les freins à l'emploi

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CARNET DE VOYAGE PERSONNALISÉ LES FREINS À L’EMPLOI LES CARNETS DU PR ZOULOUCK VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME DE SES DIFFICULTÉS ! COMPTE- RENDU D’ENQUÊTE

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Outil conçu à partir d'une enquête de terrain menée auprès de 31 travailleurs sociaux et 15 allocataires du RSA, autour de ce qui fait obstacle au retour à l'emploi.

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Page 1: Les freins à l'emploi

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Les freins à L’empLoi

Les CArneTsDU pr ZoULoUCK

VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME

DE SES DIFFICULTÉS !

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Page 2: Les freins à l'emploi

FICHE SIGNALÉTIQUE

SITUATION SOCIALE ET FAMILIALE

Nom : Zoulouck

Date de naissance : le 3 août 1965 à Kuglofsheim

dans le Bas-Rhin (67)

N° de sécurité sociale : 1 65 08 67 091 509 013

Situation de famille : marié, 5 enfants

Profession revendiquée: Enquêteur International

Profession réelle : Enquêteur Départemental

Ponctualité : ça dépend du vent...

MORPHOLOGIE, INTELLIGENCE

Q.I. : 98

Taille : 1m 75

Poids de forme : 65 kilos

Poids actuel : 77 kilos

Envergure : 1m 40

SIGNES PHYSIQUES PARTICULIERS

Porte une crête d’origine inconnue sur la tête.

Par ailleurs, vole comme un manche ce qui

explique qu’il se déplace en montgolfière.

CARACTÉRISTIQUES PSYCHOLOGIQUES

Prétentieux, péremptoire, donneur de leçons,

soupe au lait, caractériel, susceptible, voire

un brin mythomane (il se fait appeler Professeur

alors qu’il a loupé tous ses diplômes).

Hypersensible, côté inadapté très développé.

A bon fond cependant, et cherche à progresser.

� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 3: Les freins à l'emploi

Présentation du carnet

ce carnet est composé de 4 parties. nous commençons par rappeler le contexte dans lequel l’action s’est inscrite ainsi que la démarche employée. dans un deuxième temps, nous présentons les résultats de cette enquête (menée auprès de 30 professionnelles et 15 allocataires du rsa) en observant ce qui ressort de leurs points de vue respectifs. nous proposons ensuite quelques pistes de réflexion pour tenter d’améliorer certaines questions sensibles soulevées lors de la phase d’enquête. Pour finir, nous illustrons notre propos par un exemple, celui du Professeur Zoulouck !

1) Avant-proposobjectifsBref historiquedémarche employéereprésentation artistiquecontenu du dVdremerciements

2) Ce qui ressort de l’enquête sur les freins à l’emploice qui ressort des entretiens faits avec les professionnellesce qui ressort des entretiens faits avec les allocatairesconclusion

3) Illustration par un exemple : ZoulouckLes principaux freins identifiés chez Zoulouck son frein moteurJeu

4) D’autres choses à rajouter ?Cette dernière partie vous est destinée si le coeur vous en dit !

L’éditeur

Les CArneTsDU pr ZoULoUCK

Page 4: Les freins à l'emploi

Avant-proposobjectifsL’objectif de ce projet est de créer des ressources

innovantes sur la question des freins à l’emploi à

partir d’une enquête de terrain conséquente réalisée

auprès de professionnels et d’allocataires du RSA.

Ces ressources s’adressent en priorité aux travailleurs

sociaux qui accompagnent ces personnes vers le

retour à l’emploi. Elles doivent donc être accessibles,

dynamiques et adaptées, de manière à permettre aux

professionnels qui le désirent de se les approprier

facilement.

Bref historiqueDémarrage un peu poussif

Entre l’écriture du projet et le démarrage réel de

l’action (Juin 2011), il s’est écoulé plus de 6 mois. Au

départ, plusieurs U.T.P.A.S. avaient été contactées,

mais seules deux d’entre elles ont finalement donné

leur accord : celle de Fives et celle de Mons/Marcq. Et

encore, pour cette dernière, les choses étaient loin

d’être acquises lors de la présentation à l’équipe. En

effet, quand nous avons présenté le projet ce matin-

là, les assistantes sociales présentes étaient fort ré-

servées (pour ne pas dire plus...) quant à l’intérêt de

cette action.

C’est après avoir vu le petit film et écouté les chan-

sons réalisées dans le cadre d’un projet mené à Rou-

baix autour du malaise adolescent qu’elles se sont

décidées soudainement : « Avant, on était dans le

bla-bla, tandis qu’après le film et les chansons, on a

vu ce que ça donnerait, on était dans le concret, on

pouvait se projeter », une assistante sociale. C’est

donc bien à partir de cet instant que les profes-

sionnelles présentes ont pu imaginer les contours

de l’action ainsi que les éventuels bénéfices qu’elles

pourraient en tirer (en termes de réflexion sur leurs

pratiques et sur leurs représentations...).

Mais une fois cet intérêt manifesté, elles n’ont pas

fait les choses à moitié puisque les 15 profession-

nelles de Mons/Marcq présentes ont en effet toutes

souhaité être rencontrées individuellement pour par-

ticiper à l’élaboration du diagnostic partagé autour

de la question des freins à l’emploi.

Du côté de Lille-Fives, nous avons eu la chance

d’avoir comme interlocutrice une chef de service qui

connaissait notre association et était de ce fait déjà

convaincue par notre approche. Elle a donc eu plus

de facilités à convaincre son équipe.

Au final, nous avons rencontré 26 professionnel-

les, 15 sur Mons/Marcq, 11 sur Lille-Fives. Sur ces 26

professionnelles, 9 ont été rencontrées par petits

groupe (2 ou 3) et 17 dans un cadre individuel. Les

entretiens individuels ont duré en moyenne 1 h et les

temps collectifs entre 1 h 30 et 3 h.

Nous avons également rencontré à plusieurs re-

prises des personnes représentant l’Institution

(Conseil Général du Nord) pour leur faire part de

l’avancée de ce travail d’enquête et de création.

A chaque point d’étape, celles-ci ont manifesté un

grand intérêt et une forte implication.

ça en fait des bellesrencontres tout ça !

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Page 5: Les freins à l'emploi

pHAse 1 : L’enquêteLa rencontre avec les professionnelles

Dans l’élaboration de cet outil, nous avons d’abord

rencontré les professionnelles dans un cadre indi-

viduel si possible pour leur permettre de dire tout

ce qu’elles pensent sur le sujet, sans tabou ni peur

du jugement des autres. Cette façon de faire a per-

mis de lever des craintes, de créer un climat de

confiance entre l’intervenant et les professionnelles

et cela a par conséquent facilité l’émergence d’une

parole libre et sincère. A chaque étape, nous avons

proposé une restitution de manière à ce que cha-

cun puisse valider nos propositions et vérifier que

sa parole n’avait pas été déformée ni sortie de son

contexte. C’est l’ensemble du processus qui crée la

confiance.

Une fois les professionnelles rencontrées, ce sont

elles qui nous ont ensuite servi de relais pour rencon-

trer le public. Nous partons en effet du principe que

si elles ne sont pas elles-mêmes convaincues du bien-

fondé de l’action, il n’y a aucune chance pour qu’elles

puissent convaincre le public de son intérêt.

La rencontre avec les allocataires

Suite à ces premiers entretiens, 15 allocataires ont

donc été contactés (2 hommes, 13 femmes) : 5 sur

le territoire de Mons/Marcq, et 10 sur celui de Lille-Fi-

ves. Le contact avec ces personnes a été très bon.

Nous avons vu en moyenne chaque personne 3 fois.

A l’issue de ces entretiens, 13 personnes sur 15 se

sont vues remettre un livret personnalisé sur lequel

elles ont pu apposer leur empreinte. Le temps moyen

passé par personne a été de 12 h. Pour réaliser un

livret, il faut au minimum 3 rencontres.

- Une première au cours de laquelle la personne ra-

conte son parcours de vie (durée 1 h 30).

- Une deuxième où nous lui restituons sa parole mais

en ayant reconstitué les éléments de son histoire.

Lors de ce deuxième entretien, la personne valide

nos propositions et souvent, parce qu’elle est mise

en confiance, ajoute de nouveaux éléments encore

plus personnels (1 h 30).

- Lors de la troisième rencontre, nous lui remettons un li-

vret individuel d’une douzaine de pages (tel que celui-ci)

qu’elle valide là encore (1 h). Ce livret lui appartient dé-

sormais, il n’est pas destiné à être rendu public mais

elle peut le partager si elle le souhaite.

Démarche employée

Mme...

Il était une fois...

DT Lille- Fives Juin 2011

/ AssociationLaisse Ton Empreinte

Intervieweur > Luc ScheiblingAuteurs > Sabrina et LucIllustrations > Etienne Appert

© Laisse Ton Empreinte/Luc ScheiblingTous droits de l'éditeur et du propriétaire de l'oeuvre réservés. Sauf autorisation, la duplication ou le prêt de cette oeuvre sont interdits.

D'abord une première rencontre au cours de laquelle la personne se raconte et dit des choses importantes de son parcours, de son histoire...

Quelques jours plus tard, un second entretien a lieu au cours duquel on lui restitue ce qu'il nous a dit, mais en le structurant, en y apportant parfois notre regard, notre angle de vue. Au cours de cette seconde rencontre, la personne valide notre proposition et donne son accord pour que cet écrit soit mis dans son livret.

Lors de la troisième rencontre, nous remettons son livret à la personne. Ensuite, en fonction du désir de chacun, ce livret voyage au sein de la famille, de l'entourage...

Cette expérience courte dans le temps (trois rencontres maximum) produit parfois des effets étonnants en terme de prise de conscience, de changement de regard réciproque...

3

L'indépendance, c'est la clé !

Etre indépendant ! C’est ça la clé !On peut réussir, mais pour ça il ne faut pas dépendre d’un homme. Quand on bosse, on gère son propre stress et quand on vit à deux, on a chacun le sien. Ce qui ne va pas par contre, c’est quand le mari qui travaille communique tout son stress à sa femme et se croit tout permis sous prétexte qu’elle dépend de lui. Les reproches, les remarques négatives, la culpabilité, tout ça c’est du poison !

Je viens d’une autre ville, là-bas il n’y avait pas de travail, pas de perspectives.J’y ai laissé ma vie ancienne pour venir construire mon avenir ici, à Lille, dans le quartier de Fives. C’est ici que j’ai trouvé du boulot. Je travaille comme agent d’entretien dans une halte-garderie. Grâce au cumul de mon CAE et de mon RSA, j’arrive à 1000 euros. J’ai suivi le même chemin que ma mère en fin de compte. Ce n’est pas parce qu’on est seule avec deux gosses, qu’on ne peut pas s’en sortir. Ce sont des croyances tout ça, des racontars.

Comment j’ai trouvé du boulot ? C’est tout simple en fait, c’est grâce au bénévolat. D’ailleurs c’est le genre de message que j’ai envie de faire passer à d’autres bénéficiaires. Les gens pour qu’ils nous embauchent, il faut qu’ils nous connaissent, il faut qu’ils sachent à qui ils ont affaire, il faut qu’ils aient confiance. Et pour ça le bénévolat c’est bien. Etc, etc...

2

MON EMPREINTE

Photo

MÉT

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LOG

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Page 6: Les freins à l'emploi

phase 2 : représentation artistique

A l’issue de la première phase qui nous a permis de

construire un diagnostic partagé avec les profession-

nelles et les allocataires, nous avons proposé aux

personnes volontaires de participer avec nous à l’éla-

boration de la phase deux, celle de la représentation

artistique. A cette étape, nous enregistrons des ex-

traits de témoignages, prenons des photos, construi-

sons le scénario de l’histoire de manière à construire

un propos clair, accessible et si possible attrayant.

Car notre objectif est double : il s’agit de faire en sor-

te que celles et ceux qui y ont participé s’y retrouvent

mais aussi que cela puisse parler à d’autres profes-

sionnels, d’autres allocataires qui n’ont pas participé

au projet.

La représenter

Pour pouvoir le faire, nous avons besoin d’un narra-

teur qui mette en perspective les différents messa-

ges de manière à produire un discours accessible. Le

ton employé doit être léger, distancié pour contreba-

lancer la sensibilité de certains sujets et procurer les

respirations nécessaires. C’est ici que Zoulouck, notre

passeur rentre en piste !

Toujours dans un processus de restitutions/valida-

tions successives, nous élaborons le scénario. A

chaque étape, nous soumettons aux professionnels

et allocataires volontaires nos propositions qu’ils

valident et complètent éventuellement. Nous avons

ainsi réuni trois fois (en novembre 2011, février et mai

2012) des professionnelles, des personnes représen-

tant l’Institution et des usagers pour leur présenter

l’avancée du film d’animation avec Zoulouck. Ces pro-

jections collectives ont été en outre l’occasion pour

les allocataires et les professionnelles d’échanger, de

confronter leurs points de vue de façon fructueuse,

et même de lever certains malentendus.

Quelques mots sur Zoulouck

Ah Zoulouck, que ferions-nous sans lui ? C’est notre

enquêteur fétiche, notre mascotte, notre... Arrêtons-

nous là car il est très prétentieux et ça pourrait lui

monter à la tête ! En tout cas, son côté tête à claques

fait mouche auprès du public. Sans doute parce qu’il

représente la posture du donneur de leçons, très

fort pour pointer les dysfonctionnements des autres,

mais beaucoup moins quand il s’agit de reconnaître

les siens... Zoulouck est donc très important mine de

rien, car il nous permet de dédramatiser, de mettre

de la distance sur certains sujets sensibles difficiles à

aborder frontalement. En clair, il permet de vulgariser

un discours et des notions qui en général relèvent de

l’écrit.

tête à claques toi-même !

� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 7: Les freins à l'emploi

Contenu dU DVD

L’histoire1) L’introduction. Le professeur Zoulouck se fait interpe-ler par Roger Baldeck son voisin, allo-cataire du RSA. Celui-ci lui demande de le remplacer pour une convocation à l’U.T.P.A.S. de Mons en Fivois. Il ne supporte pas ce genre d’endroit et en-core moins d’être convoqué car ça lui rappelle de mauvais souvenirs (période de collège...). Par dessus le marché, son assistante sociale de référence est absente et c’est une autre qui la rempla-ce, une soi-disant Mme Létourneau et ça Baldeck le supporte très mal... Zou-louck après quelques hésitations finit par accepter la proposition de Baldeck d’autant plus qu’il lui est redevable...

2) Dialogue Zoulouck/LétourneauZoulouck rencontre Marie Létourneau qui ne s’aperçoit pas du subterfuge (vu qu’elle ne connaît pas Roger Baldeck).

Ensemble, ils font le point sur sa situation de demandeur d’emploi et abordent un certain nombre de questions sensibles qui se posent dans la relation allocatai-re / travailleur social, reprenant en cela les éléments importants qui sont ressor-tis de notre enquête. Soudain Marie se rend compte que Zoulouck lui a menti. S’ensuit une grosse colère qui finit par déboucher sur des aveux sincères de Zoulouck mais aussi de Marie. La vraie rencontre qui permet de lever certains blocages et malentendus a enfin lieu... Cerise sur le gâteau, à l’issue de cet entretien, Marie Létourneau trouve les mots pour convaincre Roger Baldeck (le vrai !) de se rendre à l’U.T.

3) La soufflante de RoncevalDans cette partie, Zoulouck a rendez-vous avec le Docteur Ronceval, son employeur et mentor qui lui passe une

sérieuse soufflante. Le Doc vient en effet d’avoir eu vent de son usurpa-tion d’identité par Irène Chassagnou, une amie de sa femme, qui se trouve être par ailleurs la Directrice des U.T. du Nord. Ceci-dit, au vu des premiers retours de Baldeck et de Mme Létour-neau, il apparaît à nos décideurs qu’il ne serait peut-être pas inutile que Zou-louck poursuive cette enquête...

4) Témoignages des acteursZoulouck revient vers son employeur après avoir mené son enquête auprès de 15 allocataires et 26 professionnel-les de terrain. Il lui montre des extraits de différents témoignages assez repré-sentatifs et souvent émouvants qui in-terpèlent et donnent à réfléchir sur cette fameuse question des freins à l’emploi, mais plus largement aussi sur la relation des travailleurs sociaux avec le public.

Les CArneTsDU pr ZoULoUCK

Les freins à L’empLoi

Durée : 32’50’’

VOUS SAVEZ MADAME, C’EST PAS FACILE D’ÊTRE RÉDUIT À LA SOMME DE SES DIFFICULTÉS !

MÉT

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Page 8: Les freins à l'emploi

remerciementsAux allocataires Un merci tout particulier pour leur participation et leur implication tout au long du projet à Sabrina Kébabla, Muriel Lenormand, Hakima Berdeg, Hélène Bouquillon, Rachida Errachidi, dominique Vivier, sylvie Masselot, nora Bienaimée, thierry Le Pennec.Merci aussi à Kathleen, nicole, Marie, clémence, nadège, carole.

Aux professionnelles et personnes représentant le Conseil Général du NordL’U.T. de FivesMme sissamouth, responsable de l’u.t.Patricia Levecq, chef de serviceet les travailleurs sociaux : Myriam Laabousi, Marlène dupont, Brigitte Manchaussat, Fouzia Rachad, Marie Morel, chloé abadie, thérèse Bobin.Un merci tout particulier à Yamina Boudjma et cécile tessa pour leur implication.

L’UT de Mons/Marcq Mme Payage, responsable de l’u.t. sylvie Becamel, chef de serviceet les travailleurs sociaux : isabelle Boxelé, christine Fleury, Marie France Vaillant, Peggy Vanderwoorde, Carole (stagiaire), Elisabeth Hague, Odile Brossier, Ben Sefir.Un merci tout particulier à Vanessa dupont, Véronique caudron, stéphanie ducarne, Marie-caroline cattier, sandrine sohier pour leur implication.

Un special thank à céline Geeraert, pour sa participation et son rôle déterminant dans le dVd. c’est elle qui joue avec brio Mme Létourneau.

Un grand merci aussi pour leur intérêt et leur implication à :Martine carpentier, directrice adjointe de la direction territoriale de la Métropole Lilloise elodie Hamard, responsable du P.L.e.P.s. (direction territoriale Métropole Lilloise)Francine delemasure, responsable du P.L.e.P.s. secteur Lille-estcéline Murray, animatrice insertion au P.L.e.P.s.

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Page 9: Les freins à l'emploi

rentrons dans le vif du sujet à présent.

si vous le voulez bien !

Le poinT De VUe Des

professionneLLes

Page 10: Les freins à l'emploi

des histoires difficiles Les personnes que l’on voit ont

souvent eu une histoire difficile.

Celles qui ont juste un accident de

parcours rebondissent en général,

on les remet sur les rails et elles

repartent. Mais celles qui sont cas-

sées depuis l’enfance, c’est autre

chose. Elles n’arrivent pas à se re-

construire à cause de ruptures fa-

miliales, d’évènements marquants

ou parce qu’elles ont subi différen-

tes formes de maltraitance (il y a

beaucoup d’allocataires qui ont

été placés durant leur enfance...).

Les séparations jouent un rôle

important dans la dégringolade.

Les hommes semblent particulière-

ment fragiles à ce sujet.

On a affaire quelquefois aussi à des

personnes qui se sont mobilisées,

qui y ont cru, mais qui ont connu

des échecs, des fins de non-rece-

voir et qui ont totalement perdu

confiance en elles.

Le poids de l’environnement Le rôle de la femme

Dans certaines familles, c’est à

l‘homme de chercher du boulot,

c’est son rôle. Il ne viendrait pas

à l’idée que la femme puisse en

chercher avant lui. Ce ne serait pas

dans l’ordre des choses.

Le regard des autres

Il y a des phénomènes de loyauté

par rapport à l’environnement, par-

ticulièrement dans des secteurs

touchés par des décennies de

précarité comme Fives. « Si je me

remets à travailler, je vais renvoyer

une autre image de moi à mon en-

tourage ». Du coup, en face, cha-

que membre du clan est renvoyé

à lui-même et ça peut être violent.

Pour lutter, c’est humain, certains

vont tenter en retour de discréditer

leur choix. A la longue, cela peut

devenir intenable. J’en connais qui

ont été obligés soit de quitter le

secteur, soit d’arrêter le boulot.

Dans des secteurs moins défavori-

sés, c’est au contraire celui qui est

au RSA qui est pointé du doigt...

Aller chercher du travail

Il n’y a pas si longtemps, dans

une région comme le Nord, le tra-

vail venait à nous collectivement

alors qu’aujourd’hui c’est nous qui

devons aller à lui, de façon indivi-

duelle qui plus est. Travailler sup-

pose donc d’opérer un véritable

retournement. C’est la façon d’en-

visager la vie qui doit être revue.

Le fossé à franchir est énorme

quand ça fait 3 générations qu’il

n’y a pas eu de travailleurs à la

maison...

La question des jeunes

Certains jeunes n’ont jamais vu

leurs parents travailler et s’identi-

fient à eux. Pour eux vivre du RSA,

c’est la norme.

Beaucoup de jeunes ont vu leurs

parents travailler toute leur vie

en tant qu’ouvriers, puis être mis

au chômage et toucher pour finir

une retraite de misère. Pourquoi

iraient-ils travailler ? Pour toucher

700 euros de retraite au final ? Ça

leur fout la haine, ils ont de la ran-

cune contre le système. C’est aussi

ce genre de pensées qu’il faut par-

fois combattre ! Et ça passe par la

rencontre. Il faut avoir de l’énergie,

la foi en l’autre, imaginer qu’il est

capable de se relever. Certains

n’attendent que cela du reste mais

derrière, il y a les amis, la famille,

le groupe, contre lesquels il faut

lutter et ça, parfois ça pèse lourd !

Les problèmes de santéLes conduites addictives

Elles empêchent la reprise de

l’emploi. Beaucoup de jeunes par

exemple sont accros à cette vie-là,

aux jeux vidéo, au cannabis, aux

sorties nocturnes. Ils se lèvent

vers 13 h, tranquilles. Pourquoi se

mettraient-ils à travailler ? Ce sont

un peu des « Tanguys » qui vivent

en décalage avec le monde réel,

qui squattent chez leurs parents,

qui sont eux-mêmes débordés, dé-

passés… En même temps, quand

on gratte un peu, ils ne sont pas

fiers de mener cette vie-là. On peut

les remobiliser avec des projets col-

lectifs pour lesquels on introduit

peu à peu la notion de changement

de rythme. Parce qu’on ne peut pas

demander à un jeune qui se lève à

midi de se remettre à travailler du

Pour quel bénéfice ?

Quand on est bénéficiaire du RSA

quel intérêt a-t-on de travailler ?

Quand on travaille, on perd la CMU

et d’autres avantages… Jusqu’à un

mi-temps, ça peut être avantageux,

mais après ça se discute. On peut

avoir le sentiment qu’on perd plus

qu’on ne gagne. Du moins en appa-

rence, si on se réfère à un point de

vue purement comptable…

10

parlez plus fort,

je suis un peu dur

de la feuille.

| LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 11: Les freins à l'emploi

jour au lendemain. Les rares fois

où ça se produit, le jeune décroche

souvent très rapidement, ce qui

contribue à renforcer sa mauvaise

image de « bon à rien ».

Certaines croyances

Souvent, les gens se voient com-

me malades alors qu’ils ne le

sont pas forcément autant qu’ils

le croient. La maladie représente

un peu l’image qu’ils ont d’eux-

mêmes. Certains nous le disent

d’ailleurs : « mais vous ne vous

rendez pas compte ! J’ai déjà tel-

lement de soucis de santé que si

en plus je me mettais à travailler,

ce serait la bérézina ! ». Mais c’est

une idée qu’on peut également

renverser. Le travail permet d’éva-

cuer des difficultés personnelles,

d’éviter qu’on soit dans la rumina-

tion permanente, ça contribue à

nous donner de l’air et ça permet

au final d’aller mieux.

La question de l’hygiène

Les besoins des personnes sont

subtils parfois, il faut pouvoir y ré-

pondre de façon adaptée. Certains

qui ont une hygiène correcte vivent

dans des logements insalubres

et l’odeur finit par s’incruster sur

leurs vêtements. Parfois, ils ne sa-

vent pas quelle tenue mettre pour

aller à un entretien d’embauche et

éprouvent de ce fait un sentiment

de honte. Nous, ça nous paraît

anodin de choisir un habit correct

mais pour certains, ça représente

une sacrée prise de tête !

Les problèmes d’organisationCertaines personnes ont des diffi-

cultés d’organisation importantes.

On ne se rend pas compte quand

on travaille des automatismes que

cela suppose : mettre en route la

Certains parents prennent prétexte

des problèmes de garde de leur en-

fant pour justifier le fait de ne pas

chercher de boulot, mais derrière,

il y a souvent d’autres raisons, plus

profondes qui viennent de loin..

.Autres sujets abordés La question du surendettement

C’est le surendettement passif qui

touche plus particulièrement notre

public. Les gens tombent dans le

surendettement à la suite d’un

accident de la vie : perte d’emploi,

séparation, maladie… Après c’est

un cercle vicieux qui se met en

place. On prend un crédit pour un

achat qui peut se justifier, mais

ensuite, comme on n’a pas les

moyens de le payer, on en prend un

deuxième puis un troisième...

Le travail au noir

Il y a beaucoup de travail au noir,

faut pas le nier. Mais convaincre les

gens de bouger sur cette question,

c’est pratiquement impossible. Il

y a bien la question de la retraite,

mais bof, ce n’est pas suffisant.

Ce qui est marrant, c’est que ces

personnes nous en parlent très

ouvertement, c’est un gage de

leur confiance. Une question qu’on

pourrait peut-être leur poser, c’est :

« le travail, ça représente quoi pour

vous, en définitive ? ».

lessive le soir, se lever tôt, faire les

courses entre midi et deux... Faut

assurer ! Ce n’est donc pas juste

travailler qui nous est demandé,

mais aussi de mettre en place une

organisation qui permette au reste

de la maison de fonctionner… On

peut se décourager et ce d’autant

plus qu’il est difficile de demander

de l’aide, d’avouer qu’on a du mal

à y arriver alors qu’on est censé

précisément devenir autonome.

La peur de s’y remettre, le fait

de se confronter aux autres, au

monde du travail, le respect des

horaires, tout ça ce sont des

freins importants. Ce n’est pas

facile de changer ses habitudes

de vie tranquille, sans contrainte

ni obligation. Sans compter

l’entourage qui joue un rôle

important et peut décourager la

personne de changer.

Les problèmes de gardeLe fait de faire un enfant

Faire un enfant, pour certaines

jeunes filles, c’est s’émanciper,

avoir une place qu’elles n’ont pas

forcément eue dans leur propre

famille. C’est donner du sens à sa

vie. L’enfant grandissant, elles se

cachent derrière pour justifier le

fait de ne pas travailler en disant :

« mais je ne peux pas, il a besoin

de moi ! » alors que ce sont plutôt

elles qui ont besoin de lui. Vers 50

ans, certaines nous disent : « je

n’ai jamais travaillé de ma vie, ce

n’est pas maintenant que je vais

commencer ! » et la boucle est

bouclée. C’est tout un système

de croyances qu’il faut lever, et

parfois, ça pèse des tonnes !

moi, j’ai pas de problème degarde puisque c’est bibiche

qui s’occupe des gosses !

11

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Page 12: Les freins à l'emploi

petit dialogue entre A.s.-C’est vrai qu’il y a sans doute des choses à faire pour amé-liorer l’accueil, la prise de contact. Il y a des maladresses, des oublis, des incompréhen-sions qui peuvent créer des malentendus…

-Le fait aussi qu’on ne se sente pas toujours légitime pour ac-compagner la personne vers le retour à l’emploi.

-Mais il y a aussi beaucoup de bonne volonté chez les tra-vailleurs sociaux !

-Et puis nous aussi, on a des contraintes, des imprévus, des départs soudains ou des mu-tations qu’il faut gérer. Sans compter qu’à nous aussi on pose des lapins !

-En fait la question centrale, c’est comment rendre les gens pleinement acteurs !

-Alors, qu’est-ce qu’on pourrait changer ?

-Déjà le ton de la convocation qui est un peu brutal, infan-tilisant. Ça n’incite pas à la confiance !

-On pourrait peut-être aussi laisser davantage le choix à l’allocataire du référent qui l’accompagne, ça permettrait de le rendre de suite acteur du projet.

-Tout à fait d’accord !

-Ce qui est peut-être un peu difficile, c’est le démarrage.

-C’est l’image !

-Une fois essayé, c’est adopté !

-On fait un métier qui est assez particulier, il faut le reconnaî-tre où il y a encore pas mal de fabulation. Mais ceux qui nous craignent sont souvent ceux qui nous méconnaissent...

-C’est vrai qu’on a le sentiment d’être souvent critiquées, mon-trées du doigt par les usagers...

-C’est relié à des choses né-gatives comme les placeuses d’enfant.

-Par rapport à l’image, je pense qu’il y a un truc qui reste et qui est tenace, ce sont nos origi-nes. Les premières étaient des bonnes soeurs, puis ce fut des femmes de notables avec ce côté charitable et donneuse de leçons.

-Les dames au chapeau vert !

-Il y a eu aussi la fameuse affiche de Pétain où il était marqué qu’elles étaient censées apporter joie et santé dans votre famille. Ça marque un truc pareil !

- Oui, c’est une bonne idée !

-On pourrait aussi éviter de commencer par le C.E.R. qui complique les choses…

-Prendre le temps de la rencon-tre, apprendre à se connaître pour créer de la confiance.

-Parce que sans confiance, y a pas de parole sincère, et du coup, rien ne se passe.

-Mais ne pas commencer par le C.E.R., ça pose la question de la contrainte institutionnelle !

-En fait dans cette histoire, on est le cul entre deux chaises si on peut dire. Parce qu’on nous demande à la fois d’exercer une mission de contrôle dans le ca-dre de la loi, avec un imprimé, des objectifs, des cases et des codes à remplir et en même temps d’accompagner les gens de façon personnalisée.

-C’est un peu contradictoire faut reconnaître !

-Du coup, on a du mal à gérer les deux ensemble…

-Je voudrais rajouter qu’on a aussi du plaisir à rencontrer les gens et on pense qu’il y a beaucoup de personnes qu’on voit régulièrement qui sont satisfaites !

1� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 13: Les freins à l'emploi

ça donne à réfléchir

tout ça

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Page 14: Les freins à l'emploi

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Page 15: Les freins à l'emploi

Le poinT De VUe Des ALLoCATAires

pourvu que je ne me mélange pas les pinceaux comme la

dernière foisCE QUI RESSORT DES TÉM

C’est que les gens.sont très gentils mais que le... heu... système n’est pas toujour

1�

Page 16: Les freins à l'emploi

défaillance du systèmeIl n’y a pas assez de suivi pour les

gens qui sont en galère, qui ont été

cabossés par la vie comme moi.

Pourtant, c’est important qu’on

nous aide à reprendre confiance en

nous, sinon on s’enferme. Moi j’ai

la chance d’avoir une assistante so-

ciale qui m’aide en tout : la recher-

che d’emploi, l’aspect financier...

Je crois que sans elle, je serais

tombée dans une galère noire. Elle

est de bon conseil, m’accompagne

dans mes démarches. Mais je sais

aussi pour en discuter avec des

amies qui sont dans la précarité

que ce n’est pas forcément le cas

pour tout le monde. Certaines ont

trop tendance à donner quelques

contacts et à laisser la personne

se débrouiller seule. Mais elles

ne peuvent pas puisqu’elles sont

justement en difficulté ! Je pense

aussi que certaines profession-

nelles ne se rendent pas compte

des galères qu’on a traversées, de

l’enfance qu’on a eue... Si elles en

avaient connaissance, je crois que

ça changerait leur regard sur nous.

L’administration française

En ce moment, je suis déprimée,

j’ai plein de soucis, je ne m’en sors

pas. Comme j’ai perdu mes droits,

j’ai des factures à payer, du coup

mon loyer est en retard et le pro-

prio me met la pression, c’est un

véritable engrenage. Les papiers,

c’est terrible. Avec ma référente,

on a fait tout un dossier pour avoir

un recours auprès d’EDF afin de

payer moins cher, et bien il man-

quait toujours quelque chose ! Ça

a duré des semaines comme ça à

compléter le dossier, à renvoyer un

formulaire pour finir par s’enten-

dre dire que je n’y avais pas droit.

On perd trop de temps, ça use, ça

mine le moral ce genre de choses.

Besoin d’aide !

Je voudrais dire aux travailleurs so-

ciaux qu’ils prennent notre détres-

se, notre problème à bras le corps,

qu’ils ne nous laissent pas comme

ça, perdus. Sérieusement, qu’on

ait affaire à un professionnel qui va

jusqu’au bout de nos problèmes,

car on voit des personnes arriver

l’une après l’autre et on doit tou-

jours recommencer. C’est usant !

Nous laisser, c’est nous tuer. Il faut

de l’écoute ! Chaque problème nor-

malement a une solution comme

on dit, mais on a l’impression que

pour nous il n’y en a pas. Ce qu’on

demande c’est de l’aide, c’est tout.

Et on a besoin de professionnels

pour ça, car si on y arrivait tout

seul, on ne serait pas là !

On n’est pas des numéros !

Je trouve que les assistantes socia-

les ne font pas assez preuve d’hu-

manisme. Elles ne s’investissent

pas assez. On n’est pas des numé-

ros ! On passe trop d’un service à

l’autre, d’une personne à l’autre

et on reste avec notre sacerdoce.

Ça change tout le temps. Il faudrait

avoir une personne de référence

qui suive notre dossier. Moi par

exemple, j’avais mon A.S. qui me

suivait et du jour au lendemain,

sans me prévenir de quoi que ce

soit, ça a été une autre. Il a fallu

tout réexpliquer, ma situation, mes

difficultés... Le mois passé, j’ai vu

4 personnes différentes, ce n’est

pas logique ! Pour que ça marche,

il faut créer une certaine affinité,

une certaine confiance, on ne peut

pas changer sans arrêt d’interlocu-

teur ! On nous demande de nous

déshabiller et en même temps, on

passe de main en main ! Il y en a

marre de répéter toujours les mê-

mes choses !

Manque d’écoute

Chez les travailleurs sociaux, je

pense que ce qui manque le plus

c’est l’écoute. Ils n’écoutent pas.

Du moins pas vraiment... Certains

sont là dans une forme de routine,

ils regardent leur montre ou dé-

crochent leur téléphone au milieu

de la conversation et du coup, on

se sent nié. Alors on se referme

comme une huître car nous, on est

souvent très sensibles, suscepti-

bles, manquant de confiance en

nous, parce qu’on a souvent été

niés dans notre propre famille…

La peur de bouger existe aussi, de

prendre des initiatives. Il n’y a pas

d’écoute aussi parce que les gens

cherchent avant tout à nous mettre

dans une case qui nous correspon-

de. Mais c’est impossible, puisque

chaque cas est particulier ! Avant

de conseiller quoi que ce soit, il

faut d’abord écouter la personne

avec les oreilles et le cœur grand

ouvert. Et puis aussi, y a le fait

qu’on passe d’une structure à une

autre, du C.C.A.S. à Pôle Emploi,

puis à l’U.T.P.A.S. On ne comprend

moi non plus, je ne suis pas un numéro ! et je déteste

qu’on me mette dans une case !

1� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 17: Les freins à l'emploi

dépense de 10 euros, tu dois

l’anticiper ! Moi, j’ai un cahier de

compte dans lequel je note chacu-

ne de mes dépenses. Et quand ma

fille part en colonie, je dois budgé-

ter sur trois mois la somme de 75

euros, ce qui m’oblige à anticiper à

l’avance et à sacrifier certains pos-

tes de dépenses. Je suis obligée

régulièrement de travailler au noir

en Belgique. J’y bosse comme bar-

maid chez un ami. Ça me ramène

60 euros pour une journée, une

fois déduit le prix de l’essence, il en

reste 50 ce qui me permet d’ache-

ter parfois une fringue à ma fille.

C’est très important pour moi.

Il existe beaucoup de préjugés par

rapport aux bénéficiaires du RSA.

T’as l’impression d’être une tare

quand tu es au RSA !

J’ai beaucoup d’amis, de personnes

autour de moi qui pensent qu’on

peut s’en sortir avec le RSA, et donc

que ce n’est pas forcément la peine

d’aller bosser. Moi, je ne pense pas

comme ça. J’ai envie de travailler,

vraiment. Rester enfermée entre

4 murs, ça ne me va pas ! Je crois

que j’ai besoin d’être utile. J’aime-

rais également me prouver à moi-

même que je suis capable de ça...

Un système parfois défaillant

Je trouve que le système est mal

fichu en France. Il ne pousse pas

les gens à travailler, il aurait plutôt

tendance à les décourager. Parce

que quand on bosse à mi-temps

pendant 3 mois comme je l’ai fait

dernièrement, ce n’est pas forcé-

ment avantageux. Aujourd’hui, je

touche 420 euros, je n’ai plus de

âge. Du coup, les conditions d’em-

bauches ne sont pas favorables à

des structures qui désirent m’em-

baucher. Encore une fois, je ne ren-

tre pas dans les cases !

Ma C.E.S.F. m’aide bien, elle est

très réactive et c’est important

pour les gens en galère comme

moi. Ce qui ne marche pas, c’est

que normalement, je devrais avoir

une A.S. de secteur qui puisse me

suivre et croiser les infos avec la

conseillère, mais je ne connais

même pas son nom.

A propos du RSA

Les solutions proposées dans le

cadre du RSA sont inadaptées par

rapport aux besoins et aux difficul-

tés réelles des personnes. Ça man-

que de concret et de suivi tout ça.

Quand on te dit que les prochaines

perspectives ne seront pas avant

trois mois, c’est décourageant. Les

gens n’imaginent pas ce que c’est

que de vivre en situation précaire

en fait ! Je défie quiconque de s’en

sortir avec un enfant à charge,

588 euros de RSA, 334 d’APL et

un loyer de 460 ! On est en préca-

rité, c’est une réalité ! La moindre

pas la logique. On nous reçoit et

parfois la personne dit qu’elle ne

peut pas décider pour nous, que

c’est son supérieur qui doit le fai-

re... Mais comment peut-il nous ju-

ger puisqu’il ne nous connaît pas ?

On ne nous fait pas confiance

La psy de l’AFPA, je suis rentré en

conflit avec. Elle me disait que je

faisais fausse route dans ce désir

de travailler dans le social. Elle me

disait que je n’avais pas le niveau,

que je faisais des fautes, que je ve-

nais du monde de l’entreprise, que

j’étais trop sensible, que je n’arri-

verais pas à couper en sortant du

boulot. J’ai dû batailler comme un

beau diable pour la convaincre. En-

core une fois faire mes preuves...

Et des peurs qui subsistent

Avec l’assistante sociale, il subsiste

des peurs quand on en rencontre

une. Elles ont le pouvoir de nous

enlever une aide, de bloquer une

demande, en un mot, elles ont le

pouvoir de l’arbitraire. Et puis, elles

convoquent, elles n’invitent pas.

Par ailleurs, on ne sait jamais qui

nous suit, du coup on est obligé

de raconter sa vie à différentes per-

sonnes. C’est l’éternel recommen-

cement. Vous savez, c’est très pé-

nible de devoir répéter les choses,

d’avoir l’impression de rabâcher,

de ne pas être comprise.

Les formes de contrat

Les freins actuels pour moi, ce sont

les formes de contrat également. Je

n’ai pas droit au contrat d’adulte

relais car vivant à Marcq, ce n’est

pas considéré comme une zone

sensible et je n’ai pas non plus été

éligible au C.U.I. à cause de mon

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ES c’est vrai que parfois, on a l’impression que le système

marche sur la tête !

Page 18: Les freins à l'emploi

ConCLUsionCe qui ressort de cette enquête, c’est le besoin de

rencontre manifesté de part et d’autre. En effet, pour

lever les freins, insuffler du changement, accompa-

gner, il faut une parole vraie, et donc créer un climat

de confiance. Pour ça, il n’y a pas forcément besoin

de 10 entretiens. En deux ou trois rencontres, on peut

aller loin avec une personne…

Qu’est ce qui fait obstacle à la rencontre ?

- Le fait de commencer par un document administra-

tif tel que le C.E.R. n’incite pas à la confiance. Comme

nous l’avons souligné lors de cette enquête, une

personne ne se résume jamais à ses difficultés. Avec

ce genre de document, elle peut avoir le sentiment

d’être jugée, évaluée, mise dans une case, et donc

instinctivement être tentée de se replier.

De plus, le fait de démarrer par le C.E.R. incite le pro-

fessionnel une fois les freins identifiés à passer le

relais à plusieurs spécialistes, vu qu’il ne se sent pas

légitime pour traiter ce genre de question. L’effet per-

vers, c’est que l’allocataire peut le ressentir comme

un abandon, un manque d’intérêt de sa part.

Sans compter le fait que derrière, cela suppose pour

lui de téléphoner, de multiplier les contacts alors que

c’est souvent difficile pour différentes raisons. Ça

peut créer du découragement.

- Toutes ces petites choses qui créent des malenten-

dus : un rendez-vous ajourné au dernier moment, un

remplacement non signalé, la difficulté qu’on a glo-

balement à contacter directement les travailleurs so-

ciaux, le ton d’une lettre, d’une convocation, etc…

- La posture parfois distante adoptée par le profes-

sionnel (au nom de la fameuse neutralité bienveillan-

te) mais qui peut, sans s’en rendre compte, mettre la

personne à des kilomètres (la grande majorité des

allocataires l’ont souligné).

Ce qui ressort également, c’est que la plupart des

allocataires ont eu une enfance très difficile, avec

des parcours souvent chaotiques qui les ont amenés

à un moment ou à un autre de leur vie à se défier des

autres, à créer une sorte de bulle de protection. Ain-

si, pour lever les freins à l’emploi, il semble qu’il faille

d’abord identifier ce système de protection mis en

place par la personne (en général depuis l’enfance)

pour éviter de souffrir mais qui paradoxalement l’em-

pêche souvent aujourd’hui d’aller de l’avant.

Le fait d’identifier un lien entre un frein actuel (par

exemple le fait qu’on ne veut pas confier son enfant)

et les raisons intimes, profondes pour lesquelles on

agit de la sorte (cette méfiance vis-à-vis des autres

trouve souvent ses racines dans notre propre enfan-

ce...) permet à la personne de mettre du sens sur ce

problème. Cela lui permet du même coup de prendre

du recul sur cette difficulté. Elle redevient actrice de

sa propre vie. Tandis que lorsqu’on la résume à la

somme de ses difficultés, c’est tout simplement dé-

sespérant. Dans certains cas, et nous l’avons vérifié à

plusieurs occasions lors de l’enquête, cette façon de

procéder permet même de lever le frein en question.

Pour créer de l’émancipation, favoriser l’autonomie

de la personne, il semble donc important de l’aider

à sortir d’une vision morcelée de son parcours, en re-

mettant du sens sur ce qui fait obstacle.

c’est vrai que ça n’incite pas à la rencontre un document pareil !

1�

Et si le manque de qualification, les problèmes de

santé, de mobilité, d’isolement, étaient la résultan-

te d’un parcours difficile et non l’inverse ?

Par ailleurs, est-ce qu’une personne se réduit à la som-me des problèmes identifiés ? Je peux avoir un problème avec la cigarette, avec l’alcool, avec mon conjoint, avec mes gosses, mais est-ce que ça suffit pour me définir ? Poser la question, c’est déjà y répondre, non ? | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 19: Les freins à l'emploi

Pour l’institution

Attention aux demandes faites, à la clarté des expli-

cations, à la façon dont on fait passer le message,

aux injonctions paradoxales, aux malentendus. Par

exemple, le C.E.R. a été pensé comme un outil pour

remobiliser la personne mais a été perçu par les

professionnels comme un préalable, une injonction

administrative visant le contrôle (y compris d’eux-

mêmes) et a pris, de ce fait, le pas sur tout le reste,

notamment la rencontre.

En conclusion, le C.E.R. peut être un très bon outil

mais à condition qu’il intervienne dans un second

temps, une fois qu’on a identifié le système de pro-

tection (le frein moteur) et montrer les liens qui exis-

tent entre celui-ci et les difficultés de la personne. Et

ça, ça passe par la rencontre. Une fois ce travail ef-

fectué, on peut définir si nécessaire un petit nombre

de priorités et pour le coup, trouver ensemble le ou

les relais opportuns qui nous permettront d’avancer

concrètement sur ce qui pose problème.

* Au sujet du climat de confiance à créer, l’intérêt de la restitution semble fondamental car elle permet justement de créer cette confiance indispensable entre le profession-nel et l’usager. C’est une forme de contractualisation, de constat partagé entre adultes, dont il reste une trace. Cela incite la personne à se livrer car elle pressent que cela vaut la peine. On peut y revenir éventuellement et du coup ça permet d’avancer. La personne ne se sent pas dépossédée de sa parole, elle comprend l’intérêt qu’elle a à ne pas tri-cher, à parler vrai.

Quelques préconisationsAvant de démarrer le C.E.R., faire un ou deux entre-

tiens ouverts afin de faire le tour de la situation avec

l’allocataire en prévoyant, pourquoi pas, une restitu-

tion* qui permette à chacun de garder une trace de

ce constat partagé. A l’issue de ces rencontres, on

pourra remplir de façon plus efficace le C.E.R en sé-

riant non pas 5 ou 6 freins, mais en identifiant avec

la personne le système de protection qu’elle a mis en

place souvent depuis longtemps. Le fait de relier ce

frein « moteur » à ses difficultés actuelles donne du

sens, favorise la prise de recul, le changement.

Par rapport au retour à l’emploi et aux préjugés,

deux points importants ont été soulevés.

- D’une part, le fait qu’il ne faut pas sous-estimer le

décalage existant entre les conditions de vie des pro-

fessionnels et des allocataires, décalage qui vient

parfois brouiller notre regard sur la « dure réalité » du

monde de l’entreprise... et nous amène à sous-esti-

mer l’effet émancipateur du travail pour l’allocataire.

- D’autre part, il semble important d’inverser notre fa-

çon de penser le retour à l’emploi. A savoir que c’est

le travail qui permet souvent de lever les freins iden-

tifiés et non le contraire... C’est ce qui ressort des en-

tretiens : aider une personne à retrouver du travail, ce

n’est pas l’aider à remplir son CV (ça viendra en temps

utile et on pourra alors à ce moment-là faire appel à

ce type de compétence) mais c’est avant tout ranimer

la flamme, l’aider à mettre du sens sur son parcours,

montrer qu’on croit en elle, en ses ressources. C’est

aussi l’aider à visualiser le bénéfice qu’elle pourra re-

tirer de ce retour vers la vie que symbolise le travail.

1�

Depuis que j’ai trouvé du travail, j’ai retrouvé le goût de vivre. Avant, quand je me voyais dans un miroir, je me disais : « c’est qui cette femme-là ? Et comment se fait-il que personne ne s’inté-resse à elle, que personne ne lui propose quoi que ce soit ? C’est parce qu’elle n’est pas digne de confiance ! ». Et je pleurais et je pleurais. Finalement cette mauvaise image, elle déteint sur nous, elle nous colle à la peau et on finit par devenir ce qu’on croit que les autres voient. Alors que c’est faux tout ça, on vaut bien mieux que ça ! Mais les préjugés, ce n’est pas forcément les autres qui les ont, ils sont en nous ! Pourquoi ? Je ne sais pas... Peut-être à cause des blessures d’enfance, du manque de confiance en soi...»

Le fait d’avoir un emploi me permet d’avoir

l’esprit tranquille, d’être apaisée, de ne plus

me demander à longueur de journée : « qu’est-

ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais

pouvoir faire ? ». Je me lève plus tôt, à 5 h 30,

je rentre le soir, je suis calme, je suis apaisée

avec mes enfants.

Page 20: Les freins à l'emploi

�0 | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 21: Les freins à l'emploi

eTUDe De CAsDU pr. ZoULoUCK

à présent, je vous

propose d’étudier mon

propre cas si vous le

voulez bien

�1

Page 22: Les freins à l'emploi

ce frein moteur etant souvent constitué

d’un mélange de repli, de mauvaise image

de soi, de méfiance vis-à-vis des autres

qui nous empêche d’aller de l’avant, de

croire en nous. bref de faire les démarches

nécessaires pour trouver du boulot.

Habituellement, j’accepte facilement de payer

de ma personne pour illustrer le propos de

l’auteur, mais ce coup-ci, franchement, j’ai hésité !

En effet, quand j’ai rempli mon C.E.R. et fait la liste

de mes freins, ça m’a complètement retourné dans

un premier temps. Franchement, je ne pensais pas

avoir autant de difficultés ! Heureusement, j’ai de la

ressource et j’accepte de me regarder en face, moi !

Ainsi donc, après réflexion, j’ai accepté de partager

avec vous un petit résumé de cette liste. Pourquoi

résumé ? Et bien parce que j’ai d’autres freins qui

sont indiqués dans mon C.E.R. mais j’estime que 5,

c’est déjà suffisant comme entrée en matière. Faut

pas pousser Mémé dans les orties quand même !

Les freins De ZoULoUCK

�� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

ça fait un choc !

Ah j’oubliais ! Avant que vous ne vous reportiez

à la page de droite, je voudrais vous rappeler les

deux enseignements principaux que nous avons

tirés de notre petite enquête :

- Une personne ne se résume pas à ses freins.

- Derrière les difficultés identifiées, il y a toujours

un système de protection mis en place qui

constitue le frein principal ou le frein moteur si

vous préférez !

Page 23: Les freins à l'emploi

Problèmes éducatifs

Problèmes de santé

Problème de transport

Pieds, ailes, cerveau, coeur

Cerveau, gorge, foie, poumons

Coeur, raison, cerveau

Problème de com’

Problème/argent

Poches, coeur, cerveau

Cerveau, langue, prises de bec

Brouillon, parfois hystérique. A du mal à canaliser ses émotions, à se décentrer. Du coup, il a de vraies difficultés à se faire comprendre.

Addictions (alcool, tabac...), problèmes psychologiques : tocs, hypocondriaque tendance à la parano, etc...

Tendance marquée au radinisme, peur de manquer, de partager...

Absences fréquentes du domicile familial, problème d’autorité, d’exemplarité...

Ne supporte pas les transports en commun, du coup voyage en montgofière qui est un moyen de transport très aléatoire...

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Page 24: Les freins à l'emploi

D’autres choses à rajouter ?

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Page 25: Les freins à l'emploi

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Page 26: Les freins à l'emploi

mais encore...

�� | LTE | LES FREINS À L’EMPLOI

Page 27: Les freins à l'emploi

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pour finir, je vous demanderais de bien vouloir

laisser votre empreinte !

Page 28: Les freins à l'emploi

Laisse ton empreinte85 rue Massena, 59 800 Lille

[email protected] internet : www.laissetonempreinte.fr

tel : 03 20 30 86 56 / 06 15 87 96 85

LA VACHE ! JE NE PENSAIS PAS QUE CETTE ENQUÊTE AURAIT UN TEL IMPACT SUR MOI. JE ME SENS LÉGER,

LÉGER...

Ce carnet est le fruitd’une véritable enquêtede terrain menée auprès de 31 professionnelles (assis-tantes sociales, conseillères en économie sociale et fami-liale, personnes représentant le Conseil Général du Nord) et de 15 allocataires du RSA. On y parle du C.E.R. (Contrat d’Engagement Réciproque), mais plus largement de la posture du travailleur social, de sa relation avec le pu-blic, des représentations et préjugés qui peuvent exis-ter de part et d’autre mais surtout du besoin de pa-role vraie manifesté avec force par les allocataires...

ISBN 978-2-918571-12-4

24,50 €