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Les cahiers des fps Prévenir ensemble les risques d’atteinte psychologique au travail Revue bi-annuelle Numéro 2 - Septembre 2005 p1 p3 p7 p12 p19 p20 p22 p25 Editorial Méthodologie Outils Expériences d'entreprises Approche institutionnelle CHSCT Point de vue d'acteurs Point sur les savoirs La prévention de la violence et du harcèlement au travail : un impératif de formation Le Pôle Santé Travail, un mode original de coopération pluri-professionnelle LE WOCCQ : METHODE DE DIAGNOSTIC DU STRESS PROFESSIONNEL Une formation à la prévention des risques professionnels liés aux facteurs psychosociaux Le CHSCT voit son rôle conforté sur la santé mentale Le traumatisme du harcèlement moral Les salariés sont seuls face à leurs difficultés La place des fps dans le Plan Régional Santé Travail Santé mentale : le CHSCT peut aussi s'en occuper Préventica Méditerranée et le stress professionnel CONSEIL EN ANALYSE DU TRAVAIL ETUDES ET INNOVATION SOCIAL facteurs psycho sociaux Pour la santé des salariés et des entreprises

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Les cahiersdesfps Prévenir ensemble

les risques d’atteinte psychologique au travail

Revue bi-annuelleNuméro 2 - Septembre 2005

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Editorial

Méthodologie

Outils

Expériences d'entreprises

Approcheinstitutionnelle

CHSCT

Point de vue d'acteurs

Point sur les savoirs

L a p r é v e n t i o n d el a v i o l e n c e e t d uh a r c è l e m e n t a ut r a v a i l : u n i m p é r a t i fd e f o r m a t i o n

L e P ô l e S a n t é T r a v a i l ,u n m o d e o r i g i n a l d e c o o p é r a t i o np l u r i - p r o f e s s i o n n e l l e

LE WOCCQ : METHODE DEDIAGNOSTIC DU STRESS PROFESSIONNEL

Une formation à la prévention des risquesprofessionnels liés aux facteurs psychosociaux

Le CHSCT voit son rôleconforté sur lasanté mentale

L e t r a u m a t i s m e d u h a r c è l e m e n t m o r a lL e s s a l a r i é s s o n t s e u l s f a c e à

l e u r s d i f f i c u l t é s

L a p l a c e d e s f p s d a n s l e P l a n R é g i o n a l S a n t é T r a v a i l

S a n t é m e n t a l e : l e C H S C T p e u t a u s s i s ' e n o c c u p e r

P r é v e n t i c a M é d i t e r r a n é e e t l e s t r e s s p r o f e s s i o n n e lCONSEIL EN ANALYSE DU TRAVAILETUDES ET INNOVATION SOCIAL

facteurs

psycho

sociaux

Pou r l a san té des sa la r i és e t des en t rep r i ses

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Les cahiers des fpsLe Vénitien

27 bd Charles Moretti13014 Marseille

Tél. : 04 91 62 74 09Fax : 04 91 62 72 45

e-mail : [email protected]

publication bi-annuelleun hors-série par an

Directeur de la publicationFranck Martini

REDACTION

Comité éditorialPhilippe SottyIsabelle MichelMuriel Gautier

Anne-Marie GautierGeorges BoutinotPascale Biausque

Conception graphiqueMaquette

Pascale Biausque

EDITEUR

CATEISConseil en Analysedu Travail Etudes

et Innovations SocialesS.A.R.L. au capitalde 24 000 euros

Siège social : Le Vénitien27 bd Charles Moretti

13014 MarseilleRCS Marseille B 419 867 551

Agréé expert CHSCTHabilité IPRP

FINANCEUR

Direction régionale du travail del’emploi et de la formation

professionnelleProvence-Alpes-Côte d’Azur

180 avenue du Prado13285 Marseille Cedex 08

Tél. : 04 91 15 12 12

IMPRIMEUR

IntuitivArtsMarseille

Dépôt légal : février 2005ISSN : 1772-7642

Sommaire N° 2Septembre

2005

Méthodologie

Outils

La prévention de la violence et du harcèlement autravail : un impératif de formationRisques psychosociaux - stress, mal-être,souffrance,... Guide pour une démarche deprévention pluridisciplinaire

Le WOCCQ : méthode de diagnostic du stressprofessionnel

Une formation à la prévention des risquesprofessionnels liés aux facteurs psychosociaux

Expériences d’entreprises

Le Pôle Santé Travail : un mode original decoopération pluri-professionnelle Institut Paoli-Calmettes

Le CHSCT dans un Centre de Lutte Contre le Cancer

Approche institutionnelle

La place des fps dans le Plan Régional Santé Travail

Chsct

Santé mentale : le CHSCT peut aussi s’en occuper

Le CHSCT voit son rôle conforté sur la santémentale

Point de vue d’acteurs

Syndicalistes et médecins du travail des AlpesMaritimes

Point sur les savoirs

Enquête épidémiologique sur la violencepsychologique au travail

Le traumatisme du harcèlement moral

Les salariés sont seuls face à leurs difficultés

Editorial1

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édi tor ia l

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édito

paraît important de nous faire l'écho deparutions traitant directement despréoccupations des cahiers des fps. Larubrique "Points de vue d'acteurs" estconsacrée aux données issue d'une rencontreinitiée avec médecins du travail et syndicalistesdes Alpes Maritimes dans le cadre d'unedémarche collective dont la DDTEFP 06 est àl'origine. Enfin, le "Point sur les savoirs"apporte notamment l'éclairage de P.Davezies et D. Linhart respectivement sur laquestion du harcèlement moral et del'isolement croissant des salariés.Tout cela constitue un numéro extrêmementriche dont on espère qu'il trouvera sa pleineutilité auprès de nos lecteurs.Enfin, difficile de ne pas souligner combiences textes montrent, chacun à leur manière etsans forcément que ce soit leur intention, laspécificité des facteurs psychosociaux. Ceux-ci amènent les différents acteurs qui y sontconfrontés à devoir trouver des réponsesoriginales face à des questionnements quibousculent les positions habituelles des unset des autres. Prendre en compte les facteurspsychosociaux c'est certes et de manièreforte poser la question de la santé au travail,mais c'est aussi s'interroger sur la place del'homme au travail, ou plutôt sur la façondont se construit ou se déconstruit sanscesse le lien entre le travail et l'homme.

Franck MartiniDirecteur de la publication

Les cahiers des fpsN° 2 - Septembre 2005

Premier bilan pour les Cahiers :lien utile et lieu reconnu

LLancer une revue sur la thématique desfacteurs psychosociaux pouvaitparaître un pari audacieux sinonrisqué. Les réactions à la sortie du

premier numéro ont très largement confirmél'intérêt d'une telle initiative. Membres deCHSCT, médecins du travail… les demandesont été nombreuses, plus d'ailleurs que ce quiétait prévu : le numéro est épuisé. Cela soulignel'attente qui peut exister autour de cesthématiques ainsi que la nécessitéd'information et les besoins en méthode denombreux acteurs. Un deuxième élément està mettre en exergue : l'importance accordéepar les lecteurs au fait de trouver un lieucroisant des approches et des points de vuevariés, qu'ils s'ancrent sur des témoignages,des perspectives techniques ou théoriques.C'est aussi la confrontation à la diversité quipermet de modifier des représentations,d'outiller une écoute et un regard. C'est ainsique l'on peut avancer dans le sens d'unemeilleure interprétation des difficultésrencontrées dans les situations de travail et dela construction d'une capacité à agir demanière positive et pérenne.Le numéro 2 valide les principales rubriquesdu premier numéro. On va y retrouver lesapports de méthodologie et des exemplesd'outils. Des formations initiées au niveaurégional (APST et IRT), à une technique dediagnostic du stress mise au point parl'Université de Liège jusqu'à l'annonce de laparution d'un guide méthodologique deprévention porté par l'ARACT Aquitaine.On le voit la palette est large. L'expérienced'entreprise choisie pour être mise en avant estcelle de Paoli-Calmettes, Centre de Luttecontre le Cancer ayant développé un Pôle SantéTravail original et novateur. Nous reprenonspour ce qui relève plus particulièrement desCHSCT deux articles parus dans Viva et laTribune relatifs au droit à l'expertise reconnudans le domaine de la santé mentale. Il nous

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La prévention de la violence et du harcèlement au travail :un impératif de formation

Les salariés sont confrontés à une plus grande précarisationde leurs statuts d'emploi (chômage, augmentation decontrats de travail précaires, atypiques ou à temps partielcontraint). L'incertitude quant à l'avenir a des effets entermes de fragilisation des individus. A l'intérieur des entreprises, les conditions dans lesquelles

se réalise le travail se sont compliquées. On assiste en effet àune intensification de la production due au raccourcissementdes délais mais aussi à la généralisation de demandes desclients ou des usagers adressées directement aux salariés.En outre, l'autonomie grandissante accordée ou imposée auxsalariés, l'individualisation de la gestion des carrières qui segénéralise rendent bien sûr le salarié plus "autonome dans lasubordination", pour reprendre l'expression d'Alain Supiot,mais aussi beaucoup plus exposé en tant qu'individu.

Ajoutons que le harcèlement moral se révèle d'un usagejuridique compliqué car il apparaît difficile d'en apporter lapreuve. En outre, cette voie n'est pas sans risque puisquel'employeur ou le salarié mis encause peuvent porter plaintepour dénonciation calomnieuse,cette dénonciation est punie de5 ans d'emprisonnement et de45 000 euros d'amende.

Une formation aux processusorganisationnels pour réintroduire lecollectif salarié

Il devient alors nécessaire aux représentants du personnel deprendre du recul s'ils veulent traiter ces questions de violenceau travail et négocier les conditions dans lesquelles le travaildoit être fait. Ce qui revient à réaffirmer leur rôle dereprésentant du collectif salarié.

Pour cela, les représentants du personnel doivent se doterdes grilles d'analyse et d'outils pour élaborer une démarchede prévention des risques telle qu'elle est formalisée dans leprogramme de stage2 . Dans cette logique, quatredimensions doivent être approfondies, il faut :

appréhender le contenu, les enjeux et les organisations dutravail ;

maîtriser les règles juridiques qui s'appliquent auxproblèmes de santé et de sécurité ;

connaître les moyens, les responsabilités et les limites desactions des CHSCT ;

repérer les différents acteurs concernés par les questionsde prévention des risques que l'on peut mobiliser.

Avec l'appui de la DRTEFP, l'Institut Régional du Travaild'Aix-en-Provence organise en 2005 un certain nombre

de formations consacrées à la prévention de la violence et duharcèlement au travail.

Le succès de la notion de harcèlementmoral est porteur de dérives

Cette thématique est relativement nouvelle dans nos stages.C'est l'intitulé "harcèlement au travail" qui paraît le plusattractif pour les représentants du personnel et qui expliqueleur inscription dans ce type de stages. L'usage fréquent etparfois immodéré de la notion de harcèlement a bénéficié dusuccès médiatique de l'ouvrage de Marie-France Hirigoyen,et constitue un prolongement des travaux de psychologueset de psychosociologues sur les relations de travail quimettaient en exergue le thème de la souffrance au travail,titre d'un ouvrage de Christophe Dejours. La consécrationde la notion de harcèlement est venue de son inscriptionrécente dans le code du travail.

Cela explique l'explosionde plaintes salarialespour des faits dediscrimination et/ou deharcèlement moral queconstatent contrôleurs etinspecteurs du travail.Cette augmentations'appuie bien sûr sur lesentiment grandissant dela part des salariés d'une

dégradation des conditions de travail. Toutefois le succèsmême de la notion de harcèlement et l'augmentation desplaintes qu'elle provoque pose problème.

En premier le harcèlement, parce qu'il s'inscrit dans le cadred'une relation interindividuelle, apparaît plus facile àconstater qu'à prévenir. On ne peut plus alors qu'adopterune posture d'aide au salarié qui vise à la réparation. Or ilsemble que les militants syndicaux soient assez mal outilléspour cela, si toutefois on pense que l'aide individuelle faitpartie intégrante de leur mission.

En second, en rabattant l'ensemble des problèmes derelations de travail ou de pressions hiérarchiques vers lathématique du harcèlement, on effectue une opération deréduction des relations organisationnelles à leur seulecomposante psychologique et relationnelle.

Pour dépasser ces impasses il est nécessaire de relier le sentimentde souffrance individuelle des salariés à deux phénomènes1 :

L'usage fréquent et parfoisimmodéré de la notion deharcèlement a bénéficié dusuccès médiatique del'ouvrage de Marie-FranceHirigoyen. La consécrationde la notion deharcèlement est venue deson inscription récentedans le code du travail.

Le harcèlement moralse révèle d'un usagejuridique compliquécar il apparaît difficiled'en apporter lapreuve.

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leur permettent d'exercerleur mandat de manière plusefficace.

Les premiers éléments debilan des formationsréalisées semblent donnerraison à notre constat.

Des militants des deux autresorganisations syndicales (CGC et CFTC) et surtout desreprésentants du personnel non-syndiqué se sont inscritsdans ces sessions. Tous ont manifesté leur satisfaction etdisent leur impression d'être mieux outillés. Surtout, ilsmanifestent leur envie de prendre les problèmes en amont,de bâtir une démarche concrète et collective de préventionplutôt que d'en être réduit à un rôle individuel et curatif dontils avaient parfois du mal à se saisir et dont ils doutaient del'efficacité.

1 La manière dont ces phénomènes influent sur le comportementdes salariés nécessiterait des développements importants, ne seraitce que parce que ces effets se traduisent de manière très différentesuivant l'âge des individus, leur niveau de diplôme, leur niveauhiérarchique…

2 Pour construire ces stages, nous nous sommes inspirés d'unstage de formation élaboré notamment par Jacqueline Giraud-Eyraud et Hughes Morcrette.

3 C'est dans les secteurs du commerce et des services, dans lesecteur associatif et dans les administrations que le nombre deplaintes est le plus élevé. L'administration constitue un casparticulier puisque l'implantation syndicale y est importante etancienne. La disjonction entre les postes et les grades et l'absencede possibilités de sanctions (négatives mais aussi positives)constitue certainement une explication à l'importance du sentimentde harcèlement. Dans les deux autres secteurs, la présence syndicaleest faible et les relations de travail sont fortement tirées vers lerelationnel.

La prévention de la violence et du harcèlement au travail : un impératif de formation

C'est ainsi que les représentants du personnel peuvent, s'ilsen maîtrisent les outils et les procédures, mettre en place desactions concrètes de prévention de la violence et duharcèlement au travail.

La nécessité de former des représentantsdu personnel dans des secteurs peustructurés

Les formations de l'Institut Régional du Travail, depar son statut, s'adressent en premier aux militants detrois confédérations syndicales : CGT, CGT-FO et CFDT.

Or, un nombre important de représentants du personnelsont élus sur des listes non syndicales. En outre, on constateque l'implantation syndicale ou l'audience syndicale est trèsfortement segmentée : tandis que les grandes entreprisesdemeurent le terraind'implantation desorganisations syndicales, il enva tout autrement dans lespetites entreprises. Pour lesstructures de moins de 50salariés, les non-syndiquésrecueillent plus de la moitiédes suffrages. Dans certainssecteurs d'activité (agriculture,construction, commerce)certaines entreprises n'ont pasde représentants du personnel. Dans celles où lesreprésentants du personnel existent ce sont surtout des non-syndiqués qui occupent les fonctions de représentants dupersonnel.

Or dans les petitesentreprises et dans cessecteurs3 , là où lesreprésentants dupersonnel sont les moinsprésents et où ils sont lemoins syndiqués, lessalariés sont nombreux àavoir le sentiment d'êtreharcelés.

C'est ce constat quijustifie le choix de laDRTEFP et de l'IRT

d'ouvrir l'accès de ces formations à des représentants dupersonnel ne faisant pas partie des trois confédérations etsurtout à des représentants du personnel non-syndiqué quiont les plus grandes difficultés à suivre des formations qui

Mario CCorreiaMaître de conférences en

sociologie

Institut Régional du Travail12 traverse Saint-Pierre13100 Aix en provence 04 42 17 43 11 [email protected]

Dans les petitesentreprises et dans cessecteurs , là où lesreprésentants dupersonnel sont lesmoins nombreux et oùils sont le moinssyndiqués, les salariéssont nombreux à avoirle sentiment d'êtreharcelés.

Surtout des représentantsdu personnel non-syndiqué se sont inscritsdans ces sessions. Tousont manifesté leursatisfaction et disent leurimpression d'être mieuxoutillés.

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Méthodologie

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Ce travail débouche aujourd'hui sur l'élaboration d'un guideméthodologique qui s'attache à définir 4 grandes étapesd'une démarche de prévention pluridisciplinaire des risquespsychosociaux. La méthode et les outils proposés sontdestinés aux acteurs de l'entreprise et aux préventeursexternes qui l'acccompagnent.

Une partie introductiveprécise ce que l'on entend parrisques et troublespsychosociaux. Des définitionssont données afin depérimétrer le champ d'étudeet d'action et mieuxcaractériser les troubles donton parle.

L'étape 1 apporte despoints de méthodes pour que les acteurs puissent construireensemble une approche collective des risquespsychosociaux. Elle précise la façon dont on peut passerd'une approche individuelle à une approche collective plusobjectivée. Elle propose la construction d'un espacepluridisciplinaire avec les acteurs sociaux, les acteurs de lasanté et les acteurs des ressources humaines.

L'étape 2 présente un outil qui permet de repérer et decombiner trois niveaux d'indicateurs d'alerte dansl'entreprise qui renseignent à la fois sur le fonctionnement decelle-ci, les ressources humaines, la santé et la sécurité dessalariés tout en accordant une place particulière àl'expression des plaintes collectives et individuelles. A cestade, il ne s'agit pas de travailler réellement sur les facteursde risques pour comprendre ce qui se joue mais de repérerdes indicateurs qui permettent de déceler le plus en amontpossible les situations à risques. Il existe un véritable déficitau sein des entreprises sur la construction d'indicateurs quipermettent de suivre les populations au niveau de la santé etde la GRH. Le Bilan social existe dans les plus grandes maisest rarement traité comme il se doit, la fiche d'entrepriserenseignée par le médecin est peu utilisée. Cette premièreétape doit permettre de poser des hypothèses sur un risqueprobable, de situer les populations potentiellementconcernées et de repérer les axes d'analyse.

L'étape 3 développe des modèles d'analyse des facteursde risque et de compréhension des déséquilibres qui semanifestent à trois niveaux :

celui de l'entreprise (absentéisme, turnover, tensionsociale,...)

celui de la réalisation du travail (difficultés à tenir les

Stress, mal-être, souffrance, épuisement professionnel,autant de termes utilisés pouvant recouvrir des

phénomènes de nature et d'origine différentes. Chacune desmanifestations expriméesrenvoie à des processuspsychologiques et desconséquences multiples surla santé psychique etphysique des personnes.Le stress est devenu un motà géométrie variable, utilisé pour désigner des réalités trèsdiverses, faisant bien souvent l'amalgame entre situationsindividuelles et collectives, bénignes et pathologiques.

Faute de pouvoir qualifier une situation, le premier réflexeest, pour l'employeur, d'en nier l'existence et, pour le salarié,d'en cacher la réalité comme s'il s'agissait d'uneproblématique inavouable.

Les services de l'inspection du travail et des médecins dutravail rencontrent des difficultés pour traiter ces plaintes(stress, mal-être, harcèlement,…) et apporter des réponsesconcrètes.

Cette complexité ne doit pas empêcher les acteurs de mieuxsérier les différents types de manifestations et mettre enoeuvre une véritable démarche de prévention. C'est l'objectifque s'est fixé le comité d'orientation de l'Aract Aquitaine(représentants des employeurs, des salariés, de l'Etat et descollectivités territoriales). Il a souhaité sensibiliser les acteursconcernés (chefs d'entreprise, représentants du personnel,médecins du travail, inspecteurs du travail), afin qu'ilspuissent identifier les situations à risque et rechercher lessolutions appropriées.

Dans ce contexte, l'Aract Aquitaine et la DRTEFP ont menéune expérimentation dans treize entreprises de différentes

tailles et secteurs d'activité :centre d'appel, banque,centre de soins, centreéducatif pour jeunes,production... Objectifs :dégager à partir desdiagnostics et du suivi desdémarches dans chacuned'entre elles, des constatscommuns ou spécifiques,construire des indicateursd'alerte permettant de doterles acteurs de la préventionet les acteurs sociaux dans

l'entreprise d'outils pour anticiper au mieux ces questions,élaborer un modèle d'analyse pour comprendre cesphénomènes et entreprendre les mesures de prévention.

Risques psychosociaux - stress, mal-être, souffrance,...Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaireUn enjeu collectif de la santé et de la qualité de vie au travail

Le stress est devenu unmot à géométrievariable, utilisé pourdésigner des réalitéstrès diverses...

Ce travail déboucheaujourd'hui surl'élaboration d'unguide méthodologiquequi s'attache à définir 4grandes étapes d'unedémarche dep r é v e n t i o npluridisciplinaire desrisques psychosociaux.

Cette complexité ne doitpas empêcher lesacteurs de mieux sérierles différents types demanifestations etmettre en oeuvre unevéritable démarche deprévention. C'estl'objectif que s'est fixé lecomité d'orientation del'Aract Aquitaine.

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Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire

objectifs quantitatifs et qualitatifs, répartition du travail,dégradations des relations dans le travail...)

celui de l'individu (troubles du sommeil, état de stress, mal-être,...)

Il s'agit toujours d'une conjonction de difficultés que l'onretrouve à ces trois niveaux et qui vont agir en boucle, voireentrer dans une spirale de dégradations lorsque que rien n'esttraité à temps. Les facteurs professionnels peuvent êtreappréhendés à partir des différents systèmes qui composentl'entreprise : prescription du travail, organisation du travail,ressources humaines, management, mode de relation,moyens et environnement du travail. L'approche collectivede ces questions doit permettre d'identifier et decomprendre ce qui fait cause commune dans cesphénomènes afin de pouvoir agir au niveau des différentssystèmes de l'entreprise.

L'étape 4 poursuit la démarche en agissant à plusieursniveaux et en développant une veille active. Des points-cléspour l'action sont proposés pour guider les acteurs. L'enjeufondamental de cette démarche de préventionpluridisciplinaire, réside dans la concertation des acteurspour définir un plan d'action dans la durée et suivre l'impactdes changements.

Ce guide réalisé par Catherine Brun(Aract Aquitaine) est le fruit d'une approchecollective et pluridisciplinaire avec un ensemblede partenaires (DRTEFP, partenaires sociauxde l'Aract, médecins du travail, inspecteurs dutravail, consultants) qui ont contribué à lerendre plus adapté aux besoins des acteurs del'entreprise et plus accessible aux lecteurs.Si vous désirez vous le procurer, consultez le sitede l'Aract Aquitaine à l'adresse suivante :www.aquitaine.aract.fr

Pour recevoir le guide ous'incrire au colloque organiséle 15 novembre 2005 àBordeaux, contactez nous :

[email protected]

Catherine BBrunChargée de mission

ARACT Aquitaine 05 56 79 63 30

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Le WOCCQ : méthode de diagnostic du stressprofessionnel - Présentation de l'outil et mise à dispositiondes utilisateurs de terrain

stress est lié au sentiment de maîtrise qu'a un individu de sasituation de travail : plus il a le sentiment que les ressourcesmises à sa disposition sont en adéquation avec les demandesqui lui sont formulées, moins il sera stressé.

Nous avons décidé de créer un nouvel instrument en raisond'une part des lacunes méthodologiques d'autresquestionnaires (échelles de contrôle global et/ou validitédiscutable de certaines échelles multidimensionnelles,échelles liées à des environnements spécifiques et donc peugénéralisables) et, d'autre part, en raison de la nécessité decréer un outil susceptible de conduire à une prise en chargedu stress sous l'angle des conditions de travail (et non del'individu comme le font beaucoup d'autres méthodes).

Notre objectif a donc été de développer une échellemultidimensionnelle du contrôle de la situation de travailprésentant de solides qualités psychométriques. Six dimensionsde contrôle ont été retenues : les ressources nécessaires, lagestion de la tâche (ex. : les conflits interpersonnels, lesconflits de rôle), les risques personnels ou pour autrui (ex. :les responsabilités diverses envers d'autres personnes), laplanification du travail, la gestion du temps (ex. : leséchéances à court terme à respecter, les cadences de travailimposées, la vitesse de travail dépendant du travail d'autrui),et la confiance en l'avenir.

Questionnaires

La méthodologie se compose de 3 questionnaires de base : leWOCCQ à proprement parler, le SPPN, et le Relevé dessituations problèmes.

Le questionnaire WOCCQ identifie les facteurs de stress enterme de manque de contrôle sur 6 dimensions du travailprésentées ci-dessus. Il comporte 80 items. Tous les itemssont contextualisés, c'est-à-dire font référence à dessituations qui ont trait au travail, afin de déterminer lescauses organisationnelles du stress sur lesquelles l'employeurpeut agir. Il sont formulés à la première personne dusingulier (ex. : "Je participe aux prises de décisions quiconcernent directement mes tâches", "Mon travailm'empêche de développer mes connaissances etcompétences particulières").

Le SPPN est composé de deux échelles : une échelle destress et une échelle de stimulation au travail. Ces deuxmesures sont à considérer comme une réponse de l'individuface à la situation de travail dans laquelle il se trouve.L'échelle de stress négatif (SPN) comprend 11 items tandisque l'échelle de stimulation positive compte 8 items.

En Belgique, cela fait déjà 10 ans que la prévention desrisques psychologiques au travail, et plus

particulièrement du stress, est une préoccupation majeuredes autorités publiques et des centres de recherche. Si lespremiers se sont attachés à fixer un cadre législatif sur lafaçon d'encadrer la prévention des risques psychologiques autravail, les seconds se sont penchés tantôt sur la mise enévidence des conséquences de la charge psychosociale sur lestravailleurs et les entreprises, tantôt sur la création d'outilspermettant d'évaluer ce type de risque dans les entreprises,en vue de les aider à mettre en place un plan de prévention

efficace. Dans lesentreprises également, uneattention a alors été portée àla charge psychosocialeoccasionnée par le travail,accompagnée bien souventde questions sur la meilleurefaçon d'évaluer puis d'agirsur ce type de risque.Dans les structures deprévention qui lesaccompagnent, des conseillers

en prévention spécialisés dans les aspects psychosociaux ontfait leur apparition.

C'est dans ce contexte que prend place le WOCCQ, uneméthode de diagnostic des risques psychosociaux. Elle a étévalidée et diffusée par le Service de Psychologie du Travail del'Université de Liège, avec le soutien des autoritéspubliques1.L'objectif était de mettre à disposition desacteurs de terrain un outil de diagnostic fiable permettantd'orienter les interventions à venir de manière ciblée.

Présentation du WOCCQ

Support théoriqueLe stress est considéré comme une réponse du travailleurdevant des exigences de la situation pour lesquelles il doute dedisposer des ressources nécessaires, et auxquelles il estime devoir faireface. La subjectivitéet le contrôle sont lesdeux notions clés decette méthodologie.La première fait échoau fait que laperception d'unesituation de travail(de ses exigences etde ses ressources) par un individu est fondamentale. La seconderenvoie à l'idée, largement admise dans la littérature, que le

Le stress est considéré commeune réponse du travailleurdevant des exigences de lasituation pour lesquelles ildoute de disposer desressources nécessaires, etauxquelles il estime devoirfaire face.

C'est dans ce contexteque prend place leWOCCQ, une méthodede diagnostic desrisques psychosociaux.Elle a été validée etdiffusée par le Servicede Psychologie duTravail de l'Université deLiège, avec le soutiendes autorités publiques.

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stimulation sera considérécomme un indicateursupplémentaire du bien-êtreau travail.

Mise à dispositionde l'outil

Depuis que l'outil est validé,l'équipe a toujours cherché àmettre cet outil à dispositiondes utilisateurs de terrain.Cette politique de diffusion

est soutenue conjointement par le Fonds Social Européen etle Service public fédéral belge de l'emploi. Dans un premiertemps, l'interprétation des données a été simplifiée, grâce à lastandardisation des questionnaires et à la création denormes. Une base de données de plus de 14 000 sujets estcontinuellement alimentée et permet la mise à jour de

normes de comparaison.Plus intéressant encore, unprogramme de traitementdes données a été créé : laWOCCQTool. Il fonctionnesur Excel et permet d'encoderrapidement les questionnaireset, en quelques secondes,d'obtenir les résultats, avecgraphiques associés. Cet outil

est livré gratuitement à l'issue d'une formation. A ce sujet,deux formules sont mise en place : des formations enprésentiel, et des formations à distance.

1 SPF Emploi, Travail et Concertation sociale et Fonds SocialEuropéen

Le WOCCQ : méthode de diagnostic du stress professionnel

Le questionnaire Relevé des situations problèmes permetune analyse qualitative des situations problèmes décritespar les travailleurs, sur base de la question ouverte suivante :"Dans le cadre de votre travail, citez trois situationsproblématiques que vous rencontrez". Pour chaquesituation décrite, le travailleur doit aussi indiquer, sur deséchelles de type Likert, le degré de stress généralementressenti et la fréquence à laquelle la situation problématiquese produit. L'analyse des données se fait par analyse ducontenu.

Démarche d’accompagnement

Tout diagnostic n'est qu'une phase, certes importante, d'unprocessus plus général d'intervention. L'implication et lesoutien de tous les acteurs de l'entreprise est un gage deréussite. Ce soutien passe d'abord par une informationcorrecte de l'intervenant, à destination notamment de ladirection et du CHSCT, sur les enjeux, les finalités, leslimites, les contraintes, le budget, etc. Par ailleurs, chaqueentreprise est un milieu particulier, avec ses spécificités, saculture, ses contraintespropres. Aussi, il n'est pasinutile d'adapter au maximum laméthodologie d'enquête au milieuétudié, et d'initier unedémarche participative, et ce envue de récolter un maximumde réponses et d'obtenir unconsensus le plus large possible surles résultats. Le passage du diagnostic à l'intervention ne peutque s'en trouver facilité. C'est pourquoi un Comité de pilotageest créé. Ce groupe de travail accompagne la démarche et sepenche sur diverses options méthodologiques, comme parexemple le choix des variables indépendantes, la façon dedistribuer et récupérer les questionnaires, ou encored'assurer la confidentialité de la démarche.

Types de résultats

Le principe du traitement des données est d'identifier desgroupes à risque au sein de l'entreprise en terme de stress, destimulation et de contrôle sur les conditions de travail. L'objectif estde hiérarchiser ces groupes à risques et de détailler lesrésultats (notamment grâce à l'analyse par item) de façon àpréparer la mise en place d'interventions efficaces et ciblées.Un niveau de stress élevé peut être expliqué par un niveau decontrôle faible sur une ou plusieurs dimensions : on sedirigera alors vers des actions de remédiation. Un niveaude contrôle faible peut également prédire l'apparition destress : on parlera alors d'actions de prévention. Le niveau de

Informations complémentaires et contact :un site internet (http://www.woccq.be) trèscomplet permet d'obtenir de plus amplesinformations sur le WOCCQ : questionnairestéléchargeables, formations, licence en ligne,WOCCQTool, etc.

Isabelle HHansezauteur du WOCCQ

[email protected]

Stéphanie PPéterscoordinatrice projets WOCCQ

[email protected]

Université de LiègeBd du Rectorat, 5 (B32)4000 Liège - Belgique

site : www.woccq.be

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Une formation à la "Prévention des risques professionnelsliés aux facteurs psychosociaux"

d'entreprise, responsables RH, cadres dirigeants,représentants des salariés DP et CHSCT, inspecteurs etcontrôleurs du travail, préventeurs santé/sécurité,travailleurs sociaux, agents d'accueil, etc.

Une deuxième promotion vient de terminer cette formation.Quel bilan succinct tirer de ces deux années ? La premièreannée, entièrement financée par la DRTEFP a dû refuser descandidats pour se limiter à 24 personnes : 7 médecins dutravail, 2 infirmières - assistantes sociales, 5 élus CHSCT, 6IN ou CT du travail, 3 préventeurs, 1 consultante ontparticipé à cette formation. La seconde année, étant à lacharge des entreprises, a vu chuter le nombre de participantsà 11 : 1 A.S., 1 secrétaire d'un cabinet de médecin du travail,4 membres de CHSCT, 3 agents du ministère du travail dont2 contrôleurs, 1 préventeur, 1 consultante. L'absenced'employeurs ou de leurs représentants est à noter et est àdéplorer, la longueur de la formation n'y est sans doute paspour rien, on peut aussi se demander s'il n'y a pas là unecertaine sous-estimation des enjeux de santé relatifs à cesrisques.

Dans ce bilan nous nereprendrons pas lesmultiples questions quesoulève la prévention desrisques professionnels liésaux facteurs psychosociaux :détermination des facteurs ?Repérages des symptômes ?Raisons du développementdes risques ? Quelleprévention (outil ouapproche) ? Quelques-unesde ces questions ont étéabordées par JacquesDurrafourg dans uneintervention lors des Assisesde la Prévention en 2003. Il y souligne la difficulté àdéterminer des dangers peu décelables dans une activités'exerçant sur l'immatériel et avance sa préférence à réfléchirsur ce qui peut faire santé dans une situation de travail.

Nous nous limiterons donc à citer quelques élémentsd'évaluation soulevés au terme de ces formations par lesparticipants.

De manière unanime a été reconnue la nécessité et l'utilitéd'un travail commun entre les différents protagonistes etintervenants dans l'entreprise (salariés, employeurs,représentants du personnel, médecin, inspecteur oucontrôleur du travail, consultant lorsqu'il y a une

En 2002, la DRTEFP PACA a demandé au départementd'Ergologie - Analyse Pluridisciplinaire des Situations de

Travail (APST) de l'Université de Provence de concevoir etde mettre en œuvre un dispositif de formations pluri-professionnelles et pluridisciplinaires permettant aux acteursde la prévention confrontés aux risques professionnels liésaux facteurs psychosociaux, et notamment aux problèmes deviolence au travail, d'élaborer une stratégie d'approche,d'évaluation et de prévention de ces risques professionnelsspécifiques dans l'entreprise.

Le département d'Ergologie - APST met au centre de sesétudes les activités humaines, particulièrement l'activité detravail. Cet "objet" impose un positionnementépistémologique : d'une part la pluridisciplinarité, d'autrepart une démarche qui vise à construire une relation entreexpérience et connaissance où chaque participant estreconnu comme détenteur et producteur de savoirs.La formation proposée sur les risques liés aux facteurspsychosociaux se devait donc à partir de la sollicitation del'expérience de travail des participants, d'organiser la

confrontation la plusféconde possible entre lesconnaissances constituées etles savoirs issus de cetteexpérience. Son cadre devaitdonc croiser des apportspluridisciplinaires à desexpériences pluri-professionnelles.

C'est ainsi que lapluridisciplinarité s'estexercée à travers desinterventions faisant appel àdes disciplines différentes etprésentées sous six

thématiques correspondant aux six sessions de deux jours quiont rythmé la formation. La séance introductives'interrogerait sur la réalité anthropologique du travail - c'estquoi le travail ? Epanouissement et/ou souffrance ? Puissuccessivement ont été abordés les enjeux subjectifs dutravail (psycho-dynamique), les évolutions des modes demanagement (gestion) ; les transformations des contenusdu travail (technologiques, intensification…) ; le travail etla vie sociale (environnement, genres sexués…). La séanceconclusive invitait des praticiens (ergonome, médecin…) encharge d'intervention dans les entreprises, à effectuer demanière pratique une synthèse des apports précédents et àdévelopper des pistes de prévention contre les risquespsychosociaux.

La pluri-professionnalité était recherchée par l'ouverture àcette formation aux médecins du travail, infirmier(e)s

De manière unanime aété reconnue lanécessité et l'utilité d'untravail commun entreles différentsprotagonistes etintervenants dansl'entreprise (salariés,e m p l o y e u r s ,représentants dupersonnel, médecin,inspecteur oucontrôleur du travail,consultant lorsqu'il y aune intervention…).

La formation proposéesur les risques liés auxfacteurs psychosociauxse devait donc à partirde la sollicitation del'expérience de travaildes participants,d'organiser laconfrontation la plusféconde possible entreles connaissancesconstituées et les savoirsissus de cetteexpérience.

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augmente le nombre de contentieux, ce qui augmente lenombre d'arrêts pour fatigue qui à leur tour augmentent lacharge de travail et ainsi de suite. Parmi les différentsfacteurs (organisation, technique, violence du public, etc.)l'appui du collectif est apparu comme un élément pertinent.Celui-ci permet en effet l'expression des problèmes liés à sesfacteurs, mais plus positivement il est le lieu où s'élabore,parfois de manière implicite, des stratégies d'évitement de laviolence extérieure, de régulation des tensions au sein desorganisations, de mise en commun de ressources pourréaliser le travail demandé, d'élaboration du sens du travail.La dégradation des collectifs soit par la mise en concurrenceentre salariés, soit par l'absence de temps et d'espace de miseen commun, favorise indéniablement les risques liés à desfacteurs psychosociaux.

Ainsi, les différentes expériences issues d'approches diverses,rapportées par les participants ont permis petit à petitd'avancer des pistes de travail en terme de prévention de cesrisques difficiles à déceler. Dans l'entreprise, cetteprévention, qu'elle soit consécutive à une évaluation desrisques ou au traitement d'un évènement révélateur,nécessite de construire des cadres de dialogue permettantune prise en compte effective du point de vue de ceux quisont exposés aux risques (de ceux qui les "vivent", pourrait-on dire). Pour construire de tels cadres, les pratiques tellesque la "médiation" sont apparues intéressantes. Trois pistessemblent à privilégier : améliorer la culture de l'entreprise surles risques et les enjeux que cela représente pour l'entrepriseet pour la santé des salariés ; former les personnels à repérerces risques ; déterminer les valeurs à mettre en avant pouréviter des dérapages (respect, négociation, collectif…). Cettedernière piste peut, à l'exemple de ce qui se fait dans unegrande entreprise, prendre forme dans une charte quiprévoit la démarche à suivre en cas de non-observation decelle-ci et ceci quelle que soit la personne concernée.

Reste toutefois que les réponses apportées à la question de laprévention de ces risques dans les petites entreprises sontlargement insatisfaisantes dans un contexte aggravé par lerecul continu du fait syndical et la réforme actuelle de lamédecine du travail. Il y a là une interpellation majeure pourle système public de prévention des risques du travail.

Une formation à la "Prévention des risques professionnels liés aux facteurs psychosociaux"

intervention…). Seules l'addition des informations et laconfrontation des points de vue permet une approchedes ces risques et de leurs conséquences. L'importancedu CHSCT comme lieu privilégié de cette confrontation despoints de vue a été à cet égard soulignée. Ceci n'est passimple car les centres d'intérêt et les postures des différentsprotagonistes ou groupes professionnels ne sont pasidentiques. L'identification de ces postures et du rôle quechacun joue dans la prévention est un moyen d'aplanir biendes incompréhensions. De ce point de vue la pluri-professionnalité de la formation a été bien accueillie.

Le passage par l'activité est apparu comme une conditionincontournable pour poser les questions liées aux risques desfacteurs psychosociaux. Si les conséquences de ceux-ci sontconstatables par le médecin lors de sa visite, par le

gestionnaire, par les chiffresd'absence, de turnover oude démotivation, par lescollègues par desmanifestations d'agressivité,de retrait… Déterminer lescauses et donc mettre enplace une préventionnécessite de dépasser lastricte représentation qu'enont les uns et les autres.D'abord parce que le sujet

souffrant a beaucoup de mal à exprimer celle-ci et ses causes.Souvent les gens craquent avant de (se) le dire. De plus,mettre l'activité au centre de l'interrogation permet d'unepart de parler d'un objet commun entre les différentsprotagonistes, d'autre part de partir d'un fil pour démêlerpetit à petit cette pelote complexe que représente unesituation de travail. Pour autant, mettre l'activité au centre cen'est pas systématiquement en faire une analyse, c'est mettreles questions de l'activité au centre de la problématique. Eneffet il n'est pas rare que la souffrance soit telle que l'activitémême est difficile voire impossible à approcher, d'autre partl'analyse n'est pas toujours possible en terme de temps ou deposture pour les intervenants (par exemple pour lesinspecteurs ou contrôleur du travail). Ceci ne signifie pas queparfois l'analyse de l'activité est indispensable.

De ce positionnement, il apparaît que ces risquesprofessionnels ne relèvent pas ou extrêmement rarement deproblèmes individuels y compris dans les cas deharcèlement. Ils relèvent d'une conjonction d'éléments quicomposent la complexité des situations de travail.Ces éléments fonctionnant souvent en boucle, par exempledans un service d'accueil : une augmentation de la charge detravail entraîne une dégradation de la qualité, qui à son tour

Il n'est pas rare que lasouffrance soit telle quel'activité même estdifficile voire impossibleà approcher, d'autrepart l'analyse n'est pastoujours possible enterme de temps ou deposture pour lesintervenants.

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Une formation à la "Prévention des risques professionnels liés aux facteurs psychosociaux"

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Formation “Risques professionnels liés aux facteurs psychosociaux :comprendre pour évaluer et prévenir”

PROGRAMME 2006

Objectifs de la formation : permettre aux différents acteurs qui interviennent sur le champ de lasanté au travail de définir plus précisément ces risques, de mieux en comprendre les causes et deconstruire des démarches d’évaluation et de prévention à travers un dispositif de formation articulantapport de connaissances pluridisciplinaires et confrontation/capitalisation des expériences d’interventiondans ce domaine.

Public concerné : médecins du travail, infirmier(e)s d’entreprise, responsables RH, cadresdirigeants, représentants des salariés DP et CHSCT, inspecteurs et contrôleurs du travail, préventeurssanté/sécurité, travailleurs sociaux, agents d’accueil, etc.

Nombre de places : 25

Contenu de la formation :

travail et santé : problèmes et enjeuxdimension subjective du travail, reconnaissance et non-reconnaissanceharcèlement et autres formes de violence au travailévolution des modes de management et des relations professionnellesindividus et collectifs dans les situations de travailcrise sociale et activités de travail (métiers exposés)Confrontation de pratiques d’interventiondémarches d’évaluation et de prévention des risques à construireModalités : 12 jours répartis sur 6 mois à raison de 2 jours consécutifs en 2006

Dates :

1ère session : 5 et 6 janvier 20062ème session : 30 et 31 janvier 20063ème session : 13 et 14 février 20064ème session : 20 et 21 mars 20065ème session : 22 et 23 mai 20066ème session : 12 et 13 juin 2006

Lieu : Université de Provence - Centre d’Aix

Intervenants : enseignants du département d’Ergologie, formateurs du réseau APST, professionnelsdu domaine (dont Y. Schwartz, J. Duraffourg, P. Davezies...)

Frais d’inscription : 800 euros

Inscription pédagogique : Département d’Ergologie/APST - Université de Provence

29 avenue Robert Schuman - 13621 Aix en Provence Cedex 1

Tél. : 04 42 95 33 29 - Fax : 04 42 95 33 28 - e-mail : [email protected]

Inscription administrative : Geneviève Roche - Service Formation Continue : 04 42 95 31 67

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Par crainte pour la santé psychique de certains agents et d'une explosionau sein duservice lesprofessionnelsont à leur touralerté la direction.Il a fallu précisémentidentifier le problème,reprendre la chronologiedes faits,

12Les cahiers des fps N° 2 - septembre 2005

E x p é r i e n c e sd’entreprises :

La vocation de larubrique "Expériencesd'entreprises" est de

valoriser des démarches,innovations ou actions deprévention mises en œuvredans des structures de grandeou de petite taille.

Sont privilégiés ici lapluralité des points de vued'acteurs et le caractèreconcret des situationsprésentées.

Dans ce second dossier,l’Institut Paoli-Calmettesrelate la mise en place du PôleSanté Travail (PST), initiativeoriginale de coopération entreprofessionnels de la santé autravail et concernés par lesfacteurs psychosociaux.

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Expériences d’entreprises

psychologue clinicienne qui laissera sa place à unepsychologue du travail ; modification de profil due à unconcours de circonstances, mais qui s'avère en adéquationavec les résultats de l'enquête.

Un fait réel interroge la pluridisciplinarité

Depuis toujours existait au sein de l'établissement un réeltravail d'équipe entre l'assistante sociale du personnel et lemédecin du travail : à l'occasion des visites à domicile faitespar l'AS qui permettent de déceler une difficulté à la reprisedu travail (aménagement horaire : mi-temps thérapeutique,adaptation du planning horaire , aménagement du poste,changement temporaire de service), mais aussi à l'occasionde visites médicales qui permettaient de dépister desproblèmes sociaux ou des problèmes médicaux risquantd'engendrer des difficultés sociales.

En début d'année 2004 un incident grave s'est produit dansun secteur, trois agents se sont retrouvés en extrêmedifficulté suite à un conflit avec leur hiérarchie.

Un signalement auprès de l'AS du personnel a été opéré parles partenaires sociaux. Ce signalement a abouti à unedemande d'intervention des professionnels (AS, médecin etp s y c h o l o g u e ) .C h a q u eprofessionnel avaitune informationpartielle de laproblématique etétait en relationavec une "partie" des intervenants. Cela a amené à prendreconscience de la nécessité de mettre en commun toutes lesdonnées et de coordonner les interventions.

Par crainte pour la santé psychique de certains agents etd'une explosion au sein du service les professionnels ont àleur tour alerté la direction. Il a fallu précisément identifier leproblème, reprendre la chronologie des faits, maintenirl'anonymat par souci de protection autant des salariésconcernés que du cadre du service…

Finalement, l'intervention des professionnels au niveau desagents a permis une meilleure gestion des difficultés,l'inventaire des solutions possibles, l'aide à leur mise enplace...

Mais tout cela laissait pendant toute une série de problèmes :intervention auprès d'agents qui ne sont pas initialementdemandeurs, difficulté à gérer la peur des agents par rapportà la hiérarchie (ce qui tend à masquer les difficultés),évaluation de l'incidence de telles situations sur la vie au

e Pôle Santé Travail (PST) de l'Institut Paoli-Calmettesreprésente une initiative originale de coopération entre

professionnels de la santé au travail et concernés par lesfacteurs psychosociaux.

Constitué d'un médecin dutravail, d'une assistante socialeet d'une psychologue,travaillant en lien avec leCHSCT il met en œuvre uneréelle pluridisciplinarité.

Une de ses originalités estd'être né non pas d'uneinitiative pensée mais d'uneadaptation aux besoins.

L'émergence des fps

Au fil du temps sont apparues à l'Institut Paoli-Calmettes denouvelles problématiques d'ordre psychosocial. En 2001s'est exprimé le sentiment de besoin d'un soutienpsychologique en rapport avec la nature du travail en CLCC(centre de lutte contre le cancer). Ce ressenti a été soulignépar les partenaires sociaux, l'assistante sociale du personnelet le médecin du travail récemment nommé.

Cela a abouti à la réalisation d'une enquête auprès dupersonnel, projet réalisé dans le cadre de crédits alloués parl'ARH (Agence Régionale de l'Hospitalisation) et dont lefinancement a été complété par la direction. Cette étude a étémenée en collaboration par le service de santé au travail et lapsychologue pour le personnel nommée à cette occasion.

Il s'agissait de définir les critères d'indication des besoinsd'accompagnement psychologique au sein de l'Institut Paoli-Calmettes et de faire l'expérience de la présence d'unpsychologue pour le personnel.

149 questionnaires ont été retournés. 72 % soulignaient lanécessité d'un soutien psychologique. Dans l'ordre despriorités apparaissaient : le stress, la charge de travail, lesproblèmes relationnels, les évènements traumatiques, lerapport avec la fin de vie et le deuil du patient. La formeindividuelle de l'accompagnement psychologique semblait

privilégiée par lepersonnel.

Ces résultats ont amenéà maintenir la présenced'une psychologue.Ainsi, le poste a étépérennisé avec une

Le Pôle Santé Travail : un mode original de coopérationpluriprofessionnelle

L

Constitué d'unmédecin du travail,d'une assistantesociale et d'unep s y c h o l o g u e ,travaillant en lien avecle CHSCT il met enœuvre une réellepluridisciplinarité.

Dans l'ordre des prioritésapparaissaient : le stress, lacharge de travail, lesproblèmes relationnels, lesévènements traumatiques,le rapport avec la fin de vieet le deuil du patient.

En début d'année 2004 unincident grave s'est produitdans un secteur, trois agents sesont retrouvés en extrêmedifficulté suite à un conflit avecleur hiérarchie.

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Expériences d’entreprises

Le Pôle Santé Travail : un mode original de coopération pluri-professionnelle

travail, sur la vie personnelle, modes de coopération avec lespartenaires sociaux qui ont un bonne connaissance duterrain (secteur d'activité, agents, hiérarchie…)

Création du PST

La volonté commune de clarifier tout cela a amené ladirection à reconnaître :

la spécificité du groupe de travail (le Pôle est une synergieentre trois professionnels intervenant en parallèle),

la prise en compte de l'individu dans sa globalitéimpliquant la mise en commun des compétences au sein duPôle,

l'officialisation auprès du CHSCT,l'élaboration d'une charte.

Assez rapidement des conditions d'intervention ont dû êtredéfinies :

Il est importantpour lesprofessionnels desavoir recueillirl'inquiétude et lademande des o l u t i o nimmédiate, deprendre du reculpour mieuxexaminer les difficultés, d'inventorier les solutions et laisserl'agent choisir celle qui lui convient le mieux.

Il est important pour lesprofessionnels de savoirrecueillir l'inquiétude et lademande de solutionimmédiate, de prendre du reculpour mieux examiner lesdifficultés, d'inventorier lessolutions et laisser l'agentchoisir celle qui lui convient lemieux.

Le PST n'est pas un porte-parole ni un médiateur.Il accompagne l'individu ou le groupe dans undémarche d'aide et ne fait pas à la place "de".

Il a une obligation de mettre en place des actions et desmoyens, mais pas une obligation de résultat.

Au bout de 15 mois de pratique des thèmes d'interventionont été définis.

A titre d'exemple on peut citer l'addictologie pour laquelle unprogramme d'intervention sur les 24 mois à venir a étéélaboré. Le public concerné est, outre l'ensemble des agents(personnel, stagiaires, étudiants) les patients et leur famille.Une formation spécifique va être mise en place pour lescadres. L'action va amener à la réalisation d'une conférence,de formations, des aides à la prise en charge…

D'autres projets sont en cours de réalisation : la nouvelleplace des quinquagénaires dans l'entreprise.

Voici quelques chiffres concernant les accompagnementsindividuels assurés en pluridisciplinarité, 67 personnes ontété suivies ce qui correspond à 210 entretiens. Au début, desréunions mensuelles permettaient des échangesd'information. Au vu de certains besoins, celles-ci sontdevenues hebdomadaires pendant trois mois.

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Expériences d’entreprises

La charte du POLE SANTE AU TRAVAIL

Le texte ci dessous décrit les principes de fonctionnement du Pôle Santé au Travail. Ces principes sont susceptiblesd'évolution en fonction du développement de l'activité.

1. Cadre LégislatifDans le plan Santé Travail, il est souligné que la santé au travail fait partie des priorités du gouvernement. L'Arrêté dejuillet 2004 relatif aux services Santé Travail développe l'approche pluridisciplinaire pour aborder les problèmes desanté de l'homme au travail à travers un concept global. Les acteurs de cette approche sont complémentaires et leurindépendance est garantie par la loi.

2. Missions et objectifsLa mission du Pôle Santé au Travail est d'apporter une aide au salarié en participant à la recherche de solutions, afind'assurer le maintien ou le retour à un meilleur niveau de sa capacité de travail. Il a également une mission de veillepsycho-médico-sociale sur la santé au travail.

3. ActionsAu niveau individuel, cette action prendra la forme : d'une écoute, d'un soutien, d'une prise en charge, d'une veilleindividuelle… en vue d'une meilleure insertion ou réinsertion socio-professionnelle. Au niveau collectif, il s'agit d'uneaction de veille voire d'alarme, ainsi qu'une recherche de solutions concertées en cas de situations de crise.

4. MéthodologieChaque professionnel assurera individuellement son entretien avec l'agent et pourra lui demander de rencontrer un desdeux autres intervenants s'il le juge nécessaire. Pour faciliter la liaison entre l'agent et les deux autres intervenants, unefiche de liaison est mise en place : il s'agit d'un support papier, officialisant la démarche demandée au salarié. Cettefiche de liaison reprend des éléments administratifs du salarié (nom, prénom, n° pointage, fonction), le motif de ladémarche. Une réunion mensuelle est mise en place entre les trois intervenants : repérage des situations à risque,recueil de données, exploitation. Parallèlement, du temps est dégagé pour créer des outils de veille. Des solutionspourront être recherchées avec les décideurs.

5. IntervenantsPôle permanent : médecin du travail, psychologue du travail, assistante sociale chargée du personnel. Le pôlepermanent fonctionnera à 3 personnes au maximum. Il peut également fonctionner avec 2 des 3 intervenants en raisonde la spécificité du dossier. Ponctuellement : autres professionnels intra et/ou extra muros, sur demande du pôle.

6. Modalités d'interventionLe démarrage d'une action pourra être déclenché :

à la demande du salarié,à l'initiative du pôle,à la demande du CHSCT.à la demande de la direction, de la hiérarchie du salarié, à la demande des représentants du personnel.

7. Evaluation : Bilan annuel en CHSCT.

8. Cadre juridiqueLes actions seront menées en respect des règles de confidentialité :

à l'égard de l'agent,entre chacun des trois professionnels,selon le code international d'éthique pour les professionnels de santé au travail.

Les informations nécessaires à la compréhension du dossier et à l'action à mener seront utilisées après accord dusalarié.

9. Bibliographie : partage et mise à jour périodique.

Le Pôle Santé Travail : un mode original de coopération pluri-professionnelle

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Expériences d’entreprises

Le médecin du travail

Le médecin du travail de l'IPC est en service autonome, cequi a participé à l'émergence du PST.

En effet, l'unité de temps et de lieu, favorise une meilleureconnaissance des différentes interfaces de l'institution etcontribue à ce caractère particulier de son implication.

En conséquence cela crée à la fois une continuité et unedifficulté dans la gestion des relations.

Le PST dans ce contexte permet d'éclairer, de renforcer etd'unifier l'action du médecin du travail autonome.

Psychologue pour le personnel à l'InstitutPaoli-Calmettes

La mission du psychologue du personnel est d'être à l'écoute,de proposer une aide, de donner des conseils et d'apporterun soutien psychologique au personnel pour des problèmesprofessionnels ou personnels.

Ce poste (un jour par semaine) vise à permettre l'écoute et lesoutien à des agents dont le métier est justement de prendresoin de personnes ayant des pathologies lourdes. C'est unespace pour prendre du recul, chercher des solutions ou desmoyens pour évoluer et être "auteur" de sa situation. Le butest d'améliorer le "bien-être" au travail.

Ce travail se fait en collaboration avec le médecin du travail,l'assistante sociale et également grâce à des contacts avecl'équipe de psycho-oncologie.

Le profil de la psychologue est double : managementd'entreprise et accompagnement individuel.

L'expérience en communication interpersonnelle etmanagement d'entreprise (en tant que consultante,formatrice et coach) permet d'aider à la compréhension desdifficultés relationnelles et systémiques liées à la spécificitéde la nature du travail et à l'organisation du travail.

L'expérience d'entretien individuel permet de mettre enplace une relation d'écoute et de soutien psychologiquevisant à une évolution dans la problématique de la personne.

Les différentes formes d'accompagnement sont (pour lemoment) :

Soutien individuel sous forme de consultations dansun bureau de la médecine du travail (excentré et confidentiel)

Ces consultations permettent au personnel de "lâcher" la

Le rôle d'une assistante sociale dupersonnel est d'apporter une écoute, uneaide et un soutien aux salariés del'entreprise.

Domaines d'intervention

Elle intervient dans les domaines de la réglementationsociale : régime de sécurité sociale au titre de la maladie, del'assurance vieillesse, accident du travail, prestationsfamiliales… droit civil (logement, droit de la famille).

Elle donne l'information : bénéficiaires, conditionsd'ouverture des droits, démarches à effectuer… Elle aide à laconstitution des dossiers. Elle aide à la formulation desrecours. Elle a une connaissance des aides spécifiques pourles salariés de l'entreprise :

aides au reclassement professionnel,droit au 1% logement,aides financières en interne : avance sur salaire, prêts

sociaux du CE,aides pour les nouveaux embauchés dans le cadre de la

mobilité professionnelle.

Elle participe à certaines actions sociales portant sur unecatégorie de personnel, par exemple :

Les seniors reconstitution de carrière, mise en place de stage de préparation à la retraite,

préparation et élaboration des dossiers de préretraite,gestion de dossiers de retraite.Les nouveaux embauchés : aide à l'installation…

Le travail d'équipe est largement développé en interne avec :les membres du PST,le service des ressources humaines,les membres du comité d'entreprise…

En externe ce travail est fait avec :les caisses de retraite,l'organisme collecteur 1 % logement,les CPAM,les services sociaux du secteur...

Un site INTRANET social a été élaboré et est misrégulièrement à jour.

Quelques chiffres :

En 2004, 898 entretiens ont été menés pour un nombre de1 000 salariés dans l'institut, sur les 5 dernières années lamoyenne annuelle des entretiens est de 850.

TROIS FONCTIONS PARALLELES EN SYNERGIE

Le Pôle Santé Travail : un mode original de coopération pluri-professionnelle

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Le Pôle Santé Travail : un mode original de coopération pluri-professionnelle

Expériences d’entreprises

charge émotionnelle pouravoir à nouveau accès à sesmoyens ou ressourcespersonnelles. Le travail visédans cette relation de soutienest que la personne ait unemeilleure compréhension dece qu'elle vit afin qu'ellepuisse retrouver une positionoù elle peut agir.

Ces consultations ne sont pasdes thérapies, même si danscertains cas un effetthérapeutique peut êtreatteint.

Accompagnementcollectif ou d'équipes sous forme de groupes de parole,de supervision, de mini-formations dans les servicesdemandeurs.

Ces accompagnements ne sont ni des médiations ni desthérapies de groupe. Ils sont axés sur des recherches desolutions communes concernant (très fréquemment) desdifficultés de communication ou des gestions de conflits. Enaucun cas l'intervenant (psychologue) ne remplace lafonction de leadership du responsable. Si le responsable lesouhaite un accompagnement individuel (ou coaching) luiest proposé pour qu'il prenne pleinement sa place.

Observation et écoute de situations relationnelles difficilesponctuelles et propositions d'amélioration.

Les entretiens se font se font en toute confidentialité et entoute indépendance.

Quelques chiffres :

En 2 ans environ 8 % du personnel est venu à uneconsultation individuelle (10 % si l'on compte égalementl'appui collectif). Le nombre de consultations ou dedemandes d'intervention continue de croître

En 2003 pour les consultations individuelles : 44 agents sontvenus pour un total de 116 consultations.

En 2004 pour les consultations individuelles 38 agents sontvenus pour un total de 156 consultations (après environ10 séances, souvent les difficultés dépassent le champprofessionnel et un suivi à l'extérieur peut est envisagé pouraller plus en profondeur sur des aspects plus personnels).

Pour les interventions d'équipes : 39 sessions de groupes de

parole ou travail d'équipe, complétées par 16 sessionsindividuelles liées au travail d'équipe. Le tout concernant autotal 42 personnes.

Motifs de consultations individuelles :Difficultés de communication (équipe, hiérarchies, autres

services ) : 39 %Difficulté avec la nature du travail (déclencheur

professionnel ou privé ) : 23 %Fatigue physique et mentale, dépression (déclencheur

professionnel ou privé ) : 23 %Autres (accidents, maladie professionnelle, retraite, conflits

familiaux, naissance…) : 15 %.

Docteur BBOUFFERCHA RRafika Médecin du Travail

Institut Paoli Calmettes232 bd Ste MargueriteBP 15613273 MARSEILLE CEDEX 9

04 91 22 34 [email protected]

Kristin LLOWAAGIEPsychologue pour le Personnel

04 91 22 34 [email protected]

Anne-Lise LLAINEAssistante Sociale du Personnel

Institut Paoli Calmettes04 91 22 33 [email protected]

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Expériences d’entreprises

Il arrive que l'on soit sollicités pour des problèmesindividuels. C'est souvent lié à des difficultés relationnellesavec la hiérarchie ou même l'équipe. Quand il y a des risquesque des personnes "craquent" ou soient mises à l'écart onpeut actionner le PST, et notamment dans un premier tempsle médecin du travail. Ensuite le médecin oriente la personnesur le lieu approprié. Si ces difficultés individuelles trouventleur origine dans la sphère privée c'est alors le rôle del'assistante sociale de faire le lien entre difficultés dans ethors travail.

Tout ce qui est collectif au niveau difficulté de chargementale est adressé au PST et notamment à la psychologue.On a pu constater l'intérêt de séances collectives de mise àplat des problèmes. Quand un tiers entre dans la situation, leconflit, cela amène des gens à faire des pas en avant. Mais ily a des réticences, on préfère souvent " laver le linge sale enfamille ". Cette démarche doit encore progresser.

On peut penser que des groupes de parole seraientnécessaires dans tous les services, mais cela paraît démesuréà atteindre.

Une évolution négative

A la fin des années 90 pour diminuer les coûts de la massesalariale l'établissement a changé de convention collective.Notre ancienne convention était plus avantageuse que cellede l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille.Les agents y ont perdu.

Ensuite sont apparues les 35 heures. Elles ont modifié lacharge de travail. Toute la planification a été renouvelée.Le travail est devenu plus intense, plus difficile.

Beaucoup d'anciens sont alors partis. Une fracture estapparue. Il y a eu un trou. A l'heure actuelle il reste quelquesanciens. Ils passent leur temps à tutorer et à suivre des jeunesqui s'en vont après quelques mois. Car devant la pénibilité dutravail, les gens préfèrent travailler dans d'autres typesd'établissements pour la même rémunération. Ca transpire le"ras le bol". C'est très dur de recruter. On n'a rien pourattirer les jeunes professionnels, pas de reconnaissance de laspécificité, pas de "prime" substantielle. C'est un foyer dedifficultés énormes. C'est aussi ce type de situations qui créela charge mentale.

La charge mentale comme priorité

Tous les ans avec la direction se construisent les axesprioritaires. Souvent apparaissaient les Accidents avecExposition au Sang, la manutention… Mais la chargementale n'était jamais mise en avant comme quelque chosede prioritaire. Cela m'a paru aberrant. Dans ce typed'établissements hospitaliers où l'on a des patients lourds lacharge mentale induite chaque jour est importante.

Le personnel est confronté à des patients qui sont dans delongues souffrances. Cela a bien sûr des retombéespsychologiques, d'autant plus qu'il y a un accroissement de lacharge de travail. La charge mentale est intégrée auDocument Unique, cela nous paraît la moindre des choses.Dans un Centre de Lutte Contre le Cancer la charge mentaleest accentuée par le type de pathologie… Ce n'estpsychologiquement pas neutre. J'ai des collègues qui dèsqu'ils sont un peu malades ont peur d'avoir le cancer. C'estanecdotique mais révélateur d'une inquiétude latente.

J'ai demandé au Secrétaire Général, représentant del'employeur au CHSCT, que l'on intègre la charge mentaledans les priorités. Dans cette perspective il est clair que l'onva de plus en plus s'appuyer sur le Pôle Santé Travail.La charge mentale c'est un gros morceau, entre autres parceque l'on ne sait pas bien où cela commence et où cela fini.La direction est donc réticente. Le PST de par son existenceamène un éclairage sur cette thématique. C'est un levier pourla prise en compte de la charge mentale. On peut dire quemaintenant les choses remontent bien.

Faire le lien entre différents acteurs

IIl est absolument essentiel de faire le lien entre le CE, lesDP, le CHSCT et le PST. C'est essentiel pour l'identificationdes difficultés. Dans le même ordre d'idée le CHSCTfonctionne en partenariat avec l'intersyndicale, ça nous paraîttrès important d'avoir des points de vue et des approchesdifférents.

Cela nous oblige à être aussi plus réactifs. Les réunionstrimestrielles où l'on pose des questions auxquelles il serarépondu trois mois plus tard ce n'est pas très satisfaisant.On essaie d'avoir des réponses dans la réunion même, celagrâce à un travail préparatoire avec le représentant del'employeur. Une semaine sur deux on fait une visite dans unservice, il nous arrive de faire des visites de nuit également.On choisit les endroits en fonction des sollicitations directesdu personnel, des cadres, du PST… Ou alors parce que l'ona "senti" quelque chose…

Le CHSCT dans un Centre de Lutte Contre le Cancer

Philippe MMajerusSecrétaire du CHSCT

Paoli-Calmettes

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Approche institutionnelle

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Plan Régional Santé-Travail

Pilote et partenaires : SST AMETRA 06, SST GEST 05

Problématique de l'intervention :

Différentes enquêtes ont été menées pour décrire et repérer les expositions à risque et définir les actions prioritaires deprévention . D'autres enquêtes ont montré un nombre croissant de problèmes de stress, de pression morale, de harcèlement.Cette action a pour objectifs de comprendre et visualiser les dimensions qui expliquent les atteintes de type stress, lespathologies par appareil et ce en lien avec la profession.

Cette action répondre au point 4.1 et 4.2 du PST 2005-2009, elle permet de proposer une action expérimentale en ce domaineà la DRTEFP et de fournir aux décideurs des indicateurs fiables, pertinents, du besoin des entreprises en santé au travail.

Description de l'intervention :Test grandeur nature mettant en œuvre un questionnaire pendant une journée de consultation dans le courant septembre-

octobre 2005 avec retour de faisabilité sur un radar à 6 axes (acceptation par le salarié, faisabilité perçue par la secrétaire etle médecin, intérêt perçu par le salarié, la secrétaire et le médecin).

Présentation des résultats sous la même forme du radar (formation, ergonomie, organisation, relation, reconnaissance,sérénité).

Synthèse de l'opinion et du diagnostic du médecin.

Suivi mensuel par le groupe de pilotage du retour des fichiers anonymés transmis par les médecins.

Elaboration d'un “carnet de bord” du suivi permis par cette mesure.

Test et enquête pouvant être étendus à la région.

Calendrier : Test GHQ - 4ème Trimestre 2005

Contacts : Coordonnateurs : Drs Ph. PRESSEQ, D. GAUTRAND & G. MAGALLON

Cette fiche présente, parmi d'autres initiatives, une action menée dans le cadre du Plan Régional SantéTravail concernant l'axe "Développer des connaissances, veille et alerte sur les facteurs psycho-sociaux"

Le plan régional Santé-Travail est disponible sur le site web http://www.sante-securite-paca.org

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La santé mentale : une des prérogatives du CHSCT

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Santé mentale : le CHSCT peut aussi s’en occuper

procédé à la désignation de l'expert agréé. Par ordonnancede référé du 17 septembre 2004, le président du tribunaldéboute la Maif de sa demande et ordonne la mise en œuvrede la mission confiée au cabinet d'expertise Emergence.

L'affaire est alors portée devant la cour d'appel de Versailles,qui confirme le jugement rendu à Nanterre. Selon l'arrêt dela cour d'appel, le CHSCT de l'établissement de Malakoff ajustifié le recours à un expert agréé par l'existence d'un risquepour la santé mentale des salariés. Il a communiqué desattestations de salariés travaillant au sein de l'établissement"qui ont été les témoins directs de situations préoccupantes et récurrentesentraînant des arrêts de travail répétés, de processus de déstabilisationgénérant des troubles psychologiques des salariés, voire même desmenaces de suicides". Aucun abus du CHSCT n'ayant été établi,la cour a considéré que c'était à l'employeur de "supporter lecoût de l'expertise et les frais de procédure de contestation".

Accroissement des moyens d'action duCHSCT

Cette décision de justice -toujours susceptible d'un pourvoien cassation- accroît les moyens d'action du CHSCT. Eneffet, l'article L. 236-9 du Code du travail ne mentionne pasde façon explicite la santé mentale, alors que l'article 236-2du même code reconnaît au CHSCT "une mission de protectionde la santé physique et morale et de sécurité des salariés".

Ainsi, pour l'avocat, "cet arrêt établit très clairement un lien entreles attributions du CHSCT définies par le Code du travail et les casde recours à l'expert".

D'autres évolutions pourraient voir le jour dans lesprochaines années. Au mois de février, le gouvernement alancé un Plan de Santé au Travail (PST) pour la période 2005-2009. Un plan qui accorde une très large place au CHSCTcomme acteur majeur de prévention sur le lieu de travail.

Pour la première fois, une cour d'appel a reconnu à uncomité d'hygiène le droit de recourir à un expert agréépour évaluer les dommages causés par le travail sur lasanté mentale des salariés.

La santé au travail se résume de moins en moins aux seulsproblèmes physiques. Avec l'accélération des cadences

dans les entreprises, le stress augmente. Nombre de salariésne tiennent pas le coup et souffrent de dépression nerveuse.Compte tenu de cette évolution, les Comités d'Hygiène, deSécurité et des Conditions de Travail (CHSCT), dont laprésence est obligatoire dans les entreprises d'au moins50 salariés, devraient voir leur rôle élargi.

C'est ce que l'on peutpenser si on se réfère à unedécision rendue en référé le24 novembre 2004 par la14e chambre de la courd'appel de Versailles. "A maconnaissance, c'est la premièrefois qu'une juridiction admet le

recours à un expert agréé en raison de l'atteinte à la santé mentale desalariés dans une entreprise", souligne Alain Leriche, avocat aucabinet Gide Loyrette Nouel.

Le recours à un expert

L'affaire concerne le centre de gestion de la Maif (Mutuelleassurance des instituteurs de France), situé à Malakoff dansles Hauts-de-Seine. De nombreux salariés se plaignent detensions persistantes dans les relations de travail. Le CHSCTde cet établissement décidealors -dans une délibérationdu 14 mars 2004, réitérée le27 mai en réunionextraordinaire- de recourir àune expertise sur la base del'article L. 236-9 du Code dutravail.

Cet article permet au CHCST de faire appel à un expertagréé en cas de projet important modifiant les conditions detravail et lorsqu'un risque grave, révélé ou non par unaccident du travail ou une maladie professionnelle, estconstaté dans l'établissement. Alain Leriche précise : "Jusqu'àmaintenant, la notion de risque grave recouvrait les atteintes à l'intégritéphysique des salariés."

L'employeur conteste les faits. Il saisit le président dutribunal de grande instance de Nanterre et lui demanded'annuler la délibération au terme de laquelle le CHSCT a

Yves BBérani

© VIVA - tous droits réservés

Article extrait de VIVA de juillet2005

site : www.viva.presse.fr

Cet article permet auCHCST de faire appel àun expert agréé en casde projet importantmodifiant les conditionsde travail...

"A ma connaissance,c'est la première foisqu'une juridictionadmet le recours à unexpert agréé en raisonde l'atteinte à la santémentale de salariés dansune entreprise"

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et la direction, génératrices detension, d'importants troublespsychologiques et arrêts demaladie".

Par sa décision en référé,toujours susceptible d'unpourvoi en cassation, la

cour d'appel accroît les moyens d'actions du CHSCT.L'article L. 236-9 du Code du travail sur le recours à l'expertne parle pas en effet de façon explicite de la santé mentale.Alors que la législation sociale (article L. 236-2 du Code dutravail) accorde expressément au CHSCT une mission deprotection de la santé physique et mentale. "Très clairement, leCHSCT voit une extension de son champ d'intervention", insisteAlain Leriche. Sans oublier qu'il revient à l'employeur deverser les honoraires à l'expert agréé dont a eu recours cecomité.

D'autres évolutions pourraient avoir lieu dans les toutesprochaines années. Condamné en 2004 par une décision duConseil d'Etat dans le dossier "amiante", l'Etat se trouveobligé d'actualiser et de renforcer l'efficacité de la législationsociale.

Dans cette optique, le gouvernement Raffarin a dévoilé,en février dernier, un plan de santé au travail pour lapériode 2005-2009. Il entend en particulier s'appuyersur les principaux acteurs dans le monde desentreprises. Les CHSCT devraient avoir une belle carteà jouer.

Le comité d’hygiène d'une entreprise peut recourir àun expert agréé sur des problèmes de santé mentale.

Pour la première fois, une cour d'appel reconnaît enréféré cette possibilité.

La santé mentale au travail se résume de moins en moinsaux seuls préjudices physiques. Avec l'accélération des

cadences dans le monde de l'entreprise, le stress monte enpuissance. Nombre de salariés ne tiennent pas le choc ettombent en dépression nerveuse. En raison de cettetendance de fond, les comités d'hygiène, de sécurité et desconditions de travail (CHSCT), une instance obligatoire dansles entreprises ayant au moins 50 salariés, vont être amenés àjouer un rôle croissant. C'est du moins ce que l'on est endroit de penser au regard d'une décision en référé rendue le24 novembre 2004 par la 14ème chambre de la cour d'appelde Versailles.

"A ma connaissance, pour la première fois, une juridiction admet lerecours à un expert agréé par un CHSCT en raison de la dégradationde la santé mentale de plusieurs salariés au sein de l'entreprise",souligne Alain Leriche, avocat au cabinet Gide Loyrette etNouel.

Un risque grave.Concrètement, plusieurssalariés d'unétablissement de la Maif(Mutuelle Assurance desInstituteurs de France)située à Malakoff se sontplaints de tensionsexistant dans lesrelations de travail. LeCHSCT de cetétablissement a alorsdécidé de recourir à un

expert agréé sur la base de la seconde des deux optionsprévues à l'article L. 236-9 du Code du travail. A savoir,lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident dutravail, une maladie professionnelle ou à caractèreprofessionnel, est constaté dans l'établissement. "Jusqu'àprésent, cette notion du risque grave était avant tout liée à l'apparitiond'une maladie professionnelle et à la crainte ou à la survenance d'unaccident du travail", précise l'avocat.

Pour la cour d'appel de Versailles, le CHSCT del'établissement a justifié le recours à un expert agréé sur lasanté mentale. A l'appui de ses arguments, il a en particulierprésenté à la juridiction des attestations de salariés travaillantau sein de l'établissement qui ont reconnu avoir été "témoinsdirects de situations conflictuelles récurrentes entre de nombreux salariés

Le CHSCT voit son rôle conforté sur la santé mentale

Frédéric HHastings

© LA TRIBUNE- tous droitsréservés

Article extrait de LA TRIBUNE du23/03/2005

"Par sa décision enréféré, toujourssusceptible d'un pourvoien cassation, la courd'appel accroît lesmoyens d'actions duCHSCT.

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Point de vued’acteurs...

Les cahiers des fps22

e texte rend compte de rencontres réalisées avec desacteurs du département des Alpes Maritimes dans le

cadre d'une expérimentation menée à l'initiative de laDDTEFP. Nous en donnons ici un compte rendusynthétique permettant de mieux saisir les enjeux relatifs auxfacteurs psychosociaux et leurs spécificités. Ces entretiens nese veulent pas représentatifs d'une réalité générale. Ils sontsimplement les témoignages de quelques acteurs de terrain.

Etre médecin du travail face aux risquesliés aux facteurs psychosociaux…

Les entretiens ont eu lieu auprès de huit 8 médecins dutravail des Alpes Maritimes, dont 3 en charge plutôtd'entreprises importantes et les 5 autres de PME et TPE.

Les salariés se plaignentd'un mal-être au travail, desouffrance, pas toujoursdirectement de harcèlement.Les médecins relatent dessituations où ils seretrouvent devant dessalariés qui s'effondrent,pleurent et ont du mal às'exprimer. Statistiquement, cesont plus souvent des femmesque des hommes, plus souventdes employées que des cadres.En moyenne, ils disentrencontrer ce type de cas aumoins une fois par semaine.

Deux des médecins travaillent avec les inspecteurs du travail(depuis la mise en place du Document Unique).

Si les médecins du travail parviennent à faire émerger uneparole de souffrance, ils rencontrent des difficultés àconstruire le lien entre contenu, organisation du travail etsanté au travail. De fait, ce lien n'est pas facile à établir sansune connaissance précise des situations de travail vécues parles salariés. Les médecins du travail disent échangerbeaucoup entre eux sur les difficultés rencontrées. Mais ilsfont part aussi du manque de référents externes, compétents,qui pourraient les orienter, les aider dans leurs diagnostics,dans les actions à mettre en œuvre…

…Entre sentiment d'impuissance etvolonté de progresser

Plusieurs médecins évoquent la crainte d'être instrumenté oude pouvoir être manipulé. Les médecins se posent alors uncertain nombre de questions : "S'agit-il d'un vrai problèmede harcèlement ?", "Y a-t-il vraiment quelque chose à voiravec le travail ?", "Ou quelle est la part du travail dans cettesituation ?" La peur de l'instrumentation provientnotamment du fait que des salariés viennent parfois avec desattentes fortes voir un objectif précis d'arrêt de travail oud'inaptitude. L'intention est parfois fondée, d'autres foismoins. D'autre part, la durée d'une visite médicale ne permetpas de pousser aussi loin l'entretien qu'il le faudrait pour undiagnostic complet sur le sujet. Pourtant, le médecin doitprendre une décision, au regard des éléments dont il dispose :une décision qui peut être lourde de conséquences.

Indépendamment de la problématique de l'instrumentation,les médecins sont régulièrement confrontés à des salariés engrande détresse, ne pouvant plus "tenir" au travail. En premierlieu les médecins se sentent en difficulté pour "mesurer" lessymptômes liés à la santé des salariés sur ces questions.Certains d'entre eux ont dit ne pas savoir commentdistinguer les symptômes liés aux problèmes individuels etceux liés au travail (dans le cas des facteurs psychosociaux).Pourtant, en second lieu,ils disent aussi que quandils posent directement laquestion du lien entrestress et travail au salarié,la parole est plus facile.

Ces moments de relativeimpuissance sont plusforts quand lesr e s p o n s a b l e sd'entreprises ne veulentpas entendre qu'unproblème existe, et celamême si le médecinapporte des élémentsconcrets et tangibles, soitd'ordre médical, soitstatistique (répétitivitédes symptômes, résultatsd'études, d'enquêtes).Tous les médecins rencontrés affirment que pour les autresrisques "classiques" (charge physique, conformité machine,électrique…), les directions acceptent d'engager desdémarches d'évaluation et de prévention. Par contre, dèslors que l'organisation et le contenu du travail sont

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Syndicalistes et médecins du travail des Alpes Maritimes faceaux risques liés aux facteurs psychosociaux

Tous les médecinsrencontrés affirment quepour les autres risques"classiques" (chargephysique, conformitémachine, électrique…),les directions acceptentd'engager desdémarches d'évaluationet de prévention. Parcontre, dès lors quel'organisation et lecontenu du travail sontconcernés, il estpratiquement impossibled'améliorer la situationdes salariés au regarddes risques liés auxfacteurs psychosociaux.

Les salariés seplaignent d'un mal-être au travail, desouffrance, past o u j o u r sdirectement deharcèlement. Lesmédecins relatentdes situations où ilsse retrouvent devantdes salariés quis'effondrent, pleurentet ont du mal às'exprimer.

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Point de vue d’acteurs

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concernés, il est pratiquement impossible d'améliorer lasituation des salariés au regard des risques liés auxfacteurs psychosociaux.

Des organisations syndicales de salariésqui s'interrogent sur l'efficacité de leurmode d'intervention…

Les entretiens ont eu lieu avec des représentants desorganisations syndicales suivantes : CGT, CFE-CGC, CGT-FO et CFDT. Dans presque tous les cas, plusieurs militantsont participé aux échanges. Toutes les organisationssyndicales recherchent une amélioration des réponses àdonner aux salariés face à ce type de difficultés.L'organisation syndicale, tant au niveau régional, fédéral ounational représente la source la plus importante dedocumentation et d'information pour les délégués sur leterrain.

Profil-type des salariés reçus

Les salariés que rencontrent les organisations syndicales sontmajoritairement en détresse. Parmi ceux-ci, nombreux sontceux au bord de la dépression ; certains s'effondrent quandils parlent de leur vie au travail. Globalement, ce sont dessalariés dont le contrat est suspendu (en maladie) voire déjàrompu. Ils sont seuls face à leur situation et n'ont pas, laplupart du temps, fait appel aux représentants du personnelquand ces derniers sont présents dans l'établissement.Ils disent qu'ils n'ont pas eu de soutien social à l'intérieur del'entreprise. Les organisations syndicales rencontrent desdifficultés à faire prendre conscience au salarié que leproblème n'est pas forcément individuel mais qu'il revêt unedimension collective, liée à l'organisation du travailnotamment. Ce sont surtout des salariés de petites etmoyennes entreprises, qui viennent alors que la crise est déjàtrès avancée. La plupart du temps, ils ne veulent pasretourner sur le lieu de travail. Dans l'ensemble, ils ne fontappel ni au médecin du travail, ni à l'inspection du travail.

…confrontées à la gestion de lacomplexité

Les militants se sentent dans leur majorité démunis,notamment face à des salariés se sentant coupables, ou "lemaillon faible" ; il n'est pas rare d'entendre les salariésconfier : "que c'est de leur faute s'ils en sont là". Face à cettesituation, les militants sont en difficulté pour faire émerger

Syndicalistes et médecins du travail des Alpes Maritimes face aux risques liés aux facteurs psychosociaux

une parole qui en même temps soulagera et dégagera despistes de travail et permettra de trouver des solutions.Ils reconnaissent manquer de connaissances malgré lesformations auxquelles ils ont participé. Il arrive parfoisd'entendre de la bouche même de certains militants, questress et souffrance au travail sont d'abord liés à desproblèmes personnels ou individuels... Il est donc patent quele débat en cours doit faire évoluer les représentations.

Unne aautre ddifficulté vvient ddu ffait qque lla ccharge mmentale, lle sstress, lleharcèlement, nne ssont ppas aabordés ddans lla mmise een pplace dde ppolitiques ddeprévention. Les directions refusent d'en parler. Les CHSCT nesont pas toujours prêts pour aborder ces différentesquestions. A ce jour, la charge mentale n'est pas prise encompte dans les documents uniques des entreprises, ourarement dans certains secteurs plus sensibilisés (santé,sanitaire et social), ou dans certaines grandes entreprises.

Les organisations syndicales disent toutes que le mmal-être aautravail, lla ssouffrance aau ttravail, lle sstress qqui ssont ddes rréalitésimportantes aaujourd'hui, qqui vviennent ddu ttravail aactuel eet dde sses mmodesd'organisation. Les militants rencontrent des ddifficultés àà ttraiter ddescauses justement parce qu'elles sont liées auxfonctionnements même des entreprises.

Une des premières causes est liée au management.L'encadrement n'a plus la même place. Il doit atteindre desobjectifs importants, n'a plus les mêmes marges demanœuvre. Ses propres difficultés rejaillissent sur les salariésqu'ils managent. Les militants parlent aussi de perte dde llaculture dd'entreprise. Auparavant, le sentiment d'appartenir à ungroupe donnait la force de tenir dans des circonstancesparticulières. De plus, il existait une fierté à appartenir à telleou telle entreprise, corollaire de la pérennité du travail au seind'un même établissement et durant de longues années.

Les statuts des salariés, qui pouvaient leur garantir uneperception positive de leur travail, sont eux aussi bouleversés.Les militants parlent notamment de l'individualisation ddu ttravail.Cette individualisation se caractérise par des contrats detravail différents d'un salarié à l'autre, des rémunérationsdifférentes pour un même travail, des définitions de postesdifférentes pour un travail identique, voire la crainte de toutce qui présente une dimension collective quelle qu'elle soit, àcommencer par le syndicat ou les mandats représentatifs."Tout cela fait perdre au salarié le sentiment d'appartenance à ungroupe", affirme un militant.

Mais le plus difficile à supporter, semble-t-il, c'estl'augmentation dde lla ccharge dde ttravail, due principalement à des

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pressions temporelles accrues, des rythmes de travail plusintenses ou irréguliers dans un contexte managérial où l'onassiste à une baisse des marges de manœuvre pour lessalariés ainsi qu'à des transformations profondes des modesde contrôles et/ou de surveillance du travail.

La formation : une solution au problème ?

Toutes les organisations syndicales sont en attente d'uneformation départementale. Ils ont besoin d'un apport deconnaissances. Il apparaît important de communiquer surces thèmes et de faire évoluer les représentations de chacun.L'organisation de rencontres publiques est une idée àpoursuivre. Les organisations syndicales ont émis le souhaitde se rapprocher des médecins du travail et des inspecteurset contrôleurs du travail pour aborder ces questions dans lesformations (formation qui existent déjà au sein de cesorganisations). D'une manière plus globale, ils souhaitentque lorsqu'une organisation syndicale ou un CHSCT se lancedans une dynamique autour de ces questions dans uneentreprise, l'inspecteur du travail et le médecin du travail lesaident dans leurs démarches ou du moins sont associés.

Ils ont besoin d'une aide au diagnostic (outil fiable) sur lesliens entre facteurs psychosociaux et travail, pour les aider àmieux identifier les causes de mal être et ainsi mieux dirigerleurs actions.

Des pistes à poursuivre

Les éléments dégagés lors de ces rencontres permettent defaire quelques remarques :

Les FPS sont un objet spécifique : ils viennent interpellerl'ensemble des postures classiques des acteurs et débordentla compétence de chacun. Aussi bien les médecins que lesmilitants syndicaux témoignent du fait que les interpellationsqui leurs sont faites les amènent à développer ou àrechercher de nouveaux types de réponses. Les positionsclassiques sont globalement inopérantes pour agir sur cetteréalité.

Le passage par la compréhension du travail sembleobligatoire pour avoir une chance d'élucider les tenants et lesaboutissants de l'atteinte à la santé mentale ou psychique.Dans tous les cas, il est nécessaire d'appréhender la réalité dutravail aussi bien pour faire évoluer la situation en cause quepour permettre au salarié d'avoir une approche distanciée desa propre souffrance.

Encore plus que d'autres thématiques, les facteurspsychosociaux requièrent des coopérations entre acteursdifférents. On peut penser que les avancées

Point de vue d’acteurs

Syndicalistes et médecins du travail des Alpes Maritimes face aux risques liés aux facteurs psychosociaux

méthodologiques concernant les modes d'action et deprévention seront aussi des avancées dans les modes decollaboration entre des préventeurs qui aujourd'hui ne saventpas toujours comment articuler leurs interventions.

Au-delà de la création d'outils techniques spécifiques, uneréelle politique de prévention des atteintes à la santé liées auxfacteurs psychosociaux exige une évolution forte dans lamanière d'aborder les relations complexes entre santé,organisation et contenu du travail.

Anne-Marie Gautier Consultante Cabinet DDC - Aix en Provence 04 42 27 13 96

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Enquête épidémiologiquesur la violence psychologiqueau travail

En matière de santé mentale au travail, une desévolutions les plus importantes est probablement la

montée d'une conflictualité qui tend à opposer, au cœurmême de l'activité d'un nombre croissant de salariés, lescritères du marché aux normes sociales et aux valeursinvesties dans le travail. La montée de la souffrancepsychique est liée au fait que cette conflictualité ne trouveque partiellement à s'exprimer dans les formestraditionnelles de luttes collectives.

La vogue du harcèlement moral doit être située dans cecontexte. L'accusation de harcèlement moral permet, eneffet, d'exprimer à la fois le sentiment d'une illégitimité despressions auxquelles on se trouve soumis etl'individualisation des dilemmes et des conflits du travail.

Cependant, le diagnostic de harcèlement moral ne fait pasque nommer la situation : il la transforme. Il a sur les salariésun effet de mutation très généralement exprimé sur le modede la révélation : "Pendant des mois voire des années, j'ai souffertsans comprendre ce qui m'arrivait. Maintenant je sais - j'ai luHirigoyen - je suis victime d'un harcèlement moral." Il y a avant etaprès ; le rapport au monde s'en trouve changé. La personnes'est transformée en victime. Avec une série deconséquences qui, à l'expérience, s'avèrent préoccupantes.

A partir du moment où elleentre dans la problématique duharcèlement moral, la victimevoit, en effet, son universs'assombrir. Le message qui luiest adressé est terrifiant : vousêtes confronté à une volontéde destruction qui trouve sonorigine dans une personnalitéperverse. Vous êtes engagédans un combat à mort. Ainsicaractérisée, la situation est sans issue. Le diagnostic deharcèlement moral fonctionne sur le mode du tout ou rien.Il n'y a pas de degrés. L'accusation est massive, radicale, et dece fait en grande partie impensable. Marie France Hirigoyenle souligne, dans le harcèlement moral, "ce qui rend fou, c'estla perte de sens". Mais la réponse victimologique pose elle-même problème car la logique interprétative qu'elle propose-celle du pervers narcissique- est hors du sens commun. Elleéchappe à la compréhension et résiste au travaild'élaboration grâce auquel la victime défend sa santémentale. La difficulté à penser une telle situation semanifeste à travers la place qu'occupe dans le discours desvictimes la répétition d'éléments de la littérature qui nerendent que très partiellement compte de ce qui s'estréellement passé.

Au cours de l'année 2004, 143 médecins du travailvolontaires de la région PACA ont contribué à la

réalisation d'une enquête sur la violence psychologique autravail. Cette enquête a pour objectifs d'évaluer la prévalencede salariés confrontés à ce type de violence, d'identifier lesfacteurs favorisant la violence et d'examiner lesconséquences sur la santé, en particulier sur la santé mentale.Les médecins volontaires à temps complet devaient solliciter150 salariés tirés au sort parmi leurs salariés. Ces salariésétaient sollicités pour remplir un auto-questionnaireanonyme à retourner à l'aide d'une enveloppe pré-affranchiedirectement à l'INSERM.

Un total de 19 655 salariés ont été sollicités, soit unemoyenne de 137 salariés par médecin.

7 770 questionnaires ontété retournés par lessalariés sollicités, soit untaux de réponse de 40 %.Ce taux de réponse peutêtre considéré commesatisfaisant pour uneenquête postale sur unsujet potentiellementsensible et pour uneenquête où aucunerelance des salariés n'a étéeffectuée. L'exploitation

statistique des questionnaires va être réalisée au cours de l'année2005 et les premiers résultats seront probablementdisponibles à l'automne prochain.

Isabelle NiedhammerChargée de Recherche

INSERM U687Hôpital National de Saint Maurice14 rue du Val d'Osne94410 Saint Maurice

i s a b e l l e . n i e d h a m m e r @ s t -maurice.inserm.fr

Le traumatisme duharcèlement moral

Le diagnostic deharcèlement moralfonctionne sur le modedu tout ou rien. Il n'y apas de degrés.L'accusation estmassive, radicale, et dece fait en grande partieimpensable.

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La situation n'est pas plus intelligible par les proches.De nombreuses victimes expriment le sentiment d'êtretraitées comme des pestiférés au sein de leur entreprise.Enfin l'évocation de harcèlement moral suscite du côtéde la hiérarchie un certain nombre de mesuresdéfensives qui aggravent la situation. Au final, nousconstatons que, très généralement, les salariés perdent leuremploi, n'obtiennent pas réparation devant la justice etprésentent des séquelles traumatiques graves qui témoignentde la difficulté à intégrer cet épisode dans leur histoire.

Ces effets néfastes sont bien évidemment les conséquencesde ce que l'individu a eu à subir dans l'entreprise. Mais pasmal d'éléments conduisent aussi à s'interroger sur les effetsd'un diagnostic qui transforme le patient en victime. En effet,démontrer que quelqu'un est une victime implique unedouble mise en forme : d'une part, son malheur trouve sonorigine dans un phénomène hors du commun, ce qui justifieune réparation particulière ; d'autre part la victime n'y eststrictement pour rien, la responsabilité de l'agresseur estdonc indiscutable.

Ces principes introduisent une double rupture ; ils tendent àséparer la victime de sa communauté et de sa propre histoire.Or, ils sont systématiquement contredits par l'approcheclinique du travail. En effet, l'analyse montre que l'onretrouve quasiment toujours un conflit de travail à l'originede la dégradation de la relation. Les relations de travail nesont pas des relations de face à face. La relation est toujoursmédiatisée par le rapport à des objets matériels etsymboliques perçus comme ouvrant sur des possibilités dedéveloppement diversement appréciées par chacun.A l'origine des conflits, nous retrouvons systématiquementdes différends quant à la façon de traiter tel ou tel de cesobjets. Il est facile de montrer que ces différends ne sont pasde purs effets des personnalités en présence mais qu'ilsdonnent expression et forme à des contradictions et conflitsde logique tout à fait réels qui traversent l'entreprise.Très généralement, lorsque se manifeste un tel différend, lenoyau de perversion repérable concerne l'incapacité àreconnaître autrui et sa souffrance, beaucoup plus que lavolonté délibérée de lui nuire. Dans un second tempsseulement, l'absence d'issue se traduit par une dégradationdes relations dans lesquelles la haine peut prendre une placecroissante et légitimer alors le diagnostic de harcèlementmoral.

Mais, il y a toujours avantage à pousser l'élaboration duconflit sous-jacent. En effet, contrairement à ce que postulele modèle victimologique, la dégradation ne s'est pas produiteindépendamment de l'histoire personnelle de la victime. Lescliniciens le soulignent d'ailleurs : le harcelé est généralement

quelqu'un qui aime son travail. Il y a toujours, sous-jacent, unconflit dans lequel la victime a tenté de préserver ou depromouvoir quelque chose qui lui tenait à coeur et danslequel s'exprimait sa sensibilité et son histoire. Le travaild'analyse avec la victime permet aussi de repérer à quelleproblématique professionnelle opposée elle s'est heurtée.

Derrière l'affrontement des personnalités, apparaît un conflitde valeurs dont l'élucidation rend la situation intelligible. Il estainsi possible de réinscrire l'épisode dramatique dans lemonde de l'action humaine. Aussi douloureux que ce soit, ce

qui est arrivé a du sens etrenvoie à d'autres histoires ausein de l'entreprise. Or lacapacité à saisir ainsi sa viecomme une unité racontableet compréhensible par autruiest un élément décisif del'identité et la santé.

L'élucidation du conflit de normes et de valeurs est doncbénéfique pour la victime, même dans le cas où elle doitquitter l'entreprise. Mais le gain de compréhension est aussiun élément de reconstruction des liens sociaux dans lamesure où le sentiment de valeurs partagées constitue leciment des solidarités.

Enfin, la dépsychologisation du problème augmente lescapacités de cadrage des comportements par les institutionsen charge de la prévention des situations de violence dansl'entreprise. L'élucidation du conflit permet un travail del ia ison, au plan socia l comme au plan psychique.Car paradoxalement le conflit fait lien. Au contraire,qual i f ier la situation de harcèlement moral engage dansune logique de rupture de ces liens coûteuse pour la victime.Bien souvent, le diagnostic de harcèlement moral contribueainsi à la dégradation de la capacité à penser la situation, à endébattre avec autrui et à agir pour lui donner une issuecréatrice. Il faut donc poser la question du caractèretraumatique d'une explication qui réduit la maltraitance autravail à l'action d'un pervers narcissique. Ce qui devraitconduire à ne s'y engager qu'avec de grandes précautions.

Le traumatisme du harcèlement moral

Philippe DDaveziesEnseignant-chercheur

en Médecine et Santé au Travail.

Université Lyon [email protected]

lyon1.frSite personnel :philippe.davezies.free.fr

La capacité à saisirainsi sa vie comme uneunité racontable etcompréhensible parautrui est un élémentdécisif de l'identité et lasanté.

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Malgré les nouvelles technologies et les 35 heures, ily a toujours un énorme malaise chez les salariés à

l'égard du travail. Comment l'expliquez-vous ? Le temps libre dégagé par la réduction du temps de travails'est accompagné d'une intensification généralisée de lacharge de travail. Faute d'embauche, les salariés sontcontraints d'effectuer les mêmes tâches dans un temps globaldiminué. Ce phénomène se greffe sur des organisations dutravail fondées sur des impératifs difficilement conciliables.On demande aux salariés de tenir des objectifs quantitatifs etqualitatifs. Toutes les catégories sociales sont soumises àcette double exigence sans que l'entreprise leur offre desoutils pour résoudre le problème. Les salariés doivent lestrouver eux-mêmes, leur employabilité et leur compétence semesurent précisément à l'aune de leur capacité à trouver uneissue en puisant dans leurs ressources physiques etpsychiques.Cette homogénéisation du corps social ne peut-elle pasfavoriser une réplique collective ?On pourrait le penser, mais, parallèlement à cette pressionsystématisée, les salariés sont soumis à des procédures degestion qui vont dans le sens d'une forte individualisation.Les gens sont seuls face à leurs difficultés, il n'y a plus deculture du collectif qui faisait écran entre les difficultés dutravail et les salariés. Du haut en bas de l'échelle sociale, toussont confrontés aux mêmes problèmes, mais chacun sedébat seul.Comment sortir de cette impasse ?Sans doute en recréant une dynamique collective derevendication, en favorisant une recomposition du tissusocial de l'entreprise qui puisse imposer des changements.C'est important, parce que cette atomisation est un désastrepour les salariés, mais aussi pour l'entreprise et pour lasociété. Le travail est un lieu de socialisation, si la qualité decette socialisation se détériore, cela a des effets dévastateurssur l'insertion citoyenne et cela pose un grave problème,notamment pour les jeunes. C'est une question essentiellepour l'avenir de la démocratie.

Les salariés sont seuls face àleurs difficultés

Danièle LLinhartSociologue au CNRS

Directrice du laboratoire “travailet mobilité” à l’Université Parix X

Nanterre

© VIVA - tous droits réservésInterview extrait de VIVA dejuillet 2005site : www.viva.presse.fr

Agence européenne pour la Sécurité et la Santéau travailSite web : http://fr.osha.eu.int

ANACT, Prévenir le stress d'origine professionnelle Agence nationale pour l’Amélioration desConditions de TravailSite web : http://www.anact.fr

Encyclopédie du BIT - partie V : “facteurspsychosociaux et organisation”Bureau international du travailSite web : http://www.ilocis.org/fr/contilo.html

BTS, Newsletter n° 19-20 - septembre 2002 : “Lestress au travail”Bureau Technique Syndical européen pour la santéet la sécuritéSite web : http://tutb.etuc.org

Institut National de Recherche et de SécuritéSite web : http://www.inrs.fr

Santé et sécurité au travail en PACASite web : http://www.sante-securite-paca.org

Ressources documentairesSites Internet

Si vous souhaitez valoriser une expériencemenée dans une entreprise, concernant laprévention des facteurs psychosociaux, ou sivous avez un projet de contribution, n'hésitezpas à contacter la revue :

Les cahiers des fpsCATEISLe Vénitien - 27 bd Charles Moretti13014 MarseilleTél. : 04 91 62 74 09Fax : 04 91 62 72 45e-mail : [email protected]

CATEISConseil et formation en santé au travail

Agréé expert CHSCT - Habilité IPRP

Prochain numéro :février 2006

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"Stress au travail : Comprendre et agir"

Tel était le titre de la conférence organisée par la CRAM lors du dernier salon Préventica à Rennes. Qu'onse le dise, il n'y a pas de bon stress ! Le stress est toujours néfaste pour l'organisme et n'est en aucunemanière un élément de dépassement de soi. Selon les enquêtes menées entres 2000 et 2004 par lesdifférents organismes de santé au travail (CRAM, INRS, Commission Européenne…), le stress est enprogression dans les entreprises et les salariés perçoivent de plus en plus une aggravation de leursconditions de travail. Le stress est un phénomène subjectif qui survient lorsqu'il y une distorsion entre laperception par une personne des contraintes que lui imposent son environnement et la perception desressources dont elle dispose pour y faire face.

Quels sont les enjeux socio-économiques du stress aujourd'hui ?

En Europe, 28% des salariés se plaignent de problèmes de santé liés au stress au travail. Le stress arrivedonc en seconde place des risques, après les douleurs dorsales. A l'heure actuelle, un travailleur sur deuxse plaint de devoir travailler dans l'urgence et de devoir faire face à des situations non planifiées, untravailleur sur trois se plaint de devoir gérer des consignes contradictoires et un travailleur sur troissouligne de fréquentes tensions dans le travail.

Une étude menée en 2004 par l'INRS à montrer que 1,5% des 23 000 000 actifs de France, soit 300 000personnes, est touché par une pathologies liée au stress professionnel. Le coût social du stress en Franceest donc estimé à 1 000 000 de journées de travail perdues et financièrement, il se situe dans unefourchette de 830 000 000 € à 1 650 000 000 €, soit 10 à 20% des dépenses de la branche Accidents duTravail. Pour l'Europe entière, le coût financier du stress professionnel est estimé à 0,27% du PIB.

Toutes ses données montrent que le problème mérite d'être pris en compte, ce qui n'est pas encorevraiment le cas dans les entreprises françaises.

Deux raisons à cela, une définition encore floue de ce qu'est les stress professionnel et des difficultés àévaluer de façon des objectives les situations stressantes (des groupes de travail s'attachent aujourd'huià l'échelle nationale, à l'établissement d'outils d'évaluation qui soient assez simples). Enfin le fait que pourbeaucoup de responsables d'entreprises le stress est encore perçu comme une composante individuelleque collective et que "son comportement favorise ce stress", mais ne remette pas en cause les conditionsde travail et d'organisation.

(source : Conférence CRAM "Comprendre et Agir" sur Prévent'Ouest 2005)

Préventica Méditerranée

et le stress professionnel

Organisé pour la 3è fois en Méditerranée par l'agenceCommunica sous l'égide des CRAM Sud-Est et Languedoc-Roussillon, Préventica abordera toutes les problématiques desanté au travail et celui du stress en particulier. A titred'exemple, deux conférences étaient entièrement consacréesà ce sujet sur le dernier salon de Rennes. La premièreorganisée par les Caisses Régionales d'Assurance Maladie etla seconde un atelier entièrement consacré à la prévention,organisée par Préventis.

Marseille accueillera les 1er et 2 mars 2006la 10ème édition du congrès/salonPréventica au Parc Chanot.

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CONSEIL EN ANALYSE DU TRAVAILETUDES ET INNOVATION SOCIAL

facteurs

psycho

sociaux

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