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1 DOSSIER PÉDAGOGIQUE Les fleurs dans la peinture des XV e , XVI e et XVII e siècles Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

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Les fleurs dans la peinture des XVe, XVIe et XVIIe siècles Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

Les fleurs dans la peinture des XVe, XVIe et XVIIe siècles

Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Geneviève Fettweis

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Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique Geneviève Fettweis

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Table des matières

Aperçu historique – la représentation florale 1

La place des insectes

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Maître de 1473 Tryptique de Jan de Witte (1473) 3

Maître de la légende de sainte Ursule (fin 15e s.)

Sainte Anne trinitaire 6

Maître de la légende de sainte Lucie (fin 15e s.)

La Vierge parmi les Vierges 9

Maerten de Vos (1532-1603)

Portrait de la famille Anselme (1577) 13

Adriaen Thomas Key (1544?-apr. 1589)

Portrait de femme (1564) 17

Jan Massijs (1509-1575) Suzanne et les vieillards (1567) 20

Encadré Histoire de la rose 22

Jan I Brueghel (1568-1625)

Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe (1618 ?)

23

Daniel Seghers (1590-1661)

Guirlande de fleurs (1651) 28

Jan Philip van Thielen (1618-1667)

Salvator Mundi dans une niche garnie de fleurs (1650)

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Jan David de Heem (1606-1683)

Vase de fleurs 36

Nicolaes van Veerendael (1640-1691)

Fleurs entourant un buste antique 39

Bibliographie succincte 41

Colophon et remerciements 42

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Les fleurs dans la peinture

des XVe, XVIe et XVIIe siècles

Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

APERÇU HISTORIQUE – LA REPRÉSENTATION FLORALE

La représentation florale occupe une place importante depuis la Haute Antiquité. Les fleurs sont ainsi présentes dans les peintures murales égyptiennes, les fresques minoennes ou les décorations des villas romaines. Chez les Grecs et les Romains, les fleurs sont souvent associées au culte des dieux. Elles incarnent la magnificence et la vitalité de la nature. Par exemple Flore, déesse des fleurs chez les Romains (Chloris chez les Grecs, épouse de Zéphir, dieu du vent d’ouest) est souvent représentée sur un char triomphal, la tête couronnée d’une guirlande et tenant un bouquet de fleurs. Autre exemple : Vénus, déesse de l’amour dont la rose est l’un des attributs. Des traités comme l’Histoire des plantes de Théophraste (370 av. J-C) et l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien (28-79 apr. J-C), nous fournissent des renseignements importants quant à la connaissance, la culture et les propriétés médicinales des plantes et des fleurs. Le mot Paradis -- qui vient du grec « Paradeisos » issu du persan « Pairidaeza » -- est utilisé par Xénophon à propos du jardin de Cyrus (424-401 av. J-C). Dans la Bible (Genèse), il signifie « jardin clos entouré de murs où poussent toutes sortes de plantes et de fleurs ». Il symbolise la félicité et le bonheur. Dans Le Cantique des Cantiques, le jardin clos (Hortus conclusus) magnifie le couple, métaphore de l’amour de Dieu. Il deviendra, au Moyen Âge, une allégorie de l’Eglise présidée par la Vierge Marie. L’Hortus Conclusus a son pendant profane, le Jardin d’Amour du Roman de la rose écrit en 1237 par Guillaume de Lorris et complété par Jean de Meung en 1275 et 1280. Au début de l’ère chrétienne, les Pères de l’Église (Clément d’Alexandrie, IIe s. apr. J-C ; Tertullien, IIe s. apr. J-C) proscrivent la représentation des fleurs dans l’iconographie religieuse. L’interdit sera exceptionnellement levé pour la rose par Paulin de Nola (353-431 apr. J-C). Cette condamnation est à l’origine du déclin de la culture florale durant près d’un millénaire. Sa réapparition dans l’Occident chrétien s’amorce seulement après les Croisades. Elle se fait progressivement, sous la pression populaire, les anciens dieux dépouillés de leur puissance divine ne représentant plus de menace pour l’Eglise.

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La plupart des fleurs représentées dans les retables et les enluminures du Moyen Âge sont des fleurs indigènes, excepté la rose, l’iris bleu et le lys introduits par les Romains et déjà cultivés par les Crétois dès le 2ème millénaire av. J-C. Ces trois fleurs font partie des plantes citées dans le capitulaire de villis édicté par Charlemagne à la fin du VIIIe s. Les Croisés rapportent d’autres espèces du Moyen-Orient. La Renaissance et la découverte du Nouveau Monde accroissent l’intérêt et l’étude des fleurs et des plantes qui sont acclimatées dans les jardins botaniques récemment créés (Pise, 1544, Padoue 1545, Florence 1545, Leyde 1577). Les fleurs, objets symboliques, possèdent de multiples sens qui dépendent du contexte et du sujet traité. Leur splendeur éphémère est un hommage à la richesse et à la beauté de la nature ; mais elle peut aussi exprimer la fragilité de l’existence humaine, la vanité des biens de ce monde lorsqu’elles sont flétries ou que leurs feuilles sont rongées par des insectes. Elles perdent progressivement toute signification symbolique et deviendront de simples objets de délectation. LA PLACE DES INSECTES

Sous l’influence calviniste, les insectes volants et rampants apparaissent de plus en plus souvent dans les compositions florales. Elles revêtent alors une valeur symbolique qui les rapproche des « vanités ». * La mouche Souvent opposée au papillon dans les natures mortes, elle est symbole de péché et associée au mal, à la putréfaction (Belzébuth, seigneur des mouches, autre nom du diable dans la Bible).

* Le papillon Symbole de spiritualité. Le mot grec « psukhé » signifie âme mais aussi « papillon ». L’image du papillon s’échappant de sa chrysalide symbolise l’âme quittant le corps après la mort. C’est pourquoi Psyché, aimée de Cupidon, est parfois représentée avec des ailes de papillon. La métamorphose du papillon évoque la transformation spirituelle de l’homme. Pour le chrétien, le papillon est symbole de résurrection et de salut. * La chenille Animal dont le double aspect larvaire et rampant symbolise le mal et la laideur.

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Maître de 1473

Triptyque de Jan de Witte 1473

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Maître de 1473 - inv. 7007

Triptyque de Jan de Witte

Retable commandé par Jan de Witte, bourgmestre de Bruges, à l’occasion de son mariage avec Maria Hoose, en juillet 1473. Les époux sont représentés en prière sur les panneaux latéraux du retable. Ils se situent dans un jardin clos (Hortus conclusus) entouré de murs crénelés. Sur le panneau central trône la Vierge à l’enfant sous une tonnelle de roses blanches, devant un drap d’honneur. Contre le mur du fond, une banquette de verdure. Autour de la Vierge poussent le lys, le fraisier sauvage, les pensées, les soucis.

1. La rose (Rosa) Symbole d’amour, elle est la fleur d’Aphrodite (Vénus) née de l’écume de la mer où pousse un rosier blanc arrosé par le nectar des dieux. Aphrodite lui donna la beauté ; Dionysos, un parfum capiteux ; quant aux trois Grâces, elles lui offrirent respectivement le charme, l’éclat et la joie. C’est tout naturellement que la rose deviendra une des fleurs associées à la Vierge Marie; blanche, elle est symbole de pureté; rouge, elle évoque l’amour divin et la Passion du Christ.

2. Le lys (Lilium candidum)

Dans la Rome antique, le lys est consacré à Junon (la fleur naît du lait de Junon allaitant Hercule). Il symbolise la fécondité féminine, la beauté et l’épanouissement spirituel. Dans l’iconographie chrétienne, il symbolise chasteté et pureté. C’est pourquoi on le représente souvent dans l’Annonciation.

La fleur de lys est aussi un emblème héraldique : armoiries de la ville de Florence et celles des rois de France.

3. La pensée (Viola tricolor)

4. La violette (Viola odorata)

Elles appartiennent toutes deux à la même espèce et ont à peu près la même signification symbolique : modestie, humilité et soumission à la volonté divine.

La violette au parfum fugace est très répandue et célèbre depuis l’Antiquité (elle était cultivée en Perse et à Constantinople).

La violette et la pensée figurent dans les adorations des bergers et des mages et dans les représentations de la Vierge à l’enfant.

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5. Le fraisier sauvage (Fragaria vesca)

Ses feuilles trilobées renvoient à la Sainte Trinité. Ses tiges courtes et rampantes en font un symbole d’humilité. Ses fleurs blanches sont signe de pureté. La suavité de ses fruits évoque le paradis, leur couleur rouge, la passion du Christ et parce qu’il renaît après l’hiver, il est signe de résurrection.

6. Le pissenlit (Taraxacum officinale)

Son nom français évoque ses propriétés diurétiques. Considéré comme une mauvaise herbe, il est assimilé aux herbes amères que l’on devait consommer lors de la célébration de la Pâque (l’Exode, XII, 8). En raison de ses feuilles dentelées, le pissenlit est également appelé « dent de lion » auquel est parfois associé le Christ (Cf. saint Jean, Apocalypse V: 5). Le pissenlit devient ainsi l’emblème du Sauveur ressuscité et de la rédemption de l’humanité.

7. Le souci (Calendula officinalis) Originaire des régions du Sud et du centre de l’Europe, son nom latin « calendae » signifiait « premier jour du mois » dans le calendrier romain (le souci fleurit dès les premiers jours du printemps jusqu’aux gelées). Son nom français, souci, vient du latin « solsequia» (qui suit le soleil), tout comme le tournesol, auquel il est apparenté ; il signifie le dévouement inconditionnel.

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Maître de la légende de sainte Ursule

Sainte Anne trinitaire

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Maître de la légende de sainte Ursule - inv. 6719

Sainte Anne trinitaire entourée de saint Jean-Baptiste, Saint Louis, sainte Catherine et sainte Barbe

Maître anonyme actif à Bruges à la fin du XVe siècle. Dans un intérieur d’église trônent sainte Anne, la Vierge et l’Enfant devant un drap d’honneur. Derrière le mur de l’église, un jardin clos (Hortus conclusus) avec poterne d’entrée, des plates bandes surélevées, entourées d’un treillage d’osier ou de noisetier couvert de rosiers. Il y a aussi des arbres tuteurés en forme de plateau.

1. La rose1

La pensée

Le fraisier sauvage

2. La fleur de lys (Lilium) Décore la cape de Saint Louis. Ce symbole

héraldique de la royauté française est, en fait, une fleur d’iris jaune. La légende raconte que Clovis, lors de la bataille de Vouillé en 507, aurait franchi à gué un cours d’eau (la Loire ?) à l’endroit où poussaient des iris jaunes, ce qui lui aurait permis de surprendre ses adversaires, les Wisigoths, et de remporter la victoire. Il aurait alors choisi cette fleur comme emblème. Une autre légende se rapporterait plutôt à Louis VII (1137-1180) qui, le premier, aurait arboré cette « Fleur de Louis ».

1 Sauf exceptions, les descriptions déjà traitées ne seront pas reprises dans les pages suivantes.

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3. L’iris (Iris) Vient du nom de la servante de Junon,

messagère des dieux et personnification de l’arc-en-ciel. Communément considéré comme une des fleurs associées à la Vierge Marie. Il symbolise la Trinité et remplace parfois le lys dans les représentations de l’Annonciation. La confusion viendrait peut-être aussi de son étymologie. En allemand, iris se dit « schwertlilie », « lys en épée » (la forme de ses feuilles évoquant l’épée qui transperce le cœur de la Vierge Marie). Dans les anciens ouvrages d’herboristerie, l’iris est appelé « gladiolus »

(glaive).

4. L’œillet (Dianthus caryophyllus) Une des fleurs les plus anciennes, d’origine méditerranéenne, réintroduite dans nos régions à l’époque des Croisades. Son nom latin, d’origine grecque « dianthus », signifie « fleur de Dieu ». Sa ressemblance avec le clou évoque la passion du Christ. Dans les tableaux évoquant les cinq sens, il est associé à l’odorat. Souvent représenté dans les portraits des XVe et XVIe siècles, il y symbolise fiançailles et fidélité.

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Maître de la légende de sainte Lucie

La Vierge parmi les Vierges

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Maître de la légende de sainte Lucie - inv. 2576

La Vierge parmi les Vierges

Maître anonyme actif à Bruges à la fin du XVe siècle. Ce retable a été commandé pour décorer l’autel de la Chambre de Rhétorique « De drie Sanctinnen » de l’église Notre-Dame de Bruges. Dans cette vision du paradis, la Vierge et l’Enfant trônent devant un drap d’honneur de brocart sous une treille où poussent une vigne et un rosier rouge. Les saintes qui les entourent sont identifiables grâce à leurs attributs : sainte Catherine (la roue), sainte Apolline (la dent), sainte Lucie (les yeux), sainte Barbe (la tour), sainte Marguerite (associée à saint Georges et au dragon), sainte Agathe (un sein dans une tenaille), sainte Cunera (la flèche et le berceau), sainte Agnès (l’agneau), Marie-Madeleine (le pot à onguent), sainte Ursule (les flèches) et une sainte non identifiée (la couronne et la cloche). Au loin la Jérusalem céleste et le combat du bien et du mal, représenté par saint Georges et le dragon. Aux pieds de la Vierge poussent de nombreuses plantes et fleurs qui lui sont associées.

1. La vigne (Vitis vinifera) Dans l’Antiquité, attribut de Bacchus et des Ménades. Elle est très fréquemment associée à l’image du Christ. Le cep de la vigne et le raisin sont cités dans les évangiles, symbolisant le sacrifice du Christ (Évangile de saint Jean XV I-18). Le pain, le raisin et le vin évoquent la dernière Cène et l’Eucharistie.

2. L’ancolie (Aquilegia vulgaris)

Son nom latin donne lieu à différentes interprétations. Pour certains « aquilegia évoquerait le bec ou les serres de l’aigle.

Pour d’autres, son nom renvoie au mot « aquilegium » qui signifie « réservoir » ou « récipient d’eau ». Le nom anglais « colombine » évoque la colombe du Saint-Esprit, dont elle symbolise les sept dons (intelligence, conseil, sagesse, connaissance, piété, force et crainte). Ou encore les sept douleurs de la Vierge Marie (la prophétie de Siméon, la fuite en Egypte, la disparition de Jésus au

Temple, la rencontre sur la via Dolorosa, la crucifixion, la déposition de la Croix, la mise au tombeau).

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3. L’aspérule odorante (Galium odoratum) Plante de mi-ombre qui fleurit au mois de mai (le mois consacré à la Vierge Marie) et dont les fleurs servent à confectionner le fameux maitrank (boisson de mai). En néerlandais elle porte le nom de « onze lieve vrouw bedstro », la paille du lit de la Vierge. Une légende nous raconte que cette fleur poussait aux abords de la crèche et que Dieu lui conféra sa délicate odeur de vanille pour la remercier de sa discrétion.

4. La rose rouge (Rosa sp)

Fait allusion au sacrifice du Christ.

5. La violette (Viola)

6. Le pissenlit (Taraxacum officinale)

7. Le plantain (Plantago) Plante médicinale aux multiples propriétés qui pousse le long des chemins, elle pourrait nous inciter à “mieux voir”, à suivre la bonne direction.

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8. Le fraisier sauvage (Fragaria Vesca)

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Maerten de Vos (Anvers 1532 – 1603)

Portrait de la famille Anselme 1577

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Maerten de Vos - inv. 3689

Portrait de la famille Anselme

Maerten de Vos est le plus célèbre représentant d’une dynastie de peintres anversois. Élève de son père Pieter le vieux et de Frans Floris, il se rend en Italie en 1552, à Rome, Florence et surtout Venise où il travaille dans l’atelier du Tintoret. De retour à Anvers, il est nommé doyen de la guilde des peintres en 1572. Il est un des peintres les plus prisés et productifs de son temps. « L’entente familiale est source de prospérité et de bonheur » : c’est ce qu’affirme le cartouche où sont repris les noms des membres de cette famille, ainsi que certaines dates. Les objets représentés sont signes d’opulence : riches vêtements ornés de dentelle, mobilier sculpté, encrier d’argent, hochet tenu par la petite fille. L’harmonie familiale est ici symbolisée par le grillon. L’oiseau sur l’épaule de l’aîné est une métaphore de l’éducation réussie. L’amour est évoqué par les gants de mariage ; le bouquet, d’où se détache une rose rouge, signifie vitalité et amour. Les fleurs représentées dans le bouquet sont toutes des fleurs printanières exprimant la diversité, la richesse et la vivacité de la nature. Ce tableau, date de la 2e moitié du XVIe siècle, période où la botanique devient une science à part entière (auparavant elle faisait partie de la médecine). C’est aussi l’époque où l’on importe de nouvelles variétés venant du Nouveau Monde. Dans ce tableau apparaît pour la première fois la tulipe.

1. La tulipe (Tulipa) Du perse « toulipan » (désigne le turban). Elle est importée de Constantinople, et devient au XVIe siècle une des fleurs les plus représentées, symbolisant luxe, puissance et richesse. On la retrouvera dans les tableaux appelés “Vanités”.

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La tulipe est introduite en Europe vers 1560 par Ogier Ghislain de Busbecq (Comines 1522-1592), ambassadeur d’Autriche à Constantinople auprès de Soliman le

Magnifique dont la tulipe était la fleur préférée. C’est Charles de l’Écluse (Arras 1526-Leyde 1609), célèbre botaniste, conservateur du jardin botanique de Leyde qui l’acclimate dans nos régions. L’engouement pour la tulipe va en s’amplifiant, tant et si bien que le bulbe de tulipe devient objet de spéculation. Ce phénomène prit une telle ampleur, de 1634 à 1637, qu’on parle de « tulipomanie ». Ainsi, en 1637 on offre 30.000 florins pour 3 bulbes alors que les maisons les plus chères en bordure des canaux d’Amsterdam coûtaient 10.000 florins et que le salaire annuel d’un artisan ne dépassait pas 300 florins. L’effondrement du marché provoque de nombreuses faillites, mais ne signifie pas pour autant la fin du commerce et de la culture de la tulipe. Les tulipes chamarrées (perroquet) étaient les plus recherchées et les plus coûteuses. En fait, les variations de couleurs étaient dues à un virus, phénomène encore inconnu à l’époque. Outre la tulipe, Charles de l’Écluse introduit dans nos régions la jacinthe, l’amaryllis, le lilas, et la fritillaire impériale, qui connaîtra elle aussi un succès retentissant.

2. La fritillaire méléagre ou pintade (Fritillaria Meleagris) Fleur étrange, rose violacé moucheté de blanc, qui provient d’Europe méridionale et apparaît chez nous à cette époque. Une autre fritillaire, la fritillaire impériale, connaîtra la même fortune que la tulipe et symbolisera elle aussi orgueil et vanité.

3. Le narcisse (Narcissus) Fleur printanière dont le nom évoque l’amour de soi, s’inspirant du récit mythologique d’Ovide racontant l’histoire de ce beau jeune homme qui s’éprit de son reflet dans l’eau, se noya et fut changé en fleur.

4. La primevère (Primula veris)

Ici, primevère officinale ou coucou ; elle apparaît à la fin de l’hiver, annonciatrice du printemps. Au Moyen Âge, elle symbolise les clefs de Notre-Dame. Petites fleurs des jardins médiévaux, la primevère est liée à l’amour. Symbole de jeunesse, offerte à un premier amour. Ce sont les Anglais qui, dès le XVIIe siècle, donnent aux primevères leurs lettres de noblesse, en en créant d’innombrables variétés.

5. L’œillet (Dianthus)

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6. La rose (Rosa) La rose et l’œillet repris dans le bouquet symbolisent amour et mariage.

7. La pivoine (Paeonia) Selon Homère, dans l’Iliade, ce sont des graines de pivoines qui auraient guéri Hadès, dieu des Enfers, blessé par des flèches. La pivoine, originaire de Chine, apparaît au Moyen Age dans nos régions. Tout comme l’anémone, la primevère, l’ancolie et le muguet, elle figure dans les listes de plantes d’Hildegarde von Bingen (1098-1179), mystique et

religieuse bénédictine allemande. Au XVIe siècle, dans l’herbier du botaniste Rembert Dodoens, on retrouve une représentation fidèle de la pivoine. On sait qu’elle avait une place de choix dans le jardin botanique de Leyde.

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( Anvers ? vers 1544 - Anvers ? après 1589) Portrait de femme

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y Adriaen Thomas Key - inv. 2609

Portrait de femme

L’inscription dans le haut du tableau nous dit que cette jeune femme est âgée de 27 ans et que le tableau date de 1564.

Elle tient dans la main droite un bézoard, une sorte d’amulette (du persan pâdzahr, qui signifie antidote) employée pour traiter divers maux dont la mélancolie. A côté d’elle, un magnifique bouquet dans un vase « à la façon de Venise… ». Un œillet blanc et une rose gisent sur la table évoquant la brièveté de la vie sur terre et nous rappellent que beauté et jeunesse sont éphémères.

1. L’oeillet (Dianthus = fleur de Dieu)

Est dédié à Jupiter. Les Romains y virent le symbole de courage et de fidélité. Les Croisés le réintroduisirent chez nous. Sa forme évoque un clou, c’est pourquoi il deviendra une des fleurs associées à la Passion du Christ. Dans les pays du Nord, cette fleur est symbole de mariage ou de fiançailles. Elle figure souvent dans certains portraits de nos régions.

2. La rose (Rosa)

3. L’ancolie (Aquilegia vulgaris)

4. La julienne des dames (Hesperis matronalis) Hesperis est l’heure du soir dans la mythologie grecque, car c’est le soir que cette fleur exhale son parfum. Elle est originaire d’Europe méridionale et connue depuis l’Antiquité. Dans le langage des fleurs elle symbolise l’attente.

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y 5. Le souci (Calendula officinalis) Cf. p.8

Sa symbolique est à rapprocher de celle du tournesol (de l’italien « tornasole », qui se tourne vers le soleil).

6. Le genêt (Genista) Symbole dans certaines régions du Nord des points cardinaux et de la fonction royale. Cette fleur fut choisie comme emblème par Geoffroy V (1128-1151) comte d’Anjou et du Maine, dont les successeurs, les Plantagenêt, régnèrent sur l’Angleterre. Les branches fleuries de genêt étaient parfois utilisées lors des funérailles. On en couvrait le corps des défunts.

Tout dans le bouquet évoque l’éphémère. Il est donc à rapprocher des tableaux de vanités, qui connaîtront un succès considérable au XVIIe siècle, surtout en Hollande, sous l’influence calviniste.

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Jan Massijs (Anvers 1509 - 1575)

Suzanne et les vieillards 1567

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Jan Massijs (1509-1575)- inv. 2548

Suzanne et les vieillards

Fils de Quentin Metsijs, Jan Massijs est un des initiateurs de la Renaissance aux Pays-Bas. Accusé d’hérésie, il est banni de la ville d’Anvers et se rend en Italie. Ce tableau, dont le thème est l’érotisme, a pour pendant un autre tableau de Jan Massijs, « Loth et ses filles ». La composition évoque un passage de la Bible (Livre de Daniel). La chaste Suzanne est l’objet de convoitise de deux vieillards qui la surprennent au bain. Face à ses refus, ils l’accusent d’adultère. Le prophète Daniel les confond et les convainc de faux témoignage. L’action se situe dans un jardin italien. Suzanne, telle Vénus et les Grâces, est accompagnée de ses servantes qui s’enfuient à l’arrivée des vieillards. Le corps de Suzanne, typiquement maniériste, incarne la beauté chaste opposée à l’ambiguïté des sentiments des deux vieillards, symbolisée par la tête de bouc sculptée sur la fontaine. (La biche et les lapins dans le jardin sont également symboles de luxure).

1. Les roses blanches Attributs de Vénus, les roses sont ici symboles de pureté, idée renforcée par la transparence du vase posé sur le bassin.

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L’histoire de la Rose

L'histoire de la rose remonte à la nuit des temps. On la rencontre à l'état sauvage dans tout l'hémisphère nord; c'est l'églantier (rosa canina) qui est utilisé comme porte greffe pour certains rosiers cultivés. Tout au long des siècles, l'importation de variétés venues d'Orient et le travail des botanistes vont donner une multitude de variétés de rosiers cultivés. On sait que « la reine des fleurs » était déjà appréciée durant l'Antiquité chez les Egyptiens, les Grecs, les Romains mais aussi en Chine, à Sumer, à Babylone.

C'est Pline l'Ancien, le célèbre naturaliste romain disparu sous les cendres du Vésuve, qui nous donnera le plus de renseignements sur la rose dans le monde de l'Antiquité. Il énumère et décrit les roses préférées des Romains.

Au Moyen Âge le Roi Childebert 1er (511-558), un des fils de Clovis, avait créé un jardin de roses dans son palais situé entre la Seine et Saint-Germain-des-Prés. Charlemagne (742-814) dans son fameux capitulaire de villis recommande la culture de roses. Le Moyen Âge chrétien a consacré la rose à la Vierge Marie. La rose mystique devient une figuration spirituelle de Marie. Hildegarde von Bingen (1098-1179), mystique et religieuse bénédictine allemande, recommande la rose parmi les plantes curatives. En 1250, Thibault IV de Champagne rapporte de la septième croisade en Terre Sainte la rose gallique (la rose de Milet décrite par Pline). A l'époque on cultivait la rose pour ses vertus thérapeutiques et son parfum.

Ce n'est qu'à la Renaissance qu'apparaissent les roses d'ornement. La Quintinie, jardinier de Louis XIV, décrit 14 variétés de roses. Dans l'histoire de la rose, deux grandes divisions s'imposent : jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, la plupart des roses cultivées étaient issues de la rose gallique au parfum suave mais qui ne fleurissait qu'un mois en été. Vers 1700, aux variétés connues viennent s'ajouter des variétés venues d'Inde, du Japon et de Chine à floraison continue. En 1752, le naturaliste suédois Peter Osbeck (1723-1805), ami de Linné, rapporte de Chine un rosier à fleurs doubles qui fleurit tout l'été, ce qui fut une véritable révolution.

Au XIXe siècle, on acclimate en Angleterre des rosiers venant de Chine. La prédominance des Anglais en matière de roses est définitivement acquise. Vers 1800, l'Impératrice Joséphine (l'épouse déchue de Napoléon) réunit 250 espèces et variétés de roses dans son jardin de la Malmaison. Et depuis lors, l'amour pour la rose ne s'est jamais démenti.

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Jan I Brueghel (Bruxelles 1568 – Anvers 1625)

Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe 1618 ?

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Jan I Brueghel (Bruxelles 1568 – Anvers 1625) - inv. 5013

Nature morte avec guirlande de fleurs

Fils cadet de Pierre Bruegel l’Ancien, Jan Brueghel2 est l’un des plus célèbres peintres de fleurs du XVIIe siècle. C’est lui qui introduit aux Pays-Bas le thème de la guirlande de fleurs autour d’un sujet souvent religieux. Il fait un long séjour en Italie et travaille à Milan pour le cardinal Federico Borromeo. De retour à Anvers, il devient doyen de la guilde de Saint-Luc. Peintre à la cour des archiducs Albert et Isabelle, il collabore avec Rubens, son ami, à la réalisation de guirlandes autour de sujets religieux. Les guirlandes peintes par Brueghel sont ornées de fleurs indigènes de différentes saisons agrémentées de fleurs cultivées. Outre de très beaux paysages, le peintre a composé de magnifiques bouquets de fleurs amoncelées dans une corbeille d’osier, une coupe de faïence ou d’orfèvrerie. Son art, d’une extrême minutie, d’une grande délicatesse, lui vaut le surnom de Brueghel de Velours. Le courrier échangé avec le cardinal Borromée nous fournit de nombreuses informations : entre autres que les tulipes peintes pour le vase de fleurs conservé à la pinacothèque de Milan avaient été peintes d’après nature au mois de mai précédent ; que la réalisation d’un tableau aurait été interrompue durant l’hiver 1606, faute de fleurs fraîches. Dans une autre lettre datée du 22 avril 1611, il mentionne qu’il « a fait des fleurs seul, sans aide, que les fleurs s’épanouissent pendant 4 mois et qu’il faut se hâter… ». Ces fleurs, il pouvait les contempler à loisir dans le jardin botanique des archiducs au palais du Coudenberg à Bruxelles. Ici, la guirlande est probablement une couronne de mariée déposée contre une coupe de vermeil. A côté, un coffret à bijoux contenant un anneau d’or, des monnaies, un collier de perles, etc. Sur la table, une épingle à cheveux, des anneaux entrelacés qui, comme le collier de perles, sont symboles de mariage. La couronne (de mariée) se compose de fleurs printanières et estivales : l’œillet, la rose, l’anémone, la pervenche, le muguet, le myosotis, l’aubépine, la tulipe, le tagète et la renoncule, le jasmin, la violette et la santoline.

2 Conformément au manuel de référence des Musées royaux, nous écrirons Bruegel pour Pierre (Pieter) Bruegel dit l’Ancien, et Brueghel pour ses fils Pieter II (dit le Jeune) et Jan I (dit aussi Jan l’Ancien, ou Brueghel de Velours), ainsi que pour son petit-fils Jan II (dit aussi Jan le Jeune, fils de Jan I). Ces graphies sont celles sous lesquelles ces peintres signaient leurs œuvres.

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1. L’anémone (Anemone coronaria) et (Anemone hepatica)

Fleur du vent, elle symbolise l’éphémère, le printemps qui renaît, la beauté fragile. Elle est née du sang d’Adonis, amoureux de Vénus et mortellement blessé par son rival Mars. Des pleurs de Vénus naquit l’anémone. Cette fleur, très répandue dans le bassin méditerranéen et au Proche-Orient, est introduite dans nos régions au XVIe siècle via Constantinople.

2. L’œillet (Dianthus)

3. Myosotis (Myosotis sylvatica) Cette jolie fleur bleue, originaire des régions tempérées, est associée au souvenir, à la mémoire. Son surnom est « ne-m’oubliez-pas » (son nom anglais est forget-me-not).

4. La pervenche (Vinca minor) Aussi surnommée violette des sorcières ou herbe de fidélité car son nom latin, vincere, signifie : lier, s’attacher. Ses rhizomes rampants forment comme une corde, elle exprime donc la fidélité et l’amitié. Sa délicatesse, sa couleur bleue, en font un symbole de modestie et de douceur. Elle est parfois associée au culte de la Vierge Marie.

5. Le muguet (Convallaria majalis) Le nom latin signifie « des vallées du mois de mai ». En anglais, lily of the valley ou lys des vallées. Son nom français vient de musc, substance parfumée. Fleur naturellement associée à Marie à cause de sa blancheur et de la suavité de son parfum (cf. Le Cantique des Cantiques : «Je suis le narcisse de Sharon, le lys des vallées»). Cette fleur est également associée à l’idée d’humilité (sa corolle est tournée vers le bas). Vivace de nos sous-bois, elle annonce le printemps.

Le 1er mai, la tradition veut que l’on offre un brin de muguet « porte-bonheur » aux personnes aimées. Cette coutume remonte au XVIe siècle : Charles IX en aurait offert à son entourage comme porte-bonheur. Ce n’est qu’au XXe siècle qu’il sera associé à la fête du travail. La vente du muguet dans les rues remonte à 1936 (le Front Populaire en France).

6. La nigelle de Damas (Nigella damascena)

7. La santoline (Santolina chamaecyparissus) Appelée aussi « petit cyprès ». Plante originaire du pourtour méditerranéen, qui pousse en terrain pauvre. Elle se caractérise par un feuillage gris et des petites fleurs jaunes. Utilisée comme plante médicinale.

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8. Le tagète (Tagetes patula) Fleur originaire d’Amérique centrale, récemment introduite dans nos régions. Son nom proviendrait de Tages, dieu étrusque adopté par les Romains (La légende raconte qu’il aurait surgi de terre). Autre nom de cette fleur : œillet d’Inde.

9. La rose (Rosa)

10. La renoncule (Ranunculus arvensis) Fleur indigène dont le nom dérive du latin, rana, « petite grenouille », car certaines de ses variétés aquatiques ont un fruit qui rappelle la forme du têtard. Le nom de « bouton d’or » est couramment donné à certaines de ses espèces à fleurs jaunes. Les renoncules cultivées proviennent d’Asie et sont introduites en Europe au Moyen Age. En raison de ses belles couleurs, la renoncule évoque le luxe et la séduction.

11. Le jasmin (Jasminum officinale) Fleur originaire des Indes, très appréciée en Orient, et connue depuis l’Antiquité. Le jasmin officinal, qui fleurit au mois de mai, est consacré à la Vierge Marie. Sa blancheur évoque la pureté mais aussi la grâce, l’élégance et l’amour divin. Associé à la rose, il symbolise l’amour. On le retrouve tressé en couronne sur la tête des anges et des saints.

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Daniel Seghers

(Anvers 1590-1661) Guirlande de fleurs

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Daniel Seghers (Anvers 1590-1661) - inv. 183

Guirlande de fleurs

Sa famille est obligée de quitter Anvers pour les Provinces-Unies, pour raisons religieuses. De retour à Anvers, il est admis dans l’atelier de Jan Brueghel l’Ancien, se convertit au catholicisme et entre au noviciat chez les Jésuites. Il séjourne ensuite en Italie avant de rentrer au couvent d’Anvers où il reçoit des hôtes célèbres tels que Ferdinand d’Autriche, Léopold Guillaume d’Autriche et le roi Charles II d’Angleterre, à qui il offre certaines de ses œuvres. Seghers reprend certains thèmes de Jan Brueghel, mais dans un style différent de celui de son maître. Par exemple, ses guirlandes sont faites d’une succession de petits bouquets de fleurs cultivées, réunies par un lien de lierre. Elles ne sont pas étoffées de multiples fleurettes. De même, ses roses sont serrées, ses tulipes entrouvertes, jamais elles ne sont épanouies. Les cartouches en trompe-l’œil, à sujets religieux, sont souvent réalisés par d’autres artistes tels Érasme Quellin. Ici, guirlande est un simple feston de fleurs suspendu à un ruban bleu. S’y mêlent des fleurs printanières, estivales ou hivernales comme l’hellébore.

1. La fleur d’oranger (Citrus bigaradia) L’oranger, arbre toujours vert, et sa fleur symbolisent le paradis. Selon la mythologie, Jupiter offre à Junon des fleurs d’oranger lorsqu’il la prend pour épouse. Cette fleur deviendra un ornement traditionnel des cérémonies nuptiales. Délicieusement parfumée, elle symbolise pureté et chasteté. Elle est l’attribut de Marie. Dans certains tableaux, l’orange, à l’instar de la pomme, est un symbole de rédemption.

2. Le liseron tricolore (Convolvulus tricolor) Symbole d’amour divin, comme le lierre, il relie et attache.

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3. Haricot d’Espagne (Phaseolus vulgaris) Plante américaine importée dans nos régions via l’Espagne à la fin du XVe siècle.

4. L’hellébore ou ellébore (Helleborus niger) On l’appelle aussi « rose de Noël », rose de carême, ou herbe aux fous. C’est une des plus belles fleurs de l’hiver. Originaire du bassin méditerranéen, elle fleurit de novembre à avril. Elle est connue depuis l’Antiquité. La légende raconte qu’un jeune berger grec, Mélampe, guérit de la folie la fille du roi d’Argos en lui faisant absorber un breuvage composé de lait et de graines d’hellébore. Cette plante deviendra au Moyen Âge l’auxiliaire des sorciers et des apothicaires qui l’employaient pour soigner les troubles psychiques.

5. L’anémone des fleuristes (anemone coronaria)

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6. La rose

7. L’œillet

8. L’ancolie

9. La tulipe

10. La nivéole

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Jan Philip van Thielen (Malines 1618 – 1667)

Salvator Mundi dans une niche garnie de fleurs 1650

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Jan Philip van Thielen (Malines 1618 – 1667) - inv. 154

Salvator Mundi dans une niche garnie de fleurs

Seul élève de Daniel Seghers, dont il reprend le genre de la guirlande de fleurs autour d’un cartouche. Né à Malines, il devient maître de la guilde de Saint-Luc à Anvers, et ensuite à celle de Malines. Il est le beau-frère d’Erasme Quellin, avec qui il collabore souvent. Cette guirlande est composée de trois bouquets de fleurs (évoquant la Trinité) reliés par du lierre, entourant un cartouche sculpté représentant le « Salvator Mundi » qui est l’œuvre d’Erasme Quellin. Dans cette guirlande s’entremêlent de multiples fleurs indigènes et cultivées de différentes saisons. Des papillons qui symbolisent la spiritualité virevoltent dans la composition. Outre les roses, tulipes, lys et narcisses, ce tableau foisonne de fleurs :

1. La rose trémière (Althea officinalis) Déformation de « rose d’outremer ». Fleur aux multiples coloris, importée d’Orient par les Croisés.

2. La buglosse (Anchusa azurea) Plante au bleu intense, originaire du bassin méditerranéen.

3. L’anémone (Anemone species)

4. L’anémone (Anemone hepatica)

5. La bourrache (Borago officinalis) Plante commune des régions tempérées et méridionales, employée pour ses propriétés médicinales depuis le Moyen Âge.

6. La campanule (Campanula persicifolia) Fleur originaire d’Europe dont il existe de nombreuses variétés.

7. Le perce-neige (Galanthus nivalis) Cette fleur, qui apparaît en hiver, symbolise le renouveau.

8. Le lierre (Hedera helix) Avec la vigne, il est un des attributs de Dionysos. Vert en toutes saisons, il symbolise la permanence végétative, le cycle éternel de la mort et de la renaissance, le mythe de l’éternel retour. Cette plante grimpante, qui s’accroche à son support, est devenue symbole d’amour et d’amitié. Le caractère persistant de son feuillage en a fait l’un des emblèmes de l’immortalité. Le lierre évoque donc aussi l’image symbolique du Christ.

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9. Le liseron tricolore (Convolvulus tricolor) Symbole de l’amour divin.

10. L’œillet (Dianthus)

11. La digitale (Digitalis purpurea)

Son nom provient du latin « digitus » : doigt et rappelle la forme de la fleur. Elle pousse à la lisière de nos forêts. Sa tige peut atteindre 2 mètres de haut. Cette plante, utilisée pour ses propriétés médicinales, peut être très toxique.

12. Le jasmin (Jasminum officinale) Fleur originaire des Indes, très appréciée en Orient, et connue depuis l’Antiquité. Le jasmin officinal, qui fleurit au mois de mai, est consacré à la Vierge Marie. Sa blancheur évoque la pureté mais aussi la grâce, l’élégance et l’amour divin. Associé à la rose, il symbolise l’amour. On le retrouve tressé en couronnes sur la tête des anges et des saints.

13. L’hellébore (Helleborus niger).

14. La jacinthe (Hyacinthus orientalis) Comme l’anémone et le narcisse, la jacinthe est une fleur dont la mythologie grecque attribue la naissance à la mort d’un héros, Huakinthos. Symbole de prudence et de sagesse, cette fleur, qui répand un parfum suave, évoque le Christ dans la culture chrétienne. Originaire de Méditerranée orientale, cette plante à bulbe fut introduite et acclimatée dans nos régions par Charles de l’Ecluse, à la même époque que la tulipe.

15. La nivéole d’été (Leucojum aestivum)

16. Le lys blanc (Lilium candidum) Lys de la Madone, rose de Junon. Le mot latin « Lilium » vient du grec « Leirion ». Originaire d’Orient, ce sont les Phéniciens qui l’auraient introduit en zone méditerranéenne. Symbole de pureté, il est une des fleurs associées à la Vierge Marie.

17. Le narcisse (Narcissus tazetta)

18. La pivoine (Paeonia)

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19. La capucine (Tropaoelum minus) Originaire du Pérou, cette plante grimpante aux couleurs flamboyantes fleurit dans les zones tempérées de mai à octobre. Elle symbolise la flamme et la passion amoureuse. Elle est introduite dans nos régions au XVIIe siècle et c’est d’ailleurs à cette époque qu’elle apparaît dans nos tableaux. Son nom lui vient de la ressemblance de son inflorescence avec la capuche des frères Capucins. La mode de la capucine est lancée par Louis XIV qui, séduit par cette fleur, en offre un bouquet à Madame de Maintenon.

20. La rose (Rosa)

21. La tulipe (Tulipa)

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Jan David de Heem (Utrecht 1606-Anvers 1683)

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Jan David de Heem (Utrecht 1606-Anvers 1683) - inv. 105

Vase de fleurs

Bien qu’appartenant à l’école hollandaise, c’est à Anvers que se situe la plus grande partie de son activité. Connu surtout comme peintre de natures mortes. C’est par son intermédiaire que le thème de la « vanité » (Vanitas) rénové par la Hollande calviniste, parviendra à Anvers. Héritier de Daniel Seghers, dont il reprend le thème des guirlandes et vases de fleurs, qu’il allège d’épis de blé, de ronces aux longues tiges sinueuses. Son sujet favori est le bouquet de fleurs dans un vase où se reflète une fenêtre. Cette composition relève de la « Vanité ». Le vase de fleurs, qui repose sur un socle de pierre, est envahi par des mouches, chenilles et escargots, qui désignent le monde terrestre voué à la putréfaction et à la décomposition et qui s’opposent aux papillons, symboles de résurrection et de salut. L’opposition est renforcée par la présence de ronces et de blé, symbolisant respectivement la mort du Christ et l’Eucharistie.

1. La tulipe (Tulipa) La tulipe panachée attire le regard par ses coloris contrastés, symbolisant orgueil et vanité.

2. La pivoine (Paeonia officinalis) Venue de Chine où elle est cultivée depuis des siècles, elle incarne la beauté. La pivoine figure dans les jardins du Paradis. Elle fait partie de la liste des plantes d’Hildegarde von Bingen (vers 1150).

3. Le chèvrefeuille (Lonicera caprifolium) Il noue ses rameaux aux autres plantes. Il est signe de lien, d’attachement. Déjà dans l’Antiquité, les Egyptiens, les Grecs et les Romains appréciaient son essence qui entrait dans la composition de nombreux cosmétiques.

4. Le mouron rouge (Anagallis arvensis)

5. Le cumin des prés (Carum carvi)

6. Le souci (Calendula officinalis)

7. Le liseron tricolore (Convolvulus tricolor)

8. La camomille (Chamaelum nobile)

9. La rose (Rosa)

10. Le tagète (Tagetes erecta)

11. Le haricot d’Espagne (Phaseolus collineus)

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12. La ronce (Rubus) Arbrisseau très commun de nos régions tempérées, dont le fruit est comestible (la mûre). Ses épines redoutables évoquent la couronne du Christ. Le médecin grec Dioscoride (40 apr. J.C.), dont l’œuvre a été la source principale de connaissance en matière de plantes médicinales, la préconisait pour soigner de multiples maux. Au Moyen Âge, elle fait partie de la pharmacopée traditionnelle (cf. Hildegarde von Bingen).

13. Le blé, le froment (Triticum aestivum) Depuis la plus haute Antiquité, le blé est symbole de fertilité et d’abondance. Il est l’attribut de Déméter (Cérès chez les Romains), divinité primitive de la fertilité et de la fécondité, évoquant la pérennité des saisons, l’alternance de la mort et de la vie. Le culte de la déesse était la garantie de cette permanence cyclique. C’est tout naturellement que le blé deviendra un symbole du Christ, de sa mort et de sa résurrection. L’image du pain, et donc du blé, est étroitement liée à l’Eucharistie.

14. Le pavot (Papaver somniferum) Ses propriétés somnifères sont connues depuis la plus haute Antiquité. Il est l’attribut d’Hypnos, dieu du sommeil, des rêves et de la nuit. L’iconographie chrétienne s’approprie son image. Son rouge intense fait référence à la Passion du Christ. Le pavot sauvage, coquelicot, qui pousse dans les champs de blé évoque l’Eucharistie. Coquelicot, « cocorico », renvoie au coq dont la crête écarlate est évoquée par la fleur.

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Nicolaes van Veerendael (Anvers 1640-1691)

Fleurs entourant un buste antique

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Nicolaes van Veerendael (Anvers 1640-1691) - inv.4628

Fleurs entourant un buste antique

Né et formé par son père (Willem van Veerendael) à Anvers, où il est inscrit en qualité de maître. On connaît de lui des guirlandes, corbeilles de fleurs et bouquets. Il collabore avec David Teniers II. Dix-neuf de ses tableaux sont datés (1662-1690). Dans certaines de ses œuvres, il emprunte les épis et les ronces à J. David de Heem. Dans ce tableau, l’opposition entre l’antiquité païenne et le christianisme est évidente : le buste de Flore (Flora), déesse romaine des fleurs (identifiée à la nymphe grecque Chloris, épouse de Zéphir), entouré d’une multitude de fleurs épanouies, est confronté à droite au chardon et à l’épi de blé, respectivement symboles de la Passion du Christ et de l’Eucharistie. Des insectes rampants et des mollusques nous rappellent la fragilité de la vie sur terre. Les papillons qui virevoltent sont signe de la Résurrection du Christ et de la Rédemption.

1. La pâquerette (Bellis perennis) Son nom latin signifie « qui fleurit toute l’année ». Fleur vivace de nos prairies, elle est associée à la fête de la Résurrection (Pâques). Elle est également une des fleurs de la Vierge Marie. Elle symbolise innocence et attachement.

2. L’anémone (Anemone hepatica)

3. L’anémone (Anemone coronaria)

4. L’aneth, le fenouil (Anethum perennis)

5. Le souci (Calendula officinalis)

6. Le chardon (Carduus crispus)

7. Le liseron tricolore (Convonvulus tricolor)

8. L’œillet (Dianthus)

9. Le myosotis (Myosotis sylvatica)

10. La rose (Rosa)

11. Le blé (Triticum aestivum)

12. La capucine (Tropaeolum minus)

13. La tulipe (Tulipa)

14. Le tagète (Tagetes)

15. Le céraiste des champs (Cerastium arvense) Jolie fleur indigène à la corolle blanche veinée de gris.

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BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE

Livres

L. IMPELLUSO, La nature et ses symboles, Paris 2004, Ed. Hazan.

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M. BARIDON, Les jardins, Paris 1998, Ed. Robert Laffont.

Sous la direction de S. VAN SPRANG, L’empire de Flore, Bruxelles 1996, Ed. La Renaissance du Livre.

JAMES HALL, Dictionnaire des Mythes et des Symboles, Paris 1994, Ed. Robert Laffont.

Ch. STERLING, La nature morte de l’Antiquité au XXe siècle, nouvelle édition révisée, Paris 1985, Ed. Macula.

J. CHEVALIER, A. GHEERBRANT, Dictionnaire des Symboles, Paris 1969, Ed. Robert Laffont.

M-L. HAIRS, Les peintres flamands de fleurs au XVIIe siècle, Bruxelles 1965, Ed. Meddens.

Catalogues d’expositions

La peinture florale du XVIe au XXe siècle, Bruxelles, Crédit Communal, 1996.

Tableaux de fleurs du XVIIe siècle – Peinture et botanique, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts, 1989.

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COLOPHON Ce dossier a été réalisé par Geneviève Fettweis en collaboration avec l’Educateam des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Rédaction : Geneviève Fettweis

REMERCIEMENTS Merci à Isabelle Vanhoonacker (responsable Educateam). Merci à Jacqueline Sandron, Hugo De Fraye, Pierre de Menten de Horne, Géraldine Barbery, Jean-Philippe Theyskens, Manu Chantraine, Hélène Monréal, Hélène Robic et Jean Pasquero pour leur aide précieuse. © EDUCATEAM / Musées royaux des Beaux-Arts – 2011