les fouilles sous-marines de fos - revue provence...

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Les fouilles sous-marines de Fos Avant d'exposer le compte rendu, encore fort incomplet d'ailleurs, sur les foutues sous-marines de Fos et de son golfe. je regarde comme un devoir et même comme une véritable restitution, de remercier très sincè- rement M. Fernand Benoit, membre de l'Institut, directeur de la XIIe Circonscription Archéologique, pour le très grand honneur qu'il m'a personnellement témoigné en me désignant comme directeur des Fou11Ies sous-marines de notre région, ainsi que pour l'aide morale et pécuniaire aussi bien que pour les multiples marques d'estime et dont 11 a toujours fait preuve à mon égard. Je le prie de trouver ici l' expression de mon très sincère attachement. Je n'aurai garde, également, d'oublier nos équipes de fouilles et tous leurs participants qui ont droit à de très chaleureuses félicitations pour le magnifique travail accompll à Fos (MM. V. Couil, Michon, Gouverneur, Terras. Paniagua, Stcardi, Puggloni, L. Arnaud. H. Clément, Cerdan, Reynaud, Aquaron. Illaret, Agnel, Dlot, Delange. Mlchaud. Thomas, Flévet, Aillaud, Vial, Chaullac, Laforest, Lanscotte, J.-Cl. Méo. Bossuet, Malavlellle, Pugnière, Olmet, la Sté H.A.M., l' Inscription Maritime, les Ponts et Chaussées, l'Administration des Douanes et. tout r écemment, le puissant Club culturel et sportif de Port-de- Bouc avec ses 40 parti- cipants). Je tiens d'ailleurs a préciser que ces fouilles n'out été rendues possi- bles, en raison de leurs réelles dltficultés et des caractères très particullers Qu'elles représentent, que par la constance de ces travaux d'équipe, les efforts conjugués de tous mes fidèles collaborateurs, Joints à leur probité sClent1!1que et à leur désintéressement. Disons-le tout net; nous avons été récompensés et nous avons eu la fierté d'opérer un véritable sauvetage du site antique de Fos. d'en recueil- lir patiemment les témoignages et de les rassembler dans le Centre Archéologique Régional - musée du Vieil-Istres - où le public peut les examiner, les étudier et s'instruire longuement. Commencées dès 1946, après le déminage des plages et avant l'envahissement, que nous connaissons actuellement" de celles-ci par ]a foule des estivants, les fouilles de Fos onl été, stricto sensu, les premières fouill es sous-marines de France. Les re.mltals obtenus aya nt dépa ssé les prévisions les plus optimistes, les "qui pes ont

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Les fouilles sous-marines de Fos

Avant d'exposer le compte rendu, encore fort incomplet d'ailleurs, sur les foutues sous-marines de Fos et de son golfe. je regarde comme un devoir et même comme une véritable restitution, de remercier très sincè­rement M. Fernand Benoit, membre de l'Institut, directeur de la XIIe Circonscription Archéologique, pour le très grand honneur qu'il m'a personnellement témoigné en me désignant comme directeur des Fou11Ies sous-marines de notre région, ainsi que pour l'aide morale et pécuniaire aussi bien que pour les multiples marques d'estime et d'intér~t dont 11 a toujours fait preuve à mon égard. Je le prie de trouver ici l'expression de mon très sincère attachement.

Je n'aurai garde, également, d'oublier nos équipes de fouilles et tous leurs participants qui ont droit à de très chaleureuses félicitations pour le magnifique travail accompll à Fos (MM. V. Couil, Michon, Gouverneur, Terras. Paniagua, Stcardi, Puggloni, L. Arnaud. H. Clément, Cerdan, Reynaud, Aquaron. Illaret, Agnel, Dlot, Delange. Mlchaud. Thomas, Flévet, Aillaud, Vial, Chaullac, Laforest, Lanscotte, J.-Cl. Méo. Bossuet, Malavlellle, Pugnière, Olmet, la Sté H.A.M., l'Inscription Maritime, les Ponts et Chaussées, l'Administration des Douanes et. tout récemment, le puissant Club culturel et sportif de Port-de-Bouc avec ses 40 parti­cipants).

Je tiens d'ailleurs a préciser que ces fouilles n'out été rendues possi­bles, en raison de leurs réelles dltficultés et des caractères très particullers Qu'elles représentent, que par la constance de ces travaux d'équipe, les efforts conjugués de tous mes fidèles collaborateurs, Joints à leur probité sClent1!1que et à leur désintéressement.

Disons-le tout net; nous avons été récompensés et nous avons eu la fierté d'opérer un véritable sauvetage du site antique de Fos. d'en recueil­lir patiemment les témoignages et de les rassembler dans le Centre Archéologique Régional - musée du Vieil-Istres - où le public peut les examiner, les étudier et s'instruire longuement.

Commencées dès 1946, après le déminage des plages et avant l'envahissement, que nous connaissons actuellement" de celles-ci par ]a foule des estivants, les fouilles de Fos onl été, stricto sensu, les premières fouilles sous-marines de France. Les re.mltals obtenus ayant dépassé les prévisions les plus optimistes, les "q uipes ont dû

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rapidement prendre de l'importance et tout part\~ulièrement au ma men t où les décrets sur la protection des sites archéologiques sous-marins ont été appliqués, insuffisamment encore, à notre avis, pour réellement désarmer les clandestins. Mais soyons francs et avouons que depuis un peu plus d 'une année, une offensive très fructueuse a été menée contre cette plaie de l'archéologie : le pillage.

Que d'énormités n'ont pas été dites et lnême écrites sur le site sous-marin du golfe de Fos, sans réfléchir un instant à ce que la présence d'une ville engloutie sous huit à dix mètres d'eau peut paraitre insolite, ne serait-ce qu'au seul point de vue purement géographique! La légende du Vieux-Fos, r éédition simplifiée d'une Ys provençale, colportée à l'envie, et surtout par ceux-là mêmes qui n'ont j amais plongé, me paraît avoir une vie très dure. Qu'il nous suffise de situer cette antique bourgade sur le roc de Saint-Gervais, jouxtant son cimetière extra-muros, dont nous connaissons au moins une épitaphe, celle d'Expentiana, déposée au musée de Gap. Les habitations s'é tageaient jusqu'au rivage du petit golfe de Saint­Gervais, où un rudiment de jetée et de quai a été découvert, à côté de colonnes à décrochement et de gros bloc équarris, le tout sous deux mètres d'eau en moyenne. Le professeur Hafemann, de l'Uni­versité de Mayence, qui est venu étudier ce phénomène géologique à Fos, comme dans une grande partie du bassin méditerranéen, affirme la constance du niveau de la mer depuis la protohistoire, mais il admet un lent affaissement de cette r égion du golfe de Fos peu après l'ère chrétienne. Quelles raisons donne-t-i1 à ce phénomène loca l ? Peut-être une secousse tellurique; mais plutôt le poids incroyable des alluvions du Rhône, pesant sur une diaclase, n'y serait probablement pas étranger. De toute façon , et les preuves existent, l'a ffai ssement, qu'il ait été lent ou brutal, n 'a guère dépassé le chiffre de deux mètres. Et c'est précisément à cette profondeur que se situe le « Fos englouti>. Comme on le voit, il y a loin de la légende à la réalité.

Les objets trouvés à cette profondeur sont plotégés dans une épaisse couche d'argile claire, très collante et compacte, d'origine a lluvia le certaine, d'où ils sont extraits dans un état de conservation surprenant. Ainsi donc, la stratigraphie de Fos nous est bien connue. A une profondeur maximale de 2 mètres et sous unc couche de sable et de graviers de 40 centimètres environ, nous trouvons cette couche de glaise archéologique. La bourgade s'étendait sur une centaine de

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mètres da ns le petit golfe. Toute cette zone a été ou es t en cours de fouilles méthodiques, à la pelle, à la sape et avec ou sans l'aide du scaphandre, par des équipes très spécialisées dans un travail parti­culièrement épuisant 1 . Je fai s toulefois une distinction très préci se cntre nos fouilles sous-marines telles que je viens de les décrire -véritables fouilles archéologiques terrestres transposées dans le milieu marin - et la recherche d'épaves dans le go lfe, Iravail cerles fort pénible éga lement mais qui n'es t en réalité quc de la prospec tion et de la récupération.

La table de Peutinger, première carte géographique que nous connaissions, désigne les ports d'Ostie et de Fos par un même dessin: sorte de monument en demi-cercle. Nous sommes, hélas! très loin de voir se concrétiser cette similitude dans la réali té. Hien de compa­rable, en vérité, entre ces deux ports. Nous n'avons jamais découvert à Fos le moindre indice de construction monumenlale ou d'entrepùt - et c'est bien dommage ... Quant aux rues ou aux édifices engloutis que d'aucuns prétendent avoir vus au large - un jour favorable! -ne craignons pas de dire qu'ils relèvent du domaine de l'imagination, de la fantai sie ou de la fiction .

Mais si, cependant, nous sommes si pauvres de ce côté, combien sommes-nous plus riches et bien renseignés sur la vie quotidienne d'un Gallo-Romain de Fossa 1I1aritima, siulple pêcheur, marin, commerçant ou petit artisan.

Si l'on en juge par l'abonda nce ou la rareté de telles ou telles poleries, nous remarquons qu'à Fos, après une époque indigène épisodique, rail suite une occupalion de moyenne import ance il l'époque de Ma.riu s et du creusemenl du canal des Fosses llwri enn c!S , ca ractérisée par des tessons ca mpaniens de divers lypes. Par la suite, les poteries it aliques et d'Arezzo dénotenl un commerce actif depuis César jusqu' à Tibère et c'cs l par les vases de la Graufesenq ue, très abondanls, que nous affirmons une très forte occ upation jusqu'il la fin du Il e siècle. Pa.r la suit e, les témoins se ral'Micnl. Les tCS"ion s

constantinicns et du type terres sigillées c laires ne sont l'a .. très

1. Equipes Maitre Ch. Michon, Gouverneur, Meo. Olmet.

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abondants et les tessons chrétiens sont à peine représentés. Passé ce terme (IV' siècle), les fouilles ne nous livrent plus de témoins et force nous est donnée d'admettre, après cette date, la mise en sommeil du port de Fos.

Ainsi ce port de transit, certainement très prospère à la fin de la République et au début de l'Empire grâce à sa situation par rapport au delta du Rhône et au canal des Fosses mariennes, et qui a été désigné sur la table de Peutinger du même signe conventionnel que celui d'Ostie, a, apparemment, suivi le sort du canal de Marius. Ce dernier, déjà difficilement navigable à l'époque d'Auguste, était devenu à peu près impraticable avant le Bas-Empire et « l'Itinéraire nlaritime » (ou d'Antonin), datant des III- et IV· siècles, ne désignait plus Fos que comme une simple escale entre Port-de-Bouc et le grand Rhône.

L'habitation de Fos parait, en l'état actuel de nos connaissances, avoir été fort simple, peut-être même primitive : le sol est en terre battue, malgré la présence de quelques rares débris de mosaïque ou de placage de marbre, indiquant un type d'habitat plus recherché; les murs sont en petit appareil, de faible hauteur, portant des traces d'enduits 1Il0nochromés ; les poutres et chevrons sont grossièrement équarris et supportent un toit couvert de tegu/ae et d'imbrices ornés de quelques rares acrotères. Rien ne permet de penser à la classique dom us (de type pompéien) ou à la maison étendue, encore moins il l'insula ou lllaÎson à étages si COllID1Une à Rome et à Ostie. Devant ces pauvres restes, on pense évidemment à des constructions en matériaux légers ou de fortune, voire à de simples « cabanons ».

Nous trouvons en fouillant ces infrastructures de véritables dépotoirs de cuisine dont l'exploitation méthodique est du plus haut intérêt. Les Juarmiles sont fort abondantes, avec leurs couvercles ombiliqués et leurs plats à poisson de type campanien ; les poêles circulaires à fond rayé, encore noircies par le feu des cuissons succes­sives ; les pelvis ou bassins, les bols, les coupes, les assiettes diverses. les plats à pieds ou apodes, les pichets, les cruches de divers types, les morliers en terre cuite ou en marbre, les pesons de portes ou bien de tisserand, et enfin, une grande quantité d'amphorisques. Dans toute cette vaisselle, fort commune en vérité, se remarquent quelques vases cylindriques percés de trous, à cru dans la pâte, faisant penser à de grossières passoires ou à des moules à fromage,

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ainsi qu'un biberon, un entonnoir, une branche de longue pince en bronze marquée en pointillé Silvin us, et bien d 'autres pièces dont la signification nous échappe encore.

Les vases des ateliers r uthènes (la Graufesenque, Lezoux, Banas­sac, etc,) son t d'une abondance extrême, tant au point de vue formes qu'au point de vu e décors ; de nombreux tessons sont signés (mar­ques de potiers) dans le fond du vase ou dans le décor . Il s constituent pout' Fos une ma tière presque inépuisable et chaque séance de fouill es en ra mène de nouveaux; leur description, leur identification et les marques de potiers feront prochainement l'objet d'un grand travail d'ensemble.

A signaler un très beau médaillon (seulemcnt 533 connus au monde) de vase à re1ief d'applique, du « céramiste à la rosace :t ,

représentant une Vénus Anadyomène accompagnée de ses attributs: amour, coquille et colombe (Ill' siècle apr. J.-C.) ct quelques tessons parliculièrement bien conserves de vases à émail vert ct jaune plom­bifère à décoration de feuilles de myrte, de guirlandes et de pommes de pin, à l' imita tion des vases métalliques d 'Asie Mineure (1" siècle). Il existe encore une très grande variété de vases dits « à parois subtil es ;) ft décors lissé, peigné, incisé. sab lé e l barhotin é ainsi qu'cn forme de pomme de pin (1er siècle).

Dans un recoin d'habitation très simple, nous avons découvert - véritable laraire familial encore en place - un petit autel en pierre taillée, malheureusement an épigraphe, entouré de lampes dont une d 'époque campanienne, la deuxième ornée de flambeaux et signée Al cnlo.Dioni. ; la lrolsièlne est une lrès curieuse lampe en forme de bateau, à plusieurs lumières, et décorée d'une figuration très réaliste d'un pêcheur et d'une sirène ~oisea u . D'autres Jampcs nous monlrent des volatiles, un singe, un scorpion, des fleurs, un amour, Pégase. diverses divinités et une très fine reproduction du mythe d'Actéon dévoré par ses chiens. Il existe enfin beaucoup de la mpes sans décors, quelques modèles du type . vallée du PÔ >

(1" siècle) et quelques rares lampes de type chréticn, toutefoi s sans figurat ion du chrisme.

Depuis deux ans, les fouilles d'une zone bien délimit ée n OliS

ont permis de lomber sur un fond d'ateli er de tourneur sur bois. L'exploilalion 111éthodique de cet endroit nous a réservé des surprises étonnantes. Tous les objets recueillis sont dans un élal de remarqua-

Camée (Ill" s. apr. J .·C.) Photo Beaucaire

Tête de sanglier (~r s. av. J .·C.) Photo Beaucaire

T ête d'Aphrodite I voire hellénis tique

(Fr s. av. J .·C.) Phot o Beaucaire

Fragment de sarcophage

Marbre hellénistique lc'r s. av. J .·C.)

Photo Beaucaire

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ble conservation, et grâce anx efforts de M. Bonis, chef dn laboratoire du ministère, au musée Borély, à Marseille, ils ont pu être bien conservés et stabilisés, en minimisant les redoutables effets de la dessication. C'est ainsi qu'ont été remontés des pièces de gréement (poulies, bobines, etc), des ustensiles de ménage (pyxides ou boites à couvercle), manches de couteaux ou d'instruments, des fragments de brosses à chiendent, un morceau de cage (probablement à oiseaux), une grande quantité de peignes et d'épingles à coiffure, une coupe, des pions à jouer, un chevalet de lyre à huit cordes et son plectre, un fragment de panier en osier, des déchets de cuir, un pied de meuble (lit ou siège), une pièce énigmatique comportant des trous et une partie coulissante (une pièce identique a été trouvée dans une sépulture romaine près de Tarascon) et enfin un grand tonneau - ustensile d'invention gauloise - qu'il n'a malheureusement pas été possible de dégager assez vite et que des clandestins ont démembré en quelques instants.

De nombreux objets en os ou en ivoire montrent diverses utili­sations : aiguilles à chas, manche de miroir et de stylet, peignes, pions et dés à jouer, charnières de coffrets, tessère et une grande quantité de spatules et de cuillères à fard, une provision de boules de matières colorantes bleues (fard? Cf. d ' Musée national de Naples), des statuettes en terre cuite (tète de coq, torse féminin et divinité avec lance et bouclier : Minerve?) et enfin, très belle trouvaille artistique, la fameuse tête d'Aphrodite en ivoire (applique de siège ou de coffret) œuvre hellénistique, d'un süreté et d'une finesse d'exécution prouvant la faclure d'un artiste consommé du 1" siècle av. J.-C ..

L'examen des • déchets de cuisine • nous révèle que l'animal le plus souvent consommé était le porc ou le sanglier (ce qui est conforme à l'opinion de César dans son De bello gallico) ; nous trouvons ensuite la chèvre ou le mouton, le bœuf, le cheval et le thon. Des noyaux de pêches, d'olives, des coques de noiselles et d'amandes ainsi qu'un œuf ont été également découverts.

Certaines cornes d'animaux, plus ou moins ouvragées, utilisées à titre prophylactique ou apotropaïque, ont été encore mises au jour dans nos fouilles. Qu'elles aient été fixées à la proue des barques ou à la poupe, comme figures de préceinte ou d'aplustre, ou clouées aux linteaux des portes ou à l'avancée des toitures, les

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deux explications paraissent valables. En effet, on note des cornes semblables à Herculanum (Casa dei cervi), à Monaco et à Albenga, provenant d'une épave; ces dernières cornes étant l'une en plomb l'autre en bronze. Même à l'heure actuelle, dans la région de Naples, en Calabre et en Sicile, elles ornent les portes de certaines demeures, pour chasser le 4: mauvais œil » . Nous possédons trois de ces cornes (bœuf, bélier el cerf), utilisées dans cette intention el portanl des trous de fixation ainsi que des traces d'ornementation.

Quant aux tessons de verrerie, leur abondance et leur variété sont surprenantes, depuis les blocs de vene ou de pâte de ve .... e bruts (existait-il un verrier à Fos ?) jusqu'aux vases côtelés (phiales) en pâte de verre, multicolores (miriafiore) , à reliefs soufflés (moLifs géométriques, combats de gladiateurs), décorés ou gravés, anx bou­teilles diverses, balsamaires. verre à guttule, entonnoir el un verre à souhait, portant en caractères grecs « Brûle et réjouis-loi ;p.

Un grand vase de type constantinien, à décor incisé à la roule He, pratiquement intact peut être rapproché, bien qu'en terre cuite, du vase à souhait signalé ci-dessus. Il porLe, sur son pourtour, gravé en grandes lettres capitales: ALEXANDER il VE. Enfin un très beau camée, représentant la déesse Rome (III" siècle), voisinail avec des débris d'or (équipe J.-CI. Méo et Gimet) et ont été trouvés dans une petite cruche.

Les amphores à elles seules mériteraient un chapitre spécial: ce sont elles qui frappent le plus l'esprit du public eL qui, « recher­chées pal' des amateurs, sont promues à la décoration d'intérieurs ou de jardins, d'où un fructueux trafic contre lequel l'Administration, acluelJement tout au moins, commence à sévir avec vigueur. Hormis de petites amphores à fond plat, des cruches on des « olpés > à une anse, les grandes amphores n'ont jamais été découvertes dans nos fouilles d'habitations mais seulement dans le golfe. Ccci tend il faire admettre que ces récipients. ou tout au moins leur luajeure partie, proviennent de rejets à la mer ou d'accidents dans les transbor­dements. Les types en sont très divers, quelques formes rares (types punique et d'Augst), la plupar t sont du [ oc siècle, celles du Bas­Empire sont nettement moins nombreuses. Nous en possédons qui sont de formes tout à fait inédites. Mais je précise bien que le plus grand nombre pal'aît appartenir à la période d'activité maximale du

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port, c'est-à-dire de 50 avant à 150 après Jésus:Christ. Un grand travail d'ensemble sur les amphores de Fos, en cours d'exécution, nous donnera enfin des précisions non seulement sur leurs diverses origines mais également sur les itinéraires commerciaux et le contenu de ces ustensiles.

C'est ainsi qu'une de nos amphores (provenant de l'épave. Equipe Foumon) contenait uue grande quantité d'arêtes de poissons mêlées à des herbes, sans doute aromatiques. Enfin l'état de conser­vation de certains tessons recueillis dans nos fouilles d'habitations nOLIs a permis de constituer une remarquable série de cols et de panses portant des inscriptions peintes en noir, au pinceau, en carac­tères grecs ou latins, capitales et cursives; ces tessons de Fos n'ont d'équivalent que dans ceux découverts dans l'amas du Testaccio de Rome. Ont élé déchiffrés à ce jour plusieurs Picalum Velus (vin vieux à la poix. Cf. le résiné actuel des Grecs), Garum, Corlixarium (vin à l'écorce), P/lOe'bum (vin de Rhodes) , etc. Une grande quantité d'autres inscriptions est encore à l'élude car, comme le pense M. F. Benoît, certaines de ces amphores portent des inscriptions palimpsestes, ce qui prouverait leur utilisation pour plusieurs \'Oyages et pour des contenus différents.

Le golfe nous livre encore bien d'autres trouvailles: meules en basa Ile (cali/us et me'la), pichets, cruches, jas d'ancres en plomb, pierres d'amarrages, fragment de cancel (IV' siècle) et lampes chré­tiennes, tuiles marquées APRI et HER(ennius) O(plalus) , Une épave très dispersée, à membrures chevillées et cloutées de cuivre, portait un chargement d'amphores de type républicain grand modèle, estam­pillées 1l1AHE(s) ou l'o1AHE(lis), de poteries communes sans vernis de type campanien, gravées 1I1S (équipe Foumon, IlIaret et Agnel), A proximité de cette épave ont été remontés un jas d'ancre en plomb, de 84 kilogrammes, marqué C(aius) AC(ilius) ASICI(us) et du chiffre XVII, et un saumon de plomb de 66 kilogrammes, de prove­nance probablement britannique, frappé en relief dans un cadre de la marque SOCIORU1I1 PLUMB(ariorum) GER(mani) . C'est à notre connaissance le plus lourd lingot antique actuellement connu.

Enfin, en août 1959, nne forte équipe de la Base aérienne d'Orange, sous la direction du sergent-chef Ardouin-Dumazet et du sergent Vauthier, vint à Fos faire des recherches très méthodiques. Le sérieux, la volonté et la technique de ces plongeurs furent récom-

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pensés pa r la trouvaille, très près de l'épave et faisant certainement partie de celle-ci, enfouie profondément dans le sable et les pierres à 12 mètres de profondeur, d'une figure décorative de proue ou de préceinte. en bronze, du poids de 13 kilogrammes, représentant une hure de sanglier. Celte tête d'époque hellénistique (1" siècle av. J .-C.) peut être rapprochée des têtes de baux (lion et loup) de la galère de Caligula remontée du lac Némi, mais leur aspect es t bien différent et encore plus différente leur destination. Cctte pièce, absolument unique, qui a figuré à l'Exposition inlernationale a u Louvre de 1963 : « L'arl dans l'Occident romain >, esl sans conlesle un des très beaux morceaux de la sculplure a ntique que le musée du Vieil­Istres, Centre archéologique régional, s'enorgueillit de posséder.

Les dragages de la passe de Port-de-Bouc nous onl livré, enfouis à 8 mètres de profondeur, et probablement dans une épave (mem­brures, jas d'ancre en plomb), un chapiteau corinthien et une partie de sarcophage en marbre de Carrare (50 av. J .-C. environ) de type hellénistique monlrant une torchère, très 01'llée, accostée de pattes de panlhère en haut-relief.

En ce qui concerne le petit trésor monéLaÏl'c de Fos, ful mise HU jour, sur un espace très restreint et dans le niveau archéologique, une grande quantité de pièces de monnaies en bronze (grands et petits bronzes), quelques pièces en argent (Vespasien, 69-79 et Trajan, 97-117) et une pièce en or de Philippe (244-249). Cette der­nière, fortuitement découverte avant que nos fouilles ne commen­cen t, a ura il été déposée dans le musée de Cavaillon. Ces pièces, au nombre de 167, sont pour la plupart difficiles à déterminer en raison de leur très mauvais état de conservation. La plupart sont fort tardives. Par exemple les pièces c: saucées :t d'argent du Julia Dornna (2 17), Gallien (253-263), Gordien (238-244 ) et Maximien (285-305) sont faciles. à dater. Malheureusement un pillage éhont é a sévi, et ava nt que nous puissions intervenir utilement plusieurs centaines de pièces (elles remplissaient, parait-il, un seau !) ont été dispersées par des inconnus.

.'. Ainsi donc Fos n'échappe pas a ux troubles constatés si commu­

nément en Gaule vers la fin du III- siècle, lors des invasions barbares

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et des périodes d 'anarchie militaire, ainsi qne l'alteste l'enfouisse­ment certainement précipité de ce trésor monétaire en un point de la côte aussi précis 2,

Ce trésor monétaire, les traces d' incendie encore visibles sur les pou tres, les chevrons et certaines poteries, les débris de plomb fondu très souvent rencontrés, permettent de penser que la bourgade de Fos, après le IV· siècle, a été définitivement ruinée et ses habitants dispersés. Il est d'ailleurs certain. ainsi que me le fa isait remarquer tout récemment M. Henri Rolland, directeur des Antiquités de haute Provence, que ces habitants se sont regroupés par la snite sur les hauteurs avoisinantes, en particulier Castel-Veyre (Saint-Blaise), où s'ouvrira une autre page du livre de leur histoire.

J'ai la conviction que grâce a ux efforts persévérants de nos fouilleurs, à leur dynamisme et à leur esprit d 'équipe, d'autres découvertes viendront encore ajouter à notre connaissance et nous éclairer davantage sur la vie simple et laboriense du petit peuple de Fossa Maritima. Quant a ux exceptionnelles collections que renferme notre musée, elles constitueront pour ce travail la seule illustration valable.

Que tous ceux qui, à un titre quelconque, nous ont donné un peu de leur temps, de leur travail ou de leur appui soient remerciés comme il convient; lllais je les assure que la redécouverte d'un lointain passé que l'on croyait à j amais enfoui et oublié sera, pour eux tous comme pour moi-même, la plus flatteuse des récompenses.

Doc teur René BEAUCAIRE.

2. Cf. A. Blanchet, Les trésors de monnaies romaines et les invasions germaniques en Gaule (1900 >, p. 52, et Oéchelette. Archéologie gallo-romaine, t. l , p. 101, et t. 6, p. 935.