LES GRANDS SUJETS

Collection dirigée par

C l a u d e G L A Y M A N

Dans la même collection

Claude BOURDET : L'Aventure incertaine : de la Résistance à la Restauration.

Jean-François KAHN : Chacun son tour.

Jean DUVIGNAUD : La Planète des jeunes. Georges HOURDIN : Le Malheur innocent. Rolf LIEBERMANN : Actes et entractes. Paul NOIROT : La Mémoire ouverte.

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Paul BERNETEL : Les Enfants de Soweto. L'Afrique du Sud en question.

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nistes aux portes du pouvoir ? Préface de Jean Elleinstein.

Giuseppe BOFFA et Gilles MARTINET : Dialogue sur le sta- linisme.

A paraître

Pierre SCHNEIDER : L'Anti-musée. Etc.

LE VILLAGE À L'HEURE DE LA TÉLÉ

Jean-Pierre Corbeau

Le village à l ' heure de la télé

Avec la collaboration de Martine Bréard, de Dan Franck

et des gens du village

Stock

Tous droits réservés pour tous pays.

© 1978, Editions Stock

A Liliane

et à toute notre famille.

« J'ai appris par le corps et l'émotion et non seulement par la raison. »

Georges BALANDIER (Histoire d'autres).

Au lecteur

La télévision a changé notre vie. Elle a provoqué des réactions que nos grands-parents ne compren- draient pas, créé des habitudes dont nos enfants sont d'ores et déjà marqués. Nous voulions analyser ces changements (qui, à ce jour, n'ont jamais été observés) en enquêtant sur un terrain propice. Nous avons donc choisi un petit village, la campagne restant le nid de chacun d'entre nous : là, en effet, se trou- vent nos racines, là allons-nous souvent, en quête d'une nature que la ville a détruite.

Tauxigny répondait à nos voeux : ce bourg rural de l'Indre-et-Loire situé à 26 km de Tours nous sem- blait symboliser les 36 000 communes de France.

Partis de la vie quotidienne des Tauxignois (ils sont moins d'un millier), nous avons tenu compte de leur histoire et de leur environnement géographi- que. Notre enquête s'est déroulée sur deux années, de 1975 à 1977. Nous avons vécu avec les villa-

geois, participé à leurs activités et à leurs fêtes, interrogé plusieurs centaines de personnes. Ensuite, il a fallu transcrire et interpréter les quelque soixante heures d'enregistrement qui constituent, en plus de

notre observation sur le terrain et de textes libres donnés par des écoliers, le matériel de ce livre.

Si les noms géographiques et ceux de la majorité des notables cités ont été respectés, nous avons éli- miné, conformément à l'usage, tout ce qui aurait permis d'identifier nos interlocuteurs.

En tout cas, plus d'un d'entre nous se retrouvera dans les témoignages et les réactions des Tauxignois : leur langage est un peu le nôtre.

JEAN-PIERRE CORBEAU — Septembre 1977.

1

L'amphithéâtre

Au premier abord, Tauxigny ne se différencie guère de tous les petits villages que l'on peut traverser ou visiter en France. Son aspect traditionnel lui vient de son monument mortuaire élevé à la gloire des en- fants de la commune (héros de la patrie), de son lavoir, de ses nombreuses fontaines qui dispensent leur eau au hasard des places et des sentes, de sa zone marécageuse extérieure au hameau et réservée au stationnement des nomades. Enfin, et surtout, le bourg doit son image typique de village tourangeau à ses maisons aux toits d'ardoises ou de tuiles, qui dressent leurs murs crayeux à flanc de coteau.

Pourtant, l'endroit n'est pas si traditionnel qu'il y paraît. L'occupation des sols ne correspond nulle- ment à celle imaginée au travers des livres de classe : ici, elle est concentrique par rapport à la grand-place. Tauxigny est construit comme un amphithéâtre.

Le pont qui franchit la rivière communale (l'Echandon) permet d'accéder au village. Juste après, se trouve la scène proprement dite, la place la plus importante de la bourgade, occupée au nord par la mairie, au sud par l'église. Celle-ci, avec son clo-

cher à flèche hexagonale, prend appui sur un carré bordé à ses quatre angles par des petits clochetons quasi cubiques. L'église, paraît-il, ne possède qu'une homologue en France ; à ce titre, elle provoque l'or- gueil de la commune.

Les deux édifices, l'un laïque, l'autre clérical, symbolisent les querelles et les tensions qui ont mar- qué le petit village depuis la Révolution française. Ce face-à-face immobile se déroule sous le regard médiateur du plus grand café communal qui est aussi un lieu de consensus — artificiel ou non. A

partir de cette place, point focal de la vie quoti- dienne, deux rues divergentes grimpent jusqu'au pla- teau, ouvrant l'accès aux habitations qui se déploient en éventail vers l'est. Les rues sont comme des tra-

vées, les maisons comme des gradins ; les Tauxi- gnois observent et participent de l'amphithéâtre vil- lageois aux jeux et aux drames collectifs.

Tauxigny frappe par sa dissymétrie morphologi- que : la construction du bourg s'évase au fur et à mesure que l'on progresse vers le haut du coteau, et les deux plateaux formés par le territoire de la commune sont partagés en leur point de rencontre par l'Echandon. Naguère, on pêchait ici l'écrevisse. Aujourd'hui, seules quelques anguilles, abondantes au moment des crues, permettent au cours d'eau de soutenir sa réputation de rivière poissonneuse.

De part et d'autre de l'Echandon, les sols sont de natures différentes. Le versant occidental de la vallée.

relativement rectiligne, monte doucement vers le pla- teau des Lisardières, alors que son versant oriental (où fut construit le bourg) grimpe rapidement vers le plateau de Beauvais. La différence présentée par ces deux plateaux est importante ; elle conditionne

ANNEXE 2

Données agricoles

Données statistiques fournies par la Direction départemen- tale de l'agriculture, d'après le Recensement général de 1971

Nombre d'exploitations agricoles à Tauxigny : 104. Surface agricole utilisée : 2 990 ha. Surface agricole utile : 3 081 ha. Terres labourables : 2 689 ha.

Superficie toujours en herbe : 261 ha. Superficie de vignes : 35 ha. Superficie de vergers : 0. Nombre de salariés permanents : 11 ; nombre de

tracteurs : 104.

Nombre de bovins : 587 ; — — ovins : 172 ; — — porcins : 702.

Exploitations selon la taille de S.A. utilisée en ha

1 ha : 17 ; 1 à 5 ha : 10 ; 5 à 10 ha : 6 ; 10 à 20 ha : 10 ; 20 à 50 ha : 40 + 50 ha : 21.

Sur 104 exploitants agricoles (chefs d'exploita- tion) : 79 travaillent à plein temps, soit 75 % ; 9 di-

sent avoir une activité extérieure principale, soit 8,6 %, et 24 disent avoir une activité secondaire, soit 23 %.

Surface agricole en faire-valoir direct : 1 570 ha (S.A. utile).

Surface agricole utile en fermage : 1 511 ha (il n'y a pas de métayage).

Sources : statistiques de la D.D.A. Tours, R.G.A., 1971.

Nb de vaches laitières à Tauxigny : 332 sur 47 expl. vaches reproductrices : 3 1

veaux d'élevage (— 1 an) : 84 — 26 — mâles de 1 à 2 ans : 16 7

— — femelles de 1 à 2 ans : 56 — 24 —

Total des bovins : 587 sur 51 exploitations

Poules pondeuses : 7 298 sur 88 exploitations — chair : 10 945 — 72 —

Canards : 3 374 — 42

Blé tendre : 502 ha sur 65 exploitations Blé dur ; 115 — —11 Orge : 881 75 — Avoine : 114 — — 52 — Maïs : 530 35 —

Total céréales : 2 170 — — 81

Semences : 74 4

Colza : 67 14 T abac : 2 4

Total de cultures industrielles : 69 18

Pommes de terre : 7 70 — Prairies artificielles : 151 66 —

Prairies temporaires : 23 12 —

Total des plantes sarclées fourragères : 90 70 — Total des cultures

fourragères : 241 71 — Jachère : 112 — — 37 —

ANNEXE 3

O r i g i n e des p r o p r i é t a i r e s

des t e r r e s t a u x i g n o i s e s

(d'après l'étude du cadastre)

— 66,7 % de la superficie appar t iennent aux Tauxi-

gnois eux-mêmes.

— 8,1 % appar t iennent à certaines personnes domici- liées à Tours ou dans sa banl ieue immédiate .

Signalons que ces propriétés ont peu de superfi-

cie : de quelques ares à quelques hectares. P a r m i

ces 8,1 % , seuls 5 propriétaires possèdent de

19 à 43 ha. L a p lupar t dét iennent ces terres

pa r héri tage (cette aff i rmation n'est pas le fruit

d 'un calcul r igoureux ; le dépoui l lement de

chaque fiche du cadastre, une connaissance plus

approfondie des familles tauxignoises nous révé-

laient souvent un lien de parenté entre ces pro-

priétés et les propriétaires tourangeaux) .

— 17,3 % de la superficie appar t iennent aux habi-

tants des communes limitrophes. Il nous fut im-

possible de vérifier quel était le nombre exact des

hectares possédés p a r les Tauxignois à l 'extérieur de la commune.

— 1,5 % appart ient à certaines personnes domici- liées à Paris ou dans sa banl ieue (souvent en

relat ion de parenté avec une famille de Tauxi-

gny).

— 3.1 % appar t iennent aux Lochois.

— 3,3 % appar t iennent à divers propriétaires dis-

persés dans plusieurs dépar tements .

ANNEXE 4

Préférences T.V.

à partir des propos tenus par les interviewés

Ces pourcentages sont issus des entretiens ainsi que des réponses obtenues dans les textes libres demandés aux adolescents. La taille réduite de cet

échantillon fait qu'ils ne peuvent être retenus qu'à titre indicatif. Ils ne présentent aucun critère statis- tique qui puisse les définir comme représentatifs de la population globale. Toutefois, ils confirment quan- titativement ce qui émergeait dans les discours non directifs.

A titre indicatif, nous portons à la connaissance du lecteur les résultats d'un sondage réalisé pour le compte de La Nouvelle République en avril 1972. Certes, ces chiffres ne sont pas récents mais ils pré- sentent l'avantage de concerner la région qui nous occupe ; en outre, la clientèle de ce quotidien compte une forte proportion de ruraux.

L'enquête portait sur 3 000 lecteurs du quotidien La Nouvelle République.

1. Il était demandé de classer les émissions de 1 à 5. Après totalisation des réponses l'émission classée première est celle qui a obtenu le plus petit nombre de points.

ANNEXE 5

Familles : souche indivise et conjugale

1. La famille indivise

Elle est aussi nommée « famille patriarcale », « famille jointe » ou « famille étendue ». Elle réunit deux grands-parents, leurs enfants mariés, qui ont eu des enfants et, éventuellement, les enfants de ces derniers.

Ces gens vivent ensemble, sous un même toit. Le groupe familial se révèle donc important (envi- ron une vingtaine de personnes). On pourrait penser que la disparition des grands-parents affecterait le groupe. En effet, à leur mort, chaque branche risque de prendre son indépendance pour recréer, avec une génération de moins, la même structure. En fait, il n'en est rien, le frère aîné étant considéré à partir de ce moment-là comme le chef de la famille, comme le patriarche.

Généralement, la famille indivise possède un bien, le « patrimoine », qui est la base économique de la famille. La possession et la gestion de ce bien sont confiées au pater familias.

Si l'on supprime le patrimoine, normalement la

famille indivise éclate, n'ayant plus, alors, d'unité de production.

Dans ce type de famille, le patriarche est le seul détenteur de l'autorité. Tous les adultes, qui se trou- vent au-dessous de lui, quels que soient leurs liens de sang et leurs positions respectives par rapport au pater familias, n'ont aucune autorité. Les enfants sont donc éduqués par les grands-parents et par la collectivité familiale. Celle-ci prend en charge les maladies, protège les enfants des dangers extérieurs et assure les distractions. Son autarcie peut donc, à la limite, être totale.

2. La famille souche

La famille souche se caractérise par la présence de plusieurs générations sous le même toit, généralement trois ou quatre, mais avec un seul couple par géné- ration : les enfants mariés partent et ne coha- bitent alors avec le couple que les descendants céli- bataires.

La famille souche, comme la famille indivise, pos- sède un patrimoine confié au grand-père. Toutefois, les rapports affectifs jouent en son sein un rôle très important. Comme il n'existe qu'un seul couple par génération, la multiplicité des rôles est moindre et certaines positions s'affirment ambiguës, comme celle du père — enfant par rapport au grand-père — etc. La structure de la famille souche constitue un inter- médiaire entre la famille indivise et la famille conju- gale. Les tensions peuvent exister, tels les conflits d'autorité entre grands-parents et parents sur les en- fants ; les conflits d'ordre économique entre le grand-

père, possesseur du patrimoine, et le père qui assure l'essentiel du travail ; entre la grande-mère, qui estime qu'elle doit gérer la maison, et la bru, etc.

3. La famille conjugale

On la nomme aussi « famille nucléaire ». Elle

réunit dans un même foyer le père, la mère et les enfants non mariés. Elle fut valorisée dans notre

société par l'urbanisation et l'industrialisation qui créaient des emplois extérieurs au groupe familial ini- tial.

Dans la famille conjugale, le patrimoine n'a guère d'importance : c'est le revenu du travail d'un des parents ou des deux, qui assure la subsistance économique de ce groupe. A l'inverse de la famille indivise, ce patrimoine ne constitue pas une unité de consommation.

Les rapports en son sein sont essentiellement affec- tifs. L'éducation des enfants est partiellement assurée par des institutions extérieures à la famille (école, etc.) dans la mesure, d'une part, où les parents sont éloignés du foyer par leur travail et, de l'autre, où les enfants n'apprennent pas nécessairement le même métier que celui de leurs parents.

Liste des sigles principaux concernant le monde

agricole

C.E.T.A. : Centre d'études techniques agricoles. C.N.C.A. Caisse nationale du crédit agricole. C.N.J.A. : Centre national des jeunes agricul-

teurs. C.O.D.E.R. : Commission de développement éco-

nomique régional. C.U.M.A. : Coopérative d'utilisation du matériel

agricole. D.A.T.A.R. : Délégation à l'aménagement du ter-

ritoire et à l'action régionale. D.D.A. : Direction départementale de l'agri-

culture (ministère de l'Agriculture). F.D.S.E.A. : Fédération départementale des syn-

dicats d'exploitants agricoles (ratta- chée à la F.F.A.).

F.F.A. : Fédération française de l'agricul- ture.

F.N.S.E.A. : Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles.

F.O.R.M.A. : Fonds d'orientation et de régulation des marchés agricoles.

G.A.E.C. : Groupements agricoles d'exploita- tion en commun.

I.N.R.A. : Institut national de la recherche agronomique.

J.A.C. : Jeunesse agricole chrétienne. M.O.D.E.F. : Mouvement d'organisation et de dé-

fense des exploitants familiaux. M.R.J.C. : Mouvement rural de la jeunesse

chrétienne.

P.O.S. : Plan d'occupation des sols. S.A.F.E.R. : Société d'aménagement foncier et

d'établissement rural.

S.I.C.A. : Société d'intérêts collectifs agrico- les.

ACHEVÉ D'IMPRIMER LE 2 0 JANVIER 1 9 7 8

SUR LES PRESSES DE L ' IMPRIMERIE AUBIN

A LIGUGÉ

POUR LE COMPTE DES ÉDITIONS STOCK

14, RUE DE L'ANCIENNE-COMÉDIE

PARIS- 6

Imprimé en France - Dépôt légal : 1 trimestre 1978 N° d'imprimeur : L 10292 — N° d'éditeur : 3547

54.14.2046.01 — ISBN 2.234.00368.7