les paranoïaques peuvent acheter sur l’apple store -iii ... · c’est le cas de la société...

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-III- Ebola business. LA PRéSENCE DU VIRUS SUR LE SOL AMéRICAIN PROVOQUE L’EFFROI. LES MARCHANDS EN PROFITENT POUR VENDRE TOUT ET N’IMPORTE QUOI : KITS DE SURVIE, PELUCHES, VITAMINES, APPLIS… ET çA MARCHE. L’appli pour smartphones Ebola Tracker permet de géolocaliser les cas de contagion, et de savoir quelle distance nous en sépare. Les paranoïaques peuvent acheter sur l’Apple Store l’application Ebola Tracker, qui géolocalise le virus, ou Ebola Near Me, qui calcule la distance qui les sépare du malade le plus proche. Ou alors se procurer Ebola Sur- vival Handbook (« guide de survie à Ebola ») en vente sur Amazon. Le mauvais goût étant sans limite, des gadgets en tous genres fleurissent : ustensiles de cui- sine, linge de maison, maquillage, bijoux, vitamine C contre Ebola répondant au nom d’« Ebola C », costume d’Halloween, tee-shirts « I love Ebola »… Et bientôt, une série télévisée. Selon The Hollywood Reporter , la chaîne américaine Fox et le réalisateur Ridley Scott prépare- raient la production d’un thriller en plusieurs parties consacré au virus, de son apparition dans les années 1970 jusqu’à son arrivée aux Etats-Unis. Louise Couvelaire -IV- Les croisés du latin. ROSA, ROSA, ROSAM… EN ITALIE, QUELQUES “LATIN LOVERS” RêVENT DE RENDRE VIE à LA LANGUE D’OVIDE. LEUR PREMIèRE CIBLE : LES CRUCIVERBISTES ET AUTRES AMOUREUX DES JEUX DE LETTRES. Ne dites pas à Luca Desiata que le latin est une langue morte ! Ne lui parlez pas de vos souvenirs douloureux de lycéen ânonnant ses déclinaisons… Pas à lui, qui vient de créer, avec quelques amis férus de datifs, de gérondifs et de génitifs, la première revue au monde de mots croisés et autres jeux de lettres uniquement dans la langue d’Ovide. Baptisé Hebdomada Aenigmatum, elle est téléchargeable chaque mois sur le site mylatinlover.it. « Le but, explique le directeur de la publication, est de rappro- cher le latin du quotidien, de le faire revivre sous une forme ludique. » Que cette idée soit née à Rome, où la grandeur de la civilisation latine surgit à tous les coins de rues, n’est bien sûr pas un hasard. Quatre personnes, toutes bénévoles et ayant pourtant bien d’autres choses à faire dans la vie, s’occupent de concevoir les grilles : « Elles sont très faciles, jure Luca Desiata, qui s’apprête à prendre la direction d’Enel, le géant de l’énergie italien, en Belgique. Nous ne voulons pas apparaître comme des latinistes sentencieux et sophistiqués, gardant leur savoir pour eux-mêmes. L’objectif est de s’amuser et de partager. » Le dernier numéro contient ainsi l’histoire du cannollo siciliano (pâtisserie à base de ricotta) et une bande dessinée Snupius, mieux connue sous le nom de Snoopy. La dernière livraison d’Hebdomada Aenigmatum a été téléchargée trois mille fois. Un succès pour un marché de niche. Déjà, des collèges et des lycées italiens sont intéressés par l’initiative et préparent à leur tour des concours de mots croisés en latin. « J’ai reçu les Surfant sur la vague de panique que le virus Ebola suscite aux Etats-Unis, certaines entreprises en font un juteux — et douteux — business. C’est le cas de la société américaine GIANTmicrobes Inc., qui s’est fait une spécialité des peluches à l’effigie des microbes. Son catalogue en propose 150 (doudous anthrax, cancer du sein, gonorrhée, etc.) et la dernière en date, dite « éducative », est une sorte de petit serpent marron inspiré de la vraie forme du virus Ebola. Vendu en ligne à 9,95 $ (environ 8 €), « l’animal » est en rupture de stock depuis mi-octobre. L’entreprise affirme en avoir vendu plus de dix millions dans le monde. Elle n’est pas la seule à décrocher le jackpot : deux associés américains qui avaient acquis le nom de domaine ebola.com en 2008 pour quelques milliers de dollars (ainsi que fukushima.com ou encore birdflu. com) n’ont pas hésité à démarcher des laboratoires pharmaceutiques pour le leur vendre. Fin octobre, ils ont trouvé preneur à 200 000 $ (160 000 €). Quant aux kits de survie Ebola, ils se déclinent en plusieurs modèles, du plus simple au plus sophistiqué (de 14 $ à 100 $), en version individuelle ou familiale, pour une utilisation sur place ou en voyage. Le package com- prend une combinaison de protection, un masque, des lunettes, des gants, un respirateur, de la nourriture, etc. ••• Michel Gaillard/REA

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- I I I -

Ebola business.

La présence du virus sur Le soL américain provoque L’effroi. Les marchands en profitent pour vendre tout et

n’importe quoi : kits de survie, peLuches, vitamines, appLis… et ça marche.

L’appli pour smartphones

Ebola Tracker

permet de géolocaliser

les cas de contagion, et de savoir

quelle distance nous en sépare.

Les paranoïaques peuvent acheter sur l’Apple Store l’application Ebola Tracker, qui géolocalise le virus, ou Ebola Near Me, qui calcule la distance qui les sépare du malade le plus proche. Ou alors se procurer Ebola Sur-vival Handbook (« guide de survie à Ebola ») en vente sur Amazon. Le mauvais goût étant sans limite, des gadgets en tous genres fleurissent : ustensiles de cui-sine, linge de maison, maquillage, bijoux, vitamine C contre Ebola répondant au nom d’« Ebola C », costume d’Halloween, tee-shirts « I love Ebola »… Et bientôt, une série télévisée. Selon The Hollywood Reporter, la chaîne américaine Fox et le réalisateur Ridley Scott prépare-raient la production d’un thriller en plusieurs parties consacré au virus, de son apparition dans les années 1970 jusqu’à son arrivée aux Etats-Unis. Louise Couvelaire

- I V -

Les croisés du latin.

rosa, rosa, rosam… en itaLie, queLques “Latin Lovers” rêvent

de rendre vie à La Langue d’ovide. Leur première cibLe : Les cruciverbistes et autres amoureux des jeux de Lettres.

Ne dites pas à Luca Desiata que le latin est une langue morte ! Ne lui parlez pas de vos souvenirs douloureux de lycéen ânonnant ses déclinaisons… Pas à lui, qui vient de créer, avec quelques amis férus de datifs, de gérondifs et de génitifs, la première revue au monde de mots croisés et autres jeux de lettres uniquement dans la langue d’Ovide. Baptisé Hebdomada Aenigmatum, elle est téléchargeable chaque mois sur le site mylatinlover.it. « Le but, explique le directeur de la publication, est de rappro-cher le latin du quotidien, de le faire revivre sous une forme ludique. » Que cette idée soit née à Rome, où la grandeur de la civilisation latine surgit à tous les coins de rues, n’est bien sûr pas un hasard.Quatre personnes, toutes bénévoles et ayant pourtant bien d’autres choses à faire dans la vie, s’occupent de concevoir les grilles : « Elles sont très faciles, jure Luca Desiata, qui s’apprête à prendre la direction d’Enel, le géant de l’énergie italien, en Belgique. Nous ne voulons pas apparaître comme des latinistes sentencieux et sophistiqués, gardant leur savoir pour eux-mêmes. L’objectif est de s’amuser et de partager. » Le dernier numéro contient ainsi l’histoire du cannollo siciliano (pâtisserie à base de ricotta) et une bande dessinée Snupius, mieux connue sous le nom de Snoopy.La dernière livraison d’Hebdomada Aenigmatum a été téléchargée trois mille fois. Un succès pour un marché de niche. Déjà, des collèges et des lycées italiens sont intéressés par l’initiative et préparent à leur tour des concours de mots croisés en latin. « J’ai reçu les

Surfant sur la vague de panique que le virus Ebola suscite aux Etats-Unis, certaines entreprises en font un juteux — et douteux — business. C’est le cas de la société américaine GIANTmicrobes Inc., qui s’est fait une spécialité des peluches à l’effigie des microbes. Son catalogue en propose 150 (doudous anthrax, cancer du sein, gonorrhée, etc.) et la dernière en date, dite « éducative », est une sorte de petit serpent marron inspiré de la vraie forme du virus Ebola. Vendu en ligne à 9,95 $ (environ 8 €), « l’animal » est en rupture de stock depuis mi-octobre. L’entreprise affirme en avoir vendu plus de dix millions dans le monde. Elle n’est pas la seule à décrocher le jackpot : deux associés américains qui avaient acquis le nom de domaine ebola.com en 2008 pour quelques milliers de dollars (ainsi que fukushima.com ou encore birdflu.com) n’ont pas hésité à démarcher des laboratoires pharmaceutiques pour le leur vendre. Fin octobre, ils ont trouvé preneur à 200 000 $ (160 000 €). Quant aux kits de survie Ebola, ils se déclinent en plusieurs modèles, du plus simple au plus sophistiqué (de 14 $ à 100 $), en version individuelle ou familiale, pour une utilisation sur place ou en voyage. Le package com-prend une combinaison de protection, un masque, des lunettes, des gants, un respirateur, de la nourriture, etc. ••• M

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M Le magazine du Monde — 8 novembre 2014

réunis depuis des mois contre le projet du barrage de Sivens. Ils le taquinent en disant de lui qu’il est une « star ». Lui, sincèrement touché, répond par un rire gêné.Au début des années 1990, le militant écologiste, une plume glissée dans les cheveux, est le chef de file de la lutte contre la construction du tunnel du Somport, dans les Pyrénées. Ce dernier doit traverser la vallée d’Aspe, là où Eric Pétetin exerce comme guide de haute montagne. Les bons jours, des milliers de per-sonnes le suivent dans ses manifestations. Guérilla, sabotage, insultes envers les représentants des forces de l’ordre (traités de « visages pâles »)… Le chantier est placé sous protection policière pendant des années. Eric Pétetin gagne le surnom d’« Indien » et un rond de serviette à la rubrique faits divers de France 3 Aqui-taine et des chaînes nationales. Arrêté et emprisonné tous les quatre matins, soutenu par Renaud et Francis Cabrel, par Antoine Waechter et Dominique Voynet, il est touché en 1993 par la grâce présidentielle accor-dée par François Mitterrand. De quoi couper court à une peine de quatorze mois de prison.Le tunnel continue néanmoins de se creuser. Lui com-mence à s’enfoncer. « Il a pris la figure du gourou, suivi par une escouade d’admirateurs, ça lui est monté à la tête », se souvient Noël Mamère, qui le soutenait dans sa lutte. « Les forces du mal se sont emparées de moi : j’avais beaucoup de succès auprès des femmes, j’ai fait preuve d’excès de séduction, d’excès de machisme… », reconnaît-il. Sa compagne et sa fille s’évaporent. Après avoir échoué dans un centre pour SDF, il se présente à la porte de la mairie de Bègles et demande un travail à Noël Mamère. Il devient jardinier et remonte la pente, petit à petit. iL cLaque La porte sept ans plus tard, après avoir trouvé la foi en Dieu au détour d’un voyage à Lourdes. On a beau se revendiquer anarchiste, on peut aussi être croyant. « A fond croyant » même, dit-il. Ce n’est pas pour rien que ses plumes préférées étaient celles des grands tétras : « Blanches et noires, le christianisme et l’anarchie. » Il se compare volontiers au Job de la Bible, qui a tout perdu, sauf son amour pour le divin. Le chemin des luttes écologistes s’ouvre à nouveau à lui. Début mars 2014, il arrive dans le Tarn. D’une certaine manière, son action en vallée d’Aspe a préfiguré les ZAD actuelles. Il avait regroupé une communauté de nomades, ardents défenseurs de l’en-vironnement, dans une gare désaffectée, au sein d’une association baptisée « La goutte d’eau ». Ces derniers mois, il s’est battu en vain pour tenter de la relancer, effectuant des allers-retours entre les Pyrénées et le site du barrage de Sivens. Incapable de lâcher prise. Selon Noël Mamère, « Eric ne se remettra jamais de ce qu’il a vécu à Somport. Pour lui, c’était le combat de sa vie, qui avait des aspects mystiques ». Le voilà aujourd’hui dans son élément, sur la ZAD du Testet. « J’adore ça, c’est la meilleure façon de lutter, la plus agréable, la plus exaltante. Il règne ici une ambiance magique, de vraie résistance. » Olivier Faye

-V -

Un Indien dans la ZAD.

éric pétetin, vieux routier des Luttes écoLogistes, est La star de La “zone à défendre” du testet.

cet anar croyant, surnommé “L’indien”, a fait du combat contre Le barrage

de sivens sa nouveLLe croisade.

La nuit suivant l’annonce de la mort de Rémi Fraisse, Eric Pétetin a dormi dehors, à même le sol. A quelques mètres de l’endroit où le corps du jeune homme, tué suite à un tir de grenade de la gendarme-rie, a été retrouvé, sur la « zone à défendre » (ZAD) du Testet (Tarn). Le lendemain, il a recommencé. Puis il a entrepris de fabriquer un cercueil symbolique pour le défunt à l’aide de cagettes en plastique et de morceaux de cartons. Le petit bonhomme de 61 ans, sec comme une branche morte, le regard perdu dans des rêves évaporés, est une sommité parmi les « zadistes »

« L’Indien » au camp des opposants au barrage de Sivens, le 28 octobre, trois jours après la mort

de Rémi Fraisse.

encouragements d’un lecteur des îles Féroé », s’en-thousiasme Luca Desiata, également auteur d’un livre sur les échecs et la stratégie d’entreprise, coécrit avec le grand maître de l’échiquier Anatoli Karpov. « Plus de 50 % des locuteurs européens parlent une langue issue du latin, ajoute-t-il. Il pourrait redevenir notre langue commune, non ? Quand j’entends notre premier ministre Matteo Renzi massacrer l’anglais, je me dis qu’il serait plus crédible, plus efficace, plus élégant, s’il parlait latin. » Philippe Ridet

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