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Les Grecs anciens et l'émergence de la tradition éducative occidentale: humanisme et rationalité ©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

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Les Grecs anciens et l'émergence de la

tradition éducative occidentale:

humanisme et rationalité

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Plan

1. Définition de l’éducation

2. L’éducation dans les sociétés traditionnelles

3. La crise de la culture et des traditions en Grèce ancienne.

4. Trois réponses éducatives à la crise de la culture: les Sophistes, Socrate et Platon

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

PARTIE 1-DÉFINITION DE L’ÉDUCATION

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Qui a inventé l'éducation?

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Définition de l’éducation

L'éducation est une activité anthropologique fondamentale, comme le travail, l'art, la politique et la technique.

Elle est donc constitutive de la « nature humaine » : être humain, c’est être éduqué.

L’éducation est donc une activité universelle et nécessaire : il n’y a pas d’humanité et de société humaine sans éducation.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Définition de l’éducation selon Durkheim

« L'éducation est l’action exercée par les générationsadultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pourla vie sociale. Elle a pour objet de susciter et dedévelopper chez l’enfant un certain nombre d’étatsphysiques, intellectuels et moraux que réclament delui et la société politique dans son ensemble et lemilieu spécial auquel il est particulièrement destiné. »(Durkheim, 1922, Éducation et sociologie, 51)

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La culture transmise par cette éducation est double

La culture commune : les savoirs au sens large que tout le monde partage en commun qui définissent l’individu comme «être social » ou «culturel»

La culture spécialisée : les savoirs au sens restreint qui sont la propriété de petits groupes, tels des artisans, des mages, des sorciers, des médecins, des forgerons, des prêtres, des scribes, des guerriers, des aèdes, etc.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

PARTIE 2 - L’ÉDUCATION DANS LES SOCIÉTÉS

TRADITIONNELLES OU FERMÉES

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Sociétés traditionnelles

Les sociétés traditionnelles sont appelées, selonles auteurs, des sociétés froides, fermées, stables,à évolution lente, des sociétés de forte cohésionsociale ou encore, des sociétés communautairesoù l’individu est largement défini et contrôlé parla place qu’il occupe dans le groupe (clan,fratrie, tribu, lignée, etc.).

Or, avant les Temps moderne, la majeure partiedes sociétés humaines ont été des sociétéstraditionnelles.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Les

peuples

Inuits:

autour de

10 000

ans

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Les peuples amérindiens 5000 ans

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Égypte ancienne 4000 ans

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Inde avec le système des castes 3000 ans

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Chine traditionnelle 5000 ans

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Japon traditionnel 2000 ans

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Papouasie

Plusieurs

milliers

d’années..

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Afrique

plusieurs

milliers

d’années

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Aborigènes d’Australie: peut-être 10 000 ans

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La société chrétienne:

2000 ans

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Le Québec

d’antan, une

société semi-

traditionnelle

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Qu’est-ce qu’une société traditionnelle?

Est traditionnelle la société dont la culture propose des modèles de vie (d’agir, de penser, d’aimer, etc.); selon le principe que leurs valeurs existent depuis la nuit des temps.

Ces modèles tirent leur origine des dieux, des forces de la nature, du destin, de mythes fondateurs, etc.

Une société traditionnelle est donc basée sur un ordre qui passe pour immuable.

On vit comme nos ancêtres ont vécu, on agit comme eux, on pense comme eux. Le conformisme est donc la valeur sociale centrale, mais il s’agit d’une valeur inconsciente et donc d’autant plus forte.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’individu dans la société traditionnelle

L’éducation assigne une place à chacun dans la société et prépare à occuper cette place

L’individu a une place déterminée dans la société

Sa personnalité est définie socialement

Il n’y a pas de distinction entre sa personnalité et ses rôles sociaux

Les rôles sociaux le déterminent (artisan, homme, guerrier, prêtre, etc.)

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Qu’est-ce qu’une tradition? (1)

Une tradition est une routinisation de la vie en commun et des activités quotidiennes découlant de la répétition de modèles de conduite et de rôles sociaux qui tirent leur valeur et leur sens d'avoir toujours existé pour une communauté donnée.

Elle se fonde sur le savoir du sens commun, le savoir partagé par tous au sujet de ce qu'il convient de faire (ou ne pas faire) en telle ou telle circonstance.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Qu’est-ce qu’une tradition? (2)

Avec les traditions, les activités sociales se donnent comme naturelles : elles vont de soi…

Les activités traditionnelles garantissent la pérennité de la société : sa reproduction à travers le temps, malgré les nouveaux êtres humains et les nouvelles pratiques humaines.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Qu’est-ce qu’une tradition? (3)

De façon métaphorique, on peut dire qu’une culture traditionnelle est comme un pièce de théâtre sans auteur connu et dont tout le monde connait par cœur le texte, les répliques, les rôles qu’il faut jouer dans telle et telle circonstance…

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’éducation dans une société traditionnelle (1)

L’éducation traditionnelle est une éducationsans école, une éducation informelle qui sedéroule dans le monde quotidien avec lesgens ordinaires, la famille, la parenté, lesvoisins, le clan, la communauté.

Dans une société traditionnelle, l'éducationa pour fonction de transmettre et d’imposeraux nouvelles générations les contenus et lerespect de la tradition.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’éducation dans une société traditionnelle (2)

L'éducation propose des réponses aux diverses situations de la vie, mais ces réponses ne viennent pas de questions précises : elles s'imposent d'elles-mêmes.

Les enfants doivent apprendre à vivre comme les ancêtres ont vécu et comme les adultes vivent actuellement, et comme leurs enfants vivront.

Les traditions fournissent des modes d’emploi, des recettes (comment faire), des prêts-à-penser (quoi penser, dire, agir).

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le savoir traditionnel

Le savoir transmis n’est donc pas un savoir réfléchi mais implicite ou tacite.

Il ne s'agit pas non plus d'un savoir individuel mais d'un savoir socialement partagé : il est le savoir de « tous-et-chacun », le « sens commun ».

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Toute tradition est transmise par éducation

La façon de marcher des garçons et des filles; leur façon de s'asseoir; leur façon d’exprimer sa colère ou sa joie, de lancer un objet, de courir, de serrer la main, etc.

L'attitude des hommes et des femmes devant la tristesse, la peine, devant la mort, la maladie

Les manières de se tenir à table, de manger, de se conduire en public, de se présenter aux autres

Les attitudes amoureuses et les rapports amoureux

La culture marque de manière indélébile le corps, les comportements, nos attitudes, nos valeurs…

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Toute tradition est transmise par l’éducation

L’éducation est une inscription corporelle de la culture en chacun de nous : elle marque notre corps et notre esprit comme on marque une bête au fer rouge

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’importance des modèles et de l’imitation

Enfant, nous devons nous intégrer à une communautéhumaine déjà là.

Nous devons apprendre à partager les modèles de viedes gens qui nous entourent.

En ce sens, éduquer, c'est offrir aux enfants des modèlesde vie ritualisés et conformes à la culture de notrecommunauté.

Les enfants apprennent par contact direct etimitation, par habitude, imprégnation et expérienceconcrète.

Ils incorporent des habitus sociaux.©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La culture spécialisée (1)

Dans les sociétés traditionnelles, il existe, outre la culture commune, une culture plus spécialisée, qui est la culture des artisans.

Cette culture technique est transmise directement par les artisans eux-mêmes aux novices.

Personne n’a pour unique fonction d'enseigner

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La culture spécialisée (2)

Il n’y a pas d’enseignants, pas de programmes,pas de ministères de l’Éducation ni de systèmed’éducation, pas de pédagogie, pas d’objectifs, decompétences…

L'enseignant est toujours un artisan, qui transmetà d'autres, par contact direct, imitation etexpérience, son savoir spécialisé.

On apprend donc par immersion dans le travail,par répétition et imprégnation des bons gestestechniques…

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Partie 3 - La crise de la culture et des traditions en Grèce ancienne

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Carte de la Grèce antique

© 2001 Hachette Multimédia / Hachette Livre©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Grèce moderne

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Découpage de la Grèce antique en périodes et types d'éducation

Période Organisation sociale Type d'éducation

Période archaïque : de

2000 à 1180 avant JC

Palatine (de 1450 à

1180 avant JC)

Éducation aristocratique

chevalier/guerrier

Période des siècles

obscurs: de 1180 à 750

avant JC

Période préclassique : de

750 à 480 avant JC

HOMÈRE

Mise en place de la

polis (cité grecque)

Éducation homérique : place

importante de la poésie, de

l'épopée, du chant;

éducation spartiate

(physique, militaire).

Les philosophes

présocratiques.

Période classique : de

480 à 323 avant JC

Démocratie

aristocratique.

- 5e siècle: Le siècle de

Périclès.

Les Sophistes, Socrate,

Platon, Isocrate, Aristote..

Période hellénistique :

de 323 à 30 avant JC

Empire et conquête

romaine

La Paideia ou culture

générale : lettres,

philosophie, sciences.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Homère

- 7 siècle.

Auteur individuel ou collectif?

L'Iliade et L'Odyssée

Autour de la Guerre de Troie

Éducateur de la Grèce

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La poésie comme éducation : Homère.

Éducation aristocratique destinée aux jeunes nobles de la Grèce

Homère met en scène des héros qui ont soif de gloire et qui servent de modèle à la jeunesse

Il s’agit d’une éducation morale et aristocratique se faisant à travers la lecture des poèmes d’Homère

Homère traduit l’idéal culturel et moral qui anime la Grèce

Il ne s’agit pas d’une éducation technique ou spécialisée

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Une éducation morale« Homère enseigne tout ce que doit savoir un homme digne de ce nom : les activités du temps de paix et du temps de guerre, les métiers, la politique et la diplomatie, la sagesse, la courtoisie, le courage, les devoirs envers les parents et les dieux… » (Flacelière, 1959, 124).

L’éducation homérique est donc une éducation morale et civique, elle exalte les vertus les plus nobles et l’art de vivre-ensemble.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Une éducation aristocratique

Qui valorise l’esprit chevaleresque.

Le respect des règles du combat.

L’émulation.

La grandeur, y compris celle de l’adversaire terrassée.

La gloire qui seule assure la renommée et la pérennité des héros disparus. Par ses actions nobles, l’homme peut devenir immortel. La tâche des poètes est de rappeler sa mémoire.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Les premiers philosophes (présocratiques) : du - 7e au -5e siècle

Héraclite

Fin – 6e siècle

Anaximandre

- 610 à - 546

Parménide

Fin du - 6e siècle au

milieu du - 5e siècle

Thalès de Milet

- 625 à - 547

Pythagore

- 580 à - 497 av.Anaximène

- 585 à - 525

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Fin de l’ancienne éducation homérique,

guerrière et aristocratique

Une importante transition s’amorce dans la pensée éducative des Grecs vers la première partie du Ve siècle AV J.—C. (500-450)Sparte va décliner.Athènes va devenir la capitale intellectuelle du monde grec : nombreux échanges, métèques, voyageurs…L’éducation cesse d’être strictement militaire et devient intellectuelle, ainsi qu’un enjeu politique.La dimension «morale» de l’éducation va néanmoins se maintenir mais autrement qu’à travers la formation aux armesNous sommes les héritiers de cette éducation qui tend à s’intellectualiser, de cette formation générale et théorique

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Périclès: - 495 à -429Homme politique

athénien, défenseur de la démocratie,

contribua à l’expansion de

l’empire athénien et à l’essor culturel

d’Athènes

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Fondateurs d’école

Socrate

469-399 BC

Aristote

384-332 BC

Isocrate

436-338 BC

Platon

427-348 BC

Antisthène

444-365 BC

Protagoras

485-420 BC

Zénon

335-262 BCÉpicure

342-270 BC©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Préparé par Alain Bihan©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La composition de la population d’Athènes

Année Citoyens Athéniens (de 18 à 59

ans)

Total Athéniens

Métèques (hommes de 18 à 59 ans)

TotalMétèques

TotalEsclaves

Total

- 431 43 000 172000 9 500 28 500 115 000 315500

- 400 22 000 90 000

- 323 28 000 112000 12 000 42 000 104000 258000

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Théâtre grec

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Temple grec

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Site d’Epidaure

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Olympie reconstituée

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Notre histoire de l'éducation débute en Grèce. Pourquoi?

Les Grecs ont été parmi les premiers à vivre une crise profonde de leur tradition, de leur culture, de leur éducation.

Ils ont vécu un problème que nous vivons actuellement : celui de la pluralité des éducations, des cultures et des traditions.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Démocratie et pluralisme Cette crise des traditions est née en bonne

partie de leur forme politique: la démocratie, et du rôle extraordinaire joué par la pensée et la discussion argumentée : logos, raison.

La prééminence de la démocratie s’est traduite par l’importance de la parole publique sur l’Agora.

Cette parole est agonistique, porteuse de contestation et de délibération

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Fragilisation des traditions grecques

Le développement du commerce.

La circulation des métèques .

Échanges d’idées, débats d’idées.

Pluralisme et relativisme.

Les conflits militaires.

Conflit entre nature et culture.

Société qui aime le débat et la confrontation sous toutes ses formes: guerre, combats, compétition (Olympiques) et débats (démocratie).

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La Grèce ancienne, une civilisation agnostique qui oscille

entre l’émulation et l’affrontement, la rivalité et la

guerre, la compétition et le conflit, le débat et la discorde, la

polémique et l’antagonisme

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La Grèce ancienne, une civilisation très inventive, créatrice, chaude, qui nous a légué de grands mythes (Icare, Œdipe, Eurydice, etc.), la poésie homérique, la dialectique, les Olympiques, le théâtre,

la mathématique théorique et la géométrie, la logique, la physique, la biologie, l’esthétique, la poétique, la philosophie, l’éthique, l’histoire, etc.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

En éducation…

Les Grecs ont été parmi les premiers à faire l'expérience du pluralisme de opinions, des manières de vivre, de penser, etc.

Ils ont connu dans le même temps l'éducation traditionnelle, militaire et aristocratique, et des éducations nouvelles : philosophiques, mystiques, sophistiques, politiques, etc.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Pluralisme et conflit des éducations

Les Grecs ont été confrontés au problème suivant: s'il existe plusieurs formes d'éducation, laquelle est la meilleure? Laquelle choisir?

Ce problème n'est pas d’ordre technique : il ne porte pas sur le comment éduquer mais sur le pourquoi, c'est-à-dire sur les fins poursuivies par l'éducation.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’apport des Grecs à l’éducation

Les Grecs ont posé le problème général de la finalité de l'éducation

En d’autres termes, quelle forme humaine de vie doit-on favoriser par l'éducation?

Il ne s'agit pas d'un problème technique mais culturel voire spirituel. Il porte sur la recherche du Bien, de la Vertu. Quel type d’homme doit former l’éducation? Un homme vertueux, un homme de bien, un homme raisonnable capable de contrôler des passions et ses actions.

L’existence de ce problème montre que la tradition n'a pas ou n'a plus réponse à tout, qu'elle est uniquement une possibilité de réponse parmi d'autres.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Partie 4 - Trois réponses éducatives à la crise de la

culture: les Sophistes, Socrate et Platon

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

LES SOPHISTES

Protagoras, le plus célèbre des sophistes

(480-410):

Sur l’homme

« L'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont,du fait qu’elles sont; de celles qui ne sont pas du faitqu’elles ne sont pas.»

Sur les dieux

« Pour ce qui est des dieux, je ne peux savoir ni qu’ils sontni qu’ils ne sont pas, ni quel est leur aspect. Beaucoup dechoses empêchent de le savoir : d’abord l’absenced’indications à ce propos, ensuite la brièveté de la viehumaine »

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Les Sophistes Les Sophistes sont des « savants » ou des « sages »:

Protagoras, Gorgias, Hippias, Prodicos, etc.

Ils peuvent être considérés comme les premiers professeurs, des hommes qui professent à des étudiants et vivent de leur enseignement.

On peut les définir comme des maîtres du discours, du savoir-parler en public, du savoir-convaincre autrui dans une discussion.

Longtemps décriés voire méprisés par la philosophie classique, on les considère aujourd’hui comme les premiers spécialistes de l’analyse du discours: rhétorique, logique, argumentation, etc.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le métier de professeur Les sophistes étaient habituellement des étrangers, des

voyageurs, qui se promenaient de ville en ville pour vendre leur talent oratoire et scientifique.

Ils sont suivis de leurs élèves.

Un métier déconsidéré, puisqu’il faut se faire payer, ce qui déplaît à une certaine aristocratie traditionnaliste.

Commercialisation de l’éducation qui s’oppose à la dimension morale de l’éducation à laquelle les Grecs accordent tant d’importance.

Certains prétendent à l’omniscience et à l’infaillibilité.

Certains ont recours à des procédés publicitaires.

Leur suffisance en irrite plusieurs.

Pour les citoyens grecs ordinaires, philosophes et sophistes sont à peu près confondus.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

But des Sophistes

Apprendre à s'exprimer pour bien parler de n'importe quoi selon les circonstances.

Ils concevaient le langage non comme un moyen de connaissance, mais un moyen de contrôle et d'action sur autrui.

Ils sont les inventeurs de la rhétorique et de l'art oratoire qui vont jouer un rôle fondamental par la suite : le « savoir bien parler » restera jusqu'au XXe siècle le signe d'une bonne éducation.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

But des Sophistes

• Ils proposent une vision pragmatique et utilitaristedu discours et de la parole : agir sur autrui, sur cesémotions, ses croyances, valeurs, etc. L’accent n’estplus mis sur la moralité ou la vérité, mais l’efficacité.Dire sert à faire faire ou faire croire.• Ce qui importe donc, ce n’est pas ce que le discoursdit (référence) ou veut dire (intention), mais ce qu’ilfait faire. Le discours ne porte pas sur le monde ou leschoses (relation de vérité), mais s’adresse à autrui pouragir sur lui et le faire agir (relation d’efficacité).

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Les Sophistes et le politique

Visent l’efficacité politique dans le contexte d’unedémocratie naissante

L’efficacité dans la conduite des affaires publiques

Un enseignement pragmatique et nihiliste: lessophistes ne défendent aucune vérité en particulier

Ils enseignent comment l’emporter en toutediscussion possible

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L'éducation sophistique n'est pas traditionnelle

Elle est consciente d'elle-même, elle poursuit un but volontairement, elle n'est pas spontanée mais organisée.

Elle n'est pas collective mais individuelle.

Il existe un professeur. Il faut payer pour suivre ses cours; il a une clientèle.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Sophistique et éducation technique traditionnelle

Dans l'éducation technique traditionnelle, l'artisan, l'homme de métier et l'enseignant sont une seule et même personne

Il a appris un savoir spécialisé et quelqu'un d'autre l'apprend de lui par contact direct, imitation.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Les Sophistes n'enseignent pas un savoir spécialisé, mais une culture générale : comment penser, comment vivre, comment connaître.

Ils ne sont pas des artisans ou des techniciens spécialistes, mais exclusivement des enseignants. Leur métier, c'est d'enseigner.

Ils n'enseignent pas une connaissance particulière mais générale. Ils valorisent le savoir théorique, général, abstrait.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

SOCRATE, PHILOSOPHE ÉDUCATEUR

(469-399)

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Socrate, le philosophe éducateur

Deux genres d'être humain n'apprennent rien: celui qui sait tout n'a pas besoin d'apprendre,

mais ce serait un dieu;

celui qui est assez ignorant pour ignorer sa propre ignorance : il ne ressent pas le besoin d'apprendre, car son ignorance est telle qu'elle lui suffit.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Qui est Socrate ?

Socrate est l'homme qui ne savait rien (s'oppose au savant), mais qui savait qu'il ne savait rien (s'oppose au parfait ignorant).

Socrate est entre les deux: il est ignorant mais se sait ignorant; il est donc l’homme qui veut apprendre.

Il discutait de tout avec tous, parce que du fond de son ignorance, il voulait apprendre et connaître les certitudes des autres hommes.

Notre histoire de l'éducation commence donc avec un maître qui ne savait rien : le contraire de Jésus, Bouddha, Mahomet, les fondateurs de religion, etc.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Principe et but de l'enseignement socratique

C'est en nous-mêmes, dans notre for intérieur, avecnotre raison, que l'on doit s'assurer de la vérité.

Est vrai, non ce que chacun dit (les puissants, lesforts, les maîtres), mais ce que l'individu reconnaîtpour vrai à la suite d'une réflexion rationnellepersonnelle et dans le dialogue avec autrui.

Il faut apprendre à se connaître soi-même :connaître ses limites et les principes qui nousguident, apprendre à trouver sa place dans lasociété et la nature.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Socrate fait appel à la raison

Le principal problème éducatif de Socrate et de sesdisciples était de savoir si la vertu peut s'enseigner.Bref, peut-on former un homme de bien?

L'éducation peut-elle rendre l'homme bon, c’est-à-dire raisonnable et juste?

Ils répondaient par l'affirmative, en soutenant quel'homme possède en lui, de naissance, la raison.

Le tâche de l'éducation est de lui apprendre àutiliser cette faculté qu'il possède déjà.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La méthode de Socrate : la maïeutique

Art du dialogue ou dialectique qui consiste à discuter avecautrui, et à lui montrer, par des questions et contre-questions, que ses idées, ses croyances reposent sur descontradictions ou des idées incertaines.

Chez Platon, un grand nombre de dialogues socratiquessont dits « aporétiques », c’est-à-dire qu’ils finissent surl’énoncé d’un problème.

D’autres dialogues socratique aboutissent à la définitionuniverselle d’un concept (justice, vertu, courage, piété,tempérance, amitié…)

Si on sait ce qu’est la justice, on peut agir en toute justice,car « nul ne fait le mal volontairement », pense Socrate. Lesavoir est donc doté, chez Socrate, d’une dimensionéthique: savoir, c’est pouvoir agir-vrai, agir-bien.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

La méthode de Socrate : la maïeutique

Au bout du compte, la maïeutique est moins un art de discuter qu’un art de vivre.

Chez Socrate, la philosophie ne se réduit pas du tout à une théorie, elle débouche nécessairement sur une sagesse de vie, sur une pratique quotidienne de la recherche d’une sagesse en acte.

C’est pourquoi l’héritage de Socrate est si important: il nous apprend qu’il ne suffit pas de « penser sur la vie en général » pour bien vivre, encore faut-il que notre pensée guide concrètement notre vie quotidienne. Avec Socrate, le savoir se veut savoir-vivre.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Philosopher, c’est apprendre

à mourir.Platon

-428 à -347 av. J.-C.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Platon Peut-être le plus grand philosophe de toute

l’histoire occidentale.

Platon fut le disciple de Socrate.

La mort de ce dernier fut pour lui uneexpérience majeure, dans la mesure où elleexprime l'échec, non du message socratique,mais de sa méthode, de son éducation.

À quoi sert d'avoir raison et de faire appel à laraison d'autrui, si les autres me tuent ou mefont violence?

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le but l’éducation pour Platon

Pour Platon, l'être humain est composé depassions, sources de violence et de désordre,et de raison, de matière et d'esprit, d'uncorps sensible et d'une âme intelligible.

Le but de son éducation est de favoriser letriomphe de la pensée rationnelle sur lespassions, sur le corps.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

L’Allégorie de la Caverne de Platon

(par Rober Tremblay: http://www.cvm.qc.ca/encephi )

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le monde sensible (humain et

naturel)

Le monde intelligible (les

principes scientifiques et les

Idées pures)

Les éléments et les

étapes qu'on retrouve

dans le mythe de la

Caverne

Les ombres sur le

mur du fond

Les objets

artificiels reflétés

par les ombres

Les objets du

monde naturel, la

lumière du jour

Le Soleil

Les 4 degrés

de la connaissance

auxquels

correspondent les

étapes du Mythe

Degré 1

Connaissance

sensorielle

Degré 2

Opinions,

croyances,

préjugés, savoirs

du sens commun

Degré 3

Connaissance

scientifique :

mathématique,

physique, musique

Degré 4

Vérité et

connaissance

purement

intellectuelle: la

philosophie

Nature des objets sur

lesquels porte la

connaissance

Les apparences,

les phénomènes

sans consistance.

Ces phénomènes

varient

constamment

Les objets

matériels

Les phénomènes

scientifiques: les

lois, les principes,

les causes

Les Idées, le

divin.

Ces

phénomènes

sont soustraits

au changement

La cause des

phénomènes

Le degré 2 est la

cause du degré 1

Le degré 4 est

la cause du

degré 3

Nature de

l'apprentissage

Rupture, douleur

et conversion du

regard

Rupture, douleur

et conversion du

regard

Rupture,

douleur et

conversion du

regard

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le mythe de la caverne et son actualité en éducation

Nécessité de convertir le regard.

La connaissance conduit à la transformation de la vie intérieure.

Difficulté à contempler la lumière de la connaissance.

La marche vers la connaissance est aride, difficile, douloureuse.

Méprise sur les apparences que l’on tient pour des vérités.

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Complément 1 : La rhétorique

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

1. Définition (s) et buts

Rhétorique

Faire

comprendre

croire

agir

Manipulation par un discours

vain

L’art du discours bene dicendi

scientia(Quintilien II, 15, 34)

L’art de bien parler(Dico Robert

L’’enseignement de l’art du discours

(techniques et multiples discours)

Le savoir pour le pouvoir

(Cf. Aristote : Théorie du discours persuasif)

Persuader

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

1. Définition (s) et buts”La rhétorique est utile, parce que le vrai et le juste ayant uneplus grande force naturelle que leurs contraires, si l’on rend desjugements autrement qu’il ne convenait, c’est par les fautes deceux qui ont pris la parole."

“Et, même si nous possédions la science totale, il y a des gensque nous n’arriverions pas à persuader, car le discoursscientifique n’emporte pas, de soi, l’adhésion...”

“La rhétorique est la faculté de découvrir par l’intelligence cequi, dans chaque cas, peut être propre à persuader. Aucuneautre technique, ni aucune autre science n’a cette fonction ; elleest bien la faculté de découvrir par l’esprit ce qui, sur toutedonnée, peut persuader.”

Cf. Aristote

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

1. Définition (s) et buts

BUT MOYEN EFFETS

Plaire

Toucher

Instruire

Variations

Convenance

Railleries

Preuves

Persuader

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2. Les genres d’éloquence

DÉLIBÉRATIF

DÉMONSTRATIF

Épidictique-apparat-

panégyriqueÉloge et blame

JUDICIAIRE

- L’honorable et le laid

- Le bien et le mal

Sur le vrai

et le faux

Sur l’opportun

et l’inopportun

Lieu : le BONHEUR

Lieu : la VERTU

Lieu :le PLAISIR

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

3. Les cinq parties de l’art oratoire

Préparé par Alain Bihan

5. PRONONCIATIO / ACTION (Hypocrisis : équivalence à

l’interpréation ou à la performance)

1. INVENTIO(sujets, preuves, arguments, lieux, techniques de

persuasion et d’amplification, logique ...)

2. ÉLOCUTIO(cf. Le style (noble, simple, tempéré) avec la composition (choix des termes) et figures)

3. DISPOSIO(taxis : avec la PROPOSITION et la DIVISION)

4. MÉMORIA(utile pour l’interprétation du discours)

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

4. Les parties du discours (dispositio)

5. PÉRORAISON (épilogos)

1. EXORDE (prooimiom)

2. NARRATIO (diégèsis - logos)

3. CONFIRMATION (pistis)

4. RÉFUTATION

DISPOSIO

(avec la PROPOSITION et la DIVISION)

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5. Les qualités et vices de style

Préparé par Alain Bihan

VERTUS Clarté et ornements

VICES

Abondance – Je ne sais quoiBrièveté – Naturel

Convenant – PlaisantCorrection ou Pureté –

PlénitudeDignité – Poli

Élégance – PropriétéEmphase – Sel

Énergie – UrbanitéEnjouement – VariétéÉvidence – Véhémence

Grave – VénustéIngéniosité

Affecté – LanguissantCacophonie – ObsèneCorrompu – Obscurité

Enflure – RelâchéÉquivoque – Sécheresse

Froideur – VideGalimatias – Vulgaire

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6. Les niveaux et les genres de style

Le meilleur style estcelui qui s’adapte ausujet !

Style But Preuve

Péroraison (passion) digressions

Noble (voix) grave

Simple (voix ténue)

Agréable (voix médium)

émouvoir

Expliquer

Plaire

Pathos(passion)

Logos

Éthos

Narration, confirmation, récapitulation

Moment du discours

Exorde, digression

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C.)

356-323: trente-trois ans. C'est la durée de la vie d'Alexandre, fils de Philippe II de Macédoine et d'Olympias d'Epire. Pendant ce bref laps de temps, Alexandre achève de soumettre la Grèce, conquiert l'immense Empire Perse et se prépare à l'agrandir du côté de la péninsule arabique. À sa mort, l'unité de la conquête est brisée et bien des territoires échappent à ses successeurs. Mais l'éphémère n'est pas le dernier mot du destin : l'histoire d'Alexandre, au contraire, ne fait que commencer.

Alexandre jugeait avec raison qu'il est plus digne d'un roi de se vaincre lui-même que de vaincre les ennemis

Complément 2

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

En se proclamant lui-même dieu, Alexandreavait créé un précédent dont, jusqu'auxempereurs romains, tous ses successeurss'inspirèrent. Les conquêtes d'Alexandre ontfavorisé la naissance de la pensée occidentaletelle que nous la connaissons aujourd'hui.C'est à travers la société hellénistique quel'art, la littérature et la philosophie grecqueont été transmis aux Romains et, par la suite,à l'ensemble de l'Europe. Enfin, en créant unEmpire unifié qui a aboli, pour un temps,toute notion de frontière nationale ou deculte local, Alexandre a permis une nouvelleperception de la civilisation à l'échelle dumonde. W.W. Tarn traduira en ces termes:"Alexandre a inspiré à Zénon la vision d'unmonde dans lequel tous les hommes seraientles citoyens d'un État unique, sansdistinction de race ou d'institutions,assujettis seulement, et en harmonie avecelle, a la loi commune de l'Univers."

Mosaïque représentant Alexandre à la bataille d’Issos (Musée Archéologique de Naples)

©Maurice TARDIF en collaboration avec Alain BIHAN

Le règne d’Alexandre le Grand : Les conquêtes Itinéraire suivi par Alexandre au cours de ses

campagnes

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Les conquêtes : L'empire d'Alexandre et son partage

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