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Septembre 2011 CENTRALE HISTOIRE Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens J.F. Belhoste 1 Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens Jean-François Belhoste Directeur d’études Ecole Pratique des Hautes Etudes Le 15 mai 1855, lorsque la première Exposition Universelle tenue à Paris, ouvrit ses portes, l’École Centrale des Arts et Manufactures existait déjà depuis plus de 25 ans 1 . Elle avait accueilli plus de 3000 élèves dont environ 1 200 étaient sortis diplômés. Plus de 600 étaient des étrangers parmi lesquels on comptait des Suisses, des Belges, des Espagnols, des Italiens et même de nombreux Américains. Créée fin 1829, elle avait eu, selon le vœu de ses fondateurs, en particulier le chimiste Jean-Baptiste Dumas, l’ambition de former d’abord des ingénieurs civils et des directeurs d’usines en leur donnant une formation basée à la fois sur la théorie et la pratique. Le choix s’était avéré judicieux, cette formation avait répondu à un réel besoin, et les jeunes diplômés, sortis de l’École avec le titre d’Ingénieurs des Arts et Manufactures, avaient trouvé pour la plupart un emploi, en particulier dans les chemins de fer, mais aussi dans des industries plus traditionnelles, textiles, métallurgiques ou encore céramiques et verrières . Les plus audacieux avaient même fondé leur propre entreprise, tel Emile Muller (ECP 1844) 2 , créateur dès 1854 d’une fabrique de tuiles et briques à Ivry 3 . D’autres avaient développé l’entreprise familiale comme Antoine Durenne (ECP 1843) qui allait en faire l’une des principales fonderies haut-marnaises 4 ou Joseph Farcot (ECP 1845), le grand fabricant de machines à vapeur de Saint-Ouen, inventeur du servomoteur 5 . L’École fonctionnant sur la base de travaux pratiques avec de longues séances de dessin, des exercices de construction de machines et des visites d’usines 6 , on pouvait s’attendre à ce que la tenue d’une grande Exposition internationale fondée sur la présentation d’objets manufacturés et de machines de toutes sortes, suscite la curiosité. Le jeune Gustave Eiffel (ECP 1855) qui y terminait alors ses études, prit comme ses camarades un abonnement afin de profiter à plein de l’évènement et y fit des visites aussi nombreuses que possible, mobilisé qu’il était par la préparation de son projet de sortie, épreuve essentielle qui conditionnait en grande partie l’obtention du diplôme. C’était, écrivait-il à sa mère, « d’une très grande importance par l’intérêt de toutes les choses nouvelles qu’on y apprend » 7 . L’Exposition de 1855 tint en fait une place importante dans l’histoire générale de l’École, puisqu’elle servit d’argument pour son passage d’un statut privé à un statut public. Au départ, en effet, l’École était la propriété d’un seul homme, Alphonse Lavallée, qui avait d’abord commencé par être l’associé à Nantes de son beau frère, l’armateur Charles Haentjens, avant de rejoindre la capitale en 1828, où il 1 Sur ces débuts, cf. Jean-François Belhoste, « L’Ecole centrale des Arts et Manufactures. Premières années », dans Jean-Louis Bordes, Annie Champion, Pascal Desabres (dir.), L’ingénieur entrepreneur. Les Centraliens et l’industrie, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, pp. 53-81. 2 La date figurée est par convention celle de sortie de l’Ecole, c'est -à-dire de l’obtention du diplôme. 3 Michèle Rault, Catherine Mercadier, La Grande Tuilerie d’Ivry 1854-1969. Le beau et l’utile, Ville d’Ivry, 2009,54 p. 4 Georges Rosenberger, « Antoine-Marie-Aubin Durenne (1822-1895) et la fonte d’art au XIXème siècle », Centraliens, n° 608, février 2011 5 Cf. notice de Bruno Jacomy, dans Parcours de Centraliens, Musée des Arts et Métiers 1829-2004, 2004, p.78. 6 Jean-françois Belhoste, « Les Centraliens dans le Marais », dans J. F. Belhoste (dir.), Le Paris des Centraliens, bâtisseurs et entrepreneurs, Paris, Action Artistique de la Ville de Paris, 2004, p. 35-42. 7 Cité par Michel Carmona, Eiffel, Paris, Fayard, p.32.

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Septembre 2011 CENTRALE HISTOIRE

Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens – J.F. Belhoste

1

Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens

Jean-François Belhoste

Directeur d’études

Ecole Pratique des Hautes Etudes

Le 15 mai 1855, lorsque la première Exposition Universelle tenue à Paris, ouvrit ses portes,

l’École Centrale des Arts et Manufactures existait déjà depuis plus de 25 ans1. Elle avait

accueilli plus de 3000 élèves dont environ 1 200 étaient sortis diplômés. Plus de 600

étaient des étrangers parmi lesquels on comptait des Suisses, des Belges, des Espagnols, des

Italiens et même de nombreux Américains. Créée fin 1829, elle avait eu, selon le vœu de ses

fondateurs, en particulier le chimiste Jean-Baptiste Dumas, l’ambition de former d’abord des

ingénieurs civils et des directeurs d’usines en leur donnant une formation basée à la fois sur

la théorie et la pratique. Le choix s’était avéré judicieux, cette formation avait répondu à un

réel besoin, et les jeunes diplômés, sortis de l’École avec le titre d’Ingénieurs des Arts et

Manufactures, avaient trouvé pour la plupart un emploi, en particulier dans les chemins de fer,

mais aussi dans des industries plus traditionnelles, textiles, métallurgiques ou encore

céramiques et verrières . Les plus audacieux avaient même fondé leur propre entreprise, tel

Emile Muller (ECP 1844)2, créateur dès 1854 d’une fabrique de tuiles et briques à Ivry

3 .

D’autres avaient développé l’entreprise familiale comme Antoine Durenne (ECP 1843) qui

allait en faire l’une des principales fonderies haut-marnaises4 ou Joseph Farcot (ECP 1845),

le grand fabricant de machines à vapeur de Saint-Ouen, inventeur du servomoteur5. L’École

fonctionnant sur la base de travaux pratiques avec de longues séances de dessin, des exercices

de construction de machines et des visites d’usines6, on pouvait s’attendre à ce que la tenue

d’une grande Exposition internationale fondée sur la présentation d’objets manufacturés et de

machines de toutes sortes, suscite la curiosité. Le jeune Gustave Eiffel (ECP 1855) qui y

terminait alors ses études, prit comme ses camarades un abonnement afin de profiter à plein

de l’évènement et y fit des visites aussi nombreuses que possible, mobilisé qu’il était par la

préparation de son projet de sortie, épreuve essentielle qui conditionnait en grande partie

l’obtention du diplôme. C’était, écrivait-il à sa mère, « d’une très grande importance par

l’intérêt de toutes les choses nouvelles qu’on y apprend »7. L’Exposition de 1855 tint en fait

une place importante dans l’histoire générale de l’École, puisqu’elle servit d’argument pour

son passage d’un statut privé à un statut public. Au départ, en effet, l’École était la propriété

d’un seul homme, Alphonse Lavallée, qui avait d’abord commencé par être l’associé à Nantes

de son beau frère, l’armateur Charles Haentjens, avant de rejoindre la capitale en 1828, où il

1 Sur ces débuts, cf. Jean-François Belhoste, « L’Ecole centrale des Arts et Manufactures. Premières années »,

dans Jean-Louis Bordes, Annie Champion, Pascal Desabres (dir.), L’ingénieur entrepreneur. Les Centraliens et

l’industrie, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, pp. 53-81. 2 La date figurée est par convention celle de sortie de l’Ecole, c'est-à-dire de l’obtention du diplôme.

3 Michèle Rault, Catherine Mercadier, La Grande Tuilerie d’Ivry 1854-1969. Le beau et l’utile, Ville d’Ivry,

2009,54 p. 4 Georges Rosenberger, « Antoine-Marie-Aubin Durenne (1822-1895) et la fonte d’art au XIXème siècle »,

Centraliens, n° 608, février 2011 5 Cf. notice de Bruno Jacomy, dans Parcours de Centraliens, Musée des Arts et Métiers 1829-2004, 2004, p.78.

6 Jean-françois Belhoste, « Les Centraliens dans le Marais », dans J. F. Belhoste (dir.), Le Paris des Centraliens,

bâtisseurs et entrepreneurs, Paris, Action Artistique de la Ville de Paris, 2004, p. 35-42. 7 Cité par Michel Carmona, Eiffel, Paris, Fayard, p.32.

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avait, en suivant les cours de l’Athénée, fait connaissance avec Jean-Baptiste Dumas. C’est là,

dans les cercles libéraux gravitant notamment autour du journal Le Globe qu’était née l’idée

d’une École industrielle. Désireux de prendre sa retraite, après avoir réussi, malgré les aléas

du début, à développer l’entreprise, A. Lavallée profita donc du succès de l’Exposition pour

demander à l’Etat de racheter l’établissement et d’en assurer ainsi la pérennité8. De statut

privé jusqu’en 1857, l’École avait de ce fait surtout formé des ingénieurs destinés à l’industrie

privée et au génie civil, dont la carrière dépendait, par conséquent, étroitement du

développement de l’activité industrielle. Cette situation leur imposait de se faire connaître, de

faire valoir leur utilité soit dans les différentes branches où ils oeuvraient, soit en tant que

communauté professionnelle, ce qu’ils purent faire surtout à partir de 1848, dans le cadre de

la Société des Ingénieurs civils dont ils formaient la majorité des adhérents. Cette obligation

de se montrer, de faire découvrir, individuellement ou collectivement, leurs compétences et

leurs œuvres, fit que les Expositions Universelles furent toutes considérées comme des

moments exceptionnels pour porter à la vue des visiteurs tant français qu’étrangers les

réalisations qu’en tant qu’ingénieurs spécialisés ou polyvalents, ils étaient en mesure

d’accomplir. L’École y trouvait aussi l’occasion de présenter son système de formation,

d’autant plus qu’elle pouvait se vanter d’avoir été un modèle lors de la fondation

d’établissements comparables en Suisse, en Espagne et même aux Etats-Unis.

Les Centraliens furent ainsi extrêmement nombreux à participer aux Expositions successives

et ne se privèrent pas de les utiliser comme vitrines, en organisant des manifestations, visites

et conférences, et en s’employant à faire relayer autant que possible l’information par la

presse, notamment par Le Génie Civil dont le rédacteur en chef fut de 1881 à 1894 l’un des

leurs, Max Chamion de Nansouty (ECP 1877) auquel succédèrent Charles Talansier (ECP

1878) et Albin Dumas (ECP 1882). Ils avaient, il est vrai, la chance de pouvoir commencer

par faire valoir leur rôle de concepteurs et constructeurs des grands édifices métalliques qui

accueillaient les manifestations. L’Exposition de 1889 fut assurément un point d’orgue, le

moment où la visibilité fut maximale.

La tour Eiffel en construction

8 La démarche est racontée par Francis Pothier, Histoire de l’Ecole centrale des arts et manufactures, Paris,

Delamotte, 1887, 555 p.

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C’est bien ce que nota le Jury international dans son rapport final : « Toute l’Exposition

n’apparaît-elle pas comme une gigantesque manifestation en faveur de l’École Centrale ? La

Tour Eiffel désormais célèbre, le palais du Trocadéro, la splendide Galerie des Machines (en

partie) sont les œuvres de ses anciens élèves, et ces magnifiques monuments semblaient avoir

été construits tout exprès pour proclamer sa gloire… »9

Cette active participation, l’Association des Anciens prit soin de la consigner au sein d’un

grand volume in-folio édité en 1889 ayant pour titre « Les Anciens élèves de l’École Centrale

1832-1888 » et commençant par la « Liste des Anciens élèves de l’École Centrale qui ont

participé à un titre quelconque aux Expositions Universelles de 1855, 1867, 1878 et 1889 » et

suivie d’une « Liste par profession de tous les anciens élèves ». Il fut complété par un ouvrage

du même type concernant les Expositions de 1889 et de 1900. On y trouvait, d’une part, tous

ceux qui avaient participé à l’organisation et, d’autre part, ceux qui avaient été récompensés.

Cette statistique soigneusement tenue fut systématiquement mise à contribution, elle servit à

l’École et à ses Anciens de faire valoir, reproduite qu’elle fut dans les articles et

présentations les plus diverses, et constitue pour nous une précieuse base de travail.

Participation à l’organisation

Les Centraliens furent, en effet, de plus en plus nombreux à intervenir dans ces manifestations

certes éphémères, mais dont la préparation pouvait durer deux ou trois ans et requérait toutes

sortes de compétences, en matière notamment de technique constructive et de mécanique.

Pour certains, en particulier les plus jeunes, tout juste diplômés, la tâche offrait une

opportunité d’emploi, certainement instructive en début de carrière. On dispose, comme on

vient de le dire, dans les Albums rétrospectifs du nom de tous les intervenants aux différentes

expositions, ce qui autorise un chiffrage. Les participants à l’organisation étaient répartis en

deux grandes classes: participants aux jurys d’admission et de récompense, et participants

aux Installation, Construction et Commissions diverses. La progression a été partout sensible

avec une accélération en 1889.

La présence dans les deux jurys concernait évidemment un relativement petit nombre de

spécialistes confirmés, ayant déjà acquis une certaine notoriété dans les secteurs en cause.

Ceux admis au jury d’admission n’étaient que 3 en 1855, 11 en 1867. Ils passèrent ensuite à

51 en 1878, puis à 104 en 1889. Ceux des jurys de récompense, en principe d’anciens primés,

étaient 7 en 1855, 15 en 1867, 36 en 1878, 54 en 1889 et 85 en 1900.

Installation et Construction,

Le gros de la participation des Centraliens se situait dans cette catégorie (y compris leur

participation à des Comités divers): ils étaient déjà 35 en 1855, 63 et 1867, 50 en 1878, puis

leur nombre passa à 249 en 1889, 445 en 190010

. A côté d’anciens expérimentés qui

occupaient des postes de responsabilité, il y avait donc aussi des jeunes. Ainsi sur les 63

recensés de 1867, 22 étaient sortis de l’École depuis moins de cinq ans. Parmi eux figuraient

Edouard Vaillant (ECP 1862), le futur leader de la Commune, mais aussi de la même

9 Exposition universelle internationale de 1889 à Paris. Rapports du jury international Groupe II, Education et

Enseignement, Paris, 1891, p. 610 (Enseignement Technique, rapporteur Paul Jacquemart). 10

Sur le fonctionnement des Comités d’installation de l’exposition de 1900, cf. Organisation des services de la

Section française,,Arch.nat., F12 6353

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Promotion : Henry Pereire, fils d’Emile, fondateur avec son frère Isaac du Crédit Mobilier, et

Alfred Tresca, le fils d’Henri Tresca, professeur de Mécanique appliquée au Conservatoire

national des Arts et Métiers. En 1889 sur les 445 recensés, 53 encore étaient sortis après

1877. Ils avaient donc moins de 35 ans, ce qui était le cas, par exemple de Max Champion de

Nansouty, de Charles Talansier ou encore des frères Louis et Emile Mors. Les enseignants à

l’École, furent aussi réguliers à intervenir: Charles Callon (ECP 1833), Paul Lecoeuvre (ECP

1838), Léon Vigreux (ECP 1860), tous professeurs de Construction de machines, Charles

Bourdon (ECP 1871) , professeur de Machines à vapeur, Démétrius Monnier (ECP 1855),

professeur d’Electricité industrielle, Alfred Tresca (ECP 1862), professeur de Mécanique

appliquée, Louis Ser (ECP 1853) et Jules Grouvelle (1861), professeurs de Physique

industrielle, Sanson Jordan (ECP 1854), professeur de Métallurgie, Victor Contamin (ECP

1860 ) et Eugène Bertrand de Fontviollant (ECP 1882 ), professeurs de Résistance appliquée,

Emile Muller (ECP 1844) et Fernand Delmas (ECP 1875), professeurs de Constructions

civiles et d’Architecture11

.

- Constructions

L’intervention la plus spectaculaire des Centraliens en ce domaine fut évidemment la

construction de grandes halles d’exposition qui leur donna l’occasion de faire valoir leur

suprématie en matière de construction métallique. La formation qu’ils recevaient tant en

métallurgie qu’en construction, les avait conduits, en effet, à y exercer un véritable

leadership, fondé notamment sur leurs expériences ferroviaires12

. Cette spécialité s’était

construite notamment au sein du cabinet d’ingénierie fondé par Eugène Flachat, où ils furent

nombreux à être employés, le plus souvent en début de carrière. En charge de la conception et

du suivi des travaux de la Compagnie du Paris Saint- Germain, puis de la Compagnie de

l’Ouest, E. Flachat et son équipe avaient réalisé en particulier les halles des voies de la gare.

Fermes Polonceau à la gare Saint-Lazare - 1842

11

Léon Guillet, Cent ans de la vie de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures 1829-1929, Paris, Editions de

Brunoff, 1929 (Liste des titulaires des chaires), p. 137-141. 12

Jean-François Belhoste, « Les centraliens et la construction métallique de 1830 à 1914 », dans Dominique

Barjot et Jacques Dureuil (dir.), 150 ans de génie civil. Une histoire de centraliens, Paris, Presses de l’Université

Paris-Sorbonne, 2008, p 59-82.

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Saint- Lazare ainsi que les ponts de Clichy et d’Asnières où furent mis au point les principes

d’une construction métallique moderne fondée sur l’utilisation de fers profilés assemblés par

rivetage et le recours systématique au calcul de résistance des matériaux

Le rôle des Centraliens dans la réalisation des grands ouvrages métalliques des Expositions

successives s’avéra donc en plusieurs circonstances décisives, tant comme concepteurs et

directeurs des travaux qu’en opérant au sein des entreprises de construction et de génie civil

qui les exécutaient. La première occasion fut la construction du Palais de l’Industrie,

emblème de l’Exposition de 1855. Elle fut confiée par l’entreprise anglaise York et Cie,

adjudicataire des travaux, à Alexis Barrault (ECP 1836) qui travaillait alors pour la

Compagnie du Paris-Lyon, assisté de son camarade Gustave Bridel (ECP 1847). L’intérêt de

cette vaste construction, faisant 208 m de long, sur 108 de large et 35 m de haut, est que sa

structure métallique fut conçue indépendamment de sa maçonnerie, qui, elle, resta l’œuvre

de l’architecte Victor Viel13

. Eugène Flachat, chez qui A. Barrault avait débuté sa carrière,

écrira plus tard : « L’intérieur du Palais de l’industrie répond aux exigences de l’art; il y

règne une grande harmonie de lignes simples. L’ornementation y est le résultat des formes

naturelles du métal dans les conditions de résistance où il est placé »14

.

Palais de l’industrie 1855

L’ouvrage ne bénéficia malheureusement pas de toute la considération qu’il méritait. Des

problèmes d’ensoleillement et de ventilation en perturbèrent, en effet, l’usage L’intervention

des Centraliens dans le domaine fut, en tout cas, continuelle par la suite . On se bornera à

évoquer les réalisations les plus intéressantes, celles des Expositions de 1878 et 1889. Le fait

13

Alexis Barrault, Gustave Bridel, Le Palais de l’Industrie et ses annexes. Description raisonnée du système de

construction en fer et en fonte adopté dans ces bâtiments, Paris, 1857. 14

Eugène Flachat, « Notice sur Alexis Barrault », Mémoires et Compte Rendu des travaux de la Société des

Ingénieurs civils, Paris, 1866, p. 535.

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marquant, en 1878, fut la réalisation sur le Champ de Mars de gigantesques galeries (145 m

de long), doublées d’annexes. Le concepteur fut, cette fois, Henri de Dion (ECP 1851), qui

avait été nommé ingénieur en chef des constructions métalliques de l’Exposition et qui, lui

aussi, avait débuté en participant chez E. Flachat aux premiers travaux d’extension la gare

Saint-Lazare et à la construction du pont d’Asnières15

. Il avait également dirigé en 1853 le

fameux chantier de restauration de la cathédrale de Bayeux, avec la délicate reprise en sous-

œuvre de sa tour centrale. Par la suite, il s’était vu confier le cours de Stabilité des

Constructions de la nouvelle École spéciale d’Architecte. Maître incontesté de la résistance

des matériaux, il mit au point pour les besoins de l’Exposition un nouveau type de charpente,

fondé sur une méthode originale de calcul, auquel son nom fut donné et qui connut par la

suite un incontestable succès. C’était une charpente sans entrait dessinée de telle sorte que les

efforts s’appliquant sur les arbalétriers étaient parfaitement dirigés vers les poteaux, offrant

ainsi l’avantage d’une portée maximale16

. Là encore, l’idée sous-jacente était que l’esthétique

ressortait naturellement de cette forme bien calculée. « Certaines galeries secondaires sont des

chefs d’œuvre, et quant aux galeries principales…, la construction métallique aurait pu

suffire, même dans les coupoles, à assurer, à elle seule, à sa destination, la complète stabilité

de l’édifice et un genre de décoration parfaitement approprié.. » déclara son ami Henri Tresca,

alors président de la Société des ingénieurs civils, lors de ses obsèques survenues en avril

1878 quelques jours avant l’ouverture de l’Exposition17

. Un certain nombre de Centraliens,

entre autres Emile Baudet (ECP 1858) et Armand Moisant (ECP 1859), prirent, par ailleurs,

une part active à l’édification de ces grandes halles tant principales qu’annexes, en utilisant

des techniques d’échafaudage et de montage originales qui firent l’objet de plusieurs

publications dans diverses revues techniques18

.

L’autre grand monument de l’Exposition fut le premier Palais du Trocadéro, œuvre conjointe

de Jules Bourdais (ECP 1857) et de l’architecte Gabriel Davioud19

.

Palais du Trocadéro Les fermes de Dion au Trocadéro en 2011

Musée de l’Architecture et du Patrimoine

15

« Nécrologie », Bulletin de l’Association Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole Centrale des Arts et

Manufactures, Paris, 1877-1878, p. 116. 16

Notice de J. F. Belhoste, dans Parcours de Centraliens, op. cit., p. 52. 17

Ibid., p.118 18

Par exemple, Charles -Alfred Oppermann, « Echafaudage roulants de la galerie des machines » , Nouvelles

Annales de la Construction, n° 276, 1877, p. 178. 19

Dominique Jarassé, « Le Palais du Trocadéro », dans Myriam Bacha (dir.), Les Expositions Universelles à

Paris de 1855 à 1837, Action Artistique de la Ville de Paris, 2005, p. 99.

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Ce monument mal aimé mériterait plus d’attention, ne serait-ce que pour les problèmes

techniques auxquels sa construction dut faire face. J. Bourdais avait été aussi élève aux

Beaux-Arts d’Hector Horeau et avait publié en 1859 un Traité pratique de la résistance des

matériaux.

Le monument avec sa rotonde servant à abriter conférence et ses grandes galeries curvilignes,

s’il présentait de multiples références historicistes, se caractérisait aussi, comme l’a bien vu

Viollet le Duc, par un certain nombre de modernités constructives: terrassement sur un terrain

en forte déclivité, charpentes métalliques des galeries maintenues apparentes, emploi de

mortiers adaptés pour éviter les tassements.

L’Exposition de 1889 fut, comme on l’a dit, un triomphe pour les Centraliens. D’abord, bien

sûr, grâce à la tour de Gustave Eiffel dont la construction, rappelons-le, fut une opération

réalisée dans un cadre privé par une société qui supporta une grande partie des coûts en

échange d’une concession d’usage jusqu’en 191020

. Mais aussi du fait des performances

remarquables de la colossale Galerie des Machines, œuvre de l’architecte Dutert et surtout de

l’ingénieur Victor Contamin (ECP 1860), qui s’était vu confié le poste d’ingénieur en chef du

contrôle des constructions métalliques, assisté de Jules Charton (ECP 1862) et d’Eugène

Pierron (ECP 1870). V. Contamin qui avait fait l’essentiel de sa carrière à la Compagnie du

Nord, enseignait aussi depuis 1873 la Résistance appliquée à l’École. Il était, comme H. de

Dion, un expert incontesté du calcul de résistance des matériaux. Le fait est que la Galerie des

Machines, gigantesque vaisseau de 420 m de long et qui comme les galeries de 1878, ne

comportait pas d’entrait, constituait une prouesse technique. Elle était articulée, avec un

système de rotule installé à la base des poteaux et de coussinet au sommet21

. Là encore, c’est

aux formes données au métal avec des piliers en arborescence, qu’incombaient

l’ornementation.

Galerie des machines 1889 -Montage

20

Michel Carmona, op. cit., p. 301. 21

Jean-François Belhoste, « L’invention du profilé riveté », in Le Paris des Centraliens, op. cit., p.76.

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Et à nouveau, des Centraliens intervinrent dans le montage, entre autres Eugène Bertrand de

Fontviolant (ECP 1882) pour l’entreprise Fives-Lille, lequel deviendra, à son tour, en 1893,

professeur de résistance appliquée à l’École et aura à s’occuper de la conception et de la

construction des parties métalliques de la Gare d’Orsay lors de l’Exposition de 1900.

L’inspection des constructions métalliques de cette Exposition fut, d’ailleurs, encore confiée

à des Centraliens : René Weil (ECP 1890), en charge des constructions métalliques à la

Compagnie de l’Ouest, et Louis Bourdain ( ECP 1894), ingénieur de la Ville de Lyon.

Durant l’Exposition de 1889, se tint un congrès international sur les procédés de construction

dont Gustave Eiffel présida la séance d’ouverture. La construction en fer y fut, bien entendu, à

l’honneur, mais on parla aussi de sa substitution par l’acier et de l’usage d’autres matériaux

dont les Expositions faisaient aussi la promotion. Ce fut le cas des céramiques décoratives

qui firent leur apparition à l’Exposition de 1878, et connurent ensuite une vogue grandissante

jusqu’en 1914, stimulée par la mode de l’Art nouveau. L’un des pionniers en la matière fut

Emile Muller (ECP 1844), professeur de Constructions civiles à partir 1864, qui avait été en

début de carrière le concepteur de la première cité ouvrière de Mulhouse. Il était aussi un

industriel ayant créé en 1855 à Ivry une fabrique de produits céramiques, d’abord spécialisée

dans la fabrication de tuiles à emboîtement dites tuiles mécaniques22

. La fabrication de tuiles

et briques vernissées débuta à Ivry vers 1870, l’idée d’Emile Muller étant de la rendre d’un

prix aussi abordable que possible. C’est à l’Exposition de 1878 qu’elles firent, en tout cas,

pour la première fois sensation, utilisées au Pavillon de la Ville de Paris, à celui du Ministère

des Travaux publics et sur l’une des façades du Palais du Champ de Mars. « J’ai la

satisfaction d’avoir contribué à faire envisager par nos architectes d’orner d’émaux les

constructions métalliques » pouvait-il écrire dans le fascicule publié pour l’occasion23

. C’est

à l’Exposition de 1889, qu’Emile Muller obtint son plus grand succès, apportant aux édifices

une touche polychrome que l’omniprésence du fer laisse mal deviner, lorsqu’on dispose

Palais des Beaux-Arts 1889

22

M. Rault, C. Mercadier, La Grande Tuilerie d’Ivry…, op.cit. 23

Emile Muller, Notes sur les produits, appareils, ouvrages et dessins présentés à l’Exposition, 1878.

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surtout de photographies noir et blanc. Le plus spectaculaire fut la couverture par 200 000

tuiles vernissées bleu turquoise des dômes des palais des Beaux Arts et des Arts libéraux. A

cette Exposition, E. Muller fournit aussi ses premiers grès cérames. Ils servirent, entre autres,

pour les balustres de la première plate-forme de la Tour Eiffel

Pour terminer ce tour d’horizon forcément incomplet, il reste à évoquer l’emploi du béton

d’abord simplement aggloméré, puis armé à partir de l’Exposition de 1900. L’un des

pionniers en la matière fut Edmond Coignet (ECP 1879), d’abord associé de son père

François24

. Pour l’Exposition de 1889, il réalisa les balustrades entourant les Palais des

Beaux Arts et des Arts Libéraux et surtout la fontaine monumentale du jardin central25

. Le

béton armé, mis au point seulement quelques années auparavant, fut employé ensuite de

façon déjà significative à l’Exposition de 1900, entre autres pour l’escalier monumental du

Grand Palais, pour les voûtes surbaissées du Petit Palais et pour la grande fontaine posée sur

la façade du Palais de l’Electricité. Si celle-ci fut encore l’œuvre d’Edmond Coignet,

beaucoup de travaux furent réalisés aussi par l’entreprise Hennebique qui s’était déjà acquis

une réputation de premier plan. Elle comptait en son sein de nombreux jeunes Centraliens,

comme Georges Flament (ECP 1895) et André Richaud (ECP 1895). Fernand Delmas (ECP

1875), qui enseignait l’architecture à l’École depuis 1890 et avait été officiellement nommé

architecte de la Classe 6 (celle de l’Enseignement Technique) à l’Exposition, en était un

ardent propagateur 26

- Energie et transport.

Dans ces secteurs clef pour l’organisation de ces vastes manifestations, où il fallait gérer

l’accueil d’un public considérable avec le maximum de soin et de confort, l’intervention

d’ingénieurs était indispensable. Ces impératifs expliquent le rôle précoce de l’électricité,

ceci dès l’Exposition de 1889, sujet qui fera plus loin l’objet d’un traitement à part. Pour

rendre les choses vivantes et instructives, il fallait aussi introduire une certaine animation,

soit, comme ce fut fait dès l’exposition de 1867, par la fabrication en démonstration d’objets

réels, en l’occurrence plutôt des petits objets du genre articles de Paris, soit par la mise en

mouvement des machines. L’importance accordée à l’enseignement de la mécanique à

l’École, l’une des quatre spécialités du concours de sortie, donna aux Centraliens une réelle

compétence dans ce domaine, logiquement mise à contribution et valorisée lors des

expositions successives.

Si l’idée de produire une sorte de théâtre des machines allait de soi, sa réalisation n’était

pourtant pas sans difficultés. Dès l’Exposition de 1855, l’expérience fut, en tout cas tentée.

C’est dans cette intention que fut construite à la hâte cette galerie annexe dite des machines

qui longeait la Seine sur 1200 m et était reliée au Palais de l’industrie par une passerelle. On y

installa un long arbre de couche sur lequel étaient fixées des poulies où pouvaient se

brancher les machines des exposants27

. Le maître d’œuvre de cette installation fut Paul

Lecoeuvre (ECP 1838), nommé pour cela ingénieur inspecteur de la galerie. Après avoir

travaillé quelque temps aux forges de Vierzon, il avait été nommé en 1852 répétiteur du

cours de Construction d’éléments des machines à l’École. A l’Exposition, il était sous les

24

Notice de Jean-Louis Bordes, in Parcours des Centraliens, op. cit., p. 54. 25

Arch. nat, F12 3807. 26

Jean-Louis Bordes, « L’invention du béton armé », in Le Paris des Centraliens, op. cit, p. 104 27

Arch . nat., F12 2895.

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Ascensceur Edoux 1889 Train Decauville 1889

ordres d’ Emile Trélat (ECP 1840), lequel, en tant que Commissaire adjoint de l’Exposition,

avait la charge de cette galerie. P. Lecoeuvre était, en outre, assisté de deux jeunes camarades,

Alexis Le Pèlerin (ECP 1852), en charge des générateurs à vapeur, et Henri Péligot ( ECP

1852), responsable, quant à lui, de l’arbre de transmission et de l’attelage des machines28

.

Emile Trélat et Paul Lecoeuvre étaient, en fait, liés par l’intermédiaire du Conservatoire des

Arts et Métiers, le premier parce qu’il y enseignait depuis 1854 la Construction civile, et le

second comme beau frère d’Henri Tresca, professeur de Mécanique appliquée dans cette

même institution29

. L’idée d’animer les machines venait de ce qu’ils avaient pu voir ensemble

à l’Exposition universelle de Londres de 1851 et qui avait déjà inspiré H. Tresca avec

l’installation au Conservatoire d’un laboratoire expérimental de mécanique dans l’ancienne

nef du prieuré de Saint-Martin-des-Champs Plusieurs machines à vapeur destinées à entrainer

les machines de l’Exposition de 1855 furent fournies par l’entreprise de Joseph Farcot (ECP

1845), le constructeur de Saint -Ouen, et l’installation d’ensemble fut confiée à l’entreprise

Nepveu, entreprise de travaux publics établie à Paris rue de la Bienfaisance, chez qui Gustave

Eiffel allait bientôt faire ses premières armes.

Cette première expérience fut poursuivie aux expositions suivantes, toujours sous la conduite

de Centraliens. D’ailleurs Paul Lecoeuvre continua à y participer, il occupa même en 1878 le

poste d’ingénieur en chef du service mécanique. En 1867, intervint Louis de Mastaing (ECP

1851), lequel ayant fondé un cabinet d’ingénieurs conseils, avec son camarade Charles

Thirion (ECP 1852), qui s’était vu chargé en 1862 de l’installation des participants français à

l’Exposition de Londres30

. Charles Callon (ECP 1833), grand spécialiste des moteurs et

professeur de Construction des machines à l’École, y prit également part31

. En 1889, ce fut au

tour de Charles Vigreux (ECP 1860), lui aussi enseignant à Centrale et expert en moteurs. Il

s’occupa surtout, comme on le verra, d’électricité.

28

Note d’E. Trélat du 5 juin 1855. Arch. nat. , F12 2900. 29

Nécrologie de Paul Lecoeuvre, Bulletin de l’Association Amicale des Anciens Elèves de l’Ecole Centrale des

Arts et Manufactures, Paris, 1891. 30

Nécrologie de Louis de Mastaing, Bulletin de l’Association Amicale…, 1874 31

Cf. la lettre de Lavallée , directeur de l’Ecole , appuyant sa candidature pour la Légion d’honneur en 1867 :

« Il s’est occupé de l’installation de la force motrice , du service de l’eau et de celui de la ventilation au Champ

de Mars. Arch. nat ». , F12 5100.

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Une autre question importante était d’assurer le transport d’un public de plus en plus

nombreux, et appelé à se déplacer dans des espaces de plus en plus vastes. Une première

mention est à réserver, à ce propos, aux ascenseurs de Léon Edoux (ECP 1850). Dès 1867,

celui-ci se servit de l’Exposition pour promouvoir l’invention qu’il avait mise au point vers

1864, alors qu’il était entrepreneur des travaux publics, pour les besoins de ses chantiers, une

balance hydraulique fonctionnant avec un piston placé dans un puits vertical foré dans le

sol . L. Edoux récidiva en 1878, installant cette fois l’un de ses ascenseurs dans l’une des

tours du Palais du Trocadéro, lequel pouvait transporter 80 personnes sur 60 m de course. Sa

principale œuvre reste cependant l’ascenseur qu’il installa entre le deuxième et le troisième

étage de la Tour Eiffel, ascenseur à deux cabines permettant d’élever, sur 160 m, 750

passagers à l’heure. Il fallut, pour cela, placer un réservoir de 20 000 litres au sommet de la

tour.

Pour faciliter l’accès du public, les Exposition furent toutes précédées de grands travaux

destinés à améliorer le réseau ferroviaire urbain et périurbain. Ceux-ci incombèrent

essentiellement à la Compagnie de l’Ouest et à celle de la Petite Ceinture. Une convention fut

d’ailleurs passée entre elles dès l’Exposition de 1867, et une ligne fut ouverte entre

Auteuil et Ivry, via Grenelle. La traversée de la Seine se faisait par le viaduc du Point du

Jour, construit entre 1863 et 1865. Une gare ouverte au Champ-de-Mars, sur un

embranchement provisoire à double voie, accueillit 1 million et ½ de voyageurs entre le 1er

avril et 7 novembre 1867. Une nouvelle gare y fut construite en 1878 ; elle était encore

active en 1889, plus de 2 millions de voyageurs l’empruntèrent. Pour l’Exposition en 1900,

cette ligne fut prolongée dans une tranchée le long de la Seine, équipée de la traction

électrique, jusqu’aux Invalides. Dans la gare, reconstruite encore une fois pour l’occasion, et

qui comportait 20 voies et 10 quais, transitèrent plus de 10 millions de voyageurs. La

Compagnie d’Orléans se donna, elle aussi, la possibilité d’acheminer des voyageurs, en

prolongeant ses voies d’Austerlitz jusqu’au quai d’Orsay où elle édifia usa nouvelle gare. Les

Centraliens étaient nombreux à travailler dans les services techniques de ces compagnies.

Entre autres: Ernest Chabrier (ECP 1847), ingénieur de la voie au Chemin de fer de l’Ouest,

Edouard Millon (ECP 1864) et Georges Chehet (ECP 1879), le premier responsable des

études au service des constructions , le second chef de section dans cette même Compagnie ;

Charles Gallaud (ECP 1854), chef du service central du Chemin de fer de Ceinture, Amable

Coste (ECP 1885) et Léon Finat (ECP 1885), attachés, l’un et l’autre, à son service de la voie

et des travaux

Pour le transport du public dans l’enceinte des Expositions, l’un des dispositifs les plus

intéressants fut le chemin de fer Decauville, installé pour l’exposition de 1889. Ligne à voie

étroite d’environ 3,5 kms de long, avec des trains circulant à la vitesse d’un piéton (4 kms à

l’heure), elle était prévue pour accueillir 12 trains à l’heure et transporter ainsi 8 à 8 500

voyageurs32

. Une section conduisait de l’Esplanade des Invalides au Palais des Machines sur

le Champ-de-Mars en longeant le Quai d’Orsay. L’entreprise avait été créée en 1875 par Paul

Decauville qui avait imaginé ce système de voies portatives entièrement démontables pour

les besoins de son exploitation betteravière d’Evry- Petit Bourg A l’Exposition de 1878, 2

kms de voie de 50 cm d’écartement furent posées pour servir à l’installation des exposants.

L’entreprise prit alors de l’extension avec la création d’une usine à Corbeil en 1881. Des

lignes Decauville furent utilisées pour la construction du chemin de fer transcaspien, pour le

transport de troupes au Tonkin, ou encore par l’armée anglaise en Afghanistan A partir des

32

Arch. nat, F12 3857.

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années 1880, Paul Decauville reçut le renfort de son frère Emile (ECP 1878) qui prit en

charge les questions techniques, s’occupant notamment de la mise au point de rails et

traverses en acier, rivés au marteau pilon. Parmi les machines qui circulaient sur ces voies

durant l’Exposition de 1889, se trouvaient des machines compound articulées, conçues par

Anatole Mallet (ECP 1858) à qui Decauville avait été l’un des premiers à faire confiance33

.

L’exploitation de cette ligne intérieure était supervisée par le Service des Constructions

Métalliques dirigé comme on l’a vu, par Victor Contamin, assisté de Jules Charton (ECP

1862), lesquels connaissaient parfaitement les chemins de fer puisqu’ils avaient été

ingénieurs l’un à la Compagnie du Nord, l’autre à la Compagnie du Midi.

- L’électricité

Dès l’Exposition de 1889, l’électricité fit une entrée massive, offrant l’une des attractions les

plus spectaculaires, utilisée qu’elle fut à la fois comme force motrice, pour l’éclairage,

notamment de la Tour Eiffel, de la Galerie des Machines et des fontaines monumentales, et

pour alimenter des appareils de téléphone et de télégraphie. Un grand nombre de générateurs,

alternateurs et dynamos furent exposés dans un quartier de la Galerie des Machines où étaient

aussi établies des stations électriques. Ce secteur fut véritablement le domaine réservé des

Centraliens. L’installation fut, en effet, confiée à un Service mécanique et électrique dirigé

par Charles Vigreux (ECP 1860), assisté de Charles Bourdon (ECP 1871), répétiteur du

cours de Machines à vapeur, et de son fils Charles (ECP 1888), futur associé fondateur de la

Société Brillé-Vigreux, fabriquant de cadrans et horloges pneumatiques. Rien que pour

l’éclairage de la Galerie des machines, on employa 96 lampes à arc et 750 lampes à

incandescence, et au total, ce furent 1 509 lampes à arc et 12 697 lampes à incandescence qui

furent installées pour l’éclairage tant public que privé34

. L’installation bénéficia, il faut le dire,

du soutien technique et financier d’un Syndicat international des Electriciens constitué pour

l’occasion, dont Victor Picou (ECP 1877), ingénieur conseil de la Compagnie Continentale

Edison, était l’ingénieur en chef. Ce syndicat comprenait aussi Louis Sautter (ECP 1846), de

la Société Sautter et Lemonnier qui avait ajouté à sa fabrication traditionnelle de phares

lenticulaires celle de phares électriques et de machines, et André Hillairet (ECP 1880), qui

après avoir dirigé durant quelque temps les Ateliers Breguet, avait fondé en 1887 sa propre

entreprise de construction de matériel électrotechnique. D’autres Centraliens participèrent

d’ailleurs aux installations, en particulier Philibert Pellin (ECP 1870), constructeur

d’instruments de précision, d’optique et d’électricité et les frères Louis et Emile Mors (ECP

1879 et 1880), constructeurs d’appareils d’électricité, sonneries et signaux. Ils eurent, en

outre, le soutien actif d’Edouard Hospitalier (ECP 1879) qui avait fondé en 1881 le journal

L’Electricien et s’était vu confié la chaire d’Electricité à l’École de physique et de chimie

industrielle de la Ville de Paris.

L’entraînement des deux grands ponts roulants placés à 7 m de haut dans la Galerie des

Machines, afin d’offrir aux visiteurs une vue panoramique des machines en mouvement, fut

l’un des emplois les plus remarqués de la force électrique. Au centre de cette Galerie, on

pouvait aussi voir un phare électrique construit par Sautter et Lemonnier, et dans les jardins,

l’une des principales attractions fut le spectacle offert par les fontaines lumineuses: le

faisceau d’une lampe à arc électrique y illuminait grâce à un réflecteur les gerbes d’eau de

différentes couleurs.

33

Cf. notice de Jean-François Belhoste, dans Parcours de Centraliens, op.cit., p. 98. 34

Laetitia Bonnefoy, « L’éclairage monumental », dans Les Expositions Universelles à Paris…, op.cit., p.52.

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L’électricité fut évidemment encore plus présente à l’Exposition de 1900, bénéficiant cette

fois de son propre Palais construit pour célébrer la Fée Electricité. Un Comité technique de

l’Electricité fut alors spécialement créé, où siégeaient six Centraliens parmi lesquels figurait

Démétrius Monnier (ECP 1855) à qui avait été confié dès 1884 un cours d’Electricité

industrielle à l’École, l’un des premiers du genre en France. On y retrouvait Edouard

Hospitalier (ECP 1879) déjà nommé, le journaliste scientifique, ancien rédacteur du Génie

Civil, Max Champion de Nansouty (ECP 1877) et André Hillairet (ECP 1880). Charles

Bourdon (ECP 1871) et Victor Picou (ECP 1877) occupèrent les postes d’ingénieurs en chef

respectivement des installations mécaniques et des installations électriques.

Le Palais de l’électricité et la fontaine monumentale en 1900

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- Art, histoire et industrie.

A partir de l’Exposition de 1867, surtout, la volonté d’opérer un rapprochement entre art et

industrie se fit jour alors que se développaient les arts appliqués à l’industrie. Emile Muller

est le meilleur exemple de ces ingénieurs qui souhaitait allier le Beau, le Vrai et l’Utile. La

façon dont il contribua à orner les bâtiments de l’Exposition de 1878 et surtout de celle de

1889 en constitue la parfaite illustration. D’autres Centraliens travaillèrent dans la même

direction: Antoine Durenne (ECP 1843) avec ses fontes d’art, Henri Bouilhet (ECP 1851),

cogérant de la Maison Christofle avec ses bronzes galvaniques35

. Ils furent des exposants

remarqués, participèrent aussi aux installations et se montrèrent également sensibles à la

place grandissante accordée aux références historiques. C’est ainsi que qu’Emile Muller

présenta en 1889 une réplique en briques émaillées des Frises des Lions et des Archers du

palais de Darius à Suse, qui venaient d’être découvertes et exposées au Louvre par Jane et

Marcel Dieulafoy.

Eléphant de Frémiet sculpteur, Durenne

fondeur,,devant le musée d’Orsay

Le cas le plus intéressant en la matière reste cependant celui d’Alfred Darcel (ECP 1841),

dont l’itinéraire d’ingénieur s’avère particulièrement atypique. Originaire de Rouen, il

commença par travailler dans l’industrie chimique, avant d’entreprendre à partir de 1850, des

études d’histoire de l’art qui le conduisirent à devenir l’un des meilleurs spécialistes français

35

Notice de Cécile Buffat, dans Parcours de Centraliens, op.cit., p. 48.

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des faïences, émaux et pièces d’orfèvrerie du Moyen-Age et de la Renaissance. Auxiliaire à

partir de 1852, puis attaché à la conservation des objets d’art au Louvre, il publia en 1866

avec l’architecte Eugène Rouyer, L’art architectural en France depuis François 1er

jusqu’à

Louis XV. Alfred Darcel participa à l’installation des Expositions de 1867, 1878 et 1889. Dès

celle de 1867, il fut secrétaire de la Commission de l’Histoire du travail, pour laquelle il lui

fallut collecter toutes sortes d’objets archéologiques « depuis les outils et les armes

rudimentaires des âges ante-historiques et de l’époque celtique, jusqu’aux meubles les plus

élégants, jusqu’aux tentures les plus somptueuses du XVIIIème siècle ». Il rendit alors, selon

ses supérieurs, un « service laborieux, éclairé et des plus utiles par le classement de précieux

objets exposés et la rédaction remarquable du catalogue de cette partie de l’Exposition »36

.

Devenu administrateur des Gobelins, A. Darcel joua encore un rôle important en 1878 dans

l’organisation de l’exposition sur l’art rétrospectif français tenue dans la galerie orientale du

Palais du Trocadéro, où furent exposés des tapisseries, mais aussi des émaux de la collection

Rothschild et des manuscrits de la Bibliothèque de Rouen. Un autre Centralien, Anatole

Gruyer (ECP 1848), après avoir été professeur à l’Institut agronomique de Versailles avait fait

lui aussi des études d’histoire de l’art et était devenu conservateur des peintures au Musée

du Louvre. Membre de l’Académie des Beaux-Arts, il participa aux jurys d’admission et de

récompense des Expositions de 1878 et de 1889.

L’École aux Expositions

Il a été question jusqu’ici, de la participation des anciens élèves et de la façon dont,

collectivement, ils ont pu faire connaître leurs talents d’ingénieur. Dès 1855, comme on l’a

rappelé, A. Lavallée avait fait valoir que la réussite de l’École dans la formation d’ingénieurs

était d’abord due à la qualité de son enseignement, et s’était servi de l’évènement pour faire

passer l’idée d’une cession à l’Etat. C’est durant l’Exposition de 1878 qu’avait été ensuite

célébré son cinquantenaire. Elle y avait alors reçu un Diplôme d’honneur. En 1889, elle

songea cette fois à se présenter de façon plus officielle en y installant un stand. « L’élégant

pavillon qui, selon le rapport du Jury, abritait au Palais des Arts libéraux l’exposition de

l’École Centrale, offrait aux yeux du public tout ce qui était de nature à le renseigner sur le

fonctionnement de ce grand établissement national, la consultation de la collection complète

des travaux d’un même élève, le visiteur pouvait suivre pas à pas la marche ascendante de son

instruction et de nombreux documents, dessins, projets, comptes-rendus, permettaient d’en

apprécier la valeur. Les quatre petits salons renfermaient une importante collection de travaux

d’anciens devenus de grands industriels. Concernant tout ce qui touche à l’art de l’ingénieur :

chemin de fer, mines, métallurgie, produits chimiques etc. »37

. En 1900, cette présence put

devenir encore plus significative, grâce au fait que l’Enseignement technique formait

désormais une classe à part du groupe de l’Education et l’Enseignement. Un pavillon spécial

lui fut même dédié, construit en bordure de l’avenue de Suffren et relié au Palais de

l’Education et l’Enseignement par une passerelle38

. La construction en fut confiée à Fernand

Delmas (ECP 1875), qui enseignait depuis 1890 l’architecture à l’École. Celle-ci y disposait,

de l’un des plus grands stands, placé à côté de celui du Conservatoire des Arts et Métiers.

L’une et l’autre étaient particulièrement bien situés dans la galerie du premier étage à laquelle

36

Demande de Légion d’honneur à l’Exposition de 1867. Arch. nat, F12 5314. 37

Exposition universelle de 188ç à Paris. Rapports du jury international. Groupe II…, op.cit., p.610 38

Arch . nat, F12 6353. Exposition universelle internationale de 1900. Rapports du jury international. Groupe I

-Education et Enseignement. Cinquième partie-Classe 6, Paris, 1903, p.6.

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on accédait par un salon d’honneur décoré par des tapisseries prêtées par la Manufacture des

Gobelins.

Récompenses

Bien sûr, les Centraliens ne se contentèrent pas d’intervenir dans l’organisation, ils furent

aussi très nombreux à exposer. Quelques chiffres permettent, d’abord, une idée de la

participation globale et d’apprécier sa progression. Ils seraient environ 500 en 1867, puis 745

en 1878 39

. Les données sont heureusement plus précises sur le nombre des récompensés,

eux-mêmes répartis en deux catégories: les médaillés (grands prix, médailles d’or, d’argent et

de bronze, mentions honorables) et les décorés au titre de la Légion d’honneur. Les médaillés

progressèrent constamment : 64 en 1855, 240 en 1867, 310 en 1878, 433 en 1889, 527 en

190040

; les décorés de la Légion d’honneur également: 7 en 1855, 8 en 186, 30 en 1878, 32 en

1889, 76 en 1900. L’observation s’avère plus intéressante si l’on considère les secteurs

auxquels ces récompenses se rapportaient. Là encore seuls quelques exemples sont

susceptibles d’être évoqués pour illustrer les domaines où les Centraliens ont excellé et le

rôle qu’ils ont eu dans le développement de nouveaux secteurs. En 1855, il est ainsi frappant

de voir l’importance qu’ils avaient déjà acquise dans l’industrie mécanique et les chemins de

fer. Camille Polonceau (ECP 1836), concepteur de différents types de locomotives pour la

Compagnie de l’Orléans, en exposa plusieurs et fut classé Hors concours. Mais dès cette

exposition, d’autres secteurs furent aussi à l’honneur : la céramique avec Alphonse Salvetat

(ECP 1841), chef de travaux à la Manufacture de Sèvres, la verrerie avec Louis Clémandot

(ECP 1836), directeur de la cristallerie de Clichy, le textile avec Albin Gros (ECP 1834) et

son frère Aimé (ECP 1835), patrons de Wesserling ainsi qu’Henry Hartmann (ECP 1842),

filateur à Munster. Le textile fut encore cité en 1867 avec, entre autres, Théodore

Schlumberger (ECP 1861), de Schlumberger fils et Cie à Mulhouse, et Charles Balsan (ECP

1860), fabricant de draperies à Châteauroux. L’industrie du fer se trouva aussi régulièrement

primée. Sanson Jordan (ECP 1854), le professeur de métallurgie reçut la Légion d’honneur

en 1878; Alexandre Gouvy (ECP 1842) pour ses aciéries de Dieulouard et Antoine Durenne

(ECP 1843) pour ses fonderies de Haute-Marne obtinrent des médailles en 1855, 1867 et

1878. S’agissant des industries chimiques trop nombreuses pour être illustrées dans leur

diversité, on citera seulement Marius Olivier (ECP 1862), l’un des associés de Perret frères

et Olivier, en 1867 et Antoine de Plazenet (ECP 1863), fabricant de produits chimiques pour

les arts et les sciences, en 1867 et 1878. La fabrication du papier fut elle aussi toujours bien

représentée: Auguste de Montgolfier (ECP 1850), médaillé en 1855, 1867 et 1878, Paul

Darblay (ECP 1847) en 1867 et 1878, Aristide Bergés (ECP 1852) dès 1878. De même que

les industries verrières et céramiques: Léon Appert (ECP 1856) pour Appert frères en 1878,

Alexandre Mulat ( ECP 1863) pour Legrand, Mulat et Cie qui exploitait la verrerie de

Fourmies en 1867, Henri Cosson ( ECP 1866) pour la cristallerie d’Aubervilliers en 1878,

François Garnault (ECP 1843), fabricant d’ornement de terre cuite en 1855 et 1867, Gustave

Roy (ECP 1870), fabricant de faïence pour l’architecture et le chauffage en 1878.

Naturellement, les Centraliens furent particulièrement nombreux à être primés dans l’un de

leur principaux secteurs de prédilection, la construction mécanique, avec notamment :

39

Charles de Comberousse, Histoire de l’Ecole centrale des Arts et Manufactures depuis sa fondation jusqu’à ce

jour, Paris, Gauthier-Villars, 1879, p. 181. 40

Exposition Universelle Internationale de 1900. Rapports du jury international. Groupe I…, op.cit., p ;23.

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Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens – J.F. Belhoste

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Joseph Farcot (ECP 1843) pour Farcot père et fils en 1855, 1867 et 1878, Jules Binder (ECP

1849), fabricant de carrosserie en 1867 et 1878, Emile Cail (ECP 1860), attaché à la direction

de la grande entreprise J. F. Cail et Cie, en 1867, Paul Béranger (ECP 1864), constructeur de

machines agricoles, en 1878, René Panhard (ECP 1864) pour Panhard, Perrin et Cie fabricant

de matériel de scieries en 1867 et 1878, Francis Brault (ECP 1867), de l’entreprise de

fabrication de turbines de Chartres, Brault et Teisset, en 1878, Sostène Pozzi (ECP 1876),

constructeur de matériel ferroviaire, en 1889. Ils furent également très présents dans un

secteur voisin, qui tenait à la fois de la mécanique et de la thermique, la fabrication

d’appareils de chauffage et de ventilation avec Jules Weibel (ECP 1856) en 1867 et 1878, et

surtout Jules Grouvelle ( ECP 1861) , gérant de Grouvelle et Cie et professeur de Physique

industrielle à l’École. Pour terminer ce rapide tour d’horizon, il reste à mentionner

l’électricité. Dès 1889, furent médaillés Philibert Pellin (ECP1870), Victor Picou (ECP 1877),

Edouard Hospitalier (ECP 1877), Louis et Emile Mors (1879 et 1880). Les constructeurs

métalliques, particulièrement à l’honneur dans cette Exposition y furent aussi largement

médaillés: Gustave Eiffel (ECP 1855) bien sûr, mais aussi Emile Baudet (1858), Armand

Moisant (ECP 1859) et Alfred Donon (ECP 1871).

Visiteurs

Il est légitime pour finir de s’interroger sur l’impact qu’ont pu avoir les expositions

successives sur les ingénieurs eux-mêmes, notamment centraliens, sur la façon dont ils ont,

jeunes et vieux, vécu ces évènements, sur l’intérêt relatif qu’ils ont porté aux différents stands

et attractions. Le bilan ne peut être que rapide et partiel, principalement nourri d’anecdotes, et

malheureusement non chiffré, car il existe en la matière aucune donnée d’ensemble. On a

évoqué, au début, le témoignage du jeune Gustave Eiffel qui, comme la plupart de ses

camarades, avait pris un billet de saison pour l’exposition de 1855 et put ainsi la visiter plus

de cinq fois41

. La Société des Ingénieurs civils, l’Association des anciens élèves, voire des

sociétés professionnelles profitèrent évidemment de l’occasion pour organiser visites et

évènements. Gustave Eiffel, encore lui, ne manqua pas de convier ses camarades à une

présentation privée de sa tour. Des visites professionnelles furent également programmées, à

l’occasion notamment des nombreux congrès organisés pour l’occasion, surtout à partir de

1889. Un parcours à travers toutes les sortes de pompes exposées fut proposé en 1878 par

l’Association des Anciens. En 1889, celle-ci , ou plus précisément son Groupe de Paris, mit

sur pied une série de conférences, suivies de visites: le 19 juillet, Louis Clémandot (ECP

1836), de la verrerie de Clichy, vint parler de verrerie en s’appuyant sur les démonstrations

effectuées au Champ-de-Mars par des verriers vénitiens, le 26 juillet, ce fut au tour de Jules

Grouvelle (ECP 1861) de traiter du chauffage, le 21 septembre, de Samson Jordan (ECP

1854) de la métallurgie du fer, le 27 septembre, de Georges Vogt (ECP 1865) de fabrication

des porcelaines et faïences. En 1900, alors que la participation américaine était devenue pour

la première fois significative, avec son grand pavillon construit spécialement sur le Quai

d’Orsay, William Le Baron Jenney (ECP 1856) qui avait réalisé les premiers gratte-ciel de

Chicago, fit visiter aux participants du 5ème Congrès International des Architectes42

une

exposition consacrée à l’architecture commerciale américaine43

.

41

Michel Carmona, Eiffel, op.cit., p. 33. 42

Il y fit, d’ailleurs, une communication portant sur l’ossature métallique des constructions. Congrès

International des Architecte, tenu à Paris, 29 juillet-4 août 1900. Organisation, Compte-Rendu et Notices, Paris,

1906.

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Les Expositions Universelles, vitrines des Centraliens – J.F. Belhoste

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La variété du spectacle était susceptible d’éveiller toutes sortes de curiosités, et même de

susciter des vocations. On évoquera ainsi, pour finir, l’importance qu’eut pour Louis Blériot

(ECP 1895), l’Exposition de 1900. Jeune créateur d’entreprise, il était venu exposer les

appareils d’éclairage portatifs à l’acétylène dont il avait entrepris la fabrication44

.

L’Exposition lui permit de prendre conscience de ce qu’allait devenir l’automobile, de nouer

des contacts, elle l’incita à s’orienter vers la production de phares dont il devint rapidement

l’un des principaux fabricants. Mais à l’Exposition, il avait aussi découvert l’avion d’Ader

d’où était né chez lui un irrésistible intérêt pour le plus lourd que l’air. Fortune faite, il put de

lancer à partir de 1905 dans la conception d’avions prototypes, réussir la traversée de la

Manche en 1909 et installer dans la foulée sa première usine d’aviation à Levallois.

Crédits photographiques : tous droits réservés

43

Hélène Trocmé, 1900 : Les Américains à l’exposition universelle de Paris, 1997 44

Jean-François Belhoste, Sandra Delaunay, Gérard Hartmann, Louis Blériot (1872-1936), Paris, Centrale

Histoire-Association des Centraliens, 2009, 47 p.