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Les pays pétroliers et miniers : un manque de transparence, une forte impunité des hauts fonctionnaires E. Gyimah-Boadi, Daniel Armah-Attoh, Mohammed Awal & Joseph Luna, 11 décembre 2013

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Les pays pétroliers et miniers :

un manque de transparence,

une forte impunité des hauts fonctionnaires E. Gyimah-Boadi, Daniel Armah-Attoh, Mohammed Awal & Joseph Luna,

11 décembre 2013

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Introduction

221 des 34 pays africains étudiés par l’Afrobaromètre misent leur avenir économique sur le développement de la production de minerais, de gaz ou de pétrole, mais l’exploitation de ces ressources naturelles repose sur les capacités de gestion des gouvernements et sur le maintien de démocraties stables. Nous avons classé comme « pays riches en ressources extractives » (PRRE) les pays qui tirent au moins 8 % de leur PIB de l’extraction des ressources naturelles (minerais, gaz, pétrole) selon le Fonds monétaire international (FMI), l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), le Revenue Watch Institute (RWI) et la US Energy Information Administration (US-EIA). L’extraction des ressources naturelles contribue pour au moins 25 % du PIB dans les pays suivants : Afrique du Sud, Algérie, Botswana, Cameroun, Ghana, Libéria, Namibie, Nigeria, Sierra Leone, Soudan et Zambie. Ce secteur contribue pour au moins 8 % du PIB au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Sénégal. Nous y avons également inclus les pays suivants, considérés comme des PRRE potentiels par le RWI et l’US-EIA : Égypte, Guinée, Maroc, Mozambique, Ouganda, Tanzanie et Zimbabwe. Les citoyens de ces 22 pays déclarent avoir de grandes difficultés à savoir de quelle façon le gouvernement utilise les recettes fiscales – causant frustration et inquiétude. Une majorité des citoyens déclarent également que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes sont rarement ou jamais exposés aux conséquences de leurs actes. En dépit des problèmes de transparence et d’impunité des hauts fonctionnaires, la majorité des habitants de pays riches en pétrole et en minerais estiment disposer des libertés fondamentales d’expression et d’adhésion aux partis politiques. La majorité des habitants jugent que les médias jouent un rôle important dans la surveillance du gouvernement ou la dénonciation de la corruption, et que leur président respecte la loi. Le défi pour les gouvernements des PRRE d’Afrique est de résoudre ce manque de transparence institutionnelle et de faire respecter le droit afin que leurs ressources ne soient pas gaspillées.

1 Ces pays sont les suivants : Afrique du Sud, Algérie, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Égypte, Ghana, Guinée, Libéria, Madagascar, Mali, Maroc, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.

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Principaux constats

Six habitants des pays ayant des industries extractives sur dix (62 %) déclarent qu’il est difficile ou très difficile de savoir de quelle façon le gouvernement utilise les recettes fiscales.

Une majorité d’entre eux (54 %) déclarent également que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent souvent ou toujours impunis. Ce taux a augmenté de 7 points pourcentage depuis 2005.

Près de quatre participants sur dix (37 %) disent que la plupart ou tous les agents du fisc dans les PRRE sont corrompus, par rapport à trois sur dix (29 %) dans les pays dont l’économie dépend moins des ressources naturelles.

Six habitants des PRRE sur dix (64 %) déclarent devoir souvent ou toujours surveiller leurs propos au sujet de la politique. La moyenne est de 63 % sur le continent.

Une majorité des participants expriment une opinion positive concernant plusieurs indicateurs clés de démocraties ouvertes, tels que des élections libres et équitables et la liberté d’adhésion à un parti politique. En moyenne, plus de six personnes sur dix estiment que les médias sont efficaces dans la surveillance des erreurs du gouvernement ou de la corruption, par exemple.

Transparence de la collecte et de l’utilisation des recettes

fiscales Transparence et responsabilité sont devenues le principal objectif de ceux qui cherchent à trouver un équilibre entre démocratie et développement économique. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui veulent utiliser les ressources africaines de minerais et d’hydrocarbures dans le but de promouvoir le développement économique et social de leur pays.2 Cet objectif se fonde sur la conviction que les pays aux gouvernements plus transparents sont moins sujets à la corruption et plus susceptibles de profiter d’un développement social important, d’une discipline budgétaire forte et d’une croissance économique durable.3 La possibilité pour les citoyens de suivre les recettes tirées de la production de minerais ou de pétrole leur permet de juger si leurs gouvernements gèrent les ressources sur lesquelles repose l’économie de leurs pays de manière à construire l’avenir. Mais les citoyens des PRRE déclarent qu’il est difficile de connaître la façon dont elles sont utilisées. Six habitants des pays ayant des industries extractives sur dix (62 %) déclarent qu’il

2 Voir, par exemple, le rapport 2013 sur les progrès en Afrique publié par l’Africa Progress Panel (groupe de travail sur le développement de l’Afrique), « Equité et Industries Extractives en Afrique. Pour une gestion au service de tous. », p. 71. 3 Voir Andres, M. A. (2013) « The Impact and Effectiveness of Accountability and Transparency Initiatives: The Governance of Natural Resources », Development Policy Review 31 (S1): S89-S105, Rapport de l’Africa Progress Panel, 2013, p. 71.

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est « très difficile » ou « difficile » de connaître la façon dont leur gouvernement utilise les recettes fiscales (Figure 1).

Figure 1 : Facilité ou difficulté à connaître la façon dont les recettes fiscales sont utilisées

|18 pays africains* | 2011-2013 |

Question posée aux participants : D’après votre expérience, est-il facile ou difficile de connaître la

façon dont le gouvernement utilise les recettes fiscales ?

* Remarque : cette question n’a pas été posée en Algérie, en Égypte, au Maroc, ni au Soudan

La majorité des participants des PRRE indiquent que la façon dont leur gouvernement utilise les recettes fiscales reste plutôt obscure. Les opinions les plus négatives se retrouvent en Tanzanie, suivie par le Kenya, la Guinée, l’Ouganda et le Nigeria. Mais même au Botswana, pourtant souvent classé parmi les pays les plus ouverts et démocratiques du continent, près de quatre citoyens sur dix (43%) déclarent qu’il est difficile ou très difficile de connaître la façon dont le gouvernement utilise les recettes fiscales (Figure 2).

Les portes du pétrole, par Sixoone, via Creative Commons

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Difficile ou très difficile Facile ou très facile Ne sait pas

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Figure 2 : Niveaux les plus faibles et les plus élevés : difficulté à connaître la

façon dont les recettes fiscales sont utilisées

|18 pays, 2011-2013 | % difficile ou très difficile|

Impunité des hauts fonctionnaires Dans l’ensemble des 22 PRRE, les citoyens estiment que leur président respecte le droit : la majorité des participants à l’enquête (59 %) déclarent que leur président n’ignore « jamais » ou que « rarement » les lois nationales. Cependant, dans 7 d’entre eux, une part importante de la population exprime une opinion différente. En Égypte, près de six participants sur dix (57 %) déclarent que le président outrepasse « souvent » ou « toujours » les lois nationales, et près de la moitié (45 %) expriment la même opinion en Ouganda. Il en va de même pour quatre citoyens sur dix (38 %) au Zimbabwe et environ un tiers de la population du Mali (33 %), du Nigeria (33 %), du Soudan (31 %) et de Sierra Leone (29 %) (Figure 3).

Mine de Zambie, par Hansueli Krapf [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

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Figure 3 : Les présidents sont-ils au-dessus de la loi ?

|22 pays, 2011-2013|

Question posée aux participants : À votre avis, dans ce pays, le président est-il au-dessus des tribunaux

et des lois nationales ?

Cette confiance accordée aux présidents respectueux du droit ne se retrouve pas dans la perception qu’ont les citoyens des autres hauts fonctionnaires, qui sont généralement considérés comme bénéficiant d’un certain degré d’impunité. Une majorité des citoyens (54 %) pensent que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent « souvent » ou « toujours » impunis, un sentiment partagé par au moins 6 participants sur 10 au Maroc (79 %), en Égypte (69 %), au Zimbabwe (68 %), au Nigeria (67 %), au Soudan (67 %) et au Sénégal (60 %) (Figure 4).

IRIN : Guy Oliver (www.irinnews.org)

57%

45%

38%

33%

33%

31%

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Nigeria

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Mozambique

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Ghana

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Namibie

Botswana

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Souvent + Toujours Jamais + Rarement Ne Sait Pas

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Figure 4 : L’impunité parmi les responsables gouvernementaux

|22 pays, 2011-2013|

Question posée aux participants : À votre avis, dans ce pays, les hauts fonctionnaires qui commettent

des crimes restent-ils impunis ?

La perception de l’immunité des responsables gouvernementaux n’est minoritaire que dans quelques PRRE. Cette opinion est partagée par plus de quatre participants sur dix au Malawi (45 %), au Niger (44 %) et au Ghana (44 %). Il en va de même pour près d’un tiers des citoyens de Namibie (33 %), du Botswana (28 %) et de l’île Maurice (27 %) (Figure 5).

Plateforme offshore nigérienne, par Swandau [CC-BY-SA-3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

79%

69%

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67%

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59%

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Mali

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Algérie

Niger

Ghana

Mozambique

Namibie

Botswana

Souvent ou Toujours Jamais ou Rarement Ne Sait Pas

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Figure 5 : Niveaux les plus faibles et les plus élevés : l’impunité parmi les

responsables gouvernementaux

|22 pays, 2011-2013|

Pourcentage des personnes déclarant que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent

souvent ou toujours impunis.

Le taux d’impunité perçue a augmenté en moyenne de 7 points pourcentage dans les 14 PRRE suivis par l’Afrobaromètre depuis 2005.4 Cette perception a augmenté dans 8 de ces 14 pays, avec les hausses les plus marquées en Afrique du Sud (23 points pourcentage), en Tanzanie (19 points), au Ghana (20 points) et au Nigeria (17 points) (Figure 6).

Mine Oryx, Afrique du Sud, 1998, David Love or Babakathy, via Wikimedia Commons

4 La formulation de la question a légèrement changé depuis 2005. En 2005, la question était : « À votre avis, pensez-vous que les autorités appliqueraient la loi si un haut responsable du gouvernement commettait un crime grave ? ». Les choix de réponse étaient : très probable, probable, peu probable, pas du tout probable. Les résultats de 2005 correspondent aux réponses « peu probable » ou « pas du tout probable ».

79%69% 68% 67% 67%

54%

44% 44%34% 33%

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Figure 6 : Pays pétroliers et miniers avec hausse de la perception d’impunité

des hauts fonctionnaires

Pourcentage des personnes déclarant que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent

souvent ou toujours impunis.

Figure 7 : Pays pétroliers et miniers avec baisse de la perception d’impunité

des hauts fonctionnaires

Pourcentage des personnes déclarant que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent

souvent ou toujours impunis.

Cette perception a diminué dans quatre pays, avec les baisses les plus marquées en Zambie (11 points pourcentage), au Botswana (9 points), en Namibie (8 points) et au Zimbabwe (5 points) (Figure 7). Toutefois, une majorité des participants au Zimbabwe et en Namibie déclarent encore que la plupart ou tous les fonctionnaires qui commettent des crimes restent impunis.

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33%

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2005 2008 2012

Afrique du Sud Tanzanie Ghana

Nigeria Madagascar Ouganda

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2005 2008 2012

Zambie Botswana Namibie Zimbabwe

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Les Africains perçoivent également un niveau élevé de corruption parmi les responsables du gouvernement, cela étant particulièrement visible pour les PRRE. L’Afrobaromètre a créé un « indice de perception de la corruption » pour chaque pays, en moyennant les niveaux de corruption perçue parmi les membres du bureau du président, les membres du parlement, les responsables gouvernementaux, les policiers et les juges et magistrats5. L’indice de perception de la corruption est compris entre 0 (absence de corruption dans ces institutions) et 4 (tout le monde est perçu comme étant corrompu dans ces institutions). La note moyenne pour les 22 PRRE est de 1,76 sur une échelle allant de 0 à 4, par rapport à 1,75 pour l’ensemble des 34 pays. La perception de la corruption a diminué dans les 14 pays suivis par l’Afrobaromètre depuis 2002. L’indice moyen de perception de la corruption dans ces pays était de 1,79 en 2002 et de 1,76 en 2012.

Figure 8 : Pays pétroliers et miniers avec hausse de la perception de la corruption

|2002-2013|

5 Comme les questions concernant les fonctionnaires de l’administration locale et les agents du fisc n’étaient pas incluses dans chaque round de l’Afrobaromètre, ces catégories sont exclues à des fins de comparaison au fil du temps.

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2002 2005 2008 2012

Afrique du Sud Ghana Zimbabwe Namibie

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Figure 9 : Pays pétroliers et miniers avec baisse de la perception de la corruption

|2002-2013|

Pourcentage des personnes déclarant que les hauts fonctionnaires qui commettent des crimes restent

souvent ou toujours impunis.

La perception de la corruption parmi les agents du fisc dans les PRRE est plus élevée que dans les 12 autres pays. 37 % des participants à l’enquête dans les PRRE déclarent que la plupart ou tous les agents du fisc sont corrompus, par rapport à seulement 29 % dans les 12 pays dont l’économie est moins dépendante du pétrole et des minerais (la moyenne des 34 pays étant de 34 %). La perception de la corruption dans ces 22 pays est conforme à l’opinion publique qu’il est difficile de connaître la façon dont le gouvernement gère ses ressources et à la perception d’impunité des hauts fonctionnaires.

Meilleures évaluations pour les institutions démocratiques

Bien que les problèmes de transparence et d’impunité prévalent encore pour la majorité des citoyens des PRRE, ils le sont dans un contexte de libertés accrues.

Une large majorité des citoyens dans la plupart des PRRE évaluent favorablement les institutions démocratiques de leur pays et leur protection. Une forte majorité (77 %) dans les 22 pays indiquent qu’ils sont « assez libres » ou « totalement libres » de leurs propos (la moyenne des 34 pays est de 75 %). 83 % des participants déclarent qu’ils sont libres d’adhérer à un parti politique (la moyenne des 34 pays est de 80 %) ; 89 % déclarent qu’ils sont libres de voter comme ils l’entendent (la moyenne du continent est de 90 %) ; 66 % déclarent que les élections sont « assez » ou « totalement » libres et équitables (la moyenne du continent est de 65 %) (Tableau 1).

2.162.14

2.29 2.22

1.60

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2002 2005 2008 2012

Mali Nigeria Tanzanie Ouganda

Mozambique Zambie Botswana Malawi

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Tableau 1 : Jouissance des droits et libertés |2011-2013|

34 pays 22 PRRE

Dans ce pays, à quel point

êtes-vous libre...

Pas du tout

libre ou Pas

vraiment libre

Assez libre ou

Totalement

libre

Pas du tout

libre ou Pas

vraiment libre

Assez libre ou

Totalement

libre

de dire ce que vous pensez 22 % 75 % 21 % 77 %

d’adhérer à l’organisation

politique que vous voulez

16 % 80 % 13 % 83 %

de choisir pour qui voter

sans subir de pression

8 % 90 % 9 % 89 %

Les dernières élections

nationales étaient-elles libres

et équitables

24 % 65 % 24 % 66 %

Une majorité des citoyens des PRRE pensent que leurs médias sont efficaces pour révéler les erreurs du gouvernement et la corruption. Au moins huit participants sur dix au Sénégal (80 %), en Afrique du Sud (81 %), au Ghana (82 %), en Ouganda (83 %) et en Tanzanie (84 %) déclarent que les médias sont assez efficaces ou très efficaces pour révéler les erreurs du gouvernement et la corruption (Figure 8).

Figure 8 : Efficacité des médias dans la surveillance du gouvernement

|22 pays | 2011-2013

Question posée aux participants : Dans ce pays, comment jugez-vous l’efficacité des médias dans leur

rôle de révélateur des erreurs du gouvernement et de la corruption ?

Les citoyens des PRRE sont toutefois moins optimistes concernant leur liberté d’expression. Six habitants des PRRE sur dix (64 %) déclarent devoir souvent ou toujours surveiller leurs propos au sujet de la politique. Dans cinq de ces pays, plus de 8 citoyens sur 10 indiquent

84%83%82%81%

80%77%

74%73%72%

71%68%

67%66%

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58%58%

51%51%

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14%11%13%16%

14%18%

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51%

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Tanzanie

Ouganda

Ghana

Afrique du Sud

Sénégal

Égypte

Botswana

Niger

Mali

Sierra Leone

Guinée

Namibie

Zambie

MOYENNE

Liberia

Burkina Faso

Nigeria

Algérie

Cameroun

Maroc

Mozambique

Soudan

Zimbabwe

Assez efficace ou Très efficace Pas très efficace ou Pas du tout efficace Ne sait pas

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devoir surveiller leurs propos : Zimbabwe (89 %), Sénégal (88 %), Burkina Faso (84 %), Cameroun (82 %) et Mali (81 %) (Figure 9).

Figure 9 : Niveaux les plus faibles et les plus élevés : autocensure

|22 pays | 2011-2013 |

Question posée aux participants : À votre avis, dans ce pays, faut-il surveiller ses propos au sujet de la

politique ?

Indice de gouvernance transparente et responsable (IGTR)

L’Afrobaromètre a développé un indice reposant sur 13 questions d’enquête relatives à l’ouverture des gouvernements6 afin d’obtenir une base de comparaison du niveau de transparence et de responsabilité de la gouvernance des 22 PRRE par rapport à celui des pays dont l’économie ne repose pas sur l’industrie extractive.7 L’IGTR a été établi après changement d’échelle et calcul de la moyenne des réponses pour chaque participant à l’enquête, puis en calculant la moyenne par pays. L’indice du pays a été utilisé pour classer les 34 pays et les ranger dans quatre catégories : très ouverts (IGTR entre 0,96 et 1,15), assez ouverts (IGTR entre 0,87 et 0,94), peu ouverts (IGTR entre 0,65 et 0,83) et pas ouverts (IGTR entre 0,49 à 0,59) (Tableau 2). Les indices de gouvernance transparente et responsable (IGTR) varient entre de 0,49 et 1,15, avec une moyenne à 0,84 pour l’ensemble des 34 pays suivis par l’Afrobaromètre. Les cinq pays ayant les IGTR les plus élevés sont des pays riches en ressources extractives (PRRE) – au moins 8 % de leur PIB proviennent de l’extraction du pétrole et des minerais. Les deux pays ayant les IGTR les plus faibles, le Zimbabwe et le Soudan, sont également des PRRE. 6 Se reporter aux questions Q17a, Q17b, Q17c, Q28, Q52c, Q52d, Q53, Q54, Q55, Q56a, Q56f, Q75a et Q75b dans le questionnaire du

Round 5 de l’Afrobaromètre, disponible sur www.afrobarometer.org. 7 Remarque : les valeurs propres d’analyse factorielle de l’indice de gouvernance transparente et responsable (IGTR) de l’Afrobaromètre sont les suivantes : total = 2,820 ; pourcentage de variance = 21,69 %, valeur alpha de fiabilité = 0,675.

89% 88%84% 82% 81%

64%

53% 51%46%

34%

14%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

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Tableau 2 : Indices de gouvernance transparente et responsable

|Économies extractives (PRRE) et non extractives|

34 pays suivis par l’AB

22 PRRE

12 non PRRE

Indice

Classem

ent

Indice

Classe

ment

Indice

Classe

ment

Botswana 1,15 1

Botswana 1,15 1

Maurice 1,04 1

Ghana 1,07 2

Ghana 1,07 2

Malawi 1,01 2

Maurice 1,04 3

Niger 1,02 3

Bénin 0,96 3

Niger 1,02 4

Namibie 1,01 4

Lesotho 0,96 3

Namibie 1,01 5

Tanzanie 1,01 4

Cap-Vert 0,94 5

Tanzanie 1,01 5

Libéria 0,99 6

Burundi 0,90 6

Malawi 1,01 5

Sénégal 0,99 6

Tunisie 0,88 7

Libéria

0,99 8

Afrique du

Sud 0,94 8

Moyenne 0,83

Sénégal 0,99 8

Zambie 0,94 8

Kenya 0,79 8

Bénin 0,96 10

Sierra Leone 0,88 10

Madagascar 0,67 9

Lesotho 0,96 10

Algérie 0,87 11

Togo 0,67 9

Afrique du

Sud 0,94 12

Mali

0,87 11

Swaziland

0,59 11

Zambie 0,94 12

Moyenne 0,84

Côte d’Ivoire 0,54 12

Cap-Vert 0,94 12

Guinée 0,83 13

Burundi 0,90 15

Burkina Faso 0,79 14

Sierra Leone 0,88 16

Ouganda 0,78 15

Tunisie 0,88 16

Mozambique 0,75 16

Algérie 0,87 18

Cameroun 0,68 17

Mali 0,87 18

Nigeria 0,68 17

Moyenne 0,84

Égypte 0,65 19

Guinée 0,83 20

Maroc 0,59 20

Burkina Faso 0,79 21

Zimbabwe 0,50 21

Kenya 0,79 21

Soudan 0,49 22

Ouganda 0,78 23

Mozambique 0,75 24

Cameroun 0,68 25

Nigeria 0,68 25

Madagascar 0,67 27

Togo 0,67 27

Égypte 0,65 29

Maroc 0,59 30

Swaziland 0,59 30

Côte d’Ivoire 0,54 32

Zimbabwe 0,50 33

Soudan 0,49 34

Légende du tableau Très ouvert Assez ouvert Peu ouvert Pas ouvert

L’Afrobaromètre a comparé l’IGTR avec d’autres indicateurs de gouvernance, tels que l’indice de gouvernance des ressources (IGR) établi par Revenue Watch International (2013) et l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIGA) établi par la Fondation Mo Ibrahim. L’IGR couvre 58 pays avec des industries extractives importantes, englobant quatre catégories de variables : cadre institutionnel et juridique, pratiques de déclaration, garanties et contrôle de la qualité et environnement favorable. L’IIGA couvre 52 pays africains et l’indice comprend quatre catégories principales : sécurité et primauté du droit, participation et droits de l’homme, possibilités économiques durables et développement humain.

Sur 22 PRRE, 14 sont également classés par l’IGR et 21 par l’IIGA. La figure 10a ci-dessous compare l’IGTR et l’IGR, et la figure 10b compare l’IGTR et l’IIAG.

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Figure 10a : Comparaison entre IGTR et IGR

Figure 10b : Comparaison entre IGTR et IIGA

L’analyse montre que l’IGTR est corrélé à la fois avec l’IGR et l’IIAG. Mais certains cas ressortent. Sur le premier graphique (Figure 10a), le Botswana, dont l’IGTR est relativement élevé, a un IGR légèrement inférieur à la moyenne. La situation est inversée au Maroc. Son IGTR est relativement faible, alors que son IGR est bien supérieur à la moyenne. De même, lorsque l’on compare l’IGTR avec l’IIGA, nous constatons que les IIGA du Niger et du Libéria

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sont faibles, alors que leurs IGTR sont supérieurs à la moyenne. Inversement, l’IIGA du Maroc est supérieur à la moyenne, alors que son IGTR est faible.

Dans l’ensemble, les lignes de tendance dans les deux graphiques illustrent bien que la plupart des IGTR des pays sont corrélés avec l’indice de gouvernance des ressources (IGR) et l’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine (IIGA).

Conclusion Les évaluations populaires de la transparence et de la responsabilité de la gouvernance sont mitigées. De manière générale, elles sont positives pour la plupart des aspects touchant aux libertés civiles et aux procédures démocratiques. Cela est probablement dû à l’amélioration générale des libertés civiles et des droits (c.-à-d., la liberté de parole et d’association et l’intégrité des élections) engagée dans les années 1990.

Il y a toutefois des motifs de préoccupation à d’autres égards. Il ressort que les citoyens se heurtent à des difficultés lorsqu’il s’agit de connaître la façon dont le gouvernement utilise les recettes fiscales et qu’il subsiste dans de nombreux pays un fort sentiment d’impunité des responsables gouvernementaux. L’engagement du gouvernement envers l’État de droit, pourtant crucial pour assurer la bonne gouvernance des industries extractives, reste incertain. L’opacité institutionnelle et l’impunité des responsables, deux des principaux facteurs de corruption et de délits d’initiés parmi les hauts fonctionnaires et les politiciens, semblent rester endémiques sur le continent. En bref, des progrès notables ont été réalisés dans tous les domaines touchant la crédibilité des élections et pour certains aspects des libertés individuelles. Mais il reste beaucoup à accomplir pour réduire l’impunité des hauts fonctionnaires si les gouvernements africains s’engagent à utiliser la richesse des industries extractives pour financer la transformation sociale et économique de leurs sociétés dans les années à venir.

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E. Gyimah-Boadi est le directeur général de l’Afrobaromètre et celui du Centre pour

le développement démocratique à Accra.

Daniel Armah-Attoh est chef de projet pour l’Afrique occidentale anglophone pour

l’Afrobaromètre et associé de recherche principal au Centre pour le dévelop-

pement démocratique.

Mohammed Awal est agent de recherche au Centre pour le développement

démocratique.

Joseph Luna est un étudiant en doctorat à l’Université Harvard.

L’Afrobaromètre est produit en collaboration par des scientifiques sociaux de plus de

30 pays africains. La coordination est assurée par le Centre pour le développement

démocratique (CDD-Ghana), l’Institut pour la justice et la réconciliation (IJR) en

Afrique du Sud, l’Institut d’études pour le développement (IDS) de l’Université de

Nairobi au Kenya, et l’Institut de recherche empirique en économie politique (IREEP)

au Bénin. Nous remercions vivement le Département britannique pour le

développement international (DfID), la Fondation Mo Ibrahim, l’Agence suédoise de

coopération pour le développement international (ASDI), l’Agence des États-Unis

pour le développement international (USAID) et la Banque mondiale pour leur

généreux soutien lors du Round 5 de l’Afrobaromètre. Pour de plus amples

renseignements et pour toute demande d’analyse supplémentaire, veuillez consulter

le site Web de l’Afrobaromètre : www.afrobarometer.org/fr.

Contact : [email protected]

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