lery et son eglise caco/1832-2001... · 2005. 8. 18. · lery et son eglise par m. l'abbé...

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LERY ET SON EGLISE par M. l'abbé Jean BERGEROÏ NOTF.S Léry passe pour une localité d'origine celtique. Il serait donc plus ancien que le bourg abbatial de Saint-Seine dont il dépendait 1 . Si la première mention de la bourgade, Lui, apparaît au milieu du xii e siècle, il est cependant vraisemblable d'avancer que, dès l'époque gallo-romaine, celle-ci existait déjà sous la l'orme d'une exploitation rurale à laquelle le propriétaire, un nommé Lirais ou Lerius, aurait donné son nom. Courtépée signale d'ailleurs qu'on a retrouvé en 1772 une médaille d'or de Théodose (379-395) 2 . En 1892, M. A. Lévèque découvrit à 300 mètres à l'est du village quatre sarcophages, tous orientés, renfermant des ossements, et pouvant dater des vm e ou ix e siècle 3 . L'un de ces tombeaux, de dimensions très réduites, se trouve au musée archéologique de Dijon 4 . Le prieuré II existait jadis à Léry, sous le vocable de saint Barthélémy, un prieuré bénédictin fondé à une époque inconnue. 11 fut accru, dit Courtépée, par les libéralités d'Odon de Saulx, de Gauthier de Beneuvre et de Jacques de Bigorne. En 1188, les deux premiers cèdent le village à l'abbaye de Saint-Seine par dépendances : quatre métairies, une huilerie, une usine à foulon, un moulin « sur un ruisseau qui a sa source, à la Douix » et tombe dans l'Ignon, Jacques de Bigorne en 120(1 lui cède ses fonds. En 1240, Robert III, évoque de Langres, ayant reçu la démission de Jean I er , abbé de 1. Selon l'abbé Dcnizot, dans son Eneyclop. manusc. des uilles cl villages de la C.-d'Or, art. Léry (Biblioth. îminicip. Dijon, ms. 172!)). 2. Descripl. du duché de. Bourgogne, 2° Éd., t. IV, p. 274. 3. Mém. Comm. Anliq. C.-d'Or, t. XII (1889-1895), p. r.xxiv. A. 2f>l du catalogue de 1894.

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LERY ET SON EGLISE

par M. l'abbé Jean BERGEROÏ

NOTF.S

Léry passe pour une localité d'origine celtique. Il serait doncplus ancien que le bourg abbatial de Saint-Seine dont il dépendait 1.

Si la première mention de la bourgade, Lui, apparaît au milieudu xiie siècle, il est cependant vraisemblable d'avancer que, dèsl'époque gallo-romaine, celle-ci existait déjà sous la l'orme d'uneexploitation rurale à laquelle le propriétaire, un nommé Lirais ouLerius, aurait donné son nom. Courtépée signale d'ailleurs qu'ona retrouvé en 1772 une médaille d'or de Théodose (379-395) 2.

En 1892, M. A. Lévèque découvrit à 300 mètres à l'est du villagequatre sarcophages, tous orientés, renfermant des ossements, etpouvant dater des vme ou ixe siècle 3. L'un de ces tombeaux, dedimensions très réduites, se trouve au musée archéologique deDijon 4.

Le prieuré

II existait jadis à Léry, sous le vocable de saint Barthélémy,un prieuré bénédictin fondé à une époque inconnue. 11 fut accru,dit Courtépée, par les libéralités d'Odon de Saulx, de Gauthierde Beneuvre et de Jacques de Bigorne. En 1188, les deux premierscèdent le village à l'abbaye de Saint-Seine par dépendances :quatre métairies, une huilerie, une usine à foulon, un moulin « surun ruisseau qui a sa source, à la Douix » et tombe dans l'Ignon,Jacques de Bigorne en 120(1 lui cède ses fonds. En 1240, Robert III,évoque de Langres, ayant reçu la démission de Jean Ier, abbé de

1. Selon l'abbé Dcnizot, dans son Eneyclop. manusc. des uilles cl villages dela C.-d'Or, art. Léry (Biblioth. îminicip. Dijon, ms. 172!)).

2. Descripl. du duché de. Bourgogne, 2° Éd., t. IV, p. 274.3. Mém. Comm. Anliq. C.-d'Or, t. XI I (1889-1895), p. r.xxiv.A. N° 2f>l du catalogue de 1894.

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LÉKY ET SON ÉGLISE 223

Saint-Seine, au retour de Terre sainte, lui assigna le prieuré deLéry et des droits appartenant à l'abbaye à Échalot et à Salives 1.

L'abbé Denizot2 rapporte que le prieuré de Léry aurait été,dans le principe, une abbaye de filles. Dans ce cas il aurait bien existéavant 1240. Et, cette année-là, il n'aurait fait que changer de des-tination en devenant une maison de religieux. Mais on ne peutconfirmer cette assertion par des preuves.

D'autre part, dans un manuscrit déposé à la Bibliothèque mu-nicipale de Dijon :!, Coitrtépée dit que « Jacques de Bigorne etSybille, sa femme, donnèrent à l'abbaye de Saint-Seine in eleerno-sinam tout ce qu'ils possédaient à Léry in hominibus. Jacques deBigorne reçut pour cela de l'abbaye 600 livres, sa femme 4 natteset Guy de Saulx, seigneur suzerain, 400 livres pour avoir allouécette aumône ». Un peu plus loin : « M. l'abbé de Saint-Seine n'aplus à Léry que la haute justice *, la nomination au prieuré et dela cure à portion congrue de 500 livres. Il y possédait du tempsdes princes de Condé quelque chose, entre autres une portion dedîmes qui fut échangée avec le cuisinier et qui est remise à la menseconventuelle des religieux qui y possèdent en outre beaucoup debois. Le prieur a le reste à la charge de payer la portion congrueau curé. Les métairies appelées Grand Vallée5, la Couloire6, laMaison Blanche 7 et le Crot du Pommier 8 dans le vallon au sud-ouest de Léry qui descend à La Margelle qui est au midi, sont dela paroisse de Léry. Le prieuré du Cartier 9 (sic) de N.-D. du Val(dit le Cartier) est un prieuré démembré de l'abbaye du Val-des-Choux. Il y avait autrefois plusieurs religieux, aujourd'hui unemaison seulement, les Granges, le tout à la nomination du Roy.M. l'abbé de Grinian est le 3e nommé par le Roy. Auparavant,les moines l'y nommaient. L'église est fort bien. II y a de grandsdébris de bâtiments. Il vaut environ 3.000 livres dépendant dela paroisse de Léry ».

1. Cf. MIGNARD, Hisl. des fondai, rclig. du baill. de la Montagne, dans Mém.Cotnm. Aiiliq. C.-d'Or, t. VI (1861-1804), p. 22G.

2. Op. cit.;{. liecue.il de pièces Mslor. sur les princip. lieux de Bourgogne, fds Baudot,

ms. 1005, année 1775.I. l.c prieur en avait la moyenne et la basse.

!>. Actuellement sur la commune tle Poiseul-la-Grange.(i. Ibid.7. Ibid.

8. Actuellement sur la commune de Lamargelle.!). I.e Quartier ou le Val-Duc, actuellement sur la commune de Salives. Les

Granges (levaient Être situées à 1 km. au nord-ouest du prieuré, à l'emplacementde l'actuelle ferme du Quartier.

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224 JEAN BEUGEROT

Ecarts cl dépendances

Les Me.urge.rs, ferme, au sud-est, à plus de .'5 km., près de la rivièrede Léry ; le Chameau ou Chamol, à I km. à l'est, l'orme détruitevers 1900 ; le Moulin du Dessus ou de Bolard, tout près du village.

Courtépée parle de quatre métairies. Quelle est cette quatrième ?S'agirait-il des deux localités suivantes qui ont aussi disparu :la Granoe de Villers ou de Velars, citée dans les rôles de feux duChâtillonnais en 1375 ? Ou le Moulin du Bas, démoli vers 1845 *. ?

On sait aussi, par une charte de 1226, qu'il existait une léproserieà Léry.

Charte, d'affranchissement

Les habitants de Lérj' furent bénéficiaires au môme, titre queles autres habitants de la terre de Saint-Seine de la charte d'affran-chissement, ou plus exactement charte de grâce, donnée par l'abbéJean de Jaucourt le 17 mars 1324. «L'abbaye, dit .1. Garnier 2,succombait sous le fardeau de dettes contractées à la suite delongs désordres. Elle fut contrainte, d'accepter les offres que luifirent les hommes do sa terre, de les gratifier de ces franchises dontnombre de communes qui les avoisinaient jouissaient déjà depuislongtemps... Les habitants de Lamargelle, de Léry et de Krénoisqui prétendaient se soustraire à l'obligation de faire guet, et gardeau château de Lamargelle et de contribuer aux menus omparements,y lurent astreints de plus fort. ». Une copie d'une sentence arbitraledu 1(> juin 1502 existe aux archives communales de Lamargelle.

Le château

D'après l'abbé Dcnizot 3, « Lciiet, grand prieur du Val des Choux,rebâtit la maison, le colombier, avec un bel enclos dans la der-nière partie du XVII0 siècle. En 1710, elle revint à l'abbaye de Saint-Seine et depuis 1758 elle fut possédée par D. Jean Husson, bé-nédictin ».

Il s'agit donc du château de Léry qui fut acquis à la Révolutionpar Philippe de Blic, lieutenant-colonel au 48e Régiment d'in-fanterie (ci-devant régiment d'Artois).

Après son retour de Saint-Domingue et la liquidation de sa re-traite Pli. de Blic s'était installé dans le château de Léry, avantd'aller habiter celui d'Échalot dont sa femme Elisabeth de Chasse-

1. D'après l'abbé Denizol, op. cil.2. Chartes de communes cl /l'affranchis, en Bourgogne, t. I l , p . 447 e t '157.3 . Op. cit.

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LÉHYIÎT SON ÉGLISE 225

nay était propriétaire et dont sa belle-mère, la comtesse de Chasse-nay, avait la jouissance comme usufruitière.

A la mort de celle-ci, il vendit le château de Léry, mais les registresde la commune conservent encore son souvenir. Ils mentionnenten effet que « Philippe Deblic l'ut nommé agent de la communede Léry par 3(5 voix sur 50, le 17 brumaire, an IV ».

Puis le château appartint à M. Lévèque, ensuite à M. de Marx,bourgmestre de Bruxelles. M. Puiségur en est aujourd'hui pro-priétaire.

lues prieurs

Nous avons déjà mentionné Jean Ier, abbé démissionnaire deSaint-Seine, établi à Léry en 1240.

Pierre de Lux;/ (ou de Luzy), originaire du Nivernais, fut inhumédans l'abbatiale de Saint-Seine. Sa tombe, relevée en 1882, présente,dans une arcature trilobée entre deux anges thuriféraires, un per-sonnage les mains jointes, vêtu de la tunique courte des clercsséculiers dont il a aussi la chevelure. A ses pieds, chaussés de bro-dequins pointus, est un lévrier. Dans le champ deux écus che-vronnés de six pièces. Autour de la pierre on lit en latin l'inscriptionainsi traduite : .< Moi, frère Pierre de Luxy, je crois que mon Ré-dempteur est vivant et qu'au dernier jour je surgirai de la terre.Mort le 21 mai de l'an du Seigneur 1342 ' ».

Pierre de Blignij, prieur au xive siècle ; Edme Roffey, prieuren 1560; Thibaud Degand, prieur en 1571 ; Frère Péricard, prieurséculier commandataire, puis évoque d'Angoulême en 1654 ; Louisde Peslinieti-Ciwillfi, prieur de 1697 à 1710; Philippe Lenet, alorsgrand prieur du Val-des-Choux, qui rebâtit la maison commeon vient de le dire et qui rentra à Saint-Seine en 1710. HuguesCadier, prieur en 1710 ; Jean Husson, prieur de 1758 à 1778 2

et qui auparavant avait été religieux de Saint-Basle, près de Reims.

Les curés

Entre temps, la paroisse est elle-même desservie par un curé.Le premier connu, Pierre Maignanl, est cité en 1516. Viennentensuite : Claude Robelol, curé en 1560; Barthélémy Refroignelet Toussaint Bourcerel, vicaires en 1560''; Constantin Buisson,

1. V. ce que H. CHABISUI' dit à propos tic cette tombe clans sa Monographiede l'église de Si-Seine (Mém. Comm. An/à/. C.-d'Or), t. XI, 1885-1888, p. 149.

2. D'après le Fonds Debric, s\ la Biblioth. muiiicip. tic Dijon. Aug. RIVET.clans un article du Bien Public du 21 mai 1928 dit cependant qu'en 1758. leprieuré est possédé par Do m .1. HUKSOII, bénédictin jusqu'à la Révolution.

',i. D'après le Fonds Debric, op. cil.

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22(5 .1KAN UIïlUiEHOT

curé de 1B02 à 1652; Chevallier, curé de sept 1G52 à 1678; Sau-leret ('?), curé de janv. 1679 à 1686; J.-B. Nolin (né à Châtillon-sur-Seine), curé de janv. 168G à 1702; Bénigne Jiobel (né à Saint-Seine), curé de 1702 à 1736 ; Candie* curé de mars 17156 à 1755.

Des suivants, Jacques et Antoine Petit, curés de mars 1755 à 1777,leur successeur, N. Beaufort dit ceci dans une notice manuscriteconservée aux archives de la paroisse de Léry l : «On conserveencore le souvenir des deux frères qui ont occupé la cure de Léryavant M. Couturier. C'étaient les messieurs Petit qui se sont succédéset dont le dernier a fait construire le presbytère tel qu'il existe,c'est-à-dire composé de quatre chambres. Plusieurs vieillards dé-plorent encore le temps où une heureuse liberté jointe à la puretéet à la simplicité des mœurs, permettait à leur pasteur, qu'ils ai-maient et qu'ils abordaient comme un père, de prendre part à leursinnocentes récréations. Chaque dimanche, rigoureusement observé,entre la messe et les vêpres, le pasteur vénéré allait disputerd'adresse avec ses paroissiens sur la place qui avoisine l'église,près de la croix, en jouant aux quilles... ».

Jean Couturier. Ancien jésuite, érudit de valeur, l'abbé Cou-turier succéda aux frères Petit, de novembre 1777 à 1799. Il a laissédans la région un souvenir durable et l'éditeur de ses œuvres,V. Lagier, a fait élever dans l'église de Léry un monument à samémoire.

Il naquit en 1730 à Minot (Côte-d'Or) où son père était notaireet son oncle curé-doyen. Dès son enfance, il montra des dispositionset une vertu supérieures à son âge. On l'envoya à Chalencey pourapprendre les premiers éléments du latin, puis au collège de Langrestenu par les Jésuites, enfin au collège des Godrans, à Dijon, où ilétudia la philosophie.

Il entra dans la Compagnie des Jésuites presque aussitôt et en1751, à peine âgé de 21 ans, il fut envoyé à Langres pour y professerla réthorique. Il professe peu après à Verdun, à Pont-à-Mousson,à Metz, enfin à Nancy où la mort du roi Stanislas lui fournit l'occa-sion et le sujet de pièces d'éloquence et de poésie.

C'est à Nancy que le surprit l'édit qui supprima la compagniedont il faisait partie. Il revint alors dans sa famille. On le voit ensuiteà Paris précepteur de deux jeunes seigneurs étrangers. Appelépar l'évêque de Soissons, il est nommé chanoine de Saint-Vaast.Mais la sévérité de l'édit porté contre les Jésuites l'oblige à revenirdans sa province. Il y fut presque aussitôt nommé curé de Léry,en 1777, où il signe son premier acte dans les registres paroissiaux,

1. Registre relié. Cette notice a dû être écrite pendant que l'abbé Beaufortétait curé de Léry, vers 1840.

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LÉJUY ET SON ÉGLISE 227

le 1er novembre de celle année. A l'époque le village constituaitune petite paroisse à portion congrue, de 40 à 50 feux. C'est là qu'ilcomposa bientôt son fameux catéchisme dogmatique et moral quieut de multiples éditions1. Doué de beaucoup d'esprit, il savaitallier la piété avec la plus franche gaîté.

Le 7 lévrier 171)0 il fut élu notable. Cependant, ayant refusé deprêter sans restriction h- serment de la constitution civile du clergé,il lut obligé de quitter sa paroisse et de se rendre à Dijon où sonTige le dispensa de la déportation mais non de la prison où il restadeux ans. La chute de Robespierre le libéra. En lévrier 1795, il rentradans sa paroisse. Le registre des délibérations de la commune porteque le 20 prairial, an NI (8 juin 1705) «s'est présenté le citoyenJean Couturier, ministre du culte catholique, pour exercer lesfonctions de ce culte dans la ci-devant église de la commune duditLéry ». Kt le registre ajoute : «Considérant qu'il est accordé auxcommunes l'usage de ses édifices et qu'en conséquence tout citoyenpeut y exercer le culte, la liberté en étant permise dans toute laRépublique... sur quoi ledit citoyen Couturier ayant déféré à l'in-vitation qui lui a été faite s'est soumis aux lois de la République,en ces termes : « .Je déclare que je me soumets... civilement et entout ce qui pourra s'accorder avec la liberté des opinions religieuseset j'en demande acte... ». Se réservant ledit conseil d'en référeraux autorités constituées. Signé : Couturier, prêtre catholique ».Le 7 fructifor an III (24 août 1795) se présente de nouveau «lecitoyen Jean Couturier, ministre du culte catholique, apostoliqueet romain dans l'étendue de cette commune, et a requis qu'il luisoit décerné acte de sa soumission aux lois de la République ».

Cependant, il fut forcé de cesser une seconde fois tout culte publicet de se cacher. Il ne survécut pas à ce nouveau chagrin et revintmourir à Léry, le 22 mars 1799, après avoir reçu les derniers secoursde la religion de son frère, curé de Salives, dont il partageait laretraite.

Dans un manuscrit de la paroisse on lit ces mots : « Son mar-guillier déposa son corps dans le cimetière de la paroisse, au milieudes larmes et des sanglots de tous les habitants. Cet homme, appeléLouis Morisot et mort en 1859, se plaisait à ni'entretenir de sonvénérable pasteur qu'il regardait comme un saint et jamais il nem'en parlait sans que les larmes lui vinssent aux yeux. Après lamort de Jean Couturier, Jacob, son frère 2, quitta la paroisse deSalives pour venir à Léry. Il n'y resta que deux ans. La mort lui

1. V. dans colle de 1825, la notice qui lui a été consacrée par son éditeur.2. .hicol) Couturier fut député ntix Ktals Généraux pnr le clergé de ChiUillnn,

en 17<Si). On lui oIVrit l'épiscopat qu'il refusa. 11 mourut en 1805.

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228 .I15AN BËRtiKHOT

ferma bientôt les yeux. Il fut inhumé à côté de son frère... on con-serve à la cure l'os d'un des bras de M. Couturier ». Il n'existe actuel-lement nulle trace de cette relique 1.

L'abbé Charvel fut le premier curé nommé après la Révolution,en 1805. Le 9 février 1806, la commune prend la délibérationsuivante : « Le traitement à proposer à M. Charvet, prêtre-curé,pour remplir les fonctions de desservant dans ladite commune,considérant le peu d'aisance des habitants et connaissant d'ailleursla volonté bien prononcée dudit Charvet de n'accepter qu'unesomme très modique, fixe son traitement à 240 fr. et 24 mesures defroment ».

En 1808, Léry était desservi par le curé de Poiseul-la-Grange.Nommé curé du village en 1831, l'abbé Bernard fit plusieurs

acquisitions importantes pour l'ornement de l'église : un dais,un ostensoire, des burettes en argent et des vases pour les SaintesHuiles. Il quitta Léry pour Saint-Julien.

Son successeur Nicolas-Etienne Beau/orl, nouvellement ordonnéprêtre, lui succéda le 11 juin 1838. Il a laissé un inventaire dumobilier de l'église. Il occupait ses loisirs en instruisant des élèvesdont le plus illustre fut certainement Etienne Sonnois, le futurarchevêque de Cambrai 3. Il quitta la cure en 1844.

Citons encore l'abbé Corneuillot, de juillet 1851 à 1858, puisl'abbé Groley qui fut le dernier curé résidant (oct. 1858 à 1876).

Léry fut ensuite desservi par le curé de Lamargelle, puis en1906 par le curé de Moloy et de nouveau par les curés de Lamargellejusqu'à nos jours.

Personnages illustres

Milo de Léry, maire de Dijon en 1400; Guy de Léry, 22e abbéd'Ogny en 1409 ; Jean Richard, né à Léry, curé de Notre-Dame deDijon en 1450, plus tard scelleur de Langres 3 ; Orième Edme, néà Léry en 1696, curé de Vignory en 1721, mort en 1725 * ; Humberlde Léry en 1770 5 ; Jean de Léry, savant protestant, né à Lamargelleen 1554, auteur entre autres du Voyage au lïrésil6; FrédéricLénctjitc,né en 1829, docteur en droit, procureur de la République, députéà la Chambre législative.

1. Sur Jean Couturier voir aussi l'article que lui a consacré l'abbé Dcnizol,dans son Encyclopédie manuscrite, op. cit. (art. Couturier), notamment sur sesrapports avec Volfius dont il était l'ancien condisciple et ami.

2. Cf. G. CHEVALLIER, Vie de Mgr Sonnois, Masson éd., p. 30-31.3. Fonds Debrie, op. cil.4. Ibid.5. V. note d'A. RIVET, dans le Bien Public du 18 mars 1929.6. Réédité par Payot en 1927.

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U C I S Y E T S O N K d l . l S K 229

Monuments

A pari l'église dont il sera parlé plus loin, il existe devant celle-ci,dans le cimetière, une croix en pierre avec figure de la Vierge d'uncôté et saint lîailliéleniy supplicié de l'autre. Elle repose sur unsocle rectangulaire et sur un lût octogonal avec lutrin l'ace à l'église,(l'est auprès de cette croix qu'ont été inhumés les frères Couturier,sous une dalle flanquée de quatre acrotères. Une autre croix sedresse sur la place de l'église : un saint personnage est agenouillésur un cul-de-lampe, les yeux fixés sur le Christ '.

Dans la rue principale, un Dieu de Pitié (xvie siècle) est encastrédans un mur.

Des bâtiments prieuraux existent encore, notamment une maisonvoisine de l'église appartenant aujourd'hui à AL 11. Petitjcan,ainsi que sa grange dite « grange du dîme », toutes deux datant de1(>I1. D'autre part sept croix, de la même époque, se dressenttoujours sur le territoire de la paroisse.

A signaler également quelques statuettes dans des niches demaisons.

Population

D'après .Iules-Marc2 on recense :

en 1376 1.3 l'eux i [ 65 habitants- 1381 25 feux f soit en \ 125 —

1390 15 Ceux multipliant ; 75- 1-100 13 feux l par 5 / 65- 1421 14 feux ] ! 70

D'autre part on compte :

en 1766 58 feux ou . . . . 290 habitants1790 66 électeurs actifs

- 1818 119 —1860 3221892 201 —1950 120 —

Dans une chanson du x m e siècle3, un abbé, dit «le boa abbél'once ou Poinsoii », veut faire ravager Léry. En voici un extrait :

1. Ces deux croix du xvi° siècle, ont clé inscrites sur l'inventaire des monu-ments historiques le 20 mai 1920.

2. Contribution à l'élude du Régime féodal su/1 le domaine de l'abbaye de Sailll-Seinc, Larose, 18!)0.

.'i. Publiée par A. LONONON, dans le Hiillel. d'Iiisl. relitf. du tlior. de Dijon,190.1, fasc. du 13 août..

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2 3 0 .IlïAN UEHCilïMOT

1 De la processionAu bon abbé PoinçonMe covient à chanter

81 Li Loichars de Preiugci ]

Vint devers Pelerey 2

Par mi Viiemurvi : :i

Nosti'e abbes li niandey.;>5 Que destruisist Lerey

E t si non lessesl mi :E t il a tout saisij usc| ues vers Pelerey ;Ne Fraigiloy 2 ne Policey 2

40 Ne inist pas en obli

11

L'ÉGI.ISK

Une première mention de l'église a été faite par X. Fétu dans-son Répertoire archéologique ell. 1872 4. Cette notice n'est pas sanserreurs.

Le 18 juin 1924, dans une courte communication à la Commissiondes Antiquités de la Côte-d'Or 5, M. E. Fyot a également parlé dece monument. Sa relation comporte aussi quelques inexactitudes,dues sans doute à une rédaction défectueuse du compte-rendu.On y parle notamment d'« une vieille église dont la tour carréerappelle le xne siècle ».

Cette tour, d'allure romane, évoque en effet le xne siècle. Maisle transept, sur la croisée duquel elle repose, est couvert devoûtes d'ogives dont les nervures retombent sur des culots :l'ensemble paraît dater du xm e siècle. Le transept est séparéde la nef par deux énormes piliers carrés à simple chanfrein.La voûte du chœur est en berceau brisé avec un arc-doubleau platà chanfrein qui repose sur des culots : elle est contrebutée par descontreforts extérieurs.

La voûte de la nef est de toute évidence plus récente. Elle se

1. Les gloutons de Prangcy (Htc-Marnc).2. Pellerey, Frénois, Poncey-sur-l'lgnon, canton de Salnt-Seine-l'Abbnye.3. Villemervry (Hte-Marne, canton d'Auberive).I. Voies romaines du départ, de la C.-d'Or cl lîéperl. archêol. des m rond, de

Dijon el de Beaune, publics par la Commission des Antiq. de la Côte-d'Or,1 volume, Dijon, Lamarche, 1872, col. 129.

5. V. Heg. des procès-verb. des séances de In Connu, des Antiq. du 21 niai1924 au 21 juin 1931, p. 9.

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a.a.G. Grèmaud de/.

ÉGLISE DE LÉRY

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présente en simple berceau avec contreforts également. La porteparaissant dater du début ihi xvic siècle, on peut avancer quela net' est vraisemblablement de la même époque.

Le toit qui recouvre les deux côtés du transept et qui s'appuiesur la tour du clocher a été notablement rehaussé. M. Peniot,entrepreneur, découvrant la partie nord du transept lors des ré-parations de 1951, a mis au jour un cordon qui fait le tour du clocheret qui est à 75 cm. environ au-dessous du niveau actuel du toit.Si l'on considère que la voûte de la nef a été, elle aussi, construitenotablement plus haut que Je transept, on doit conclure que l'église,dans son état primitif, devait avoir un aspect beaucoup plus dégagé.

Le clocher neuf, construit à grands frais devant la porte de lanef en 1873-1871, défigure complètement le monument.

Jhite de construction

On trouve au fonds de Saint-Seine, aux Archives de la Côte-d'Ordeux liasses concernant Léry 1. On y vo:t plusieurs expertises etreconnaissances de bâtiments prieuraux, mais jusqu'à présent,je n'ai pu mettre la main sur aucun document concernant l'égliseelle-même (qui était à la l'ois prieurale et paroissiale) et permettantd'en dater avec précision la construction.

On en est donc réduit aux hypothèses, celle-ci entre autres deM. G. Grémaud, qui a étudié le monument avec nous et en a levéle plan. 11 semble que Jean 1er, abbé de Saint-Seine démissionnaireà qui fut attribué le prieuré de Léry, ait été un personnage assezimportant. On sait d'autre part, par une charte de 1266, qu'ilexistait une léproserie à Léry. Le village paraît donc, avec sonprieuré, avoir eu à cette époque, sous l'impulsion de son nouveauprieur, une place non négligeable dans l'histoire de l'abbaye. Neserait-ce pas précisément ce prieur qui aurait fait construire l'église,du moins le chœur et le transept ? Les fonds manquant, ou pourtoute autre cause, la nef primitive n'aurait été recouverte que d'unplafond en bois, comme le sont encore plusieurs églises de la région(Pellerey, par exemple).

Dans cette première hypothèse, on pourrait avancer la datede 1250 environ, ce qui correspond bien à l'examen critique dumonument.

Un autre prieur important de Léry fut Pierre de Luxy, prieurcommandataire, mort en 1342, dont la pierre tombale, comme nousl'avons dit, est visible à l'église Saint-Seine où il fut inhumé. Dans

1. II 390 et 391.

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LÊHY ET SON KUIJSK 2'A'A

ce cas, il faudrait placer la construction fies parties anciennes auxiv° siècle. Cela peut-il se concilier avec l'allure archaïque duclocher ? Nous en doutons. [Ln l'absence de documents écrits queque l'on peut espérer retrouver un jour, rien ne nous permet doncde conclure avec certitude.

Mobilier

L'autel, placé contre le mur du fond du choeur, forme un toutavec l'immense retable en bois sculpté qui garnit ce mur. Des co-lonnes doriques, des angelots, des pendentifs de grappes de fruitssculptés en puissant relief encadrent trois niches contenant lesstatues en bois, du même style, de saint Pierre et de saint Paul,de part et d'autre de saint Barthélémy, patron du lieu. Ce retable,qui daterait du xvine siècle, ne manque pas de caractère etmériterait un classement.

Comme autres sculptures, citons un saint évoque et saint Sé-bastien dans le chœur, ailleurs sainte Anne, toutes trois en pierre ;en bois : saint Biaise et deux autres retables, plus petits, ornantles chapelles du transept avec à droite la Sainte Famille, à gauchele Baptême de Jésus. A signaler aussi plusieurs bâtons de confréries :saint Barthélémy en bois doré, sainte Anne, saint Dominique,saint Biaise.

Dans la nef, à droite en entrant, on voit le cénotaphe élevé à.Jean Couturier, curé de Léry et ancien jésuite, par Victor Lagier,éditeur de ses œuvres (v. ci-dessus). L'abbé est représenté caté-chisant. Ce monument fut érigé le 24 mais 1846 en présence de septprêtres des environs.

De l'inventaire de l'abbé Beaufort en 1838, semblent ne subsisterque le calice, l'ostensoire, les croix processionnelles et une coupeen étain fort abîmée. De belles burettes avec leur plateau, en étain,provenant d'iîchalot, ont été remises à l'église il y a peu de temps.Enfin on peut voir aussi un fort beau lutrin en fer forgé.

Signalons pour terminer l'existence de quelques peintures muralesa tempera apparaissant sous le badigeon qui recouvre les murs,notamment sur le mur méridional du chœur où se distinguent deuxpersonnages et une croix de consécration. Quelques autres tracessont également visibles dans le transept.