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Les derniers chasseurs-cueilleurs côtiers d'Europe
atlantique et la mort Etude interdisciplinaire de la nécropole mésolithique de Hoedic (Morbihan, France)
Rapport de prospections géophysiques sur le site mésolithique
de Hoedic « Port-Neuf » - Année 2018
Grégor Marchand (Université de Rennes / CNRS) Pablo Arias (Université de Cantabria)
Autorisation n° 2018-192
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
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01/09/2018
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
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Table des matières
Remerciements ___________________________________________________________________ 4
Résumé de l’opération _____________________________________________________________ 5
1. Nature et importance scientifique du site _________________________________________ 6
1.1. Bref historique des fouilles sur Hoedic ___________________________________________ 6
1.2. Description du gisement _____________________________________________________ 10
1.3. Un témoignage archéologique fort incomplet _____________________________________ 12
1.4. Heurs et malheurs des datations par le radiocarbone _______________________________ 14
1.5. Le Programme CIMATLANTIC (2015-2017) : un état des lieux sur Téviec et Hoedic ____ 15
2. Problématique de la recherche de 2018 _____________________________________________ 17
2.1. Etat sanitaire d’un site majeur _________________________________________________ 17
2.2. L’histoire totale d’un espace restreint aux fortes contraintes _________________________ 18
3. Méthodologie et développement des travaux _________________________________________ 18
3.1. Généralités _______________________________________________________________ 18
3.2. Topographie du site _________________________________________________________ 18
3.3. Géoradar _________________________________________________________________ 20
3.4. Le magnétomètre __________________________________________________________ 23
3.5. Tomographie par résistivité éléctrique __________________________________________ 25
4. Analyses préliminaires des résultats obtenus en juin 2018 ______________________________ 27
5. Conclusions __________________________________________________________________ 40
5.1. La prospection géophysique __________________________________________________ 40
5.2. Un projet pour le futur ______________________________________________________ 41
Références bibliographiques _______________________________________________________ 43
Annexe : Paramètres techniques et géophysiques _______________________________________ 45
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Remerciements Nous sommes grandement redevables à M. Jean‐Luc CHIFFOLEAU, Maire de Hoedic, pour
l’autorisation d’intervenir sur la commune dont il a la charge.
Nous remercions M. Yves MENEZ, Conservateur Régional de l’Archéologie, et M. Olivier
KAYSER, son adjoint, pour l’autorisation qui nous fût accordé pour cette prospection
géophysique.
Nous avons une immense gratitude envers M. Pierre BUTTIN, acteur scientifique et
patrimonial de premier ordre sur l’île de
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Résumé de l’opération
Fouillé entre 1931 et 1934, l’amas coquillier de Port‐Neuf à Hoedic est l’un des plus célèbre
sites du Mésolithique européen, qui témoigne à la fois des modes d’habitat des derniers
chasseurs‐cueilleurs‐pêcheurs du 6ème millénaire avant notre ère et de leurs pratiques
funéraires. Une révision récente de tous les éléments découverts en fouille (programme
Cimatlantic) et une analyse de l’ADN ancien sur certains squelettes viennent d’être réalisés.
Depuis les années 1930, aucun travail de terrain n’a été réalisé sur ce site mésolithique
exceptionnel. Dans le cadre du programme international « Símbolos subterráneos: Una
aproximación al pensamiento de los cazadores‐recolectores del Tardiglacial y el Holoceno
(SimTIC) », mené par Pablo Arias, une prospection géophysique a été réalisée en juin 2018,
pour établir un bilan des données archéo‐sédimentaire préservées, en associant des
chercheurs de lʹUniversité de Cantabrie (Espagne), du Geoarchäologisches Labor (Séminaire
Vorgeschichliches) de la Phillipps Universität Marburg, de l’ʹUniversitat Politècnica de
València et du laboratoire Creaah (CNRS / Université de Rennes 1).
Après un levé de la topographie de la zone, sur plus de 5000 m², les prospections
géophysiques ont combiné lʹutilisation de trois techniques complémentaires : Géorradar,
magnétométrie et tomographie par résistivité électrique. Les premières analyses de ces
résultats semblent confirmer lʹexistence, à lʹest de la zone excavée par la famille Péquart,
dʹune concentration dʹanomalies souterraines, situées à lʹinterface entre la dune fossile et le
substrat rocheux granitique, qui, par leurs caractéristiques morphologiques et leur
localisation, sont compatibles avec les structures mésolitiques excavées dans les années 1930.
La coïncidence à cet égard des résultats des différentes techniques appliquées renforce la
probabilité de lʹexistence de signes mésolithiques pertinents dans ce domaine.
Une vérification archéologique s’impose, qui permettrait en outre de disposer enfin de
matériaux cohérent pour les datations par le radiocarbone et de données concernant les
restes alimentaires marins, très mal renseignés sur ce site.
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1. Nature et importance scientifique du site
1.1. Bref historique des fouilles sur Hoedic
Le cimetière et l’habitat deʹHoedic, sur la côte bretonne, est lʹun des plus importants sites
archéologiques du Mésolithique européen. Avec le site voisin de Téviec, les amas coquilliers
des vallées du Tage et du Sado au sud du Portugal et les cimetières de la Baltique
(Skateholm, Henriksholm‐Bøgebakken), Hoedic constitue une des références fondamentales
pour lʹétude du comportement funéraire des dernières sociétés européennes de chasseurs‐
cueilleurs.
La fouille de l’amas coquillier mésolithique de Hoedic a été réalisée entre 1931 et 1934, par
Marthe et Saint‐Just Péquart. Elle intervenait après celle du site de Téviec (1928‐1930). Dans
les deux cas, la découverte de tombes au beau milieu d’un épais niveau de déchets d’origine
anthropique avait provoqué un immense intérêt pour cette période à l’échelle internationale.
Ces stations venaient clairement démontrer l’occupation de l’Armorique avant l’époque des
dolmens et de belle manière, avec une culture qualifiée à cette époque de
« Tardenoisienne ».
La relation de ces travaux se trouve dans :
PEQUART M. et SJ., 1933 – La civilisation mésolithique en Bretagne méridonale. Découverte d’une
nouvelle station à l’île d’Hoëdic (Morbihan). Association Française Pour l’Avancement des Sciences,
Chambéry 1933, p. 358‐359.
PEQUART M. et SJ., 1934 ‐ La nécropole mésolithique de l’île d’Hoëdic. L’Anthropologie (Paris),
T.XLIV, 44 (1‐2), p. 1‐20.
PEQUART M. et SJ., 1935 – Le kjökkenmödding et les sépultures de l’île d’Hoëdic (Morbihan).
Extrait du Congrès Préhistorique de France, XIe Session 1934, p.3‐15.
PEQUART M. et SJ., 1954 – Hoëdic, deuxième station‐nécropole du Mésolithique côtier Armoricain.
Anvers : De Sikkel. 89 p.
Par la suite, les monuments de pierre au‐dessus des tombes ont été mis en relation avec les
premiers mégalithes, tandis que la culture matérielle servait de référence régionale aux
chronologies. Ainsi, le faciès Hoedic désigne désormais un sous‐ensemble du Téviecien,
marqué par sa diversité des armatures (triangles scalènes et trapèzes). Une bonne part des
squelettes ont été datés par le radiocarbone dans un programme mené par R. Schulting,
tandis que les analyses isotopiques de leurs ossements montraient une alimentation
fortement marquée par les produits marins (environ 80% des protéines ingérées ; Schulting
et Richards, 2001 ; Schulting, 2003, 2005, 2010). Elles ont été remises en cause régulièrement
à cause de l’effet réservoir océanique mal maitrisé, mais également d’erreurs de laboratoire.
A l’heure actuelle, seule trois dates peuvent encore être retenues pour ce site, avec
cependant toujours ce cruel problème du mauvais contrôle de la valeur de l’effet réservoir
océanique.
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Figure 1. Hoëdic. Orthoimages de lʹîle et de la zone explorée. Source Google Earth.
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Figure 2. Position de l’amas coquillier sur la carte de l’IGN.
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Figure 3. Vue de la cale de Port‐neuf (au centre de l’image) ; l’amas est derrière sur la pointe.
Figure 4. L’emplacement des fouilles des années 1930 est encore nettement visible sur le terrain.
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1.2. Description du gisement
La description stratigraphique du gisement est relativement sommaire et on ne sait pas
exactement si elle est la même sur tout le gisement (il semble qu’elle ne soit pas complète
partout).
D’après Marthe et Saint‐Just Péquart, la couche mésolithique, épaisse en moyenne de 20 à 30
cm (une quarantaine de centimètre dans les creux du rocher) repose directement sur le
rocher, dont elle comble les dénivellations. Elle est composée de coquilles, de cendres,
d’assez rares ossements animaux, de pierres et de silex. Les neuf tombes (contenant 14
personnes) sont inscrites dans les failles. Le niveau coquillier contient des foyers empierrés
aux contours irréguliers, différents des grands foyers appareillés de Téviec.
Un niveau de pierrailles apparemment épais de 10 à 20 cm scelle le niveau coquillier. Il
serait stérile archéologiquement. Il est surmonté par un niveau sableux noir. Interprété
comme un sable coloré de noir par l’amas coquillier, ce niveau évoque davantage un sol
bien constitué, sur lequel se seraient installés les hommes du Néolithique. La céramique
afférente n’est pas attribuée à autre chose qu’à l’époque dolménique (Néolithique récent ou
final ?). Ces vestiges sont très épars et il semble que l’habitat du Néolithique – s’il y en a un ‐
serait plutôt aux alentours et non pas directement sur la zone d’occupation du Mésolithique.
Il y a en revanche un tertre mentionné et un dolmen à hauteur du « télégraphe », donc en
zone sud de notre zone de prospections géophysiques.
Une première phase dunaire surmonte cette occupation néolithique sur une épaisseur
d’environ 1 m, puis une phase plus récente la recouvre sur une épaisseur de 0,8 m. Pour
résumer, deux mètres de dunes couvrent par endroit le site.
Cette stratigraphie pose deux problèmes principaux, qui ont de fortes implications en
termes de compréhension de l’habitat :
‐ Pourquoi n’y a‐t‐il pas de sol naturel sur le rocher ? Les hommes du Mésolithique l’ont‐ils
arasé avant leur installation ?
‐ Qu’est‐ce que le niveau de pierrailles au sommet du kjökkenmödding ? Son origine la plus
probable serait des déblais de creusement à proximité, après l’occupation mésolithique et
avant celle du Néolithique, mais ce n’est qu’une hypothèse.
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Figure 5. Vue des fouilles de Hoedic lors des fouilles de M. et S.‐J. Péquart en 1933.
Figure 6. Stratigraphie relevée par Marthe et Saint‐Just Péquart (publication de 1954)
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Figure 7.Plan des fouilles de Marthe et Saint‐Just Péquart. Les points noirs signalent les tombes.
1.3. Un témoignage archéologique fort incomplet
Les méthodes de fouille pointilleuse de Marthe et Saint‐Just Péquart sur les 200 m² du
gisement comprenaient notamment un relevé de chaque sépulture par dessins et
photographies, ainsi que l’établissement de la stratigraphie générale. Le tamisage à sec était
systématiquement réalisé. Cependant, aucun relevé en plan n’est plus disponible à cause des
vicissitudes de l’histoire (saccage et incendie de la maison familiale des Péquart en
Lorraine), ni de carte des répartition des pièces. Il s’agissait à l’époque principalement de
repérer des structures et de les fouiller une par une, l’amas lui‐même étant traité comme un
ensemble indivis. Seules les tombes sont indiquées sommairement par un point sur une
carte, sans d’ailleurs de numérotation contrairement à la publication de Téviec, et on n’a
aucune idée de la dispersion des vestiges.
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Figure 8. Hoëdic. Tombe mésolithique avec structure en bois de cerf. Fouilles de S.J. et M. Péquart (1933).
Par ailleurs, si la nécropole de Téviec a été correctement publiée, celle de Hoedic n’a fait
l’objet que d’une courte monographie 20 ans après la fouille. Saint‐Just avait été fusillé à la
libération et c’est sa femme et sa fille qui se chargèrent de cette opération, alors que les notes
et croquis avaient pour certains disparus. La dispersion volontaire des collections entre les
musées puis la destruction de certains éléments ne facilitent pas l’étude aujourd’hui. En
particulier, l’industrie lithique – ce qu’il en reste à l’IPH et au Musée de Carnac ‐ n’apporte
guère plus d’informations que les dessins publiés, dans la mesure où les déchets de taille
(dont les nucleus) n’ont pas été conservés. Enfin, seule la couche coquillière a été explorée –
très sommairement et partiellement, on l’a dit – par les époux Péquart. Or, il apparaît dans
toutes les fouilles récentes menées sur de tels sites en Europe du nord, que les amas
coquilliers ne sont qu’une partie de l’habitat, le dépôt d’ordures, tandis que les habitations
se plaçaient vers l’intérieur des terres.
Incomplet et pourtant fondamental pour les recherches sur les hommes et les
paléoenvironnements du 6ème millénaire avant notre ère, le site mésolithique d’Hoedic se
trouve au carrefour de problématiques nouvelles en plein essor.
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1.4. Heurs et malheurs des datations par le radiocarbone
La première datation par le radiocarbone des restes humains de Téviec et Hoedic a fourni
une chronologie générale pour ces importants cimetières de la fin du Mésolithique, plaçant
la plupart des sépultures entre le milieu du sixième et le début du cinquième millénaire
avant notre ère. Mais il y a aussi eu des résultats inattendus, suggérant une utilisation très
tardive, voire dans un cas jusquʹ à la période néolithique (Schulting et Richards 2001). Cela
semblait difficile à accepter, et cʹest pourquoi certaines dates des sépultures tardives ont été
refaites, ce qui a donné des résultats beaucoup plus précoces (Schulting, 2005). Cʹest à cette
époque que lʹultrafiltration a commencé à être utilisée couramment au laboratoire de
datation par le radiocarbone dʹOxford. Malheureusement, il est apparu par la suite que les
ultrafiltres utilisés dans le processus de prétraitement étaient eux‐mêmes contaminés par du
carbone, qui pouvait être soit trop jeune, soit trop vieux, bien quʹil soit généralement trop
vieux (Brock et al. 2007).
Sépulture Code BP Ecart‐type Calibration δ13C Commentaire
Hoedic B (1) OxA‐6705 5080 55 ‐14.2 rejeté
Hoedic B (1) OxA‐11776 5748 32 ‐14.7 rejeté
Hoedic B (1)* OxA‐12419 6209 39 4925 4530 ‐13.3 accepté
Hoedic H (8) OxA‐6707 6080 60 ‐13.7 rejeté
Hoedic H (8)* OxA‐12422 6665 45 5470 5195 ‐13.9 accepté
Hoedic K (9) OxA‐6710 5755 55 ‐13.6 rejeté
Hoedic K (9)* OxA‐12420 6631 39 5410 5105 ‐13.3 accepté
Téviec B (1) OxA‐6662 5680 50 ‐17.0 rejeté
Téviec B (1)* OxA‐12895 6322 40 5205 4840 ‐15.8 accepté
Téviec H1 (14) OxA‐6701 6000 60 ‐16.0 rejeté
Téviec H1 (14) OxA‐10963, 11775 6628 38 ‐15.4 rejeté
Téviec H1 (14)* OxA‐16566 6420 40 ‐15.5 accepté
Téviec H1 (14)* OxA‐16609 6631 41 ‐14.6 accepté
Téviec H1 (14)
combined* OxA‐16566, 16609 6525 29 5370 5060 ‐15.1 accepté
Tableau 1. Les dates sont données à des moments différents sur du collagène osseux humain de
Hoedic et Téviec. Seules les sépultures marquées dʹun astérisque (*) sont désormais acceptées pour ces
sépultures particulières. Lʹétalonnage des dates acceptées est effectué dans OxCal v4.2, en utilisant
les courbes IntCal13 et Marine13, avec un ΔR de 38 ± 65 ans basé sur les 10 points les plus proches
de la base de données marine du logiciel CALIB ( http://calib.org/marine/). La contribution estimée
des protéines marines est basée sur une régression linéaire utilisant des critères dʹévaluation
terrestres et marins de respectivement ‐21‰ et ‐12‰. Lʹestimation tient compte dʹune incertitude de
±10 %. Les grandes fourchettes pour chaque date reflètent les deux sources dʹincertitude données par
ΔR et par l’estimation de la fraction marine dans l’alimentation. Les résultats sont arrondis à 5 ans
près.
Toutes les dates obtenues à Oxford avec des numéros OxA compris entre OxA‐9361‐11851 et
OxA‐12214‐12236 ont été affectées, y compris les nouveaux résultats de Téviec et Hoedic,
ainsi que plusieurs autres sites bretons rapportés dans Schulting (2005). Néanmoins, il est
probable quʹelles seront beaucoup plus proches de la date réelle des enterrements que celles
qui avaient été signalées à lʹorigine, du moins dans le cas des valeurs aberrantes très
tardives. Rétrospectivement, il apparait qu’il y a eu un consolidant non‐identifié appliqué
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aux squelettes de Téviec et Hoedic qui nʹ a pas été enlevé dans tous les cas, livrant ainsi des
dates trop récentes.
Dans les cas où il restait suffisamment de poudre osseuse, de nouvelles dates ont été
obtenues à lʹaide dʹultrafiltres soumis à un protocole de nettoyage rigoureux avant
utilisation (Brock et al. 2010). Ces résultats sont maintenant considérés comme acceptables.
Le tableau 2 illustre le problème, en mettant lʹaccent sur les tombes Hoedic B, H et K, et
Téviec tombes B et H1, qui avaient toutes des dates relativement tardives en comparaison
avec la plupart des autres sépultures. Hoedic B en particulier était très tardif et serait bien
dans la période du Néolithique moyen sur la base de la datation originale. Les nouveaux
résultats montrent clairement que ces dates tardives sont des erreurs. On peut également
voir que les valeurs stables des isotopes du carbone (δ13C) ont également été affectées, mais
moins que les dates de radiocarbone. Ces résultats, ainsi que dʹautres nouveaux isotopes
stables, confirment également la différence alimentaire entre les deux sites, avec à Hoedic
une plus grande consommation dʹaliments marins (Schulting 2003, 2010).
Le fait que les dates ultrafiltrées les plus récentes soient plus cohérentes donne une plus
grande confiance dans leur exactitude. En outre, il est probable que la plupart des séries de
dates initiales sont généralement correctes, puisque bon nombre dʹentre elles se situent dans
la même période que les nouvelles dates, centrées sur environ 6500 ans BP. Quoi qu’il en
soit, lʹensemble de lʹancienne série doit être soigneusement re‐datée, compte tenu de la
présence de consolidants utilisés sur les vestiges soit à la suite de fouilles, soit, comme nous
le soupçonnons, depuis leur longue durée de conservation dans divers musées. Cela
permettrait dʹutiliser la modélisation bayésienne pour améliorer la chronologie de ces sites
si fondamentaux.
Pour compliquer le problème, un os de chevreuil issu du remplissage de la sépulture D de
Téviec a été daté en 2016 de l’intervalle 6066 – 6021 avant notre ère, dans le cadre du
programme de recherche CIMATLANTIC (responsable : G. Marchand). Ce vieillissement de
plusieurs siècles par rapport aux restes humains reste d’interprétation difficile, car
l’ossement de chevreuil aurait pu choir dans la fosse sépulcrale lors du rebouchage. Une
telle date pourrait cependant être liée à un décalage temporel entre occupations et
inhumations. Seule une nouvelle fouille, avec de nouveaux prélèvements à dater permettrait
d’y voir plus clair.
1.5. Le Programme CIMATLANTIC (2015‐2017) : un état des lieux sur Téviec et
Hoedic
Sur les littoraux du Portugal jusqu’au Danemark, les groupes humains de la Préhistoire
récente, contemporains de l’Holocène, ont abandonné des accumulations considérables de
coquilles marines ou estuariennes sur leurs habitats. Ces monticules de détritus parfois
hauts de plusieurs mètres ont partout été le siège de cimetières, installés au sein même des
villages. Ces sites préhistoriques sont des sources essentielles de documentation concernant
les économies, les structures sociales ou les mondes symboliques.
Le programme CIMATLANTIC, financé par la Maison des Sciences de l’Homme en
Bretagne, souhaitait interroger plus particulièrement la documentation recueillie dans le
Morbihan, qui reste unique sur le territoire français depuis plus d’un siècle. C’est dans les
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années 1930 que Marthe et Saint‐Just Péquart devaient fouiller les sites exceptionnels de
Téviec et de Hoedic, qu’ils surent d’ailleurs bien valoriser dans la communauté scientifique
de l’époque. Les enjeux scientifiques concernent d’abord la nature même de ces sociétés et la
place qu’il faut leur faire dans les scénarios de la néolithisation. Ces économies de prédation
marines sont attestées à partir de 6200 avant notre ère et elles vont céder la place vers 5000
aux pratiques agricoles du Néolithique.
L’enjeu patrimonial n’était pas moins important : ces sites du Morbihan sont les plus anciens
témoignages des modes de vie des chasseurs‐cueilleurs sur le littoral atlantique français. A
ce titre, ils trouvent des échos évidents dans l’histoire maritime de la Bretagne.
Les vestiges archéologiques et anthropologiques recueillis par Marthe et Saint‐Just Péquart
ont fait l’objet de nombreuses études, au gré de l’évolution des techniques d’investigation et
des problématiques (datations par le radiocarbone, analyses des isotopes du Carbone et de
l’Azote, études des mobiliers). Il était temps de les regrouper, pour ouvrir un nouveau
chapitre des recherches, axé sur les populations elles‐mêmes et non plus seulement sur leurs
pratiques économiques ou techniques. La documentation de la fouille menée à Hoedic est
conservée à l’Institut de Paléontologie Humaine (pour les squelettes) et au Musée de Carnac
pour le mobilier. Leurs conservateurs respectifs étaient impliqués dans le programme
CIMATLANTIC. Les photographies et les films ont été numérisés et référencés ; ils sont
intégralement disponibles pour les chercheurs. La révision de ces très nombreux documents
peut être perçue comme une « archéologie de l’archéologie ».
Ce programme était le préalable incontournable à des analyses de l’ADN ancien des
individus inhumés, qui ont été réalisées sur trois individus de la tombe H de Téviec en
janvier 2017 (Université de Bordeaux), sur trois individus de la tombe K de Téviec et sur six
individus de Hoedic (Université d’Uppsala, Suède). Ce travail a été réalisé dans le cadre du
programme « The ATLAS of 1000 Ancient Genomes: The last hunter‐gatherers and the first
farmers of the south‐western Europe from a genomic point of view », dirigé par Mattias
Jakobsson (Université d’Uppsala). Les essais menés à Bordeaux n’ont pas été couronnés de
succès, ceux d’Uppsala sont en cours de traitement.
Ce programme s’est accompagné d’une révision des parures (S. Rigaud), de l’outillage
osseux (E. David), de l’industrie lithique (G. Marchand, A. Little), des structures funéraires
(E. Vigier, A. Vialet, P. Fontan, J.‐M. Large, B. Boulestin, G. Marchand) et bien sûr des restes
humains (A. Vialet, P. Fontan, J.‐M. Large, B. Boulestin, T. Colard, B. Bertrand).
Le programme CIMATLANTIC a donné lieu à la publication des analyses anthropologiques
sous forme d’un ouvrage (B. Boulestin), à la réalisation d’un excellent mémoire de master 2
(P. Fontan) et de plusieurs communications en colloque.
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2. Problématique de la recherche de 2018
2.1. Etat sanitaire d’un site majeur
Depuis les années 1930, aucun travail de terrain n’a été réalisé sur le site mésolithique de
Port‐Neuf à Hoedic. De temps à autres, un touriste ou un archéologue de passage
récupèrent dans la coupe à nue, côté mer, des silex qui – parfois – finissent sur le bureau de
l’un d’entre‐nous (GM), sans que cela n’ait d’intérêt scientifique particulier. Après un
inventaire détaillé des vestiges encore conservés dans diverses institutions, il est temps de
donner à ce site l’attention qu’il mérite.
Figure 9. Position des fouilles de Marthe et Saint‐Just Péquart (en rouge), avec en noir la nécropole et en
pointillés bleus la zone de prospections géophysiques (photographie aérienne tirée de géoportail).
Notre projet visait à établir l’état du site par une prospection géophysique (géoradar) sur
une surface bien plus grande que celle des fouilles des Péquart (environ 6000 m² ; figure 9).
Cette prospection est sans effet sur la végétation couvrant les dunes, ni évidemment sur le
site archéologique lui‐même. Une topographie précise du site a été aussi réalisée au GPS
différentiel.
Après le bilan des collections archéologiques et ostéologiques réalisées dans le cadre du
programme CIMATLANTIC, et après les prélèvements ADN effectués par l’Université
d’Uppsala (The ATLAS of 1000 Ancient Genomes: The last hunter‐gatherers and the first farmers of
the south‐western Europe from a genomic point of view), ces travaux viendront clore l’état des
lieux sur ce site fondamental pour le Mésolithique européen.
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Le financement de ces prospections géophysiques a été assuré intégralement par le
programme en cours, dirigé par Pablo Arias :
Símbolos subterráneos: Una aproximación al pensamiento de los cazadores‐recolectores
del Tardiglacial y el Holoceno (SimTIC) (Plan Estatal de Investigación Científica y Técnica y de Innovación 2013‐2016, Programa Estatal de Fomento de la
Investigación Científica de Excelencia, Subprograma Estatal de Generación del Conocimiento (Resolución de 8 de junio de
2017 de la Secretaría de Estado de Investigación, Desarrollo e Innovación y de la Presidencia de la Agencia Estatal de
Investigación; BOE del 13 de junio de 2017).
2.2. L’histoire totale d’un espace restreint aux fortes contraintes
Les prospections dirigées par Jean‐Marc Large sur cette île ont été complétées par de
nombreuses fouilles au cours des années 2000, notamment celle de ce chercheur sur des
monuments mégalithiques comme les alignements du Douet et de Groah Denn et les
recherches de Marie‐Yvane Daire sur l’habitat gaulois de Port‐Blanc. Paradoxalement, le
plus célèbre site de cette île est désormais celui qui est le moins connu, du moins son
extension. C’est ainsi un essai d’histoire totale de cette île que l’on pourrait réaliser, avec une
forte résonnance environnementale.
3. Méthodologie et développement des travaux
3.1. Généralités
La campagne de terrain a eu lieu en juin 2018 (figure 10). Un groupe de chercheurs de
lʹUniversité de Cantabrie y a participé, chargés de la coordination générale des travaux et de
lʹétude topographique du site. Une équipe du Geoarchäologisches Labor (Séminaire
Vorgeschichliches) de la Phillipps Universität Marburg, dirigée par le professeur Felix
Teichner et intégrée par le D. Florian Hermann et le D. Paul Naumann, et une autre de
lʹUniversitat Politècnica de València, formée des docteurs Francisco García García et
Fernando Buchón Moragues, y a aussi participé. Le premier dʹentre eux a fait de la
prospection au moyen des techniques de magnétométrie et de tomographie de résistivité
électrique, et le second au moyen du georradar.
3.2. Topographie du site
Le but des travaux était dʹobtenir une représentation topographique de la zone entourant les
fouilles archéologiques des années 1931‐1934 et, dans celle‐ci, de pouvoir se référer aux
zones dʹéchantillonnage géophysique. Pour ce faire, un système de coordonnées locales a été
mis en place afin dʹoptimiser les directions dʹéchantillonnage. Le système a également une
référence au nord magnétique et une valeur altitudinale liée au niveau moyen de la mer,
après avoir observé les variations intertidales pendant la période de travail. Il convenait
dʹinclure cette relation avec le niveau de la mer sur la carte afin de pouvoir expliquer
certaines questions à la fois de nature archéologique et de lʹétat de conservation du site.
Au total, 1,4608 ha ont été topographiés. 3778 mesures ont été prises, soit en moyenne une
mesure par 3,86 m2. La densité la plus élevée se trouve dans une zone de 18 x 10 m,
correspondant à la zone de prospection du GPR, où une mesure a été prise tous les mètres
carrés. De plus, dʹautres lignes de prospection géophysique ont été réalisées avec des
mesures tous les 2 m et tous les 2,5 m.
Figure 10. Zone explorée à Port-Neuf (Ile de Hoedic) en 2008.
Cinq bases topographiques ont été fixées à lʹintérieur du plan de travail à lʹaide de tiges
métalliques de 1 m de long et de 1 cm de section circulaire, qui ont été clouées pour laisser
environ 3 cm visibles. A partir de chacune dʹelles, un ensemble de photos a été pris sous
différents angles afin dʹêtre reconnu dans lʹavenir (figure 10).
Une station totale Leica TCRM1205 a été utilisée pour cette étude. Le modèle topographique
a été généré avec le programme professionnel n4ce professional de Applications In Cadd. A partir de là, des fichiers dʹéchange au format dxf et dwg ont été obtenus. Les dessins finaux
ont été améliorés avec le logiciel Adobe CC.
3.3. Géoradar
La prospection géoradar (GPR) détecte lʹévolution des propriétés électromagnétiques des
matériaux du sol, définies par une série de paramètres qui, associés aux caractéristiques de
lʹonde émise, déterminent la propagation de lʹénergie dans le milieu. Le georadar est capable
de créer des ʺimagesʺ 2D et 3D du sous‐sol à très haute résolution latérale et verticale
permettant non seulement lʹidentification dʹobjets singuliers ou de mouvements du sol
(anomalies), mais aussi de caractériser géométriquement lʹenvironnement.
Une unité centrale SIR‐3000 de Systèmes de levés géophysiques inc. a été utilisée pour cette
campagne. (GSSI) (figure 11)
Figure 11 – Unité centrale SIR‐3000 de GSSI.
Ses principales caractéristiques sont les suivantes :
Stockage des données Mémoire interne Compact Flash (1 Go)
Mémoires externes Compact Flash
Nombre de canaux : 1
Processeur: 32‐bit Intel StrongArm RISC, 206 MHz Ecran: TFT 8,4 pouces, résolution 800 600, 64K
couleurs Taux de transfet: 100 KHz
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
21
Entrée et sortie : Antenne
Énergie : courant continu
Etheret I/O
Port E/S série (RS232)
Clé USB Compact Flash Maître esclave USB
En combinaison avec cet équipement, une antenne monostatique dʹune fréquence centrale
de 400 MHz a été utilisée (fig. 12), ce qui est très approprié pour la localisation dʹéléments
archéologiques dans des profondeurs peu profondes et moyennes. Cette antenne a permis
dʹétudier les 2,90 premiers mètres du sous‐sol.
Figure 12 ‐ Antenne 400 MHz utilisée dans les levés géoradar
Cette antenne 400 MHz et lʹunité centrale SIR‐3000 ont été couplées sur un chariot avec un
odomètre pour lʹacquisition de données géoradar (figures 13 et 14).
Pour travailler avec le géoradar, une maille de profils orthogonaux 0,50 x 0,5 m a été
configurée dans une zone de 10 m x 16 m adjacente à la zone excavée en 1933. Cette
configuration de profils géoradar permet dʹobtenir un modèle 3D qui facilite une meilleure
détection des zones anomales dans le sous‐sol en fonction des dimensions des structures
enterrées à lʹétude.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
22
Figure 13 ‐ Antenne 400 MHz et unité centrale SIR‐3000 couplées sur un chariot avec odomètre pour
lʹacquisition de données géoradar.
Figure 14. Les professeurs de lʹUniversitat Politécnica de València Francisco García et Fernando Buchón
prennent des données avec le géoradar à Hoëdic (juin 2018).
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
23
Au total, 57 profils ont été réalisés dans ce maillage, entre axe longitudinal et axe
transversal, qui couvrait de manière représentative la zone étudiée. De plus, trois profils
supplémentaires ont été réalisés dans le cadre de la campagne pour obtenir des sections.
Le traitement et lʹanalyse des données ont permis dʹobtenir des images 2D (radargrammes,
dans les trois profils supplémentaires) et des modèles 3D du sous‐sol (maillage 0,50x0,50 m)
du sous‐sol. Ces derniers sont obtenus en combinant les radars longitudinaux et
transversaux, on obtient un modèle 3D du sous‐sol (X, Y, Z). Les données ont été traitées à
lʹaide du programme RADAN (Geophysical Survey Systems, Inc., GSSI).
Les phases suivantes ont été suivies pour le traitement des données de terrain
(radargrammes) :
A. Le traitement 1D et la correction du temps zéro (ajustement du temps zéro) ont été
effectués.
B. Un traitement 2D a été réalisé :
i. Correction de lʹarrière‐plan.
ii. Filtre passe‐bande (coupure basse : 200 MHz, coupure haute : 800 MHz).
iii. (iii) Gain linéaire dans certaines amplitudes.
iv. Migration de Kirchhoff à la vitesse moyenne calculée (0,079 m/ns).
v. vi) Conversion du temps en profondeur à la vitesse calculée de 0,070 m/ns
C. Le traitement 3D s’est fait par :
i. L’établissement de cartes dʹamplitude à partir des sections horizontales du
modèle 3D dans la zone où le maillage du profil a été réalisé. Pour ce faire,
chaque profil géoradar a été référencé selon les coordonnées du levé
topographique, aligné dans le maillage de 10 m x 16 m.
ii. L’obtention de cartes dʹamplitudes en coupes horizontales dérivées du modèle
3D qui ont permis dʹidentifier des irrégularités/anomalies à certaines
profondeurs.
iii. La visualisation des données sur les isosurfaces à lʹaide de la technique de
rendu.
3.4. Le magnétomètre
Une superficie de 5300 m2 attenante à la zone excavée par la famille Péquart dans les années
1930 a été prospectée par ces méthodes. Les limites étaient marquées par des falaises au
nord et à lʹest, tandis que des limites artificielles étaient établies à lʹouest et au sud. La
surface explorée est caractérisée par des formations végétales dominées par des plantes
barriques (Ammophila arenaria), caractéristiques des zones dunaires du nord de lʹîle (Buttin
et al 2017) qui ne supposaient pas de contraintes sérieuses pour le développement des
travaux. Cependant, dans la partie sud, il y avait quelques zones de broussailles qui
rendaient la tâche difficile et, dans certains cas, empêchaient la saisie des données. Il faut
également noter que la zone est traversée par deux sentiers et que dans la partie sud on
trouve une petite élévation, correspondant probablement au tumulus du petit dolmen du
Télégraphe (Large 2004).
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
24
Le sous‐sol est formé de granites et de gneiss traversés par des bandes de schistes. Cette
roche est recouverte dʹune dune dʹenviron 2 m de puissance, dans laquelle, selon les
observations de Péquart et Péquart (1954), on peut distinguer deux couches, une fossilisée
de couleur brunâtre et une blanche de chronologie récente.
La technique de magnétométrie a été appliquée sur une surface de 4.975m2 (90m en
direction E‐O x 68m en direction N‐S), au sud et à lʹest de la zone excavée par la famille
Péquart.
Fig. 15. Paul Naumann, Université de Marburg, avec un magnétomètre à cinq canaux (2018).
La prospection géomagnétique dans ce cas sʹéloigne de la pratique caractéristique de cette
méthode, généralement orientée vers la localisation de murs et autres structures
souterraines très évidentes (Scollar et al. 1990, Zickgraf 1999, Neubauer 2001, Witten 2006).
Dans ce cas, comme dans les travaux précédents de notre équipe (Arias et al. 2015, 2016,
2017), la mesure des variations locales du champ magnétique terrestre permet de distinguer
des anomalies dans la concentration des minéraux magnétiques, qui varie normalement
selon la profondeur, avec des valeurs plus élevées dans les horizons supérieurs, ce qui
permet de détecter potentiellement des altérations anthropiques modifiant la structure
naturelle du sol (trous, fossés, fondations, enfouissement). Dʹautres altérations telles que
lʹaccumulation de coquilles ou la production domestique sont également détectables. Dans
notre exploration, nous avons utilisé un magnétomètre de traction manuel avec un détecteur
à cinq canaux, particulièrement adapté à la prospection de petites surfaces (fig. 8).
Lʹinstrument, fabriqué par SENSYS Sensorik & Systemtechnologie GmbH, Bad Saarow
(Allemagne), est équipé de cinq magnétomètres Förster FGM‐650/3, avec une plage de
mesure de ±3000nT et une précision de 0,1nT et un enregistreur DLM98.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
25
Les capteurs sont installés en parallèle, à 25 cm lʹun de lʹautre, ce qui permet de mesurer
simultanément des transects dʹune largeur de 1m. Les mesures ont été effectuées tous les 10
cm, ce qui donne une résolution de 40 points/m2. Les angles de chaque maille et le plan
topographique de chaque site ont été géoréférencés selon le système de coordonnées
ETRS89. Les résultats obtenus à chaque mesure du magnétomètre (y compris les
coordonnées X et Y du lieu avec la valeur magnétique) ont été exportés dans un fichier texte
avec le programme MAGNETO®. A partir de ces données, une image matricielle a été
obtenue à lʹaide du programme SIGʹgvSIG‐OAʹ.
Les calculs ont été effectués à lʹaide de lʹoutil GRASSʹr.in.xyzʹ et lʹinterpolation ultérieure
avec GRASSʹr.fill.gapʹ. Enfin, des cartes ont été produites à lʹaide de diverses plages de
valeurs magnétiques pour interpréter les données du levé (fig. 15). En raison des limitations
mentionnées ci‐dessus, il a finalement été possible de couvrir une superficie de 4.975 m2
dans la zone de 90 x 68 m établie pour les travaux.
3.5. Tomographie par résistivité éléctrique
La technique de résistivité électrique a été appliquée de deux façons. Dʹune part, un criblage
dense dʹune surface de 10x18 m à lʹest de lʹexcavation a été réalisé, dans lequel 37 profils
VES haute résolution ont été réalisés tous les 50 cm (figure 3, zone A, indiquée en rouge).
Dans le reste de la zone, trois profils de 78 m de long (E38‐E40) ont été mesurés avec une
précision de 0,5 m. Pour ce faire, on a utilisé une lampe Lippmann 4 points 10W, installée
dans une série de multielectrodes avec deux chaînes de 20 électrodes actives chacune (fig. 9).
La distance entre les électrodes était variable et montait jusquʹà 2m. Les configurations
dipôle‐dipôle et Schlumberger ont été utilisées pour tous les segments.
Dans la première, une zone de 10x18m à lʹE de la fouille de Péquart, 38 profils parallèles ont
été réalisés (E1‐E37) avec un espacement horizontal et vertical de 0,50 m. La première, une
zone de 10x18m à lʹE de la fouille de Péquart, est réalisée avec 38 profils parallèles (E1‐E37)
avec un espacement horizontal et vertical de 0,50 m. Bien que la pente du terrain soit
inférieure à la limite (< 10º) à laquelle cette correction est obligatoire, une correction
topographique a été appliquée. Avec lʹespacement appliqué, une profondeur maximale de
3m peut être atteinte. Un espacement plus large permet dʹatteindre de plus grandes
profondeurs, mais, cela suppose des pertes de résolution très importantes. Grâce à la haute
résolution de lʹéchelle à laquelle il a été travaillé, il a été possible de développer un modèle
tridimensionnel de lʹinversion Schlumberger, ce qui facilite grandement son interprétation.
Ceci fait suite à lʹattribution dʹune série de fourchettes aux types de matériaux proposés par
A. Rauen (2016) (voir annexe, tableau 2).
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
26
Figure 16. Collecte de données pour la tomographie par résistivité électrique
Les profils E38‐E40 se composent de trois sections de 78 m, avec un espacement des
électrodes de 2,0 m, pour effectuer une lecture de lʹensemble du dépôt. E38 et E39 ont été
réalisés dans le sens O‐E, avec une distance entre eux de 25m, et les points de départ aux
nœuds de la grille 550/800 t 550/775 respectivement. La section E40, quant à elle, était
alignée dans la direction N‐S et commençait au coin 506/810. Lorsque lʹinclinaison de 10º a
été dépassée en certains points, une correction topographique a été nécessaire.
Lʹinterprétation est basée sur lʹinversion des profils Schlumberger en relation avec les
valeurs moyennes de certains matériaux fournies par Rauen (2016). Le contact avec les
capteurs nʹétait pas bon, mais il était suffisamment stable pour prendre les mesures.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
27
Figure 17. Zones étudiées par Georradar
4. Analyses préliminaires des résultats obtenus en juin 2018 Dans les profils représentés dans les figures 18 et 19, il y a une série dʹanomalies entre 2,00 m
et 2,80 m de profondeur (dix dans le profil 1 ; sept dans le profil 2 et sept dans le profil 3),
qui seraient situées au niveau correspondant à la couche mésolithique. Il convient donc de
mentionner la présence dʹautres zones présentant des anomalies dans la partie haute du
profil qui pourraient correspondre aux indications dʹoccupations néolithiques ou
chalcolithiques détectées par les époux Péquart (deux dans le profil 1, deux dans le profil 2
et cinq dans le profil 3).
Afin de mieux différencier et identifier les anomalies les plus significatives détectées dans la
grille des profils réalisés dans la zone de 10 m x 18 m (maille 0,50x0,50 m), le modèle 3D a
été déterminé. La profondeur dʹintérêt archéologique correspond au niveau mésolithique,
dont lʹépaisseur moyenne est dʹenviron 40 cm et qui est recouvert par environ 2 m de
niveaux de sable.
Figure 18. Section de géoradar en coupe
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
29
Profil 1
Profil 2
sen
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
30
Profil 3
Figure 19. Trois profils obtenus avec le Géoradar.
Figure 20. Exemple de corrélation dʹanomalies dans les cartes dʹamplitude radar (2D) et isosurface (2,20‐2,75
m de profondeur).
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
32
Figure 21. Carte des amplitudes isosurfaciques dans la section horizontale de 2,20 à 2,75 m de profondeur. Les
anomalies les plus significatives sont délimitées en noir.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
33
Figure 22. Surface étudiée à l'aide des techniques de géomagnétisme et de tomographie par résistivité électrique. Les flèches rouges indiquent les profils E38-E40, la zone rouge la zone A de la tomographie de résistivité électrique ; la zone grise la prospection géomagnétique.
Au cours de la campagne de 1933, des structures mésolithiques ont été fouillées,
principalement des tombes et des foyers. Ces structures se trouvent dans les fentes du socle
de granit. Selon ces données archéologiques, une carte des amplitudes isosurface a été
obtenue pour des profondeurs allant de 2,20 m à 2,75 m (coupe horizontale).
Dans la carte dʹamplitude isosurface (fig. 20), les couleurs avec des tons verts et bleus
représentent les anomalies dérivées de réflexions dʹamplitudes supérieures (supérieures à
65%). Les autres amplitudes étaient représentées de manière transparente (moins de 65%).
En revanche, les mesures géomagnétiques produisent habituellement une grande variété
dʹanomalies. Elles découlent pour la plupart de la présence dans le sous‐sol de matériaux
modernes, en particulier dʹobjets métalliques (boîtes de conserve, clous, vents de tentes...).
Ceci est particulièrement visible dans la partie centrale de lʹimage générée par les mesures
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
34
effectuées à Hoëdic. Une forme dipolaire est jugée très caractéristique de ce type dʹanomalie,
avec des valeurs juxtaposées hautes et basses ; elle est visible dans le plan sous forme de
points noir et blanc. Un cas extrême de ce type dʹanomalie peut être observé dans le coin
nord‐est de la zone prospectée, où lʹon peut observer une grande tache blanche avec une
zone noire au centre, deux produits dʹune barre métallique placée comme référence de notre
topographie (figure 23). Il convient également de mentionner une série de pierres enfouies, partiellement visibles en
surface, situées dans la partie sud de la zone étudiée, qui sont identifiées par une faible
magnétisation positive, sans lʹombre magnétique caractéristique des objets métalliques.
Après avoir filtré les données et les avoir analysées en détail, on peut conclure quʹil existe
essentiellement deux zones dʹintérêt archéologique potentiel: lʹune située au centre et au
nord‐ouest de la zone dʹintérêt, et lʹautre concentrée dans le secteur nord et nord‐est, avec
des extensions au nord et à lʹest.
La première, ombrée en vert, rose et jaune sur la figure 23, est caractérisée par la présence de
nombreuses anomalies allant de positives à fortement positives (10‐50 nT et >50 nT),
principalement avec la structure bipolaire typique. Beaucoup dʹentre elles sont regroupées
selon des motifs de forme rectangulaire très réguliers, comme on peut le voir en particulier
dans la zone marquée en jaune et dans les quatre structures marquées en bleu dans la zone
verte. Il semble probable que ces structures correspondent aux camps mis en place par
lʹéquipe Péquart lors de leurs campagnes de fouilles, composés de plusieurs cabanes.
Heureusement, la documentation graphique de ces fouilles est vraiment exceptionnelle, et
de nombreuses photographies montrent le camp, composé de trois huttes construites au sud
de la zone de fouilles. Les photographies montrent des variations dans lʹemplacement et
lʹorientation des cabanes, ce qui semble indiquer quʹelles ont été construites annuellement
avec quelques différences par rapport à lʹannée précédente. Cela complique un peu
lʹinterprétation, car il est probable quʹil y ait des chevauchements entre les différentes phases
de construction des camps, mais au moins deux des cabanes semblent être facilement
identifiables, probablement celles du dernier camp, celui de 1934, où, contrairement aux
campagnes précédentes où elles étaient carrées, leur forme était rectangulaire.
Des anomalies détectées par notre prospection correspondent selon toute probabilité aux
altérations du sol produites par l’installation de ces constructions (cabanes), et tout
particulièrement les restes métalliques qui y sont liés. Moins évidente est lʹorigine de
lʹanomalie marquée en rose, très près de la zone de fouille. Il peut sʹagir dʹune accumulation
de déchets de camp ou de résidus provenant de travaux de creusement.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
35
Fig. 23 : Résultats des levés géomagnétiques et schémas dʹinterprétation.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
36
Figure 24. Vue isométrique du levé géomagnétique projeté sur la topographie du site.
Plus intéressante d’un point de vue archéologique (au moins en ce qui concerne la
préhistoire) est la zone marquée sur le plan en violet. On y a identifié 47 anomalies avec des
valeurs très légèrement positives (0‐5 nT). A quelques rares exceptions près, il ne s’agit pas
du motif dipolaire mentionné plus haut, mais elles ressemblent à de petites surfaces à
tendance circulaire. Dans la figure 4, ils ont été mis en évidence par des points blancs. On
observe quʹune partie de ces anomalies (20) pénètre dans la zone ombragée en vert, tandis
que 27 autres sont situées dans des zones où il y a très peu de signes dʹactivité moderne. Il
convient également de noter que la plupart dʹentre elles sont situées dans de petites
dépressions, ce qui suggère que la puissance de la couche de sable est plus faible. Ceci,
associé à la tendance bipolaire de certains de ses signes, suggère que les anomalies à
proximité des zones dʹactivité moderne (ombragées en vert, jaune et rose) pourraient
correspondre à de petits objets métalliques enfouis profondément ou à des matériaux de
construction magnétisés.
Les autres en revanche ‐ situées dans les zones désignées en ombrage violet ‐ sont
compatibles avec les caractéristiques prévisibles du signal produit par les structures
analogues aux tombes et autres constructions mésolithiques décrites par le Péquart (zones
enlevées très légèrement magnétisées).
La proximité de la nécropole creusée dans les années 1930 et le contraste avec
dʹautres zones où il nʹy a guère dʹanomalies de ce type, renforce lʹhypothèse quʹil
pourrait sʹagir de zones dʹactivité mésolithique.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
37
Figure 25. Sections ERT de la surface actuelle (5,1m à 2m).
Il est également intéressant de noter quʹune grande zone avec des valeurs essentiellement
négatives est située dans le coin sud‐ouest de la zone explorée. Il correspond probablement
à la masse tumulaire du monument mégalithique du Télégraphe. Dans ce cas, lʹépaisseur
plus importante de la couche de sable produite par lʹaccumulation artificielle du monument
expliquerait ces valeurs magnétiques.
Dʹautre part, une série de structures linéaires positives dans la direction SO‐NE qui sont
facilement perceptibles dans le quadrant nord‐ouest doit être attribuée à des différences
dans le substrat rocheux de la zone (voir profils infra E38‐E40). De manière significative,
elles correspondent assez fidèlement aux lignes de fractures qui émergent sur la falaise à
lʹest de la plage de Port‐Neuf, ce qui confirmerait cette interprétation.
La tomographie de résistivité électrique réalisée en zone A (profils E1‐E37) a permis de
détecter quatre unités stratigraphiques à partir des différences de résistivité :
La partie supérieure a une puissance dʹenviron 0,80 m et une limite inférieure
pratiquement horizontale. Leurs valeurs vont de 1100 à 4000 Ωm.
Sous cette unité se trouve une autre unité également horizontale de puissance
similaire avec des valeurs comprises entre 500 et 1100 Ωm. Les deux couches
peuvent être interprétées comme des dépôts de sable avec différents degrés
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
38
dʹhumidité et de densité. Les valeurs plus élevées de la valeur supérieure pourraient
sʹexpliquer par des sables plus meubles et plus secs.
Une troisième couche sʹétendrait de 3,1 m à la profondeur maximale atteinte (2 m
asl). Il se caractérise par des lectures homogènes dʹenviron 500‐550 Ωm
Enfin, une surface irrégulière doit être interprétée comme le toit du sous‐sol
granitique. Cependant, de très faibles concentrations de lecture circulaire ou
elliptique sont observées dans le sud et le nord, autour de 350 Ωm. Ils pourraient être
liés à des zones noyées dans lʹeau à la surface de la roche.
Figure 26. Profil E38
Pour sa part, le transect E38 (fig. 26) présente des contrastes de résistivité considérables. Le
plus haut niveau a été atteint au niveau supérieur, où près de 1000 Ωm ont été atteints. Cette
strate, avec une puissance de 1‐1,5m, présente un contact inférieur de pratiquement
horizontal, qui doit être attribué au sable de la dune, sec et relativement lâche. Dans la partie
est du profil, on observe quʹil suit approximativement le relief topographique. Entre X= 512‐
522, cʹest‐à‐dire sur une longueur dʹenviron 10m, cette strate est absente, ce qui coïncide
avec une petite dépression dans le terrain. Jusquʹà environ 3 m de profondeur à lʹouest et
environ 5 m de profondeur à lʹest, on peut observer des valeurs moyennes dʹenviron 250‐500
Ωm. Ils montrent également un écart semblable à celui de la strate supérieure dans la section
X = 512‐522. Cette couche doit également être attribuée aux sables, dans ce cas plus humides
que ceux du niveau supérieur. De 2 à ‐15 m, nous trouvons des valeurs assez homogènes, de
lʹordre de 100‐170 Ωm. Il faut cependant noter la présence entre X= 480 et X= 505 dʹune
lentille à très faible résistivité (jusquʹà 87 Ωm). Étant donné quʹil se trouve sous le niveau de
la mer, il peut être attribué à un matériau imprégné dʹeau salée, peut‐être sableuse.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
39
Figure 27.Profil E39
Comme le précédent, le profil E39 (fig. 27) aide à différencier clairement les niveaux
supérieurs. Le plus élevé est similaire au E38, avec des valeurs plus élevées, bien quʹici elles
soient un peu plus basses (environ 600‐760 Ωm), bien que cela puisse être dû en partie au
fait que ce profil a été mesuré tôt le matin, alors que les travaux sur le E38 ont été effectués
lʹaprès‐midi, avec un temps assez chaud et ensoleillé, ce qui peut avoir contribué aux
différences dans les couches de surface qui pourraient avoir affecté la résistivité. Dans ce
profil, lʹassociation de ce niveau de sable avec de petites éminences du terrain est observée
avec plus de clarté. Comme dans E38, un deuxième niveau suit avec des valeurs de 290‐550
Ωm. Ici aussi, nous trouvons une zone, dans ce cas‐ci à X=481‐486, remplie de matériel qui
présente une résistivité plus faible (~260 Ωm), et un matériel de niveau de lentille avec une
très faible résistivité à une profondeur entre le niveau de la mer et ‐5m. Ils se situent entre x=
517 et x= 539 et atteignent des valeurs dʹenviron 170‐180 Ωm. La partie ouest du profil
(x=470‐490) est dominée jusquʹà une profondeur de ‐12m par un bloc homogène de matériau
avec une résistivité de ~360 Ωm. Cela pourrait être lié aux parties déchiquetées du substrat
granitique. Notons à cet égard que cette zone coïncide avec lʹinterruption des niveaux 1 et 2.
Figure 28. Profil E340
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
40
Enfin, le profil E40 (fig. 28) présente une stratigraphie similaire à celle des profils E38 et E39.
Stratum 1 présente à certains endroits plus de puissance, atteignant une épaisseur dʹenviron
2m, mais en même temps il est plus fragmentaire. Dans la moitié sud du profil (y=730‐790),
il est clairement concentré dans deux secteurs qui correspondent aux plus hauts niveaux du
terrain, avec une zone intermédiaire où il est beaucoup plus fin. Dans lʹextrême nord (y=795‐
810), il nʹy a plus quʹun petit reste de ce niveau, associé dans ce cas aussi à une petite
élévation. La strate 2, par contre, est visible sur lʹensemble du profil, bien que moins
clairement que dans E38 et E39. Cela peut être dû à la résolution verticale maña qui est
observée dans la partie sud du profil. Les deux niveaux présentent une interruption entre
7=790‐795, remplie de faibles valeurs de résistivité. Encore une fois, nous trouvons des zones
de très faible résistivité, dans ce cas‐ci deux lentilles de ~220 Ωm, une entre y=740 et y=755 et
une autre sous lʹinterruption des niveaux supérieurs à y=790‐795. Dans les deux cas, ils
indiquent probablement des matériaux (sableux ?) trempés dans lʹeau.
Comme indiqué ci‐dessus, les résultats des mesures de résistivité sont fortement influencés
par la capacité de rétention dʹeau du substrat. Étant donné quʹune grande partie de la zone
est mesurée sous le niveau de la mer, la probabilité que les matériaux soient affectés par une
grande quantité dʹeau salée doit être prise en compte dans lʹinterprétation.
En comparant les résultats avec ceux de la Géomanométrie, les interruptions dans les
niveaux supérieurs semblent coïncider avec les structures linéaires que nous avons
interprétées comme un reflet des fractures dans la roche. Il est probable quʹelles
correspondent à des fissures par lesquelles lʹeau salée peut pénétrer, altérant la résistivité du
substrat rocheux.
5. Conclusions
5.1. La prospection géophysique
Les travaux de prospection géophysique réalisés en juin 2018 ont confirmé lʹénorme
potentiel de ce site mésolithique exceptionnel et pourtant si méconnu (si l’on se place dans
les standards actuels de l’archéologie préhistorique). Les travaux, réalisés par une équipe
mixte des universités de Cantabrie, Polytechnique de Valence et de Marburg, ont combiné
lʹutilisation de trois techniques complémentaires : Géorradar, magnétométrie et
tomographie par résistivité électrique. Les premières analyses de ces résultats semblent
confirmer lʹexistence, à lʹest de la zone excavée par la famille Péquart, dʹune concentration
dʹanomalies souterraines, situées à lʹinterface entre la dune fossile et le substrat rocheux
granitique, qui, par leurs caractéristiques morphologiques et leur localisation, sont
compatibles avec les structures mésolitiques excavées dans les années 1930. La coïncidence à
cet égard des résultats des différentes techniques appliquées renforce la probabilité de
lʹexistence de signes mésolithiques pertinents dans ce domaine.
Pour cette raison, nous considérons quʹil est du plus grand intérêt de poursuivre les travaux
en 2019, afin de vérifier ces résultats et, vraisemblablement, de pouvoir creuser avec des
techniques modernes certains sépulcres mésolithiques. De ce point de vue, il nʹest pas
exagéré de conclure que les recherches que nous menons à Hoëdic constituent lʹun des
projets les plus pertinents développés pour lʹétude du rituel et des mentalités des dernières
communautés de chasseurs et cueilleurs de la façade atlantique européenne.
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
41
5.2. Un projet pour le futur
Les résultats extraordinaires obtenus par cette session de prospections géophysiques, de
même que l’inventaire préalablement réalisé dans le cadre du programme Cimatlantic,
ouvrent de très larges perspectives pour l’étude de cet habitat‐cimetière de la fin du
Mésolithique.
Il subsiste par exemple dans la documentation un très large problème de datations, exposée
en introduction de ce rapport : en effet, les fouilles anciennes et leurs imprécisions
stratigraphiques, la disparition de la plupart des restes archéologiques (hormis les
ossements humains), le mauvais contrôle de l’effet réservoir océanique sur des ossements
humains et les problèmes techniques d’ultrafiltration à Oxford à la fin des années 1990
conjuguent leurs effets pour nous plonger dans un brouillard chronologique absolu
(Marchand, 2014). Quelques grammes de charbon ou de fruit brûlé, trouvés dans des
contextes stratigraphiques corrects, collectés in situ, seraient de nature à totalement
renouveler notre compréhension du Mésolithique littoral et plus largement du processus de
néolithisation, au même titre que ce que l’équipe de Grégor Marchand et Catherine Dupont
a pu réaliser depuis 2012 à Beg‐er‐Vil (Quiberon ; Marchand et al., 2017).
Il apparait enfin un intérêt renouvelé à l’échelle internationale pour l’archéologie de cette
bande littorale, que ce soit au Mésolithique ou au Néolithique (Dupont et Marchand, 2016),
dans laquelle ce projet trouverait sans peine sa place. Ainsi, un réseau international de
chercheurs vient de voir le jour, qui permettrait de fortement valoriser les travaux menés à
Hoedic. Ce réseau GRDI « Coast‐inland dynamic in hunter‐gatherer societies
(PREHCOAST) » regroupe des chercheurs dʹEspagne (Santander), de France (Bordeaux,
Brest, La Rochelle, Paris, Rennes et Toulouse), de Lettonie (Riga) et de Norvège (Oslo). Il
associe des spécialistes (archéologues et environnementalistes) qui consacrent tout ou partie
de leur travaux aux sociétés préhistoriques (paléolithiques, mésolithiques, néolithiques)
dans leur environnement. Il a pour ambition dʹaborder un certain nombre de thèmes qui
tirent leur origine de contraintes géographiques ou paléo‐environnementales similaires,
mais différemment préservées. En transcendant les frontières nationales, les écoles
dʹinterprétation et leurs limites épistémologiques, ce réseau de chercheurs européens entend
aussi proposer de nouvelles perspectives sur ces objets de recherche, tout en partageant les
méthodes et les moyens. La durée du programme est prévue du 1er janvier 2019 au 31
décembre 2023 (5 ans). Sa constitution a eu lieu à lʹautomne 2017 et des réunions de
consultation ont commencé en février 2018, afin ‐ déjà ‐ de construire des actions communes
et de bénéficier de notre dynamique collective actuelle.
Nous sollicitons donc pour l’année 2019 de pouvoir établir un sondage manuel à
hauteur des anomalies détectées lors de prospections, au nord‐est de la zone de
prospection géophysique, sur quelques mètres carrés (augmentés de l’ouverture
dans la dune).
Prospections géophysiques Hoedic, 2018
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Prospections géophysiques Hoedic, 2018
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Prospections géophysiques Hoedic, 2018
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Annexe : Paramètres techniques et géophysiques
Tableau 1. Valeurs géophysiques locales du champ magnétique pendant les jours de collecte des données
Tableau 2. Valeurs de résistivité typiques pour différents types de matériaux (selon Rauen 2016)