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TinaM.LesAngesTome3Roman

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Celivreestunefiction.Touteréférenceàdesévénementshistoriques,descomportementsdepersonnesoudeslieuxréelsseraitutiliséedefaçonfictive.Lesautresnoms,personnages,lieuxetévénementssontissusdel’imaginationdel’auteur,ettouteressemblanceavec

despersonnagesvivantsouayantexistéseraittotalementfortuite.ÉDITION:LeCodefrançaisdelapropriétéintellectuelleinterditlescopiesoureproductionsdestinéesàuneutilisationcollective.Toutereprésentationoureproductionintégraleoupartiellefaiteparquelqueprocédéquecesoit,sansleconsentementdel’auteuroudeses

ayantsdroitouayantcause,estillicite(alinéa1erdel’articleL.122-4)etconstitueunecontrefaçonsanctionnéeparlesarticlesL.425etsuivantduCodepénal

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiondecelivreoudequelquescitationsquecesoit,sousn’importequelleforme.Lespeinesprivativesdeliberté,enmatièredecontrefaçondansledroitpénalfrançais,ontétérécemmentalourdies:depuis2004,la

contrefaçonestpuniede«troisansd’emprisonnementetde300000€d’amende».

CouverturephotoCopyright:CokaPremièreédition:aout2016ISBN:9782375760789

Copyright©2016Correctrice:Amélie

Illustratrice:ConstanceAttachéedepresse:Phanie

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Tabledesmatières1234567891011121314

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TinaM.,auteured’origineréunionnaise,vitdansl’ouestdelaFranceavecsafamille.Après une adolescence à noircir des carnets entiers, des classeurs et des cahiers de toutes les

histoiresimaginairesquifourmillaientdanssonesprit,engrandissant,elledécidedeselancer.Etc’estledébutd’uneaventurefantastique.Un chapitre après l’autre, elle entame l’histoire d’une passion dévorante et d’un amour

inconditionnelentredeuxâmessœurs.Passionnéedelecture,cinéphileetmélomane,elleestaussihétéroclitequesespersonnages.Ayantfait toutessesétudesdanslamode, loindumondedel’éditionetdela littérature,rienne

prédisposait cette jeune femme à être l’écrivaine porteuse des maux et des rêves de toute unegénérationd’adultesendevenir.

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ÀPerrine,Nolwenn,Aurore,Julie,Elise,Iris,Fufu,Mélodie,parcequesanslesavoir,chacuned’entrevousm’inspireàvotremanière.

Àtoutesmeslectricesencoreettoujours.Mercipourvotreamouretvotresoutienindéfectible.

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Aussiprofondquel’océanMia

«Elleparlecommel’eaudesfontainesCommelesmatinssurlamontagneEllealesyeuxpresqueaussiclairsQuelesmursblancsdufonddel’EspagneLebleunuitdesesrêvesm’attireMêmesielleconnaîtlesmotsquidéchirentJ’aipromisdenejamaismentirÀlafillequim’accompagne»

CabrelJelesens.Quis’inviteenmoi.Siprofondément.RespireMia.Respire.Jefermebrusquementlespaupièresalorsqueleslarmesmenacent.Cen’estpasDeacon…,cen’estpasDeacon…cen’estpasDeacon…—Ouvrelesyeux,Mia.Regarde-moi.Monsouffleestsaccadé.J’ail’impressiond’étouffer.—Mia,regarde-moi.Ilsefaitautoritaire.J’ouvrelesyeuxetIsaacm’observe,nebougepasalorsqu’ilestdéjàenmoi.Il remontemes bras au-dessus dema tête et referme ses doigts dans lesmiens. Ce geste plus

intimepourmoiquecequenoussommesentraindefairemefaitpleurerpourdebon.Leslarmess’échappentdechaquecôtédemesprunellesclairespourallerseperdredansmescheveux.

—Tumesens,Mia?Jesuisdéjàentoi.Toncorpsm’aaccepté.C’estàtoidelefairemaintenant,sweetheart.C’estdanstatête.Accepte-moi,Mia.Jeneteferaipasmal.Situveuxarrêter,onarrête.

Jenedisrien,nebougepas,nepeuxrienfaired’autrequ’essayerdenepaspleurer.—Regarde-moi.Zacvrillesesyeuxauxmiens.—Tumesenspetiteguerrière?Mavoixestrauquequandjeparle.—Jetesens,soldat.Ilvaetvientdoucementetunesensationincroyabledechaleursediffuseenmoi.Quelquechose

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quejen’aijamaisressentiavant.Çanefaitpasmal.C’estbienlapremièrefoisquejen’aipasmal.Çachauffe.Çabrûleetçameconsumedel’intérieur,maiscen’estpasdouloureux.Lesveinesdesonfrontetdesoncouontsaillisoussapeauetilesttenduau-dessusdemoi,mais

ilnemelâchepasdesyeux.—C’estça,bébé.Regarde-moi.Nemelâchepasduregard.Resteavecmoi.C’estbien…Sa bouche est si proche de la mienne que nos souffles se mélangent. Et cette odeur de

chèvrefeuille, de corps en sueur, ses cheveux quime frôlent, son nez qui caresse lemien, tout çadécuplemessensations.

Moncorpsestlégèrementdéportéenarrièrequandils’enfonceplusprofondémentenmoi,maiscommeuneautomate,monbassinrepartàlarencontredusien.

OhmonDieu…Jesuisvraimententraind’allerverslui.Encoreplus.Àchaquefois.Àchaquecoup.—Regarde-moi,Mia.Là…Mes prunelles, qui avaient quitté les siennes, vertes et pailletées d’or, pour parcourir sa peau

luisante de sueur, y reviennent.Mes larmes ont tari. Il y a cette urgence quimonte le long demacolonnevertébraleetquej’aivraimentdumalàcontenir.Jeneveuxpascrier.

JecroisemesjambesautourdeluietZacsemordlalèvreinférieurequirougitviolemment.Jedégagemamaindelasienneetlaplaquesurmabouchepournepascrier.

Maisaussitôt,Zaclaretire.Doucement.—Nefaispasçabébé.Laisse-toialler.Situveuxgémir,gémis,situveuxcrier,cries.Maisnete

cachepas.Pasavecmoi.Jenesaispascequ’illitdansmesyeux,maiscequejevoisdanslessiensmedonnedesvertiges.

Autrementplusvertigineuxquecequej’aidéjàpuconnaître.Je soulève la têteet l’embrassedoucement.Unsimplebaiserd’abord,qu’ilme rend.Puis,plus

profondément.Ma langueva chercher la sienne alors qu’avec fièvre, il glisse sesmains sousmesfessespourmeleverunpeuplushautets’enfoncerencoreetencoreenmoi.

Jen’auraisjamaiscruaimerçaunjour.Pourtant…Unincroyablesentimentd’urgences’estemparédemoietleparadismesembleàportéedemain.

Jen’aiqu’àpousserlaporte.Plusloin.Plusprofondément.Plusvite.Ilsepassequelquechosedetropfortenmoi,jelesais,jelesens.Quelquechosequimedépasse,

medéborde,metransporte.Cen’estpasseulementlàdansmonbasventre,c’estdanstoutmonêtre,

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sousmapeau,dansmonsang,çameserredel’intérieur.Zacm’enlacemaintenantdesesbraspuissantsetmusclés.Ilpourraitsifacilementmebriser…Jem’étouffepresqueetlaisseéchapperuncriardent.Mesyeuxsevoilent.—Zac!L’orgasmemeprendaudépourvu.Moncorps se soulève tout seul et jemecolleunpeuplus à lui en tremblantviolemment.Mon

périnéesecontracte.Mesjambesseresserrentaussietmesorteilssetendent.Mesbrasl’étranglent.Mesongless’enfoncentdanssachair.

Dansungémissementgutturalquitémoigneduplaisir,Isaacsedéversealorsquejejouispourlapremièrefoisdemavied’unepénétration.

Le monde, la pièce autour de nous, nos corps, tout a pris des teintes de bleu incroyable. Uncamaïeudebleudanslequeljemeperds.

—Mia…Zacsoufflecontremabouche,sapoitrinesesoulevantaussivitequelamienne.Despetitesperles

saléess’échappentdemespaupièresàdemicloses.Mapeausecouvredelui.—Miaouvrelesyeux…C’est ce que je fais, doucement, encore éblouie par ce que je viens de vivre et desserre mon

étreinteenmerendantcomptequejel’étranglevraiment.—Tuvasbien?Ilfautquetumeledises.Ilhalètecontremabouche.J’essayederespirernormalement.—Je…jevais…Bien.—Est-cequetuasmal?Jevoislaréellelueurd’inquiétudedanssesyeuxsibeaux,simagnifiques.Ohbonsang…Jecroisquejevaispleurerpourdebon.—Non.Jen’aipasmal.Ilmereposedoucementsurlematelasetmecaresselescheveux.—Tuesparfaite.Magnifique.Tuaslesplusbeauxyeuxdumonde,tulesaisça?Unbleu…aussi

profondquel’océan.Jemecontentederapprochermonvisagedusienetdefrôlersonnezaveclemien.Peut-êtreque

demain,iloublieratoutcequ’ilm’adit,maismoi,jen’oublieraipas.Mêmequandilpasseraàautrechose,àuneautrefille,jen’oublieraipaslesparolesqu’ilaprononcéespourmoi.Onnem’ajamaisditdebelleschosespendantl’amour.

Detoutefaçon,jen’avaisjamaisfaitl’amour.MaisZacm’embrasseavectoutelatendressedumonde.Encorecouvertdesueurcommemoi.Ilseretiredoucementdemoi.Ettoutàcoup,jemesensvide,incomplète.

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Ilsedétachedemoipourôterlepréservatif,lenoueretleposersurlemorceaud’alu.Moncœuradumalàsecalmer.Maisaussitôt,lefaitd’êtreséparéedeluimefaitpeur.Jemesens

toutdesuitemalàl’aise.Pendantl’acte,concentrésurcequenousfaisons,iln’apasletempsdemeregarder,pasvraiment,ilveutjustemeprendreetilestaveugléparsesenvies.Après,c’estdifférent.Jeneveuxpasqu’ilmevoiecommeça.Nue.Avecdeshanchessiépaisses,descuissesdestarlatinoalorsquejesuisloind’enêtreuneetquelerestenesuitpas.Descicatricesunpeupartoutettoussesgrainsdebeautésdontlagénétiquem’afaitcadeau…

Jemetournedecôté,merecroqueville,et tire lacouverturesurmoi.Detoutefaçon, ilvas’enaller.Lesmecscommeluinerestentpasaprèsavoir…baisédesfillescommemoi.

Isaacremetsonboxeravantdem’interpeller.—Mia…—TupeuxpartirZac.Jevaisdormir.Mavoix est cassée.D’avoir crié.D’envie depleurer. Je neveuxpas gâcher ce que je viensde

vivreenessayantdeparleraveclui.—Est-cequej’aiététroploin?Tum’enveux?Jeluitourneledos.Ilnepeutpasmevoir,alorsj’essuieduboutdudoigtlalarmequiroulesur

majoue.Trop loin ? Jeviensdeprendreduplaisir dans l’acte sexuel.Pour la première fois demavie.

Ainsic’estpeut-êtrebeaucoup,oui,maispastrop.—Jenet’enveuxpas.Jenetereprocherien.—Pourquoituveuxquejepartedanscecas?J’inspireprofondémentavantderépondre.—Jesuissûrequetun’aspasl’habitudededormiraveclesfillesavecquitubaises.Mes mots un peu hargneux restent suspendus dans l’air durant quelques secondes. J’ai

l’impressiond’avoirbrisélemomentmagiquequenousvenonsdevivre.Quejeviensdevivre.Maisdetoutefaçon,ladernièrefoisqu’onapassélanuitensemble,j’aiessayédeletuer.Alors,il

vautmieuxqu’ilparte.Ilvautmieuxpourlui.Isaacmetlongtempsavantderépondre.Jemedemandeàquoiilpense.S’ilselèveets’enva,je

vaispleurer,jelesais.Maisc’estautomatiquepourmoidelerepousser.Jenevoispaspourquoiilresteraitetjeneveuxpasqu’ils’ysenteobligé.

—Ettoi,est-cequetuasl’habitudededormiraveclesgarsavecquitufaisl’amour?Sontonaussiesthargneux.Jemesenshonteusetoutàcoup.Iladit«fairel’amour»eninsistant

biensurlesmots.Exprès.Jelesais.Commesitoutcecireprésentaitpluspourluiquepourmoi.

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Alorsquec’estfaux.Etpuis,commentluiexpliquerquej’aiencorepeurdeluifairedumal…—Réponds-moi,Mia.—Non.Non…Jenedorsavecpersonne.HormisavecArizonaoumamère,ça,illesait.Etjen’aijamais«fait

l’amour».Alorsdormiravecungarçonaprèsl’acte…Le matelas s’affaisse sous le poids d’Isaac. Il se rapproche de moi, glisse sa main sous la

couvertureetlaposesurmahanchenue.Jesursaute.— Eh bien, moi non plus. Peut-être que c’est quelque chose qu’on pourrait expérimenter

ensemble.Toietmoi.Jen’aipasenviedepartir.S’ilteplaît…Ilafinidansunsouffle.J’aiuncreuxdanslapoitrine,quelquechosequimefaitmal.Isaacrepousseledrappourmedécouvrir,maisjecroiselesbrasautourdemoi.—Netecachepas,jet’enprie.Jeviensdetetoucher,t’embrasser,tefairel’amour,j’aitoutvude

toi.Magorgeseserre.J’aienviedemourir.Jeneveuxpasqu’ilvoietoutdemoi.Commejenebougepas,longtemps,ilfinitparretirersamain.—Trèsbien.Sic’estcequetusouhaites.Jem’envais.Unpoids sur lematelasme fait comprendrequ’il s’assied.Unepaniqueque jen’avaispasvue

venirs’emparedemoi.—Non!Neparspas…,s’ilteplaît.Jeme suis retournée vivement vers lui, les bras toujours croisés pour cacherma poitrine. Ses

yeuxrencontrentlesmiens.Lessienssontinjectésdesang.Commes’illuttaitcontrequelquechoseouqu’ilétaitfatigué.Ilalescheveuxébouriffésetunairdequelqu’unquisortdulit.J’aidumalàmedirequec’estmoiquiaifaitça.

Jenesaispassijedonnel’impressiond’êtredésespérée,maisjevoisdusoulagementsepeindresursonvisage.Ilsoupire.

Jemesensencoreplusidiote.—Jenesaispas,maisjecroisqueçame…,çameblessequandtumerepousses,Mia.Sonaveuestcommeuncoupdepoingdansl’estomac.Jenesoutienspassonregardetbaisseles

yeux.Ilnepeutpasmediredeschosescommeça.Iln’apasledroit.—Viens.Metsçasituneveuxpasêtrenuedevantmoi.Il aattrapé son t-shirt et faitminedeme lepasser.Les sourcils froncésen faced’uneattention

commecelle-là,jemelaissenéanmoinsfaireetlèvelesbras.Ilmepassesonhautpar-dessuslatête.Jetirevivementdessusetmecouvre.

Isaac s’allonge de nouveau et m’attire contre lui. Je me recroqueville sur moi-même sans letoucher,mais le laisse enrouler ses bras autour demoi. Il sent bon.Terriblement bon.Le tissu est

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imprégnédesonodeur.Fahrenheit,tabac,cuir,menthol,chèvrefeuille…Isaacposesonfrontcontrelemien.Jefermelesyeux.Et ce trou immense dansmapoitrine semble pour une fois s’être refermé. Jeme sens apaisée.

Calme.Isaacmurmure:—Dis-moiquelquechose,Mia.—Quoi?—N’importequoi.Jenesaisriendetoi.Dis-moiunechose.Uneseule.S’ilteplaît.J’aimerais dire… tellement de choses. Que je viens de passer le meilleur moment de mon

existence.Qu’avantluijenepensaispasréussiràvivreçaunjour.Quej’aimeraispouvoirluifaireconfiance.Quej’aipeurdel’avenir.Quej’aipeurtoutcourt.Quetoutemavie,jen’aijamaissuquij’étaisvraiment.Quemêmequandonseréveilleraetqu’ilredeviendraceluiqu’ilestetmoicellequejesuis,jen’oublieraijamaiscettenuit.Quejel’enfermeraipourmoitouteseuledansuncoindemoncœuretdema tête.Quemêmesinousnenousaimons jamais, je lui serai toujours reconnaissantepourm’avoiraidéeàsurmontermespeursetàvivreça…

Lesmotss’étranglentdansmagorge.Jemetslongtempsavantderépondre,doucement,lavoixpleined’émotion.—Quelquefois…,jemesensvraimentseule.Etc’estsivrai.Sivraiqueçafaitmal.Mêmemamèreetmasœurn’arriventpasàfairedisparaîtrecesentimentdesolitudequejeme

traîne.Isaachochelatête.—Merci.Tusais…,jecroisquemoiaussi.J’aibeauêtreentouré.Jemesensparfoistrèsseul.L’émotion,autantpalpabledanssavoixquedanslamienne,medonneenviedehurler.Jenerépondspas.Maiscommentçamefaitmal.Simal.Isaacfermelesyeuxetcroisesesmainsdansmondos.J’enfouismonvisagedanssoncouetun

instant,ilsemblesurpris,maisfinitparfrottersonnezsurmajouedansungesteterriblementtendre.—JefaisdescauchemarsIsaac.Jevaissûrementbeaucoupbouger.Ilsecouelatêteetmurmureàmonoreille.—Jesais.Cen’estpasgrave.Jeteprendraidansmesbrassituaspeur.Etpuis,ceneserapasla

premièrefois.J’espèrejustequetunemetueraspasauréveil.Ilritdoucement.Jesouffleàboutdelèvres:—J’aienlevélecouteau.Jerefouleletrop-pleindesentimentsquejesensaffluerenmoi.Etjefermelesyeux.Enécoutantnoscœursbattreensemble.

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IsaacLelendemainEllen’apasouvertlesyeuxquejesaisdéjàqu’elleestréveillée.J’espèrejustequ’ellenevapas

péteruncâblecematinenserendantcomptedecequ’onafaitlaveille.Collinevientdem’envoyerunmessage:*Elleabesoind’êtrerassuréeetdesavoirquetueslàpourelle.Voilàcequ’ellem’aréponduquandjeluiaidemandécommentjedevaisréagiraprèscequ’ona

fait.Je soulèveunpeu ses cheveuxbrunsetobserve sonvisagedélassé.Elle est superbequandelle

dort.Bordel.—Zac?Miaouvrelesyeuxdoucement.Sesyeux,putain…Jem’empressedelarassureretplongelesmiensdanslebleudessiens.—Oui,c’estmoi.Bonjour.Tuasbiendormi?Seslèvress’étirentenunsourirelascifetelletendlamainpourprendrelamienne.—Oui.Jen’aipasfaitdecauchemar,hein?Jen’aipastropbougé?Jerisdoucement.— Hmmm… ça va. À part que tu as frotté tes fesses contre moi à plusieurs reprises, en me

réveillant.Sesjouesrosissentlégèrement.—J’aipasfaitexprès.—Ettuaimesdormirenétoiledemeraussi.Cequiestparticulièrementagréableàregarder.Là,ellerougitcarrémentettiresurmonhautpoursecouvrir.Troptardbébé,j’aidéjàtoutvu.Jemesuisrincél’œilplusd’unefois.Enmêmetemps,sansculotteetdansmont-shirt,comment

nepasl’admirer?Elleestbelle,putain.Égoïstement,j’aieuenviedelacaresserencoretoutelanuit.Puis,maraison,ouautrechose,l’a

emporté.Jen’aipasvoulularéveilleretcassercesommeilsibienentamé.Jen’aipasvouluqu’ellecessederespirersifortdansmoncouetquesapoitrinearrêtedesesouleversousmont-shirtquiluivabienmieuxqu’àmoi.

Jeme penche pour l’embrasser juste sous l’oreille et elle frémit. J’adore lamanière dont soncorpsréagitaumien.Elleabeauavoirpeur,creverdetrouilleetêtreempliededoutes,soncorpsne

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mentpas.Ilaimeclairementlemienetlafaçondontjeletouche.—Est-cequetuasbiendormi?medemande-t-elledoucementlavoixtraînanteetcasséedumatin.—Oui,soufflé-jeàsonoreille.Commeunbébé.J’aiaimédormiravectoi.Àprésent,certainqu’ellenevapasessayerdemeplanter,j’enfouismonvisagedanssanuqueet

rentredenouveausouslacouverturepourmeglissercontresoncorpschaudetmoelleux.Elleestjustecommeilfaut.Avecdesformeslàoùilfautpourquej’ailasensationdemefondre

dansunnuagedouillet.Miarefermesesdoigtsdansmescheveuxet jeposemes lèvresdanssoncoupour l’embrasser

doucement.Ellesentvraimentlebébé,c’estfou.Ondiraitqu’elleagardéleseffluvesdesonenfance.Nous restonsunmoment commeça, commehappépar l’autre, en apesanteurdans lesbrasqui

nousenserrent.Lesoleilquifiltreparsonveluxfaitchatoyerseslonguesmèchesbrunes.J’yglissemesdoigtsetrelèvelevisagepourmemettreenfaced’elleetpouvoirl’observeràmaguise.Ellearefermélesyeuxetjedétaillechacundesestraitspourlesgarderenmémoire.Lapulpedesalèvresupérieuresipleineetentrouvertequandellerespire,lestachesderousseursursonnezetsoussespaupières aux cils si longs qu’ils viennent chatouiller ses pommettes, les petites rides qui ont éludomicileentresessourcils,lacicatricetoutefinesoussonmenton…

Jetendslamainetlacaresseduboutdesdoigts.Miaouvrelesyeux.Jesuisperdu.Jesavaisquej’étaisperdulapremièrefoisquej’yaiplongélesmiens.Maisjerefusaisdel’admettreetmaintenantjesuisdanslamerdejusqu’aucou.Parcequej’aipassélamoitiédelanuitàessayerdetrouverunmoyenpourqu’elleneregrettepascequivientdeseproduireetqu’ellerecommenceavecmoiautantdefoisquejeledésirerai.C’estégoïste.Jen’aijamaisprétenduêtrelecontraire.

—Àquoitupenses?souffleMia.—Tuesbelle.Tropbelle.Jeneveuxpassortird’icietquecetteimages’évanouisse.Ellesouritetjesenstoutmonsangseconcentrerentremesjambesrienqu’àlavuedecevisage

éclatant.Avant que ce soit fini, j’avais déjà envie de recommencer. Je savais que je voudrais la baiser

encoreetencore.Commequelqu’unquivientdedécouvrir lesplaisirsdusexe.Alorsquej’ensuisloin,trèsloin.

—Ehbien,neparspas,continue-t-elle.Savoixestunpeucasséeparlesommeil.Bonsang,elleestplusquesexycommeça.—Jedoismelever,Miguelm’aenvoyéunmessagepourmedirequ’ilarrivaitchezmoidanspas

longtemps.C’estvrai.C’estluiquim’aréveilléenplus.Àcausedecequ’ils’estpasséhiersoir,j’ensuissûr.

Ilveutsavoirsiçavaetilvadébarquerchezmoi.Faischier.Miaaesquisséunegrimacepresqueimperceptible.Ohbébé,moinonplusjen’aipasenviedepartir…

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—Je reviendrai.De toute façon, il fautque j’ailleprendreunedoucheetmechanger.Tuavaisprévuquelquechoseaujourd’hui?

—Non.—Etcesoir?Ellesecouelatêteencorepourdirenon.Ellenebossepasnonpluscesoir.Ellecroitéchangersa

soiréeavecAdelequienabesoin,maisc’estmoiquiaifaitensortequecettedernièretravailleàsaplace.Inutilequ’ellelesache,elleenferaittouteunehistoire.

—Tuveuxfairequelquechoseavecmoi?Ellesemordlalèvreethochedoucementlatête.Jesouris,content,etm’avancepourl’embrasser

tendrement.Elle gémit et je sens ma queue grandir dans mon caleçon. Je n’approfondis pas le baiser. Je

pourraisnepasm’arrêtersinon.—Ilfautquejeparte,jeluidistrèsdoucementencaressantsajoueduboutdesdoigts.—D’accord.Elle s’éloigne un peu, tire les draps sur elle, et d’un geste fluide, retire mon t-shirt. Sa peau

bronzéeetparseméedegrainsdebeautém’apparaîtdistinctement.Jesoupireetm’assiedspourmedétournerunpeud’elle.Sijem’écoute,jefaisvolerlescouverturesàtraverslapièceetmejettesurellepourrecommencer.

AudiableMiguel!—Tiens.Ellemeletendets’enrouledanslesdrapsavantderefermerlesyeuxetdeplacerl’oreilleravec

lequelj’aidormicontreelle.Ellelerespireetenfouitsonnezdedans.Mapoitrinedéborde.Dequoi?Jenesaispas.Maisquelquechosemedépasse.

J’enfilemont-shirtetmepencheunedernièrefoispourl’embrasseravantdemelever.Unefoisenbas,jeremetslesvêtementsetleschaussuresquej’airécupérésavantdesortirdans

l’airfraismatinal.Le lac brille sous le soleil. J’avais oublié ce que c’était de passer une nuit dans cettemaison.

Mêmesic’esttotalementdifférentcettefois.Jemesensbiencematin.Calme.Reposé,mêmesijen’aipasbeaucoupdormi.JerefusedepenseràKillianpourl’instant.Onn’apasfininousdeux.Maisplustard.Danslavoiture,j’allumemacigaretteetjetteunœilautableaudebord:10heures.Jelancemaplaylistdesbonsjoursetfilejusquechezmoiensifflant.Enarrivant,lavuedetroismotosgaréesdevantlamaisonmefaitfroncerlessourcils.Sérieux,ilétaitobligédelesappeler?Bordeldemerde!Pasenviedem’expliquermaintenant.LaMaseratiGranCabriodeMaloun’estvisiblenullepart.Siellen’estpaslà,çaveutdirequ’ils

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sont entrésquandmême. Jedétestequ’ilsviennent foutre lespiedsdansmachambrequand je suisabsent.

Bonsang!Jemedépêchedemegareretdefilerdansl’escalierquimèneàl’étageengrimpantlesmarches

quatreàquatre.Etquandjepousselaportedemachambre,MigueletGabrielmetombentdessusenmêmetemps.—Ohputain,levoilà,lebranleur!—MeilleurcoupdeKaloa,hein,c’estça?Ilsmebousculent,mechambrent,mesautentdessus.Jemedégaged’euxcommejepeux.Maisdequoiilsparlentbordel?M.J. est assis sur le lit, contre lemur, les bras derrière la tête et ne semble pas du tout enjoué

commeeuxlesont.Ilmefixeavecunairdément.Maisçafaitunesemainequ’ilestdanscetétat,qu’ilaretrouvésesdémonsetqu’ilnevapasbien,alors…

—T’asréussiàlasauter,t’escontentdetoi?Jeserre lespoingsencomprenant toutàcoup.Monordiestallumé.Ilya toujourscettefoutue

caméraenmarche.Etmêmesijen’ypensaisplusuneminute,elleaexactementserviàcepourquoielleaétéinstallée.Ilyauneimagesurpauseouverteengrand.Mia…etmoi.

Ilsontvisionnétoutelavidéo,toutelabande.La jalousie, la colère, envers eux, envers moi-même, la frustration, tout s’empare de moi

tellementvitequejenesauraispastoutgarder,impossible.—Onn’avait pas le son,mais c’était inutile. Finalement, ça a été plus rapide queprévu, lâche

Miguelunpeuamer.Jen’auraispascru.Gabrielcrache,unpeumauvais:—ElleestmarranteàdonnerdesleçonstoutletempsetselajouerSainteNitouchealorsqu’elle

selaisseembobinerdupremiercoup…BAM!Monpoing est parti tout seul. Il s’écrase violemment contre la joue deGabriel qui tombe à la

renverseetserattrapeàlabibliothèquequitangueunpeu.Cettebonnejournéenedevaitpasdurer.MigueletM.J.sesontredressésd’unmêmemouvementetmefixent,effarés.Gabrielsemassela

joueetmelanceunregardperdu.—Sortez.Ilsmefixenttouscommesij’étaisunextra-terrestre.Rienàfoutre.M.J.s’estlevédulit.—Qu’est-cequiteprend?—J’aidit,dehors!Etsivousparlezdelavidéoàquiquecesoit,àelle,jevousexploseraitous

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unparun.Miguelserrelespoingsetmerepoussedesmains.—T’aspétéuncâbleouquoi?!Oh!C’estnouslà!—DEHORSPUTAIN!!!Monhurlementderagelefaitreculer.Ilsm’observenttousunmomentsansriendire,avantd’attraperleurscasquesetvestespoursortir.

Gabrielm’envoieleregardleplusmauvaisqu’ilm’aitjamaislancé.Onnes’estjamaisbattutouslesdeux.Jamais.J’attendsqu’ilssoientpartispourm’effondrersurmonbureau.Ehmerde!Merde.Merde.Merde!Jesuisdansunemerdenoiremaintenant.SiMiaapprenaitça,sûrqu’elleendeviendraitfolle.Jemepasselesmainssurlevisagededésespoir.Putain,commentjevaisarrangertoutça…M.J.avaitraisondepuisledébut.Onauraitdûl’intégreraugroupe.Jenepeuxpasdirequej’ai

confianceenelle,totalement,non,loindelà.Jenelaconnaismêmepasvraiment.Maisjen’aipaslechoixd’ycroireunminimum.Sielletrouvaitlejournal,j’ignorequelleseraitsaréaction.Maisjeneveuxpasypensermaintenant.Pourl’instant,jesaisquejenepeuxpasresterloind’elle.C’esttout.

Ilnefautsurtoutpasqu’elleapprennepourlavidéo.Jepourraisdirequej’aitotalementconfianceenMigueletGabrielpour la fermer,mêmesionn’estplusdu tout sur lamême longueurd’onde,maisM.J.estbientropinstable,surtoutencemoment.

Etilsembleavoirdéveloppéunesorted’obsessionpourMia.Commentluienvouloir?Jesuispareil.Jepeuxlecomprendre.Maisjenelelaisseraipasfaire.

JerelèvelatêteetappuieimmédiatementsurlatoucheSupprimer.Jenelaferaipaschanteravecça.Hiersoir,c’étaittrop…spécial.Hébah,çapromet.—Aaaaaaahhhhhrg…Jemelaissetombersurmonlitdansunhurlementderageetdefrustration.Etjefermelesyeuxuninstant,levisagedansmonoreiller.Toutecettenuitmerevientenmémoireaussiclairementquesijevenaisdelefaire.Je sens encore sa peau veloutée sous mes doigts, les imperfections par endroits dues à ses

cicatricestoutesfines,l’odeurdecerise,dedoudou,debébé,quilacaractérise…Et surtout, cemoment où elle a joui sousmoi. Jamais rien vu d’aussi beau. Jamais rien senti

d’aussi fort. Elle avait les yeux à demi fermés, à demi ouverts, d’un bleu-gris si limpide, voilés,emplis de larmes de plaisir, qui ne voyait rien d’autre que le paradis, et cette bouche rose quis’ouvraitàlarecherchedel’airdontellemanquait.

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C’est la première fois que je sentais un vagin palpiter comme ça. Elle battait contre moi,m’enserrantetfrémissantàlafois.Cen’estpasellequipourraitsimuler.

Etpuis, ilyace trucqui s’estpasséenmoi.Si fortet siviolentque j’ai joui sanspouvoirmecontenir.Sansvoirsijeluifaisaismaloupas.Jenepouvaisplusm’arrêter.

C’estçaqu’onappellefairel’amour?Toutàcoup,lesexequej’aiconnuavantelleparaîtbienfadeàcôté.Etonnepeutpasdirequeje

n’aipasexplorélesujetdelongenlarge.«Zac…»J’entends encore son murmure de bonheur alors qu’elle s’accrochait à moi comme une

naufragée.C’estbon,jepeuxmourir.Jeviensdetrouverleparadis.Engrommelant,jemesensmerépandredansmonboxeretsurlesdraps.Merde!Jeviensdejouirtoutseul.Rienqu’enrepensantàelle!Sansmêmemetoucher.Commeunado

prépubèredevantunmagazineplay-boy.L’effetMiaGilmore.Jerestelàuninstant,allongésurmescouverturessales,àmeremémorerlaformedesesseins,

ses gémissements à peine perceptibles comme si elle avait peur de s’exprimer.C’est ça, elle avaitpeur.J’auraisvouluarrachercettecrainted’elle,qu’ellese lâche,qu’ellesoitaussi transportéequemoi.Jenesaismêmepascequ’ellepensedecequ’onvientdevivreensemble.Ellenemeparlepas.Jedois lui arracher lesmots.Etcedont j’avais lepluspeurest arrivé.Ellem’a repoussé.Commej’avais l’habitude de repousser les filles avec qui je couchais avant. Ça fait tout drôle et c’estdésagréable.

Maisj’aibiencompris.AvecMia,toutestuncombat,mêmeunenuitàdeux.Jesuisprêtpour laprochainebataille,valkyrie. Ilesthorsdequestionque tum’échappes.Plus

jamais.Plusjamais?!Oui,plusjamais.Jesuisprêtàl’assumermaintenant.Ilfautquejel’amèneàsedécouvrir.Jeveuxbrisercettecarapacequ’elleaérigéeautourd’elle

pourseprotéger,semurer.Jeluiaifait l’amour,c’estunpasversundébutdequelquechoseentrenous.Maisputain,jemesuisretenu.Commejenemesuisjamaisretenuavecpersonne.Jenel’aipasbaiséaussifortquejel’auraisdésiré.

J’aieupeur.Pourlapremièrefoisdemavie,j’aieupeurenbaisantunefille.Deluifairemal.Delafairefuir.

Deluifaireressentirdeladouleurplutôtqueduplaisir.Pourunefois, jemesuispréoccupéd’elleplusquedemoi.

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Bordel!Matêtevaexploseravectoutça.Jenesaisplustropcequejesuisentraindefaire.Maboussolea

perdu le Nord. Avantmême dem’enfouir en elle, je savais que je nem’en contenterais pas. Quej’auraisenviedeplus.Quej’auraisbesoinderecommencer,delatoucherencore,alorsquejen’avaismêmepasencorebougé.

Jesuisdanslamerdejusqu’aucou.Jevoudraisbrisersacarapace,oui,maisest-cequeçam’obligeraàbriserlamienneparlamême

occasion?Jeneveuxpasqu’ellemeperceàjour.Jen’aiaucuneconfiancedanslesfemmes.Jenepourraijamaisluidonnerplusqueça.Ellepourraitcroirequesi,àcausedetoutcequejeluiaiditjusqu’àmaintenant,maiscen’estpaslecas.Jenesaismêmepasd’oùçasortaittouscesmots.Ellemefaitdisjoncter.

Lepire,lepiredetout,c’estqu’ellememanquedéjà.Auboutd’unmoment,jeregardel’heure.Uneheure.Çafaitàpeineuneheurequejesuispartiedechezelleetellememanque.C’estpossibleça?Il

m’arrivequoi,merde!C’estunesituationinextricable.Jenesaispascommentjevaism’ensortir.Jenel’aimepas.Impossible.J’aimesoncorpsetlafaçondontilmerépond,maisjenel’aimepas

elle.Pasausensoùlesgenss’aimentd’habitude.Non,vraimentimpossible.Parcequesic’étaitlecas,ceseraitvraimentlamerde.Ungrosbordel.Jenesauraispasyfaire.Etjenesauraispasluiaccordertoutel’attentionqu’ellemérite.Etellenesauraitpasnonplus.Miaabientropdechaînesaupied.Àtroplaregarder,j’enoublielesmiennes.Elleluttedéjàcontresespropresdémonspours’attarderunpeusurlesmiens.Etjesaisqu’ellenem’aimerajamais.Personnenem’aimerajamaiscommeça.Lesfilles sont attirées parmoi,mais je n’ai jamais laissé à l’une d’elles le temps deme donner autrechosequeleurscorps.ÀpartAmbre.MaisAmbreestuneidiote.Etunparistupideaussi.

Miaest…Bonsang,jeréfléchistrop.Des bruits dans la maison me parviennent et me font relever la tête. CertainementMaggy ou

Malou.Je décide deme lever et de filer sous la douche.Histoire demedébarrasser de cette bandede

taureauxquimetientaucorps.Après laplus longuedouchede tous les temps, sansdoute, je redescends jusqu’à lacuisine.Ce

n’estpasMaggyquifaitdubruit,c’estMalou.Ellesortunevingtainedemuffinsdufour immensequenousavons.

—Bonjour.—Bonjourmongrand.Commentçava?

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—Çava.Iln’yavraimentqu’ellepourm’appeler«mongrand»commesij’avaisencoredixansetbesoin

qu’onreconnaissequejesuisdéjàunhomme.J’attrapeungâteautoutchaudetmordsdedans.—Jepeuxteposerunequestion,Malou?—Biensûr,Isaac.Tusaistrèsbienquetupeuxtoujoursmeposertouteslesquestionsquetuveux.

Dis-moi.Commentdireça…—Comment…commentonfaitpourmontreràunepersonnequiavécudesalestrucsqu’ontient

à elle, sans qu’elle prenne la fuite ? Je veux dire… c’est vraiment quelqu’un qui a vécu des trucshorriblesetquin’acceptepasquelesautrespuissentvouloirl’aider,tuvois…

Malou reste un instant à m’observer par-dessus les gourmandises fumantes, son torchon decuisineàlamain.

Jemesensmalà l’aise toutd’uncoupetcroqueunenouvelle foisdans lepetitgâteauque j’aidanslamainpouréviterdelaregarderenface.

—Ehbien…,c’estmarrantquetoi,tuposescettequestion.—Pourquoi?—Parcequec’estexactementcequej’aifaitavectoi.Chercheràapprivoiserceluiquineveutpas

êtreapprivoisé.Jedirais…qu’ilfautunebonnedosed’amouretdepatience.Jemanquedem’étoufferavecunmorceaudemuffinetlerecrachepresque.D’amour?Çanevapaslefaire.Rienquedel’entendredireça,çamestresse.Jemarmonneunvague«humm»avantdeluitournerledospourpartir.Jen’auraisjamaisdûluiposercettequestion.LavoixdeMaloum’arrête.—Unjour,j’espèrequetumelaprésenteras,Isaac.Elledoitêtretrèsspéciale.Jemeretourneverselle,maisellefaitvolte-faceetenfournesadeuxièmetournéedemuffins.Iln’yaqueMaloupourlireenmoicommeça.Pfff…Là,jesaisvraimentplusquoifaire.Paroùcommencer.Oùtoutçavamemener.Maisc’estvraiqu’elleestplusquespéciale.

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2

ToutesmespremièresfoisMia

Mia,ouvrelesyeux…Etc’estcequejefais.J’observemonrefletdanslemiroir.Mesprunellesbleues,sividesd’ordinaire,sontaujourd’hui

rempliesd’uneattentequimefaitpeur.J’ail’impressiondemeregarderenfacepourlapremièrefois,depuislongtemps.Jeredécouvre

laformedemonnez.Mesouviensdufrottementdeceluid’Isaacdessus.Etdesonodeurparlamêmeoccasion.Duparfumquiembaumesachair,mêmequandelleest luisantede transpiration,deceluiquiflottedanssescheveux,douxetplussoyeuxquelesmiens.

Jeposedélicatementmesdoigtssurmeslèvresunpeurosées.Etmesouviensdessiennessurlesmiennes.Satendresseetsaduretéàlafois.Legoûtdesalangue,sonsoufflesurmapeau,lacaressedesontouché.

Monpoulsralentit.Jesoulèvedoucementmescheveuxettournelatêtepourobservermoncoudanslemiroir.Ilyaunetracerougeetunpeuviolettesousmonoreillegauche.Ilm’amarquéelàaussi,comme

latracedesesdents,restéesurmonsein.Jecaressela tâchedoucement.C’est lapremièrefoisquej’aidesmarquesquinemelaissepashonteuse.Etquejen’aipasl’obligationdecacher.

Celles-làsontlessouvenirsd’unenuitparticulière.C’estcommeçaqu’auraitdûêtremapremièrefois.C’estavecquelqu’uncommeluiquej’auraisdûlavivre.

Jemesuissouventdemandésitoutcequinousarrivedanslavieesttoujoursécritd’avance.Est-cequej’auraisdûlerencontrer?Etsijen’avaispascroisésonregardcejour-lààl’aéroport?Etsijen’étaispasvenuehabiterdanscettemaison,maischezLuke?Etsi j’étaisrestéeavecArizonaetmaman?

Est-cequ’alors,jel’auraisquandmêmerencontré?Parunautremoyen?D’uneautrefaçon?Ounon?

Jecommenceàpéteruncâble.Àdevenirvraimentcinglée.Àmeposerdesquestions…Jemesouvienstoutàcoupdemamère,assiseenfacedemoiàlatableenmétal,lesmainsserrées

surlechapeletquegrand-mèreluiavaitlégué.Elleavaitl’airsidésespérée,amaigrie,creuséeparlestracasetlessoucisquejeluicausais.Ellenecomprenaitpasquejemesentaisbien.Quejemesentaislibre,enfin,malgrétout.Elleavaitpeur.Moiaussi.Maisjesavaisquequoiqu’ilpouvaitarriveraprès

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ça,intérieurementj’étaislibre.Elleavaitparléd’unetoutepetitevoix.« Amy, rien ne nous arrive par hasard dans la vie. Tout a une raison d’être. Tu ne dois pas

abandonner.Ilnefautpasavoirpeur.Chaqueépreuvequetutraversest’estenvoyéeparcequetupeuxlessurmonter.»

Jen’avaispasréponduàmapetitemamansiinquiètepoursafille,qu’elleseremettaitàprier,ellequin’avaitpasmislespiedsdansuneéglisedepuislamortdesonmari.

Toutauneraisond’être.Vraiment?Lesvibrationsdemontéléphonemetirentdemespenséestordues.Moncœursemetàbattretrèsfortquandjevoisquec’estIsaac.Commeuneadolescenteenattente

ducoupdefildel’amoureuxtransi.*Réveillée,bébé?Jen’auraisjamaisdûm’enalleretresterdormiravectoi.Tumemanquesdéjà.

Jevienstechercherà17heures.Nemetspasdetalons,onyvaenmoto.Pourquoi,chaquefoisqu’ilm’appellebébé,çamefaitceteffetdedingue?Jequittelasalledebainetparsm’asseoirsurmoncanapépournepasm’effondrer.Avantdepianoterunmessageenretour.*Oui,jesorsdeladouche.Tuauraisdûrester,oui.Oùest-cequ’onva?Laréponsenesefaitpasattendre.*Tuestropcurieuse.Jem’apprêteàluirétorquerquelquechosedepluspiquantquandonsonneàlaporteLuke?Jen’aipasentendulebruitd’unevoiture,nid’unemoto.JemelèvepourouvriretdécouvreavecsurpriseM.J.surlepasdemaporte.Desyeuxcernéset

une tête affreuse, même s’il reste toujours aussi sexy. N’empêche, avec tous ses tatouages et sonexpressionmauvaise,ilferaitpeuràn’importequi.

—M.J.?—Salut.Jet’aimanqué?Jefroncelessourcils.Aveclui,cettephrasepourraitêtreironique,voiresarcastique.Maissonair

sérieuxmefaitdouter.Jerépondstotalementautrechose:—Tun’aspasl’airdanstonassiette.Est-cequeçava?Ilretiresesmainsdesespochespourlespassernerveusementdanssescheveuxcourts.—Çava.Jesuisjustefatiguéparcequejesuisunpeuinsomniaque.Jepeuxentrer?Il est vraiment bizarre.Rien qu’àme demander la permission d’entrer déjà. Je suis sûre qu’en

d’autresmoments,ilm’auraitdéjàbousculéepourallers’effondrersurmoncanapé.Jelefaisentreretrefermederrièrelui.Iljetteunregardfurtifversmamezzanineavantdepartir

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s’asseoirsurlefauteuil.Est-ce qu’il sait ce que j’ai fait avec Isaac hier soir ? Rien que d’y penser j’en ai des sueurs

froides.Zacserait-ildugenreàraconterendétailsesnuitsenfiévréesàsesamis?—Qu’est-cequetuasprévuaujourd’hui?Jehausselesépaulesàsaquestion.Enfait,jemesuisréveilléecematinavecl’intentiondenerienfaired’autrequemerepasserles

détailsdecettesoiréeetdecettenuitmagiqueenmémoire.—J’allaismepréparerunpetitquelquechose.Tumangesavecmoi?HolàMia!Qu’est-cequetufais?Jeperçois la petitevoixpaniquéedansma têtequimedit que jene saisplus ceque je fais. Je

m’entendsbienavecM.J.engénéral.C’estleplusgentildetous.Maisçanefaitpasdenousdesamis.Troptard.—Ouais,j’aifaimenplus.Qu’est-cequetuvaspréparer?Ilaretrouvédesasuperbe.Jefileverslacuisine,Minuitsurmestalons.Ilgrimpesurleborddelafenêtreetattendquejelui

servesapâtée.Enfait,jesuislagardienneduchatd’Isaac.Oui,c’estça.—VousfaitesunegardepartagéeZacettoi?JerougisetmedétournepourqueM.J.levoiepas.Ils’appuieauplandetravailetm’observedonneràmangeràMinuit.—Où est-ce que tu étais passé cette semaine ?Et hier soir ? Je ne t’ai pas vu auRubis, ni au

manoir.Jefaisdansl’artdel’esquivemaintenant.Parlerlapremièrepouréviterlesquestionsfâcheuses.M.J.aouvertunplacardcommes’ilétaitchezluietscruteminutieusementàl’intérieuravantde

plongerlamaindansundemessachetsdesucettesàlacerise.—J’avaisdes trucsà faire.Ethier soir, çam’intéressaitpas. J’étais fatigué.Paraîtqu’ilyaeu

bastonentreKillianetZac?Jehausselesépaulesnonchalamment.Ilestdéjàaucourant,alorspourquoimeposerlaquestion?Jesoupireetsorsmesustensilespour

nouspréparerdesgalettesde légumesetdesbruschetta{1}saubacon,olives, tomatesetmozzarella.J’aimebienpréparerdespetitsplats.J’auraispréférécuisinerpourIsaac,maisbon…

Sérieusement?Cuisinerpourlui?Alorsquetuignorescequevousêtesvraimentl’unpourl’autre?

—Paraîtqu’ilssesontbattuspourtoi.Ehbien,décidément,M.J.n’apasl’airdevouloirlâcherlemorceau.—Non, ce n’est pas ça. Je crois juste qu’ils ont unproblème tous les deux, je réponds, sur la

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défensive.Ettulesaismieuxquemoi.Ilmeregarde,unesucettedanslabouche.—C’estvrai.Ilsnesesontjamaisvraimententendus.MaisKillianestungroscon,alors…—C’est-à-dire?Qu’est-cequ’ilvousafait?J’airemarquéquevousne l’aimiezpasvraiment.

Pourquoiilestvenusurlaplagel’autresoirdanscecas?—Parcequemêmesinousnenousentendonspasbien,ilrestelefrèred’Isaac.Etenplus,Jonet

luisontamisavecCora.Jedécidedecreuserlesujet.C’estvraiquejen’aijamaispenséàposerdesquestionsàCora.M.J.s’assiedàmêmeleplandetravailenmeregardantpréparerlesbruschettas.—PourquoiKillianetIsaacneviventpasensemble?Ilenchaînedutacautac.—Pourquoituneleurdemandespas?—Jeteledemandeàtoi.Ilmetuntempsinfiniàrépondre.—Ilsn’ontpasgrandiensemble.JenecroispasqueZacvoudraitquej’enparleàsaplace.Tu

devraisluiposerlaquestionsituveuxvraimentsavoir.Iladitçad’untonunpeuhautain.—Trèsbien,jeleferai.Etc’estvrai.Jecomptebienlefaire.—Pourquoitut’intéressesautantàlui?Jemeretiensderire.—La question serait plutôt : pourquoi vous tous vous êtes intéressés àmoi depuis le début ?

Normalqu’àmontour,jeveuillesavoirquivousêtes.M.J.faittournerlasucettedanssaboucheavantdemerépondre.—Jenecroispasquetuveuillesvraimentsavoirquinoussommes.Tuveuxjustesavoirquiest

Isaac.Nousnoustoisonsduregard.J’aisentilereprochedanssavoix.Y’aurait-illà-dedans,unsoupçon

dejalousie?—N’importequoi.Serais-tujalouxparhasard,Junior?—C’esttoiquidisn’importequoi!Jesuisplusbeauqu’Isaac,jen’aipasderaisond’êtrejaloux.Jesourisensecouantlatête.Eneffet,M.J.esttrèsbeauetbienplusgentilavecmoiqu’euxtousréunis.Maispeut-êtreunpeu

troptatouépourlecoup.Ilenavraimentpartout.Etmêmesijeletrouvemagnifique,Isaacrestebienpluscharmeuràmongoût.

QuandjeremarquelafaçonperçantedontM.J.m’observe,jenepeuxm’empêcherderougiretdedétournerleregard.

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J’enfournelesbruschettasetmetslesgalettesdelégumesàdoreràlapoêle.— Qu’est-ce que c’est ? me demande-t-il, une expression de répulsion intense plaquée sur le

visage.OK,cen’estpasletopdugoût,maisc’estbonpourlasantéetsurtoutpourmoi.Jefaistoujours

attentionàcequejemange.—Desgalettesdelégumes.Ilesquisseunegrimacededégoût.—Nonseulementçaal’aircancérigène,maisenplus,çaressembleàunetumeurmalopérée,se

moque-t-il.Jenerésistepasàluiasséneruncoupdecuillèreenbois.—C’esttrèsbon,espèced’imbécile.Situneveuxpasmangercequejecuisine,vavoirailleurs.Illèvelesmainsdevantluiensignedereddition.—Çava…detoutefaçon,ilsaurontsûrementtoutboufféàlamaison.—Quiça,ils?—Mesfrèresetsœurs.J’aiunhoquetdesurprise.—Tuasdesfrèresetsœur?!—Bahoui.Pourquoi?Çatesurprend?Jehausselesépaules.—Jenesaispas.Lesgarçonset toi…,vousêtesunebande, j’imaginaissansdoute…quevous

étieztousfilsuniquesetquevousvousétieztrouvés,commedesfrères…Tuvois.Ilsecontentedeleverlessourcils.—Tuastort.GabrielaCora,IsaacaKillian,Miguelaunesœuretdeuxfrères,maisilsnevivent

pasici,moij’aideuxpetitsfrèresetunepetitesœur.Etpuis,Ashtonila…ilaErine,enfinbref.Onatousnosfamilles,tusais.Cen’estpasparcequ’onseconsidèrecommedesfrèresqu’onn’apersonned’autre.

—Oui,c’estbête,jenesaispaspourquoijepensaisça.Commentvousvousêtestousrencontrés?M.J.descendduplandetravailetouvrelefrigo.—Évidemment,iln’yapasdebièrescheztoi…,nidesodas?Tudoisêtreladernièrepersonne

aumondequin’enapasdanssonfrigo.Tuneboisréellementqueduthé?—Lessodasc’estmauvaispourlasanté.Tupeuxboiredel’eaudurobinetsituveux.Ilsoupirededésespoiravantdes’effondrersurunechaise.—Etdonc?Larencontre?Aveclesgarçons?J’aitellementenvied’ensavoirplussureux.Sur lui.MaishorsdequestionqueM.J.s’enrende

compte,alorsjepassepard’autreschemins.Jenepeuxpasdirequejen’aipasrepenséàcetorchondepapierquiestenfouidanslepuitsdu

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jardinetquiregorgedemomentsdeleurexistence.Maisj’aimeraisvraimentdécouvrirquiilssontdemoi-même.Pasautraverslesyeuxdecettefille.

—J’avaisonzeansquandj’airencontréIsaac.Enfait,ilm’adéfenducontreKillian.Cebâtardmepiquaitmesaffairestoutletempsetm’obligeaitàluidonnermongoûter.Tuvoiscommec’estvieux.Aujourd’hui,Killiannepourraitplusmedemanderquoiquecesoitsansprendremonpoingdanslagueule.

—Etlesautres?—IsaacétaitdéjàamiavecAshton.Ilsseconnaissentdepuisunlongmomentdéjà.Onarencontré

Gab surdespistesde coursedans lenord. Il a été lepremier à avoirunemotoetona tous suivi.Miguelestarrivéledernier.Onaeudumalavecluiaudébut.Ilesttrèssecret.Onnesaitriendesafamille,saufqu’ilestportoricain.

—Miguel?Maisilsembletrèsprochedevous.—Ill’est.Çaajustemisdutemps.Isaacavaitconfianceenluiplusqu’enn’importequialorson

lui a fait confianceaussi. Jene saispas toutdeMiguel,mais je saisqu’il est làpourmoi, commeIsaac.

Jefinisdemettrelesgalettesdanslesassiettesetdedresserlatableenessayantd’assimilertoutcequeM.J.medit.

Ilregardelesplatsd’unairencoreplusdégoûtéqu’auparavant.—Goûteaumoinsavantdefairelagrimace!—Jetejurequeçanedonnepasenvietontruc.Jesorslesbruschettasdufoursansreleversaremarque.—Tucuisinestoipeut-être?Jenesuispassûrequetuarriveraisàfairemieux.— Oh, mais je n’ai pas dit le contraire. Moi, je me contente de prendre le téléphone et de

commanderlespizzas,c’estbienplussimpleetbienmeilleur.—Bienplusgrassurtout!Etquandtuaurasunefemme,tuferascomment?Jenesuispassûre

qu’elleacceptedefaireàmanger,lavaisselleettoutleresteavecquelqu’unquicritiquetoujourstout.—Jenecritiquepastoujourstout.—C’estça,ouais.M.J.soupireetfourreencorelasucettecerisedanssabouche.—Detoutefaçon,unjour,quandj’auraisunefemme,elleestmoi,ontravailleraenéquipe.—C’est-à-dire?Ilfaittournerlebonbondanssabouchedefaçonostentatoire.Etunpeudégueuaussi.—Bah,genre…elleferaàmangeretmoi,bah,jemangerai.Travaild’équipe.Jeluibalancelacuillèresurlatête.—Idiot!—Bahquoi?C’estvrai.

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Nous rions tous lesdeuxet j’ai l’impressionquesonairdemort-vivantdisparaîtpeuàpeu. Jel’aimebienM.J.,maisfautavouerqu’ilestétrange.

Toutlelongdurepas,jeneluidemandeplusriencarilnem’enlaissepasl’occasion.Etpuis,jen’aipasenviederépondreàsesinterrogationssurIsaacetmoi.J’ignorecequ’ilsait,maisilesthorsde question que je discute avec lui de ce que j’appelle encore «ma vie privée ». Si entre eux ilspartagenttout,moijen’aipasl’habitudedepartagerquoiquecesoitaveclesautres.Surtoutpasça.

Nous passons une partie de l’après-midi sous la véranda à regarder mes dessins. M.J. estimpressionnéparcequejefaisetmefaitpromettredeluifaireleportraitunjour.

JelenégociecontreunnouveaurepasdanscemerveilleuxrestaurantitalienàGrandBay.Quandilrepartenfindejournée,aumomentoùjerentresousladouche,jereçoisunmessage

d’Isaac.*Qu’est-cequetufais?Jevaisplustarder.Jetaperapidementavantd’entrersousl’eauchaude.*M.J.vientdepartir.Jeprendsmadoucheetjesuisprête.Montéléphonevibreencoresurl’étagèreenbois.D’undoigtmouillé,j’ouvrelemessage.*M.J.?!Qu’est-cequ’ilfaisaitcheztoi?Qu’est-cequ’ilt’adit?Bonsang,ilm’agace!Jefréquentequijeveux,merde!Jedécidedenepasluirépondreetmeprélassesousl’eauchaude.Pasquejesoisstresséequ’ildésirepasserdutempsavecmoicesoir,maisjemedemandeencore

commentréagiraveclui.Cequenoussommesl’unpourl’autre.Unmillierdequestionsmetaraude.Iln’estpasrestécematin.Oui,maisiladormilà.Iln’ajamaispromisquoiquecesoit.Oui,maisilamontréuneincroyablepatienceàmonégard.Etpuis,moinonplusjen’aijamaisrienpromis.Unbruitassourdissantmefaitbondirsurmespieds.MoncœurrateunbattementJesursauteetcoupel’eaupourécouter.ÇanepeutêtrequeMinuitquiafaittomberquelquechose.—Mia!Mia!Moncœurrateunbattement.Lavoixd’Isaacmeparvientautraversdelaporte.Ilhurlecommeunmalade.Bonsang!Jem’enrouledansuneservietteetouvre,encoretoutetrempée.Isaacestcommeunfou,ilsortdelacuisineoùiltourneenrondpourseretrouvernezànezavec

moi.Ilacetteodeurdefrais,depropre.Ils’estchangé.Jemesensbrusquementintimidée.Maisjemereprendsetarrivetoutdemêmeàémettreuncriaigu.—Espècedemalade!T’escingléouquoi?!Pourquoituhurlescommeça?!Isaacmeregardeenclignantdesyeuxuninstantavantdem’attraperlevisageentresesgrandes

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mainstatouées.—Qu’est-cequeM.J.t’adit?Jeretiresesmainsuneàuneenessayantd’empêchermaserviettedeglisser.—Maisdequoituparles?Etd’abord,jet’interdisd’entrerchezmoicommeça!—Qu’est-cequ’ilfaisaitlà?—J’ailedroitderecevoirquijeveux.Isaacsepencheetposesonfrontcontrelemien.Jerespireleseffluvesdesonparfum.BonDieu,

s’ilsentaussibonàchaquefois,jenesaispascommentjevaisfaire.—Il…ilt’aparléd’untruc?—Queltruc?Ilsoupireavantdesecouerlatête.—Non,rien.Je…Tunepourraispaschoisirquelqu’und’autrequeM.J.commeami?Je reculealorsqu’ilchercheencoreàme tenir.Unepeur insidieuseetmauvaiseesten trainde

s’infiltrerpartousmespores.Objectifnuméro1:apprendreàgérersespeurs,objectifnuméro2:apprendreàsedéfendre.Non,maisilseprendpourqui?Jeneseraipluslapropriétédepersonne.Jamais!— Tu te prends pour qui ? dis-je alors à voix haute. Parce qu’on a… qu’on a passé la nuit

ensemble, tu crois avoir des droits sur moi ? Je suis amie avec qui je veux. Et ça ne te regardeabsolumentpas!C’estclairça?!

Isaacnerépondpas,maissamâchoireseserredurement.Ilaintérêtàbienlecomprendrecettefois.Sinon,ilestsûrqu’onn’aplusrienàsedire.

Je lui tourne ledosetclaque laportede lasalledebain.Avantdem’yadosser.Parcequemoncœurbatsourdement.

BonDieu…Affrontercesyeuxverts,cen’estpasaussifacilequejetentedeluifairecroire.—Mia…OK,j’aicompris.Excuse-moi.C’estjusteque…M.J.,jeleconnais,tuvois…Ilmeparleautraversduboisfinquimeséparedelui.—Jesuisjaloux.Tulesais, jetel’aidit.Et…,jeneconnaissaispascesentimentavant.Jedois

apprendreàlegérer,c’esttout.Savoixgênéeetunpeuhachéemefaitdirequ’ilcherchesesmots.Etquandilestbeaucoupmoins

arrogantetbeaucoupmoinssûrdeluicommeça,j’ensuistoutebouleversée.—Mia?Jedoismettrelamainsurmapoitrinepourmecalmeretfermeuninstantlesyeux.Ilm’exaspère

tellement.Maisjesoupireavantderépondre.—Ilfautquejefinissedemepréparer.Lesilence.

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Avantqu’ilneparledenouveau.—D’accord.Jet’attends.Jepatientequelquessecondesavantd’avoirledrôledesentimentqu’iln’apasbougédederrière

laporte.—Tun’espasobligéd’attendrederrièrelaporte,Zac!Jel’entendsgrognerquelquechoseavantquelebruitdesespasquis’éloignentretentisse.Non,maisquelleplaie…Jemeformulecettepenséeetaussitôt,elleestremplacéeparuneautrequimefaitdirequ’ilest

adorableenfait.Tropjaloux.Etlajalousienemènejamaisàquelquechosedebon.Maisilvientdem’avouerqu’iln’avaitjamaisressentiçaetqu’ildevaitfaireavec,alors…

Jenecroispasqu’IsaacsoitunsociopathecommeDeacon,maisj’aiencorebesoindetempspourcomprendrequiilestetsijepeuxréellementavoirconfianceenlui.

Mes pensées s’emmêlent dansma tête tout le long où jeme prépare. J’hésite un longmomententretroisouquatrepullsdifférents,entremesbottes,mesDrMartens,mestennis,entreunequeuedecheval,unetresse,lescheveuxlâchés…

Jen’arrive pas àmedécider pour quoi que ce soit. Je défais, refais,me change encore enmeregardantmillefoisdanslemiroir.Jemebrosselesdents,inspectelesmoindresrecoinsdisgracieux,lesoreilles,lenez,changeunefoisdeplusdepullparcequecelui-cilaissetropvoirmapoitrineetmesgrainsdebeauté…

Jenemerendscomptedetoutletempsquejemetsqu’unefoisqu’Isaacvientfrapperàlaporte.—T’estombéedanslabaignoire?medemande-t-il.—J’aipasdebaignoire!jeluicrie.—T’asbientôtterminé?Çafaituneheurequet’eslà-dedans.J’aieuletempsdefumerlamoitié

demonpaquetdeclopesetderegarderunépisodedesExpertsàlatélé.—J’aipresquefini.—Onvasebalader,onnevapasàl’opéra.Tupourraistemagnerlecul?Jeretiensunhurlementderageetsoupireenserrantdespoings.Parfois, j’aivraimentenviede

l’étrangler.—J’aidit:j’aipresquefini!jehurle.Jel’entendsgrommeleruntrucens’éloignant.Bah oui quoi, comment je fais,moi, pour être à sa hauteur ? Il estmarrant lui.On doit sortir

ensemblecesoiret iln’apasl’airdeserendrecomptequejen’aipasl’habitudedeça.Quejemevoismalmepromeneràcôtédeluisousleregarddesautres.Ilesttrop…,troplui!

Unbrusquevertigemeprend,jedoism’accrocheraulavabo.IsaacMiles.JevaissortiravecIsaacMiles.Moi!Monespritvientjustedelecomprendre.

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Inspire.Expire.Prānāyāmā.Jemeconcentreprofondémentsurmarespirationettentederecouvrermoncalmeintérieur.Leyogafaitpartiedesespetiteschosesqui,cesdernièresannées,m’ontempêchéedemeflinguer

quandjepensaisatteindrelefond.—Mia,çasuffitlesconneries.Ouvreoujetejurequej’ouvremoi-même.Isaaccognedupoingsurlaportecettefois.Jerespireàfond,retirevivementl’élastiquedemescheveuxetlessecoueenpassantmesmains

dedans.Çairacommeça.Çavaaller…Ilnevapasmemanger.Qu’est-cequ’ilpourraitm’arriver,hein?J’ouvrepourfairefaceàsonregardvertforêt.Ilalesirisfoncésquandilestsurlesnerfs.Nousnoustoisonscommeçaunmoment.Jedéglutisquandilécarquilledoucementlesyeuxen

mescrutantdelatêteauxpieds.J’aifinalementmismonjeansbrutetunsimplepull,enmaillestrèsfines,avecmesbootsnoires.Riend’extraordinaire.

Jejetteuncoupd’œilverslemiroirpourmeregarderetvoircequilefaitfairecettetête-là.Mescheveux sont volumineux, très volumineux !Unpeu en désordre aussi.Çamedonne un petit côtésauvage.Trèssauvagemême.

Jerougisenmeretournantverslui.Benvoilà!S’ilmedonnaitdutempspourmeprépareraussi…—Quoi?jedemandeenfin.C’estfouça,ilmefaittoutuncirquepourquejesortedecettesalledebainetmaintenant,ilme

fixeavecdesyeuxdehibouenrestantmuet.Isaacsemordbrusquementlalèvredubas.—C’estquoiça?Iltiresurlamancheduperfectoencuirquejeportepourlapremièrefois,par-dessusmonpull.Jemesensrougirencoreplus.Idiote!Pourquoiavoirmiscelui-là?Ilvacroirequejefaistoutpourluiplaire.Oui,maiscen’estpascequ’ilsepasse,pasvrai?Labouleauventre,moitiéterreur,moitiéexcitation,quejemetraînedepuiscetaprès-midi,n’a

rienàvoiraveclefaitquejevaissortiravecluicesoir,n’est-cepas?Jemedégageet lepousseunpeupourquitter la salledebain, afinqu’ilne remarquepasmes

oreillestoutesrouges.—Rien.Jen’aipasmisçapourtoi.Jel’entendsémettreunpetitrirederrièremoi.—OK,Pinocchio,onpeutyallermaintenant?J’attrapemonsacquej’enfileenbandoulièreavantdemeretournerversluipourlefustiger.

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—Commentça,Pinoc…Jesuispriseaudépourvuquandilécrasesabouchesurlamienneetplaquesamainderrièrema

nuquepourm’attirerverslui.Jedoism’accrocheràsavestepournepastomber.Ai-jedéjàconnupareillesensation?Non.Jamais.Avec lui, tout est nouveau, parce que je ne redécouvre pas le plaisir. Je le découvre, tout

simplement.Isaacenroule sa langueautourde lamienne.Elleest chaude,humide. J’en redemandeetgémis

contrelui.Hiersoir…,hiersoir,bonsang…Quandilsedétachedemoi,ildéposedoucementunpetitbaisersurleboutdemonnez.—Tuaslenezquis’allongequandtumens,amour.Il esquisse un sourire, puis me tire par la main pour m’entraîner avec lui. Mais je dois

m’empêcherdetrébucherpourréussiràlesuivre.Jecligneplusieursfoisdesyeuxpouressayerd’imprimerdansmoncerveaulafaçondontilvient

dem’appeler.

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3

Danslesbrasd’unangeMia

«Non,jenemetairaipas!Jeveuxsavoircommentjem’yprendrai,moiaussi,pourêtreheureuse.Toutdesuite,puisquec’esttoutdesuitequ’ilfautchoisir.Vousditesquec’estsibeaulavie.Jeveuxsavoircommentjem’yprendraipourvivre.»

AntigoneUn jour, à l’époque je ne savais pas encore quand, jeme rappellerai de cemoment et de cette

odeur.Cemomentoù,colléeaudosd’Isaac,jeregardaislespaysagesdéfilerdevantmesyeuxprotégés

paruncasque.CeluideSloanapparemment.Cemomentoùjepouvaismegriserdel’odeurdesoncuirquandilnemevoyaitpas.

Est-cequejeperdslatête?Jen’aijamaiseuenviederespirerquelqu’un.Après lanuitd’hier, j’ai l’impressiond’êtrepresquequelqu’und’autre.Peut-êtreque jedevrais

appelerledocteurTran…Ellem’avaitconseillédenejamaisarrêterdeconsulter,c’étaitmêmedansmondossier,maisjen’aijamaisfaitcequ’elleadit.

Pourtantjeparleraisbienàquelqu’un,là,toutdesuite.Detouscessentimentsquisemblentaffluerenmoi,decettecraintedel’inconnuquej’ai,decetteétrangeimpressiondebienêtrequandjesuisaveclui,luiquin’arienfaitpourmefaireressentirçadepuisquejel’airencontré.Isaacm’afaitpeurdès le début, ilm’a tout de suite annoncé la couleur. Pourtant, je ne cesse deme confronter à lui.D’êtreattiréeverslui.Commeaimantée.

Aujourd’hui,maplusgrandecrainteestdemerendrecomptequejenesuisqueledindondelafarce.Prisedansune immensemascaradedont ilm’aurait réservé lepremier rôle.Après tout, il al’habitudedecoucheravecdesfilles,bienplusjoliesetbienplusséduisantesquemoi.Çamefaitmaldel’avouer,maisrienqu’Ambreal’aird’unmannequintoutdroitsortitd’unmagazineàcôtédemoi.Longues jambes, taille étroite, poitrine rebondie, lèvres pulpeuses, chevelure de rêve. MissMaryIsland,jevousdis!

Moi,avecmesyeuxd’aveugle,jefaispeurauxgens.Jeleuraitoujoursfaitpeur.ÀCarmel,onmetraitaitsouventdesorcière.Pireaprèscequej’aifait.Mamèreenétaitdésespérée.Moi,j’avaisjusteenviedemourir.

—Mia?Je me rends compte que nous sommes arrêtés et qu’Isaac s’est tourné vers moi. Il retire son

casqueavantdesecouersescheveuxdansungesteterriblementsexy.

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Jemeredressevivementenrougissantcommes’ilpouvaitliretoutesmespenséestordues.—Çava?Ondescendici.J’ôtemaprotectionàmontouretregardeautourdemoi.Noussommesgarésauborddelaroute,enhauteur,aumilieudehautesherbessèches.Etàmoins

decentmètres,lamervientlécherlesableblondenpetitesvaguelettes.Ildoitbienêtre18heures.Lecielsecolored’orange;lesoleilvasecoucher.

Autourdenous,iln’yapasâmesquivivent.Justelaroutequilongelacôteàpertedevue.Jen’aiaucuneidéedel’endroitoùnoussommes.Nousavonsbiendûroulerquarante-cinqminutes.

Jedescendsde laTriumphenm’appuyantsursesépaules.Puisbrusquement, jemesouviensdequelquechose.Jeregardesonpotd’échappementquiestnoirmaintenant,puismajambe.

—Jenemesuispasbrûlée,jeconstateenfronçantlessourcils.Isaacsouritetmeretournepourretirerlesacnoirqu’ilm’amissurledosetquicontientjene

saisquoi.—Oui,j’aipassél’après-midiaugarageavecLuke.J’aifaitrecouvrirlepotdecarbone.Tune

risquesplusrien.J’ouvrelabouche,ahurie,avantdelarefermersansrientrouveràrépondre.Ilafaitdeschangementssursamoto?Justepourmoi?!—Detoutefaçon,jedevaislefairedepuislongtemps,reprendIsaaccommes’illisaitdansmes

pensées.Enrevanche,jen’auraispeut-êtrepasdûlefaireaujourd’hui.Jeme retournevers lui alorsqu’il enfile le sac suruneépaule etmeprends le casquepour se

dirigerverslaplageencontrebas.—Pourquoi?—Luke.Iln’apasarrêtédemechercher.Monpoulss’accélère.Jedoisfairedegrandspaspourlesuivrealorsqu’ildescenddanslesable

quisecreuseunpeuplus.—Commentça?—Ilavumavoitureallerverscheztoihiersoiretremontercematin.Mesjouessecolorent.Ehmerde.Lukesaitqu’iladormichezmoi.Est-cequ’iladéjàappelémamèrepourmebalancer?Pasque

jen’aipasledroitdefairecequejeveux,maisdansuncascommeça,j’imaginequemamanestdéjàenpleinecrised’hystérieparcequejeneluienaipasparlé.

J’ailaissémontéléphonedanslasalledebainàlamaison.—Qu’est-ceque…qu’est-cequ’ilt’adit?jebalbutie.—Quej’aipasintérêtàdéconneravectoiparcequ’ilseferaunplaisirdemepéterlagueule,les

dentsuneparune,lesgenouxaussis’illefaut,etqu’ilferaensortequejenemarcheplusjamais.

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Isaacparlenonchalammentcommesitoutçaluiétaitcomplètementégalalorsquej’écarquilledegrandsyeux.

Luke,bordel!Ilfaudraqu’ondiscutesérieusementluietmoi.—Eteuh…tuasréponduquoi?—Qu’ilsaittrèsbienqu’iln’estpasenmesuredememenacerdequoiquecesoit.Maisquejeme

conduiraibienavec toi, toutdemême.C’estcompréhensiblequ’il réagissecommeça, jene luienveuxpas,maisilmeconnaît.J’enairienàbattredecequ’ilpense.

Jenerépondspas.Enfait,jeréfléchis.PourquoiLuken’estpasenmesuredemenacerIsaac?—Hé…Isaacs’estbrusquementarrêtéetseretourneversmoi.Jeluirentrededansviolemment.Ilritetmetiensparlescoudespourm’empêcherdetomber.—Tulesais,n’est-cepas?Tusaisqu’hiersoircen’étaitpas…justecommeça.Jesuisconscient

decequeçareprésentaitpourtoidetedonneràmoicommeça.Etc’étaitimportantpourmoiaussi.J’enailarespirationcoupée.Nousrestonscommeçaànousobserver,sesyeuxvertsdansmesyeuxbleus.Jesaisquejesuisrougetomateetquej’aiunregarddemerlanfrit.Pathétique.—Mia?—C’étaitimportantpourtoi?Mavoixestàpeinesortie.Isaacsouritensemordantl’intérieurdelajoue.—Siçan’enavaitpasl’air,alorsjen’aipasgéré.—Ohsi!jem’affoleensecouantdesmains,c’estjusteque…jecroyais…enfin,tuasl’habitude

d’autres…—Filles?Oui,c’estvrai,mecoupe-t-il.Maisaucunecommetoi.Çachange.Il se moque, je le sens. Et son expression espiègle me fait dire que je ne me trompe pas. Il

continue.—Sicen’étaitpasimportant,jenecroispasquejeseraislàcesoiraprèsavoirpassélajournéeà

penseràtoi.Bon,viens,sinononvalesrater…Ilmetirebrusquementparlamainetm’entraîneavecluilelongdelaplage.Lesrater?Raterquoi?Quelquessecondesplustard,noussommesplusloinsurlajetéeetils’installesurunepetitebutte

desableoùdesherbesfollesontéludomicile.Jem’effondreàcôtédelui,complètementintriguée.—Onestvenuadmirerlecoucherdusoleil?Eneffet,àl’horizon,lesoleilsecouchesurunPacifiqueéclatant.Lecielvireàl’orange.Est-cequ’Isaacestcapabled’ungesteaussiromantiquequeceluid’emmenerunefilleobserverle

coucherdusoleilauborddelamer?

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—Non,jem’étaisditqueceseraitcooldebaisersurlaplage.Monrêvefleurbleuevientdecreverdansl’œuf.Jemeretourneverslui,choquée,lesyeuxgrands

écarquillés,etm’étranglepresque.Isaacouvresonsacetfouillededans.Jenetrouvemêmepaslesmotspourrépondreàcetteespècede…goujat!—Jedéconne!continue-t-ilpince-sans-rire.Onestvenufairedesphotosetjevoulaistemontrer

labeautédecetteîle.Tuvascomprendre.Je soupire et enfouisma tête dansmesmains en étouffant un cri d’exaspération.Le problème,

c’estqu’aveclui,jenesaisjamaisoùestlalimitedelaplaisanterieetdusérieux.Quandj’entendsunclic,j’écartelesdoigtspourlevoir,unappareilcolléàl’œildroit,entrainde

prendredesclichésdemoi.—Qu’est-cequetufais?jegrommelleenretirantmesmains.Plusieursclicss’ensuiventencorejusqu’àcequejetendelamainpourluiboucherl’objectif.—Stop!—Pourquoi?Çategênequejetephotographie?Depuislapremièrefoisquejet’aivue,j’aieu

enviedeteprendre.Jenepeuxm’empêcherderougir.—Enphoto,jeveuxdire,sereprend-ilensemordantlalèvreetensouriantàmoitié.Exaspérant.—ArrêteIsaac,nefaispasça.Jen’aimepascegenredechose.Ilnepeutpassavoir.Quej’aitellementétéhumiliéequejenesupportepasdemevoirenphoto.

Quejeneposeraiplusjamaispourpersonne.Jamais.Isaacabaissesonappareiletm’observeenfronçantlessourcils.—Pourquoi?Tuesvraimentjolie.J’aivraimentenviedetephotographier.Pourquoiçategêne?

Jenelesmontreraiàpersonnesic’estcequetucrains,jetepromets.C’estjustepourmoi.Jesecouelatêteavecvirulence.—Non.Jeneveuxpas.C’esttout.N’insistepas.Jeme retourne vers l’horizon et observe le soleil qui se couche. Le spectacle estmagnifique.

C’estçaqu’ildevraitphotographier.Pasmoi.Lesdoigtsd’Isaacserefermentbrusquementsurmonmenton.Ilmeforceàluifaireface.Jetremble.Mesyeuxseplongentdanslevertdessiens.Ilaunairtrèssérieux.—Est-cequec’estàcauseducliché?Celuidetonenfancequ’onaressorti?Commejenerépondsrienetserreleslèvres,ilreprend.—Tusaisquejeregrettecetteconnerie.Jetejurequejenememoquepasdetoilà.—Cen’estpasça.Jeneveuxpasêtrephotographiéeoufilmée,c’esttout.

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Ilcaressemabouchedupouceetcegestemelaissepantelante.Monpoulsralentit.—Parcequ’ontel’adéjàfait,c’estça?—S’ilteplaît,Zac…,jeneveuxpasendiscuter,jegémispresque.Ilhochelatêteetretiresondoigt.—OK.Tuneveuxjamaisparlerderiendetoutefaçon.Maisçanem’empêcherapasdetepercer

àjour,MiaGilmore.Jesoupireencoreetrésisteàluidemandercequejeficheiciaveclui.Pourtant,jen’ignorepas

lesdrôlesdechatouillesquifourmillentdansmonventrequandilditmonnomdecettefaçon.—Voilà,regarde…Iltendledoigtversl’horizonoùlesoleilformeunarcflamboyantde180degrés.Jevoisalors

unechoseimmenseetnoirefendrelesflotsetsoufflerdel’eauenl’air.Uneautresuitlemouvement.Jeplissedesyeux,maisouvregrandlabouche.

—Oh…mais…,cesontdes…—Desbaleines,oui.Plutôtcool,hein?Àcettepériode,ellesmigrentverslesud,versl’Australie

etlescourantschaudsdel’océanIndien.Isaaca changé l’objectifde sonappareilpourunplusgrosetplus long. Ilme faitpenser àun

paparazzi à mitrailler l’horizon comme ça, comme s’il en prenait des centaines pour capter lemeilleurcliché.

—Ilfaitpresquenuit,constaté-je.Tunevasrienvoirsurtesphotos.—Mais si, il suffit d’avoir le bon appareil et les bons réglages. Une ISO plus puissante, une

balancedesblancsbienajustée…Macuriositéàsonégardmefaitoublierlefabuleuxspectacledesbaleinesauloin.—TuétudieslaphotographieàConstance?—Ouais,c’estmamatièreprincipale.—C’estcequetuveuxfaire?Photographe?—Cequejeveuxc’estparcourirlemondeentierimmortaliserlesendroits,lesgens,toutcequi

metaperadansl’œil.Sa voix s’est animée d’une sorte d’envie et d’excitation. Je l’observe de profil, intriguée.

Comment j’aipufaire…l’amour,avecungarçondont jeneconnaisrien,commelui?Ila leplusbeauprofilquej’aijamaisvuc’estsûr,maisjeneconnaispascettepersonne-làquirêvedesillonnerlesroutesdumonde.

Quandilsetournebrusquementversmoi,j’arrêtederespirer.Priseenflagrantdélit.—Quoi?—Rien.—Si,dis-moi.Àquoitupenses?Savoixgraveetchaudemefaitfrissonnerbienplusquelabrisemarinequisouffle.

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—Jemedisaisjusteque…bah,jenesaispresqueriendetoi.Sonexpressionpassedusérieuxàl’espiègle.Ilrangesonappareiletmetendlamain.—IsaacMiles,enchanté.Jetapededans,exaspérée.—Arrête,t’esbête.Tum’asbiencomprise.Ilsepenchealorsversmoi,etsansquejel’aievuvenir,écraseseslèvressurlesmiennes.Son

souffle mêlé de menthol me tétanise. Instinctivement, j’entrouvre la bouche et ferme les yeux. Ilm’embrassevoracement,avidement,goulûment.

Jemedéliteetme retiensdegémir, lesdoigtsenfoncésdans le sable.Etquand il sedétacheetposesonfrontcontrelemien,marespirationsaccadéesefondàlasienne.

—Tuvoisquetumeconnais,souffle-t-il.Tusaistrèsbiencommentmerendredingue.Non.Enfait,c’estluiquimerendfolle,maisiln’enaaucuneidée.Paslamoindre,dudésiretde

l’enviequej’éprouvepourlui.Ilnesaitpascequejeressenslorsqu’ilmeregarde.Commentjebrûlequandilmetouche.Combienjemequestionnesurmoi-mêmechaquefoisqu’ilestlà.

—Ettoi?Quelesttonrêve?Qu’est-cequetuvoudraisfaireplustard?Moncerveauadumalàseremettreenmarche.—Moi?Je…jen’ensaisrien…enfin…jecroisquejeveuxjusteêtreheureuse…Çasemblaitmoinscondansmatêtequeditàvoixhaute.Ilm’observesi intensémentquejeme

sensrougirdanslademi-pénombre.Qu’est-cequejepeuxêtreidiote…Ildoitpenserquejesuisvraiment,vraimentdébile.Les gens veulent tous des choses extraordinaires, un boulot qui les passionne, sauver des vies,

parcourirlemonde,voyager,écrireunlivre,gagnerlamédailleauxJ.O.,déposerunbrevet,rédigerunethèse,fairedegrandes,trèsgrandesétudes,construireunesuperbemaison…

Etmoi,toutcequejetrouveàdire,c’estêtreheureuse.Pathétique.Legenrede trucsqu’ondit quandonn’apasd’ambitionouqu’onne sait absolumentpasquel

cheminprendre.J’aivraimentfiniparmeperdreenroute.ÀcausedeDeacon.J’ailongtemps,trèslongtemps,cru

quejen’avaisplusd’avenirnullepart.Maisdepuisquejesuislà,jemesenspresque…neuve.Refaite.—C’estbiend’êtreheureux.Laplupartdesgensnelesontpas.Lavoixd’Isaacmetiredemespensées.Ilaretiréunepetitelampedecampingdesonsacets’affairemaintenantàextraireuntrucplus

gros.Ilfaitàprésentquasimentnuit.Etjemerapprochedeluiimperceptiblement,pasdutoutrassurer

danslenoir,surcetteplageavecpasâmequiviveautour.

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Quandj’aperçoislesacdecouchagerouléenboulequ’ilextirpedusac,jem’écris:—Onnevapasdormirlà?!—Maissi.Tuasvulesbaleines,maistun’aspasvulestortues.Ellessortentaupetitmatin.Alors

onvadormirici.—T’escomplètementfou.En quelques secondes, je suis sur mes pieds et m’époussette les fesses, regardant fébrilement

autourdemoi.Etmerde,dansquoijemesuisembarquée?—Fais-moiconfiance,continueZacendépliantlesacetenl’installant.Ilyapleind’étoilesetily

auraunebellelunecesoir.Personnenevientjamaisici,jedorssouventdanscetendroit,toutseul.Tuvasjustedormiravecmoicesoir.

Bienque l’idéededormiravec luià labelleétoilenesoitpaspourmedéplaire, jenesuispasentièrementrassurée.

—Etsiquelqu’unvenait?Unpsychopathe,unclochard,desgensivres?Ilritetretiredessandwichsdesonsac.—Jetedisquepersonnenevientjamaisici.—T’esmarranttoi.Enfait,c’estpeut-êtretoilepsychopathe.Jen’auraisjamaisdûaccepterdete

suivre.Ilritplusfort.Etmoijeneplaisantequ’àmoitié.—Thon-mayonnaiseoupouletavocat?Ilsefichedemoi,carrément.Jefaisvolte-faceetm’éloignedanslenoir.—Mia!Jenemeretournepasetluimontremonmajeurbienhaut.Moiaussi,jepeuxmefoutredetoi,Miles.—Mia…J’avanceplusvite.Versoù,jenesaispas,versnullepartcertainement.Maisloindeluietdeson

arrogancequimesortparle…—Mia,reviens.Iln’yarienparlà.Etcen’estmêmepasparlàquetuvis.Lamotoestgaréede

l’autrecôté!J’avanceplusviteenentendantsavoixserapprocherderrièremoi,mesbootss’enfonçantdansle

sable.Maisdesbraspuissantsserefermentsurmoietmesoulèvent.Jehoquettedesurprise.—Hé!Maislâche-moi!—T’esvraimentchiantequandtut’ymets,Gilmore!Jemedébats, lui donnedes coupsdepied,mais ilmemaintient trop fermement et je finis par

abandonnerquandilmeportepourretournerausacdecouchage.

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—Jeneveuxpasdormirlà!—Tais-toi.Quandilmereposeprèsdelapetitelampedecamping,jem’apprêtedéjààriposter,maisIsaac

mepivotepourquejeluifassefaceetrefermeautoritairementmesbrasautourdesatailleavantdem’attraperlementondanssagrandemaintatouéed’uneroseetdelierre.

—Tuterendscompteaumoinsquetufaisdestrucsabsurdesdesfois?Ilfaitnuitettunesaismêmepasoùonest.

Je hausse les épaules, complètement perturbée par le fait qu’ilm’étreint, prise dans son odeurenivrante.

Il parle, mais je n’écoute plus. Je me retrouve comme cette fois où je l’ai respiré dans cetamphithéâtrealorsquejeleconnaissaisencoremoinsquemaintenant.

Jelerespire,lenezplongédanssonpullnoirettoutchaudsoussavesteencuir.Ilréussitàmefairem’asseoiretmanger,jenesaismêmepluscomment.Aveclui,c’estunpeu

commesimoncerveauétaitconstammenthorsservice.Unpeuplustard,jemeretrouveallongéecontrelui,lesacdecouchagerefermésurnous,matête

sursonbrasetmondoscolléàsontorse.Isaacneparleplus.Ilfumelentementenregardantleciel.Ilavaitraison,ilyaunebelleluneetla

plageestpartiellementéclairée.Lebruitdesvaguesemplitnosoreilles.Çamerendpresquenostalgique.Çamerappellelaplage

deCarmel.CelledechezmoietcesfoisoùArizonaetmoirestionsdormiraumêmeendroitoùmonpèrem’emmenaitpetite.

—Àquoitupenses?murmureIsaac.Sonsoufflesurmachairmefaitfrissonner.—Àmamaison.J’aiétéhonnêtepourunefois.—Etc’estoùtamaison?—C’étaitauborddelameraussi.Quelquesfois,jedormaissurlaplageavecmasœur.Isaacneditplusrien,maisécrasesacigaretteavantderemettrelemégotdanssonpaquet.Écolo,enplus.Benvoyons.S’ilestsurprisquejem’ouvreàlui,iln’enmontrerienentoutcas.Etmoi,jesaisquejedevrais

changerdeconversation.—Tafamilletemanque?Jerépondssanshésiter.—Oui.—Mêmetonpère?Jemetsunmomentavantdecomprendrelesensdesaquestion.

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—Oui,mêmemonpère.Etcen’estpasluiquim’afaitça,Zac.Ilestdécédéquandj’avaiscinqans.

Ilglissesesdoigtsdansmescheveux,dansungesteterriblementtendre.—Jesuisdésolé.Jemeretournevers luienme tortillant légèrement. Ilmefaitunsourire triste.Avecsespetites

fossettesqui apparaissent commesiunangeyavait posé lesmains.Alorsquec’est censé être lui,l’ange.

Macuriositél’emportesurtoutlereste.—Ettoi?Tafamillenetemanquepas?Samère semblebienvivante etKillian et lui enparlentvaguement,même si jen’y comprends

rien.Maissonpère?Oùest-il?Saréponseaussiestdirecte.—MalouetSloansontmafamille.Jehochelatêteaveclecœurquibatplusvite.Jesaisbienqu’ilvasûrementvireràl’orage,maisc’estluiquiacommencéavecsesquestions.—Et…Cassiopée?Isaac se retourne vivement vers moi et son expression me glace d’effroi. Ses doigts se sont

immobilisésdansmescheveux.—Killian,jemurmurerapidementavantdemefairejeterauxrequinsplusloin.Il…ilm’aditque

samère…,enfinvotremère…,s’appelleCassiopée.Isaacmefixelonguementsansrépondre.Puis…—Cassie.Toutlemondel’appelleCassie.Jedéglutisethocheencorelatête.J’aisentitoutelatensiondanssavoix.—Elletemanque?—Non.Etjen’aipasenvied’enparler.Killiandevraitapprendreàlafermer.—Techniquement,c’esttoilepremieràavoirabordélesujet,fais-jeremarquer.Maisilnerelèvepasetseretourneverslecielétoilé,unbrasderrièrelatête.Ilyaunsilence,seulementbriséparlebruitdesvagues.J’observeencoresonmagnifiqueprofilquisedétachesurl’immenseaplatsombreau-dessusde

nostêtesetrésisteàl’enviedeluitracerl’arêtedunez.—Mia?Jesursautequandilprononcemonnomtoutbas,commeunecaresse.Jen’osepasrépondre.Ilcontinue:—Tuveuxchanterpourmoi?Isaacseretourneversmoietmetoucheleslèvresduboutdesdoigts.Cegestemebrûle,mebrûle

doucement.

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—Chantepourmoi,bébé.Unemultitudedepapillonsontéludomiciledansmonestomac.Ilsdansentcommedesfous.J’acquiesced’unhochementdetêteetquandilretiresesdoigts,jememetsàfredonnertoutbas.«Spendallyourtimewaiting/Passertouttontempsàattendre,Forthatsecondchance/CettedeuxièmechanceForabreakthatwouldmakeitokay/CettepausequiarrangeraittoutThere’s always some reason to feel not good enough/Il y a toujours une raison de ne pas se sentir

complètementbien

Andit'shardattheendoftheday/Etc’estduràlafindelajournée.I need some distraction, or a beautiful release/J’ai besoin de distraction ou d’un beau

soulagementMemoriesseepfrommyveins/LesouvenirssuintentdemesveinesLetmebeempty,oh,andweightlessandmaybe/Laisse-moiêtrevide,oh,etsanspoidssurmes

épaules,etpeutêtrequeI'llfindsomepeacetonight/JetrouveraiunpeudepaixcettenuitInthearmsoftheAngel/Danslesbrasdel’ange.»{2}

—Tupourraisêtreunestardelamusiqueavecunevoixcommeça.Jesourisetluiattrapelamainparcequ’ildessinedistraitementl’arrêtedemonnezcommej’aieu

enviedelefaireiln’yapascinqminutes.—Jecroyaisquetuavaistrouvémaprestationpourrie?Isaac sourit. D’un sourire insolent, à vous couper le souffle. La première fois que je l’ai vu

sourirecommeça,c’étaitàunefilleàl’aéroport.Unefillequin’étaitpasmoi.—C’estvrai…Maistut’améliores.—Mauvaisjoueur.Jenemeconnaispasbeaucoupdequalités,maisjesaisquejesaischanter.—Pasmodestepourunsou,souffle-t-il.—Non,pasdutout.Cepetitjeudeséductionentrenousfaitgrimperlatempératurecommechaquefois.Jerefermemesdoigtsdanslessiens.—Pourquoitufaisça,Isaac?Ilcessedesourire,commemoi.—Pourquoijefaisquoi?— Pourquoi tu mets des protections sur ta moto pour que je ne me brûle pas, pourquoi tu

m’emmènesvoirdesbaleines,pourquoiest-cequ’ondortàlabelleétoile?—Etpourquoipas?répond-ildutacautac.Maisjenelâchepasl’affaire.J’aibienl’intentiondemettreleschosesauclair.—Tun’espasobligédefaireça.Jen’attendsriendetoi.Hiersoir…hiersoir,ettoutescesautres

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foisoùtum’astouchée,nefontpasdenousuncouple,n’est-cepas?Cen’estpastongenreetjenesuispasprêtepourça.Jenemesuispassentieobligée,hiersoir,tusais.Tun’aspasàfairetoutça,parceque tucroisconnaîtremonpasséetque tu tesensobligéouque tuculpabilises.Jevaisbien.C’étaitgénial.Maistun’aspasàfairetoutça.

Ilmefixeunlongmomentcommeça,sansriendire,aprèsquej’aisorti toutcequej’aisur lecœur,maisquimefaitmalquandmême.

Jenesaismêmepaspourquoiçamefaitmaldeluidiretoutçaetd’enparlerhonnêtement.Toutàcoup,ilserremesdoigtsdanslessiens.—C’est ceque tupenses ?Que jeme sensobligé caron apassé lanuit ensemble ?T’as rien

compris, Mia. Vraiment rien. Personne ne m’a jamais forcé à rien, ça ne va pas commenceraujourd’hui.J’aitoujoursétébientropégocentriquepourmesoucierseulementdecequelesautrespeuventpenser,ycomprislesfillesavecquijecouche.Sionestlà,c’estparceque…,j’ensaisrien.J’enavaisenvie,c’est tout.Onapassélanuitensembleetc’était…c’étaitextraordinaire.Cen’étaitpasjustegénial.Etjemefousdetonpassé,iln’arienàvoirdanscettehistoire.Jet’aiemmenéeiciparcequejevoulaistefairevoirl’endroitquejenepartagejamaisavecpersonne,c’esttout.J’avaisenviedelefaireavectoi.

Jenepeuxdétachermesyeuxdesabouchequandilparle.—Personne?—Personne.—Pasmêmelesgarçons?—Pasmêmeeux.—Pourquoi?Isaacsepenchedoucementeteffleuremeslèvresdessiennes.Celasuffitàmefairetournerlatête.

Àmefaireoublierquijesuis.—Parceque jen’ai jamaiseuenviede lepartageravecpersonne,c’est tout.Tuposes toujours

autantdequestions?—Tuenposesplusquemoi.Ilsouritcontremabouche.—D’accord.Alors…unedernière.Jesoupireenfaisantsemblantd’êtreagacée.—Quoiencore?—PourquoiMia?Jeclignedesyeux.—Quoi?—Pourquoitesparentst’ontappeléeMia?Jemereculelégèrementpourleregarder.Ilal’airtrèssérieux.C’estquoicegenredequestion?

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Est-cequ’ilsedoutedelavérité?Jetentedechercherdesréponsesdanssesyeux,maisjen’entrouveaucune.J’aimeraispouvoir

luidirequemamèreaeulederniermotsurmonpèrequi,lui,voulaitvraimentm’appelerMia,maisquelesfemmesonttoujourslederniermotetquec’estMeganquiaobtenugaindecause.Ellem’aappeléeAmyparcequ’enlatinAmysedit«amatus»quisetraduitpar«êtreaimé».

—Monpèreaimaitbeaucoupceprénom.Danssaformeancienne,ilsignifie«cher»ou«aimé».Isaacmecoupe:—MaisenHébreux,ilveutaussidire«mer».LesMiapossèdentunefortepersonnalitédoublée

d’une audace impressionnante. Elles sont, en outre, sociables et ne supportent pas l’isolement.Ambitieuses,ellessontconsidéréescommedes«guerrières»quinelâchentrien.

Sontonderobotmefaithausserlessourcils.Ilsecouelatêteetjedéglutis.— C’est facile de regarder sur internet bébé, je l’ai déjà fait. Tu ne veux pas répondre à ma

question?—Mesyeux.Monpèreavoulumenommerainsiàcausedeça.Tul’asdit,Miaveutaussidire

merenhébreux.Leregardd’Isaacseplisse.Ilsaitquejemens.Etmoi, jesaisqu’ilacompris.Sesquestionsne

sontpasanodines.Ilveutmefaireparler.Ets’iln’enestpassûr,ilsedoutequeMian’estpasmonvrainom.Sinonpourquoitoutça?

—Jecroyaisquemonpassénecomptaitpas?Ilmetoisesansplusriendire.Jeretiremesdoigtsdessiensetmecontorsionnepourpivoteretluitournerledos.Plusaucundenousneparle.Longtemps.Avantqu’ilnerefermesesmainssurmonventreetserapprochedemoi,posantsatêtedansmon

cou.—Pardon.C’estjusteque…jeveuxsavoirquitues…Quituesvraiment.Je ne réponds pas, prise d’une terrible envie de pleurer.Mais cela suffit. Je l’ai bien trop fait

devantlui.—Mia…—Jem’appelleMiaGilmore. Jevis sur le lacKaloaet jen’ai riendemandéàpersonne.Si tu

n’arrivespasàtecontenterdeça,alors…alorsilvautmieuxquenousarrêtionsdenousvoir.—Tudisn’importequoi.Commesionpouvaitneplussevoir…Jenet’embêteraiplusavecça.

OK?Pourl’instant…Ilafinisaphraseenmurmurant.Je ferme les yeux en essayant d’oublier son odeur, samain surmon ventre, la chaleur de son

corpsquim’enveloppedansl’airfraisdelanuit.Soudain, je crois sentir qu’il ferme les yeux. S’il dort contre moi comme cela, comment je

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pourraimoidormir?Mon cœur met longtemps avant de ralentir ses pulsations. Impossible d’avoir une pensée

cohérente.Jesoupireetouvrelesyeuxpourfixerdenouveaulecieletlaplagesansfin.Etsijefaisaisuneerreuraveclui?Uneterribleerreur?Jemecroyaisendurcie.Enfait,jenelesuispasdutout.Combattremapeurnem’apprendpasà

combattremessentiments.Maisjesuisunegrossetrouillarde.Etjemesuistrompéetantdefoisquec’enestaffolant.

Accusée,lynchée,montréedudoigt,j’aidéjàétédel’autrecôtédumiroir.Jereviensdelàoùonnerevientpasnormalement.Maisjeneveuxplusrefairelesmêmeserreurs.Jesuisvenueicipourprotéger ma famille de moi-même, bien sûr, mais aussi pour un nouveau départ, pour mereconstruire.

Maiscommentmereconstruiresijedevaisretomberamoureusedequelqu’un?Quelqu’uncommeIsaacMiles…

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4

Dites-leavecdesfleursMia

—Mia.Jesensunsoufflechaudsurmajoueetdesbrasquim’entourentvigoureusement.Bizarrement, aucun sentiment de peur ne vient gâcher ce moment. Je me sens bien. Un peu

endolorie,maisj’aibiendormi.—Ouvrelesyeux,bébé.J’ouvredoucement.Etlà,jemeretrouveenfacedelacréaturelaplusétrangequej’aivud’aussiprèsdemavie.De

petitsyeuxglobuleuxmefixentavecattention.Etlabêteaunetêtedepetitverdeterretoutnoir.Jeretiens ma respiration un instant en clignant des yeux avant de me rendre compte qu’elle estminusculeetadorable.

—Tuaschopéunvirusdanslanuitpouravoircettetêteauréveil?jedemandedoucement.Isaacquiabiencomprisquejem’adresseàlui,ritdoucementdansmoncoualorsquelatortue

rentrebrusquementlatêtepuisseretournepours’enaller,sespetitesnageoiresfrayantlesablesursonpassage.

Jetendslamainpourattraperl’appareild’Isaacau-dessusdematêteetlecollecontremonœilenouvrantl’objectif.Zactendlamainetl’allume.Jerestecommeça,allongéecontreluietmitraillelesdizainesdepetitesbêtesquisortentd’untroujusteàcôtédenous.C’estsurréaliste.

—Tumelaissesfaire?Jeluitendssonappareiletilseredressesuruncoudepourlesphotographier.Ilnefaitmêmepas

jour.Lecielestd’unbleuindigo,l’airfraisetlamercalme.Sonressacmebercedoucement.Jedoisavoirunetêteaffreuse.Quelleidéegénialededormirdehors,merci,Isaac!—Netelèvepas.Isaacmerepousseduplatdelamainalorsquejetentedemeredresser,jeretombeallongéesurle

sacdecouchage.Illaissesonappareilsursonsacetserecoucheàcôtédemoi.Jedécidedenepasmebattretoutde

suite.Aprèstout,jesuiszenlematin,pasd’humeuraucombat.D’ordinaire,jemelèveàpeuprèsàcetteheure-cietjefaisduyogasousmavérandaenregardantleleverdusoleil.

Quand Isaac pose son front contre lemien, je retiensmon souffle, les yeux fermés.Avant quej’aiepuréagir,ilfaufilesamainsousmonpulletleposesurmonventre.Jefrémisaucontactdesesdoigtsfroids.

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—Bonjour,toi.Jemedélectedecemomentdedouceur.Desavoixadorablelematin.—Bonjour.Il pose ses lèvres au coin des miennes, doucement, très doucement. C’est si doux que j’en

gémiraissijepouvaisémettrelemoindreson.Maisnon,jesuisanesthésiée.J’aipeurdebouger,deparler,degâchercemoment.

—Mia?—Hmm…Je n’émets qu’un grognement d’ours indistinct. Isaac sourit contrema bouche, je le sens à ses

lèvresquis’étirent.—Tuasvu,onn’estpasmort.Etonn’apasétéattaquéparjenesaisquioujenesaisquoi.—Hmmm…,jegrogneencore.Ilritetmemordgentimentlementon.Seigneur…—Ouvrelesyeux.J’ouvre et fais face à ses pupilles vertes. Très sombres ce matin sous l’indigo du ciel. De le

regarderdanslesyeuxcommeça,mecoupelesouffle,commechaquefois.—Jecroisquej’yprendsgoût.—Àquoi?—Dormiravectoi.Jedéglutis.Ilsepassequoi?Ilsepassequoientrenous?J’aipeur.Troppeur.Àencrever.Isaacmefixeuninstantcommejenerépondspas.Puisfinisparsoupirer.—C’estquandmêmeépuisantdetediredeschosescommeçaetquetuparaissessi…froide.Jem’étranglepresque.Froide?Moi?!—Commentça,jeteparaisfroide!Jenesuispasfroide,OK!Jesuisjuste…Isaachausselessourcilsdevantlamontéedemonton.Jelerepoussevivementpourmerelever.Reprends-toiMia.Merde!—Çava,net’énervepas.Jedisjustequetuneréagispastoujoursquandjetediscequeje…ce

quejeressens.Je m’assieds en le repoussant et attrape mes chaussures pour les remettre. Et je ne peux

m’empêcherd’émettreunpetitriredédaigneux.—Cequeturessens?Avecmoi?Tuveuxdireàpartl’enviedebaiserinsatiablequisemblete

caractériseretdontjesuisencemomentlesujetd’attention?

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Àluides’étranglermaintenant.Jememetsdeboutvivementalorsqu’ilpousseungrognementderageens’asseyant.—Non,maistuvasarrêter,oui!Jecroyaisqu’onavaitdéjàeucetteconversation!—Quelleconversation?Jerestedeboutenfacedelui,lespoingssurleshanches.Isaacsoupireensepassantlesdeuxmainssurlevisage.—Jepeuxsavoirlà,cequetumereproches?Jen’ycomprendsrien.Jepensaisqueçateplairait

deveniriciavecmoi.Etdepuishiersoir,tumefaisunplatderiendutout.Est-cequec’estparcequeturegrettescequis’estpasséentrenousetquetucherchesunmoyendem’éloignerdetoi?

Jenerépondspasetmecontentedeluilancerleregardleplusnoirquej’aienrayon.Leseulmoyenquejeconnaissedevaincrelapeurquim’anime,c’estlaméchanceté.L’éloigner

demoioui.Riposter.Jenesaispasfaireautrement.Méchantelapremière,etriennemeferamal.Isaacfinitparsereleveraussi.—ÉcouteMia,situasquelquechoseàmereprocherouàmedire,c’estmaintenant.Jesuisbien

quand je suis avec toi, mais je n’aime pas qu’on me prenne pour un imbécile non plus. On estensembleouonn’estpasensemble?Parcequesionl’est,tuarrêtesçatoutdesuite.

Lamâchoirem’entombe.Ilvientdedireça?!Ensemble?Est-cequ’onestensemble?Pourquoic’estluiquiposelaquestionquimetaraudeetpasmoi?!C’estillogique.Jem’adoucisimmédiatement.—Jenepensaispasquetuvoulaisqu’on…Enfin,tun’asjamaisdemandé…Isaacsoupireencoreetsembleréfléchiruninstant.Est-cequ’ilserendcomptedecequ’ilvientde

direetqu’ilregrettedéjà?—Écoute, sweetheart…Avec les filles que je fréquente, je n’ai pas l’habitude de dépasser un

certainstade,sentimentalementparlant,jeveuxdire…Maisjel’aidéjàdépasséavectoi,ilyadeuxjours.Alors,arrêtedemerepousseroudetevexerchaquefoisquej’essayedetedirequelquechose,d’accord?

Jenesoutiensplussonregard,etlesbrascroisés,jemedétournedelui.Quelstade?Àquelniveauest-il,«sentimentalementparlant»commeildit?Parceque,moiet

monpetitcœurchamallowquichercheàs’endurcir,nousnesommespassûrsdepouvoirsurvivreàtoutça.

Quandjesenssesbrasserefermerautourdemataille,jesursaute.—Jenediraiplusriensiçategêne.Detoutefaçon,sachequejen’aipasl’habitudededireceque

jeressensnonplus.Avectoi,c’estjustebizarredepuisledébut,jefonctionneàl’envers.

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Jenerépondspas,maisposemesmainssurlessiennes.Moiaussi,aveclui,jenetourneplusrond.N’importequiauraitprissesjambesàsoncou.Après

lafaçondontilm’atraitéeaudébut.N’est-cepas?Maisc’estfaciledeledirequandonnefaitpasfaceàIsaacMiles.—Tuveuxrentrer?Jehochedoucementlatête.Quefaired’autre?Isaacsedétachedemoietrangelesaffairessansunmot.Jel’aidesansparler.Maisjesensbien

quemêmes’ilmesouritetfaitcommesitoutallaitbien,ilnecomprendpasdutoutmesréactions.Peut-êtres’attendait-il,aprèsnotrenuitd’avant-hier,quejeluifasseentièrementconfianceetque

jem’abandonnetotalement?Cen’estpaspossibleça.Jeluiaidéjàfaitcomprendre.Mais jemesens toutdemêmeunpeucoupable.Parceque jesenscette tensionsous-jacente. Je

sens qu’il neme comprendpas.Et j’ai ce poids quime comprime la poitrine. Je ne veuxpas êtredésagréableavecluietj’aipeurdenepassavoircequ’ilfautfaireetquandilfautlefaire.

Lorsqu’ilattrapelecasquedeSloanpourmel’enfiler,jel’arrêteenposantunemainsurlasienne.—Tuveuxvenirprendrelepetitdéjeunerchezmoi?Isaacsouritenfaisantlamoueets’empared’unemèchedemescheveuxpourlaremettrederrière

monoreille.Jeneveuxmêmepassavoirquelletêtej’aicematin.Lesoleilselèveenfinetjen’aiqu’uneenvie:rentrerchezmoimerefaireunefraîcheur.—Tun’asmêmepasdecafé,bébé.Etlespapillonsquis’envolentencorequandilm’appellecommeçaetqu’ilestaussitendre…—Onpeutenacheter.—C’estdimancheaujourd’hui.Non,tusaiscequ’onvafaire?C’esttoiquivasvenirprendrele

petitdéjeuner chezmoi.MalouetSloanne sont sûrementpas réveillées,maisMaggie,oui.Et ellepréparelesmeilleuresgaufresdetoutlepays.

Jem’étranglepresque.—Moi?!Moi,cheztoi?!Avectoi?!—Oui,toi,chezmoi.Pourunpetit-déj’.Allez,c’estparti.Ilm’enfilelecasquetoutenm’empêchantderépondreetmefaisantrefermerlaboucheaussisec.

**Lorsquejeposeunpiedàterredevantl’immensemaisonduDomainedespaonsbleus,mesjoues

s’empourprent toutesseulesenrepensantà laseulefoisoùj’aimis lespieds ici. Isaac leremarquequand ilm’aideà retirermoncasqueetsemetà riredoucement.Ceriremoqueur, fraiset rauque,avecsavoixcasséedumatin.

—Tutesenscon,hein?raille-t-il.Jeprendsunairtotalementarrogantpourrépondre:—Jenevoisabsolumentpasdequoituparles.

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Ilritplusfortetm’entraîneavecluiparlamainenouvrantlagigantesqueportecommesi toutcelaétaitnormaletabsolumentpasgênant.

Nous traversons le hall d’entrée, pour filer directement vers la cuisine. Il n’est même pas 07heuresetiln’yapasunbruitdansl’immensedemeure.

Touticiestsibeau,sipropre,bienrangé,biendécoré…Tropparfait.—Depuisquandtuvisici?—Unequestionpourunequestion?répondZacdutacautac.Jegrogne.—Hum.Cen’estpasdujeu.—Jenejouepasavectoilà.Unequestioncontreunequestion.—D’accord.Alors,depuisquand?—DepuisqueMaloum’aprischezelleen tantque familled’accueilprovisoire. J’avaisdouze

ans.Leprovisoires’esttransforméendéfinitifquandelleadécidédedevenirmatutricelégale.Nouspénétronsdanslacuisineetaussitôt,mesnarinessontenvahiesparunedélicieuseodeurde

gaufresfumantestoutdroitsortied’ungaufrierdemarque.Lagouvernantedemaison,Maggy,celle-làmêmequim’aouvertladernièrefois,setientdevant

unpianodecuissonmonstrueuxets’agiteenchantantgaiement.—‘lutMag!Isaacmelâchelamainetsedirigedirectementversunemachineàexpressodeluxe.Ladameseretourne,maissonsouriresefigeàmavueetelleécarquilledegrandsyeuxl’espace

d’unedemi-secondeavantdereprendreunairinsondableetd’essuyersesmainssursontablierrosepâle.

—MonsieurIsaac.Vousêtesbienmatinaleaujourd’hui.Etaccompagnéquiplusest.Ellesetourneversmoietajoute:—Bonjour.Jemesensrougirdelatêteauxpiedsetnesaisplusoùmemettre.—Bon…bonjour,jebredouille.Isaacavaleunepetitetassedecaféd’unetraiteetlareposeensoupirantbruyamment.—Ouaisetonaladalle.TuconnaisMia.Paslapeinedefairelesprésentations.Maggymesouritgentimentens’adressantàmoi.—Rappelez-moivotrenom…—MiaGilmore.—Ah oui, excusezma tenuemademoiselleGilmore, je finissais de préparer le petit déjeuner

pourlamaison.Souhaitez-vousduthéouducafé?Chocolatoueaucitronnéepeut-être?Jenepeuxm’empêcherdetripotermabagueàmonindex.

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—Euh…—Thé,répondIsaacàmaplace.Tupeuxnousservirlepetit-déj’danslepatio,Mag.Cettedernièremetsesmainssurseshanchesetfaitvolte-facedanssadirectionenfronçantdes

sourcils.—Pardon?Àquicroyez-vousvousadresser,MonsieurMiles?!—S’ilteplaît…,soupireIsaacenlevantlesyeuxauciel.Ellegrogneuntrucincompréhensibleetretourneàsesgaufres,maisjevoisIsaacsepencheret

luiembrasserfurtivementlajoueavantdes’enfuirdenouveauenm’entraînantaveclui.Cegestedetendressequ’ilvientd’avoirenversellemelaisseperplexe.Iln’apasl’air,maisalors

pasl’airdutout,d’êtrecetypedepersonne.—Est-cequetuveuxutiliserlasalledebain?medemandeZacennousdirigeantverslesalon.—Oui,s’ilteplaît.Jenepeuxqu’êtrereconnaissantedecegenred’attentionsianodinepourlui,maisquireprésente

toutpourmoi.—Enhaut,troisièmeportesurlagauche.Je le laissepourm’enfuir. Jene faispasdebruitpournepas troubler lesommeildeshôtesde

maisonetmerendsàlaporteindiquée.Danslasalledebain,jemefaisunefraîcheuretmelavelevisageàl’eau,attrapeunebouteillede

solutionbuccalepourmerincerlabouche,brossemescheveuxetempruntedudéodorantàunedesfemmesdelademeure.

Non,maissérieux,qu’est-cequejefouslà,bordel?!Monrefletdanslemiroir,au-dessusdumarbreblancetdesdoublesvasques,m’impressionne.On

diraituneautrepersonne.Ilmechangeàcepoint-là?Jenemesuisplussentieaussibien,enharmonieavecmoi-même,depuissilongtempsquec’en

estpresqueinconcevable.Etçamefaitpeurd’unemanièresiforte,qu’inconsciemment,çapourraitbienvenirtoutgâcher.

Quandjeredescendsverslesalonenpassantdevantlaporte«STOPDoNotEnter{3}»deZac,jeperçoisunemusiquedouceauloin.

Plusjemerapproche,plusellesefaitclaireetdistincte.Dupiano.Jemesouviensenavoirvuundans le salon la dernière fois. Un superbe piano à queue blanc Pleyel sur lequel traînait un aussisomptueuxbouquetdeBlueMoon.

Jemefigesurleseuildel’immensesalonenvoyantIsaacassisdevantl’instrument,dosàmoi.Ilmefautunmomentpourréaliserquec’estluiquijoue.Unairmélancoliqueetmagnifique.J’écoute.Surprise.Fascinée.Incapabledebougerlemoindremembre.Jusqu’àcequ’ilarrêteetseretournebrusquementversmoicommes’ilavaitsentimaprésence.—Hé.Çava?Tuasfaim?

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Ilfaitminedeselever,maisjem’élance,etsansplusquitterlepianodesyeux,jem’ydirigeetm’yassiedsàmontour.Peut-êtreparcequejemesuismiseàlaguitaretrèsjeune,maisuninstrumentdemusique,quelqu’ilsoit,acettetendanceàmefasciner.Ladernièrefoisquej’aivuunepièceaussimagnifique,c’était lorsde l’expoSmokePleyelauCarpentersWorkshopGalleryàLondres, ilyaplusd’unandeça,pourdesvacancesloindelamaison.Etloindesjournalistessurtout.

Isaacserassiedtandisquejecaresseduboutdesdoigtslestouchesnoiresetblanches.Jelesfrôle,n’osantpasles«salir».

—J’ignoraisquetujouaisd’uninstrument.Ilritdoucement.—Cen’estpaslecas.J’aiapprislepiano,j’aiprisdescourspendantdesannées,parcequeMalou

m’yforçaitetjemesuisrenducomptequej’aimaisbiença.Maisjenejouepastrèsbienetjenesuispasunpro,tusais.

—C’étaitbeau,lemorceauquetuinterprétais.—Tuesbienplusdouéeavectaguitare.Jenerelèvepaslatêteversluiafinqu’ilnevoiepasquemesjouessecolorent.D’abordparceque

lescompliments,onnem’enfaitquetrèsrarement,etensuite,carc’esttoujoursincroyablepourmoiqueluim’enfasseun.

—Depuisquandtufaisdelaguitare?insiste-t-il.—Longtemps.—Onavaitditunequestioncontreunequestion.Unsoupirs’extirpedemabouche.—Dèsl’âgedehuitans,j’aieuunprofesseur,unvieuxmonsieurdemaruequim’aimaitbien.

Jusqu’àilyatroisans,quandj’aiarrêté.Maisc’estmonpèrequim’enadonnélegoût.Ilenjouaitbeaucoup,pourcequejemerappelle.C’étaitsaguitare,cellequej’ai.Jel’aifaitraccorder,maisjen’aijamaisvoulum’enacheteruneautre.J’aigardélasienne.

Isaaceststupéfait,maisenrelevantlatêteverslui,jemerendscomptepourquoi.Ilsuitdesyeuxmesdoigtssurlestouchesquisesontmisàjouertousseuls.J’arrêteimmédiatement,maisilposelasiennesurlamienne.

—Tu…tusaisaussijouerdupiano?!—Unpeu.Maisj’enaifaitmoinsqu’Arizona.Ilm’interrogeduregard.—Mapetitesœur.Ilhoche la tête,nesachantsansdoutepass’ilpeutcontinuer lesquestionsdanscettevoie-là.Et

moi,jemerendscomptequej’enaidéjàbientropdit.Ondiraitquejem’ouvrecommeunefleuràsoncontact.Cen’estpasbonça,pasbondutout.

Isaacserapprochejusqu’àcequesacuissetouchelamienneetquenosépaulessefrôlent.

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—Joue.Jouepourmoi,m’incite-t-ilencaressantmamainduboutdesdoigts.Mesentraillesseresserrentsoussongestetendre.Hiersoir,ilvoulaitquejechantepourlui,maintenant,ilveutquejejouepourlui.—Jet’aiditquejen’enaipasfaitbeaucoup.—S’ilteplaît,netefaispasprier.Jesoupireencore.Bon,trèsbien.Qu’est-cequejepourraisjouer…Mes mains courent toutes seules sur les touches et j’entame sans même m’en rendre compte

BohemianRapsodiedeQueen{4}.Isaac plisse les paupières, mais se concentre sur la mélodie. Et quand je me mets à chanter

doucement,ilrelèvedesyeuxperçantssurmoi.«Mama,justkilledaman,putagunagainsthishead/Maman,jeviensdetuerunhomme,j’ai

misunpistoletcontresatêtePulledmytrigger,nowhe'sdead/J’aiappuyésurladétente,maintenantilestmortMama,lifehadjustbegun/Maman,lavievenaitdecommencerButnowI'vegoneandthrownitallaway/Maismaintenantjesuispartietj'aijetétoutcelaMamaoooh…Didn'tmeantomakeyoucry/Maman,oooh…Jen’aipaseul’intentiondetefaire

pleurerIfI'mnotbackagainthistimetomorrow/Sijenesuispasderetourdemainàcetteheure-ci,Carryon,carryon/Continues,continuesAsifnothingreallymatters/Commesirienn’importevraiment»Mes doigts courent sur les touches sansmême que j’y réfléchisse etma gorge se serre. Cette

chansonfaitremontertellementdechosesàlasurface.«Toolate,mytimehascome,sendsshiversdownmyspine/C’esttroptard,monheureestvenue,

desfrissonsmeparcourentledosBody'sachingallthetime/MoncorpsesttoutletempsdouloureuxGoodbyeeverybody,I'vegottogo/Aurevoiràtous,jedoisyallerGottaleaveyouallbehindandfacethetruth/Jedoistousvouslaisserderrièreetfairefaceàla

réalitéMamaoooh(anywaythewindblows)/Maman,oooh(danstouslescas,leventsouffle)Idon'twant todie,IsometimeswishI'dneverbeenbornatall/Jeneveuxpasmourir, jerêve

parfoisden’êtrejamaisvenuaumonde»Jemanquedesouffleetmavoixsebrisesurlesdernièresnotes.C’esttellementvrai.Combiende

foisj’airêvéden’êtrejamaisvenueaumondemoiaussi…JesursautequandIsaacposesamainsurlamienneetfaitrebondirlestouchessousmesdoigts.Mapoitrines’estreferméeetj’aivraimentdumalàrespirer.Ilserremesdoigts,maisimpossiblepourmoideleregarderenface.Pasaprèscequejeviensde

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chanter.Oud’avouer. Jenesaisplus.Les larmesmenacentde remonter.Ellessontauborddemescils.

MaislavoixdeZacquimurmureàmonoreillemefaitsursauter.«It’salrighttocry/Cen’estpasgravedepleurerEvenmydaddoessometimes/Mêmemonpèrelefaitparfois»Jerelèvelatêteversluietilembrasseleboutdemonnez.Avantdecontinuer:«Sodon’twipeyoureyes/Alorsn’essuiepastesyeuxTearsremindyou,you’realive/LeslarmesterappellentquetuesvivantIt’salrighttodie/Cen’estpasgravedemourirCausedeaththeonlythingyouhaven’ttried/Carlamortestlaseulechosequetun’aspasencore

essayéeButjustfortonightholdon/Maisjustepourcesoir,tiensbon»{5}

Maintenant,sesdoigtsparcourentlestouches.Ilnemeregardeplus,maischantedoucementdesavoixgraveethachée.Jeconnaiscettechansond’EdSheeran.Arizonal’écoutaitparfois.Evenmydaddoessomething.

Mais jenepensaispasqu’Isaac savait aussibienchanter. Je regarde sesmains tatouées,unederoses et de lierre et l’autrede sonmagnifique colibri, qui courent sur le clavier et qui semblent àpeinel’effleurer.

«Solivelifelikeyou’regivingall/AlorsvislaviecommesitudonnaistoutCauseyouactlikeyouare/CartuagiscommesitudonnaistoutGoaheadandjustliveitup/AllezetvistoutsimplementGoonandtellmeyourpath/Vas-yetraconte-moitonparcours»Il s’arrête et j’observe sonmagnifique profil, sa barbemal rasée et sa boucle qui brille à son

oreille.Quandilseretourneversmoi,etquenosyeuxserencontrent,jecessederespirer.Luiaussim’afaitpasserunmessage,non?Isaac se penche, m’attrape le visage entre ses grandes mains, et m’embrasse doucement, tout

doucement.Tropdoucement.Pourune fois, sans réfléchir à ceque je fais, j’enroulemesbras autourde lui et lui rends son

baiser.Incroyable que moi, je fasse ça. Mais j’en ai vraiment envie et me sens de plus en plus en

confianceaveclui.Surtoutdanscesmoments-là.Ilmesoulèveet jeme retrouveassise sur sesgenoux, sabouchecolléeà lamienne, sa langue

autourdelamienne.J’aichaud,terriblementchaud.Jesaismaintenantque jesuiscapabled’aller jusqu’auboutetmêmed’éprouverduplaisiravec

lui.Etchaquefois,cetteidéemelaisseunsentimentincroyabledebien-être.

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Mes seins durcissent tous seuls au contact de son torse contre mon buste, même avec nosvêtementscommebarrière,bienquenousnefaisonsquenousembrasser.

—Humhum…Jesursaute,ouvrelesyeuxetquandIsaacquittemabouche,jerespiredenouveau.Derrière nous, Maggy se tient debout, très droite, un immense sourire aux lèvres, les mains

croiséessursontablier.Mesjouess’empourprentetIsaacseretourneverselle,agacé.—Votrepetitdéjeunerestservidanslepatio.Ellenebougepasd’unmillimètreetcontinuedenousobserver,sonsourirebananefaisantencore

plusressortirsesridesdedamed’uncertainâge.Jedescendsrapidementdesgenouxd’Isaactandisqu’ils’adresseàelle.—OK,merci…,poursuit-il.Durantquelquessecondes,personneneditrien,jusqu’àcequ’ilajoute:—Qu’est-cequ’ilya?Pourquoiturestesplantéelà?Lagouvernante essuie sesmains pourtant propres sur son tablier etme regarde avecdes yeux

bientropbrillants.—Ohrien,iln’yarien.Toutvabien.Ellenoustourneledospourregagnersacuisine.Plusgênéequemoi,tumeurs.—Jedevraispeut-êtrerentrerchezmoi,jemurmuretoutbas.Isaacselèveetmetireparlepoignet.—Non.Pourquoi?Viensavecmoi.Nousnousretrouvonsdanslepatioouj’avaisprislethéavecSloanetmadameSaint-Clair.Unpetitdéjeunerassezcopieuxestdressé.Isaacsemetimmédiatementàtoutdévorer.Moiquine

mangepasbeaucouplematin,jemecontented’unegaufreetdequelquesfruits.—Tu…n’aimespas?Pourquoi…tu…n’avalesrien?Il parle la bouche pleine, ses joues gonflées de tout ingurgiter comme un vorace. Quel mal

élevé…—Si.Jenemangepasbeaucouplematin,c’esttout.—Pourquoi?Nemedispasquetufaisattentionàtaligne,t’esmaigrecommeunclou.J’enrestecoiteetblêmisd’uncoup.Ilmetrouve«maigrecommeunclou»?—Je…,maisnon,cen’estpascequejevoulaisdire…,c’estjusteque…—Çava,j’aicompris.Jeboisunegorgéedethépourmedonnerunecontenanceetneleregardeplus.Detoutefaçon,

peuimporte,jeneseraijamaisassezbienpourpersonne.Tropgrosse,tropmoche,tropimpopulaireavantetmaintenanttropmaigre,troppâle,troptoutetn’importequoi.

JenesuispasAmbreavecsacheveluredeBarbie,sesjambesdemannequinetsondéhanchéde

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Cubaine.Uncrid’animalétouffémefaitsursauter.JetournevivementlatêteversunedesportesdelamaisonetaperçoisSloanunedemi-seconde

avantqu’ellenesejettesurmoipourm’enlacer.Tropsurprise, je reste immobilealorsqu’ellemeserrepuisse reculeen tapantdanssesmains

commeunegamine.EllemefaitvraimentpenseràArizona.Sloansouritaussietmesignedeschosesque jenecomprendspasavecuneeuphoriepalpable.

Elle s’assied en face demoi et hausse les sourcils suggestivement en direction d’Isaac. Je pique ànouveauunfardalorsqueZacgrogneuntrucincompréhensibleetquesasœursesertengaufresetenfruits.

Je laregardemangeravecautantdevoracitéqu’Isaac. Ilsnesontpeut-êtrepasfrèreetsœurdesang,maisilsontdegrospointscommuns.

Jenemesenspasdutoutàmaplace.Impossibledenepasfixermonassiettequejen’aimêmepasfinieàcause,oupeut-êtregrâce,àlaremarquemalplacéed’Isaac.

Jesoupiresansmêmem’enrendrecompteetneremarquepasquecederniers’estlevéetmetendàprésentlamain.

—Viensavecmoi.—Oùça?—Tuverras.Viens.J’enaiunpeumarredes«tuverras»aveclui.Jenesaisjamaisoùjevaisatterriretilm’oblige

presqueàluifaireconfiancecommeça.Jememetsdebout,maisneluiprendspaslamain.Ilsoupire.Nous quittons Sloan, qui nous observe, apparemment amusée, et nous nous faufilons jusqu’à

l’étage.Quandilmefaitentrerdanssachambre,jemesenstoutàcoupmoinssûredemoi.Vraiment,jen’airienàfairelà.Cen’estpasmonmonde.Ilditquenoussommes«ensemble».Maisfinalement,jeneseraijamaisassezbienpourlui,ça,

c’estunevérité.Etjesaiscommenttoutcelavaseterminer.—Tuesfâchée?—Non.Jemedirigeimmédiatementverslafenêtrepourchercherunpeud’airquandilrefermelaporte.

Sachambreestvraimentimprégnéedesonodeur.Jeremarquetoutdemêmequ’elleestbienmieuxrangéeetbienplusproprequelapremièrefoisquej’ysuisvenue.

—Jenevoulaispasdireçadanscesens.Jedisaisjustequetuesbienfoutue,tupeuxmangercequetuveux.Tun’espasobligédetoujoursfaireattentionàtout.

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Jem’assiedsauborddesafenêtrequimerappellecelledelachambrequej’avaisàCarmeletquiétaitenvahiedepeluches.

Surlasienne,ilyauniquementuncendrierpresqueplein.—Tucroisquej’aiperdutoutcepoidsennefaisantpasattentionàcequejemangepeut-être?

LaissetomberZac,tunecomprendraispas.Isaacserapprocheets’installeprèsdemoi.—Tuesparfaitecommetues.Mêmesitugrossissaisunpeu,tuseraisparfaite.T’asraison,jene

comprends pas lesmeufs qui font toujours attention à tout et qui ne bouffent rien, c’est n’importequoi…

—Jesuisboulimique!Depuismonenfance!Tupeuxlecomprendreça?!Jemesuismiseàcrierenlefixantrageusement.Jemerendscomptequejenesuispaschezmoi

etquejeviensdehurlerdanssapetitechambre,maisimpossibledel’exprimerautrement.Nousnousfixonsunmoment.Moiaveccolèreetdéfis.Oui,jeledéfisderelevercequejeviensdedire.Jejurequejem’envaissurlechamps’ilose.

Et lui ne m’observe avec aucune expression apparente. Avant de se détourner et de prendrecalmementuneclopedanssapochepourl’allumer.

RespireMia.Inspire.Expire.Recommence.Ilmedonneenviedehurleràêtreaussicalmequandjesuissi…virulente.J’hésiteàmeleveretàfoutrelecamp.—OK.—Quoi,«OK»?jecrache,mauvaise.Ilparle,sacigaretteencoreéteintependantauboutdeseslèvres:—OK,répète-t-ilcalmement.J’aicompris.Ilsuffisaitdeledire,tuvois,pasdequoienfairetout

unehistoire.Tun’espasobligéedemecrierdessus.Lesfillesnelefontpasd’habitude.Ousaufsi…Jemesuislevéebrusquementenlebousculantetouvrerageusementlaportepourpartiràgrands

pas.Espècedecrétin!Jeravalemeslarmescontenues.Enmoinsdedeuxsecondes,jesuisretournéeparsesbraspuissantsetplaquéeaumurducouloir.Isaaccollesonnezaumienetm’écrasedetoutsonpoids.— Je suis désolé. OK, je m’excuse.Mais ne fais pas ça. Ne pars pas comme ça quand on se

dispute.C’estnormalpouruncoupledesedisputer,surtoutpournous.Maisjet’interdisdetebarrercommeça.

Uncouple?Nous,uncouple?!—Jenesuispascommecesfillesquetufréquentes,Isaac.Tunepeuxpasmeparlercommeçaet

croirequeçanemefaitrien.

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Ilsoupireetcalesonfrontcontrelemien,sesmainstoujoursreferméesautourdemesbraspourmemaintenirsouslui.

—Jesais.J’apprendsavectoi.J’apprends,tucomprends?Alors,t’enfuispascommeça.Jeravalelabouleaufonddemagorgeetlaissematêtereposerdanssoncoualorsqu’ilmetire

pourmeserrercontrelui.Jenemesuisjamaisautantsentieenapesanteurquedanscesbras.Tantôtencolèreethargneuse,tantôtmalléableetincroyablement…attachée.J’appuiemesmainsdanssondosetsenssachairchaudesousmesdoigtsfins,àtraverssont-shirt.

Jemelaisseprendredanssonodeuretfrottemonnezsursapeau.Vraiment,jen’aiaucuneidéedecequejefaisaveclui.Pourquoijemeretrouvelà,pourquoije

suisiciaprèstoutcequ’ils’estpassécesdernièressemaines.Jesaisjustequ’ilmefaitvivredeschosesincroyablesetqu’ilmefaitressentirdeschosesqueje

n’aijamaisressenties.Unemyriadedesentimentsetd’émotions.—Oh!UnpetitcriperçantnousfaitsursauteretnoustournonstouslesdeuxlatêteversmadameSaint-

Clairsortiedesachambre,enrouléedansunlongkimonodesoiebleuciel.Jesuisfigéeetnebougeplusd’unpoil.Isaacsedétachedemoi,maislaisseunbrasautourdematailleetsamainsurmahanchequime

brûle.—Malou,tuconnaisMia.MadameSaint-Clairafficheuneexpressiontotalementsurprise,maistrèsvite,ellemesourit.—MademoiselleGilmore…,oui,jemesouviens.Vousêtesicipourrécupérerunautrecarnet?Jemesensrougirdespiedsàlatête.Isaacmetirecontrelui.—Non,onestvenuprendrelepetitdéjeuner.Miaetmoisortonsensemble.C’estcommerecevoiruncoupsurlatête.Violent.Mesjambesvacillenttoutesseules.Merde!Ilpourraitpréveniravantdelâcherunebombecommecelle-là!Jemeretournerapidementversluipourleregarderavechorreurtandisqu’iléchangeunsourire

suffisantavecmadameSaint-Clair.Cettedernièreahaussélessourcilsdesurpriseavantdelesfroncer.Est-cequeçaluiposeraitun

problème?Est-cequeçameposeraitunproblèmeàmoi,d’ailleurs?—Oh,répond-ellesimplement.D’accord.Jevaisdescendre…—Onestdansmachambre.IsaacmetirevivementparlebrasalorsqueMadameSaint-Clairnousobservedisparaîtrederrière

laportedebois.

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Àpeineclaquée,jemeretrouveemprisonnéedanssesbrasetnoustombonssursonlit,ensemble.—Non,jet’enprie,jeprotesteententantdemerelever,pasici.Ellesvontnousentendre.Isaacmeforcedenouveauàm’allonger.—Tupeuxjusteresterlà,bordel.Onnevarienfaire…Jemelaisseretomberaveclassitudeetfixesonplafondnoircidesonécriturefiliforme.Maisjesenstrèsvitesamainsefaufilersouslesmailsdemonpulletseposersurmonventrequi

secontracteinvolontairementsoussesdoigtsfroids.—Tupourraisdormirici,cesoir.Jem’étranglepresque.—Quoi,ici?!—Oui.J’aicoursdemain,maiscen’estpasunsouci.JesaisqueçanedérangeraitpasMalou.—Non,jenevaispasdormirlà,Zac!T’escomplètementfou!Jenepeuxpasresterici.C’est…

Jenesaispas,c’esttroptôt.Ilhausselessourcilsavantdelesfroncercommevientdelefairesatutrice.—Commentça«troptôt»?Çachangequoiquejedormecheztoietquetoitudormesici?Ilveutvraimentquejeluiexplique?—Ça change tout. Et puis…on n’est pas obligé de…dormir ensemble tout le temps. Je veux

dire…,c’esttoutnouveautoutçaet…Isaacseredressebrusquement.—T’esentraindemedirequejevaistropvite?Jepeuxlaissertombersic’estlecas.Jepensais

quetuavaisbesoind’êtreenconfiance.Jefaistoutpourtemontrerquecen’estpasunehistoirejustecommeça.Toietmoi,cen’estpasduvent.Maissij’enfaistrop,alors…

—Non,cen’estpasça,Zac.Jeneveuxpasquetutesentesobligédequoiquecesoit…—Onn’apasdéjàeucetteconversation?Jesoupireetmeredressepourm’asseoiràcôtédelui.C’estdurdesecomprendretouslesdeux.—Oui,maisje…—Vafalloirquetoi,tusachescequetuveux,Mia.Cettefois,ilselèvevraimentpourfumersacigaretteàlafenêtre.Jedécided’êtrelaplushonnête

possibleetparledoucement.—Jenesaispascequejeveux.J’aibesoinderéfléchir.Toutça…toietmoi…c’est…c’esttrop

rapide…—OK,alorsrestonsenlàpourl’instant,m’assène-t-ilencrachantsafuméedanslachambreetse

dirigeantbrusquementverslaportepourl’ouvrirengrandetmefairesignedesortir.Jeresteuninstantabasourdieparsaréaction.Jenem’attendaispasàça.—Jeteramènecheztoi.Detoutefaçon,j’aimieuxàfaireaujourd’hui.Ilparledurementtoutenfixantunpointau-dessusdematête.

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Avec le cœur lourd de culpabilité, je me lève pour passer devant lui et descendre au rez-de-chaussée.Ilestencolère.Etfranchement,jenepeuxpasleluireprocher.Quiperdraitsontempsavecquelqu’unquinesaitvraimentpascequ’elleveut,commemoi?

Enfait,jesaistoutaufonddemoicequejeveux.Celamefaitjustetrèspeur.Etilmesurprendàannonceràtout-va,commeça,quenoussommesensembleouquejedevraisvenirdormirchezlui.Ça va bien plus vite que je ne l’imaginais. Je ne pensais pas,même après la nuit que nous avonspassée, qu’il voudrait qu’on passe autant de temps tous les deux.Très honnêtement, jem’attendaisplusàcequ’ilme laisseunpeudecôté.Coucherensemblenepeutpas signifierpluspour luiquepourmoi.

Impossible.**

Quandj’enfilelecasquedeSloan,ilnem’aidepascommed’habitudeàlefaire.Ilestdéjàéquipéetattendsquejemontederrièrelui.Cequejefais,unpeucrispée.

Àmoto,noussommesàcinqminutesàpeinedechezmoietquandIsaacsegaredevantl’arrièredelavieillemaison,jedescendsrapidement.

M’apprêtantàenlevermaprotection,ilm’arrêtedelamainetparleàtraverslesien.—Garde-le,jelerécupéreraiplustard.Et il s’éloigne tout simplement sans attendre que je réponde, sa moto laissant un nuage de

poussièrederrièreelle.Jeresteunmomenthébétée,àfixerl’angleparlequeliladisparusansmêmemedireaurevoir.Sansdoutel’ai-jemérité.Maisçafaitmal,toutdemême…Quandjeremontel’escalierduporchedelamaison,moncasquesouslebras,lavued’unpaquet

posésurlepasdemaporte,mefaitmefiger.Unpaquet?Pourmoi?Ilestblanc,soigné,deformeallongée,avecunrubannoirau-dessus.J’hésiteunmomentavantdeleprendre.Maismacuriositél’emporteetjel’emmèneàl’intérieur

avecmoi.Minuitmiauleàmonarrivéeetvients’installerentremesjambesquandjem’assiedssurmoncanapé.

Unàun,jedéfaisminutieusementlesnœudsdurubannoirquienrubannelepaquetquimesemblebienluxueux.Mamère?Non,cen’estpassongenre.

Alorsqui?Je retiensma respirationen l’ouvrant etme fige. Ilyaunbouquetde roses rouges.Unepetite

huitainederosesouvertesetsurtoutfanées.Ellessonttoutesflétries,commesionlesavaitlaisséestroplongtempssanseauoudanslaboîteavantdelesenvoyer.Unepetitecarteaccompagneledrôledecadeauetunmessageyestinscrit.

«Ilyaunechosequejen’auraisjamaisimaginée.Onpeutvivretoutesaviesansbut.Querienne

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teblessevraiment,rienneterendréellementheureux.Tuvisparcequetuvis.Parcequetun’espasmort.»

C’estquoicesconneries?Quipourraitavoirseulementl’idéedem’envoyeruntruccommeça?Jereposelacarte,refermelaboîteetresteunmomentàcogitersurmoncanapé.EntrecetructrèsbizarreetcettesituationcompliquéeavecIsaac,jenesaisplusàquoipenseren

premier.

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5

ToutescesfemmesprochesducielIsaac

—Tuvastedécideràmeparlerouiounon?Renfrogné, je fixe implacablement levidedevantmoien fumantmacigarette. J’aipresque fini

monpaquetalorsquejel’aiachetéhier.C’estsûrquejevaiscreverd’uncanceroud’uneconneriecommeça.

—Zac…MiguelrelèvelatêtedelaDucatiqu’iltentederéparer.Ilessuielasueurdesonfrontd’unrevers

de lamainet laisseunegrande tracedecambouisà laplace.Commebeaucoupdenosdimanches,nousnousretrouvonsdansl’arrièregaragedeLukeàbricoler.Enfin,j’avaislaisséunpeutombercesdernierstemps,maisça,c’estàcaused’elle.C’esttoujoursàcaused’elledetoutefaçon.

—Iln’yarienàdire.Mon meilleur ami plisse des yeux et nettoie la bougie qu’il va remplacer sur la bête en me

regardantpernicieusement.—Jenetecomprendspas.Aucundenousnetecomprendplus.OK,ellen’estpastropmal.Mais

merde,desmeufsbonnesilyenaàlapelleici!Ellet’aretournélecerveau,mec!—Ellearienfaitdutout.Tagueule.Miguelsecouelatêtealorsquejefulminedel’intérieur.Ellemerejette,encoreettoujoursmalgrétoutcequej’aidéjàpuluidire,malgrétoutcequej’ai

déjàfaitpourluimontrerquecen’estpasduventtoutça.Etenplus,ilfautquejemejustifieaveclesgarsetquejemetapeleursréflexionsàlacon.

—C’estça.TuasmistonpoingdanslagueuledeGabetellen’arienfaitdutout?Quoi,meditpasquec’étaittonmeilleurcoupaussi…parcequedanscecas-là,jeveuxbienes…

Jemesuislevéd’uncoup,lespoingsserrésetlesangpulsantintensémentdansmesveines.—Ferme-laavantquejetecasselesdents!Miguel laisse échapper un petit rire supérieur et se lève en rejetant le torchon sale et plein de

graisse sur son épaule nue et dégoulinante de sueur. Le sourire arrogant qu’il arbore me donneencoreplusenviedeluifoutremonpoingdanslagueule.

—Ehmerde,mec.T’esfoutu.T’escomplètementperdulà.Tut’enrendscompteaumoinsquet’esamoureux?

—Tagueule.J’écraselemégotdanslecendrierpleinetm’adossedenouveauàl’établisaleetpleind’outilsde

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Lukeenmemassantlanuqueetenfermantlesyeux.—Cen’estpasça.Jesauraispasl’expliquer,mais…cen’estpasça.Çanepeutpasêtreça.—Depuisquejeteconnais,jenet’aijamaisvutenducommeça.Mêmeaprèstoutecettehistoire

demerdeavecLara.Miaestentraindeteretournerlecerveau.Maisparle-moi,putain!Ellevitdanscettebaraqueàlacon,OK,çanet’empêchepasd’êtreaussiàcranquandt’esavecelleetquandonparled’elle.Onatouscompris,mec.Jevoislafaçondonttularegardes…Çat’avraimentfaitchierqu’onaitvisionnécettevidéo.Avant,tutefoutaisdecegenredetruc.

Detous,Miguelestceluiquiparlevraimenttrop.J’enaipresquemalaucrâne.Pourtant, il finit par se taire et attends que je lui réponde quelque chose.Mais qu’est-ce que je

pourraisdire,bordel?!—Écoute,jenesaispasOK!Elle…on…Miaest…pfff…j’ensaisrien.Çanet’estjamaisarrivé

toi,d’êtreenprésencedequelqu’unquitedonneconstammentl’impressiond’êtreaubordduvide,aubord de toi… Jemanque souvent d’air avec elle,mais depuis que je la connais, j’ai l’impressionque…

Lesmotss’étranglentdansmagorge.CommentMiguel,oun’importelequeld’entreeux,pourraitycomprendrequoiquecesoit?Moi-

mêmejen’ycomprendsrien.Ilaraison.Ellem’aretournélecerveau.Etautrechoseaussi…—Quequoi?insisteMiguelavecunairimpénétrable.—Que…toutestfadeetinsignifiantàcôté.Çamefrappecommeunpoinggantéenpleinetronche.Enledisant,j’ail’impression…,non,je

saisquec’estvrai.Elleestsipetiteetfragile.Etpourtant,quandelleestlà,elleprendtoutelaplace.Elleattiretoutelalumièreautourd’elle.Ellem’éblouit.Etcesentimentmefaitperdremesmoyens.Oui,àmoi.

—Tuasplutôtintérêtàfaireattention.JerelèvelatêtevivementautonfroidetdangereuxdeMiguel.Ilmepercedesesyeuxnoirs.—Àquoi?—Àtoi.Jedoisterappelerqu’onnesaitriend’elle?Tuluifaisconfiancetoi?Jedéglutisetnousnousfixonsenchiendefaïenceunmoment.Jesaisqu’ilaraison.Maisellea

peur.Dequelquechose.Oudequelqu’un.Peut-êtrejustedesonpassé.Maisjesaisqu’aufond,elleestdifférente.Moi,jen’aipaspeurdequielleestetdequielleapuêtre.Sansdouteparcequecettepartd’ellesimystérieuse,sisombreetunpeufragmentée,ressembleàlamienne.

— Je lui fais confiance, je m’entends répondre machinalement. Elle est la personne la plushonnêteetlaplus…enfin,lamoinsfausse,quejeconnais.

—Tunousoubliesouquoi!Jesoupireetmemetsdeboutpourfairelescentpas.—C’estpaspareil.Vous,jevousconnaisdepuislongtemps.Troplongtemps.Elle…jesensque…

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c’estdifférent,tuvois.Cen’estpascommeaveclesautres.—Lesautresmeufs?demande-t-ilencore.—Ouais.—Putain,elledoitêtresacrémentb…Ilsetaitvivementsousmonregardmeurtrieretlèvelesmainsdevantluiensignedereddition.—OK,j’airiendit.Écoute,jenepeuxpasdirequejetecomprendsvraiment…,mais…,disons

quesiellecompteàcepointpourtoimaintenant,alors…onaplusqu’àfaireavec.Quandmespiedsbutentcontrel’étagèredufond,jefaisdemi-touretfouillemachinalementdans

mapoche.Maisensecouantmonpaquet,jemerendscomptequ’ilestvide.Ehmerde.Vraiment,jesaisquejefumetrop.—Ilfautquetufassesuntrucpourmoi,cesoir…

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Mia—Tuasl’air…différente.Je remonte la caméra au-dessusde l’écran etmapetite sœurm’observe, lesyeuxpratiquement

collésausien.—Commentça?jedemandeenessayantdem’empêcherderougir.—JenesaispasMymy,tuasl’air…heureuse.Heureuse?Jenel’aiplusétédepuistellementlongtempsquejenesuispassûredereconnaîtrele

bonheurs’ilfrappaitàmaporte.C’est vrai que j’étais bien… avec lui.Mais nous n’avons fait que nous disputer depuis hier et

maintenant,c’estchacunchezsoi.Alorsheureuse…—Amy!Jeteparle…tum’écoutes?—Mia,Arizona,Mia.Arrêtedem’appelercommeça.Commechaquefoisquejeluifaislaremarque,Arifaitlagrimaceetsedétournepournepasme

regarderenface.—Nousallonspouvoirdéménager,tusais.Aveclesdeuxboulotsquemamancumule,onvapeut-

êtrepouvoirseprendreunappartqu’elleadit.—Ahbon?C’estgénialça.J’aihâtedevousvoir.Vousmemanquez!Etc’esttellementvrai.Ilmetarded’êtreàNoël.Jesaisquecen’estquedansdeuxmoisetdemi,

maisj’aihâte,vraimenthâte.Arizona sourit de toutes ses dents, ce qui fait gonfler ses pommettes.Elle est adorable comme

tout,masœur.—Toiaussitunousmanques.Uncoupbrusquefrappéàmaportemefaitsursauter.Bordel!Lefaitquelesgensviennentets’arrêtentparl’avantdecetteénormemaisonmedésespère.Jene

lesentendsjamaisarriver.—IlfautquejetelaisseAri.—Déjà?—Oui,maisonserecontactetrèsvite.Faisunbisouàmamanpourmoi.Mapetitesœurm’envoieunbaiservoléetjecoupeSkypepourallerouvrir,surmesgardesetle

cœurunpeupalpitant.Est-cequec’estIsaacquiestrevenu?J’espèretellementquec’estlecas,maisjesuistropfière

pourl’avouerneserait-cequ’untoutpetitpeu.Quandj’ouvrelaported’entrée,jemefigeuninstant,complètementinterloquée.Troispairesd’yeuxmeregardentfixement.Despupillessombressousuntraitd’eye-linerépais

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comme un petit doigt.Unmagnifique regard vert sous une frange de cheveux blonds, et un autrenoisette.

Anthea,L.A.etCollinesetiennentdevantmoi.—Salut!Onpeutentrer?entonnejoyeusementColline.Elle me bouscule presque et pénètre dans la maison…, ma maison, comme une star dans ses

talonsaiguilles.Destalonsaiguillentundimancheaprèsmidi?L.A.me fait un sourireplusque contrit et s’avance en jetant des coupsd’œil indiscrets partout

autourd’elle.Maintenantque jesaisqu’elleétaitunedesmeilleuresamiesdecetteLara, jenesaisplusquoipenserd’elle.Est-cequ’elle supportede revenir ici?Est-cequecen’estpas tropdurdevoirquemoijevislà,àlaplacedesameilleureamiedécédée?

Antheaestlaseuleàêtrebienplussurlaréserve.Ellemefaitunsouriretoutgentiletattendprèsdelaporte.

—Salut.Je…vous…Antheaouvrelabouchepourparler,maisL.A.l’interromptenselaissanttombersurmoncanapé.—NoussommeslàparcequenousavonsapprisquetusortaisavecIsaac.C’esttrèsjolicheztoi.

MonsieurDavisabienrefaitcettemaison.Est-cequetuaslecâble?Interdite,jemetsuninstantavantderépondreetsecouelatêtecommepourleschasserdemavue.

Ellesnepeuventpasvraimentêtrechezmoi,affaléesdansmoncanapésansyêtreinvitées,commeM.J.ouZac.

—Je…oui…,oui…—Cool.Elle attrape la télécommande et zappe sur plusieurs chaînes alors queColline trace dubout du

doigtundescroquiscollésàmonmur.Elledessinelalignedemoncouetdemonépaulesuivantletraitdecrayon.

—Tuasbeaucoupdetalent.ZacetMiguelm’enontparlé.C’estsuperbe.—Euh…merci…,jebredouille.Anthea,quienavisiblementmarrederesterplantélà,faitletourdusalonenexaminantletout.—Alors…,çafaitquoidefairepartiedelabande?demandeColline.Jen’arrivepasàcernercettefille.Elleestbelle,magnifiquemême,maisultrasuperficielle.Elle

estapprêtéejusqu’auboutdesongles,bling-blingetmodeuseàfond.Maiselleaunsouriresisincèreetunefaçondeparlersidouce,quecelaesttotalementàl’inversedesonlooksulfureux.Jelesais,pouravoirdiscutéunsoiravecelleaubar.

Cequej’ignore,c’estlanaturedesesliensavecIsaac.Etça,c’est…—Pardon?—TusorsavecZacmaintenant,alorsjetedemande,cequeçatefait?

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Lerougememonteauxjoues.—Je…jenesaispas…L.A.hausselesépaules.—Qu’est-ceque tuveuxqueça lui fasse, ellen’est jamais sortieenpublicavec lui.Etelleest

nouvelleparici.Mercideparlerdemoicommesijen’étaispaslà.—Onvaremédieràça.Collineselèveetgrimpelesmarchesdemonbureaupourmonterdanslamezzanine.—Tuasdesfringuesàtemettrepoursortirautrequecejogginginforme?crie-t-elled’enhaut.Jebaisselatêtesurmonjoggingrosepâle«informe»danslequeljemesensbien,surtoutquand

j’aiungroschagrin,quejesuismaladeouquej’aijusteenvied’êtreconsolée.Ilestuséjusqu’àlacorde,maisjen’aijamaisvoulum’enséparer.

—Jesuissûrequetuasdetrèsbelleschoses,meditAntheaavecdouceur.Etpuis,cen’estpaspourçaqu’ilsortavectoi.

— Oui, mais ce n’est pas une raison pour porter ce truc, indique L.A. en lorgnant sur monpantalon,uneexpressiondelégerdégoûtsurlevisage.

OK,cen’estpasletopduglamour,maisellepourraitéviterdemecritiquerenétantchezmoi,non?

Etpuisd’abord,ellesfontquoilà?!—Ellepourraitmettreça,non?Unbrasdépassedelamezzanineavecundemestopsendentellenoireetlesfillesapprouvent.—Ouais.—Carrément!Ellefouilledansmesaffairesenplus!Jemesensrougirjusqu’àlapointedescheveuxetçan’estpasdehonte.Lespoingsserrés,jeme

contiensdehurlerdefrustration.Est-cequetoutlemondeestaussimalélevéparici?—Qu’est-cequevousfaites?—Onestvenuet’emmeneravecnous.Quoi?Commentça?—Où?!Lesfilleséchangentunsourirecomplicesansrépondre.Enhaut,CollinebranditmapairedeManoloBlahnikpar-dessusnostêtes.—Ellessontcanons,celles-là!Tupourraislesmettrecesoir.Cesoir?Qu’est-cequ’ilyacesoir?—Jeneporteraijamaisdetalonsundimanche,sanssavoiroùjevais.Antheaselèveetposeunemaincompatissantesurmonépaule.

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—Cesoir,tunousaccompagnesdanslafosseauxlions,mabelle.Etsitun’espashabituéeauxtalons,alorsunconseil…,nelesportepas.

L.A.croiselesbrasderrièresanuqueenmejaugeantdelatêteauxpieds.—Dommage.Mamèredisaitsouventqueporterdestalons,rapprochelafemmeduciel.

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6

Lachutedel’AngeMia

«Onnesaitpasprécisémentoù lesangesse tiennent, sic’estdans l’air,dans levide,dans lesplanètes:Dieun’apasvouluquenousfussionsinstruits.»

VoltaireQuatrepairesdetalonsquiclaquentsurl’asphalte,à21heuresundimanchesoir.Avectoutcecuir

quenousportonsetnosjeansserrés,ondiraitpresquelesfillesdeCoyoteGirl{6}.Je refermemon perfecto de cuir surmon t-shirt en coton noir tout simple.Avecma queue de

cheval,jen’airiend’unefemmefatalecommeellestrois.Ellesontgagnécettebataille,maispaslaguerre.J’aifiniparportermesManolo,maispasletop

endentelle,nilerougeàlèvresécarlatequeL.A.atentédememettre.Surtout qu’en entendant les bruits derrière les grands bâtiments de tôle et de briques et aux

commentaireséchappésd’Anthea,j’aiunevagueidéedel’endroitoùnousallons.Maisqu’est-cequejefaisici…Dansquoijemesuislaisséeentraîner?Il fait presque froid au bord de l’eau. Je remonte la fermeture de ma veste jusque sous mon

menton et laisse la briseme caresser le visage. Il fait nuit noire et nous sommes sur les docks.Àl’entréeduport,interditeàcetteheure-ciauxbadauds.Antheaverrouillesavoitureetjesuislesfillesdanslaruellesombrejusqu’aubrouhahaquis’élèvedeplusenplus.

Moncœurestsurlepointderompremacagethoracique.Parcequelebruitdesmoteursqu’onaccélèreetqu’onfaitrugir,l’odeurdel’essence,lafuméedecertainspotsd’échappementquimontedansl’air,toutcelameparvienttrèsclairement.

Isaacestvraimentencolèreouilmeboude,parcequejen’aireçuaucunmessagedelajournée.Sera-t-ilprésentcesoir?Est-cequ’ilsaitquelesfillessontvenuesmechercherchezmoi?Est-cequetouslesgarçonssontlà?J’aivitefaitd’avoirmaréponse.Audétourduplusgranddesbâtimentsindustrielsconstruitssurlesdocks,prèsdecentmotossont

alignées.Certainessontgarées,d’autressontenpleinedémonstrationdevantdesgroupesd’hommesetdefemmes.Ilsontlesyeuxbraquéssurellesetsontadmirées,observéessoustouteslescoutures,quandleurspropriétairesnesontpasdessusentraindeparticiperàdescoursessauvagesquileurfonttraverserlepontsuspenduquimènedel’autrecôtédelacôte.

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Desmotards, des amateurs, des filles, des garçons de la vingtaine à la trentaine, traînent là enécoutantde lamusique forte, endiscutantde tout etn’importequoi.Certains sont siprisdans leurbaiser,embrassadeetautrecâlinplusquechaud,qu’ilsn’enont rienà fairequed’autres soiententrain de lesmater.On dirait les scènes super torrides deDirtyDancing quand l’actrice principaledécouvrelasallededanseclandestineoùlescorpssemeuventdefaçontrès,très,suggestive.

Heureusementquetoutlemondenefaitpasça.Ilyenacertains,tropalcoolisés,quichantentàtue-tête,amusentlagalerieoucherchentàfairelafête,toutsimplement.

Lesfilless’arrêtentplusieursfoispourdiscuterousaluerdesgensqu’ellesconnaissent.Jenemesenspasdutoutàmaplace.

Et jecroisqueColline l’acompris.Ellem’attrapepourm’entraîner,brasdessus,brasdessous,versungroupeàl’écartcontreunmurenhauteurquiparlefort,ritetfaitdubruit,commesinousétionsdevraiescopines.

Cequejenepeuxm’empêcherderemarquerquandnousnousapprochons,c’estlegrillagetorduetrouillé,quiestjonchédefleursartificiellesetdetasdebabioles,commedesbracelets,descamées,des vestes ou des gants de moto usés…, et aussi de photos. Tout un tas de photos, des visagessouriants, d’autres plus graves, des portraits ou des clichés de groupe très marrants. Il y a unemultitude de dessins et également de graffitis. Et ce quime fait ralentir le pas, c’est la vue de sesdizainesdepetitesbougiesblanchesalluméessoustoutescesoffrandesetobjetsdemémoire.

—Chacunsafaçond’honorersesmorts,memurmureCollineencontinuantd’avancercommesiderienn’était.

Moi, j’ai ralenti encore le pas, parce que sur une photo, accrochée au fil de fer, j’ai reconnuquelqu’un.LesouriremystérieuxetlalonguechevelurechâtaindeLara.

Cen’estquelorsquejediscernelerirerauquequirésonneàmesoreillesquejemedétournedecemonumentauxmortsimprovisé.

IsaacestassissursaTriumphetritdejenesaisquoi,avecungarsquejeneconnaispas.C’est lamême impression que lorsque je l’ai vu la première fois, en puissancemille. Il est à

couper le souffle.Dansson jeansstone, son t-shirtplusmoulantqued’habitude, savesteHelstons-Chevignonquisentbonlecuiretsesbottesàlacetsdéfaits.Ilémanelavirilitéetlasensualitéàdeskilomètresàlaronde.Biensûr,lesautresnesontpasenresteetaumilieudetoutecettetestostérone,jemesensmoinsàmonaisequelaplupartdesfilles.Maisimpossibledenepasprendreencomptelesfrissonsdeplaisirquimeparcourentl’échinedudosquandjeleregarderireauxéclatscommeça.

Ilal’airsiinsouciant,si…heureux.Etmaintenant, je leconnais,unpetitpeuaumoins. Impossibled’oublier lavisionde luinuau-

dessus de moi. J’étais terrorisée et il était magnifique. Il a été tout ce que je n’aurais jamais puimaginer.Etbienplusencore.

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—Freckles!Quelqu’unmepasseunbrasautourducouetjemanquedetomberenmeretenantsurmestalons.Ashtonm’embrassesurlajoueenm’enserrantlementondurement,presqueàmefairemal.JetentedelerepousseretvoisIsaacseretournervivementversnous.Lesfillessontdéjààleuraiseparmitouslesgarçons.LesAnges,à l’exceptiondeMiguel,sont là,etd’autres typesetnanasquejeneconnaispas.Ils

semblenttoustrèsamis.—Tuasdécidédetemêlerànous,çayest?T’arrêtesd’êtrelachieusedeservice?Ilpuel’alcoolàpleinnezetsurtoutjeremarquel’expressiondéfaitequ’ilamalgrésesyeuxtrop

brillantsetrougisparl’odeurd’herbequejesensdansl’air.Tantbienquemal,jetentedemedégagerdesesbras.IlbranditunebouteilledeJackDaniel’sen

l’airetmelatendetmelamettantsouslenez,quasimentdanslabouche.Jelerepousseetgrimace.—Arrête…,t’escomplètementbourré.—Ah…non…,pasencoretotalement…Ilritgrossièrementetsacoupedecheveuxbizarrenebougepasd’unpoil.L’expressiondesonregardmefaitdirequ’ilrit,faitl’insouciant,lejoyeux,maisnevapasbien

dutout.Parcequej’avaislemêmeregard.L’alcool ne fait rien oublier et n’arrange pas les problèmes. Il ne les allège même pas, au

contraire,illesempire.—Salut…Jemeretournevivementquandunemainseposedansmondos.EtjemeretrouvefaceautypequidiscutaitavecIsaac.Beaugosse,lescheveuxtrèsbienpeignés

enarrière, avecunbrindeperversitédans lesyeuxet le sourirede tombeur.Legenredemecquibriselecœurdesfilles.

Boncen’estpascommesiIsaacn’étaitpasnonpluscegenredegars,hein?—Euh…salut.—Onneseconnaîtpas,dis-moi,jet’aijamaisvueici.Il joueaveclecure-dentqu’ilaenbouchedepuistoutàl’heureetjenepeuxm’empêcherdele

fixerquandilparle.—Non,jesuis…—Ellen’estpaspourtoi!rugitIsaacdanssondos,mefaisantsursauter.L’armoire à glace se retourne et hausse les sourcils. Isaac m’observe intensément durant un

instant, toute traced’enviede rire ayantdisparûtde sonvisage, avantde reporter sonattention surl’amiaveclequelildiscutaitetplaisantait,iln’yapascinqminutes.

Leregarddu typefaitdesallers-retoursentrenous,commelaplupartdesgensautouret jememetsàtripoternerveusementmabague.

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—Ooooh…OK,mec,t’affolepas.Jen’ytouchepas.Noway…{7}

Illèvelesmainsdevantluietseretourneversmoienmedétaillantdelatêteauxpieds,avecunsourirevraimentrailleurauboutdeslèvres.

Toutd’uncoup,j’aicesentimentdefaireunbondenarrièredeplusdedeuxans.Quandlesamisde Deacon me dévisageaient de la même manière et se moquaient du fait que je lui appartenaiscomplètement.

Monsangnefaitqu’untour.JefusilleIsaacduregardetmedétournepourpartirm’asseoiràcôtédeM.J.quiestàcalifourchonsursaHornet.

Ilmesuitdesyeuxetplisselespaupièresenuneexpressionindéchiffrable.Qu’est-cequ’il pensait ?Que j’allais jouer lesAmbre etme jeter à son cou en l’appelantmon

amourcommeellelefaisait?M.J. esquisse un sourire en coin quand je viens me mettre près de lui, mais ne fait aucune

remarque.— Salut, je dis doucement en glissant mes poings dans mes poches pour me donner une

contenance.Lesautresontreprisleursconversationsetleursbrouhahas.Collinevaseposeràcôtéd’Isaacetjenemanquerienduregardcomplicequ’ilséchangentnila

maind’Isaacquisefaufiledanslasienne.Illuitendquelquechosedepliéentresesdoigtsetellelefourredanssapoche.Unbillet.

Monsangnefaitquemonterenpression.Est-cequ’ill’apayépourm’emmenericicesoir?M.J.metendsonverre.Jeneprendsmêmepaslapeinederegardercequ’ilyadedans.—Salut.T’enveuxunpeu?—Non,merci.—Qu’est-cequetufaislà?Jedoutequecesoitlegenred’endroitoutuasl’habitudedetraîner.

TuesvenuepourIsaac?—Non.Lesfillesnem’ontpaslaissélechoix,c’esttout.C’estfaux.J’étaisautantcurieusequ’énervéequandellesm’ontobligéeàsortir.Etbiensûrqueje

voulaislevoir.Maisça,jenelediraipas.M.J.tiresurmaveste.CommeIsaacl’afaithiersoir.—Tuportesducuirtoi…—Çam’arrive,jegrogne.Ilspourraienttousarrêteravecça.Cen’estpascommesijelefaisaispouruneraisonspéciale.Je voudrais discuter normalement avec M.J., comme on a tendance à le faire ces dernières

semaines, mais le regard insistant d’Isaac et celui de Gabriel un peu plus loin me laissent toutetremblanteetm’empêchentd’êtrenaturelle.

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JeremarquequeGabrielaunœilaubeurrenoir.Iltireunetronchedequatrepiedsdelongetnecessedemejeterdescoupsd’œilassassins.

—Gabrielaquelquechoseàmereprocherouquoi?jemurmure.M.J.secouelatête.—Net’inquiètepaspourça.Ilestjuste…ilnecomprendpastarelationavecIsaac.Enfin,tume

dirasquenoussommestousdanslemêmecas.Impossibledenepasrétorquerquoiquecesoitàça.Àmontour,jefusilleM.J.desyeuxmêmesi

luinem’arienfaitréellement.—Çanevousregardepasdetoutefaçon!Vousn’êtespasconcernés.C’estclair?Ilne répondpasetboit sonverrecommeside rienn’était.Mais jevois samâchoire se serrer

commes’ildésapprouvait.—Est-cequec’esttoiquim’asenvoyécesfleurs?Juniorseraitbiencapabled’untrucaussitordu.—Quellesfleurs?Jenerépondspas.Quialors…Unemoto rouge vif se stoppe à la hauteur du groupe et le type enlève son casque en saluant

Ashtonquititubeetluitapedansledos.Moncœurs’estarrêtédebattre.QuandAntheavaversluipourlesalueretqu’ilcoupesabécane,jemedétourneimmédiatement

etmelèvepourmemettrefaceàM.J.,lecœurbattantàtoutrompre.Ilestlà.StefanSteel.Celuiavecquij’aieulemalheurdediscuteraucoursd’unesoirée,puisunjourdanslecouloirdu

lycéeaussi,cequiluiauravalûtunedérouilléeplusquesauvageetm’auravalûtàmoi,unbrascasséetquelquespointsdesuturedeplus.

Ilm’avait reconnue sur l’esplanadedeGrandBay.Et s’ilme reconnaissait là,maintenant…aumilieud’euxtous.AvecIsaacàproximité.

Jecherchedesyeuxuneissueenessayantdenepasparaîtreaffoléeetdenepasattirerl’attentionsurmoi.IlbavardeencoreavecAshtonetAnthea.

—Çanevapas?medemandeM.J.enfronçantlessourcils.Jevoudraisparler,maislesmotsseserrentdansmagorge.Dessueursfroidesmeparcourentle

dos.S’ilmemontredudoigt,jenepourraispasm’expliquerdevanttoutcemonde.IladéménagédeCarmelavant ledrame,maiss’ilaseulementregardéles infos,reconnumatête,suivi toutcequ’ils’estpassé…jevaisêtreaffichéeauxyeuxdetous.Etjenepourraim’expliquer.Etdetoutefaçon,jeneleferaispas,jen’enaipasenvieetje…

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—Qu’est-cequ’ya?Jesursauteviolemmentquandunevoixrauquemurmureàmonoreilleetqu’unemainfermese

posesurmonbras.C’estIsaac,deboutdansmondos,quis’estpenchépourparler.Brusquement,j’aienviedemecacherdanssont-shirtetqu’ilrefermesesbrasautourdemoi.Maissil’autreparle,Isaacnevoudraplusjamaislefaire,c’estsûretcertain.Je glissemamain dans la sienne et enserre ses doigts fortement.OK, on est censé se faire la

gueulemutuellement,maislà…—Jenemesenspastrèsbien.M.J.observenosmainsliéesavantdesedétournerpouréchangerquelquesmotsavecCollinequi

s’estaussirapprochéedenous.—Tuveuxqu’ons’éloigne?—Oui,s’ilteplaît.IsaacfaitunsignedelatêteàGabrielquinebronchepasetportesabièreàsaboucheavantque

nouscontournionsM.J.etCollinepournousdirigerversl’autreboutduport.Jejetteunbrefcoupd’œilenarrièreetvoislesautresnousobserver.Stefanaussinousobserve

nouséloigneretlerythmedemoncœurs’accélèreencore.Faitesqu’ilneparlepas,s’ilvousplaît…Jesuistellementstresséeetsurlesnerfsquejemetsunmomentavantdemerendrecompteque

toutlemondes’écartequandIsaacetmoipassons,maindanslamain,etqu’ilsnousscrutentsansdireunmot.

C’estgénial.Sijevoulaispasserinaperçueaveclui,c’estraté.Au bout de la file de motos, alors que nous nous apprêtons à nous rendre plus loin vers les

tripodesenbétonsquiempêchentl’eaudemerderemonterdansleportdeplaisancedel’autrecôté,quelqu’unseplantedevantnous,mefaisantsursauteretmecolleraubrasd’Isaaccommeunepetitefilleapeurée.

Desyeuxbleus,moinsclairsquelesmiens,mefusillentsurplace.Non,fusillern’estpaslemot.Clouer,crucifier,statufier,seraitplusexact.S’ilspouvaientmetuer,ilsleferaient.

Ils’agitd’Ambre.Lapetiteamiebafouée.—C’estpourçaquetum’asquittée?C’estuneblague?Letonhargneuxqu’elleemploienem’étonnepasplusqueça.Etelleparleenmeregardantmoi,

paslui.Jerésisteàdétournerlesyeux.Biensûrquejen’aipaslebeaurôleetquejedevraisavoirhonte,

maisjerefusequequelqu’unmemarcheencoredessus.Enaucuncas.Jenemelaisseraiplusjamaisécraser.

—Pousse-toiAmbre,menaceIsaac,lavoixbasseetchargée.

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Maisellecontinuedeparler,lespoingsserrés,enmeregardantavechaine,commesielleétaitàdeuxdoigtsdem’enmettreune.

—Sinonquoi?Tucroisquetueslaseulequ’ilasautéeparici?Tucroisquetupeuxveniriciett’afficheravecluicommesituétaisLApetiteamie,etfanfaronneraumilieudetoutlemonde?Maismavieille,cen’estpastonterritoireici,alorsduvent!

J’ouvrelabouche,maisIsaacsemetentrenousetlatirevivementparlebras.—Putain,mais ferme là !Tu t’adressespasàelle, tu luiparlespas,c’estclair,ça?!Si t’asun

problèmeàrégler,c’estavecmoi,OK?!hurle-t-il.Jevoudraisquelesols’écarteetm’engloutisse.Maintenant,toutlemondealeregardbraquésur

nous.—Commenttupeuxmefaireça?pleurniche-t-elleens’accrochantàsonbras.Sesyeuxs’embuentetellelesupplieduregardalorsqu’ildétournelesien,gêné.—Ambre…—Tuasditquetum’aimais…Tumel’asmontré…,sanglote-t-elleencore.Illuiadit?Sesmotsontraisondemoi.Ilsmetranspercentplusviolemmentquejenel’auraispensé.Jelescontournerapidementetm’enfuisaussivitequemestalonsmelepermettent,sanstomber.Versoù?Jenesaispas,maisloin.Loind’euxtous,loindecequimefaitmaletdecedontj’ai

peur.—Mia!Mesyeuxs’embuentetmoncœurcognefortdansmapoitrine.Respire.Prānāyāmā.Toutvabien.Toutvatrèsbien.Si on se persuade que tout va bien, alors le corps suit à son tour. Peut-être que la nausée

disparaîtra.Plusjem’éloigned’eux,pluslebrouillardsalinquis’élèvedanslanuitm’enveloppe.Etquandje

contourneundesbâtiments,jedoism’adosseraumurpourpouvoirreprendremonsouffle.C’estcommeunterriblesentimentdepeurpaniquequis’infiltreàl’intérieurdemoi,courtdans

mesveines,mefaithaleter.Jemelaisseglissercontrelafaçadeententantderespirernormalement.C’enesttroppourmoi.Toutça,c’estvraimenttrop.Unemain invisiblemeserrede l’intérieuretmetord lesentrailles.J’ai l’impressiond’avoir le

cœurquivasortirdelapoitrinetellementilbatvite.Jesuissûrequejesuisentachycardie.—Mia!Isaacarriveessouffléàmahauteurenhurlantencoremonnometmechercheduregard.Quandil

finitparm’apercevoir,ils’accroupitprèsdemoialorsque,prostrée,jecherchemarespiration.—Jetejurequejeneluiaijamaisditça!Àpersonne!Jenel’aijamaisdit,surtoutpasàelle!

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Jedoismetenirlatêtepourl’empêcherdetourneretfermelesyeuxpournepluslevoir.—Mia…Ilposesesmainssurlesmiennes,enserrantmonvisage,etattendsquejedisequelquechose.Maisqu’est-cequ’ilveutquejediseaujuste?Marespirationsaccadéeneluiéchappepas.Jesuisàdeuxdoigtsderéellementm’effondrer.Çane

m’étaitplusarrivédepuis…depuissilongtemps.—Toutvabien,OK.Calme-toi.Jesoufflebruyammentetilposesesgenouxàterrepourattrapermonpoignetetcalermapaume

sursontorse.—Tusens?Oui,jesens.Sesmusclessousmesdoigts,sapeautoujourschaudeetsurtoutlespulsationsdeson

cœur,commeauralenti.Jehochelatêteetouvrelesyeux.Nosregardss’accrochentl’unàl’autre.Lesoir,sesirisverts

sontplussombres.—Concentre-toilà-dessus.Neréfléchispas,OK?Ilmefautquelquessecondespourregagnerunrythmecardiaquenormalet jenesaispas,mais

perduedanssesyeux,jemesens…àl’abri.Lesimplefaitdem’accrocheràsonregardmefaitmesentirensécuritéetprotégéedetout.

Etévidemment,danscettemyriaded’émotionsquimetorddel’intérieur,ilyalapeur.Lapeurderessentirtoutçapourluietdelelaisserprendrepossessiondechaquepartiedemoicommeça,aussifacilement. La crainte qu’il ne découvre réellement qui je suis et ne prenne ses jambes à son cou.L’affolementdeperdretouscesinstantséphémèresaveclui.

—Jen’aijamaisditçaàAmbre,proclameIsaactrèscalmement.Ettudoisarrêterd’avoirpeurdetout,decequ’ilsepasseentrenous.Tudoisarrêterdeteposerautantdequestions,MiaGilmore.Jesaisquetun’assansdouteplusl’habitudedefaireconfianceàquiquecesoitetquejen’aipasété…quej’aiétéunvéritableenfoiréavectoidepuisledébut,maismêmesijenecomprendspasnonplustoutcequ’ilm’arrive,jesaisquejeneveuxplustefairedemal.Jeveuxjuste…J’aienvied’êtreavectoi…

Ilsemordlalèvre,butantsursesmots.Etbrusquement,jeluitrouveunairvulnérablequejeneluiconnaissaispas.

—Tupensesque jevais tropvite.Mais lavie est courte, je le saismoi.Un jour, jem’en irai,commetoutlemonde.Onaplusletempspourattendrebébé,ilfautvivre,toutdesuite,maintenant.Jeneveuxpascreveravantdet’avoir…avantd’avoirtoutconnudetoi.

Cette fois encore, ma gorge se serre. Mais plus pour les mêmes raisons. Je suis au bord del’émotioncardiaque.C’estpirequequandlecœurs’arrête.Parcequ’ilbattoujours,maissilentementqu’ondoittendrel’oreillepourl’entendre.

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Jeretiremesdoigtsdesapoitrinepourlesglissersursonvisage,sajoue.Jedessinedupoucelecontourdesalèvreetjevoisquec’estluiquisemetàrespirerplusforttoutàcoup.

Alorsjemejettecontresontorseetrefermemesbrasautourdelui,latêtedanssoncou.Jemeperdsdanslesfragrancesdesonparfumd’homme.

J’aipeurdel’aimer.Sansm’enrendrecompte.J’aiencorepluspeurqu’ilnefinissepars’attacheràmoi,vraiment.Maispar-dessustout,maintenant,j’aipeurd’êtresanslui.

Unjour,autourd’unetableenaluminiumgrisedansunesalleblancheetfroide,Arizonam’adit:«IlexisteMymy.Celuiquiteserrerasifortdanssesbras,qu’ilrecolleratouslesmorceauxdetoi.

»Jen’yaijamaiscru.Toujourspersuadéed’êtrenéesansavoireuledroitd’êtreaimée.Isaac me serre dans ses bras puissants et plonge son nez dans mes cheveux. Nous restons un

momentcommeçaavantqu’ilmurmuredoucement,mefaisantrevenirsurterre.—Pourquoituaspeurdelui?Tuleconnaiscemec?Ilt’adéjàfaitdumal?Jesecouevivementlatêteetquandjeparleenreniflantmavoixestcassée.— Non. C’est… Il y a longtemps, nous nous connaissions. Mais… c’est mon passé, Zac, tu

comprends,je…,jenevoulaispaslevoir…Lamaind’Isaacs’estmiseàmassermoncouetjemelaissefaireparsesdoigtsagiles.—Tusemblaisavoirpeur.Iln’yapasderaison.Tusaisquepersonnenes’enprendraàtoiavec

moidanslesparages,hein,tulesais?Personneneteferaplusdemalcommeça,jetelejure.Jeletueraidemespropresmains.

Lamenacedangereusedanssavoixmeterrifie.—Jet’assurequecen’estrien…,ilnem’arienfait.Laisse-letranquille,d’accord?Promets-le-

moi!Jelechercheduregard,maisilmefuit.Alors,jel’attrapeaumentonetsenssabarbedequelques

jourssousmesdoigtsquandjel’obligeàm’affronter.—Prometquetuneferasrien.Ilnem’arienfait.Cen’estpaslui.Aucontraire,ilenaprisautant

quemoi.Alors,laisse-letranquille.Promets!Ilgrogne,maisàcontrecœur,ildit:—OK,çava.Jeteprometsques’il teregardeuneseulefois,jeneluicasseraiquedeux,trois,

dents.—Isaac…—Personneneteferarienici.Nitetoucher,niteregarderdetravers,nitedirequoiquecesoit,

nirien.Jelestueraitousavantqu’ilaitletempsdecomprendre.Jereposematêtedanssoncouetsenssoncœurbattrecontrelemien.Ilexagère.Ilneleferapas,

jelesais.Maisçafaitdubiend’entendrequ’ilpourraitsebattrepourmoi.—Jesuisdésolée,jemurmure.

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Isaacsedétache légèrement,attrapemafermeturesousmonmentonetouvrecomplètementmaveste avantd’yglisser sesmainspourme reprendredans sesbras. Je respiredeplus enplus fort.Parcequemont-shirtn’estpastrèsépaisetquejesenssesdoigtssurmapeau.

—Pourquoi?—Pourmamauvaisehumeurettoutcequejet’aidit,hiersoir,cematin…—Tuesunevraieteigneetenplustuasunvraicaractèredemerde.Maisçanem’empêchepasde

passermontempsàpenseràtoi,devouloirêtreavectoi.Jerespiredanssoncouetfaisbougermeslèvressursapeau.—Etlesautres?Çaneleurplaîtpasdetevoiravecmoi.Ilseraiditunpeuetsesdoigtssecrispentdansmondos.—Ne t’occupepasd’eux.Nidecequ’ilspensentnidecequ’ilspourraientdire. Je te jureque

personnenesemettraentrenous.—Entrenous…,jerépètedoucement.L’idéedece«nous»melaisserêveuse.—Oui…,nous…Isaacm’attrape tendrement auvisage et je sens sonhaleinemêléedebonbonà lamenthe et de

tabacavantqu’ilnerefermesabouchesurlamienne.J’avaisfroid.J’aichaudd’uncoup.Son«nous»aréchaufféchaqueparcelledemoncorps.Ilestimpossiblededécrirelebaiserparfait.Maisc’estceluiquivoustordlestripesautantqu’il

voustordlessentiments.Celuiquiembrasechaquepartiedevotreêtre.Desmècheséchappéesdesescheveuxretombentsursonfrontetmechatouillelenezalorsquesa

languedanseautourdelamiennecréantunesublimesensationdechaleuraucreuxdemabouche,aucreuxdemonventre,aucreuxdemoi.

Je colle mes lèvres aux siennes et il sent l’invitation, car sa main droite redescend vers meshanchesenpassantdoucementsurmapoitrineaupassage.Monêtretoutentiers’enflammesouscettecaressesommetouteinnocente.

Jerespireplusviteetmurmuresonnomenhaletant.—Zac…—S’il teplaît…,resteavecmoicesoir…,souffle-t-ilcontremabouche.Chezmoi.Je teveux

chezmoi.Ledoutemesubmergeencore.—MadameSaint-Clair,elle…—Ellenedirarien,jetelepromets.Iln’yapasdesouciàceniveau-là.Fais-moiconfiance.Jesoupireethochelatêtedoucementalorsqu’ilserelèveetmetireavecluiparlesbras.—Viensavecmoi.

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Mamain emprisonnée dans la sienne, il nous entraîne tout les deux vers les bords du port deplaisancedel’autrecôté,loindelapartieindustrielledesdocksetdubrouhaha.Etnousmontonssurundestripodesdebétonstaguésàlabombe.J’aivaguementletempsdemedirequ’undemesdessinsauMolotowseraitparfaitici.

Isaacm’aideàgrimperetmefaitasseoirentresesjambes.Auloin,lamernoired’encresouslecroissantdeluneàpeinevisiblefaitpresquepeur.Entoutcas,lavueestimpressionnantedesihaut.

MaisZac,lui,nes’attardepassurlepaysage,non.Ilmeretourneàmoitiéentresesjambespourpouvoirencorecollersaboucheà lamienneetposesamainsurmonventre. Ilm’embrasseetmecaressedoucementenmêmetemps.

Jesuisunbrasiergéant.Quand ses doigts froids se faufilent sousmon t-shirt et qu’il intensifie son baiser, je ne peux

m’empêcherdegémir.Duboutdel’index,ilsuitlacicatricesurmahanche.Avantdesedétacherdemoipourdemander,

lefrontcolléaumien:—Qu’est-cequit’afaitça?Jedoisdéglutirpourréussiràparler.—Jesuispasséeàtraversunevitre,unjour.Etj’aiétécoupée…,àdenombreuxendroits…Etc’estl’entièrevérité.Évidemment,jeneprécisepasqu’onm’apousséeàtraverscettevitre.Etquej’étaisdéjààmoitié

morte.—Tuneveuxpasmeraconter?Jesecoueencorelatêtepourdirenonetdesvoixfortesnousinterrompent.—Héoh,lesamoureux!Onpeutsejoindreàvous?Colline.Suivideprèsparlesautresdelabande.Ashton,lebrasautourducoudeM.J.,quisembleagacé,

chanted’unevoixforteetfausse.Ilaunenouvellebouteilleenmain,paslamêmequetoutàl’heure.J’aimeraislaluiarracher.

M.J.lerepoussed’énervementetilcontinueàchanterentournantsurlui-même,lesbrasgrandsouvertsetentitubantaussi.Tristespectacle.

Lesgarçonsetlesfillessonttousvenusnousrejoindre,maisuniquementceuxquejeconnais.Lesautresnesontpas là, restésde l’autrecôtésansdouteetStefannonplus.Jeremarquel’échangedehochementdetêteentreGabrieletIsaac.

Qu’est-cequ’ilspeuventbiensedirecommeça?L.A.,quialesyeuxrougesmaintenant,ritaussipourtoutetn’importequoietAntheaessayedela

tenir. Cela fait tellement longtemps que je ne me suis pas retrouvée dans des ambiances commecelles-là,queçamefaittoutbizarre.

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Isaacm’attireledoscontresontorsequandM.J.vients’asseoirprèsdenousetqueGabrielsemetdel’autrecôté.Ilgrognedansmescheveuxcommel’oursmalléchéqu’ilest,parcequ’onnepeutpasêtreseuls.

Moi, je suis aumilieu d’eux trois.MOI, aumilieu de tous ces garçons.Et en fait, jem’y sensplutôtbien.

Lesfillesrient,parlentdegensquejeneconnaispas.Antheamefaitunclind’œilunmomentenobservantlesbraspossessifsd’Isaacautourdemoietjemesensrougir.

Jemedétournepourmedonnerunecontenanceetm’adresseàGabrielquiaalluméunecigarette.—Tut’esbattuavecquipourfinirdanscetétat?Sa joueaviré auviolet et sonœil estvraimentgonflé.Lui, sibeaud’habitude, avraimentune

mineàfairepeurcesoir.IlsecouelatêteetlanceunregardenbiaisàZac.Maiscelui-cineleconsidèremêmepasetmefixe,moi,enplissantdesyeux.Quoi?Jen’aipas

nonplusledroitdem’adresserauxgarçons?Çanevapaslefaireça.—J’aieulemalheurdedireuntrucsurtoiet…—TagueuleGab,l’arrêteIsaac.Gabriel ne finit pas sa phrase et se remet à fumer en haussant les épaules. Je me retourne,

estomaquée,versZac.—Tuas…Ilécrasesabouchecontrelamienneetm’empêchedeparler.—Çava,vousn’êtespasobligédefaireçaici,grogneM.J.,visiblementdemauvaisehumeur.Lui,ilestvraimentlunatique,bonDieu!Tantôttrèsjoyeuxeteuphorique,tantôttrèsgrincheux.J’essayedemedégager de la bouched’Isaac en reculant,mais il neme lâchepas et je dois le

repousserduplatdelamainpourqu’ilveuillebienmeregarderenface.—Tunepeuxpasfaireça.JenevaispasprendreladéfensedeGabriels’iladitunecrassesurmoi,maisjenevaissurtout

paslaisserIsaactapertoutcequibougejusteparcequ’ils’agitdemoi.—Quoi?—Frapperlesgenscommeça,parcequ’ilsdisentdeschosesquineteplaisentpas.Isaacsecouelatête.—Netemêlepasdeça.—Tuplaisantes?Çameconcerne.Tunepeuxpasfaireça!Gabrielsemetàrired’unriresanshumour.—TucroisquetupeuxdiscuteravecZac,Mia?Maisc’estperdud’avance.N’essayemêmepas.

Tuvoiscequ’onygagne.Il montre sa joue de l’index et Isaac fait un geste vers lui en grondant, qui le fait se lever

immédiatementets’éloignerversColline.

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Jemedétourneensoupirantetsecouantlatête.J’ignorecequ’ilssepassententreeux,maisçanemeplaîtpasdenepassavoir.Surtoutsiçameconcerne.

Lesyeuxrivésauloin,jefixeparhasardlepontcouvertsurlagauchequirejointlesdeuxcôtésduportetvoitunemassenoireenboutdeponton,suspenduau-dessusduvide.

Jemelèvebrusquementenretirantlesmainsd’Isaacdematailleetregardevivementautourdenous.

L.A.chantehautetfortuneversionfaussedeBennieand theJets suivieparColline.AntheaestavecGabrieletilsdiscutenttouslesdeux.Aucunetraced’Ashtondanslesparages.

Moncœurfaitunbonddansmapoitrinequandenmeretournantjevoislamassenoiredel’autrecôtétomberd’uncoupdanslevide,plongeantdirectementversl’eau.J’aifait troispasenavantenouvrantlabouche,maisc’esttroptard.

—Ashton!Jehurleetmavoixforterésonneàmespropresoreilles.Dansunbruitsourd,lamasseheurtel’eausombre,pratiquementdouzemètresplusbas.Monpoulss’accélère,marespirationsefaitirrégulière.Jen’aipasletempsderéfléchirsijepeuxsurvivreàunechutepareillequel’adrénalinecourtdéjà

dansmesveines.Jem’élancesur le tripode,sautesurceluidedevantenmetordantpourretirermavesteetmes

talons et plonge la tête la première en entendant seulement le cri d’Isaac déchirer la nuit noirederrièremoi.

—MIA!NOOONNN!MIIIIIAAAAAA!!!

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7

LiveordieMia

DeuxansplustôtC’estlafindel’été.Lafindesjournéesàseprélasserausoleil.Lafindesaprès-midiàbouquiner

lespiedsdanslesableavecArizonaetsonamieMaya.Lafindesénormesbolsdesaladesdefruits,composésparmaman.Lafindestongsetdesshortsdeplage.Lafindesvacances.Lafindubonheur.

Demain,ilestderetourdechezsonpère.Etmoi…,moi,jesuisderetourenenfer.—Amy!Arizona me tire brusquement par le bras et le camion freine à un mètre à peine de moi en

klaxonnant.Jereculemollementetmasœurmesecoue.—T’esfolleouquoi!?Tunel’aspasvuarriver?!Lechauffeurjureenlevantlesmainsdevantluiavantderepartirenmefusillantduregard.—Non…Si. Je l’ai vu. Je l’ai fixé. Avec son énorme calandre et son imposant pare-chocs, ses roues

gigantesques,etsonpoidsimpressionnant.Ilm’auraitécrasée,ilauraitfaitdemoidelabouillie.Çadoitvraimenttuerviolemment,uncoupdecamioncommeça,depleinfouetetàcetteallure.

Çanedoitrienlaisserdevous,sinondusangàpertedevuesurl’asphalte.Jerêvedemourir.Violemment,pourqueçasoitvitefait,vitefinis.Uncoupdevoiture,çapeutvoushandicaperaussi,pasforcémentvoustuer.Uncoupdecamion,

poursûrqueçaneratepas.Quoique…, peut-être que si j’étais handicapée, ilme laisserait tranquille, il nem’approcherait

plus.Sij’avaisunejambeenmoins,çalerepousseraitpeut-être.—Tuviensouquoi?Arizonam’appelledel’autrecôtédelaroute,lesmainsenvisièrepourmeregardersouslesoleil

éclatant.Mayaattendentapantdupied,presséd’allermangersaglaceauchocolat.Jesecouelatête.—Jevaisallermarcherunpeutouteseule!jeluicrie.Arizonafroncelessourcils.—T’essûre?

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—Ouais!Rentrez!—Sit’espasrevenuedansdeuxheures,jerevienstechercher!—Jerentreraitôt,promis.Masœurnesemblepasrassuréeetjettedefréquentscoupsd’œilenarrièrepourm’observer.Jepatientejusqu’àcequ’ellessesoientéloignéespourenfinpartirensensinverseetmarcherle

longdelaroutesilencieuse,dontl’asphaltesedéformesouslachaleurdecettesaisoncaniculaire.Unevoiturepassedetempsàautre.Maistrèspeu.J’attendsuncamion.Parcequeçafaitbeaucoupdedégâtsuncamion.Jepensedeplusenplusausuicide.Deplusenplussouvent.Maisjamaisjen’auraisimaginéquec’étaitsicompliquédemourir.Lescachets?Lavaged’estomac.Lacorde?Silenœudestmalfait,onpeutresterhandicapéàvie.Lanoyade?Quelqu’unauraitletempsdemesauveretmeranimer.S’ouvrirlesveines?C’esttroplong,onaletempsdesavoirqu’onvavraimentcrever.Enplus,jeneveuxpasmetuerchezmoi.Horsdequestiondefaireçaàmamère.Sauterdetrès,

très,haut.Unpontpeut-être.Maislàencore,çan’iraitpasassezvite.Etj’auraisletempsdevoirmaviedéfiler.Etpeut-êtrequejem’enremettrais.Jerefused’êtreréduiteàl’étatdelégumedansunlitouunfauteuil,nepouvantplusniparlernirien,emprisonnéedansmapropretête.Plutôtcrever,c’estlecasdeledire.

J’aimêmeapprisqu’ilexistaitdessitesd’aideausuicide.Genre,tut’inscrisettuorganisestoutavecdesidéesquechacunpeuttefournirsurleforum.

Quiestlefrappadinguequiainventéça?N’empêche, çam’a vachement aidée.Audébut, j’hésitais àm’enfermerdans le garage, dans la

voituredemaman,etlaissertournerlemoteur,enbouchantlepotd’échappement.Maisj’aiapprisquejepouvaissurvivreàçaaussi,siquelqu’unmedécouvraitavantqu’ilnesoit

trop tard. Et Arizona, bizarrement, ne me laisse que rarement longtemps seule. Comme si elle sedoutaitdequelquechose.

Jeneveuxpasquemasœurmeretrouvelapremière.Ellenes’enremettraitpas.Çaaétéundesétéslesplusgéniauxquej’aipassés,parcequej’aivécuensonabsence.Quatre

semainesdepurbonheur.Etçaaétél’étélepluscourtaussi.Laseuleombreautableau:sesamisétaientlàetmesurveillaient.Chaquecoindelavilleétaitimprégnédelui,desaprésenceétouffante.Etj’airéfléchichaquejourunpeuplusàlafaçond’enfinir.

Biensûr,aufond,toutaufonddemoi,jevoudraisqu’ilcrève,quecesoitluiquimeurt.Maisc’estjusteplusfaciledemetuer,moi.Parceque…,lui,ilestintouchable.Impossibledel’atteindre.Etquej’aisipeur,monDieu…

C’estledernierdimanchedesvacancesd’étéàCarmel.

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Jerestelongtempsassise,leculdanslapoussière,auborddelaroute,àattendreuncamion.Jeneveuxpasretournerdanscetenfer.

Ladernièreannéedelycéedébutedemain.Ilapromisqueceseraitlaplusbelle.J’aicomprisqu’ilmeréservaitlepire.Pirequetoutcequ’iladéjàfait.Pirequenepourraitle

supportermoncorpsbrisé.Maislecielsemoquepeut-êtredemoi.Plusaucuncamionn’estpasséparCarmelcetaprès-midi-

là.**

SixmoisplustardLecœuréclaté, la lèvreaussi, lementonouvert et le t-shirtdéchiré,accroupie sur le carrelage

froiddelasalledebaindesachambre,lamaintremblante,jetiensfortlesciseauxentremesdoigts,plantésdanssoncou.Unseulmouvementetjeluiaitranchélajugulaire.

Les yeux grands écarquillés,Deaconme fixe avec horreur. Il y a dans son regard tellement desurprisequec’enestpresquejouissif.

Iln’imaginaitpasquej’auraislecourage.Quejepenseraisseulementàlefaire.Quel’idéemêmemetraverseraitl’esprit.

Mais je lui ai laissé une chance de s’en sortir. Je lui ai laissé la possibilité deme rendremaliberté.

Etlui…aditlaseulechosepouvantmefaireréagir.Jenelelaisseraipasfaireça.Jamais.—Am…Amy…,halète-t-ilenposantsamainsurlamienneetenglissantsurlecarrelagefroid.Je ravale mes larmes, serre les dents, le nez palpitant en manque d’air et le cœur au bord de

l’implosion.Maispasuneminute,jenelelâchedesyeux.Ouilmeurtmaintenant,ouc’estmoi.Maisçadoitsefinird’unemanièreoud’uneautre.

—Tupeuxessayer…,halète-t-ilencore,mais…je…ferai…toujourspartie…detoi…,jeserai…toujourslà…

Le liquide rouge et chaud s’écoule de l’entaille profonde en giclant bruyamment et forme uneflaque,plusgrandissantedesecondeenseconde.

—Non.Tuvasmourir.Etjevaisteregarderteviderdetonsang,jesouffledoucement.Iltressaute,ritets’étouffedanssonpropresang.—Onseretrouvera…enenfer…J’aipleuré,j’aieupeur,j’aieulecœurenvracensortantdecettemaisonpourrentrerchezmoiet

enmerendantcomptedecequejevenaisdefaire.Maispassur lemoment.Sur lecoup, je jureque j’ai jubilé, intérieurement.Dieuseul le saitet

sansdouteirai-jevraimentenenfer,maisj’aiaiméplantercettelamebrillanteettranchantedanssagorge.

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Quelques semainesaprès, l’avocataplaidé la légitimedéfense.Onm’ademandédedireque jen’étaisqu’unevictimequin’afaitquedéfendresavie.C’étaitluioumoi.Jel’aituéàcontrecœur.

Maisc’estfaux.Cesoir-là,c’étaitjustemoi.Ilnem’auraitpastuée.Ilmevoulaitvivantepourmetorturerencore

etencore…Jenemesuispasdéfendue.Jel’aituéparcequejevoulaislefaire.Làesttouteladifférence.Devant le jugeet les jurés,devant sa familleet sesamis, j’auraisaimécrierhautet fort :« je

voulaisqu’ilcrève,bordel!Ets’ilétaitlà,jerecommencerais!».Jevoulaisqu’ilcrèveetcettepenséenem’apasquittéeuneseule foisde tout le tempsque j’ai

tenuelalamedesciseauxdansmesdoigts.Ilneferaplusdemalàpersonne.Ilnemeferaplusdemal.Jamais.Etilneluienferapasàellenonplus…

**PortdeplaisancedeGrandBay,aujourd’huiJ’aiétéfouettéeparl’eauglacéeaussiviolemmentquesil’onm’avaitdéchirélapeauaucouteau.Jereprendsunegrosserespirationensortantlatêtedel’eauetbâtfrénétiquementdesjambespour

resteràlasurface.Assourdie par les bruits, les vagues autour de moi, la noirceur, les ténèbres, je ne vois rien,

n’entendsrien.Àl’aveugle,mueparl’instinctdesurvie,jenage,dansn’importequelledirectiond’abord.Ilmefauttousseretfaireressortirtoutel’eaudemespoumonspourpouvoirémettreneserait-ce

qu’unson.—Ash…Enplissantdesyeux,jedistinguelescontoursflottantsdupont,loinau-dessusdematête.—Ashton!Moncœurseremetbrusquementàbattreet,terrifiée,jenageendirectiondesformessombres.Tournantsurmoi-même,parcequejenel’aperçoispas,l’effroicommenceàmegagner.Jecroisentendrecrier.Jecroisvoirdeslumièresauloinquis’affolentdanslesairs.—Ashton!Unevagueplusviolentequelesautresmepousseversl’avantetjeheurteunemassedurequeje

prendsd’abordpourunboutdebois.Avantdemerendrecomptequec’estlui.—Ash!Jel’attrapeaucolettentedeleretournerversmoi.Ilflotte,laboucheouverte,maisneréagitpas.Jelesecoueencore,maisaucunsignedevie.—Jet’enprie,Ashton…,respire…

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Jenesaismêmepassinouspouvonsatteindrel’intérieurduport,maisilesthorsdequestionquejelelaissetomber.Avecbeaucoupdemal,j’essayedenagerenletirantavecmoi.

Maisjemedébatsavecquatre-vingtskilosdemuscles.Etplusj’avance,plussoncorpsnoustirevers le fond.Jedois lemaintenirà lapoitrine, serrécontremoipourqu’ilnecoulepaset senoiecomplètement.

J’ahaneetsuffoqueenlesecouant.— Je t’interdis demourir, espèce de crétin, imbécile…, si tum’entraînes…, je… je…, je te le

ferairegretter…Aprèstoutceàquoij’aisurvécu,ceseraittropbêtedemourircommeça.Etjeneveuxpas…,non,jeneveuxpasqueluinonplusnemeure.Medébattantavectoutelaragedevivredumonde,j’avanceencoredequelquesmètres,maissens

mesforcesm’abandonneraufuretàmesure.Jem’arrête,àboutdesouffle,etnepeuxplusquebattredesmembresencorelibrespourresteren

surfaceetnepasmenoyeraveclui.—Là!Là!Des voix affoléesme parviennent de très loin et je plisse des yeux sous une lumière vive qui

m’aveugle.—Attrapez-la!—Ilssontlà!OnretireAshtondemesmainsetaussitôt,desbraspuissantsmesoulèventetjesuishissée,dans

cequimesembleêtreunbateau,carçatangueendessous.Moncorpsestankylosé.—Çava?Mia…—Mia!Plusieurspersonnesmeparlentenmêmetempsetmoi,jem’effondrecontreleboisduplancheret

toussepourcracherl’eaudemespoumons.Magorgemebrûle.—MAIST’ESCOMPLÈTEMENTCINGLÉE!REGARDE-MOI!MIA!JesuispriseviolemmentparlesbrasetIsaacmesoulèveversluienmehurlantdessus.—T’ESCOMPLÈTEMENTFOLLE!JET’INTERDISDEMEFAIREÇA!QU’EST-CEQU’IL

T’APRIS?!TUAURAISPUMOURIR!PUTAIN!MIA!Leslumièresdansentdevantmesyeuxetsonvisageflous’effacedeplusenplus…Lenoirm’enveloppe.Jem’effondredanssesbras.

**Desyeuxbrunsdansentdevantmoi.Desyeuxavecunéclatmalsainetemplideperversion.Mais

trèsvite,ilssetransformentenirisémeraude,emplisdedésir,dedouteetdemystère.J’ouvrebrusquementlesmiensetmeretrouveàfixerunplafondblanc,virginal.

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Unelumièreéblouissanteenvahitlapièce.Mon corps est douloureux. Je sens chaque partie demesmembresmebrûler désagréablement.

Maisquandj’essayedebougerlesjambesoulesbras,ilssemeuventnormalement.Trèsbien,nenousaffolonspas.Àpartlefaitquematêtesemblesurlepointd’exploser.—Mia?Jetournelesyeuxpourfairefaceauxdeuxirisémeraudequionthantémesrêves.Isaacmefixeetiln’yapasdedésir,dedouteoudemystèredanssespupillesencetinstant.Juste

uneespècededémencequej’aidumalàcomprendre.—Zac…—Mia!Leregardvertestpoussédecôtépourlaisserlaplaceàunautreaussiclairquelemien.Luke.—Commenttutesens?—Luke?Mononclemeprendlamainetmelaserre.Alorsseulement,j’observeautourdemoi.Lesmursvertsetblancs,lematérielmédicaletlablouseinformedanslaquellejemetrouve.Jesuisàl’hôpital.Etjemesouviens.—Ashton…,jesouffletoutbasenm’agitant.Est-cequ’ilvabien?Oùestcequ’ilest?Est-cequ’ilestblessé?IsaacseplantederrièreLukeetmerassureimmédiatement.—Ne t’inquiète pas, il va bien. Il est dans une chambre pas loin, il se repose. Il a une hanche

disloquéeetbeaucoupd’hématomesetdecontusions,maisiln’apasdecommotioncérébralenirien.Ilfautjustequ’ilseremette.

Jehochelatêteavantdelalaisserretombersurl’oreiller.J’ail’impressiond’avoireulecerveaupasséàl’essoreuse.

—Est-cequeçava?Commenttutesens?medemandeLukesoucieusement.—Unpeunauséeuse,jerépondsfaiblement.Quelleheureest-il?—Unpeuplusde08heuresdumatin.Tut’esévanouieetquandont’aemmenéeici,ilsontfait

desscanners,destests,toutelanuit,maisilsn’ontrientrouvéd’anormal.Jeserrebrièvementlamaindemononcle.—Jet’assurequeçavaaller.Tun’aspasappelémaman,hein?—Jecomptaislefairecematin,merépond-ilenfronçantlessourcils.Jerefermeunpeuplusmapoignesursesdoigts.—S’ilteplaît,non.Nedisrien.Jevaisbienetellevas’inquiéterpourpasgrand-chose.

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—Tunepeuxpasmedemanderça,A…—Luke!S’ilteplaît!Ilafaillim’appelerAmydevantIsaac.Bonsang!Je neme retourne pas vers Zac pour voir s’il a compris quelque chose parce que je crève de

trouille. Non, je me contente de faire mon regard de chien battu à Luke qui finit par soupirer etsecouerlatêteenajoutant:

—Siellel’apprend,ellenemelepardonnerapas…—Ellen’ensaurarien.Jet’enprie.Ilhochelatêteetjesaisquej’aigagnélapartiemêmesi,uninstant,j’aivraimenteupeur.Isaacgrognequelquechosed’incompréhensibleetLukelefusilledesyeux.Cesdeux-là…—TupeuxnouslaisseruninstantLuke,s’ilteplaît?jedemandeàmononcle.Àsontourdegrogner.—Hmm…,trèsbien.Maissituveuxquejelemettedehors,iln’yapasdesouci,jeneseraipas

loin.Jevaisdemanderqu’ont’apporteunplateau-repas,OK?J’acquiesceetilsortnonsansavoirlancéunautredesesregardsassassinsàIsaacquiseprécipite

pours’asseoirauborddulitàsaplace.—Tuessûrqu’ilvabien?jedemandeencore,alorsqu’ilmeprendlamainpourl’enfermerdans

lessiennes.—Ilserepose.Oui,çavaaller,net’enfaispasOK?C’estdetoiqu’ilfautquetutepréoccupes.

Tuescertainequetutesensbien?Jevaisappeleruneinfirmièrepour…Ilfaitminedeselever,maisjel’arrêteentenantfermementsamaindanslamienne.Jeneveux

pas,vraimentpas,qu’ilparteetmelaisseseuleici.—Non.Resteavecmoi!Isaacserassiedetm’observe,maisavecuneespècedemal-êtredansleregard.—Jesuisdésolé,souffle-t-ilbrusquementcommesilesmotsdevaientêtreexpulsésdesabouche

leplusvitepossible,jesuisdésoléd’avoircriécommeça.Je…J’aicru…—Cen’estpasgrave.—Siçal’est.Avectoi,parcequec’esttoietquejeteconnaismaintenant,çal’est.Jesuisdésolé,

sweetheart.J’aicruquejet’avaisachevée.J’esquisseunfaiblesourireetsoupire.—Ilenfautbienpluspourmetuer,tusais…—Jesais.Nousnousregardonscommeçaettoutàcoup,jesenssesdoigtscalleuxdessinerlecreuxdema

mainetcegestememetenémois.

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Maisjedoisluidirequelquechosesanspenserànous,àmoi,maintenant.—Zac…—Oui?—Ilnevapasbien.Ashton.Ilnevapasbien.—Maiss’il…—Non.Écoute-moi.Ilabesoind’aide.Ilsefaitdumal toutseul,enbuvantcommeça.Mais je

t’assurequ’iladessoucis.Il…,ilne…Jedéglutis,maisIsaacposeundoigtsurmabouche.—D’accord. J’ai compris. Je vaism’enoccuper.Arrête de t’inquiétermaintenant.Et…ne fais

pluscegenredechose.S’ilteplaît.Nefaisplusjamaisça…L’intensitédesonregardestsitroublantequejedoismesouvenirqu’ilfautencorerespirerpour

vivre.—Est-cequetuaseupeur?j’ose,enrougissantunbrin.— Oui, me répond-il sans hésitation. J’ai… J’ai vraiment flippé, tu sais. Si tu n’étais pas si

inconsciente…—Embrasse-moi.Marequêtesembleleprendreaudépourvu.Jelevoisàl’expressiondesurprisequis’estinstallée

sursonvisage.Pourtant, il ne fait ni une ni deux pour se pencher et poser fougueusement ses lèvres sur les

miennes.Iladopteunrythmepluscalmelorsqu’ilconstatequejen’aiplusdesouffle.NesyncopepasMia,surtoutpas.—Ettoi,est-cequetuaseupeur?demande-t-ilaussidoucementquemoiensedétachantàpeine.Jesuisperduequandilestsiprochedemoi.MonDieu.Ilsentsibon.Ilesttellementbeau.Mêmeaveccescernes.Mêmequand iln’estpasdouchéouchangéparcequ’ilest restéprèsde

moitoutelanuit.Personnen’estjamaisrestéprèsdemoitouteunenuitàs’inquiéter.ÀpartmamèreouArizona.

Aucunhommeentoutcas.—J’aieupeur…quetuneviennespasmechercher.Monaveurestesuspenduàseslèvres.Isaacrespireprèsdesmiennesetsescheveux,tombantau-

dessusdemonvisage,viennentcaressermonnez,monfront.—Jeseraisvenu.Jeviendraitoujourstechercher.Quand sa bouche touche de nouveau lamienne, quemes sens sont littéralement affolés par sa

proximitéetquemesseinssedressentsousmablouse,laportedelachambres’ouvrebrusquement,

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nousfaisantsursauter.—Onpeutentrer?LestêtesdeGabriel,M.J.,Miguel,L.A.,AntheaetCollineapparaissentdansl’encadrement.Ilsse

bousculentlesuns,lesautres.Isaacsoupireetleurfaitdegrosyeuxenseredressant,tandisque,honteuse,jetireledrapdulit

surmoi.Iln’yaurajamaiseuautantdemondedansunedemeschambresàl’hôpital.Jamais.M.J. se laisse tomber près demoi, les bras derrière la tête s’attirant les foudres d’Isaac et les

autresprennentleursaises,commes’ilsétaientchezeux,toutsimplement.—Tucroisquejepourraisfumerdanslasalledebain?demandeL.A.àCollinequiluiarrache

sonpaquetdeclopesdesmains.—T’escomplètementfolleouquoi?!s’insurgecettedernière.Miguelmesecouelespiedsalorsque,discrètement,jetentedemerecoifferpournepasavoirla

têtecommeunniddecorneilledevanteux.Jenesaismêmepasàquoijeressemble.Puis,jen’aiplusl’habituded’êtresi…entourée.

—Alors,paraîtque t’asvouluprendreunpetitbaindevant tout lemonde,hiersoir?me lanceMiguelsarcastique.

Lui est bien apprêté et pas un brin décoiffé comme le reste de la bande. Jeme souviens qu’iln’étaitpaslàhiersoir.

—Tusaisquej’aimebienmefaireremarquer,jeluirépondssurlemêmeton.Il me sourit. Je lui rends. Miguel et moi, dans un bref moment de complicité. C’est assez

hallucinant.Lesautressemettentàdiscuter.J’apprendsqu’Ashtonestdansunechambrepasloinavecsamère

etqu’ildort.Toutlemondeparle,decequ’ils’estpassé,detout,derien,enoubliantuninstantquejesuiscelle

quivitdanslamaisonmauditesurlelac.IsaacfixeM.J.d’unairmauvaisquandcelui-citentedemeprendrel’autremainetavecpossessivité,ilpassesonbrasautourdemoienvenantsecolleràmescôtes.

Jeluiprendslamainetnousnousregardonsquelquessecondescommeça,endehorsdumoment,enoubliantceuxprésentsdanslapièce.J’ailecœurquibatplusvite,plusfort.

Parcequejedécidedem’ouvriràlui,vraiment,réellement.Deluifaireconfiance.Etça,jecroisqu’illecomprend.

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8

Bienplusprofondquel’océanMia

«Elle pensequ’il vadire : je t’aime.Mais non. Ilmurmure une phrase plus importante.Unephraseàlaquelleellepenserasanscesse.Quisera l’essencedesonobsession.Puisses-tune jamaisoublierquejecroisentoi.»

DavidFoenkinosDeux heures durant lesquelles lemédecinm’a examinée, où j’aimangé un plateau, où j’ai été

forcéedepetitdéjeuneretoùjemesuisdisputéeavecLukepourquejepasselanuitchezlui,aucasoùilm’arriveraitquelquechose,nausées,têtequitourne,etc.,lecontrecoupduchocquoi.

«Aucasoù».Ondiraitmamère.MaismêmeIsaacaétéd’accord.Alorslà,c’estlepompon.J’aiquandmêmepuvoirAshtonavantdepartir. Justeaprèsque lesgarçonssoientsortisdesa

chambre.Quandjesuisentréepourluiparler,ilétaitréveillé.Latêtetournéeverslafenêtre,lesyeuxperdusdanslevague.Ilavraimentunesaletête.Jecrois

quec’estlapremièrefoisquejelevoiscommeça.Peusoigné,pascoiffé,aussipâleethagard.Jem’assiedsprèsdeluietrestesilencieuseunmoment.Ilsaitquejesuislà,maisn’engagepasla

conversation.—Ash…—T’avaispromisquetunediraisrien.Ilmefusilleduregardensetournantversmoi.Laculpabilitémesaisitàlagorge.—Je…,Ash…Ilmecoupeetgrognequelquesmots:—Non.T’avaispromis,putain.T’avaisditquetuluiparleraispas.Tunesaispascequet’ascréé.

Ilva…—Isaacvat’aider.Commetoutlemonde.Iln’yapasderaisonsquetutraversesçatoutseul.—Maismerde,Mia!Tunecomprendsrien!Tunesaispasdequoituparles,tulaconnaispasma

situation!Isaacvavouloirm’aideràsafaçon.Il…,jenevoulaispaslesmêlerencoreàça.Ilvaletuer!

Maistuerqui?!—Jedevaisluidire,Ash…

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—Sorsd’ici.Ilsedétourneverslafenêtreetjeserredespoings,empêchantmeslarmesdecouler.J’aienviede

pleurer,maisuniquementparcequejesaiscequ’ilressent.Cequ’il traverse.Ilestencolèreet ilapeur. Il a l’impressionque je l’ai trahi et qu’il est tout seul. J’ai envie depleurer parceque jemerevoisàsaplaceilyaunanetdemi.C’estcommesic’étaithier.

—Jesuisdésolée.Maisjedevaislefaire.Pourtoi.Jemelèveetsorsdelachambre,abattue.Les garçons sont déjà tous équipés et attendent. Luke aussi. Les filles sont parties depuis un

moment.Je les suis et monte avec mon oncle dans sa Jeep grise. Isaac se penche à la fenêtre pour

m’embrasseretLuke tousse tandisque je rougis jusqu’à lapointedescheveux. Il le fait exprèsouquoi?

—Qu’est-cequetuvasfaire?Oùest-cequevousallez?L’angoissecommenceàmesaisirlorsquejevoisl’airdéterminéqu’ilasurlevisageetquejeme

rendscomptequelesgarçonssonttoustrèssérieux.J’espèrejustequ’ilsnevontpasfairedeconneries.—T’inquiètespaspourça.Jeviendraitevoircesoir.Repose-toi.Jen’aipasletempsderépondrequ’ilaenfourchésabête.Luke file sur la quatre voies qui nous ramèneversHélèneGrove, les quatremotos desAnges

autourdenousfaisantunboucand’enfer.Ondiraitquenoussommesunconvoispécialetqu’ilsnousescortent.Lesgensnousscrutentbizarrementetmoijelessuisduregarddanslerétro.Ilsmefontpresquepeurcommeça.

Àl’entréed’HélèneGrove,ilsseséparentdenousetfilentverslagauchedansunedirectionquejeneconnaispas,soulevantdelapoussièrederrièreeux.

LesyeuxdeLukefontdesallers-retoursentremoietlaroutetandisquej’aileregardbraquésurlerétroviseurpourvoirlesgarçonss’éloigner.

—Tuasl’airproched’eux.Jenerépondspas.—Mia…,tunelesconnaispasvraiment…—ArrêteLuke.Ilsnesontpas…commetucrois.Pourquoijeprendsleurdéfense?Aprèstoutcequ’ilsm’ontfait,j’ensuislà,àprendreleurdéfense.— Je les connais depuis plus longtemps. Je sais qui ils sont. Ce ne sont pas demauvais gars.

Mais…ilsnesontpaspourtoi.Tudevaist’effacerenvenantici.Aveceux,çanerisquepasd’êtrelecas.

Parcequ’ilcroitvraimentquej’aieulechoixdepuisledébutdetoutefaçon?

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Cetteconversationeststérile.JenerépondspasetLukesoupirefaceàmonmanquederéaction.Quandilmedéposedevantchezmoi,jen’aijamaisétéaussicontented’êtreàlamaison.—Jevaisbosser.Maisjefiniraitôtaujourd’huietcesoirtuviendraschezmoi.Isaacaditqu’il

t’emmènerait.—Depuisquandvousdécideztouslesdeuxdecequevousallezfairedemoi?Lukesoupireencoreetjemeretiensdehurler.Ilsm’énerventtousàmeconsidérercommeunegamineenmanqued’attention.Jepeuxtrèsbienprendresoindemoi!UnefoisLukereparti,jemeposedansmoncanapéavecMinuit.Quellenuit,quellesoirée,bonsang!Lerestedelajournéepasseaussilentementquejem’yattendais.J’appelleIsaactroisfois,ilne

répondpas.J’hésiteàcontactermamèreégalement,maisencoresouslecoupdetoutcequejetraverseavec

euxencemoment,j’aipeurd’avoirlavoixtroubléeparl’émotionetqu’elleleconstate.Finalement,jefaisuneséancedeyogad’unebonneheurepourtenterdemedétendre,prendsune

doucheetdécidede faire leménagechezmoi.Cequim’occupeunegrandepartiede l’après-midisanspourautantmefairepenseràautrechosequecequ’ilssontentraindefaire.Jemedemandecequ’il s’est dit entreAshton et Isaac et ceque les garçonsont décidéde faire. J’espère juste nepasavoirfaitdeconneries.Jenemelepardonneraispas.

Mais j’ai détesté, moi, l’indifférence des autres lorsque j’allais mal. Les gens sont lâches,n’aiment pas se mêler de la vie d’autrui, même si cette personne a vraiment besoin d’aide. Non,chacunpréfère rester bien tranquille, enfermédans sa petite existence paisible.Et quandundramesurvient,onentenddes:

«C’estvraiqu’elleétaitbizarrecettefille».«Ellenedisaitjamaisbonjour».« Nous sommes voisins depuis tellement d’années, je ne pensais pas qu’un truc pareil pouvait

arriver.Commequoi,onneconnaîtpasvraimentsesvoisins».Ettoutuntasd’autresramassisdeconneries.N’empêchequej’aipeurdecequepeuventfairelesgarçonsàl’heureactuelle.Ilest18heuresquandlaTriumphd’Isaacsegaredevantlamaison.Jesautesurmespiedsetvais

directementl’attendreàlaporte.Quandilôtesoncasque,jeluireconnaistoutdesuitecetairpréoccupéetinquietquinel’apas

quittédepuisquej’aisautédansleport.Ilavanceversmoienretirantsesgantsetjeremarquesespoingsécorchésetencorerougis.—Hey.Tuvasbien?

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C’estluiquimeposelaquestion?—Oùestcequevousétiez?Qu’est-cequevousavezfait?Vous…Ilmecouped’unbaiseretjemeretiensàlaportepournepastomber.Cettefaçonqu’iladeréagir

naturellementcommesinousétionsuncoupledepuislongtemps,çameperturberéellement.—Isaac?—Toutvabien.C’estréglé.—Vousaveztuéquelqu’un?OK,laquestionestunpeuabrupteetparaîtraitrisibleàn’importequi.Maispasàmoi.—Non. Tu n’as pas besoin de savoir ce qu’on a fait. Juste qu’il n’y aura plus de problèmes.

PersonnenelèverapluslamainsurAsh.—Commentça,jen’aipasbesoindesavoir?Sansmoi,tun’auraismêmepasvuqu’ilallaitsi

mal.Aucundevousnecomprend.Dis-moicequ’ilsepasse!Nousnousaffrontonsduregardet,àprésent,jeserrelespoingsd’énervement.Ilsefichedequi

là?Jeveuxsavoir!—Mia…—Isaac.Montonacerbearaisondelui.Ils’avancepours’installersurlesmarchesdemonperronetsortsescigarettesdesapoche.Ilfumetoujoursquandilestàcran.Jem’assiedsprèsdelui,maisilluifautunmomentavantdeparlerenbraquantsonregardsurle

lacscintillantderrièrelequelsecouchelesoleil.—Ashtonaunefille.Iladitçad’untontrèscalme.Etmoi,jelefixe,abasourdie,essayantdedigérerl’information.Unefille?Commentça,unefille…—Il…tuveuxdirequ’ila…—Un enfant, un gosse, une fille, oui. Erine a quatre ans.Ash sortait avec une fille il y a des

années,Luna.Elleesttombéeenceinteetsafamilleesttrèspuritaineetcesontdesgens…bref,elleaaccouchéetilsontrefilélamômeàAshtonetsamère.AvantdedéménageràNewYork.

Ilsetaituninstantetjem’efforcedecomprendretoutcequ’ilmeditetderemettretoutçadansl’ordre.

—OK.Ilaeuunefille.Trèsjeune.Mais…enquoiçaexpliquelereste…—Lepèred’Ashtonétaitunbâtarddepremière.Il…,ilfrappaitsafemme,sesgosses.Jusqu’àce

qu’ilfoutelecampunjouretnerevienneplusjamais.MaisAshaunfrère.Ungrandfrère.Jax.Quiasuivilestracesdesonpaterneletfaitpassersesaccèsderageetcolèresureux.C’estMalouquipayelesétudesd’Ashton,tusais.Enéchange,ellevoulaitqu’ilrésidesurlecampuspouravoirlatêtedans

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sescoursetpasdanstoutecettemerde.Lamèred’Ashs’occuped’Erine.Jaxestpartilongtemps.IlavécuenCalifornie,jecrois.Maisilestrevenu.Jenesavaispas.Etçadepuisdeuxmoisdéjà.

Lespoingsd’Isaacseserrentquandilditçaetilenécrasepresquesacigarette.Jenepeuxm’empêcherdeposermamainsursacuisse.Illaregardeuninstantavantdesetourner

versmoi.—TunedoisparlerdeçaàpersonneMia.Personne.—Jen’enparleraipas.Jamais.C’estpromis.Mais…qu’est-cequevousavezfait…Ilsoupire,puisenvoievalsersacloped’unepichenette.Avectouteslesherbesfollesqu’ilyaici,

unjour,ilfiniraparfairecramermamaison.—OnajustefaitcomprendreàJaxqu’ilavaitintérêtàsecasseretques’ilremetlespiedsici,il

estmort.Toutsimplement.—Est-cequevousl’avezfrappé?—Arrêtedeposerautantdequestions.Tun’aspasenviedesavoircequ’onluiafait.—Jeveuxsavoir.—Tunet’enremettraispas.Unfrissonmeparcourtl’échinedorsale.Ilal’airvraimenttrès,très,sérieux.—Isaac…—Jenelaisseraijamaispersonnefairedumalauxgensquej’aime,Mia.Personne.Lalueurdanssonregardmeditqu’ilnejouepassurlesmots.Isaacsepenchepourm’embrasser

doucement.Etjemedemandes’ilparleseulementd’Ashtonou…demoi,également.Lesbaisersemplisd’émotioncommeçameretournentl’estomac.Isaacm’attrapeparleshanchesetm’attirecontreluipourmeprendresursesgenoux.Je referme mes doigts dans ses cheveux en m’asseyant à califourchon sur ses cuisses. Et lui

soupirecontremabouchequandjeluirendssonbaiserenfiévré.Lorsque je quitte ses lèvres et que nous nous fixons, j’ai le cœur qui bat àmille à l’heure.La

façondontilmeregarde…Jesaiscequ’ilvadire.Etjenesuispaspréparéeàl’entendre,àlegérer,mêmesimonêtreledésireplusquetout.—Mia…—Zac,jet’enprie…—Mia,écoute-moi.Laisse-moiledire,s’ilteplaît.Non,non,neledispas…Ilrefermesesmainsautourdemonvisageetm’attirepourposersonfrontcontrelemien.Lesbattementsdemoncœuremplissentmatêtedésormais.—Mia…,jecroisquejesuisamoureuxdetoi.Non,enfaitj’ensuissûr.Jesuisamoureuxdetoi.Etvoilà.

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Illesaprononcés.Lesmotsquejeredoutaistantenmêmetempsquejelesappelaisdetoutesmesforces.Moncœursegonfled’amour.Etdepeuraussi.Maiscommentluidire?Mesyeuxs’embuentdelarmes.Jemurmure:—Ilnefautpas,Zac.Ilsereculelégèrementpourm’observerdesespupillesbrillantes.—Pourquoi?J’aipeur.Peurdeluidire,deluiexpliquer…Mavoixsefêlesousleslarmesquimenacentetmeserrentlagorge.—J’aifait…deschoses,Isaac…Avanttoi,j’étaisuneautrepersonne.Tunesaispas…quij’étais,

cequim’estarrivé…J’aifaitdeschoses…,impardonnables…Uninstant,Isaacm’observetrèssérieusementetj’aipeur,peurqu’ilmejugeetmerepousse.—Jesais,souffle-t-iltoutdoucement.Jesais.—Non,tunesaispas.—Si,jet’assure.Jesaisquitues.Tuesuneguerrière.Jemefichedequituétaisavant,deceque

tu as fait. Je sais que tu neme dis pas tout de ton passé,mais laMia qui est là, devantmoi, je laconnais.Et riennemeferachangerd’avis, riennipersonne. Jenesaispas toutcequi t’estarrivé,maisjetejurequepersonneneteferaplusjamaisdemalcommeça.Personnenet’obligeraàêtrecequetuneveuxpasêtre.Jen’aipaspeurdecellequetuétaisavant.Jenevaispasterejeterparcequejevaisapprendreuntruchorrible,bébé,tun’aspasàavoirpeurdeça.Jetedéfendraienversetcontretous.Tudoismefaireconfiance.Parcequetoutcequejeressenspourtoi…est…bienplusprofondquel’océan.

Sesparolesmefontpleurerpourdebon.Ilessuiemeslarmesdesespouces.Iln’aaucuneidéedecedontilparle.Ilnesaitpascomment

mon nom pourrait entacher le sien et l’empêcher d’avancer dans la vie. Mon histoire est trèsdifférentedecelled’Ashtonetbeaucouppluscompliquéeaussi.

—Tuasperdu,jesoufflebêtementenmerappelantcequ’ilavaitditsurlepremierquitomberaitamoureux.

Ilsourit.Jefonds.—Tumefaisconfiance,Mia?Avectoi,jeneperdsjamais.Sesyeuxvertstranspercentlebleudesmiens.Jehochelentementlatête.—Jetefaisconfiance,Isaac.Ilsourittendrementetrefermesabouchesurlamienne.Tropd’émotionsmesubmergent.

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C’estvrai,jeluifaisconfiance.Plusquen’importequi.Quand il me tire vers lui par la taille, je glisse mes bras autour de son cou et me soulève

légèrementpourêtreencoreplusprochedelui.C’estassezimpressionnantcommejemesenschezmoidanssesbras.Commejemesensbien.Libreetofferteàlafois.

Je n’ai jamais autant aimé appartenir à quelqu’un. J’aimerais lui rendre lesmots qu’il vient deprononcer,luidirequemoncœurdéborded’amourpourlui,maisj’aisipeur.Sipeurdeledireetdemetromperencore.Sipeurd’avoirmaletdesouffrirplusencorequejamais.Parcequejelejure,j’enmourraiscettefois.

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9

LanuitdesmortsMia

«Lesmonstresexistentvraiment,lesfantômesaussi…Ilsviventennous,etparfoisilsgagnent.»StephenKing

Unesemainequ’Isaacm’adit toutçaetachamboulélanouvelleMia.Etpourtant,nousn’avonspas réussi à avoir unmoment ànous.Lukeme surveilleplusque jamais. Il veut constammentquenouspassionsdutempsensemble;toutletempsmangeravecmoi,m’emmenertravailler…,commes’ilsesentaitcoupabledequelquechosequejenecomprendspas.

Isaac,quantàlui,necessedemesurprendre.Jamaisjen’auraispucroirequ’ilsemontreraitaussiattentionnéenpublic.Lorsquenoussommesencoursd’art,oumêmedehors,ilnemelâchepresquejamais.Migueljouelesdégoûtéstoutletemps,maisj’ail’impressionqueçaledérangedemoinsenmoins.Antheaestdevenueunebonnecopine,jedirais.Onnepeutpasparlerd’amitiéàproprementparlé,maiscettefillemagnifiqueetunbrinmystérieuse,aunombizarre,saitmemettreàl’aisequandellevoitquejenemesenspasàmaplace.Ellememontresesimmensesailesencréesdanssondosetsesautrestatouages.Àaucunmoment,ellenefaitallusionàmarelationavecIsaac.

AuRubis,Isaacestlàtouslessoirs.Parfoisaveclesgarçons,parfoisseul.AugranddamdeVincecarilfaitsouventfuirlesclients.

Jemesenstropobservéeaveclui.Ilmereluquesansgêne,maisnelaissepersonnem’approcherdetropprès.Troppossessif.

Pourtant, ça n’a rien à voir, strictement rien, avec la possessivitémaladive dont faisait preuveDeacon.

À la findumoisd’octobre, tout lemondeneparlequede la soiréed’Halloweenqui a lieudenouveauaumanoirGroz.Etmoi,jen’aiabsolumentaucuneenvied’yaller.

MaispourIsaac,laquestionneseposemêmepas.C’estunesoiréeàlaquelletoutlemondevaserendre.Etapparemment,ilcomptesurnousaussi.

Cora qui sortmaintenant avec Jon, l’ami deKillian, y sera également et n’en finit plus demerebattre les oreilles avec ça. Elle sera déguisée en veuve noire etm’a trouvé un costume de petitchaperon rouge. Selon elle, c’est parfait pourmoi. J’en suismoins convaincue.Mais elle compteaussisurmaprésence.

**Lesamedi,jesuissurlesdentstoutelajournée.CorayvaavecJohnetilestcertainqueKilliany

sera.

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Nonpasquejelecraigne,maisdepuisl’incidentdeladernièrefois,jen’aipastropenviedemeretrouverenfacedeluiavecIsaacàmescôtés,depeurqueçanedégénèredenouveau.JesuissûrequeKilliann’estabsolumentpasattiréparmoi,maisqu’ilafaitçaseulementpourirriterIsaac.

Çanem’empêchepasd’êtrenerveuse.Aucontraire.IlcommenceàpeineàfairenuitsurHélèneGrovequandjesorsdemasalledebainaprèsune

longuedouche.Montéléphonesonneencontinudepuisdeuxminutes.Isaac,Cora,ouM.J.;jeneveuxmêmepas

savoirquic’est.Ilsmeharcèlenttousdepuishier.—Allô?Unedrôledevoixmerépond.Commedansunrâleprofond.—Allô…—Oui.C’estqui?—Tuessûredebienavoirfermétesvoletscesoir?C’estuntimbremasculin,ça,c’estsûr.Maisilal’airdéformé.Jefroncelessourcilsetéloignemonécrandemonoreillepourregarderquim’appelle.Numéroinconnu.Non,maisc’estquoicesconneries?—Quic’est?jedemandedenouveau.—Laquestionn’estpasquijesuis,maisoùjesuis.Peut-êtrejustederrièretaporte.Je me retourne vivement vers l’entrée de la maison et sens une vague de peur me parcourir

l’échine.Siunimbécileadécidédemefaireuneblaguecesoir…—Zac?Unriresadiquerésonnedanslecombinéquejecoupebrusquement.Jemetsfinàlaconversation

ethésiteuninstantàmeprécipitersurmaportepourlarefermeràclé.Maisaumomentmêmeoùjemefaiscetteréflexion,lapoignéequejefixesemetàtournersur

elle-même.J’aidéjàressentilapeurpanique.Lavraie.Etjesaisquelà,elleestbienderetour.Unsursautdeluciditémefaitmelevervivementenlâchantletéléphone.Jemeprécipitealorssur

laporte.Troptard.Elles’ouvreengrandsurunesilhouetteimmense,envoiléedenoire,unvisageblancauxyeuxet

àlabouchenoire,ouverteetdégoulinante.J’émetsuncristridentenreculantetensautantsurplace.Jehurlesifortquejesuissûred’avoir

explosémesproprestympans.Lecouteaubrandi,dontlalameluisantesedétachesurlanuitsombreetdanslalumièredemon

salon,mefaithurlertoujoursplus.

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—Aaaaaah!!!—Maisarrêteeeeee!!!Tuasfaillimefaireavoirunecrisecardiaque!L’assassindeScream{8}retiresonmasqueetM.J.halète,presquerougeetessoufflé.—Onpeutpastefairedeblagueàtoi!Monhurlementsetransformeensanglotetj’aidéjàsautésurmoncanapé.—ESPÈCED’IMBÉCILE!CRÉTIN!Jeluibalancemescoussinsàlafigureavectoutelaforcequej’aienmapossession,bienqueje

trembleencore.—Maisc’estHalloween,Mia!TrickorTreat{9},toutça,tuconnais?Enplus,tuaslamaisonla

plusflippantedeKaloa.C’estsûrquelesgensvontvenirsonnertoutelanuitcheztoi.Je dois appuyer ma tête contre le mur un instant en fermant les yeux pour ne pas faire une

syncope.M.J.branditunpetitappareilnoiretparlededansenappuyantdessus.—AllôSidney?Quelesttonfilmd’horreurpréféré?—Vatefairefoutre,Junior!J’aieulatrouille,merde!Ilritdoucementetbalancesonfauxcouteauetsonmasquesurlatable.Juniordansunerobenoire

immense,çafaitbizarre.Biensûr,c’estunerobedetueurensérie,maisquandmême.Je descends m’asseoir sur le bout du canapé, le visage entre les genoux pour reprendre ma

respiration.—Quellechochotte.C’estHalloween,Mia.Ilestoùtoncostume?—Encoresoushousse.Jenesaispassijevaisvenir.Je…jemesenspastrèsenforme.M.J.secouelatête,d’unairexaspéré.—N’importequoi.Onyseratous.Çavaêtremortel!—Jenesuispasàl’aisedanscegenredesoirée.Et…jenefaispaspartiedelabande,OK?Il hausse les sourcils et ouvre grand les yeux en penchant la tête en avant, pour me regarder

commesij’étaissoudainementdevenuecinglée.—T’espassérieuselà?Désolédetel’apprendre,mais…tusorsavecZac.Biensûrquetufais

partie de la bande. T’as rien compris toi, hein. Tu crois que t’as le choix désormais ? Fallait yréfléchiravant.

Jem’apprêteàl’injurieretàlefustigerquandmontéléphonesonnedenouveau.SûrementIsaac.JedécrochetoutenlançantunregardnoiràM.J.quimepassedevantcommes’ilétaitchezluiet

filedanslasalledebainsansdemanderlapermission.Enplus,ilpisseenlaissantlaporteentrouverte.Quelenfoiré!—Allô?Silence.J’observel’écran.Numéroinconnu.

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—Allô?Silence.Puistoutàcoup,unerespiration.Trèsfaible.—Aaaaaallô!Pasderéponse.—Bon,çasuffitlesconneriesmaintenant!M’enfousquecesoitHalloweenoulafêtedelaSaint-

Glinglin,vousstoppezçatoutdesuite!C’estquicettefois?Gabriel?Miguel?Vouspenseztousquej’aiqueçaàfoutre,merde!Arrêtezdefairechier!

Jeraccrocherageusementetbalanceletéléphonesurmoncanapéaumomentoùleslumièresdetouteslespiècess’éteignenttoutesseulesenmêmetemps.

Jerestehébétée,plongéedanslenoiruninstant.Avantdeserrerlespoings.—M.J.,cen’estpasdrôle!T’arrêtesçamaintenant!—Merde!mecrie-t-ildelasalledebain.Cen’estpasmoi,jetejure!Etlesgarssontdéjààla

soirée,jepensequetesplombsontdûsauter.Etsij’aipisséàcôté,cen’estpasmafaute,j’yvoisplusrien.

Jesoupireettenteàl’aveugledemerendreàlacuisineenmeguidantavecmesmains.Unefoislà,j’attrapeuneboîted’allumettesetdesbougiesdansundespremierstiroirs.Etquandj’encraqueune,etlafaisflamber,lalumièredelapetiteflammeéclairelevisagedeM.J.quejen’aimêmepasentendu.Lafaibledistancequinousséparemefaitfaireunbondenarrière.Cesoir,avecsatêtedetueurensérie,ilfaitcarrémentflipper.

—C’estmoi.—Bordel,maisarrêtedefaireça!Ilsoupireetm’arracheunebougiedesmains.—Jevaisallervérifiertoncompteur.—Jeviensavectoi.Colléeàsondos,j’attrapeunmorceaudesarobeavantdelesuivre.—Jerêveout’esflippée?—J’aimepasêtre…sanslumièrecommeça.Dehors,unebrisesouffleetnousapportel’airpoisseuxdulacquiscintillesouslalune.Lapleine

luneenplus.Pourunsoird’Halloween…Lecompteurabiensauté.M.J. le remet en route et l’électricité de la maison revient en même temps que les lampes se

rallument.Aumêmemoment,unevoiturefaitletouretsegaredevantlabâtisse.Labatmobiled’Isaac.JelâcheM.J.,lagorgeserrée,lesmainsmoites,lecœurpalpitant.Commechaquefoisquejevaislevoir.Maislà,c’estdepireenpire.Aprèstoutcequ’ilm’adit.

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J’ai toujours du mal à réaliser que nous sortons ensemble. Réellement. Que moi je sorte denouveauavecquelqu’unestunfaitassezsurprenantmême,etsurtoutpourmoi.Maisqu’enplus,cesoitlui,c’estencoreplusabsurde.

Quand il bondit hors de sa voiture, mes pieds s’avancent tout seuls vers lui. Il est beau.Terriblementattirant.

Complètementfascinant.Lafaçondétachéequ’iladesepasserlesmainsdanslescheveux,detirersurlaceinturedeson

pantalon,desemouvoirtoutsimplement.J’aienviedeluisauterdessus.ArrêteMia,tubaveslà…Ilmesouritetlavuedesescaninespointuesmefaitsouriremoiaussi.Ilporteunsimplejeans,

maisunebellechemisenoireetrougecettefois.Delacouleur,surIsaac?SonexpressionenjouéesefigequandilaperçoitM.J.,maisilserattrapeetgrimpevivementles

marchesavantdevenirmeprendredirectementdanssesbras,envoyantJuniorauxoubliettes.—Bonsoirtoi,souffle-t-ilcontremeslèvres,entrecoupantsaphrasedebaisershumides.Jemeretiensaucoldesachemise,laboucheouverte,offerteàlui.—Bonsoir,jesoupire,complètementsoussoncharme.—Tuesprête?—Non.Je…—Elleveutpasyaller,assèneM.J.dansmondos,nousrappelantsaprésence.Isaacm’observeenplissantdesyeux.—Pourquoi?JezieuteunpeuversM.J.etIsaaccomprendquejeneparleraipasdevantlui.—Qu’est-ceque tufais là toi? luidemande-t-il,abrupt,alorsquesonamiestrentrérécupérer

sonmasqueetsoncouteauetquenouslesuivons.— Jeme pose lamême question, grogne ce dernier en nous passant devant et en dévalant les

marchessansplusmeconsidérer.Salut.JelâcheIsaacpourluiemboîterlepas,maisils’estdéjàenfuidanslanuit,letueurdeScream.—M.J.!Isaacmeretientparlebras.Ilm’énerveunpeu.BonOK,beaucoup.Mais jenesaispas, je l’aimebienM.J.,mêmeavecses

sautesd’humeurimprévisiblesetsonairméchantparfois.—Laisse-le,medit Isaacalorsque jesoupiredevoirM.J.partir fâché.Il fautqu’ilcomprenne

quetuesavecmoietc’esttout.JereviensdanslamaisonavecIsaacetfermelaporteàcléderrièrenouscettefois.—Ilestaucourant.—Détrompe-toi.M.J.adesvuessurtoi.

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—N’importequoi.—Outuesvraimentmiro,outuesvraimentmiro,soupireZacens’installantsurlecanapé,les

piedssurmatablebasse,lesmainsderrièrelatête.Jeme retiens de lui envoyer une remarque cinglante sur la présencede ses pieds surma table

blanche.Jevaisdevoirtoutnettoyerderrièrelui.—Enquoituesdéguisé?jedemandeensoufflantlesbougies.Ilsouritetmemontresescaninespointuesaunaturel.—JesuisDraculacesoir,çanesevoitpas?Jesecouelatêteetmepenchepourramasserlescoussinsquej’aijetésàlatêtedeM.J..Isaacjette

uncoupd’œilmauvaisàlapièceetobserveensuitelesbougiesparfuméesfumantesenfronçantlessourcils.

—Vousfaisiezquoi,touslesdeux?Àmontourdefroncerlessourcils.—Rien.Jen’argumentepas.Nisurlescoussinsnisurlesbougies.Jeneluidonneraipasd’explications

pourqu’ilarrêtedesefairedesfilmsparcequejen’airienàmereprocheretquejen’appartiendraiplusjamaisàquelqu’undecettefaçon-là.Ilvafalloirqu’ilapprenneàmefaireconfiancesiondoitêtreensemble.Jenevivraiplusderelationcommej’aivécu.

Isaacnerépondpas,maisàsonairmauvaisetàsafaçondefixerlevide,jesaisqu’ilseretientdem’envoyerunepiquebienmordanteoudemeforceràluidirecequ’onfaisait.

Jesoupireetviensmeposerprèsdeluisurlecanapé.Peut-êtrequec’estaussiquejeneluiaipasrenducesparolesilyaquelquesjours.—Zac…—Pourquoituneveuxpasvenircesoir?—Jen’aijamaisaimésortirdanscegenredesoirée.Jepréfèreresterchezmoi.Maisvas-y-toi,

toustesamisysont.Isaacseretournepourmefixerunmoment,puisseredresse.—Dis-moivraimentquelestleproblème,Mia?—Iln’yenapas.Sonregardperçantmefaitrougirunpeuetjesoupireenavouantdoucement:—Cesonttesamis…,etpuis…ilyauratropdemonde…—Quelmonde?Ilinsiste.PasbêteIsaac.Ilasentimaréticence.—Tonfrère…,Ambre…—Mia, je t’arrête tout de suite. Il est hors de question que tu ne sortes pas avec moi parce

qu’Ambreseraprésente.Ilyaurauntasd’autresfillesquej’aiconnuquiserontlà.Maisjeseraiavec

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toi,seulementtoi.Jemelèveparcequejesuisnerveuseetn’arrivepasàresteruninstantenplaceaveclui.—Jen’aimepascegenredesoirée.—Dis-moilavérité,insiste-t-il.Jecroisqu’Isaacparvientàlireenmoibientropfacilementmaintenant.Jemedandined’unpied

surl’autretandisqu’ilmeprendlamainetmeforceàvenirm’asseoirsursesgenoux.—Onn’ajamaisété…onn’estjamaissortiensemble…je…—Je reste avec toi ce soir.C’est çaqui t’inquiète ?Que je t’emmèneàune soiréeetque je te

laissetomberensuite?Maisçan’arriverapas.Turestesavecmoi.C’estbête,jelesais,maisladernièrefois,aumanoirGroz,ilm’alaisséetouteseuleet…disons

que ça ne s’est pas très bien terminé. Puis, ça s’est toujours passé comme ça de toute façon.Danstouteslessoiréesauxquellesj’aiétéjusqu’àmaintenant.

—Fais-moiconfiance.J’essaye.J’essayevraiment.Maisilyatoutesceschosesquimefontencorepeur.

**Deuxheuresplustard,jemeretrouveaumilieudelafoulequidansesurZombideCranberries,

enpetiterobenoireetblanche,unecaperougeattachéeauxépaulesetlegrandméchantloupàmescôtés.Isaacconnaîtbeaucoupdemonde.Ilsefaithappertouteslescinqminutespargarçonsetfilles.Certainesnesegênentabsolumentpaspoursependreàsoncouen l’embrassant.Justesur la joue,maisquandmême.

Isaacsentmagêneetmonmal-êtreetn’hésitepasàmetenirserréecontrelui,peut-êtrepourmemontrerquec’estmoi,etseulementmoi,quicompte.Iln’apasletempsdemeprésenteràquiconque,maislesgensàquiilss’adressentmesaluentpourlaplupartalorsquejenelesconnaispasdutout.

RienàvoirdecequejevivaisavecDeacon.Aucundesesamisàluinemedisaitjamaisbonsoir,ceuxd’Isaacmesaluentcommesijefaisaisréellementpartiedelabande.

Ambre, qui est présente, s’estmis un point d’honneur à nous ignorer royalement. Isaac fait ensortequenoussoyonsaussiéloignésd’ellequepossible.

MaisdeKillian,ça,c’estmoinsévident.Sonfranginnecessedenousbousculer,parinadvertanceselonlui,laplupartdutemps.Maisjesensqu’IsaaccommencevraimentàêtreéchaufféquandKillianrenversesonverrepourlatroisièmefois.

Ashtonesttoujoursàlaclinique,Miguel,M.J.etGabrielessayentdes’interposerquandIsaaclesaisitparsachemiseetsemetàlesecouervigoureusement.

Je tente de le calmer également, l’entraîne à l’écart de ce frère tout aussi sexy, mais un brinénervant.

Isaac se laisse faire et finit lui-même par glisser ses longs doigts entre les miens pour nousemmenerverslesjardinsquejeconnaisunpeumaintenant.

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—Ilmecherchevraimentcesoir,putain…Ilmeserrelamain,melabroiepresqueenfait,decolère,alorsquenoustraversonsrapidement

lessentiersentreleshauteshaiestailléescommeceuxdesjardinsàlaFrançaise.Jenesaispasoùilveutaller,maisj’aijustel’impressionquemarcherluifaitdubien.

—Calme-toi,s’ilteplaît.Ilatropbu,c’esttout.C’estvraiquesonfrèreavaitl’airpasmalalcoolisécesoir.—Ilesténervéparcequejenesuispasvenuaujourd’hui.—Oùça?—Àsaputainderéunionfamiliale.Jem’arrête et Isaac se retient vivement àmamain en se retournant.Lepli de tracasqu’il a au

milieudufrontnel’apasquittédelasemaine.—Quelleréunionfamiliale?Sesyeuxvertssefontplussombressouslalunequinouséclaireaumilieudujardin.—Rien.Oublie.—Pourquoituneveuxpasmeraconter?—Pourquoitoi,tuneveuxjamaisrienmedire?merépond-ildutacautac.Ilaraison.Maisje…jenepeuxpas,toutsimplement.Defrustration,jelelâcheetmelaissetombersurunbancadosséàunehaieenretraitdessentiers.N’importequoi,cettesoirée.J’enaivraimentmarreetneveuxqu’unechose:rentrerdormir.Ensoupirant,jeretirelacapedepetitchaperonrougequem’avaittrouvéCoraetlaissemesbras

retomberentremesjambes,harassée.Isaacgrognedefrustrationégalementensepassantlesdeuxmainsdanslescheveuxetlevantles

yeuxaucieluninstant.Ilfixelesétoilesbrièvementavantdereportersonattentionsurmoi.—Aujourd’hui,c’estl’anniversairedeCassiopée.Jenerépondspas.Samère.Leurmère.Jenecomprendraijamaisleurrelationsansconnaîtresonhistoire.Isaacvients’asseoirprèsdemoi,unejambedechaquecôtédubanc.Etm’emprisonnedurement

lementondanssamainpourmeforceràleregarder.—Jenesuispasdetrèsbonnehumeur.Ça,c’estsafaçonàluides’excuser,jelesaismaintenant.—Enplus,j’aienviedefaireçadepuisunesemaineetc’estàcroirequetoutlemondeveutm’en

empêcher…Surcesparoles,ilécraseseslèvressurlesmiennes.Unpeudurement.Jelelaissefairecarqueje

sais qu’Isaac ne se montrera jamais violent avec moi. Impossible. Et parce que… j’aime ça.Bizarrement,cepetitcôtépossessifqu’ilaàmonégardnemedérangepasvraiment.Peut-êtrequ’aucontraire,çamerassure.

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Jesaispourtant,au fonddemoi,qu’ilesténervéetqu’ilnecherchequ’unmoyenpacifiquedepassersacolère.

Sa languedanse autourde lamienne,me faisant frémir de la tête auxpieds, etm’arrachant unlongsoupir.

Isaacm’attireversluietm’obligeàmetournerpourluifaireface.Enunéclair,jemeretrouvesursesgenouxetsespaumessebaladentsurlachairdemondosdénudédanslapetiterobe.Unerobequejen’auraisjamaisoséporteravant.Maisqueluiatrouvéeparfaite.

Ilm’embrassecommes’ilsenourrissaitdemoi,denous,decebaiser.—Zac…Lesoufflecourt,jecessederespirerquandsesdoigtstrouventmesseins.Mêmeàtraversletissu,

jesenssachaleurquisediffusesurmapeauetdanstoutmoncorps.Ilrespireplusfort,gonfleetsetendsousmoi.Impossibledenepasrougir.Jemesenshonteuse

defaireçalà,enpleinair,souslaluneetlesétoiles,avectoutcemondeàproximité.Isaacpressemonseinplusfortetnemelaissepasletempsdemereprendreenglissantsesdoigts

dansmondécolleté.Montétondurcitinstantanémentetenvoiedepetitesondesdeplaisirdirectementàmonentrejambe.J’étouffeungémissementdanssoncouetmetienslaplusserréepossiblecontreluipouréviterquequelqu’unnousvoiefaireça.

—Mia…,souffle-t-ilcontremabouche.J’aienviedetoi,bébé…Jelesavais,j’étaissûrequ’ilallaitdireça.Jem’étrangle.—Onnepeutpas,Zac,pasici…—Personnenenousvoit.Ilssonttousentraindefairelafête.Ahnon,Zac,pasdeça.Pasavecmoi.Jeneferaiplusjamaisça.Jamais.—Non.Onnepeutpas.Jenepeuxpas.Pasdanscetendroit.Malgré le désir très puissant que je ressens pour lui, je ne le ferai jamais. Jamais à la vue de

n’importequi,commeça.Jamais.Montonfermelefaitreculeretfroncerlessourcils.—Pourquoi?Jeteprometsque…—Non.Non.Etnon.Jenevaispasfaireça.—OK,bordel!Onrentrealors,s’énerve-t-il.Jeleregardesansriendire,perturbéequandils’enflammecommeça,maisilseradoucitaussitôt.—Excuse-moi.D’accord.J’aicompris.Ons’envaalors?Parcequelà…Jehochelatête,incapabledeparleràlavuedesonpantalongonflécommepaspossible.Ilmesoulèvecommeunepoupéeetmeremetsurmespieds.Nousavonsquittélemanoirenmoinsdecinqminutesenpassantparlesjardins.MaisdanssonAstonMartin,Isaacnenousemmèneniverschezmoiniverschezlui.Ilroule,encoreetencore,silencieusement,lesmainsserréessurlevolant,laminerenfrognée.

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Jenecoucheraipasaveclui,s’ilestdanscetétat-là,c’estclair.Déjàquejefaisdesefforts,fautpasm’endemandertrop.

Jetendslamainetmetslamusiqueenmarche.Ilal’airdes’enfoutreroyalement.Jechoisisunechaînenationalequipasseentreautresdurockprogressif.

Cen’estquequandilsegareaumilieudenullepart,surlebascôtédelaroute,quejereconnaisl’endroit.

Laplagesurlaquellenousavonsdormi.Saplage.Aveccetairfantasmagoriquequeluiconfèrelapleineluneenlaissantsonrefleteffectuerdesvaguesàlasurfacedel’eau.

Le moteur coupé, le silence dans l’habitacle se fait assourdissant. Je ne sais même pas s’il aencoreenviedequoiquecesoit.Parfois,jemedisquesij’aidumalavecmonpassé,c’estégalementsoncas.

—Zac…—Jecroisquetuavaisraison.Onn’auraitjamaisdûalleràcettesoiréemerdique.Ilgardelessourcilsfroncésetregardedevantdelui.Sijedétestequ’ilchercheàcomprendremonpasséetcequ’ilm’estarrivé,jedétesteégalement,

sicen’estplus,levoirsipréoccupéetsoucieux.Uninstinctdeprotection,ousimplementmoncœurbientropmoelleux,mefaitréagir.Jedéfais

maceinture,luigrimpedessus,passantmesjambesdechaquecôtédesescuissesenm’appuyantsursesépaules.Lavoitureestbasseetserrée.Jedoismepencherenavantpournepasavoirlecoupliéetlevolants’enfoncedansmondossibienquejedoismecolleràluipourrestersurlui.

Passél’instantdesurprise,Isaacreculesonsiègepourmedonnerplusdeplaceetm’attireversluicomme s’il prenait de nouveau conscience dema présence. Jeme demande si c’est seulement sonfrèreetsamèrequileperturbentàcepoint.

—Excuse-moi,murmure-t-ildanslesténèbresdel’habitacle.Je tends lamaindoucementet commenceàdéfaire lesboutonsde sachemiseunàunavantde

glissermesdoigtssursontorseimberbeettatoué.Jedessinelespetitesailesensuivantlecontouretlesensfrémirsousmoi.Isaacnes’excusequetrèsrarement,maisquandilagitcommeunimbécilefinitetqu’ils’enrendcompte,iln’hésiteplusàlefaire,j’airemarqué.

Jememordslalèvreinférieurepourl’empêcherdetrembler.Memontrerentreprenante,cen’estpastropmoi,pasvraiment.Maiscesdernierstemps,j’aivécu

tropdechosesavecluipournepasessayer.Pournepassurpassermapeur.Nos souffles se mêlent et le mien s’accélère quand en me regardant dans les yeux, Isaac fait

glisserlesbretellesdemarobe,puistoutdoucement,lafermetureéclaire.Derrièrenoustoutbas,GooGooDollschanteàlaradio.«AndI'dgiveupforevertotouchyou/Etjerenonceraisàl’éternitépourtetoucher'CauseIknowthatyoufeelmesomehow/Carjesaisquetumesensd’unemanièreoud’uneautre

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You'retheclosesttoheaventhatI'lleverbe/TuesplusprocheduparadisquejeneleseraijamaisAndIdon'twanttogohomerightnow/Etjeneveuxpasrentreràlamaisontoutdesuite»{10}

Lorsqu’ilfinitdemeretirerlehautdemarobeetquejefrissonnesoussesdoigtsetsonregard,jemehâtedeluiouvrirsachemise,histoiredenousmettresurunpiedd’égalité,mêmesinousnelesommespasvraiment.

Isaac descend mon sous-vêtement sans plus de manières, affichant mes pointes durcies à sonregarddejade.Jefermelesyeuxquandseslèvress’emparentdemonseindroit,mefaisantgémirdeplaisir.L’humiditédesabouchemerendfiévreuse.Ilmemorddélicatement, toutenpétrissantmeshanches et mon dos de ses paumes alors que les miennes se perdent dans ses cheveux si douxauxquelsjem’accrochecommeunenaufragée.

Il s’estmis à sucermon sein,me faisant oublier lemonde qui nous entoure,me faisant râlerd’extase.Jem’étrangleenpensantaubruitquejefais,maisIsaacmesoulèveet,plusempresséquejamais,glissesesmainssouslebasdemarobeencaressantaupassagemescuisses.

J’ai toujours cette impression d’être vivante sous ses doigts, de me réveiller à chacun de sesgestes.Deluiappartenirpleinementetqu’ilnemelaissepasunpeudemoi,non,ilprendtoutetjeleluidonne.

Jelesenssousmoietnerésistepasàmecollerencoreàlui,cequiapoureffetdefrottersonsexedéjàplusdurquejamais.L’humiditédemonentrejambesefaitressentirdeplusenplus,maisIsaacnemetouchepas,commes’ilhésitaitàlefaire.Pourtantseslèvresontgonflé,sespupillessontdilatéesdedésiretbrillentdanslenoir.Jen’enpeuxplusd’êtresiprocheetsiloinàlafois.Iltranspireetjehalètesifortquel’oxygènesemblesefairedeplusenplusraredansl’habitacle.

Derrièrenous,lavoixmagiquechantetoujours.«AndallIcantasteisthismoment/Ettoutcequejepeuxgoûterc’estcemomentAndallIcanbreatheisyourlife/Ettoutcequejepeuxrespirerc’esttavie'Causesoonerorlaterit'sover/Cartôtoutardc’estfiniIjustdon'twanttomissyoutonight/Jen’aisimplementpasenviequetumemanquescettenuit»—Mia…dis-moiquetuenasenvie…J’enaienvie.BonDieu,oui,j’enaienvie!—Jeveux…—Quoi?—Tesentir.Isaacmesoulèveunpeuetencontinuantdeléchermapoitrine,incrustesesdoigtssousladentelle

de mon tanga et me fait gémir comme je n’ai jamais gémi en touchant mes lèvres mouillées etglissantdoucemententreelles.

—Zac…Murmurer sonnom semble le griser davantage. Il s’enfonce enmoi,me forçant àmepencher

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jusqu’àsoncoupourluimordrelapeauetm’empêcherdecrier.Iln’aplusdesouffle,jelesens,luiaussiseretientd’imploser.Jedécidedeprendrelesdevantsetdéfais lesboutonsdesonpantalon.Ilm’aidepourallerplus

vite,sepencheenavantpourfouillerdanslaboîteàgantsetattraperunpréservatif.J’hésiteàletoucher,letouchervraiment,encorebientropréservéepourfaireça.AlorsIsaacle

faitpourmoi.Soulevantdeshanchespourdescendresonjeansetsoncaleçon,ilseprendlui-mêmeàpleinemainetfaitapparaîtresonmembreénormeentrenous.Jedéglutis.

Uneodeurvirile,puissanteetmasculineenvahitl’habitacledéjàemplidesfragrancesdusexe.Ilglisselepréservatifsurluietheureusement,lapénombrel’empêchedemevoirrougircomme

uneprude.Je pousse un gémissement lorsqu’Isaacme pétrit les fesses enme ramenant sur lui pour faire

pointersonsexeàl’entréedumien.—Tun’aspaspeur,bébé?Hein,dis-moi…Jemepencheàsonoreillepourmurmurer,lesseinspresquedanssabouche.—Bleu.Toutestbleu.Seulluipeutcomprendrecequecelasignifie.—Tuesparfaite,Mia…Il entredoucement enmoi, si doucementque jeme sensglisser contre lui.C’est une sensation

merveilleusequed’êtreremplitparsavirilité.Machaleurl’accueilleavecintensité.Ouc’estluiquimeremplitàlaperfection,jenesaispas.

—Putain,t’estrempée,bébé,çaglissetoutseul.T’estrempée…Ilsouffleavecuneespècedemélanged’admirationetd’excitationquimefaitgémirplusforten

roulantdeshanchescontrelui.Oùes-tupasséeMiaGilmore?Jenemereconnaisplus.Etpourtant,jen’aiaucuneenvied’arrêter.Isaacmesoulève,lesmainssurmesfesses,etmefaitrevenirsurluienm’accompagnantdeson

bassin.Jedoismereteniràsesépaulespournepasbasculer.Sonodeurmefaitchavirer,lefrottementcontremapeaumefaitcarrémentdélirer.Jenesensmêmepaslesgouttesdetranspirationquicoulentdans mon dos. Les vitres de la voiture sont complètement embuées et on n’y voit plus rien. Onn’entendplusrien,nonplus.Seull’instantgrisantettorridedanslequelnoussommesplongésestuneréalité.

Auborddel’implosion,jepressemeslèvrescontresonfrontetluirelèvesescheveuxtrempés.Sapeaualegoûtsalédelasueur.

Isaacgémit,gémitvraiment,enmepoussantplus fortdeseshanches.Jedoismemaintenirdesdeuxmainsauplafondmaintenantparcequecescoupssefontpluspuissants,plusrapides.

Ilm’observeme soulever et redescendre sur lui, poseunemain surmon sein droit et le pétrit

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aussifort.Toutàmessensations,jefermequandmêmelesyeuxdevantsonregardperçant.—Ne…me…regarde…pas…commeça…,Zac…—Tuesbelle…tuesbelle,Mia…—Jet’enprie…,jegémisdehonteenmemordantleslèvres.Il semble lutter intérieurement,mais ne cède pas. Au contraire, il se recule dans son siège en

soulevantdeshanchespourmefairealleretvenirsurluiencontinuantdemefixer.Sapaumeaquittémon sein pour remettre une mèche collée à mon front derrière mon oreille. J’ai chaud. Je nerésisteraipaslongtempsàcettedouleursipuissantequinedemandequ’àêtreapaiséedanslebasdemonventre.

J’ouvre lesyeuxquandIsaacpose lamainsurmajoueetcaressemes lèvresduboutdupouce.Mesyeuxs’accrochentauxsienssibrillants,sivivants.

Ilestamoureuxdemoi.Ill’adit.Bonsang,ilmel’adit.J’aimesamanièredemeregarder,safaçondevoirenmoicequemoi-mêmejenevoispas.Sousson regardsaisissant, jemesoulèveencoreenmecramponnantauplafond,et redescends

surluidansunmouvementaccompagnantvivementsonbassin.Ilalaboucheentrouverte,lefrontplissé,unairconcentréetsérieux,etlaveinedesoncoubat

furieusement.C’esthorrible,cettefaçonqu’ilad’êtresibeau,mêmeensueur.D’êtresiparfait.D’êtreirrésistible.J’aipeurderessentirtropdechoses.Dem’attacher…encore.

Jefermelespaupièrespourmegriserdecemomentdeplénitudeetdebien-êtreeuphorisant,maisilmepresselajoueetmeforceàlesrouvrir.

—Regarde-moi,sweetheart.Mesprunellesclairesplongentdanslessiennes.Jesensqu’ilestsiprès,luiaussi.Isaacm’attire,lamainderrièremanuque,etcollesaboucheàlamiennesansmelâcherdesyeux.—Jeneviendraipassanstoi,Mia.Viens,jouisavecmoi.Jegémiscontrelui.C’estpresqueunsanglot,parcequecesparolesmefontchavirerautantque

sesmouvementspuissants.Ilhalèteetsonsoufflenefaitquem’exciterdavantage.Jemepencheaubordduprécipice,dois

m’accrocheràsescheveuxunpeutropfort,maisimpossibledefaireautrement.Quand ilm’attire encore plus fort sur lui, jemedésintègre dans une explosiond’uneviolence

inouïe.Lajouissancemeprendtellementaudépourvuquej’enresteinterditeet immobile.Unlongcri s’échappedemaboucheque j’étouffedans le coud’Isaac. Jene savaispasque cepouvait êtreaussipuissant.

Isaacs’estdissoutenmêmetempsquemoi.Ilétouffeuncrisourdetsecontracteaumomentoùmesorteilsseraidissentetquejememetsàtremblersurlui.

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Ilmurmuremonprénom,encoreetencore,maisjesuisloin,bientroploindelaréalité.Aveclesparolesd’Irisquiflottequelquepartautourdenous.

«IjustwantyoutoknowwhoIam/Jeveuxjustequetusachesquijesuis.»L’instantestpuissant,emplitnonseulementdesensualité,maisaussidecettemagiequiémanede

nosregardsaccrochésl’unàl’autre.Jesuisentraindeluidonnercequejepeuxdonnerdemieux,cequejepeuxdonnerdeplusdemapersonneetillesait.Voilàpourquoiilnem’apasdemandédeluirépondreladernièrefois.Isaacaconsciencedecequejeluioffre,j’ensuissûre.Cetacte,commelesautres,n’estpasjusteunactesexuel,non,c’estundondemoi,cettepetitepartiedemoiquejecroyaismorte.

Ilnemelâchepasdesyeuxuninstantetquandmoncœurstoppesacoursefollecontresapeaubrûlanteetensueuretque jecessedepalpitersi fortautourdesonmembreetde l’enserrer, Isaacreposesonfrontcontrelemien.

—Est-ceque…—Çava,Zac.Çava,jevaisbien.Plusquebien.Jel’embrassepourleluiprouver.Parcequejesaisquec’estcequ’ilallaitdemander.—Tuesincroyable.—Arrêtedem’envoyerdesfleurs,jesouffleenrefermantmesmainssursanuqueetnepouvant

m’empêcherdesourire.Illaisseéchapperunpetitrireetmemordlalèvreentirantdessus.Monventredéjàtoutchaud,s’enflammedenouveau.Ilmecaressedoucementlapeaududos.—Çateditunbainavecmoi?Moncœurs’emballe.Unbain?Chezlui?Non,parcequ’iln’yapasdebaignoirechezmoi.—Unbaindeminuit,bébé,sesent-ilobligédepréciser.Ilseredresse,ouvrelaportièredesonvéhicule,et jefrissonnequandunventfraiss’engouffre

dansl’habitacleetnoussaisit.Jemeretireetilnouelepréservatifpourlejeter.—Tuveuxdire…Isaacseredresseetmepousseàsortirdelavoiture.Malgrémesjambesunpeutremblantes,jeme

rhabille vite fait en espérant que l’endroit soit toujours aussi désert que d’habitude.Mais il n’y apersonneàdeskilomètresàlaronde.Quedestortuesdanslesable,certainement.

Isaacaôtésachemiseetm’entraîneavecluienmetirantparlamain.Ilcourtpresque.Jerisdelevoirsiempresséetinsouciant.Quandilmarchedevantmoi,sousla lune,ses tatouagesprennentvieetsemblentbougersursa

peau.Commeleciel,toutsondosestconstelléd’étoiles.Il retireàprésentson jeansensautantsurplaceetplonge tête lapremièredans l’eauglacéedu

Pacifiqueencriant.Jeresteuninstantauborddel’eau,indécise.

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—Viens,Mia!Viens!hurle-t-ilenm’éclaboussant.Jerisencore.—T’escomplètementfou!Maisj’aioubliémagêneuninstant.J’aioubliéquejenesuispasbelleetquejen’aimepasqu’il

me regarde de trop. J’ai oublié que j’ai peur de tout, de lui, demoi, de nous, de ce que je peuxressentir.Et jemedéshabilleaussi et envoievalsermapetite robeavantde sauter à l’eauen sous-vêtements.

Merde,elleestvraimentglacée!Isaacm’attrapeparlesjambesetm’attirecontrelui,noscorpsàmoitiésousl’eaufroide.Çamerappellelapremièrefoisqu’ilm’aembrassée.Quenousnoussommesembrasés.—Jesuisfou,oui,soupire-t-ilcontremeslèvres.Detoi.Jerefermemabouchesurlasienne.Cesoir,c’estlanuitdesmorts.Pourtant,malgrétouslesfantômesquim’habitent,jesaisquedans

sesbras,jesuisplusvivantequejamais.

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10

L’enfanceavortéeIsaac

UnmoisetdemiplustardJeprends lepackdebièresd’unemain, lecharbonde l’autre, etmedirigevers lacaisse.M.J.,

quant à lui, s’empare d’un énorme sachet de sucettes à la cerise en plus des imposants paquets dechipsqu’iltrimbale.

Devantmoi, un type grand, plutôt baraque, une veste kaki sur le dos et une casquette enfoncéejusqu’auxoreilles,prendtoutsontempspourpayer.

Jejetteunœilàlapenduleau-dessusdelacaisseenregistreuse.Ilest13heurespassées.Miavapéteruncâble.

Aprèsuntourparlecimetièrepourprendreleshitqu’onaplanquéetunlong,trèslongdétourparGrandBaypourrécupérerColline,quiamistroisheuresàsortirdelasalledebain.OnaenfinfaitlescoursesqueMiavoulaitavantderentrer.N’empêchequ’ellevapéteruncâbleparcequ’onestenretardetqu’ellenousattenddepuiscematin.

Jesoupireostentatoirementparcequelemecdevantmoiprendtroisplombesàchoisirentreunpaquetdechewing-gumàlamentheouàlafraise.

Jejettevitefaitunœilsursescourses.Iln’yapasdequoimettreautantdetempsàpayerunboutdecorde,duscotch,delapeintureetdessucettesàlacerise,si?

Ilmeregardedebiaisquandjeposemonpacksurlatabledelacaissière.Quifaitdubricolageundimancheensoleillécommecelui-làdetoutefaçon?Etquiauraitl’idée

deporteruneparkaparunechaleurpareille?Mêmemoi,j’aisortiledébardeurpourrespirer.Miasefoutdemoietm’accusedevouloirfairemonintéressantenexhibantmesmusclesetmestatouages.Non,c’estjustequ’ilfaitchaudbonsang!Trente-cinqdegrésàl’ombreàlami-décembre.VivementlesvacancesdeNoëldansunesemainequ’onpuissepassernosjournéesàsebaignerMiaetmoi.

—Trente-cinqdollars,luidemandelacaissière.Lemecretireunportefeuilleusédelapochearrièredesonjeansetprendquelquesbilletspliés

d’unedrôlede façonavantdes tendres à la femme. Je remarque la tachedenaissance sur samaindroite.Elleesténorme,bruneetpoilue.Y’enaquin’ontpasdechance,putain.

M.J.souffleens’impatientantaussiderrièremoi.—J’ailadalle,seplaint-il.—Moiaussi.MaisMianenouslaisseramêmepastoucherànosassiettessionn’estpaslàdansla

demi-heure.

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Montéléphonevibredansmapochepourlatroisièmefois,maislesbraschargés,jenepeuxpasrépondre.ElledoitêtreentraindepassersesnerfssurGabrielouAshtonavecquielleafaitlapaixapparemment.

C’estenfinànotretourdepayer.Letypeprendsesaffairesetsortenzieutantvitefaitversnous.J’interceptesonregardbrunetnoiràlafois.Maisenunedemi-seconde,iladisparu.

Nouspayonsetsortonsrapidement.Dehors,nousquittonslaplacedestationnementavecl’Astonenneremarquantmêmepaslepick-

upgaréauboutdelaruequinousobserve.**

—Salut!CollineplanteunbisousurlajouedeMiaquis’écarteaussitôtetyposelamain.Jem’efforcede

ne pas sourire.Elle réagit encore tout le temps comme ça avec les autres.Elle a beau les côtoyerdepuistroismoismaintenant,ellenes’esttoujourspashabituéeaufaitdefairepartieintégrantedugroupe.

Maislesautres,eux,nefontmêmeplusattentionàsaréticence.Detoutefaçon,avecmoi,ilsn’ontpaslechoix.C’estelleetpersonned’autre.

JelaregarderetirerlespignonsdemaïsdufeuavecMiguelensesoufflantsurlesdoigtsparcequ’elles’estbrûlée.Etdanssarobeblanchesouslesoleiléclatant,jelatrouveplusmagnifiquequejamais.

Oui,c’estelleetpersonned’autre.Justeelle.Ellenem’ajamaisrendumesmots.Unefois,pendantqu’elledormaitdansmesbras,jeluiaidit

que je l’aimais.Maisellenem’entendaitpas.Mêmesielleétait réveillée,ellenem’entendraitpas.Ellerefusedem’entendre.Oudemelesrendre,toutsimplement.

Cen’estpasgrave.Dumomentquejesuisleseulàleluidireetàenprofiter,jemefousqu’elleait peurdu reste. Il faut du tempspour aimer, je le sais, çam’apris vingt-quatre ans.Et il en fautencorepluspourprononcerlesmots.Surtoutquandonapeur.

MiguelsejettesurlepackdebièresetAntheasurleschipspendantqueGabrieldiscuteavecL.A.quisefaitdorerlapiluleausoleil.

Nous avons tous élu domicile au bord du lac, ce dimanche, pour un barbecue géant. Commeautrefois.Commeavant…l’accident.SaufqueLaran’estpluslà.Etqu’unepetitebruneaucaractèrebientrempéhabitesamaison.

CommeMiarefusesouventdevenirdormirchezmoi,jepasseleplusclairdemontempsici.Ellen’ajamaisdéménagé.Etpuis,cejournal,siçasetrouve,ilnedoitmêmeplusexister.

—Donne-moiça,jecommandeenluiretirantleplateaudemaïsdesmains.Ellemefusilleduregard.Cesputainsd’yeuxbleusaurontmamort.—Vousêtesenretard!

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Jeme penche pour l’embrasser sur le bout du nez. J’aime bien faire ça. J’aime bien son nez.J’aime les taches de rousseur qui s’y dessinent chaque fois qu’il fait beau et chaud commeaujourd’hui.

Elleme fusilleencoredesyeux,mais sedétournepourarracher lesautrescoursesdesbrasdeM.J.etilsfilenttouslesdeuxverslamaisonens’embrouillant,commed’habitude.

J’ail’impressionqueM.J.afiniparcomprendrequ’iln’avaitaucunechance.Enfin,c’estpeut-êtrejusteuneimpression.Alors,jelesurveillequandmêmed’unœil.

—Tuneveuxpaslalâcherdesyeuxcinqminutes?soupireMiguel.—Çateregardepeut-être?Non.Alors,ferme-la.L’après-midipassecommeça.Sousunsoleiléclatant,àboiredelabière,àmangerdesribs,du

maïs et toute sorte d’autres choses. Tout est comme avant entre nous tous, à part que Mia faitdésormaispartiedecettebande,etsurtout,qu’ellem’appartient.Jesaisqu’enthéorie,unêtrehumainnepeutapparteniràunautre.Mais…elle,c’estdifférent.Ellem’appartientetjeluiappartiens.C’estcommeça.Personnenepeutrienychanger.

Elle est toujours gênée que je la touche devant les autres, mais ne se plaint plus vraiment. Jel’assiedssurmesgenoux,quandnoussommesàtableetmalgrélesregardsmoqueursdeL.A.,elleselaissefaire.

Auboutd’unmoment,jemelèvedetablepourallerpisser.Jefinisde lavermesmainssous l’eaufroidede lasalledebain,quandCollinepousse laporte

pourrentreretseposeràcôtédemoi.Elleprendsonmascaradanssonsacets’entartinelescils.Nonpasqu’ellen’enaitdéjàpasassez.—Netegênepassurtout.—Maisnon,monchou.Jamais.Jesoupireetm’apprêteàsortirquandellemehèleducoude.—Çanetefaitpasbizarrequ’onsoittousréunisici,commeavant?Nosregardsémeraudesecroisentdanslemiroirau-dessusdulavabo.—Non.Toi,si?—Unpeu.Commentçasepasseavecelle?Collinen’estpascommelesautres.Jesaisquecen’estpasdelacuriositémalplacée.Elleestla

seulequiasucequejeressentaispourMiaavantquemoi-mêmejenem’enrendecompte.—Çasepasse.C’estlafillelaplusincroyablequejeconnaisse.—Oui,j’imagine.Elletelaisseluifairecequetuveux?OK,lesconversationstabouesavecCollineçan’ajamaisfonctionnédetoutefaçon.—Sexuellementparlanttuveuxdire?—Non,sentimentalementparlant…Biensûr,sexuellementparlant,espèced’ornithorynque!Elle

n’apasdemalàgérerparfois?

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—Enquoiçateregarde?Tucroisquejevaisteraconternosexploitsouquoi?—Çaneteposaitpasdeproblèmesavant.Oui,maisavantMia,c’étaitavant.Pourtant,l’expressiondénuéed’intérêtdeCollinemefaitchangerd’avis.—Non,biensûrqu’ilyadestrucsqu’elleneveutpasfaire.Tucroisquejemecontenteraisdela

baiseraussidélicatementsij’avaislechoix?C’estvraiquoi.Riennevautl’amouravecMia,maissielleselâchaitplus,mefaisaitconfiance,

çapourraitêtreencoremieux.Collineritdoucementalorsque,denervosité,jepassemesmainsdansmescheveux.—Ilfautquetusoispatientavecelle.—Jelesuis.—Elleestgéniale,cettefille.—Jesais.Elle ne m’apprend rien de nouveau. Bien sûr qu’elle est géniale. C’est la personne la plus

extraordinaireque j’ai rencontréedemavie.La seuleà savoirapaisermescolères.La seuleàmefairepalpitercommeça.

—Jesuiscontentepourtoi.LesourireemplidesympathiedeCollinemefaitsoupirer.Jesorsdelasalledebainavantqu’ellen’aitl’idéedesemettreàchialerouuneautreconneriede

cegenre.Çasuffitlesépanchements,bordel!DéjàqueSloan,MalouetMaggieenfonttouteunehistoiredemarelationavecMiaetquejesuis

harcelédequestionsàlacon.**

Une fois que les autres sont partis, je l’aide à tout ranger.Mais elle en fait des tonnes commed’habitude.Riennedoitrester.Ilfauttoutnettoyerdanslesmoindresdétails,ilfauttoutremettreàsaplace. Comme si le monde allait tourner à l’envers si les verres ne sont pas rangés dans le bonplacard.Jesoufflesouventd’exaspération,maissonnezdilatéetsonregarddetueurmefontremettrevraimentlesverresàleurplace.

Pourtant,aujourd’hui,j’aivuqu’elleétaitpréoccupée.Etçan’arienàvoiravecmoipourunefois.Non?

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Mia—Est-cequec’estGabouMiguelquit’amiseencolère?Jeris,maissansaucunetraced’humourdanslavoix.Isaacfroncelessourcilsetposeunemain

surmonbras.Maintenant,ilcherchecequim’énerve,cequimemetdemauvaisehumeur.Commes’ilnelesavaitpas.Pourtant,jesuisplustristequ’énervée.Parcequej’aibeaufairedesefforts,invitersesamisetpartagerdesmomentsaveceux,pourlui

montrerquejem’intègreàsavie,oui,j’aibeaufairetoutça,queceneserajamaisassez.Enunpeuplusd’unmois,jepensaisquenousavionsfranchiunnouveaucap.Finalement,l’histoireducoupleidéalquejemefaisn’existequedansmatête.Jenel’auraispas

su,si jen’étaispasvenueprendredesbièrespourMigueletGabrieldans lacuisinealorsqu’IsaacétaitenfermédanslasalledebainavecColline.

—Quoi?C’estmoi?Jeme remets à récurer plus fort la crasse qui s’est installée sur le plan de travail. J’aimerais

frottercelledemaviedelamêmefaçon.Lafairedisparaître.Changerdepeau.Toutça,c’étaittropbeaupourêtrevrai,hein,Mia.—OK.Attends.Parle-moilà.Jenecomprendsrien.Ilnecomprendrajamaisrienàriendetoutefaçon.LesoircommenceàdescendresurHélèneGroveetlesoleillaissesesderniersrayonsilluminer

lafenêtredelacuisine.JemedétournepourqueZacnevoiepasmesyeuxembués.—Jet’aientendu…—Quoi?Commentça?Ilmeforceàmeretournerversluietjelaissetomberrageusementletorchonquej’agrippaisde

toutesmesforces.—AvecColline.Jevousaientendus.Jesaisqu’ellefaitpartiedesfillesquetu…quetu…Ilestdevenulivideetmelâchebrusquement.—Tu…Non,Mia…,cen’estpas…Cen’estpascequetupenses.Jeravalemeslarmesetl’arrêteenlevantmesmains.Ilaconnudestasdenanas,qu’est-cequeje

croyais?—Tun’aspasàfaireça,Isaac.—Fairequoi?—Merassurer.Temettreenquatrepourmefairecroirequetoutestgénialentrenous.—Jesais,mais…écoute,bébé…—Arrête,Zac.Toietmoi,ilfautqu’onarrête.Laissetomber.Cettehistoireestfoutued’avance!Ilmeregardeaveccequimesembleêtrelaplusgrandepeinedumonde.Illèvelesmainsàson

touretserapprochedemoi.

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—Pourquoitudisça?Nedispasça.J’ai…Jeposemespaumessursontorsepourlestopperetrecule.—Jet’enprie.Çafaitsuffisammentmalcommeça.Jesaisque…jesaisquejenetesuffispas.

Quejenetesuffisplus.Quejenetesuffiraijamais.Jesuisconscientequec’estperdud’avance.Mesyeuxs’embuentetmalèvretremble.C’estsidouloureuxdel’avouerhautetfort.Isaacserapprocheencore.Ilserrelamâchoire.—Non,c’estdesconneriestoutça.Jesaisquetuesencolère.Tudisçaàcausedelaconversation

quetuassurpriseavecColline.Bébé,jetejurequecen’estpasça.Àcetinstantprécis,tueslaseulepersonneavecquij’aienvied’être.L’unique,tuentends?

Jedoisclignerplusieursfoisdesyeuxpourm’empêcherdepleurer.—JenesuispascommecesfillesavecquitusorsIsaac,jeneleseraijamais…—Jeneveuxpasquetusoiscommeelles.Jesaisquetuneleurressemblespas.Tuesunique.Je

sais de quoi ça avait l’airMia, mais je te jure que ce n’est pas ce que tu crois. Je te désire, toi,seulementetuniquementtoi.

Impossibledenepaspleurer.Magorgeseserre.Leslarmesm’étouffent.—Alorspourquoituasditça?Est-cequetuparlesdemoicommeça,aveclesautresaussi…?J’encrèverais.SiDeaconnem’apastuée,luileferaplussûrement.Del’intérieur.Isaacs’approcheetenserremonvisagedanssesmains,sonnezcolléaumien.Sesyeuxsontvert

forêtmaintenantavecdespointesderouge.—Jetejurequenon.Jenepartageriendecequ’onfaitavecpersonne.Collineétaitaucourantde

tout ceque je ressentaispour toi, de la façondont je tedésirais,bienavantque jene le soismoi-même.Ettoutcequej’aidit,c’était…delamerde.Écoute,detoutefaçon,iln’yarienquej’aienviedefaireavecquelqu’und’autrequetoi,tusais.Letruc,c’estque…

Ilessuiemeslarmesdespoucesetsetaitbrusquement.Maisj’aibesoindesavoir.—Quoi?Dis-le.Dis-leouc’estfini.Noussoutenonsleregarddel’unetdel’autreaussidurqueçal’est.—Des fois, j’ai enviede tebaiser. Jeveuxdire,de te…enfin, lorsque t’es encolèreetque tu

fronceslenezpourmecrierdessus,jetetrouvesexyetj’aienvie.Ouquandtusoufflesparcequetues occupée et que je t’agace. J’ai envie de te prendre comme ça, brusquement. Je sais, c’estcomplètementbarré,mais…C’estparcequec’est toi.C’est justeavectoiquej’enaienvie.Etavecpersonned’autre.Çaneveutpasdirequetunemesuffispas,aucontraire.Personnenem’ajamaissuffiàcepoint.

Meslarmescoulentdeplusbelle.Etquandjeparle,impossibledenepasavoirlavoixpleinedesanglots.

—J’essayeZac.J’essayed’êtrenormale…pourtoi…Jetejurequej’essaye…

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Isaacm’attirecontrelui,m’embrassepourmefairetaire,boitlestraînéessaléessurmesjoues,mebaiselespaupières,leslèvres,lamâchoire…

—Oh,monbébé.Non…,tuesnormale.Jeneveuxpasquetucroiesça.Jesuisdésolé…Tun’asrienàprouver.

Ilmeserredanssesbrasetjeposemonfrontcontresontorse.—Jet’enprie,necroispasça,Mia.Je tedemandepardon,c’estdébile.Jen’avaispascompris

queçatefaisaitdumal.Pardon.Jem’agrippeàsont-shirtetilmerelèvelementondupouce.Danssesyeux,jevoistoutelaculpabilitéqu’ilressent.Isaacrefermedoucementsabouchesurlamienne.Jemefondsenlui.Parcequejem’ysensbien.

Terriblementbien.Ensécurité.Mêmesijesuistoujoursanesthésiéepartoutcequej’aientendu.Jeluirendssonbaiseretilresserreunpeuplussonétreinteautourdemoipourmesouleveret

meporter.J’enroulemesjambesàseshanchesetm’agrippeàsescheveux.Lespulsationsdemoncœurralentissentalorsquesalanguecaressetendrementlamienne.—Mia…Noslèvressetouchent,maisilouvrelespaupières.Jeleregardeaussicommeça,lesyeuxrougis

etbrûlants.—Tueslameilleurechosequinemesoitjamaisarrivée.Lameilleure.J’aibesoindel’entendre,encore,encore,encore…Commentjepourraisêtrelameilleurechosequineluisoitjamaisarrivée?Moi?—Jenesuispasfaitepourtoi,Zac.Tuasconnudestasdefilles,quitedonnerontbienplusqueje

netedonneraijamais.Parcequejesuisbrisée,etça,illesavaitavantdeselancerdanscettehistoireavecmoi.Isaacneditplusrien,nefaitquemefixerunlongmoment.Jemedemandeàquoiilpensejusqu’à

cequ’ilmereposesurmespiedsetsedétachedemoi.—Viensavecmoi.Ilfautquejetemontrequelquechose.Ilpivotesurlui-mêmeetm’entraîneaveclui,attrapantaupassagelesclésdesavoiture.—Oùest-cequ’onva?—Viens.Écoute-moi.Etaprès,tucomprendras.Maintenant, dansma petite robe d’été blanche, j’ai froid.Mais il neme laisse pas le temps de

passerunevesteouautre,jepeuxjusterefermerderrièremoiavantqu’ilmetireversl’extérieur.Lanuitesttombée.Oùveut-ilaller?Nousgrimponsdanssavoitureetilmetenroutelemoteursansattendre.Isaac sort d’Hélène Grove, traverse Eponac et redescend en direction de Grand Bay. Dans le

silenceleplustotal.

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J’ailecœurlourd.Luiaussi?Etquandils’arrêtedansuneruepeupassanteducentreetsegaresurlecôté,jen’aitoujourspas

compriscequ’onestvenufairelà.Ilserrelesmainsautourdesonvolant,froncelessourcilsetseretourneversmoi.Maiscen’est

pasmoiqu’ilregarde.C’estl’autrecôtédelarue.Jemedétournepourcontemplerlascènequ’ilfixeintensément.Ilyaunrestaurantdel’autrecôté.Unbed&breakfastunpeumiteux.Avecdesnappesàcarreaux

rougesetblancsetdesserveusesentablierdumêmestylequis’activent.—Qu’est-cequ’onfaitlà,Zac?—Jevoulais…Sarespirations’accélèreetilsetaitcommes’ilavaitdumalàarticuler.—Tulavois?Cellequiestprèsdubaretquiparleàunmec?Mesyeux sont toujours rivés vers l’endroit et cherchent désormais la femmedont ilmeparle.

Lorsque je l’aperçois enfin. Elle porte un tablier rouge, et discute avec un homme accoudé aucomptoir.Elletientunplateaudanssesmains.Uneserveuse.Commemoi.

Oui,etalors?Jehochelatêtesansréellementcomprendrecequ’ilestentraindemedire.—C’estCassie.Commentça,c’est…Jeme retournevivementvers lui.Mais il aquitté lebed&breakfastdesyeuxpour fixerdroit

devantlui,lesphalangestoujoursfermementagrippéesàsonvolantencuir.—Tuveuxdire…—Mamère.Cettefemme,c’estmamère.Effarée,mon regard fait des va-et-vient entre elle et lui. Puis je l’observe. Cassiopée. Elle est

petite,menue,maisporteunepairedetalonsvertigineux.D’aussiloin,jenevoispastouslestraitsdesonvisage,maisellemesembleplutôtjolie.Elleadelongscheveuxnoirsattachésenunequeuedechevaletunefrangequiluibarrelesyeux.Ellefaitjeune,trèsjeuneentoutcas.

IlmefautunmomentpourreveniràIsaac.—D’accord…,jemurmuredoucementnesachantquedired’autre.Isaacfinitparreposersatêtesursonsiègeetfermelesyeux.—Ellen’apastoujoursétéserveuse.Enfait,ellefaitçaseulementdepuisdeuxans.Avant…elle

seprostituait.Etilyavingt-cinqans,elles’estfaitviolerparuninconnu,danslarue,unsoir…Jeretiensmonsouffle.Isaacalavoixcassée.—Elleaportéplainte,maisonn’a jamais retrouvé legars.Quelquesmoisplus tard,elles’est

renducomptequ’elleétaitenceinte.Desjumeaux.Letempsquel’informationpénètremoncerveau,Isaacsetait.

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J’aidumalàassimilertoutça.Attends,attends,stop…euh,quoi?!—Tu…tuveuxdireque…Tu…Kilianettoi,vous…Isaacdéglutit,etlesyeuxtoujoursfermés,continuesonhistoire.—Ànotrenaissance,elleahésitéànousabandonnertouslesdeux.Finalement,elleenagardéun

eta jeté l’autre.Jedis jetéparcequ’ellem’aabandonnédansuncentrepournouveau-né.ÀTexeraBay.Ettandisqu’elleélevaitKillian,jepassaisdefoyerenfoyer.

Il parle avec la voix plus hachée que jamais et un peu tremblante. Je n’ose pas l’interrompe,sentantquelemomentestimportantàsesyeux.

—J’airencontrémonfrèreavantmêmedesavoirquiilétaitvraiment.Ilmecherchaitparcequ’ilétait au courant demon existence.Mais il ne me l’a jamais dit. Je vivais déjà avecMalou quandMiguel a retrouvéCassie pourmoi. La première fois qu’ellem’a vu, elle n’a eu aucune réaction.Aucune.Nisurprisenirien.Ellem’ajustedemandécequejeluivoulais.

Unpetitrirehystériquelesecoueavantqu’ilnepoursuivesonrécit.—Etpuis,quandelleasuquejerésidaisaudomaine,elleachangé.Ellefaisaittristeminetoutle

temps,pleuraitchaquefoisqu’ellemecroisait,etn’apasarrêtédemedemanderdel’argent.Elleseprostituait,maisn’envivaitpas.Ilyadeuxans,j’airéussiàluifairechangerdemodedevie.Onapassé un accord : je lui donne de l’argent si elle fait un vrai boulot et qu’elle se prend un appartcommetoutlemonde.Killiancroitqu’ilalapossibilitéd’alleràlafacgrâceàsabourseenbasket.Maisçaaussi,c’estMalouquiluipaye.Ilnelesaitpas.Ilm’enveutdepuistoujours.Quandilaapprisque jevivaischezMalou, ilestdevenuagressif. Ilmedétesteparceque jeviscommeungossederiche et que j’ai toujours tout ce que je veux et que lui a été élevé par unemère prostituée qui leforçaitàdormirchezdesmecsavecelle.Etmoi…moi,jeledétesteparcequec’estluiqueCassieagardéetquemoi,moi,j’aijamaiseudemère.

Àboutdesouffle,ilsetait.Jeleregarde,lecœurbattantàtoutrompre,avantdereportermonattentionsurlafemmedansle

resto,del’autrecôtédelarue,qui,jelevoisbienmaintenant,flirteavecleclientquiestaubar.Seigneur…Onpeutvivretoutça?Vraiment?Réellement?Brusquement, Isaac me retourne vers lui en m’agrippant au menton et plonge ses yeux verts,

rougisetbrillantsdanslesmiens.J’enailesoufflecoupé.—Tu vois,Mia. Tu crois que tu n’es pas assez bien pourmoi.Que nous n’allons pas du tout

ensembleparceque tuesbriséeetque tuasvécu…que tuasétévioléeetqueça t’adétruite.Maismoi,jesuislapirechosequetuneconnaîtrasjamais.Moi,jesuisl’enfantduviol,abandonnéparunemèrequin’aurajamaisvouludelui,néd’unactemonstrueuxetd’unpèreinconnuaubataillon.

Mesyeuxs’embuent.Ilditçadefaçontrèscalmeetdétachée.Peut-onveniraumondeavecunbagageaussilourd?

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—Nepleurepas,bébé.J’aimisquinzeansàm’yfaire,maisjem’ysuisfait.Jevoulaisjustequetucomprennes.Jen’aipasbesoindelapitiédequiconque.Jesuisbienoùjesuis.Jesaisquijesuis.J’aiMalouetSloan.Etmaintenant, je t’ai toi.Et j’ignoresi jenepourraiun jour recoller toussesmorceauxbrisésdetoi.Maistoi,tuarrivesàapaiserlacolèrequejeressens,àm’apaisertoutcourt.Toi,tumeréparesunpeuplusdepuisquetuesentréedansmavie.

Jebatsdescilspourm’empêcherdepleurer.C’estinjuste.Toutça,c’estinjuste.Etçamefaitmalpourlui.Jen’imaginemêmepasuneseconde

cequ’ildoit ressentir.Unemèrequi l’a rejetédès lanaissance,avantmême,parcequ’iln’étaitpasdésiré,parcequ’ilestissud’unactemonstrueux.

J’aienviedehurler.Pourquoil’universestaussicruel?Pourquoi!—Tumesuffis,Mia.Personnenem’ajamaissuffiàcepoint,souffle-t-il.Jel’aime.Seigneur,j’aimecegarçonimpossible,quimerendfolleetmefaitéprouvermillechoses.Etj’aimetouteslesimperfectionsquisommeillentenluietmêmelanoirceurquifaitpartiedelui.J’aimeraisluidiretoutcequejeressens.Maislesmotssefanentdansmagorge.Jemereculeetdoucement,enrefermantmesbrasautourdesoncou,jeleserrecontremoi.Ouje

meserrecontrelui,c’estdupareilaumême.Aveccetteimpressionquemoncœurvabondirhorsdemacagethoraciqueetluisauterauvisage.Isaactousseunpeu,mêmes’ilaposésesmainsdansmondos.Quandjemedétachedelui,sesjouessontunpeurougesetildétournelesyeux.—S’ilteplaît,nefaispasça,soupire-t-ilgêné.Jeluiremetssesmèchesdecheveuxenplaceetl’embrassedoucement.Ilabeaufaireledur,etmêmes’ill’estenvrai,etj’aibeaumesentirminusculedanssesbras,je

nepeuxm’empêcherdelecajoleretdememontrertendreaveclui.Parcequec’estlaseulemanièrequejeconnaissedeluiexprimermessentiments.

Etquelefairem’empêchedem’épanchersurmonpropresortetdepartageravecluimespeursetmaproprehistoire.

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11

L’amouravectoiMia

Décembre,domainedesPaonsBleusQuatremois.Celafaitquatremoisquejevissurcetteîleetquejel’airencontré.J’aitoujoursdumalàcroirequ’Isaacetmoisommesensemblemalgrétoutcequiapusepasser

entrenous.Dumalàcroireaussiquejecôtoiesesgarçonsquimefaisaientvraimentpeur.Nonpasqu’ilsmesemblentmoinsdangereux,maisj’ail’impressiondetouslesconnaîtreunpeuplus.

Pourtant,mêmeentourée,avecdesgensàquijepeuxparlercommeeuxtous,commelesfillesdelabande,commeLukeégalement, jenepeuxm’empêcherde traînerce trop-pleindesolitude.Moiquinesuishabituéequ’àmasœuretmamère.

D’ailleurs,lecoupdefilquejeviensderecevoirn’arrangerien.EllesneviendrontpasàNoël,lasemaineprochaine.Mamanaenfintrouvéuntravailcorrectdans

une galerie d’art et elle ne compte pas le lâcher. Bien sûr, Lukeme propose de payermon billetd’avionpourallerlesrejoindreàPhoenix,maisilesthorsdequestiondeluidevoirencorequelquechose.Déjàquej’aidumalàremboursermavoitureaveccequejegagne.

D’humeur maussade, je gare ma Camaro bleue à côté des dizaines d’autres véhicules arrêtésdevantl’immensedemeure.

C’estledébutdesvacancesdel’étéaustral{11}àMaryIsland.Ledébutdesfestivités,puisqueNoëlestdanscinqjoursmaintenantettoutlemondeinvitetoujourstoutlemondeàcommenceràfestoyerchez lui. Aujourd’hui, Madame Saint-Clair organise sa traditionnelle Garden Party si j’ai biencompris.Etjesuisinvitéeaussi.

J’aimislacombinaisonàmotifsgraphiques,quejen’aijamaisportée,avecdescompenséestrèscolorées. J’espère que je ne serai pas en complet décalage avec les gens présents. Je ne sais pascommentons’habillepourveniràcegenred’événement.Isaacnem’aaidéeenrienenmelançantun«quoiquetuportes,ceseraparfait».Aveclui,toutesttoujoursparfait.

Quand je sonne, c’est Maggy qui m’ouvre. Aussitôt, la gouvernante affiche un sourire d’uneblancheuréclatante.

—Mia!Maisvouspouvezentrersanssonner,voyons!Venezparici.Tout lemondeahâtedevousrencontreretMadameSaint-Clairn’arrêtepasdedemanderquandvousarrivez.

Lerougeauxjoues,jetrottineàsasuitejusqu’aupatio,traverselamaisonetnousressortonsparlepetit salond’apparat, de l’autre côté, pournous retrouver sur la terrassedederrière envahiedefleursexotiquesquisententbonlesud.

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Dans le jardin, de grandes tonnelles blanches ont été dressées et les invités flânent çà et là, endiscutantetbuvant…duchampagne.Laplupartsonthabillésdeblanc,loindescouleursflashyquejeporte.Jesavaisquej’auraisdûfairedanslasobriété.

Un serveurme tend un plateau de champagne et jem’empresse de prendre une coupe et d’enlaisserunpeumepétillersurlalangue.

Décidément,nousnevivonspasdanslemêmemonde,Zacetmoi.—Bébé…JesursautequandIsaac,derrièremoi,poseseslèvresdansmoncouetsamainsurmonventre.Quandjemeretourneverslui,j’enresteabasourdie.Qu’est-ceque…NomdeDieu!Ilporteunpantalonenlinblancquiluimoulesespartiesd’hommemuscléàlaperfectionetune

chemisedumêmestyle,unpeuouvertesursontorsetatouéetdontlesmanchessontremontées.Jenel’aijamaisvuhabilléaussi…casualetdécontracte.Loindesoncuir,desesboots,etdeses

jeansbruts.Jenepensaismêmepasqu’iloseraitporteruntruccommeça.J’aiécarquillélesyeuxdesurpriseetIsaacfroncelessourcils.—Oh,çava,nemeregardepascommeça,c’estMalouquim’obligeàmettresesconneries…,

grogne-t-ilcommel’oursdescavernesqu’ilest.Samauvaisehumeurmeredonnelesourire.—Tuesdiablementsexyenparraindelamafia.Ilasortisescigarettesdesapocheetsecouelatêteensoupirantd’agacement.Moi,jeletrouve

vraimenttrèsbeau,maisdetoutefaçon,c’estlecasquoiqu’ilporte.Sloan,quiestapparuedansunerobelonguejaunepâle,vientversmoipourmesaluer.Jesigneun:—Salut,commentçava?Isaacm’apprend quelques trucs.La base du langage des signes.Et jem’en sors pasmal.C’est

commeapprendreunelangueétrangère:plutôtmarranteteuphorisant.Quandjenecomprendspas, il traduitpourmoietsinon,Sloanlit trèsbiensur les lèvression

articule.Etcommejenecomprendsrienàcequ’ellemeraconte,là,toutdesuite,jemetourneversIsaac.Illèvelesyeuxaucieletcoincesacigaretteaucoindesaboucheenparlantetsignantenmême

temps.—Ellesevanted’avoirétéacceptéeàl’académieJuilliarddeNYdansleprogrammeavancéde

l’étéprochain.Ellepartenjuin.Sloanluidonneuncoupdecoudedans lescotesavantde taperdanssesmainsensautillantsur

place.

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—Félicitations!jem’écrie,vraimentcontentepourelle.Nousnousétreignons,etpeut-être,peut-êtrequejelagardeunpeutroplongtempsdansmesbras.

Parcequ’ellemefaitunsouriregênéetqu’Isaacmeregarde,unedrôled’expressionsurlevisage.MaisellemefaitvraimentpenseràArizonaavecsonairenjouéconstantetjedoisdirequeçame

rendnostalgiqueetmélancolique.Quandelles’éloigneversd’autresinvités,jepenseàGabriel.Qu’est-cequ’ilvaenpenserdeça,

lui?—Toutvabien?medemandeIsaacenécrasantsaclopedansuncendrierpasloin.—Oui.Jesuisjustefatiguée.—TudevraisarrêterdetravaillerpourVinceetdormircommetoutlemondelesoir.Enfin,ce

n’estpassûrquejetelaissedormir,maisbon…Jesoupire.Onadéjàeucetteconversationmillefois.Jen’aiaucunautreboulotsouslamainetjenevoispas

commentjepourraisfairesansça.Celal’agace,carilestencourstoutelajournéeetquemoi,jesuisàlamaison.Puis,lesoirjebosseetfinisàpasd’heureavantdemecoucherépuisée.Nousn’avonspasvraimentdemomentsànous,parcequenosemploisdutempsnecorrespondentpas.Maiscen’estpasmafauteetjevoisdifficilementcommentjepourraisnoussortirdelà.

—Arrête,Zac.Tuavaispromisdenepasrecommencersijenequittaispaslamaison.J’yreste.Maisj’aibesoindeceboulotpourpayermonloyer.

—Tupourraisfaireautrechose.Maloupourrait…—Arrêtedelamêleràtouslesproblèmesdesgensquit’entourent!Marie-Louisen’estpasDieu

!EllepayelesétudesdeKillian,d’Ashton,vieillesureuxaussi,entreSloanettoi,ettucroisqu’elleabesoindemoidanslespattes?

Isaacadéjàouvert labouchepourmefustigerquandunemainseposesurmonépauleetnousinterrompt.Ils’agitjustementdeMadameSaint-Clair.

—Mia,vousêtesarrivée.Jeluisourisgentimentenessayantdenepasavoirl’aircoupableavecmacoupedechampagne.—Bonjour.Ellem’embrasseetfaitunclind’œilàIsaacquigrognedanssabarbe.—Venezavecmoi,ilfautquevousgoûtiezauxcrevettesgrilléesduchefDan.Jemelaisseentraîner,brasdessus,brasdessous,verslebuffeténormequiestdressé.Jeneveuxpasparaîtremalélevée,alorsjegoutteàpresquetoutcequ’ellem’indiqueetbientôt

j’ail’estomacaussirempliquesij’avaismangéunlion!Deplus,jecommenceàavoirlanausée…Isaacestrevenuversnousetm’arrachepresqueauxbrasdeMalou.—C’estbon,Malou,jecroisquetuvaslatransformerenpoupéegonflablegéantesiçacontinue.MadameSaint-Clairfaitcommesiellen’entendaitpasetsesertelle-mêmeentapenadeetavocats.

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Moi-même,jefaiscommes’iln’avaitriendit,parcequesinon,onvaencoresedisputer.Isaacmetireverslui,enroulesonbrasautourdemataille,etleparfumdesonFahrenheitflotte

jusqu’àmoi.Ilchuchoteàmonoreille:—Etsionallaitdansmachambre?Mesjouess’empourprentinstantanément.—Zac…,s’ilteplaît…Tiens-toiunpeu.Jen’aiaucuneenviedemefaire remarqueraujourd’hui.Etpuis…, j’aiunecombinaison.Faire

desgalipettesm’obligeraitàmedéshabillerentièrement.Enpleinjour?Jesuismoinssûrelà…—Isaac!Unevoixnasillardeaupossiblenousfaitpresquesursauter.J’aiàpeineletempsdemeretournerquequelqu’unmebousculepoursautersurIsaac.Unefille,auxlongs,trèslongscheveuxchâtains.Ellesependàsoncouetl’embrassesurlajoue,

unpeutropprèsdeslèvres.Choquéeetdétachéedelui,jeresteinterdite.—Sharon?!s’exclame-t-ilavecunepointed’excitationdanslavoix.—Celafaittellementlongtemps,myboo{12}!Toutlesangaquittématête.Elleestjolie,vraimentjolie,laSharon.Grande,mince,osseusemême,avecunerobecouleurchairsiclairequ’oncroiraitquec’estsa

peau.Unaird’EmilyBluntdanssesfilms.—J’aicherchéàtejoindrerécemment,maisimpossible.Tunem’éviteraispasparhasard?Elleesttoujourspendueàsoncouetfrottesesseinssursachemiseblanche.J’aienviedelatirer

parlatignasseetdemarquermonterritoirelà.Çasefait?Moi,jenel’aijamais,jamaisfait.Isaacsepassenerveusementlesdoigtsdanslescheveux,maisjerestefixéesursonautremainqui

estposéedansledosdecette…pimbêche,etquitouchesapeau.Jesaiscequ’estlajalousie.Jesuisconscientequ’ellemedévore.C’esthorrible.—Maisnon…,soupire-t-il.J’ai…j’étaispasmaloccupé,alorstuvois…Elleluitapoteleboutdunezdel’index.—Oh,pasdeçaavecmoi,tun’asjamaisététropoccupépourmoi…Ilnemeregardemêmepas.Àaucunmoment.Jeposemonverredechampagnevide,faisvolte-face,etm’enfuisenmarchantvite.Je traverse le jardin en fulminant. Sans savoir où je vais réellement. Et jemanque presque de

marchersurlaqueuedumagnifiquepaonbleuquisebaladedanslacourdudomaine.Ilfautquejerespire.

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Quejem’aère.Quejesortedetoutcemondequin’estpaslemien!Espècede…Machinalement, je pousse la porte de ce quime semble être une serre au fond du jardin,m’y

engouffreetm’adosseàcelle-cienrespirantprofondément.J’aienviedetaperdansquelquechose.Aveclui,c’estfou.Ondiraitquemessentimentssonttoujoursmultipliéspardix.Plusquejamais,

j’aienviedepleurer,demedéfouler,dehurler.Toutàlafois.Jemesuismontréebientropfragileavecluidepuisledébut.Bientrop.Situvoulaist’endurcir,Mia,c’estraté…J’ouvrelesyeuxetsouffled’énervementetdefrustration.Jesavaisqu’ilfréquentaitunnombre

incalculabledefilles,alorsàquoibonluijeterlapierre?J’étaisprévenue.Commentpourrait-ilsecontenterdemoiaprèsenavoirconnudespareilles?Surtoutqu’ellessejettenttoutesàsespieds.

Voilàimbécilecequec’estquedetomberamoureused’untombeur.Jeregardeautourdemoipourmerendrecomptequejesuisbienseule,enferméeavecuntasde

plantesgigantesques.Laserreestimmense,composéedefleursexotiquesetd’unemultitudedepanneauxdelianesoù

ellessontaccrochées.Ilyamêmeunepancarte:«Attention,plantescarnivores».Avecunegrimacededégoût,jefaisletouraussiloinquepossibledecetétalage-là.Jemarchedoucemententrelesétalsetm’arrêtedevantlesBlueMoon.Ellessontmagnifiqueset

trèsrares.Jen’enaijamaisvuailleursqu’ici.—Mia?JesursauteetmeretourneversMadameSaint-Clairdeboutàl’entréedelaserre.—Oh,excusez-moi…Jenevoulaispas…,jebafouille,gênéedemetrouverlà,loindetousles

invités.—Iln’yapasdeproblèmes,honey.Est-cequetoutvabien?s’enquière-t-elleenvenantversmoi.Ilyacettefameusequestionquedétestentlesgenscommemoi,quiontmalàlavie:est-ceque

toutvabien?Non,toutnevapasforcémenttrèsbiendanslemeilleurdesmondes.Maisjenevaispasluiexpliquer.

—Oui…,oui.Jevoulaisjuste…prendrel’air.—Celapeutêtredésagréabledenepassesentiràsaplaceparfois,n’est-cepas?demande-t-elle

enattrapantmesmains.Jedéglutis,nesachantquerépondre.—Jecroisqu’ilvousaimebeaucoup,Isaac.Enfait,j’ensuismêmesûre.Jenel’aijamaisvuaussi

heureuxquecesdernierstemps,lui,sitaciturned’habitude.Jepensequ’ilestamoureuxdevous.Nevousfocalisezpassurcequevousvoyezsimplement,regardezau-delà.

Jesais.Jelesaisqu’ilm’aime.Jenecomprendstoujourspascommentc’estpossible,nipourquoi

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nicommentc’estarrivé.Maisilrestequiilest.Uncharmeuravecuneribambelledefillespenduesàsesbasques.

Etmoi,jenepourraipasêtreréellementavecluisansqu’ilfinisseparconnaîtremonpassé.Etcejour-là…

—Ilnefautpasavoirpeur,Mia,tente-t-elledemerassurer.Commentça?—Vousvoulezquejevousraconteunehistoire?Ellem’entraîneversunbancenferforgépasloinetnousyassiedsanslâchermesmains.—Ilétaitunefois,unepetitefrançaiseoriginaired’unvillagedeHaute-SavoieenFrance.Yvoire.

Néed’unpère français, pêcheur, et d’unemère américainevolagequi laissa son enfant à son tropjeunemariavantdes’envoleravecunbel Italien.Lapetitegranditauborddu lacLémandansunevieillemaisondepierresavecsonpapapêcheur.Jusqu’aujourdesesseizeans,oùellerencontraunbelAméricainenquêted’exotismeetd’aventures.ÀcroirequetouslesSaint-Clairétaientfaitspoursemarier à desAméricains.Au grand dam de son père quimenaça de lui couper les vivres, elles’enfuit avec ce jeune homme grand, beau et fort qui lui promettaitmont etmerveille. Fils d’unegrandefamillefortunée,ilnemanquaitpasderessources.IlssemarièrentsuruneîleenGrèce,firentle tourdumondeavecdesrêvespleinla têteetdesenviespleinlecœur.Avantdes’installersur lapetiteîlenataleduditjeunehomme,danslePacifique.Lafamilledecelui-cil’acceptasansconditionet ils firentdegrandsetbeauxprojets.L’universitéd’abord,puis lesenfants.Etalorsquesonpèreavecquielleavaitcoupélespontsluimanquaitcruellement,commepourluirappelersespéchés,ledestinneluidonnapaslachanced’avoirunedescendance.Laseulechosequ’elledésiraitpar-dessustout. La stérilité de la jeune femme créa un immense vide dans son couple et entraîna d’autresproblèmesqu’ellen’avaitpasvusvenir.Alcoolisme,violence.Sonmarisibeauetsiaimantautrefois,s’était transformé au fil des années et elle ne l’avait pas compris. Il enchaînait les liaisons sanslendemainetsecomplaisaitdanslemalqu’ilfaisaitàsapetiteFrançaise,commesicelapermettaitdelapunirdesonincapacitéàavoirdeshéritiers.Ildevientmêmeviolentetcetteviolencemenaàdesactesterriblesquejenevousraconteraipas.Ellevouluts’enfuir,divorcer,retournerchezsonpère.Maislevieillardsolitaireétaitmortauborddulacdanssamaisondepierres.Etlafamilledujeunehommen’acceptapasledivorceaussifacilement.Ilfallutqu’ellesebattebecetonglespourgagnercettebataille.Etlecombatfutlong.Etunsoir,envoitureavecunedesesmaîtresses,ilfitunesortiederouteetpercutaunarbre.Lajeunefille,quiétaitdevenueunefemmemarquéeparlavie,pleurabeaucoup.Mais pas seulement de tristesse, non, de soulagement aussi. Elle n’eut jamais d’enfants.Mais en travaillant longtemps pour une instance sociale, elle rencontra un petit garçonmeurtri etaussisolitairequ’elle.Etcefutlecommencementd’unerelationmagnifique.

Ellealesyeuxembués,maisungrandsourireéclairesonvisage.Moi,j’ailagorgeserrée.—Vousavezcompris,Mia.Cettejeunefemme,c’étaitmoi.CettejeunefemmeC’ESTmoi.

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Jehochelatête.Pourquoimeracontersonhistoire?—Isaacneveutpasmeledire.Maisvousmefaitesbeaucouppenseràmoi.Etjecroisquevous

aussi avez beaucoup souffert. D’ailleurs, je pense vraiment qu’Isaac ne pourrait pas s’intéresser àquelqu’unquivitunepetiteviebientranquilleetrangéecommeSharon.Ilestbientropempathiquepourça.Oui,oui,ill’est.Etvous,vousêtesbientropjeunepourvivreenfermée,danscettesombremaisonsurlelac.

Je ne sais pas quoi répondre, alors je me tais. Comment a-t-elle pu me percer à jour aussifacilement?

—Vous êtes la bienvenue ici, quandvous le voulez.Cela nemedérange absolument pas.VoirIsaacheureuxnepeutquemeréchaufferlecœur.

—Merci,jesouffle.Maisje…—Tsss…,jeunefille.Maintenant,ilnefautplusêtretriste.Lavien’estpassimple,maisilyena

tantàvivre.Nousnepouvonspassernotretempsànousapitoyersurnousmême.Venezavecmoi…,unecoupedeTaittinger{13} nenous ferapasdemal, à l’unecommeà l’autre.Et surtout,ne laissezpersonnevousprendrecepourquoivousvousêtesbattue.

Elles’estredresséeetm’entraînevivementau-dehors,samaintoujoursfermementagrippéeàlamienne.

NousnousdirigeonsdenouveauverslebuffetoùIsaacsetrouvetoujoursavecl’autrependueàsoncou.Onlesregarderait,qu’onpenseraitàunvraicouple.

MadameSaint-Clairmetenduneflûtedechampagne.—Buvez!D’abordhésitante,jefinisnéanmoinsparingurgiterleverred’unetraite.Puis,ellemel’arrache

desmainsetmefaitdegrosyeuxenzieutantversIsaacetsacopine.—Allez.Inspire.Expire.Jesouffleetmedirigeverseuxd’unpasdéterminé.Jetapotesurl’épauledelafilleauxtalonsdequinzecentimètresetelleseretourneversmoiense

détachantlégèrementdelui.Jecroisemesbrassurmapoitrinedansungesteplusqu’offensif.—Bonjour.Mia Gilmore. J’ai cru comprendre que vous vous connaissiez,mais je dois vous

demanderdelâcherlecoudemon...mon…monpetitami.Ellehausselessourcilsetfinitparsedétachercomplètementdelui.D’abord surpris, je vois Isaac semordre la lèvre pour s’empêcher de rire enme lançant une

œilladequiveutdire«sérieusement?»Eh,bahouais,sérieusement!Onestplusdesgamins.Maisilpourraitarrêterdemefairepasser

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pourlapotichedeserviceaussi.—Oh.Vousvoulezdirequ’Isaacetvous…Moncœurbatàtoutrompredansmapoitrine,maisj’adopteuntonfroidettrèssérieuxtoutde

même.—Oui,onestensemble.Jesuissacopine.Saco-pi-ne.J’imaginequ’ilyaeudeschosesentre

vous,maisc’estfinicetteépoque.Aujourd’hui, ilestavecmoi.Cequisignifienonseulementqu’ilpeutmesauterquandl’envieluiprend,maisaussiqu’ilmetientlamain,laporteetquejedorsdansses bras la plus part du temps. Cela veut également dire qu’il n’y a plus aucune raison pour quen’importequellegreluchesepermettedesepâmeràsoncoudevantmoi.Alors,retirezvospattesdelà.

Jem’adresseàIsaacmaintenant,lesnarinesdilatées.—Bon,tuviensouquoi?Dépêche-toi.Je tourne le dos pourme diriger vers lamaison. En passant près deMadame Saint-Clair, elle

m’envoieunclind’œiletjerésisteàl’enviedesourire.Isaacmesuit,tandisquel’autreresteabasourdie,deboutdevantlebuffetennousregardantnous

éloigneretgrimperlesmarchesdelamaison.Unefoisàl’intérieur,jetraverselesalonetlepatiod’unpasdécidé,maisIsaacmerattrapedans

lesescaliersetmeplaquevivementcontrelemur,lesmainsdechaquecôtédemoncorpspourquejenepuissepasmedébattre.Ilcollesonnezaumien,maisjelefusilledesyeux.

—C’étaitquoiça,valkyrie?Tutelajouesdominatricemaintenant?—Jenejoueàriendutout.Et toi tudevraisarrêterdejoueràçadevantmoi.Ambrec’estune

chose.Lesautres…jenevaispassupporterd’être…oubliéeet…humiliée.Ilsemordlalèvre.Puissouris.—Tuesunevéritablepetitejalouse,maparole.—Arrêteça,Isaac!Çanem’amusepas!—Ahbon?J’aienviedejouermoipourtant.Ilm’embrassepourmefairetaire.Jerésisteàl’enviedeluimordrelalangue.Maisledésirest

bienplusfortquelacolère.Ilm’embrasebienplusfacilement.Jeluirendssonbaiseretquandnoslèvressedétachent,j’ailesoufflecourt.—J’aimequetufassesça,continue-t-il.—Quoi?—Montrer que je suis à toi aussi.Mais je t’interdis demedonner des ordres encore une fois

commetuviensdelefaire,c’estclair?C’estcequ’onvavoir,tiens!J’ouvre la bouche pourme défendre et le fustiger,mais il écrase de nouveau la sienne sur la

mienneetsesmains trouventmesseins,sebaladent fébrilementsurmoi,et tandisque jechercheà

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m’enfuir,ilmerattrapeetm’obligeàluirendresonbaiser.NoustombonspresquedanslesescaliersetIsaacseretientàlarambardeetmetientalorsquejelerepoussedesdeuxmainsetgrogne,àcran.

—Non…,non,non…,tum’énerves…Et c’est tellement vrai qu’il m’énerve et me fait sortir de mes gonds. Je tente de l’éloigner

davantage,maisilmeplaqueaumuretlechocdécrochel’undescadressurlamoquettequirecouvrelemarbre.Jemepenchepourleramasser.

—Jecroyaisquejepouvaistesauterquandl’enviemeprenait,raille-t-il.Jesouffle,quelquesmèchessensdessusdessousetleslèvresgonflées.—Danstesrêves.J’aiditçapourqu’elletelâche,c’esttout.—T’essacrémentculottéetoutdemême,soupire-t-ildansmescheveux.Jeremetslecadreenplace.Undesclichésennoiretblanc.—C’esttoiquilesaspris?jel’interrogeendésignantlesautres,changeanttotalementdesujet.—Oui.Tuaimes?Jehochelatêteetilmeregardetrèssérieusementmaintenant.Est-cequ’ilmedemandesij’aimelesphotosousijel’aimelui?Parcequelaréponseauxdeux,

c’estoui.—Ondevraitenfaireunedenousdeux,jesouffleencore.—Quoi,detoietmoi?Mes joues se colorent. Oui, je n’aime pas les photos en principe. Je n’aime pas qu’on me

photographiemoi.Maisnousdeux,c’estdifférent.—Oui,unedenous.Isaacfaitlamouepuismetireparlamainetm’entraîneencourantenhautdesescaliers.Jelesuis

jusqu’àsachambreoùilclaquelaporteetfouilledéjàundescartonsalorsquejemelaissetombersurlelit.

Etilrevientprèsdemoi,meforceàm’allongeraveclui,etunbrasautourdemoncou,iltendledeuxièmeau-dessusdenousetm’embrassesurlajoueennousflashantavecungrosappareiltouslesdeux.Ilasortiunvieuxpolaroid.

Laphotos’imprimeimmédiatement.Illaretireetenprenduneautre.Maiscettefois,ilmetourneversluietcollemonnezausien,mesyeuxdanslessienségalement.

Jecalemamainsurl’arêtedesamâchoireetcaressesabarbedetroisjours.—Jepourrais,peut-être,resterdormirlàcesoir,j’énoncedoucement.Ilsourit,détacheleclichéetposel’appareilsursonlit.—Sic’estlajalousiequitepousseàfairedestrucscommeça,alorsjevaisterendrejalouseplus

souvent.Ilritet,moi,jeluienvoieuncoupdepoingdansletorse.Avantd’arracherlaphotodesesmains.Jelasecouepourlasécheretnousobserve.Onestbeaux.

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—Celle-là,elleestpourmoi.—Prendstoutcequetuveux,murmureIsaac.Toutestàtoi.Ilarecouvrésonsérieux.Les sentiments affluent comme le sang dans mes veines. Ma poitrine se gonfle d’un puissant

pouvoir:l’amour.

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IsaacLesinvitéssontpartisdepuislongtemps.Commejel’avaisprédit,çan’aposéaucunproblèmeà

Malouquandj’aiditqueMiaresteraitdormir.Maisdemain,c’estlundi,etj’aiunetonnedecoursàrattraper.Saufquec’estimpossibledebosser

avecelleàproximité.Surtoutquandelletraînedansmesputainsdefringues.Elleportejustemont-shirtetseulementuneculotte.Etellelit,enrouléelascivementdansmesdraps,unejambepar-dessus,comme si elle avait chaud.Voir sa cuisse épaisse à peine recouverte parmon haut et ses cheveuxétalésautourdel’oreillercommeçamerenddingue.

Concentre-toiZac…,letauxdeglobulerougedansunlitredesangéquivautà…J’entends le bruit des pages qu’elle tourne et çameperturbe ça aussi.Elle s’estmise à lireLe

portraitdeDorienGray,seslunettessurleboutdunez.Ellefaitbienplussérieuseenlesportant,maisputaincequec’estsexycetteimagedepetiteétudiantemodèlequ’ellerenvoie!

—Tufaisquoi?LavoixdeMiam’interromptenpleinmilieud’unerecherchesur leschromosomesetglobules

rougesetblancsenbiochimie.Bordel,qu’est-cequej’enaiàfoutredecesconneries?!Heureusementquej’auraimondiplômedansquelquesmois…—Zac?Jelâchemonordi,moncrayon,ainsiquemoncarnet,etreculeaufonddemonfauteuil,lesmains

derrièrelatête.—Unerecherchepourmoncoursdebio.Pourquoij’aiprislabiochimiedansmesmatièresprincipales…Sur le lit,Miase redresse sur sescoudes.Elleaabandonnésonbouquineta retiré ses lunettes

pourm’observer.Déjà,commentmefocalisersurmesdevoirsavecelledanslamêmepièce?C’estimpossible.Et

enmême temps, quand elle n’est pas avecmoi, je n’arrive pas àme concentrer parce que jemedemandesanscessecequ’ellefaitetavecquielleest.

—Tuenaspourlongtemps?À sa voix, je comprends qu’elle est ennuyée, mais parviens à saisir le fond de sa pensée, ce

qu’elletentedemedire.Cependant,sijepassemontempsàlabaisercommejevoudraislefaire,jedoutequelemonde

arrêtedetourneretquemesnotessefassenttoutesseules.Etjen’aipasl’intentiondemeretaperuneannéedefac.Plutôtcrever.

—Jesuisloind’avoirfini.Tut’ennuies?Ellehausselesépaulessansmerépondreetesquisseunemoueboudeuse.J’aimeraistirersurcette

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petitelèvreinsolente.Aurevoirchromosomesetglobules.Jevaisencoreperdrel’esprit.Jel’observeselever,marchersurlapointedespiedscommeellelefaitsouventsanss’enrendre

compte,etvenirversmoienondulantseshanches,lesyeuxbaissés.Elleaunsex-appeald’enfer,etenmêmetemps,cetteinnocencequimecoupelesouffle;c’estfou

!J’ai lecœurqui semetàbattre sourdementquandelle sepencheet refermesesbrasautourde

moncouenyenfouissantsonnez.Jenem’yhabituepas.Avec les filles, jecouche,pointbarre.Àmoinsqu’onait lemêmecercled’amis,etencore,aucunenem’approchecommeelle le fait.C’estbientropintime.Jen’aijamaiseuletempsnil’envied’unsimplecâlinavecaucuned’elles.

Jemegrisedecemoment.Cetinstantoùj’ail’impressiondecompterréellementpourquelqu’und’autre.Ellenem’ajamaisditqu’ellem’aimait.Maisellemelaissecroirequec’estpossible.Etj’aisipeurmaintenantd’êtresanselle,queçameva.Jeneluidemanderiendeplus.Jeveuxjustequ’ellereste,qu’ellenem’abandonnejamais.

Jel’attirecontremoietdécided’unepause.Ilest20heures.J’aiencoreletempspourlesglobules,plustard.Miavients’asseoirenpassantune jambepar-dessusmoietenrefermantpar lamêmeoccasion

seslèvressurlesmiennes.Ellem’embrasseenmeprenantaudépourvuetenfouitsesmainsdansmescheveux.

—Wow…Bébé,qu’est-cequetufais…Ellesereculeunpeupourmeregarderetjelisdanssesyeuxtroplourdscequ’elleneparvient

pasàmedire.— Je pensais que tu voulais faire une pause, me répond-elle d’une toute petite voix, tout en

rougissant.—Tuasenvie?jedemandeclairement.Pas lapeinedepasserparquatrechemins.Enplus, j’aimeraisqu’ellese lâche,quecegenrede

chosedeviennenaturelpourelle.Miasemordlalèvreethausseencorelesépaulesenregardantailleurs.Craquante.Jeposemesmainssurseshanchesetcaressesapeausoussont-shirt.—Dis-le,bébé.—J’aienvie,souffle-t-elletoutbas.Bordel,jebande!Àquoi bon lutter ? Jeme penche vers elle et prends avidement possession de ses lèvres alors

qu’elles’accrocheàmescheveux.J’aifaitçaàdesmilliersdereprises.

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Enfin,bon,pasexactement.Lescâlins,lesbisous,cen’estpastropmontruc,maislesexe,si.Jedisais,j’aifaitçadesmilliersdefois.Caresser,exciter,rendredingue.Pourtant,c’estdifférent.

Avecelle,c’esttoujoursdifférent.Mesmainssefaufilentsoussonhautpourcajolersonventre.Cederniersecontracte.IlluifauttoujoursdutempsàMiapoursedétendre.J’ysuishabituémaintenant.Mesdoigtsglissentlangoureusementsursapeaubronzée,tracentsacicatriceetluiarrachentun

gémissementàl’instantoùellequittemeslèvres.Jemepenchealorsetrefermemabouchesursonsein,directementsurlet-shirt,etellerittouten

s’étranglantenmêmetemps.Unetracehumideest inscritesur le tissuetencerclesonaréolequisedresse,delamêmemanièrequemaqueuedansmonfroc.

Maisaufait…Qu’est-cequejefousencorehabillé?!Rapidement,jeretiremonpropret-shirtetellem’aideàallerplusvite,puisdessineduboutdes

doigts,lesdessinsencréssousmapeau.Cecontactmefaitfrémir.— J’aimerais bienm’en faire un, murmure-t-elle tout bas en traçant les ailes qui ornentmon

torse.—Untatouage?Non.Elle est suffisammentmarquée. Jeneveuxpasquequoique ce soit d’autre lui entaille la

chair.Ellen’estpascommelesautres.Pasbesoind’artificespourêtreparfaite.—Oui.—Tun’enaspasbesoin.Tuesparfaitecommeça.Jeneveuxpasquetuchanges.Ellenerépondpasetglisseelle-mêmelesdoigtssoussont-shirtpourlesoulever.Jel’aideetle

faispasserpar-dessussatêteavantdelebalancersurlamoquette.J’ai remarqué que le soir, elle est plus débridée. Comme si la nuit devait me la faire voir

différemment.Maiscen’estpaslecas.Aucontraire.Jerêvedeluifairel’amoursursonpontonauborddulac,enpleinsoleil,augrandjourousursaterrassequandlejourselève.

Jerêvetoujoursdelaprendrepartout.Parfaite.Elleestvraimentparfaite.Sesseins,auxaréolesrosées,pointentdroitversmoi,commes’ilsm’appelaient.Jevaissouiller

monpantalonavantd’avoircommencé.—Parfaite,jenepeuxm’empêcherdesouffler,enadmirationcomplèteavantdeplongerverssa

poitrine.Duboutdelalangue,jelatitille.Ellebasculelégèrementenarrièreàsontourens’accrochantà

moncouetfermelesyeux.L’imagesisexyd’elleofferte,souslalumièrefaibledemonbureauetdelachambre,ensimple

culottenoire,penchéesurlemeuble,estjusteuncoupàmefaireperdrelatête.BonDieu!Jelasoulèveunpeu,posesesfessessurlebordduplandetravail,etd’uncoupdemain,envoie

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toutvalserderrièreelle.Mia cligne des yeux et regarde le foutoir que je suis en train demettre, tout en lui descendant

vivementsaculotte.—Ne…nemetpaslebordel,commeça…ilfaudratoutrangeraprès…Jerisdoucementenfaisanttomberlaboîteàcrayonsquis’éparpillentsurlamoquette.Miaetsa

maniedurangement…C’estpresquemaladif.—Ons’enfout,bébé.Mes mains se referment sur ses cuisses et je pose mes lèvres à l’intérieur, là où sa peau est

égalementabîmée.J’aienviedecasserlatêtedeceluiquiafaitça.Mêmesijesaisquec’estdéjàfait.Jesaisqu’elle

s’enestdéjàsortie.Pourtant,elleadescicatricesunpeupartout.Trèsfinesetquinesevoitpassionn’yportepas

bienlesyeux,maismoi,jelaconnaisparcœurmaintenant.Onluiafaitsimalqueçamedonneenviedevomir.

—Zac,s’ilteplaît…Sesdoigtsserefermentdansmescheveuxetelletiredessus.Putain,cetrucdefouquejeressensquandellemefaitça.Lespoilsdemesbrassehérissent,machairdevientépineuselelongdemacolonnevertébraleet

j’ailesangquiafflueentremesjambes.Pourtant,jeneveuxpasyallertropvite.J’embrassel’intérieurdesescuisses,sesmusclestendus,

etrespire,fleuresonsexepasloin.J’adoresonodeur,songoût.Mesdoigtscreusentdessillonsdanssapeauetellenepeutseretenirdegriffermesépaulesparce

quejeprendsmontemps.Satêtereposesurmeslivres.Quandj’appliquemabouchesursachattetoutetremblanteetfrémissante,ellesursauteethoquette.Jesaisbébé,jesais…Situpouvaismefairelamêmechoseàmoiaussi…Je souffle sur son humidité et elle tressaille, gémit, avant que ma langue ne fouille ses plis

parfaits.Toutchezelleestdoux.Jelapeparpetitscoups,boislejusdeplaisirquiendécoule.Etmedélecte

detoutcequ’ellemedonne.Quandjelasensauborddel’implosionetquejeperçoisunecontraction,jelarelâcheetreprends

montemps.Ellesouffle,pleurniche.Jesaisquejel’énerve,maiselleneditrien,n’osepas.N’enpouvantplusdelavoirécartelerlà,surmonbureau,offerterienqu’àmoi,jem’empressede

défairemonpantalonetdel’envoyervalseravecmoncaleçond’unseulcoupdepied.

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Jesuisàdeuxdoigtsd’exploser.—Isaac,jet’enprie…J’adore.J’adorequandellemesupplie.—Oui,bébé…—Viens…Quecesoitellequimedisedevenir,delaprendre,c’estmaplusgrandevictoire.Parcequeça

signifiequ’elleaconfianceenmoi.Suffisammententoutcaspourm’offrirça.Aussitôt,jem’enfonceenelle.Etmesyeuxserévulsent.C’est…Comme une explosion de couleur. Je vois rouge, bleu, ressens des choses que je n’ai jamais

ressenties.Inexplicable. Simplement tétanisant. Le premier va-et-vient me fait moi-même gémir. Je la

maintiensparleshanches,ressorspourressentircemanqueetreplongeenellerapidement,avideetcomplètementaffoléd’êtresiloin.

Clairement,elleestfaitepourmoi.Jenousregarde.Soncorpsetlemiensontparfaitementmoulésetfaitspours’emboîter.Comme

unpuzzle.J’aitrouvélapiècemanquante.Miarefermesesjambesautourdemoietmetirepourm’embrasser,sesyeuxlourdsdedésiret

presqueclos.Çasentlesexeetjen’aidéjàplusdesouffleetcherchel’air.Siçacontinue,jevaisjouiravantd’avoirprofitéàfond.Jedécidedetenterlecoup.—J’ailedroitd’êtrebrutal?—Je…oui,ahane-t-elle,lesyeuxàdemifermés.Elleaditoui,bordel!Elleaditoui!OK,bébé,onyva…Jeressors,enfoncemesdoigtsdansseshanches,etplongeviolemmentmonsexeenelle,faisant

crisserlebureauettombermeslivres.Elle s’étrangle, se redresse sur ses coudes, et j’observe, attentif, chacune de ses réactions. Pas

question de lui faire tropmal.Mais son expression est plutôt celle de quelqu’un qui est en totaleextase.

Jerecommenceetellesoulèvesesfessespouraccompagnermonmouvement.Dedans,dehors,dedans,dehors…Miagémit,ellenecriejamais,maisplusonfaitl’amour,pluselleselaissealleràmanifesterson

plaisir.Etcettefois,ellefaituntrucencoreplusfou.Ellesesoulèveetobserveavechonteetdélectationenmêmetempsmonsexeveinéetépaisentrer

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etsortird’ellecommeunpieuquicreuseraitunechairprofonde.Bordel!Quemoijenousregarde,çam’excitedéjà,maisqu’elle,ellelefasse,alorslà,c’est…Jenevaispastenir.J’y vais plus fort, toujours plus fort, sors, la retiens, et me ramène brutalement en elle. Tout

s’effondreautourdenous.Elleahane,gémitplusfort.—Ah…ah…ah…Miasecontracteautourdemoiaumomentoùmaqueuegonfléeàblocexploseenpuissantsjets.

Je jouiscomme jamais.C’est intense,violent. Je luimords l’épauleenm’affalant surelle,presquemalgrémoi.

—Jejouis,jejouis!Bordel,jejouis…Jemeplainsavecdésespoircontresapeauparcequ’unbrusqueélandeluciditémefaitpenserà

untrucessentielautraverslafindumondequejevis.—Lacapote…,bébélacapote…,bordel…J’arriveplusàrespireralorsjemetais.Miaessayeégalementdetrouverunsouffled’air.Elleme

caresseencorelescheveuxtandisquesapoitrinesesoulèveaussifortquelamienne.—Jeprendslapilule,merépond-elled’unetoutepetitevoixhachée.Alors seulement, je lève la tête pour la regarder en m’appuyant sur mes coudes. Elle fixe le

plafondetdeslarmessilencieusess’échappentdesesyeuxàprésentouverts.—Est-cequejet’aifaitmal?jem’affole,enessayantdemerelever.Onvientdebaiser sanscapote, sans lubrifiant, et cequipeutêtregénialpourmoi,ne l’estpas

forcémentpourelle.Çaatendanceàmesortirdelatête.Etàrevenirtroptard.—Jet’aisenti,Zac…—Jesais,jesuisdésolé…,j’ypensaisplus,on…onaoubliélacapote…—Jet’aisenti.Aufonddemoi.J’essayedecomprendrecequ’elleveutdire.L’intonationdesavoix.J’ai l’impressionquec’est

unebonnechose.—Etc’étaitbon?Ellehochelatête.OKjesuisperdulà.—Ben…pourquoitupleures?—Je…jesuisheureuse…Voilà.LàesttoutelabeautéenMia.Alorsquemoi,jepensequejeviensjustedelabaisersurmon

bureaucommeledernierdesenfoiréssansmesoucierdesonconfortnirien,elle,ellevoitleparadisenmoi.Ellequin’aconnuquel’enferavant.

AvecMia, les sentiments prennent le pas sur tout le reste, même sur la baise pure et dure. Àchaquefois.Lessentimentssurpassenttout.

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J’ai lapoitrinequimebrûle.Putain, je l’aime.C’estuneévidencequi, commechaque fois,meclouesurplace,m’empêchepresquederespirer.Commentjevaisfairesansellemaintenant?Etsinousdevionsêtreséparés,commentj’ysurvivrai?

Ilmefautunmomentpourparlerdenouveau.—Ettupleuresmêmelorsquetuesheureuse?Je ne connais personne qui pleure autant qu’elle. Peut-être qu’elle a gardé un trop-plein de

sentimentstoutessesannées.Miahochelatêteetm’attireunpeupluscontreelle.—Jeveuxrecommencer.—Maisbébé…—S’ilteplaît,Isaac,jeveuxrecommencer…OK,moiaussij’aikifféluifairel’amoursanscapote,mais…tranquille.Jesuisencoreentrainde

meremettredececoup-là.Jerisdoucementenl’embrassantsurlamarquerougequej’ailaisséesursonépaule.—Bébé,cen’estpasquejeneveuxpas,mais…jesuistoujoursentoi.Jenesuismêmepassorti

quetuveuxrecommencer.Elleouvrelabouche,puislarefermesansprononcerunseulmot.Avantd’esquisserunbrusque

souriremoqueur.Jenesaispassiellesefoutdemoioud’elle-même.Ondirait laMiabagarreusequej’airencontréeaudébut.

Jenebandeplusqu’àmoitié,mais tantpis, j’enprofiteencoreunpeu.Je luidonneuncoupdereins soudainqui fait immédiatementdisparaître son rictus encoin.Elle s’étrangle.Et c’est àmontourdesourire.

Trèssérieuse,elleattendlasuite,maisjemeretiredoucementpournepasluifairemal.—Zac…non…Jerisencore.Finalement,elleestinsatiable.—Écoute-moi,bébé, tuvas tecasser ledossurceputaindebureau,ouc’estmoiquivais te le

briseràforcedetebaisercommeça.Tusaiscequ’onvafaire?Onvasemettredanslelit.Jevaisaller enbas chercherde laglaceet jevais temontrer tout cequ’onpeut faire avec.Tupourras lamanger bien sûr, mais si tu n’en veux plus, je pourrais te montrer comment ne pas la gaspillerentièrement.

Elleécarquilledegrandsyeuxenrougissant.Sespetitestachesderousseursecolorent.Jel’adorecommeça.

—Avec…avecdelaglace?Mais…—Quoi?—Maisc’estfroidlaglace.Bon sang, cette fille auramamort.Bien sûr que c’est froid.C’est pour ça qu’aumilieu d’une

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partiedebaisetorride,iln’yariendemieux.Jelasoulèveparlesfessesalorsqu’elles’accrocheàmoietjel’enlèvedubureaupourlaposer

doucementsurlelit.Soninnocenceauratoujoursraisondemoi.—Oui,c’estfroid.C’estleprincipe.Alors?Tuenveux?Maisilfaudramoinscriercettefois.

Malourisquedeseréveiller.Mia grogne un truc inintelligible et je me penche pour l’embrasser encore, sentant tout son

effluvedefemmedépravéequisemêleàl’odeurdesapeaudebébé.C’estunetorturedem’arracheràsesbraspourenfilerunpantalonavantdedescendre.Maisj’ai

l’intention de faire durer cette nuit le plus longtemps possible. Elle risque de le regretter demainmatindansunélandelucidité,etça,jeneleveuxpas.Pasavantquejel’aiebaiséeencorecommeça.

J’aitroprêvédem’enfouirenellesanscapote,sansbarrière.Peaucontrepeau.Etsesréactionssontau-delàdetoutesmesespérances.

Etlasensationaétéau-delàdemespirespensées.Jenepeuxm’empêcherdemedirequedécidément,jesuisvraimentdinguedecettenana.Elleme

faitperdrecarrémentlatête.Baisersanscapote.Commentj’aipunemêmepasm’enrendrecompte?Est-cequej’aiperdul’esprit?Elleaétéviolée.Torturée.Jeprendsdesrisquesconsidérablessachantquejenesaisriendeconcretsursonpassé,àpartqu’onluiafaitbeaucoupdemal.

Quandunemainseposesurmonépaule,jesursauteetrentredansleplandetravaildelacuisineoùmonpotdecrèmeglacéevanille-cafés’échappe.

—Ohbordel!Sloan!Tum’asfichulafrousse!Ellem’observeavecdesyeuxrondsavantdemedétaillerdelatêteauxpieds.Jesensmesjouessecolorerunpeu.Bonsang!—Qu’est-cequetufousencorelà?jesigne.TunedevaispasdormirchezJulia?Sonvisages’illumined’unsourire.—Elleestmalade.Gastro.J’aipréférélaissersamères’occuperd’elle.—Ah.Etmerde.Jeregardelepotdeglaceavecdéception.Sloansuitmesyeuxetsonsourires’agrandit.—Miaestici?Jemedétourne,gêné,etelleagitelesmainsdevantmoipourquejelaconsidère.—Vouspouvezfairecequevousvoulez,jesuissourde,merappelle-t-elle.Jemesensencorepluspathétiquealorsqu’ellesemetàrire.C’estvrai,ellen’entendrien.Je ne peuxm’empêcher de la fixer avec gravité,mais elle se pend àmon cou etm’embrasse

doucementsurlajoue.—Bonnenuit,signe-t-elleavecunclind’œilavantdes’échapperverslesescaliers.En tout cas, le premier qui la touchera, elle, eh bien, j’espère qu’il aura les couilles bien

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accrochées.

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12

Junior,l’insondableMia

Je hume les effluves de son parfum d’homme. Il sent terriblement bon. Je relève son t-shirtjusqu’àmesnarines pour le respirer encore.Maman faisait tout le temps ça avec les vêtements depapa.Jelasurprenaisàlesrenifleràpleinspoumons,enlessortantdelapenderie,mêmelongtempsaprèsqu’ilsoitparti.

Lesoleilfiltrelégèrementparlevoletdelachambreetjevoisleflacondesonparfumrenversésurlebureauoùnousavonsfaitl’amourhiersoir.Nousavonsfoutuunbordelpaspossible.

Maispourunefois,ledésordrenemedérangepas.C’estunbeaubazartoutça.Jemesensapaiséecematin.Enpaixavecmoi-même.

—Qu’est-cequitefaitsourire?Lavoixd’Isaacdanslecreuxdemonoreilleachèved’agrandirmonsourire.Ilnedortplus,jenel’aimêmepasentenduselever.Jemeretournevers luiet ilse rapprocheencorepourmeprendredanssesbras.Lematin, ila

toujourscetairboudeurquej’adore.Enfrottantmonnezcontrelesien,jemurmure:—Quandjemeréveillelanuitetquej’aipeurde…moi,j’aimebiensentirquetueslà.Sentirton

brasautourdemoi.Çam’apaise. Jene savaispasquec’était si réconfortantdepasser lanuit avecquelqu’un.

Ilm’embrasseetjemesenstoutalanguieettoutemoelleuse.—Jesuisbienavectoiaussi.Tusaisquejen’avaisjamaisdormiavecunefilleavant?—Jamais?—Jamais.Onrestelà,àsecâlinerpendantencorequelquesminutes.Mille choses me traversent l’esprit. J’ai peur de me réveiller. Me réveiller vraiment. Notre

histoireressembletellementàuneparenthèseenchantéepourmoi.Qu’ensera-t-ildenous,demoi,quandilapprendratoutcequej’aifait,vécu,etquijesuis?Je saisqu’il croitque riennepourraentachernotre relationet cequ’ilpensedemoi.Maisça,

c’estparcequ’ilignorelaprofondeuretlanoirceurdemonpassé.D’ailleurs,mêmesij’ensaisplussurlesien,jenesuispasaucourantdetout,pasvraiment.—Zac?—Hum…J’hésite,maisfinalement…

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—QuellientuavaisavecLara?Ilouvredenouveaulesyeuxetmetlongtemps,trèslongtempsàmerépondre.—Tuveuxdire,LaraLarson?—Oui.Jevisdanssamaison.Audébut,vousm’avezpourrilavieparcequejevenaisvivredans

lamaisondevotremeilleureamiedécédée.Maispersonneneparled’elle.Est-ceque…est-cequetusortaisavecelle?

Isaaccaressemajoueduboutdesdoigtsetmeregardetrèssérieusement.—Non.Jecouchaisavecelle.Commeavecuntasd‘autresfilles.Desfillesquinecomptaientpas.Mapoitrineseserre.— Jemefaisdépister régulièrementMia.Jesuisclean.Mêmenéd’unemèreprostituée, jesuis

clean.Ethier,c’étaitlapremièrefoisquejefaisaisl’amoursanscapote,jetelepromets.Cen’estmêmepasçaquimefaitmal,imbécile.Maisjustement,surcepoint,ilfautquejesoisclaireégalement.—Moiaussi,jesuisclean,tusais.Jemesuisfaitdépisterdesdizainesdefoiset…jen’aijamais

rieneu.Jamais.Mêmepaslapluspetitehépatite,cequiestplusqu’étonnantavectoutcequeDeaconm’a

faitetquej’aisubi.Isaachochelatête.Maisinutilededétournerlesujet,jeveuxjusteensavoirunpeuplus.—Elleétaitcomment?—Tunel’auraispasaimé.Ça,jelesais,cardupeuquej’ailudesonjournal,elleétaittotalementàl’inversedemoi.Un instant, j’hésite à lui en parler, lui dire que je l’ai découvert il y a bien des semaines

maintenant.Mais je suis sûre qu’il voudra le voir,me forcera à lui donner et… je nepas certained’appréciercequ’onpourraitencoreydécouvrir.

—Pourquoitudisça?—ParcequeLaraétait…c’étaitLara.Ellen’étaitpaslananalaplustimidequisoit.Jem’empêchedehocherlatête.J’aicrucomprendre,oui.Isaacreprend:—Ellen’étaitpascommetoi,tusais.Elle…ellecouchaitavecmoietavecuntasd’autresmecs.

Elle était la fille la plus folle de mon entourage. Très extravertie. Pas vulgaire comme tul’imaginerais,maisplus…provocante.Ellefaisaittoujoursl’inversedecequetoutlemondeattendaitd’elle.Cesparentslaprenaientvraimentpourlapetitefillemodèle,maiselleétaitloindel’être.Elleavaitmêmedesrelationsavecdeshommesplusâgésetdesnanasaussi.ElleétaitbienplusprochedeM.J.quedenousautres.Etjenepensepasquec’étaitforcémentunebonnechose.Après,onétaittrèsamisdonc, j’imaginequemonsieuretmadameDavisn’étaientpasdupes,maiscommeilsn’étaientjamaislà…Dumomentqu’elleramenaitdebonnesnotes,etétaitpromiseàunefaccorrecte,ilssefichaient de ses fréquentations. Et nous…, oui, on se voyait souvent. Avec les gars, on passait

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beaucoup de temps chez elle avant… avant le drame. Et L.A. était sans doute sa meilleure amie.Alors…

Jelesavaisquejen’aimeraispascettefille.Etjustement,parlonsdeL.A..Elleétaittrèsgentilleaudébut.Maispluslesjourspassentetplusjem’aperçoisqu’elleémetdes

réserves à mon sujet. Peut-être que ce qui la gêne, c’est le fait que je vive dans la maison de sameilleureamiedécédée.

—TucroisqueL.A.estmécontentequejevivelà?Aprèstout,sielleétaittrèsproched’elle…Etpuis,vousétieztousvraimentvindicatifsàcesujetaudébut…

Isaacsoupireetreplaceunemèchedemescheveuxderrièremonoreilleavantdesetournerverssonplafondcouvertdesonécriture.

—Onavaitdesraisonsdel’être.Onneteconnaissaitpaset…personnenedevraitrevenirhabiterdanscetendroit.

Jenerépondspas.Je sais que c’est dur pour eux, s’il l’appréciait vraiment et que c’était comme leur deuxième

maison…Moi-même je me demande qui va vivre dans celle que nous avons quittée et mise en vente à

Carmel.Mamaison.Etçanemeplaîtguère.—Tuveuxtoujoursquejedéménage?Isaacsoupireencore.—Non,biensûrquenon.Saufsi tuenasenvie.Maisjeneteledemanderaiplus, tulesais.Ce

n’estpasgrave.Jejetteunœilauréveil;ilindique07heures.—Tuvasêtreenretardencourssitunetelèvespas.—Jen’aipascoursavant10heuresaujourd’hui.Onpeuttraînerunpeu.Samainaglissélascivementdansmescheveuxetilenrouleunemècheautourdesonindex.—Pourquoituascetairpréoccupédepuishier?Jehausselessourcils,surprise.Ill’aremarqué?Moiquipensaisavoirétéassezdétachée.—Je…—Dis-moiMia.Il me fixe et je dois fermer les yeux pour ne pas défaillir. Isaac sait trop bien lire en moi

maintenantetsonregardbientropperçantmefaittoujoursperdremesmoyens.—J’aiapprisquemamèreetmasœurneviendrontpaspasserNoëlavecmoi.—Pourquoi?—Mamèreaenfintrouvéuntravaildansunegalerie.Et…ellenepeutpaslequitter.Isaacattendquej’endiseplus.Maistropendireseraitdangereux.Tropendireéquivaudraitàtout

luirévéler.Toutelavérité.

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—Est-cequetuastoujoursvécuavecellesdeux?ose-t-il,unbrincurieux.—Oui.Nousavonstoujoursététrèsproches.Nous,lesfemmesGilmore.Isaacesquisseunsouriremoqueur.—LesfemmesGilmore…,répète-t-ilenécho.Si tamèreet tafrangine teressemblent,alors je

veuxbiencroirequ’onnedevaitpass’ennuyercheztoi.—Masœurest…,c’estmapetitesœur.Elleaunsacrécaractèreetellereprésentetoutpourmoi.Isaachochelatête.— Comme Sloan pour toi, je continue, décidée à tourner la conversation à mon avantage.

Commentest-elleentréedansvosvies,àMadameSaint-Clairetàtoi?Isaacsemblelongtempspeserlepouretlecontredecettequestion.—Sloanavaitunemèrealcoolique.Quandelleavaittroisans,elleaeuuneméningiteaiguë.C’est

çaquil’arenduesourde.—Tuveuxdire…ellen’estpasnéecommeça?— Non, sa surdité est due à une maladie foudroyante. Une gosse à l’hôpital avec une mère

bourrée…,lesinfirmièresontappelélesservicessociaux.Elleaétéenfamilled’accueilpendantquesagénitricepartaitencurededésintox.Maismêmequandellel’areprise,elles’estremiseàboire.Etunjour,elleafaituncomaéthylique.Avecsagaminedequatreanssouslecoude.Elleavomienseréveillant et s’est étoufféededans. Jene tedis pasdansquel étatMalou a retrouvéSloandans sonappartpourrideTexeraBay.Çafaisaitdeuxjoursqu’ellemangeaitlescroquettespourchatquiétaitàsaportéeparcequ’ellen’arrivaitpasàatteindrelesplacardsduhautetquesamèreétaitmortesurlesoldusalon.Àcetteépoque,Maloutravaillaitcommeassistantesocialeets’occupaitdesondossier.

Jemesuiscouvertlabouchedesdeuxmains.Seigneur…Jamais,jen’auraisimaginécela.Pas…pasça.LapetiteSloan.Quimefaittantpenseràmapetitesœur.LaSloanquiestsiadorable.Jesuistellementhorrifiéeet…désolée.Isaacsourit.—Net’inquiètepas.Aujourd’hui,ellevatrèsbien.Elles’ensort.Ellemefaitmêmechieravec

sonentréeàJuilliard.—Tul’aimesbeaucoup,n’est-cepas?jenepeuxm’empêcherdedemander.Desonpouce,ilcaressemeslèvres.—Elleestcommemasœur,bébé.EllevivaitdéjàavecMalouquandmoijesuisvenuehabiterici.

Etsienfant,jetrouvaisçachiantdedevoirmetaperlaprésencedequelqu’unavecquijenepouvaismêmepascommuniquer,aujourd’hui,jenel’échangeraispourrienaumonde.

JepensebrusquementàGabriel.Ilfaudraqu’oncauseluietmoi.IlnepeutpasneriendireàIsaac.Parcequemoi,jenepourraisplusluimentir.S’ill’apprendetqu’ilsaitquej’étaisaucourantpoureux…çarisquevraimentdedégénérer.

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—Quoi?—Rien,jem’empressederépondre.Je l’embrasse, contente qu’il me livre un peu plus tous les jours son histoire et celle de ses

proches.Jesuisconscientequejesuisloindetoutsavoiretjem’enfiche.Jeneveuxquecequ’ilmedonne.

Parceque,égoïstement,jenepeuxpasluioffrirplusàmontour.Onsecâlineencoreunpeuavantdeselever.IldoitpartiràConstanceetmoi,retournerchezmoi.Maggyapréparéunpetitdéjeunerroyal,commeàsonhabitude.Habilléedemesvêtementsdela

veille,jemesensplusquehonteuse.Pourtant,lavieilledamesembleheureusedemevoiretmemettotalementàl’aise.EllesedisputebeaucoupavecIsaacpourdesbroutilles.Commeleferaitunemèreouunegrand-mère.Maisjeperçoisl’amouretlerespectquirègneentreeux.

Siseulementmafamilleàmoiaussiétaitlà…**

QuandIsaacmedéposeavecsavoitureàlamaison,jemesenslégère.Commeuneplume.Manuitaété…parfaite.

Ons’embrassepoursequitter,telunvraicouple.J’ouvrepoursortirquandIsaacchangelamusiqueetmeditdistraitement:—Bonnejournée,jet’aime.Jet’appellecesoir.J’aidescoursderattrapageavecL.A.etAshetje

vaissûrementfinirtard.Àplus,OK?Mamains’estfigéesurlapoignéedelaportière.Ilvient…ilvientdedire…Quandjemetourneverslui,ilfouilledansletasdeCDsdanslaboîteàgants,commesiderien

était.—Je…,oui…,àplustard,jebalbutie.Jesorsetleregardes’éloigner.Moncœurestauborddel’implosion.Ilvientdedire«jet’aime».Aumilieudesaphrase,commesiderienn’était.Commes’ildisait

unechosebanale.Commeondit«tuveuxducafé?»ou«ilfaitbeauaujourd’hui».Ces fameux trois petits mots si incroyables qui me soulagent comme un antibiotique sur une

blessureàvif.Parcequej’aiencoreuncœurquipansesesplaiesetquiabesoind’êtrerecousuçàetlà.

Je rentre et me pose sur mon canapé. Minuit vient se loger directement dans mes jambes enronronnant.Jelecaresserêveusement,encoreabasourdieetémerveilléedesparolesd’Isaac.

Siseulementj’arrivaisàleluidire.Maisparcontre,ilyaquelqu’und’autreàquijepeuxledire.Jeprendsmontéléphoneetcomposelenumérodeportabledemaman.

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Unesonnerie,deux,trois…J’ai lecœurauborddeslèvres.Commechaquefoisquejedoisannonceruntrucénormeàma

mère.Cequiestarrivéplusd’unefoisaucoursdecescinqdernièresannées.Mégane décroche au bout de la quatrième tonalité. J’aurais souhaité secrètement qu’elle ne le

fassepas.Maisellel’afaitetmaintenantjenepeuxqueluiavouer.—Allô?Honey,c’esttoi?—Ouimaman.Jetedérange?—Nonmachérie,c’estcalmeàlagaleriecematin.Iln’yapasunchat.Jevoulaist’appelerhier,

maisnoussommessortiesavecEléonoreetArizona.Jehoche la têtecommesiellepouvaitmevoir.Mais l’entendreparlerde tanteEléetd’Arime

rendtriste.Moiaussij’aimeraispouvoirmepromeneravecelles.—Maman…,ilfautquejetedisequelquechose…—Çavamachérie?Qu’est-cequisepasse?Cen’estpasgrave?J’avaisditàLukeque…—Maman,écoute-moi.J’ai…j’airencontréquelqu’un.Brusquement,c’estlesilenceàl’autreboutdufil.—Maman?—Amy…Lesmotsmemanquent.Pourtant,j’essayedelestrouver.Illefaut.Jeluiavaispromisdeneplus

rienluicacher.Jamais.—Maman,ilest…ilestdifférentet…c’esthorrible,maman,jecroisquejel’aime!—Amy…Unreniflementmefaitdirequ’ellepleureàl’autreboutdufil.Jeravalemoi-mêmemespropres

larmes.—Ilestbonpourmoi,tusais.Cen’estpascomme…commeDeacon.C’estautrechose.Je…il

mefaitdubien…Mamèrepleuredistinctementmaintenantetmoiaussi.— Ma chérie, je… j’aimerais tellement être présente avec toi, s’étouffe-t-elle en sanglotant.

Honey,tousleshommesnesontpasunmal…L’émotionmeserrelagorgeetplusaucunmotnesort.Etlongtemps,trèslongtemps,mamèreetmoipleuronssurmonsortetlebonheurquejesemble

avoirtrouvécettefois.Oudumoins,surcettepaixquej’éprouve.Cetteaccalmiedansmonenfer.

**Ce soir, Isaacetmoinedormonspas ensemble.Cequi est assez rare cesderniers temps.Mais

c’estbienaussid’avoirunmomentpoursoi.Jemeplaisàprendresoindemoipourunefoiset l’imagequemerenvoiemonmiroirneme

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dégoûtepas.Pascettefois.Il est déjà tard et il fait nuit quand j’entends le bruit d’unemoto à l’extérieur. Surprise, jeme

précipiteàlaporte.Maisàmongrandétonnement,cen’estpasIsaac,maisM.J.sursaHornetbleueélectrique.

Ilsegareetprendsontempspourdescendredesabécane.Je vais au-devant de lui, les bras serrés sur le t-shirt d’Isaac que je porte en permanence pour

dormir.M.J. s’avance dans la nuit puis vient s’installer sur lesmarches du porche. Il ne fume pas lui.

Alors,ilposesoncasqueetsesgantsàcôtédelui,avantdeseprendrelatêtedanslesmains.Jesensquequelquechosenevapas.Vraimentpas.Jem’assiedsàsescôtéset resserremesbrasautourdemoi.Mais jenedis rienetattendsqu’il

parle.En face, sur le lacnoir, les rayonsde la lune se reflètent et scintillent rendant ainsi lepaysage

fantomatique.Ilsnouséclairentaussi.—Çat’arrivetoi,depenseràlamort?medemande-t-il,lavoixcassée.J’essaye de pesermesmots. Il a l’air complètement dépité.Mais ça, c’estM.J.. Tantôt joyeux,

euphorique,tantôtdéprimécommepaspossible.—Oui,avant,jeréponds.Maiscen’estpaslasolutionànosproblèmes.Çan’estlasolutionàrien

dutout.Ehoui,çam’estarrivéplusd’unefois,jesaistrèsbiendequoijeparle.M.J. soupireet jesens toute la tristessederrièresonsouffle.Siseulement ilpouvaitmedirece

qu’ilnevapas.—Çam’arrivesouventd’ypenser,tusais.—M.J.,ilnefautpas.Tupeuxmeparlersituveux…—Elleestmorteicietc’étaitmafaute.Çaatoujoursétémafaute.Jel’aimaisvraiment.Toiaussi

jet’aimevraiment.C’estpareil.Jeretiensmonsouffle,aveclecœurquibatàmilleàl’heuremaintenant.— C’était ma meilleure amie. Elle savait tout, tout. Elle me parle la nuit, tu sais. Je rêve

régulièrement d’elle.Et puis, d’autres fois, je rêve de toi.Un jour, je suis venu ici pendant que tudormaisetjemesuisassislàenespérantquetuteréveillesetquetum’ouvreslaporte.Maistunel’as jamais ouverte. Tu ne t’es pas réveillée. Et j’ai pensé, si toi aussi tu devaismourir, je feraiscomment moi ? Hein ? Si toi aussi tu ne te réveillais jamais ? Colline dit que tu es morte del’intérieur.Moijedisquecen’estpasvrai.Jesaisquec’estfaux,parcequejesaiscequec’estd’êtremortau-dedans.Jelesais.Tucroisquejesuisfou,Mia?

Jemeretienscarrémentderespirer.Cen’estpaslapremièrefoisqu’ilsemontredéprimé,maislà…ilestcarrémententraindedélirer.

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Ilarelevélatêteetfixelelacavecdesyeuxdedéments,sombresetécarquillés.Est-cequ’ilestdépressifàcepoint?

J’ail’impressionqu’ilmélangepasséetprésentetqu’iln’apeut-êtremêmepasconsciencedetoutcequ’ilmeraconte.

—M.J.,tunedoispasrepenseraupassédecettemanière.C’estfinietpersonnenepourrarienychanger.Tueslà.Jesuislà.Jet’assurequ’ilnevarienm’arriver.

Enfait,jenevoispastropquoiluidire.Quoirépondreàtoutcedélire.Unechoseestsûre,jenel’aijamaisvuautantcernéetaussicreusédefatigue.Est-cequ’ildortaumoins?—Viensavecmoi…Jemelèveetletireparlebras.Maisilselaissedifficilementfaire.À l’intérieur, je nous installe sur le canapé et sorsmonportable.Ceque je crois être ungeste

discretneluiéchappepas.M.J.mel’arrachedesmains.—Tuvasl’appeler?Pourquoitul’appellestoutletemps?Pourquoitunem’appellesjamaismoi

?Jesuislàetpersonnenem’appelle.Ilserrefortementmontéléphoneentresesdoigtsetj’aipresquel’impressionqu’ilvalebroyer.

M.J.estundesplusbaraquésd’euxtous,ilpourraitlebriser,c’estcertain.Etilcommencevraimentàmefairepeur.Jetentedel’apaiser.— Non, je ne vais appeler personne. Je vais nous faire des chocolats chauds avec des

marshmallowsetdelacrèmefouettée,qu’est-cequetuendis?Ilhochevaguementlatête.Jemelèvedoucement,maisilattrapemamain.—Tuneparspas,Mia?Jeluiserrelesdoigtsàmontour.—Jesuisdanslacuisine.Justeàcôté.J’essayedesourire,maisçasonnefaux.Saufquetoutàsondélireilnelevoitmêmepasetrepose

satêtecontrelehautdufauteuilenprenantPeggymapeluchedanssesbras.Jem’éloigneetm’arrêteà laportedelapiècevoisinepour l’observer.Moncœurseserre.Ila

vraimentunproblème.Jenesauraisdirequoi,maisilenaun.Etçamefaitmalpourlui.J’aimebienM.J..Vraimentbeaucoup.Ilmefaitrirequandilestdanssesbonsjoursetc’estleseul

quin’ajamaischerchéplusqueçaàconnaîtremonpassé.Jenepensepasqu’ilsoitdangereux.Quoiquecesoir,sondéliretourneunpeuàlaschizophrénie.Danslacuisine,jetentederespirernormalement,lesmainsagrippéesaubordduplandetravail.

Jenesaispascequejedoisfairedanscescas-là.IlfaudraitquejepuisserécupérermontéléphonepourappelerIsaac.Bon,enattendant…

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Jeprendsdes tasses au-dessusde l’évier et prépare le chocolat chaud.Le fameux chocolat quefaisaitmagrand-mèreautrefois.

Etjerajoutedelacrèmefouettéeetdespetitsmarshmallowsau-dessusdubreuvagefumant.J’aiacheté toutes ces conneries, seulement pour desmoments comme celui-ci quandM.J.,Cora ou lesfillespassentchezmoi.Maintenant,monpanierdecoursesachangé.J’ymetstoujoursdessucreriespour le groupe, le genre de chose que je n’achèterais jamais de moi-même, des sodas pour lesgarçons,ducafépourIsaac…

Quand je reviens dans le salon, un peu anxieuse de la suite de cette soirée bizarre,M.J. ronflelégèrement.

Jeposelestassessurmatablebasseetluirelèvedoucementlatête.Maisildortvraiment.Allonsbon.Je récupèremon téléphoneetm’assiedsdans le fauteuil en facede luipour l’observer. J’hésite

maintenantàappelerIsaac.Chaquefoisqu’ilsepasseuntruc,jenepeuxpasluidemanderdevenir.Deplus,mêmesi je suisconscientequeM.J. tientuneplaceplusqu’importantedanssavie, je saisaussi qu’il est un peu jaloux et ne supporte pas trop cette complicité que son ami et moi avonsdéveloppée.

Ensoupirant,jeresteunmomentàleregarderdormir.Avantdemeleveretdeletirerparlesjambespourlefaires’allongersurlecanapévertpomme.Jeluiôtesesbottes,ilgrogne.Puis,avectouteladifficultédumondeetenlecontorsionnant,je

réussisàluiretirerégalementsaveste.Bonsang,maisilaprisdessomnifèresouquoi?!Etilpèseunetonnequiplusest.Maisquandjeveuxrangersesaffaires,unpetitflaconoranges’échapped’unepochepourrouler

surlamoquette.Jeleramasse.Desmédicaments.Du…Lithium.Jamaisentendu.Ma curiosité l’emporte et je m’installe à mon bureau pour ouvrir mon Apple et lancer une

recherche.Maisautantdirequej’auraispum’enpasser.Unarticledejournalmelaissesansvoix.«LeLithiumoulapilulecontrelesuicide.Unenouvelleétudesurlapriseenchargethérapeutiquedestroublesbipolaires[égalementconnus

sous le nom de psychosemaniaco-dépressive], publiée récemment dans le Journal of the AmericanMedical Association, montre que le lithium, un médicament peu coûteux délaissé en faveur denouvelles substances fortement entourées de publicité, permet de réduire le nombre de suicides etdevraitêtrechoisicommepremiertraitement.Lelithiumestconnupourluttercontreleschangementsd’humeur qui caractérisent desmaladies très répandues et invalidantes, comme la bipolarité ou la

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maniaco-dépression.Onsaitqueletauxdesuicideestde10à20foisplusélevéparmilesmaniaco-dépressifsquedansl’ensembledelapopulation.“Lapsychiatrien’ajamaispudirequ’ellesauvedesvies, ce qui est le but ultime de la médecine”, explique le Dr Benjamin Goodwin, du GeorgeWashingtonUniversityMedical Center, qui a mené cette étude auprès de plus de 20 000 patients.“Mais,aujourd’hui,grâceaulithium,nouspouvonsl’affirmer.”

PourledocteurGarretSussman(psychopharmacologueàl’universitédeNewYork),cetteétudeàlaquelleiln’apasparticipéprouvequelelithiumdevraitredevenirletraitementdepremièreintentiondanslescasdetroublesbipolaires,cequ’iln’auraitjamaisdûcesserd’être”.Lestroublesbipolaires,quisetraduisentparl’alternancedephasesdeprofondedépressionetd’accèsmaniaques,fontpartiedesmaladiesmentaleslespluscourantesauxÉtats-Unis.Unmaladesurcinqtentedesesuicider.

Goodwinreconnaîtquelaraisondelaplusgrandeefficacitédulithiumresteunmystère.Cequel’on sait, c’est qu’il lutte avec succès contre la dépression, phase pendant laquelle la plupart desmaladestententdesedonnerlamort,etquelesautresantidépresseursefficacesneréduisentpaslesrisquesdesuicide.»

J’observelepetitflacon.PuisM.J.quidortsurmoncanapé.Ilestbipolaire?!BonOK,iladessautesd’humeur,OKilestunpeu…bizarre.Maislabipolarité toutdemême,

c’estquelquechosed’autrementplusgrave.Maiscemédicament…Sivraimentilenabesoin,c’estqueçanevapas.Çanevapasdutout.Jemeréinstalledansmonfauteuilet tireunecouverturesurmoi. Ilesthorsdequestionque je

dormeenhautalorsqu’ilestlàcommeçaetquejenesaispass’ilvaseréveilleràunmoment.Etjefinispartrouverlesommeil.

**CesontlesgalipettesetlesronronnementsdeMinuitquimetirentdemonsommeil.Maisquandj’ouvrelesyeux,M.J.n’estpluslà.Sesaffairesontdisparu,samoton’estplusgaréedehors.IsaacpassemedirebonjouravantdeserendreàConstanceetquandjeluiapprendsqu’undeses

meilleursamisadormilà,ilfaitunedrôledetête.—Commentça?Iladormioù?—Surlecanapé.Ilétait…bizarre.Isaacplissedesyeuxetm’attireencoreunpeudanssesbras.Noussommesassissurlabalancelle

sousleporchedelamaison.Plusquedeuxjoursavant lesvacancesdeNoëletIsaacpourrapasserplusdetempsici,avecmoi.

—Qu’est-cequetuinsinuespar«bizarre»?—ArrêteZac,tulesaismieuxquemoi.Qu’est-cequ’ilaJunior?Isaacsoupire,détournesonattentionverslelacpournepasmeregarderenfaceetfronceencore

lessourcilscommechaquefoisqu’ilvadirequelquechosed’importantouquineluiplaîtpasdutout.—M.J.n’étaitpascommeçaavant.Onatousl’impressionqu’iladéveloppéçaaprèslamortde

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Lara.Mais lesmédecins disent que ce n’est peut-être qu’une coïncidence. Parce qu’à son âge, lessymptômessontbeaucoupplusprésents.

—Quellemaladie?Qu’est-cequ’ilaexactement?—Ilestmaniaco-dépressif.Déjà entendu.La dépression je sais ce que c’est. Lamaniaco-dépression, ce n’est pas lamême

chose,maisjecroisquemacousineLéaensouffreégalement.—Et…ilsefaitsoigner?Qu’est-cequec’étaitsesmédicamentsquej’aitrouvés?Isaacsecouelatête.—Bonnequestion.Jesais justequeça l’aideàêtremoinsdéprimé.Lesmaniaco-dépressifsont

desphasesbizarres,tusais.D’abordlaphasemaniaque,l’excitation,l’euphorie,ilssontcommedespilesélectriquesetpratiquementincontrôlables.Puisladépressionprofonde.Etdanscesmoments-là,onaconstamment l’impressionqu’ilvasefairedumal. Il rejette tout lemonde.Ils’enferme,etsemuredanssondélire.Audébut,onpensaitqu’ilnouspétaitunedurite.Samère,sesfrères,ainsiquesœurs,onttoujoursdumalàlecomprendre.

Jehochelatête.J’imagine,oui,quevivreavecunprochequisouffred’untruccommeçanedoitpasêtrefacile

touslesjours.—Pourquoitunem’aspasappeléhiersoir?demandeIsaacunbrinhargneux.—Ilétaitfatigué,çasevoyait.Ilavaitbesoindedormir,c’esttoutetjenevoulaispastedéranger.—Tum’appelless’ilrefaitça.Onnesaitjamaisdansquelétatd’espritilseraetcequ’ilpourrait

faire,Mia.—Tuveuxdirequ’ilpourraitêtredangereux?—Peut-êtrebienqueoui,peut-êtrequenon.Cen’estjamaisarrivé,maismieuxvautêtreprudent.

Promets-le.Prometsquetum’appelleras.Jeprometsethochelatête.—Ilfautquejeparte,moncoursvacommencer.Nousnousdisonsaurevoiretilreprendlaroute.

**Jenepensequ’àçalerestedelajournée.PauvreM.J.…Jen’auraispasimaginéquec’étaitça.Pasdutout.Finalement, jedécidede l’appelerenfind’après-midi.Etdefairecroireà Isaacque jepasse la

soiréeavecCora.OK,cen’estpeut-êtrepastrèssympaetjenemesenspastropbiendementir,maisM.J.doitsavoirquejesuislàpourlui.EtZacnerisquecertainementpasdemelaisserfaire.

Ilfinitpardécrocherauboutdelaquatrièmefois.—Qu’est-cequetuveux,Padmé?

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Ben tient, je suis de nouveau Padmé aujourd’hui. Décidément, il est vraiment d’humeurchangeante.

—Tuviensàlamaisoncesoir?Jevoulaislouerunfilm.J’aidessodasetdupop-corn.Ilrestesilencieuxl’espacedequelquessecondesavantdesemettreàgrogner.—TunepassespastasoiréeavecIsaac?Ilrestetoujoursinsupportabletoutdemême.—OK,jegrogneàmontour.Ehbien,vatefairefoutredanscecas.Jeregarderaimonfilmtoute

seule.Etjeluiraccrocheaunez.Non,mais!Moinsdecinqsecondesplustard,jereçoisuntexto.*OK,jeserailàà20heures.Petitcon.Et commepromis, à 20heures, il est bien là. J’ai choisi undes volets de son filmde science-

fictionrienquepourluifaireplaisir.StarWars.Mêmesicen’estpasvraimentmongenre.Aucundenousnementionnecequis’estpassélaveille.Aujourd’hui,ilsemblequ’ilsoitdebonne

humeur.Nousregardonslefilmetilnecessedejoueraucritiquecinématographique.—Tuaseuletempsdeconnaîtretonpère?medemande-t-ilbrusquementlorsdugénériquede

fin.Unpeusurprise,jebalbutie:— Euh… oui… je… enfin, j’avais cinq ans quand il est décédé. Mais je…, je m’en souviens

encore.Ilhochelatêteetcontinuedefixerlonguementlatélévision.—Ettoi?j’ose,surprisequ’ilparledeça.— Le mien est mort quand j’avais douze ans. Un accident de travail sur un chantier. Il ne

s’intéressaitpasbeaucoupàmoi.Niàaucunautredesesenfantsd’ailleurs.—Oh…,jeréponds,unpeupeinée.M.J.setourneversmoi.—Ilétaitcommentletien?Jehausselesépaulesenretrouvantcettetristessequim’habitequandjepenseàpapa.— Il était génial. Il adorait voyager, c’était un aventurier. Il jouait de la guitare et faisait de la

mécanique à ses heures perdues. Tous les dimanches, il nous emmenait, ma sœur et moi, nouspromenersurlesbordsdeplagesetm’achetaituneglaceàlacerise.

—Dequoiest-ildécédé?medemande-t-ilencoreplusabrupt.

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Magorgeseserre.—Onluiadécouvertunetumeuraucerveau.Inopérable.Ilafaitdelachimio.Longtemps.Avant

demourir,iln’étaitdéjàplusquel’ombredelui-même.Masœuretmoinecomprenionspasbienàl’époque.Onnousavaitditqu’ilavaitunegrossebouledanslatêteetqu’elleluifaisaitmal.

M.J.meprendlamainetlaserrefort.Jelelaissefaire.—Tuasbeaucouppleuréàsamort?Jesecouevivementlatête.—Non.Jen’aijamaispleurémonpère.—Pourquoi?Tuétaistroppetitepourcomprendre?—C’estpasça.Jemesouviensparfaitementdecejour.Onétaitallélevoiràl’hôpital.Etmaman

m’avaitdit:«Honey,ilnefautpleurer.D’accord?Papan’aimepastevoirpleurer.Tunedoispasêtretriste.SourisHoney».Jesuisentréedanslachambreetjemesuisassisesurlachaiseàcôtédelui.Ildormait.Jel’airegardéetjen’aipasarrêtédesourire.Enfait,ilétaitmortetmoijesouriais.Parcequej’étaissûrequ’ilmevoyaitetquejenedevaispasverserdelarmes,j’avaispromis.Jen’aijamaispleurémonpère.

M.J.restesansvoix.J’éteinslatélévision.Parlerdetoutcelam’aunpeuplombée.—Etsionallaits’allongersurleponton,regarderlesétoilesdehors?demande-t-iltoutàcoup,

coupantlesilencedeplombquis’estinstallé.—Quoi?Surlepontonprèsdulac?Àpratiquementminuit?T’escomplètementfrappéouquoi

?Ilgrimace.—C’étaitjusteuneidée,sedéfend-il.Jesoupireavantdemeleveretdegrimperlesmarchesau-dessusdemonbureau.—Viens.Delà-hautaussionvoitlesétoiles.En grommelant, il me suit tout de même. Et nous nous retrouvons étendus sur mon futon à

observerlavoûtecélesteparleveluxgrandouvertdemachambre.Comme à son habitude, le ciel est clair par ici. Pas un nuage à l’horizon. Alors les milliers

d’astresquibrillentau-dessusduPacifiques’offrentànous,plusmagnifiquementquejamais.M.J.s’estallongéprèsdemoietnosbrassefrôlent.Ilsoupire.—Jedevraismetrouverunecopine.Jesourisbrusquement,heureusequ’ilabordeunsujetbeaucoupplusléger.—Oui,tudevrais.Maisunevraie.Pasunedecesfillesavecquivousvousenvoyeztousenl’airà

toutesvossoirées.—C’esttropcompliqué.Vousêtestropcompliquées,vous,lesmeufs.

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—N’importequoi.Vousêtesdesidiots,c’esttout.Ilsouritàsontour.Moiaussi.Etmêmesicesouriren’atteintpassesyeux,jesaisqu’àcetinstant,

ilvabien.—PourquoipasJane,lacopinedeLaure-Alice?Lapetitebrunequiestsouventlàaveclesautres.Illâcheungrossoupir.Biengros.Pourquej’entende.—C’estunthon.—N’importequoi.Elleajusteunpeudeformes.Lesgarçonsaimentlesfillesavecdesformes.Enfin,j’essayedel’enconvaincremêmesijesuis

persuadéequenon.—C’estunthon,jetedis.—Elleestdrôleenplus,tuverras.—Lesthonssontpasmarrants.Ilssontjustechiants.Ilssontmochesetméchants.Vautmieuxêtre

amisavecunecarpe.Çaamoinsd’esprit,maisc’estjoliunecarpe.Jeretiensl’énormesoupird’énervementqu’ilentraînechezmoipourdéclarertrèsnaturellement

:—Pourtant,jesuisamieavectoi.Ilouvredegrandsyeuxetjeluifaismonsouriredewinneuse{14}.Àsonregardmalicieux,j’aicompris.Luiaussi.Nousnousjetonsenmêmetempssurlesoreillers.Ilm’assèneuncoupavantquej’aiedégainéle

mien.Etj’ensuispresqueassommée.Jememetsàriresinaturellementquej’enoublielamélancoliequinousguettaitetcelledontilfaisaitexcessivementpreuvehierettoutàl’heure.JesautesurlelitpouréchapperàM.J.etauxcoussinsmortels.

—Salefolle!Iléclatederireetbientôt,nousnousbattonsdansungranddésordredeplumesd’oieetd’oreillers

éventrés.—Salefou!Essouffléecommeaprèsavoircourudixkilomètres,jem’arrêteetluitombepresquedessus.Ilest

allongéennageaumilieudesplumesquivolentautourdenousetfixeleplafondenriant.Jesuisfandeceriresirauqueethachéenmêmetemps.

Jenesaispas,c’estcommequandjesuisavecArizona.JesuissibienavecM.J.quec’estcommesij’étaisavecmafamille.

—Tuveuxunecopinecomment?Ilmetdutempsavantderépondre.— J’en sais rien. Jolie, mais pas trop pour que les autres ne me la piquent pas. Marrante et

intéressanteaussi.Y’ariendepluschiantqu’unenanaavecquit’aspasdeconversation.J’ensaisrien,

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unefilleunpeucommetoi.Jeris.—EmmaLoyd?Elleestbelle.—Tropdeseins.Toutlemondelouchededans.Non,quelqu’undesimple,jetedis.Commetoi.—Arrêtetonchar,Junior.Personneneserajamaisassezbienpourtoi.Ilm’attrapelesdoigtsdesamaingaucheetmelaserre.Bienetalangui.Jemesensbien.—Si.Toi,tuleserais.Moncœurrateunbattement.Ohnon…non,non,non,non,non,non…Aufond,peut-êtrequejel’avaisvuvenir.Non,jelesavais.Maistantquerienn’estditclairement,

lepetitjeudelaséductioninnocentepeutdurerlongtemps.Pasaprès.J’aime être ça. Son amie. J’aimeme trouver belle et sexy dans son regard.Mais jamais je ne

l’aimerailui.Parcequemoncœurappartientàunautredésormais.Etc’estirrévocable.Jemetourneverslui,levisageàseulementquelquescentimètresdusien.Ilm’observeintensément.Aucuneexpressiondeplaisanteriesursaface.Nousnousfixonslongtemps.Essayantd’accordernosrespirations.Uneplumevoleau-dessusde

nousetilsouffledessuspourlafairevirevolter.Soudainement,j’aibienconsciencedetouslesendroitsdemoncorpsquisontencontactavecle

sien.—Micka…Tusaisquec’estimpossible…Ilsoupireetbaisselesyeux.Maissesdoigtsnequittentpaslesmiens.Tropvite,ilpassedelabonnehumeuràunairrenfrogné.Jesuissitristedesavoirqu’ilsouffre

dece…truc.Jenesaismêmepass’ilyaunmoyend’enguérirunjour.—Jesais.Nem’enveuxpasd’essayer.OK…—Jenet’enveuxpas.Maisarrête,s’ilteplaît.Ilsepencheunpeuetm’embrassesurlefront.Jenemedégagepas,maisraidecommeunpiquet,

ildoitbiensentirmagêne.Auboutd’unmoment,ilfinitparselever.—Vautmieuxquej’yaille.Jeleretiensparlamain.Tropémotive.Jesuisbientropémotive.—M.J.,tusaisquejesuislà.Tupeuxmeparler.Tupeuxveniriciquandtuveux.Ilseforceàsourire,jelevoisbien.—Jesais,Padmé.Bonnenuit.

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13

Lanoirceurdupassé«Lepasséestunprologue»

WilliamShakespeare

InconnuBuddy’sCafé,quartierdeFenway,KaloaElleestlà.Àdistance.Àpeinequelquesmètresnousséparent.Àpeinequelquespersonnes.Cematin,j’aidécidédeprendrel’airplustôtqued’habitudeetj’aibienfait.Elleafaitsonyogacommetoujourssursonporche,enfacedulacoùlesoleilselevait.Ellea

donné àmanger à son chat, fait son nettoyage.Mené sa petite vie bien rangée sans une ombre autableau.

Et puis, elle a fini par sortir pour se rendredans ce café et rejoindre l’unde ces typesqu’ellefréquentebientropsouvent.Celui-làadesbouclesblondessurlecrâne.Uneespècedecoiffurequineluivapasdutout.Grand,maismusclé,iln’arienàvoiraveclesautres.Ilmeparaîtbienplus…fort.Maisc’estunecaricatureambulantecemec.Leparfaitgentlemandesesdames.Ilsouritàtouteslesfemmesquicroisentsonchampdevisionetellessepâmentdevantlui.Commelaserveuse.

Celui-là,jenesaispasencoreoùilvit,maisjeletrouverai.Elles’assied,commandeunhamburger-fritescommeluietilssemettentàdiscuter.Unetabletroploin.Jen’entendspascequ’ilssedisent.Pasgrave.C’estsansimportance.J’observelafaçondontellerepoussedel’indexsescheveuxderrièresonoreille.Cettefillen’aurapaschangéd’unpoil.Lesmêmesmanies.Lesmêmesgestes.Lamêmeattitude

aguicheuse.Ilsrient.Commedetrèsbonsamis.Jenel’aijamaisvuerirecommeça,avant.Jecommandeundoubleexpressoetdespancakes.Elleadoraitça,lespancakes.Ilfaittropchaud,mêmeaveclaclimàl’intérieur.Commentpeut-onvivreici?Cetteîleestune

vraiefournaise.

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Macasquettemegêne.J’aimeraisl’enlever.Jenelefaispas.Àcoupsûr,ellemereconnaîtrait.—Vousdésirezautrechose,monsieur?medemandelajeunefemmeautabliernouéautourdela

taille,enposantlespancakesetenmeservantdirectementlecafé.Jegrogne,secouelatêteetlachassedelamaincommeuneabeillequibourdonneraittropprèsde

monoreille.Dégage.Mais l’attentiond’Amyseportesurnous.Jemeplongedans le journaldevantmoi,ouvertà la

rubriquesportive.LesSeahawksdeSeattleontbattulesFalconsd’Atlanta…Ma casquette longuemasque en partiemon visage, je le sais. Elle ne peut pasme reconnaître.

Impossible.Lecaféestdégueulasse.Lespancakesdégueulasses.Toutestdégueulassesurcetteîlepourrie.Jene comprendrai jamais lesgensquiontdans l’idéedevivre ici.Enfermés, entourésd’eauà

pertedevue,suruneîleaussiminusculeetquin’arienàoffrir.Tousdescrétinsdetoutefaçon.Elleaussi,ellen’estpas très futéed’ailleurs.Fuirpourse retrouver là.Pileoù j’étaissûrde la

trouver.Peut-êtrequ’ellelefaitexprès.Ceseraitbiensongenre.Faire croirequ’elleveut sa liberté, qu’elleveut recommencer à zéro et pourtant toutmettre en

œuvrepourneplusvivrecachée,pourqu’onlareconnaisse.C’esttellementsimple.Trop.Jepourraisluipourrirl’existencesifacilement…Jemangeenlesscrutantaussidiscrètementquepossible.Elledévoretout.Vorace.Salegoinfre.Elle n’a pas changé. À s’empiffrer comme une obèse. L’autre, ça n’a pas l’air de le déranger

qu’ellefassesagourmande.Ill’accompagne.Jelesobservefaireavecdégoût.Putaindesaletédeboulimique!Uneheure.Ilsrestentassislà,uneheureavantqu’elleneselèveenjetantunregardàsontéléphoneetqueje

fasse demême pourme diriger vers les chiottes, quand elle quitte l’endroit après avoir embrassé

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l’autresurlajoue.Beaucoupmoinsfripée,lapetite.Ellelesembrassemêmesurlajouemaintenant.Untocardmebousculepourserendreauxtoilettesquandj’ensorscinqminutesplustard.Enfoiré!Jel’attrapeaucoldesachemiseet leplaquecontrelaporteenbois,mesyeuxsombresplantés

danslessiens.J’aienviedetuerquelqu’un,mec,alorsmebousculepas,pasaujourd’hui.—Excuse-moi,bro’{15} !Pardon ! s’affole-t-il comme si je lui avais déjàmis le couteau sur la

gorge.—Dégage!Je le lâche et le repousse violemment. Il s’enfuit en courant comme s’il avait le diable à ses

trousses.Jereportemonattentionsurleurtableenvoulantregagnerlamienne.Ellen’estpluslà.Luinonplus.Pasgrave.Jesaisoùlatrouver.Etdetoutefaçon,cen’estpaslemoment.Ungroupedefillesentredanslecaféaumomentoùjem’apprêteàrepartiràmontour.Je les reconnais. Elles étaient présentes sur les docks ce fameux soir. Une bronzée, genre

MexicaineouPortoricaine.Uneblondeavectropdemaquillage.Unebrunestylegothique,tatouéeencouleuretuneautrequejenereconnaispas,petiteetbruneégalement.

Lesoiroùj’aidiscutéavecl’autre,complètementsoûl,surlepont.Avantdeluifairecomprendrequeleseulmoyenderéglersesproblèmesc’étaitd’enfinir.

L’imbécile.Ilaprismesparolesausérieux.Ils’estjetépar-dessusbord.OK,j’aiaidé.Maisc’étaittellementfacile.Sifacile,qu’ilarésisté.Elleaplongépourlesauveretilasurvécu.Putain.Monattentionsereportesurlesfillesquisesontassisesàunetablepasloin.Çapiaille,comme

desoiseauxenbattantdesailes.Jerecommandeuncaféetm’installecettefoisderrièreunedestablesquiabritentunordinateurà

dispositiondesclients.Idéalpourtchatcherlaplupartdutemps.Pasaujourd’hui.J’aientendulaplusbronzéede toutesdirequ’elledevaitconsultersesmailspouruncoursà la

fac.J’aiprisledernierordidelibre.Pourpouvoirleluilaisserensuite,biensûr.Maisavant…Jetapedanslabarrederechercheettombesurplusieursarticles.J’enouvreunetlaisselapage

commecela.Mespoingsseserrenttoutseuls.

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Çaseprépareunevengeance.Çasesoignebien.Unfauxpasettoutestàrefaire.Jesuisprêtàattendre.Longtemps.Trèslongtempss’illefaut.Jememetsdebout,remetsmaveste,enfoncemacasquette,plie,repliemonbilletpourlelaisser

surlatableavecunpourboireetdonneuncoupdiscretdanslecoudedelafille.—Mademoiselle.Jem’envaissivousvoulezlaplace.Pasuninstant,jenelèvelesyeuxverselle.Ellenefaitmêmepasmined’êtresurprise.—Ah,OK.Merci.Lesautresdesesamiesselèventetluifontlabisepourrepartir,àpeinearrivéesensemble.Jem’éloignel’airderien,tandisqu’elleseretrouveseule,lalatino.Elleprendsesaffaires,son

lattémacchiatocaramelets’installederrièrel’écran.Trèsbien.Laissonsfaireleschosesmaintenant.

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Laure-Alice(L.A)Sij’avaissuquejepasseraisunejournéedemerdecommecelle-là,jenemeseraispaslevée.Lesfillessefoutentdemoi,parceque,soi-disant,jefaisunemontagnederiendutout.Maispersonnen’estàmaplace,personnenepeutcomprendre.MaHarley,jepeuxàpeinefinirde

la payer et il a fallu que je crève une roue cematin. Puis en plus, j’ai reçumes premières notes.Catastrophiques. À continuer comme ça, je vais me retrouver paumée avant la fin du deuxièmesemestreetjepeuxdireadieuàmondiplômeenarchitecturemoderne.

Depuis la mort de Lara, je n’ai pas arrêté d’enchaîner les conneries. J’ai recommencé mapremièreannéede fac, larguéKenny, finisdans leschouxplusd’une foiset Isaacn’acessédemeramener sur le bon chemin. Je sais qu’il le fait car il se sent responsable demoi. Comme ça l’atoujours été. Tout ça parce que nous avons fréquenté un temps le même centre pour jeunes endifficultéetqu’iladécouvertmonhistoire.

Maisj’enaimarredesapitié.J’aimeraisbien,moiaussi,qu’ilmeregardecommeilregardaitColline,Ambreoumêmecette

petitebrune.J’étaisloindemedouter,lapremièrefoisquejel’airencontrée,qu’ellerentreraitdansnosviesdecettefaçon,qu’elleétaitvenuehabiterdanslamaisondeLara.Etvoilàquejemeretrouvereléguéeloin,trèsloindelui.

En soupirant pour la énième fois aujourd’hui, je posemon latte à côté de l’ordi duBuddy’s etouvre la page internet. Il faut que je consulte mes prochains cours sur le site de la faculté deConstance pour m’organiser et savoir quelles leçons facultatives je vais devoir annuler pourrenforcermesnotesdansmesmatièresprincipales.

Maisalorsquejem’apprêteàchangerdepage,jetombesurunarticledéjàouvert.UnpostduSGVWestValleyJournalde lacôteouest-américainequidated’ilyabienunanau

moins.Jenel’auraismêmepasregardésilaphotol’accompagnantnem’avaitpassautéeauxyeux.«C’estune«justiceexemplaire»qu’attendentlesparentsdeDeacon,lequarterbackdedix-huit

ans,mortennovembredernier sous lecoupdeciseaux tranchantque lui infligeasapetiteamiedumêmeâge.Ledrames’estdérouléàCarmel-by-the-seaausuddelapéninsuledeMonterey.

Lajeunefilleestaccuséed’homicideinvolontaireaveccependantlacirconstanceaggravantequelesfaitsontétécommissurunmineur.Devantletribunaljuvénile,ellerisquedixansdeprison.Leprocureur de Californie ayant réfuté la demande des plaignants pour une passation en Courcriminelle.

Cevendredi13,Amyavaitprévuderejoindresonpetitamichezlui,commeàl’habitude,aprèslescours. Quand les deux mineurs se retrouvent face à face, une violente dispute éclate. Des voisinsdisentavoir entendudegrands éclatsde voix, des coups, peut-être, partir.Amydéclareraavoir étéfrappée plusieurs fois au menton, dans les côtes et au visage. Elle tentera de s’enfuir, mais ne

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parviendraquejusqu’àlasalledebain.Poursedéfendre,elleempoigneradesciseauxàproximitéetluitrancheralajugulaired’uncoupnetetprofond.Deaconneserelèveraplusetdécéderatrèsvite.

L’avocat de la défense plaidera aujourd’hui la légitime défense. Selon nos sources au tribunald’instance juvénile, le petit ami se serait montré violent à plusieurs reprises, mais aucune plainten’auraitétéenregistrée.

QuarterbackespoirdelavilledeCarmel,lejeunehommevenaitd’obtenirunebourseauméritepour intégrer la faculté deBerkeley.Très aimédans sa ville, desmanifestations ont été organiséespourdemanderletransfertduprocèsdevantlaCourcriminelleafinquelajeunefillesoitjugéeplusdurement.

Leprocèsdevraitsedérouleràhuitclosetresterentièrementconfidentielenraisondelanaturefragiledudossier.Ils’ouvreaujourd’hui,maisn’apasencorededatededélibération.

Amyencoure jusqu’àdixansdeprisonetpourrait,à samajorité, être transféréedans lapartieadultedelaCentralCaliforniaWomen’sFacility.»

Uninstant,jerestesidérée.Parcequ’unephoto,bonunpeumalpriseetdéformécertes,maisunephototoutdemême,affichelevisagedelapetiteGilmore.Elleestplusminceetellealesyeuxvides,lescouleurssontéteintes,maisc’estbienelle,j’enjurerais.

Elleaplantésonderniercopain?!Etpuis…Amy?Maisc’estquoicesconneries?!Bordel!

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Dernierchapitre:LepetitrayonvertMia

«J’aiéclatéensanglots.J’aiun faiblepourcetteexpression.Onn’éclate jamaisde faimoudefroid.Enrevanche,onéclatederireouensanglots.Ilestdessentimentsquijustifientqu’onvoleenéclat.»

AlbertEspinosaProlepse(Flash-forward){16}Desmoisplustard…Mia…Unsouffledevents’engouffrebrusquementsouslacouette.Jemeredressed’unseulmouvement.Lescheveuxébouriffésetlesyeuxgonflésdesommeil.Iln’yapluspersonneàcôtédemoi.J’ai entendu mon prénom. Je ne suis pas folle. J’ai vraiment entendu une voix le murmurer,

commeportéparlabrisedusoir.Au-dessusdemoi,leveluxestentre-ouvertetilfaitdoux.Lecielestdégagéetunemultituded’étoilesbrillentau-dessusdemoi.Jerepousselescouverturesetécoutelesbruitsdelanuit.Celuid’unechouettequihulule,celuidu

ventdanslesarbresetdel’eauquidortpasloin.Maismoncœuradumalàsecalmeretlesbattementsenvahissentpeuàpeumatête.Jenesauraispasexpliquerlemalaisequimeprend.Maisilyaquelquechosequimedérange.Outrelefaitqu’ilsoitparticommeça,aumilieudelanuitetqueçaneprésageriendebon.J’aiunsentimentindescriptiblequimeserrelapoitrine.Respire.Inspire.Expire.Jefaisdegrandsexercicesderespirationpourtenterdemecalmer.Avantdemeleverfébrilementetd’enfilermesvêtementsàlahâte.J’ignorecequimepousseàyaller,mais jesens,non, jesais,quequelquechosecloche.Qu’il

s’estpasséuntruc.Jeneprendspaslapeinedemecoifferouquoiquecesoit.Quand je sors pour rejoindre la voiture, le ciel se colore déjà d’indigo.Bientôt, le jour va se

lever.Jenel’aipasentendupartir.Jemedemandes’ill’afaitilyalongtemps.Derrièremon volant, je compose le numéro d’Isaac. Et je lemets sur haut-parleur enmettant

fébrilementlecontact.

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Réponds.S’ilteplaît,réponds…Lebipstridentenvahitl’habitacle.Çasonne,sonne,sonneencore.Ilnedécrochepas.Monmalaises’accentue.Monbasventremefaitmal,terriblementmal.J’essayelenumérodeM.J.aussi.Peut-êtreque jem’inquiètepour rien,peutêtreque toutvabien.Mais j’ai ladrôledesensation

qu’ilestarrivéquelquechoseàquelqu’un.Àqui?Jel’ignore.Ilnerépondpasnonplus.Jedémarreetparsavantdenepluspouvoirconduiretellementjetremble.C’est étrange. Ce sentiment de savoir que quelque chose de terrible va se produire,mais sans

parveniràmettreledoigtdessus.Lesmaisonssontfermées,lavilledortencore.UncalmeplatrègnesurKaloa.Jeprends la routequidescendvers lecentre. Je traverseunepartied’Eponac.L’indigoduciel,

viredoucementàl’orange,laissantentre-deuxapparaîtrelepetitrayonvert.Monpèremeracontaittoujoursquelerayonvertquiapparaîtfugacementaumatinentrel’indigo

etl’orangeduleverdesoleilamènedel’espoirdanslaviedeceluiquialachancedel’apercevoir.Jenesaispass’ilétaitunpeufrappéousic’étaitlecancerquiluifaisaitdirecegenredechose,

maisj’yaitoujourscruaurayonvert.Alors l’apercevoir là, me redonne un petit peu d’espoir. S’il était arrivé quelque chose, on

m’auraitappelée.Lukem’auraitappelée,lesgarçonsm’auraientappelée.Surl’immenseroutequitraverselaforêtd’Eponacetlacoupeendeuxavantdepasserenhautdes

falaisesquidescendentverslecentre,jeralentis.Lesvoiessontlargespourquelescamionsaientlemoinsdemalpossibleàpasser.Maisiln’yapasunchatdehors.L’airesthumide,unlégerbrouillardflotteetl’indigosecolorepeuàpeud’orange.Lejourselève.

Auloin,j’aperçoisquelquechosed’anormal.Audétourd’unvirage,bordéd’uncôtédelaglissièredesécuritéquiempêchelesvéhiculesdese

cracherdanslevidedesfalaises,etdel’autre,desimmensesCyprèsetThuyasduPacifique.Jeralentis.Ilyaquelquechoseaumilieudelaroute.Unetâchequigranditaufuretàmesure.Unevoiture?J’approche,maisdoucement.Etplusj’avance,plusmoncœursemetàbattresourdement.Cen’estpasunevoiture,c’estunemoto.Seigneur…,non…Je rétrograde, ralentie encore. Roule jusqu’à être à moins de cinquante mètres. La bécane est

allongéesurl’asphalte.Lesbattementsdemoncœursefontdeplusenpluslents.Jestoppemonvéhiculeetobservelaglissièredesécurité,complètementenfoncéeetdéformée,et

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lesdébrisdudeuxroueséparpilléssurlegoudron.Deséclatsdeverre,degrandestracesdegommenoiresurl’asphalte,untéléphonepulvérisé…Jejetteuncoupd’œiltoutautraversdupare-briseavecunétrangesentimentdedétachement.Maisenréalité,jeneveuxpasregarderplusloin.Jerefusedelefaire.Mesmainssurmonvolant

semettentàtrembler.Parcequemêmesimavision s’accrocheaugoudrondéformé, je sais, oui je sais, que jepeux

quandmêmeapercevoirdesgouttes,desmarques,destraînéesdesangd’unrougequivireaunoiretquipourraitpasser,auloin,pourdel’essence.Maiscen’enestpas.C’estdusang.

J’enaivusisouvent.Lemien.Celui…desautres.Jesaisquec’estça.Une peur panique est en train de s’infiltrer par tous mes pores. Je reste là, longtemps, très

longtemps,lesyeuxrivéssurcequi,j’ensuisconsciente,vachangermavie,d’unefaçontellementviolentequejen’enmesuremêmepasencorelesconséquences.

Unmillierdechosesmepasseparlatêteàlafois.Ilfautquej’appelledessecours,quejel’appelle.Jemevoisentraindepleurer,enrobenoire,à

unenterrement.Puisdumêmecoup,jem’imaginedansmonlit,jelesensquibouge,selève,jemeréveille,luitienslebras,luidemandedeserecoucher,quetoutirabien,ilpeutresteravecmoi,ilnelui arrivera rien, parce que toujours je serai là pour le protéger. Puis, il y a les pompiers, lesambulances,leslumièresquidansentdansmatête,lesgarçonsquinecomprennentpas.Jepleureraibeaucoup.Non,jenepleureraispas,ilneluiestrienarrivé.Ilestjusteévanoui,inconscient,maisiln’a rien. Il va se mettre debout. Me dire « t’y as cru, hein ? ». Je ne pourrai plus jamais medébarrasserdeluiparcequej’auraipeur.Peurdeperdreencorequelqu’un.Commej’aipresquetoutperdudansmavie.Moi-mêmelapremière.

Jenesaispascombiendetempsjefixelepare-brise,mesmainstremblantessurlevolant.Uneminute?Deux?Quelquessecondes?Avantd’ouvrirlaportedelavoitureetdesortirlesjambestremblantes.Lesoleil,àprésent levé, faitmiroiter lesmorceauxdeverreet lesdébris. Ilscrissentsousmes

pas.Unemasse noire se dessine un peu plus loin sur l’asphalte. Plus j’avance, plus je la distingue

clairement.Latacheinformeetdésarticuléesetransformeencorps.Soncorps.Cettecoquillevidequin’estplusrien.Je reste là, dans le jour qui se lève, à le regarder, complètement ailleurs et en même temps

totalementprésente.Lepasséetleprésentseconfondent.

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J’observe tous les détails qui nem’échappent pas.Son casque enfoncé sur unebonnepartie ducôtédroit.Lamaredesangnoireetbrillantedanslaquelleilbaigne,sesbrasetsespiedstordusdansdespositionsplusquebizarres.

Machinalement, sansmêmeme rendre compte de ce que je fais, je sorsmon téléphone demapocheetcomposelenumérodesurgences.

—Le911,j’écoute…—Il…ilyaeuunaccident…demoto…—Pouvez-vousmedonneruneadresse,madame?Est-cequ’ilyadesblessésgraves?—Je…,oui…,faitesvite…,s’ilvousplaît…Jecommuniquelabornedelarouteoùnousnoustrouvonsavantderaccrocheretdechercherle

numérod’Ashton.Mesyeuxsontvoilés,jedoism’yreprendreàplusieursreprises.Maintenantaccroupieàquelquesmètresdelui,j’attends,letéléphonecolléàl’oreille.Çasonne,unefois,deuxfois…,aumêmerythmelentquelesbattementsdemonproprecœur.—Allô?Lavoix fatiguéeethachéed’Ashtonse fait entendreà l’autreboutdu fil.Lesmots s’étranglent

dansmagorge.—Mia?Qu’est-cequetuveux?—Ash…,jesouffledansunsanglotcontenu.Ilyad’abordunlongsilence.Puis,ilrespirecommes’ilselevait.—Quoi?Qu’est-cequ’ilya?Tuasdesproblèmes?—Ash…ilaheurté…laglissièredesécurité…—Quoi?Dequoituparles?—Je…Il…Silence.Ehoui,ilyadesessilencesquifontdubruitàs’endéchiqueterlecœur.Ashtonacompris.Mavoixtremblante,messoupirsdedéchirementsparcequelessanglotscommedesfleursfanées

sebrisentdansmagorgeetnesortentpas.Ilsempêchentjustel’airderentrer.—Mia!Qui?Quiaheurtélaglissièredesécurité?!

Àsuivre…

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www.passioneditions.comRetrouvezlessorties,lesnewset

lesjeux-concours:

PassionEditionsRetrouveztoutel’actualitésurl’auteur:

TinaM.

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{1}Hors-d’œuvreitaliens.Cesontdestartinesgarniesgénéralementdetomates,d’ailetarroséesd’huiled’olive.{2}ChansondeSarahMclachlan,tiréedel’albumSurfacingde1997,produiteparPierreMarchand.{3}Stop,n’entrezpas.{4}Chansoninterprétéeparl’artisteQueen,tiréedel’albumANightattheOperasortien1975,produitparRoyThomasBaker.{5}ChansoninterprétéeparEdSheeran.{6}ComédiedramatiqueaméricaineréaliseparDavidMcNallyetsortieen2000.{7}Pasmoyen.{8}Screamestunfilmd’horreuraméricainréaliséparWesCraven,sortien1996etmettantenscèneuntueurmasqué.{9}Desbonbonsouunsort.{10}Iris,interprétéeparlegroupeGooGooDolls, tiréedel’albumDizzyupthegirl,sortieen1998souslelabelWarnerBros.

Records.{11}ÀMaryIslandonnecomptequedeuxsaisons,étéethiveraustral.Lessaisonssontégalement

inverséesdansl’hémisphèresud.{12}AuxÉtats-Unis,boosignifiepetit-ami.{13}Marquedechampagne.{14}Gagnante.{15}Bro’,renvoieàbrother,signifiantfrère.{16}Anticipation/ saut dans le temps : désigne un événement qui se produira plus tard dans

l’intrigue.

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