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oceana.org/cites Les coraux précieux et la CITES L’expression “coraux précieux” désigne trente espèces environ qui appartiennent aux genres Corallium et Paracorallium. Ces octocoralliaires se trouvent dans des milieux géographiques et bathymétriques très divers : eaux tropicales, subtropicales et tempérées de tous les océans et à des profondeurs de 10 à 5 000 mètres. De nombreuses espèces de coraux précieux vivent très longtemps, jusqu’à plus de 100 ans, et poussent lentement, moins d’un millimètre d’épaisseur par an en général. 1 Ces colonies sont fragiles et extrêmement vulnérables à l’exploitation et à la destruction, et leurs caractéristiques biologiques limitent sérieusement leur récupération ultérieure. Les coraux précieux ont été lourdement exploités à travers le monde par les industries de la bijouterie et des souvenirs, ainsi que pour certains produits homéopathiques. Bien que le commerce ait ciblé essentiellement les espèces les plus demandées par le secteur de la bijouterie, telles que Corallium rubrum de la Méditerranée et de l’Atlantique du Nord-Est, et C. Secundum, C. konojoi, C. elatius, C. regale et Paracorallium japonicum du Pacifique, toutes les espèces coralliennes ont été atteintes par ces activités. La surexploitation a entraîné une baisse de la production, au cours des dernières décennies, de presque 70 pour cent pour certaines espèces. 2 En plus de la récolte directe de ces espèces, il existe d’autres facteurs, notamment les activités de pêche dans l’habitat corallien, ainsi que les températures plus élevées de la mer et l’acidification accrue de l’océan résultant du changement climatique mondial. Le prélèvement de coraux précieux a considérablement augmenté après la deuxième moitié des années 1970, a atteint 450 tonnes environ pendant les années 1980 et, en raison de la surexploitation, a baissé jusqu’à 50 tonnes environ aujourd’hui. 3 Il est bien connu qu’en raison des similitudes entre les divers coraux précieux, les registres de la pêche n’établissent pas une distinction nette entre les espèces. Ceci a entraîné des estimations incorrectes pour l’exploitation de nombreuses espèces différentes de coraux précieux. Par ailleurs, le prélèvement de ces espèces a eu un impact sur toutes les espèces du genre Corallidae. Les trente-et-une espèces de la famille Corallidae (Corallium spp. et Paracorallium spp.) sont proposées pour l’inscription à l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) par les États-Unis et l’Union européenne. L’inscription de la famille Corallidae à l’Annexe II de la CITES est nécessaire pour assurer l’avenir de ces espèces et des habitats marins qu’elles soutiennent. Oceana recommande fortement l’adoption de cette proposition. OCEANA / Juan Cuetos

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Page 1: Les coraux précieux et la CITES - oceana.orgoceana.org/sites/default/files/CITES_French_Coral_Fact_Sheet.pdf · l’Afrique occidentale. Cette espèce est récoltée depuis l’Antiquité,

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Les coraux précieux et la CITES

L’expression “coraux précieux” désigne trente espèces environ qui appartiennent aux genres Corallium et Paracorallium. Ces octocoralliaires se trouvent dans des milieux géographiques et bathymétriques très divers : eaux tropicales, subtropicales et tempérées de tous les océans et à des profondeurs de 10 à 5 000 mètres.

De nombreuses espèces de coraux précieux vivent très longtemps, jusqu’à plus de 100 ans, et poussent lentement, moins d’un millimètre d’épaisseur par an en général.1 Ces colonies sont fragiles et extrêmement vulnérables à l’exploitation et à la destruction, et leurs caractéristiques biologiques limitent sérieusement leur récupération ultérieure.

Les coraux précieux ont été lourdement exploités à travers le monde par les industries de la bijouterie et des souvenirs, ainsi que pour certains produits homéopathiques. Bien que le commerce ait ciblé essentiellement les espèces les plus demandées par le secteur de la bijouterie, telles que Corallium rubrum de la Méditerranée et de l’Atlantique du Nord-Est, et C. Secundum, C. konojoi, C. elatius, C. regale et Paracorallium japonicum du Pacifique, toutes les espèces coralliennes ont été atteintes par ces activités. La surexploitation a entraîné une baisse de la production, au cours des dernières décennies, de presque 70 pour cent pour certaines espèces.2

En plus de la récolte directe de ces espèces, il existe d’autres facteurs, notamment les activités de pêche dans l’habitat corallien, ainsi que les températures plus élevées de la mer et l’acidification accrue de l’océan résultant du changement climatique mondial.

Le prélèvement de coraux précieux a considérablement augmenté après la deuxième moitié des années 1970, a atteint 450 tonnes environ pendant les années 1980 et, en raison de la surexploitation, a baissé jusqu’à 50 tonnes environ aujourd’hui.3 Il est bien connu qu’en raison des similitudes entre les divers coraux précieux, les registres de la pêche n’établissent pas une distinction nette entre les espèces. Ceci a entraîné des estimations incorrectes pour l’exploitation de nombreuses espèces différentes de coraux précieux. Par ailleurs, le prélèvement de ces espèces a eu un impact sur toutes les espèces du genre Corallidae.

Les trente-et-une espèces de la famille Corallidae (Corallium spp. et Paracorallium spp.) sont proposées pour l’inscription à l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) par les États-Unis et l’Union européenne. L’inscription de la famille Corallidae à l’Annexe II de la CITES est nécessaire pour assurer l’avenir de ces espèces et des habitats marins qu’elles soutiennent. Oceana recommande fortement l’adoption de cette proposition.

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Un aperçu des espèces Les coraux dont l’inscription à l’Annexe II de la CITES est proposée

La CITES a déjà inscrit d’autres espèces coralliennes à ses annexes, comme les coraux de pierre (Scleractinia) et les coraux noirs (Antipatharia), sans faire de distinction entre les espèces, sur la base de leur importance écologique, de leurs similitudes et de menaces communes. Par ailleurs, la CITES a déjà inscrit Corallium elatius, C. konojoi, C. secundum et Paracorallium japonicum spécifiquement pour la Chine à l’Annexe III.

Actuellement, seul le corail rouge (Corallium rubrum) est inscrit à une convention internationale (annexe III de la Convention de Berne) et à une législation multi-gouvernementale (annexe V de la directive « Habitats » de l’Union européenne), indépendamment des limites d’extraction imposées par certains pays. Cependant, ces mesures ne sont pas suffisantes pour conserver ces espèces et contrôler leur commerce international.

La proposition des États-Unis4 à l’effet d’inscrire les genres Corallium et Paracorallium à l’Annexe II de la CITES pendant la 14e Conférence des Parties a entraîné l’inscription d’un total de 26 espèces. Cette liste a été augmentée depuis avec l’inscription des 31 espèces identifiées actuellement à travers le monde, et c’est cette liste que contient la proposition coparrainée par les États-Unis et l’Union européenne pour la CdP15.5 Sept de ces espèces y figurent en raison de leur grande valeur commerciale (espèces soulignées ci-dessous) ; les 24 espèces restantes sont considérées comme des espèces “d’aspect semblable”, en raison de leur similitude avec l’espèce dont la protection est proposée. En cette qualité, les espèces figurant sur la liste après les révisions taxonomiquesiA sont les suivantes :

Corallium abyssale Corallium borneense Corallium boshuenseCorallium ducale Corallium elatiusCorallium halmaheirenseCorallium imperiale Corallium johnsoniCorallium konojoi Corallium maderense Corallium medea

Corallium niobeCorallium niveumCorallium porcellanumCorallium pusillumCorallium regale Corallium reginaeCorallium rubrumCorallium secundum Corallium sulcatumCorallium tricolor Corallium vanderbilti

Corallium variabile Corallium sp. nov Paracorallium inutile Paracorallium japonicum Paracorallium nix Paracorallium salomonense Paracorallium stylasteroidesParacorallium thrinax Paracorallium tortuosum

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A Contenu dans la proposition initiale de la CoP14, Corallium kishinouyei n’est plus inscrit aux classifications taxonomiques actuellement acceptées et C. lauuense est considéré comme un synonyme de C. regale. D’autre part, les nouvelles espèces suivantes sont inscrites : Corallium boshuense, C. niveum, C. porcellanum, C. pusillum, C. vanderbilti et C. variabile. Dans tous les cas, toutes les espèces sont inscrites à la proposition actuelle qui reprend, en général, toutes les espèces des genres Corallium et Paracorallium.

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Cas spécifiques :

Le corail rouge méditerranéen {Corallium rubrum} Corallium rubrum est une espèce endémique de la Méditerranée et des eaux adjacentes de l’Atlantique, au large de l’Afrique occidentale. Cette espèce est récoltée depuis l’Antiquité, et il est tout à fait possible qu’elle soit la plus menacée. Jusqu’à 2 000 bateaux se sont consacrés à la récolte de ce corail6, en utilisant des techniques destructrices telles que la (barre italienne) ou la (croix de Saint-André). En Italie, le principal exploitant de cette ressource, 66 pour cent des colonies ne se reproduisent plus.7 Dans de vastes régions d’Espagne, 86 pour cent des colonies n’atteignent pas la taille légalement exploitable et 91 pour cent des colonies atteignent à peine une hauteur de cinq centimètres.8 Bien que le déclin soit plus marqué dans certains pays que dans d’autres, les pêches au corail rouge ont baissé de 60 pour cent par rapport à leurs sommets historiques.9

Les coraux rouges {Corallium regale and Paracorallium japonicum} et les coraux roses {Corallium secundum} du PacifiqueLes flottes asiatiques ont commencé à exploiter les coraux précieux de l’océan Pacifique au début du XIX siècle. Les pêches japonaises et taïwanaises ont considérablement baissé, à seulement quatre pour cent et un pour cent respectivement, de leurs niveaux maximum des années 1970 et 198010, périodes pendant lesquelles les pêches ont souvent dépassé 200 tonnes.11

Les États-Unis, surtout aux alentours des îles Hawaii et de certains monts sous-marins, ont également maintenu une industrie active d’exploitation et de commercialisation du corail.

La plupart des récifs de Corallium spp. du Pacifique oriental ont été rapidement épuisés, dans certains cas en l’espace de cinq années seulement.12

La CITES, qu’est-ce que c’est ?

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) est un accord international qui est entré en vigueur en 1975 pour empêcher que le commerce international n’entraîne l’extinction d’espèces de faune et de flore. La CITES, dont la réglementation repose sur des permis d’exportation et d’importation, s’applique à des espèces dont les populations pourraient être menacées par le commerce international. Il y a environ 5 000 espèces animales et 28 000 espèces végétales qui sont inscrites aux trois annexes de la CITES. Des propositions à l’effet d’inscrire des espèces aux Annexes I et II sont étudiées par les 175 pays de la CITES lors d’une Conférence des Parties qui a lieu tous les deux à trois ans. Ces 30 dernières années, aucune des espèces inscrites à la CITES n’a disparu, ce qui illustre sa capacité de réussite.13

L’inscription à l’Annexe I est la plus stricte : elle interdit le commerce international des espèces les plus menacées d’extinction.

L’inscription à l’Annexe II vise des espèces qui pourraient être menacées d’extinction si leur commerce n’est pas strictement réglementé. De plus, des espèces dont l’apparence est semblable à celle d’autres espèces inscrites à l’Annexe II pourraient également y être inscrites. Le commerce international des espèces inscrites exige un permis d’exportation.

L’Annexe III comprend des espèces pour lesquelles une Partie a demandé à d’autres Parties de l’aider à réglementer le commerce. Le commerce des espèces inscrites exige un permis d’exportation et un certificat d’origine.

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EuropeOceanaPlaza EspañaLeganitos 4728013 Madrid , Spainphone: + 34 911 440 880fax: + 34 911 440 890email: [email protected]

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Central America Oceana#33 Cor. Regent and Dean StreetBelize City , Belize , C.A.phone: + 501-227-2705fax: + 501-227-2706email: [email protected]

Références 1 Andrews A.H., Cailliet G.M., Kerr L.A., Coale K.H., Lundstrom C. and A.P. DeVogelaere (2005). Investigations of age and growth for three deep-sea corals from the Davidson Seamount off central California. In: Freiwald and Roberts (Eds), Cold-water corals and ecosystems. Springer-Verlag, Berlin & Heidelberg. Pp. 1021–1038; Garrabou J. & J.G. Harmelin (2002). A 20-year study on life-history traits of a harvested long-lived temperate coral in the NW Mediterranean: insights into conservation and management needs. Journal of Animal Ecology 71 (6) 966-978.2 Bramanti L., Iannelli M. & G. Santangelo (2006). Population dynamics and global change- induced mortality in the precious red coral Corallium rubrum (L.1758). 7th International Temperate Reef Symposium (ITRS), June 26-July 1, 2006. Santa Barbara, CA.3 CITES (2007). Inclusion of all species in the genus Corallium in Appendix II of CITES. This taxon comprises 26 closely related species. Consideration of proposals for Amendment of Appendices I and II. Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora. Fourteenth meeting of the Conference of the Parties The Hague (Netherlands), 3-15 June 2007.4 Ibidem.5 CITES (2009). Inclusion of all species in the family Coralliidae (Corallium spp. and Paracorallium spp.) in Appendix-II of CITES. C. rubrum, C. secundum, C. lauuense (C. regale), P. japonicum, C. elatius, C. konojoi, and C. sp. nov. qualify for listing in Appendix II in accordance with Article II, paragraph 2 (a) of the Con-vention, and satisfy Criterion B in Annex 2a of Resolution Conf. 9.24 (Rev. CoP14)1. The other 24 described species qualify for listing in Appendix II in accor-dance with Article II, paragraph. Consideration of proposals for amendment of appendices I and II. Convention on International Trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora. Fifteenth meeting of the Conference of the Parties Doha (Qatar), 13-25 March 2010. CoP15 Prop. 21.6 Tescione G. (1973). The Italians and Their Coral Fishing. Fausto Fiorentino, Naples.7 Santangelo G., Carlietti E., Maggi E. & L. Bramanti (2003). Reproduction and population sexual structure of the overexploited Mediterranean red coral Corallium rubrum. Marine Ecology Progress Series 248:99-108. 8 Tsounis G, Rossi S., Gili J.-M. & W. Arntz (2006). Population structure of an exploited benthic cnidarian: the case study of red coral (Corallium rubrum L.). Mar. Biol. 149: 1059-10709 FAO (2007). Informe del segundo cuadro especial de expertos de la FAO encargado de evaluar las propuestas de enmienda de Los apéndices I y II de la CITES relativos a las especies acuáticas explotadas comercialmente. Roma, 26-30 de marzo de 2007. FAO Informe de Pesca No. 833. Organización de las Naciones Unidas para la Agricultura y la Alimentación. Roma, 2007.10 Ibidem.11 Grigg R.W. (1993). Precious coral fisheries of Hawaii and the U.S. Pacific Islands. Marine Fisheries Review, 55 (2): 50-60.12 Grigg R.W. (2002). Precious corals in Hawaii: Discovery of a new bed and revised management measures for existing beds. Marine Fisheries Review 64: 13-20. 13 Sheikh, P.A. and Corn, M.L. Congressional Research Service Report for Congress: The Convention on International trade in Endangered Species of Wild Fauna and Flora (CITES): Background and Issues. Updated February 5, 2008. pg. 12.

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