participants et les stratégies de recrutement. Par la suite est

décrit le déroulement du recrutement et des entrevues et est présenté brièvement le guide

d’entrevue et l’utilisation d’un outil adapté de la cartographie participative. Ce chapitre se

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clos par la description du processus d’analyse de données et la présentation des considérations

éthiques et des critères de rigueur observés dans le cadre de l’étude.

Par la suite, le chapitre des résultats débute par la présentation du profil des participants

rencontrés ainsi que leurs stratégies pour faire face à l’insécurité alimentaire, après quoi sont

décrites leurs différentes sources d’approvisionnement alimentaire, ainsi que leurs motifs de

recours et de non-recours aux différents services d’aide alimentaire et leurs pistes de solutions

pour diminuer l’insécurité alimentaire.

Puis, une section discussion suit, dans laquelle nous discutons des principaux résultats de la

recherche à la lumière de la littérature, soit les différentes sources d’approvisionnement

alimentaires utilisées par les participants, leurs stratégies pour acquérir de la nourriture ainsi

que leurs motifs de recours et de non-recours aux services d’aide alimentaire. Nous discutons

également des pistes de solutions suggérées par ces personnes pour diminuer l’insécurité

alimentaire. De ces résultats, nous tirons des pistes de recherche et d’intervention. Nous

discutons également dans cette section des forces et limites de notre étude.

Finalement, une conclusion fait un bref retour sur notre problématique et présente les

contributions de notre étude à la recherche et des réflexions sur la contribution potentielle de

la recherche en général et des professionnels de la santé sur l’amélioration des services d’aide

alimentaire et l’accès aux aliments.

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CHAPITRE 1. PROBLÉMATIQUE ET RECENSION DES

ÉCRITS

Le présent chapitre présente un bref historique du concept de l’insécurité alimentaire ainsi

qu’une définition de celui-ci. Ensuite, nous mettons ce concept en lien avec celui de sécurité

alimentaire et présentons également un historique de ce concept ainsi que différentes

définitions de ce dernier et quelques concepts connexes. Par la suite, nous présentons les

déterminants individuels et collectifs de l’insécurité alimentaire, après quoi nous présentons

un aperçu de l’état des connaissances sur l’insécurité alimentaire vécue par les personnes

âgées ainsi que le phénomène de non-recours aux services d’aide alimentaire.

1.1 Historique, définition du concept d’insécurité alimentaire et de sécurité

alimentaire et concepts connexes

Bien que la faim semble toujours avoir existé au Québec, elle n’y est pas toujours apparue

comme un problème social (Racine, 2007). En effet, au début des années 80, celle-ci était

considérée comme un problème à court terme lié à la récession économique. Cependant, le

recours à l’aide alimentaire ne diminua pas après la relance de l’économie, augmentant plutôt

de manière constante au cours des années 80 et 90, ce qui contribua à sensibiliser

graduellement la population à ce phénomène. La faim fut alors reconnue comme un problème

touchant les populations pauvres de plusieurs pays riches d’Occident (Tarasuk, 2001). Cette

problématique est donc graduellement devenue l’une des problématiques sociales importantes

et fait désormais partie des préoccupations de plusieurs milieux, soit les milieux

communautaires, citoyens, universitaires, institutionnels, ministériels et privés, comme nous

le verrons plus loin dans cette section.

Bien que la population canadienne n’ait été sensibilisée au problème d’insécurité alimentaire

qu’au courant des années 80 et 90, nous verrons qu’au niveau international, son penchant, la

sécurité alimentaire, a commencé à faire partie des préoccupations bien avant. Aussi, au

Québec, certaines initiatives furent entreprises avant cette période concernant notamment la

nutrition. En effet, en 1977, le gouvernement du Québec a commencé à se préoccuper de plus

en plus de la santé de la population et a commencé à adopter des mesures afin d’améliorer les

conditions de vie de celle-ci. Cela débuta par la Politique québécoise en matière de nutrition,

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suivie, en 1978-1979, par la Campagne « Au Québec, faut se sentir en santé » et du

programme Kino-Québec, incluant une campagne de promotion de l’activité physique appelée

« Viens jouer dehors ». Près de trente ans plus tard, soit en 2004, fut créé le Programme de

promotion des saines habitudes de vie « Vas-y, fais-le pour toi ! », qui devint par la suite

« Bougez plus, mangez mieux ». Par la suite, en 2006, le Plan d’action gouvernemental de

promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids 2006-

2012-Investir pour l’avenir, fut lancé. Ce plan d’action présente une stratégie visant à

améliorer le bien-être et la qualité de vie de la population québécoise et vise les citoyens, les

communautés et les entreprises. Il a pour principal objectif de créer des environnements

favorisant l’adoption de saines habitudes de vie tout en agissant sur les comportements

individuels et les normes sociales. Via ces différents programmes s’est affirmé l’importance

de la sécurité alimentaire pour la population québécoise. (Racine, 2007).

Le concept de sécurité alimentaire a émergé durant la crise alimentaire mondiale du milieu

des années 1970. En effet, c’est lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1974 qu’a été

créée la première définition de la sécurité alimentaire. Par la suite, au courant des années

1980, les travaux de la FAO et de la Banque Mondiale ont élargi le concept en ajoutant la

dimension d’accessibilité alimentaire, physique et économique, des personnes vulnérables à la

nourriture au sein de la définition de ce concept. C’est à ce moment que celui-ci est passé

d’une échelle mondiale et nationale à une échelle microsociale des ménages et des individus

(Maxwell, 1996). Une étude de la Banque mondiale définissait alors la sécurité alimentaire

comme « l’accès pour chaque individu à tout instant à une quantité suffisante de nourriture

permettant de mener une vie saine et active. » (Maxwell, 1996, p.157, traduction libre). Par la

suite, lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1996, la FAO a redéfinit la sécurité

alimentaire en lui reconnaissant un caractère multidimensionnel, se centrant autour de trois

principales dimensions de l’alimentation que sont la disponibilité, l’accès (physique) et le coût

(Lang et Barling, 2012). Elle définit donc celle-ci comme étant « l’accès physique et

économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs

besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. »

(Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008, p.13).

Au cours des dernières années fut entamée une réflexion au Canada et dans d’autres pays

concernant le concept de sécurité alimentaire. Celle-ci a progressivement intégré la

préoccupation pour un système alimentaire évitant le gaspillage, la mauvaise utilisation des

sols, la production de masse et l’appauvrissement des petits producteurs. Le bureau européen

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de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en tenu d’ailleurs compte dans la définition de

la sécurité alimentaire qu’il adopta en 2003. Lors des Journées annuelles de santé publique

tenues en 2004 et 2005, le Ministère de la Santé et des Services Sociaux choisi de retenir une

définition de la sécurité alimentaire adaptée de la définition formulée par l’OMS : « 1.

Chacun a, à tout moment, les moyens tant physiques qu’économiques d’accéder à une

alimentation suffisante pour mener une vie active et saine. 2. L’aptitude de chacun à acquérir

des aliments est garantie. 3. L’accès à une information simple, fiable et objective qui permet

de faire des choix éclairés est assuré. 4. Les aliments proprement dits sont satisfaisants sur le

plan nutritionnel et acceptables sur le plan personnel et culturel. 5. Les aliments sont obtenus

d’une manière qui respecte la dignité humaine. 6. La consommation et la production

d’aliments reposent sur des valeurs sociales à la fois justes, équitables et morales. 7. Les

aliments sont produits et distribués d’une manière respectueuse d’un système agroalimentaire

durable. » (Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008, p.14). Un élément de la

définition formulée par l’OMS en 1996 fut retenu dans cette définition, soit « l’accès à une

information simple, fiable et objective qui permet de faire des choix éclairés est assuré », de

l’Ordre professionnel des diététistes du Québec. Cette définition reconnait l’importance que

les aliments soient produits et distribués de manière à respecter un système agroalimentaire

durable. Cela implique que la production, la transformation, la distribution et la

consommation d’aliments ne portent pas préjudice à l’environnement. Il s’agit d’un système

pouvant répondre aux besoins des générations actuelles sans toutefois compromettre la

capacité des futures générations de satisfaire les leurs (Ministère de la Santé et des Services

Sociaux, 2008).

Il existe également certains concepts connexes à l’insécurité alimentaire, notamment

l’autonomie alimentaire et la souveraineté alimentaire. L’autonomie alimentaire comprend

quatre aspects : l’accès, le pouvoir de choisir, l’action collective et l’environnement. Selon le

Regroupement des cuisines collectives du Québec, il s’agit de : 1. l’accès en tout temps et à

long terme à une quantité quotidienne suffisante de nourriture, à un coût raisonnable, 2. le

pouvoir de choisir, en toute dignité et en ayant accès à une information claire et fiable, une

alimentation saine, variée et salubre, 3. elle s’acquiert par l’action collective et solidaire de se

prendre en charge individuellement et collectivement, pour le mieux-être d’une communauté,

dans un esprit de développement durable, 4. elle favorise le respect de l’environnement, le

commerce équitable, la consommation responsable et vise un équilibre durable entre la

satisfaction des besoins présents et ceux des générations futures (Regroupement des cuisines

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collectives du Québec, s.d.). Pour sa part, la souveraineté alimentaire est définie comme étant

la capacité d’un État de définir sa propre politique agricole et alimentaire suivant les intérêts

de sa population. Elle doit se faire sans nuire à la capacité des autres États d’accéder à leur

propre souveraineté alimentaire. La souveraineté alimentaire privilégie la production locale

pour nourrir la population et l’accès à la terre et aux ressources pour y parvenir (Communauté

métropolitaine de Montréal, 2013).

Dans le cadre de cette étude, nous nous situons davantage dans une perspective d’insécurité

alimentaire. On considère qu’il est question d’insécurité alimentaire lorsqu’au moins une des

dimensions décrites plus tôt n’est pas atteinte, c’est-à-dire un accès physique et économique

incertain ou limité à des aliments qui soient en quantité suffisante et qui soient sains et

nutritifs et permettent de satisfaire les préférences alimentaires, les besoins énergétiques et

permettent également de mener une vie saine et active (Pouliot, 2008). L’insécurité

alimentaire n’est pas une condition statique. En effet, elle peut être chronique, saisonnière,

transitoire. Selon Pouliot (2008), celle-ci est principalement épisodique et elle est le plus

souvent liée à un manque d’argent, lequel est considéré comme le principal élément

déclenchant l’insécurité alimentaire. Il existe également une variation sur le plan de la gravité.

On distingue généralement trois degrés d’insécurité alimentaire, soit l’insécurité alimentaire

marginale, modérée et grave, lesquelles sont mesurées par le Security Survey Module, un

instrument de mesure basé sur un questionnaire de 18 énoncés créé aux États-Unis, le, et

utilisé dans le cadre de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (Santé

Canada, 2007). L’insécurité alimentaire marginale est caractérisée par une crainte de manquer

de nourriture et/ou une limitation de la sélection de nourriture en raison d’un manque

d’argent. Quant à elle, l’insécurité alimentaire modérée désigne la qualité et/ou la quantité de

nourriture qui est compromise en raison également d’un manque d’argent. Les personnes

vivant de l’insécurité alimentaire grave se voient quant à elles obligées de réduire leur

consommation d’aliments, voire de sauter des repas, et vont même jusqu’à se priver d’un

repas pendant une journée complète ou plus (Tarasuk, Mitchelle et Dachner, 2012).

Dans la prochaine section, nous donnons un bref aperçu de l’état des connaissances des

différents déterminants de la sécurité alimentaire et de l’expérience d’insécurité alimentaire

pour ensuite se focaliser sur ce qui a été fait et ce qui reste à étudier sur notre sujet de

recherche précis, soit les différentes stratégies utilisées par les personnes âgées pour acquérir

de la nourriture ainsi que le phénomène de recours et de non-recours aux services d’aide

alimentaire.

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1.2 Les déterminants de la sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire, en tant qu’objectif à atteindre, est influencée par différents

déterminants de la santé, lesquels sont définis comme étant tout ce qui influence, soit des

facteurs de risque ou de protection pouvant être associés de manière statistique à l’insécurité

alimentaire. Ceux-ci peuvent être classés comme étant des déterminants individuels ou

collectifs (Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008).

1.2.1 Les déterminants individuels de la sécurité alimentaire

Les principaux déterminants individuels de la sécurité alimentaire qui ont été révélés dans

plusieurs études et rapports sont : un faible revenu, un faible niveau de scolarité, la

monoparentalité, l’appartenance à une communauté ethnique minoritaire et l’appartenance à

un ménage de grande taille. Bien que ces facteurs soient tous importants, les personnes ayant

un faible revenu, particulièrement celles vivant sous le seuil de la pauvreté, sont celles qui

sont les plus à risque de vivre de l’insécurité alimentaire (Ministère de la Santé et des Services

Sociaux, 2008 ; Raine, 2005).

1.2.2 Les déterminants collectifs de la sécurité alimentaire

Quant à eux, les principaux déterminants collectifs de la sécurité alimentaire ayant été révélés

dans plusieurs études et rapports sont : la culture alimentaire et l’environnement social,

l’environnement physique et l’environnement économique et les politiques publiques. La

culture alimentaire et l’environnement social concernent les connaissances et habiletés

culinaires qui permettent aux personnes les possédant d’accéder à une saine alimentation. La

transmission de ces connaissances et habiletés s’avère aussi primordiale afin de garantir que

les générations subséquentes soient également outillées pour avoir accès à cette saine

alimentation. (Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, 2008). La

préservation des aliments ainsi que la diffusion des éléments culturels de l’alimentation font

également partie de la culture alimentaire et de l’environnement social. (Agence de la santé et

des services sociaux de la Capitale-Nationale, 2008). Plusieurs changements de

l’environnement social ont influencé les habitudes alimentaires des ménages, notamment

l’entrée des femmes sur le marché du travail, la diminution de la taille des familles, la

concentration de ces dernières autour des centres urbains et la transformation de celles-ci,

notamment par le divorce. Ces différents changements ont entraîné une baisse de l’achat

direct chez les producteurs et les gens ont alors commencé à cuisiner de moins en moins,

privilégiant les repas préparés en raison d’un manque de temps et d’énergie (Agence de la

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santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, 2008 ; Ministère de la Santé et des

Services Sociaux, 2008). De plus, l’organisation du travail et des temps de loisirs laissent

également peu de place à la pratique, l’acquisition et la transmission des compétences

culinaires. L’environnement social concerne également la disponibilité d’un réseau de soutien

social pouvant protéger contre l’insécurité alimentaire. Selon une récente étude québécoise, la

présence d’un réseau de soutien agit comme un protecteur contre l’insécurité alimentaire chez

les personnes ayant un faible revenu. Pour sa part, l’isolement social rend les personnes plus à

risque de vivre de l’insécurité alimentaire car il implique un faible soutien social et matériel

des proches et de l’entourage (Carter, Dubois, Tremblay et Taljaard, 2012). Seulement,

l’influence du réseau de soutien sur l’insécurité alimentaire varierait selon le profil

sociodémographique des personnes et demeure encore mal compris (Kirkpatrick et Tarasuk,

2009).

Pour sa part, l’environnement physique concerne « la disponibilité et l’accessibilité aux

aliments via la proximité du milieu de vie des personnes à des aliments qui soient sains,

nutritifs et en quantité suffisante. » (Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-

Nationale, 2008, p.17 ; Ministère de la Santé et des Services Sociaux, 2008) ; Raine, 2005).

Cela implique que toute personne doit pouvoir avoir accès à des aliments, notamment les

fruits et légumes, à proximité de chez elle ou bien être capable d’y accéder via le transport. À

cet égard, une étude de la Direction de santé publique réalisée en 2006 dans la ville de

Montréal ainsi qu’une autre réalisée par le Ministère de la Santé et des Services Sociaux en

2008 démontrent que « 40 % des personnes vivant dans les secteurs les plus urbains (ouest de

l’île exclu) n’ont pas accès à un approvisionnement approprié en fruits et légumes frais à

distance de marche. » (Direction de santé publique de Montréal, 2006; Ministère de la Santé

et des Services Sociaux, 2008, p.18). De plus, le transport en commun ne serait pas toujours

très adapté aux courses hebdomadaires. Des problèmes sur le plan du transport, tel que le fait

de ne pas avoir accès à un moyen de transport motorisé, le coût élevé du transport, notamment

du taxi et aussi du transport en commun, et la difficulté de transporter des paquets des

commerces jusqu’au domicile, peuvent contribuer à limiter l’accès des personnes à faible

revenu à des aliments qui soient sains et nutritifs (Direction de santé publique de Montréal,

2006; Johnson, 2008). Ces personnes peuvent alors se voir contraintes d’acheter de la

nourriture à prix plus élevé dans des petits commerces avoisinants, lesquels offrent une moins

grande variété d’aliments (Johnson, 2008). Ce phénomène désigne les déserts alimentaires,

c’est-à-dire des endroits, en milieu urbain, qui sont caractérisés par le manque d’accessibilité

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à de la nourriture saine, nutritive et à prix abordable, laquelle est difficilement accessible sans

l’utilisation d’un moyen de transport (Cummins et Macintyre, 2002 ; Racine, 2007). Les

déserts alimentaires sont exacerbés par le faible pouvoir d’achat et par l’état de santé des

personnes vivant dans ces milieux, qui sont eux-mêmes influencés par le revenu. Entre alors

en jeu l’accessibilité économique car le faible revenu limite l’accès des personnes à des

aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante (Agence de la santé et des services sociaux de

la Capitale-Nationale, 2008 ; Racine, 2007). Toutefois, les études portant sur les déserts

alimentaires ont surtout été réalisées aux États-Unis et, selon une récente revue systématique,

les preuves de l’existence de ceux-ci à l’extérieur de ce pays, dont le Canada, seraient faibles

en raison des lacunes méthodologiques des études recensées qui empêcheraient d’appréhender

l’ensemble du phénomène (Beaulac et al., 2009). Plusieurs études ont relevé ces lacunes,

notamment une étude canadienne qui a relevé le fait de s’être concentrée sur des quartiers

relativement homogènes de la ville de Toronto, ne donnant pas un portrait global de la

problématique à l’échelle de la ville (Kirkpatrick et Tarasuk, 2009). Une autre étude a

souligné le fait qu’elle se soit concentrée uniquement sur l’accès potentiel des personnes à des

aliments sains et nutritifs mais n’ait pas mesuré les stratégies d’accès de celles-ci (Gould,

Apparicio et Cloutier, 2012). Selon ces études, davantage de recherche devrait être réalisée

pour mettre en lumière cette problématique afin de comprendre davantage toute la complexité

des facteurs liés à l’approvisionnement alimentaire chez les personnes à faible revenu. En plus

de l’accès physique et économique aux aliments, un autre déterminant important de la sécurité

alimentaire est l’accès à une information simple et fiable. En effet, la capacité de déchiffrer

les informations nutritives des aliments augmente l’accessibilité à des aliments qui soient

sains et nutritifs (Racine, 2007).

Finalement, les politiques publiques constituent, pour leur part, « un ensemble de buts pour

résoudre des problématiques relevées par les gouvernements, les entreprises privées, les

groupes communautaires et les individus. » (Agence de la santé et des services sociaux de la

Capitale-Nationale, 2008, p.23). Les politiques publiques liées au revenu et au logement ont

une influence sur l’insécurité alimentaire car, tout comme le revenu, celles-ci influencent le

pouvoir d’achat des personnes.

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1.3 L’insécurité alimentaire et les personnes âgées : un aperçu de l’état des

connaissances

Dans les passages suivants, nous faisons ressortir ce que nous connaissons sur l’insécurité

alimentaire telle que vécue par les personnes âgées, ce qu’il reste à découvrir sur ce sujet ainsi

que ce qui reste à entreprendre dans ce domaine. Plus précisément, nous nous intéressons au

faible revenu et à l’isolement social en tant qu’éléments faisant partie de l’expérience

d’insécurité alimentaire des personnes âgées. Ensuite, nous présentons l’état de santé des

personnes âgées et le mettons également en lien avec l’insécurité alimentaire vécue par celles-

ci. Par la suite, nous traitons des différentes stratégies d’aide alimentaire utilisées par les

personnes âgées et de leur recours aux différents services d’aide alimentaire.1

1.3.1 Le revenu et l’isolement social au cœur de l’expérience de l’insécurité alimentaire

chez les personnes âgées

Selon quelques études et rapports, les montants du supplément de revenu garanti et de la

pension de vieillesse seraient insuffisants et donc ne permettraient pas aux personnes âgées à

faible revenu de subvenir à leurs besoins de base, ceux-ci demeurant tout de même sous le

seuil de la pauvreté (Banques alimentaires Canada, 2011 ; Banques alimentaires Canada,

2012 ; Bryant et al., 2002 ; Fédération de l’Âge d’Or du Québec, 2011 ; MacDonald, Andrews

et Brown, 2010 ; Rabinowicz, 2002). De plus, le montant des pensions de retraite n’assurerait

pas non plus une sécurité alimentaire à toutes les personnes âgées (Banques alimentaires

Canada, 2012 ; Green, Williams, Johnson et Blum, 2008). Ceci contredit les résultats d’un

rapport de l’Institut national de santé publique du Québec réalisé en 2011, selon lequel « les

ménages dont la principale source de revenu était une rente semblent protégés de l’insécurité

alimentaire. » (Institut national de santé publique du Québec, 2011, p.28). De plus, les

personnes âgées seules seraient particulièrement à risque de percevoir un faible revenu

(Banques alimentaires Canada, 2011 ; Banques alimentaires Canada, 2012 ; Conseil national

1 Pour effectuer cette recension des écrits, nous avons utilisé les banques de données suivantes : PubMed, EBSCO (Ageline), Web of Science

et Google Scholar. Les mots-clés recherchés ont été choisis en tenant compte du but de notre étude, soit de documenter les stratégies d’accès alimentaire des personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules au sein de la communauté, et vivant de l’insécurité alimentaire, dans le

quartier Limoilou, et de mieux comprendre leur recours et leur non-recours aux différents types de services d’aide alimentaire. Notre

recherche en langue française s’est basée sur les mots-clés suivants : pauvreté, recours, non recours, accès, non accès, insécurité alimentaire, sécurité alimentaire, aînés, personnes âgées, Canada. Quant à elle, notre recherche en anglais a consisté en les mots-clés suivants : elder,

elderly, senior, food, food insecurity, Canada, Poverty, use, non-use, access, non access, food insecurity, food security, malnutrition, food

bank, food program.

Les articles étaient inclus s’ils traitaient de personnes âgées de 65 ans et plus vivant de l’insécurité alimentaire, au Canada et aux États-Unis.

Après avoir sélectionné les articles pour notre revue, nous avons réalisé une banque d’articles comprenant la référence de chaque article, le

type d’étude (qualitative, quantitative, mixte), le but ou objectif de l’étude, le cadre conceptuel/la théorie utilisée, les résultats principaux et

des commentaires généraux sur l’article.

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des aînés, 2009 ; Green, Williams, Johnson et Blum, 2008). En effet, les personnes âgées

vivant seules et ayant comme unique revenu la pension de retraite seraient plus à risque

d’éprouver des difficultés à subsister financièrement jusqu’à la fin du mois et seraient donc

plus susceptibles de vivre de l’insécurité alimentaire (Green, Williams, Johnson et Blum,

2008). Vivre avec un partenaire aurait un effet protecteur sur les capacités à subvenir à ses

besoins de base, dont une alimentation nutritive (Green, Williams, Johnson et Blum, 2008).

En 2008, un aîné sur six habitait seul, soit 200 000 personnes qui percevaient un revenu

inférieur au seuil de faible revenu après impôt (Banques alimentaires Canada, 2011).

Or, le faible revenu est le premier déterminant reconnu d’insécurité alimentaire chez les

personnes âgées. En effet, plusieurs études et rapports ont révélé l’existence d’un lien

incontestable entre le faible revenu des ménages et l’insécurité alimentaire auprès de diverses

populations, dont les personnes âgées (Green, Williams, Johnson et Blum, 2008 ; Locher et

al., 2008 ; Rabinowicz, 2002 ; Sharkey et al., 2002 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). Les

personnes âgées ayant un faible revenu sont plongées dans un état de survie et gèrent leurs

ressources en fonction de leurs besoins vitaux en acquittant d’abord les frais fixes tels que le

loyer. Ceci laisse peu de ressources financières pour l’achat de nourriture, particulièrement

lorsque le revenu est faible. Les aliments choisis sont alors souvent d’une qualité moindre,

étant donné leur prix moins élevé, ce qui influence la qualité de l’alimentation (Comité

consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 2010 ; Green, Williams, Johnson

et Blum, 2008 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003).

Selon plusieurs études et rapports, le faible revenu aurait également des répercussions

importantes sur l’isolement des personnes âgées et vice versa (Bryant et al., 2002 ; Centraide

Outaouais, 2011 ; Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale,

2010 ; Conseil national des aînés, 2009 ; Lee et Frongillo, 2001). Notamment, le coût élevé du

transport en commun représente une barrière importante à son utilisation et peut plonger les

personnes âgées dans un état d’isolement car sans l’utilisation de celui-ci, elles perdent un

moyen d’entrer en contact avec d’autres personnes (Bryant et al., 2002 ; Conseil national des

aînés, 2009). De plus, le revenu est un déterminant important de l’indépendance des

personnes âgées qui leur permet de participer à des activités récréatives (Bryant et al., 2002).

Le faible revenu limite donc la participation de celles-ci à ce genre d’activités et contribue à

leur isolement. L’expérience de l’isolement chez les personnes âgées peut se manifester par

l’absence de contacts provenant de l’extérieur et des repas seuls (Centraide Outaouais, 2011).

Plusieurs personnes âgées vivent seules, avec un réseau social faible, voire inexistant. Or,

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selon plusieurs études, cela les rendrait plus susceptibles de souffrir d’insécurité alimentaire

(Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Krondl, Lau, Coleman et Stoker, 2003 ;

Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008 ; Raine, 2005 ; Payette et Shatenstein,

2005). En effet, le manque de stimulation sociale entraînerait une démotivation chez certaines

personnes âgées, qui perdraient alors l’intérêt de se nourrir et de préparer de la nourriture

(Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Krondl, Lau, Coleman et Stoker, 2003 ;

Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008). Les personnes âgées seules seraient aussi

plus susceptibles de s’alimenter de manière irrégulière, et ce, sans considérer leur revenu

(Krondl, Lau, Coleman et Stoker, 2003). De plus, elles seraient aussi susceptibles de sous

s’alimenter (Locher et al., 2008). Le fait d’être seule à l’heure du repas jouerait un rôle

important dans cette situation car les personnes âgées étant accompagnées durant ce moment

s’alimenteraient davantage (Locher et al., 2008).

1.3.2 L’état de santé des personnes âgées et l’insécurité alimentaire

Le vieillissement apporte un mélange complexe de problèmes sociaux et de

santé interagissant et affectant la capacité d’acquérir ou de consommer de la nourriture

(Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 2010 ; Keller, Dwyer,

Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008 ;

Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). Selon une étude de l’Institut de la statistique du Québec

réalisée en 2010-2011 , 84% des personnes québécoises âgées de 65 ans et plus et 87% des

personnes âgées de 75 ans et plus disent avoir au moins un problème de santé de longue

durée. Ceci désigne un problème de santé physique ou mentale qui dure depuis au moins six

mois ou qui pourrait durer six mois ou plus, ayant été diagnostiqué par un médecin,

nécessitant un suivi médical et demandant de prendre des médicaments, de recevoir des

traitements ou d’avoir de bonnes habitudes de vie. Ces problèmes de santé sont : l’arthrite, le

diabète, les problèmes respiratoires tels qu’une bronchite chronique, un emphysème ou une

maladie pulmonaire obstructive chronique, l’hypertension, les maladies cardiaques ou

d’autres types de problèmes tels que de l’ostéoporose, une dépression chronique ou un cancer

(Institut de la statistique du Québec, 2014). Selon cette même étude, 57% des personnes âgées

de 65 ans et plus et 62% des personnes âgées de 75 ans et plus cumuleraient au moins deux

problèmes de santé de longue durée, la proportion augmentant légèrement d’un groupe d’âge

à l’autre. Les problèmes de santé les plus rapportés dans cette étude sont l’arthrite et

l’hypertension. En effet, 41% des personnes âgées déclarent faire de l’arthrite et 23%

déclarent avoir une maladie cardiaque. Chez les personnes âgées de 85 ans et plus, ces

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proportions s’élèvent respectivement à 50% et 34% des personnes. Chez les personnes âgées

ayant au moins un problème de santé de longue durée, deux personnes sur trois ont une

incapacité légère et une sur cinq a une incapacité physique modérée ou grave. De plus, les

incapacités physiques modérées et graves seraient plus répandues chez les personnes âgées

ayant au moins deux problèmes de santé de longue durée (Institut de la statistique du Québec,

2014).

Ces différents problèmes de santé chroniques, particulièrement l’arthrite, peuvent aggraver

l’insécurité alimentaire vécue par les personnes âgées. En effet, les personnes âgées souffrant

de problèmes de santé physique chroniques éprouveraient des problèmes sur le plan de la

mobilité, limitant leur capacité de se déplacer pour se procurer de la nourriture, notamment

via le transport en commun (Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion

sociale, 2010 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008 ; Wolfe, Frongillo et Valois,

2003). Les personnes âgées peuvent éprouver de la difficulté à transporter des sacs d’épicerie

en raison du poids de ceux-ci, limitant par le fait même la quantité et la diversité d’aliments

s’y retrouvant. Cette situation peut avoir des conséquences sur la qualité des aliments

consommés, pouvant se réduire à des cannages et des boîtes de céréales plutôt qu’à des fruits

et légumes frais (Lee, Frongillo et Olson, 2006).

La mobilité réduite plonge les personnes âgées dans un état de dépendance vis-à-vis les autres

pour l’acquisition de nourriture, notamment vis-à-vis de leurs proches. Étant donné que les

personnes âgées à mobilité réduite se déplacent très peu, elles entrent aussi très peu en contact

avec les autres. L’isolement social est alors aggravé par les problèmes de mobilité réduite et

peut à son tour entraîner des problèmes de dépression et de détresse pouvant même mener au

suicide (Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 2010 ; Krondl,

Lau, Coleman et Stoker, 2003). Cet isolement est davantage marqué au Québec durant la

période hivernale. En effet, les personnes âgées sont nombreuses à limiter leurs déplacements

en raison de conditions extérieures défavorables, telles que des trottoirs glacés et enneigés, qui

rendent tout déplacement dangereux pour ces dernières, qui craignent les risques de chutes.

Certaines personnes âgées vont même jusqu’à demeurer à leur domicile jusqu’au printemps

(Table de concertation des aînés de l’île de Montréal, 2008).

La prise de médication est également, selon plusieurs études, un facteur d’insécurité

alimentaire, en raison d’effets de suppression de l’appétit chez les personnes âgées,

notamment liés à son influence sur l’acuité gustative de celles-ci, soit leur perception du goût

des aliments. Les personnes âgées peuvent alors perdre tout intérêt à préparer de la nourriture

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et à s’alimenter, ce qui peut amener des problèmes d’anorexie. La prise de médication peut

également entrer en conflit avec une saine alimentation, de par les diverses interactions avec

les aliments (Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Krondl, Lau, Coleman et

Stoker, 2003 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008).

Selon plusieurs études, les problèmes de santé physique et la mobilité réduite peuvent

également contribuer à limiter la capacité des personnes âgées de préparer de la nourriture en

raison des difficultés à se déplacer dans la maison ou à cuisiner de manière sécuritaire (Lee et

Frongillo, 2001 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al., 2008 ; MacDonald, Andrews et

Brown, 2010 ; Sharkey et al., 2002 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). De plus, certaines

personnes âgées peuvent également ressentir un manque d’énergie limitant leur capacité de

préparer de la nourriture (Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). La détérioration des capacités

olfactives et gustatives qui accompagnent parfois le vieillissement, ainsi qu’un mauvais état

dentaire et une insuffisance de sécrétion de salive nuisant à la mastication et à la digestion des

aliments, peuvent également influencer l’appétit et l’alimentation des personnes âgées. Cela

peut entraîner, tout comme la prise de médication, des problèmes d’anorexie (Payette et

Shatenstein, 2005). Pour leur part, les personnes âgées ayant des troubles cognitifs ou ayant

une maladie mentale éprouveraient de la difficulté à planifier la préparation de repas et même

à reconnaître ou exprimer la sensation de faim (Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Locher et al.,

2008).

L’insécurité alimentaire engendre des conséquences importantes sur la santé des aînés, tant

sur le plan physique que mental. En effet, celle-ci peut exacerber la gravité des maladies

chroniques (National Collaborating Centre for Determinants of Health, 2008) telles que le

diabète, en nuisant à la gestion de cette maladie par une alimentation inappropriée ne

respectant pas la diète alimentaire recommandée (Tarasuk, 2001). Les personnes souffrant

d’insécurité alimentaire sont également plus à risque de souffrir d’obésité (Kim et Frongillo,

2007). De plus, l’incertitude de pouvoir accéder à de la nourriture correspondant à leurs

besoins de santé engendre de l’anxiété chez les personnes âgées et peut mener à de la

dépression (Kim et Frongillo, 2007 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003).

1.3.3 Le manque de connaissances nutritionnelles et d’habiletés culinaires et l’insécurité

alimentaire

Le manque de connaissances nutritionnelles et d’habiletés culinaires contribuerait également à

limiter la capacité des personnes âgées à sélectionner des aliments sains et nutritifs et à

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préparer ces aliments, ce qui augmenterait leur risque de souffrir d’insécurité alimentaire (Lee

et Frongillo, 2001 ; Lee, Frongillo et Olson, 2006 ; Payette et Shatenstein, 2005). Le décès de

la conjointe, notamment, peut laisser certains hommes démunis face à la préparation de

nourriture car n’ayant jamais eu cette responsabilité auparavant (Edfors et Westergren, 2012).

Bref, les personnes âgées peuvent être plus susceptibles de vivre une situation d’insécurité

alimentaire, particulièrement lorsqu’elles ont un faible revenu, qu’elles vivent seules, qu’elles

ont des maladies occasionnant des limites fonctionnelles et qu’elles possèdent peu de

connaissances nutritionnelles et d’habiletés culinaires. Confrontées à cette situation, celles-ci

adoptent certaines stratégies afin d’avoir accès à de la nourriture de qualité et gérer leurs

ressources alimentaires de manière à les conserver le plus longtemps possible. Seulement,

certaines stratégies adoptées par ces personnes favorisent aussi une situation d’insécurité

alimentaire. Alors qu’on commence un peu mieux à comprendre les déterminants associés à

l’insécurité alimentaire chez les personnes âgées, on connaît beaucoup moins les stratégies

d’accès et de gestion alimentaire adoptées par ces dernières.

Dans la prochaine section, nous présentons les différentes stratégies adoptées par les

personnes âgées afin d’avoir accès à des aliments sains et nutritifs.

1.3.4 Les stratégies d’accès et de gestion alimentaire

Quelques études ont documenté les stratégies d’accès et de gestion alimentaire des personnes

en situation de pauvreté et d’insécurité alimentaire (Dachner, Ricciuto, Kirkpatrick et Tarasuk,

2010 ; Power, 2005 ; Hamelin, Beaudry et Habicht, 2002 ; Kempson, Keenan, Sadani et

Adler, 2003 ; Kirkpatrick et Tarasuk, 2009). Seulement, celles-ci ont été peu documentées

chez les personnes âgées, soulignant l’importance de les étudier davantage chez cette

population. Deux stratégies de gestion alimentaire utilisées par les personnes âgées vivant de

l’insécurité alimentaire ont été identifiés dans la littérature, soit de gérer leurs réserves

alimentaires par la préservation des aliments et la restriction alimentaire, consistant à réduire

les portions de nourriture ingérées, (Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Wolfe,

Frongillo et Valois, 2003 ; Quandt, Arcury, McDonald, Bell et Vitolins, 2001 ; Gardner et

Rausser, 2002) et réduire la quantité de nourriture ingérée afin de conserver leurs ressources

financières sur une plus longue période (Rabinowicz, 2002 ; Wolfe, Frongillo et Valois,

2003). Ainsi, les personnes âgées, particulièrement celles vivant en situation de pauvreté, sont

parfois forcées d’adopter certaines stratégies afin de subvenir à leurs besoins et celles-ci ont

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souvent des conséquences néfastes sur la qualité de leur alimentation (Lee, Frongillo et Olson,

2006) et par conséquent aussi sur leur santé et leur bien-être.

Une étude a aussi relevé une stratégie afin de pallier la non motorisation et faciliter les

déplacements vers les ressources alimentaires, soit le recours aux services de navette (Huang,

Rosenberg, Simonovich et Belza, 2012). Une autre étude a relevé trois stratégies alternatives

d’accès alimentaire utilisées par les personnes âgées, soit l’emprunt d’argent et la demande

d’assistance (préparation de repas) à des proches (amis, famille), le recours aux services

d’aide alimentaire et l’échange de nourriture (Wolfe, Frongillo et Valois, 2003). Une étude a

également relevé le recours au réseau social comme permettant le transport vers les ressources

alimentaires (Green-Lapierre et al., 2012).

Un autre type de stratégie d’accès alimentaire utilisée par les personnes âgées en situation de

pauvreté est le recours aux services de dépannage alimentaire, tels que les banques

alimentaires, et aux services d’aide alternatifs, tels que les cuisines collectives. En effet, les

personnes âgées vivant de l’insécurité alimentaire doivent parfois recourir aux services d’aide

alimentaire afin de pallier celle-ci.

Toutefois, peu d’entre elles ont recours à ce type de services. Comme nous le verrons dans la

prochaine section, le faible recours chez les personnes âgées est lié à plusieurs motifs.

1.4 Les services d’aide alimentaire et les personnes âgées

Le recours aux services d’aide alimentaire serait peu élevé chez les personnes âgées. Au

Canada, 851 014 personnes ont reçu de la nourriture d’une banque alimentaire en date du

mois de mars 2011, ce qui représente une augmentation de 20% par rapport à l’année 2001.

Or, seulement 4,4 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont recours à ces services.

(Banques alimentaires Canada, 2011). Plusieurs études ont relevé le fait que malgré les

besoins importants des personnes âgées, peu d’entre elles ont recours aux services d’aide

alimentaire (Gundersen et Ziliak, 2006 ; Wolfe et al., 1996 ; Wu, 2009). Ces études ont

exploré les motifs derrière ce phénomène de non-recours. Nous avons recensé six motifs pour

expliquer celui-ci, soit la peur d’être stigmatisé, le manque d’accès à de l’information sur les

services offerts, l’évaluation des personnes âgées de leur situation d’insécurité alimentaire,

l’insuffisance des économies réalisées en lien avec le coût associé à chaque nouvelle

certification d’éligibilité à un service, des obstacles liés au transport et à la mobilité ainsi que

la perception des ressources d’aide. Selon quelques études, la peur d’être stigmatisé serait une

raison possible de non-recours à ces services (Lee et Frongillo, 2001 ; Wolfe et al., 1996 ;

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Gundersen et Ziliak, 2006). En effet, la peur de la réaction de l’entourage face à ce recours

semble être un important motif de non-recours aux services. Par contre, selon d’autres études,

le manque d’information serait, plus que la stigmatisation, une raison importante de non-

recours, les personnes âgées ayant difficilement accès à de l’information concernant les

différents services et ressources disponibles (Johnson, 2008 ; Lee et Frongillo, 2001 ;

Bhattarai, Duffy et Raymond, 2005 ; Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler,

2014 ; Loopstra et Tarasuk, 2012). De plus, une autre étude reflète cette situation en

démontrant qu’environ 60% des personnes âgées ne participeraient pas au programme de bons

d’achat alimentaire car croyant ne pas être éligibles à celui-ci (Wu, 2009). Une certaine

confusion à l’égard des services et ressources disponibles et des règles de fonctionnement

associées à ceux-ci seraient à l’origine de ce non-recours (Wu, 2009 ; Loopstra et Tarasuk,

2012). Ce manque d’accès à de l’information, retrouvé également dans une autre étude, serait

influencé par l’isolement vécu par les personnes âgées, en raison du nombre limité de

personnes pouvant leur fournir de l’information sur les différents services et ressources

existants (Bryant et al., 2002). L’isolement des personnes âgées pourrait être expliqué en

partie par le fait que certaines d’entre elles éprouveraient de la difficulté à admettre qu’elles

vivent de l’insécurité alimentaire, ayant comme mentalité qu’il est important de se débrouiller

seul et de ne pas dépendre de programmes d’aide gouvernementaux. Aussi, celles-ci

préféreraient recourir à leurs proches plutôt que de recourir à ces programmes, ce qui peut

également être mis en relation avec la stigmatisation associée au recours à ceux-ci. D’autres

études évoquent plutôt des raisons liées aux perceptions des personnes âgées en regard de leur

évaluation de leur situation. Ainsi, une étude rapporte que les personnes âgées n’identifient

pas le besoin d’y recourir car croyant que d’autres personnes en ont davantage besoin (Lee et

Frongillo, 2001) et croyant également ne pas avoir besoin d’y recourir personnellement (Wu,

2009). Selon l’étude de Keller et ses collaborateurs (2007), les personnes seraient réticentes à

recourir à toute forme d’aide alimentaire, tout simplement parce qu’elles ne seraient pas

conscientes de leur situation d’insécurité alimentaire. À cet égard, Wolfe et ses collaborateurs

(1996) suggèrent que les services d’aide alimentaire visant spécifiquement les personnes

âgées seraient plus facilement acceptés par celles-ci, car elles auraient davantage l’impression

qu’elles y ont droit.

Dans la plupart des études recensées, le peu de bénéfices retirés du recours serait également

une raison de ne pas recourir à un service, particulièrement aux bons d’achat alimentaire

(Edward et Evers, 2001 ; Wolfe et al., 1996 ; Wu, 2009). Ceci a également été constaté dans

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une autre étude qui révèle que les économies associées au recours aux bons d’achat

alimentaire ne vaudraient pas, pour plusieurs, les coûts engendrés à chaque nouvelle

certification d’éligibilité à ce type de services (Gundersen et Ziliak, 2006). Le nombre limité

d’études ayant rapporté ce motif semble démontrer qu’il s’agit d’un motif peu répandu.

Finalement, deux études font ressortir des obstacles liés au transport et à la mobilité des

personnes âgées (Johnson, 2008 ; Vallianatos, Shaffer et Gootlieb, 2002) principalement liés

au fait de ne pas avoir de véhicule automobile, d’avoir de la difficulté à transporter des

paquets dans le transport en commun et de ne pas pouvoir acquitter les frais associés à ce type

de transport. Tel que mentionné précédemment, ces problèmes de mobilité peuvent également

être liés à l’isolement social vécu par ces personnes car contribuant à les confiner à leur

domicile et réduisant par le fait même leurs contacts sociaux (Bryant et al., 2002 ; Conseil

national des aînés, 2009).

Selon cette revue de littérature, plusieurs études américaines se sont penchées sur le

phénomène de non-recours aux services d’aide alimentaire ainsi que les motifs associés à ce

non-recours. Toutefois, très peu d’études canadiennes semblent avoir examiné ceux-ci

(Bryant et al., 2002 ; Edward et Evers, 2001 ; Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward,

2007 ; Loopstra et Tarasuk, 2012) et aucune étude québécoise n’a été recensée alors que les

taux de fréquentation de ces services sont faibles dans cette province.

Notre connaissance des obstacles au recours et les motifs de la réticence des personnes âgées

à consulter des services d’aide demeure fragmentaire. Il s’avère important de mieux

comprendre ces éléments car, comme rapporté précédemment, ces informations permettraient

de bonifier les stratégies d’intervention visant à diminuer l’insécurité alimentaire des

personnes âgées. Deux études indiquent qu’il y aurait une inadéquation entre les besoins des

personnes âgées et les services d’aide alimentaire (Keller, Dwyer, Edwards, Senson et

Edward, 2007 ; Tarasuk et Eakin, 2003). Par exemple, les problèmes de mobilité de celles-ci

seraient méconnus de certaines banques alimentaires, lesquels affectent leur accès à ces

services. De leur côté, les intervenants éprouveraient aussi de la difficulté à rejoindre les

personnes âgées, particulièrement celles vivant seules à domicile (Comité d’action en sécurité

alimentaire de Laval, 2010). Il y aurait également un écart entre les besoins nutritionnels

observés et documentés des personnes âgées et les politiques et services mis en place pour

soutenir ces derniers (Keller, Dwyer, Edwards, Senson et Edward, 2007 ; Tarasuk et Eakin,

2003).

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1.5 Objectifs et questions de recherche

La présente étude s'inscrit dans un projet de recherche plus large intitulé « Vers une autonomie

alimentaire pour tous : Agir et Vivre ensemble le Changement AVEC » qui a pour objectif

d'approfondir la compréhension, avec des personnes en situation de pauvreté et socialement

exclues, des stratégies d'accès alimentaire (dont le (non) recours aux ressources visant

l'autonomie alimentaire) en mettant en relief les facteurs structurels.

Au sein de ce projet de recherche, la présente étude vise, en premier lieu, à documenter les

stratégies d’accès alimentaire des personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules au sein de la

communauté, et vivant de l’insécurité alimentaire, dans le quartier Limoilou, et, en deuxième

lieu, à mieux comprendre leur recours et leur non-recours aux différents types de services

d’aide alimentaire (banques alimentaires, cuisines collectives, etc.). Pour ce faire, nous avons

examiné, avec les participants, leurs stratégies d’accès alimentaire, dont le recours et le non-

recours de ces personnes aux services de dépannage alimentaire et aux services d’aide

alternatifs, en tentant de découvrir les motifs y étant associés et leur expérience de recours.

Les questions de recherche sont donc les suivantes : quelles sont les stratégies des personnes

âgées de 65 ans et plus pour acquérir de la nourriture ? Les personnes âgées de 65 ans et plus

vivant de l’insécurité alimentaire recourent-elles aux ressources d’aide alimentaire pour se

nourrir ? Sinon, pour quels motifs n’y recourent-elles pas ?

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CHAPITRE 2. CADRE CONCEPTUEL

Suite à une brève revue de la littérature, nous avons retenu le cadre conceptuel de Wolfe et ses

collaborateurs réalisé en 1996, le trouvant le plus pertinent et utile pour cette étude. Un autre

cadre traitait de l’expérience de l’insécurité alimentaire chez les personnes âgées mais se

concentrait exclusivement sur les personnes âgées vivant dans les milieux ruraux. Or, cela ne

convenait pas à la présente étude, étant donné qu’elle se situe dans un milieu urbain et que ces

deux milieux vivent des réalités très différentes, notamment en ce qui concerne la

problématique du transport (Quandt, Arcury, McDonald, Bell et Vitolins, 2001). D’autres

cadres conceptuels plus récents ont été identifiés mais ne convenaient pas pour diverses

raisons. Par exemple, le cadre conceptuel de Green-LaPierre et ses collaborateurs (2012)

s’intéresse à l’insécurité alimentaire mais uniquement chez les femmes âgées. D’autres

comme celui de Glanz et ses collaborateurs (2005) s’intéressent à l’influence de

l’environnement sur la nutrition Or, notre étude ne s’intéresse pas à la nutrition mais plutôt

aux stratégies utilisées par les personnes pour acquérir de la nourriture. Nous ne visons pas à

porter de jugements sur l’alimentation des participants à l’étude. Plusieurs cadres s’intéressent

aux bonnes habitudes alimentaires (Haering et Syed, 2009) mais nous ne nous intéressons pas

à cet élément. Donc, très peu de cadres conceptuels s’intéressent à l’expérience d’insécurité

alimentaire telle que vécue par les personnes âgées comme c’est le cas du cadre de Wolfe et

ses collaborateurs (1996). À notre connaissance, l’étude réalisée par cet auteur en 2003 et

bonifiant celui-ci est également la seule adoptant une définition de l’insécurité alimentaire

adaptée à la situation vécue par les personnes âgées (Green-LaPierre et al., 2012 ; Quandt,

Arcury, McDonald, Bell et Vitolins, 2001). Il s’agit d’une étude qualitative américaine ayant

réalisé des entrevues en profondeur auprès de 46 ménages de personnes âgées, certaines

d’origine latino-américaine et d’autres américaines d’origine non latine et ayant conceptualisé

l’expérience d’insécurité alimentaire des personnes âgées selon quatre dimensions :

quantitative, qualitative, psychologique et sociale.

Le cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996) a été développé en 1996 dans le cadre d’une

recherche qualitative américaine ayant comme objectif de déterminer les effets potentiels sur

l’insécurité alimentaire des personnes âgées de changements apportés au plan de l’aide sociale

et des programmes nutritionnels et de santé. Pour ce faire, celle-ci a tenté de mieux

comprendre les facteurs influençant l’insécurité alimentaire chez les personnes âgées. Ce

cadre (Annexe 1) découle des résultats d’analyse d’entrevues en profondeur réalisées avec 41

personnes âgées à faible revenu, et identifie différents facteurs contribuant à l'insécurité

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alimentaire chez les personnes âgées, soit le faible revenu, un état de santé précaire et des

incapacités physiques, lesquelles entraînent des frais médicaux élevés et des dépenses

imprévues (urgences médicales), en plus de réduire la capacité des personnes âgées à se

procurer de la nourriture et à consommer cette dernière. Un faible réseau social est aussi

décrit comme pouvant accroître l’expérience d’insécurité alimentaire chez les personnes âgées

(Wolfe et al., 1996). En effet, plusieurs d’entre elles dépendent de membres de leur famille

pour les aider à se transporter vers des ressources, leur apporter des repas et parfois même

préparer leurs repas. L’absence de réseau social peut donc occasionner une situation

d’insécurité alimentaire causée par une incapacité à se transporter pour acquérir de la

nourriture ou une incapacité à préparer ses repas.

Le cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996) présente également certains éléments décrits

comme réduisant l'expérience d'insécurité alimentaire chez les personnes âgées, soit les

stratégies de gestion alimentaire, telle que la réalisation de réserves alimentaires pour les

temps plus difficiles et la préservation d’aliments via la congélation. Une autre stratégie

consiste à recourir aux services de dépannage alimentaire (banques alimentaires) et aux

services d’aide alternatifs (jardins communautaires, cuisines collectives). De plus, la

possession d'économies et la présence d'un réseau social (amis, famille) pouvant aider lors de

la survenue de dépenses imprévues (emprunt d’argent), peuvent aussi réduire l’expérience

d’insécurité alimentaire.

Ce cadre traite aussi du phénomène de non-recours aux services d’aide alimentaire et soulève

certains motifs y étant associés, tels qu’un refus d’admettre être en situation d’insécurité

alimentaire et ne pas vouloir dépendre de programmes gouvernementaux.

Ce cadre illustre des dimensions significatives de l’expérience d’insécurité alimentaire chez

les personnes âgées ainsi que leurs stratégies d’accès alimentaire et leurs motifs de non-

recours aux services d’aide alimentaire et s’est avéré utile dans le cadre de notre étude, à la

fois pour nous orienter dans la collecte des données, l’analyse et l’interprétation des données

concernant les stratégies d’accès alimentaire des personnes âgées ainsi que leurs motifs de

non-recours aux services d’aide alimentaires. Étant donné que la présente étude s’intéresse à

l’insécurité alimentaire telle que vécue par les personnes âgées, l’adoption d’une définition de

l’insécurité alimentaire intégrant leur expérience s’avérait importante. Tel que mentionné

précédemment, une définition semblable a été élaborée par Wolfe et ses collaborateurs dans

une étude réalisée en 2003. Selon eux, l’insécurité alimentaire peut être comprise comme

étant l’incapacité d’acquérir ou de consommer une nourriture de qualité ou une quantité

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suffisante de nourriture, qui correspond aux besoins de santé et soit obtenue de manière

socialement acceptable, ou l’incertitude de pouvoir y arriver. Cette définition prend en compte

la situation particulière des personnes âgées ayant des besoins nutritionnels particuliers, liés à

un état de santé précaire. Celles-ci vivent un stress lié à une incertitude de pouvoir se procurer

des aliments en quantité suffisante et qui correspondent aussi à leurs besoins précis (Wolfe,

Frongillo et Valois, 2003). De plus, l’incapacité de préparer des repas est également associée à

l’insécurité alimentaire telle que vécue par les personnes âgées car celles-ci peuvent posséder

les ressources financières nécessaires pour acquérir de la nourriture mais être incapables de la

préparer en raison de problèmes de santé ou d’un manque de motivation ou d’énergie,

résultant en une diète alimentaire inadéquate. Un manque d’intérêt à s’alimenter ou un

manque d’appétit peuvent également être ressentis, en raison de sentiments dépressifs

découlant de l’isolement social vécu par certaines personnes âgées (Wolfe, Frongillo et Valois,

2003).

Bref, pour toutes les raisons énoncées précédemment, nous croyons que le cadre conceptuel

de Wolfe et ses collaborateurs (1996) était le plus pertinent à utiliser dans le cadre de la

présente étude.

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CHAPITRE 3. MÉTHODOLOGIE

Le présent chapitre vise à présenter les choix méthodologiques et les différentes opérations

effectuées pour mener à bien notre étude. Il est divisé en dix sections, soit la présentation du

devis de recherche, une justification et une description du milieu et de la population choisis

ainsi qu’une présentation des services d’aide alimentaire existant au Québec et au sein du

quartier Limoilou. Ce chapitre présente également les méthodes de collecte de données

utilisées, le processus de sélection des personnes, les stratégies de recrutement utilisées, le

déroulement du recrutement et des entrevues, une présentation des outils de collecte utilisés,

une présentation du processus d’analyse de données effectué et la présentation des

considérations éthiques et des critères de rigueur observés dans le cadre de l’étude.

3.1 Devis de recherche

Le type de devis de recherche choisi pour cette étude est de nature qualitative et s’inspire de

l’approche ethnographique. De plus, celui-ci a également été influencé par le paradigme

constructiviste, selon lequel la réalité n’existe pas en elle-même mais serait plutôt construite,

produite et représentée socialement par les gens. Cela implique qu’aucune représentation de la

réalité ne peut être objective mais est plutôt subjective. (Holstein et Gubrium, 2011). Par

conséquent, nous désirions décrire en profondeur les expériences des participants (Creswell,

2012 ; Yin, 2010) et nous centrer sur le vécu de ces derniers ainsi que leur propre

interprétation de ce vécu (Anadón et Guillemette, 2007 ; Creswell, 2012 ; Mertens, 2009). Nous

désirions également examiner la multitude de réalités vécues par ces personnes et leurs

différents points de vue sur leur situation (Mertens, 2009). Nous nous intéressions aussi aux

comportements de ces personnes (recours et non-recours aux services d'aide alimentaire) et au

sens associé à ces derniers. Nous désirions mieux comprendre l’expérience d’insécurité

alimentaire vécue par un groupe particulier, soit les personnes seules âgées de 65 ans et plus,

et ce, à partir de leur propre perception de cette expérience.

3.2 Justification et description du milieu et de la population choisis

Nous avons choisi de situer notre étude dans le quartier La Cité-Limoilou de la ville de

Québec. Ce choix a été motivé par le fait qu’il s’agisse du quartier vivant le plus de

défavorisation matérielle et sociale de la région de la Capitale-Nationale (Centre de santé et

de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2011). De plus, tel qu’évoqué plus tôt, c’est

également dans ce quartier que les personnes craignent de vivre ou souffrent le plus

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d’insécurité alimentaire, comparativement aux autres quartiers de la ville (Centre de santé et

de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2010).

De plus, il s’agit également du quartier où l’on trouve la plus grande proportion des personnes

âgées de 60 ans et plus, représentant 26,1% de sa population. En outre, tel que mentionné

précédemment, une grande proportion de cette population vit seule dans ce quartier, soit près

de la moitié de celle-ci (Mercure, 2009). Comme nous l’avons déjà précisé, nous avons choisi

de nous intéresser aux personnes âgées en raison du peu d’études réalisées sur cette tranche de

la population concernant l’insécurité alimentaire et du fait qu’elles sont particulièrement à

risque d’en souffrir.

Le quartier La Cité-Limoilou est un nouvel arrondissement résultant du regroupement des

arrondissements de La Cité et de Limoilou effectué en 2009. Celui-ci couvre une superficie de

22,18 km2. Cet arrondissement a une petite superficie mais est aussi le plus densément peuplé

de la ville, comptant 21,85% de la population totale de celle-ci, soit 107 511 personnes en

2006. Cet arrondissement se découpe en trois secteurs, soit la Haute-Ville, la Basse-Ville et

Limoilou, lesquels regroupent à leur tour neuf quartiers. La Haute-Ville comprend les

quartiers de Saint-Jean-Baptiste, Montcalm, Saint-Sacrement ainsi qu’une partie du Vieux-

Québec-Cap-Blanc-Colline parlementaire. Quant à elle, la Basse-Ville comprend les quartiers

de Saint-Sauveur, Saint-Roch et une partie du Vieux-Québec-Cap-Blanc-Colline

parlementaire. Pour sa part, Limoilou regroupe les quartiers du Vieux-Limoilou, de Lairet et

de Maizerets (Centre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2010).

On retrouve dans cet arrondissement une vie communautaire très active via les organisations

communautaires et les associations telles que les comités de citoyens, les groupes d’entraide

et les organismes de loisirs présents au sein de celui-ci. Ceux-ci s’activent à diminuer les

effets de la défavorisation présente. Seulement à Limoilou, plus d’une vingtaine de

concertation oeuvrent au développement, au soutien et à la prise en charge du milieu (Centre

de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale, 2010). Nous trouvons également dans le

quartier Limoilou une diversité de services d’aide alimentaire. Nous présentons ici-bas les

différents services existant au Québec suivis d’une présentation des services d’aide

alimentaire existant dans ce quartier.

Au Québec, les différents services d’aide alimentaire sont répartis en deux types, soit l’aide

traditionnelle ou le dépannage alimentaire, et les pratiques alternatives au dépannage.

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L’aide traditionnelle comprend les banques alimentaires, les soupes populaires, les paniers de

Noël et les bons d’achat alimentaire. Il s’agit d’une aide alimentaire d’urgence, qui sert

principalement à dépanner les personnes en cas de besoin. L’aide fournie dans les banques

alimentaires consiste en des dons sous la forme de colis de nourriture, lesquels sont distribués

à des personnes et des familles dans le besoin, à une densité et une fréquence variables. Les

organismes fournissant ce type d’aide peuvent être des organismes communautaires bénévoles

ou religieux. L’organisme le plus connu à cet effet est Les Sociétés Saint-Vincent-de-Paul

(SSVP). Ce type d’organisme est répandu à travers tout le Québec et a donc une ampleur

considérable. Les banques alimentaires procèdent généralement à l’évaluation des besoins des

personnes avant de leur offrir leurs services (Racine, 2007). Pour leur part, les bons d’achat

alimentaire consistent en des bons échangeables contre de la nourriture dans les épiceries et

les supermarchés. Contrairement aux banques alimentaires, ce type de service permet aux

personnes qui les utilisent de choisir les aliments selon leurs préférences. Ce type de service

est surtout fournit par les organismes des Sociétés Saint-Vincent-de-Paul. Les soupes

populaires, quant à elles, consistent en des organismes offrant des repas chauds, à coût

modique, aux personnes qui s’y présentent. Contrairement aux deux types de services

précédents, les soupes populaires n’évaluent pas les besoins des personnes qui les fréquentent.

La majorité des personnes se présentant à ce type de service sont des personnes itinérantes.

Des exemples d’organismes offrant ce service sont L’auberivière à Québec et L’Accueil

Bonneau à Montréal (Racine, 2007).

Les paniers de Noël, pour leur part, représentent un service qui est circonscrit dans le temps

car étant offert exclusivement durant la période de Noël. Ce type de service est généralement

soutenu par des « guignolées », soit des récoltes d’argent, de nourriture et de jouets auprès de

la population peu avant la période des fêtes. Ce type d’aide permet principalement aux

personnes qui en bénéficient d’avoir accès à une quantité appréciable d’aliments durant cette

période (Racine, 2007).

Les popotes roulantes, quant à elles, impliquent la livraison à domicile par des bénévoles de

repas préparés. Ce type de service s’adresse aux personnes âgées vivant une perte

d’autonomie ou ayant une maladie chronique les rendant incapables de préparer elles-mêmes

leurs repas ou de se déplacer hors de leur domicile pour acquérir de la nourriture (Services

Québec, 2013).

Un autre type de service offert consiste en des repas communautaires, soit l’offre de repas à

petit prix, notamment à des personnes seules et des personnes âgées, dans un lieu déterminé,

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parfois dans une habitation à loyer modique. Il s’agit d’une occasion de rencontres, en plus

d’une occasion d’acquérir de la nourriture à prix abordable (Service de nutrition et d’action

communautaire, 2013).

Quant à elles, les pratiques alternatives concernent les cuisines collectives, les groupes

d’achat, les jardins communautaires, les épiceries communautaires, les restaurants populaires

et les magasins-partage. Contrairement à l’aide traditionnelle, les pratiques alternatives ne

visent pas seulement la dimension alimentaire. En effet, ce type de services implique les

bénéficiaires de manière active et contribue à la création de réseaux sociaux, au

développement du pouvoir d’agir et au développement social de ceux-ci (Racine, 2007).

Les cuisines collectives sont des petits groupes de personnes mettant en commun leur temps,

leur argent et leurs compétences afin de cuisiner des repas nutritifs et économiques. Les

participants choisissent ensemble des recettes, dressent la liste des ingrédients impliqués dans

la préparation de celles-ci et effectuent les achats, après quoi ils préparent ensemble les repas

(Regroupement des cuisines collectives du Québec, 2006). Certains organismes se consacrent

presque exclusivement à l’offre de ces services. Cependant, il est également possible de

retrouver des cuisines collectives à l’intérieur d’organismes dont l’aide alimentaire n’est pas

la mission principale, tels que les Centres de femmes, les organismes de soutien aux familles

et des ressources en santé mentale. Les différents organismes offrant des services de cuisines

collectives font partie de l’organisation ayant créé ces dernières, soit Le Regroupement des

cuisines collectives du Québec, qui compte 1330 organismes membres (Racine, 2007). Quant

à eux, les groupes d’achat, tout comme les cuisines collectives, permettent aux gens de

réaliser des économies sur leurs achats de nourriture. Ceux-ci sont constitués de personnes et

de familles achetant collectivement divers aliments à coût minime auprès de grossistes et de

producteurs de leur région. Les rencontres s’effectuent à deux reprises, soit une première

rencontre pour choisir les aliments à acheter et une deuxième rencontre où les gens partagent

les commandes (Racine, 2007). Il arrive que les cuisines collectives et les groupes d’achat

soient deux pratiques associées l’une à l’autre (Regroupement des cuisines collectives du

Québec, 2006).

Quant aux jardins collectifs, il s’agit d’une pratique relativement nouvelle au Québec.

Contrairement aux jardins communautaires, où chaque personne cultive son propre lot de

terre, les jardins collectifs impliquent que les personnes et les familles cultivent ensemble sur

un même lot de terre et partagent les récoltes, en plus de leur expérience et de leurs

connaissances. Les jardins collectifs ont été initiés par des organisations écologiques et

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prennent de plus en plus d’ampleur, étant utilisés par certains organismes comme alternative

au dépannage alimentaire. Les jardins collectifs sont ouverts à tous et il arrive, tout comme les

groupes d’achat, que des collaborations prennent forme avec les cuisines collectives (Racine,

2007).

Pour leur part, les épiceries communautaires constituent un service combinant le dépannage et

les groupes d’achat. Les clients de ces épiceries se voient offrir des aliments à moindre coût.

Le fonctionnement et la structure de ce type de service varient mais s’adressent toujours aux

mêmes personnes, soit les personnes à faible revenu devenant membres, impliquant de faibles

coûts d’adhésion ou une participation au fonctionnement. Il est difficile pour ce type de

service de subsister en offrant des coûts intéressants aux personnes les fréquentant, en raison

de la forte concurrence des prix sur le marché alimentaire privé et des faibles profits réalisés

(Racine, 2007).

Quant à eux, les restaurants populaires sont des établissements offrant des repas à faible coût

aux personnes de leur quartier. De plus, ceux-ci permettent également l’insertion

professionnelle de personnes à faible revenu désirant s’intégrer dans le marché du travail.

Généralement, les restaurants populaires constituent des entreprises d’économie sociale ayant

une mission socio-économique. Des exemples de restaurants populaires connus sont Le

Pignon Bleu dans le quartier Saint-Sauveur, à Québec, et Le Chic Resto Pop, dans le quartier

Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal (Racine, 2007).

Finalement, les Magasins-Partage constituent une pratique alternative aux Paniers de Noël et

desservent les personnes et les familles dans le besoin, à la rentrée scolaire et durant la

période des fêtes. Les personnes utilisant ce type de service peuvent choisir les produits dont

elles ont besoin et ne paient généralement que 10% du coût de la facture totale. À Montréal, le

Regroupement des Magasins-Partage de l’île de Montréal compte 17 organisations offrant ce

type de service.

Certains organismes offrent à la fois de l’aide traditionnelle de type dépannage et de l’aide de

type alternative afin de pouvoir répondre aux différents besoins des participants et de

respecter leur cheminement personnel. Les différents organismes, qu’ils offrent de l’aide de

type traditionnelle ou des services d’aide alternatifs, sont généralement soutenus par des dons

privés provenant de fondations ou d’autofinancement, ce qui rend leur existence plutôt fragile

et leur développement, plutôt ardu (Racine, 2007).

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À Limoilou, plusieurs organismes communautaires sont présents, offrant de l’aide alimentaire

traditionnelle et des services d’aide alimentaire alternatifs. Les services d’aide traditionnels

dans le quartier Limoilou comprennent des banques alimentaires, des soupes populaires, des

repas communautaires et des popotes roulantes. On retrouve une grande concentration

d’organismes offrant des services de distribution alimentaire sur le territoire du CSSS de la

Vieille-Capitale (Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale, 2013). Ces

organismes offrent des services de distribution alimentaire via des banques alimentaires,

notamment La Saint-Vincent-de-Paul, l’Armée du Salut, le Service d’entraide Roc-Amadour,

le Relais d’Espérance et La Bouchée généreuse (Approche territoriale intégrée Limoilou,

2013 ; Centre communautaire l’Amitié, 2013 ; Mercure, 2009). Des organismes offrent

également des services de soupes populaires offrant des repas chauds à bas prix, soit la

Maison Mère Mallet, la Maison de L’Auberivière et le Café-rencontre (Centre communautaire

l’Amitié, 2013). Toutefois, peu d’organismes offrent le service de popote roulante au sein du

quartier, soit seulement le Service d’entraide Roc-Amadour (Approche territoriale intégrée

Limoilou, 2013).

Quant à elles, les pratiques alternatives d’aide alimentaire dans le quartier Limoilou

comprennent des cuisines collectives, des jardins communautaires, des groupes d’achat ainsi

que des commerces offrant des aliments à petit prix tels que des boulangeries économiques et

des épiceries communautaires. Tout comme l’aide traditionnelle, on note également une

grande concentration d’organismes offrant des services d’aide alimentaire alternatifs au sein

du territoire du CSSS de la Vieille-Capitale (Direction régionale de santé publique de la

Capitale-Nationale, 2013). Ces organismes offrent principalement des services de repas

communautaires, notamment L’Évasion St-Pie X, Le Centre Monseigneur Marcoux, le

Comité volontariat de Québec et Sécuribouffe (Approche territoriale intégrée Limoilou,

2013). Plusieurs organismes du quartier offrent aussi des services de cuisines collectives,

notamment le Service d’entraide Roc-Amadour, le Centre Monseigneur-Marcoux, Les

Ateliers à la terre et Sécuribouffe. En plus des services de cuisines collectives, ces organismes

offrent également des services d’ateliers culinaires, hormis Les Ateliers à la terre, ainsi que

des services de jardins collectifs (Approche territoriale intégrée Limoilou, 2013). Quant aux

groupes d’achat, le Service d’entraide Roc-Amadour, le Centre Monseigneur-Marcoux et

Sécuribouffe offrent également ce type de service (Approche territoriale intégrée Limoilou,

2013). Un autre service offert dans le quartier Limoilou est celui d’épicerie communautaire,

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lequel est offert par les organismes Le Service d’entraide Roc-Amadour et La Bouchée

généreuse (Approche territoriale intégrée Limoilou, 2013).

Les organismes offrant de l’aide alimentaire sont toutefois inégalement répartis selon les

différents secteurs du quartier. Comparativement aux secteurs de Lairet et de Maizerets, le

secteur du Vieux-Limoilou semble être mieux desservi, comptant 22 organismes contre 8

organismes dans le secteur Lairet et 9 organismes dans le secteur Maizerets. Notamment, le

secteur Lairet compte seulement un organisme offrant des services de distribution alimentaire

et de cuisines collectives alors que les secteurs Maizerets et Vieux-Limoilou en comptent plus

de 5 (Approche territoriale intégrée Limoilou, 2013).

Tel que mentionné précédemment, ces organismes visent, en général, des personnes et des

familles à faible revenu. Seulement, peu des services offerts s’adressent exclusivement aux

personnes âgées, mis à part la popote roulante. En effet, selon le Portrait du réseau d’aide

alimentaire de la région de la Capitale-Nationale publié en 2013, les personnes âgées et en

perte d’autonomie représentent une clientèle peu ciblée par les organismes communautaires et

caritatifs en faisant partie (17%). (Direction régionale de santé publique de la Capitale-

Nationale, 2013). De plus, ces services ne semblent pas avoir été évalués de manière

systématique et donc nous ne savons pas s’ils répondent aux besoins des personnes âgées.

3.3 Méthodes de collecte des données

Dans le cadre de la présente étude, deux méthodes de collecte de données ont été utilisées,

soit l’observation participante et les entrevues individuelles.

3.3.1 Observation participante

Tout d’abord, la technique de l’observation participante a été choisie afin de mieux

comprendre la nature d’un phénomène via la participation aux activités quotidiennes des

personnes étudiées. En effet, l’observation participante implique la participation du chercheur

aux activités quotidiennes de personnes afin d’en apprendre davantage sur les aspects

explicites et plus tacites de leur vie, de leur culture (Becker et Geer, 2005 ; DeWalt et DeWalt,

2010). C’est par cette implication du chercheur dans la vie des gens que l’observation

participante se différencie de l’observation non participante, qui consiste à observer des

événements, des activités et des interactions sociales afin de mieux comprendre un

phénomène dans son contexte naturel mais sans que le chercheur ne participe aux activités en

cours (Mills, Durepos et Wiebe, 2009). L’observation participante, par cette implication du

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chercheur, permet de collecter des informations dans le milieu de vie de celles-ci. (Becker et

Geer, 2005 ; DeWalt et DeWalt, 2010). De plus, l’utilisation de cette méthode permet

d’obtenir des données qui ne pourraient pas l’être autrement, qui nous échapperaient (Becker

et Geer, 2005). L’observation participante s’est déroulée à deux endroits différents, soit

l’organisme communautaire La Bouchée généreuse et un atelier de cuisine collective au

Centre Monseigneur Marcoux. Une journée fut consacrée à la réalisation de bénévolat au

service de distribution alimentaire de La Bouchée généreuse. Lors de cette journée, une grille

d’observation (Annexe 2) fut utilisée afin de documenter différents éléments liés au

déroulement et au fonctionnement de ce service. L’historique, la mission, la description des

services et des lieux, la capacité d’accueil, le déroulement des activités et la dynamique de

groupe de l’équipe de bénévoles furent documentés. Deux journées furent également

consacrées à l’observation participante d’un atelier de cuisine collective, lors desquelles ces

mêmes éléments furent documentés.

3.3.2 Entrevues individuelles

Ensuite, les entrevues individuelles furent retenues comme technique de collecte de données

afin de permettre une description plus en profondeur de l’expérience vécue de chaque

participant. Les entrevues individuelles semi-dirigées furent choisies afin de laisser toute la

latitude possible à l’expression des participants. De plus, cette technique permet de réaliser

des entrevues plus flexibles, permettant une certaine improvisation lors de l’entrevue et

laissant une plus grande place à l’expression des participants via des questions ouvertes

(Galletta, 2013).

Lors des entretiens, un climat de confiance fut créé avec chaque participant par des

discussions informelles précédant et suivant ceux-ci. De plus, un espace fut également utilisé

pour les commentaires et les questions des participants, à la fin des entrevues.

3.4 Sélection des personnes pour les entrevues individuelles

Le processus de sélection des participants s’est réalisé par choix raisonné, en fonction des

questions de recherche et des informations contenues dans la littérature concernant les

populations vivant de l’insécurité alimentaire. L’utilisation de l’échantillonnage par choix

raisonné permet de s’assurer que les données soient les plus pertinentes possibles en regard du

sujet à l’étude, en sélectionnant les participants qui sont le mieux à même de fournir des

réponses aux questions de recherche (Creswell, 2012 ; Gélineau, 2010 ; Yin, 2010). La

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sélection des participants s’est également réalisée selon le principe de diversification,

consistant à rechercher une diversité sur le plan des expériences vécues des participants,

permettant de mieux comprendre un phénomène donné via l’accès à un portrait global de

celui-ci (Creswell, 2012 ; Pires, 1997 ; Wengraf, 2001). Les critères d’inclusion étaient : être

une personne âgée de 65 ans et plus et vivant seule, être une personne vivant à domicile, au

sein de la communauté, dans le quartier Limoilou, être une personne vivant des difficultés

d’approvisionnement alimentaire, être une personne à faible revenu, être une personne parlant

français et désirant partager son expérience personnelle, ne pas souffrir d’un handicap

physique sévère, ne pas souffrir d'une maladie mentale ou de démence sévère et avoir une

certaine mobilité physique. Le principe de saturation théorique guida également cette étape du

projet, afin de déterminer à quel moment la collecte de données devait cesser. Selon ce

principe, la collecte de données cesse lorsque le chercheur juge que les données provenant des

témoignages des participants n’apportent plus rien de nouveau au processus de théorisation du

phénomène étudié mais plutôt qu’elles confirment les catégories déjà existantes (Newton

Suter, 2011 ; Pires, 1997). Le recrutement de participants cessa lorsqu’une certaine saturation

fut atteinte pour plusieurs catégories.

3.5 Stratégies de recrutement

Nous avons décidé de travailler en collaboration avec l’organisme communautaire La

Bouchée généreuse car celui-ci s’est montré intéressé à collaborer au projet de recherche. De

plus, la collaboration avec cet organisme nous permettait de rencontrer des personnes

fréquentant un service d’aide alimentaire pour acquérir de la nourriture.

La Bouchée généreuse est un organisme communautaire fondée en 1996 par l’abbé Bruno

Verret et situé dans la paroisse de Stadacona, au sein du quartier Limoilou. Cet organisme a

pour mission de contribuer à l’amélioration du milieu de vie en répondant aux besoins de la

population démunie, résidant surtout dans Limoilou.

Le recrutement à La Bouchée généreuse fut effectué à trois moments distincts. La première

occasion de recrutement consista en une brève présentation du projet de recherche d’environ 5

minutes aux personnes présentes dans une salle d’attente, et ce, à plusieurs reprises, suivant la

rotation des groupes dans la salle. Étant donné la rapidité du roulement des personnes,

lesquelles se déplaçaient vers la banque alimentaire lorsque leur numéro était nommé, nous

devions présenter notre recherche assez rapidement. Les deux occasions subséquentes eurent

lieu au même endroit et impliquèrent une bénévole de l’organisme, qui demanda aux

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personnes âgées de 65 ans et plus de se manifester à nous. Ces personnes furent alors

approchées et le projet de recherche leur fut brièvement expliqué. Des annonces de

recrutement décrivant le projet de recherche furent aussi remises à celles-ci et les coordonnées

des personnes intéressées furent prises en note. La collecte de données fut effectuée via la

prise de rendez-vous avec ces personnes et la confirmation de chaque rendez-vous fut

effectuée une journée précédent celui-ci. Certaines personnes furent rencontrées dans un local

réservé sur les lieux de La Bouchée généreuse tandis que d’autres furent rencontrées à leur

domicile.

Nous avons également collaboré avec l’Office municipal d’habitation de Québec afin de

prendre contact avec des personnes vivant dans une habitation à loyer modique et donc, ayant

un faible revenu.

L’Office municipal d’habitation de Québec est une organisation intervenant dans la ville de

Québec afin de répondre, dans la mesure de ses disponibilités, à la demande de logements

sociaux des personnes ou des familles à faible et à modeste revenu. L’Office planifie son

développement et gère les programmes confiés en favorisant le développement personnel des

locataires par leur participation dans l’amélioration de leur milieu de vie. De plus, cette

organisation effectue la location et l’entretien d’immeubles et s’assure de conserver en bon

état les habitations sous sa gestion, dans le respect d’un environnement sécuritaire (Office

municipal d’habitation de Québec, 2013).

Le projet de recherche fut présenté brièvement dans le cadre de l’assemblée générale annuelle

de locataires des Immeubles Saint-Pascal. La présentation de celui-ci dura approximativement

5 minutes. Tout comme à La Bouchée généreuse, nous devions présenter rapidement notre

recherche car d’autres points étaient présents à l’ordre du jour et devaient être présentés par la

suite. Des annonces de recrutement décrivant le projet de recherche furent alors remises aux

personnes intéressées et leurs coordonnées furent prises en note. Les annonces de recrutement

présentaient le contexte de la recherche et le processus de collecte de données. Par la suite, la

technique du bouche à oreille contribua également au recrutement de certaines personnes à

l’intérieur de cet établissement.

Avant de débuter chaque entretien et dans le but d’obtenir un consentement libre et éclairé de

chacun des participants, le contenu du formulaire de consentement fut expliqué en détail à ces

derniers, ce qui dura environ 15 minutes. Tout d’abord, le projet fut situé en précisant qu’il

s’agissait d’un projet de maîtrise. Ensuite, la nature de l’étude fut brièvement expliquée, la

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situant dans le cadre d’un projet de recherche plus large, soit le projet ‘‘Vers une autonomie

alimentaire pour tous : Agir et Vivre ensemble le Changement AVEC’’ et présentant les

objectifs de celui-ci. Le déroulement de la participation fut ensuite expliqué, présentant les

différents thèmes abordés ainsi que la durée approximative des deux entretiens. L’utilisation

de l’outil visuel de cartographie participative fut également expliquée en détail. De plus, il fut

aussi précisé aux participants qu’un questionnaire sociodémographique leur serait remis à la

fin de l’entrevue. Les avantages, les risques et les inconvénients liés à leur participation furent

également énoncés aux participants et il fut précisé que leur participation était volontaire et

qu’ils avaient le droit de se retirer du projet à tout moment sans aucune conséquence négative

ni justification requise. Les procédures prises afin d’assurer la confidentialité des données

furent également exposées aux participants et une permission d’utiliser un magnétophone

pour enregistrer les entretiens fut également demandée, justifiant cette demande par la

difficulté d’effectuer l’entrevue et la prise de notes de manière simultanée. Un montant de 10$

fut remis aux participants à chaque entrevue en guise de compensation financière afin de

couvrir les dépenses liées à leur déplacement et au temps consacré au projet. À cet égard, trois

femmes ont ressenti un malaise par rapport au montant d’argent qui leur était offert et l’une

d’entre elles a suggéré de prendre seulement la moitié de ce montant. Après quelques

explications à ce propos, toutes les personnes ont finalement accepté le montant d’argent.

3.6 Outils de collecte de données

Les outils de collecte de données utilisées dans le cadre de cette étude sont un guide

d’entrevue ainsi qu’un outil visuel adapté de la cartographie participative.

3.6.1 Le guide d’entrevue

Le guide d’entrevue (Annexe 3) fut réalisé en fonction des questions de recherche, de la

littérature concernant l’insécurité alimentaire chez les personnes âgées ainsi que le cadre

conceptuel de Wolfe et ses collaborateurs (1996). Il fut élaboré au début du projet et fut

peaufiné à la suite d’une rencontre impliquant la directrice de recherche et une collègue, qui

ont suggéré quelques pistes d’amélioration. Notre façon de poser les questions a aussi évoluée

après la réalisation de la première entrevue, suite à une discussion avec la directrice de la

recherche.

De plus, la transcription de la première entrevue fut lue par la directrice de la recherche et ses

commentaires furent pris en compte afin d’améliorer la qualité des entrevues réalisées par la

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suite. Suivant ses commentaires, nous avons tenté d’éviter la suggestion de réponses aux

participants et avons aussi laissé une plus grande place aux silences lorsque ceux-ci se

produisaient.

Le guide d’entrevue était divisé en quatre sections. La première section, nommée « accueil et

introduction » consistait à expliciter aux participants les objectifs de l’entretien ainsi que son

déroulement. Ensuite, la deuxième section consistait en l’explication de l’outil visuel utilisé

dans le cadre de l’entretien ainsi que des questions concernant les ressources utilisées par les

personnes pour se nourrir. Quant à elle, la troisième question comprenait des questions

concernant le recours aux différents types de services d’aide alimentaire. Finalement, la

quatrième section concluait l’entretien en demandant aux personnes si elles avaient des

recommandations pour améliorer la situation des personnes vivant de l’insécurité alimentaire

et leur donnant la possibilité de nous poser des questions à leur tour.

3.6.2 Adaptation d’un outil de cartographie participative pour les entrevues

En plus du guide d’entrevue, un outil visuel inspiré de l’outil de la cartographie participative

utilisé dans le cadre du projet VAATAVEC : « Vers une autonomie alimentaire pour tous : Agir

et Vivre ensemble le Changement AVEC », fut utilisé afin d’apporter un soutien visuel aux

propos des personnes. Il s’agit d’une page blanche sur laquelle les participants furent invités à

dessiner les principaux points de repère (axes routiers) du quartier Limoilou et à identifier les

ressources et services d’aide utilisés au sein de ce quartier et en dehors de celui-ci, par

l’utilisation d’une liste de symboles associés aux différents types de ressources et services

alimentaires existants. Les personnes avaient également le choix d’utiliser les symboles sans

dessiner de points de repères du quartier. D’ailleurs, c’est cette dernière option qui fut choisie

par l’ensemble des personnes. Cet outil fut utilisé pendant la discussion pour illustrer le

dialogue, présenter de manière visuelle les sources d’approvisionnement alimentaire utilisées

par les participants.

Cet outil, dans le contexte de la présente étude, peut se comparer à une carte de mobilité,

laquelle consiste à représenter visuellement les déplacements de personnes à l’intérieur ou à

l’extérieur de leur communauté. Par l’utilisation de cet outil, il est possible de découvrir

certains problèmes d’accès aux ressources, notamment alimentaires (World Bank, s.d.).

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3.7 Déroulement du recrutement et des entrevues

Au total, 22 personnes furent approchées pour la participation au projet de recherche. De ce

nombre, une personne refusa de participer, ressentant un malaise par rapport à sa participation

au projet en raison d’une difficulté à comprendre les implications de celui-ci. De plus, quatre

personnes se sont avérées ne pas correspondre aux critères d’inclusion de la recherche et n’ont

donc pas pu être retenues pour le projet. D’autres motifs de désistement au projet furent

l’implication auprès d’un proche malade, l’impossibilité de rejoindre la personne et la

difficulté pour l’une d’entre elles de se déplacer hors de son domicile en raison d’incapacités

physiques. Seulement, cette même personne s’est avérée disponible à participer à la recherche

peu de temps après et a signifié son intérêt à participer à la recherche lors d’une deuxième

occasion de recrutement à La Bouchée généreuse, laquelle avait comme but de recruter

davantage de personnes à la suite du désistement de plusieurs d’entre elles. De plus, le bouche

à oreille a également permis de recruter une personne.

Au total, 14 personnes furent questionnées à deux reprises, totalisant 27 entrevues (un

participant s’étant avéré injoignable entre les deux vagues d’entrevues). La collecte de

données fut effectuée entre le mois de juin et le mois d’octobre 2013 et la durée des entrevues

variait entre 30 minutes et 1h30, soit une durée moyenne d’environ 1h, excluant le temps

requis pour présenter et expliquer la recherche avant les entretiens ainsi que le temps de

discussion informelle précédant et suivant ceux-ci. Ceci s’explique par le fait que, bien que

des questions de relance aient été posées afin d’encourager les gens à élaborer davantage leurs

propos, certaines personnes se sont avérées être peu volubiles et avaient de la difficulté à

élaborer leurs propos. Au contraire, d’autres personnes se sont avérées être très volubiles et

élaboraient beaucoup leurs propos. Tous les entretiens individuels furent enregistrés à l’aide

d’un magnétophone et le guide d’entrevue utilisé pour ceux-ci sera présenté ci-après.

3.8 Processus d’analyse des données

Une analyse de contenu thématique inspirée de l’approche de Creswell (2009) et L’Écuyer

(1987) a débuté par la retranscription de chaque entretien individuel de manière intégrale sous

la forme de verbatims à partir d’un enregistrement audio. Les moments de silence et

d’hésitation, ainsi que les répétitions et les rires furent notés à l’aide de marqueurs permettant

la préservation de la richesse du contenu et permettant également de rendre compte de la

dynamique et du contexte entourant les entretiens.

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Après une lecture de chaque verbatim, qui nous a permis d’obtenir un sens général des

données (Creswell, 2009 ; L’Écuyer, 1987), ceux-ci furent codifiés à l’aide du logiciel

d’analyse de données QDA Miner et une analyse de contenu thématique fut réalisée. Nous

avons ensuite procédé au repérage, au regroupement et à l’examen des données afin de faire

ressortir des thèmes représentant les termes employés par les participants afin de décrire leur

expérience et nommer le phénomène vécu par ceux-ci. Certains thèmes furent tirés du cadre

conceptuel de Wolfe et ses collaborateurs (1996) et d’autres découlèrent de la lecture des

données. Il s’agit donc d’un codage mixte (L’Écuyer, 1987).

Nous avons ensuite hiérarchisé les thèmes en départageant ceux qui représentaient des thèmes

principaux et ceux qui représentaient plutôt des thèmes secondaires et en désignant des sous-

thèmes situés sous les thèmes, lesquels décrivaient le phénomène de manière plus détaillée.

Les différents thèmes et sous-thèmes furent distingués par un code de couleur dans le logiciel

QDA Miner. Le processus de codification fut itératif, car tout au long de celui-ci, nous avons

rejeté certains thèmes et sous-thèmes pour garder seulement ceux qui représentaient le mieux

l’expérience des personnes, via des discussions avec la directrice de recherche. Nous avons

également combiné certains thèmes. Aussi, nous avons tenté de nous coller le plus possible

aux témoignages des participants afin que les thèmes représentent fidèlement leur vécu (Paillé

et Mucchielli, 2012).

3.9 Considérations éthiques

La participation aux entretiens a été réalisée sur une base volontaire. Chaque participant(e) a

d’abord été informé(e) du but et des objectifs de l’étude ainsi que des avantages et risques d’y

participer. Un formulaire de consentement a également été signé au moment de l'entretien

individuel au domicile des participants ou dans un local réservé à La Bouchée généreuse,

selon le cas. Les formulaires ont été rangés dans une filière sous-clé, dans le bureau de la

directrice de recherche du projet. Tout participant demeurait libre de se retirer du projet en

tout temps, et ce, sans aucune justification requise. Pour garantir la confidentialité des

personnes, les noms des participants ne paraitront dans aucun rapport, les divers documents de

la recherche ont été codifiés et seule l’étudiante-chercheure a accès à la liste des noms et des

codes. De plus, les résultats individuels des participants ne seront jamais communiqués et les

matériaux de la recherche, incluant les données et les enregistrements audio, sont conservés

sur un ordinateur et protégés par un mot de passe. Ils seront détruits un an après la fin de la

recherche, soit en septembre 2015. La recherche fera l'objet de publications dans une revue

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scientifique, et nous ferons attention à ce qu’aucun participant ne puisse y être identifié ou

reconnu. Les résultats pourront également être diffusés dans des colloques ou des congrès

scientifiques. Également, un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux

participants qui en ont fait la demande en indiquant l’adresse où ils aimeraient recevoir le

document juste après l’espace prévu pour leur signature.

3.10 Critères de rigueur

La présente étude a été balisée par les différents critères de rigueur en recherche qualitative,

soit la transférabilité, la crédibilité, la fiabilité et la confirmation (Sylvain, 2008). Par la

description détaillée des participants, du milieu et du contexte dans lequel se déroule la

recherche, nous nous sommes assurées que les découvertes faites dans le contexte de notre

recherche seraient également applicables dans un autre contexte de recherche (Gohier, 2004).

Pour ce faire, les personnes constituant l’échantillon ont été choisies en fonction des questions

de recherche et un questionnaire sociodémographique a été rempli, contenant différentes

informations sur les participants, notamment l’âge et le sexe. La crédibilité des données a

quant à elle été assurée via la réalisation d’un deuxième entretien, qui a permis de s’assurer

que les participants se reconnaissent dans les résultats d’analyse du premier entretien réalisé.

Il s’agit de la méthode « member checking » (Creswell, 2012). Pour ce qui est de la fiabilité,

celle-ci concerne l’indépendance des analyses par rapport à l’idéologie du chercheur et

requiert la transparence de celui-ci concernant ses orientations épistémologiques (Gohier,

2004) via la description des règles de méthodes suivies par ce dernier. À cet égard, nous avons

réalisé un prétest d’entrevue auprès d’une personne âgée à faible revenu afin d’ajuster nos

méthodes et questions à la réalité du terrain tout en tenant compte de nos objectifs de

recherche. Nous avons également ajusté la forme et le contenu des outils de collecte de

données aux réalités du milieu afin de mettre les gens en confiance. En effet, l’utilisation de la

cartographie participative a permis de faciliter le dialogue avec les personnes en offrant un

soutien visuel aux propos. Pour ce qui est de la confirmation, celle-ci permet de s’assurer que

les interprétations et les résultats de la recherche correspondent bien à la réalité des personnes

rencontrées (Sylvain, 2008). Par le retour aux verbatims une fois l’analyse des résultats

terminée ainsi que l’interaction avec des personnes externes et indépendantes au projet, nous

nous sommes assurées de respecter les paroles et les analyses des participants.

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43

CHAPITRE 4. RÉSULTATS

Le présent chapitre présente les résultats en lien avec nos questions de recherche qui étaient :

quelles sont les stratégies des personnes âgées de 65 ans et plus pour acquérir de la

nourriture? Les personnes âgées de 65 ans et plus vivant de l’insécurité alimentaire recourent-

elles aux ressources d’aide alimentaire pour se nourrir ? Sinon, pour quels motifs n’y

recourent-elles pas ? Ce chapitre comporte huit sections. Nous présentons tout d’abord le

profil des participants rencontrés. Ensuite, nous décrivons de façon détaillée les différentes

stratégies d’accès alimentaires et les sources d’approvisionnement alimentaire utilisées par

ces personnes. Par la suite, nous présentons les motifs de recours et de non-recours aux

différents services d’aide alimentaire. Finalement, nous présentons les principales pistes de

solutions pour diminuer l’insécurité alimentaire identifiées par les participants et ressortant de

leurs témoignages.

4.1 Profil des participants rencontrés

Un total de quatorze personnes, soit neuf femmes et cinq hommes, furent rencontrés dans le

cadre du projet de recherche. L’âge moyen des participants est de 74.5 ans, les deux personnes

les plus jeunes étant âgées de 65 ans et la personne la plus âgée ayant 88 ans. La totalité des

participants était d’origine caucasienne et québécoise et était francophone. La figure 1 et la

figure 2 présentent une répartition des participants selon l’âge et le sexe.

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Figure 1. Le sexe des participants

Figure 2. L’âge des participants

Suivant nos critères d’inclusion, toutes les personnes rencontrées vivaient seules. Dans le

cadre des entretiens, nous avons exploré brièvement avec elles leur soutien social disponible.

Parmi les quatorze personnes rencontrées, huit femmes et un homme ont mentionné avoir des

enfants et parmi ce nombre, sept femmes ont mentionné faire appel à eux pour leur transport

vers des ressources d’aide alimentaire ou être parfois invitées par eux pour un repas. De ces

64,30%

35,70%

Hommes

Femmes

36%

21%

7%

28,60%

7%

75 à 79 ans

65 à 69 ans

70 à 74 ans85 ans et +

80 à 84 ans

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sept personnes, six d’entre elles ont mentionné avoir des rapports réguliers avec leurs enfants,

une personne a mentionné fréquenter l’un de ses enfants de manière occasionnelle et les deux

autres de manière moins régulière, ces derniers étant plus éloignés de la ville de Québec. Ces

sept personnes ont également mentionné l’existence de plusieurs amis et ont dit se réunir une

fois par semaine autour d’un repas, à leur lieu de résidence, soit le même immeuble à loyers

modiques. Cependant, sept autres personnes ont rapporté avoir un réseau social plus restreint,

dont cinq hommes. Ces personnes ont expliqué ne pas côtoyer leur famille pour diverses

raisons, soit l’éloignement géographique et des conflits.

Sur l’ensemble des personnes rencontrées, huit d’entre elles ont affirmé résider dans une

habitation à loyer modique dont sept vivaient au sein du même immeuble et six autres ont

mentionné résider dans un immeuble à logements à prix réguliers.

En accord avec nos critères de recherche, toutes les personnes recrutées dans le cadre du

projet de recherche étaient des personnes âgées vivant de façon autonome à la maison. Sur le

plan de l’état de santé, douze personnes ont mentionné avoir divers problèmes de santé. Six

personnes ont mentionné souffrir de problèmes cardiovasculaires, dont l’une souffrait

également d’une légère surdité. Parmi celles-ci, trois personnes ont également mentionné être

atteintes de diabète. De plus, deux autres personnes ont également mentionné souffrir de

diabète, dont l’une souffrait également d’une légère surdité et d’acouphène. Également, trois

autres personnes ont mentionné avoir des problèmes articulaires, soit de l’arthrite et de

l’arthrose. Parmi celles-ci, une personne a également mentionné souffrir d’une maladie

pulmonaire obstructive chronique et de fibromyalgie. Finalement, une personne a mentionné

avoir des problèmes de santé normaux selon l’âge sans toutefois les nommer et seulement

deux personnes ont affirmé n’avoir aucun problème de santé.

L’ensemble des personnes rencontrées avait comme seul revenu la pension de vieillesse. Or,

selon Service Canada, le montant mensuel de la pension de vieillesse versé en 2014 et ce, peu

importe l’état matrimonial, est de 551,54$, ce qui représente un revenu de 6618,48$ par année

(Service Canada, 2013). Une seule personne a mentionné une source de revenu additionnelle,

soit le supplément de revenu garanti. Ces sources de revenu, qui se situent sous le seuil du

faible revenu reconnu au Canada, ne permettent pas, pour la majorité des personnes,

d’acquérir de la nourriture en quantité suffisante. Une fois les dépenses essentielles payées

telles que le loyer et l’électricité, les personnes nous ont fait part qu’il leur restait peu d’argent

pour acquérir de la nourriture. Sur le plan de leur situation alimentaire, il ressort des propos

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des personnes rencontrées une incertitude de pouvoir acquérir de la nourriture qui soit en

quantité ou de qualité suffisante. Cette incertitude semble générer de l’anxiété face à

l’éventualité de manquer de nourriture et les personnes déploient alors toutes sortes de

stratégies pour éviter de vivre cette situation.

4.2 Stratégies pour faire face à l’insécurité alimentaire

Dans cette section, nous présentons les différentes stratégies utilisées par les personnes âgées

rencontrées pour acquérir de la nourriture et composer avec leur situation d’insécurité

alimentaire. Certaines permettent de réaliser des économies, d’autres de s’assurer de la

disponibilité d’une certaine quantité de nourriture tout au long du mois, et d’autres permettent

de surmonter la distance physique.

Les personnes rencontrées doivent composer avec leur faible revenu et ont développé toutes

sortes de stratégies visant à économiser de l’argent pour acquérir de la nourriture. Cette réalité

a d’ailleurs été soulignée par un participant dont le témoignage en rend compte de manière

intéressante : « Parce que quand on est dans une certaine précarité, il faut courailler tout c'est

qui est spécial. » (P2). Courir les aubaines est une stratégie communément employée par

plusieurs personnes rencontrées. Également, l’utilisation de coupons rabais est une pratique

couramment utilisée par plusieurs pour être en mesure de s’offrir un petit luxe de temps en

temps comme une sortie au restaurent. Une personne utilise non seulement les coupons

alimentaires contenus dans les circulaires mais également ceux disponibles sur un site

Internet. La planification des achats se fait en fonction des circulaires et des lieux qui

affichent des rabais. La visée est de toujours trouver le prix le plus bas pour réaliser des

économies et ainsi réduire les dépenses liées à leur alimentation : « Alors chuis maniaque des

circulaires. Je regarde tout c'qui a de spéciaux, et puis si y'a un spécial, si quelque chose, euh,

un jus, bein y'est à la pharmacie pis qu'y'est en spécial, pis qu'y'a d'l'allure, j'va l'acheter là. Si

y'est au Metro, j'va aller l'acheter là. » (P2).

Une personne a également mentionné recourir aux circulaires de différentes épiceries à un

même endroit afin d’éviter de devoir se déplacer dans plusieurs commerces pour réaliser des

économies : « …j'ai toutes les spéciaux chez Maxi alors j'va juste à une place pis j'amène

toutes les circulaires pis ils m'font le même prix. J'amène le circulaire où c'est l'moins cher pis

j'leur montre pis ils me l'font l'même prix.» (P13). De plus, cette dernière stratégie permet

également d’économiser du temps à la personne qui ne désire pas se déplacer à plusieurs

endroits pour réaliser des économies. Ces stratégies semblent démontrer que les personnes

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vivant de l’insécurité alimentaire font preuve de débrouillardise afin de réaliser des

économies, certaines recourant aux ressources alimentaires en fonction des rabais s’y trouvant

et d’autres réalisant des économies en un seul endroit en utilisant des circulaires d’autres

ressources.

Pour économiser de l’argent, d’autres ont recours à des magasins à rabais pour certains

produits qui sont moins chers que dans les épiceries: « oui. J'y va au Dollarama, acheter des

cannages parce que c'est moins cher. » (P1).

Plusieurs personnes recourent aussi à des stratégies de gestion alimentaire afin de préserver

des aliments ou s’assurer de la disponibilité d’une certaine quantité de nourriture. Les

personnes expliquent que les aliments retrouvés dans les banques alimentaires ne sont pas

toujours très frais et donc, qu’ils doivent utiliser certaines stratégies afin de pouvoir utiliser

ces aliments en évitant toute perte. À cet égard, une personne a mentionné faire cuire certains

aliments acquis d’une banque alimentaire et les faire congeler afin de les conserver : « Moi,

quand j'arrive à maison, tout de suite, si c'est pas frais frais, j'm'organise pour pas les perdre.

J'les fais cuire pis j'congèle… » (P12). Une autre personne a mentionné qu’il était essentiel de

prendre une quantité raisonnable de nourriture afin d’éviter de trop nombreuses pertes

d’aliments..

Plusieurs participants ont aussi mentionné faire des réserves de nourriture. Des personnes ont

affirmé à la fois faire des réserves et ‘‘courir les rabais’’. En effet, lorsqu’une vente se

présente, particulièrement lorsque la fréquence de celle-ci est rare, faire des réserves permet

aux personnes vivant dans une certaine précarité de profiter au maximum des rabais qui se

présentent à eux en se procurant une plus grande quantité de nourriture à un meilleur prix :

« Parce que i faisaient une vente à 25%…fac là, j'ai fait d'la provision pour plus que

moins[…] » (P2), « Pour les fruits, bein, chez Maxi, bein, souvent, les fruits sont moins chers

ou les conserves ou ces affaires-là, là. Quand y'annoncent un spécial, j'en achète quand même

plusieurs. » (P5).

En plus de faire des réserves pour profiter d’une économie, certaines personnes le font aussi

afin de réduire la fréquence de leurs déplacements dans les ressources alimentaires,

minimisant ainsi l’effort réalisé pour accéder à de la nourriture : « Le Patro pis le IGA.

Regarde, c'que j'va acheter demain. J'achète en double fac j'en ai pour longtemps. 15 jours. Ça

fait 15 jours que chu pas allé. » (P6).

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L’achat en grande quantité permet également aux personnes vivant de l’insécurité alimentaire

de s’assurer qu’une certaine quantité d’aliments soit disponible pour dépanner en cas de

besoin, réduisant ainsi l’anxiété liée à l’incertitude de l’accès à de la nourriture : « Quand on a

des provisions full armoires, full dans l'frigidaire, pogne ci, pogne ça, envoye : une canne de

beans, une canne de soupe aux pois Habitant … Tu rouvres une canne, là, pis avec ça, bein, tu

t'fais des toasts et pis du beurre de peanuts, n'importe quoi. C'est pour dépanner. » (P2).

En complément à l’achat en grande quantité, la congélation d’un repas acheté en grande

quantité a également été mentionnée comme stratégie visant à prolonger l’accès à de la

nourriture : « Pis une couple de fois, j'va aller avec mon garçon chez Costco. Non mais des

fois, tsé, moi, j'm'achète mettons une lasagne. Tsé, è grosse, là. Pis quand j'arrive ici, j'la

coupe toute en morceaux pis j'enveloppe comme il faut pis j'fais geler ça. » (P9). Cette

stratégie permet à la personne l’utilisant d’avoir un accès facilité à un repas au moment choisi

et, en plus, libère la personne de la préparation d’un repas.

L’utilisation du crédit a également été mentionnée comme une stratégie utilisée par une

personne pour faire des réserves et ainsi s’assurer qu’une certaine quantité de nourriture soit

disponible. Cette stratégie est parfois utilisée lorsque la somme d’un achat est relativement

élevée, afin de répartir cette somme sur une certaine période de temps. Celle-ci est sans doute

utilisée afin d’éviter de devoir payer l’entièreté d’une somme d’argent de manière immédiate

car la personne ne possède pas les ressources financières suffisantes pour ce faire. Dans le cas

présent, cela permet également à la personne de profiter d’économies sur un produit : « Après

ça, j'va chez Popeye aussi. Ça, c'est toutes des produits naturels. La dernière fois que chuis

allé, j'ai acheté pour 250$. Fac dans ce temps-là, j'mets ça sur ma carte de crédit pis j'paye tant

par mois après. » (P2).

Ces stratégies illustrent comment les personnes vivant de l’insécurité alimentaire, en plus de

démontrer de la débrouillardise pour économiser de l’argent lors de l’acquisition de

nourriture, savent aussi user de cette même qualité en utilisant certaines stratégies permettant

de conserver les aliments reçus et ainsi maximiser leur acquisition de nourriture.

Une autre stratégie de gestion alimentaire mentionnée est le compromis quant à la quantité de

nourriture ingérée, laquelle est liée au faible revenu. Par exemple, une personne a mentionné

compromettre la quantité de viande achetée en raison du prix élevé de cet aliment. Une autre

personne a expliqué devoir réduire ses portions de nourriture. Certaines stratégies s’avèrent

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donc malsaines pour la santé des personnes les utilisant et peuvent aussi avoir certaines

conséquences sur celle-ci.

Les personnes âgées font face à d’autres obstacles afin d’acquérir des aliments, dont la non

motorisation. En effet, des personnes rencontrées, une seule avait un véhicule automobile.

Certaines ressources, bien que non éloignées, peuvent être difficilement accessibles sans

l’utilisation d’un moyen de transport. Seulement, certaines personnes, en plus de ne pas

posséder de véhicule automobile, ne peuvent pas non plus utiliser le transport en commun en

raison de l’obligation de devoir transporter leurs paquets et des limitations que leur condition

physique peut parfois poser à cet effet, en plus du coût élevé qu’implique ce type de transport.

Plusieurs personnes ont mentionné utiliser certaines stratégies leur permettant de pallier la

non motorisation. À cet égard, une personne a mentionné utiliser un panier d’épicerie et une

autre, une voiturette afin de pouvoir transporter leurs paquets et faciliter leurs déplacements :

« ah, ouais. J'mets ma canne dans l'panier, là, pis j'roule le panier, j'me tiens après l'panier. »

(P14).

Pour les personnes capables de l’utiliser, le service de transport en commun a également été

relevé comme un élément facilitant l’accès aux aliments en permettant aux personnes de se

rendre dans les différents commerces et services autrement inaccessibles car trop éloignés de

leur domicile. Le recours au transport en commun permet également des déplacements sans

trop d’efforts. À cet égard, une personne a mentionné utiliser le transport en commun pour

retourner à son domicile lorsqu’elle était trop fatiguée pour se déplacer à pied : « …des fois,

quand chu fatiguée, des fois, j'traverse à Canardière pis quand chu fatiguée, bein, j'prends

l'autobus avec ma p'tite voiture. » (P9). Par contre, le coût des billets d’autobus semblait être

un enjeu important pour certaines personnes rencontrées : « C’est quand même 5,50$. » (P11),

« ici, me déplacer, 6$, euh…tandis que moi, où c’que j’vais, c’est…comme l’église, ça

m’coûte rien, c’est près d’chez moi. » (P14).

En plus du transport en commun, le service de navette escortant les gens vers des commerces

a également été mentionné comme un moyen de transport facilitant l’accès des personnes aux

aliments. Il s’agit d’un service offert à plusieurs établissements à loyers modiques, dont celui

habité par sept personnes rencontrées, et permettant un transport gratuit vers l’épicerie IGA.

Ces dernières ont mentionné recourir à ce type de service afin de se déplacer vers cette

épicerie : « la nourriture, c'est surtout chez IGA parce que ici, on a le service d'autobus. I

viennent nous chercher vers 13h l'après-midi pis i nous ramènent à 14h30. » (P3), « bein, ça

nous évite parce qu’ils viennent nous chercher à porte…» (P7).

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Un autre service ayant été mentionné comme facilitant l’accès des personnes aux aliments est

le service de livraison associé aux épiceries car celui-ci évite aux personnes de devoir

transporter leurs paquets jusqu’à leur domicile : « C'est pas l'idéal pis c'est lourd, aussi, là,

quand t'as d'la liqueur, du lait, t'arrives ici, le pain est toute écrasé… [rire]. J'aime autant faire

livrer, là. […]. » (P3). Cependant, ces services de livraison semblent ne pas être offerts dans

tous les commerces. Une personne a mentionné qu’elle fréquenterait plus souvent le Jardin

Mobile si celui-ci possédait ce type de service : « bein, prends comme au Jardin Mobile.

Y’ont pas d’service de livraison. » (P3), « oui, probablement, oui, parce que les fruits sont

meilleurs. » (P3). L’absence de service de livraison semble constituer un obstacle à l’accès à

certains commerces car cela oblige les personnes à rapporter leurs paquets dans l’autobus, ce

qui peut les décourager à y avoir recours : « non. J’aimerais aller chez Metro des fois mais

faudrait que j’prendrais l’autobus. » (P4). De plus, le prix de la livraison semble aussi

décourager certaines personnes, bien que n’empêchant pas le recours à ce service : « c’est 5$,

une livraison. C’est cher ! » (P8). Il semble donc exister plusieurs services permettant de

faciliter l’accès des personnes âgées aux aliments. Cependant, tous ne sont pas également

accessibles à celles-ci en raison des coûts associés.

Le recours au réseau social a également été mentionné par plusieurs personnes comme une

stratégie permettant d’accéder à des lieux qui seraient autrement hors d’accès et d’acquérir de

la nourriture.

Les personnes disposant d’un réseau social mobilisent leurs proches, soit des amis ou des

membres de leur famille, pour se déplacer aux sources d’approvisionnement alimentaire.

Cette stratégie est utilisée à l’occasion pour dépanner : « …tsé, quand t'es autonome, là, tsé, tu

pars pis tu y vas! Pis, tsé, j'ai toujours ma fille comme dépanneur quand c'est trop loin, là. »

(P3). Pour certains, c’est une occasion de passer du temps de qualité avec un proche, en plus

de faciliter les déplacements pour accéder à de la nourriture : « bein oui pis on va faire des

commissions ensemble, on va au centre d'achats, des affaires de même. On va au marché,

surtout, là, dans l'temps d'l'été. » (P3). Une personne a également mentionné se déplacer en

autobus accompagnée d’un membre de sa famille : « J'y va avec mon garçon. J'y va avec

quelqu'un parce que toute seule, revenir, bein j'ai des tomates, j'achète ci, j'achète ça. » « non,

y'en a qui ont pas d'auto, ils viennent me chercher pis on part ensemble pis ils s'en reviennent

avec moi en autobus. » (P9). Cette stratégie permettait à celle-ci de recourir à des ressources

qu’elle n’utiliserait pas autrement en obtenant de l’aide pour transporter ses paquets jusqu’à

chez elle. Le recours au réseau social facilite donc les déplacements même lorsque ceux-ci

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n’impliquent pas l’utilisation d’un véhicule automobile. Il permet aussi parfois d’acquérir de

la nourriture gratuitement. Certains reçoivent des aliments frais comme dans le cas où les

proches pratiquent des activités de chasse ou de pêche. D’autres ont mentionné être parfois

invitées à dîner ou à souper chez l’un de leurs enfants. Cela représentait pour ces personnes

une occasion d’entretenir leur réseau social tout en ayant accès à un repas gratuit. Certaines

personnes ont expliqué aller aux restaurants seulement lorsqu’un membre de leur famille les

invitaient : « J'y vais quand mes enfants m'invitent. [rire]. » (P5). Une personne a également

mentionné recevoir des plats préparés de la part de ses enfants : « non, de temps en temps, les

enfants vont m'amener un p'tit plat. » (P10), Le recours de ces personnes à leur réseau social

pour acquérir de la nourriture contribuait à leur assurer une certaine sécurité alimentaire,

réduisant leur anxiété liée à l’incertitude d’acquérir de la nourriture. Le réseau social semble

également utile lors d’une période de convalescence en permettant d’acquérir des aliments

durant une période où l’accès à ces derniers est plus difficile en raison d’incapacités

physiques. À cet égard, une personne a mentionné avoir reçu des repas préparés d’un membre

de sa famille après sa sortie de l’hôpital, suivant une opération : «moi, y'avait une de mes

filles qui m'en apportait encore, là, les premières journées, j'en avais eu, là, tsé. » (P7).

Cependant, toutes les personnes rencontrées ne bénéficiaient pas toutes d’un tel réseau social :

« j’ai pas d’famille. Non, non. » (P1). L’une d’entre elles a mentionné avoir reçu de l’aide

d’un travailleur social par le passé, qui l’aidait dans ses déplacements vers les sources

d’approvisionnement alimentaire en la transportant en voiture vers celles-ci. Cependant, cette

personne n’avait plus accès à ses services lors de notre entretien car le travailleur social ne

pouvait plus les offrir. Plusieurs n’avaient donc personne sur qui compter pour faciliter leurs

déplacements vers les ressources alimentaires et se faire offrir des aliments ou des repas

préparés.

Il est intéressant de noter que les personnes habitant au sein du même immeuble organisent de

temps en temps des repas collectifs qui semblent tout d’abord être faits pour socialiser plutôt

qu’économiser. Toutefois, la formule « potluck », où chacun apporte un aliment, permet

également à tous d’avoir accès à un repas plus complet à moindre coût : « […] Le soir, le

samedi soir, là, on descend en bas, là, …soit qu'on s'fait venir un lunch ou bein on emporte

nos affaires, y'a un toaster, pis on s'fait du café. Une journée, y'en a une, à apporte des

biscuits, une apporte… » (P9).

Cela semble démontrer la créativité et la débrouillardise dont ces personnes font preuve pour

s’assurer leur propre sécurité alimentaire.

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Nous n’avons relevé aucune différence de genre concernant les stratégies pour économiser de

l’argent, pour gérer les réserves alimentaires et pour se déplacer vers les ressources

alimentaires. En effet, celles-ci étaient utilisées également par les hommes et les femmes.

Cependant, le recours au réseau social pour faciliter l’accès aux aliments via le transport et le

don d’aliments a été mentionné seulement par des femmes. Les hommes, quant à eux,

semblaient avoir un réseau social faible. Les stratégies pour économiser de l’argent et pallier

la non motorisation sont également ressorties comme des stratégies saillantes d’accès aux

aliments. En effet, plusieurs personnes ont mentionné recourir à ce type de stratégies pour

faciliter leur accès à de la nourriture.

4.3 Sources d’approvisionnement alimentaire

Les participants recourent à différentes ressources alimentaires pour acquérir de la nourriture.

Dans la prochaine section, nous décrivons les sources d’approvisionnement alimentaires

utilisées par les personnes rencontrées.

4.3.1 Principales sources d’approvisionnement alimentaire utilisées

L’utilisation de la cartographie participative a permis d’illustrer certaines caractéristiques

concernant les sources d’approvisionnement alimentaires utilisées, notamment le type de

sources les plus utilisées par les participants et l’utilisation de plusieurs sources d’un même

type. Tous les participants à l’étude ont mentionné recourir à au moins une épicerie à grande

surface pour acquérir de la nourriture. Environ la moitié des personnes rencontrées utilisaient

plus d’une épicerie, dont une ayant recours à quatre épiceries différentes, selon les rabais. Il

s’agit donc de la principale source d’approvisionnement alimentaire utilisée par ces

personnes. Une autre ressource alimentaire très utilisée par les participants est le dépanneur.

Près de la moitié des participants à l’étude, soit six personnes, ont mentionné recourir à un

dépanneur en tant que ressource de dépannage pour l’acquisition d’aliments tels que du lait,

des oeufs, du pain, de la liqueur et des croustilles. Une autre ressource de dépannage utilisée

par la moitié des personnes est la pharmacie. Cette ressource offrirait des aliments moins

chers que dans les dépanneurs. Tel que décrit auparavant, les magasins à rabais de type

Dollarama constituent également une source d’approvisionnement alimentaire utilisée pour

certains produits spécifiques moins dispendieux tels que les cannages.

Finalement, les services d’aide alimentaire constituent une source d’approvisionnement

régulière pour environ la moitié des personnes rencontrées. Cet aspect sera détaillé dans la

section discussion.

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53

4.3.2 Des sources d’approvisionnement peu utilisées

D’autres sources d’approvisionnement alimentaire semblent peu utilisées. Notamment, le

marché public a été mentionné par quelques personnes, soit des résidentes du même

immeuble à loyers modiques. Celles-ci ont affirmé recourir au marché public de manière

occasionnelle lors de la période estivale seulement. Il s’agit d’une ressource peu accessible

pour la majorité des personnes rencontrées en raison de l’obligation d’utiliser le transport en

commun pour s’y rendre et de la difficulté de transporter des paquets dans ce type de

transport, tel qu’il a été mentionné précédemment. Le recours au réseau social permet l’accès

à cette ressource via le transport et les personnes étant davantage isolées ont moins accès à

celle-ci. Également, seulement la moitié des participants s’offrent occasionnellement le luxe

de recourir à des restaurants. Le type de restaurants utilisé est des restaurants de type fast-

food, étant donné le coût moins élevé des repas servis dans ces restaurants. Seulement quatre

personnes ont mentionné se rendre dans des restaurants avec service, et, tel que précisé

antérieurement, celles-ci ont mentionné n’y recourir que lorsqu’elles étaient invitées par leurs

enfants. Le restaurant constitue donc un luxe pour plusieurs inaccessible lorsqu’on est à faible

revenu et le seul moyen d’y accéder est souvent de se faire inviter par un proche. Le réseau

social a donc encore une fois une grande importance dans l’accès aux ressources alimentaires

et, dans ce cas, à des repas gratuits. Peu de personnes ont mentionné recourir à des boutiques

spécialisées. Une personne a affirmé recourir à des magasins de suppléments alimentaires afin

d’équilibrer son alimentation lorsqu’elle s’alimentait à des heures irrégulières : « Quand

l’alimentation n’est pas toujours à même heure, des choses comme ça. » (P2). Deux personnes

ont également mentionné recourir à une boulangerie économique afin de réaliser des

économies sur le pain : « Parce que au lieu de l’payer…un pain, c’est 3,50$ à peu près, tandis

qu’eux autres, c’est pas tout à fait 2$. » (P5). Une seule personne a mentionné posséder un

équipement de pêche et s’adonner à la pêche à raison de deux à trois fois par année : « j’vais

pêcher quand i distribuent dans la rivière Beauport, là, toutes les gens pêchent…des fois, j’y

vais deux fois pendant cette fin de semaine-là. » (P14).

Certaines sources d’approvisionnement alimentaire se sont avérées ne pas être utilisées par les

personnes rencontrées. En effet, aucune personne ne possédait un jardin, principalement en

raison du manque d’espace étant donné que celles-ci vivaient toutes dans un immeuble à

logements. Au sein du même immeuble à loyers modiques, les personnes rencontrées ont

relevé l’existence d’un règlement interdisant toute nouvelle installation sur leurs balcons telles

que des crochets permettant de suspendre des fleurs ou l’installation de plants de légumes,

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sous peine de contracter une amende de 125$. Ces personnes se voyaient donc privées de la

possibilité de cultiver quoi que ce soit. De plus, l’effort physique associé à cette activité

empêchait plusieurs autres personnes de s’y adonner en raison d’incapacités physiques. Une

autre personne a dit avoir déjà participé à des jardins communautaires par le passé et avoir

beaucoup apprécié son expérience mais, ayant déménagé, celle-ci se retrouvait plus éloignée

de ce service et a dit ne pas avoir de moyen de transporter les légumes jusqu’à chez elle. Une

autre a dit être intéressée et a signifié l’intention de participer l’année suivante au jardin

communautaire nouvellement organisé par son immeuble à logements.

4.4 Motifs de recours aux services d’aide alimentaire

En plus des ressources alimentaires énumérées plus tôt, un peu plus de la moitié des

personnes participant à l’étude, soit huit personnes, ont également mentionné avoir recours à

des services d’aide alimentaire au moment de l’entrevue et quatre personnes ont mentionné y

avoir eu recours par le passé. Deux personnes ont également mentionné ne jamais y avoir eu

recours. Nous détaillons dans la prochaine section les principaux motifs évoqués par les

personnes pour expliquer leur recours aux services d’aide alimentaire. La section subséquente

sera dédiée aux motifs du non recours.

Parmi les huit personnes ayant affirmé recourir à des services d’aide alimentaire au moment

de l’entrevue, sept d’entre elles ont affirmé recourir à des services de dépannage alimentaire

tels qu’une banque alimentaire. Il s’agit donc du type de service d’aide alimentaire

traditionnel le plus utilisé par ces personnes. Par contre, une seule personne a mentionné

recourir à un service d’aide alternatif à caractère participatif, soit une cuisine collective.

Notre analyse a fait ressortir six grands thèmes reliés au recours aux services d’aide

alimentaire, soit le recours en tant que stratégie de survie, le recours en tant que dépannage, le

recours dans les périodes difficiles, le manque de compétences culinaires pour préparer des

repas et le bris de l’isolement.

4.4.1 Recourir aux services d’aide alimentaire en tant que stratégie de survie

L’un des motifs de recours rapportés par une personne concerne le recours en tant que

stratégie de survie : « ah, ça m’apporte…ça m’apporte rien, c’est quoi? Faut que j’vive, j’vis,

c’est toute. » (P4). Cette personne a expliqué recourir à une banque alimentaire tout

simplement parce qu’elle devait vivre. Elle devait s’y résigner car elle n’avait pas les

ressources financières nécessaires pour acquérir l’entièreté de sa nourriture dans les

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ressources telles que les épiceries. Elle n’est pas la seule car certaines personnes rencontrées

ont dit vivre une situation très précaire et ont expliqué être obligées de recourir à certains

services d’aide alimentaire pour s’alimenter et survivre.

4.4.2 Recourir aux services d’aide alimentaire comme dépannage

Les services d’aide alimentaire, particulièrement les banques alimentaires, sont utilisées par la

plupart des personnes en tant que ressources de dépannage, complémentant l’utilisation

d’autres types de ressources telles que l’épicerie. Des sept personnes y ayant recours, cinq ont

mentionné avoir recours à ce type de service de manière hebdomadaire, une personne a dit y

recourir une fois aux deux semaines et une autre, seulement lorsqu’elle en ressentait le besoin.

Ces personnes expliquent que les ressources de dépannage ne possèdent pas notamment

d’aliments de type condiment et que la quantité de nourriture acquise est insuffisante en elle-

même pour subsister sur une période d’une semaine. Elles expliquent que les services d’aide

ne comblent pas leurs besoins en alimentation et ne règlent pas leur situation d’insécurité

alimentaire. Par conséquent, elles doivent compléter avec les épiceries : « Mais t'en as pas

assez pour la semaine [....] » (P1), « Oui, c'est ça. J'fais une épicerie au marché, à mon

épicerie chez IGA pis le reste, je l'prends pas mal ici. » (P12).

De plus, la plupart des banques alimentaires procurent une quantité de viande peu élevée

comparé aux autres types d’aliments : «…quand chu venu ici, une fois, j'ai eu deux choix sur

la viande. Y'en n'a pas beaucoup, hein, ici, d'la viande, y'en n'a pas beaucoup. » (P14).

Toutefois, certaines banques alimentaires procurent une quantité plus grande d’aliments,

répondant aux besoins des personnes sur une plus longue période de temps : « Oui, bein,

regarde, j'paye la viande pis quand même, là, j'sors avec deux gros sacs pis, euh…mon

épicerie est faite pour au moins une semaine et demi-deux semaines, tsé? » (P14). Cela peut

motiver le recours à plus d’un point de service d’aide alimentaire, l’un agissant en tant que

complément à l’autre. À cet égard, une personne a mentionné utiliser deux services de banque

alimentaire car l’une d’entre elles distribuait peu de viande et de poisson et l’autre en

distribuait davantage donc celle-ci recourait de manière complémentaire aux deux services.

Un autre type de service a été décrit comme une ressource de dépannage, soit la soupe

populaire, laquelle permet l’acquisition d’un repas chaud dans la journée. Seulement deux

personnes ont affirmé recourir à ce type de service, l’une de manière quotidienne et l’autre, de

manière hebdomadaire.

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4.4.3 Recourir aux services d’aide alimentaire seulement dans les périodes difficiles

Le recours aux services d’aide alimentaire pour certaines n’est pas toujours fait de façon

continue. En effet, des personnes peuvent éprouver le besoin de recourir à un certain service à

une période précise de leur vie et ne plus en éprouver le besoin par la suite. Les personnes

utilisent les banques alimentaires, le service de panier de noël « dans les mauvais temps »,

« vers la fin du mois » ou « quand j'avais mes enfants ». Ces citations semblent

effectivement démontrer que le recours aux services d’aide alimentaire peut changer avec le

temps. Il semble y avoir une crainte de ne pas abuser des services et d’y avoir recours

seulement lorsque leur besoin est grand. De plus, une personne a même mentionné avoir reçu

un panier de Noël d’une amie l’ayant inscrite. Bien que cette personne n’ait pas exprimé

ouvertement de besoin à cet égard, son amie semblait avoir compris qu’elle vivait une période

difficile et lui a donc offert un panier de Noël, ce qui a été très apprécié par celle-ci étant

donné son besoin.

L’utilisation du service de la popote roulante fait également partie des services étant surtout

utilisés dans les moments difficiles. En effet, trois personnes ont déclaré avoir eu recours à ce

type de service lors d’une période de vulnérabilité pendant laquelle elles éprouvaient de la

difficulté à se préparer des repas, soit en période de convalescence, à la sortie de l’hôpital :

« Bein, regarde, là, j'en ai reçu quand j'me suis cassé la hanche. I venaient me porter à

manger. » (P3). Toutefois, parmi ces personnes, deux ont également affirmé avoir recours à ce

type de service à raison de deux jours par semaine. Cela semble démontrer que ce type de

service, bien qu’étant utilisé tout d’abord en période difficile, peut par la suite devenir un

service utilisé de manière plus courante. Ce type de service est principalement utilisé par les

personnes en raison de l’impossibilité pour elles de se déplacer pour acquérir de la nourriture

pendant cette période ou par manque d’énergie pour préparer des repas. De plus, lors d’une

convalescence, le personnel médical de l’hôpital prescrit parfois aux personnes de limiter

leurs mouvements durant cette période de vulnérabilité : « ah, j'avais pu de force. J'ai pris le

Patro. Chu partie, y'ont dit : tu bouges pas trop pis tu fais pas ci pis tu fais pas ça. » (P6).

4.4.4 Ne pas avoir les compétences culinaires nécessaires pour préparer des repas

Certaines personnes utilisent également la popote roulante en raison d’un manque de

motivation à se préparer des repas ou d’un manque de compétences culinaires, tel que décrit

précédemment : «…moi, ça se peut tu, moi, ma mère…était pas cuisinière, elle. Pis je le suis

pas moi non plus, automatiquement.» (P6). Dans ce cas, la personne devient dépendante de ce

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type de service pour son alimentation car sans celui-ci, elle serait inadéquate. Dans ce cas

précis, le manque de compétences culinaires semble provenir de la manière dont la personne a

été éduquée. La mention du fait que la mère de la personne n’était pas une cuisinière et qu’en

conséquence, celle-ci non plus n’en était pas une, semble indiquer que la faculté de préparer

des repas n’a pas été inculquée à cette personne et donc, qu’elle n’a jamais développé

d’intérêt ni d’habileté à cet égard. Cette situation est détonante car elle a été relevée

uniquement chez une personne, soit une femme.

En réponse à ce manque de compétences culinaires, nous avons vu, grâce à nos observations

dans une séance de cuisine collective, que ce service semblait contribuer à développer ces

compétences chez les personnes y participant. Nous avons eu l’occasion d’observer le

déroulement d’une séance de cuisine collective vers la fin de la saison. Bien que nous n’ayons

pas observé les séances s’étant déroulées en début de saison, ce qui nous aurait sans doute

permis de voir l’évolution des participants, nous avons pu constater à quel point ils semblaient

avoir acquis une grande autonomie à l’égard de la préparation de repas car celles-ci

semblaient très à l’aise à cet égard et demandaient peu d’encadrement de la part de

l’animatrice.

4.4.5 Briser l’isolement ressenti

Nous avons vu que les personnes à faible revenu sont susceptibles de vivre de l’isolement,

notamment en raison du coût élevé du transport, lequel décourage les déplacements et

contribue au confinement des personnes dans leur domicile. Face à cet isolement, le recours

aux services d’aide alimentaire permet de combler les besoins d’interaction sociale des

personnes y ayant recours et ainsi briser leur isolement. En effet, il s’agit d’une occasion où

elles peuvent faire de nouvelles rencontres et échanger avec des personnes vivant une

situation similaire et partageant avec elles certaines affinités: « c'est…le manger,

premièrement. Un p'tit peu d'manger, ça dépend. Pis deuxièmement, c'est rencontrer du

monde, rencontrer des gens. Parler pis entendre parler un peu pis c'est ça aussi. » (P1). En

tout, deux personnes ont mentionné recourir à ce type de service notamment pour briser leur

isolement, soit des personnes ayant un faible réseau social. Il s’agissait donc de la seule

occasion de socialisation disponible pour ces personnes. De plus, celle-ci permettait aussi de

rendre leur expérience de recours plus agréable, le temps d’attente étant comblé par cette

activité : « Quand on arrive ici le matin, là, bein on rencontre toujours des figures qu'on

connaît plus, on s'approche pis là, on jase un p'tit peu fac y'a un peu de social à travers de

ça. » (P2).

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Nos observations réalisées dans une distribution alimentaire nous ont permis de confirmer

cette situation. En effet, nous avons pu constater que l’attente pour acquérir de la nourriture

s’avère être une occasion propice aux rencontres et aux discussions entre les personnes

présentes.

Nos observations réalisées dans le cadre d’une cuisine collective nous ont fait voir que ce type

de service peut aussi être utilisé pour briser l’isolement ressenti. En effet, étant donné son

caractère collectif qui implique de cuisiner en équipes, ce service permet de développer des

liens à plus ou moins long terme, les cuisines se déroulant sur une période de plusieurs mois.

4.5 Motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire

En plus des motifs de recours aux services d’aide alimentaire, les personnes rencontrées ont

aussi rapporté différentes raisons de non-recours aux services d’aide alimentaire.

Tel que présenté précédemment, certaines personnes ont rapporté avoir eu recours par le passé

à certains services d’aide alimentaire mais n’y recourent plus aujourd’hui. C’est le cas de

quatre des sept personnes recrutées dans une habitation à loyer modique, qui ont affirmé ne

plus recourir à aucun service d'aide alimentaire, en dépit de leur faible revenu. De plus, deux

personnes ont affirmé ne jamais avoir eu recours à ce type de service. Une cinquième

personne recourt toujours à un service d’aide alimentaire aujourd’hui. Quant à elles, les sept

personnes recrutées à l’organisme La Bouchée généreuse avaient forcément recours à un

service d’aide alimentaire puisqu’elles ont été recrutées au sein d’un tel service. Toutefois, à

l’exception d’une seule personne, aucune n’utilise les services d’aide alternatifs.

Au terme de l’analyse des données, plusieurs raisons sont apparues comme entravant le

recours aux services d’aide alimentaire. Notre analyse a permis de repérer six grands thèmes

pour expliquer les réticences des personnes à recourir adéquatement aux services, soit la

méconnaissance des services, l’évaluation de leur situation et leur besoin de services, la

situation de pauvreté et la non motorisation, les craintes, certaines caractéristiques propres aux

services et le fait d’avoir vécu des expériences de recours négatives par le passé. Ces raisons

du non-recours sont mentionnées ci-après.

4.5.1 La méconnaissance des services

Certains services d’aide alimentaire semblent être moins connus par les personnes vivant de

l’insécurité alimentaire, ce qui semble provenir d’un manque de publicité de leur part. Une

seule personne a mentionné recourir à un restaurant populaire appelé Chez William, les autres

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ne connaissant pas ce type de service ou n’étant pas au courant de leur existence au sein du

quartier. Les entrevues réalisées auprès des participants à l’étude ont révélé que les cuisines

collectives, les groupes d’achat et les restaurants populaires sont méconnus de ces derniers,

tant sur le plan de leur existence que sur le plan de leur fonctionnement ou leur visée. Par

exemple, certains perçoivent que les services ne s’adressent pas à eux et mentionnent ne pas

recourir à certains services pour cette raison : « c'est des places pour des hommes, ça. » (P12),

« non, ça, c’est bon pour les plus jeunes que nous. » (P7). Cela semble dénoter une peur de se

retrouver seule de son propre groupe, que ce soit concernant l’âge ou le sexe, d’être la seule

personne différente au sein du groupe, ce qui peut amener une difficulté à s’intégrer et à nouer

des relations.

4.5.2 L’évaluation de leur situation et leur besoin de services

Certaines personnes semblaient également minimiser leur situation d’insécurité alimentaire et,

ce faisant, leur besoin de recourir à des services d’aide alimentaire. Celles-ci semblaient croire

que d’autres en avaient plus besoin qu’elles et que leur recours aux services d’aide alimentaire

priverait ces autres personnes d’y recourir : « […] y'en a qui en ont plus besoin qu'moi, là. »

(P9), « […] j'laisse la place à d'autres qui en ont plus besoin. » (P10).

Certaines semblaient aussi percevoir qu’un service doit n’être utilisé qu’en dernier recours.

Une personne a expliqué qu’elle n’utiliserait les services qu’en cas d’urgence extrême lorsque

toutes les autres stratégies ont été épuisées: « […] c'est sûr que j'imagine que si t'en es rendu

que ça fin une semaine que t'as pas mangé, que… » (P5). Ce résultat sera creusé davantage

dans la discussion.

4.5.3 La situation de pauvreté et la non motorisation

Des personnes ont également mentionné ne pas recourir à certains services en raison du fait

qu’elles ne possédaient pas de moyen de transport motorisé, ce qui faisait en sorte que toute

distance, même courte, représentait un obstacle à leur recours à certains services d’aide

alimentaire. Comme nous l’avons vu, celles-ci ont également mentionné que le coût élevé du

transport en commun représentait un obstacle significatif à leur recours aux services. De plus,

certaines personnes ont mentionné qu’il était difficile pour elles de transporter des paquets via

ce type de transport : « C'est pas l'idéal pis c'est lourd, aussi, là, quand t'as d'la liqueur, du lait,

t'arrives ici, le pain est toute écrasé… [rire]. » (P3).

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60

4.5.4 Des craintes

Plusieurs craintes ont aussi été évoquées pour motiver le non recours aux services. Tout

d’abord, nous retrouvons la peur du jugement à la fois des intervenants et de l’entourage, qui

a été mentionnée par plusieurs participants. Par exemple, une personne nous explique dans le

passage suivant comment cette peur du jugement l’a empêchée de faire une deuxième

application à un service de distribution alimentaire car celle-ci croyait ne pas correspondre

aux critères d’éligibilité et voulait éviter de vivre un refus : « […] J'ai vu que ça correspondait

pu, j'ai pas refait application. J'me suis dit : j'aurai pas la honte ou la gêne d'être refusé. » (P2).

D’autres personnes évitent de recourir à certains services car ayant peur d’être victimes

d’abus de toutes sortes. Par exemple, deux personnes ont mentionné ne pas recourir aux

jardins communautaires en raison d’une crainte d’être victimes de vol : « non, j'veux rien

savoir de ça! Le monde se pile toutes sur les pieds pis i volent toutes les carottes des autres. »

(P2), « semer pour me faire voler, chu pas intéressé pis regarde, là. » (P13). Cette crainte

semble provenir du fait que ces personnes, étant vulnérables, ont peur qu’on abuse de cette

vulnérabilité. Finalement, certaines personnes nous ont expliqué ne pas recourir à des services

pour éviter de côtoyer des personnes itinérantes. Il semble y avoir à la fois du dégout/

aversion, des craintes sur le plan sanitaire mais aussi une crainte liée à des problèmes qui sont

perçus comme étant associés aux personnes itinérantes : « Ça m'intéresse moins parce que j'ai

pas j'ai pas d'préjugés contre les robineux mais j'aime éviter ces ces problèmes-là, de me

retrouver en situation avec des personnes comme ça. » (P12), « […] J'veux pas voir ça. Non,

j'y va pas. […] Parce que…j'ai peur des bébittes, j'ai, j'veux rien savoir, j'ai…j'aime pas. Alors

c'est pour ça. Pis ça m'rend fou, aussi. J'veux pas…y'a des gens qui nous approchent, qui

voudraient nous parler, qui voudraient…mais juste parce qui sont sales, chu pas capable!

[…] » (P13).

4.5.5 Raisons liées aux caractéristiques des services

4.5.5.1 Manque d’anonymat et de confidentialité

Les services d’aide alimentaire, pour la plupart, semblent être stigmatisés ou du moins être

perçus comme stigmatisant. Ce n’est pas bien vu d’y avoir recours et certaines personnes

expliquent ne pas y recourir car elles veulent préserver leur anonymat et la confidentialité et

ne veulent surtout pas être révélées comme des personnes « pauvres », qu’elles perçoivent

aussi sans doute négativement. Deux personnes semblaient craindre que leur recours à un

service d’aide alimentaire ne renvoie une image d’elles comme étant des personnes

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démunies : « […] est dans même communauté que ma cousine fac j'ai peur de ça un peu, là :

ah, c'est drôle! Comment ça ton cousin i vient manger? Y'est donc bein démuni! Tsé. » (P2).

Cette personne semblait craindre que son recours ne soit dévoilé par la religieuse à un de ses

proches, dévoilant ainsi à celle-ci sa situation d’insécurité alimentaire. Elle craignait sans

doute d’être jugée négativement par ces personnes, et cette crainte était d’autant plus grande

que l’une de ces personnes était une personne proche.

4.5.5.2 Critères d’accès empêchant le recours

Quelques personnes ont également mentionné que les critères d’admissibilité des services

d’aide alimentaire représentaient une importante barrière à leur accès. En effet, certains

services d’aide alimentaire limitent l’accès aux personnes âgées de moins de 65 ans car

privilégiant celles recevant un montant de l’aide sociale : « …j'avais j'avais trop de revenu

pour eux autres. […] i prennent juste ceux qui ont le p'tit bien-être, là, fac quand on arrive à

55 ans, on a un 150$ de plus, là, fac là, ça faisait trop, là, tsé. Pis la pension, c'est encore un

p'tit peu plus […] » (P2). Les personnes administrant les services d’aide alimentaire semblent

croire que les personnes âgées n’ont pas besoin de recourir à des services d’aide alimentaire

car elles perçoivent la pension de vieillesse comme un revenu additionnel.

4.5.5.3 Complexité des procédures empêchant le recours

Certains types de services d’aide alimentaire nécessitent également des procédures de

demande pouvant décourager le recours à ceux-ci, notamment les paniers de Noël : « jamais.

Bein, c'est compliqué, faut donner le nom, ché pas, moi, là, un 2-3 mois d'avance pis là, faut

aller, faire application... » (P2). Bien que les personnes rencontrées sachent toutes lire et

écrire, certaines d’entre elles semblaient éprouver de la difficulté à naviguer à travers les

différents processus d’application des services d’aide alimentaire, qui semblaient nécessiter

plusieurs étapes et demander parfois plusieurs déplacements, ce qui peut être exigeant

physiquement pour certaines personnes âgées.

4.5.5.4 Fonctionnement trop contraignant d’un service

Les listes d’attente peuvent également représenter un élément dissuasif au recours à certains

services : « bein, c'est des listes d'attente, hein? Euh…des fois, ça peut prendre un an, deux

ans, trois ans avant d'être accepté dans tel jardin, mettons. » (P2). Lorsqu’une personne

éprouve le besoin de recourir à un service d’aide alimentaire, il est sans doute décourageant

de devoir attendre pour pouvoir y recourir et en retirer les bénéfices.

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Aussi, une personne a mentionné ne pas recourir aux groupes d’achat en raison de son

aversion envers les horaires fixes : « […] je déteste les affaires qui sont : tel jour, telle heure,

tout l'temps la même affaire. » (P11). Bien que cette personne soit en situation d’insécurité

alimentaire, celle-ci semblait tout de même accorder une grande importance à sa liberté de

réaliser des activités quand elle-même le souhaitait et de garder un contrôle sur celle-ci.

4.5.5.5 Services exigeants sur le plan physique

Certaines personnes ont également mentionné ne pas recourir aux jardins communautaires en

raison des efforts physiques impliqués dans ce type d’activité : « non. J'ai trop mal aux

genoux, moi. Chu à l'âge qu'on développe des maladies…de l'arthrose. L'humidité. » (P11).

De plus, une personne a mentionné que les longues heures d’attente debout dans les services

de distribution alimentaire posait un défi physique pour elle : « […] j'ai mal aux jambes, on

reste 3h debout. », «ah! L'lendemain, chu pas capable d'marcher. » (P11). Certains services

semblent donc ne pas être adaptés à la situation de plusieurs personnes âgées, lesquelles ont

certaines limites physiques les empêchant de réaliser des efforts importants tels que jardiner

dans des positions inconfortables ou attendre debout pendant plusieurs heures.

4.5.5.6 Heures d’ouverture contraignant le recours

En plus des horaires fixes, les horaires d’ouverture semblent également contraindre le recours

à certains services d’aide alimentaire. En effet, une personne a mentionné que les horaires

d’ouverture des services de type soupe populaire faisaient en sorte qu’elle ne pouvait pas

recourir à certains points de services le jour car ceux-ci étaient ouverts seulement le soir. De

plus, la même situation se déroulait le soir car certains services sont également ouverts

seulement durant la journée. Cette situation contribuait à restreindre le recours de cette

personne à certains services d’aide alimentaire par la restriction du choix de services

disponibles. Dans ce cas, le recours à certains points de services s’avère involontaire car dû à

des restrictions concernant les horaires d’ouverture. Cette personne se voyait donc contrainte

par sa situation de pauvreté, devant recourir à des services d’aide alimentaire correspondant

peu à ses préférences alimentaires et offrant parfois de la nourriture de qualité moindre et peu

nutritive.

4.5.6 Avoir vécu des expériences négatives

Le non-recours à certains services d’aide alimentaire peut également provenir d’expériences

de recours négatives vécues dans le passé. Dans les passages suivants, deux personnes

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expliquent ne pas avoir été satisfaites de la nourriture offerte par certains services, soit la

popote roulante et un service de soupe populaire : « […] Juste pas d'sel…quand t'es obligé

mais quand t'es pas obligé, là…c'est pas mangeable ! » (P8), « bein, ça a pas fait mon affaire

[…] c'était l'dîner pis i mangeaient des œufs. […] Ça a adonné que j'ai pas frappé l'bon

menu. » (P4). Bien que ces personnes soient en situation d’insécurité alimentaire, elles

semblaient accorder une grande importance à leurs habitudes alimentaires et envisageaient

difficilement de les compromettre, entraînant le non-recours aux services ne satisfaisant pas

leurs exigences.

4.6 Pistes de solutions identifiées par les personnes pour diminuer

l’insécurité alimentaire

Après avoir discuté avec les personnes de leurs stratégies d’accès alimentaire et de leur

recours et non-recours aux services d’aide alimentaire, nous les avons brièvement

questionnées, à la fin de l’entrevue, au sujet de pistes possibles afin de diminuer l’insécurité

alimentaire. La prochaine section présente les propos étant ressortis de cette brève discussion,

soit deux grandes pistes de solution dégagées par celles-ci.

4.6.1 Percevoir qu’il est impossible d’améliorer les choses

Bien que certaines personnes aient proposé des solutions afin de diminuer l’insécurité

alimentaire, l’une d’entre elle semblait se sentir impuissante quant à l’amélioration de celle-ci

par quelque moyen que ce soit. À la question de ce qui pourrait être réalisé afin de diminuer

l’insécurité alimentaire, cette personne a répondu qu’il n’était pas possible d’améliorer grand-

chose : « ah, on n’est pas capables d'améliorer grand-chose… » (P4). Celle-ci semblait penser

que tout changement était impossible et ne croyait pas avoir beaucoup de pouvoir pour

changer les choses.

4.6.2 Désirer une amélioration de la qualité de la nourriture dans les services d’aide

alimentaire

Selon certaines personnes rencontrées, la qualité de la nourriture pourrait être améliorée au

sein de plusieurs points de services de type soupe populaire, tant sur le plan de la fraîcheur

des aliments que de la diversité des aliments y étant servis : « Alors, le mot-clé, c'est ''qualité''.

Ceux qui l'ont un peu plus, chapeau, pis ceux qui l'ont un peu moins, un p'tit effort serait le

bienvenu. », « … qui comprennent la qualité. Dans quel sens que ça va, dans le sens de peut-

être une certaine diversité. » (P2).

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64

Cette situation semble démontrer que les personnes vivant de l’insécurité alimentaire, malgré

la précarité de leur situation, accordent une grande importance à la qualité de la nourriture à

laquelle elles accèdent et ont certaines exigences en ce qui concerne celle-ci, tel qu’il a été

abordé plus tôt.

4.6.3 Désirer une hausse des revenus

De plus, le faible revenu, couplé au coût élevé des loyers, représente un facteur aggravant

l’insécurité alimentaire. Dans cette optique, la hausse des revenus a été mentionnée comme un

moyen d’améliorer la situation des personnes vivant de l’insécurité alimentaire : « bein, que le

gouvernement augmente nos revenus. Tsé, quand t'as 1100$ pis que tu dois en donner 550$

pour un logement pas éclairé, pas chauffé… » (P11). En effet, le fait de consacrer une moins

grande part de leurs ressources financières aux dépenses liées au loyer libère une somme

d’argent supplémentaire pour l’acquisition de nourriture et contribue à diminuer l’insécurité

alimentaire vécue par ces personnes.

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65

CHAPITRE 5. DISCUSSION

La présente étude visait, en premier lieu, à documenter les stratégies d’accès alimentaire des

personnes âgées de 65 ans et plus vivant seules au sein de la communauté, et vivant de

l’insécurité alimentaire, dans le quartier Limoilou, et, en deuxième lieu, à mieux comprendre

leur recours et leur non-recours aux différents types de services d’aide alimentaire (banques

alimentaires, cuisines collectives, etc.).

Nous croyons avoir été en mesure de répondre à ces objectifs car les entrevues réalisées avec

les participants nous ont permis d’en apprendre davantage sur leurs stratégies d’accès

alimentaire ainsi que sur leurs différents motifs de recours et de non-recours aux services

d’aide alimentaire du quartier Limoilou. Les informations recueillies s’avèrent très riches et

contribuent à une meilleure connaissance du sujet.

Dans la prochaine section, nous discutons des principaux résultats de la présente étude à la

lumière de la littérature scientifique. Nous discutons des différentes sources

d’approvisionnement utilisées par les participants ainsi que des différentes stratégies

rapportées par ceux-ci pour acquérir de la nourriture. Par la suite, nous discutons de leurs

motifs de recours et de non-recours aux services d’aide alimentaire. Nous terminons cette

section par la discussion des différentes pistes de solution proposées par ces personnes afin de

diminuer l’insécurité alimentaire et par des pistes de recherche et d’intervention ressortant de

nos résultats. Nous présentons également les forces et limites de notre étude.

5.1 Sources d’approvisionnement alimentaire

Nous avons vu que les participants recouraient à différentes sources d’approvisionnement

alimentaire afin d’acquérir de la nourriture. Certaines d’entre elles se sont avérées étonnantes.

En effet, la moitié des personnes ont dit préférer recourir à la pharmacie plutôt qu’au

dépanneur comme source de dépannage en raison des prix des aliments moins élevés à la

pharmacie. Il s’agit d’un résultat étonnant car la pharmacie n’est normalement pas une source

d’approvisionnement alimentaire répertoriée comme telle dans la littérature scientifique. Une

seule étude répertoriée a relevé celle-ci comme étant une source d’approvisionnement

alimentaire et qui était très peu utilisée par les personnes rencontrées (Huang, Rosenberg,

Simonovich et Belza, 2012).

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Le recours à des magasins à rabais de type de Dollarama est également ressorti comme une

source d’approvisionnement alimentaire détonante qui n’est souvent pas répertoriée en tant

que telle dans les études explorées.

Le recours à la pêche ressort aussi comme une source d’approvisionnement alimentaire

surprenante étant donné l’accès aux territoires de pêche plus limités. En effet, à notre

connaissance, aucune autre étude faite auprès de personnes âgées en milieu urbain n’a fait

ressortir cette source d’approvisionnement alimentaire. Récemment, Dupéré et al (2014) ont

trouvé que certaines personnes en situation d’insécurité alimentaire, dont des jeunes hommes

vivant à Limoilou, ont recours à la pêche occasionnellement pour s’alimenter. Cependant,

cette source d’approvisionnement n’est pas commune. Il ressort de cette recherche que les

savoirs d’autosubsistance tels que la chasse et la pêche ainsi que leur transmission

intergénérationnelle disparaissent progressivement à Québec selon les personnes rencontrées.

Il nous semble que cette question devrait être approfondie et constitue une piste intéressante

pour développer l’autonomie alimentaire des communautés locales. Les endroits permettant la

pratique de la pêche en ville sont souvent peu accessibles pour celles-ci, ne possédant pas

toujours d’infrastructures pouvant faciliter l’accès aux sites, telles que des rampes, des quais

et des plateformes. Toutefois, en Nouvelle-Écosse, celles-ci sont mises en place dans divers

sites d’accès à la pêche sportive pour les personnes ayant une incapacité physique et les

personnes âgées (Ministère des Pêches et de l’Aquaculture de la Nouvelle-Écosse, s.d.).

Aussi, la proximité des ressources est ressortie comme très importante pour la majorité des

participants car celles-ci ont mentionné ne pas recourir aux ressources étant trop éloignées de

leur lieu de résidence. Comme nous l’avons déjà mentionné, la majorité de ces personnes ne

possèdent pas de véhicule automobile et dépendent des services de transport en commun pour

leurs déplacements mais y recourent très peu pour se déplacer en raison notamment de la

difficulté de transporter les paquets. Elles peuvent donc difficilement accéder aux ressources

alimentaires plus éloignées. Une seule personne a mentionné ne pas percevoir de barrière liée

à la distance et a dit se déplacer aux endroits voulus grâce au transport en commun. La

proximité des ressources alimentaires permet notamment aux personnes d’économiser du

temps car celles-ci peuvent réaliser leur épicerie et effectuer d’autres activités telles que se

rendre à la banque ou à un rendez-vous médical, ce qui leur permet également de continuer de

vivre de manière indépendante au sein de leur communauté, ce qui a également été relevé

dans l’étude de Huang et ses collaborateurs (2012).

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5.2 Stratégies d’accès et de gestion alimentaire

Nous avons aussi exploré avec les participants leurs différentes stratégies pour acquérir de la

nourriture. Tout d’abord, nous avons constaté qu’ils employaient plusieurs stratégies pour

économiser de l’argent lors de l’acquisition de nourriture. L’une de ces stratégies est

l’utilisation de magasins à rabais comme le Dollarama. Cette stratégie a également été relevée

par d’autres études ne portant pas spécifiquement sur les personnes âgées (Dachner, Ricciuto,

Kirkpatrick et Tarasuk, 2010 ; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003). Cela semble donc

démontrer que cette stratégie est utilisée peu importe l’âge.

De plus, nous avons relevé une stratégie de gestion alimentaire pouvant porter préjudice à la

santé des personnes l’utilisant. En effet, nous avons constaté que certaines personnes

compromettaient la quantité de nourriture consommée en raison de leur faible revenu et du

prix élevé de certains aliments, ce qui, comme nous l’avons vu, est considéré comme un

niveau modéré d’insécurité alimentaire. Bien que notre étude ne s’intéresse pas à la nutrition

chez les personnes âgées, nous trouvons que cette stratégie s’avère inquiétante car elle peut

entraîner des graves conséquences sur la santé des aînés. En effet, selon l’Ordre professionnel

des diététistes du Québec, une personne âgée sautant un ou plusieurs repas perdra très

rapidement une partie de sa masse musculaire, ayant un impact important sur l’autonomie

fonctionnelle de celle-ci. De plus, la dénutrition peut entraîner des infections, des plaies de

pression et même le délirium, lesquels augmentent les coûts d’hospitalisation de 70% en

raison du prolongement des séjours hospitaliers ainsi qu’une augmentation du risque de

complications médicales et de ré-hospitalisations (Ordre professionnel des diététistes du

Québec, 2013).

En plus de stratégies de gestion alimentaire, notre étude a relevé que les personnes

rencontrées utilisaient certaines stratégies créatives pour se déplacer à moindre coût et

transporter leurs paquets d’épicerie. Deux études recensées ont trouvé comme nous que

certaines personnes empruntaient un panier d’épicerie pour faciliter les déplacements des

paquets vers le domicile (Clifton, 2004 ; Gottlieb, Fisher, Dohan, O’Connor et Parks, 1996).

Selon cette étude, il s’agirait d’une stratégie relativement commune. L’utilisation d’un service

de navette est également ressortie comme un moyen utilisé par plusieurs personnes pour se

déplacer vers les épiceries. (Huang, Rosenberg, Simonovich et Belza, 2012). Par la suite, nous

avons relevé l’utilisation du service de livraison comme stratégie permettant d’éviter de

devoir transporter les paquets vers le domicile. Seulement, nous n’avons trouvé aucune étude

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faisant mention de cette stratégie. Ce service s’avère primordial pour les personnes âgées car,

comme nous l’avons expliqué plus tôt, celui-ci permet de pallier aux problèmes de transport

de paquet dans le transport en commun et d’ainsi faciliter leur accès aux aliments sans trop

d’efforts. Nous avons également constaté que le recours au réseau social s’avérait une

stratégie importante utilisée par les personnes vivant de l’insécurité alimentaire afin de réduire

celle-ci, par la facilitation des déplacements vers les ressources alimentaires et l’acquisition de

nourriture via les dons des proches. D’autres études confirment l’importance du réseau social

pour l’acquisition de nourriture (Clifton, 2004; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003;

Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014; Green-LaPierre et al., 2012;

Quandt, Arcury, McDonald, Bell et Vitolins, 2001). Le recours au réseau social ressort donc

comme un élément primordial permettant de faciliter l’accès à de la nourriture, que ce soit via

le transport vers les ressources d’approvisionnement alimentaire ou via le don d’aliments.

Toutefois, nous avons également vu que certaines personnes âgées à faible revenu ne

disposaient pas d’un tel réseau, ce qui les rend particulièrement vulnérables à vivre de

l’insécurité alimentaire car leur accès aux aliments est plus limité.

Nous avons constaté que seules les femmes recouraient à leur réseau social et que les hommes

semblaient avoir un réseau social faible et ne demandaient pas d’aide pour accéder aux

ressources alimentaires. Il se peut que les normes traditionnelles masculines liées à

l’indépendance, l’autonomie et la performance (Dupéré, 2011), ainsi qu’à la répression de

l’expression des émotions aient influencé leur demande d’aide à des proches car celle-ci

représente, selon ces normes, un signe de faiblesse ou d’échec (Lajeunesse et al., 2013).

Seulement, ces études ne portent pas spécifiquement sur les personnes âgées. Selon Balard et

Somme (2011), le refus de l’aide de la part de proches peut représenter un moyen pour les

personnes âgées de couper les liens affectifs avec elles car étant conscientes de leur état de

santé et des souffrances psychiques et physiques que celle-ci peut entraîner chez leurs

proches. Celles-ci, voulant éviter cette souffrance à leurs proches, refusent leur aide (Balardet

Somme, 2011). Cela pourrait également expliquer le refus de recourir à des proches de

certaines personnes âgées vivant de l’insécurité alimentaire, qui voudraient éviter d’exposer

ces derniers à leur situation. Au contraire des hommes, le recours au réseau social est ressorti

comme un élément saillant de l’expérience des femmes rencontrées, qui semblaient y recourir

de manière occasionnelle.

Tout comme Wolfe et ses collaborateurs (1996), nous avons fait ressortir les stratégies de

gestion alimentaire que sont la réalisation de réserves alimentaires et la congélation des

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aliments. Cependant, notre exploration des différentes stratégies d’accès alimentaire contribue

à élargir ce cadre car nous avons également fait ressortir des stratégies permettant de réaliser

des économies ainsi que faciliter les déplacements vers les ressources alimentaires.

5.3 Motifs de recours aux services d’aide alimentaire

Également, notre étude a fait ressortir plusieurs motifs de recours aux services d’aide

alimentaire.

Nous avons vu que certaines personnes recouraient aux services d’aide alimentaire en période

de crise ou lors de périodes difficiles, ce qui est confirmé par plusieurs études selon lesquelles

certaines personnes ont recours aux services d’aide alimentaire d’urgence vers la fin du mois

car se retrouvant à court de ressources financières et alimentaires durant cette période

(Johnson, 2008 ; Kempson, Keenan, Sadani et Adler, 2003 ; Wolfe, Frongillo et Valois, 2003).

Selon Johnson (2008) et Quandt et ses collaborateurs (2001), la sévérité de l’insécurité

alimentaire varierait avec le temps, selon un cycle mensuel de disponibilité de l’argent et de la

nourriture. Selon ce cycle, les personnes âgées vivraient une certaine sécurité alimentaire en

début de mois et vivraient de l’insécurité alimentaire vers la fin du mois. La réserve de

nourriture disponible, ainsi que les ressources financières, auraient une certaine périodicité,

certains jours étant plus « maigres » vers la fin du mois. Selon l’étude de Berner et O’Brien

(2004), l’achalandage dans les services d’aide alimentaire serait plus élevé vers la fin du mois,

confirmant donc cette tendance (Berner et O’Brien, 2004). Comme décrit précédemment, ce

recours dans les périodes difficiles semble provenir d’une crainte de ne pas abuser des

services offerts et donc d’y recourir seulement en temps de grand besoin. Il est également

ressorti de notre discussion avec les membres du projet VAATAVEC que l’éducation judéo-

chrétienne des personnes âgées, notamment les femmes, peut entraîner une abnégation de soi

et de ses propres besoins. Certaines personnes ont tendance à se négliger et prendre soin de

leurs enfants avant de prendre soin d’elles-mêmes, sacrifiant leurs propres besoins pour

s’assurer de répondre à ceux de leurs enfants. Cette situation a été rapportée à la fois dans une

étude portant sur les jeunes mères et une autre portant sur les mères monoparentales, ce qui

semble démontrer que cette situation touche les femmes vivant de l’insécurité alimentaire peu

importe leur âge et leur statut civil (McIntyre et al., 2003 ; Stevens, 2010).

Ensuite, nous avons découvert que certaines personnes recouraient au service de popote

roulante en raison du manque de compétences culinaires pour préparer des repas. Selon

l’étude de Keller réalisée en 2001, les personnes ayant recours aux services de type popote

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roulante pour cette raison sont surtout des hommes. Toutefois, dans le cadre de la présente

étude, la personne éprouvant ces mêmes difficultés était une femme. Ce résultat détonne donc

de ceux de l’étude de Keller (2001) et semble démontrer que certaines femmes peuvent

également éprouver ce même genre de difficultés liées à un manque de compétences

culinaires. Cette situation peut donc être vécue sans égard au sexe.

Nous avons également pu constater qu’en plus de recourir aux services d’aide alimentaire

pour accéder à de la nourriture, certaines personnes y recouraient également afin de briser leur

isolement. Les services d’aide alimentaire, en plus de fournir de la nourriture, permettent à

certains de se retrouver dans des lieux accueillants où ils peuvent vivre des expériences

positives telles que tisser des liens significatifs avec d’autres personnes et se lier ou se relier à

la société (Dupéré et al., 2014).

Tout comme le cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996), nous avons exploré le recours aux

services d’aide alimentaire traditionnels et alternatifs. Cependant, cet élément a été présenté

brièvement dans le cadre de l’étude de Wolfe et ses collaborateurs (1996) en tant que stratégie

permettant de garantir la sécurité alimentaire, tandis que nous avons fait ressortir différents

motifs étant associés à ce recours, élargissant ainsi les horizons de ce cadre.

5.4 Motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire

Comme nous l’avons constaté, ce ne sont pas toutes les personnes vivant de l’insécurité

alimentaire qui ont recours aux services d’aide alimentaire.

Tout d’abord, nous avons vu que la méconnaissance des modalités d’accès ou de

fonctionnement de certains types de services d’aide alimentaire, soit des services d’aide

alimentaire alternatifs (cuisines collectives, groupes d’achat, restaurants populaires), pouvait

entraîner le non-recours à ceux-ci, ce qui ressort également de l’étude VAATAVEC (Dupéré et

al., 2014) concernant le milieu urbain. Selon celle-ci, cette méconnaissance des services

ressort également dans les milieux régionaux et ruraux, lesquels sont marqués par une plus

faible offre d’aide alimentaire (Dupéré et al., 2014). D’autres études relèvent cette

méconnaissance concernant des services d’aide alimentaire plus traditionnels (soupes

populaires, repas communautaires, banques alimentaires) (Johnson, 2008; Loopstra et

Tarasuk, 2012). L’étude de Loopstra et Tarasuk (2012) relève plusieurs éléments de la

méconnaissance des services, soit la méconnaissance du fonctionnement de ces derniers ainsi

que l’ignorance de l’emplacement et des heures d’ouverture d’un service, lesquels

représentent des obstacles au recours à ceux-ci. Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014)

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relèvent également l’ignorance de la manière d’accéder à un service et de la clientèle visée par

celui-ci comme des éléments de cette méconnaissance. Selon Edward et Evers (2001), ce

manque de connaissance des services d’aide alimentaire relèverait d’un manque de publicité

de la part de ces derniers.

Il est également ressorti de notre étude que plusieurs personnes évitaient de recourir à certains

services car croyant qu’ils ne s’adressaient pas à elles. Notamment, une personne a dit ne pas

recourir aux cuisines collectives car étant persuadée que ce service ne s’adressait qu’aux

jeunes. Il est intéressant de constater que l’étude de Thomson Consulting et de la British

Columbia Non-Profit Housing Association a constaté le contraire, car plusieurs personnes ont

mentionné ne pas recourir aux cuisines collectives car ayant la perception que ces services ne

s’adressaient qu’aux personnes âgées (Thomson Consulting et British Columbia Non-Profit

Housing Association Research Department, 2012). Comme nous l’avons abordé plus tôt, cela

semble démontrer une crainte, peu importe l’âge, de se retrouver seule de son propre groupe

d’âge. De la part des personnes âgées, cela peut provenir du phénomène de l’âgisme, qui

implique certains préjugés entretenus envers les personnes âgées mais peut également

impliquer des pratiques discriminatoires visant à exclure cette population ainsi que des

pratiques institutionnelles et politiques perpétuant les préjugés associés à l’âge (Association

québécoise de gérontologie, 2012). Plus d’un aîné sur quatre dit avoir été victime de

discrimination liée à l’âge de la part du gouvernement via des politiques et des programmes

non adaptés à l’âge et plus du tiers, de la part des professionnels de santé et du système de

santé en général ayant rejeté leurs plaintes car considérant que leurs problèmes étaient des

conséquences liées au vieillissement normal (Revera et la Fédération internationale du

vieillissement, 2013). L’âgisme est le plus souvent perpétré par des personnes plus jeunes

envers les personnes âgées (Revera et la Fédération internationale du vieillissement, 2013).

En lien avec ce phénomène, le fait de se retrouver seule comme personne âgée avec des

personnes plus jeunes peut provoquer une crainte d’être jugée négativement par celles-ci.

Nous avons aussi vu que certaines personnes voyaient le recours aux services d’aide

alimentaire comme étant une stratégie de dernier recours. En effet, des personnes choisissent

de ne pas recourir à certains services d’aide alimentaire, notamment les banques alimentaires,

car croyant qu’il s’agit de ressources à utiliser seulement comme dernier recours et que les

personnes utilisant ces services vivent un besoin extrême d’y recourir (Lambie-Mumford,

Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014 ; Loopstra et Tarasuk, 2012). Ces personnes

semblent percevoir qu’une personne en situation de pauvreté est une personne qui se voit

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contrainte de compromettre de manière importante sa consommation de nourriture et donc, se

perçoivent comme n’ayant pas besoin de recourir à des services d’aide alimentaire car n’ayant

pas vécu de telles privations. Une telle conception de la pauvreté entraîne donc un non-

recours à ces services lié à une perception de ne pas avoir besoin d’y recourir par une

surestimation de ce que constitue la pauvreté. Ces personnes ne s’identifient pas à ces

ressources car ne considérant pas avoir un si grand besoin d’y recourir. Il se peut également

que celles-ci évitent d’y recourir par crainte d’être stigmatisées. De plus, la plupart des

personnes ayant recours à ce type de services le feraient lorsqu’elles ont épuisé tous les autres

moyens possibles d’acquérir de la nourriture et qu’elles n’ont pas d’autres options possibles

(Lambie-Mumford, Crossley, Jensen, Verbeke et Dowler, 2014). Il s’agirait donc d’une

stratégie de « désespoir » plutôt qu’un moyen d’acquisition de la nourriture qui soit quotidien

(Kirkpatrick et Tarasuk, 2009). Pourtant, certaines personnes rencontrées dans le cadre de

notre étude semblaient avoir intégré le recours à ce type de services à une certaine routine

d’acquisition de nourriture, certaines d’entre elles recourant quotidiennement à un point de

service d’aide alimentaire.

Par la suite, nous avons pu constater que quelques personnes rencontrées évitaient de recourir

à des services d’aide alimentaire car croyant que d’autres en avaient davantage besoin, ce qui

a également été relevé par l’étude de Loopstra et Tarasuk (2012). Celles-ci semblaient avoir

l’impression que leur recours à un service d’aide alimentaire pourrait priver le recours à

d’autres personnes en ayant davantage besoin. Sans doute ces personnes craignaient-elles de

se faire juger si le personnel percevait qu’elles n’avaient pas besoin de recourir à ces services

et donc que leur recours était illégitime. Celles-ci minimisaient peut-être également leur

situation d’insécurité alimentaire car la comparant à d’autres vivant une situation pire que la

leur et leur faisant davantage accepter leur propre situation (Dupéré, DeKoninck et O’Neill,

2011). Tout comme le recours dans les périodes difficiles, il est possible que cette situation

soit influencée par une éducation judéo-chrétienne prônant l’abnégation de soi et de ses

propres besoins. Une autre possibilité est que ces personnes, ayant vécu beaucoup de misère

dans leur vie, ont une perception de la pauvreté qui n’est pas la même que les personnes plus

jeunes et qu’elles sous-estiment celle-ci car ayant vécu pire dans le passé (Dupéré,

DeKoninck et O’Neill, 2011). Le fait d’avoir toujours vécu dans la pauvreté peut également

faire en sorte que celle-ci soit perçue comme la norme et donc comme étant non

problématique. Selon Wolfe et ses collaborateurs (1996), le fait d’avoir vécu pire dans le

passé, comme avoir dû compromettre sa consommation de nourriture en élevant ses enfants,

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peut influencer la perception des personnes âgées de leur insécurité alimentaire présente. En

effet, cela peut faire en sorte qu’elles acceptent davantage leur situation actuelle car sous-

estimant celle-ci par rapport au passé. Cela peut également faire en sorte que ces personnes ne

s’inquiètent pas de leur situation. Par contre, d’autres personnes ont la réaction contraire et les

situations vécues dans le passé font en sorte qu’elles s’inquiètent et agissent rapidement pour

éviter de manquer de nourriture (Wolfe et al., 1996). Leur perception de l’insécurité

alimentaire peut également être influencée par leurs croyances religieuses. Certaines

personnes âgées affirment ne pas s’inquiéter de leur situation car croyant en Dieu ou ayant

confiance qu’il veille sur elles. Certaines personnes donnent même des exemples où elles

craignaient de vivre de l’insécurité alimentaire et où Dieu les avait aidées par l’envoi d’une

personne inconnue offrant un don de nourriture. Certaines personnes disent ne jamais avoir

craint de vivre de l’insécurité alimentaire mais avoir beaucoup prié à cet égard (Wolfe et al.,

1996).

Ensuite, nous avons constaté que la quasi-totalité des personnes rencontrées n’avait pas accès

à un véhicule automobile pour se déplacer vers les ressources alimentaires, ce qui a également

été relevé par l’étude de Loopstra et Tarsuk (2012). De plus, certaines personnes âgées

semblaient percevoir le coût du transport en commun comme un obstacle au recours à ce

dernier, ce qui a également été relevé dans l’étude de Johnson (2008). La difficulté de

transporter des paquets dans l’autobus est également ressortie comme un obstacle, lequel a

aussi été relevé par l’étude de Johnson (2008). À cet égard, la disponibilité d’un service de

navette est ressortie comme un moyen de transport très apprécié par plusieurs personnes

rencontrées car palliant à cet obstacle important à l’accès aux aliments. Il est également

ressorti de notre étude que certaines personnes craignaient qu’en recourant à des services

d’aide alimentaire, elles seraient jugées négativement par leur entourage, ce qui a également

été relevé par l’étude de Keller et ses collaborateurs (2007) et celle de Gundersen et Ziliak

(2006) concernant les bons d’achat alimentaire. Bien que cette dernière étude ne s’intéresse

pas spécifiquement aux personnes âgées, celle-ci démontre comment cette problématique peut

toucher les personnes vivant de l’insécurité alimentaire peu importe leur âge. Pour sa part,

l’étude de Wolfe et ses collaborateurs réalisée en 1996 rapporte que le non-recours des

personnes âgées aux bons d’achat alimentaire serait aussi motivé par une peur d’être jugée

liée à une perception qu’elles utilisent des programmes gouvernementaux et, par le fait même,

profitent des fonds publics de la société. Selon Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014),

le désir de se conformer aux normes sociales et d’être «comme tout le monde » peut motiver

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le non-recours aux services d’aide alimentaire des personnes vivant de l’insécurité

alimentaire. En effet, plusieurs d’entre elles veulent à tout prix éviter d’être stigmatisées en

acquérant de la nourriture de manière socialement non acceptable.

Plus précisément, les personnes vivant de l’insécurité alimentaire auraient peur d’être révélées

en tant que personnes en situation de pauvreté, ce qui pourrait être lié au manque d’anonymat

et de confidentialité de certains services d’aide alimentaire. En effet, une personne a dit éviter

de recourir à un point précis de distribution alimentaire car connaissant la personne en étant

responsable et craignant que celle-ci ne révèle son recours à l’un de ses proches. Selon

Edward et Evers (2001), les normes sociales peuvent entraîner le non-recours à certains

services d’aide alimentaire en raison d’une honte associée à sa situation de pauvreté, qui est

aussi relevée par Lambie-Mumford et ses collaborateurs (2014) et Loopstra et Tarasuk (2012).

Cette honte pourrait expliquer le fait que des personnes ne recourent pas à certains services

car ne voulant pas afficher leur situation de pauvreté et voulant se conformer aux normes

sociales. Selon Engler-Stringer et Berenbaum (2007), le recours aux services d’aide

alimentaire peut induire chez certaines personnes un sentiment d’être une personne indigne.

Une autre crainte relevée par les participants à cette étude est la crainte d’être victimes d’abus.

Il est difficile de déterminer si cette situation est fréquente car l’abus chez les aînés est

difficile à « dépister », les abus étant majoritairement commis par les proches des aînés, et ces

derniers craignant souvent de dévoiler une situation d’abus pour plusieurs raisons, notamment

le fait de vouloir protéger l’abuseur ou la peur de perdre des liens familiaux. Ainsi, selon la

recherche, 6% à 10% des personnes aînées seraient victimes d’abus mais il s’avère que

beaucoup plus de personnes en seraient victimes, 50% à 80% des personnes ne dévoilant pas

la situation (Charpentier et al., 2010). Toutefois, la peur d’être victime d’abus peut signaler

l’existence d’abus antérieurs rendant les personnes craintives à cet égard. Aucune mention de

ce phénomène n’a été trouvée dans la littérature comme motif de non-recours à des services

d’aide alimentaire. Dans le même ordre d’idée, la peur des itinérants est également un résultat

détonnant car n’ayant pas été trouvé dans la littérature scientifique.

En plus des craintes, nous avons également pu constater que certaines caractéristiques des

services pouvaient représenter un obstacle au recours à ces derniers. Nous avons vu que la

complexité des procédures de demande pour y accéder posait notamment problème. Selon le

Conseil national des aînés (2009), les personnes âgées peuvent parfois être découragées par le

processus de demande pour accéder à un service. La faible scolarité pourrait expliquer cette

difficulté. En effet, les personnes âgées ayant de la difficulté à lire et écrire peuvent

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notamment éprouver de la difficulté à remplir des formulaires de demande de service. Bien

que les personnes rencontrées dans le cadre de notre étude sachent lire et écrire, peut-être

avaient-elles de la difficulté à comprendre les directives d’application aux services. Il semble

aussi que celles-ci aient reçu très peu de soutien de la part des différents organismes pour

mieux comprendre ces directives.

Nous avons également pu constater que certains services d’aide alimentaire semblaient être

exigeants sur le plan physique. Johnson (2008) relève, tout comme la présente étude, que les

incapacités physiques empêchent les personnes âgées de recourir aux services d’aide

alimentaire, notamment en raison des longues heures d’attente en position debout. Selon le

Thomson Consulting et la British Columbia Non-Profit Housing Association, certains

services, comme les jardins communautaires, seraient aussi peu adaptés aux besoins des

personnes ayant des incapacités physiques (Thomson Consulting et British Colombia Non-

Profit Housing Association Research Department, 2012), ce qui a également été relevé dans

notre étude. Au niveau des banques alimentaires, cette situation peut s’expliquer par le fait

que les problèmes de mobilité des personnes soient méconnus de certains services d’aide

alimentaire (Comité d’action en sécurité alimentaire de Laval, 2010). La même chose peut

sans doute être dite concernant les jardins communautaires. On peut se questionner sur leur

degré de conscience des incapacités physiques de certaines personnes âgées, lesquelles les

empêchent de recourir à leurs services. Ensuite, il ressort de l’étude de Kirkpatrick et Tarasuk

(2009) que moins du tiers des personnes rencontrées recourait à des services d’aide

alimentaire bien qu’elles soient en situation d’insécurité alimentaire. Celles-ci utilisaient

davantage des stratégies afin d’augmenter leurs revenus tels que le fait de retarder la date de

paiements de factures. Selon cette étude, cela impliquerait que les services d’aide alimentaire

ne rejoignent pas toutes les personnes en ayant besoin et qu’ils ne permettent pas de

compenser le faible revenu des ménages en insécurité alimentaire. Celle-ci suggère que les

services d’aide alimentaire soient examinés de manière critique afin de déterminer s’ils

permettent d’apporter certains bénéfices aux familles et aux communautés vulnérables. Il

ressort également de cette étude un besoin de réforme des politiques afin de permettre aux

familles à faible revenu d’avoir accès à des ressources adéquates pour acquérir de la

nourriture.

Aussi, nous avons pu constater que certains de nos résultats pointaient à un paradoxe.

Effectivement, il est intéressant de voir que, d’une part, certaines personnes évitent de

recourir à des services d’aide alimentaire car ayant peur d’être stigmatisées et éprouvant une

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honte vis-à-vis leur situation de pauvreté et que, de l’autre, certaines personnes disent s’y

rendre notamment pour socialiser et que ceci soit perçu par elles comme une simple sortie.

Selon Balard et Somme (2011), les personnes âgées parviendraient difficilement à prendre du

recul concernant leur propre situation car s’étant habituées à leur état de santé et considérant

que celui-ci est normal considérant leur âge. Conséquemment, certaines d’entre elles

considèrent inutile d’agir afin de rétablir leur santé, croyant que celle-ci s’améliorera

éventuellement. De plus, le discours des personnes âgées présente une volonté « d’être

comme tout le monde » et une tendance à nier ses difficultés et problèmes de santé.

Cependant, derrière ce discours, celles-ci seraient très conscientes de leur propre fragilité.

Elles s’efforceraient donc de mettre en œuvre des stratégies de préservation de soi afin de

garder un contrôle sur la situation, affirmant qu’elles se débrouillent bien seules. Refuser

l’aide impliquerait également un refus de la stigmatisation inhérente à la personne recevant de

l’aide, qui est alors perçue comme défaillante. Dans cette optique, les personnes âgées

refusent de l’aide car voulant continuer « d’être comme tout le monde » (Balard et Somme,

2011). Cela pourrait expliquer le non-recours des personnes âgées aux services d’aide

alimentaire.

5.5 Réflexions générales en regard du cadre conceptuel retenu

Notre étude a révélé des dimensions de l’insécurité alimentaire semblables à celles ressortant

du cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996). En effet, nous avons aussi relevé le faible

revenu comme étant une facette importante de l’expérience d’insécurité alimentaire vécue par

les personnes rencontrées. Par contre, l’effet de la possession d’économie et celui des

dépenses imprévues ne sont pas ressorti comme des éléments saillants influençant la situation

d’insécurité alimentaire. Ceci s’explique par le fait que nous n’avons pas creusé la situation

financière des participants à notre étude.

Par ailleurs, tout comme ce cadre, nous avons constaté qu’un état de santé précaire pouvait

rendre les personnes à risque de souffrir d’insécurité alimentaire, plus précisément en raison

d’un manque d’énergie restreignant leurs capacités de préparer des repas. Toutefois, dans le

contexte de notre étude, qui a été réalisée au Québec, caractérisé par un système de santé

universel, les problèmes de santé n’encouraient pas de frais de médicaments élevés pour les

personnes rencontrées. Nous avons également constaté que les incapacités physiques

représentaient un élément renforçant l’insécurité alimentaire car limitant les déplacements

vers les ressources alimentaires et donc l’accès à des aliments sains et nutritifs. Également, les

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incapacités physiques des personnes ont aussi été relevées comme renforçant l’insécurité

alimentaire des personnes car empêchant le recours à certains services d’aide alimentaire

pouvant réduire l’insécurité alimentaire. Tout comme le cadre de Wolfe et ses collaborateurs

(1996), le faible réseau social est également ressorti dans notre étude comme un élément

rendant les personnes à risque de souffrir d’insécurité alimentaire car impliquant un manque

de soutien pour l’acquisition de nourriture via le transport ou les dons de nourriture. Le

réseau social est également ressorti comme une dimension nécessaire à l’acquisition de

nourriture via le transport vers les ressources alimentaires et les dons de nourriture. Toutefois,

contrairement à l’étude de Wolfe et ses collaborateurs (1996), qui a été réalisée à la fois en

milieu urbain et rural, notre étude s’est déroulée uniquement en milieu urbain et n’a donc pas

comparé ces deux milieux concernant l’expérience d’insécurité alimentaire.

Concernant les motifs de recours aux services d’aide alimentaire, notre étude apporte une

dimension nouvelle par rapport à ce cadre, qui est le manque de connaissances nutritionnelles

et d’habiletés culinaires.

En ce qui concerne les motifs de non-recours, nous avons, tout comme le cadre de Wolfe et

ses collaborateurs (1996), fait ressortir la stigmatisation associée à certains services ainsi que

la perception de ne pas avoir besoin de recourir à un service et celle que d’autres en ont

davantage besoin. Toutefois, nous n’avons pas constaté le motif de non-recours qu’est la

faiblesse des bénéfices retirés d’un service comparé aux coûts associés à chaque nouvelle

demande de certification d’éligibilité. La présente étude contribue tout de même à élargir ce

cadre par l’exploration de plusieurs autres motifs de non-recours aux services d’aide

alimentaire non explorés par ce dernier, soit la méconnaissance des services, la pauvreté et la

non motorisation, les craintes, différents motifs associés aux caractéristiques des services ainsi

que l’exigence des services sur le plan physique.

5.6 Pistes de solutions pour diminuer l’insécurité alimentaire

Dans le cadre de notre étude, nous avons également brièvement discuté avec les personnes au

sujet des pistes de solutions possibles afin de diminuer l’insécurité alimentaire. À cet égard,

une personne a relevé que la hausse des revenus contribuerait à diminuer l’insécurité

alimentaire. Une autre a mentionné que la qualité des aliments retrouvés dans les services

d’aide alimentaire pourrait être rehaussée. Une personne a aussi affirmé qu’il était impossible

d’améliorer les choses. À cet égard, le comité de recherche du VAATAVEC a avancé certains

éléments pouvant expliquer cela. Selon lui, cela peut être dû à une attitude fataliste vis-à-vis

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sa vie. En effet, étant donné qu’elle avait toujours vécu ainsi, cette personne percevait peut-

être que sa situation ne changerait pas. Le fait d’être à la retraite, de ne plus être sur le marché

de l’emploi et ne plus occuper de travail rémunéré, lequel représente une voie de sortie de la

pauvreté financière, peut également diminuer l’espoir de voir sa situation s’améliorer

(Dupéré, DeKoninck et O’Neill, 2011). De plus, une éducation judéo-chrétienne prônant la

modestie du mode de vie a peut-être également teinté l’absence de réflexion de cette personne

pour améliorer sa situation. Également, l’âge peut sans doute aussi entrer en ligne de compte.

En effet, peut-être que cette personne avait peu d’énergie à investir afin d’être proactive à cet

égard. L’expérience de vie de cette personne peut aussi lui avoir fait percevoir qu’il n’y avait

plus d’issue à sa situation, ayant été découragée de toute possibilité d’amélioration de celle-ci

par l’expérience d’espoirs déçus par le passé. Selon Thomas et ses collaborateurs (2001),

certaines personnes âgées vivent un phénomène de démotivation, caractérisé notamment par

une passivité face à la réalité, laquelle serait liée à l’impossibilité de ces dernières de se

représenter l’action. Au niveau des relations sociales, il s’agirait d’un mécanisme de défense

vis-à-vis de désirs devenus douloureux car perçus comme étant impossibles à réaliser. La

démotivation implique un refus de se voir soi-même dans l’avenir conduisant à une attitude de

dégoût face à l’action et un désir limité d’aménager l’avenir. Cette situation serait liée à un

sentiment de négation, d’exclusion et d’inutilité sociale, renforcé par l’âgisme dont fait preuve

la société actuelle envers les personnes âgées.

Bien que notre étude ait contribué à élargir les connaissances concernant les stratégies d’accès

alimentaire utilisées par les personnes âgées ainsi que leurs motifs de recours et non-recours

aux services d’aide alimentaire, celle-ci comporte certaines limites qui sont présentées ci-

après.

5.7 Limites et forces de l’étude

En ce qui concerne notre étude, une partie de la collecte de données a été effectuée dans un

point de service d’aide alimentaire. Il était donc certain que les personnes s’y trouvant avaient

tous recours à ce type de service, ce qui a introduit un certain biais dans la collecte de données

car la composition de l’échantillon n’était pas optimale.

Ensuite, le fait d’avoir réalisé des entrevues individuelles peut avoir contribué à limiter la

réflexion des participants, plus particulièrement en ce qui concerne la question sur les pistes

de solutions possibles afin de diminuer l’insécurité alimentaire, ce dont nous avons pris

conscience en traitant de la question avec le comité de recherche du VAATAVEC.

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Premièrement, un nombre très limité de personnes a été en mesure d’élaborer des pistes de

solution. Cela peut s’expliquer par le fait que peu de temps fut mis à la disponibilité des gens

pour pouvoir prendre le temps de réfléchir à la question, en raison du fait que les entrevues

étaient déjà chargées et que cette question venait en dernier. De plus, après avoir abordé

différents thèmes, soit leurs stratégies d’accès aux aliments et leurs motifs de recours et non-

recours aux services d’aide alimentaire, il n’était sans doute pas aisé d’aborder une question

telle que la possibilité d’améliorer les services et leur situation, car celle-ci demande un

certain recul face à la question, un recadrage du contexte et, comme nous l’avons mentionné

précédemment, un certain temps de réflexion.

Par contre, la diversité des participants, plus particulièrement sur le plan de l’âge (65 à 88

ans), a permis de brosser un portrait général de l’expérience d’insécurité alimentaire telle que

vécue par les personnes âgées du quartier Limoilou.

Également, l’utilisation de plusieurs méthodes de collecte de données, soit des entrevues

individuelles, un outil inspiré de la cartographie participative et l’observation participante, a

permis de réaliser une triangulation des données permettant de mieux comprendre notre objet

d’étude, notamment en ce qui concerne les informations en lien avec les services d’aide

alimentaire. Il s’est avéré très intéressant d’expérimenter l’outil basé sur la cartographie

participative avec les participants et nous avons pu constater, tel que le projet de recherche

VAATAVEC (Dupéré et al., 2014) que son utilisation facilitait réellement le dialogue via le

soutien visuel qu’il apportait.

En plus, une deuxième vague d’entrevues a permis de s’assurer auprès des participants que

nous avions bien interprété les résultats du premier entretien et qu’ils se reconnaissaient dans

ceux-ci, renforçant la rigueur de notre recherche en assurant la crédibilité des données de

notre étude. Cela nous a aussi donné la possibilité d’enrichir nos données par l’ajout d’autres

résultats.

Une autre force est la diversification des lieux de recrutement. En effet, nous avons recruté les

participants dans deux milieux différents, soit un organisme communautaire offrant des

services d’aide alimentaire, La Bouchée Généreuse, et une habitation à loyer modique. Ceci

nous a permis de découvrir une diversité d’expériences d’insécurité alimentaire.

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80

5.8 Pistes de recherche

Plusieurs des résultats de notre étude révèlent des pistes recherche potentielles intéressantes

concernant les sources d’approvisionnement alimentaire utilisées ainsi que les motifs de

recours et de non-recours aux services d’aide alimentaire. Nous en proposons quelques-unes

dans cette section.

Le recours dans les périodes difficiles mériterait notamment d’être approfondi dans des études

subséquentes afin de mieux comprendre cette crainte d’abuser des services et cette sous-

estimation des besoins de services, afin de présenter des pistes permettant d’atteindre les

personnes âgées et les sensibiliser à leur droit de recourir aux services d’aide alimentaire.

En ce qui concerne les motifs de non-recours aux services d’aide alimentaire, il serait

intéressant de creuser davantage les résultats concernant la perception du recours aux services

d’aide alimentaire comme une stratégie de dernier recours ainsi que la perception que d’autres

en ont davantage besoin. Ces deux résultats, tout comme le recours dans les périodes

difficiles, semblent pointer à une sous-estimation du besoin des services. Il serait intéressant

d’approfondir davantage ces données afin de mieux comprendre la perception des aînés de la

pauvreté et ainsi développer des stratégies permettant de mieux rejoindre ces personnes.

La crainte d’être jugé négativement par son entourage mériterait également d’être approfondie

pour comprendre davantage le phénomène de stigmatisation associé à certains services

d’aide alimentaire. De plus, il s’agit également d’un important obstacle au recours aux

services d’aide alimentaire. Également, il serait intéressant que des études futures se penchent

sur le recours aux services d’aide alimentaire pour briser l’isolement social car il s’agit d’un

résultat très intéressant démontrant que les services d’aide alimentaire peuvent apporter

d’autres bénéfices au-delà de l’acquisition de nourriture, soit pallier l’isolement ressenti par

les personnes vivant de l’insécurité alimentaire.

De plus, d’autres études pourraient approfondir davantage le non-recours lié à une crainte

d’abus car cela pourrait révéler une problématique importante liée à l’abus chez les aînés, qui

pourrait être adressée au niveau gouvernemental.

Nous avons également fait ressortir les sources d’approvisionnement alimentaire utilisées par

celles-ci et mis en lumière les différentes stratégies utilisées par ces personnes pour acquérir

de la nourriture. Nous croyons que des études quantitatives permettraient d’approfondir

davantage ces données en permettant notamment de mieux comprendre les différentes

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relations existant entre elles via des analyses statistiques et ainsi saisir de manière plus

complète l’expérience d’insécurité alimentaire telle que vécue par les personnes âgées. De

futures études pourraient étudier plus largement les autres sources d’approvisionnement

alimentaire auxquelles on ne pense pas, telles que les magasins à rabais et les pharmacies

ainsi que le recours à la pêche, afin de comprendre davantage les motifs liés au recours à

celles-ci.

Dans le cadre de notre étude, tout comme le cadre de Wolfe et ses collaborateurs (1996), nous

avons surtout abordé l’angle des stratégies utilisées par les participants pour acquérir de la

nourriture ainsi que leurs motifs de recours et de non-recours aux services d’aide alimentaire,

qui représentent certaines dimensions liées à l’insécurité alimentaire. Des études subséquentes

pourraient se pencher sur d’autres dimensions, soit les dimensions affectives et les souvenirs

associés à la nourriture, lesquelles permettent d’informer les pratiques alimentaires des

personnes âgées vivant de l’insécurité alimentaire via la détermination des normes et

pratiques individuelles liées à la nourriture.

De plus, la réalisation d’autres études accordant plus de place à l’observation participante par

l’observation systématique, la description des différentes sources d’approvisionnement

alimentaire des personnes âgées et l’accompagnement de certaines d’entre elles lors de leurs

sorties pour acquérir de la nourriture permettraient d’enrichir notre compréhension de leur

expérience.

5.9 Pistes d’intervention

En plus des pistes de recherche présentées antérieurement, une stratégie de gestion alimentaire

et plusieurs des motifs de non-recours aux services d’aide alimentaires étant ressortis de notre

étude ont révélé des éléments problématiques qui mériteraient d’être adressés afin d’en

améliorer l’accès pour tous.

Tout d’abord, la stratégie consistant à compromettre la quantité de nourriture ingérée en

raison du faible revenu révèle l’importance d’agir sur les politiques touchant le prix des

aliments afin qu’ils soient plus accessibles aux personnes à faible revenu et qu’elles n’aient

pas à recourir à ce genre de stratégies malsaines pour leur santé.

Face au problème de non-motorisation vécu par la quasi-totalité des personnes rencontrées

ainsi que le coût élevé du transport en commun et la difficulté pour les personnes âgées de

transporter des paquets dans le transport en commun, il conviendrait de maintenir en place les

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services de navettes vers les épiceries déjà existants car ceux-ci sont très appréciés par les

personnes les utilisant étant donné qu’ils facilitent grandement leur accès aux ressources

alimentaires. De plus, il conviendrait de rendre disponibles davantage de ces services ainsi

qu’instaurer un système de livraison dans toutes les épiceries afin d’augmenter l’accès aux

personnes âgées à des aliments sains et nutritifs en dépit des obstacles liés au transport.

Il conviendrait également que des interventions ciblent les personnes âgées n’ayant pas de

réseau social car celles-ci sont particulièrement vulnérables. Nous avons appris dans le cadre

d’une entrevue qu’il existait un service d’accompagnement de ces personnes impliquant des

travailleurs sociaux, lesquels peuvent accompagner les personnes âgées dans leurs

déplacements en automobile. Il s’agit d’une solution qui pourrait faciliter l’accès de ces

personnes à une alimentation saine et nutritive tout en contribuant à briser leur isolement.

Concernant la méconnaissance des services d’aide alimentaire, plus particulièrement les

services d’aide alternatifs, il s’avère primordial que ceux-ci soient rendus plus visibles via

davantage de publicité affichée par les différents organismes communautaires afin que

davantage de gens puissent être mis au courant de leur existence et puissent en bénéficier.

En ce qui a trait au manque d’anonymat et de confidentialité des services, il conviendrait que

les bénévoles soient davantage sensibilisés vis-à-vis les craintes des personnes liées au

caractère stigmatisant des services. Aussi, nous avons pu constater que, dans certains points

de distribution alimentaire, les personnes devaient attendre en file devant l’établissement à la

vue des passants, ce qui contribue également à la stigmatisation de ces personnes. Il serait

important que les organismes soient plus conscientisés à cette situation et fassent les

modifications nécessaires afin d’assurer que les personnes puissent attendre à l’abri des

regards.

Sur le plan des critères d’éligibilité qui contribuent à discriminer la population âgée, il

conviendrait que ces derniers soient révisés afin que l’accès aux services d’aide alimentaire

soit plus équitable et que les personnes de tous âges puissent avoir accès aux mêmes points de

service. En réponse à la complexité des procédures pour faire une demande de service, il

conviendrait que les différents services d’aide alimentaire accompagnent davantage les

personnes âgées afin qu’elles ne soient pas laissées à elles-mêmes dans ce processus.

En ce qui concerne le fait que certains services d’aide alimentaire ne soient pas adaptés à la

condition physique des personnes âgées, tels que les jardins communautaires, qui s’avèrent

exigeants sur le plan physique, il importe que ces services multiplient les efforts pour

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s’adapter davantage à cette clientèle en adaptant certains lots pour qu’ils soient plus

accessibles à cette clientèle, si possible. Également, les organismes offrant des services de

distribution alimentaire devraient effectuer certaines modifications à leur fonctionnement afin

de faire en sorte que les gens ne soient pas forcés d’attendre debout pendant des heures, et ce,

particulièrement durant la période hivernale.

De plus, en accord avec les recommandations faites par les participants à l’étude, nous

croyons qu’il s’avère primordial que les personnes recourant aux services d’aide alimentaire

puissent avoir accès à des aliments de qualité. Il conviendrait donc d’apporter certaines

modifications au niveau du processus d’approvisionnement des organismes communautaires

afin de garantir le plus possible la fraîcheur des aliments servis aux personnes.

Également, la recommandation d’un autre participant souligne que bien au-delà des

améliorations pouvant être faites au niveau des services d’aide alimentaire, nous nous devons

d’agir sur les facteurs structurels étant responsables de l’insécurité alimentaire, notamment le

faible revenu. En accord avec sa recommandation, il s’avère important de hausser le montant

de la pension de retraite ainsi que du supplément de revenu garanti afin de garantir un

meilleur accès des personnes âgées à des aliments sains et nutritifs.

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CHAPITRE 6. CONCLUSION

Nous avons vu que bien que le Canada soit un pays riche, il est caractérisé par de grandes

inégalités de richesse et qu’une partie importante de sa population vit de l’insécurité

alimentaire. Au sein de la ville de Québec, nous avons constaté qu’une proportion importante

de la population à faible revenu habitant dans le secteur Basse-Ville-Limoilou-Vanier vivait

également de l’insécurité alimentaire, notamment les personnes âgées, qui sont de plus en plus

nombreuses étant donné le phénomène de vieillissement de la population que nous vivons.

Ces personnes sont particulièrement à risque de vivre de l’insécurité alimentaire. Toutefois,

nous avons constaté que la plupart des études s’étant intéressées à l’insécurité alimentaire telle

que vécue par les personnes âgées étaient des études canadiennes et américaines mais que très

peu d’études québécoises s’étaient intéressées à ce phénomène. De plus, nous n’avons recensé

aucun rapport ayant établit des statistiques à cet effet auprès des personnes âgées vivant dans

le quartier Limoilou. Nous avons vu également qu’un rapport québécois et des études

américaines avaient relevé le fait qu’en dépit de leur besoin, peu de personnes âgées avaient

recours aux services d’aide alimentaire. Toutefois, nous avons constaté que les raisons

derrière ce phénomène de non-recours étaient méconnues.

Il s’avérait donc nécessaire de réaliser une étude à cet égard afin de mieux comprendre cette

situation.

Notre étude descriptive a permis d’approfondir les différentes stratégies utilisées par les

personnes âgées seules vivant à Limoilou pour acquérir de la nourriture, ainsi que leurs motifs

de recours et de non-recours aux différents services d’aide alimentaire du quartier. Ces

données ont mis en lumière certains éléments problématiques liés à ces derniers, notamment

des critères d’éligibilité restrictifs et le manque d’anonymat et de confidentialité, qui nous ont

permis de proposer certaines recommandations pour améliorer l’accès des personnes à ces

services ainsi que leur expérience de recours. Nous espérons pouvoir ainsi apporter une

contribution à l’amélioration des services d’aide alimentaire et faire en sorte qu’ils soient plus

adaptés aux besoins et réalités des personnes âgées. Toutefois, il importe d’agir en priorité sur

la source de l’insécurité alimentaire, soient les facteurs structurels qui ont une influence

importante sur celle-ci, comme le revenu et l’accès physique aux aliments afin d’améliorer

l’accès des personnes âgées du quartier aux aliments sains et nutritifs et faire en sorte qu’ils

n’aient pas besoin de recourir à des services d’aide alimentaire pour subvenir à leurs besoins.

À cet égard, les chercheurs et les professionnels de la santé publique s’avèrent être des acteurs

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clés. Les chercheurs ont un rôle important à jouer en ce qui concerne l’avancement des

connaissances sur la situation de l’insécurité alimentaire chez les personnes âgées, qui est

encore trop peu étudiée. Plus précisément, c’est par l’approfondissement des connaissances

sur ce sujet que des recommandations pourront être faites auprès des instances

gouvernementales pouvant agir pour améliorer la condition de celles-ci. De leur part, les

professionnels de la santé, de par leur pratique, peuvent contribuer à améliorer les différents

services s’adressant aux aînés et leur accès aux aliments, notamment par les services

prodigués par les travailleurs sociaux aux personnes âgées.

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ANNEXE 1. CADRE CONCEPTUEL DE WOLFE (1996, TRADUCTION

LIBRE)

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ANNEXE 2. GRILLE D’OBSERVATION

Historique :

Mission :

Description des services :

Description des lieux :

Capacités d’accueil :

Déroulement des activités :

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Dynamique de groupe :

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ANNEXE 3. GUIDE DE DISCUSSION

Accueil et introduction

Expliciter les objectifs de l’entretien et son déroulement :

Objectifs : La présente étude vise, en premier lieu, à connaître les ressources que vous

utilisez pour vous nourrir, et, en deuxième lieu, à mieux comprendre ce qui vous aide ou qui

vous nuit.

Rappeler les questions du protocole : quelles sont les stratégies des personnes âgées de 65

ans et plus pour acquérir de la? Les personnes âgées de 65 ans et plus vivant de l’insécurité

alimentaire recourent-elles aux services d’aide alimentaire pour se nourrir et si oui, que cela

leur apporte-t-il ? Sinon, pour quels motifs n’y recourent-elles pas ?

Retombées : Cette étude permettra de mettre en lumière des éléments à améliorer dans les

ressources d’aide alimentaire, en fournissant des informations utiles pour l’amélioration des

services prodigués, afin qu’ils soient plus adaptés aux personnes âgées. De plus, cela

permettra d’obtenir une meilleure compréhension de la réalité de l’alimentation des personnes

âgées. Par leur participation à cette étude, les personnes auront l’occasion de réfléchir et de

discuter en toute confidentialité aux ressources alimentaires et ressources d'aide alimentaire

présentes au sein de leur quartier et en dehors de celui-ci et des raisons de leur recours et/ou

non-recours aux ressources d’aide alimentaire. Leur participation sera d’une grande utilité

pour l’avancement du projet de recherche et, par le fait même, leur procurera un sentiment

d’être utile.

Avant le début de l’entretien et à tout moment, au moment de l’entretien, il sera possible de

prendre des temps de pause au besoin.

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Début de l’entretien

Ici, j’ai une page blanche, et avec cette page blanche là, j’aimerais regarder avec vous, si vous

le voulez bien, les différentes ressources alimentaires que vous utilisez (restaurant, épicerie,

etc.) Voulez-vous qu’on le fasse ensemble ou préférez-vous le faire seul(e) ou que je le fasse

pour vous ? Voici une liste de symboles qui représentent ces différentes ressources

alimentaires là, et que vous pouvez utiliser pour illustrer lesquelles vous utilisez, en les

plaçant sur la feuille. Si ça vous aide, vous pouvez aussi tracer des repères du quartier (rues,

intersections, etc.) ou non.

o Où allez-vous pour mettre de la nourriture dans votre assiette ? Nommez-moi

les ressources que vous utilisez (les placer sur la feuille).

Relance : utilisez-vous d’autres ressources (ex : épiceries, dépanneurs,

restaurants, agriculteurs, éleveurs, marchés publics, boutique

spécialisées (boulangerie), magasins à grande surface (Costco), la

chasse, la pêche, un potager, un jardin communautaire ?)

o Y a-t-il des ressources que vous aimeriez utiliser ?

Recours aux ressources d’aide alimentaire/utilisation d’une ressource d’aide alimentaire

J’aimerais aussi regarder avec vous, si vous le voulez bien, les différentes ressources d’aide

alimentaire que vous utilisez. Celles-ci comprennent l’aide traditionnelle ou le dépannage

alimentaire, soit les banques alimentaires, les bons d’achats, les paniers de Noël, les repas

communautaires, les restaurant populaires, les colis de nourriture et les services

communautaires alternatifs, soit les cuisines collectives et créatives, les jardins

communautaires, les groupes d’achat. Voici une liste de symboles qui représentent ces

différentes ressources.

o Utilisez-vous des ressources d’aide alimentaire ?

o Oui : À quelle fréquence vous rendez-vous à cette ressource ? Quels sont vos

motifs pour utiliser cette ressource ?

o Comment se passe votre expérience ? (accueil, service)

Est-ce que cette ressource répond à vos besoins ?

Est-ce que ça vous apporte quelque chose ? Si oui, quoi ?

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o Y a-t-il des ressources que vous connaissez mais que vous n’utilisez pas ?

Quelles raisons font que vous ne recourez pas à ces ressources ?

o Connaissez-vous cette ressource ? (se référer au schéma des ressources de

Limoilou) Si oui, est-ce que vous l’utilisez ou pas et comment ça se passe ?

4. Conclusion

À la lumière de notre entretien, auriez-vous des recommandations à faire pour améliorer les

choses ?

Est-ce qu’il y a des questions que vous aimeriez me poser ?

Merci beaucoup pour votre collaboration !

Rappel des objectifs et retombées :

Cette étude permettra de mettre en lumière des éléments à améliorer dans les programmes

d’aide, en fournissant des informations utiles pour l’amélioration des services, afin qu’ils

soient plus adaptés aux personnes âgées. De plus, cela permettra d’obtenir une meilleure

compréhension de la réalité de l’alimentation des personnes âgées. Leur participation sera

d’une grande utilité pour l’avancement du projet de recherche.

Confidentialité :

Je vous rappelle que toutes les informations qui ont été dites dans cet entretien sont

confidentielles, car des noms fictifs seront utilisés dans les résultats de l’étude. Il sera donc

impossible de faire le lien entre les informations que vous avez dit et vous.

Numéro du comité d’éthique : 2013-044 / 26-04-2013