les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés · dans les départements du nord et le pas de...

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Association loi 1901 agréée pour la protection de l’environnement dans les départements du Nord et le Pas de Calais 117 rue de la Croix Marmuse 62136 Lestrem Tel : 03 21 26 14 69 Messagerie : [email protected] internet : www.lestrem-nature.org SIRET : 433 925 039 00011 Rédaction : Jean-Louis Wattez Lestrem Nature Guillaume Lemoine Société Entomologique du Nord de la France Numéro 44 Septembre 2016 Qu’est ce qu’une abeille? Qu’est ce qu’une abeille? Les abeilles sauvages Les abeilles sauvages Les abeilles sauvages Les abeilles sauvages Si Apis mellifera, l’Abeille mellifère des ruches, ou Abeille domestique, est bien connue du grand public, on ignore souvent qu’elle n’est qu’une des 1000 espèces d’abeilles recensées en France, des 2000 en Europe et plus de 20 000 dans le monde. La grande majorité des abeilles sauvages sont des espèces solitaires dont la présence attire peu l’attention. La région Hauts-de-France accueille près de 3OO espèces. Les abeilles sauvages jouent aussi un rôle central dans le maintien de la biodiversité de nos territoires. Elles sont garantes de la stabilité des écosystèmes en participant à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées. Alors que l’on a longtemps considéré que seule l’Abeille domestique pollinisait efficacement les cultures, des études récentes tendent à prouver le rôle complémentaire voire indispensable des pollinisateurs sauvages notamment des abeilles. Les abeilles sont des Hyménoptères, ordre d’insectes caractérisés par deux paires d’ailes membraneuses reliées entre elles par un système de couplage. Elles possèdent 6 pattes, 2 antennes , 4 ailes et un corps formé de 3 parties distinctes : tête, thorax et abdomen. L’abdomen est séparé du thorax par un étranglement caractéristique. Fourmis, Guêpes, Tenthrèdes, Ichneumons sont aussi des Hyménoptères tandis que mouches et syrphes, n’ayant que deux ailes, sont des Diptères. Les abeilles ont une nourriture exclusivement végétale (nectar pour les adultes et pâtée pollinique [nectar et pollen] ou miel pour les larves alors que la nourriture des larves de guêpes est carnée. Parmi les abeilles sauvages, environ 20 % vivent en colonie avec une reine et des ouvrières (dont les bourdons) et la majorité (80 %) sont solitaires. Certaines espèces solitaires, comme l’Abeille du lierre (Colletes hederae), peuvent se regrouper en « bourgade » en construisant leurs nids individuels (galeries dans le sol) côte-à-côte. Abeilles sociales, abeilles solitaires Abeilles sociales, abeilles solitaires Les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés... Les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés... Mégachile Bourdon Solitaire Sociale Mettre des abeilles domestiques en grand nombre dans les espaces naturels, c’est introduire un concurrent très efficace vis-à-vis des autres espèces. L’arrivée momentanée (transhumance) ou durable de dix ruches sur un site va apporter dans le milieu, en période de miellée, entre 300 000 et 600 000 abeilles qui ne seront probablement pas sans effet sur l’accès aux ressources alimentaires pour les autres espèces . Dans les lieux où l’on installe des abeilles domestiques, elles supplantent aussitôt les espèces sensibles. Dans un jardin botanique, il a été constaté que le nombre d’abeilles solitaires avait très vite doublé après le retrait des colonies d’abeilles domestiques. Pas d’excès de ruches dans les milieux naturels Pas d’excès de ruches dans les milieux naturels photo http://sauvonsapismellifera.wixsite.com/

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Association loi 1901 agréée pour la protection de l’environnement

dans les départements du Nord et le Pas de Calais

117 rue de la Croix Marmuse 62136 Lestrem

Tel : 03 21 26 14 69 Messagerie : [email protected]

internet : www.lestrem-nature.org SIRET : 433 925 039 00011

Rédaction : Jean-Louis Wattez Lestrem Nature

Guillaume Lemoine Société Entomologique du

Nord de la France

Numéro 44

Septembre 2016

Qu’est ce qu’une abeille?Qu’est ce qu’une abeille?

Les abeilles sauvages

Les abeilles sauvages

Les abeilles sauvages

Les abeilles sauvages

Si Apis mellifera, l’Abeille mellifère des ruches, ou Abeille domestique, est bien connue du grand public, on ignore

souvent qu’elle n’est qu’une des 1000 espèces d’abeilles recensées en France, des 2000 en Europe et plus de 20 000 dans

le monde. La grande majorité des abeilles sauvages sont des espèces solitaires dont la présence attire peu l’attention. La

région Hauts-de-France accueille près de 3OO espèces.

Les abeilles sauvages jouent aussi un rôle central dans le maintien de la biodiversité de nos territoires. Elles sont

garantes de la stabilité des écosystèmes en participant à la pollinisation des plantes sauvages et cultivées. Alors que l’on

a longtemps considéré que seule l’Abeille domestique pollinisait efficacement les cultures, des études récentes tendent à

prouver le rôle complémentaire voire indispensable des pollinisateurs sauvages notamment des abeilles.

Les abeilles sont des Hyménoptères, ordre d’insectes caractérisés par deux paires

d’ailes membraneuses reliées entre elles par un système de couplage.

Elles possèdent 6 pattes, 2 antennes , 4 ailes et un corps formé de 3 parties

distinctes : tête, thorax et abdomen.

L’abdomen est séparé du thorax par un étranglement caractéristique.

Fourmis, Guêpes, Tenthrèdes, Ichneumons sont aussi des Hyménoptères tandis que

mouches et syrphes, n’ayant que deux ailes, sont des Diptères.

Les abeilles ont une nourriture exclusivement végétale (nectar pour les adultes et

pâtée pollinique [nectar et pollen] ou miel pour les larves alors que la nourriture des larves de guêpes est carnée.

Parmi les abeilles sauvages, environ 20 % vivent en colonie avec

une reine et des ouvrières (dont les bourdons) et la majorité

(80 %) sont solitaires.

Certaines espèces solitaires, comme l’Abeille du lierre (Colletes

hederae), peuvent se regrouper en « bourgade » en construisant

leurs nids individuels (galeries dans le sol) côte-à-côte.

Abeilles sociales, abeilles solitairesAbeilles sociales, abeilles solitaires

Les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés...Les abeilles sauvages: des pollinisateurs oubliés...

Mégachile Bourdon

Solitaire Sociale

Mettre des abeilles domestiques en grand nombre dans les espaces naturels, c’est introduire un

concurrent très efficace vis-à-vis des autres espèces. L’arrivée momentanée (transhumance) ou

durable de dix ruches sur un site va apporter dans le milieu, en période de miellée, entre 300 000

et 600 000 abeilles qui ne seront probablement pas sans effet sur l’accès aux ressources

alimentaires pour les autres espèces . Dans les lieux où l’on installe des abeilles domestiques, elles

supplantent aussitôt les espèces sensibles. Dans un jardin botanique, il a été constaté que le nombre d’abeilles solitaires

avait très vite doublé après le retrait des colonies d’abeilles domestiques.

Pas d’excès de ruches dans les milieux naturelsPas d’excès de ruches dans les milieux naturels

photo http://sauvonsapismellifera.wixsite.com/

Langues courtes, langues longuesLangues courtes, langues longues

Nidification : dans la terre, le sable, les tiges creuses….

Mode de récolte du pollen et distance de butinage

Cycle de vie: les femelles ne rencontrent pas leur progéniture...

Une abeille sauvage vit environ une année. Elle traverse 4 stades de développement ( œuf, larve, nymphe, adulte)

dont la durée varie selon l’espèce. Dès qu’une jeune femelle sort du nid, elle se fait aborder par les mâles qui

patrouillent dans l’environnement immédiat. Ensuite, pendant les quelques semaines que durera son existence sous

forme imago, elle se consacrera entièrement à la confection d’un nid, à la ponte d’une dizaine d’oeufs, au butinage et

à la provision de nourriture pour la future génération (pollen et nectar).

La structure de récolte du pollen chez les femelles est différente selon les

espèces : la plupart ont de nombreux poils qui « capturent » les grains de

pollen sur les pattes postérieures. La famille des Mégachiles possède une

brosse ventrale caractéristique, sous l’abdomen.

Les distances de butinage que les abeilles sont capables de parcourir dépendent

du poids et de la taille des espèces d’abeilles concernées. Bien que de

nombreuses espèces puissent se déplacer à plus d’un kilomètre, la plupart des

individus butinent dans un rayon de 100 à 300 mètres pour les petites espèces

et 400 à 800 mètres pour les plus grosses comme les bourdons

Il existe plusieurs modes de nidification : les terricoles creusent des petits puits dans la

terre nue ou le sable, d’autres creusent des galeries dans la moelle des tiges de certaines

plantes (ronces, sureau, etc). Certaines abeilles n’iront pondre que dans des cavités

prééxistantes, comme des tiges creuses ou des trous d’aération dans les murs ou

fenêtres comme l’Osmie cornue. Certaines vont même jusqu’à pondre dans des

coquilles d’escargots vides ! 75 % des abeilles sauvages nichent dans le sol et sont donc terricoles!

Abeilles coucousAbeilles coucousAbeilles coucousAbeilles coucous

20 % des espèces d’abeilles solitaires n’aménagent pas de nids et ne récoltent pas de

pollen. Ces abeilles appelées « abeilles coucous » sont des parasites. Elles profitent de la

récolte de leur hôte au bénéfice de leur progéniture. Ces espèces pénètrent dans des nids

approvisionnés ou en cours d’approvisionnement et vont pondre leurs oeufs à la place de

ceux de l’hôte sur la pâtée pollinique ainsi stockée. L’oeuf de l’hôte est détruit par la

femelle d’abeille coucou, ou par la jeune larve issue de sa ponte, car son développement

est souvent plus rapide que celui de l’hôte parasité.

Il existe des abeilles à langue « longue » et d’autres à langue « courte ». La taille de

la langue est souvent directement corrélée à la profondeur de la corolle de

certaines fleurs qui vont être dépendantes de l’espèce d’abeille associée pour leur

reproduction.

Le Bourdon des champs fait partie de la famille des Apidae et a une langue longue

qui lui permet de butiner les fleurs de trèfle.

Les six familles présentes en Europe se répartissent en 2 groupes: Megachilidae et

Apidae à langue longue et Melittidae, Andrenidae, Halictidae et Colletidae

à langue courte.

Nid d’Abeille hélicicole

Nid d’Abeille sabulicole

Brosse ventrale d’une Mégachile

Quelques espèces locales d’abeilles sauvages.

Les Bourdons des pollinisateurs vigoureux Il existe plusieurs espèces de bourdons, que l'on regroupe

généralement en deux grands groupes. Les bourdons à langues

courtes pourront butiner de petites fleurs : le bourdon

terrestre (B. terrestris), le bourdon des arbres (B. hypnorum),

le bourdon des prés (B. pratorum), le bourdon à queue blanche

(B. lucorum).Les bourdons à langues longues pourront butiner

de longues fleurs (comme le chèvrefeuille) : le bourdon des

jardins (B. hortorum), le bourdon des champs (B. pascuorum),

le bourdon des pierres (B. lapidarius) ou le bourdon grisé

(B. sylvarum). Fort velus et beaucoup plus résistants au froid que toutes leurs cousines, les bourdons se permettent de sortir plus tôt

dans la journée, et plus tôt dans la saison, ils sont donc importants pour la pollinisation des toutes premières fleurs de

l’année. Ils sont aussi les seuls à pouvoir émettre un « buzz », une onde capable de décrocher le pollen de certaines

plantes, notamment les Solanacées : tomates, pommes-de-terre, aubergines, poivrons, piments.

Megachile rotundata: abeille coupeuse de feuilles C’est une abeille « découpeuse ». Ces abeilles construisent des loges à

partir de morceaux de feuilles découpées de (luzernes, troènes,

acacias...) où elles déposeront leurs œufs. Une de ses particularités est

de découper avec une méthode spectaculaire des morceaux de feuilles

tendres (découpe circulaire à ovale aux bords nets, toujours en bordure

de feuille) qu’elle transporte ensuite en vol afin de confectionner son

nid constitué de feuilles enroulées (aspect cigare). Les dégâts créés par

l’abeille découpeuse ne nuisent pas aux plantes. Aucune méthode de

contrôle n’est donc justifiée. Les abeilles découpeuses jouent un rôle écologique essentiel en assurant la pollinisation

de plusieurs plantes. Elles sont considérées comme pollinisateur très efficace notamment de la luzerne, des carottes, et de nombreuses lé-

gumineuses (Fabacées) cultivées, ou de baies (Myrtilles).

L’Osmie cornue ( Osmia cornuta ) Les Osmies, dites aussi "abeilles maçonnes" sont des abeilles solitaires dont les plus

précoces sont actives dés les premiers beaux jours du printemps, courant mars, et ce

même par mauvais temps alors que les abeilles domestiques se gardent bien de mettre

le nez dehors. Pollinisatrices efficaces, elles sont très peu farouches et se laissent

observer sans aucun problème, même de près. Certaines osmies cohabitent facilement

avec l’homme. Elles ont jeté leur dévolu sur les trous d’évacuations de nos fenêtres, et

tous ce qui ressemble à une cavité à leurs tailles. La femelle osmie y dépose une réserve

faite de nectar et de pollen, puis y pond un œuf. Elle bouche ensuite l’orifice avec un

bouchon de terre ou d'autres matières qu’elle malaxe avec de la salive. Une fois la “loge” terminée, elle en fabrique

une autre, environ une tous les deux centimètres. Les larves qui vont naître consommeront la pâtée pollinique faite à

base de pollen (source de protéines) et le nectar (source d’énergie), puis se transformeront en nymphes.

Le Colette du lierre ( Colletes hederae ) inféodée à une seule plante Cette abeille sauvage est strictement inféodée au Lierre grimpant. C’est une

petite abeille solitaire, reconnaissable à ses longues antennes, sa tête et son

thorax recouverts d’une longue pilosité rousse, et son abdomen allongé et annelé de

jaune et de noir.

Contrairement à l’Abeille domestique, capable de visiter une très grande

diversité de plantes mellifères, cette espèce s’est spécialisée au cours de

l’évolution : en effet, elle récolte exclusivement le nectar et le pollen du Lierre afin

de nourrir ses larves, et son cycle de reproduction est synchronisé avec celui du

Lierre. C’est une abeille d’automne. Le nom scientifique de cette espèce, Colletes hederae, reflète d’ailleurs l’exclusivi-

té de sa relation avec le lierre (genre Hedera en latin).

Bourdon des champs

Bombus pascuorum

Bourdon terrestre

Bombus terrestris

Megachile rotundata Lestrem Juillet 2015

Imprimé sur papier recyclé

1 tonne de papier recyclé économise

17 arbres, 1m3 d'espace en décharge,

30 kg de polluants atmosphériques,

consomme 6 fois moins d'énergie et 9

fois moins d'eau pure.

Réalisé avec l’aide de Réalisé avec l’aide de Réalisé avec l’aide de Réalisé avec l’aide de

Que faire pour protéger les abeilles sauvages?

Sources:

• Lemoine G. (2015) Les carrières de sable : une opportunité pour les abeilles sauvages EPF Nord Pas de Calais et Union

Nationale des Producteurs de granulats Paris 140 pages

• Les abeilles sauvages Guillaume Lemoine conférence à Lestrem le 2 juin 2016

• Suivi Participatif des Abeilles association ARTHROPOLOGIA • Guide de gestion écologique pour favoriser les abeilles sauvages URBANBEES.

• Site internet aramel.free.fr

- arrêter l’usage généralisé des pesticides

- restaurer les ressources florales: arrêter le broyage systématique des bords de

routes, les délaissés, les zones d’activités… maintenir des ronciers , maintenir

des surfaces de Fabacées (sainfoin, luzerne, trèfle, lotier…)

développer des prairies fleuries (espèces locales) et la gestion différenciée ,

arrêter de la tonte intensive en espaces urbains et périurbains

- créer des niches favorables diversifiées (haies, ronciers, bosquets, zones de

dépôt de bois morts,..)

- Préserver lez zones où elle nichent (bourgades)

- mettre en place un substrat qui permet leur nidification (apports de sable et

graviers) , maintenir des zones de terre nue et tassées , convertir certains

espaces (talus) en friches herbacées non tondues et non fauchées, même en hiver pour les bourdons qui nichent au

printemps dans les herbes denses

Les abeilles sauvages: un groupe d’espèces menacées!

Sur la liste rouge européenne IUCN:

9,2 % des espèces sont menacées d’extinction, 5,2% des espèces sont mena-

cées dans un futur proche , 56,7 % des espèces n’ont pas pu être évaluées.

De multiples causes pour expliquer leur régression:

- l’exposition aux produits chimiques : Les pesticides, notamment les

neurotoxiques désorientent les abeilles, modifient leur comportement et

fragilisent leurs systèmes immunitaires. L’utilisation régulière d’herbicides

sélectifs dans les grandes cultures entraîne une perte des communautés

adventices et messicoles.

- la perte des ressources alimentaires: la diminution de la biodiversité dans les espaces agricoles, liée notamment

à la monoculture et la régression extrême des cultures fourragères (luzerne, sainfoin, trèfle) a pour conséquence

une réduction du nombre d’espèces de plantes disponibles et un raccourcissement de leur temps de floraison .

- la modification des paysages: la fragmentation du paysage entraîne une

réduction croissante des espaces fleuris et des petits biotopes avec pour

conséquences des distances plus importantes à parcourir entre les zones de

reproduction et celles de butinage pour des abeilles qui ont un rayon d’action

relativement réduit : de 100 à 800 mètres.

- La destruction des habitats de nidification: affleurements de sable, de limons,

des talus.

- Le nettoyage exagéré des friches et des bords de route prive les abeilles

sauvages de ressources alimentaires.