LES 300 MEILLEURES BLAGUES

DE BEAUFS

© 1998, by Jacques Grancher, Éditeur Paris

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ISBN 2-7339-0590-2

John Madec - Jean Moal

Les 300 meilleures blagues d e beaufs

J A C Q U E S J A C Q U E S

CRANCHER 98, RUE DE VAUGIRARD

75006 - PARIS

« La liberté d' expression n 'est précisément pas de dire ce qui est autorisé, mais plus généralement de dire ce qui est interdit »

Franck-Marc I

« P o u r b u que je ne parle en mes écrits, ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des sens en place, ni des corps en cré- bits, ni de l'opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose ; je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. »

Beaumarchais, Le mariage de Figaro, acte V, scène 3.

« Il faut prendre les choses en riant »

Proverbe provençal

INTRODUCTION

« Mieux est de ris que de larmes écrire, p o u r ce que rire est le propre de l'homme. »

Rabelais, Vie inestimable du Grand Gargantua, père de Pantagruel.

Cette introduction a pour but de nouer et dénouer un problème qui se pose assez généralement à toute entreprise comique. En effet, énoncée souvent dans les termes suivants : «peu t -on rire de tout ? », la question pourra i t aussi être complétée par l 'interrogation sur les moyens : « peut-on rire de tout, et pa r tout moyen ? »

I. Définition e t problématique

« La plus perdue de toutes les journées est celle où l'on n'a pas ri. » Chamfort, Maximes et pensées.

Une petite définition, et la formalisation du problème inhérent au comique pour remettre les idées en place.

1. Définition

Veuillez écouter, toujours sans rire, dans un premier temps, ce qu'une encyclopédie, certainement bien intention- née, peut nous dire du rire :

« Le rire est fa i t de contractions à caractère convulsif ou

spasmodique, faciales, respiratoires, phonétiques, et qui, même dans le rire intense, peuvent intéresser le tronc et les membres. Il semble résulter d'une décharge nerveuse par brusque déni- vellation. Les psychologues ont surtout insisté sur les origines mentales du rire, et spécialement celles du comique, propre à l'homme. On a ainsi expliqué le rire par des causes morales, sentiment d'une sorte de dégradation sans gravité des per- sonnes ou des choses, ou bien par des causes intellectuelles, surprise produite par une attente que l'événement réduit à rien, ou contraste entre une conception que l'on paraît proposer et qu'on applique à un tout autre objet. Ces explications s'appliquent effectivement à des cas réels. Il semble qu'on puisse toutes les envelopper dans celle de Bergson ».

2. Notre problématique

Il n'existe pas, en fait, de liberté absolue de rire. C'est un constat historique. La consultation des ouvrages majeurs du comique français est édifiante quant à la difficulté dans laquelle les auteurs se trouvent d'être autorisés à faire rire.

Or, l'argument du comique qui joue dans le registre de la dégradation des valeurs est de soutenir que la dégradation est sans gravité, en raison, précisément, du comique de celle- ci ; elle n'est pas grave parce qu'elle n'est pas sérieuse.

Nous devons reconnaître qu'il existe différentes manières d'aborder une valeur et de la dégrader. Vous pouvez le faire en vous prenant au sérieux, ou bien le faire sans vous prendre au sérieux. Dans le premier cas, non seulement vous ne faites rire personne, mais encore vous pouvez devenir inquiétant ; dans le deuxième cas, si vous ne faites pas rire tout le monde, vous le tentez, et vos motifs ne sont point inquiétants, car votre but, et le seul, est bien de faire rire (sans même aller jusqu'à soigner par ce moyen, les humains ; « Castigat ridendo mores», écrivait Jean de Santeul).

Dès lors que nous choisissons de travailler à l'extrémité de ce que nous appelons le bas comique, c'est-à-dire celui qui s'amuse par des moyens bas et grossiers, nous nous devons de penser à toutes ces questions.

Un moyen bas et grossier est nécessairement un moyen plus violent de dégradation d'une valeur. En outre, il est fréquent d'ajouter l'humour au moyen comique. Le propre de l'humour étant d'être une moquerie sous une apparence sérieuse, teintée d'impassibilité et d'ironie. Si l'on parle tant de l'humour anglo-saxon chez Swift, Fielding, Dickens, Thackeray, Carlyle, J.K. Jerome, Twain etc. c'est sans doute parce que le tempérament de ces peuples est tourné vers l'observation du détail concret, base nécessaire à l'hu- mour. Prenons un exemple :

Une blague

- soir ?

Une femme. Ne dit-on pas le matin : « Tu vas te lever grosse vache ! », et le soir : « Tu viens te coucher ma puce?»

Analyse

Le comique de cette blague réside dans le trait d'humour et la grossièreté. Le trait d'humour est issu de l'observation d'un détail concret à savoir, dans la vie de couple, la diffi- culté, parfois, de se lever d'où une remarque peu amène, et, a contrario, la gentillesse de l'homme à l'égard de la femme lorsqu'il n'a pas l'intention d'aller au lit pour dormir seule- ment. L'effet comique provient donc de la grossièreté, par elle-même, dans l'expression gracieuse « tu vas te lever grosse vache», et de la grossièreté en contraste avec la forme affec- tueuse et familière « ma puce ».

Lorsque nous pratiquons l'humour grinçant ou noir, les- quels exploitent les «sujets dramatiques et tire(ent)» leurs « effets comiques de la froideur ou du cynisme » (Le Robert, Nouveau petit dictionnaire de la langue française), nous fran- chissons un seuil supplémentaire, qui, à la lumière de ce que nous avons pu poser comme définition du comique quant au sentiment de dégradation de la valeur, augmente encore le trouble. Le sentiment du public sera, et là réside l'effet

comique, plus incertain. L'apparent sérieux, l'ironie, le cynisme, appliqués à un sujet grave, concret, éventuellement traité sous un angle bas et grossier, déclenche une relaxation tonitruante dans la chute comique.

II. Intérêts des blagues

« Le vire châtie certains défauts à peu près comme la maladie châtie certains excès. »

Bergson, Le rire, Essai sur la signification du comique.

Parlons donc des intérêts de ces blagues, dans leur dimen- sion collective ou sociale.

Le meilleur de la blague est qu'elle guérit par le rire. Nous l'avons rappelé, la comédie corrige les mœurs en riant. Les blagues exposées dans ce qui suit pourraient être qualifiées de Blagues Politiquement Incorrectes (BPI). Leur rudesse procède de ce qu'elles visent et de la manière dont elles le visent. Elles s'attaquent généralement aux affections sociales (ou politiques, en ce sens) graves ou importantes et par conséquent très sensibles. A toute époque, toute société se trouve imbue d'un certain nombre de valeurs attachées à un certain nombre de réalités. La tendance est de rigidifier, sou- vent pour les meilleures raisons du monde, le discours autour de ces valeurs sensibles.

Avec raison, les Pouvoirs cherchent à stabiliser les élucu- brations intellectuelles en certaines matières importantes, mais les hommes aussi, souvent, cherchent à enfermer la liberté d'expression dans des domaines où nous n'en voyons pas l'utilité. Dans tous ces cas, seul le comique peut agir. Seul il peut porter atteinte à l'inaliénable sans que du mal soit fait ; c'est le triomphe des Césars : la foule acclame et adule, mais les plus fidèles légionnaires font un parterre de railleurs très impertinents qui rappelle l'homme à sa réalité.

Le juste interdit ne doit pas être plus imperméable au comique que l'interdit injuste. L'homme véritablement cha-

ritable ne doit pas se croire davantage à l'abri de la raillerie que le Tartuffe, même si ce second mérite peut-être un autre feu que le premier. Le fou du roi ne laisse personne, pas même le roi, à l'abri de ses sarcasmes.

Rien n'est pire qu'un faux clown, celui qui épargne quel- qu'un, sauf pour de nobles et secrets motifs, ou bien celui qui ne rit pas, par intérêt. Voyez, par exemple, le comique remar- quable du «Dictateur» de Chaplin, film contre lequel la critique fut très vive aux États-Unis. Son modèle est un faux Arlequin; regardez ses ridicules, ses folies, tout en lui est du comédien, sauf que ce n'est pas drôle, mais le comé- dien qui le singe le rend tragi-comique.

Nos BPI nationales ont pour rôle de faire entrer l'Arlequin dans les moindres interstices de notre société, pour but de ne laisser aucune forteresse de la gravité inviolée, aucun homme à l'abri du sentiment qu'il n'est pas moins accessible que les autres aux feux du rire.

Nous ne doutons pas que nombreux sont ceux qui vou- draient bien échapper à ces attaques, en commençant par nous-mêmes, car finalement, ce qui est frappé, c'est ce qui dépasse, le détail concret saisi par l'humour. Le trait frappe le sensible. Ainsi, le jeune moine Rabelais s'amusa, lors d'une grande sécheresse qui avait déterminé les moines à entrer en prière pour obtenir des conditions plus clémentes, avec quel- ques camarades de jeu, à uriner du haut des murs sur la tête des religieux.

Nous devons transposer cet excellent exemple d'humour, délicatement grossier, à notre monde moderne et méditer toutes les occasions que nous aurions, en restant en deçà du jet d'immondices et des violences légères, de frapper du comique tout ce qui, à tort ou à raison, peu importe, - car le jeune Rabelais ne pisse pas sur la tête de ses aînés parce qu'il pense qu'ils sont dans l'erreur, mais bien seulement parce qu'ils attendent, dans une tension et une gravité terrible, la pluie - se prend au sérieux.

III. Risques des blagues

« Le rire est ridicule autant que décedant. » Verlaine, « Poèmes saturniens », Prologue.

« Quelques générations encore, et le rire, réservé aux initiés, sera aussi impraticable que l'extase. »

Cioran, Syllogismes de l'amertume.

Voilà un chapitre inquiétant. Rien de plus innocent que de conter des blagues, pensez-vous. Ce n'est plus le cas lorsque ce sont des BPI, car dans ces blagues se cache la violence comique, celle que Bergson stigmatise.

En raison du caractère souvent corrosif des blagues, vous pouvez vous faire des ennemis, ou bien plutôt sélectionner vos amis. Il est nécessaire, vous le comprendrez, d'user des blagues finement, c'est-à-dire selon l'auditoire.

Il existe également, pour le conteur de blagues, et à moin- dre titre pour l'auditoire, des risques de perversion. Les acti- vités humaines ne sont que rarement innocentes, et c'est pour l'homme une nouvelle manière de tomber, par présomption. La critique subie par le comique vient sans doute aussi du fait que, loin de l'Arlequin, le comique a pu se prétendre moraliste, philosophe, politique etc.

Sans doute peut-il être un peu cela, mais jamais il ne l'est vraiment lorsqu'il est véritablement dans son rôle. L'Arle- quinade, c'est ce que nous vous proposons, avec ses faibles- ses, c'est-à-dire ses bêtises affligeantes, mais si drôles, ses grossièretés, ses incongruités. Quand on conte des blagues politiques, on ne fait pas une critique ou une apologie du « capital de Marx », quand on débite une blague misogyne, on ne réécrit pas le rôle de la femme, quand on raconte des blagues religieuses on n'entreprend pas une critique théologique.

Pourtant des censeurs du rire, «quant est de leur estude, elle est toute consumée à la lecture de livres (...) » comme le nôtre, « non tant pour passer temps joyeusement que pour

nuyre à quelc'un meschantement, sçavoir est articulant, mono- rticulant, torticulant, culletant, couilletant et diabliculant, c'est-à-dire callumniant. Ce que faisans, semblent es coquins de village qui fougent et echarbottent la merde des petitz enfans, en la saison des cerises et guignes, pour trouver les noyaulx et iceulx vendre es drogueurs qui font l'huille de Maguelet.» (Rabelais, François, Pantagruel), sont là pour nous, signe du risque que le comique peut courir à se croire plus qu'il n'est.

En un mot comme en mille, restons comiques, et les calomniateurs en seront pour leurs frais. Ils chercheront, croyant découvrir quelque grave preuve de la criminalité, de la méchanceté, de la bêtise, quelque preuve de la nécessité de punir, ou réduire, ou interdire, mais seront seulement les tristes pourfendeurs des chimériques Arlequins, et finiront de toute façon, à force de grands moulinets de bras armés de l'épée vengeresse, par la reprendre dans le cul.

L'irrespect du comique est un risque inhérent au style. Bergson parle « Du mécanique plaqué sur du vivant» dans le Rire, ch. 1 ; il estime que le comique est plutôt « raideur que laideur», toujours dans le Rire, ch. 1. Le comique est dur, sans souplesse, par rapport à l'humain. On peut contester cette analyse, mais elle exprime néanmoins assez justement l'aspect agressif du comique qui fait nécessairement un peu mal.

Le comique blesse, car il dégrade. Bien des gens se servi- ront de ce fait pour attaquer en retour le comique; on ne peut, et l'on ne doit sortir de cette problématique. La réac- tion à l'irrévérencieux blagueur fait partie de la comédie, et le public outré est aussi important que le public ravi. La loi est là qui répartit les frontières autant que possible, et le juge intervient pour rétablir les harmonies.

Pour en finir une bonne fois pour toutes, usez des blagues et n'en mésusez point. La politesse et les liens sociaux quels qu'ils soient, doivent prédisposer votre esprit au meilleur savoir-rire. Nous l'avons souligné, l'intention du blagueur est de rire. Si, clairement vous percevez que votre blague

choquera sans faire rire, rien ne vous oblige à la dire. Tout comique doit rencontrer son public, et toutes les blagues de ce livre, douées de l'innocence du rire, mais, à l'instar des discours populaires, aussi très caractérisées, ont de fortes senteurs, originales, épicées, mais que toute narine bien née ne trouvera pas forcément à son gré.

J o u e z le j e u d u r i re , s a n s t r i che r ,

il se v e n g e r a i t de v o t r e t r a h i s o n .

LES FEMMES

1. Quel est le féminin de «assis devant la télé » ? Debout dans la cuisine.

2. Quelle est la différence entre une pantou- fle et une femme? Aucune. On est bien dedans, mais qu'est-ce qu'on a l'air bête quand on sort avec !

3. Quelle est la différence entre une poubelle et une femme ? Aucune : tu les bourres toutes les deux pen- dant la semaine, mais c'est la corvée de les sortir le dimanche.

4. Pourquoi les femmes n'ont-elles pas de couilles? Parce que c'est livré avec le cerveau.

REMERCIEMENTS

- Rodolphe, notre grossiste en fruits et légumes, grand pourvoyeur en blagues fraîches ramenées directement de Rungis,

- Marco, source inépuisable de blagues en tous genres,

- Jean-Marc, qui rend toutes les blagues, même les moins bonnes, totalement hilarantes par son savoir narratif,

- Did Gouern'ch, pour ses multiples histoires et son talent particulier lorsqu'il raconte Roger le Pêcheur,

- Ricou Kéribiniou, qui a plus d'une vaseuse dans son sac,

- Mon Bruno préféré, avec ses blagues pas piquées des vers,

- Fred B., As de l'Internet pour ses recherches fructu- euses,

- Alexandre d'Egypte, Zazouille La Fripouille, Nanette Bigoudoun, Guevel and co, Joe Laborde, J.B., Cricaillasse, Bernardo, Sabinou.

Cet ouvrage a été imprimé sur presse Cameron

par à Saint-Amand-Montrond (Cher)

en avril 1998

- N° d'impression : 982387/1. - Dépôt légal : mai 1998.

Imprimé en France