les contes merveilleux du thÉÂtre … · (1) ce théâtre a ... alors que la vie d'Œdipe...

30
LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN DE STRASBOURG Eve CERF Introduction L'Histoire de l'Alsace, région de contact entre deux nations porteuses de civilisation, est marquée par les occupations successives de ses puissants voisins. Malgré ces épisodes perturbateurs, l'Alsace s'est efforcée de sauvegar- der sa personnalité, son histoire et sa langue. Pendant les périodes de rattachement à la France, les Alsaciens ont résisté à la volonté d'assimilation de la France. Pendant l'annexion allemande de 1870 à 1918, ils ont tenté d'obtenir l'autonomie administrative et législative de leur région. Au tournant du siècle, alors que peu l'Alsaciens espéraient encore le retour de l'Alsace à la France, nombreux étaient ceux qui voulaient conserver son identité à leur région. Le Théâtre Alsacien de Strasbourg ('), fondé le 2 octobre 1898 par Gustave Stoskopf et Jules Greber, est issu de cette volonté ; il s'ex- prime en dialecte, et s'appuie sur les traditions populaires qu'il se propose de décrire et de conserver. Dès sa création et jusqu'au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le Théâtre Alsacien, avec les pièces de Gustave Stoskopf, telle que le célèbre «Herr Maire», joue un rôle politique. Il fait prendre con- science aux Alsaciens de leur identité et décrit avec beaucoup d'humour l'am- biguïté de leur attitude à l'égard de l'occupant. A l'aspect politique des comédies de Gustave Stoskopf s'ajoute la critique sociale des pièces de Jules Greber ( 2 ). L'auteur, procureur à la Cour de Colmar, décrit la misère des chômeurs et la détresse des filles pauvres réduites à la prostitution ; il dénonce aussi le rôle oppressif de la société qui ne laisse aucune chance à ces malheureux. A cette époque, le Théâtre Alsacien de Strasbourg est en plein essor ; il s'adresse à toutes les classes de la société et aucune censure ne s'exerce contre lui. Au lendemain de la victoire française de 1918, qu'ils avaient pourtant ac- cueillie avec enthousiasme, les Alsaciens durent se rendre à l'évidence. Alors qu'ils attendaient du rattachement à la France un accroissement des libertés, la majorité des Français, de leur côté, pensaient que l'Alsace n'aspirait qu'au (1) Ce théâtre a maintenu son activité jusqu'en 1940, date à laquelle il a été interdit par les Allemands. Il a repris ses représentations en 1944 et connaît ces dernières années un succès croissant. (2) Originaire d'Aix-la-Chapelle, Jules GREBER avait parfaitement assimilé le dialecte alsacien.

Upload: lykhanh

Post on 13-Sep-2018

224 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN DE STRASBOURG

Eve CERF

Introduction

L'Histoire de l'Alsace, région de contact entre deux nations porteuses de civilisation, est marquée par les occupations successives de ses puissants voisins. Malgré ces épisodes perturbateurs, l'Alsace s'est efforcée de sauvegar­der sa personnalité, son histoire et sa langue.

Pendant les périodes de rattachement à la France, les Alsaciens ont résisté à la volonté d'assimilation de la France. Pendant l'annexion allemande de 1870 à 1918, ils ont tenté d'obtenir l'autonomie administrative et législative de leur région.

Au tournant du siècle, alors que peu l'Alsaciens espéraient encore le retour de l'Alsace à la France, nombreux étaient ceux qui voulaient conserver son identité à leur région. Le Théâtre Alsacien de Strasbourg ( '), fondé le 2 octobre 1898 par Gustave Stoskopf et Jules Greber, est issu de cette volonté ; il s'ex­prime en dialecte, et s'appuie sur les traditions populaires qu'il se propose de décrire et de conserver. Dès sa création et jusqu'au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le Théâtre Alsacien, avec les pièces de Gustave Stoskopf, telle que le célèbre «Herr Maire», joue un rôle politique. Il fait prendre con­science aux Alsaciens de leur identité et décrit avec beaucoup d'humour l'am­biguïté de leur attitude à l'égard de l'occupant. A l'aspect politique des comédies de Gustave Stoskopf s'ajoute la critique sociale des pièces de Jules Greber ( 2 ) . L'auteur, procureur à la Cour de Colmar, décrit la misère des chômeurs et la détresse des filles pauvres réduites à la prostitution ; il dénonce aussi le rôle oppressif de la société qui ne laisse aucune chance à ces malheureux. A cette époque, le Théâtre Alsacien de Strasbourg est en plein essor ; il s'adresse à toutes les classes de la société et aucune censure ne s'exerce contre lui.

Au lendemain de la victoire française de 1918, qu'ils avaient pourtant ac­cueillie avec enthousiasme, les Alsaciens durent se rendre à l'évidence. Alors qu'ils attendaient du rattachement à la France un accroissement des libertés, la majorité des Français, de leur côté, pensaient que l'Alsace n'aspirait qu'au

(1) Ce théâtre a maintenu son activité jusqu'en 1940, date à laquelle il a été interdit par les Allemands. Il a repris ses représentations en 1944 et connaît ces dernières années un succès croissant.

(2) Originaire d'Aix-la-Chapelle, Jules GREBER avait parfaitement assimilé le dialecte alsacien.

4 EVE CERF

statut de province française. L'heure n'était plus à la satire politique et sociale ; pour survivre, le Théâtre Alsacien dut s'imposer une autocensure, et perdit l'esprit frondeur de ses débuts.

Le Théâtre Alsacien, amputé de sa vocation première et de son emprise sur la réalité, se réfugia dans l'Imaginaire. Dès 1920, renouant avec la tradition des mystères du Moyen-Âge joués sur la parvis de la Cathédrale, le Théâtre Alsacien de Strasbourg présente chaque année un conte merveilleux ou un mystère de Noël. La coutume de mettre en scène des contes de Noël avait survécu dans les patronages. Il s'agissait généralement de pièces courtes jouées par un petit nombre d'acteurs. Les contes du Théâtre Alsacien sont au con­traire des pièces de trois à cinq actes, écrites spécialement pour ce théâtre. Le Théâtre Alsacien de Strasbourg comporte un répertoire de 230 pièces dont 29 sont des contes merveilleux ( 3 ) . Chaque année, la pièce choisie est jouée une dizaine de fois dans un théâtre de plus de 1200 places. Le public est constitué par des enfants, mais aussi par des adultes qui assistent de plus en plus nom­breux à ces représentations.

Les contes merveilleux du Théâtre Alsacien ont des aspects originaux, et diffèrent des contes allemands ou français, même si, très exceptionnellement, ils reprennent les titres ou certains thèmes de ces contes.

Méthodologie

Les pièces ont été décomposées en unités minimales correspondant chacune à une activité donnée ( 4) et les thèmes évoqués ont été systématiquement réper­toriés et regroupés.

I. Les contes de la jeune fille charitable

Une première catégorie de contes, ceux de la jeune FILLE aveugle, est issue de la Légende de Sainte Odile.

«SAINTE ODILE» : un mystère de Ferdinand Bastian. Cette pièce, présentée en 1920, raconte la vie de Sainte Odile, patronne de l'Alsace.

La famille est constituée par le PÈRE, le puissant Duc d'Alsace, la MÈRE douloureuse et pieuse, une FILLE aveugle : Odile, et un FILS. La pièce est caractérisée par les sentiments particulièrement violents qui opposent le PÈRE et sa FILLE : au moment de sa naissance, le PÈRE éprouve une telle répulsion pour elle, qu'il ordonne de la tuer. Par la suite, il tue son FILS qui a osé rap­peler la jeune FILLE. Les réactions exagérées du PÈRE montrent que la seule vue

( 3 ) Les Théâtres Alsaciens de Mulhouse, Colmar, Guebwiller et Saverne, regroupés en fédération avec celui de Strasbourg, ont adopté l'usage de jouer des contes de Noël.

(4) Selon la méthode de Vladimir PROPP dans: Morphologie du conte, Gallimard, 1970.

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 5

de sa FILLE représente un danger pour lui, alors que, de son côté, la FILLETTE est sauvegardée par la cécité. Au moment du baptême, la jeune FILLE recouvre la vue : protégée par la morale chrétienne elle peut voir son PÈRE sans danger.

La pièce «Sainte Odile» ne peut cependant pas être réduite aux relations P È R E / F I L L E . En effet, avant d'être une pièce de théâtre, la Légende de Sainte Odile était un récit chrétien, et dans ce contexte, «voir» prend une autre dimension. Dans le contexte du sacré, «celui qui voit se sent envahi par une lumière mystérieuse et rien ne reste caché pour lui ; il voit l'âme, les esprits, les dieux» ( 5 ) . Le christianisme a ses visionnaires, qui associent la vue et la lumière aux valeurs chrétiennes. Pour Odile, recouvrer la vue signifie voir Dieu, et les rayons lumineux qui l'accompagnent au moment de sa mort sont des signes de sainteté.

La Légende de Sainte Odile et le Mythe d'OEdipe.

Avant de devenir des œuvres littéraires et théâtrales, la Légende de Sainte Odile et le Mythe d'Œdipe ont été des récits sacrés. Dans les deux cas, «voir» prend à la fois le sens d'un interdit entre parents et enfants de sexe opposé et un sens religieux. Mais, tandis que dans le Mythe d'Œdipe, le héros tue son PÈRE et transgresse le tabou, dans la Légende, Odile est protégée de la trans­gression par la cécité. Elle atteint à la sainteté dans une apothéose de lumière, alors que la vie d'Œdipe s'achève dans les ténèbres.

Dans les deux récits, la naissance d'un FILS est liée à la mort du PÈRE, alors que la mort du FILS assure l'immortalité au PÈRE. Laïos échoue dans sa ten­tative de tuer Œdipe ; il perd à la fois la vie et l'immortalité. Le PÈRE de Sainte Odile tue son FILS, mais accède à la vie éternelle grâce au rachat de ses fautes par sa FILLE. Dans la tragédie grecque, l'homme est écrasé par le destin ; dans la légende chrétienne, la fatalité est vaincue, et le rachat des fautes permet d'atteindre à la vie éternelle.

La Légende de Sainte Odile et le Mythe de la Chasse Sauvage.

Le Duc d'Alsace se distingue par son caractère furieux et son activité de chasseur. Au moment de la naissance de sa FILLE, pris de rage, il ordonne de la tuer. C'est aussi dans un accès de colère qu'il tuera son FILS. Le Duc adore la chasse. Il poursuit le gibier, mais aussi sa FILLE, qui fuit à travers bois pour éviter un mariage forcé. Les motifs de la fureur, de la chasse et de la mort sont issus du Mythe de la Chasse Sauvage : «à certaines périodes de l'année, un cortège de cavaliers et de damnés, guidé par un seigneur ou par un roi, traver­se la forêt dans un vacarme épouvantable, puis disparaît sans laisser de

(5) Mircea ELIADE, Mythes, Rêves et Mystères, p. 109-111, Paris, 1957.

6 EVE CERF

TABLEAU I

Le mythe d'Œdipe et la légende de Sainte Odile

TITRE Comportement du PÈRE

Mythe d'Œdipe Légende de Ste Odile

naissance d'un FILS naissance d'une FILLE meurtre du FILS refusée symbolique souhaitée refusée effectif

traces» ( 6 ) . A l'origine, Odin lui-même, le dieu terrible possédé par la «Wut» (la fureur sacrée), conduisait la Chasse Fantastique ( 7 ) . Le Chasseur Furieux s'élance parfois à la poursuite d'un animal ou d'une jeune sorcière ( 8 ) . La Légende de Sainte Odile reprend chacun des thèmes du mythe et les interprète dans un cadre chrétien : la jeune sorcière est devenue une Sainte et le Chasseur Sauvage, condamné à hanter la forêt jusqu'à la fin des temps, est sauvé par sa FILLE.

Le thème de la mort et de la rel naissance.

Ce thème apparaît à plusieurs reprises dans «Sainte Odile». La FILLETTE est née aveugle, elle renaît dans le christianisme au moment du

baptême. Plus tard, au moment de la poursuite à travers la forêt, la jeune FILLE échappe à son PÈRE et au PRINCE par l'engloutissement dans le roc. La légende chrétienne connaît d'autres récits de Saintes ensevelies dans le roc pour échap­per à des unions incestueuses ( 9 ) ; toutefois, à l'opposé de ces jeunes filles, Sainte Odile revient à la vie, et le PRINCE est foudroyé. Le thème de la mort et de la re/naissance est repris une dernière fois au moment de la mort de Sainte Odile : Odile meurt sans les Saints Sacrements de l'Eglise puis, à la demande de ses sœurs, elle revient sur terre pour s'administrer elle-même les Saints Sacrements, et mourir dans une apothéose de lumière. Au cours de ses voyages successifs dans l'au-de-là, Odile s'élève dans la sainteté ; par sa charité et ses prières, elle rachète les fautes de son PÈRE, lui permettant ainsi de renaître à la vie éternelle.

(6) Raymond CHRISTINGER et Willy BURGEAUD, Mythologie de la Suisse Ancienne, tome I, p. 16, Genève, 1963. Jean VARIOT, Légendes et Traditions orales d'Alsace, t. I I I , p. 338-9, Paris, 1920.

(7) Georges DUMÉZIL, Mitra — Varuna, p. 146, Gallimard, Paris, 1948. (8) Otto HÔFFLER, Kultische Geheimbùnde der Germanen, p. 276 à 286, Verlag Moritz Diesterweg,

Frankfurt am Main, 1934. Le motif est repris dans d'autres contes du Théâtre Alsacien. Dans Le Lac aux Etoiles, la jeune FILLE est charitable comme Sainte Odile ; dans Barbe aux Herbes, elle est une sorcière ; dans Le Roi Furieux, où le motif est repris deux fois, il s'agit une première fois d'une ELFE, FU.I.E de l'au-de-là. une seconde fois de la PRINCESSE, FILLE d u ^ o i .

(9) P. SAINTYVES, Essais de Mythologie Chrétienne, t. Il, p. 267-268, E. Noury, Paris, 1907.

LES CONTES MERVEILLEUX DU THEATRE ALSACIEN 7

Comportement des ENFANTS

meurtre de la FILLE

symbolique

tabou transgressé par le FILS respecté : FILLE aveugle

à l'égard du PÈRE meurtre effectif rachat = 'immortalité

aveugle "Sainteté lumière

destin du HÉROS

— IMMORTALITÉ et NAISSANCE d'un FILS : deux notions incompatibles dans les deux récits. — NAISSANCE d'une FILLE = IMMORTALITÉ du PÈRE dans la légende chrétienne.

Dans les contes de la jeune FILLE aveugle, le thème de la re/naissance est associé à ceux de Noël, de la FÉE de la LUMIÈRE et du sapin. Cette con­stellation de motifs est annoncée par la séquence où Sainte Odile fait don de la vue, le soir de Noël, à la FILLE d'un pauvre BÛCHERON ; en souvenir de cet événement, le sapin garde ses feuilles en hiver.

La Légende de Sainte Odile a profondément marqué les esprits. Odile et son père Attich ont vécu à la fin du v n e siècle, à une époque de profonds boulever­sements provoqués par la christianisation tardive de l'Alsace et l'écroulement des cultes païens. L'imagination populaire a cristallisé autour de ces deux per­sonnages le triomphe du christianisme sur le paganisme : elle a fait d'Odile une Sainte, et de son père le Meneur de la Chasse Sauvage. A la même époque, la contrée a été constituée pour la première fois en unité politique portant le nom d'Alsace. Avec la Légende de Sainte Odile, la mémoire populaire a conservé le souvenir de la naissance de sa région, et celui du bouleversement des mœurs engendré par le passage du paganisme au christianisme.

Ces contes transposent la Légende de Sainte Odile dans le domaine du mer­veilleux. Cette désacralisation conduit à un changement de ton, et la pièce édifiante devient une fête pour les enfants.

— « 's BLIND REESEL» : Rose, La Petite Aveugle, de Georges Baumann. Ce conte se déroule à l'époque moderne. Le PÈRE est un fabricant de drap, riche et impitoyable ; son FILS lui ressemble. La MÈRE est bonne et pieuse ; la FILLE aveugle est charitable.

Alors que la Légende de Sainte Odile comportait une succession de voyages dans l'au-de-là, mais ne donnait aucun renseignement sur l'autre-monde, l'histoire de «Rose, la Petite Aveugle» décrit en détail l'un de ces voyages.

1. LES CONTES DE LA JEUNE FILLE AVEUGLE

8 EVE CERF

Pour avoir manqué de charité ( 1 0 ) à l'égard d'un MENDIANT aveugle, le PÈRE et le FILS sont entraînés dans le monde souterrain où ils subissent le supplice de Tantale. Dans la mythologie, ce supplice constitue le châtiment d'un PÈRE meurtrier de son FILS ; dans «Sainte Odile», le PÈRE expie un crime analogue au purgatoire. Dans le conte, le supplice de Tantale est infligé à ceux qui ont manqué de charité, et cette faute se trouve ainsi assimilée à un infanticide. La Petite Rose, comme Sainte Odile, rachète les fautes de son PÈRE (et de son FRÈRE), tandis que dans le mythe païen aucune rémission n'est possible.

Au cours du voyage dans l'au-de-là, la FILLETTE doit traverser le royaume de la FÉE RAYON DE SOLEIL, dont l'entrée est interdite sous peine de perdre la vue ; la cécité met la FILLETTE à l'abri de cet interdit. Le motif d'un tabou lié au sens de la vue, implicite dans «Sainte Odile», est ainsi précisé dans l'histoire de la Petite Rose.

La FÉE est bienveillante à l'égard de la FILLETTE. Toutefois c'est un per­sonnage masculin, le GÉNIE de I'OMBRE, SCHATTESCHRECK (c'est-à-dire Ombre et Terreur), qui lui permet de sauver son PÈRE et de recouvrer la vue. Des per­sonnages analogues apparaissent dans chacun des contes de la jeune FILLE aveugle. Ils sont issus de la tradition populaire alsacienne où 's CHRISCHTKIN-DEL (1 1) ressemble à la FÉE de la LUMIÈRE, tandis que HANSTRAPP, le WIHNACHTSMANN ( 1 2 ) ou SAINT NICOLAS punissent les méchants enfants. Dans la région de Sarreguemines, SAINT NICOLAS monte un cheval blanc et porte un chapeau qui lui tombe sur les yeux. Derrière le personnage de I'ÉVÊQUE ( 1 3 ) de Myre se dessine ainsi le profil inquiétant d'Odin, le Meneur de la Chasse Sauvage. Dans le conte, comme dans la tradition populaire, ce thème est intégré au contexte de la fête de Noël.

— «D'R WIHNACHTSWUNSCH» : Le Souhait de Noël de Frédéric Bertran. Ce conte présente trois versions enchâssées de l'histoire de la jeune FILLE

aveugle. Le conte met d'abord en scène la réalité. La famille est composée par le PÈRE, la MÈRE, la FILLETTE aveugle et une vieille TANTE. Cette TANTE raconte à I 'ENFANT, l'histoire de la FILLETTE aveugle qui a retrouvé la vue dans la forêt, grâce au Suc de la Fleur Merveilleuse. La FILLETTE s'endort ; elle rêve d'un voyage dans le monde souterrain où apparaissent des éléments de l'histoire racontée par la TANTE (rencontre avec la FÉE, Quête de la Fleur Mer-

(10) Le thème du manque de charité est repris dans le Miracle de Noël, et Lise, La Petite Gardeuse d'Oies.

(11) CHRISCHTKINDEL, qui signifie Petit Enfant Jésus, est une jeune fille vêtue de blanc, qui va de maison en maison, porter des cadeaux aux enfants sages, le soir de Noël. Son visage est voilé, elle porte une bougie allumée à la main.

(12) Ce personnage dont le nom signifie Bonhomme Noël est autrement inquiétant que le PÈRE Noël. (13) Une association de motifs analogues se trouvait déjà dans Sainte Odile. La jeune FILLE est entourée

de femmes bienveillantes : la MÈRE, la SERVANTE qui l'emporte à sa naissance, les SŒURS du couvent de Baume-les-Dames. Ici aussi un personnage masculin, I'ÉVÊQUE, est associé au don de la vue.

10 EVE CERF

veilleuse). Au réveil, rêve et réalité sont confondus : les personnages du rêve, la FÉE et le WIHNACHTSMANN sont aux côtés de la FILLETTE et lui rendent la vue.

Dans l'histoire racontée par la TANTE, le voyage dans l'au-de-là est présenté comme une pérégrination dans la forêt ; dans le rêve, il apparaît comme un cheminement dans le monde souterrain. Ces deux façons de figurer l'autre-monde se trouvaient déjà dans «Sainte Odile», avec la fuite dans la forêt et l'ensevelissement dans le roc. Dans les contes, qui tous comportent un voyage dans l'au-de-là, le séjour dans l'autre-monde prend toujours l'une des deux formes précédentes.

«Le Souhait de Noël» a été présenté pour la première fois en 1959, trente-neuf ans après la première représentation de «Sainte Odile» et trente-trois ans après la création de «Rose, la Petite Aveugle». Les principaux éléments des contes de la jeune FILLE aveugle demeurent inchangés, seul le motif de la fureur du PÈRE est masqué : le PÈRE dont il n'est pas dit qu'il était cruel, est meunier ; mais, dans les contes, les meuniers sont toujours un peu diaboliques.

Les contes de la jeune FILLE aveugle sont fondés sur un conflit entre parents et enfants. Ils s'achèvent tous dans la joie par la réunion de la famille autour du sapin illuminé.

2. LES CONTES DE LA JEUNE FILLE QUI VOIT

ET RACHÈTE LE PRINCE FURIEUX

Dans ces pièces, la jeune FILLE voit, et son PÈRE est mort. Elle sauve le PRINCE furieux, le tabou est respecté et le conte s'achève le soir de Noël par un mariage.

— «.D'WIHNACHTSWUNDER» : Le Miracle de Noël de Georges Baumann. La famille est constitué par la MÈRE, la FILLETTE charitable et le FILS. La

MÈRE n'est pas douloureuse comme celle de Sainte Odile, et sa sollicitude est réservée à ses propres enfants. Le FILS, entraîné par de méchants GAMINS, tourmente NARRELAP, un VIEILLARD un peu fou. La FILLETTE ramène son FRÈRE au bien, mais les autres GAMINS seront punis dans l'au-de-là. Le motif du manque de charité est repris une deuxième fois dans ce conte, car NARRELAP est un PRINCE puni pour avoir refusé l'aumône à un VIEILLARD ren­contré au retour de la chasse, et s'être moqué de lui. Son comportement odieux, et le motif de la chasse, rappellent que le PRINCE est un Chasseur Furieux, condamné à expier ses fautes jusqu'à ce qu'un être humain ait pitié de lui.

La FILLETTE et son FRÈRE partent dans la forêt, où ils rencontrent le BUTZE-KENI et ses acolytes : GIGGELWAÏ joueur de violon, W I E D E P F I F F , joueur de

12 EVE CERF

flûte et Z I C K - Z A C K - Z U C K , joueur de Schellebaum ( 1 4 ) . Le BUTZEKENI règne sur la forêt et possède l'or de l'immortalité (15). Son nom (BUTZE : voler, KENI : roi), montre qu'il est le roi des voleurs. Pour les anciens Germains (16) Odin était lui aussi le dieu des morts et des voleurs. Des guerriers voués à son culte exerçaient le droit de rapine sur les populations civiles. Par la suite, cet usage a survécu dans les quêtes obligatoires des mascarades d'hiver et de prin­temps ( 1 7 ) , qui s'accompagnent d'un tintamarre d'instruments aux sons aigus ( 1 8 ) rappellant ceux des acolytes du BUTZEKENI. Dans «Le Miracle de Noël», Odin sous l'aspect du BUTZEKENI juge les humains ; il punit ceux qui ont transgressé les tabous (les garçons qui ont manqué de charité et volé des gâteaux de Noël ( 1 9 )) et récompense la jeune FILLE charitable. Le motif du Chasseur Sauvage est ainsi totalement dévié de son sens païen qui implique la licence obligatoire, pour être intégré dans le cadre chrétien du conte.

Au cours du voyage dans l'au-de-là, la jeune FILLE a racheté les fautes du PRINCE. Ce dernier épouse la jeune FILLE et succède à son PÈRE. Le conte s'achève le soir de Noël dans la lumière et la joie, en présence de la FÉE et du WIHNACHTSMANN.

Trois autres contes sont construits sur le même modèle que «Le Miracle de Noël».

— «'s GANSELIESEL» : Lise, La Petite Gardeuse d'Oies, de Georges Baumann.

Dans ce conte, une pauvre ORPHELINE rachète un PRINCE qui avait fait preuve d'une grande méchanceté à son égard. En punition de ses fautes, le PRINCE avait été changé en OIE. La pièce est présentée comme l'histoire de la célèbre statue de Ganseliesel du Parc de l'Orangerie.

— « ' 5 ARM BARONNESSEL» : La Pauvre Petite Baronne, de Joseph Holten-bach.

Ce conte est une version alsacienne de Cendrillon. Elle ne doit rien au conte précieux de Perrault, mais reprend certains motifs des frères Grimm (les pois jetés dans la cendre, l'arbre qui donne des habits de fête). Le motif de la MÈRE mourante qui demande à sa FILLE d'être bonne et pieuse se trouve dans la ver­sion de Grimm, mais rappelle surtout la MÈRE douloureuse et pieuse de Sainte Odile. Par contre, les détails sadiques, comme celui des sœurs qui se coupent

( 1 4 ) Cet instrument est constitué par un xylophone monté sur une hampe et orné de clochettes. ( 1 5 ) Mircea ELIADE, Forgerons et Alchimistes, p. 154 , Paris. 1 9 5 6 . ( 1 6 ) Otto HÔFFLER, O. C, p. 3 5 7 à 3 6 7 . ( 1 7 ) Ces quêtes se pratiquent encore le Lundi de la Pentecôte dans le Kochersberg. Les enfants de chœur

déguisés et masqués demandent des œufs et du lard aux paysans ; ils arrosent les avares et menacent d'en­voyer la martre dans leur poulailler.

( 1 8 ) Des sons stridents caractérisent également les carnavals rhénans, en particulier celui de Bâle. ( 1 9 ) La gourmandise constitue la transgression d'un tabou (voir le conte Jeannot le Gourmand).

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 13

l'orteil et le talon pour entrer dans la chaussure d'or, ou celui des pigeons qui leur crèvent les yeux, ont disparu dans la version alsacienne.

— « 's KRITTERBARWELE» :. Barbe aux Herbes de Georges Grimm. Dans cette pièce, le SEIGNEUR DU CHÂTEAU épouse une jeune FEMME qu'il a

capturée dans la forêt. Cette FEMME est une SORCIÈRE qui sera jetée dans un puits pour avoir organisé un sabbat. Depuis lors, une malédiction pèse sur le château, et aucune femme ne peut y pénétrer. Le SEIGNEUR choisit son NEVEU comme successeur, mais le jeune HOMME tombe gravement malade. La jeune FILLE charitable descendra elle-même dans le puits, où elle vaincra la SORCIÈRE à l'aide du Rameau Sacré donné par la FÉE. Le conte s'achève le soir de Noël et le NEVEU épouse la jeune FILLE avec l'accord de son ONCLE.

— «D'R WOLF MIT'M WISSE DOOBE» :. Le Loup à la Patte Blanche de Ray­mond Buchert.

Ce conte présente une version intermédiaire entre les contes de la jeune FILLE aveugle et les autres contes dont l'héroïne est une jeune FILLE charitable : la jeune FILLE sauve son PÈRE, mais elle voit ; elle sauve aussi le PRINCE, mais celui-ci est un être de l'autre-monde qui n'épouse pas la jeune FILLE.

Le PÈRE est un PAYSAN cruel envers les animaux, et dans les contes, paysan pourrait signifier païen, comme l'origine du mot le suggère. Pour le punir, le ROI de la FORÊT change le PÈRE en pierre levée, Le PRINCE du Pays Merveilleux qui a été, lui aussi, cruel envers les animaux est changé en LOUP.

Les animaux tourmentés : l'ours et le loup, ont joué un rôle important dans la mythologie et la tradition populaire. Odin a pris l'apparence du loup et de l'ours, et ses guerriers étaient appelés «Berserkir» ou «Ulfhedhir», c'est-à-dire ceux qui vêtus d'une peau d'ours ou de loup, seront changés en ces animaux au cours des combats ( 2 0 ) . Ce thème a survécu dans les histoires de loup-garou. Au xv i i e siècle encore, des hommes ont non seulement été accusés de lycan-tropie, mais ils étaient eux-mêmes fermement convaincus de s'être changés en loup( 2 1 ) . Dans la pièce, le contexte païen du thème n'apparaît pas. Grâce à la pitié de la FILLETTE, le châtiment du LOUP est levé, et le PRINCE retourne au Pays Merveilleux. Le PÈRE est délivré, et comme dans les contes de la jeune FILLE aveugle, il est devenu bon. Le conte s'achève par la réunion de la famille restreinte autour du sapin illuminé.

— «DISCHEL DECK DICH» : Petite Table Dresse-Toi ( 2 2 ) de Fritz Stephan. Dans ce conte, le PÈRE est mort. Le deuil et la misère font perdre le sens de

(20) R. L. M. DEROLEZ, les Dieux et la Religion des Germains, p. 83, Payot, 1962. (21) O. HÔFFLER, O. C, p. 345. Notes d'un procès jugé en Livonie en 1691. (22) Cette pièce a été également jouée sous le titre 's FINNELE . La Petite Delphine. En dehors du motif de

«la petite table toujours servie», ce conte n'a aucun point commun avec celui de Grimm du même titre.

14 EVE CERF

la vie à la MÈRE. Un jour, elle révèle à sa FILLE que si l'on s'empare du bonnet d'un NAIN, celui-ci devient visible et qu'il exauce tous les désirs. De la sorte, la MÈRE incite sa FILLE à voir ce qui est caché, afin d'obtenir l'aide matérielle de l'au-de-là. Dans les autres contes, le voyage dans l'au-de-là avait pour but le rachat des fautes d'un tiers, et la jeune FILLE se gardait bien d'accepter quelque don que ce soit. Ici, la FILLETTE décide de demander aux NAINS une «petite table toujours servie». Faire le voyage dans l'autre-monde pour des raisons purement spirituelles correspond à un idéal religieux détaché de toute con­tingence matérielle. Au contraire, requérir l'aide de l'au-de-là pour résoudre des problèmes matériels, fût-ce pour des raisons altruistes, relève de la magie, et met la FILLETTE en danger de mort.

Le comportement de la MÈRE devant la mort, et son incitation à transgresser les tabous, font d'elle une MÈRE païenne. Au printemps, lorsqu'elle a enfin compris le message de Noël, elle renonce à «la petite table toujours ser­vie» ( 2 3 ) , et elle aide sa FILLE à guérir.

3. LES CONTES DE LA JEUNE FILLE CHARITABLE

QUI RETOURNE DANS L 'AU-DE-LÀ

Ces jeunes FILLES semblent être venues sur la terre pour souffrir. Après avoir accompli leur mission, elles retournent dans l'au-de-là. Dans deux des trois contes de cette catégorie, la jeune FILLE sauve un PRINCE et une PRIN­CESSE. Dans aucun autre conte, une jeune FILLE charitable ne rachète une autre jeune FILLE.

— « 's GOLDELE» : La Petite Etoile d'Or de Georges Baumann. La Saint-Martin est comme Noël une période de passage entre ce monde-ci

et l'au-de-là. Goldele, la PETITE ÉTOILE D ' O R , décide de venir sur la terre pour sauver une petite PRINCESSE triste. Le PÈRE de la jeune FILLE est sous l'emprise du CHEF des BRIGANDS, qui veut le tuer pour lui succéder, épouser sa FILLE contre son gré et lui succéder. Le ROI part pour la guerre, et nomme le BRIGAND, CHEF de I'ARMÉE. En allemand, le terme qui désigne l'armée «das Heer» ( 2 4 ) désigne aussi la Chasse Sauvage «das wilde Heer», et le BRIGAND apparaît ainsi comme un Chasseur Sauvage.

Avec l'aide du GARÇON de la FORÊT, la PETITE ÉTOILE D ' O R sauve la PRIN­CESSE, ramène le ROI au bien, et vainc le CHEF des BRIGANDS. La PRINCESSE choisit le GARÇON de la FORÊT comme époux ; il accédera au trône et sera un ROI juste.

(23) Cette table, devant laquelle on n'a plus jamais faim ou soif, est le symbole de la mort. (24) Différentes dénominations ont été employées pour désigner l'Armée Allemande moderne. Dans la

Wehrmacht de la Seconde Guerre Mondiale, das Heer désignait plus spécialement l'armée de terre.

16 EVE CERF

Ce conte présente trois versions du motif du Chasseur Sauvage :

Le BRIGAND hante la forêt, il s'adonne au pillage et au meurtre, et mourra foudroyé. Cette constellation de motifs correspond au mythe primitif du Chasseur Sauvage.

Le ROI offre une image dégradée du même motif. Il s'adonne à la chasse et à la guerre, mais ne réussit dans son entreprise qu'avec l'aide du BRIGAND. Le ROI est injuste ( 2 5 ) , faible et incapable de protéger sa FILLE ; mais finalement il est ramené au bien par la PETITE ÉTOILE D ' O R .

Le GARÇON de la FORÊT enfin, est un Chasseur Sauvage qui a renoncé au paganisme. Il quitte la forêt pour aider la PETITE ÉTOILE D ' O R dans son en­treprise, puis il épouse la PRINCESSE et rétablit la justice dans le royaume. Dans cette dernière version, le sens du motif est inversé : le chasseur n'est plus l'agent de la destruction et de la mort, mais celui de la vie, de la bonté et de la justice.

Pendant son séjour sur la terre, la Petite ÉTOILE D ' O R a subi de dures épreuves : elle a été prisonnière des BRIGANDS, puis elle a été accusée de sor­cellerie et jetée en prison. Le soir de Noël, sa mission sur terre est accomplie : la PRINCESSE est guérie, le ROI est devenu bon, la justice est rétablie. La PETITE ÉTOILE D ' O R retourne au ciel, loin de la méchanceté des hommes.

— «AM STERNSEE» •. Au Bord du Lac aux Etoiles de Nany Schleifer-Guttbub.

Cette pièce comporte, comme «La Petite Etoile d 'Or», le motif de l'étoile qui est ici associé à la FÉE du Lac ( 2 6 ) . Cette pièce met en scène deux héroïnes dont les PARENTS ont été tués par le Chasseur Furieux. L'une d'elle est une jeune FILLE charitable et pauvre. Elle vit au bord du lac avec son GRAND-PÈRE aveugle ( 2 7 ) . L'autre jeune FILLE est une jeune BARONNE ; elle a été changée en CHAT noir et sert fidèlement la SORCIÈRE dont elle est prisonnière. La nature de l'animal ( 2 8 ) et la soumission de la jeune FILLE montrent que la jeune BARONNE, comme les autres personnages ensorcelés des contes, n'a pas rompu tout lien avec le paganisme.

(25) Le motif du Roi injuste est repris dans Le Cor Magique et Le Chat-Chevalier. Dans les contes du Théâtre Alsacien, l'incapacité de rendre justice est toujours l'indice de l'incapacité de régner.

(26) La FÉE habite un palais de cristal, au fond du Lac aux Etoiles ; on croyait autrefois que le cristal de roche provenait d'une étoile tombée sur la terre, et qu'il possédait des vertus magiques. Handwôrterbuch des Deutschen Aberglaubens. Blitzstein, Bergkristall, t. I, p. 1422, Berlin et Leipzig, 1927.

(27) Ce conte reprend ainsi sous une forme atténuée, le motif du respect du tabou père/fille fondé sur la cécité.

(28) Le chat est l'animal favori de la déesse Freya. Dans la tradition populaire le motif du chat noir et celui de la sorcière sont étroitement associés.

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 17

Accompagnée par deux jeunes SEIGNEURS, dont l'un est le FIANCÉ de la BARONNE, la jeune FILLE charitable entreprend un premier voyage dans l'au-de-là pour arracher le CHAT à la SORCIÈRE. AU retour, le SEIGNEUR ZORN von FALKENSTEIN, dont le nom signifie Colère du Roc aux Faucons, poursuit la jeune FILLE pour l'épouser contre son gré. Comme dans «Sainte Odile», la jeune FILLE se réfugie dans l'au-de-là, et le Chasseur Furieux meurt.

Au fond du lac, dans le palais lumineux de la FÉE, le GRAND-PÈRE de la jeune FILLE charitable retrouve la vue, la jeune BARONNE reprend sa forme première, et délivre son FIANCÉ qui était resté prisonnier des forces mauvaises. Les PARENTS des deux jeunes SEIGNEURS rejoignent leurs FILS. L'un des jeunes SEIGNEURS épouse la jeune FILLE charitable, l'autre la jeune BARONNE. Tous les personnages du conte sont réunis dans l'autre monde d'où les méchants sont exclus.

— « ' 5 LORELE» •. La Petite Laure, de Charles Hincker. L'héroïne est une petite ORPHELINE dont les PARENTS, bateliers sur le Rhin,

ont été tués par le VALET-BRIGAND. Dans les anciens parlés germaniques, les termes de VALET et de BRIGAND avaient un sens héroïque et guerrier ( 2 9 ) qui les rattache au mythe de la Chasse Sauvage.

La FILLETTE se réfugie dans une famille paysanne qui reproduit la cons­tellation familiale des contes : la MÈRE est bonne, le PÈRE et ses deux FILS sont cruels.

Le soir de Noël, la FILLETTE s'enfuit dans la forêt. L'OURS et la FÉE HOLLE la conduisent au palais de la FÉE du R H I N . La FÉE admoneste les PAYSANS et change l'un des FILS en ÂNE. Elle couvre ensuite la FILLETTE d'or avant de la renvoyer sur la terre. La FÉE du RHIN attire les jeunes FILLES au fond de l'eau et les couvre d'or comme Frau Holle dans le conte de Grimm. Dans «La Petite Laure», ce personnage est dédoublé en FÉE HOLLE et en FÉE du R H I N .

Une dernière épreuve attend la FILLETTE : le VALET veut lui prendre son or et la tuer. Aveuglé par un rayon de soleil ( 3 0 ) , il tombe dans le Rhin et se noie ( 3 1 ) .

La FILLETTE retourne du fond du Rhin, dans le château de la FÉE. Grâce à son intervention, TOURS qui est un PRINCE de l'au-de-là puni, est délivré, et I'ÂNE retrouve sa forme première. Les PARENTS de la FILLETTE la rejoignent. Le conte s'achève dans la lumière et la sérénité : la FILLETTE est devenue une ON-DINE de la FÉE du R H I N .

(29) O. HÖFFLER, o. c. p. 244 et suivantes. (30) Le conte reprend ainsi le thème de la cécité comme châtiment de la transgression des tabous, qui se

trouve aussi dans Rose, la Petite Aveugle, dans la séquence du voyage dans l'au-de-là. (31) Les Prince Furieux qui ne sont pas sauvés par les jeunes FILLES charitables meurent foudroyés

(Sainte Odile. La Petite Etoile d'Or) ou noyés (Au Bord du Lac aux Etoiles, La Petite Laure).

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 19

«Sainte Odile» comportait une succession de voyages dans l'au-de-là, au cours desquels la jeune FILLE s'élevait spirituellement et se détachait progressivement de ce monde-ci. Après un dernier voyage dans l'au-de-là, O D I L E meurt à ce monde pour devenir une Sainte. Dès lors, elle ne changera plus. Elle pourrait encore apparaître aux humains, mais elle est devenue un être de l'au-de-là. Dans les contes «Au Bord du Lac aux Etoiles» et «La Petite Laure», les personnages ne reviennent pas du deuxième voyage dans l'au-de­là. La petite Laure devient, elle aussi, un personnage de l'autre-monde. Dans «Sainte Odile» et dans «La Petite Laure», le Théâtre Alsacien semble ainsi faire sienne la croyance orientale aux réincarnations successives jusqu'à l'état de perfection.

La PETITE ÉTOILE D ' O R est au contraire, un être de l'au-de-là venu sur la terre racheter les fautes des humains par ses souffrances, et la pièce transpose dans le langage du conte le thème de la réincarnation du Christ. Ce conte, qui semble différer par son origine de la Légende de Sainte Odile, conserve le motif de la jeune FILLE lumineuse. Ce motif pourrait être issu d'un ancien mythe solaire. En effet, la nuit du 13 Décembre, date de la fête de Sainte Odile ( 3 2 ) , était considérée comme la plus longue de l'année, et comme marquant un tournant dans la vie de la nature. Pendant les douze jours qui séparent cette nuit de celle de Noël, les morts reviennent parmi les vivants et s'associent aux générations nouvelles pour les fêtes du solstice d'hiver. Ainsi la Chasse Sauvage venue de l'au-de-là, aurait-elle été associée dès l'origine au thème de la lumière. Dans les contes, le Chasseur Furieux a gardé son aspect païen, il est devenu un pêcheur ou un Tentateur démoniaque ( 3 3 ) ; la jeune FILLE du Soleil est devenue une Sainte ( 3 4 ) .

(32) Ce jour est aussi celui de la fête de Sainte Lucie. «En Suède, la Sainte Lucie est une véritable fête de la lumière où la jeune fille de la maison, portant une longue chemise de nuit blanche et la couronne aux bougies allumées, doit faire le tour du foyer, et offrir à chacun une tasse de café et des petits pains aux formes curieuses, où l'on retrouve la forme du soleil» (C. G. RIURSTRÔM, Santa Lucia en Suède, Viking, Paris-Cherbourg, déc. 1955, p. 15).

Lucifer, qui incarne la version masculine et maléfique de ce thème était à l'origine l'étoile du matin. Ce motif est réinterprété dans un sens bénéfique dans La Petite Etoile d'Or,

(33) Le rôle du Tentateur est accentué dans les contes et les mystères où le tabou est transgressé : La Pauvre Petite Baronne, Sabina et la Mort.

(34) Le motif de la jeune FILLE lumineuse et charitable pourrait être issu du thème chrétien de la Vierge Marie. Cependant, l'histoire de la Vierge commence réellement au moment de la conception miraculeuse du Christ, et son rôle est celui de la MÈRE Douloureuse qui intercède en faveur des pêcheurs. Le rôle des jeunes FILLES charitables s'achève au contraire à l'adolescence, et elles rachètent elles-mêmes les fautes d'un tiers par leur souffrance. Sainte Odile est la seule dont la mission se poursuive à l'âge adulte, mais l'idée de maternité semble incompatible avec son personnage. Dans la Légende comme dans les contes, le thème de la Mater Dolorosa est illustré par les MÈRES de jeunes FILLES charitables.

20 EVE CERF

II. Le tabou transgressé

Alors que l'un des thèmes essentiels des contes de la jeune FILLE charitable est le respect de l'interdit, les contes sont ici fondés sur la transgression du tabou.

1. LES MYSTÈRES DE LA CATHÉDRALE

Les Mystères se déroulent dans la Cathédrale de Strasbourg ; ils mettent en scène des personnages réels ou légendaires qui ont participé à la construction de la Cathédrale. Alors que les contes merveilleux se situent hors du temps, les mystères se déroulent ainsi à une époque déterminée.

— «D'ZEHNERGLOCK» : La Cloche de Dix Heures de Ernest Fuchs. Comme dans les contes, la famille est constituée par le PÈRE, la MÈRE, la

jeune FILLE aveugle et le FILS. Le PÈRE est fondeur de cloches. Comme le forgeron, il possède la maîtrise des métaux et du feu. Ces connaissances sont transmises au cours des rites d'initiation des guildes, issues des sociétés secrètes masculines et guerrières ( 3 S ) . Par son métier, son caractère furieux et son peu de respect de la vie, le PÈRE est un Chasseur Furieux.

Alors que la Légende de Sainte Odile mettait l'accent sur les relations père/fille, «La Cloche de Dix Heures» est fondée sur le conflit père/fils et sur des attitudes extrêmes envers les colatéraux (un ancêtre de la famille a tué son FRÈRE). La jeune FILLE aveugle met la FIANCÉE du FRÈRE en garde contre la transgression des interdits, mais se révèle incapable d'empêcher le drame ( 3 6 ) . La FIANCÉE ne respecte pas les normes traditionnelles qui assignent à chaque génération et à chaque sexe un rôle particulier. Elle connaît en effet par son PÈRE ( 3 7 ) les secrets d'un métier dont les femmes sont exclues. Elle porte des vêtements masculins et s'est enfuie en compagnie de son FIANCÉ. Celui-ci la fait engager dans la fonderie de cloches de son PÈRE, sans révéler son identité. La confusion que la jeune FILLE introduit ainsi dans la vie professionnelle et familiale n'est pas sans rappeler le rôle perturbateur d'Œdipe, à la fois fils et mari d'une même femme, père et frère de ses enfants. Dans les deux cas, l'abolition des différences est intolérable, et le héros mourra.

L'ÉVÊQUE décide qu'une nouvelle cloche sera fondue. Le PÈRE charge son FILS de cette œuvre. Lorsque la fonte de la cloche est presque achevée, le plus

(35) Mircea ELIADE, Forgerons et Alchimistes, p. 109. Flammarion, 1956. (36) La pièce Au Bord du Lac aux Etoiles met également en scène deux jeunes FILLES. Mais dans le conte

la jeune FILLE charitable sauve la FIANCÉE qui avait, elle aussi, transgressé les tabous. (37) La communication des secrets entre père et fille peut être assimilée au non-respect du tabou

père/ fille.

T A B L E A U V I

Le voyage dans l'au-de-là des jeunes filles charitables

TITRE MÈRE

charitable FILLE

aveugle PÈRE furieux TABOU

respecté VOYAGE

dans l'au-de-là

RACHAT La FILLE

recouvre la vue

Le conte s'achève le soir de NOËL

MARIAGE RETOUR dans l'autre-monde

Sainte Odile douloureuse + + + + + du PÈRE + thème évoqué +

Rose, La Petite Aveugle

douloureuse + + + + + du PÈRE +

et du FRÈRE

+

Le Souhait de Noël

bonne pour sa fille

+ + + + + ? + +

Conte enchâssé bonne pour sa fille

+ + + +

Petite Table Dresse-Toi

en deuil + - mort - + maladie

très grave

- thème évoqué

Le Loup à la Patte Blanche

bonne pour sa fille

+ changé en pierre levée

+

+ P È R E

ensorcelé (pierre)

P R I N C E

ensorcelé (loup)

+ du PÈRE

et du PRINCE

+

te

Le Miracle de Noël

bonne pour sa fille

+ + P R I N C E

ensorcelé (vieux, fou)

+ du PRINCE

Furieux + +

Lise, La Petite Gardeuse d'Oies

morte + - mort P R I N C E

ensorcelé (oie)

+ du PRINCE

Furieux +

Barbe aux Herbes morte + B Û C H E R O N + P R I N C E

ensorcelé (malade)

+ du PRINCE

Furieux + +

La Pauvre Petite Baronne

morte + - mort + + +

Au Bord du Lac aux Etoiles la jeune FILLE pauvre

la petite BARONNE

morte

morte

+

-

mort G R A N D - P È R E

aveugle mort

+

B A R O N N E

ensorcelée (chat)

+

+

de la petite

BARONNE

du jeune SEIGNEUR

+

+

+

+

La Petite Laure morte + mort + du + +

P R I N C E

ensorcelé (ours)

P A Y S A N

ensorcelé (âne)

PAYSAN

des PARENTS

de la FILLETTE

La Petite Etoile d'Or

+ venue de l'au-de-là

sur la terre

de la PRINCESSE

et du ROI

+ +

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 21

vieux COMPAGNON tente de précipiter la FIANCÉE dans le métal en fusion. Le mystère reprend ainsi un rite magique qui exige un sacrifice humain pour «animer» une œuvre parfaite ( 3 8 ) .

Malgré la création de la Cloche Merveilleuse, la pièce s'achève dans la désolation : le jeune FONDEUR est parti pour toujours, la FIANCÉE est morte et la jeune FILLE aveugle ne retrouve pas la vue.

— « D'WUNDERROS» : La Rose Merveilleuse de Georges Baumann. Cette pièce raconte l'histoire légendaire de la construction de la Cathédrale.

Après s'être concilié les anciens dieux de la terre, les hommes entreprennent l'édification de la Cathédrale. Lorsqu'il a terminé les plans de la façade, MAÎTRE E R W I N autorise une jeune FILLE noble à les voir. La transgression du tabou de la vue est constitué ici par le non-respect de l'interdiction pour les femmes de pénétrer dans la loge des tailleurs de pierres ( 3 9 ) . Une PRINCESSE du Pays Merveilleux demande à être jetée dans le verre incandescent des vitraux, et devient la Rosace de la Cathédrale.

La Cloche de Dix Heures et la Rosace de la Cathédrale sont des objets mer­veilleux «animés» par la vie d'une jeune FILLE. Si le sacrifice d'une être humain donne un accent désespéré à la Cloche, la Rose Merveilleuse est au contraire une jeune FILLE de l'autre-monde. Sa transmutation témoigne de la présence de l'au-de-là parmi les humains.

— «SABINA UN D'R TOD» : Sabine et la Mort, une danse macabre de Claus Rheinbold.

Cette pièce met en scène MAÎTRE E R W I N et sa FILLE SABINE ( 4 0 ) . Le PÈRE soupçonne la jeune FILLE de ressembler à sa MÈRE, une FEMME épousée autrefois en Palestine ( 4 1 ) .

L'édification de la Cathédrale est interrompue faute d'argent. Un vieux COM­PAGNON ( 4 2 ) incite le CHEVALIER et le TAILLEUR de PIERRE à pénétrer dans la crypte de la cathédrale pour y chercher un trésor. Celui qui le trouverait, épouserait la jeune FILLE, et permettrait à MAÎTRE E R W I N de poursuivre son œuvre. La jeune FILLE, qui aime le TAILLEUR de PIERRE, le suit dans le souterrain, dont personne ne reviendra. La mort a fait son œuvre ; le vieux

( 3 8 ) Mircea ELIADE, O. t , p. 6 6 - 6 7 .

( 3 9 ) Ce motif reprend l'interdiction pour les femmes de pénétrer dans la fonderie de La Cloche de Dix Heures.

(40) Ces personnages ont vécu à deux siècles de distance et n'avaient aucun lien de parenté. La tradition populaire en a fait un PÈRE et sa FILLE.

(41) Le motif de la FEMME probablement païenne, dangeureuse par nature, est repris dans Mystère de la Cathédrale.

(42) Un personnage analogue figurait aussi dans La Cloche de Dix Heures.

22 EVE CERF

COMPAGNON exulte. La Danse Macabre dont les personnages s'entraînent l'un l'autre dans la mort, pourrait avoir son origine dans la Chasse Sauvage. La danse macabre, comme la Chasse Sauvage, est composée d'âmes errantes. Toutes deux comportent des hommes en armes et des membres des différentes corporations ( 4 3 ) . En 1508, Geiler de Kaisersberg ( 4 4 ) décrit la Chasse Sauvage, «das Wùtente Heer», comme une danse macabre : «ceux qui meurent avant la date fixée, doivent revenir après leur mort ... Ils courent ... durant les périodes précédant Noël ... Et chacun revient dans son habit : le paysan en paysan, le chevalier en chevalier ... comme reliés par une corde».

— «MUENSTERSPIEL» Mystère de la Cathédrale, de Claus Rheinbold. Le héros de ce mystère est un jeune HOMME aveugle auquel le DIABLE fait

don de la vue. Le premier spectacle qui s'offre à lui est celui d'un couple de nouveaux mariés : le MARI est l'architecte de la Cathédrale, MAÎTRE JEAN H U L T Z , la FEMME est très jeune. Une connivence s'établit immédiatement entre elle et le jeune HOMME. Le MARI, qui par son âge pourrait être son PÈRE, ap­paraît au jeune HOMME comme un intrus. Dans ce contexte, la vision du couple sortant de la Cathédrale constitue la violation d'un interdit et une incitation au meurtre ( 4 S ) .

Par sa nature même, cette jeune FEMME que le DIABLE a permis de voir, met en danger le salut d'autrui, et rappelle le personnage d'Eve des prologues des mystères du Moyen-Âge. Dans ces représentations «La Chute d'Adam et d'Eve» précédait «La Rédemption du Christ». Le «Mystère de la Cathédrale» associe ces deux thèmes : la jeune FEMME apporte la perdition et meurt sans espoir de rachat, tandis que le jeune HOMME qui a vu ( 4 6 ) le Christ, connaît la rédemption après la chute.

Dans les Mystères de la Cathédrale, à l'opposé des contes de la jeune FILLE charitable, les anciens dieux ne sont pas entièrement vaincus. Tapis dans l'om­bre de la Cathédrale, ils survivent dans les guildes des tailleurs de pierres et des fondeurs de cloches.

2. LE RACHAT APRÈS LA TRANSGRESSION DE L'INTERDIT

— « 's LUMPEPRINZESSEL» : La Petite PRINCESSE en Guenilles, de Nany Schleifer-Guttbub.

(43) O. HÔFFLER, o. e, p. 296.

(44) Cité par J. G. BARTH, L'âme alsacienne face au problème de la mort, p. 333. Mémoire présenté en vue de l'obtention du grade de Licencié en Théologie, Strasbourg, 1967.

(45) Au meurtre du PÈRE, si l'on compare la pièce avec le mythe d'Œdipe. (46) Au cours d'un voyage dans l'au-de-là, la DIABLE demande au jeune HOMME de faire un vœu : il for­

mule le désir de voir le Christ en croix. Son vœu est exaucé et le DIABLE disparaît.

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 23

Ce conte reprend le thème de La Légende de Sainte Odile en inversant le sens des motifs. Le DUC et la DUCHESSE d'Alsace ont une FILLE. Celle-ci voit et cède aux tentations du PRINCE WUNDERFITZ , dont le nom signifie «Curiosi­té Malsaine». Au cours du voyage dans l'au-de-là, la FILLETTE apprend à respecter le tabou de la vue et rachète ses fautes. Elle retrouve ses PARENTS le soir de Noël, et la FÉE bénit toute la famille réunie autour du sapin illuminé.

3. LES CONTES DU JEUNE GARÇON INTRÉPIDE

Prince ou Manant, le GARÇON délivre la PRINCESSE, et le conte s'achève par un mariage. L'accent est mis sur le voyage dans l'au-de-là du GARÇON et non sur la transgression de l'interdit que la jeune FILLE commet par curiosité ou puérilité.

— «KINNJ WUETASS» : Le Roi Furieux de Ernest Fuchs. Cette pièce se déroule au solstice d'été, pendant la nuit de la Saint-Jean. En

cette période, comme au solstice d'hiver, ce monde-ci et l'au-de-là com­muniquent.

Deux Rois Furieux sont aux prises : un ROI mythologique et un ROI humain. Après avoir hanté la forêt toute la nuit, le second capture une petite ELFE ( 4 7 ) , FILLE du ROI de l'au-de-là. Devant son obstination à ne pas la relâcher, le ROI de l'autre-monde s'empare de la FILLE du ROI humain ( 4 8 ) . La petite ELFE in­dique au GARÇON de la FORÊT comment pénétrer dans l'autre-monde et délivrer la PRINCESSE. Le GARÇON triomphe des épreuves et le ROI de l'au-de-là lui rend la PRINCESSE. La petite ELFE meurt. Le GARÇON et la PRINCESSE retournent auprès du ROI qui propose au GARÇON de lui succéder. Celui-ci refuse et les jeunes gens décident de vivre dans une petite hutte de la forêt. Le ROI promet d'être un roi juste.

Dans ce conte, comme dans «La Petite Etoile d 'Or», une FILLE de l'au-de-là aide le GARÇON de la FORÊT à délivrer la PRINCESSE, et meurt ensuite de chagrin (ou retourne dans l'autre-monde). «La Petite Etoile d'Or» mettait l'accent sur la bonté et l'abnégation de la jeune FILLE. Dans «Le Roi Furieux», le GARÇON est le héros de la pièce.

— «D'R KUECHEHÀNSEL» •. Jeannot le GOURMAND de Fritz Stéphan. Les héros de ce conte sont un GARÇON gourmand et une FILLETTE trop

curieuse. La transgression du tabou de la gourmandise conduit le GARÇON à

(47) En alsacien, les Elfes sont des êtres féminins. (48) Le motif du Chasseur Furieux poursuivant une jeune FILLE a été analysé dans un paragraphe

antérieur : La Légende de Sainte Odile et le Mythe de La Chasse Sauvage.

24 EVE CERF

commettre des actes de plus en plus graves : il commence par chiper des gâteaux, et finit par vouloir manger sa MÈRE. Pas plus qu'Œdipe retournant à Thèbes, le GARÇON ne reconnaît sa MÈRE, changée en bonne femme de pain d'épices par I'HOMME de la FORÊT, WUTZIBUTZ. Dans le conte, la nourriture est assimilée à la sexualité, et la défense de manger des gâteaux signifie l'interdit de l'inceste. La FÉE intervient à temps, et le GARÇON apprend à respecter le tabou. La FILLETTE, au contraire, ne cesse de transgresser l'interdit de la vue. Le GARÇON la délivre à plusieurs reprises de l'emprise de I'HOMME de la FORÊT qu'il anéantira définitivement.

Des contes de Ferdinand Bastian, tels q u e : «PRINZESSEL EIJESINN» (La Princesse Sauvage (*')), «PRINZESS FLEURETTE» (La Princesse Fleurette), «D 'R HOFFNARR H E I L D I D E L D U M » (Le Fou de Cour Heildideldum) et «'s ZAUBERHORN» (Le Cor Magique) reprennent le thème du jeune GARÇON intrépide qui délivre une PRINCESSE puérile ou trop curieuse, qu'il épousera par la suite.

— «D'R KATZEMIGGER» : Le Chat-Chevalier ( 5 0 ) de Ernest Fuchs. Cette pièce est une version alsacienne du Chat Botté. Le héros est un CADET

démuni, alors que ses FRÈRES ont hérité d'un moulin. Il adopte un CHAT malade qui lui permet de s'introduire à la cour. Alors que le ROI et la REINE du conte de Perrault sont des personnages peu caractérisés, le ROI est ici un per­sonnage grotesque, incapable de rendre justice et d'une incroyable gour­mandise ( 5 1 ) .

L'incapacité de rendre justice est perçue comme la violation d'un tabou protégeant l'intégrité du groupe, et la gourmandise est assimilée à la trans­gression d'un tabou sexuel. Les rois qui ne respectent pas les interdits sont in­dignes de régner ( 5 2 ) . Un GARÇON de la FORÊT leur succède et rétablit l'intégrité du pouvoir. Dans ces contes, à l'opposé des contes de la jeune FILLE charitable, I'HOMME de la FORÊT est le garant du droit et du respect des tabous.

La REINE tricote sans cesse des «pull-overs» que personne ne met jamais. Cette étrange activité rappelle celle de Berthe la fileuse, avatar de la déesse Perchta qui préside au destin des humains. Elle se manifeste dans les contes du Théâtre Alsacien sous l'aspect de la FÉE HOLLE ou de la FÉE du R H I N .

(49) Le caractère violent de la PRINCESSE explique cette traduction du titre. (50) La traduction du titre est de l'auteur de la pièce. Celle-ci a aussi été jouée sous le titre : Dr Gstiffell

Katzeroller : Le Chat Botté. (51) Sur le symbolisme sexuel de la nourriture voir plus haut l'analyse de Jeannot Le Gourmand. (52) Par exemple dans Le Cor Magique. Le Roi Furieux. Princesse Fleurette. Le Fou de Cour Heildidel­

dum. Tous ces ROIS sont PÈRE d'une FILLE.

T A B L E A U V I I

Prince ou Manant, le jeune garçon sauve la princesse et régénère le pouvoir royal

FILLE GARÇON GARÇON et FILLE

TITRE PÈRE

ROI

MÈRE FILLE

PRINCESSE

Tabou PÈRE MÈRE Fus intrépide

Tabou Voyage dans l'au-de-là

Le GARÇON délivre Mariage la FILLE

Le GARÇON succède au ROI, PÈRE de la PRINCESSE

La Princesse Sauvage mort faible sauvage curieuse infantile

T Roi SYLVAIN

bohémien • PRINCE

R + + + +

Le Fou de Cour Heildideldum

faible gourmand

faible difficile

infantile fou de cour • PRINCE

+ + + +

Princesse Fleurette faible boiteux

gourmand

morte infantile PARRAIN:

La MORT

berger • PRINCE

+ + + +

Jeannot le Gourmand adore sa FILLE

curieuse T FORESTIER habite la forêt faible

adore son FILS

gourmand de la forêt

o pauvre

T apprend à

le respecter

+ + +

Le Cor Magique faible boiteux aime sa

FILLE

morte curieuse T FORESTIER habite la forêt turbulente adore son

FILS

de la forêt o pauvre

+ + + POUVOIR régénéré grâce au jeune

GARÇON

Le Roi Furieux Chasseur Furieux adore

sa FILLE

morte FORESTIER

mort habitait la

forêt morte

de la forêt

o pauvre

R + + + succession proposée refusée par le GARÇON

POUVOIR régénéré

Le Chat-Chevalier faible gourmand

toquée infantile o pauvre + + +

La Petite Etoile d'Or (la PRINCESSE)

faible morte triste Petite MÈRE des

Bois

de la forêt

o pauvre

+ + + +

Le Violon Merveilleux FÉE FORESTIER

mort GRAND-PÈRE

sénile

turbulente habite la

forêt

de la forêt

o pauvre

+ la FÉE la FÉE renon­ce à ses dons

+

établissement d'un ordre différent

le GARÇON devient MAIRE

de son village

T = Transgressé R = Respecté

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 25

Après l'épisode de la noyade simulée du CADET, le CHAT se rend au château du MAGICIEN BUTZIWAGEL (" ) . Il triomphe du MAGICIEN et remet le château au CADET. Le ROI accorde la main de sa FILLE au jeune HOMME et le désigne comme son successeur.

Le soir de Noël, le CHAT est devenu le CHEVALIER du Pays Merveilleux ; il bénit l'assemblée réunie autour du sapin et disparaît dans une aura de lumière. Les contes de la jeune FILLE charitable associaient aussi les motifs de Noël et de la lumière. L'un de ces contes, «Le Loup à la Patte Blanche» comporte, comme «Le Chat-Chevalier», un PRINCE de l'au-de-là changé en animal qui retrouve sa forme première le soir de Noël.

Au Théâtre Alsacien, les animaux ne sont jamais ce qu'ils semblent être : sous leur apparence se cache une âme en peine ( 5 4 ) ou un personnage de l'au-de-là. Par leur bonté, les humains peuvent racheter les fautes des âmes errantes ou obtenir l'aide de l'au-de-là.

— « D'WUNDERGEJ» -. Le Violon Merveilleux de Ferdinand Bastian. Le héros de ce conte, comme celui du Chat-Chevalier est un FILS CADET. AU

moment de sa naissance, son PÈRE meurt et ses trois FRÈRES aînés s'en vont. La famille comprend alors, la MÈRE, un GRAND-PÈRE sénile et le CADET. Ce dernier rapporte de la forêt des feuilles destinées à être fumées, qui rendent l'acuité visuelle et la lucidité au GRAND-PÈRE ; le GARÇON lui offre aussi un bâton qui lui rendra ses forces d'autrefois. Dans ce conte, le conflit père/fils est oblitéré par le départ des hommes adultes à la naissance du CADET, et par le fait que le GRAND-PÈRE (qui est une image atténuée du PÈRE) tient sa puissance de la main du FILS. Ce thème est interprété une seconde fois dans la séquence où le CADET délivre le ROI et ses MINISTRES (qui sont aussi les FRÈRES du CADET) du pouvoir du MAÎTRE de la MONTAGNE, PATTE d'OURS.

Par la suite, le CADET regroupera les habitants de la forêt en un village prospère où chacun aura une jolie petite maison entourée d'un jardin. Le CADET sera le maire de ce village. «Le Violon Merveilleux» montre ainsi, dans le langage du conte, le passage sans conflit d'une société patriarcale fondée sur la chasse et la cueillette dans la forêt, à un mode de vie où la population est regroupée en villages et tire ses ressources de l'agriculture. Dans ces villages, le pouvoir de décision appartient à la génération des fils.

(53) Le nom de BUTZIWAGEL comme ceux du BUTZEKENI du Miracle de Noël et de I'HOMME de la FORÊT, WUTZIBUTZ de Jeannol le Gourmand contiennent le terme «butze», qui désigne le pillage. Tous ces per­sonnages régnent sur la forêt ou la montagne, symbole de l'au-de-là, et sont des Chasseurs Furieux.

(54) Dans Le Loup à la Patte Blanche, deux PAYSANS cruels envers les animaux prennent, l'un la forme d'un CRAPAUD, l'autre celle d'un LOUP.

26 EVE CERF

Dans le Mythe d'Œdipe, comme dans la Légende de Sainte Odile, la coexistence du PÈRE et du FILS conduit au meurtre de l'un des deux protagonistes. Le conte, dans lequel le FILS rend une part de sa puissance au PÈRE démystifié, offre une solution non-passionnelle du conflit père/ fils. Bien que le conte ne soit pas une description de la vie rurale, ce motif est révélateur d'une mentalité qui se retrouve dans les traditions alsaciennes ( 5 5 ) .

Dans «Le Violon Merveilleux», comme dans les autres contes dont le héros est un jeune GARÇON, le CADET triomphe du Chasseur Furieux. Ce dernier, nommé PATTE d ' o u R S , prend ici l'aspect d'un géant vêtu d'une peau d'ours comme les guerriers d'Odin.

Au cours du voyage dans l'au-de-là, le CADET délivre la FÉE ROSMARINKEL. Le romarin, dont la FÉE porte le nom, est symbole de virginité dans la tradition populaire; les jeunes mariées en portent une couronne qu'elles brûlent elles-mêmes le soir de leur noces ( " ) . Le romarin, qu'on jette dans les tombes et dont les crucifix sont parfois ornés, est également associé à la mort et à la re/naissance (" ) . Dans les autres contes, la constellation des motifs du romarin: virginité, mort et re/naissance, est associée à la jeune FILLE charitable. Dans «Le Violon Merveilleux», la FÉE annonce qu'en retirant sa couronne (comme le font les jeunes mariées), elle ne sera plus une FÉE. Cette séquence semble indiquer que les jeunes FILLES peuvent devenir des FÉES dans un contexte païen, et des SAINTES dans un contexte chrétien ( 5 8 ) . En se mariant, elles perdent ces facultés, et deviennent de simples jeunes femmes.

Le conte «Le Violon Merveilleux» est caractérisé par le renoncement au merveilleux. PATTE d ' o u R S et ses alliés disparaissent définitivement ; le puits, porte de communication avec l'au-de-là, s'est refermé sans laisser de trace, la FÉE est devenue une jeune femme comme les autres. Le vieux ROI, qui fait quelques pas sur la route en compagnie du CADET, rappelle les mythes anciens. Mais le temps des FÉES est passé ; voici venir le temps de «Herr Maire» ( 5 9 ) .

(55) C'est ainsi que dans le Kochersberg, le père, encore dans la force de l'âge, confie la direction de la ferme à celui des fils qui paraît le plus apte à assumer cette tâche. Les autres fils s'en vont, comme dans le conte, ou restent à la ferme comme ouvriers agricoles. Le père participe lui aussi aux travaux agricoles.

(56) J. G. BARTH, O. C, p. 139.

(57) J. G. BARTH, O. C, p. 119.

(58) Les contes des jeunes FILLES charitables qui se terminent dans l'au-de-là confirment cette in­terprétation.

(59) Pour les pièces dont Monsieur le Maire est le héros cf. : Le Théâtre Alsacien de Strasbourg, miroir d'une société (1898-1939), E. CERF, Saisons d'Alsace, n" 43, Strasbourg, 1972. Les relations père/fille jouent un rôle essentiel dans ces pièces.

LES CONTES MERVEILLEUX DU THÉÂTRE ALSACIEN 27

Conclusion

Au Théâtre Alsacien, le merveilleux est constitué par la communication avec l'au-de-là situé dans l'espace sidéral, la forêt ou le monde souterrain, et la mort fait partie de la vie.

Les contes merveilleux du Théâtre Alsacien véhiculent des mythes anciens fondés sur la mort, la re/ naissance et la succession des générations. La peur de la nuit et de la mort se traduit par la Chasse Sauvage, qui s'abat sur le monde pour exiger son tribut de vies humaines ( 6 0 ) . Inversement, la re/naissance du soleil au solstice d'hiver a fait naître l'espoir d'une re/ naissance après la mort.

Dans les contes, les mythes ont été fragmentés, altérés et parfois déviés de leur sens originel. Les thèmes anciens ont essentiellement connu deux in­terprétations : celle de «Sainte Odile» (et des contes de la jeune FILLE charitable), et celle du jeune GARÇON intrépide.

Dans les contes du jeune GARÇON, le Chasseur Furieux est, comme dans le mythe, un être de l'au-de-là qui entraîne les vivants dans son cortège macabre. Il est définitivement vaincu par la GARÇON de la FORÊT qui a renoncé au paganisme pour servir la Vie, la Justice et le Bien. Le GARÇON de la FORÊT est lui-même une réinterprétation du motif du Chasseur Sauvage fondée sur des valeurs inverses de celles du mythe initial.

Le mystère «Sainte Odile» et les contes de la jeune FILLE charitable, à l'op­posé des contes du GARÇON intrépide, ne modifient pas profondément le motif de la Chasse Sauvage. Dans ces pièces, le Chasseur Sauvage est racheté par la jeune FILLE charitable ou perdu à tout jamais. Le Chasseur Furieux est éton­namment proche des jeunes FILLES : il s'incarne dans leur PÈRE, leur FRÈRE OU leur futur ÉPOUX.

Ces pièces font revivre la rupture avec le paganisme et le choix du christianisme. Elles constituent aussi une mise en garde : que le message trans­mis par Sainte Odile soit oublié ou dévié de son sens originel, et la Chasse Sauvage surgit de la Forêt Primitive pour mettre le monde à feu et à sang.

La Légende de Sainte Odile et les Contes Merveilleux ont toujours ap­partenu à la tradition orale et populaire. Ils étaient racontés aux veillées et joués pendant la période de Noël. A l'époque romantique et au début de l'ère industrielle, qui ébranla les structures traditionnelles, ces contes furent recueillis et publiés ( 6 1 ) . Les auteurs du Théâtre Alsacien les ont rendu à la littérature orale et populaire ( " ) .

(60) Des sacrifices humains, en particulier des sacrifices de prisonniers de guerre auraient été offerts à Odin-Wotan, R. L. M. DEROLEZ, O. C, p. 70.

(61) Essentiellement par Auguste STÔBER ; Die Sagen des Elsasses, éd. Scheitlin, St. Gall, 1852. (62) Chacune des pièces du Théâtre Alsacien constitue une œuvre originale, mais comporte néanmoins

une structure et des motifs caractéristiques des contes populaires alsaciens.

28 EVE CERF

De nos jours, dans un monde où les communications de masse donnent à tous une culture uniforme et «globale», les Contes Merveilleux du Théâtre Alsacien de Strasbourg constituent un retour aux sources. Ces contes ne sont pas une histoire de l'Alsace. Ils rapportent l'événement et le bouleversement des mœurs tels que l'âme populaire les a vécus ; ils transmettent l'image qu'elle en a élaborée au cours du temps.

LISTE DES PIÈCES CONSTITUANT LE CORPUS ÉTUDIÉ

Ordre chronologique

de création

Titre et Auteur Nombre de représentations

de 1 8 9 8 à 1 9 7 4

8 2 PKINZESS FLEURETTE : Princesse Fleurette de Ferdinand Bastian Un conte merveilleux

2 5

8 5 D I S C H E L DECK DICH : Petite Table Dresse-Toi ou 's F I N -NELE, La Petite Delphine de Fritz Stephan Un conte merveilleux pour l'hiver et le printemps

1 6

8 6 SABINA UN D ' R TOD : Sabine et la Mort de Claus Rhein-bold Une danse macabre

6

8 7 SAINTE O D I L E de Ferdinand Bastian Un mystère

3

9 1 K I N N J W U E T A S S : Le Roi Furieux de Ernest Fuchs Un conte merveilleux

5

9 4 D ' W U N D E R G E J : Le Violon Merveilleux de Ferdinand Bastian Un conte merveilleux

1 8

9 8 's G O L D E L E : La Petite Etoile d 'Or de Georges Baumann Un conte merveilleux

5 0

1 1 2 's BLIND REESEL : Rose, La Petite Aveugle de Georges Baumann Un conte merveilleux

1 9

1 1 6 D ' R K A T Z E M I G G E R : Le Chat-Cheval ier ou D ' R GSTIFFELT

KATZEROLLER : Le Chat Botté de Ernest Fuchs Un conte merveilleux

1 9

1 2 1 PRINZESSEL EIJESINN : La Princesse Sauvage de Ferdinand Bastian Un conte merveilleux

1 1

1 2 3 's LORELE : La Petite Laure de Charles Kincker Un conte du Rhin

1 1

1 2 9 D ' W I H N A C H T S W U N D E R : Le Miracle de Noël de Georges Baumann Un conte merveilleux

4 4

30 EVE CERF

1 3 3 D ' Z E H N E R G L O C K : La Cloche de Dix Heures de Ernest Fuchs Une histoire du vieux Strasbourg

7

1 4 1 's GANSELIESEL : Lise, La Petite Gardeuse d 'Oies de Georges Baumann Un conte merveilleux

3 8

1 4 5 's ZAUBERHORN : Le Cor Magique de Ferdinand Bastian Un conte merveilleux

1 3

1 5 1 's K U E C H E H À N S E L : Jeannot , Le Gourmand de Fritz Stephan Un conte merveilleux

1 6

1 5 7 D ' R HOFNARR H E I L D I D E L D U M : Le Fou de Cour Heildidel-dum de Ferdinand Bastian Un conte merveilleux

1 5

1 7 2 's KRITTERBÀRWELE : Barbe aux Herbes de Georges Gr imm (Riss) Un conte de Noël des Vosges

1 5

1 7 6 MÙENSTERSPIEL : Mystère de la Cathédrale de Claus Rheinbold Un mystère

1 1

1 7 9 D ' R W I H N A C H T S W U N S C H : Le Souhait de Noël de Frédéric Bertran Un conte merveilleux

2 7

1 8 6 's LUMPEPRINZESSEL : La Petite Princesse en Guenilles de Nany Schleifer-Guttbub Un conte merveilleux

2 2

2 0 0 AM STERNSEE : Au Bord du Lac aux Etoiles de Nany Schleifer-Guttbub Un conte merveilleux

9

2 1 7 's ARM BARONNESSEL : La Pauvre Petite Baronne de Joseph Holtenbach Un conte merveilleux

9

Non encore enregistré 1™ repré­sentation 1 9 7 3 - 7 4

D ' R W O L F MIT'M WISSE DOOBE : Le Loup à la Patte Blan­

che de Raymond Buchert Un conte merveilleux

9