les nouveaux enjeux géopolitiques de l'eau en afrique australe

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8/13/2019 Les Nouveaux Enjeux Géopolitiques de l'eau en Afrique Australe http://slidepdf.com/reader/full/les-nouveaux-enjeux-geopolitiques-de-leau-en-afrique-australe 1/26 LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L'EAU EN AFRIQUE AUSTRALE  David Blanchon La Découverte | Hérodote 2001/3 - N°102 pages 113 à 137  ISSN 0338-487X Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-herodote-2001-3-page-113.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Blanchon David, « Les nouveaux enjeux géopolitiques de l'eau en Afrique australe », Hérodote , 2001/3 N°102, p. 113-137. DOI : 10.3917/her.102.0113 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. r   n  .    i   n    f   o   -   -   -    8    0  .    1    2  .    1    6    2  .    1    1    5   -    2    0    /    1    1    /    2    0    1    3    0    0    h    3    0  .    ©    L   a    D    é   c   o   u   v   e   r    t   e D m e é é g d s w c r n n o 8 1 1 1 2

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L'EAU EN AFRIQUE

AUSTRALE David Blanchon La Découverte | Hérodote

2001/3 - N°102

pages 113 à 137

 

ISSN 0338-487X

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-herodote-2001-3-page-113.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Blanchon David, « Les nouveaux enjeux géopolitiques de l'eau en Afrique australe »,

Hérodote , 2001/3 N°102, p. 113-137. DOI : 10.3917/her.102.0113

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Les nouveaux enjeux géopolitiques de l’eau

en Afrique australe

 David Blanchon*

En juillet 1975, la South African Defence Force attaquait le barrage deCalueque sur la Cunene en Angola 1 ; treize ans plus tard, en 1998, la South African

National Defence Force occupait, après des combats sanglants, le barrage de Katseau Lesotho (voir carte et schéma p. 129). Le rapprochement de ces deux événe-ments dessinerait les contours d’une hégémonie régionale sud-africaine s’appuyantsur le contrôle des ressources hydriques et, malgré le changement de régime, lapermanence de cette politique dictée par la répartition inégale des ressources en eaudans cette région du monde.

Mais ces deux opérations militaires s’inscrivaient dans des stratégies de bienplus grande ampleur, dont l’eau n’est qu’un des aspects. Le ministère de l’Eausud-africain, par la voix de son directeur général, M. Muller, a totalement nié lesvisées hégémoniques de l’Afrique du Sud sur les ressources en eau du Lesotho,en avançant deux arguments principaux: d’une part, l’opération visait à la protec-tion de l’ouvrage et non à sa conquête, et, d’autre part, les accords conclus précé-demment entre le Lesotho et l’Afrique du Sud ne posaient aucun problème.

Certains chercheurs sud-africains, comme Anthony Turton 2, récusent la possi-bilité et l’idée même de « guerre de l’eau » dans cette partie du monde. De

nombreux projets de coopération et d’utilisation commune des ressources sont en

* Laboratoire Géotropiques.1. ROZÈS A., «Les Sud-Africains et l’Angola : treize années d’hostilité (1975-1988)», Guerres

mondiales et conflits contemporains, revue d’histoire, 49e année, n° 196, 12/1999, p. 150-125.2. « Water Wars in South Africa: Challenging the Conventional Wisdom», Water Wars:

Enduring Myth or Impending Reality, Africa Dialogue Monograph Series n° 2, 2000, p. 35-64.

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HÉRODOTE

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cours de finalisation, et les États de la Southern African Development Community(SADC) ont signé en 1998 le SADC Protocol on Shared Water Courses, qui intro-

duit un code de bonne conduite entre les quatorze États membres.Les «guerres de l’eau» annoncées ne seraient-elles pas qu’un mythe créé parla Banque mondiale pour justifier le coût de ses projets? Comment considéreralors les nombreuses prises de position de ministres de la SADC, qui s’inquiètentdes risques de conflits? Ne risque-t-on pas également, dans l’optique inverse, delaisser dégénérer en conflits des tensions qui auraient pu être maîtrisées ?

La question des guerres de l’eau ne peut trouver de réponse dans la simple

étude de la répartition des ressources et des traités entre États. La multiplicité desintervenants (Banque mondiale, États, provinces ou régions, multinationales del’eau ou encore associations de citoyens, si actifs dans la région) rend plus que jamais nécessaire la compréhension des jeux entre les échelles de pouvoir. Demême, l’étude de la géopolitique de l’eau sous le seul prisme des conflits clas-siques de haute intensité ne donnerait qu’une vision partielle des antagonismespassés et présents. Les conflits récents en Afrique australe ont également montréque les guerres, comme celles menées par le régime d’apartheid de Pretoria contre

les États voisins, peuvent prendre de multiples formes : soutien à des guérillas,déplacement de populations, blocus et pressions économiques, ou encore harcèle-ment contre des opposants.

La question est donc de déterminer les causes potentielles et l’histoire desconflits liés à l’eau dans cette région, pour cerner leurs modalités spécifiques, leurnature et les méthodes de gestion de ces crises.

Une situation potentiellement explosive

L’Afrique australe est marquée par une double instabilité, climatique et poli-tique. La première est inhérente à la variabilité des précipitations et à leur trèsinégale répartition dans l’espace, la seconde à l’histoire de la colonisation et del’apartheid. La combinaison des deux formes d’instabilité crée de très fortestensions autour des ressources en eau, qui, pour reprendre les mots de respon-

sables sud-africains, sont « un élément crucial de la guerre contre la pauvreté, lapierre angulaire du développement et le facteur limitant de la croissance 3 ».

3. ROBERTS P. et BASSON T., « Vaal River System : Benefit of Managing Regional WaterResources in a System Context », International Symposium and Workshop, ICOLD 1999,Antalya, Turquie, 24 septembre 1999.

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RÉPARTITION DES RESSOURCES EN EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

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RÉPARTITION DE LA POPULATION ET DES DISPONIBILITÉS EN EAU

DANS LES ÉTATS DE LA SADC

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L’EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

Trois éléments clés concourent à rendre la situation particulièrement difficile :l’inégal partage des ressources, la forte insécurité, liée à la variabilité climatique,

et enfin la disparité de puissance entre l’Afrique du Sud et les États voisins.

 Des ressources inégalement réparties...

Sur le plan hydrologique, le subcontinent est nettement divisé entre l’Ouest, auxressources limitées, et l’Est, qui dispose de beaucoup plus d’eau. Cette oppositionest renforcée par une segmentation très forte des bassins hydrographiques, héritée

des frontières de la période coloniale : comme le montre la carte 1, tous les princi-paux bassins versants de la région sont partagés entre plusieurs pays. Le bassinversant du Zambèze, qui représente à lui seul près du cinquième des ressourcestotales de la région (hors RDC), est ainsi divisé entre huit États, et le fleuve mêmeconstitue une frontière internationale sur près d’un tiers de sa longueur.

Par le jeu des accords entre les puissances coloniales et des processus de déco-lonisation, certains États, comme le Malawi ou la Namibie, se sont trouvés démunis.Au regard du Water Scarcity Index établi en 1989 par Malin Falkenmark 4, l’Afriquedu Sud et le Zimbabwe sont déjà en état de « stress» hydrique chronique 5 et laNamibie et le Malawi connaissent une pénurie permanente 6. En 2025, huit Étatssur les douze pays continentaux de SADC 7 auront atteint et pour certains large-ment dépassé le seuil de stress hydrique, et tous subiront au moins des pénuriessaisonnières ou localisées (voir carte 2).

trop peu sûres...

Mais, plus que la pénurie, c’est la variabilité des ressources qui détermine lespolitiques de l’eau. L’Afrique australe est régulièrement frappée par des séche-resses, qui marquent fortement les esprits, que ce soit dans les années trente, ouplus récemment au début des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Les réser-voirs s’assèchent et la crainte d’un arrêt de l’économie est réelle. La variabilité semanifeste également par des inondations catastrophiques comme celles qui ont

4. FALKENMARK M., 1989, n° 2.5. Pays où il y a entre 600 et 1 000 personnes par million de mètres cubes d’eau (WSI 3).6. Pays où il y a entre 1 000 et 2 000 personnes par million de mètres cubes d’eau (WSI 4).7. La SADC compte quatorze membres, soit les douze pays cités plus l’île Maurice et les

Seychelles, où les problèmes d’eau se posent en des termes très différents.

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frappé le Mozambique en 2000 et 2001. Le climat de l’Afrique australe obéit à descycles naturels de dix à quinze ans dont on mesure encore mal les effets, mais quisont clairement incompatibles avec les exigences du développement économique.

Pour prévenir ces crises climatiques, les gouvernements doivent construire des

ouvrages gigantesques pour permettre un approvisionnement en eau régulierdes villes et des périmètres irrigués. La variabilité majore donc considérablement

TABLEAU 1. – RESSOURCES EN EAU DANS LES PAYS DE LA SADC

 Ressources Ressources Ressources Water Water PIB 2000États

renouvelables renouvelables renouvelables Scarcity Scarcity(PPA/millions

(millions (m3 /hab./an) (m3 /hab./an) Index 8  Indexde USD)

de m3) 2000 2025 2000 2025

Afrique du Sud 47 500 1 190 651 3 4 351 416

Angola 130 000 10 418 4 815 1 2 21 859

Botswana 3 500 2 192 1 167 2 3 9 531Lesotho 4 130 1 959 1 033 2 3 3 347

Malawi 7 060 664 282 4 5 5 512

Mozambique 220 000 11 407 6 111 1 2 13 261

Namibie 1 240 732 310 4 5 8 604

RDC Données manquantesSwaziland 1 940 1 980 970 2 3 3 772

Tanzanie 74 000 2 257 1 000 2 3 15 246

Zambie 100 000 11 141 4 762 1 2 6 951

Zimbabwe 13 100 1 136 570 3 4 31201

Source: PALLET J., « Sharing Water in Southern Africa», État du monde 2001.

8. Nombre d’habitants par millions de mètres cubes d’eau disponible : 1 = < 100 = ressourcessuffisantes; 2 = 100-600 = problèmes en saison sèche ; 3 = 600-1 000 = stress hydrique ;4 = 1 000-2 000 = déficit absolu; 5 = > 2 000 = Water Barrier.

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L’EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

le coût des infrastructures nécessaires. De plus, pour compenser les aléas climatiqueslocaux, elle implique de capter des ressources éloignées et de maîtriser l’ensemble

d’un bassin versant et non plus le seul « linéaire» du fleuve. Lorsque la pressionsur les ressources et l’exigence de sécurité s’accroissent, il faut alors contrôler desterritoires de plus en plus vastes, ce qui multiplie les risques de conflits.

... et loin des centres de consommation

Enfin, le troisième facteur de tensions de cette région est l’éloignement géogra-

phique entre les ressources en eau et les zones développées. Cela tient au modede développement du continent, fondé sur les ressources du sous-sol. Les minesd’or de Johannesburg, découvertes en 1886, se situent exactement sur la ligne departage des eaux continentales, où ne se trouvent que quelques rivières sansimportance. De même, les principaux ports, comme Le Cap ou Port-Elizabeth, nedisposent que de ressources en eau limitées. Or, c’est dans ces régions que s’estconcentré le développement industriel et urbain. De même, la population ruraleblanche s’est le plus souvent installée dans des régions peu pourvues en eau,comme l’État libre d’Orange, et est restée très minoritaire dans les régions arro-sées du Kwazulu ou du Transkei : le gouvernement colonial a dû construire dès lafin du XIXe siècle des grands périmètres d’irrigation pour permettre à ces popu-lations de ne pas sombrer dans la misère.

Cette séparation entre ressources et besoins, très nette en Afrique du Sud, estvérifiée à l’échelle continentale, où ce pays, qui produit les trois quarts de larichesse de la SADC et consomme 80% de l’eau utilisée, ne contrôle que 8 % des

ressources en eau.Les chiffres bruts de disponibilité en eau par habitant, s’ils montrent la gravitéde la situation, ne donnent en effet qu’une vision trop schématique des conflitspotentiels liés à l’eau. Comme l’a montré Tony Allan pour le Moyen-Orient 9, cesdonnées doivent être pondérées par la faculté d’adaptation des différents États, quiexplique que des États technologiquement avancés comme Israël peuvent très biense développer dans une situation de pénurie marquée.

En prenant en compte le produit national brut des pays concernés, on distinguetrois groupes d’États.

Dans la partie sud, marquée par des ressources faibles et très variables, despays relativement riches peuvent déployer des moyens importants pour faire face

9. « Water in International Systems : a Risk Society Analysis of Regional and Global Hydro-logies», SOAS Water Issue Group, Occasional Paper n° 22.

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à cette situation : c’est le cas du Botswana et de la Namibie, et surtout de l’Afriquedu Sud.

Plus au nord, on trouve des États très pauvres, mais dont les ressources sontsatisfaisantes : ce sont l’Angola, le Mozambique et la Zambie, et dans une moindremesure la Tanzanie.

Enfin, trois États – le Lesotho, le Malawi et le Zimbabwe –, dont la situationest particulièrement difficile, combinent la faiblesse des ressources avec desmoyens d’intervention limités.

L’appréhension de la « capacité d’adaptation » permet de mieux cerner lesconflits potentiels. Mais le développement de ce concept n’est que très récent : ilconviendrait, au-delà de l’approximation grossière du PNB par habitant, de prendreen compte les capacités effectives d’investissement, mais aussi le savoir-faire tech-nique et la capacité à réaliser des projets de développement dans leur totalité.

On ne dispose pas pour l’instant d’indicateurs satisfaisants pour comparer cestypes de ressources entre les différents pays, mais il est évident que l’Afrique duSud dispose d’un avantage encore plus considérable dans ces domaines. L’impor-tance du Department of Water Affairs and Forestry (DWAF) 10 de Pretoria, qui

dispose de nombreux ingénieurs très bien formés et s’appuie sur des entreprisesde conseil puissantes, est un facteur supplémentaire de déséquilibre entrel’Afrique du Sud et les États voisins.

Dans ce contexte, la gestion de l’eau prend une valeur particulière. Élémentvital pour la sécurité des États, elle a toujours été au centre des préoccupations detous les pouvoirs, depuis l’époque coloniale, et surtout de la première puissancerégionale, l’Afrique du Sud.

Un enjeu géopolitique majeur

Dès la fondation de la colonie du Cap en 1652, la maîtrise de l’eau a fait l’objetd’attentions particulières, pour protéger la qualité de la ressource destinée auxnavires de passage. Mais ce n’est qu’avec l’avancée de fermiers vers l’intérieursemi-aride que le problème a pris toute son importance. En effet, par le biais des

 Riparian Rights, qui lient propriété du sol et droits sur l’eau, la captation de la terrefut liée à la captation des ressources en eau dans le processus de colonisation.Avec l’avancée de la colonisation vers le nord, ce fut bientôt toute la région quiconnut à des degrés divers les effets des politiques de ségrégation et d’apartheid

10. Ministère des Eaux et Forêts, il s’appelait ministère de l’Irrigation jusqu’en 1956.

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L’EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

mises en place par le régime de Pretoria. Au-delà de sa stricte fonction écono-mique, l’eau prit dans cette région du monde une valeur idéologique et fut utilisée

dans le cadre de politiques volontaristes de contrôle et de maîtrise de l’espace aubénéfice de la minorité blanche.

1960: le début de la politique de transfert 

L’instrument privilégié de cette politique a été la construction d’un système detransferts d’eau interbassins, qui n’a aucun équivalent dans le monde si ce n’est

dans l’ouest des États-Unis. Destinés à préserver une autonomie sur le plan agricoleet énergétique, ces équipements très coûteux sont le fruit d’une décision géopolitiquemajeure prise par le DWAF et le gouvernement sud-africain au début des annéessoixante. Ce choix n’avait rien d’évident, même si des projets de transfert ont étéproposés très tôt dans l’histoire du pays – dès 1892 pour le fleuve Orange.

Avec le développement des techniques hydrauliques et des grands barrages,d’une part, et la croissance industrielle, d’autre part, deux options se présentaientà la fin des années quarante : soit mener le développement là où se trouvaient lesressources en eau, soit transférer l’eau vers les centres industriels naissants, c’est-à-dire essentiellement à cette époque la région de Johannesburg et de Pretoria,dépendante du Vaal.

La première option était défendue par L. A. Mackenzie, d’ascendance britan-nique, directeur du Département de l’irrigation, qui déclara en 1949 dans unmémorandum 11 : « Le transport de l’eau sur de grandes distances peut être infai-sable ou trop cher, donc nous devons aller où se trouvent les ressources en eau [...]

les nouveaux développements industriels doivent être placés en ordre de priorité :au Zululand, dans le bassin de la Tugela, de la Komati, du Limpopo et du Transkei[...] aucune nouvelle industrie demandant de larges quantités d’eau ne devrait êtreétablie le long du Vaal, ni le long des côtes. »

Cette vision était en accord avec les schémas géopolitiques du National Party,arrivé au pouvoir en 1948. Dans le cadre de la politique de développement séparé,les industries qui nécessitaient une main-d’œuvre nombreuse devaient se trouverprès des foyers de population noire – les futurs bantoustans – pour éviter quecelle-ci émigre vers les villes blanches.

11. Adress delivered at the 32nd annual convention of the S.A. Federated Chamber of Indus-tries at Johannesburg : « The Water Ressources of the Union in Relation to the Development andDecentralization of Industries », MACKENZIE L. A., director of Irrigation, 27 septembre 1949.

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Pourtant, à partir de 1960, c’est une politique totalement opposée qui a étéconduite et développée jusqu’en 1990. Le schéma général adopté est en effet l’exact

contraire des options de Mackenzie, avec notamment quatre transferts principaux:– du cours moyen de l’Orange vers l’Eastern Cape et Port-Elizabeth (Orange River Project – ORP – 1962-1992) ;

– de la Tugela vers le Vaal (Tugela-Vaal Scheme), franchissant le Drakensberget privant le Zululand d’une partie de son eau ;

– de la Komati et de l’Usutu également vers le Vaal (Komati Scheme et UsutuScheme) pour alimenter les centrales thermiques et l’usine de transformation ducharbon en pétrole SASOL dans l’est du Transvaal ;

– et enfin du Haut-Orange vers le Vaal, avec le  Lesotho Highlands Water Project (LHWP).

Il est certain que le développement international de grands projets de transfertaux États-Unis, en Australie ou en Israël, pays visités par les ingénieurs du DWAF,a influencé la politique sud-africaine de gestion de l’eau. De même, les progrèstechniques avaient rendu ces projets moins coûteux. Mais le facteur principal dece changement de cap semble avant tout politique.

La portée idéologique de ces transferts était manifeste : ainsi l’ORP, lancé en1962, fut présenté comme une réponse aux massacres de Sharpeville qui avaientébranlé la jeune République sud-africaine. Lors de l’inauguration du barrage« Hendrik Verwoerd 12 », le ministre de l’Eau de l’époque déclara : « Non seule-ment ce projet bénéficiera à toute notre économie, mais, plus important, ilconstitue la preuve tangible de la confiance de notre nation en son futur et sondestin. Le projet a été conçu comme un acte de foi à une époque où des attaquesétaient menées contre nous à la fois de l’extérieur et de l’intérieur, et notre réali-sation a convaincu même ceux qui sont contre nous que nous sommes déterminésà aller de l’avant 13. »

La politique de transfert concerna très vite les États voisins : outre le Lesotho,le Swaziland, ou encore le Mozambique, directement concernés par le LHWP etles transferts de l’est du Transvaal, la Namibie, alors gérée directement parl’Afrique du Sud, fut l’objet d’une politique propre de transferts, prévue par leWater Master Plan de 1974, s’appuyant sur deux projets principaux :

– le transfert des eaux de la Cunene, à la frontière avec l’Angola, versl’Owanboland namibien à partir du barrage de Calueque ;

12. Aujourd’hui rebaptisé «Gariep Dam ». Hendrik Verwoerd fut le père de la politique deGrand Apartheid et Premier ministre de 1958 à 1966.

13. BOTHA S. P., Die Siviele Ingenieur in Zuid Afrika, vol. 14, février 1972, p. 31-32.

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– l’Eastern National Water Carrier, qui transfère de l’eau du nord du pays versWindhoek. À terme, ce réseau devait également capter une partie des eaux qui

coulaient vers le delta de l’Okavango, situé au Botswana.Pièce maîtresse de la « mission hydraulique» de l’État, ces transferts, conçuset construits par des ingénieurs afrikaners, symbolisaient parfaitement la maîtrisedes ressources et du territoire, non seulement sud-africain, mais aussi régional, parle régime de Pretoria.

 L’eau et la guerre (1975-1990)

Étant donné sa valeur stratégique et symbolique, l’eau devint un enjeu majeurde la lutte entre l’Afrique du Sud et ses ennemis, surtout à partir de l’indépendancedu Mozambique et de l’Angola en 1975. Même les régions qui n’étaient pasconnectées directement au système de transfert d’eau ont connu les effets indirectsdes politiques sud-africaines, puisque l’eau était, avant 1990, une partie intégrantede la réponse sud-africaine à ce que ce pays considérait comme une « agressiontotale 14 » menée par ses voisins et l’ANC contre le gouvernement blanc.

Comme l’a démontré la Commission économique des Nations unies pourl’Afrique, « l’objectif de l’Afrique du Sud n’était pas simplement de déstabiliser lesÉtats qui avaient la malchance “géographique” de partager ses frontières, maisplutôt d’utiliser des méthodes de destruction, d’incitation ou de “dé-incitation” pourles “persuader” que leur intérêt était de soutenir Pretoria, plutôt que de s’opposerà l’apartheid 15 ». L’eau fut un des outils majeurs de cette stratégie globale.

Dans un article justement intitulé « Total Water Strategy Needed for the Vaal

Triangle », L. H. James, alors chief engineer du Rand Water Board 16, déclarait àpropos du Lesotho Highlands Water Project : « La possibilité de réalisation de ceprojet augmentera avec la formation de la Constellation of Southern AfricanStates 17, qui se met actuellement en place, et si le Lesotho devenait membre decette Constellation 18. » Six ans plus tard, après un coup d’État militaire sanglant

14. Total onslaught .

15. UNECA, «South African Destabilisation : the Economic Cost to Front Line Resistanceto Apartheid », 1989, cité in DURNING Alan B., Apartheid Environmental Toll.16. Le Rand Water Board est l’organisme chargé de la distribution de l’eau dans la région

de Johannesburg-Pretoria.17. Cette organisation internationale a été créée par l’Afrique du Sud en 1979 pour s’oppo-

ser à la SADCC, qui rassemblait les États hostiles à l’apartheid. Elle comprenait la Républiquesud-africaine, le Botswana, le Swaziland, la Namibie et quatre bantoustans.

18. JAMES L. H., Construction in Southern Africa, mai 1980.

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soutenu par l’Afrique du Sud, le Lesotho allait la même année se retirer de laSADCC et signer le traité instituant le Lesotho Highlands Water Project .

Le même schéma se reproduisit pour le barrage de Cahora Bassa, sur leZambèze, né d’un accord entre le Portugal et l’Afrique du Sud le 19 septembre1969, pour fournir de l’électricité à celle-ci et développer le Mozambique, alorscontrôlé par le Portugal. Après l’indépendance du pays en 1975, l’Afrique du Sudappuya le mouvement de rébellion Renamo, qui sabota l’ouvrage en 1980, privantle Mozambique d’une importante source de revenus. En 1984, dans le cadre de lastratégie d’apaisement, l’Afrique du Sud et le Mozambique signèrent les accordsd’Inkomati, qui prévoyaient l’arrêt du soutien du Mozambique à l’ANC et leretrait réciproque de l’appui de l’Afrique du Sud à la Renamo. Six semaines plustard, un nouvel accord fut trouvé entre Eskom, la compagnie sud-africaine, et lasociété mozambicaine Hidroelectrica de Cahora Bassa, pour exporter à nouveaule courant vers le réseau sud-africain.

En contrepartie, les barrages étaient considérés comme des objectifs légitimespour les ennemis de Pretoria, comme le montre l’attaque par les Cubains etl’Angola du barrage de Calueque en 1988. Selon R. Meissner, « pendant l’attaque,

des dommages considérables furent infligés au barrage [...] et le pipe-line versl’Owamboland fut détruit. À cette époque, l’Owamboland subissait une gravesécheresse [...]. Les Cubains voulaient probablement infliger autant de dommagesque possible aux forces sud-africaines, et ont convaincu les Angolais d’attaquerle projet 19 ».

 La guerre de l’eau

Les grands systèmes de maîtrise de l’eau ont donc été utilisés par Pretoria soit pourdéstabiliser les pays « ennemis», comme en Angola ou au Mozambique, soit commemoyen de pression. Mais ces conflits présentaient des caractéristiques propres.

Comme le montre la carte 3, tous les points de conflits en Afrique australe ontun rapport direct avec la politique de transfert sud-africaine. Sur l’Orange, qui afait l’objet des deux transferts, entre le Lesotho et l’Afrique du Sud pour le hautbassin et entre celle-ci et la Namibie pour les eaux résiduelles en aval. Entre la

Namibie et le Botswana pour les eaux de l’Okavango, entre la Namibie et l’Angolapour la Cunene. Plus à l’est, entre l’Afrique du Sud, d’une part, et le Swaziland etle Mozambique, de l’autre, à cause du transfert d’eau vers les centrales thermiquesde l’est du Transvaal, et également pour les eaux du Limpopo.

19. MEISSNER R., 2000, p. 114.

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Enfin, le projet de transfert d’eau du Zambèze est l’héritier direct des grandsprojets conçus au temps de l’apartheid pour garantir l’approvisionnement de la

République, et de son effort de guerre intérieure contre l’ANC et extérieure contreles États qui la soutenaient.Dans tous les cas, l’imbrication entre les actions militaires et politiques était

particulièrement marquée. La valeur hautement symbolique de l’eau dans cesrégions arides imposait à la fois de mesurer les actions destructrices et de maxi-miser l’impact des politiques de coopération. De ce fait, tous les conflits pourl’eau présentent un fort décalage entre le discours officiel et les politiques effec-tives. La rhétorique du développement et de la mise en culture du désert masquaitainsi des objectifs géopolitiques : Comment en effet le Lesotho, dont 30 % dubudget proviendraient à terme des royalties de l’eau vendue, pourrait-il se rebellercontre l’Afrique du Sud ?

L’autre trait caractéristique de ces conflits est leur rythme particulier. La grandesécheresse qui sévit en Afrique du Sud au début des années quatre-vingt eut ainsiun impact considérable dans la région. À la fin de 1983, des restrictions furentimposées dans la région de Johannesburg pour la consommation urbaine, et les

centrales électriques stratégiques de l’est du Transvaal faillirent manquer d’eau. Cetévénement fut sans aucun doute l’un des mobiles des accords d’Inkomati signés en1984 pour relancer la centrale de Cahora Bassa, et, deux ans plus tard, du  Lesotho Highlands Water Project , précisément conçu pour pallier la trop grande vulnérabi-lité du Vaal. Plus localisée, l’intervention cubaine sur le barrage de Calueque surla Cunene en 1998 fut également concomitante d’une sécheresse dans le nord de laNamibie. Les conflits liés à l’eau présentaient donc la particularité d’être soumis àla fois aux aléas climatiques et aux impératifs politiques globaux.

Il y a donc bien eu une longue guerre de l’eau de 1975 à 1990 dans cette partiedu monde, une guerre de faible intensité, intimement mêlée à la guerre totale quese livraient l’Afrique du Sud et les mouvements de résistance à l’apartheid, maisqui obéissait à une logique propre. L’antagonisme idéologique justifiait le coût trèsélevé des opérations militaires : le régime luttait pour sa survie, et celle-ci passaitobligatoirement par le contrôle des ressources hydriques.

Le choix géopolitique du début des années soixante est donc tout à fait crucial

pour comprendre les conflits liés à l’eau dans cette partie du monde. Les fonde-ments politiques de cette guerre ont disparu, mais on compte actuellement enAfrique australe près de trente transferts d’eau majeurs, impliquant neuf Étatsdans un réseau en voie d’interconnexion.

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PUISSANCE ÉCONOMIQUE, TRANSFERTS ET CONFLITS EN EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

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Nouveaux conflits, nouvelles armes

 L’Afrique du sud démocratique, mais toujours assoiffée

Le démantèlement du régime d’apartheid en 1994 a fait naître de grandsespoirs de paix, de développement, de «Renaissance africaine», pour reprendrel’expression du président sud-africain Thabo Mbeki. Dans le domaine de l’eau, lanouvelle politique prônée par l’ANC s’articule autour de trois axes principaux,inscrits dans la nouvelle loi sud-africaine sur l’eau de 1998 qui fait référence dans

la région:– la nationalisation des ressources en eau, appliquant ainsi les orientationsnouvelles des politiques de l’eau dans le monde;

– la rupture avec les pratiques de gestion fondées sur l’offre (water supplymanagement) pour passer à une politique de gestion de la demande (water demand management) ;

– l’établissement d’un véritable partenariat avec les pays voisins. Moins de

trois ans après l’entrée de l’Afrique du Sud dans la SADC fut signé en 1995 leSADC Protocol on Shared Water Courses, qui établit des règles pour la gestiondes fleuves internationaux dans cette région du monde.

La volonté politique sud-africaine de traiter pacifiquement par la concertationet la négociation tous les conflits potentiels liés à l’eau est donc clairement affi-chée. Cela correspond historiquement à l’abandon de la «mission hydraulique »de l’État et à la politique de gestion de l’offre, sous l’impulsion des organisationsnon gouvernementales ou des associations de consommateurs, dans le cadre d’un

régime démocratique. De plus, la politique de réduction de la demande est plusrespectueuse de l’environnement et a priori moins génératrice de conflits puis-qu’elle minimise les phénomènes de captation de ressource. En pratique, celadevrait se traduire par l’arrêt des grands travaux hydrauliques et la recherche d’uneplus grande efficacité dans l’utilisation de l’eau (water use efficiency).

Mais cette politique se heurte à la formidable inertie des grands projets hydrau-liques. Il s’écoule ainsi souvent plus de cinquante ans entre les premières études de

faisabilité et la dernière réalisation d’un projet. Ainsi, le grand projet de transfertd’eau sur l’Orange, dont les premières ébauches remontent à la fin du XIXe siècle,a été mis à l’étude en 1944, voté en 1962, et n’a été terminé qu’au début desannées quatre-vingt-dix. Le nouveau gouvernement sud-africain doit ainsi tenircompte des programmes engagés par le régime d’apartheid.

L’inefficacité des organismes nationaux et internationaux de la SADCconstitue également un frein considérable à l’établissement de nouveaux projets.

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D’après P. Heyns, sur dix-neuf organismes de gestion des fleuves internationaux,dix sont moribonds, quatre sont peu efficaces et trois seulement fonctionnent à peu

près normalement. : il s’agit de deux organismes liés au LHWP et de la PermanentWater Commission, créée par la Namibie et l’Afrique du Sud, qui ont la particula-rité d’être très contrôlés par cette dernière 20.

L’histoire de l’ Action Plan for the Environmentally Sound Management of theCommon Zambezi River (ZACPLAN), lancé en 1987 par huit États de la SADC, estexemplaire. Ce projet d’ampleur régionale devait financer les politiques non seule-ment environnementales, mais aussi foncières et agricoles. Le ZACPLAN prévoyaitdix-neuf projets, dans des domaines très divers, coordonnés, d’une part, parl’Environment and Land Management Coordinating Unit de la SADC à Maseru(Lesotho) et, d’autre part, par le Food Agriculture and Natural Resources Sector dece même organisme à Harare, Zimbabwe. Le gigantisme même du projet entravagravement son développement et conduisit plusieurs pays à former la Zambezi RiverBasin Commission (ZAMCOM), qui n’est toujours pas pleinement opérationnelle.

Plus généralement, selon un rapport de la SADC 21, sept États n’ont pas decadre législatif de gestion de l’eau, huit ne disposent pas d’institutions de contrôle

satisfaisantes, et neuf manquent de personnel qualifié.Sept ans après l’avènement d’un régime démocratique en Afrique du Sud,l’Afrique australe se trouve donc à la croisée des chemins, entre l’héritage toujoursprésent de l’apartheid et une volonté politique manifeste, symbolisée par la loi surl’eau sud-africaine et le SADC Protocol on Shared Water Courses. Dans cecontexte, une politique de l’eau agressive n’est clairement plus viable : la questionest donc de savoir comment l’Afrique du Sud pourra conserver ses intérêtshydrauliques et protéger son accès à cette ressource vitale.

 Le Lesotho Highlands Water Project : vieux projet, nouveaux conflits ?

Inscrit dans la continuité de la politique de transfert des années cinquante 22, leLHWP doit pallier les déficiences du Vaal, dont les ressources sont insuffisantesen qualité comme en quantité et par trop variables.

20. HEYNS P., 1995.21. « Regional Strategic Action Plan for integrated Water Resource Development and Mana-

gement in the SADC Countries (1999-2004) », SADC Water Sector Coordination Unit, 1998.22. Dès 1955, une étude avait été commanditée pour transférer l’eau du haut Orange vers

les mines d’or de l’État libre d’Orange.

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L’EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

LE BARRAGE DE KATSÉ ET UN TUNNEL DE 80 KM

FONT COULER L’EAU VERS LE NORD

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HÉRODOTE

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Le traité de coopération entre les deux pays fut signé, comme nous l’avons vu,après un coup d’État militaire. Le projet, qui a reçu des financements de la Banque

mondiale (par des sociétés écrans, puisque l’Afrique du Sud était soumise à unrégime de sanction), est apparemment équilibré. Il prévoyait cinq phases, avecun net avantage au Lesotho dans les trois dernières. Le principe fondamental étaitle versement par l’Afrique du Sud de royalties au Royaume du Lesotho, soit55 centimes par mètre cube en 1986. Comprenant cinq grands barrages (dont leplus haut d’Afrique) et un système de tunnels sur une longueur de 50 km sousle Drakensberg, ce projet très coûteux (plus de 9 milliards de rands dépensés jusqu’en 1997 pour la phase 1A) fut dénoncé en son temps par les représentantsen exil de l’ANC comme un des exemples de la politique impérialiste de l’Afriquedu Sud. Pénurie d’eau, inégalités, variabilité, pressions militaires et politiques,projet gigantesque et coûteux, on y retrouve tous les éléments clés des conflitspour l’eau d’avant 1994.

Le changement de régime de 1994 et la libéralisation au Lesotho ont profondé-ment remis en cause les fondements mêmes du projet, d’autant plus que, depuis ledébut des années quatre-vingt-dix, le Lesotho Highlands Water Project était devenu

également la cible d’ONG actives dans le champ de l’environnement, comme laWorld Commission on Dams ou l’Environmental Monitoring Group. Le LHWP estégalement contraire à l’esprit de la nouvelle loi puisque c’est un exemple type decaptation de ressource mené dans le cadre d’une politique de gestion de lademande, alors même que l’eau est très mal utilisée à Johannesburg et Pretoria(réseau défectueux, utilisation abusive pour les jardins et piscines des Blancs...).

Or, contrairement aux attentes, le ministre sud-africain de l’Eau, K. Asmal, etle président Nelson Mandela ont vigoureusement pris la défense du LHWP, expli-quant en substance que ce projet avait totalement changé puisqu’il n’est plusréalisé pour une minorité prédatrice mais pour le bien du peuple entier, et dansl’optique de rattrapage des injustices passées. Dans une lettre au président de laBanque mondiale, ce dernier écrivait : « En Afrique du Sud, nous avons besoin del’eau du LHWP pour satisfaire l’augmentation de notre demande, et tout parti-culièrement pour satisfaire les besoins de communautés auparavant négligées. Jevoudrais souligner l’héritage du passé qui a laissé entre 12 et 16 millions de Sud-

Africains sans accès à l’eau 23. » En somme, on continuait une politique de l’ancienrégime pour essayer de compenser les effets d’une autre.Mais K. Asmal apportait un changement majeur : la suspension des phases 2 à

5, l’Afrique du Sud n’étant liée au Lesotho par un traité international que pour la

23. Cité in Mehloli, vol. 8, n° 3, 1996, p. 17.

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LES NOUVEAUX ENJEUX GÉOPOLITIQUES DE L’EAU EN AFRIQUE AUSTRALE

première phase. En cas d’abandon définitif, ce qui semble probable, le Lesothodevra compter sur d’autres ressources pour son développement. Ce geste facilita

la signature en 1998 d’un  Memorandum of Understanding entre les autoritésresponsables du projet et les ONG qui travaillaient sur le terrain. Le DWAF, enabandonnant un projet qui paraissait moins rentable, montrait également sa bonnevolonté dans le domaine de l’environnement. Mais, dans le même temps, desprojets de transferts passant entièrement par le territoire sud-africain sont toujoursà l’étude dans les bureaux du DWAF.

Parallèlement, de nouveaux problèmes sont apparus à d’autres échelles avecd’autres protagonistes. Les provinces d’aval, comme le Northern Cape, craignent

d’être privées d’eau par de nouveaux projets qui seront entièrement dirigés par legouvernement de Pretoria sur son territoire, et qui attireront peut-être moins l’atten-tion des ONG. De plus, ces provinces n’auront jamais la même capacité de résis-tance qu’un État souverain, même aussi faible que le Lesotho. Dès 1995, le Premierministre du Northern Cape, E. Dipico, écrivait à Kader Asmal pour lui exprimer soninquiétude: « L’Orange est le plus grand et le plus important écosystème de cetteprovince. Une gestion environnementale [...] est par conséquent cruciale à cause de

l’importance de cette rivière pour la province [...]. La gestion des ressources en eauen tant que telles est une prérogative nationale. La province est donc incapable decontrôler le facteur physique le plus important affectant l’intégrité de l’environne-ment fluvial et des écosystèmes. La province du Northern Cape doit par conséquentcompter sur la coopération avec votre ministère 24. » Il est intéressant de noter qu’ilemploie des arguments environnementaux alors que le fleuve est surtout la piècemaîtresse de l’économie régionale. Face à ce discours, les experts du DWAF ontavancé des données économiques qui montreraient que chaque mètre cube d’eauutilisé à Gauteng (la région de Johannesburg) apporte beaucoup plus d’emploisque dans le Northern Cape. Ces chiffres, reportés dans le tableau 1, reposent sur desfondements scientifiques peu solides, mais ont un impact considérable dans un paysoù le chômage, qui touche essentiellement les Africains, est un problème majeur.

Plus localement enfin, des associations de consommateurs dans les townshipscraignent l’augmentation du prix de l’eau qui accompagnera, en tout état de cause,les nouveaux transferts.

Le LHWP est donc devenu l’objet de conflits majeurs, non militaires, maispour des enjeux financiers considérables et avec des moyens tout aussi importantsen matière de recherche scientifique, tant économique qu’environnementale, et dediffusion de l’information.

24. Réf. NNO 17/9/1, 15 février 1995.

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HÉRODOTE

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 L’émergence de nouveaux conflits

Le projet de transfert d’eau du Lesotho vers Johannesburg est exemplaire del’évolution des problèmes liés à l’eau en Afrique australe. Avec la disparition du

facteur idéologique, et malgré les forts déséquilibres de puissance entre les Étatsd’Afrique australe, la possibilité d’une confrontation militaire dans cette région estquasi unanimement rejetée par les chercheurs travaillant sur cette zone. Sur leplan strictement militaire, l’eau n’est en effet au plus qu’un objectif tactique : laprise de contrôle de Katse Dam au Lesotho semble entrer dans cette catégorie etétait plutôt une mesure de protection de l’ouvrage. De même, lors des discussionsentre la Namibie et l’Afrique du Sud à propos du tracé de la frontière sur l’Orange,ce sont bien les diamants qui se trouvent dans les sédiments alluviaux qui consti-

tuent l’enjeu principal, et non l’eau du fleuve. Au plan interétatique, comme l’arécemment déclaré R. Kasrils, actuel ministre de l’Eau en Afrique du Sud, « aucunconflit concernant l’eau ne semble devoir éclater dans la région 26 ».

Mais trois facteurs majeurs apparaissent et dessinent les contours des conflitsémergents.

Tout d’abord, la multiplication des acteurs, que ce soient les gouvernementslocaux, les ONG, des entreprises privées, les associations de citoyens et même des

ministères, comme le DWAF d’Afrique du Sud, dont les objectifs en matière degestion de l’eau se démarquent parfois nettement de la politique gouvernementalegénérale.

TABLEAU 1. – COMPARAISON DE L’UTILISATION EN EAU

ENTRE GAUTENG ET LA RÉGION DE L’ORANGE 25

Facteur Orange River Area Gauteng Ratio

(Northern Cape/État libre) (Pretoria-Johannesburg)

Production(rands/m3 d’eau utilisée) 0,81 198 1 : 244

Emploi(emplois/million de mètres 24 1 940 1 : 80

cubes d’eau utilisée)

25. Source : Orange River Development Project – Replanning Study –  Main Report ,septembre 1999, BKS et Ninham Shand Ltd, p. 12-4.

26. Ronnie Krasrils, entretien par TURTON A., Conflict Trends, février 2000, p. 43.

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Le corollaire direct de ce phénomène est l’imbrication de plus en plus grandede conflits qui se déroulent à différentes échelles. Les acteurs jouent en effet à

plusieurs niveaux (local, provincial, national et international) et les utilisent diffé-remment selon leurs objectifs. Plus que des territoires, ce sont des réseaux qu’ilfaut maintenant contrôler pour mener à bien une politique de l’eau efficace. Onassiste alors à une diffusion des conflits, entre groupes rivaux dans les pays, entreentités sous-régionales, ou encore entre villes et campagnes.

Le deuxième fait majeur est le déplacement des enjeux. Avec la fin de l’affron-tement idéologique et territorial, le développement des nouveaux arguments écono-miques et environnementaux est fondamental. Comme l’écrivait récemment

T. Basson, directeur d’un des plus grands groupes de consultance en matière degestion de l’eau en Afrique du Sud: « Le système est conçu pour transporter l’eaude là où elle est relativement abondante vers là où on en a besoin : ergo, water usually flows towards money 27. » Il semble que cette conception l’emporte désor-mais : ce ne sont plus seulement les considérations géopolitiques stricto sensu,comme au temps de l’apartheid, qui guident les politiques de l’eau, mais aussi lesimpératifs financiers et la capacité à payer l’eau. On voit bien ici l’avantage consi-

dérable de l’Afrique du Sud, qui peut offrir un bien meilleur « rendement» pourchaque mètre cube d’eau utilisé que tout autre pays dans la région. Après avoir étél’apanage des ingénieurs, la gestion de l’eau est maintenant aussi aux mains d’éco-nomistes, de politologues, de sociologues, sans oublier les experts de l’environ-nement. Là encore, l’avance de l’Afrique du Sud est considérable.

Enfin, pour valoriser cette expertise, la maîtrise de l’information est aujour-d’hui devenue primordiale dans la politique de l’eau , non seulement pour les ONGmais également pour les institutions. Comme l’a montré P. Ashton à propos dutransfert des eaux de l’Okavango, « les résultats de l’étude scientifique montraientque les impacts seraient très faibles, [...] mais il était clair pour l’équipe derecherche que la perception du public serait fondée sur des opinions personnelles,et qu’il y aurait un rejet massif des résultats scientifiques [...] il est clair que si leprojet doit être mené à bien, les gouvernements de chaque pays du bassin devrontsoutenir publiquement le projet 28 ».

On comprend dès lors pourquoi le secrétaire général du DWAF, Mike Muller,

utilise fréquemment son droit de réponse dans les colonnes des journaux sud-africains. Ainsi, ce dernier écrivait récemment, à propos des inondations au

27. BASSON M. S., ALLEN R. B. et al., 1994, p. 9.28. ASHTON P., 2000, p. 82.

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TRANSFERTS D’EAU ET NOUVEAUX CONFLITS EN AFRIQUE DU SUD ET NAMIBIE

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Mozambique, pour défendre les barrages sud-africains : « Les développementsnécessaires sont menacés par des opinions (parfois délibérément) inexactes propa-

gées par des critiques [...] nous ne pouvons pas arrêter le développement dans le tiersmonde à cause des demandes de protection de l’environnement venant des paysriches qui ont déjà dégradé leur environnement [...] la réalité est que notre climat estaride et variable et que notre société est profondément divisée et inégalitaire 29. »

Les nouveaux conflits pour l’eau en Afrique australe ont déjà commencé dans lapresse, mais pourraient avoir des conséquences dramatiques pour la stabilité régio-nale, tant la pression sur les ressources reste forte. Le seul trait qu’ils partagent avecles anciennes rivalités est, comme le montre la carte 4 dans le cadre de l’Afrique du

Sud, qu’ils sont également très liés aux grands systèmes de transfert d’eau.

Conclusion

Le régime d’apartheid avait choisi de maîtriser l’instabilité climatique par laconstruction de grands barrages et de systèmes de transfert d’eau, et d’en faire une

arme dans sa lutte contre les mouvements de libération. Ces deux options se sontsoldées par des échecs.L’année 1994 a été un tournant majeur, avec le choix, d’une part, de politiques

de gestion de la demande et de réallocation des ressources pour contourner l’insta-bilité climatique et, d’autre part, de coopération régionale pour les fleuves trans-frontaliers. La gestion de l’eau, comme dans le cas de l’Orange, est devenue plutôtun facteur de coopération entre les États.

Mais les conflits se situent aujourd’hui à d’autres échelles, avec de nouveaux

acteurs et d’autres enjeux. Plus qu’une guerre entre deux États, aujourd’hui excluedans cette partie du monde, c’est plus l’effondrement des structures étatiques qui estactuellement la plus grave menace pour la stabilité de la région. Un événementclimatique exceptionnel, fréquent dans cette région marquée par la variabilité clima-tique, est également un déclencheur de crises aiguës, menaçant les fondementsmêmes des États fragiles. L’eau peut alors, en exacerbant les tensions entre desgroupes rivaux, que ce soient des communautés urbaines ou rurales, des secteurs

économiques ou encore des provinces, devenir un remarquable solvant. Une étudeapprofondie de la crise que traverse de Zimbabwe, qui est avec le Malawi et leLesotho un des États les plus exposés, permettra de vérifier ces hypothèses.

29. MULLER M., «Right to Reply», Weekly Mail and Guardian, 23-29 mars 2001.

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Le rôle de l’Afrique du Sud dans ces conflits sera déterminant : après l’euphoriede 1994, la tentation est grande de reprendre une politique hégémonique dans le

domaine de l’eau fondée sur la puissance économique, une maîtrise techniqueinégalée dans tous les domaines et une capacité de diffusion de l’information. Si,devant des problèmes d’approvisionnement considérables, l’Afrique du Suddécide de revenir à sa politique traditionnelle de captation de ressource à l’échellecontinentale, l’eau deviendra très rapidement un facteur de déstabilisation majeurpour toute la région.

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