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{ LES DIFFERENTS VISAGES DU CHÂTIMENT : UNE ÉTUDE ICONOGRAPHIQUE DES FIGURES VENGERESSES DANS LA CÉRAMIQUE PAESTANE DU IVE SIÈCLE AV. J.-C. A l’évocation du nom des Érinyes, l’image qui vient immédiatement à l’esprit n’est pas issue des arts figurés mais de la littérature. En effet, qui mieux qu’Eschyle a su donner à ces déesses monstrueuses un aspect digne de leur cruauté. Homère et Hésiode 1 avaient évoqué, avant lui, ces divinités vengeresses mais sans les décrire ; ils s’étaient attachés davantage à dépeindre la nature et la fonction de ces divinités que leur nombre ou leur physique. Il aura donc fallu attendre les tragiques, et plus spécifiquement Eschyle, pour que les Érinyes soient l’objet de descriptions précises et acquièrent de ce fait un visage. Et quel visage ! La première apparition des Érinyes sur scène, lors de la représentation des Euménides en 458 av. J.-C., aurait été si effrayante qu’elle aurait fait fuir le public athénien, qui avait pourtant été préparé à ce qu’il allait voir par les propos de la Pythie 2 « Devant cet homme, un étonnant groupe de femmes dort assis sur les sièges. Des femmes ! disons mieux : des Gorgones. Pourtant je ne les compare pas exactement aux Gorgones que j’ai vues une fois en peinture, quand elles emportent le repas de Phinée. Celles d’ici n’ont point d’ailes ; elles sont noires et d’aspect très ignoble. Elles ronflent avec un bruit inapprochable. Leurs yeux pleurent des pleurs affreux. Leur parure,

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LES DIFFERENTS VISAGES DU

CHÂTIMENT : UNE ÉTUDE ICONOGRAPHIQUE DES FIGURES

VENGERESSES DANS LA CÉRAMIQUE PAESTANE DU IVE SIÈCLE AV. J.-C.

A l’évocation du nom des Érinyes, l’image qui vient

immédiatement à l’esprit n’est pas issue des arts figurés mais de la littérature. En effet, qui mieux qu’Eschyle a su donner à ces déesses monstrueuses un aspect digne de leur cruauté. Homère et Hésiode1 avaient évoqué, avant lui, ces divinités vengeresses mais sans les décrire ; ils s’étaient attachés davantage à dépeindre la nature et la fonction de ces divinités que leur nombre ou leur physique. Il aura donc fallu attendre les tragiques, et plus spécifiquement Eschyle, pour que les Érinyes soient l’objet de descriptions précises et acquièrent de ce fait un visage. Et quel visage ! La première apparition des Érinyes sur scène, lors de la représentation des Euménides en 458 av. J.-C., aurait été si effrayante qu’elle aurait fait fuir le public athénien, qui avait pourtant été préparé à ce qu’il allait voir par les propos de la Pythie2

« Devant cet homme, un étonnant groupe de femmes dort assis sur les sièges. Des femmes ! disons

mieux : des Gorgones. Pourtant je ne les compare pas exactement aux Gorgones que j’ai vues une fois en peinture, quand elles emportent le repas de Phinée. Celles d’ici n’ont point d’ailes ; elles sont noires et d’aspect très ignoble. Elles ronflent avec un bruit inapprochable. Leurs yeux pleurent des pleurs affreux. Leur parure,

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il ne sied de la porter ni devant les images des dieux, ni dans les demeures des hommes »3.

Le contraste entre cette description et les choix iconographiques faits par les peintres italiotes est étonnant ; en effet, dans la céramique paestane notamment, les Érinyes ont toujours un visage de femme, qui n’a le plus souvent rien de très effrayant. Il semble que les peintres de Paestum n’aient même pas essayé de rendre le caractère monstrueux des Érinyes.

Les figures de la vengeance divine sont omniprésentes dans l’imagerie paestane du IVe siècle av. J.-C . Les Erinyes font partie de cette série de déesses qui concrétisent, donnent corps à la punition et à la vengeance que subit le héros. Elles incarnent à la fois le sentiment de la vengeance et sa mise en acte dans un contexte encore placé sous le signe de la « loi du talion »4.

Les vases sur lesquels figurent ces divinités sont le plus souvent des pièces de taille importante, richement ornées, qui devaient s’adresser à un public aisé. Il est difficile, en l’état actuel de nos connaissances, de faire un portrait exact des peintres et de leurs clients, mais il est certain que les Grecs comme les indigènes qui vivaient dans une cité grecque telle que Paestum étaient concernés par cette production destinée essentiellement à un usage funéraire.

L’analyse non seulement de l’aspect physique de ces divinités mais aussi de leurs attitudes à l’égard des héros nous permettra de proposer des pistes de réflexion sur la nature ambiguë de ces figures mi-démons véritables, mi-abstractions.

Les différences entre les descriptions faites dans les

textes tragiques et les images paestanes sont très nombreuses : couleur de peau, attributs et caractéristiques physiques varient non seulement d’un art à l’autre, mais également au sein d’une même image comme nous allons pouvoir le constater.

L’une des variations les plus importantes concerne les ailes. Alors que la Pythie prend soin de préciser que les Érinyes se distinguent des Harpyes parce qu’elles sont aptères, certains peintres ont tout de même fait le choix de représenter les

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divinités ailées. Deux vases paestans attestent l’existence de cette iconographie : une amphore à col conservée à Genève (fig.1)5 qui illustre la rencontre d’Oreste et d’Électre devant le tombeau d’Agamemnon et une hydrie conservée à Londres (fig.2)6 qui représente le mythe d’Agrios et Oineus. Sur le premier de ces vases, les divinités sont au nombre de deux ; peintes en buste et au registre supérieur, elles sont nanties de grandes ailes, de couleur rouge et noire, ornées de rehauts blancs. Sur l’hydrie londonienne, en revanche, l’Érinye est figurée seule et apparaît au registre inférieur ; elle sort de terre comme pour menacer Agrios. Ses ailes sont beaucoup plus petites que celles figurées sur l’amphore de Genève et sont figurées en totalité par des rehauts blancs.

fig.1 : Amphore à col, attribuée au Peintre de l’Oreste de Genève (vase éponyme) ;

Genève, Musée d’Art et d’Histoire, inv.HR29 ;

face A, détail

fig.2 : Hydrie, attribué au peintre PythonLondres, British Museum, inv.155

face A, détail.

Traditionnellement, les commentateurs estiment que la

figuration des ailes est un motif iconographique qui permet aux peintres de mettre en valeur la vélocité des déesses, ainsi que leur capacité à intervenir activement dans le monde des humains7. Cette interprétation est certainement juste en partie ; toutefois, elle ne permet pas d’expliquer pourquoi sur certaines images une des deux Érinyes figurées est ailée tandis que la seconde est aptère (cf.fig.3 et 6)8. Une explication fort simple serait de considérer que le choix d’attribuer ou non des ailes aux divinités a souvent été de nature purement esthétique. C’est du moins ce que semble indiquer un cratère en cloche, attribué au peintre Python, qui représente Oreste à Delphes (cf.fig3)9. Sur cette peinture, la représentation des deux Érinyes est incohérente d’un point de vue pratique ; en effet, la divinité qui vole au-dessus des personnages est aptère, alors que l’autre, qui se tient debout au sol, est nantie quant à elle de grandes ailes très impressionnantes. En toute logique, la situation devrait être

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inversée.

fig.3 : Cratère en cloche, attribué au peintre Python ; Londres, British Museum, inv.1917.12-10.1 ;

face A, détail.

La présence ou non d’ailes ne semble pas avoir de véritable influence sur la nature de ces divinités ; les ailes ne constituent donc pas un attribut essentiel de ces déesses vengeresses.

Nous serions tentés d’affirmer que si les ailes ne sont pas une caractéristique physique définitoire des Érinyes, les serpents, en revanche, semblent l’être. En effet, sur de nombreuses images, des reptiles sont figurés autour des bras, du torse et de la tête des déesses vengeresses. Jaillissant du corps même des Érinyes et pointés en direction des êtres humains, ces serpents semblent être en quelques sorte leurs « armes » et symboliser les douleurs qu’elles infligent à leurs victimes.

Toutefois aussi fréquents et significatifs qu’ils soient, les reptiles ne sont pas plus systématiques dans la peinture paestane que les ailes10. Sur une hydrie conservée à Paestum, qui représente la légende de Bellérophon et de Sthénébée (fig.4 et 5)11, par exemple, les divinités en sont dépourvues. Au registre supérieur et au centre, est peinte Aphrodite ; elle est flanquée de deux Érinyes qui assistent avec elle à la scène. Les déesses vengeresses ne sont caractérisées par aucun signe distinctif ; elles n’ont ni ailes, ni serpent. Leur identification n’est rendue possible que par l’inscription, ΑΛΛΕΚΤΟ (fig.5), qui accompagne la déesse de gauche. Par déduction, on considère que celle qui lui fait pendant est également une Érinye.

fig.4 : Hydrie, signée par Astéas ; Paestum, Museo Archeologico Nazionale,

inv.20202 ; face A, détail

fig.5 : Hydrie, signée par AstéasPaestum, Museo Archeologico Nazionale, inv.20202 ;

face A, détail

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La couleur de la peau n’est pas non plus fixée. Si les Érinyes sont généralement blanches, nous possédons néanmoins dans la céramique paestane un exemple de peinture montrant une Érinye à peau noire. Il s’agit d’une hydrie attribuée au peintre Python, qui illustre le mythe d’Agrios et d’Oineus, et dont nous avons déjà fait état (fig.2)12. Sur cette peinture, la représentation de la déesse est plus conforme aux indications données par Eschyle dans sa pièce les Euménides. Elle a, tout d’abord, comme il est indiqué dans le texte13, la peau sombre. Son visage est dur, grimaçant et son regard mauvais. Des serpents entourent ses avant-bras et sa tête, mais, contrairement à ce qu’affirme la Pythie, elle est ailée.

Au regard de ces quelques observations, il semble évident que les peintres paestans ne se faisaient pas une idée précise de l’aspect des déesses et qu’ils ont eu recours, pour les représenter, à plusieurs modèles préexistants. Cette instabilité iconographique illustre la richesse des recherches visuelles menées par les peintres en Grande Grèce.

L’unique point commun que nous avons pu observer entre les différentes figurations d’Érinyes dans la céramique paestane concerne leur mode d’intervention. En effet, contrairement à ce que nous pouvons remarquer dans d’autres céramiques italiotes, apulienne notamment, les Érinyes paestanes ne menacent jamais les héros avec des armes humaines telles que la torche, le fouet, ou le bâton. À Paestum, le pouvoir des Érinyes est uniquement marqué par les attitudes de la divinité ; comme nous le verrons ultérieurement, un geste et un regard en direction de la victime sont suffisamment explicites et prégnants pour signifier l’emprise qu’elles ont sur les hommes. Dans ce contexte, le serpent, pointé en direction de la proie, peut servir d’indicateur visuel, mais il ne fait que souligner ce que révèle déjà la gestuelle et le jeu des regards. De ce fait, la représentation de ces déesses va plus loin qu’une simple invention iconographique et ornementale, qui ne concernerait qu’un travail de composition. En effet, la localisation des personnages et leurs attitudes sont autant d’éléments significatifs qui permettent de lire les images et de les interpréter. C’est la place et la gestuelle des Erinyes qui

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nous permettent de déterminer quel est leur degré et leur mode d’intervention dans l’action.

C’est ce que nous aimerions démontrer dans ce deuxième temps de notre étude, en concentrant notre attention, au sein de la céramique paestane, sur les peintures pouvant être rattachées le thème de l’Orestie.

La céramique paestane nous a livré une quinzaine d’images qui représentent des personnages autour d’un tombeau. Ces illustrations sont le plus souvent mises en relation avec l’épisode d’Oreste et Électre devant le tombeau de leur père, Agamemnon. Dans une grande majorité des cas, la scène est réduite au minimum, c’est-à-dire que sont représentés un homme et une femme14, ou deux hommes15, devant un tombeau. La question se pose de savoir si les peintres ont voulu figurer Oreste et Électre rendant hommage à leur père défunt ou simplement des scènes de piété filiale, qui trouveraient parfaitement leur place sur des vases à usage funéraire, sans référence mythologique ou tragique. Il nous semble que même si ces peintures n’évoquent pas explicitement une scène tragique, la référence au récit exemplaire d’Électre et Oreste devait être présente. La scène de la visite au tombeau d’Agamemnon était une référence connue et utilisée par les potiers paestans comme le prouvent deux peintures16, particulièrement intéressantes pour notre propos, qui représentent ces mêmes personnages au tombeau accompagnés d’Érinyes17. La présence des déesses vengeresses sur ces images permet d’identifier avec certitude la scène comme une illustration de la rencontre des enfants d’Agamemnon devant la sépulture de leur père18.

fig.6 : Amphore à col, attribuée au Peintre de l’Oreste

de Boston (vase éponyme), Boston, Museum of Fine Arts, inv.99.540

face A, détail

Les deux peintures paestanes (fig.1 et 6) sont composées selon un schéma identique : les personnages sont répartis de part et d’autre d’une colonne centrale qui marque

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l’emplacement du tombeau royal. Les héros, Électre, Oreste et Pylade, sont représentés en pied au registre inférieur, tandis que les Érinyes sont peintes en buste au registre supérieur.

L’une des caractéristiques majeures de ces images tient à la place physique qu’elles accordent aux déesses vengeresses : les deux Érinyes occupent toute la partie haute de la composition à l’exception du chapiteau de la colonne centrale autour de laquelle elles prennent place. Les déesses semblent envahir l’horizon de l’image. Cette forte présence, au registre supérieur, des deux divinités est d’autant plus remarquable qu’elle est renforcée par l’extrême proximité physique qui existe entre les héros et les Érinyes, qui leur effleurent presque la tête. Jamais dans la céramique paestane, les déesses vengeresses ne se trouvent si proches des êtres humains. Les personnages remplissent la quasi-totalité de la composition. Cette occupation dense de l’image est rare et mérite d’être soulignée. Les choix formels faits par les peintres provoquent chez le spectateur le sentiment que les déesses empiètent sur l’espace des personnages ; leur présence devient de ce fait écrasante et suggère une menace latente19.

Cet envahissement du champ de l’image par les divinités est en contradiction avec le rôle qu’elles y jouent ; en effet, les Érinyes n’interviennent pas dans l’action qui se déroule au registre inférieur. Elles semblent exclues de la scène principale. Le jeu des regards, qui indique que les héros ne les voient pas, ainsi que les lignes de pointillés, qui séparent physiquement les registres inférieur et supérieur, participent de cet effet. La décision prise par les peintres de délimiter explicitement les différents espaces est significative dans la mesure où elle est loin d’être systématique. Nombre de peintures du corpus paestan présentent des personnages en buste « flottant » au registre supérieur. Sur les deux images qui nous intéressent, il est probable que ces lignes de pointillés -qui figurent certainement de manière schématique des nuages ou des montagnes- assument une double fonction. Comme nous venons de le souligner, leur intérêt premier est d’isoler physiquement et symboliquement les Érinyes des personnages principaux. Elles permettent également de donner un semblant

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de réalisme à la composition, dans la mesure où leur présence justifie le fait que le bas du corps des divinités ne soit pas représenté.

En d’autres termes, nous pourrions dire que la présence des Érinyes au sein de ces deux peintures semble caractérisée par une opposition entre leur forte présence physique dans l’image et leur exclusion de l’action principale. Or, c’est certainement cette contradiction qui permet de définir la fonction qu’elles assument dans la composition. Elles incarnent le climat de violence dans lequel s’inscrit cette scène de piété filiale qui en leur absence semblerait paisible ; elles jouent le rôle d’ombres menaçantes annonciatrices du futur des héros. Elles sont présentes dans l’image, mais ne sont encore que spectatrices, c’est pourquoi elles sont placées en marge de l’action principale au registre supérieur et sont isolées par un trait de pointillés. Leur présence est lourde de signification mais il n’est pas encore temps, pour elles, d’agir.

Une question reste en suspens. Pour qui ces divinités vengeresses sont-elles là ? En effet, deux hypothèses sont possibles. Elles pourraient soit incarner la colère des mânes d’Agamemnon assassiné par sa femme et par extension l’acte de vengeance voulu par Électre et que va accomplir Oreste, soit annoncer le sort réservé au futur matricide, Oreste, qui est développé dans la pièce d’Eschyle, les Euménides. La question est complexe et difficile à trancher.

Une des théories les plus séduisantes voudrait que ces peintures évoquent en une seule image synthétique les trois volets de la trilogie d’Eschyle, l’Orestie : le tombeau d’Agamemnon placé au centre de l’image renverrait à la première pièce, Agamemnon ; la scène représentée, la visite d’Oreste et Électre au tombeau paternel, ferait allusion à la seconde, Les Choéphores ; et les Érinyes peintes au registre supérieur renverraient à la troisième partie de l’ensemble tragique, Les Euménides, au sein de laquelle les déesses vengeresses jouent un rôle central. Dans ce contexte, la présence des Érinyes au registre supérieur aurait pour fonction non seulement d’annoncer les tourments subis par Oreste à la suite du meurtre de sa mère, mais également leurs

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conséquences, c’est-à-dire la venue de ce dernier à Athènes, son procès, et enfin la transformation des déesses maléfiques en divinités protectrices.

Cette interprétation est très satisfaisante pour un esprit contemporain dans la mesure où elle permet d’envisager la scène comme une évocation du texte, mais elle ne prend pas en considération la réalité des images. L’étude des jeux de regard et des attitudes des Érinyes nous indique que le sens à donner à la présence de ces déesses vengeresses est tout autre. La position des déesses de droite est particulièrement remarquable. En effet, si, sur les deux amphores, les déesses placées à gauche sont passives et se contentent de regarder leur consœur, en revanche celles de droite ont une gestuelle plus significative : leur bras droit, entouré de serpents, est tendu devant elles en direction du tombeau central qu’elles regardent. Malgré la présence des reptiles, leur attitude n’est pas agressive, elles désignent simplement de la main et des yeux le tombeau d’Agamemnon. Or, dans la céramique paestane, comme nous l’avons déjà souligné, la désignation est le moyen utilisé par les déesses vengeresses pour indiquer l’acte ou le personnage à l’origine de leur intervention. La gestuelle de ces déesses permet de penser que l’objet de leur attention est le défunt, c’est-à-dire Agamemnon ; elles figureraient donc la soif de vengeance d’Agamemnon, assassiné par son épouse.

Cette interprétation semble être confirmée par l’organisation globale des images. En effet, la division des espaces par des pointillés qui séparent les héros des déesses, ainsi que l’absence totale d’interaction d’ordre physique ou même visuel entre ces deux mêmes groupes20 nous amène à penser que ces divinités vengeresses ne doivent pas être mises en relation avec les humains. L’unique élément qui fait le lien entre le registre supérieur et le registre inférieur, et, par extension, entre l’explicite et le symbolique, est le tombeau royal qui occupe toute la hauteur de la peinture. L’importance qui lui est accordée ainsi que sa position centrale nous indique qu’Agamemnon est certainement le personnage principal et le dénominateur commun qui fait la relation entre les différents éléments de cette composition.

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Les observations menées par Christian Aellen dans son ouvrage sur les personnifications dans la céramique italiote vont également dans ce sens ; il souligne, en effet, à plusieurs reprises que les démones sont toujours liées « au personnage central »21 et indique que « la Furie doit être mise en relation avec le personnage principal, qui figure, dans la mesure du possible, au centre du vase. Cela se vérifie également dans le cas où la présence de la Furie fait éclater l’unité temporelle de l’image, en rappelant un épisode passé ou en renvoyant à un évènement futur. Dans ce cas aussi, elle se réfère toujours au personnage sur lequel se focalise l’attention et qui […] est le condamné ou le coupable. »22. Dans le cas des amphores de Boston et de Genève, le personnage principal est absent car mort, mais sa figure est au centre de la composition par l’intermédiaire de son tombeau. Nous avons donc des raisons de supposer qu’il faille mettre en relation les Érinyes peintes sur ces deux vases avec le personnage d’Agamemnon23.

Une recherche iconographique similaire est observable sur une amphore à col, conservée à Malibu (fig.7)24, sur laquelle est peinte l’une des scènes les plus originales de la céramique italiote25. Elle illustre le meurtre de Clytemnestre par son fils Oreste.

fig.7 : Amphore à col, attribué à l’atelier d’Astéas et

Python ; J. Paul Getty Museum de Malibu, inv.80.AE.155,1 ;

face A, détail. Cette image entretient un lien très étroit avec les textes

tragiques attiques. Au centre de la composition se tiennent Oreste et sa mère. Le jeune homme est vu de profil ; il est tourné vers la droite, c’est-à-dire vers Clytemnestre qui est à genoux devant lui. Elle est figurée de trois quarts, lui tournant légèrement le dos. Oreste, tout à sa vengeance, brandit son glaive de la dextre au-dessus de la tête maternelle qu’il tient fermement, de la main gauche, par les cheveux. L’attitude de Clytemnestre est plus ambiguë : elle tente à la fois de se défendre physiquement et d’attendrir Oreste ; de sa main droite,

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levée entre elle et le jeune homme, elle se protège tandis que, de sa main gauche, elle présente son sein nu à son fils. Au registre supérieur, derrière Clytemnestre, soit dans le coin supérieur droit de la composition, est peinte une seule Érinye. Elle est représentée en buste ; des serpents entourent ses bras et sortent de ses cheveux. Le peintre26 a utilisé une gestuelle très proche de celle décrite dans les tragédies d’Eschyle27 et d’Euripide28, qui évoquent cette même scène. Il a concentré son attention sur la représentation des personnages. Le décor est très sobre : il est formé d’une série de rochers blancs posés au sol, peints assez sommairement, et du « cadre » constitué de bandes fines.

Christian Aellen29 affirme qu’il est impossible de déterminer si la déesse vengeresse solitaire est une abstraction que le peintre aurait introduite dans l’image pour souligner la mort imminente de Clytemnestre ou s’il s’agit d’une force concrète venue venger le matricide. Il est, comme dans les exemples précédents, difficile de déterminer avec certitude la fonction assumée par cette divinité.

L’identification de la déesse est compliquée par le fait qu’elle est représentée seule. Cette solitude de la démone tendrait à en faire une abstraction, qui incarnerait non seulement la fin tragique de Clytemnestre mais également la destinée de toute la race des Atrides, or la structure même de l’image contredit cette interprétation. Plusieurs des choix iconographiques du peintre nous invitent, en effet, à envisager une autre lecture.

Le premier élément remarquable est le parallélisme visuel qui existe entre les deux personnages féminins. La position du corps de l’Érinye fait écho à celle de Clytemnestre ; les deux femmes sont représentées le torse de face, la tête de profil, tournée vers la gauche, le bras droit tendu vers la gauche et le bras gauche replié sur le torse. Même si leurs gestes sont différents et n’ont pas la même signification, leur attitude générale, leurs « silhouettes » sont similaires. Cette proximité formelle est accentuée par la position des différents protagonistes au sein de la composition. L’Érinye est placée en retrait, au registre supérieur, juste derrière Clytemnestre ; de ce fait, les deux femmes font face à Oreste, qu’elles semblent

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affronter ensemble. Le parallélisme permet au peintre de suggérer l’existence d’un lien entre les personnages.

À ce travail de construction de l’image, vient s’ajouter le soin porté à la représentation de la déesse vengeresse. Tout dans sa gestuelle souligne qu’elle se dirige vers Oreste : son bras, armé d’un serpent, est tendu en direction du jeune homme, qu’elle regarde, et ses cheveux flottent derrière elle pour souligner la rapidité de son mouvement.

Cette Érinye n’incarne donc pas une idée abstraite mais bien une force concrète. Son agressivité est dirigée contre Oreste, que son attitude désigne comme sa proie et elle agit au nom de Clytemnestre dont elle est le pendant. L’Érinye est pour l’instant en attente, dans la mesure où le meurtre n’a pas encore eu lieu mais sa présence, extrêmement dynamique, indique l’imminence de l’évènement et par extension de son intervention punitive30.

Cette figuration du meurtre de Clytemnestre n’est pas l’unique peinture du corpus paestan sur laquelle nous pouvons voir une Érinye jouer un rôle actif. Après le meurtre et notamment au moment où Oreste se réfugie à Delphes, les Érinyes font partie intégrante du mythe et deviennent un des acteurs principaux d’un récit qui, sans elles, serait incompréhensible.

Cet épisode du cycle semble avoir connu un certain succès dans la céramique paestane puisque nous en avons conservé quatre représentations31. Ces peintures ont un certain nombre de points communs. Elles représentent toutes les Érinyes au nombre de deux, peintes, dans la majorité des cas, en buste et au registre supérieur32 . Les déesses sont placées généralement de part et d’autre d’Oreste, juste au-dessus de lui, comme pour mieux le surveiller ou le menacer. Elles occupent sur ces images un espace moins important que sur les illustrations d’Oreste et Electre au tombeau d’Agamemnon, ce qui peut paraître étonnant dans la mesure où, comme nous l’avons déjà souligné, elles jouent, à ce moment du récit, un rôle prépondérant.

Malgré ces quelques caractéristiques communes, ces quatre peintures sont profondément différentes. En effet, si elles

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évoquent toutes un même épisode, la présence d’Oreste à Delphes, elles en proposent toutefois des interprétations ou plus exactement des moments différents. L’une des divergences les plus remarquables peut être mise directement en relation avec notre thématique : en effet, sur chacune des ces peintures le degré d’intervention et la nature des actes des Erinyes varient, comme nous l’indiquent non seulement leur attitude mais également leur positionnement au sein de la composition.

Une étude détaillée des images nous a permis de constater que le degré d’implication des Érinyes dans l’action, ne semble pas corrélé, comme nous aurions pu nous y attendre, avec le rôle joué par Oreste, mais plutôt avec celui joué par Apollon.

Sur l’amphore à col, signé par Astéas et conservée au musée de San Antonio (fig.8)33, l’affrontement entre Oreste et les Erinyes est direct.

fig.8 : Amphore à col, signé par Astéas ; San Antonio, Museum of Art, inv.86.134.168 ;

face A, détail Sur cette image, unique dans le corpus paestan, les

déesses vengeresses, peintes en buste au registre supérieur, attaquent physiquement Oreste. Elles lèvent leurs bras entourés de serpents34 qu’elles semblent prêtes à jeter sur le héros. La déesse de droite le désigne également du doigt, comme pour indiquer de manière encore plus explicite le personnage qui provoque sa colère. Oreste tente de résister : tout en la défiant du regard, il menace du poing l’Érinye de droite.

L’originalité de cette peinture tient à la place qu’y occupe Apollon. Il est, contrairement à ce que nous pouvons observer sur les autres images paestanes figurant cet épisode, placé en retrait au registre supérieur et en marge de la composition, à proximité de la bordure gauche. Ainsi positionné, il n’intervient pas dans l’action et n’a aucune interaction avec Oreste. Tout se passe comme si sa force protectrice n’avait pas encore agi. Seuls les personnages du

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registre inférieur, c’est-à-dire les humains, Pylade à gauche, Oreste au centre, et la prêtresse à droite, réagissent à l’attaque des Érinyes. L’homme aux côtés d’Oreste, semble même vouloir intervenir pour apaiser les démones. Il les regarde et tend vers elles sa main droite, paume ouverte, tandis que la prêtresse, conformément au récit d’Eschyle, fuit. La violence de l’affrontement qui oppose ici les déesses vengeresses aux hommes distingue cette image des autres peintures du corpus.

Sur le cratère en cloche attribué au peintre Python et conservé à Londres (fig.3)35, que nous avons déjà évoqué, le traditionnel affrontement entre Oreste et les Érinyes illustré par le vase de San Antonio semble s’être déplacé. L’attention des déesses est ici dirigée non plus vers le héros, mais vers Apollon qui est placé au centre de la composition et au registre inférieur36. Son corps fait face à celui d’Oreste ; mais, malgré cette proximité physique, les deux personnages masculins ne se regardent pas. Leurs visages sont tournés vers les personnages placés en marge de la composition, c’est-à-dire, à gauche Athéna, et, à droite, une Érinye.

Contrairement à ce que nous avons noté pour l’amphore à col de San Antonio, Apollon est, sur cette peinture, l’un des personnages principaux de la scène. Il est au centre d’un complexe jeu de regards qui le désigne comme l’adversaire des Érinyes.

Toute l’attention du dieu est centrée sur la déesse vengeresse peinte en pied et au registre inférieur à l’extrême droite de la composition. Apollon et l’Érinye sont dos-à-dos mais ils se regardent ou, plus exactement, se défient des yeux. La démone est soutenue dans cette joute visuelle par deux appuis extérieurs. Elle est, tout d’abord, secondée par le serpent qui entoure son torse et qui se redresse pour fixer Apollon, et, ensuite, par la seconde Érinye qui est placée au registre supérieur et qui regarde également le dieu. La présence de cette dernière pourrait sembler secondaire dans la mesure où elle est isolée et exclue du groupe principal, si ce n’était le fait qu’elle est le seul personnage de toute la peinture à être en mouvement. Toute la violence de la scène est contenue dans cette figure.

Oreste n’est plus dans cette image menacé directement.

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Les deux dieux Apollon et Athéna forment autour de lui un rempart physique qui le protège des attaques des Érinyes. Les déesses vengeresses sont toujours agressives mais elles ne peuvent plus agir contre l’objet de leur colère qui est placé sous la protection de dieux olympiens. Oreste, conscient de cette situation, se tourne vers sa protectrice, Athéna. Le regard que cette dernière porte sur le héros, ainsi que la position de sa main qui effleure le bras du jeune homme sont autant de signes qui indiquent l’heureux dénouement de l’affaire.

Sur le lécythe conservé à Paestum (fig.9)37 représentant ce même épisode, le rôle assumé par Apollon dans le déroulement de l’action est encore plus important. Le dieu ne se contente plus, sur cette peinture, de défendre physiquement Oreste de l’attaque des Érinyes, il le purifie.

fig.9 : Lécythe, attribué à Astéas ;

Paestum, Museo Archeologico Nazionale, inv.4794 ; vue frontale, détail.

Oreste est au centre de la composition ; assis sur l’autel

il fait face à Apollon, qui tend au-dessus de la tête du jeune héros un porcelet qui va être sacrifié. Trois personnages féminins assistent à la cérémonie. Derrière Apollon, se tient sa mère, Léto, et derrière Oreste sont représentées Artémis, la sœur du dieu, et la prêtresse du temple. Le peintre a choisi d’illustrer sur cette peinture un moment très précis du mythe : le rite de purification.

Nous ne pouvons en effet qu’être frappés par la passivité des deux déesses vengeresses qui se contentent d’assister au rite de purification. Le parti pris iconographique du peintre de ne pas leur avoir donné de bras souligne leur incapacité à agir.

Leur présence est indispensable dans la mesure où leur rôle dans le mythe est prépondérant, mais elles sont réduites, sur cette image, à un statut de spectatrices. Pour que le rite puisse avoir lieu, Apollon, soutenu par sa mère et sa sœur se doit de tenir les déesses vengeresses à distance.

Le dieu joue un rôle similaire sur le cratère en calice

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conservé à Tampa (fig.10)38, bien que son attitude soit plus passive. Apollon n’est plus ici le dieu purificateur, mais tout simplement un pacificateur. Il est représenté en pied au registre inférieur, debout et appuyé sur une colonne ionique.

fig.10. : Cratère en calice, attribué au Peintre

d’Aphrodite ; Tampa, Tampa Bay Museum of Art, inv.NA 4.1.89 ;

face A, détail

Le peintre semble s’être contenté de juxtaposer les différents acteurs de la scène sans les faire interagir de manière significative. Oreste et Electre39 semblent effrayés et partagent la même posture de fuite. Leurs corps sont parallèles, orientés vers la droite, mais leur visage est tourné vers la gauche, c’est-à-dire vers Apollon qui les regarde également.

Ce jeu des regards et des attitudes exclut totalement de la scène ce qui devrait être la cause de leur panique, les Erinyes. Celles-ci ne semblent d’ailleurs pas s’intéresser à l’action. Elles sont isolées physiquement par des cadres de fenêtre ; elles regardent droit devant elles, leur attitude est détachée et elles paraissent indifférentes. Apollon semble, sur cette peinture, avoir apaisé les Erinyes mais n’est pas encore parvenu à calmer la peur d’Oreste et de sa sœur qui ne pensent encore qu’à fuir.

Nous avons tenté à travers cette étude de la figure de

l’Érinye dans la céramique paestane de montrer que tous les composants de l’image possèdent une fonction précise. À travers la représentation des Érinyes, l’artiste apporte des nuances et fait comprendre de la sorte au spectateur le sens à donner au mythe ainsi figuré. Regards, attitudes corporelles, gestes et lignes directrices constituent des éléments clés pour l’interprétation du mythe. La présence de l’Erinye dans l’image a une triple fonction ; elle indique que l’action se place dans un contexte de vengeance, explique l’épisode et annonce la suite des évènements.

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Marianne GOMES Bibliographie : Aellen, Chr., À la recherche de l’ordre cosmique.

Forme et fonction des personnifications dans la céramique italiote, Zürich, Akanthus, 1994

Darbo-Peschanski, C., « La folie pour un regard. Oreste

et les divinités de l’échange (Érinyes, Euménides, Charites) », in : Avez-vous vu les Érinyes ?, Métis, N.S. 4, Paris, 2006, pp.13-28.

Frontisi-Ducroux, Fr., « L’étoffe des spectres », in :

Avez-vous vu les Érinyes ?, Métis, N.S. 4, Paris, 2006, pp.29-50. Lissarrague, F., « Comment peindre les Érinyes ? », in :

Avez-vous vu les Érinyes ?, Métis, N.S. 4, Paris, 2006, p.51-70. Mayo, M.E. (dir.), The Art of South Italy. Vases from

Magna Grecia, Richmond, Virginia Museum of Fine Arts, 1982 Pontrandolfo, A. ; Rouveret, A., Le tombe dipinte di

Paestum, Modena, Franco Cosimo Panini, 1992 Trendall, A. D., Paestan Pottery. A Study of the Red-

Figured Vases of Paestum, Londres, The British school at Rome, 1936

Trendall, A.D., The Red-Figured Vases of Paestum,

Rome, The British School at Rome, 1987

1 Hésiode, Théogonie, v.183-185 ; v.472 ; Il, IX, v.454-

457 ; IX, v.571-572 ; XXI, v.412-413 ; Od., II, v.134-136 ; XI,

v.279-280 ; XV, v.231-234 ; XX, v.77-78

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2 Voir Lissarrague2006, p.51-52. 3 Eschyle, Les Euménides, v.46-56.

4 Voir Darbo-Peschanski 2006, p.21. 5 Amphore à col, attribuée au Peintre de l'Oreste de

Genève (vase éponyme), Genève, Musée d'Art et d'Histoire,

inv.HR29 ; Trendall1987, p.57-58, pl.15. 6 Hydrie, attribuée à Pyhton, Londres, British Museum,

inv.155 ; Trendall1936, p.58-59, pl.XVIb ; Trendall1987, p.149-

150, pl.94a-b. 7 cf. Lissarrague2006, p.54 8 Amphore à col, attribuée au Peintre de l'Oreste de Boston (vase éponyme), Boston, Museum of Fine Arts, inv.99.540 ; Trendall1936, p.79-80, pl.XXIX ; Trendall1987, p.255-257, pl.158. Cratère en cloche, attribué au peintre Python, Londres, British Museum inv.1917.12-10.1 ; Trendall1936, p.60-61, pl.XVII ; Trendall1987, p.145, pl.91. 9 Cratère en cloche, attribué au peintre Python, Londres,

British Museum, inv.1917.12-10.1 ; Trendall1936, p.60-61,

pl.XVII ; Trendall1987, p.145, pl.91. 10 Notons tout de même que les peintures sur lesquelles

figurent des Érinyes accompagnées de serpents sont

nombreuses et plus fréquentes que celles présentant ces

mêmes Érinyes ailées. 11 Hydrie, signée par Astéas, Paestum, Museo

Archeologico Nazionale, inv.20202 ; Trendall1987, p.86, 98-99,

pl.55 ; Pontrandolfo-Rouveret1992, p.373-374, fig.14. 12 Hydrie, attribuée à Pyhton, Londres, British Museum,

inv.155 ; Trendall1936, p.58-59, pl.XVIb ; Trendall1987, p.149-

150, pl.94a-b. 13 Eschyle, Les Euménides, v.52.

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14 cf. une amphore à col, provenant d'Eboli, qui n'est

connue que par un dessin du XIXe siècle (Trendall1987 p.121) ;

une amphore à col conservée à l'Antikenabteilung der

Staatlichen Kunstsammlungen de Kassel, inv.T646

(Trendall1987, p.167-168, pl.111c-d) ; un lécythe conservé à

Palerme, au Museo Archeologico regionale, inv.2206

(Trendall1987, p.277) ; une hydrie conservée au Lady Lever

Museum de Port Sunlight, inv.5043 (Trendall1987, p.253-254,

pl.157c-e). 15 cf. deux fragments conservés à Paestum, au Museo

Archeologico et attribués au Peintre du Naples 1778 ;

Trendall1987, p.272, pl.168c-d. 16 Amphore à col, attribuée au Peintre de l'Oreste de

Genève, Genève, Musée d'Art et d'Histoire inv.HR29 ;

Trendall1987, p.57-58, pl.15. Amphore à col, attribuée au

Peintre de l'Oreste de Boston, Boston, Museum of Fine Arts,

inv.99.540 ; Trendall1936, p.79-80, pl.XXIX ; Trendall1987,

p.255-257, pl.158. 17 Nous devrions également évoquer ici deux fragments

conservés à Paestum, inv.3781 et 3783 (Trendall1987, p.111-

112) qui sont attribués au peintre Astéas et semblent figurer

Électre à genoux devant le tombeau paternel (premier

fragment) avec deux Érinyes au registre supérieur (deuxième

fragment) ; étant donné l'état de conservation de ces pièces,

nous avons choisi de ne pas les intégrer à notre démonstration.

Nous pouvons toutefois dire que la composition de l'image

paraît très proche de celles observables sur les deux autres

vases paestans.

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18 Il existe également deux amphores à col campaniennes

qui représentent la rencontre d'Oreste et Electre au tombeau

d'Agamemnon en présence d'Érinyes. Le premier vase est

conservé à Hambourg dans la collection Terner (LIMC, Elektra,

I, 19), tandis que le second, d'interprétation plus incertaine, est

conservé à Capoue au Museo Provinciale Campano, inv.7559

(LIMC, Erinys, I, 39). La composition de l'image peinte sur

l'amphore à col d'Hambourg est très proche de celles

observables sur les objets paestans que nous allons évoquer. 19 Les remarques de François Lissarrague (Lissarrague2006, p.55) sur le dédoublement occasionnel des Érinyes vont également dans ce sens ; il note que l'ubiquité des déesses renforce l'effet de harcèlement et de domination qu'elles exercent sur le héros. 20 Les héros sont répartis de manière différente sur les

deux peintures mais le réseau d'échange qu'ils créent au sein

des images est sensiblement le même. Électre est, en effet,

dans les deux cas isolée ; elle entretient un lien visuel et

physique avec le tombeau qui est au centre de son attention.

Tandis que les deux hommes, Oreste et Pylade composent un

couple et fonctionnent ensemble. Sur le vase de Boston (inv.99

540), ils sont du même côté du tombeau et se regardent ; ils

excluent ainsi tous les autres personnages. Il en est de même

sur le vase de Genève, et cela bien que le peintre ait choisi de

les représenter de part et d'autre du tombeau ; malgré

l'existence de cette séparation physique, les deux personnages

sont liés ; ils sont comme en miroir, leur attitude et leur

gestuelle sont inversées mais identiques. 21 Aellen1994, p.35. 22 Aellen1994, p.38

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23 Voir D. Knoepfler, Les Imagiers de l'Orestie. Mille ans

d'art antique autour d'un mythe grec, Akanthus, Zürich, 1994,

p.64 ; D. Knoepfler propose également, au sujet de l'amphore

de Genève, inv.HR29, de lier la présence des Érinyes au

personnage d'Agamemnon, mais il n'explique

malheureusement pas pourquoi il privilégie cette interprétation. 24 Amphore à col, attribué à l'atelier d'Astéas et Python, J.

Paul Getty Museum de Malibu, inv.80.AE.155,1 ; Trendall1987,

p.183-184, pl.129a-b. 25 Il s'agit, à notre connaissance, d'un document unique. 26 Trendall (Trendall1987, p.183-184) et Mayo

(Mayo1982, p.229) s'accordent pour dire qu'il s'agirait d'un

proche d'Asteas qui appartiendrait peut-être à l'atelier du

maître. 27 Eschyle, Les Choéphores, v.892-930. 28 Euripide, Electre, v.1206-1209 ; Oreste, v.526-528,

v.839-841. 29 Aellen1994, p.24 30 cf. Mayo1982, p.230. Nous rejoignons ici l'interprétation

de M.E. Mayo qui voit dans cette peinture l'illustration du

moment qui précède immédiatement le meurtre de

Clytemnestre par Oreste.

31 Il nous faut noter que trois des quatre peintures sont

attribuées à l'atelier d'Astéas et Python. 32 L'unique exception figure sur un cratère en cloche

conservé à Londres (inv.B.M. 1917.12-10.1 ; Trendall1936,

p.60-61, pl.XVII ; Trendall1987, p.145, pl.91) sur lequel une des

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déesses vengeresses est peinte en pied au registre inférieur, à

l'extrême droite de l'image. 33 Amphore à col, signé par Astéas, San Antonio,

Museum of Art, inv.86.134.168 ; Trendall1987, p.85, 96-98,

pl.53. 34 Les serpents, figurés avec des rehauts de peinture

blanche, ont aujourd'hui presque totalement disparu. 35 Cratère en cloche, attribué au peintre Python, Londres,

British Museum, inv.1917.12-10.1 ; Trendall1936, p.60-61,

pl.XVII ; Trendall1987, p.145, pl.91. 36 Les Érinyes appartiennent aux plus anciennes divinités

du panthéon hellénique puisqu'elles sont nées du sang

d'Ouranos mutilé par Cronos (Hésiode, Théogonie, v.183-

185).Ce sont des forces primitives ; elles ne reconnaissent

donc pas les dieux de la jeune génération. 37 Lécythe, attribué à Astéas, Paestum, Museo

Archeologico Nazionale, inv.4794 ; Trendall1987, p.109-110,

pl.62a ; Pontrandolfo-Rouveret1992, p.380-381, fig.1. 38 Cratère en calice, attribué au Peintre d'Aphrodite, Tampa, Tampa Bay Museum of Art, inv.NA 4.1.89 ; Trendall1987, p.245-247, pl.150. 39 L'identification du personnage ne pose pas de problème carson nom est indiqué juste au dessus de sa tête (ΑΛΗΚΤΡΑ) ; toutefois la présence de la sœur d'Oreste à ce moment du récit est étonnante et inexpliquée.