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Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH savoirs, vulnérabilités, risques et soins

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Les Chinois d’Île-de-France

et l’infection à VIH

savoirs, vulnérabilités, risques et soins

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Les Chinoisd’Île-de-France

etl’infection à VIH

Savoirs, vulnérabilités, risques et soins

Décembre 2003

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3Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

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3Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

Cette étude a bénéficié des conseils de :

Laetitia Atlani dont les compétences tant en ethnologie qu’en expertise de lutte contre le sida nous ont été précieuses ;

Janine Pierret, sociologue, directeur de recherches au CNRS, exerçant au sein du Cermes (CNRS-Inserm-EHESS) qui a eu la gentillesse de nous offrir ses éclairages et son temps pour nous aider à structurer cette recherche.

Elle n’aurait pu se faire en des temps aussi courts sans les efforts et l’implication des professionnels et des militants. Ils ont su trouver le temps pour répondre à nos questions, nous ont ouvert les portes de leurs structures, permis d’accéder à leurs données et de nous entretenir avec les Chinois ayant recours à leurs services.

Sans pouvoir les citer tous nommément, nous espé-rons qu’ils le comprendront, nous voudrions saluer l’aide apportée par :

les intervenants et responsables du programme d’échange de seringues et du Bus méthadone de Médecins du Monde, de l’association Boréal et du PAMS (programme d’accès au matériel d’injection stérile) de Médecins sans frontières ;

les responsables de la prévention de l’Amicale du Nid, du Bus des femmes et d’Aides ;

les médecins et les attachés de recherche clinique des services de médecine interne ;

les équipes de coordination et d’information auprès des malades usagers de drogues de l’Assistance-publique/hôpitaux-de-Paris ;

les sages-femmes et médecins de PMI, de maternité, de centres de santé ou de CDAG de Seine-Saint-Denis, de Paris et du Val-d’Oise ainsi que leurs interprètes ;

les militants et administrateurs de Fant’Asia et du Long Yang Club ;

et, bien sûr et surtout, les Chinois qui ont accepté de s’entretenir avec nous sur un sujet aussi sensible.

Étude initiée par Arcat et réalisée en 2002 par Chloé Cattelain et Sébastien Ngugen.Coordination : Christine Etchepare et Te-Wei LinSecrétariat d’édition : Sylvie CohenMaquette et diffusion : PresscodeFinancement : Cramif

Remerciements

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4 Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat 5Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

INTRODUCTION 6

Une étude limitée aux Chinois originaires de Chine Populaire 6

Méthodologie et récolte des données 6

1. LE BAGAGE DES MIGRANTS CHINOIS : MAIGRE EN INFORMATION, LOURD EN CRAINTES ET PRÉJUGÉS 81.1. Ampleur de l’épidémie et principaux modes de contamination en Chine 8

1.2. Une réponse idéologique à l’épidémie 91.2.1. Un corpus général de lois : entre volontarisme et répression 91.2.2. Manque de prise de conscience gouvernementale et société civile bâillonnée 101.2.3. La peur et la discrimination comme obstacles à la prévention 111.2.4. Les limites du diagnostic et de la prise en charge 12

1.3. Des migrants exposés ? 131.3.1. Les Chinois du sud du Zhejiang 131.3.2. Les Dongbei ou Chinois du Nord et des mégalopoles 15

2. LES VULNÉRABILITÉS EN CONTEXTE DE MIGRATION 162.1. Légalité, logement, emploi et remboursement de la dette : des soucis plus pressants 16

2.1.1. Remboursement de la dette et légalité 162.1.2. Emploi et logement : dépendance envers la communauté 17

2.2. Des comportements sexuels modifiés par la migration ? 172.2.1. Statut familial et situation dans le cycle de vie 182.2.2. Le tabou de la sexualité 182.2.3. La difficulté à maîtriser la contraception 192.2.4. Perception des risques et connaissance des IST 19

2.3. Organisation communautaire : monopole de l’information et déficience de l’intégration 202.3.1. Des intermédiaires exerçant un monopole de l’information 202.3.2. Les petites annonces des interprètes chinois 212.3.3. Brève typologie des intermédiaires 212.3.4. Des associations et leaders peu concernés 22

3. POPULATIONS PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES : QUELLE CONNAISSANCE DU VIH ? 243.1. Les prostituées 24

3.1.1. Des « mères de famille conservatrices » 243.1.2. Santé, protection et connaissance du VIH 26

3.2. Usagers de drogue 273.2.1. La collecte des données 273.2.2. Une « carrière » originale ? 273.2.3. Mortalité et sida 28

3.3. Les homosexuels 293.3.1. Une communauté homosexuelle à Paris ? 293.3.2. Tabou et stigmate 293.3.3. Une population vulnérable ? 29

Sommaire

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4. ACCÈS AUX SOINS, SOINS ET DÉPISTAGE 314.1. Itinéraires thérapeutiques 31

4.1.1. De l’articulation de la médecine clinique avec la médecine traditionnelle 314.1.2. Les tradi-praticiens 314.1.3. Le médecin sinophone : un interlocuteur idéal ? 324.1.4. Les « pharmaciens » chinois 324.1.5. La rareté des suivis en médecine de ville 33

4.2. Freins à l’accès aux soins 334.2.1. Une relation malade/médecin sans compréhension réciproque 334.2.2. Le discours des malades chinois 34

4.3. Conséquences sur le dépistage et la prévention 364.3.1. Les dépistages prescrits ou obligatoires 364.3.2. Les dépistages volontaires 364.3.3. Les prises en charge hospitalières des Chinois infectés par le VIH 36

5. PROPOSITIONS 375.1. Outils et méthodologie : analyse de l’existant 37

5.1.1. Documents recensés : liste non exhaustive 375.1.2. Les critiques constructives recueillies 37

5.2. Propositions 385.2.1. Adapter les programmes et les outils 385.2.2. Travailler avec les relais et leaders 385.2.3. Élargir le champ des interventions, des brochures 39

6. CONCLUSION 40

7. ANNEXES 417.1. Bibliographie 41

7.1.1. La migration chinoise en Europe 417.1.2. Chinois de France et santé 417.1.3. Santé, VIH et Chinois de Chine 427.1.4. Sociologie 427.1.5. Anthropologie 427.1.6. Usages de drogues 427.1.7. Articles et ouvrages sur la Chine 43

7.2. Tableaux 43Tableau 1 : répartition hospitalière des suivis ECIMUD usagers de drogues chinois 43Tableau 2 : répartition des suivis hospitaliers de Chinois infectés par le VIH en Île-de-France 43Tableau 3 : usagers de drogues chinois sous méthadone à Médecins du monde 44

7.3. Dépliant 45Mieux connaître l’infection par le VIH/sida d’Arcat 45

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Une étude limitée aux Chinois originaires de Chine Populaire

Dans un contexte où le VIH et le sida connaissent en Chine Populaire un développement et une ampleur « dramatique » (ONUSIDA, 2001), où les autorités chinoises annoncent, en avril 2002, le chiffre de 30 736 cas répertoriés tout en estimant le nombre de person-nes infectées par le VIH à 850 000 (AP, 2002) et que l’ONUSIDA affirme que ce chiffre serait supérieur à 1 million en 2001 et pourrait atteindre les 5 millions en 2005, les interrogations surgissent sur la situation, en France, des migrants originaires de Chine populaire.On sait fort peu de choses de la situation sanitaire et sociale des Chinois de Chine Populaire résidant en Île-de-France. Si ces populations chinoises ont fait l’objet de recherche par Estelle de Parseval (Parseval, 2002) et Sébastien Ngugen (Ngugen, 2001, 2002), ces études sont centrées sur la santé et l’accès aux soins et ne per-mettent pas de répondre à l’ensemble des interroga-tions et demandes des travailleurs sanitaires et sociaux qui se déclarent dépourvus de savoirs, d’outils et de méthodologies dans leurs relations professionnelles avec ces migrations originaires de la Chine Populaire, en progression continue.De plus, les précédentes recherches ont permis de mesurer la précarité sociale et l’importance quanti-tative et qualitative de vulnérabilités individuelles, sociales et culturelles chez de nombreux individus face à la maladie.Ce nouveau rapport s’inscrit dans une volonté de développer la recherche sur ces sujets et dans une démarche de constitution de descriptions et d’analy-ses permettant de mieux comprendre les rapports des Chinois à l’infection à VIH, et d’étayer les actions à venir. Afin de répondre au mieux à cette demande, il nous a fallu faire des choix.Le premier fut de centrer notre étude sur les vagues migratoires récentes. D’une part, celle issue des bourgs ruraux situés dans les environs du port de Wenzhou,

dans la province du Zhejiang et, d’autre part, celle originaire des provinces du nord-est de la Chine et des mégalopoles du Nord, couramment appelée « Dongbei »1.Si une étude sur les Chinois d’Île-de-France et le VIH paraît pertinente en regard de ces arguments, notre travail de terrain auprès des migrants chinois nous conduit à constater que le VIH ne semble pas être un problème pour la communauté comme pour les individus. En effet, associations franco-chinoises ou chinoises communautaires semblent peu sensibilisées. Les indi-vidus rencontrés dans un cadre thérapeutique ne mon-trent aucune inquiétude envers la maladie. Existe-t-il donc une problématique relative au VIH pour les Chinois d’Ile-de-France ? Si la situation en Chine a été qualifiée par ONUSIDA de « dramatique », qu’en est-il de ces migrants en France ? En quoi la migration les fragilise-t-elle ? Les Chinois d’Île-de-France ont-ils une perception d’un risque ? Ont-ils des pratiques à risque ? Quelles sont leurs stratégies de protection ?Face à ces questions, nous posons comme hypothèse de départ que les Chinois d’Île-de-France cumulent à des vulnérabilités héritées du contexte socio-politique chinois, des vulnérabilités individuelles, sociales, éco-nomiques et sociétales liées à un parcours migratoire qui précarise les individus et à un cadre déficient dans l’accueil des migrants.

Méthodologie et récolte des donnéesAfin d’analyser les déterminants socioculturels face à l’infection à VIH et à l’accès aux soins nous avons mené une étude sociologique, essentiellement qualitative, basée sur l’oralité, l’observation et l’entretien. Nous avons cependant essayé de donner quelques éléments statistiques permettant d’avoir des indicateurs, même partiels, sur les phénomènes observés. De ce fait, nous avons choisi des modes de recueil de données complé-mentaires qui permettent développements, confronta-tions et recoupements :

Introduction

1 Dans la présente recherche, nous qualifierons de « Chinois » ces deux groupes étudiés.

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• revues de la littérature scientifi que et journaux chinois concernant l’infection à VIH-sida en Chine et les rap-ports entre migration et VIH-sida ;• entretiens avec des « portiers de réseaux2 » chinois et des personnes ressources : responsables associatifs, intervenants de terrain en réduction des risques (RDR) travaillant auprès de Chinois ;• médecins et soignants, notamment dans les PMI ou en maternité ;• publics cibles (« grand public » – hétéros jeunes/adultes –, prostituées, usagers de drogue, homosexuels) : entre-tiens non directifs ou semi directifs.Ces catégories de publics ne sont pas étanches, et sont de ce fait quelque peu artifi cielles. Il n’y a pas, nous le verrons, en leur sein de sentiment d’appartenance à une sous-communauté homosexuelle ou d’usagers de drogue. Cette catégorisation permet cependant d’abor-der les comportements et représentations spécifi ques en œuvre dans ces groupes.Cette méthode a néanmoins montré ses limites. La limite du temps (3 mois) est évidente. Elle s’ajoute

à l’objet même de l’étude qui touche des problèmes tabous comme la sexualité, alors que dans de précé-dentes études (Ngugen, 2001, 2002 ; Cattelain et al., 2002), les liens anciens avaient facilité l’évocation de sujets comme le passage ou la clandestinité. Les pro-blèmes relatifs à l’infection à VIH sont déniés par les Chinois même au sein des groupes concernés (tabou de la sexualité, illégalité de l’usage de drogue, interdits sociaux liés à l’homosexualité…).Nous étudierons tout d’abord en quoi le développe-ment de l’épidémie du sida en Chine et son mode de traitement politique et social par les autorités infl uencent le rapport à l’infection à VIH des migrants chinois présents en Île-de-France. Nous verrons ensuite en quoi la situation migratoire en Île-de-France renforce les vulnérabilités. Face aux pro-blèmes de santé, quel est le parcours thérapeutique emprunté par les migrants ? En quoi ces éléments cons-tituent-ils des freins au dépistage et à la prévention ? Enfi n, nous formulerons des propositions afi n de lever ces freins.

2 Personnes ressources ayant la capacité à réaliser des interfaces entre un investigateur et un groupe.

QinghaiGansu

Sichuan

Yunnan

Ningxia

Neimenggu

Heilongjiang

Jilin

Liaoning

ShanxiHebei

Shandong

JiangsuHenan

Hubei Anhui

ZhejiangJiangxi

Fujian

Hunan

GuangdongGuangxi

Guizhou

Beijing

Hong Kong

Hainan

Taïwan

TianjinDONGBEI

Xizang

Xinjiang

République populaire de Chine

Shaanxi

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8 Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat 9Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

Avec quel bagage les migrants arrivent-ils en France en termes de risque d’infection, de connaissances sur les modes de transmission du VIH, de perception des risques, de pratiques de prévention ? Adolescents ou familles Wenzhou, quadragénaires licenciés des usines du nord de la Chine, les migrants qui arrivent en France ont vécu leur âge adulte en Chine où y ont reçu la majeure partie de leur éducation. L’étude

En 2001, l’ONUSIDA a publié un rapport intitulé « Le sida en Chine : un nouveau millénaire, un défi titanesque » dans lequel l’organisation affirme que la Chine est « au bord d’une catastrophe » (ONUSIDA, 2001).Le premier cas d’infection à VIH a été détecté en 1985. L’infection s’est ensuite propagée parmi les toxicomanes au début des années 1990 dans les provinces du sud du pays, proches du Triangle d’or. Aujourd’hui, les experts en santé estiment que la Chine réunit toutes les condi-tions propices à une épidémie massive : une importante population mobile, une prostitution très répandue et une promiscuité sexuelle accrue parmi les jeunes (OMS, 2001). Les chiffres « très incertains » présentés par ONU-SIDA oscillent, en 2001, entre 800 000 et 1,5 million de personnes infectées, soit une prévalence supérieure à 0,2 %, avec un ratio homme/femme de 4 pour 1(ONUSIDA, 2001 : 11).L’ONUSIDA a recueilli des données dans 101 sites sen-tinelles, visant cinq populations cibles : les patients des cliniques traitant les infections sexuellement transmis-sibles (IST), les prostituées, les usagers de drogue, les conducteurs de camion longue distance et les femmes enceintes (OMS, 2001). Selon les autorités chinoises, 68 % des cas de contamination seraient causés par le partage de seringues parmi les usagers de drogue par voie intraveineuse, 9,7 % par la vente illégale de sang et

7,2 % par des relations sexuelles non protégées. Cette prépondérance des contaminations par partage des seringues est un choix politique qui permet de minimiser les contaminations dues au trafic de sang contaminé.L’usage de drogues a lieu principalement dans les pro-vinces du sud-ouest et de l’ouest de la Chine. La préva-lence du VIH va de 1 à 80 % parmi les usagers de dro-gue dans les provinces du Yunnan, Xinjiang, Guangxi et Sichuan. Les usagers de drogue en intraveineuse parta-gent leur matériel à 73 % dans le Hunan, 81 % dans le Jiangxi, et 100 % dans le Xinjiang. En 2001, le ministre de la Santé chinois a affirmé que le nombre de per-sonnes infectées par le virus du sida connaissait une progression annuelle de 30 % due à une augmenta-tion des infections parmi les usagers de drogue en intra-veineuse (AP, 2001).Le trafic de sang contaminé arrive en deuxième position comme mode de contamination. En effet, la vente de sang constitue, pour les paysans pauvres et les ouvriers au chômage, un moyen de subsistance et, pour les industriels fabriquant des produits à base de sang, une voie d’enrichissement rapide. Dans le Henan, province particulièrement pauvre du centre de la Chine, le sang du paysan était prélevé puis mélangé à d’autres prélè-vements du même rhésus. Une fois le plasma extrait, les globules rouges provenant de plusieurs personnes

Le bagage des migrants chinois :maigre en information, lourd en craintes et préjugés

1

1.1. Ampleur de l’épidémie et principaux modes de contamination en Chine

de la situation en Chine s’avère donc un passage néces-saire pour mieux comprendre les migrants qui arrivent en Île-de-France. Nous n’avons relevé ici que les éléments qui nous paraissaient avoir une influence sur les migrants chinois présents en Île-de-France. Nous verrons en quoi les réponses du gouvernement chinois à l’épidémie mais, aussi, l’organisation du système de soins, déterminent les croyances et les comportements des migrants.

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8 Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat 9Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

différentes étaient réinjectés au vendeur de sang. Entre 600 000 et 1 million de paysans pauvres des zones rurales du Henan auraient été infectés. Malgré son inter-diction en 1998, le commerce du sang continue. Des épidémies similaires dues à des dons de plasma ont été rapportées dans d’autres provinces comme le Hebei, l’Anhui, le Shanxi, le Shaanxi, le Hubei, le Guizhou…Les transmissions par voie sexuelle seraient un mode de contamination en particulier chez les prostituées et les travailleurs migrants. Parmi les prostituées, dont les autorités estiment le nombre à 3 millions, l’usage du préservatif n’est pas systématique. Selon l’OMS, 49 % des prostituées n’utilisent jamais de préservatif, plus de 31 % à Pékin et 70 % dans l’Anhui (OMS, 2001).Parmi les autres modes de contamination, citons la transmission par le matériel médical (problèmes de stérilisation, manque de formation, absence de destruc-tion des seringues et des aiguilles). La progression des infections sexuellement transmissibles est également un facteur accroissant la propagation de l’infection à VIH. Celles-ci connaissent une augmentation continue.

Selon le ministre de la Santé chinois, cet accroissement est dû à des changements dans les normes sociales, à l’augmentation de la promiscuité sexuelle et au bas niveau de conscience du problème (AP, 2001).Qu’en est-il de la contamination hétérosexuelle ? Selon l’OMS (OMS, 2001), il n’existe pas de données mon-trant une propagation extensive dans la population hétérosexuelle. Cependant, l’ONUSIDA insiste sur le fait que l’expansion du VIH par voie sexuelle s’accroît (ONUSIDA, 2001 : 4) et que tout le monde est touché : « En Chine, les millions de personnes qui sont vulnéra-bles face au VIH-sida n’appartiennent pas à des poches ou groupes petits et isolés. Au contraire, les populations vulnérables sont en relation avec la population géné-rale et, dans de nombreux cas, constituent la popula-tion générale. »Les migrants présents en Île-de-France ont pu être en contact avec l’infection à VIH en Chine. Mais les outils de compréhension et de lutte que le gouvernement chinois leur a légués n’en font pas pour autant des personnes qui s’estiment concernées.

Si le gouvernement central investit de plus en plus de moyens dans la lutte contre le sida, l’approche de l’épi-démie reste idéologique : la discrimination et la peur entourent les malades, la morale imprègne la préven-tion et les groupes à risque sont réprimés. La connais-sance de l’infection à VIH et la perception des risques s’en trouvent limitées. Enfin, le dépistage reste essen-tiellement institutionnel, et exercé dans un cadre car-céral ou hospitalier.

1.2.1. Un corpus général de lois : entre volontarisme et répressionDes lois passées par le gouvernement central définissent les politiques générales de lutte contre l’infection à VIH. En 1998, les « Principes pour l’édu-cation et la communication sur le VIH-sida », stipulent que les messages de prévention du préservatif doivent être diffusés parmi les groupes à risque. La possession d’un préservatif ne doit pas être considérée comme une preuve de prostitution. En 1999, les « Principes sur la gestion des personnes infectées par le VIH et les patients du sida » (ONUSIDA, 2001 : 33) prévoient :• La confirmation des tests du VIH et la dispense de conseils ;• La lutte contre la discrimination ;

• La confidentialité des informations individuelles ;• L’éducation du public.Le « Plan d’action pour contenir, prévenir et contrôler le VIH-sida », publié par le ministère de la Santé en 2001, définit les stratégies, ressources et politiques à mettre en place :• accent sur la sécurité du sang ;• amélioration de la prise de conscience du public et de la prise en charge des malades ;• mobilisation des médias pour diffuser l’information sur le VIH-sida.À côté de ce corpus général, des lois concernant les usagers de drogue et les prostituées définissent un trai-tement répressif des groupes les plus concernés. Le caractère illégal de l’usage de drogue et de la prostitu-tion rend difficile tout travail de prévention auprès de ces populations. La « Décision du Comité permanent du Congrès national du peuple sur l’Interdiction des dro-gues » de 1990, complétée par les « Procédures pour une réhabilitation obligatoire de l’addiction à la drogue » de 1995 et la « Décision du Comité permanent du Congrèsnational du peuple sur l’interdiction de la prostitution » rappellent que l’usage de drogue, le trafic de drogue et la prostitution sont illégaux en Chine (ONUSIDA, 2001 : 30-31). La lutte contre l’usage de drogue se concentre

1.2. Une réponse idéologique à l’épidémie

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10 Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat 11Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

sur la proposition d’un sevrage volontaire aux usa-gers de drogue quand ils sont arrêtés par la police. Les usagers qui refusent de se sevrer volontairement sont transférés dans des centres de réhabilitation et soumis à une désintoxication obligatoire. Les usagers qui conti-nuent à se droguer après un traitement obligatoire sont envoyés dans des centres de rééducation par le travail, gérés par les départements judiciaires. Ils y suivent un traitement forcé ainsi qu’une « rééducation par le travailphysique », mais reçoivent peu d’information sur le VIH-sida. Or, le taux de rechute est de 90 % dans les 5 ans. Ainsi, les politiques de réduction des risques ne sont pas prioritaires. En conséquence, les usagers de drogue craignent d’être arrêtés, envoyés en centrede réhabilitation et cachent leur consommation.La prostitution étant illégale, les prostituées sont envoyées en centre de rééducation quand elles sont arrêtées par la police.En revanche, l’homosexualité n’est plus illégale et a été effacée de la liste officielle des désordres mentaux en 2001. La pression sociale, elle, demeure.

1.2.2. Manque de prise de conscience gouvernementale et société civile bâillonnée« Malgré les mesures législatives (et parfois à cause d’elles), la prise de conscience de l’importance de la prévention et du soin du VIH-sida ont fait peu de progrès en Chine » (ONUSIDA, 2001 : 35). Le manqued’ouverture dans la gestion de l’épidémie et l’insuf-fisance de l’engagement politique à tous niveaux du gouvernement sont soulignés à plusieurs reprises (ONUSIDA, 2001 : 5). La gravité et le potentiel de propagation de l’épidémie sont sous-estimés. Les plans de lutte contre le sida sont essentiellement médicaux et ne considèrent pas l’épidémie comme un plus large problème de développement. Le contextesocio-économique, en particulier les inégalités sexuelles, la migration et la pauvreté ne sont pas pris en compte (ONUSIDA, 2001).Les lois et règles nationales qui existent ne sont sou-vent pas appliquées au niveau local. Les autorités locales ont tendance à minimiser la présence de l’in-fection à VIH sur leur territoire afin de ne pas en don-ner une image négative au public et d’afficher de bons résultats auprès du gouvernement central : « Beau-coup de gouvernements locaux ne veulent pas savoir, ou ne veulent pas que les autres sachent, ce qui se passe chez eux en matière de sida. Certaines autorités censurent l’information et parfois même s’opposent activement à toute recherche sur le sida. »

Ce manque de prise de conscience se double d’une crainte du potentiel de contestation politique que contient une lutte contre le sida prise en charge par la société civile. Celle-ci n’a pas été mobilisée dans la lutte contre l’infection à VIH. Et pour cause : le droit d’association et la liberté d’expression restent lettre morte en Chine. Il est donc impossible à de véritables organisations de terrain d’émerger de la base. Seules les organisations non gouvernementales (ONG) occi-dentales interviennent dans ce domaine. En revanche,des départements gouvernementaux ont mis en place des ONG, les fameuses « organisations non gouver-nementales organisées par le gouvernement » ouGONGOS3 pour lutter contre l’épidémie. Ainsi, le doc-teur Gao Yaojie, qui avait porté assistance médicale, information et réconfort psychologique aux villageois contaminés du Henan, a été intimidée et s’est vu refu-ser la délivrance d’un passeport pour aller chercher le prix Jonathan-Mann à Washington, en présence de Koffi Annan. Elle a également été accusée par les autorités d’« aider les forces anti-chinoises ». En août 2002, le militant Wan Yanhai a été arrêté pour avoir divulgué des documents concernant le trafic de sang contaminé dans le Henan. Ses distributions de préser-vatifs lui avaient déjà valu une arrestation. Enfin, cer-tains médecins et épidémiologistes ont été intimidés et menacés (ONUSIDA, 2001 : 35), malgré leur appro-che apparemment non militante. Il ne faut pas sous-estimer la crainte du gouvernement chinois face à toute forme d’organisation citoyenne indépendante.Le sida constitue un sujet sensible pour le gouver-nement chinois à plusieurs titres. Tout d’abord par ce que l’épidémie révèle de la société. Le gouver-nement accepte qu’on parle du VIH, de ses modes de transmission en termes techniques et médicaux, mais refuse que ses causes sociales soient interro-gées. La propagation de l’épidémie met en lumière des aspects de la société que le gouvernement vou-drait cacher. Si le journaliste Zhang Jicheng qui avait révélé l’ampleur de la contamination par le sang dans la province du Henan a été licencié, c’est parce que le trafic de sang contaminé révèle l’extrême pauvretédes campagnes chinoises et l’appât du gain d’auto-rités locales corrompues. Les mesures de censure qui ont été prises à l’encontre des auteurs Wei Hui et Mian Mian pourraient ici être mises en paral-lèle. Leurs romans respectifs, Shanghai Baby et Les Bonbons chinois ne critiquent nullement le régime chinois, mais montrent une Chine urbaine dans laquelle la drogue et le sexe sont des produits deconsommation.

3 Government - organised NGOs

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1.2.3. La peur et la discrimination comme obstacles à la prévention« En Chine, la peur et la discrimination constituent un sérieux obstacle à la mise en œuvre des programmes de prévention. » (ONUSIDA, 2001 : 51) Des lois nationales affirment que les personnes infec-tées par le VIH ne sauraient être victimes de discrimina-tion. Cependant, les autorités locales continuent à voter des lois discriminatoires. Le rapport d’ONUSIDA précise qu’en mai 2001, les autorités de la ville de Chengdu ont rédigé des réglementations obligeant les personnes tra-vaillant dans les bars, les hôtels, les agences de voyage, les salons de beauté, les bains publics et les piscines à passer une batterie de tests pour repérer les porteurs d’infections sexuellement transmissibles. Les personnes séropositives au VIH devaient quitter leur travail et il leur était interdit de se marier. À Pékin, les employeurs doivent signaler aux autorités sanitaires les personnes suspectées d’être infectées. Les réglementations locales préconisent des formes diverses de discrimination : interdiction de se marier, exclusion de la scolarité et du travail, des piscines, etc. Les cas de pratique de discrimination ne sont égale-ment pas rares. Par exemple, des unités de travail ont été prévenues de la séropositivité de leur employé. Cepen-dant, des procès ont été intentés contre ces unités de tra-vail, procès gagnés par les victimes.

Une prévention chaste et vagueSi l’État chinois a pris des engagements en termes d’in-vestissement dans la prévention, celle-ci reste techniqueet imprégnée de chasteté. Elle a cependant considé-rablement évolué. La prévention, axée sur la peur, a tout d’abord relayé l’idée que la maladie concernait les étrangers et les populations à risques. Une étude de textes publiés dans la presse médicale officielle chinoise,en 1997 (Cattelain, 1998), montrait qu’il était encore fait référence au sida comme une maladie exportée par la décadence occidentale. Dans les années 1990, les spots de prévention du sida montraient un désert désolé. En revanche, la diffusion en 2001 de soirées spéciales mobilisant des vedettes chinoises à la télévi-sion nationale a été considérée comme un signe impor-tant. La première conférence nationale sur le sida et les MST a eu lieu à Pékin en novembre 2001. Cependant, la même année, un spot télévisé mettant en scène un pré-servatif a été censuré. Ce qui amène ONUSIDA à com-menter : « La censure et les restrictions concernant le VIH et le sida compromettent sévèrement une réponse efficace. »Parler de sexualité hors de toute référence morale demeure problématique, malgré les bouleversements

que les mœurs sexuelles chinoises ont connus depuis la politique de réforme et d’ouverture initiée en 1979. La promotion nationale du préservatif reste à faire et la prévention promeut le sexe dans le cadre des relations maritales comme meilleure protection. Ainsi, en juin 2001, le ministre de la Santé chinois, Zhang Wenkang, détaillait les mesures du plan quinquennal de luttecontre le sida. Les personnes seront encouragées à prendre des mesures préventives contre la maladie,« par exemple, à développer un mode de vie sain, sans trop de partenaires sexuels, et deuxièmement, sans prendre de drogue. Nous encourageons le sexe dans le mariage, et décourageons le sexe hors mariage. » (AP, 2001).Une pruderie illustrée par les propos d’un médecin chinois, éduqué à Shanghai, travaillant en milieu hospi-talier à Paris : « La prévention est axée sur le sida, ils font des affiches sur la maladie sans rentrer dans les détails pour la contamination. Ils parlent surtout des usagers de drogue, les drogués sont envoyés en centre de réédu-cation. Je suis toujours surprise quand je passe dans les couloirs du service de gynécologie [en France], il y a des affiches, des brochures où l’on parle de sexe. Il n’y aura jamais ça en Chine, même à l’hôpital. »Ces choix de prévention paraissent décalés face à l’évo-lution des mœurs chinoises. Ainsi, les adolescents ont des relations sexuelles avant le mariage de plus en plus jeunes et de plus en plus de personnes ont plusieurs partenaires avant de se marier. Mais, à cause des valeurs traditionnelles, l’accent est mis sur la chas-teté avant le mariage, et peu d’éducation sexuelle est dispensée en Chine. Manquent les informations de base sur la sexualité, la reproduction et l’usage du préservatif (ONUSIDA, 2001 : 54). Même les étudiants en médecine sont peu sensibilisés aux infections sexuel-lement transmissibles, le VIH notamment, comme en témoigne le médecin chinois que nous avons interrogé à Paris : « Il y a une ignorance totale des MST et du sida, même chez les étudiants en médecine. Les professeurs n’en parlent jamais en cours. Au mieux, ils nous disent de lire le chapitre du livre chez nous le soir. » De même, le planning familial réserve la dispense d’informations et la distribution de préservatifs aux femmes mariées (ONUSIDA, 2001 : 58).

Information et perception des risques dans le publicLes résultats de cette politique de prévention sont sans surprise : « Beaucoup de gens continuent de penser qu’il est plus facile d’être contaminé par une piqûre de mous-tique ou une poignée de main que par des injections intraveineuses ou le sexe non protégé. » « Il manque

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à la vaste majorité des personnes non infectées une connaissance de base, les pratiques pour se protéger d’une future infection et pour gérer les relations avec les personnes infectées. » (ONUSIDA, 2001 : 7). La pré-vention reste dominée par une approche en termes de groupes à risques, visant particulièrement les prosti-tuées, les usagers de drogue et les travailleurs mobiles à l’intérieur de la Chine. L’illusion est ainsi entretenue que la population générale reste à l’abri de l’infection à VIH.Les sondages et études sur les connaissances, attitudeset pratiques prouvent un manque de connaissance « alarmant » concernant les modes de transmission. Ces mêmes études ont montré que, de manière géné-rale, les femmes pensaient que la fidélité à un seul par-tenaire sexuel était la meilleure façon de se protéger. Dans une étude réalisée à Jining dans la province du Shandong, 40 % des hommes interrogés considéraient qu’il était acceptable d’avoir des relations extraconju-gales et 95 % affirmaient que la monogamie était la meilleure protection contre le sida.

1.2.4. Les limites du diagnostic et de la prise en chargeEn quoi le système d’accès aux soins et le mode de dépistage en Chine, marqués par l’inégalité et la logiquede rentabilité, influencent-ils le rapport des Chinois à la médecine en France ?

Le système de soinsAujourd’hui, la majorité des Chinois se soigne par la médecine occidentale. On dénombre 3 millions de médecins à l’occidentale, contre 300 000 traditionnels. De plus, ces derniers utilisent en complémentarité des outils diagnostiques occidentaux (scanner, rayons X). De ce fait, moins de 5 % des hôpitaux restent unique-ment spécialisés dans la médecine traditionnelle chi-noise (MTC). Toutefois, dans le processus actuel de privatisation des soins, la MTC demeure selon Haski (2001) un recours pour les pauvres, car ses soins sont financièrement accessibles.Selon divers témoignages recueillis lors d’une précé-dente étude (Ngugen, 2001), l’accès aux soins hospi-taliers en Chine serait des plus réduits pour la grande majorité de la population. La ségrégation en vigueur s’exprimerait, d’une part, par la grande hétérogénéité qualitative des soins dispensés et, d’autre part, par le coût financier. Le système de soins étant, par pans entiers, privatisé.En fonction du métier de chacun – et donc du statut social –, les lieux de soins sont différents. Il existe des cliniques réservées du fait de leur coût aux étrangers et aux Chinois les plus riches. Les auteurs d’un célèbre

recueil de reportages pour les Chinois de l’étranger (Zhang et Ye, 1986 : 98) interrogent un médecin exer-çant dans l’un de ces établissements : « Le centre gagne beaucoup, parce qu’il ne pratique pas les soins gratuits, c’est un joint-venture avec Hong Kong. Nos interven-tions sont de bonne qualité et efficaces. Même les sala-riés qui bénéficient des soins gratuits préfèrent venir ici et payer de leur poche. » Sur l’échelle qualitative, suivent les établissements hospitaliers dispensant des soins corrects. Ils seraient gratuits pour les fonctionnai-res des administrations et entreprises publiques et pour les membres du Parti communiste. Ces privilégiés pos-sèdent une carte spécifique d’accès.Pour les salariés de droit privé, les soins sont officiel-lement à la charge de l’entreprise. Mais, en fait, elle ne rembourse, et bien souvent des années plus tard, qu’une partie des frais, après le paiement des soins par le salarié. Les agriculteurs et petits commerçants doivent systématiquement payer de leurs deniers. S’il est vrai que ces derniers gagnent parfois dix fois plus qu’un ouvrier, ils n’ont droits ni à une retraite ni à l’assu-rance maladie. Les paysans pauvres, malades, doivent dépenser tous leurs revenus au détriment des autres postes comme l’éducation des enfants. Ainsi, la pau-vreté accroît les opportunités d’être malade et la mala-die fait basculer les familles dans la pauvreté. En plus du prix officiel des soins fixé par l’établissement, tous ces non privilégiés doivent distribuer « beaucoup d’en-veloppes », sinon « tu n’as jamais une consultation cor-recte » (Ngugen, 2001).Enfin, il existerait exceptionnellement des « hôpitaux » pour ceux qui n’ont pas d’argent ou qui viennent illé-galement d’une autre province. Selon une patiente chi-noise de Beijing, les soins seraient si médiocres « que même si l’on y entre pour une maladie bénigne, on n’en sort pas vivant ». Le matériel serait ancien, le personnel peu qualifié. De plus, « on doit amener nos médica-ments, le couchage et l’alimentation. Tout est, là aussi, à notre charge ». Les Chinois ne s’y rendraient donc qu’en dernière issue mais « de toute façon, quand on n’a pas d’argent, on reste à la maison » (Ngugen, 2001).

Le traitement des infections sexuellement transmissibles (IST)Ces caractéristiques de l’accès au soin se retrouvent dans le traitement des IST en Chine. Le rapport d’ONU-SIDA relève plusieurs facteurs qui contribuent à rendre le système de traitement des IST « chaotique » et qui obligent les malades à se tourner vers des « cliniques » privées ou à dissimuler leur maladie :• le manque de programmes de prévention ;• les mauvais diagnostics et traitements ;

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Quelles sont les populations chinoises qui arrivent en Île-de-France ? Quelles sont leurs spécificités vis-à-vis de l’infection à VIH par rapport au reste de la population chinoise décrite précédemment ?

1.3.1. Les Chinois du sud du ZhejiangLa migration du sud de la province du Zhejiang est la plus ancienne migration chinoise en France. Elle s’est intensifiée depuis les années 1990.

Une migration ancienne structurée autour de l’entreprenariat et de la familleLa région dite de Wenzhou se situe sur le littoral, au Sud de Shanghai. Très enclavée, montagneuse, elle n’est reliée aux grandes villes du pays par le chemin de fer que depuis 1995. C’est une zone traditionnelle d’émigration, notamment vers l’Europe : elle compte

8 millions d’habitants, un million d’ « émigrés de l’intérieur », c’est-à-dire ayant quitté leur province pour s’installer ailleurs en Chine, et 400 000 à l’étranger. On trouve des traces de cette migration en Europe dès la fin du XIXe siècle. Dans le district de Li’Ao, à 16 km de la ville de Wenzhou, 60 % de la population vit outremer (MA MUNG, 2000). Cette migration est communément dite « Wenzhou », bien qu’elle ne se limite pas au port de Wenzhou, mais comprenne des villages et bourgs ruraux des districts de Qingtian et Wencheng.Elle est étroitement liée au dynamisme économique de Wenzhou. Durant l’ère maoïste même, pourtant hostile à l’entreprenariat économique et au commerce, Wen-zhou profite de son éloignement du centre pour créer des petits ateliers privés afin de sortir de la pauvreté. L’ère des réformes transforme le dynamisme écono-mique de la région en « modèle Wenzhou » : entreprise privée, réseau de distribution performant, industrie de

1.3. Des migrants exposés ?

• les frais élevés voire extrêmement élevés ;• le manque de respect de la confidentialité etde l’anonymat ;• les jugements de valeur de la part du personnelmédical.Le rapport explique que les hôpitaux louent leurs servi-ces de traitement à des groupes commerciaux qui pres-crivent donc des traitements non recommandés. Cette logique de rentabilité ne favorise pas le conseil et la pré-vention, non générateur de revenu.

Le dépistage du VIH et l’accès aux traitementsActuellement, le dépistage du VIH est essentiellement effectué auprès de personnes incarcérées ou hospita-lisées. Il est généralement obligatoire et systématique dans des institutions, comme les centres de réhabi-litation pour les usagers de drogue et les centres de rééducation pour les prostituées. Cette forme de crimi-nalisation potentielle de la séropositivité est un frein réel et important au dépistage. Quant au dépistage volontaire, il n’est pas anonyme et son coût est élevé. Le rapport onusien souligne le manque de personnel médical qualifié, le manque de tests volontaires et de services de conseil.Dans le cas du VIH, les seuls programmes de traite-ment sont initiés à petite échelle souvent par des ONG internationales comme Save the Children et Austra-lian Red Cross. Pratiquement aucun soutien psy-chologique ou social n’est dispensé. La trithérapie commencerait à être dispensée à titre expérimental

dans certaines provinces au moment où nousrédigeons ce rapport.Accès aux soins inégalitaire, dépistage institutionnalisé et sous contrôle d’un pouvoir judiciaire et/ou médical, faiblesse des moyens en termes de traitements sont autant d’obstacles qui freinent le dépistage volontaire et n’incitent pas à se faire soigner.Cette description de la situation de l’infection à VIH et la réponse que lui apportent les autorités nous donnent quelques pistes de réponse à la question : avec quels bagages les migrants arrivent-ils en France ? Schémati-quement, ils se sentent peu concernés par le sida car la prévention, axée sur une approche en termes de grou-pes à risques, reste vague et technique. Ils ont donc une faible perception des risques. Les futurs migrants ont une connaissance sommaire des modes de trans-mission de l’épidémie et ne savent pas très bien com-ment s’en protéger, accordant une place de choix à la fidélité et à la croyance en la « pureté des mœurs chinoises ». Le dépistage est vécu comme un risque potentiel, car effectué dans une situation de rapport de pouvoir (hôpital ou incarcération), et pouvant entraî-ner des conséquences fâcheuses (renvoi de l’unité de travail, interdiction de se marier…). Les traitements étant peu disponibles, et l’accès aux soins inégalitai-res, l’intérêt de se faire dépister et soigner reste faible. Enfin, les réponses à l’épidémie sont gérées par le gouvernement ou des émanations de structures gouvernementales, et non par de véritables associa-tions locales issues de la société civile.

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main-d’œuvre, parfois à domicile (boutons, textile, chaussures, électronique bas de gamme…). Une pro-menade dans les villages dont sont issus les migrants en atteste : certains rez-de-chaussée d’habitations sont occupés par les machines à coudre, à couper le tissu, les ouvrières transformant des fils de fer en cintres… Les habitants de Wenzhou qualifient désormais leur ville de « petit Hong Kong ». Pour les paysans et petits entrepre-neurs qui n’ont pas pu s’insérer dans le développement économique de Wenzhou, la ville avoisinante, la migra-tion est une forme possible d’ascension sociale et une perspective de réussite.La migration Wenzhou est familiale. Tout d’abord parce qu’elle fonctionne « selon un modèle de migration familiale en chaîne » (Beja, 1999 : 62), un membre de la famille en faisant venir plusieurs autres et ainsi de suite. Si les migrants viennent en France, c’est parce qu’un ou plusieurs membres de leur famille s’y trouvent déjà. De plus, la famille procure ce que la chercheuse Daniele Cologna nomme un « capital migratoire » (Cologna, 1998), c’est-à-dire un ensemble de « res-sources matérielles, sociales et culturelles » disponibles pour un individu né dans une famille issue d’un qiaoxiang4 afin qu’il puisse quitter la Chine (légalement ou pas) et s’installer à l’étranger. Un système de solida-rités familiales structure la migration autour de prêts réciproques d’argent et d’échange de services, sources de dettes financières et morales. Schématiquement, ce sont des couples ou de jeunes célibataires qui migrent. Les couples partent ensemble ou à quelques années d’intervalle, après s’être mariés et avoir conçu un enfant. Celui-ci reste en Chine et ne rejoint ses parents que plusieurs années après, quand ceux-ci sont plus stabi-lisés. De nombreux adolescents rejoignent donc leurs parents.

Des jeunes paysans ou petits commerçants, peu éduquésLes données recueillies dans des recherches récentes (Guerassimov ; Cattelain et al., 2002) nous permettent de décrire les migrants primo-arrivants du sud du Zhe-jiang. Ils sont relativement jeunes, avec une forte pro-portion de 25-29 ans. La proportion hommes/femmes est équilibrée. Ils exerçaient en Chine des professions peu qualifiées, paysans, petits entrepreneurs. Leur niveau scolaire n’est pas très élevé. On peut estimer qu’environ la moitié des adultes a un niveau primaire. Bien que nous n’ayons pas de données précises dans ce domaine, nous pensons que la proportion de per-sonnes analphabètes et ne maîtrisant pas le mandarin, la langue nationale, mais le dialecte local, est plus

élevée chez les femmes.Ces données doivent être complétées par les chiffres d’arrivée de mineurs dont l’accroissement est constaté par l’Éducation nationale et les instances de protection de l’enfance. Depuis 1997, les Chinois constituent envi-ron 30 % des élèves des structures d’accueil de l’acadé-mie de Paris, leur nombre ne cesse d’augmenter depuis 1995. À l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de Paris, le nombre absolu de jeunes Chinois augmente de manière constante pour atteindre plus d’un quart des sollicita-tions en 2001. Ces mineurs sont aux 2/3 des garçons. Ils sont, en grande partie, âgés de 16 à 18 ans. Ils quittent la Chine à la fin de leurs études au collège, n’ayant pas de véritable perspective d’emploi en Chine.

La question de l’usage de drogueNous verrons plus loin que les usagers de drogue chi-nois en Île-de-France sont originaires de la région de Wenzhou. Il convient ici de poser la question de l’usage de drogue et de la prévalence du VIH parmi les usagers dans cette région en Chine. Le rapport d’ONUSIDA détaille la progression géographique de l’épidémie. Voici en quelle année, l’épidémie de sida a commencé parmi les UDVI (ONUSIDA, 2001 : 15) :• 1989 : Yunnan• 1996 : Xinjiang• 1997 : Guangxi, Sichuan• 1998 : Guangdong• 1999 : Gansu• 2000 : JiangxiLe rapport d’ONUSIDA cite également 9 provinces qui peuvent être considérées au bord d’une épidémie de VIH parmi les UDVI, car le taux de partage de seringues est élevé (ONUSIDA, 2001 : 16), parmi lesquelles le Jiangsu et le Fujian. Les migrants du sud du Zhejiang ne sont pas issus des provinces les plus touchées par l’épidémie. Mais, toutes les provinces sont touchées par la consommation de drogue. Le taux de partage deseringueest partout élevé et l’épidémie se propage rapidement. En l’état, nous n’avons pas de données sur la consommation de drogue et le partage de seringue dans la région de Wenzhou. Le développement écono-mique de la ville de Wenzhou y a créé une classe moyenne qui possède les caractéristiques de celle décrite par l’ONUSIDA : « Les personnes influentes ont de l’argent à dépenser en alcool, drogue et sexe com-mercial. Cela place la classe moyenne chinoise en déve-loppement dans une position vulnérable pour attraper le VIH/sida. » (ONUSIDA, 2001 : 49). Cependant, nous verrons qu’il nous est impossible d’affirmer que les jeunesmigrants usagers de drogue sont issus de ces classes

4 Village dont la majorité des résidants ont des proches à l’étranger.

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moyennes, alors que la migration Wenzhou est majori-tairement rurale.

1.3.2. Les Dongbei ou Chinois du Nord et des mégalopolesEn chinois, Dongbei signifie « Nord-Est ». Cette région de Chine a été la terre d’élection des grandes entre-prises d’État, des énormes conglomérats de l’industrie lourde, des mines ou du textile, pouvant employer jus-qu’à 100 000 personnes. Dans le cadre du passage de la Chine à l’« économie socialiste de marché », cette région a subi de plein fouet la politique de restructura-tion des entreprises d’État largement déficitaires. Le taux de chômage y atteint par endroits 30 %. Il touche en priorité les 40-50 ans et les femmes. Depuis 1997, cette région constitue un foyer migratoire à destination des pays industrialisés. Le terme de Dongbei sous lequel cette migration est connue en France paraît cependant limitatif : outre les trois provinces du Dong-bei (Liaoning, Jilin, Heilongjiang), quelques grandes villes du Nord (Tianjin, Qingdao dans la province du Shandong, Zhengzhou, dans la province du Henan) ou plus au Sud (Shanghai, Nankin, Nanning dans le Guangxi) fournissent un contingent important de nou-veaux migrants.

Des migrants âgés, éduqués et déqualifiésLes études publiées récemment (Guerasimov et al., 2002 ; Cattelain et al., 2002) nous permettent de bros-ser un portrait type des migrants du Nord et des méga-lopoles. Ce sont des migrants âgés, parmi lesquels la tranche des 40-49 ans est la plus représentée. Nés à la fin des années 1950 ou au début des années 1960, ils étudient pendant la période troublée de la Révolution culturelle. La majorité a étudié jusqu’au lycée, et plus d’un tiers est diplômé de l’université. Ils ont cependant reçu une éducation négligeant les connaissancestechniques, dévalorisant les intellectuels, à fort accent idéologique et politique. Une fois diplômées, cespersonnes travaillent pendant plusieurs années dans une entreprise d’État en tant que techniciens, cadres, employés ou ouvriers. Mariés, les Chinois du Nord ont un enfant unique. Sans être particulièrement nantis,ils jouissent d’un système social qui protège ses employés. Ils sont soignés gratuitement dans leshôpitaux publics. Cette migration connaît un taux de féminisation important, d’environ 60 %, jusqu’à 73 % dans certaines provinces du Nord.

Il est très difficile d’évaluer le niveau de vie en Chine des migrants du Nord. La migration est à la fois le signe d’une richesse toute relative (les plus pauvres n’ont pas les moyens de payer les frais de départ) et d’une pau-vreté comme facteur incitant au départ. Un migrant interrogé dans une précédente recherche, répondait à la question de savoir si les personnes qui partaient étaient riches ou pauvres (Cattelain et al., 2002 : 57) : « Ni l’un ni l’autre. Personne n’ose prêter de l’argent aux pauvres, car ils n’ont pas la capacité de le rendre. Ceux qui ont beaucoup d’argent vivent très bien en Chine. Ils ne viennent pas ici. Ils peuvent voyager. Ce sont ceux qui peuvent rendre l’argent qui viennent ici. »Les personnes qui arrivent en Île-de-France ne sont donc pas nécessairement les plus démunies de richesse matérielle ou de relations sociales. Cepen-dant, ce réseau ne suffit pas à réparer les fractures qu’elles subissent avant de migrer.

Des fragilités cumuléesEn effet, les migrants du Nord et des mégalopoles ont connu au cours des années 1990, des ruptures, parfois cumulées qui les fragilisent considérablement : perte d’emploi due aux restructurations du secteur étatique et dégradation des relations avec le conjoint pouvant aboutir au divorce. Le marché de l’emploi saturé pro-cure peu d’opportunités aux personnes de cet âge, la concurrence à outrance et la corruption limitent les chances de réussite de l’entreprenariat. Ces person-nes connaissent donc une chute de leur niveau de vie, un déclassement social sans aucune perspective. Il devient difficile de payer les frais de scolarité de leur enfant unique, d’autant plus élevés qu’il est au collège ou au lycée. La migration est alors envisagée comme voie de reclassement social et affectif. Ces personnes sont donc particulièrement isolées quand elles déci-dent de migrer. Imprégnées toute leur vie de l’idéolo-gie communiste peu ouverte sur l’étranger, et conser-vatrice, elles connaissent mal le monde extérieur et la modernité.Ainsi, en plus des failles concernant la population chinoise générale, il convient de souligner les spécifi-cités suivantes parmi les migrants venant en France faiblesse du niveau d’étude et migration familiale indui-sant de fortes pressions sociales pour les populations du Zhejiang, idéologie conservatrice et accumulation de fragilités (divorce, chômage, déclassement social…) pour les migrants du Nord et des mégalopoles.

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Les vulnérabilitésen contexte de migration

Être migrant ne saurait être en soi être un facteur de risque pour le VIH. En revanche, les situations dans les-quelles le processus de migration place les personnes ainsi que les activités menées pendant celui-ci peuvent

constituer des facteurs de risque. Quels sont les facteurs de risque de nature individuelle, culturelle, sociale et communautaire en situation de migration pour les Chinois ?

2.1. Légalité, logement, emploi et remboursement de la dette : des soucis plus pressants

La menace du sida semble éloignée au regard de soucis plus pressants que sont la précarité de l’habitat et de l’emploi et la légalité du séjour. En effet, la situation au regard du séjour, les très dures conditions de travail et de logement retiennent l’attention des migrants primo-arrivants chinois. La nécessité de rembourser une dette de passage très élevée s’y ajoute.

2.1.1. Remboursement de la dette et légalitéDes études récentes ont montré que les migrants chinois n’entraient pas nécessairement clandestine-ment sur le territoire français. Dans une enquête réali-sée en 2001 (Guerassimov, 2002), 58 % des personnes interrogées disaient être entrées avec un passeport chinois et un visa Schengen. La plupart de ces person-nes déposent une demande d’asile dont elles sont déboutées. Le taux d’obtention du statut de réfugié politique se situe en deçà de 1 % depuis plusieurs années. L’irrégularité du séjour et l’énergie dépensée pour l’obtention d’un titre fragilisent les migrants qui vivent dans un climat de peur.Clandestin ou pas, le passage vers la France coûte très cher. Ces « frais de route », comme le disent les Chinois, s’élèvent entre 16 800 et 24 400 d pour les migrants du Zhejiang et ceux des Chinois du Nord s’éche-lonnent entre 4 600 et 12 200 d (Cattelain et al., 2002). Les Chinois du Zhejiang ont recours à des passeurs, appartenant à des organisations mouvantes, à la logis-tique bien huilée. Les Chinois du Nord payent les services de sociétés intermédiaires, mi-officielles,

mi-illégales qui leur procurent des visas Schengen. Dans les deux cas, la somme, empruntée à des proches, famille ou amis, ou à des usuriers est entièrement payée à l’arrivée des migrants en France. Une fois en France, les migrants sont donc soumis à l’impératif du remboursement. Dans le cas des migrants du Zhejiang, ce prêt lie le migrant à son créditeur : il est alors débiteur d’une dette non seulement financière, avec intérêt, mais aussi morale, pouvant prendre la forme de services à rendre. De plus, une « mauvaise réputation » qui « circule très vite » (Cattelain et al., 2002) risque de fermer les circuits de prêt d’argent en France. Ces liens, à la fois financiers et moraux, fonctionnent sur le principe du « don contre don » et structurent égalementle fonctionnement communautaire en France, fort éloi-gné du mythe de « la solidarité ». En ce qui concerne les Chinois du Nord, il semble que la pression des proches restés en Chine soit importante : ceux-ci sont aussi victimes des mauvaises conditions économiques. Ainsi, la pression au remboursement, bien qu’exercée par des proches, et non par des passeurs, n’en est pas moins importante.Le remboursement de ces sommes considérables est donc une priorité pour les migrants. Une priorité qui les occupe de nombreuses années. Selon les enquêtes récentes (Guerassimov, 2001 : 72 ; Cattelain et al., 2002 : 70), il faudrait entre 2 à 8 ans pour rembourser cette somme. Le temps de remboursement s’est allongé au début des années 2000, du fait de la concur-rence accrue sur le marché de la confection et de la garde d’enfants5.

5 Nous verrons plus loin que cette saturation est évoquée par les prostituées chinoises comme facteur les ayant conduit à travailler dans ce domaine.

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2.1.2. Emploi et logement : dépendance envers la communautéEn effet, il est de plus en plus difficile pour les migrants chinois de trouver un emploi, quand ils n’ont pas de titre de séjour. Cela est d’autant plus difficile que les secteurs de travail des migrants chinois sont très concentrés. Une étude réalisée parmi les Chinois présents en France depuis un an (Guerassimov, 2002), détaille les métiers investis : 38 % travaillent dans la confection ; 26 % dans la restauration ; 15 % sont nourrices ; 9 % travaillent dans le bâtiment. 65 % des patrons sont originaires du Zhejiang et 16 % d’ex-Indochine. Cette double concentration, dans les secteursd’activité et dans l’origine des patrons, détermine ce que nos recherches appellent une « économie de la dépendance » (Cattelain et al., 2002 : 131). Celle-ci montre que devenir patron est l’horizon d’insertion presque obligatoire des Chinois du Zhejiang : « Le parcours d’insertion économique des Chinois du Zhejiang fonctionne en un cercle qui appelle sa repro-duction et entretient les plus faibles dans un cycle de dépendance : les clandestins aspirent à devenir patrons et font silence sur les revendications contre un système qu’ils vont reproduire. Devenus patrons, ils vont embaucher une main-d’œuvre notamment clandestine. »Les conditions de travail sont unanimement qualifiées, dans les entretiens effectués dans le cadre de la pré-sente recherche, de « trop trop dures ». Dans la confec-tion, les personnes travaillent entre 10 à 14 heures par jour, sauf le dimanche. Les rues et métros des quartiers du Nord-est parisien se peuplent de Chinois sortis des ateliers vers 23 heures. Le samedi semble être un jour de repos, puisque la journée de travail prend fin vers 20 heures. Notons que les Chinois du Nord semblent avoir moins de garantie d’être payés par leurs patrons que les Chinois du Zhejiang. Les nourrices, originaires du Nord, ne sont pas mieux loties. En effet, employées dans des familles chinoises du Zhejiang ou d’ex-Indochine, elles sont les bonnes à tout faire de la maison et du restaurant. Elles doivent être disponibles

du matin au soir et subir les humiliations de toute la famille, voire le harcèlement sexuel du patron.Cette situation de dépendance communautaire déter-mine également l’accès au logement des Chinois. Leur statut de « sans papiers » rend pratiquement impos-sible la location d’un appartement. Ils se retrouvent donc une fois encore tributaires des réseaux commu-nautaires. Le terme de logement n’est d’ailleurs pas uti-lisé par les Chinois, qui parlent de « couchette » ou de « chambres », disponibles dans des logements de com-patriotes ou dans des dortoirs organisés par des mar-chands de sommeil chinois. Le prix mensuel d’un lit est d’environ 120 d. L’irrégularité du procédé met les migrants à la merci de fréquents déménagements. Dans ces logements, la promiscuité homme/femme n’est pas rare. Des cas de violence et de viols nous ont été signalés, sans que nous puissions en estimer l’am-pleur. Ces ateliers et logements clandestins n’offrent évidemment pas des conditions de salubrité et d’hygiène propices à une bonne santé.Dans ce contexte, un médecin en maternité observe que les migrants forment une « population très dépri-mée ». Les femmes notamment, se plaignent de maux « symptomatiques de leur dépression », comme dans les « populations où l’on n’a pas le droit de déprimer » : « j’ai mal au ventre, à la tête, au dos… ». « Ce sont des femmes de 40 ans, épuisées, se rendant compte qu’elles n’y arriveront pas, ne feront pas ce pour quoi elles sont venues. » « C’est le corps qui exprime. » Nous avons également constaté en milieu hospitalier, un nombre important de passages à l’acte, de décompen-sations, notamment quelques défenestrations sans pour autant trouver une pathologie psychiatrique sous-jacente. Seulement, les conditions de vies, l’accumulation de diffi-cultés atteint chez certains individus un seuil anxiogène qui va être dépassé par un événement soudain : contrôle d’identité, énième perte de logement, maladie.Ainsi, l’irrégularité du séjour, la nécessité de rembourser la dette font vivre le migrant dans une situation de dépen-dance, de peur et d’instabilité et ne lui donnent ni le temps, ni les moyens, ni l’attention nécessaires pour se préoccuper de ses problèmes de santé.

2.2. Des comportements sexuels modifiés par la migration ?

La migration influe sur les comportements sexuels et peut donc être un facteur de risque : elle peut provo-quer la séparation des partenaires sexuels habituels, la solitude et l’anonymat, susceptibles d’influencer les comportements. Les migrants sont en contact avec des règles et des modes de vie nouveaux, et sont parfois

désorientés par cette confrontation. En quoi la situation de migration crée-t-elle des changements dans les comportements sexuels pour les Chinois ? Afin de répondre à cette question, nous avons récolté des don-nées dans le cadre des PMI et des maternités. Celles-ci sont le seul biais aisé pour parler de la sexualité. Tout

en contexte de migration

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d’abord parce que les Chinois se rendent presque sys-tématiquement dans ces lieux lorsqu’ils ont un enfant. Enfin, la naissance et la contraception interrogent la conception du couple, son articulation avec la famille et le groupe, les rapports de genre, et permettent d’abor-der la question du dépistage et des suivis médicaux.

2.2.1. Statut familial et situation dans le cycle de vieRappelons tout d’abord brièvement quels sont le statut familial et la situation dans le cycle de vie des migrants chinois.

Les migrants du sud du ZhejiangNous avons vu que les migrants du sud du Zhejiang quittaient la Chine souvent jeunes, célibataires ou en couple. Certains ont déjà un enfant laissé en Chine, quand ils arrivent en France. Estelle de Parseval (2002 : 13), interprète en chinois à la maternité de Saint-Antoine accueillant majoritairement des Chinois du sud du Zhejiang explique en quoi le planning familial est une cause de migration : « Après la naissance d’un pre-mier enfant en Chine, (…) le couple décide donc de partir en France tenter sa chance. Un deuxième enfant va naître. (…) Avoir un deuxième enfant et multiplier les chances de réussite d’une même famille constituent des bonnes raisons pour immigrer. » Elle estime que les couples chinois en situation de migration ont entre 2 et 3 enfants.Le contrôle communautaire s’exprime parmi ce groupe sous la forme de l’importance accordée à la notion de face. Qu’est-ce que la face ? Le penseur Lin Yutang (1937 : 217) la définit en ces termes : « La face ne peut être traduite ni définie. Elle est semblable à l’honneur, mais n’est pas l’honneur. Elle ne peut s’acheter, mais sa possession est pour l’homme ou pour la femme source d’orgueil matériel. Elle est chose creuse, mais les hom-mes sauront se battre et les femmes mourir pour elle. Elle est invisible mais, par définition, est faite pour être exhibée en public. (…) Elle est sensible, non au langage de la raison, mais à celui des conventions sociales. »Cette face, si difficile à cerner, définit des interdits et des obligations et se traduit par une pression sociale com-munautaire considérable. La réussite économique, les gains en argent en sont une. Se marier au bon âge, avec une personne de même origine régionale et sociale, pourrait également être cité, comme le résument deux jeunes garçons originaires de Wenzhou : « Le mariage doit vraiment se faire avant 23 ans pour les filles et 25 ans pour les garçons. On ne peut pas trouver d’excuses pour s’y soustraire ou reculer. »

Il convient de rappeler l’importance de la migration d’adolescents chinois, dont certains arrivent en France sans leurs parents, sous l’autorité de tuteurs plus ou moins attentifs. Il est difficile d’avoir des informations sur les pratiques sexuelles de ce groupe. Notons sim-plement qu’ils n’ont pas reçu d’éducation sexuelle en Chine et qu’ils ont des difficultés de compréhension dans le système scolaire français, puisqu’ils sont non-francophones.

Les Chinois du NordIl est très difficile d’obtenir des données fiables concer-nant le statut marital des Chinois du Nord. En effet, toutes sortes de rumeurs circulent sur la bonne version à dire aux institutions françaises : dire que l’on est marié permet de faire venir une personne dans le cadre du regroupement familial en tant que conjoint, mais dire que l’on est divorcé permet de se remarier. Dans une étude réalisée en 2002 (Guerassimov, 2002) seule-ment 6 % des personnes interrogées se déclaraient divorcées. Mais, en réalité, les personnes séparées ou divorcées nous semblent constituer une majorité des migrants du Nord. Dans une enquête précédente (Cat-telain et al., 2002), les personnes séparées ou divorcées constituaient les 3/4 des personnes interrogées. La migration est vécue comme une seconde vie, aussi bien sur le plan professionnel que sentimental. En témoi-gnent l’importance du phénomène des mariages mixtes et l’observation de la formation de nouveaux couples en situation de migration. La migration conduit certainement les Chinois du Nord, qui se qualifient de « conservateurs », à adopter de nouveaux comporte-ments en matière de sexualité.

2.2.2. Le tabou de la sexualitéParler de sexualité nous a été décrit comme très délicat par le personnel soignant ayant un contact régulier avec les populations chinoises qualifiées de « très dis-crètes ». Comme le résume un médecin en maternité : « On ne parle pas de sexualité. » Ce médecin n’est pas saisi de plaintes d’ordre sexuel, mais de plaintes soma-tiques. Le constat est le même de la part des médecins de PMI interrogés : les plaintes somatiques font parfois surgir des discussions sur les problèmes de sexualité. Les questions autour de la naissance ou les récits de viol permettent l’évocation de la sexualité. Dans ce cas, les questions sont de plusieurs ordres. Elles touchent tout d’abord les problèmes de couples : disputes, violences conjugales, durée du rapport, absence de plaisir ou de tendresse. Viennent ensuite les questions liées à la nécessité de répondre à la pression du groupe,

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notamment à l’impérieuse obligation d’avoir un fils, d’où des questions sur les « techniques » permettant d’avoir un garçon. Les problèmes posés par l’infidélité et les angoisses liées à la possibilité d’attraper des maladies, sont plus exceptionnellement évoqués. Ceux-ci nécessitent une grande relation de confiance avec les médecins et un cadre de travail particulier, notamment la présence régulière d’un interprète. Com-ment explique-t-on la difficulté à parler de sexualité ? Nous reviendrons plus loin sur l’influence du statut du séjour, évoqué par une sage-femme : « Ce sont souvent des personnes qui sont dans l’irrégularité, donc elles n’aiment pas qu’on leur pose de questions. » L’absence ou l’inconstance de l’éducation sexuelle reçue en Chine est certainement en cause. Nous avons vu que les étudiants en médecine en Chine n’étaient pas sensibi-lisés à cette problématique. Deux jeunes Wenzhou d’une vingtaine d’années nous résument leur parcours en ce domaine : « L’éducation sexuelle c’est quand on se marie qu’on l’a, on peut voir des cassettes. Avant, il y a les cassettes de films X pour s’éduquer et les livres de biologie. On n’a pas de cours au collège et au lycée. »

2.2.3. La difficulté à maîtriser la contraceptionRappelons que la Chine est le pays de la politique de l’enfant unique. Dans ce cadre, la contraception n’est pas vécue comme une libération et un moyen de con-trôle de son corps et de sa fertilité, mais comme un ins-trument de pouvoir, fortement conseillé ou imposé par la contrainte et les pressions économiques. Les moyens utilisés sont essentiellement mécaniques : le stérilet (Bianco, 1994 : 27-41), puis le diaphragme et les pré-servatifs, moyens faillibles ou dont l’usage n’est pas for-cément aisé et connu. Il convient de citer le recours aux stérilisations forcées après la naissance du premier enfant, ainsi qu’aux avortements à un terme avancé de la grossesse. Un médecin chinois pratiquant en France nous décrit l’usage de la contraception en Chine : « On n’utilise jamais de préservatifs, en Chine les hommes n’aiment pas en mettre, ce n’est pas agréable. C’est le domaine des femmes, elles mettent un stérilet après leur première grossesse. »Ces informations sur la contraception chinoise sont cor-roborées par les entretiens auprès de médecins fran-çais : « Pour la contraception, ça nous esbroufe. Les femmes disent s’être fait congeler les trompes par voie naturelle, elles ne savent pas exactement ce qu’on leur a fait. Certaines patientes ont 8 ans de vie sexuelle, sans

contraception, sans enfants, sans stérilet. Mais appa-remment, elles ne sont pas protégées par la voie naturelle. Elles gardent leurs règles. S’agit-il de colle biologique ? de congélation ? » Les femmes ne savent pas toujours ce qu’elles ont subi comme mode de contraception.Le recours à l’avortement, notamment clandestin, est qualifié de « terrifiant » par un médecin de PMI tra-vaillant en Seine-Saint-Denis. Il est décrit par des jeunes Chinois comme un mode de contraception : « Si elle est enceinte, de toute façon, on peut faire un avortement facilement, même plusieurs fois. » Un autre médecin de PMI explique qu’il est difficile de parler des avortements subis par les femmes : « Beaucoup de femmes sont vio-lées durant le trajet. Il arrive qu’elles tombent enceintes ce qui entraîne des IVG, notamment clandestins quand elles ont dépassé le terme. […] On n’en parle pas direc-tement, le traumatisme est perceptible, c’est souvent l’interprète qui me le dit dans un second temps. » Des propos confirmés par une sage-femme travaillant auprès des Chinois de Saint-Antoine : « Elles ont du mal à en parler, de leurs IVG en Chine. Elles parlent de leur grossesse en France, mais pas en Chine. L’IVG est passée à l’as, elle n’est pas considérée comme une grossesse. »

2.2.4. Perception des risques et connaissance des IST« On n’a pas l’impression qu’ils se sentent concernés » est le leitmotiv recueilli auprès des personnels soi-gnants en PMI et en maternité, sur la possibilité d’être infecté par une infection sexuellement transmissible ou parle VIH. L’infection à VIH et les IST sont peu connues des patientes : « Elles n’ont pas de grande connais-sance de ces maladies. » Cependant, un témoignage d’un médecin travaillant dans une consultation IST nous montre qu’une petite minorité de migrants chinois a une démarche volontaire. Ce sont des personnes qui ont déjà eu des IST et qui sont orientées par un autre médecin.Ainsi, la connaissance des IST étant, au mieux, parcel-laire et la sexualité n’étant pas un sujet dont il est aisé de parler hors du cadre de blagues graveleuses, il n’y a pas de stratégies de réduction des risques pour les IST et la protection est rare et liée, au mieux, à un souci de maîtriser sa fertilité. Cette absence de prise en compte des risques dans les comportements nous paraît liée au manque d’information et à des outils d’information peu adaptés au public.

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2.3. Organisation communautaire : monopole de l’information et déficience de l’intégration

La représentation commune veut que les Chinois « résolvent leurs problèmes entre eux », grâce à un communautarisme fort et structuré, permettant à ses membres d’assurer leurs besoins essentiels reflétant une solidarité ethnique ou nationale. Or, de précé-dentes recherches ont montré la limite de cette image. Certes, cette « solidarité » se traduit par un soutien au projet migratoire, des accompagnements dans les institutions, de prêts d’argent et d’un réseau de relations pour trouver du travail ou un logement. Mais, ces relations de « solidarité » s’articulent autour de critères économiques et financiers.Ainsi, pendant les processus de migration et d’intégra-tion, les migrants doivent passer par des personnes tierces qui vont médiatiser leur relation aux institu-tions, qu’il s’agisse des consulats étrangers en Chine, voire des autorités chinoises, ou bien des hôpitaux, écoles ou administrations d’Île-de-France. L’opacité des procédures est donc entretenue par des intermé-diaires qui exercent un monopole de l’information pour vendre une connaissance toute relative de la société d’accueil, et exercer un contrôle sur les migrants.Cette abondance d’intermédiaires ne saurait cepen-dant constituer un atout dans la lutte contre l’infection à VIH. En effet, l’identification de personnes leaders ou relais dans une communauté est connue comme outil de diffusion de messages et de mise en place d’actions de prévention. Cependant, nous allons voir que la nature et l’activité de ces intermédiaires, aussi bien individus isolés qu’associations fortement structurées, ne sauraient se prêter à cet exercice, et peuvent même se révéler des obstacles à la prévention.

2.3.1. Des intermédiaires exerçant un monopole de l’informationDu passage jusqu’au processus d’intégration en Île-de-France, les migrants sont aux mains de toutes sortes d’intermédiaires de nature différente, sociétés ayant pignon sur rue, organisations illégales, traduc-teurs à la petite semaine ou officines de traduction. En effet, les migrants sont dépourvus de relations et de connaissances concernant la société d’accueil et les moyens d’accès au droit. Les intermédiaires entre-tiennent le manque d’information dans ce domaine en vendant leurs services et en diffusant de fausses informations.

Un passage qui fragiliseLe candidat à la migration a recours à des intermé-diaires qui vont lui permettre de se rendre à l’étranger. Nous avons vu que les Chinois originaires du Zhejiang étaient dotés d’un capital migratoire. Ils doivent cepen-dant se remettre entre les mains d’un passeur pour quitter la Chine. Le terme utilisé en chinois est révéla-teur des rapports de dépendance qui lient le migrant au passeur : celui-ci est qualifié de « laoban », ou patron. Dans ce cadre, les conditions de migration vers la France peuvent contribuer à fragiliser les migrants. En effet, le passage de la Chine à la France peut prendre des formes très diverses (multiplicité des types de visas, des documents, voire des identités) et emprunter des trajets et modes de transports variés. Les passages se font parfois dans la promiscuité, sous la coupe de « patrons » pouvant user de violence. Les témoignages concordants des médecins de PMI, des travailleurs associatifs et des interprètes dans les hôpitaux nous signalent des cas de viols lors des passages.Les Chinois du Nord et des mégalopoles sont en revanche dépourvus de tout réseau de connaissance à l’étranger, puisqu’on assiste ici à un phénomène de migrations pionnières (Guerassimov, 2001). Ils s’en remettent donc à des sociétés intermédiaires qui vont prendre en charge leur départ pour l’Europe.

Des rapports aux administrations médiatisés et rémunérésCette intermédiation, caractéristique du processus migratoire, se retrouve dans les rapports aux institu-tions du pays d’accueil.Les intermédiaires fleurissent sur le manque de maî-trise du français des Chinois et leur faible connaissance de leurs droits. En effet, la difficulté de l’accès à l’infor-mation est patente : elle est due à l’inadaptation des institutions et à la complexité des démarches.Les Chinois primo-arrivants ont très peu de moyens d’accéder à une information juste et complète. Cette absence d’informations est ressentie vivement dans les entretiens approfondis effectués lors de précédentes recherches (Cattelain, 2002) : plusieurs personnes sont allées jusqu’à se qualifier d’ « handicapées », de « muettes » ou de « mortes ». Les relais institutionnels ne sont pas efficaces dans la diffusion de l’information auprès des migrants : ils n’ont pas les moyens humains, ni les outils pour l’appréhender et pour accompagner les migrants dans les démarches administratives.

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Ainsi, les intermédiaires sont un recours pratiquement obligatoire lors de démarches pour accéder au moindre droit social : de l’inscription des enfants à l’école, à la constitution d’une Aide médicale État rénovée (AMER). Ils facturent donc une maîtrise toute relative de la langue française et une connaissance, souvent erronée des droits sociaux.

2.3.2. Les petites annonces des interprètes chinoisNous avons étudié quelques petites annonces décol-lées sur les murs du quartier de Belleville (voir p.22). Elles proposent des « services de traduction », notam-ment « l’accompagnement chez le médecin et une assurance 100 % gratuite ». Ces services sont facturés : de 8 d pour « remplir un for-mulaire », 9 d la lecture d’une lettre, 20 d l’inscription de l’enfant à l’école, 35 d pour « l’assurance 100 % » (AMER), 35 d l’inscription pour « une inscription de femme enceinte », etc. Quant aux « titres de séjour maladie » (Autorisation provisoire de séjour pour soins), le prix doit être discuté « en face » ! Ces simples petites annonces nous montrent aussi en quoi ces intermédiaires sont un puissant facteur de diffusion d’informations erronées, soit par manque de connais-sance de la part de ces intermédiaires mêmes, soit par volonté délibérée d’induire en erreur. De nombreux migrants chinois pensent ainsi que le « titre de séjour maladie » ouvre les mêmes droits qu’un titre de séjour et permet systématiquement de travailler. Ils sont donc prêts à payer jusqu’à 1 500 d pour en obtenir un.

2.3.3. Brève typologiedes intermédiairesQui sont ces intermédiaires entre les migrants chi-nois et les administrations françaises ? L’étude de leur nature permettra de répondre à la question de savoir en quoi ils peuvent servir de relais pour des actions deprévention.

La familleExaminons tout d’abord le rôle des familles. De précé-dentes recherches ont cherché à savoir comment fonc-tionnait la « solidarité » familiale chinoise. Schémati-quement, elle est structurée autour des notions de dette morale et de don contre don. Le migrant est pris dans un réseau d’obligations et d’échanges de bons procédés. Les enfants mineurs sont particulièrement sollicités par la « solidarité » afin d’accompagner leurs familles dans leurs démarches. Enfin, famille n’est pas synonyme de désintérêt et de gratuité. Le critère de

l’argent et de la situation sociale semble opérant pour décider de l’acte de « solidarité ». La famille joue certes un rôle important, mais elle ne maîtrise pas toujours bien les outils qui permettraient la diffusion d’une infor-mation correcte. Le problème de l’intimité entre la personne concernée et le membre de la famille qui l’accompagne dans ses démarches peut de plus se révé-ler un frein à la diffusion d’informations. C’est, notam-ment le cas des maris, qui sont souvent présents lors du suivi de la grossesse de leur femme et jouent parfois le rôle d’interprète. Cela a été cité par les médecins comme une gêne pour aborder les problèmes de sexualité.

Les marchands de médiation : interprètes improvisés et officines de traductionCette catégorie d’intermédiaires marchands s’efforce de mettre en avant un professionnalisme tout relatif. Ils se font souvent appeler « avocats » alors qu’ils n’en ont ni la compétence ni la qualification.Les interprètes « free-lance » sont des personnes qui maîtrisent sommairement le français et proposent leurs services par le biais de petites annonces du type de celle que nous avons reproduit ci-dessus. Parmi les petites annonces, celle du « Centre des 100 facilités » nous paraît particulièrement révélatrice. Si elle invite à contacter un « Monsieur Jiang », qui n’a qu’un numéro de portable, elle vante les mérites d’un « centre qui a des années d’expérience dans le conseil juridique » et propose d’accompagner les personnes pour aller à la préfecture, à l’hôpital et à la Sécurité sociale. La petite annonce conclut par un argument de poids : « Le moins cher de tout le marché ! »Les officines de traduction sont des commerces ayant pignon sur rue, pour qui l’activité de traduction est la base. Le passage par leurs services semble incontour-nable : « personne ne peut nous aider », expliquent les migrants. Elles prennent en main tout le processus de demande d’asile. Cependant, elles créent aussi de nou-veaux besoins, en multipliant les démarches des migrants, parfois inutiles. Concrètement, ce sont des Chinois qui parlent bien français et connaissent, plus ou moins bien, les rouages de l’administration française. Ainsi, parmi les intermédiaires décrits ci-dessus, c’est le souci de rentabilité qui prime. Le désir d’intégration, d’insertion, d’amélioration des conditions de vie est pra-tiquement inexistant. En effet, ces « avocats » limitent toute possibilité d’autonomie en délivrant le minimum d’informations, ou en mentant. La désinformation et l’opacité sont leur gagne-pain.Face à ces marchands, des professionnels de la traductionet de la médiation interviennent dans les associations

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Baï zwen Traduction CentreNous avons beaucoup d’expérience dans la traduction et les informations juridiques. Nous vous accompagnons aux consultations à l’hôpital et nous demandons la Sécurité sociale et une assurance 100 % gratuite. Nous vous aidons pour l’inscription des enfants à l’école et aussi pour la carte de séjour. Lecture de lettres, rédaction de courrier, recours, domiciliation, etc.

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et les institutions. Français ou d’origine chinoise, ils ont des compétences précieuses en termes de connais-sance du public ; leur expérience leur permet de déve-lopper des pratiques empiriques de mise en confi ance. Ce sont des intermédiaires importants. Mais ils sont peu nombreux et peu au fait des arcanes médicaux, juri-diques ou sociaux, leur savoir sur ces questions étant le fruit du terrain, ce qui, dans ces domaines, est insuffi -sant. Notons cependant le professionnalisme et la spé-cialisation de certains d’entre eux, qui ont construit de solides relations de confi ance avec les patients chinois et initié des actions de formation pour le personnel médical6.

2.3.4. Des associations et leaders peu concernés

Associations et préventionLes groupes de migrants ont joué un rôle important afi n que se développent des programmes de prévention du sida dans les pays d’accueil. Ceux-ci ont exercé une pression, réclamé des informations et mis en place des actions de soutien. Cela a notamment été le cas en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas dans les années 1990. En France, un militant associatif nous a décrit le même mouvement pour les communautés africaines et maghrébines : la demande est partie des associations communautaires. Il déplorait cependant le manque d’intérêt, de demande, voire de répondant, des associa-tions franco-chinoises aux propositions de prévention

faites par une association de lutte contre le sida. Lors d’une plate-forme sur les migrants et le sida mise en place par Sida Info Service, alors que de nombreuses associations chinoises avaient été invitées, seule Fant’Asia7 a répondu à l’appel. Le caractère récent de cette migration et la précarité de ses conditions de vie, mais aussi la nature même du mouvement associatif peuvent expliquer cette défi cience. Qui sont ces associations chinoises et franco-chinoises et en quoi peuvent-elles jouer un rôle dans la prévention ?En introduction sur les associations chinoises et franco-chinoises, citons ce chiffre fruit des recherches de Pierre Picquart8. Il a recensé dans toute la France 649 associations chinoises et franco-chinoises dont… 5 d’intégration (Picquart, 2002) ! En effet, une

Traduction d’une annonce

Annonce originale

6 À ce titre, la consultation en maternité de Saint-Antoine à Paris est exemplaire.7 Nous reparlerons plus loin de cette association ; il ne s’agit pas d’une association chinoise.

8 www.chinoisdefrance.com

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proportion importante d’associations chinoises repré-sente des corporations professionnelles ou des mouve-ments religieux. Le mouvement associatif chinois traduit l’hétérogénéité historique, sociale, régionale et nationale d’une « communauté » plurielle. Si cette diversité se reflète dans le foisonnement d’associations chinoises, celles-ci ne répondent que très partiellement aux nouveaux besoins sociaux émergents de l’arrivée de nouveaux migrants. Nous allons tout d’abord don-ner une brève typologie de ces associations, en mon-trant en quoi elles servent de relais dans l’intégration sociale des Chinois.

Brève typologie : un foisonnement ne répondant pas aux besoinsLes associations corporatistes représentent des groupesde professionnels, souvent des commerçants, associésà des origines régionales, Teochew, Ex-Indochine, Shanghaïens, Wenzhou… Elles ont pour but de défen-dre leurs intérêts et d’inciter les entrepreneurs à inves-tir dans la Mère patrie. L’ambassade de Chine est souvent très présente dans ces associations semi-officielles. Très puissantes et structurées, elles béné-ficient de budgets importants. Elles n’ont cepen-dant aucune action sociale envers les migrants ni de volonté intégratrice, malgré leurs discours. PierrePicquart dit à leur sujet : « Les associations chinoises renforcent la tendance à l’autarcie des communautés. »(Picquart, 2002).De plus, en tant qu’instruments de démonstration de la face et de réseaux de relations commerciales, elles ont pour souci de véhiculer une image positive de la communauté, même si celle-ci est totalement fausse. Le thème de l’infection à VIH ne saurait donc être relayé par ces associations fortement communautaires. Les associations religieuses sont bouddhistes ou chré-tiennes (en grande majorité protestantes). Les églises protestantes exercent un prosélytisme actif notam-ment à Belleville. Toutes les migrations chinoises s’y côtoient sans s’y mêler. Certaines de ces églises fournissent également une aide sociale, des repas, de l’information dans le domaine de la santé, de l’écoute et plus rarement des accompagnements non

administratifs. Il semblerait que ces organisations jouent un rôle de soutien, notamment moral, impor-tant. Face à l’importance croissante de la demande, elles éprouvent des difficultés à structurer des répon-ses adaptées. Enfin, les associations franco-chinoises œuvrent dans le domaine de l’intégration. Ces asso-ciations mettent en place des actions sociales visant à créer une passerelle avec la société d’accueil. Elles servent souvent de médiatrices entre les Chinois et les institutions, comme l’école, l’hôpital, la préfecture… Leurs responsables sont français, rarement chinois. La présence de personnes issues des vagues migratoires récentes reste marginale, même s’il est notable que la représentation des migrants du Zhejiang est en progrès. Les Chinois du Nord ne sont pas représentés dans les instances dirigeantes de ces associations. Ellesconnaissent actuellement une évolution vers plus de professionnalisation, mais se heurtent à la faiblesse de leurs moyens. Elles accueillent surtout les nouveaux migrants et sont totalement saturées par la demande. La gratuité de certaines et la présence de personnes bilingues font qu’elles sont très appréciées des Chi-nois. Elles sont souvent le dernier recours de migrants ayant de graves problèmes, et qui ont épuisé tous les réseaux à leur disponibilité sans succès. Elles jouent un rôle très important dans l’insertion des mineurs. Le manque de formation des acteurs et la saturation de l’accueil limitent cependant leur portée. Ainsi, le contexte de migration renforce les vulnérabili-tés des migrants chinois. La précarité des conditions de séjour et du logement, les dures conditions de travail, liées à la nécessité de rembourser une dette de pas-sage très élevée, ne font pas de la santé une de leurs priorités accessibles. Les questions de sexualité restent taboues, la contraception est difficilement maîtrisée. Les intermédiaires avec les administrations, nécessaire passage pour des migrants qui ne maîtrisent pas le français et ne connaissent pas leurs droits, exercent un monopole sur l’information et entretiennent la dépen-dance des migrants. Les associations chinoises et franco-chinoises sont soit désintéressées totalement par les problématiques sanitaires et sociales, soit peu armées pour y répondre.

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3 Populationsvulnérables :quelle connaissance du VIH ?

Les données recueillies nous permettent de faire l’hypothèse d’un certain nombre de comportements à risques lors de certaines pratiques : l’usage de drogues par voie intraveineuse avec une possibilité de partage de seringues ; la prostitution où le nombre de partenaires est élevé sans une utilisation systématique du préservatif ;

les rapports sexuels sans protection pour certains homo-sexuels. Nous verrons que ces pratiques provoquent un certain nombre de vulnérabilités qui se surajoutent à celles que connaît la population de migrants décrite ci-dessus. Nous pensons qu’elles favorisent des comportements à risque.

3.1. Les prostituées

Depuis plus de deux ans, la prostitution chinoise commence à être visible dans le Nord et le Nord-Est parisien, dans les quartiers de Belleville, République, Strasbourg-Saint-Denis, Château-Rouge et Place de Clichy à Paris, ainsi qu’autour de la station de métro Quatre-Chemins à Aubervilliers. Afin de mieux connaître cette population, nous avons effectué de courts entretiens et diffusé de l’information concernant le VIH et l’accès aux soins grâce aux associations Boréal et Médecins du Monde, qui sont porteuses d’actions de réduction des risques auprès des toxicomanes. Les femmes sont présentes sur les programmes d’échan-ges de seringues (PES) et les programmes de réduction des risques, alors que ceux-ci n’ont pas de spécificité envers les prostituées. Ces associations effectuent un travail de mise en confiance, distribuent des préserva-tifs et du gel, mais ne peuvent assurer le suivi social des femmes du fait de l’obstacle de la langue et du manque de moyens adaptés. Nous avons rencontré plus d’une trentaine de per-sonnes et dialogué avec une dizaine, sur les sites de Strasbourg-Saint-Denis, Château-Rouge et Belleville, en fin d’après-midi et le soir. Notons que le contact avec les femmes à Belleville était le premier. Nous avons cherché à évaluer leurs pratiques, leurs conditions d’accès aux soins, leur connaissance du VIH et les mesures de protection qu’elles prennent. Les contacts ont été particulièrement faciles à nouer avec ces personnes qui se sont livrées spontanément.

Enfin, il convient de souligner que la description ci-des-sous ne saurait être exhaustive : elle ne fait état que de la prostitution visible parmi les personnes du Nord et des mégalopoles, alors que des entretiens lors de pré-cédents travaux (Cattelain et al., 2002) nous laissaient entendre qu’une prostitution moins visible avait lieu, dans les dortoirs ou grâce au téléphone portable. Au cours de cette enquête, de nombreuses affirmations, de l’ordre du « on-dit », n’ont pu être confirmées (prostitu-tion de jeunes filles du Zhejiang, de jeunes garçons à Dauphine ou de jeunes femmes Porte de la Chapelle), malgré des recherches à cet effet.

3.1.1. Des « mères de familles conservatrices »

Un phénomène croissantIl est difficile d’estimer le nombre de prostituées chinoises visibles à Paris. L’association Boréal a remarqué l’apparition de quelques personnes à Strasbourg-Saint-Denis en octobre 2000. La progression a depuis été continue, avec environ 50 à 80 personnes à chaque intervention9 et des pics autour de 150 à 200 per-sonnes. Depuis juin 2002, 3-4 femmes nouvelles sont repérées à chaque intervention. Ces femmes sont de prime abord peu identifiables. Un responsable associatif du Bus des femmes nous a dit ne pas les avoir vues au début et avoir pensé qu’il s’agissait de femmes

9 L’association intervient trois fois par semaine, de 15 h à 19 h près du métro Strasbourg-Saint-Denis.

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qui faisaient leur marché. En effet, elles portent souvent un sac et marchent, notamment en fin de journée dans les quartiers très passants. Le soir, elles sont, en revanche, plus visibles puisqu’elles stationnent. La clientèle des Chinoises ne se limite pas aux Chinois. Plusieurs fem-mes nous ont dit ne faire qu’une à deux passes par jour, mais nous avons remarqué la présence de certaines l’après-midi et le soir sur un même site. Le prix d’une passe s’élèverait à 30 d auxquels il faut ajouter les frais d’hôtel. Il semblerait que certaines femmes se rendent dans l’appartement de leur client. Des cas d’agression nous ont été rapportés.Comment ces femmes ont-elles commencé à se prosti-tuer ? Une association nous a parlé de « stratégie dans l’implantation : elles tâtent le terrain avec quelques personnes pour voir si ça marche, puis si ça fonctionne, le mouvement prend de l’ampleur ». Peut-on pour autant parler de stratégie ? À la question du choix de l’emplacement, une femme travaillant à Strasbourg-Saint-Denis nous a répondu : « Ici, c’est permis. » La totalité des personnes à qui la question a été posée nous a répondu ne pas avoir de proxénète, mais avoir été conseillée par une amie ou un ami. L’association Boréal estime que le phénomène n’est pas structuré au sens de la prostitution classique : les femmes n’auraient pas de protecteur, travailleraient à 2 ou 3, mais retrou-veraient parfois un Chinois au café. Des hypothèses confirmées par les entretiens réalisés : les femmes disent garder leur argent et ne jouir d’aucune protec-tion. Cependant, ces affirmations doivent être relativi-sées, étant donné la courte relation établie avec ces femmes. À la question sur l’existence d’un souteneur, il ne nous est donc pas possible de répondre de manière catégorique.

Déclassement en Chine, précarité en FranceQui sont les prostituées chinoises ? La plupart viennent des provinces du Nord de la Chine, notamment le Liao-ning. Âgées de 35 à 70 ans, elles étaient en Chine, cadres, ouvrières ou employées. Elles évoquent sponta-nément la dégradation des conditions économiques de leur région, dans laquelle les entreprises d’État ferment une à une. La nécessité de partir pour payer les études de leur unique enfant est également évoquée. Une ancienne cadre membre du PC mise au chômage a ainsi cité la somme annuelle de 2 300 d pour payer les études universitaires de son fils : « Nous sommes sor-ties pour nos enfants. » Nous avons déjà vu que les per-sonnes originaires du Nord avaient un enfant unique et le rôle que les frais de scolarité jouaient comme facteur migratoire. Dans des conversations plus longues ini-tiées avec les prostituées chinoises, le sort de l’enfant

unique resté au pays est revenu à plusieurs reprises.La plupart des femmes rencontrées sont présentes en France depuis environ un an, certaines depuis seule-ment un mois. Parmi ces dernières, plusieurs ne savaient pas prendre le métro, ni se repérer sur un plan de Paris. Leur vie quotidienne est marquée par la préca-rité économique et juridique. En effet, la totalité des personnes avec qui nous avons dialogué s’est déclarée « sans papiers », bien que nous pensions que certaines d’entre elles étaient des demandeuses d’asile. Elles louent des couchettes et des lits, dans les mêmes con-ditions que leurs compatriotes, décrites ci-dessus. Elles sont soumises aux mêmes réseaux de « solidarité » rémunérée que le reste de la communauté. Soulignons que si les personnes interrogées à Strasbourg-Saint-Denis et Château-Rouge avaient connaissance d’une association puisqu’elles fréquentaient toutes les actions de prévention de MDM et Boréal, ce n’était pas le cas des femmes présentes à Belleville. En effet, un passage du bus du programme d’échange de seringues de MDM auprès d’elles a montré qu’elles n’avaient jamais été en contact avec une association.Elles ont d’abord essayé de trouver du travail dans la confection ou comme nourrice. Elles ont alors travaillé clandestinement dans de très dures conditions, et sans aucune garantie d’être payées, voire sans aucune rému-nération. Cependant, le marché du travail qu’elles qua-lifient de « très étroit » dans leur cas semble être saturé : ne pouvant trouver de travail, elles se résolvent à la prostitution, cumulée, semble-t-il à d’autres travaux occasionnels dans la confection ou comme nourrice. La prostitution a été évoquée comme une nécessité éco-nomique : « Ici, on ne peut pas vendre son sang, alors, on fait ça.10 » « Je n’ai pas d’autre solution », « Je n’ai pas le choix », affirment-elles, pour payer le loyer, les frais de vie et continuer à rembourser leur dette. En effet, rappelons que les frais de venue en France pour les Chi-nois du Nord s’échelonnent entre 4 600 et 12 200 d. Les femmes interrogées n’avaient remboursé qu’entre 1 500 et 2 500 d de la somme empruntée à la famille et aux amis pour partir. Cependant, le facteur psycholo-gique ne saurait être minimisé. Les femmes employées comme nounous ont un niveau d’étude équivalent ou supérieur à la fin des études secondaires. Elles ont long-temps été les privilégiées du régime. Or, elles se retrou-vent domestiques employées par des Chinois du Zhe-jiang dont elles jugent qu’ils sont « sans éducation ». Le travail auprès des familles chinoises Wenzhou en tant que nourrice est vécu comme source de grande humi-liation. Le sentiment de chute et de déclassement est alors très fort : « Nous sommes fortes, mais parfois nous pleurons. »

quelle connaissance du VIH ?

10 Nous ne savons pas si l’évocation de la vente de sang est ici symbolique ou réelle. Le phénomène de vente de sang ne s’est pas limité aux populations rurales, mais a également touché les populations paupérisées par le chômage urbain. Vendre son sang permet de payer les études des enfants, notamment. Cependant, nous n’avons pas d’information sur les pratiques de vente de sang dans les foyers migratoires du nord de la Chine et sur l’ampleur de cette pratique parmi les populations présentes en France. Ce point mérite d’être éclairci.

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La dureté des conditions de vie et de travail ne conduit pas à une consommation d’alcool et de drogue. L’association Boréal n’a pas remarqué de telles pratiques.Il ne semble donc pas que ces femmes étaient des prosti-tuées professionnelles en Chine. L’une d’elles, âgée d’une cinquantaine d’années, nous a affirmé être une « mère de famille conservatrice » : « On ne savait pas comment faire l’amour. Avec mon mari, on le faisait deux fois par mois. Nous ne sommes pas des professionnelles entraînées comme les autres filles. » Cette citation nous paraît bien refléter l’image que ces femmes ont d’elles-mêmes. Plusieurs ont dit venir au bus de programme d’échange de seringues de Médecins du Monde « pour un ami ». Le mot de « prostituée » n’a jamais été utilisé lors des entretiens, ni de leur part, ni de notre fait. Cette perception d’elles-mêmes nous semble importante à souligner pour la production d’outils de prévention en chinois.Cependant, l’association Boréal se demande si des professionnelles ne seraient pas parmi elles depuis peu.

3.1.2. Santé, protectionet connaissance du VIHSchématiquement, les personnes présentes depuis environ un an sont titulaires de l’AME, les autres non. Les conditions de logement sont un obstacle à l’ouver-ture de droits. Les personnes habitant en dortoir ne savent pas comment obtenir un certificat d’héberge-ment. Plusieurs personnes nous ont dit avoir l’habitude de se faire suivre médicalement en Chine, mais ne pas aller chez le médecin ou à l’hôpital en France. Parmi toutes les personnes avec lesquelles nous avons dialo-gué, une seule était allée à l’hôpital pour un kyste à l’ovaire. La prise en charge n’avait pu s’effectuer suite à un problème de communication. Nous avons remarqué la présence de personnes particulièrement peu infor-mées sur leurs droits. Nous avons donc noté un vif inté-rêt des femmes pour toute information concernant leur santé, les moyens de se faire dépister et de se protéger de l’infection à VIH. Elles ont toujours vivement remer-cié le personnel travaillant dans les associations : « merci de vous soucier de nous », « merci beaucoup, le gouvernement français est trop bon avec nous ».11

L’usage du préservatif semble répandu pour les rap-ports vaginaux. Les femmes viennent s’en procurer auprès des associations ou disent en acheter. Plusieurs femmes nous ont dit avoir « très très peur du sida ». Le souci de rester en bonne santé a été évoqué à plusieurs reprises, ce que J. Pierret nomme la « santé capital » : « Si je suis en mauvaise santé, je ne peux plus tra-vailler » ; « la santé, c’est prioritaire, la santé en premier, l’argent en second, nous sommes des mères de famille avec des enfants ». Cependant, il convient de nuancer

cette donnée. Nous avons plusieurs fois eu le sentiment qu’elles disaient se protéger car c’était la « bonne réponse » à fournir. De plus, nous avons rencontré au moins une femme ne sachant pas utiliser un préservatif et n’en utilisant pas. Enfin, l’association Boréal nous affirme qu’au début, les femmes faisaient des passes plus chères de 7,5 d si le préservatif n’était pas utilisé.L’usage du gel est en revanche bien moins répandu. Aucune des femmes rencontrées à Belleville12, ne savait à quoi servait le gel. Environ la moitié de celles tra-vaillant à Château-Rouge et Strasbourg-Saint-Denis étaient dans le même cas. Cela ne peut que favoriser les irritations et microcoupures.Cependant, l’usage du préservatif ne saurait traduire que les risques sont perçus : les femmes ne se sentent pas concernées par le sida en tant que tel. Nous avons vu que la prévention en Chine avait longtemps montré le sida comme une maladie étrangère et, qu’encore récemment, les militants pour la lutte contre le sida étaient accusés d’aider les forces anti-chinoises. Cette conception influence largement la perception des risquespar les prostituées chinoises : elles se protègent contre les « étrangers » (les non-Chinois). À plusieurs reprises, le « romantisme », c’est-à-dire la légèreté des mœurs sexuelles de la France, a été cité comme raison de l’uti-lisation du préservatif. Les réactions à la diffusion d’information sur les possibilités de recourir à une prophylaxie d’urgence révèlent que concrètement les femmes se sentent peu concernées. La question : « Que faites-vous en cas de rupture de préservatif ? » a, à une exception près, apporté des réponses liées à la contraception. Les femmes nous ont dit en revanche changer de préservatif s’il se cassait avant l’éjaculation, sinon « il n’y a rien à faire » nous a dit l’une d’elles.Ainsi, la connaissance de l’infection à VIH nous semble vague. Si les femmes citaient spontanément les trois principaux modes de contamination, elles ont montré des conceptions erronées de la maladie. Il nous a été extrêmement difficile de parler des risques de contami-nation lors d’une fellation. Le mot « rapports oraux » n’est pas compris tout de suite et provoque des réac-tions choquées : « Nous, les Chinoises, on ne fait pas ça. » Aucune femme ne savait que des risques de con-tamination existaient lors de rapports oraux. Une femme nous a dit choisir ses clients à leur apparence, pensant que « ça se voyait si les gens ont le sida ». Elle nous a demandé si le sperme infecté était le même, en apparence, que le sperme sain. Elle a immédiatement relayé l’information donnée par Médecins du Monde à ses amies présentes, qui ont marqué de l’étonnement ainsi que de l’intérêt.Enfin, plusieurs femmes nous ont dit être déjà allées se

11Nous avons vu qu’en Chine, les actions de prévention du sida étaient essentiellement aux mains du gouvernement et que les associations n’avaient de manière générale pas droit d’exister indépendamment.

12 Rappelons qu’il s’agissait de leur premier contact avec une action de prévention.

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faire dépister, sans cependant pouvoir donner davan-tage d’explications. La majorité ne s’est jamais fait dépister. De nombreuses questions ont été posées lors de la diffusion d’information concernant le dépistage : est-il gratuit ? Faut-il avoir un titre de séjour pour se faire dépister ? Faut-il être titulaire de l’AME ? Ces questions

nous confirment que les notions d’anonymat, de gra-tuité et de confidentialité ne sont pas bien comprises et nous montrent que la conception et la pratique du dépistage en Chine influent sur la perception de ce der-nier en France. L’obstacle de la langue a également été cité comme frein au dépistage.

3.2. Usagers de drogue

3.2.1. La collecte des donnéesLes données collectées sur les Chinois usagers de drogues au sein de la présente étude proviennent de trois sources différentes :• Médecins du Monde qui a un programme de réduction des risques et d’accès aux soins s’appuyant d’une part, sur l’échange de seringues et d’autre part, sur une distri-bution de méthadone (nous avons consulté les fiches d’inclusions et réalisé des interviews d’intervenants) ;• l’ensemble des équipes de coordination et d’interven-tion auprès des malades usagers de drogues (ECIMUD) de l’Assistance-publique/hôpitaux-de-Paris ;• des Chinois usagers de drogues inclus dans le pro-gramme de MDM. Elles nous ont permis d’avoir des éléments descriptifs sur leurs conditions de vie, et leur « carrière13 » de toxicomane. En revanche, ce recrute-ment fournit peu d’informations relatives aux toxicoma-nes chinois n’ayant pas accès aux soins.Seulement trois ECIMUD ont suivi l’hospitalisation d’une vingtaine de patients chinois ces deux dernières années : Lariboisière, la Pitié-Salpêtrière et l’hôpital européen Georges-Pompidou. Compte tenu du peu de disponibilité en temps de ces équipes et des délais de réalisation de cette étude nous n’avons pu – malgré leur accord – analyser les dossiers médicaux de leurs patients. Cependant, deux données empiriques méritent notre attention. D’une part, il y aurait une surreprésentation des overdoses (4/5) à la Pitié-Salpêtrière, proportionnellement aux autres motifs de prise en charge. On peut émettre l’hypothèse, que rien d’autre ne vient étayer, qu’elles pourraient être liées à l’existence d’une filière d’approvisionnement particu-lière. D’autre part, le peu de demandes de sevrages. Cette dernière donnée est éclairée par les intervenants de MDM qui témoignent d’une grande difficulté pour obtenir l’accord d’une ECIMUD pour l’hospitalisation de patients non-francophones, Chinois ou non.

3.2.2. Une « carrière » originale ?Spécificités de l’échantillonSelon la revue de la littérature réalisée par Angladette L. (2002), « les carrières débutent classiquement vers l’âge de 20 ans, progressent vers un usage lourd sur une période de quelques mois à quelques années, et évoluent souvent vers une alternance d’épisodes d’usage et d’épisodes d’abstinence ». Les carrières seraient d’une durée de 10 ans ou plus, avec des cycles d’abstinence, de rechutes et de réduction de la con-sommation que cela soit dû ou non à des traitements ou des incarcérations. Selon Tellier (2001), les usagers d’opiacés pris en charge en novembre 1999 ont en moyenne 31 ans et seule une petite minorité d’entre eux (13 %) a moins de 25 ans. Trois usagers de drogues sur quatre sont des hommes (76 %). 40 % des usagers de drogues sont sous méthadone quand ils prennent un traitement de substitution. Ils sont plus vieux d’un an que les toxicomanes sans traitement de substitution. L’échantillon de Chinois fréquentant Médecins du Monde est plus jeune que la population d’usagers de drogues sous substitution : l’âge moyen est de 26 ans (contre 32 ans), l’individu le plus jeune à 19 ans, le plus vieux 40. L’ensemble de l’échantillon est composé d’hommes. Les entretiens que nous avons effectués nous semblent indiquer que la plupart des personnes proviennent de la province du Zhejiang.

13 Le terme de « carrière » est une traduction de l’anglais (EU), nous reprenons ici le concept sociologique, développé notamment par I. Goffman.

Classes d’âge 19-24 25-29 30-34 35 et +

Effectifs 13 2 5 2

Effectifs en % 59,09 9,09 22,72 9,09

Distribution par classes d’âge

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L’échantillon des usagers de drogues chinois consomme de l’héroïne, 50 % par voie intraveineuse, 45,4 % par inhalation, les autres ne sont pas rensei-gnés. Curieusement, à peine 18 % de l’échantillon déclare une polytoxicomanie.Plus des 2/3 de l’échantillon (86,36 %) n’a pas répondu lors de l’entretien d’inclusion lorsqu’il leur a été demandé s’ils avaient un titre de séjour. Les autres n’en avaient pas. Les entretiens non directifs avec cinq d’entre eux nous ont notamment permis de savoir qu’ils n’avaient pas de droits ouverts au séjour stable et régulier.Une seule personne a un domicile personnel, deux vivent au sein de leur famille, un quart chez des amis et un autre quart en sous-location collective. Sachant que l’appellation « amis » ne correspondant généralement pas à la réalité, il s’agit plus souvent de la famille ou d’une sous-location collective, ils tiennent en général à garder l’information secrète comme le reste de l’échan-tillon qui n’a rien déclaré (8 personnes).

Durée de consommation et présence dans le programme de substitutionLes Chinois usagers de drogues sous méthadone de l’échantillon MDM seraient en France depuis un peu plus de 3 ans (40 mois). La consommation d’héroïne aurait débuté ici pour plus de la moitié (63,6 %). Toute-fois, la durée de résidence en France n’est renseignée que pour la moitié de l’échantillon. De plus nous nous sommes aperçus lors des entretiens qu’il y avait une sous-déclaration, en première intention d’un début d’usage en Chine.L’élément le plus surprenant est la durée d’usage de drogue à l’entrée dans le programme méthadone, la moyenne est exceptionnellement basse, soit 2,63 années en moyenne (de quelques mois à 8 ans). Ils sont géné-ralement présents dans ce programme durant 6,53 mois (les extrêmes se situent entre 1 et 48 mois).

L’entrée rapide dans le programme après une « courte » durée de consommation est rendue possible et à mettre au crédit de Médecins du Monde qui fait preuve d’une grande souplesse dans ses inclusions. Leur entrée est tout de même plus précoce que celle des autres usagers de drogues selon un responsable de MDM.

3.2.3. Mortalité et sida

Partage de seringues ?Il n’y aurait aucun toxicomane chinois au sein de la file active du programme d’échange de seringues de Médecin du Monde (le PES), on n’en trouverait pas non plus à celui de Médecins sans frontières (PAMS, programme d’accès au matériel d’injection stérile). N’ut i l isent- i ls que les distr ibuteurs en l ibre-service (ouverts la nuit) ? Achètent-ils toutes leurs seringues pour un usage unique ou partagent-ils leurs seringues ? Les cinq usagers du bus méthadone de Médecins du Monde interrogés nous ont déclaré ne pas partager les seringues.Nous savons que certaines provinces chinoises du Sud montrent des taux de partage de seringues très élevés14. Nous savons également que la prévalence du VIH y est importante15. Mais nous n’avons pas de données concernant les bourgs de Wenzhou. Nous ne savons pas si l’usage de drogue a été modifié par la migration. Cependant, le fait qu’au moins la moitié des consommateurs d’héroïne ont débuté leur usage en Chine doit retenir notre attention. Enfin, seulement 13,63 % de l’échantillon a réalisé une sérologie pour le VIH (3 personnes) dont un individu en Chine. Cependant, les individus ne précisaient jamais où ni quand ils l’avaient faite, ni quel en était le résultat. Un seul individu connaît son statut sérologique pour le VHC. Ainsi, la carrière du toxicomane chinois semble différente de celle du reste de la population. Nous ne savons pas ce qu’il en est des comportements, hormis le fait qu’ils n’échangent pas leurs seringues au sein des programmes. Est-ce que l’on retrouverait le partage de seringues comme en Chine, ou y a-t-il une straté-gie de prévention n’incluant pas l’échange de serin-gues (achat fréquent et non partage par exemple) ? Si les données recueillies peuvent motiver prévention et campagne de dépistage, nous sommes dans l’impossi-bilité de savoir si « l’absence de partage de seringues » est le discours obtenu parce qu’ « attendu » par l’inves-tigateur ou le reflet d’un comportement différent en France.

14 70 % pour le Hunan, 25 % pour le Jiangsu, 23 % pour le Fujian, en 2000, et 93 % pour le Jiangxi en 2000 (ONUSIDA 2001).15 20 % dans le Guangdong, de 58 à 80 % dans le Yunnan en 2000 (ONUSIDA 2001).

Attention ! Les effectifs sont différents car nous n’avons pasl’ensemble des données pour 2 personnes de moins de 25 ans.

Répartition par classe d’âgede la durée de consommation et de substitution

Classes d’âge Durée de consommation Présenceet effectifs (en %) (moyenne en mois) le programme (moyenne en mois)

19-24 50 % 21,6 7,56

25-29 10 % 78 6,48

30-34 30 % 33,6 19,92

35 et + 10 % 60 12,96

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3.3. Les homosexuels

3.3.1. Une communauté homosexuelle à Paris ?Au sens strict du terme, il n’y a pas de communauté homosexuelle chinoise à Paris, dans le sens d’un groupe distinct s’affirmant comme tel. Les homosexuels chinois sont cependant présents en petit nombre au sein des associations asiatiques de la capitale, Fant’Asia et le Long Yang Club, et pour ceux qui résident depuis plus longtemps en France, dans les lieux habituels de convivialité ou de consommation sexuelle (bars du Marais, Le Dépôt ou Quai Ouest). L’association Fant’Asia se qualifie d’« association franco-asiatique à sensibilité homosexuelle ». Fondée en 2001, elle propose des ins-tants de convivialité, mais aussi des actions d’entraide et de prévention (diffusion de brochures en vietnamien, chinois, laotien et thaïlandais : information informelle et personnalisée selon la demande des personnes). Elle accueille environ 50 Chinois de toutes origines, en majorité des personnes éduquées de Taïwan, Singa-pour et des grandes villes de Chine, mais aussi entre 15 à 20 hommes originaires de Wenzhou. Ce sont des garçons entre 18 à 30 ans. Les jeunes Wenzhou vien-draient depuis environ un an à l’association Fant’Asia.Cette absence de structuration semble s’expliquer davantage par des raisons sociologiques que par une volonté de se mêler à d’autres communautés. Nous avons vu en quoi la sexualité est taboue. L’homosexua-lité l’est encore davantage et suscite un fort rejet en même temps qu’une non-reconnaissance du phéno-mène. De ce fait, il n’est pas possible de faire une offre publique d’organisation structurée de type club ou association car les homosexuels n’existent pas pour les autres et n’ont pas envie que leur existence se sache. Cela pose problème pour la prévention : si la commu-nauté n’existe pas, il est difficile de faire une prévention adaptée à ses pratiques et en sa direction.

3.3.2. Tabou et stigmateEn Chine, l’homosexualité n’est plus illégale, mais reste un sujet tabou associé à un stigmate. Le rapport d’ONU-SIDA affirme que la plupart des homosexuels cachent leur orientation sexuelle et se marient. Dans un son-dage effectué en 2000 auprès de 857 hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, 59 % avaient eu des relations avec des femmes.Cette perception de l’homosexualité en Chine influe sur les comportements de migrants en France. La sexualité serait différemment vécue en fonction de l’ancienneté du séjour en France. Les Chinois nés en France et ceux

incités par leurs parents vers une forme d’intégration se traduisant par l’utilisation du français à la maison et le suivi d’études supérieures, assumeraient le mieux leur sexualité. Ils en parlent, fréquentent les lieux de convi-vialité sans anxiété. Selon un responsable associatif, ce sont eux qui « s’identifient, se définissent comme homosexuels ». En revanche, les Chinois venus récem-ment, adolescents ou jeunes adultes vivent différem-ment leur sexualité. Ils sont issus de bourgs ou villages ruraux et parlent mal mandarin. Il est exceptionnel qu’ils aient plus de 40 ans. Ils sont généralement mariés et ont des enfants. Il leur serait impossible de résister à la pression familiale. Ils ne s’identifient pas forcément comme homosexuels et font tout pour ne pas être identifié comme tels. Cela se traduit par un refus de toute insertion dans la communauté homo-sexuelle. Par exemple, ils refusent de s’inscrire, même sous un pseudonyme, comme membre au sein des associations de peur d’être fichés ou que du courrier soit envoyé à leur domicile. Le contrôle social se fait à chaque instant, puisque nous avons vu que l’environne-ment social (travail, sorties, logement) était limité au sein de la communauté chinoise.Ce statut de la sexualité a des conséquences en matière de prévention. Un responsable associatif nous décrit le statut d’une sexualité cachée : « Cela pose problème de parler de son individualité, encore pire, de son intimité. On ne parle tout simplement pas du corps et de la sexualité. La sexualité est pratiquée, mais pas connue. » Il y a donc une vraie gêne à parler de la pratique sexuelle. La sodomie est évoquée de manière compli-quée. Le responsable associatif nous a précisé que jamais aucune question n’était posée sur la fellation, alors qu’elle était pratiquée. La sexualité est qualifiée d’ « hygiéniste », « il s’agit d’un besoin proprement sexuel ». En Occident, l’homosexualité est « un mode de vie », alors qu’en Chine et pour les Chinois d’ici, « ça ne peut pas être un mode de vie, reste l’aspect mécani-que et tous les risques possibles dus à la fugacité de la pratique ».

3.3.3. Une population vulnérable ?Selon l’Institut national de veille sanitaire (INVS, 2001), le nombre de cas de syphilis a brutalement augmenté en 2000 à Paris, chez les homosexuels masculins, dont la moitié était séropositive pour le VIH. Les résultats de l’enquête réalisée dans les établissements gays pari-siens en 2000 confirment un niveau de prise de risques élevé : 30 % des répondants ayant des partenaires

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occasionnels pratiquent la pénétration anale non proté-gée. Par ailleurs, 70 % des répondants séropositifs pour le VIH qui fréquentent régulièrement les sex-clubs, backrooms et vidéoclubs ont des rapports non protégés avec des partenaires occasionnels. Compte tenu que les homosexuels chinois fréquentent ces lieux et y ont des rapports sexuels, on peut penser qu’ils ne sont pas forcément ceux qui vont toujours proposer l’emploi d’un préservatif.Les personnes qui fréquentent les associations ont un environnement favorable pour obtenir des infor-mations concernant la santé et l’infection à VIH. Des membres des associations ont été formés à la problé-matique du sida. Ils remarquent que les Chinois s’adres-sent aux personnes d’origine française plus facilement :

« Je sors de leur vie, ils ont moins la crainte d’une rupture de la confidentialité, d’un jugement moral », nous a affirmé un responsable associatif. Les questions qui sont posées sont notamment liées au sida : qu’est-ce qu’un rapport à risque ? Que faire après un rapport à risque ? Cependant, « ils ne sont pas concernés par le sida, c’est loin ». Que connaissent les personnes de l’infection ?« Vraiment rien ». Les personnes sont plutôt « mal éduquées » que « pas éduquées », porteuses de conceptions erronées de la maladie. Les actions de prévention en direction des homosexuels sont vécues comme s’adressant « aux autres, à la majorité homo-sexuelle, alors ça tombe à côté » car il n’y a pas d’identification à l’homosexualité.

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4 Accès aux soins,soins et dépistage

4.1. Itinéraires thérapeutiques

4.1.1. De l’articulation de la médecine clinique avec la médecine traditionnelleNous avons noté un grand nombre de croyances et de présupposés erronés concernant les itinéraires théra-peutiques des Chinois. Ce phénomène est renforcé par la reprise de mémoires en articles de données au mieux anciennes, parfois extrapolées ou amplifiées, souvent non vérifiées sur le terrain. Nous ne pensons pas qu’il puisse s’agir de fluctuations d’échantillonnage. Cette discussion ne présenterait guère d’intérêt dans ce rap-port si ces croyances ne provoquaient pas des erreurs d’appréciation, d’orientation, voire de diagnostic forcé-ment préjudiciable au malade chinois. Les Chinois n’ont pas une vision dichotomique des soins où il faudrait faire un choix entre « médecine douce » et « médecine allopathique ». Ils s’inscrivent dans une vision globale du corps et de son environnement proche des traditions médicinales et religieuses. Cela ne leur enlève pas leur pragmatisme : ils souhaitent et reçoivent majoritairement des soins par médecins cliniciens et consomment des remèdes allopathiques. La médecine traditionnelle chinoise (MTC) est utilisée en complé-ment, comme médecine préventive ou pour les mala-dies bénignes. Elle n’a pas de corpus théorique et tech-nique unifié, au contraire, chaque école propose un modèle explicatif des troubles pathologiques et des thé-rapies à mettre en œuvre. Ainsi, on ne soigne pas de manière identique dans le nord et le sud de la Chine. Depuis l’arrivée du Parti communiste chinois au pouvoir, praticiens et universitaires tentent de bâtir ce corpus sous une forme complémentaire à la médecine occiden-tale. La médecine traditionnelle chinoise s’associe ainsi à la médecine clinique dans la lutte contre les effets secondaires des traitements particulièrement agressifs, les troubles de l’humeur ou la prise en charge de la dou-leur. En Chine, un médecin traditionnel orientera sur son

collègue pour un cancer, et l’inverse pourra être vrai pour des problèmes dermatologiques, par exemple.

Qui a recours aux médecins chinois en France ?L’observation, et non une étude épidémiologique, nous fait penser que, quel que soit le niveau d’études ou la province d’origine, la plupart des Chinois malades en France ont eu recours à un médecin chinois de leur province. Pour le malade, le diagnostic est moins un besoin de savoir qu’une recherche de sens. Tâche que le tradi-praticien est en capacité de réaliser en faisant émerger les représentations profanes (Pedinielli, 1996). Ensuite, le recours des Chinois primo-arrivants aux tradi-praticiens est fortement lié à leur rapport aux ins-titutions, à leur difficulté à accéder aux droits sociaux, et aux incompréhensions existant entre le migrant et les médecins « français ». Tout cela freine le recours aux soins hospitaliers (Ngugen, 2001). Lorsqu’ils n’ont pas connaissance de leurs droits, ils ne privilégient pas un système qui nécessite d’être accompagné d’un inter-prète, qui représente pour eux un danger, même s’il n’est pas réel, et qui coûte très cher. Ils recourent donc aux tradi-praticiens qui sont, déjà en Chine, le recours des plus pauvres. Ainsi, nous avons constaté ces der-niers mois une corrélation entre l’augmentation des ouvertures de droits sociaux et l’augmentation de con-sultations pour maladies bénignes ou chroniques. Même si ce phénomène reste minoritaire, c’est une réelle tendance. Auparavant, il fallait toujours attendre une situation médicale critique pour que les Chinois aillent à l’hôpital.

4.1.2. Les tradi-praticiensEn France, tous les praticiens chinois se qualifient de « médecins traditionnels ». Leurs caractéristiques ne sont cependant pas homogènes, s’ils utilisent les mêmes dénominations pour leurs actes et exercent

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Indochine. Ils furent les premiers à pâtir de la guerre. Pré-sentés de part et d’autre comme des traîtres en puis-sance, ils rejoignirent la France dans les années 70 comme « boat people ». Diplômés en médecine par une Faculté française, ils associent la médecine occidentale et la médecine traditionnelle (acupuncture, plantes, mas-sages). Ainsi, ils peuvent entendre et donner du sens aux maladies. Les médecins sinophones sont implantés prin-cipalement dans les quartiers asiatiques de la capitale. Un patient chinois expliquait dans une précédente recherche (Ngugen S., 2001) : « Nous [ma famille et moi] avons des connaissances scientifiques. Si vraiment on va voir des médecins chinois, ce sont des vrais qui ont reçu une éducation française. » Ils pourraient permettre l’accès du malade chinois à l’in-formation sur le diagnostic, les traitements, les interven-tions et le fonctionnement du système hospitalier et ser-vir de médiateur culturel avec les médecins hospitaliers. À ce jour, cela nous a semblé se limiter à des orientations de la ville à l’hôpital, et uniquement à Paris.

4.1.4. Les « pharmaciens » chinoisLes traitements sont disponibles en Île-de-France et faci-lement accessibles. Nous connaissons deux pharmacies situées dans des appartements privés en Seine-Saint-Denis, et quatre officines à Paris présentées grossière-ment comme des commerces de thé ou d’alimentation générale. Elles vendent essentiellement des médica-ments traditionnels, et un peu d’allopathique en dépan-nage. Deux autres officines ont pignon sur rue, leur enseigne est explicite pour qui sait lire le chinois : « pharmacie ». Sans prescription, après avoir écouté le diagnostic posé par le malade ou une description de symptômes, elles vendent des médicaments allopa-thiques. Ce sont généralement des médicaments de première génération, des médicaments périmés recon-ditionnés provenant de Chine via les Pays-Bas. D’autre part, les Chinois se prêtent facilement des médi-caments, cela fait partie de la convivialité. Offrir un médi-cament rare et onéreux sera un présent de bon ton, très apprécié par le récipiendaire. Enfin, la famille restée au pays envoie régulièrement par la poste de quoi parer à la plupart des affections courantes.Cependant, nos travaux ont démontré que l’automé-dication et la prescription telles qu’elles sont réali-sées posent deux problèmes importants. Le premierest que l’essentiel des médecins est persuadé que les médicaments pris par leurs malades chinois sont « homéopathiques », des « herbes inoffensives » qui peuvent être combinées « sans risques » avec leurs prescriptions. Il y a de ce fait peu de discussions

dans la même « illégalité ». ̀Certains sont diplômés par une faculté de médecine chi-noise comme somaticiens ou tradi-praticiens. Dans le cadre actuel de la médecine, où le monopole est donné à l’anatomo-clinique et aux médecins ayant fait leurs études en France, il paraît difficile de travailler concrètement avec ces praticiens exerçant clandestinement en France.D’autres se rapprochent de ce qu’on connaissait en France sous la dénomination d’officiers de santé. Il s’agit de « médecins de la terre » (tu yisheng). L’idéogramme tu peut être traduit par « la terre, la campagne, la terre d’origine » mais aussi par « bouseux ». Yisheng signifie « médecin ». Une personne originaire de Wenzhou a confié lors de précédentes recherches : « Ils disent qu’ils sont médecins. Mais, il y en a un qui a été arrêté par vos policiers. Il avait fait un avortement pour un enfant de 8 mois. La police l’a suivi et l’a arrêté. Il y en a plein. Les Chinois font n’importe quoi. Je vais te dire : les Chinois, au niveau de leur connaissance, ils viennent de la campagne. »Les tu yisheng que nous avons rencontrés ou dont nous avons lu les annonces, vendent des herbes, remèdes et fortifiants. Ils donnent à la fois des consultations de médecine traditionnelle chinoise et de médecine « occi-dentale » dont la gynécologie, pratiquent implicitement, des avortements clandestins. Les compétences de ces « médecins » seraient très inégales : concernant les prescriptions, les surdosages seraient fréquents car leurs connaissances se limiteraient à la lecture des notices d’emballage. Les conditions d’hygiène et de sécurité ne sont pas assurées, les avortements par exemple, se font sur une table de cuisine. Enfin, selon plusieurs témoi-gnages concordants, il y aurait un grand nombre de personnes qui n’ont pas exercé en Chine et encore moins reçu de formation. Il s’agit de personnes ayant flairé le « filon », ils prescriraient et fourniraient des médicaments. En se plaçant dans une situation identique à celles des malades chinois, nous sommes dans l’incapacité de les différencier sauf après avoir bénéficié de leurs soins (ou subi). Selon les Chinois interrogés (peut être optimis-tes), le bouche-à-oreille permettrait qu’ils soient rapide-ment démasqués, leur incompétence serait alors signa-lée dans la communauté. La difficulté résidant dans le fait que celle-ci est composée de groupes cloisonnés. De plus, s’ils en vivent, nous pensons que c’est quand même parce qu’ils ont une clientèle…

4.1.3. Le médecin sinophone : un interlocuteur idéal ?Les médecins sinophones sont parfois des migrants d’origine chinoise, depuis plusieurs générations en ex-

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autour des traitements16. Les médecins hospitaliers, contrairement à ceux exerçant en PMI, considèrent géné-ralement qu’il s’agit de « bons malades » qui suivent les prescriptions. Le second problème est que ces molé-cules actives peuvent avoir des effets secondaires impor-tants, voire tragiques car non maîtrisés. L’idéal serait que les référents hospitaliers établissent des liens concrets avec les médecins sinophones dans une organisation structurée et souple, peut être sur le modèle des réseaux ville/hôpital.

4.1.5. La rareté des suivisen médecine de ville

Un recours ponctuelLes Chinois ont recours ponctuellement à la médecine de ville : médecin généraliste ou consultation PMI. Ce n’est pas auprès d’elle qu’ils vont chercher des connais-sances en matière de prévention et d’hygiène, puis-qu’elle est considérée comme culturellement inadap-tée. Par exemple la surcharge pondérale des bébés n’est pas envisagée de la même manière par un médecin fran-çais qui aura tendance à enclencher un suivi nutritionnel et commandera des examens complémentaires et par un médecin chinois qui entendra la nécessité d’avoir un beau bébé. Les médecins exerçant en institution sont inquiets du manque de suivi, du non-respect des orien-tations médicales, et des prescriptions. En témoigne un médecin de PMI exerçant en Seine-Saint-Denis : « Les femmes chinoises ne bénéficient pas d’un suivi médical, et plus précisément gynécologique régulier. Elles vien-

nent ici car elles l’ont assimilé comme obligatoire, « bien vu » mais, après, ce que l’on dit, c’est une autre histoire ! C’est surtout envisagé comme le passage obligé pour les papiers. Nos conseils semblent inadaptés à leur demande, car d’ailleurs, il n’y a pas de demandes. »

L’hôpital en dernière urgenceNos premiers travaux portaient notamment sur le recours des Chinois à l’hôpital. Les nouveaux entretiens confir-ment les faits alors recueillis. Les médecins constatent toujours une mauvaise évaluation de l’urgence. Il y aurait beaucoup d’hospitalisations que l’on pourrait mettre en corrélation avec un manque de suivi médical, les problèmes n’étant pas pris en charge à temps, la maladie peut se développer jusqu’à provoquer une invalidité. Les personnes originaires de Wenzhou ne viennent consul-ter un médecin que si leur état de santé ne permet plus le maintien d’une activité professionnelle, beaucoup plus rarement parce qu’ils présentent des symptômes qui auraient pu les inquiéter. Les autres motifs d’hospi-talisation sont souvent de la petite chirurgie et de la psy-chiatrie (violences, passages à l’acte, décompensation), là aussi, une venue motivée par la nécessité.Cependant, nous constatons depuis plusieurs mois une augmentation des consultations externes. Nous tente-rons d’expliquer ces difficultés et cette lente évolution dans l’accès aux soins hospitaliers dans la prochaine partie. Il s’agit généralement de jeunes ayant donc reçu une éducation ou d’anciens cadres moyens ou supé-rieurs et donc plutôt originaires du Dongbei.

4.2. Freins à l’accès aux soins

4.2.1. Une relation malade/médecin sans compréhension réciproqueLe discours des médecins, d’une part, et des Chinois, d’autre part, dresse le tableau d’incompréhension réci-proque. En fonction du lieu, des conditions formelles et structu-relles nous pouvons constater des différences impor-tantes dans le discours de chacun. Nous nous propo-sons d’aborder dans un premier temps le constat posé par chacune des parties avant de tenter une analyse.

Discours des médecinsLes médecins tiennent des discours qui semblent contradictoires sur les explications qu’il faut donner aux malades chinois et sur l’impact de celles-ci sur

la relation. Certains médecins parlent de méfiance et disent qu’il faut tout expliquer. D’autres disent qu’expliquer paraît bizarre, cela ne semble pas avoir toujours un effet sur l’observance. Un médecin de Saint-Antoine déclare : « Ils font tout ce qu’on leur demande ; ils font ce qu’on leur dit de faire. » De même, un homme sage-femme de cet hôpital témoigne qu’« ils font souvent ce qu’on leur demande à condition qu’ils aient compris ». Toutefois, il nuance son propos en expliquant qu’en cas d’absence de l’interprète, ils ne font pas d’examens.Pourtant, un médecin de PMI de Seine-Saint-Denis témoigne que « cela les fait beaucoup rire quand on explique comment se passent l’examen, les soins. C’est comme si un médecin ne devait rien expliquer. En même temps, je sais qu’ils ne pratiquent jamais de

16 Ngugen S. « Des maux sans mots », discours des soignants sur la prise en charge des malades chinois, non publié.

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donnent au médecin est variable en fonction du lieu, du cadre et du statut, il aura plus d’impact s’il porte une blouse blanche et s’il a un beau bureau.Lorsque les médecins n’ont pas ce genre d’attributs, en PMI par exemple, les malades accordent plus dif-ficilement leur confiance, ils ont peur d’être mal soi-gnés. Les médecins doivent alors rechercher une adhésion sur le raisonnement et pas sur l’autorité, ce qui ne peut se faire qu’avec la présence d’un inter-prète. Les médecins le font davantage par conviction « Ça change tout. J’ai un humain en face de moi, pas un ventre plein. Les examens doivent être soumis à la compréhension, sinon, c’est de la médecine vété-rinaire » mais l’observation démontre que cela a un impact certain à moyen terme.

4.2.2. Le discours des malades chinois

Le lieu de soins vécu comme un risqueLes lieux de soins ne sont pas pour les Chinois primo-arrivants un terrain neutre. Au contraire, il est identi-fié par beaucoup comme un lieu du pouvoir institu-tionnel car l’hôpital public, la PMI, sont vécus comme le bras d’un État puissant et omniscient. Ils peuvent donc ne pas s’y sentir en sécurité. « Monsieur B. me dit que la maladie est pour lui accessoire. Qu’il est venu amené par les pompiers, mais qu’il préférerait ne pas être là. Il a peur d’être arrêté s’il te dit qu’il est clan-destin. Qu’est-ce que je dois lui dire ? Il a peur que tu le dénonces. »17

La peur de la reconduite à la frontièreL’étude du discours des Chinois « sans-papiers » sur leur peur d’être reconduits à la frontière ou expul-sés est un préalable obligé, tant cette peur est pré-gnante à chaque instant : on la décode dans les dis-cours, et tout acte semble réalisé en fonction d’elle. Les arguments les plus invoqués sont : « Les policiers [français] ont le droit de fusiller les clandestins. » « Si les policiers m’arrêtent, comme je suis clandestin, ils peuvent m’envoyer tout de suite en Chine, et là, comme j’avais pas de visa, c’est la prison. » « Ma sœur a entendu dire que chez nous, ils avaient tué tous ceux qui avaient été expulsés. » Ces discours, fréquents lors des premiers entretiens, nous semblent relever d’une adaptation aux attentes présupposées de l’interlocuteur. Nous ne pouvons cependant que minorer leur croyance en ces asser-tions et non en faire abstraction, car nous savons par ailleurs que les détentions arbitraires suivies de

toucher vaginal en Chine, cela me semble dans ce cas difficile de ne pas expliquer le comment et le pour-quoi. »L’incompréhension, terme utilisé de manière généri-que par les médecins, serait à l’origine de problèmes d’observance dans certains lieux de soins : « Il y a une mauvaise observance aux traitements, voire pas du tout. Du coup, je prescris peu et au plus efficace. J’es-saye de ne pas prescrire plus de trois choses. Ils s’auto-médiquent avec de la pharmacopée française, comme des antibiotiques parfois périmés, pour tout et rien. L’automédication peut être arrêtée quand on revient sans cesse sur ce point. On retrouve cependant des ordonnances non utilisées à la fin du carnet de santé, ce qui ne les empêche pas de me redemander de pres-crire du sirop pour la toux qu’ils n’ont jamais acheté. »

Le « syndrome du oui-oui »Ce problème de compréhension peut provoquer un certain agacement : « La patiente avait l’air d’avoir compris. Elle a dit « oui, oui ». Ils disent toujours « oui, oui » mais ils n’ont rien compris. J’ai compris le truc maintenant, je les fais répéter, et bien, ils ne captent rien. Elle, je suis sûre qu’elle ne voulait même pas comprendre ». Cette interne de spécialité exerçant au sein des urgences d’un CHU, nous offre un discours extrêmement représentatif du problème de communication provoqué par la différence de statuts. Outre les problèmes d’accès aux soins en général (mauvaise compréhension des règles de soins, passage obligé par un intermédiaire pour toute relation aux soins), le statut du prescripteur semble être une piste de réponse à cette question de la « compréhension ». Un médecin a une place facile à définir, même dans la migration, le respect lui est dû. Un malade qui admet ne pas avoir compris ne perd pas la face, il la fait perdre au médecin. « Je n’ai pas compris » revient à lui dire : « Vous m’avez mal expliqué ». De ce fait, le médecin ne peut souvent rien attendre d’autre que des interro-gatoires longs, sans réponse claire. Il n’y a pas « oui » et « non ». Il ne peut attribuer à « oui, oui » autre chose que : « Je vous ai écouté attentivement. »

L’impact des attributsAinsi, d’une part, il y a une difficulté à construire une relation de confiance avec les médecins, d’autre part, nous avons un accord de façade avec les pres-criptions du médecin. À cette différence de statut s’ajoute une certaine habitude à l’argument d’auto-rité posé par le médecin. Seulement, le pouvoir qu’ils

17 Retranscription d’un entretien avec un interprète, CHU Avicenne.

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tortures existent en Chine. Les sanctions en cas d’expulsion sont fort différentes selon les provinces. Elles consistent, en général, en de fortes amendes voire en des incarcérations. Leur situation de clandestins en France égale-ment, avec notamment les exécrables conditions de détention en zone d’attente vécues par certains, est à prendre en compte. Une violence institutionnelle forte est alors subie. Nous savons, pour avoir assisté à des auditions, que la procédure est souvent illégale et qu’elle est incomprise par les migrants (absence fréquente d’avocats, interprètes désignés qui ne parlent pas leur langue…)18. Cette incompréhension, source d’anxiété, est un excellent terreau pour les rumeurs. Ensuite, il est dans l’intérêt des intermédiai-res de favoriser la peur de l’extérieur, la crainte des policiers et d’une arrestation leur permet d’assurer une certaine dépendance.Enfin, le principal fondement de ces réflexions recou-vre une peur difficilement avouable à un étranger : celle de « perdre la face ».

« Fonctionnaires » ou soignants ?On constate la fréquente ignorance des règles et usa-ges régissant l’exercice des soins, notamment le secret médical et la non-dénonciation par l’hôpital des clan-destins. Le soignant (infirmier, médecin, assistant social) est avant tout identifié comme un fonction-naire. Cette méconnaissance est source de nom-breuses incompréhensions entre les malades et les différents personnels des centres de soins (personnel administratif, soignants, travailleurs sociaux). Ainsi, si un soignant comprend généralement la diffi-culté d’un individu à parler de sa sexualité, il ne perçoit pas et ne comprend pas l’étendue que peut prendre pour un Chinois la notion de vie privée. Ainsi, les résis-tances du malade à parler du travail, des relations fami-liales, de l’habitat (le nombre de personnes partageant un appartement) sont mal perçues.Les soignants peuvent réagir avec agressivité : « ils ne font que mentir », souffrir du manque de confiance « on ne veut que les aider » et de l’identification comme un agent de la force publique « les patientes chinoises disent qu’elles n’ont pas de travail. Elles se demandent si ce n’est pas pour un interrogatoire, pour du flicage ».Une mauvaise qualité de la communication sur ce sujet – voire son absence – renforce les inquiétudes des malades chinois quant à la place du médecin par rapport au pouvoir. Est-il un médecin qui se situe avant tout aux côtés du patient, quelles que soient ses condi-tions de vie, ou au contraire, se positionne-t-il comme

un fonctionnaire au service de la collectivité ?Cette question de la confiance est primordiale, surtout dans la mesure où nous savons que les soignants en Chine peuvent être les exécutants appliqués des direc-tives du pouvoir.Ces difficultés ne peuvent être levées que par deux moyens : le temps qui permet de découvrir le système, ou, plus économique, l’explication par le soignant de son mandat et ses missions ainsi que celles du lieu de soins.

La confiance dans les soins cliniquesUne petite minorité de Chinois, essentiellement des anciens paysans parfois des petits commerçants, désapprouve ou émet des réserves sur les techniques médicales employées par les médecins hospitaliers. Ceux-là nous expliquent qu’ « en France, les méde-cins coupent et ouvrent ou des fois, ils donnent des médicaments qui font que tu es encore plus malade ». Cependant : « J’y vais quand le médecin [traditionnel] n’arrive pas à me guérir, mais je prends toujours les deux traitements. » « Vous savez, les médecins tradi-tionnels ne sont bons qu’en Chine, ça ne peut pas marcher en France. Si on est en France, il faut aller à la médecine occidentale. » Les personnes dont le niveau socioculturel était élevé en Chine n’ont aucune appréhension (sauf celles relatives à la dangerosité d’un acte chirurgical) et cela quelle que soit leur province d’origine. « J’ai lu que le système français est le meilleur du monde, je suis entre de bonnes mains ! » nous disait, par exemple, un malade qui devait être opéré d’une appendicite.Pour l’ensemble de la population interrogée dans nos précédentes recherches, les difficultés avec les méde-cins ne relèvent pas de la technique mais de la com-munication limitée ou absente. « Au lieu de chercher ce qui fait que l’on ne vient pas à l’hôpital, tu devrais chercher ce qu’ils [les médecins] font pour qu’on ne vienne pas ». Ils ressentent douloureusement l’ab-sence d’explications à chaque étape de la prise en charge. « Ils ne nous expliquent jamais le résultat, et encore moi, je n’ai pas besoin d’interprète. C’est vrai que je n’ai pas osé lui demander ». Ce manque est parfois fréquemment « personnalisé » : « Ils n’aiment pas nous soigner ». « C’est normal, on n’a pas le droit d’être là, déjà qu’on les dérange, on ne doit pas se plaindre ». « Des fois, lorsqu’il me parle, j’ai l’impres-sion que j’ai une natte dans le dos, j’ai beau lui dire que l’on soigne en Chine comme en France (mais avec moins de moyens), il me parle comme si je venais d’un pays sous-développé. »

18 M Arslan, de nationalité turque a contesté devant la cour de cassation les conditions dans lesquelles s’était effectué l’interprétariat pendant sa garde à vue :il avait demandé un interprète en kurde ou en turc mais on lui avait imposé un interprète en allemand, qui, de plus, était un fonctionnaire de la police de l’airet des frontières (C. Cassation, Arslan c/Préfet de la Moselle, 26 avril 2001, pourvoi B 00-50.049).

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chinois résume parfaitement ces craintes : « Pourquoifaire, qu’est-ce que cela changera ? La vie est déjà difficile. On s’en fout du futur, de la santé, il y a beau-coup de problèmes plus urgents, au jour le jour que l’on doit traiter quand on est Chinois en France, surtout si on est sans-papiers. Et puis le dépistage pose des problèmes de sécurité : Est-ce qu’on va le savoir autour de moi si je suis séropositive ? Le médecin va-t-il penser que je suis une prostituée ? Est-ce que je ne risque pas d’être expulsée si j’ai le sida ? »

4.3.3. Les prises en charge hospitalières des Chinois infectés par le VIHNous avons interrogé la grande majorité des hôpitaux d’Île-de-France prenant en charge les personnes infec-tées par le VIH, soit 19 centres hospitaliers universi-taires ou intercommunaux (CHU et CHI)19. Afin d’avoir les chiffres les plus précis possibles, nous avons solli-cité à la fois les médecins et les assistants de rechercheclinique (ARC). Lorsque ce fut possible, ces derniers ont fait une recherche manuelle. Il y aurait, au plus, 6 personnes de nationalité chinoise suivies pour une infection à VIH : 4 à Tenon, 1 à Saint-Louis, et 1 à la Pitié-Salpêtrière20.À l’origine, nous voulions interviewer des médecins prenant en charge des Chinois infectés par le VIH en ville ou à l’hôpital et réaliser une étude de dossiers. Compte tenu de la taille de l’échantillon, nous avons abandonné cet axe.Nous ne pensons pas que ce chiffre soit un bon indica-teur du nombre de séropositifs ou même du nombrede Chinois en phase sida. Il nous paraît, a contrario,être le reflet de la rareté des dépistages et de ladifficulté des Chinois primo-arrivants à accéder aux soins.Le témoignage de deux médecins de médecine interne nous permet d’étayer cette hypothèse, ils ont eu en consultation des Chinois présentant les signes cliniques de maladies opportunistes permettant une forte suspicion d’un sida déclaré. Ces praticiens hospi-taliers ne sont pas parvenus à convaincre ces trois per-sonnes de réaliser un test de dépistage et ne les ont plus revues.

4.3.1. Les dépistages prescrits ou obligatoiresException faite des consultations dont c’est l’objet (CDAG ou IST), le souhait d’être dépisté n’est jamais à l’origine d’une consultation. Les médecins expliquent « que ce n’est pas la 1re chose proposée, ça s’inscrit dans un cadre plus général, comme la maternité, l’installation dans un couple ». Le dépistage nécessite donc un suivi médical et une confiance dans le méde-cin, dans la prescription et en l’avenir puisque, nous le verrons, les Chinois envisagent dramatiquement les conséquences d’un statut sérologique positif. Les médecins de PMI nous ont rapporté qu’il n’y avait évidemment pas de refus formels, simplement, l’ordonnance restait dans le carnet de santé, ou les résultats du laboratoire n’étaient jamais reçus. Cela entraîne une impossibilité de vaccination pour le BCG (contre-indiqué lors d’immunodépression).Rappelons, cependant, que ces refus implicites ou explicites semblent moins présents lors de suivis réguliers associés à une relation de confiance. Cela explique notamment que les dépistages sont accep-tés dans le cadre de la maternité. En effet, les personnes interrogées travaillant à la maternité Saint-Antoine nous ont affirmé qu’aucune Chinoise n’avait jamais refusé de faire les examens de VIH et de VHC. L’accord est toujours donné. Deux questions sont posées. La première est liée à une peur des piqûres et des prélèvements de sang : « Fau-dra-t-il prendre plus de sang ? » Les femmes accep-tent quand elles apprennent qu’il s’agit d’un même tube. La deuxième question est : « Est-ce que tout le monde le fait ? » Les personnes interrogées expli-quent l’accord des patientes par « l’aura de la blouse blanche », la relation de confiance, et le fait que l’hô-pital propose un « packaging d’examens obligatoires ou non obligatoires ».

4.3.2. Les dépistages volontairesNous avons vu que les dépistages volontaires étaient rares. La nature du dépistage en Chine, la précarité des personnes, l’absence de maîtrise du français, la méfiance envers l’institution, etc., autant de facteurs décrits ci-dessus peuvent l’expliquer. Un médecin

4.3. Conséquences sur le dépistage et la prévention

19 Cf. tableau 2 : Répartition des suivis hospitaliers des Chinois infectés par le VIH en IDF, situé en annexe.20 Il y a une possibilité qu’une personne soit Taiwanaise, le codage différenciant les deux pays étant relativement récent.

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36 Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat 37Les Chinois d’Île-de-France et l’infection à VIH - Arcat

5

Propositions

Dans cette partie, nous faisons une brève analyse de l’existant, en termes d’actions de prévention, de bro-chures et de propositions d’actions.

5.1. Outils et méthodologie : analyse de l’existant

5.1.1. Documents recensés : liste non exhaustive• Brochure du CFES : Le sida et nous, bilingue, caractères non simplifiés.• Dépliants d’Arcat : Mieux connaître l’hépatite C et Mieux connaître l’infection par le VIH/sida21, bilingues, caractères non simplifiés.• Brochure de Boréal, chinois manuscrit, caractères simplifiés et non simplifiés.

5.1.2. Les critiques constructives recueillies

Les informations pratiquesLes brochures présentant des informations pratiques et des adresses ont été vantées. Ainsi, la brochure de Boréal suscite cette réaction : « Elle est informative, c’est bien d’avoir mis des adresses pour les domicilia-tions, les interprètes officiels. »

Le problème de la cibleLa brochure du CFES, Le sida et nous, conçue initiale-ment en français puis traduite dans de très nombreuses langues, si elle a le mérite d’exister, ne prend pas en compte les préjugés et fausses conceptions véhiculées par la communauté chinoise, comme en témoigne le médecin chinois interrogé : « Il faut rassurer, on ne parle pas de ce qui se dit de faux. On ne dit pas que les Chinois aussi, ils peuvent attraper le sida, même s’ils couchent avec des personnes qu’ils connaissent et qu’ils ont l’air en bonne santé. »En ce qui concerne le public cible, les brochures desti-nées en priorité aux prostituées et aux homosexuels ne

nous semblent pas convenir : les personnes concer-nées ne s’identifient ni à des prostituées ni à des homo-sexuels.

Le problème de la langue, du vocabulaire et des dessinsLes brochures en caractères non simplifiés ne peuvent toucher qu’une partie du public des Chinois de Chine Populaire. Un médecin chinois réagit aux brochures du CFES et d’Arcat : « C’est pour qui ? Actuellement, même s’il peut reconnaître un caractère, il ne peut comprendrele contenu finement. Les 35-40 ans ont été maléduqués, voire pas du tout. Même en caractèressimplifiés, il y a trop de mots et pas assez de dessins ».Les dessins et le vocabulaire sont parfois jugés inadaptés. Un r e sponsab le d ’une a s soc i a t i on f r anco -asiatique homosexuelle nous affirme que la repré-sentation iconographique des pratiques, les termes employés seraient perçus comme « violents ». Car « pour parler de fellation, de sodomie, on prend des détours, on utilise des métaphores, des images très abstraites, alors ça peut choquer quand on en parle comme ça ». Cela semble surtout vrai lorsque la personne n’a pas de possibilité de prendre de la distance par rapport au support.À propos des dessins, le médecin chinois suggère : « Les dessins ne choqueront pas s’ils sont simplifiés. Les personnes présenteront une mine dégoûtée en les voyant, mais seront en réalité très intéressées, car elles ne savent pas toujours grand-chose sur leur corps. »

Les risques encourus ?La question des risques encourus en cas de dépistage,

Nous avons ici recueilli les réactions et idées de personnes d’origine chinoise et de responsables associatifs.

21 Ce document est reproduit en annexe.

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5.2. Propositions

Comme pour toute réflexion en santé publique, on peut s’appuyer sur ce que Frédéric Edelmann (1995) appelle les « éléments presque basiques » c’est-à-dire la prévention, le développement de « mécanismes de solidarité », l’importance des liens sociaux ainsi que la création des « conditions de confiance ». Ceci afin que « chacun se sente responsable et acteur » de la lutte contre l’infection à VIH.

5.2.1. Adapter les programmes et les outils

Création d’un groupe de soutien technique et méthodologiqueLes programmes et outils de préventions en direction des Chinois gagneraient en qualité si les compétences des professionnels pouvaient s’appuyer sur des per-sonnes connaissant les Chinois et leurs besoins et les moyens d’accéder à cette population.Ce groupe pourrait aider à la conception des actions et outils mais aussi et surtout tester et évaluer les outils avant publication. Cette proposition présente deux dif-ficultés, d’une part, parvenir à regrouper des interve-nants de structures différentes, parfois « concur-rentes » pour réfléchir et échanger sur expériences avec les Chinois qu’elles soient perçues comme excel-lentes ou catastrophiques. D’autre part, les personnes pouvant accompagner cette démarche se comptent sur les doigts d’une main.

Adapter les brochuresLe groupe permettrait notamment que les brochures soient adaptées linguistiquement et culturellement, notamment pour les populations plus conservatrices, qui risquent d’être choquées par la prévention. La prin-cipale difficulté réside dans la possibilité de consulter la documentation à loisir, comme un intervenant de prévention l’exprime : « Les dessins sont possibles si l’on a la possibilité de regarder la brochure dans un endroit discret, sinon elle est intransportable, et non consultable. » Une brochure au titre trop explicite, aux dessins évocateurs, déclenche une forte peur d’être

victime d’un ostracisme de la part de son entourage. On le constate par un certain nombre de stratégies d’évitement quand la brochure est proposée : « ce n’est pas pour moi », « c’est pornographique, je ne peux pas emmener ça chez moi », ou encore des rires gênés.

Réunions de concertations ville-hôpitalDans le prolongement de la même idée, mais avec peut-être plus de chances pour que cela porte rapi-dement des fruits, nous pensons que la création de groupes de réflexions sur les pratiques médico-sociales par secteur d’activité et sur un territoire donné répondrait à la forte demande d’aide des professionnels, et à leur sentiment d’isolement et parfois « d’incompétence » tout en permettant la mise en place de partenariats même informels.Il nous paraît nécessaire de s’appuyer sur ces lieux et d’étoffer les actions en leur sein. Une prévention dans ces lieux « grand public » permet bien sûr d’in-former et de faire réfléchir sur les comportements à risque passés ou actuels, mais présente aussi l’avantage d’accompagner une évolution de la per-ception de sa proximité au VIH et ainsi de peut-être modifier les comportements de rejets et de stigma-tisation.

5.2.2. Travailler avec les relais et leaders

Associations et adultes relaisIl est peut-être possible de travailler avec les leaders de la communauté, mais on ne doit pas attendre des associations d’immigrés qu’elles travaillent seules – elles ont au contraire besoin d’un soutien efficace de la part d’organisations et d’individus mieux intégrés. À ce jour, les associations communautaires ne nous parais-sent pas être de bons interlocuteurs ni de possibles soutiens. En revanche, il est possible de travailler avec les associations franco-chinoises après les avoir for-mées, puis en les accompagnant, encadrant dans leurs actions et les associations citoyennes dans lesquelles

des conditions du dépistage et des soins a semblé avoir été un oubli important dans l’ensemble des brochures, comme en témoigne le médecin chinois : « Rien n’est dit sur les risques liés au dépistage, au

sida, ça ne va pas. Les brochures ne disent pas s’il y a des risques d’expulsion si on a le sida. Est-ce que les soins sont chers ? Les personnes malades risquent-elles d’être enfermées ? »

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les Chinois se rendent. La demande nous paraît impor-tante, la difficulté sera peut-être de recruter et former des adultes-relais pour la prévention.

L’éducation par les pairsNous avons identifié, lors du recueil des données, des prostituées chinoises qui ont été cadres d’orga-nisations communistes, à destination des femmes, centrées sur les problématiques relatives à la santé. Elles paraissent à la fois être motivées et posséder des compétences méthodologiques. Une formation adaptée et un accompagnement réel pourraient éventuellement permettre une éducation par les pairs. Cependant, la précarité de leur situation, notamment leur statut en France rend difficile le fait de les inscrire dans un projet à moyen terme.

5.2.3. Élargir le champ des interventions, des brochures

Il nous paraît important de prendre en considération la concurrence entre les différents besoins, priorités et préoccupations des Chinois. La santé ne figure pas en tête de la liste de leurs priorités, et, pour pouvoir être acceptées, les brochures, les interventions devraient peut-être élargir leur champ d’action autour des problé-matiques liées aux problèmes qui intéressent les Chi-nois. Par exemple, nous pensons qu’il serait intéressant d’associer l’ensemble des structures institutionnelles et associatives afin de financer et rédiger un guide com-mun permettant d’aborder un certain nombre de sujets qui intéressent cette population : scolarité, emploi, apprentissage du français, santé, droits sociaux…

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Les Chinois résidant en Île-de-France sont particuliè-rement vulnérables en raison de nombreux facteurs : dépendance aux employeurs ; exploitation par une rémunération trop basse et des conditions de travail à risques et hors protection sociale ; isolement en raison de différences culturelles, linguistiques, sociales et léga-les ; manque d’accès aux services médicaux et aux infor-mations concernant leurs droits, en partie parce qu’ils se méfient de toute forme de pouvoir, et en partie parce que les services médicaux ne sont pas préparés à les accueillir. Lorsqu’ils ont des pratiques marginales, ils peuvent être isolés par leur groupe social, en particulier pour la prosti-tution, l’homosexualité ou l’usage de drogues.La population chinoise d’Île-de-France n’est actuelle-ment pas en capacité de faire face à ces vulnérabilités, d’une part, parce que les leaders et intermédiaires n’y

ont pas intérêt, que les jeux de « face » et le contrôle social ne permettent pas à un individu d’exposer un comportement jugé déviant par le groupe et, d’autre part, parce qu’il n’y a pas de prise de conscience, d’ap-propriation par la population du danger que présente l’infection à VIH.Il nous paraît que pour le moment, l’initiative doit être extérieure à la « communauté » par des actions cultu-rellement adaptées et en partenariat avec les institu-tions, les associations et les personnes-relais mobilisa-bles. Il faudra que les autorités de tutelle s’investissent financièrement en fonction des priorités fixées par l’en-semble des partenaires. Malgré les importantes difficul-tés relevées sur le terrain et plusieurs interpellations officielles, elles ne paraissent pas mobilisées. Nous espérons que cette étude y contribuera.

6Conclusion

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7.1. Bibliographie

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7

Annexes

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7.1.2. Chinois de France et santé

• Coignard J. (2001), « Médecin en Chine, rebouteux en France », Paris, Libération, samedi 27 janvier, p. 20.• Dinh Trong Hieu (1990), « Le végétal dans l’alimenta-tion : identité, santé et dimension économique », in Le H. K. (dir.) Réfugiés asiatiques de France, Paris, Groupe-ment pour les droits des minorités (G.D.M.).• Haski P. (2001), « Aiguilles & rayons X », in supplément gratuit « Remède in China », Paris, Libération, avril [non daté], p. 2.• Haski P. (2001), « Au bonheur des plantes », in supplé-ment gratuit « Remède in China », Paris, Libération, avril [non daté], p. 3 et 4• Ngugen S. (2001), Les Chinois primo-arrivants : un corps étranger dans l’hôpital ? Mémoire de psychiatrie transculturelle, UFR SMBH, Paris-XIII.• Ngugen S. (2002), « Soins de ville des Chinois primo-arrivants », Metisse, AIEP, Vol. VI, n° 2.• Ngugen S. (2002) « Des maux sans mots », discours des soignants sur la prise en charge des malades chi-nois, non publié.• Ngugen S. in Baubet T. (Dir.) (2003), « L’articulation du social et du soin pour les migrants malades en France », rapport de psychiatrie, congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française de Beyrouth, éditions Masson.• Parseval de E. (2002), « L’Immigration chinoise en France : implication sur le suivi en obstétrique », La

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Revue du praticien gynécologie et obstétrique, n° 60, 15 février.• Ting Hor (1998), « Soigner le corps tout entier », Paris, Le Courrier de l’UNESCO, février, p. 31-33.• Ting Hor (1999) « Médecine occidentale et vision chi-noise », Paris, Actes du Colloque « Suivre et soigner les pneumoconiotiques », Secrétariat d’État à l’Industrie, p. 24-35.

7.1.3. Santé, VIH et Chinois de Chine

• Associated Press (AP) (2002), China rejects AIDS report, 28 juin.• AP (2001), AIDS in China rising by 30 % every year, 27 juin.• Cattelain C. (1998), « A study of medical texts about AIDs » in China Rights Forum, Human Rights in China, Fall.• OMS (2001), Country Status.• ONUSIDA (2001), HIV/AIDS: China’s Titanic peril, 2001 update on the AIDS situation and needs assess-ment report by the UN Theme Group on HIV/AIDS in China.• Zhang X. & Ye S. (1986) L’Homme de Pékin [Beijing ren yibaige putong ren de zishu], Shanghai puis Arles, Actes Sud (1992 pour la traduction française).

7.1.4. Sociologie

• Adam P. et Herzlish (1994), Sociologie de la maladie et de la médecine, Paris, coll. « 128 », Nathan Universi-tés (réédition 2002).• Goffman E. (1975), Stigmate, les usages sociaux des handicaps, Paris, éditions de Minuit.• Herzlish C. et Pierret J. (1984), Malades d’hier, mala-dies d’aujourd’hui. De la mort collective au devoir de guérison, Paris, Payot, nouvelle édition 1991.• Pollack M. (1988), Les Homosexuels et le sida, socio-logie d’une épidémie, Paris, Métaillié.

7.1.5. Anthropologie

• Bonte P., Izard M. (1991), Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, PUF.• Devereux G. (1967), De l’angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Aubier, (trad. fran-çaise 1980).• Kleinman A. (1973), Medicine symbolic reality: on a central problem in the philosophy of the medecine, INQUIRY, 16, p. 206-213.• Kleinman A. (1978), Clinical relevance of anthropolo-gical and cross-cultural research : concepts and

stratégies, AM J psychiatry, 135, 4, p. 427-431.• Kleinman A., Einsenberg L., Good B. (1978), Culture, ill-ness and care : clinical lessons from anthropologic and cross-cultural research, Ann. Intern. Med., 88.251-25.• Le Breton D. (1990), Anthropologie du corps et de la modernité, Paris, PUF.• Le Breton D. (1988), Anthropologie de la douleur, Paris, Métaillié.• Ngugen S. et Roubaud L. (2002), « Face à la personne étrangère : les limites du soin, » La Lettre de l’Espace éthique, AP-HP, n° 15-16-17-18 hiver/été.• Ngugen S. et Baubet T. (2002), « Du « tant pis » au temps pris, dossier sur la négligence dans les soins », revue Soins, Masson, novembre.• Pedinielli J.-L. (1996), « Les théories étiologiques des malades ». Psychologie française, 41, 2, p. 137-145.• Sindzingre N. (1985), « Tradition et biomédecine ». Sciences sociales et santé : anthropologie, société et santé, p. 9-26.• Vega A. (2000), Une ethnologue à l’hôpital, Paris, Ed. Des Archives contemporaines.• Zempleni A. (1985), « La « maladie « et ses « causes ». Introduction. L’ethnographie, t. LXXX, 2, 13-44.

7.1.6. Usages de drogues

• Angladette L. (2002), Apport de l’étude de la repré-sentation des troubles chez les sujets toxicomanes à la compréhension de leur itinéraire thérapeutique, Thèse de médecine, DES en psychiatrie, Paris, Paris-VI.• Coustou I., Gremy I. (1998), Suivi de la toxicomanie et des usages de drogues en Île-de-France : décembre 1998, préfecture d’Île-de-France, région Île-de-France, Paris, Observatoire régional de santé Île-de-France.• Fédération française de psychiatrie (1998), Modalités de sevrage chez les toxicomanes dépendants des opia-cés : conférence de consensus, 23-24 avril, Sénat, Paris.• Hser Y.I., Hoffman V., Grella C., Anglin MD (2001), A 33 year follow-up of narcotics addicts, Arch gen psychiatry, 58, 503-508.• MILDT (1999), Livret de connaissances : Drogues et usages, les dispositifs publics, Paris, MILDT/CFES.• MILDT (1999), Livret de connaissances : Drogues et usages, chiffres clés, Paris, MILDT/CFES.• Maddux J.-F., Desmond D.-P. (1981), Careers of opiod users, New York, Praeger Publishers.• Morel A., Hervé F., Fontaine B. (1997), Soigner les toxi-comanes, Paris, Dunod.• Tellier S. (2001), La prise en charge des toxicomanes dans les structures sanitaires et sociales en novembre 1999, Paris, DRESS.

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7.2. Tableaux

Tableau 1 : répartition hospitalière des suivis ecimud usagers de drogues chinois

Tableau 2 : répartition des suivis hospitaliers de Chinois infectés par le VIH en Île-de-France

CHU Source Nombre de Chinois usagers de drogues

Avicenne (Bobigny 93) médicale 0

Beclère (Clamart 92) médicale 0

Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre 94) médicale 0

Bichat-Claude-Bernard (Paris 18e) médicale 0

Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris 15e) médicale 0

Jean-Verdier (Bondy 93) médicale 0

Lariboisière (Paris 7e) médicale >10

Louis-Mourier (Colombes 92) médicale 0

Pitié-Salpêtrière (Paris 13e) médicale 5

Saint-Antoine (Paris 12e) médicale 0

Tenon (Paris 20e) médicale 0

Hôpital Source Nombre de Sexe du patient Âge Chinois suivis

Ambroise-Paré (Boulogne-Billancourt 92) Médecin 0 / /

Antoine-Béclère (Clamart 92) Médecin 0 / /

Armand-Trousseau (Paris 12e) Médecin 0 / /

Avicenne (Bobigny 93) Médecin + ARC 0 / /

Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre 94) Médecin + ARC 0 / /

Bichat-Claude-Bernard (Paris 18e) Médecin 0 / /

C.H.I. (Montfermeil 93) Médecin 0 / /

C.H.I. (Montreuil-sous-Bois 93) Médecin + ARC 0 / /

Cochin (Paris 14e) Médecin 0 / /

Delafontaine (Saint-Denis 93) Médecin + ARC 0 / /

Hôpital européen Georges-Pompidou (Paris 15e) Médecin 0 / /

Lariboisière (Paris 7e) Médecin + ARC 0 / /

Necker (Paris 15e) Médecin + ARC 0 / /

Paul-Brousse (Villejuif 94) Médecin 0 / /

Pitié-Salpêtrière (Paris 13e) Médecin + ARC 1 féminin nc

Saint-Antoine Médecin 0 / /

Saint-Lazare (Paris 10e) Médecin 0 / /

Saint-Louis (Paris 10e) Médecin + ARC 1 féminin nc

Tenon (Paris 20e) Médecin + ARC 4 3 hommes, 1 femme H : 29, 34, 61

F : 45

7.1.7. Articles et ouvrages sur la Chine

• Aubenas F. (2001), La Chine, scène de la torture ordi-naire, Paris, Libération, mardi 13 février, p. 11.

• Bianco L. (1994), La Chine, Paris, Dominos/Flammarion, 125 p.• Lin Yutang (1937), La Chine et les Chinois, Paris, Payot, (réédition 1997), 396 p.

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Tableau 3 : usagers de drogues chinois sous méthadone à Médecins du monde

Sexe Âge Produit Début de Années Présence dans Sérologies Titre Domicile Dosage Commentaires consommé la consom- de présence le programme de méthadone mation en France séjour (mg) (années)

M 40 Héroïne/IV 7 9 24 non non amis 40 1 g/j réalisées

M 25 Héroïne/IV 6 nc 12 non nc amis 25 perdu de vue réalisées 2 mois

M 30 Héroïne/IV 8 1 6 ? & VHC+ nc amis 25 aurait eu métha. 1 g/j en RPC

M 22 Héroïne/IV 3 9 mois 3 non non nc 30 1 g/j réalisées

M 32 Héroïne 3 nc 7 non non nc 30 inhalée réalisées

M 23 Héroïne 1 3 ans 6 non nc nc 40 perdu de vue inhalée réalisées 5 mois

M 21 Héroïne/IV 1 6 ans 6 VIH -, ? nc parents 10 1 g/j Hépatites

M 24 Héroïne/IV 1 nc 48 non nc sous-loc. 20 perdu de vue 0,5 g/j réalisées collective 4 mois + métha

M 38 Héroïne 3 6 ans 2 non nc famille 30 perdu de vue inhalée réalisées 3 mois 0,5 g/j

M 19 Héroïne 2 4 ans 3 non nc nc nc perdu de vue sniffée réalisées 1 mois 1 g/j

M 19 Héroïne/IV 1 < 1 an 1 non nc nc 40 1 g/j réalisées + alcool

M 23 Héroïne/IV 1 4 ans 3 non nc sous-loc. nc 1 g/j réalisées collective

M 19 Héroïne/IV 7 2 ans 3 non nc sous-loc. 30 envoyé en France + BZD réalisées collective pour soins UD

M 19 Héroïne/IV 2 nc 3 non nc nc 30 perdu de vue réalisées

M 24 Héroïne 0 nc 3 négatif nc sous-loc. 40 inhalée en Chine collective

M 22 Héroïne 2 nc 3 non nc amis 30 perdu de vue 0,5 g/j réalisées 1 mois + haschich + ecstasy

M 21 Héroïne/IV 2 nc 3 VIH -, nc amis 30 perdu de vue 1 g/j VHC- 1 mois

M 22 Héroïne nc nc 2 non nc nc 20 inhalée réalisées 0,5 g/j + alcool + cachets ?

M 22 Héroïne 0 2 2 non nc nc 30 inhalée réalisées 1 g/j

M 34 Héroïne 1 nc 1 non nc domicile 30 a commencé inhalée réalisées perso. en France 1 g/j

M 28 Héroïne 7 nc 1 non nc sous-loc. 30 inhalée réalisées collective 0,7 g/j

M 32 Héroïne 0 2 ans 3 non nc amis 30 perdu de vue inhalée réalisées 2 mois marié, 2 enfants

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