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Le Cirad au SIA 2001 Le Cirad au SIA 2001 L E C I R A D a u S A L O N I N T E R N A T I O N A L D E L A G R I C U L T U R E ¥ F E V R I E R 2 0 0 1 ¥ P A R I S , P O R T E D E V E R S A I L L E S ¥ L ES FORÊTS TROPICALES L ES FORÊTS TROPICALES DANS LA VIE DES HOMMES

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LeCir

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LES FORÊTSTROPICALESLES FORÊTSTROPICALESDANS

LA VIE DES HOMMES

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Lorsqu’on pense aux forêts tropicales, la junglede Rudyard Kipling ou d’Edgar Rice Burroughs,ses lianes, sa végétation luxuriante, ses animaux

sauvages nous viennent immédiatement à l’esprit. Mais, au-delà du cliché, les forêts tropicales nousréservent bien des surprises dont la première reste leur extrême diversité. Le terme de « forêt tropicale »

désigne, en fait, toutes les zones boisées situées entreles tropiques du Cancer et du Capricorne.

Des forêtstropicales

La forêt densehumide couvre prèsde 1 100 millionsd’hectares et s’étalesur une bande

variant de 800 à 4 000 km autour de l’équateur. Les arbres y sont immenses et empêchent lalumière d’arriver au sol. Les jeunes arbres etarbustes sont peu nombreux dans le sous-bois oùl’on circule ainsi aisément. Mais, dès qu’un géantde la forêt meurt et tombe, entraînant dans sachute d’autres arbres avec lesquels il est enchevêtré par les lianes, s’ouvre unetrouée dans laquelle une vie intense va s’installer. Dans les grandes trouées, les espèces pionnières, celles qui demandent de la lumière pourpousser, vont germer immédiatement. Sous ces espècespionnières s’installent des espèces plus tolérantesà l’ombrage, dont quelques individusseulement survivront à l’intensecompétition qui règne dans le sous-bois et arriveront auniveau de la canopée ; ilsauront alors peut-êtreplusieurs centainesd’années.

LA FORÊT DENSE HUMIDE EST UNE CATHÉDRALE !

LES FORÊTS D’ALTITUDE, PLUS RARES

Il existe autant de différences entre les forêts tropicales qu’entre la jungle et les forêts tempérées. Mangroves, forêts sèches, forêts humides, savanesarborées, les forêts tropicales seconjuguent décidément au pluriel !

Les forêts de montagne baignent dans les nuages et les arbres sont couverts d’épiphytes : lichens,mousses, broméliacées…La taille des arbres et des feuillesse réduit progressivement et les troncs deviennent de plus en plus tortueux. A mesure que l’altitudeaugmente, prédominent des arbres à feuilles persistantes,comme les conifères, puis la forêt disparaît au profit de formations herbacées et buissonnantes.

LES DIFFÉRENTS

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Les mangroves sont des forêts qui vivent entreeau de mer et eau douce dans la zone couverte etdécouverte par les marées. Les arbres qui poussentdans ces forêts, généralement des palétuviers, ontélaboré diverses stratégies pour gagner du terrainsur l’eau : longues racines qui descendent desbranches et s’ancrent dans la vase, racinesaériennes dirigées en oblique vers le haut qui, engrandissant, s’alourdissent et redescendent vers lesol, germination des fruits sur l’arbre qui produitune racine large et pointue en forme de lame decouteau, fruit flottant…Les mangroves sont un milieubiologiquement très actif : les poissons etles crustacés s’y reproduisent, les huîtresprolifèrent sur les racines des arbres où

grimpent certains poissons, lespériophtalmes.L FORÊTS D’ALTITUDE, PLUS RARES

Les forêts sèches sont installées dans les zones à pluviositécomprise entre 1 000 et 1 500 mm par an, avec une période

sèche bien marquée. Elles sont situées en Afrique, dans les zonessoudano-guinéenne et zambienne, sur la côte ouest de Madagascar,

en Inde, dans la péninsule indochinoise ou en Amérique tropicale. Il existe deux sortes de forêts sèches : les forêts denses, rares,

et les forêts claires, beaucoup plusfréquentes. Les arbres y sont petits, les troncs massifs et courts. Ilsdépassent rarement 20 mètres de hauteur. Leur sommet, le houppier, est composé de petites feuillescaduques. Leur sous-bois contient denombreux arbustes.Elles sont souventmenacées pardes incendiesravageurs.

Théoriquement, une forêtprimaire est le fruit d’unedynamique naturellemultiséculaire dont l’hommeserait exclu. En réalité, laprésence de l’homme est attestéede longue date par de nombreuxvestiges archéologiques, ycompris dans les grands massifsforestiers comme l’Amazonie ou le bassin du Congo.L’exploitation du bois en forêtsprimaires modifie peu leurcomposition floristique et leurstructure. L’agricultureitinérante les perturbe plusprofondément car elle nécessiteune coupe plus sévère. Unedynamique forestière naturellese réinstalle après l’abandon

de ces cultures temporaires.Cette nouvelle forêt estconstituée d’espèces pionnières à croissance rapide et porte lenom de forêt secondaire. Aprèsplusieurs siècles, sa compositionfloristique et sa structureredeviennent semblables àcelles des forêts primaires. Pour accélérer le retour dela forêt, pour améliorer saproductivité ou recréer unenvironnement forestier,l’homme plante des arbres et crée ainsi des plantationsforestières, comportant unnombre réduit d’espèces à partird’un matériel végétal souventsélectionné, plus aisées à géreret plus productives.

Les savanes ne sont pas des forêts, puisque, comme les steppes,elles sont essentiellement constituées d’herbes. Cependant,

toutes deux peuvent aussi accueillir des arbres ou desarbustes, au port souvent tortueux. On parle alors de

savanes arborées, arbustives, boisées, parfoisdifficilement distinguables de certaines forêts

claires, comme les « cerradãos » brésiliens. Dans beaucoup d’endroits, les savanes n’existent

que par les feux souvent allumés par l’hommepour la chasse, l’agriculture… Ces pratiquesentretiennent la savane et ont conduit à lasélection d’arbres résistants : leur écorce estgénéralement très épaisse et les protège aupassage d’un feu violent.

DENSE OU CLAIRE, LA FORÊT SÈCHE

LES SAVANES ARBORÉES

LES MANGROVES

Forêts primaires, forêts secondaires,plantations forestières …

TYPES DE FORÊTS

En 1995, la Fao estimait que l’ensemble des forêts dumonde représentait plus dede 3 500 millions d’hectares,soit plus du quart des terresémergées et l’équivalent du continent américain. Lesforêts tropicales couvrentenviron 1 700 millionsd’hectares, soit l’équivalentde l’Amérique du Sud.

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Les forêts tropicales abritent ainsi unegrande majorité d’espèces animales etvégétales de la planète : près des deux tiers

des 250 000 espèces de plantes à fleurs. A ellesseules, les forêts tropicales humides comptent80 % des insectes, 84 % des reptiles, 91 % des

amphibiens, 90 % des primates,mais ces forêts abritent aussi

de nombreuses espècesencore inconnues

et les inventairessont loin d’yêtre terminés.

A l’aubedu troisièmemillénaire,

on estime à plus de 10 millions le nombred’espèces sur la planète,dont 6 millions et demiauraient déjàété identifiées.Climat, altitude, latitude,actions de l’homme ontmodelé au fil du temps lecortège floristique et faunistique de la planète.Selon les époques, la planète a connu une plusou moins grande diversité d’espèces, qui vivent,se reproduisent, évoluent ou disparaissent, en fonction de leur capacité d’adaptation à l’environnement.

Une fabuleuse diversité

La zone intertropicale contient le plus grandréservoir de diversitébiologique de notre planète. Cette diversité s’exprimedifféremment selon les régions et les continents.

Le Noyer de Para (ounoyer du Brésil) estun des plus grandsarbres de la forêtamazonienne. Ildépasse parfois50 mètres de haut.Son bois n’est pasou peu exploité, leprincipal intérêt duNoyer de Para étantses noix.Chaque arbre en

produit plus de trois centskilogrammes par an. Chaque

fruit contient entre 12 et25 noix, simplement ramasséesaprès sa chute. Leur commercereprésente la seconde valeurmonétaire d’exportation del’Amazonie brésilienne après lecaoutchouc. Les noix serventaussi de bougies miniatures auxIndiens de la forêt

amazonienne.

• Les savanes, avec leurtapis herbacé de graminées,accueillent des grandsherbivores comme leséléphants, les girafes, lesgazelles, les zèbres, lesantilopes, les buffles et leursprédateurs (lions, léopards,chacals, hyènes…).• Les insectes se trouventégalement dans les herbeset nourrissent les serpents,les lézards et les oiseaux.• De spectaculairestermitières jalonnent parfoisles savanes.

Les animauxsauvages des

savanes arborées

La diversité biologique s’organiseselon trois niveaux, celui des gènes,celui des espèces et celui desécosystèmes. Du premier, dépend lacapacité d’une espèce à résister auxchangements de son

environnement. Du deuxième,dépend la capacité de l’humanité àassurer ses besoins d’aujourd’hui etde demain. Du troisième, dépend lasurvie des espèces dans leurenvironnement.

Ce terme a ensuite été popularisélors des discussions qui ont eu lieuautour de la signature de laConvention sur la diversitébiologique, lors de la Conférence deRio de Janeiro en 1992.

Qu’est-ce que la biodiversité ?

L’Okoumépeut constituer

des peuplementspurs, comptant jusqu’à100 arbres à l’hectare.C’est une espèce dontles fleurs mâles et lesfleurs femelles sontportées par des arbresdifférents. Sa résine estrécoltée pour fabriquerles torches destinées àl’éclairage des villagesde brousse.

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Le Moabi est un très grandarbre caractéristique de la forêt

dense Guinéo-Congolaise. Ilpeut mesurer jusqu’à 60 mètresde haut, et le diamètre de sontronc atteint parfois 5 mètres.

La pulpe succulente de sesfruits est appréciée des hommes

mais aussi des rongeurs, deschimpanzés ou des éléphants,

qui disséminent les graines.Véritable symbole de la forêt

équatoriale en Afriquecentrale, il est le site du

tribunal pour les palabres etfigure dans nombre de contes

ou de chants bantous.

L’Acacia blanc, avec sasilhouette typique deszones sèches d’Afrique, àl’énorme houppier en forme deparasol, doit son nom à la couleur deses rameaux. Fait rarissime dans cesrégions arides, il perd ses feuilles ensaison des pluies et se refeuille au

moment où l’herbefait défaut. Une aubaine

pour les ruminants quiprofitent ainsi de son ombre

et des jeunes pousses trèsnutritives. Ses gousses sont

un aliment d’appointimportant pour le bétail.

Le Safoutier (ou Atangatier)est un des grands arbres de la

forêt dense d’Afriquecentrale.

On le retrouve maintenant planté dans presquetous les jardins de village, et de plus en plus enville. En plantation, sa silhouette fait penser àcelle du pommier. Ses fruits, de la taille d’unequetsche, très agréables à consommer lorsqu’ilssont cuits, sont très prisés des citadins commedes paysans.

Le Karité ou arbre à beurre vit dansles zones semi-arides et

subhumides africaines, associé auxcultures agricoles. Il peut mesurer

plus de 25 mètres de haut. Tous lesdeux ou trois ans, il fournit

d’importantes quantités d’un fruittrès prisé, à la chair juteuse et

sucrée. Sa pulpe est consommée etles amandes produisent une huileou un beurre utilisé en médecinetraditionnelle et dans l’industrie

agroalimentaire et cosmétique. Lerésidu de pressage sert à

imperméabiliser les murs.

Le fruit du Poirier duCayor, survivant desanciennes forêts sèches

denses, est un importantaliment de soudureentre la fin de la saisonsèche et le début desrécoltes. Bel arbre àhouppier sphérique,il mesure jusqu’àvingt mètres de haut. On l’appelle parfois

le « chêne du Sénégal », son bois

au cœur brun-jaunâtre et augrain grossier fait penser au chêne de

nos régions. Il est très recherché pour lafabrication des djembés.

Les Acacias gommierssont de petits arbres

de moins de 10 mètresde hauteur, typiquesdes paysages sahéliens. Leur forme en boule esttrès caractéristique. Ils produisent la gomme

arabique, qui s’écoule des blessures del’écorce et est récoltée par les pasteurs

nomades lorsqu’elle est sèche.

De la vie à tous les étages !L’arbre fonctionne comme une « maison », ou plutôt un « immeuble », pour denombreux animaux qui s’ynourrissent, y habitent, y chassent, y dorment…• La canopée accueille unefaune extrêmement variée :insectes (abeilles, termites,scarabées…), reptiles, singes,oiseaux, batraciens. • Dans les frondaisons setrouvent des singes, desécureuils, des marsupiaux, deschauves-souris…• Les sous-bois sont le règnedes rongeurs, des carnivores,des reptiles, des batraciens, desherbivores, des insectivores,des gastéropodes comme lesachatines qui sont des escargotsgéants.• Le sous-sol regorge d’unefaune et d’une flore invisiblespour le visiteur non averti :acariens, champignons,bactéries… qui participent à ladécomposition des feuilles etbois morts tombant au sol et aurecyclage de la matièreorganique. Les habitants du solles plus visibles sont les vers deterre et les termites.

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Le saviez-vous ?• Le commerce international des bois tropicaux ne représenteque 3 % de la consommation et 12 % du commerce mondial du bois.• Bien que les zones tropicalesrecèlent environ la moitié desressources en bois de la planète,ce sont les pays du Nord qui en 1999 ont assuré 80 % duvolume et 77 % de la valeur desexportations des bois d’œuvre.

Chasse et cueillette sont les formes les plusanciennes d’utilisation de la forêttropicale. Bien après, la forêt est devenue

une réserve de terres agricoles pour la cultureitinérante sur brûlis. La pratique du pâturage et de l’élevage du bétail s’est également développéedans les forêts sèches et les savanes arborées.La forêt tropicale fournit encore aux populationsdu gibier, des fruits, des résines, des fibres, dufourrage, des médicaments, des colorants… et bienévidemment du bois. Il est brûlé pour produire de l’énergie, façonné pour construire des maisons,fabriquer des objets artisanaux et des meubles,trituré pour la production de papier et de panneauxde particules. En majorité consommés sur place, lesbois tropicaux sont aussi exportés pour leur beautéet leurs caractéristiques techniques qui leurconfèrent une grande valeur économique.

Mille et uneRessources

forestièresla forêt. Elle le nourrit, le protège, lui permet de se chauffer, de s’habiller, de se loger, de se meubler, de se soigner…

Impossible d’évoquer l’histoire des forêts tropicales sans mentionner lerôle des puissances coloniales dans la découverte et l’exploitation de leursrichesses. Les grandes explorations qui débutent à la fin du XVe sièclerévèlent l’immensité et l’exubérance des forêts d’Amérique du Sud.Botanistes et zoologistes s’y précipitent, en compagnie d’aventuriers

en tout genre.La sciences’enrichitde multiplesconnaissancestandis que les échangess’organisent àl’échelle de la planète. Bois précieux,épices, cacao,

café, caoutchouc… deviennent au fil des siècles des denréesindispensables à l’économie occidentale. L’ensemble des zones tropicalesest peu à peu colonisé au prix de guerres sanglantes pour conserver lamaîtrise de ce réservoir de richesses jugé inépuisable.

LES FRUITS

De nombreux fruits sont encore cueillis en forêt etconsommés localement, comme le Durian en Asie, les « mangues sauvages » de l’Irvingia gabonensis, le germe de Rônier, la pulpe sucrée du Karité, la farine du Baobab,les jujubes du Zizyphus, la pulpe du Sclerocarya birrea

dont on fait de la bière…D’autres encore font l’objetd’un commerce comme lesgousses du Tamarin, les dattes,les figues.

LES RÉSINES ET LES GOMMES

Tous les ans, les pasteurs nomadessoudanais récoltent jusqu’à 60 000 tonnes de gomme arabique sur les Acacias gommiers. En Indonésie, des résines d’une grandepureté, les « Damar », sont connuesdepuis le XIIe siècle. Récoltées sur leShorea javanica, elles étaient la basedes plus beaux vernis du XVIIIe siècle.Les résines de synthèse ont peu à peuestompé leur importance économique.

LA FORÊT, UNE GRANDE

Histoire de la colonisation des forêts

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L’homme a toujoursentretenu des liens étroits avec

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D’OÙ VIENT LE BOIS TROPICAL ?Les trois quarts de la production totale de bois des pays en voie de développementqui est estimée à 2,2 milliards de mètres cubes par an proviennent des forêtsnaturelles. Les plantations forestières, dont le développement est relativementrécent dans le monde tropical, couvrent environ 55 millions d’hectares etproduisent 0,5 milliard de mètres cubes par an. Une centaine d’espèces sont utilisées en plantation forestière tropicale. Les plusplantées : les Eucalyptus (22 %), les Pins (10 %), les Acacias (8 %) et le Teck (6 %).Pour les bois tropicaux, en 1999, le continent asiatique était à la fois le producteuret le consommateur dominant, pour plus de la moitié des volumes mondiaux. LeBrésil, qui était le deuxième producteur mondial de grumes et le premier de sciages,a consommé la quasi-totalité de sa production. L’Afrique a produit 9 % des grumestropicales et 6 % des sciages.

LE BOIS DE FEU

OU BOIS-ÉNERGIE

Les deux tiers de la productionmondiale de bois sontconsommés sous forme de bois-énergie. Selon la Fao, cette proportion grimpe à 80 % dans les pays en voie dedéveloppement. Plus de 85 % du bois extrait des forêts et savanes de la régionsubsaharienne sont utilisés en tant que combustible, fournissant ainsi environ70 % de la consommation énergétique totale.

LES ÉCORCES

Certaines écorces (Garcinia kola,Garcinia lucida, Khaya anthotheca etCarapa procera) sont ajoutées au vinde palme pour le rendre amer. Lesécorces de Baobab et de Raisinier(Lannea microcarpa), très fibreuses,

servent à la fabrication decordages.

LA CHASSE, LE GIBIER

Une très large gamme d’animaux estchassée pour l’alimentation. EnAfrique, ce secteur d’activité souventinformel, revêt une grande importanceéconomique et assure une partsignificative de l’apport nutritionneldes populations. La viande de brousseconstitue l’un des principaux produitsforestiers non ligneux en forêt densehumide.

LES FEUILLES

La ménagère africaine utilise unemultitude de plantes pour assaisonnerles plats traditionnels : les feuillesdu Gnetum (Gnetum africanum etG. buccholzianum), du Baobab(Adansonia Digitata), du Kapokier(Bombax costatum)…En Côte d’Ivoire, les feuilles de teckservent à emballer la viande surles marchés.

LE MIEL

La récolte du miel sauvage est souventassimilée à une chasse dangereuse,pratiquée par certains hommes etentourée d’un rituel secret encore trèsvivace. En Afrique, on appelle « mieldes femmes » le miel produit par depetites abeilles inoffensives dans lesfissures des arbres. Il porte ce nom car quiconque peut le récoltersans danger.

LE LATEX

Le plus connu est celui de l’hévéaencore récolté par les seringueiros dansla forêt amazonienne. D’autres espècesproduisent du latex dont le Balatafranc longtemps récolté en Guyane et le Landolphia qui permet de réparerles chambres à air crevées dans lespays sahéliens.

LES ÉPICES

Leur commerce existe depuis la plushaute antiquité. Le poivre, fruit d’uneliane de forêt dense humide, en a étélongtemps l’élément central mais biend’autres épices proviennent aussi de laforêt tropicale : les graines decardamome, la racine du gingembre,l’écorce de la cannelle, les clous degirofle, la noix de muscade…

LA SÈVE

Le vin de palme provient de lasaignée du palmier à huile (Elaeisguineensis), du rônier ou du raphia, quiproduisent une sève riche envitamines B.

LES LIANES

La vanille est une orchidéelianescente dont la gousse fermentéeproduit un arôme très recherché pourla pâtisserie. Les rotins, dont certainsindividus peuvent atteindre 1 000mètres de long, servent à la vannerieet à la fabrication de mobilier.

LES GRAINES ET LES AMANDES

Le Néré (Parkia biglobosa) produit desgraines que la fermentation transformeen condiment. L’huile extraite duPourguère (Jatropha curcas) estdirectement utilisable dans lesmoteurs diesel. La noix de Kola (Colanitida) est connue pour ses propriétésexcitantes. Les Noyers de Para(Bertholletio excelsor), en Amazonie,produisent des noix dont on extraitune huile très recherchée dansl’industrie cosmétique; elle constitueune base de l’économie des Indiensamazoniens. L’amande la plus fameuseest celle du Karité.

ÉPICERIE AU NATUREL

EBÉNISTERIE

ET AUTRES USAGES

DU BOIS

Matière premièred’une infinitéd’objets, des

archets aux charpentes, les essences tropicales sontemployées dans tous les domaines de l’activité humaine.L’Azobé est un bois très lourd, qui ne flotte pas. Il est utilisédans les travaux hydrauliques et pour les traverses, grâce à sa grande résistance, en particulier aux tarets. (Afrique de l’Ouest et centrale)Les Ebènes, dont les teintes évoluent du noir le plus uniformeaux bruns foncés, noirs figurés ou noirs rubanés, sont utilisés enplacages, notamment pour les instruments de musique de luxe.On lui doit le mot « ébéniste ». (Toutes les zones tropicales)L’Amarante : ce bois luxueux, à la couleur violacée, est très prisé en ébénisterie et recherché des riches Américains. (Amérique du Sud tropicale)Le Cedro dégage une odeur forte et agréable, c’est le bois des boîtesà cigares. (Amérique centrale et du Sud, Caraïbes et Antilles)L’Amourette, brun-rouge violacé aux nombreuses taches foncées,sert à la fabrication des archets. (Amérique latine)Le Tali : ce bois lourd, très dur et durable, a été longtemps employéen Europe avant le béton pour les traverses de chemin de fer. Il l’est encore en Afrique. (Guinée-Congo)Le Teck : une de ses composantes, l’oléorésine, le rend gras au toucheret lui donne son odeur caractéristique de vieux cuir. C’est un des boisles plus recherchés en construction navale et en mobilier extérieur àcause de son faible retrait, de sa propriété de ne pas s’altérer au contact du fer, de sa bonne durabilité. (Inde et Asie du Sud-Est)

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Les hommes et la forêt

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Les peuples de la forêt vivent pour la plupart en petits groupes et troquent avec leurs voisins

agriculteurs les produits de leur chasse, de leur pêche ou de leur cueillette contre du sel, des aliments, des poteries ou des armes.Les Pygmées sont parmi les peuples des forêtsles plus connus et les plus mythiques. Leur

nom, d’originegrecque, signifie« haut d’unecoudée » et faitréférence à leurlégendaire petitetaille.

Ils pratiquent une chasse rituelle, à l’arc et aufilet. On les rencontre dans les forêts tropicalesafricaines du bassin du Congo. D’aures peuplesnomades vivent dans les forêts de Malaisie, desîles indonésiennes, des Philippines et de l’Inde.Les Indiens d’Amérique du Sud vivent aussi enforêt, où ils pratiquent l’agriculture sur brûlis,la très célèbre chasse à la sarbacane et la pêche. La tragique histoire de leurextermination par la colonisationoccidentale, les massacres et les épidémies est bien connue.Jadis 6 à 7 millions, ils sontaujourd’hui moins de 300 000.

La forêt contribue au bien-être de plus d’un milliard de personnes et 350 millions en tirent des revenus significatifs. Cette proximité a modelé

leur organisation sociale et rythmé leurs activités.

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Les bois sacrésEntre Mali, Côte d’Ivoire et Burkina Faso, le peuple sénoufo protège des enclaves boisées à l’intérieur et à l’extérieur desvillages. Ce sont les bois sacrés. Les premiers sont étroitement liés à l’origine des villages. Enclaves interdites, ils sont réservés aux dieux. Hors des villages, souvent isolés au milieu des champs, les seconds sont des lieux d’initiation, de sacrifice et de sépulture.

LES AGROFORESTIERS

De l’Indonésie au Brésil, du CostaRica au Cameroun, de vraies faussesforêts naturelles ont repris leurs droitssur d’anciens défrichements. Ces associations végétales complexessont l’œuvre d’agroforestiers quirecherchent une productiondiversifiée et soutenue de résines, delatex, de rotins, d’écorces et de fruitscomestibles. Les savoirs locaux, issusdes anciennes coutumes forestières,ont donné vie à ces nouvelles « agroforêts » où se mélangent espèceslocales et introduites. La chasse et lapêche viennent compléter les revenusdes populations locales.

LES AGRICULTEURS SUR BRÛLIS

Les agriculteurs sur brûlis des zones tropicales ont desactivités itinérantes. Ils défrichent chaque année uneparcelle nouvelle de forêt sur environ un demi-hectare.La plupart des arbres sont abattus et le sous-bois coupé,mais les souches d’arbres sont rarement arrachées. Lebrûlis, ou mise à feu de la végétation, permet la formationde cendres qui fertilisent les sols pauvres. La durée de mise enculture d’une parcelle peut s’interrompre après une seule récolte et ne dépasse jamais trois années consécutives. Elle est alors laissée au repos pour une période longue, car 15 à 30 ans sont nécessaires à la reconstitutionde la forêt. Un nouveau cycle peut alors commencer.

BÛCHERONS ET CHARBONNIERS

Avec le développement desmétropoles urbaines, la demande

en bois de

chauffe s’est accrue considérablement.Dans les grandes villes du Sud, lecharbon de bois remplace peu à peu

le bois de feu. Pluspratique, moins

encombrantet… plus

moderne,il est

produit en forêt par les bûcherons etles charbonniers. Le bûcheronnagedevient une activité complémentairepratiquée par un nombre croissant depaysans et fait vivre de plus en plus deménages ruraux. Au Mali, le métier decharbonnier est souvent exercé par lesfemmes dont c’est l’un des principauxrevenus monétaires.

LES PASTEURS

En Afrique de l’Ouest, l’élevage des bovinsest souvent pratiqué par des pasteurs nomades. Leurs

énormes troupeaux se déplacent à travers la savanearborée et broutent la végétation naturelle ou les

chaumes de mil, de maïs et de coton. En saison sèche, lorsque les ressources fourragères se font

rares, les pasteurs taillent les arbres pour nourrir lebétail de leur feuillage. Depuis toujours, ces pasteurs nomades

gèrent les arbres de leur milieu naturel et n’exploitent jamais l’environnement jusqu’à sa destruction. Ils se contentent d’utiliser feuillages, branches

ou écorce avec économie. Les arbres rares des savanes sont souvent considérés

comme lieu de refuge desgénies dont il seraitdangereux de s’attirer les foudres.

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LE BOIS : PRINCIPALE SOURCE D'ÉNERGIE DOMESTIQUE DANS LES PAYS DU SUD

En 2010, les besoins mondiaux annuels en bois de feu pourraient atteindre 3 milliards de mètres cubes. La demande en bois-énergie, fortement dépendantede la démographie et du faible niveau de développement, devrait continuer àcroître dans les régions tropicales, où elle représente déjà 80 % de laconsommation de bois et près de 90 % de la consommation énergétiquedomestique. Des pénuries sont d’ailleurs localement perceptibles, comme en

Afrique sèche autour des grandesagglomérations. Dans ces zones, unemeilleure planification del’utilisation des ressources forestières,une gestion adaptée, l'améliorationdes procédés de production d'énergieà partir du bois et la promotion desénergies renouvelables desubstitution permettront de limiterla surexploitation des forêts.

Si le rôle des espaces forestiers tropicauxdans la protection de l’environnement :préservation de la diversité biologique,

régulation du régime des eaux, maintien des sols, stockage du carbone… est connu, leur contribution à la vie despopulations et au développementéconomique des pays du Sud l’estbeaucoup moins. Pourtant, les forêts tropicales, situéesessentiellement dans les pays envoie de développement, assurentencore une partie des revenus de millions de personnes.Soixante millions dépendententièrement de la forêt et 12 millions y vivent enpermanence. Aussi, l’implicationdes populations locales dans lagestion des forêts tropicalesest–elle essentielle pour mieux

Le formidable défi que représente lacroissance démographique et auquell'humanité va être confrontée dansles cinquante prochaines annéesdemandera d'augmentersensiblement les productions tiréesdes forêts.La contribution des arbres, desforêts et des autres ressourcesnaturelles au maintien de la qualité

de l'environnement deviendra l’undes facteurs clés de la productionagricole.Comme en agriculture, l'un desprincipaux gisements de ressourcesforestières se trouve dansl'amélioration des procédés derécolte, de transformation et deconditionnement pour lutter contrele gaspillage de la matière première.

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Les dernières décennies ontvu disparaître ou se dégraderquelques centaines de millionsd'hectares de forêts naturellesdans la zone

intertropicale. Faut-il pour autantériger ces forêts en sanctuairesinviolables et opposersystématiquement conservationintégrale et développement ?

La forêt est

vitale

garantir leur pérennité et promouvoirleur gestion durable.Cette reconnaissance de la place des hommes dans la protection et la préservationde la nature ainsi que celle d’une pluralitédes usages et des intérêts impliqués dans lagestion des forêts tropicales constituent undes enjeux majeurs.

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Selon la Fao, d’ici 2010, la demandeen bois-matériau devrait augmenter de 40 % en passant de 3,5 à 5 milliards de mètres cubes, avec defortes disparités selon les régions. Pour les bois tropicaux, la Chine et leJapon sont les plus gros importateursmondiaux avec 55 % des grumes, 34 % des sciages et 57 % des contreplaqués.De nombreux pays (Indonésie, Côted’Ivoire, Brésil…) privilégient latransformation sur place des grumes,autrefois exportées, pour alimenter

aussi bien le marché internationalque le marché local en fortecroissance. De telles évolutions peuvent générerune pression excessive sur les forêtstropicales, sans commune mesure avec leurs capacités de régénération.Dans ce contexte, la contribution des plantations forestières tropicales à l’approvisionnement du marché dubois est en constante augmentationdepuis le milieu du XXe siècle. Elledevrait couvrir le tiers de laconsommation mondiale en 2010.

Les forêts participent pour 80 % auxéchanges de carbone entre labiosphère terrestre et l’atmosphère,qui sont estimés à 100 milliards detonnes. En outre, elles absorberaient25 % des 6 milliards de tonnes decarbone émis tous les ans par lacombustion d’énergies fossiles. L’évaluation de la contribution des

forêts en tant que source (émission)ou puits (fixation) de carbone faitl’objet non seulement d’un débatintense mais aussi d’un nombrecroissant d’études scientifiques. L’issuede ce débat peut fortement influencerle rôle et le devenir des forêts,notamment celles des zonestropicales.

LES FORÊTS ET LE CLIMAT

Les forêts tropicales jouent un rôleessentiel dans la régulation du climat,sur le plan local et à l'échelleplanétaire, en contribuant au maintiende l'équilibre thermique à la surface duglobe et en régularisant le cycle desprécipitations. Elles contribuent àréduire l'impact destructeur des pluiesdiluviennes, en ralentissant le

ruissellement et en atténuant l'érosiondes sols. Les inondations dévastatricesqui ont frappé récemment la Chine etle Bangladesh sont ainsi directementliées au déboisement des bassinsversants. Véritables facteurs d’équilibre,les forêts peuvent, grâce à leurspropriétés de rétention, réduire lesrisques de sécheresse comme ceuxd'inondation.

En 15 ans, de 1980 à 1995, 200 millions d'hectares de forêt, près de quatre fois la France, ont étédéboisés en Asie, en Afrique, enAmérique latine, l'Asie étant lecontinent le plus touché. La superficie des forêts, qui occupentencore plus du quart des terresémergées de la planète, ne cesse de seréduire : si le couvert forestier s'étenddepuis peu dans les pays développés, ilrégresse nettement dans les pays endéveloppement.Les conséquences biologiques en sontmultiples : érosion des sols,modifications climatiques etdiminution de la biodiversité.Les causes principales du déboisementsont également nombreuses : ouverturedes massifs forestiers aux frontsagricoles pionniers, surexploitation debois d'œuvre ou de bois de feu,conversion en plantations industrielles,

barrages, incendies…Certains pays sont plus touchés que d'autres par la déforestation : En Côte d'Ivoire, la déforestation a étérapide et élevée : il ne reste plus que2,2 millions d'hectares de forêts sur unesurface originelle de 15 millionsd'hectares, alors qu'au Surinam la forêtoccupe encore la presque totalité duterritoire.Parmi les trois grands massifs de forêtstropicales humides primaires de laplanète, celui du Bassin du Congo(180 millions d'hectares) a subi unedégradation limitée (0,6 % par an)contrairement à celui d'Amazoniebrésilienne (730 millions d'hectares)qui a perdu une superficie égale à cellede la France. La forêt primaire de latroisième île du monde, Bornéo, est envoie de disparition et ce sont 4 000 hade forêt indonésienne quidisparaîtraient chaque jour.

UNE DEMANDE DE BOIS CROISSANTE

LA DISPARITION DES FORÊTS TROPICALES

Extrait de l’article « Forêt » de l’Encyclopédie, rédigé par le conservateur du parc deVersailles, Monsieur Le Roy :

« Il paroît que de tout temps on a senti l'importance de laconservation des forêts ; ellesont toujours été regardéescomme le bien propre de l'état,et administrées en son nom :la religion même avoit consacréles bois sans doute pourdéfendre, par la vénération,ce qui devoit être conservé pourl'utilité publique. Nos chênesne rendent plus d'oracles, etnous ne leur demandons plus legui sacré ; il faut remplacer ceculte par l'attention ; etquelque avantage qu'on aitautrefois trouvé dans le respectqu'on avoit pour les forêts, ondoit attendre encore plus desuccès de la vigilance et del'économie. »

Cité par Robert Harrison, Forêts,essai sur l'imaginaire occidental,Flammarion, 1992.ATMOSPHÈRE

O2 Oxygène

Co2 Gaz carbonique

C Carbone

C Carbone

PHOTOSYNTHÈSE

LES FORÊTS : UNE COMPOSANTE

DU CYCLE DU CARBONE

C Carbone

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Questions pour la recherche

Entre laconservationintégrale

des écosystèmesforestiers et lesnécessités dudéveloppement, denouvelles politiquesforestières se dessinent. Elles visent à préserver les différentes fonctions que remplissent les arbres et les forêts sur le plan local,national ou planétaire. Elles visent aussi à conserverla diversité biologique, à assurer la viabilitéécologique et socio-économique de laproduction ligneuse, à éviter le gaspillagede la ressource et à réduire

l’impact environnemental des procédés detransformation ou de conditionnement.Face à un tel défi, la recherche forestière doitprivilégier une approche multidisciplinaire,

mobiliser des technologies de pointe (commela télédétection, le marquage moléculaire,

l’analyse architecturale, la modélisation), et s’intéresser aux dimensions écologiques,

économiques et sociales des forêts tropicales.

CONCILIER DES INTÉRÊTS MULTIPLES

Dans les pays tropicaux, la multiplicité des usages conduit souvent à des conflitsd’intérêt que la puissance publique n’a pas les moyens de gérer. L’une des voiespoursuivies par les chercheurs est de faire émerger des objectifs à long termecommuns aux protagonistes et de définir des stratégies d’intervention à courtterme portées par les acteurs eux-mêmes.Cette décentralisation de la gestion forestière est actuellement expérimentéedans plusieurs pays d’Afrique. Madagascar a ainsi créé un concept de « médiateurs environnementaux » chargés d’apporter leur expertise dans la préparation et la mise en œuvre de plans de gestion des ressourcesrenouvelables. Une délégation de gestion a également été accordée à des opérateurs privés dans les pays du Bassin du Congo (République centrafricaine, Cameroun, Gabon, Congo, Mali) et le Cirad leurapporte un appui scientifique et technique dans l’établissement des plansd’aménagement.

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Si l’on veut gérer d’une façon durable les forêts tropicales, il est nécessaire d’avoir une vision globale du contexte, des problèmeset des solutions possibles, dans laquelle l’ensemble des acteurs concernés seront pris en compte.

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L’huile essentielle de Santalest utilisée en cosmétique, en parfumerie et enaromathérapie. Si la fortevaleur économique du Santala contribué au développementdes régions de l’aire indo-pacifique, elle a aussiprovoqué une surexploitationde ces espèces dont certainessont aujourd’hui menacées dedisparition. C’est pourquoi leCirad a engagé des recherchessur les ressources génétiquesdu Santal. Il s’agit de lesrecenser, de les évaluer et de

les conserver pour en améliorer la gestion et la valorisation par les populations calédonienneset polynésiennes. L’utilisationrécente de marqueursmoléculaires a ainsi permis au Cirad de mettre enévidence une fortestructuration des populationsnaturelles de l’espèceSantalum austrocaledonicum,divisée en variétésgénétiquement biendifférenciées. Par ailleurs, la régénération naturelle du Santal étant très aléatoire,les recherches menées sur les prédateurs des graines ont été couronnées de succès et ont permis d’obtenir dessemences puis des plantsdestinés au reboisement.

C’est ce qu’ont réalisé depuis unecinquantaine d’années en Républiquedu Congo des équipes franco-congolaises avec l'eucalyptus. Celles-ciont mis au point, dans les années 70,une méthode de bouturage industriel d’hybrides très performants, quipermettent de reboiser des surfacesimportantes (45 000 ha) pour laproduction de bois de pâte à papierexporté et pour l’approvisionnement de Pointe-Noire en bois-énergie. De nouveaux hybrides artificiels d’ Eucalyptus urophylla x grandispermettront une production quatre foissupérieure à celle des premiers hybridesnaturels. Un laboratoire d’étude de la

technologie du bois vient d'être installépar le Cirad pour étudier les relationsentre la sylviculture, la génétique et lesqualités technologiques du boisd’eucalyptus ainsi que pour savalorisation comme bois d'œuvre.Récemment, l'accent a été mis sur ladurabilité de ces plantations et sur leurimpact environnemental. Les cyclesbiogéochimiques sont étudiés pourquantifier le fonctionnement hydriqueet minéral des plantations d'eucalyptus,établir des bilans de fertilité et élaborerdes recommandations. L’évaluation dela séquestration du carboneatmosphérique par ces plantationsvient compléter ces travaux.

Le Cirad a créé, avec le Laboratoirede mécanique et d’acoustique duCnrs de Marseille et avec le Centretechnique du bois et del’ameublement (Ctba), ungroupement pour répondre auxinterrogations des industriels,confrontés à l’hétérogénéité dumatériau bois. Un brevetconcernant un procédé nondestructif de détection et delocalisation des défauts du bois a été déposé. Celui-ci utilise lamécanique vibratoire appliquée au

domaine acoustique pour déterminerles propriétés mécaniques etcontrôler d’une façon nondestructive le bois et ses dérivés. Enscierie, ce procédé est utilisé pour leclassement automatisé des boisdébités. Il permet aussi de contrôlerin situ l’état des poteaux en bois deslignes téléphoniques ou électriques.

L’explosion urbaine n’a pas épargnéle Niger et le Mali. Niamey compte800 000 habitants, Bamako dépassele million. Cette croissance fait peserune très grave menace desurexploitation des zones forestièresles plus proches des grandes villes.C’est pourquoi le Cirad participe à lamise en place de nouvelles politiquesforestières intégrant une stratégiepour l’énergie domestiqueindispensable. Il s’agit de rationaliserl’emploi du bois en mettant au pointdes méthodes de gestion durable desforêts naturelles, de diversificationdes combustibles domestiques etd’amélioration des techniques decuisson. Ainsi, la gestion forestière

et des revenus de la vente du bois a-t-elle pu être transférée à plusieurscentaines de marchés rurauxvillageois, entités reconnues pour la gestion et l’exploitationforestières. Ces marchés spécialisésdans le bois-énergie gèrent désormaisleurs forêts en prélevant des volumesde bois compatibles avec la capacitéde régénération de ces formations.Les revenus induits contribuent àla réduction de la pauvreté rurale,à l’émancipation des femmes, à la diminution de l’exode vers lesgrandes métropoles, et permettent de lancer un processus dedéveloppement économique local autonome.

Détecter les défauts du bois grâce à l’acoustique

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PLANTER DES ARBRES POUR UNE PRODUCTION

DURABLE ET ÉCOLOGIQUE DE BOIS

Santal : conserver une espèce menacée

AUGMENTER LE REVENU DES POPULATIONS : LE CAS DES MARCHÉS

RURAUX AU NIGER ET AU MALI

PRÉLEVER DU BOIS DANS LES FORÊTS

SANS LES DÉGRADER

La démarche préventive que propose le Cirad s’appelle l’exploitationforestière à faible impact.Il s’agit, un an avant la récolte, de fairel’inventaire des zones à exploiter pourlocaliser sur des cartes les arbres quiseront abattus, les tiges impropres à lacommercialisation, mais aussi les arbresà conserver pour l’avenir et les espècesprotégées. Chaque arbre est marquédistinctement sur le terrain. Les informations topographiquesimportantes pour le tracé des pistes et des routes (pentes, cours d’eau oumarécages) sont répertoriées. Intégréesdans un système d’informationgéographique (Sig), ces donnéespermettent, avant de commencer larécolte, d’optimiser le réseau des pistesde débardage, de choisir la directiond’abattage de chaque arbre et les enginsà employer pour minimiser les pertes. Ilest même possible de prévoir le réseaudes « parcs à bois », où sont déposéesles grumes, et de modifier le réseau desroutes secondaires et principales. Touten limitant les impacts négatifs surl’environnement, la réduction des coûtsd’exploitation est significative.

■ 1 = Canopée continue non perturbée■ 3 = Canopée discontinue dans une zone

d’abattage■ 4 = Canopée discontinue autour d’une

piste de débardage■ 5 = Canopée discontinue dans une zone

d’abattage■ 6 = Canopée ouverte autour d’une zone

de débardage■ 7 = Canopée ouverte en phase de

régénération naturelle

Ouverture de la canopée

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CONTES DE LA

GRANDE FORÊT

Jeromine PasteurImpossible àdistinguer du

tronc contre lequel il est appuyé, Toba guette.Avec une agilité peu

commune, une souplessetoute particulière, il a

grimpé au faîte d’unarbre, sans bruit.Protégé par les

frondaisons, lejeune chasseur se dissimule,

faisant corps avec la courbe

gracieuse d’unebranche.

Il ne peut échapper à lafascination de la

symphonie des teinteset des nuances. Des rayons

obliques baignent la pâleur dusous-bois, les rameaux auxfeuilles colorées se balancentdans la brise. Les lianes

sauvages suspendues dans lalumière, se croisent…

VOYAGE AU PAYS DES ARBRES

Le ClézioMais comme le petit garçon avaitapprivoisé les arbres en sifflant, ilpouvait se promener au milieu de laforêt, et tous les yeux verts des arbresle regardaient, et il écoutait leursbavardages. Les arbres sont comme ça,ils parlent tout le temps.Ils dorment

un peu, puis ils commencent à jaser.Ils se racontent des histoires d’arbre,des histoires sans queue ni tête qui nesont pas pour les hommes. Ils parlentde la pluie et du beau temps, desorages, des dernières nouvellesqui viennent de l’autre bout de la forêt.

la Nature est un temple où de vivants piliers Laissent parfois sortir de confuses paroles ;L'homme y passe à travers des forêts de symbolesQui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondentDans une ténébreuse et profonde unité,Vaste comme la nuit et comme la clarté,Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,Et d'autres corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infiniesComme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Charles Baudelaire – les Fleurs du mal

Correspondances

Qui est ce grandacrobate qui s’agite dansles plus hautes branches,juste sous le plafond de lajungle ? C’est Rouquin Ier,prince de la canopée !Le grand orang-outan estmort et Rouquin a pris sa place.Tout le monde le craint et lerespecte à présent, y compris lesautres mâles. Pour nourrir sa grandecarcasse, il doit se déplacer sans arrêt,chercher de la nourriture partout. Pluspersonne ne l’aide, il a très peu d’amis.C’est parce qu’il déteste partager !Rouquin a grandi, grandi. À 25 ans, ilest énorme. Mais son territoire, lui, arétréci, rétréci…De l’autre côté du fleuve, les hommescoupent les arbres et brûlent la terrepour la cultiver. Plus d’arbres : plus defruits pour les orangs-outans ! Du hautde son figuier, dans sa réserve protégée,Rouquin pince les lèvres et tremble detous ses poils en regardant le feu…

Jeannie BakerLe long de la côte nord-est del’Australie subsiste une forêttropicale, vestige des immensesétendues boisées qui recouvraientcette région, il y a des millions

d’années. À l’aide d’illustrations faitesà partir de collages d’une multitude

de matières végétales et minérales,cet album nous invite à la découvrirde manière originale : prélevés surplace, la terre, les coquillages,

les écorces ou les feuilles rassemblésici donnent l’impression d’un décor en

trois dimensions.

FORÊT SECRÈTE

La forêtdes mots

et merveilles« Toucher du bois » pour porter chance, manger une « forêt noire » en guise degâteau au chocolat, ne pas « rester de bois » devant le malheur des autres, sauvageet rustre comme « l’homme des bois », voir « de quel bois » je me chauffe, affronter« la loi de la jungle », dessiner un « arbre de vie »… Toute une forêt d’expressionstrouve ses racines dans les forêts du monde, véritable source d’inspiration pourles artistes et les écrivains.

ROUQUIN DES BOIS

Serge Strosberg

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Autrefois, la vieétait gaie dansla forêt vierge.Le jour, ellebaignait dans la

lumière du soleil, la nuit, la lune et lesétoiles l’éclairaient. De grands arbres touffus poussaientpartout, leur ombre protégeant leshommes du soleil, leurs vastesfrondaisons les mettant à l’abri de lapluie, à la saison humide, lorsque destrombes d’eau tombaient du ciel. Leshommes bénissaient ces grandsarbres qui devinrent alors trèsarrogants, méprisant les plantesfaibles des sous-bois. Parmi cesplantes, les lianes étaient les plusfaibles. Elles poussaient très vite,

mais n’avaient pas assezde force, ce qui les condamnaità ramper sur le sol au lieu de s’élever vers le ciel. Elles étaient la risée de tout lemonde. Les grands arbres, quant à eux, les méprisaient au point de ne pas leur adresser la parole. Unjour, la plus grande et la plus vieilledes lianes en eut assez de l’arrogancedes grands arbres et leur parla en ces termes :« Grands arbres, pourquoi nousignorez-vous ? Pourquoi ne voulez-vous pas nous parler ? Nous sommesles enfants de la même terre etparlons le même langage. »La pauvre liane se fatiguaitinutilement. Les grands arbresfaisaient semblant de ne pasl'entendre. Sans se décourager, elle continua à les raisonner :

«Nous sommes aussi utiles quevous : nous retenons l’humiditéde la saison des pluies et la gardonspour la forêt en attendant la saisonsèche. Sans nous, un désert arides’étendrait à cet endroit. Noussommes aussi puissantes etimportantes que vous. »

par pitié pour nous : il n’y a rien entoi qui ne puisse nous être utile, cartelle est ta volonté : tout nous estutile en toi parce que tu as réellementvoulu nous donner ton habit. Je vienste demander cela, grand créateur,parce que je vais me servir de toi pourtresser un panier pour les racines delis. Je t’en prie, ami, ne t’emporte pascontre moi pour ce que je vais te faireet apprends à tes amis ce que je t’ai

demandé. N’oublie pas,ami !… »

KIRIKOU ET LA SORCIÈRE

Michel OcelotKaraba s’agenouille au pied del’arbre et fouille rageusement la terrede ses mains nues. Autour d’elle, lesfeuilles tombent, les fleurs se fanent.Juste au-dessus d’elle, Kirikou,perché sur une branche, l’observe.Au milieu du dos de la sorcière,

l’épine empoisonnée dépasselégèrement. En un éclair, Kirikou sejette sur Karaba et arrache l’épineavec les dents. La Sorcière pousse unhurlement abominable, paralysantd’effroi la forêt, la savane, le village.Puis c’est le silence. Petit à petit, lesoiseaux se remettent à chanter, lesarbres reverdissent, de nouvellesfleurs s’épanouissent. La forêt revientà la vie. Karaba ouvre les yeux : elle ne souffre plus. Son regardapaisé se fixe sur le petit garçon qui attend. – Kirikou, comment te prouver mareconnaissance ? demande la sorcièred’une voix sereine.– Épouse-moi, répond l'enfant.Karaba sourit, et explique à Kirikouqu’elle ne peut épouser un petitgarçon…

CONTES DE

TOUS LES PAYS

Le bon et le méchant (Sénégal) Deux hommess’en allaientchercher

fortune. L’un était très bon, l'autre très méchant. Chacun portait un saccontenant de l’eau et de la nourriture.En pleine forêt, ils rencontrèrent unhomme épuisé.– Auriez-vous quelque chose à boire età manger ? demanda l’homme.Le méchant haussa les épaules ets’éloigna. Mais le bon offrit à l’hommeun peu d’eau et de nourriture.– Merci, dit ce dernier. Que le cheminde Dieu guide tes pas !Le bon poursuivit son chemin. Lesoir venu, il s’allongea sous un arbreet s’endormit. Il ne savait pas que cetarbre était le lieu de la réunionannuelle des trois diables les plussavants du pays. Dans son rêve, le bonentendit un grand ronflement : les trois diables se posèrent sur lesbranches et commencèrent à parler.

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DE LA RIVIÈRE ROUGE AU PAYS DES ZIZOTLS

François PlaceFinalement ils se mirent d’accord sur une direction à prendre. Ils marchèrent touteune journée vers les sommets de l’Arbre, essuyant aux mêmes heures que la veille unnouvel orage. Ils trouvèrent, peu après, les premières lianes sifflantes, et chacund’eux, sortant son couteau, chercha celle qui lui conviendrait le mieux, la tranchantd’un seul geste et l’enroulant autour de l’épaule. Les lianes,tout autour d’eux, cinglaient, sifflaient et se tordaientcomme des serpents. Le tigre-volant savait maintenant leurprésence. En continuant leur épouvantable ascension, ilspouvaient presque sentir son esprit les guetter,imprévisible, meurtrier, omniprésent.

CONTES

AFRICAINS

Les Lianes

A L'ÉCOUTE DES ARBRES

Jean-Marie PeltLorsqu’une femme vientde couper les racinesd'un jeune cèdre, ellecommence par invoquerl'arbre : « Regarde-moi,ami ! Je viens te demanderton habit car tu es venu