les abeilles

5
Laissez voler les Abeilles de mer ! PHOTO : PHILIP PLISSON Mars 1978… tempête en mer d’Iroise… Qui pourrait oublier en Bretagne ces images au large d’Ouessant d’un supertanker fracassé sur les roches de Portsall ? Cassée en deux par la violence inouïe des éléments, l’épave lugubre de l’Amoco Cadiz laissait alors s’échapper de ses soutes plus de 220 000 tonnes de brut... Le souvenir de la plus affreuse des marées noires hante toujours la mémoire de l’Armor. Dès juillet de cette année-là, pour prévenir une nouvelle catastrophe, la Marine nationale décide d’affréter à Brest un puissant remorqueur de haute mer auprès de la société Les Abeilles internationales, un armement spécialiste du sauvetage. L’Abeille Flandre, sous l’autorité du préfet maritime, est aussitôt affecté à la surveillance exclusive du trafic dans le rail de Ouessant. L’entrée de la Manche est la voie maritime la plus fréquentée au monde. En alerte permanente, 24 heures sur 24, par tous les temps – surtout les pires – ce remorqueur, s’est ainsi tenu prêt pendant 26 ans à appareiller sous vingt minutes. Ce saint-bernard de l’océan a ainsi monté une garde fidèle avant d’être relevé en 2005 par l’Abeille Bourbon (image ci-contre). Aujourd’hui, le contrat d’affrètement avec la Marine nationale et l’État pour la fourniture d’un service de remorquage de haute mer arrive à échéance. Avec le temps, les Abeilles ont accumulé un extraordinaire savoir-faire dans le domaine de la protection du littoral et de la lutte anti-pollution. Pour cette très belle entreprise française épaulée par le groupe Bourbon Off Shore, l’appel d’offre qui se profile est vital. Pour les Français aussi pour qui les Abeilles des mers doivent pouvoir poursuivre leur mission de sauvegarde des côtes mais aussi des navires et de leur équipage. Jean-Stéphane BETTON

Upload: thomas-sallantin

Post on 15-Apr-2017

2.707 views

Category:

Environment


0 download

TRANSCRIPT

Laissez voler les Abeilles de mer !

PHO

TO: P

HIL

IP P

LISS

ON

Mars 1978… tempête en mer

d’Iroise… Qui pourrait oublier

en Bretagne ces images au large

d’Ouessant d’un supertanker

fracassé sur les roches de Portsall ?

Cassée en deux par la violence

inouïe des éléments, l’épave

lugubre de l’Amoco Cadiz laissait

alors s’échapper de ses soutes plus

de 220 000 tonnes de brut...

Le souvenir de la plus affreuse

des marées noires hante toujours

la mémoire de l’Armor.

Dès juillet de cette année-là, pour

prévenir une nouvelle catastrophe,

la Marine nationale décide

d’affréter à Brest un puissant

remorqueur de haute mer

auprès de la société Les Abeilles

internationales, un armement

spécialiste du sauvetage. L’Abeille

Flandre, sous l’autorité du préfet

maritime, est aussitôt affecté

à la surveillance exclusive du trafic

dans le rail de Ouessant. L’entrée

de la Manche est la voie maritime

la plus fréquentée au monde.

En alerte permanente, 24 heures

sur 24, par tous les temps – surtout

les pires – ce remorqueur, s’est

ainsi tenu prêt pendant 26 ans

à appareiller sous vingt minutes.

Ce saint-bernard de l’océan

a ainsi monté une garde fidèle

avant d’être relevé en 2005 par

l’Abeille Bourbon (image ci-contre).

Aujourd’hui, le contrat

d’affrètement avec la Marine

nationale et l’État pour

la fourniture d’un service

de remorquage de haute mer

arrive à échéance. Avec le temps,

les Abeilles ont accumulé un

extraordinaire savoir-faire dans

le domaine de la protection du

littoral et de la lutte anti-pollution.

Pour cette très belle entreprise

française épaulée par le groupe

Bourbon Off Shore, l’appel d’offre

qui se profile est vital. Pour

les Français aussi pour qui

les Abeilles des mers doivent

pouvoir poursuivre leur mission de

sauvegarde des côtes mais aussi

des navires et de leur équipage. Jean-Stéphane BETTON

parvenir, en catastrophe, à jeterl’ancre dans une zone située à 15nautiques de la côte. L’Abeille Li-berté, en alerte météo sur le coffrede Grande Rade de Cherbourgsuit la situation grâce aux élémentstransmis par le Cross. Comptetenu de l’aggravation prévisibledes conditions sur zone, le Com-mandement opérationnel de laMarine de la préfecture maritimede la Manche décide de faire ap-pareiller l’Abeille. Le remorqueurfait route vers le Havre dans lanuit du 1er au 2 mars.

UN ENCHAÎNEMENTD’AVARIES

Le Cross Jobourg mène les in-terrogatoires mais le contact VHFest laborieux. Le navire semblevouloir gagner du temps et nedonne pas d’informations claires.Le commandant répond difficile-ment aux questions. Il semble êtreseul et dépassé par la situation.Une Équipe d’évaluation (EEI) –Centre de sécurité des navires,Marine nationale, Pilote, Port duHavre –, est planifiée dans l’après-midi pour une mise à bord par hé-litreuillage pour évaluer les possi-bilités de redémarrage et de retouréventuel au Havre. Le passage dufront vers 13 h 00 s’accompagned’un grain très puissant à 45nœuds3. Le navire, sur ancre et 6maillons (presque 180 mètres dechaine), se met à chasser à plus detrois nœuds et sort de sa zone demouillage.

Après avoir réussi à ralentir sadérive en filant in extremis deuxmaillons supplémentaires sur saligne, il se retrouve cette fois to-talement privé d’énergie. Le com-mandant se retrouve sans aucuneautonomie de décision ni aucunesynergie avec ses principaux offi-ciers. Le chef mécanicien ne sem -ble pas non plus pouvoir comptersur l’aide de ses officiers pour faireface à tant de dysfonctionnements.La résignation face à l’enchaîne-ment de ces faits graves semblesurréaliste. Compte tenu de l’ag-gravation des conditions météodans la fin de l’après-midi et du-

rant la nuit, un échouement sur lacôte nord du Havre est assuré sirien n’est tenté.

Après avoir déposé l’EEI, l’hé-licoptère de la Marine nationale– un EC 225 de la 32F de Lanvéocdétaché à Maupertus, hélitreuillele second capitaine de l’Abeille àbord du porte-conteneurs afin depréparer et de diriger la prise deremorque qui s’annonce difficile.

TOUTE LA PUISSANCEDES 22 000 CV

La préparation de ce type d’ac-tion est primordiale. À cet effet,un « déroulé » est fait sur le pontavec le bosco, juste avant le

treuillage, en tenant compte de laposition prévisionnelle de l’Abeillesous l’étrave du navire. Le pre-mier tir 4 depuis l’Abeille permetaussitôt le hissage à la main dufouet5, de la vérine6 puis du hâle 7

de 70 mètres par le chaumard 8

central. Les deux hâles une foisconnectés, la position devient trèsdifficile à tenir face au vent, àproximité immédiate de la lignede mouillage du navire. Il faut uti-liser toute la puissance des quatremoteurs et des propulseurs, soitprès de 22 000 CV, pour manœu-vrer si près – quelques mètres seu-lement –, de l’étrave de ce grandnavire.

« L’EC225 se présente face au vent pour hélitreuiller le second capitaine depuis la plage arrière. »

43MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Remorquageà haut risque

Le porte-conteneurs de 300mètres de long, d’une capacitéde 4 400 EVP1, quitte le port

du Havre, sans fret, en début desoirée, le 1er mars 2016. Armé parun commandant roumain et 22marins indiens, ce navire de 25 ans,sous pavillon libérien, a été ré-

cemment vendu, faute d’affrète-ment. Le nouvel armateur a doncfait constituer un équipage pourle prendre en charge à quai, auHavre, quelques semaines avantde partir rejoindre une zone demouillage en Grèce puis l’Inde, sadernière escale2.

Peu de temps après avoir fran-chi les digues, Le navire subit sonpremier black-out mais il réussità remettre en route. Au nord duchenal, il se retrouve de nouveautotalement privé d’énergie. Il frôleun grave accident en dérivant surun tanker au mouillage avant de PH

OTO

: ABE

ILLE

LIB

ERTÉ

Mars 2016, un porte-conteneurs battant pavillon libérien se retrouve en avarieau large du Havre. L’échouement est imminent. Mais l’Abeille Liberté veille. Récit.

42MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Par CYRILLE PILLETSecond capitaine de l’Abeille Liberté

REMORQUAGE ET SAUVETAGE RÉCITS

PHO

TO: A

BEIL

LE L

IBER

>>

31 décembre 2015, 9 h 30 Au mouil -lage au Stiff, à Ouessant, l’Abeille Bour-bon appareille pour rallier le Koningsborg,un cargo finlandais en avarie de propul-sion, transportant des madriers de bois.La pontée1 a presque entièrement ripé.Il est 11 h 30, dans la voie de navigationcôtière du Dispositif de Séparation duTrafic (DST) : la mise en demeure émisepar le préfet maritime de l’Atlantiqueexpire. En vue du passage de remorque,demande est faite au commandant dunavire d’envoyer son équipage sur laplage avant. Celui-ci refuse à cause dudanger et de l’inaccessibilité au gaillard 2.Le bois restant en pontée en bloque l’ac-cès et menace de partir à la mer. Le se-cond capitaine et le maître machine del’Abeille sont alors envoyés sur le cargopar MOB-Boat pour effectuer le pas-sage de remorque. L’embarcation estmise à l’eau à 12 h 18 par 40 nœuds devent de Sud-Ouest. La montée à bordest loin d’être aisée avec cinq mètres decreux sous le vent du navire. Après plu-sieurs tentatives, le binôme est à bord. Ilcommence à progresser vers le gaillardpar la passavant3 tribord, le cargo pre-nant trop de gîte (25° bord sur bord) pours’aventurer sur les panneaux de cale. Il estalors obligé de ramper sous une palan-quée de bois restée en équilibre sur lalisse tribord puis d’escalader le panneaude cale n°1 pour enfin traverser le plusvite possible le bois en vrac qui menaceà tout moment de tomber à l’eau. Le bi-nôme arrive finalement sur le gaillard.

Le MOB, resté en standby en cas dechute à la mer, est remonté à bord del’Abeille. Un seul Tir PLT4 à 12 h 43 etla pantoire 5 est capelée à 12 h 50. Leconvoi fait route par un vent de sud-ouestayant fraichi à 45 nœuds, avec rafales à 50nœuds6, et par 6 à 7 mètres de creux. Enfin d’après-midi, la pantoire casse et lecargo commence à dériver très rapide-ment vers la chaussée des Pierres Noires.Nouveau tir PLT à 17 h 04, pantoire ca-pelée à 17 h 07 et l’Abeille commence àtirer à 1,5 milles nautiques des premièresroches. 20 h 00 : la pantoire est larguée. LeKoningsborg est pris en charge en granderade de Brest par les remorqueurs por-

tuaires. Le binôme d’intervention unefois récupéré, l’Abeille Bourbon fait aus-sitôt route pour rallier le Stiff et y re-prendre le standby météo. ■

45MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Par mauvais temps, les mouve-ments de plate-forme et les creuxrendent difficiles le bon position-nement du va et vient9 sur le na-vire. Il faut alors profiter d’une re-lative baisse de tension et d’unretour de la pantoire 10 vers lechaumard central du porte- conte-neurs pour capeler l’œil et aussitôtle sécuriser avec une aussière.Quarante-deux minutes sont nécessaires pour connecter la remorque par va et vient.

Le second capitaine présent àbord découvre alors que le naviren’avait pu filer deux maillons sup-plémentaires que parce qu’il avaitretrouvé temporairement del’énergie. Un examen visuel dustoppeur de chaîne révèle rapide-ment que celui-ci est impossible àdégager.

La tension très importante exer-cée par le rappel de la chaîne in-terdit en fait toute solution de lar-gage de la ligne de mouillagebâbord : il faut couper la chainede mouillage !

DÉCOUPAGEAU CHALUMEAU

En 15 minutes, au moyen d’unoxycoupeur et après quelques ef-forts de traction, celle-ci est libé-rée. Elle file par 27 mètres de fondlaissant le navire totalement dé-pendant de l’Abeille. Le second

capitaine de l’Abeille découvrealors que tout le système hydrau-lique de mouillage tribord est horsde service. Le navire n’est toutsimplement plus capable de mouil -ler ! Nous avons parfaitementconfiance dans la solidité du grée-ment de remorque mais des ins-pections régulières permettenttout de même de s’en assurer.

Les conditions météo n’étantpas favorables à une mise à quaidurant la soirée, l’Abeille main-tient le navire sous remorque jus-qu’au lendemain avant d’entrerdans le port du Havre, accompa-gné par des remorqueurs por-tuaires. Ceux-ci sont nécessairespour faire évoluer et ralentir leporte-conteneurs avant sa mise àquai. «Déconnectée» dans le bas-sin René Coty, l’Abeille fait aussi-tôt route vers Cherbourg pour re-prendre la station de sauvetage.

Lors de cette intervention, l’ex-cellente coopération des acteursagissant pour le compte de l’Étata empêché un accident maritimemajeur.

Depuis près de quarante ans, lasociété « les Abeilles » engage seséquipages dans des opérationscomplexes et parfois dangereusesmais l’expérience collective accu-mulée et la totale confiance dansnos moyens de sauvetage per-mettent toujours de trouver les so-lutions les plus adaptées. ■

« Après la connexion des deux hâles, la position devient difficile à tenir face au vent à proximité immédiate de la ligne de mouillagedu navire. »

REMORQUAGE ET SAUVETAGE RÉCITS

44MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Les « carnets d’hiver »de l’Abeille Bourbon

Ces trois récits, drastiquement sélectionnés faute d’espaces dans ces pages, nerestituent qu’une petite partie des interventions et exercices réalisés, l’hiverdernier, par l’Abeille Bourbon.

Par ADRIEN FELTZSecond capitaine de l’Abeille Bourbon

Parcours du combattant à bord du Koningsborg

1. Marchandise transportée sur le pont d’un navire.2. Pont surélevé à l’avant du navire possédant les dis-positifs de mouillage d’ancres et de manœuvres pourl’amarrage.3. Passerelle de tout navire permettant de rejoindrel’avant ou l’arrière.4. Fusil lance-amarres pneumatiques (cartouches deCO2).5. Câble de plus faible diamètre et de charge de rup-ture moindre que le câble de remorque principal etqui sert de fusible durant l’opération de remorquage. 6. Force 10. Vent dont la vitesse est comprise entre 80et 90 km/h.

PHO

TO: A

BEIL

LELI

BERT

É

PHO

TOS

: ABE

ILLE

BO

URB

ON

1. Équivalent vingt pieds.2. Pays identifié pour la déconstruction de navires.3. Force 9. Vent dont la vitesse est comprise entre 75 et 88 km/h.4. La roquette envoyée par un tir PLT – fusil lance-amarres pneumatiques (cartouches de CO2) –-, est amarrée à la gar-cette (ou fouet), cette dernière étant amarrée à la vérine, elle-même amarrée au hâle qui est lui amarré à la pantoire : celava ainsi en ordre croissant. La pantoire est ensuite connectée sur une bitte du navire et de l’autre côté, au câble de re-morque de l’Abeille. 5. Fouet ou garcette : fin cordage (5 à 6 mm de diamètre) servant à hisser la vérine (lire ci-dessous la note 6) qui elle-même sert à hisser le hâle, puis la pantoire (lire ci-dessous) à bord du navire assisté.6. La vérine : cordage de 12 ou 24 mm de diamètre servant à hisser le hâle à bord du navire assisté. La vérine est connec-tée à la garcette (ou fouet) d’un coté et au hâle de l’autre. 7. Le hâle est un cordage de 40 à 60 mm de diamètre généralement en polypropylène, servant à hisser la pantoire à borddu navire assisté.8. Le chaumard est une ouverture pratiquée dans le pavois – bord du navire –, pour y passer les amarres. Chaque na-vire en possède plusieurs à l’avant et à l’arrière. Sa fonction est de guider une amarre à son entrée sur le bateau. La pièceen métal peut être munie ou non de rouleaux simples ou multiples.9. Pour cette opération, l’Abeille Liberté a établi un va-et-vient : deux hâles ont été hissés à bord, l’un passant par le chau-mard central et l’autre par un des chaumards latéraux, puis connectés ensemble. C’est la technique habituelle lorsque lenavire assisté n’a pas d’énergie : le hâle principal hisse la pantoire à bord lorsque l’on tire sur le hâle retour au moyend’un des cabestans arrière de l’Abeille.10. La pantoire : câble de 38 mm à 72 mm de diamètre qui sert de fusible. La pantoire est capelée sur une bitte du na-vire, et connectée de l’autre côté au câble de remorque principal de l’Abeille au moyen d’une grosse manille.

>>

« La montée à bord du Koningsborg a été loin d’être aisée avec cinq mètres de creux sous le vent du navire dont la pontée – la cargaison –,a entièrement ripé. »

■ Que représente aujourd’hui la so-

ciété Les Abeilles ?

Les Abeilles est une société d’as-sistance et de sauvetage apparte-nant au groupe Bourbon Offshore.S’appuyant sur le savoir-faire deplus de cent trente collaborateurs,Les Abeilles assurent depuis prèsde quarante ans la protection du lit-toral français. Nous armons en per-manence quatre remorqueurs d’as-sistance et un BSAD, navire poly-valent associé à la protection du littoral et plus particulièrementadapté à la lutte anti-pollution.

Cet hiver, nous sommes intervenus sur dix remorquages-assistances et autant d’escortes, parfois musclées, sur des na-vires en difficulté. Depuis 1978, nous pouvons estimer queplus de quinze catastrophes de l’ampleur de celle de l’AmocoCadiz ont été évitées.

■ Quels types de prestations proposez-vous ?

Les Abeilles interviennent sur des opérations de remor-quage en haute-mer, de lutte contre la pollution par hydro-carbures, de renflouement et de déséchouement. L’assistanceet le sauvetage adaptés à la protection du littoral français né-cessitent une organisation basée sur la rapidité d’interventionafin de limiter au maximum tout risque de pollution. Cettepolyvalence d’activité assurée par les cinq navires de notreflotte nous permet d’avoir des équipages hautement qualifiéset entraînés.

■ Comment fonctionnez-vous avec la Marine nationale ?

La Marine nationale est notre client historique. Sous l’au-torité permanente du préfet maritime, les remorqueurs d’as-sistance des Abeilles sont en mesure d’intervenir 24 h/24 enmaintenant, en permanence, un délai maximal de quaranteminutes pour appareiller et ce, dans les pires conditions mé-téorologiques. D’autre part, l’organisation de notre compagniepermet jour et nuit de mobiliser en quelques heures ses équipes

opérationnelles et le matériel de sau-vetage adapté à l’intervention encours. Nous recherchons sans cesseà améliorer notre prestation afin derépondre au plus près aux attentesde notre client, la Marine nationale.Ce véritable partenariat nous per-met d’être très réactifs. Subsidiaire-ment, nous pouvons traiter, aprèsaccord du préfet maritime, des na-vires en avarie qui en expriment lademande, sans qu’ils constituent undanger grave et éminent pour lescôtes françaises.

■ Le contrat pour la fourniture d’un service de remorquage de

haute-mer destiné à la protection du littoral français doit être

renouvelé prochainement. Quel en est l’agenda ?

Il m’est très difficile de répondre avec précision à cette ques-tion car ce planning ne nous incombe pas et nous nous plie-rons à celui proposé. Mais les échéances sont très courtes et letravail entre chaque étape considérable. Le grand public voittoujours notre prestation de remorquage suite aux nombreusesimages de nos navires dans le mauvais temps. Ce cliché nousa poursuivi depuis l’ouvrage et le film Remorque avec JeanGabin. La réalité dépasse largement cette prestation. En effet,le souci permanent d’offrir aux régions la meilleure protec-tion du littoral nous a amenés depuis plus de vingt ans à créerune structure d’intervention capable d’intervenir dans un dé-lai extrêmement court.

Celle-ci comprend des salvages masters, des salvages offi-cers et du personnel parfaitement rompu aux techniques d’as-sistance ayant de longues années d’expériences en sauvetageet une parfaite maîtrise de la lutte antipollution. Nos services,technique et commercial, peuvent mobiliser rapidement desarchitectes navals, des plongeurs, des spécialistes de produitspolluants, des chimistes ainsi que tous types de matériels adap-tés aux opérations en cours : barges, bigues, barrages, pompes,compresseurs, pétroliers-allégeurs, matériels de travaux pu-blics pour les navires échoués… Devant la complexité de toutes

47MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

Début mars 2016 Exercice de re-morquage du porte-conteneurs EmmaMaersk, organisé et piloté par la préfec-ture maritime de l’Atlantique avec la co-opération de l’armement Danois APMoller-Maersk.

La législation internationale n’impo-sant qu’aux navires citernes d’être équi-pés de dispositifs de remorquage d’ur-gence, la problématique est, ce jour-là,de valider le remorquage d’un navire dece type disposant uniquement d’un bol-

lard principal1 supportant 80 tonnes decharge. Le passage de remorque est ef-fectué à 12 h 50. Deux Salvage Officersdes Abeilles se trouvent à bord du mas-todonte de 396 mètres pour assurer lamanœuvre sur la plage avant. Par 30nœuds de vent d’ouest et une mer agi-tée, l’Abeille Bourbon remorque le navire– figurant parmi les plus grands porte-conteneurs du monde – à 5,5 nœuds avec800 mètres de remorque filée et 80tonnes de tension appliquées. ■

REMORQUAGE ET SAUVETAGE RÉCITS

46MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

« Bourbon Offshore estprêt à investir dans de nouveaux

remorqueurs d’intervention,d’assistance et de sauvetage »

Entretien avec PASCAL POTRELDirecteur général de la société de remorquage Les Abeilles

L’un des plus grosporte-conteneurs du monde…

La dernière intervention de l’hiver 2016est la récupération de la vedette Jean-

Cam de la station SNSM de Molène quicasse son mouillage durant la nuit du 8au 9 mars. À la dérive, et apparemmenten bon état, elle est repérée dans le nordde l’île de Sein, à 10 h 45, par un hélico-ptère NH 90 de la base aéronavale deLanvéoc envoyé en reconnaissance. Maisles très mauvaises conditions météoro-logiques et les forts coefficients de maréene permettent pas à la vedette SNSM deOuessant, ni à celle du Conquet d’appa-reiller pour aller la récupérer. Le Centreopérationnel de la Marine (COM) dé-cide donc d’envoyer l’Abeille Bourbon,alors à la cape en standby météo dans leFromveur1. Arrivée sur zone à 11 h 50,par un vent de 50 nœuds largement éta-bli avec une mer grosse de 8 mètres, deuxSalvage Officers sont transférés parMOB-Boat à bord du canot pour vérifierson état et son intégrité. Deux membresde la station SNSM de Molène ont étéhélitreuillés par le NH90 à bord de

l’Abeille Bourbon. Ils sont ensuite trans-férés par MOB-Boat sur la vedette, puisferont finalement route sans problèmesvers Brest pour une petite inspection decoque… ■

Récupérer le Jean Cam

1. Bitte d’amarrage.

« Deux membres de la station SNSM de Molène préalablement hélitreuillés par le NH90 de la Marine nationale à bord de l’Abeille Bourbon, sont ensuite transférés par MOB-Boat (photo)sur la vedette de la SNSM retrouvée. » 1. Passage situé entre l’archipel de Molène et l’île

d’Ouessant, au nord de la mer d’Iroise, dans le Finistère.

PHO

TOS

: ABE

ILLE

BO

URB

ON

PHO

TO: A

BEIL

LE B

OU

RBO

N

PHO

TO: D

R

« Deux Salvage Officers des Abeilles se trouvent à borddu mastodonte de 396 mètres pour assurer la manœuvre sur la plage avant. »

>>

ces opérations, la Marine nationale à mis en œuvre un certainnombre de mesures permettant d’offrir aux régions du litto-ral français une meilleure protection.

■ De quelle manière ?

En mettant à la disposition des préfets maritimes des contratsde prestation de service à la place des contrats d’affrètementélémentaires, initialement mis en œuvre après la catastrophede l’Amoco Cadiz en 1978. Ce type de prestation a, depuis2002, prouvé son efficacité dans de nombreux sauvetages : Rokia Delmas, Msc Napoli, TK Bremen, Artémis, Uranus pourne citer que les plus médiatiques d’entre eux. Ce nouveau typed’appel d’offres à services en assistance et sauvetage dans lecadre de la protection du littoral comprend, entre autres, quatregrandes prestations : l’affrètement de remorqueurs spéciali-sés conçus pour intervenir sur les navires de nouvelles géné-rations (porte-conteneurs et paquebots) et capables de réali-ser les opérations dans les pires conditions météorologiques ;

un service de conseil téléphonique 24 h/24 ; la mise à disposi-tion de salvages masters et de salvages teams ; la mise à dispo-sition d’un conseiller auprès du préfet maritime et de sa cel-lule de crise.

■ Comment vous positionnez-vous sur ces prochains appels

d’offres et ceux-ci conditionnent-ils l’avenir des Abeilles ?

Les prochains appels d’offres sont vitaux pour Les Abeilles.Mais nos atouts sont nombreux. Tous nos collaborateurs sontcompétents, passionnés et motivés par leur métier très spéci-fique et souvent dangereux. Nous avons la chance d’être épau-lés par un groupe comme Bourbon Offshore pour continuerà être en permanence à la pointe dans cette activité si parti-culière. Bourbon Offshore est par ailleurs prêt à investir dansde nouveaux remorqueurs d’intervention, d’assistance et de sau-vetage (RIAS) afin d’offrir à la Marine et à l’État français lameilleure qualité de service pour faire face aux nouvelles pro-blématiques des navires géants de dernières générations. ■

48MARINE&OCÉANS N° 251 - AVRIL-MAI-JUIN 2016

REMORQUAGE ET SAUVETAGE ENTRETIEN

« Depuis 1978, plus de quinze catastrophesde l’ampleur de celle

de l’Amoco Cadiz ont été évitées. »

L’Abeille Bourbon au large de l’île d’Ouessant.

PHO

TO: P

HIL

IP P

LISS

ON

>>